• "L'heure de la Libération palestinienne est venue, comme est venue celle de notre propre libération aux États-Unis d'Amérique."

    Tel est en résumé le propos d'une initiative lancée par plus de 1.000 activistes new afrikans (afro-américains) après que les expressions de solidarité mutuelles et même les voyages dans un sens comme dans l'autre se soient multipliés depuis un an, dans un contexte où la violence criminelle sioniste s'abat toujours plus fort sur le Peuple palestinien (2.200 mort-e-s à Gaza l'été dernier, famille palestinienne brûlée vive par des colons fin juillet en Cisjordanie) et où la résistance des Noirs grandit au cœur de l’État impérialiste US face à la multiplication des crimes policiers - en particulier avec le cas de la ville de Ferguson (Missouri), mais depuis lors ce sont plus de 1.000 personnes qui auraient été tuées à leur tour (selon un Figaro peu suspect de "gauchisme" et d'"anti-américanisme primaire").

    On compte parmi les signataires des personnalités éminentes de la Libération new afrikan telles qu'Angela Davis ou Cornell West, Dream Hampton ou Emory Douglas (ancien ministre de la culture des Black Panthers, célèbre pour ses œuvres graphiques), les prisonniers politiques Mumia Abu-Jamal, Sundiata Acoli et Kevin "Rashid" Johnson, les rappeurs Talib Kweli, Boots Riley et Jasiri X, la co-fondatrice de Black Lives Matters Patrisse Cullors, mais aussi quelques 38 organisations comme The Dream Defenders, Hands Up United, Institute of the Black World 21st Century, Malcolm X Grassroots Movement ou encore l'Organization for Black Struggle. La déclaration établit ainsi un pont entre la génération actuelle des militants de la cause noire et ceux qui ont participé aux mouvements des années 1960-70.

    Mettant en exergue la solidarité des Palestiniens avec Ferguson, ils soulignent les échanges de délégations (Palestiniens qui se sont rendus dans le Michigan en novembre dernier et représentants de groupes tels que Dream Defenders, Black Lives Matter - Ferguson etc. qui sont allés en Palestine) et réaffirment leur "indignation, dégoût et solidarité face aux massacres de Gaza, au blocus, à la persécution de tous les Palestiniens par Israël sur l’ensemble des territoires occupés, et à leur exil forcé en Jordanie, Liban et Syrie".

    Ils soulignent également "les similitudes, même si les situations sont différentes, entre la politique d’emprisonnement massif des Noirs américains et celle des Palestiniens par l’État d’apartheid israélien" : pour le coorganisateur Khoury Petersen-Smith, "la fondation de l’État d’Israël s’est faite par le nettoyage ethnique de la Palestine et depuis, chaque jour a été porteur d’oppression et de violence envers la population palestinienne aussi bien à l’intérieur des frontières reconnues d’Israël qu’à l’extérieur" (...) "quoiqu’il y ait des différences entre Israël et les USA, nous voyons un parallèle avec un pays qui s’est fondé sur l’esclavage des Noirs et où le racisme contre les Noirs reste au cœur de la société US des siècles plus tard".

    "Les uns comme les autres, nous sommes traités de terroristes et subissons le racisme et la violence", ajoutent-ils en concluant que "l’oppression du Peuple palestinien ne serait pas possible sans le soutien constant et inconditionnel des gouvernements états-uniens, qui financent la violence d'Israël à coup de quelques 3 milliards de dollars chaque année".

    Ils appellent à participer massivement à la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement, Sanctions) lancée par la société palestinienne, centrant notamment leur dénonciation sur l'entreprise de sécurité britannique G4S qui "nuit à des milliers de prisonniers politiques palestiniens détenus illégalement en Israël et à des centaines de jeunes noirs et latinos dans les prisons privatisées pour mineurs aux États-Unis", et insistent sur le "caractère central de la la lutte de libération du Peuple palestinien pour le reste du monde et de la société".

    http://indigenes-republique.fr/1-000-militants-de-la-cause-noire-universitaires-et-artistes-signent-une-declaration-de-soutien-a-la-liberte-et-a-legalite-pour-les-palestiniens/

    On peut lire le texte intégral en anglais ici : https://electronicintifada.net/content/palestinian-liberation-key-matter-our-time-say-black-leaders/14783 ou encore ici http://www.ebony.com/news-views/1000-black-activists-artists-and-scholars-demand-justice-for-palestine-403#axzz3jGQUbDph ; traduit en francais ici http://www.aurdip.org/declaration-de-solidarite-des-1485.html

    Lire aussi (en anglais) : http://www.salon.com/2015/08/18/black_activists_send_clear_message_to_palestinians_now_is_the_time

    Voilà qui change de nos "socialistes" (le terme désigne plutôt là-bas des révolutionnaires "bien rouges"...) qui organisent des "Tel Aviv sur Seine" à Paris... Cela dit les liberals US (véritables équivalents de nos socialos), y compris afro-descendants, sont largement dans la même veine !

    De Ferguson à Gaza : contre le racisme et l'apartheid, 1.000 militant-e-s de la Libération noire aux côtés du Peuple palestinien martyr
    De Ferguson à Gaza : contre le racisme et l'apartheid, 1.000 militant-e-s de la Libération noire aux côtés du Peuple palestinien martyr


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  • Il y a 70 ans, Hiroshima et Nagasaki - le plus grand crime contre l'humanité "à la seconde" de tous les tempsIl y a 70 ans, Hiroshima et Nagasaki - le plus grand crime contre l'humanité "à la seconde" de tous les temps[Les différences dans les bilans humains viennent du fait que l'on peut compter seulement les victimes "instantanées" des deux bombardements mais aussi celles des retombées radioactives pendant des années après.]


    Eh oui, il ne faut jamais cesser de le rappeler : en ce tragique début d'août 1945, le "monde libre" qui succédait au "monde civilisé" d'avant-guerre (et qui ne cesse depuis de donner des leçons et de pourfendre le "terrorisme" et le "totalitarisme" à travers le monde) voyait le jour en tuant plus d'êtres humains en une poignée de secondes qu'aucun acte "terroriste" (même le 11 Septembre 2001) et même aucune chambre à gaz ni aucun Einsatzgruppe nazi (sans même parler des "affreux totalitarismes communistes" présentés comme les "jumeaux du nazisme"...) ne l'avait jamais fait jusqu'alors et ne l'a jamais fait depuis. Ceci afin de (prétendument) obtenir la capitulation sans conditions d'un ennemi déjà à terre ; mais aussi et surtout de montrer qui était le "patron" du nouveau monde qui naissait face à une URSS indiscutablement grand vainqueur de la guerre contre les régimes fascistes (au prix de la vie de 20 millions de ses héroïques citoyens).

    L'on peut aussi légitimement se demander, même si l'Allemagne et l'Europe occupée par elle (dont l’État français) avaient aussi subi de terribles bombardements, si une telle chose aurait pu être envisagée contre des Blancs... Hitler, s'il avait eu la bombe à temps, n'aurait peut-être pas hésité (soit contre Londres soit contre Moscou soit contre les deux). Mais c'était Hitler... et c'est précisément pour cela qu'il est entré dans l'Histoire comme la "Figure absolue du Mal" : pour avoir osé importer et appliquer indistinctement en Europe même les méthodes criminelles jusque-là réservées aux "sauvages" des colonies et "moralement prohibées" sur le Vieux Continent (à moins qu'il ne s'agisse vraiment de la pire "populace partageuse" comme lors de la Commune de Paris, ou d'un peu d'"Afrique en Europe" comme lors de l'annexion du Royaume de Naples par la nouvelle Italie unifiée).

    En carbonisant un ramassis de "chiens jaunes" (c'était le terme commun de la propagande de guerre... tandis que les nippo-américains étaient parqués dans des camps d'internement) qui, au-delà de toutes les atrocités impérialistes qu'ils avaient pu commettre (et que les communistes d'Asie - à commencer par ceux de Chine - avaient combattues valeureusement), avaient surtout commis aux yeux de l'Occident le "crime" impardonnable de se dresser contre lui, la "nouvelle Rome" US (succédant à Londres et Paris déconfits) remettait en quelque sorte le monde impérialiste occidentalo-centré "à l'endroit"...

    À lire, un article HYPER-INTÉRESSANT par rapport au mythe qui relativise ces deux crimes innommables en affirmant qu'ils auraient mis un "point final" à la Seconde Guerre mondiale :

    Ce n'est pas la bombe atomique qui a poussé le Japon à capituler

    Il y a 70 ans, Hiroshima et Nagasaki - le plus grand crime contre l'humanité "à la seconde" de tous les temps


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  • Le 2 août 1980, une charge de 23 kg d'explosifs détruisait la salle d'attente des secondes classes de la gare ferroviaire de Bologne (Romagne, État italien), tuant 85 personnes.

    Un massacre rappelant - mais en bien pire encore ! - celui perpétré 11 ans plus tôt (déjà par des éléments d'extrême-droite) sur la Piazza Fontana de Milan en décembre 1969 (16 mort-e-s), ouvrant la décennie et demi de guerre civile de basse intensité retenue par l'histoire bourgeoise sous le nom d'"années de plomb".

    Bologne était alors un bastion historique du PCI révisionniste (de fait complètement institutionnalisé et social-démocratisé avec Enrico Berlinguer), et il est probable que l'idée des auteurs et de leurs commanditaires était de faire croire à une attaque du communisme combattant ou du mouvement autonome contre celui-ci afin de "neutraliser" la gauche institutionnelle (PCI, PSI) tandis que s'instaurerait un régime autoritaire d'exception contre le "terrorisme".

    "Malheureusement" des juges "rouges" (sociaux-démocrates, révisionnistes voire de l'aile gauche de la démocratie-chrétienne... ou tout simplement intègres) mirent la main sur l'affaire et la culpabilité néofasciste ("Noyaux armés révolutionnaires" - NAR - ainsi que Terza Posizione) dans le crime fut rapidement révélée, conduisant à l'arrestation des deux auteurs matériels (Giuseppe Valerio Fioravanti et Francesca Mambro, arrêté-e-s respectivement en février 1981 et mars 1982 et condamné-e-s définitivement à la perpétuité en 1995 - ils clament au demeurant toujours leur innocence) et à la délivrance d'une vingtaine de mandats d'arrêt (mais la plupart des Chemises noires visées se carapateront, comme Gabriele Adinolfi aujourd'hui dirigeant tutélaire de CasaPound, revenant à la faveur de la prescription 15 ou 20 ans plus tard ; tandis que les arrêté-e-s seront tou-te-s acquité-e-s après quelques années de préventive).

    Il est permis de penser que pour le coup, les "stratèges" de ce "brillant" plan (ou du moins ses exécutants) aient eu la "main trop lourde" ce qui a conduit, devant l'immense émotion soulevée en Italie et dans le monde entier, à une implication sans précédent des juges débouchant (non sans des années d'investigations, de procédures... et d'obstructions de toutes parts) sur des révélations essentielles et même sur la "chute" de personnages jusque-là extrêmement puissants. De toute manière à l'époque, après la décimation du mouvement révolutionnaire par quelques... 25.000 arrestations suivies de procès-spectacles avec accusés comparaissant dans des cages, l'option d'un mode de gouvernement ouvertement antidémocratique n'était plus vraiment à l'ordre du jour pour la grande bourgeoisie transalpine. L'"air du temps" dans les pays "méditerranéens", comme déjà au Portugal et bientôt en "France", en Grèce et en "Espagne", était plutôt à la gestion "tranquille" par la... "gauche" bourgeoise de la transition vers l'ère post-soviétique de la "Fin de l'Histoire" et du "néolibéralisme"...

    Ce qui restera (et reste encore à ce jour) peu clair en revanche, malgré les éléments très importants révélés au grand jour, seront toutes les implications et les ramifications de ce crime barbare derrière les auteurs fascistes directs et jusqu'au cœur de l'"État profond" vert-blanc-rouge : seront mis en cause (du moins pour leurs manœuvres troubles de "dépistage" des enquêteurs) la Loge P2 de Licio Gelli, loge maçonnique mais également très liée à l’Église catholique, violemment anticommuniste et ne répugnant pas à travailler avec l'extrême-droite ou encore à soutenir les juntes militaires meurtrières en Amérique latine (et dans laquelle fit notamment ses premières armes un certain Silvio Berlusconi) ; ou encore des éléments des services de renseignement (notamment le SISMI, le renseignement militaire) liés à cette dernière ou au réseau "Gladio"* (réseau initialement mis en place par la CIA pour mener la "résistance" en cas d'invasion soviétique et/ou de prise de pouvoir par le PC pro-Moscou, devenu ensuite spécialiste des "coups tordus" "contre-subversifs" ; le SAC jouait un peu le même rôle dans l’État français mais avec un côté plus nationaliste/anti-américain du fait de sa ligne gaulliste)... Mais derrière, qui d'autre encore ? On ne le sait toujours pas avec exactitude.

    L'importance de ces éléments (surtout dans les années 1980) et de leur "stratégie de la tension" est peut-être parfois exagérée, certains - liés historiquement au révisionnisme pro-soviétique brejnévoïde - allant jusqu'à leur attribuer la "paternité" et la "manipulation" de l'immense mouvement communiste révolutionnaire de l'époque, mais leur noyautage de l'appareil étatique et des cercles d'influence était néanmoins certain et suffisant pour justifier que l'enquête ne "creuse" pas plus avant. Le Président du Conseil de l'époque, le démocrate-chrétien Francesco Cossiga, fera notamment tout son possible pour entraver son déroulement normal, commençant par nier le fait même d'un attentat (la fameuse "explosion de chaudière" invoquée et relayée par la presse dans les premières heures) et revenant même à la charge 15 ans après, dans les années 2000, avec la ridicule thèse d'une action du... FPLP ("piste palestinienne" qui sera alors alimentée et montée en épingle par Berlusconi, historiquement membre de P2 et proche de Gelli comme on l'a dit). Parallèlement, les tentatives de "gonfler" le rôle de Terza Posizione (quitte à fabriquer des "preuves") pour protéger les vrais instigateurs finiront par être mises en lumière et conduiront à l'acquittement "au bénéfice du doute" des inculpés de cette organisation...

    Mais enfin, quoi qu'il en soit et quelles que soient les contradictions internes à la bourgeoisie que ce genre d'acte peut révéler, le massacre de Bologne montre le vrai visage et de quoi est capable notre ennemi et nous enseigne que la guerre révolutionnaire implacable est la seule voie de la libération du Peuple.

    Les camarades de Quartiers Libres ont consacré à l'anniversaire de ce sinistre évènement leur dernière "séance du dimanche" (avec un récent film en italien, la Linea Gialla, "franchement moyen mais ayant le mérite d'exister et de poser les bonnes questions") :


    Séance du dimanche. 2 août 1980, attentat de la la gare de Bologne


    Au sujet de ce terrorisme d'extrême-droite et de ses liens avec les réseaux "stay behind" du "monde libre" dans le contexte de la Guerre froide, voici trois  documentaires : 



    Le scandale des armées secrètes de l’OTAN. (docu.) par stranglerman



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  • Servir le Peuple a depuis toujours assumé (parmi les maoïstes) une position "hétérodoxe" au sujet de Cuba, considérant que nous ne sommes plus au temps de la "petite Guerre froide" sino-soviétique (celle qui considérait l'URSS comme la plus nocive et dangereuse des deux superpuissances mondiales, vision profondément erronée au regard de son effondrement quelques années plus tard, et a notamment pu conduire la Chine populaire à soutenir Mobutu, l'UNITA angolaise, le général Eanes au Portugal etc. etc.) ; une position tranchant conséquemment avec celle de la plus grande partie du mouvement à travers le monde.

    Nous reconnaissons que l'expérience révolutionnaire cubaine a commis de grandes erreurs et ne peut pas à l'heure actuelle (pas plus qu'elle ne pouvait réellement dans les années 1980, par exemple) nous servir de modèle absolu ; mais nous avons aussi écrit (et assumons) qu'elle est à nos yeux "la moins ratée des expériences révolutionnaires où les communistes (ceux de 1956, très faibles théoriquement et peu nombreux, plus les éléments dans la Sierra Maestra, à commencer par le Che) et le mouvement ouvrier et paysan organisé se sont placés sous la direction de la bourgeoisie nationale progressiste (qu'incarnait le Mouvement du 26 Juillet) ; les exemples négatifs étant légion (Algérie, Syrie, Congo-Brazzaville ou Zimbabwe, amenant le règne de cliques antipopulaires ; Indonésie amenant au massacre de 1965-66, Chili de l'Unité populaire, etc.)". Nous ne partageons pas les tirades de certains éléments, issus notamment de la décomposition du maoïsme péruvien (lui-même historiquement très hostile à Cuba en raison de son soutien à la junte militaire "progressiste" de Velasco Alvarado dans les années 1970), pour qui la problématique se résume à "les frères Castro sont des chiens fascistes"...

    L'histoire récente à suffisamment montré qu'aborder le problème d'une expérience révolutionnaire ayant dévié de ses buts communistes (étant tombée dans le révisionnisme) nécessite une grande prudence et une grande profondeur d'analyse ; et certainement pas d'appeler au type de révolution que l'on mènerait contre un régime fasciste - à ce jour, à vrai dire, il n'existe pas d'exemple de révolution anti-révisionniste réussie ; tous les soulèvements populaires dans ce paradigme-là n'ayant conduit qu'à la restauration du capitalisme "pur et dur" à l'occidentale (et généralement sous domination occidentale) avec son lot d'immenses souffrances pour des masses populaires "regrettant", dès lors, le "paradis perdu" révisionniste. Il n'y a donc pas de place pour les raisonnements "grosse gueule" et l'imbécilité*.

    Ce processus de dégénérescence des révolutions et de restauration progressive d'une société inégalitaire (au lieu d'avancer vers le communisme, c'est-à-dire la disparition de tout inégalité et hiérarchie sociale), nous l'avons en vérité déjà analysé et ce n'est pas (en réalité) une question de prendre untel ou untel et de lister ceci ou cela qu'il a pu dire (ou ne pas dire) d'"erroné", "opportuniste" etc. etc. (chercher à "piéger le révisionnisme au détour d'une formule" disait Lénine) ; tout ceci n'étant que la traduction dans la pensée du problème.

    Le vrai fond du problème c'est que :

    1°/ La révolution ne peut se faire sans Parti révolutionnaire, sans avant-garde (n'en déplaise à ceux/celles qui s'imaginent que leur organisation anarchiste ou leur syndicat révolutionnaire ou leur squat autonome/autogéré, autrement dit leur groupe de personnes ayant compris avant les autres qu'il faut faire la révolution, n'en est pas une) ;

    2°/ Ce Parti révolutionnaire d'avant-garde, tout en étant indispensable, ne peut pas être "pur" et "parfait" (bien qu'il s'efforce au quotidien d'être le "meilleur" possible). Les individus qui le composent "viennent" du capitalisme, sont nés et ont toujours vécu dans une société capitaliste, et en portent les stigmates dans leur conception du monde. Il est d'autre part impossible d'éviter que le Parti, se constituant au sein de la société capitaliste (pour justement renverser celle-ci), ne compte pas en son sein des opportunistes c'est-à-dire des personnes pour qui la révolution n'a pas pour but de SERVIR LE PEUPLE, d'émanciper les exploités et les opprimés, mais simplement de remplacer les anciens dominants par... eux-mêmes, se faisant nouveaux "patrons". Pour bien montrer que ce n'est pas une question de dire ceci ou cela, le discours de ces personnes peut être "modérantiste", "possibiliste", "conciliateur avec le capitalisme" etc. etc. mais aussi (très souvent !) ultra-radical, "plus révolutionnaire que moi tu meurs", allant jusqu'au traitement des contradictions au sein du peuple comme des contradictions avec les ennemis du peuple (autrement dit fusiller tout le monde pour un oui ou pour un non), jusqu'à se révéler finalement pour ce qu'elles sont : des néo-bourgeois, de nouveaux maîtres. Puisque ce que veulent ces personnes n'est pas l'abolition de la société de classes mais le remplacement d'une classe dominante par une autre (eux-mêmes), l'on peut oser un parallèle avec la Révolution bourgeoise "française" (qui consistait précisément en cela) et l'on se rend alors compte qu'effectivement, de part et d'autre de l'idéaliste égalitaire rousseauiste (et idiot utile) Robespierre, ces révolutionnaires bourgeois qui voulaient prendre la place de l'aristocratie et de la haute bourgeoisie aristocratisée d'Ancien Régime et qui allaient devenir les thermidoriens une fois la tâche accomplie (menace contre-révolutionnaire conjurée, bourgeoisies de province matées et rébellions paysannes écrasées) pouvaient certes tenir pour certains (Danton) un discours "modéré", mais aussi pour d'autres (très souvent) un discours ultra, "guillotineur à outrance", "impitoyable avec les ennemis de la Liberté" etc. etc. avant de devenir les plus grands réactionnaires (thermidoriens et bien souvent bonapartistes) qui soient - les Fréron, Tallien, Fouché, Barère, Dumont etc. etc. Un phénomène revu à l'identique en URSS après la mort de Staline !

    3°/ En reflet et parallèlement à cela, la révolution elle-même ne fait pas régner l'égalité absolue et le communisme du jour au lendemain : elle n'est que le point de départ d'un long processus, d'une longue transition vers le communisme (négation du capitalisme par le communisme) que les marxistes appellent socialisme. Et la veille de ce point de départ régnaient le capitalisme et la société de classes, et cela depuis des siècles : c'est dire si toute division du travail et hiérarchie que ceci suppose, toute idée/conception réactionnaire issue du capitalisme voire de la féodalité, tout rapport social inégalitaire ne "disparaît" pas ainsi comme par enchantement (il s'agit, précisément, de lutter pour les faire disparaître !) et "marque" la société pendant encore des dizaines et des dizaines d'années ;

    4°/ Le processus révolutionnaire socialiste est par nature et du fait de ce qui vient d'être dit confronté à des difficultés colossales ; non seulement parce que tout le monde (anciennes classes dominantes du pays en question et classes dominantes étrangères toujours au pouvoir) "veut sa peau" mais aussi parce que le marxisme est une science vivante et évolutive, "parfaite" ni dès Marx et Engels ni après Lénine ni même après Mao mais au contraire en perfectionnement permanent, et qui se heurte donc à des limites dans sa compréhension et son traitement des problèmes qui se présentent à lui.

    => Ces deux derniers points (3 et 4) sont ce qui permet précisément et matériellement à ce que nous avons vu en 2 (inévitable au regard du point 1) de prospérer - et le fait que cela prospère, "stoppe" la marche vers le communisme et amorce un "demi-tour" vers le capitalisme est ce que nous appelons le révisionnisme, phénomène objectif et non corpus doctrinal clairement défini, qu'il est donc illusoire de traquer à travers tels ou telles propos, idées, positions etc. Ce phénomène de transformation en nouvelle classe dominante/exploiteuse peut même affecter des personnes qui étaient des révolutionnaires sincères et peu criticables au point de départ, ce qui peut être affirmé sans guère de doute au sujet des frères Castro - mais aussi de bon nombre de dirigeants soviétiques, chinois, vietnamiens etc., tous pays où le capitalisme à été totalement restauré à ce jour [on pourrait encore citer le cas de la trahison de la Guerre populaire au Népal (lire aussi ici)].

    Quant à la solution... elle est précisément celle que si nous l'avions clés-en-main cela se saurait, car nous serions alors très proches (presque un siècle après la Révolution bolchévique d'Octobre 1917) d'un monde communiste. La lutte livrée en Chine contre la "voie capitaliste" dans les années 1960 et début 1970, donnant mondialement naissance à l'étape maoïste de la pensée marxiste, a sans aucun doute ouvert la plus importante piste de réflexion à ce sujet (c'est pourquoi nous nous définissons maoïstes !) ; mais elle n'a pas pu elle-même contrer le processus dans ce pays (où le capitalisme a été totalement restauré, et dans sa pire forme qui soit). La solution à ce problème reste donc encore à penser, élaborer et formuler à l'instant où nous écrivons.

    Ce qui est certain en tout cas c'est que le processus entamé avec la terrible crise traversée par Cuba suite à la chute de l'URSS, à laquelle elle avait dramatiquement lié son économie, est désormais entré dans une nouvelle étape : le gouvernement cubain et l'impérialisme US viennent d'annoncer leur intention d'"enterrer la hache de guerre" et de "s'ouvrir" l'un à l'autre - les implications de cela pour un pays de 11 millions d'habitant-e-s face à la première puissance mondiale, située à 150 km de ses côtes et dont elle fut jadis le protectorat et le grand bordel à touristes, ne peuvent que faire frémir.

    C'est donc une "heure de vérité" qui est arrivée pour le Peuple cubain et les (encore nombreux, la preuve ci-dessous) révolutionnaires en son sein : il n'est désormais plus possible de se contenter de dire "nous n'avons pas cédé à la vague néolibérale mondiale" ; il va désormais falloir, face aux terribles épreuves qui s'annoncent, repenser la lutte pour le communisme sur la base de ce que Cuba a été et (malgré tout) continue d'être pour des millions d'hommes et de femmes - le "premier territoire libre" et le phare révolutionnaire des Amériques.

    C'est ici qu'intervient l'excellent site latino-américain Pueblos en Camino ("Peuples en Marche") pour nous offrir une contribution d'une valeur inestimable... puisqu'il s'agit du témoignage et des réflexions d'un jeune révolutionnaire communiste de l'intérieur même de l'île aux barbudos. Puisse celle-ci représenter un début de piste pour cette indispensable réflexion que doit impérativement affronter le mouvement communiste international : comment reprendre le chemin du communisme à partir d'une expérience révolutionnaire parvenue à son stade ultime de dégénérescence terminale !

    Critique, autocritique, débat franc et ouvert, confrontation de lignes : c'est ainsi que l'on avance dans la compréhension communiste du monde !


    Cuba face aux défis du Capital et nos luttes en tant que Peuples


    Luis Emilio Aybar est un jeune cubain qui croit au socialisme et en un projet révolutionnaire. C'est à partir de ces convictions, d'un engagement sans faille et d'une profonde connaissance de son Peuple et de son pays dans le contexte actuel, qu'il analyse dans cet article que nous partageons l'impact et les perspectives pour le socialisme cubain du rétablissement des relations entre Cuba et les États-Unis, après l'annonce faite par Obama le 17 décembre.

    Luis Emilio affronte et confronte des réalités connues mais habituellement non reconnues, au point que de tant les nier quiconque les signale se voit désigner comme un ennemi de la révolution ou comme un agent de l'impérialisme. Fréquemment, comme nous le savons hélas, ces ostracismes viennent de l'extérieur et sont le fait de personnes qui depuis le confort de la théorie et de leurs désirs voudraient qu'à Cuba se passe ce qui n'est pas en train de se passer. Mais cette fois-ci il y a quelque chose de plus, une caractéristique fondamentale et une essence évidente dans le texte et dans son auteur : il ne s'agit pas d'un libéral ni d'un agent de l'impérialisme, d'un petit bourgeois aspirant à la consommation et encore moins d'un aigri qui cherche à se sauver, usé par la déception et l'effort quotidien. Il s'agit de quelqu'un qui aime son Peuple, son pays et ce qui y a été conquis sur le plan de la culture, de l'éthique, d'une solidarité et d'une dignité sans pareilles.

    Luis Emilio s'exprime depuis là-bas et du haut d'une formation évidente, sérieuse et disciplinée qui lui permet de savoir ce qu'est le capitalisme et de le rejeter ouvertement sans besoin de longues analyses, simplement parce qu'il sait que fondamentalement, le capitalisme est un système criminel exploite et méprise en même temps qu'il se masque et ment. Il sait que Cuba est menacée par le projet capitaliste qu'incarne Obama, et par la subtile stratégie d'occupation que sa démarche initie. Tout comme il sait que ce socialisme conformiste, rigide, excluant, autoritariste, hiérarchique, isolé, qui a faim et qui se méfie de son propre Peuple est la pire menace qui puisse peser sur la voie du socialisme, en même temps que la meilleure opportunité offerte au capitalisme pour s'imposer [NDLR c'est effectivement un principe dialectique : les choses périssent d'abord et avant tout de leurs propres défauts et limites internes].

    C'est là un texte éloquent, direct et franc, qui nous remplit de joie au milieu de l'inquiétude pour ce qui peut arriver à Cuba. Joie parce que nous savons qu'il y a là-bas, au milieu de toutes les difficultés, des personnes qui malgré tout partagent un projet anticapitaliste et aiment leur Peuple, qui sont disposées à s'inscrire dans l'internationalisme des luttes populaires et possèdent un bagage de formation, de connaissances et de dignité qui pour tout dire nous manque.

    Aujourd'hui, face à ces paroles, nous ne pouvons pas seulement nous contenter d'attendre de voir ce qui arrive, ou d'espérer que le Peuple cubain sache se défendre, mais nous devons faire que ces voix soient entendues et assumer la responsabilité et la décision de soutenir la résistance et les transformations nécessaires, au-delà des erreurs et des risques des réformes en cours, pour nous joindre à la construction par en bas et depuis la gauche, rénovée, fraîche, consciente et critique de la Cuba populaire et socialiste, libre et nôtre dont nous avons besoin. Pour que le socialisme cubain jaillisse de sa propre expérience et de son propre Peuple, tous et toutes nous sommes Cuba.

    - Pueblos en Camino

    17 décembre, les défis pour Cuba


    Au cours des jours qui ont immédiatement suivi la nouvelle, je n'ai seulement trouvé qu'un seul article qui introduise dans les journaux nationaux une approche nuancée de la problématique : "Il faut une certaine hauteur de vue pour se rendre compte que les temps à venir pour la Révolution cubaine s'annoncent beaucoup plus complexes et subtils qu'ils ne l'ont été. La voie confortable de la coexistence peut nous submerger et nous désarticuler, s'emparer de nos lacunes dans tous les domaines, profiter de nos erreurs et de nos atavismes" ("Sans baisser la tête", José Alejandro Rodríguez, Juventud Rebelde, 18 décembre 2014).

    Nous vivions au milieu de soubresauts où il était difficile de distinguer clairement la portée et la signification des évènements. J'ai pu entendre personnellement des phrases telles que "Maintenant ça y est, par ici les investissements, tous à manger au McDo !!", "Le blocus c'est terminé", ou celle-ci un peu plus inquiétante : "J'ai beaucoup aimé le discours d'Obama, très sensé et respectueux". Les dessins humoristiques montraient Obama en train de boire de la Bucanero [bière cubaine], tandis que les médias nationaux peignaient un tableau de victoire totale pour la révolution.   

    Au cours des semaines suivantes émergèrent des analyses déjà plus équilibrées, mais en réalité aucune n'a véritablement surmonté cette attitude de confiance absolue en la victoire qui caractérise le discours officiel, attitude reposant sur un diagnostic incroyablement complaisant des forces et des faiblesses du pays.

    Le présent article s'efforcera de fournir une analyse critique du socialisme cubain et des réformes en cours qui servira de cadre pour comprendre les défis du probable changement dans les relations avec les États-Unis. Il se distanciera d'une vision pragmatique toujours plus répandue selon laquelle la normalisation ferait partie du processus naturel d'adaptation de Cuba au monde qui l'entoure ; et il défendra la nécessité d'un projet socialiste rénové comme orientation stratégique dans le nouveau scénario.

     Le discours d'Obama 

    Obama a fait preuve de beaucoup de sagacité et d'une grande cohérence dans l'exposé tactique de sa décision, laissant peu de vides dans son argumentation :

    Il a démontré l'inefficacité de la politique antérieure sans aller jusqu'à questionner sa légitimité : "Bien que cette politique ait été basée sur les meilleures intentions, aucune autre nation ne nous a appuyé dans la mise en place de ces sanctions qui ont par conséquent eu peu d'impact, sinon d'offrir au gouvernement cubain une justification pour imposer des restrictions à son peuple".  

    Il a argumenté avec efficacité la nouvelle politique de "puissance intelligente" vis-à-vis de Cuba : le contact "de peuple à peuple" et le citoyen américain comme "meilleur ambassadeur potentiel de nos valeurs", le soutien au "secteur privé émergent", l'intégration des deux économies et le rôle "démocratisant" de la "libre circulation de l'information".

    Il a reconnu des éléments positifs dans le gouvernement cubain : l'envoi de médecins pour combattre l'épidémie d'Ebola, la libération de deux agents états-uniens, la décision de développer l'accès à internet, l'engagement auprès des institutions internationales.

    Il s'est distancié d'une possible complicité idéologique avec l'adversaire : "J'ai dit clairement à Raúl Castro ma conviction que la société cubaine se trouve entravée par les restrictions imposées à ses citoyens" - et il a dressé l'inventaire de points de désaccord avec sa gestion gouvernementale.

    Il a fait la promotion d'une image de confiance et de bonnes intentions vis-à-vis du Peuple cubain : "Je vais être honnête avec vous aujourd'hui", "aujourd'hui les États-Unis veulent se convertir en associés pour que la vie des simples citoyens cubains soit un peu plus facile, libre et prospère". Il s'est démarqué de toute possible soif de domination, privilégiant un discours d'aide à l'émancipation : "nous pouvons aider le Peuple cubain à s'aider lui-même". L'utilisation de codes propres à la culture nationale cubaine est venue compléter une atmosphère générale de "dialogue complice" : la référence à Carlos J. Finlay, la citation de José Martí, la phrase populaire "c'est pas facile"...  

    Enfin, il a fondé à chaque instant son discours sur des principes et des intérêts universels : "Un avenir de paix, de sécurité et de développement démocratique est possible si nous travaillons ensemble non pas pour nous maintenir au pouvoir, non pas pour protéger les intérêts acquis, mais pour réaliser les rêves de nos citoyens".

    Obama a fait preuve de tout le bon sens requis par les objectifs tactiques de son discours et de tout le respect qui doit aller avec le nouveau modèle de soft power. Si une quelconque valeur peut lui être reconnue, elle a moins à voir avec une supposée bonté contenue qui aurait fini par voir le jour qu'avec l'audace d'un pas en avant polémique mais bénéficiaire pour les intérêts américains, y compris pour son propre avenir de politicien professionnel. Il faut bien faire la différence, comme le fait Rafael Hernández, entre le Président Obama comme pièce d'un mécanisme de pouvoir complexe et multidimensionnel, et la personne Barack.

    L'instrumentalisation politique présente comme du charisme, une vocation humaniste et de la fiabilité ce qui est en réalité l'intérêt particulier d'un groupe de pouvoir. Il doit y avoir un sacré nombre de personnes à Cuba qui ont vibré ce jour-là au ton proche et sensé du discours. Pour la première fois depuis bien longtemps, nous avons pu voir un président des États-Unis parler en direct. Pour la première fois, pour autant que je m'en souvienne, le discours complet d'un président des États-Unis a été publié dans le journal Granma.

    La bonne nouvelle arrive cependant chargée de tout le poids du désarmement idéologique qu'implique le fait de n'avoir - justement - jamais fait cela auparavant. Tout l'effort de pédagogie anti-impérialiste qui a formé la majorité des Cubains et des Cubaines a toujours eu un point faible : nous avoir arrachés au contact avec les "influences négatives" de l'étranger, telles que définies par quelqu'un au pouvoir, et en particulier à celles pouvant mettre en danger nos propres idées. L'on ne diffuse jamais qu'un seul type de nouvelles, l'on réfute les idées contraires de manière manichéenne, et l'on cache les contradictions des gouvernements amis. Nous savons bien que ce n'est guère différent dans le reste du monde, mais il se suppose que la Révolution cubaine cherchait précisément à construire un modèle de société alternatif.

    Le problème a toujours été, intrinsèquement lié à la logique même du pouvoir, le manque de confiance en la capacité du Peuple cubain à tirer ses propres conclusions. Bien sûr, cette capacité doit être formée et il est plus facile de défendre une idée progressiste en enlevant les pierres du chemin que d'éduquer au discernement entre différentes opinions. Mais malheureusement, année après année, les principes les plus fermes sont allés en se dissipant devant les récits miraculeux des émigrés à l'extérieur, la vie confortable et sans pauvreté montrée par les films nord-américains, montrant par là que la méthode choisie pour former des révolutionnaires n'était pas forcément la plus efficace. Le citoyen de la rue sait fort bien, par ailleurs, que tant parler des "malheurs du monde" sert aussi à justifier les erreurs ici ; et il a petit à petit relégué le discours anti-impérialiste au fond du cagibi de ce que l'on appelle communément la "langue de bois politique".

    Le résultat global de cela est qu'une grande partie de la population se trouve en réalité peu préparée à affronter la machine idéologique capitaliste et sa sophistiquée "illusion de vérité", ce qui se voit par exemple avec la consommation acritique par des canaux informels d'émissions telles que "Caso Cerrado" ou le "Noticiero Univisión" [émissions de la télévision impérialiste US en castillan - les chaînes Telemundo et Univisión]

    Le discours public de la révolution, tant sur les aspects internes qu'externes, a laissé beaucoup trop de vides au fil des ans. Dans tous ces domaines, nous avons laissé un boulevard à l'ennemi : certains n'ont-ils pas vibré à lire que "le blocus a offert au gouvernement cubain un prétexte pour imposer des restrictions à son peuple" ? Obama cherchera à asseoir son leadership sur la population à partir de courants d'opinion déterminés qui ont déjà leur propre histoire au sein de la société cubaine. 

    Nous espérons que continue la saine pratique de publier ces arguments, mais aussi - de manière tout aussi massive - la publication de ceux d'autres secteurs socialistes ayant une vision différente des problèmes du pays et de la manière de donner de "ré-oxygéner" l'hégémonie anti-impérialiste.

    Les idées révolutionnaires ne peuvent pas s'imposer dans le monde en isolant les gens de la "source du mal", mais au contraire par une accumulation de sens critique dans la citoyenneté, au contact d'idées différentes et contraires.  

    Les avantages comparatifs 

    Un exercice plus intéressant que d'identifier le possible gagnant du 17 décembre, est d'évaluer qui pourrait tirer le meilleur parti du nouveau scénario dans les prochains temps. En accord avec l'objectif déclaré de cet article, nous nous concentrerons sur le cas cubain. 

    Nous avons considéré jusqu'ici notre côté du conflit comme homogène, utilisant des notions englobantes telles que "Cuba", "la Révolution" etc. etc., mais il est maintenant nécessaire d'établir quelques distinctions.

    Une analyse politologique traditionnelle examinerait le rapport de force entre les deux gouvernements, et userait de termes plus tangibles et moins idéologiques. Je préfère pour ma part parler du point de vue de la citoyenneté et traiter de la confrontation entre deux projets, le projet impérialiste des États-Unis sur Cuba et le projet socialiste de la Révolution cubaine. Ce parti pris fait face à deux grands obstacles :

    a) L'identification du gouvernement et de l’État cubain avec la Révolution, fortement favorisée par le groupe social au pouvoir et assumée de manière passive ou même active par une grande partie de la population. Une telle identification amène à comprendre la politique de l’État comme l'incarnation du projet socialiste. Nous nous distancierons ici de ce point de vue et parlerons plutôt de révolution dans une double signification : celle de tissu social tourné vers des objectifs historiques déterminés ; et comme accumulation historique de valeurs et pratiques sociales. Un gouvernement s'identifie à une révolution dans la seule mesure où ses politiques permettent de réaliser le premier, et de reproduire et amplifier la seconde. Il faut également souligner ici que les groupes à l'intérieur d'une révolution ne sont pas homogènes, et ne comprennent pas tous de la même manière les contenus et les moyens de réalisation de ces buts. 

    b) Les problèmes dans la définition même du projet. Le seul projet mis en avant durant de nombreuses années a été la conservation des acquis révolutionnaires, combinée avec la stratégie de survie face aux difficultés économiques du pays. Les réformes des années 1990 ont apporté quelques nouveaux contenus et en ont récupéré d'autres, mais ont laissé sur pied beaucoup trop d'éléments du passé. Il en a été de même lors de la "Bataille des Idées" (2002-2007). Au-delà de la marge de discussion et de redéfinition qui a pu être possible durant la période critique de 1990-96, le projet restait sous-entendu ou se réduisait à ce que proposait Fidel. Les récentes réformes ont répondu à la nécessité de survie par une politique plus inclusive, qui promet des changements structurels de fond, mais elles ont reproduit le même vieux problème : la visualisation, à travers le contrôle de l'espace public, d'une unique proposition pour le pays. Ceci revient encore à laisser peu de possibilités d'influence à ceux qui questionnent le fondement stratégique des changements.  

    Une voie intéressante pour gagner en clarté pourrait être celle que propose Juan Valdés Paz. Pour l'auteur, la Révolution cubaine est un projet inachevé qui n'a pas pleinement atteint ses objectifs. Il définit ces objectifs suivant un certain nombre de lignes directrices telles que l'indépendance totale du pays, le développement économique, la justice sociale, la démocratie populaire et une dernière plus englobante encore : parvenir à un changement culturel qui en fasse définitivement une alternative au capitalisme.

    Ces buts sont réellement identifiables dans les différents discours conformant le tissu politique révolutionnaire, bien que chacun ne soit pas compris de la même façon, ni la manière dont ils s'articulent entre eux. Ils offrent une plateforme minimale pour parler du projet socialiste cubain. La question devient alors à quel point la nouvelle stratégie nord-américaine peut menacer la réalisation de ces objectifs, et a contrario de quelles conditions disposons-nous pour permettre que le nouveau scénario opère en leur faveur.

    Le centre du questionnement s'élargit alors du terrain du pouvoir politique à celui de l'hégémonie, et nous évitons d'en rester au simple problème de "renverser les Castro" alors que la nouvelle stratégie semble avoir un point de vue plus complexe : dépouiller lentement la Révolution des caractères anti-systémiques qu'elle peut conserver, comme base pour pouvoir influer sur la conduite du pays.

    Les États-Unis n'ont pas beaucoup d'espoirs s'ils concentrent leurs efforts sur un changement de l'équipe au pouvoir (leur objectif prédominant jusqu'à présent), étant donné que n'existent pas à Cuba les conditions d'une transition abrupte comme celle qu'ont connue les pays d'Europe de l'Est. En revanche, une plus grande intégration entre les deux sociétés - fondamentalement entre les deux économies - peut stimuler le processus de transformation progressive des valeurs et des pratiques sociales auquel nous sommes en train d'assister jusqu'à arriver au jour où nous serons devenus un autre pays, même si celui-ci reste qualifié de "socialiste".

    Le Vietnam et la Chine, par exemple, ont vu changer lentement leur mentalité et sont aujourd'hui des pays totalement intégrés au système capitaliste mondial. Les États-Unis n'ont pas réussi dans leur cas à percer la cuirasse des pouvoirs établis, mais rien ne garantit qu'ils n'y parviennent pas à Cuba et dans tous les cas ils préfèreront toujours un pays incommode mais conforme au reste du monde, où les capitaux nord-américains peuvent entrer et sortir librement, qu'un pays dominé par des fondements culturels et politiques incompatibles avec les leurs.

     Obama semble le tenir pour clair lorsqu'il dit que : "[...] ceci nous offre une opportunité d'obtenir un résultat différent, pour que Cuba s'ouvre dès à présent au monde d'une manière jamais vue auparavant. [...] Et avec le temps, ceci corrodera cette société tant fermée et alors, je pense, offrira les meilleurs possibilités de mener vers plus de liberté et une plus grande autodétermination pour le Peuple cubain. [...] Bien sûr, comme ceci va changer la société, le pays, sa culture spécifique, cela pourrait arriver rapidement ou plus lentement que je ne le souhaiterais, mais cela va arriver et je pense que ce changement de politique de notre part va favoriser cela. [...] Ce qui est certain c'est que nous allons être dans de meilleures conditions pour réellement exercer une influence, et utiliser alors la carotte aussi bien que le bâton".

    Est-il possible de dire qu'il n'existe pas de tendances propices dans notre société du point de vue de ces objectifs ? La pauvreté, d'année en année, a eu pour conséquence que la vie de beaucoup de personnes se réduise à l'immédiatisme de la survie matérielle, lequel tend naturellement à se convertir en ambition consumériste. La manière simpliste et auto-justificative dont ont été présentés les "malheurs du monde", combinée avec les témoignages des émigrés et l'influence des médias, a produit une image édulcorée du monde capitaliste et y compris des États-Unis comme espace idéal pour satisfaire ces nécessités. Qu'un patron, propriétaire de l'entreprise, te paye un salaire et se garde la majeure partie de ton travail est vu de manière incroyablement naturelle.

    L'organisation hiérarchique du socialisme national a contribué en ce sens, vu qu'en considérant notre espace micro il n'y a pas beaucoup de différences entre le gérant d'une entreprise d’État et le patron privé - ce dernier gagnant même plus, désormais. Les gens ont devant eux deux options : le socialisme bureaucratique inefficace, pauvre et autoritaire dans lequel nous vivons ; ou le capitalisme séducteur et d'abondance qui est entré dans nos têtes et dans lequel, si les autres peuvent rester ou devenir pauvres, j'ai au moins une chance de prospérer.

    Pour autant, ce qui a désintégré le tissu social révolutionnaire à Cuba n'est pas la crise économique à elle seule, mais aussi l'articulation entre le crise et l'incapacité à refonder un paradigme émancipateur. Nous en sommes arrivés à un point où le laisser-aller se combine avec l'inertie d'avoir appris à attendre que d'autres décident, et tout ceci laisse le Peuple cubain relativement sans défenses face à l'avenir.

    Heureusement, ceci n'est qu'une partie de la vérité. Comme l'a souligné Rafael Hernández, nous pouvons ne pas être préparés mais être quand même capables. Il y a à Cuba une grande réserve de dignité, de bon sens, d'anti-impérialisme, de solidarité et de sens du droit qui a jusqu'ici empêché la déconfiture totale et qui peut être activée pour se défendre ou pour avancer. Certains veulent s'enrichir, d'autres seulement arriver à la fin du mois avec le fruit de leurs efforts, et ils ne sont pas peu nombreux ceux qui sont conscients qu'il y a toujours quelque chose de risqué dans la relation avec les États-Unis. Il y a des gens qui ne seraient certainement pas ravis si on leur enlevait la polyclinique du secteur, ou si on leur fermait leur centrale sucrière ou leur école ; et de nombreux espaces sociaux sont dominés par des liens inclusifs d'appui mutuel [les expériences de résistance de ce type sont éphémères et peu diffusées, mais certaines ont pu contribuer à freiner certaines décisions, comme la fermeture de certaines centrales sucrières ou d'une école primaire dans le quartier de Marianao]. La majorité des Cubain-e-s a incroyablement intériorisé ses droits, y compris le droit d'être écouté.

    En termes de forces agissantes, il y a dans le gouvernement un secteur "inconditionnel" qui a le problème de très peu se remettre en question, mais qui se différencie de l'opportunisme diffus de ses collègues et qui possède des convictions proches d'un projet socialiste. Il y a aussi, à l'intérieur comme au dehors des institutions, un secteur critique qui tente de contourner les formules traditionnelles (capitalisme typique/socialisme étatiste/socialisme nominal) et de promouvoir des alternatives. Il y a, enfin, un Pouvoir établi arbitraire et incohérent qui ne cherche que sa propre reproduction, mais qui maintient des lignes de continuité avec la tradition anticapitaliste et anti-impérialiste de la politique nationale. Ceci nous donne l'opportunité de mener la lutte pour l'orientation du processus depuis l'intérieur et non seulement à travers l'opposition.

    L'inventaire pourrait encore continuer ; l'important est de parvenir à libérer les forces formées par la révolution elle-même et de les utiliser pour créer, ce qui est la meilleure façon de défendre.

    Dans quelle mesure les réformes actuelles peuvent-elles contribuer dans cette direction ; aider à préserver les acquis accumulés et réaliser les objectifs historiques ? Quelles capacités seront déployées pour mettre à profit l'ouverture aux États-Unis et toutes les ouvertures en fonction de ces objectifs ?

    La ci-nommée Actualisation du modèle économique a amené quelques bonnes nouvelles : élimination de règles obsolètes ou absurdes, rationalisation de la gestion gouvernementale, atténuation de la censure politique, réduction de la concentration excessive du pouvoir étatique et remplacement du court-termisme par une stratégie de développement à court, moyen et long terme. Ce sont là des aspects avec lesquels il est difficile de ne pas être en accord, s'ils sont considérés séparément. En revanche la discussion émerge devant la conception globale de la réforme, c'est-à-dire le diagnostic des problèmes du pays et leurs solutions.

    Son "ordre du jour" peut être résumé de la manière suivante :

    Le problème fondamental, l'épreuve pour le socialisme à Cuba est l'économie. L'économie consiste essentiellement en la production d'articles de consommation, et si l'on ne dispose pas de ceux-ci l'on ne peut pas satisfaire les objectifs sociaux de la Révolution. Le mauvais fonctionnement de notre économie est lié à l'excès de centralisation et de concentration étatique, au manque de stimulant économique pour le travailleur et à l'arriération technologique et managériale de l'entreprise cubaine.

    Nous devons diversifier les formes de gestion, décentraliser l'entreprise d'Etat et accroître l'investissement étranger. Le caractère socialiste de ce processus est garanti par le fait que l’État maintiendra le contrôle des moyens fondamentaux de production, fera primer le plan et non le marché, subordonnera l'investissement étranger aux objectifs de développement propres et ne laissera personne sur le bord de la route, sans protection.

    L'objectif assumé clairement par cette nouvelle politique est le développement économique. Le reste est conçu comme des conquêtes à préserver, liant très directement le développement avec la possibilité de maintenir la justice sociale et l'indépendance. Le système de Pouvoir populaire n'est pas remis en question en tant que tel, mais l'on cherche à le perfectionner et à en décentraliser la gestion pour améliorer sa réponse aux besoins locaux. La conquête vue comme la plus menacée est le changement culturel, et pour cela on en appelle au rôle formateur de l'école, aux moyens de communication et aux institutions de la culture. 

    Pour autant, une première limite est de ne pas visualiser le problème dans son intégralité, en considérant les énormes lacunes qui existent dans chacune de ces sphères et qui expliquent en grande partie le problème économique. Comme le fait remarquer Jorge Luis Acanda, il a beaucoup été fait appel aux stimulants économiques et moraux pour les travailleurs mais peu aux stimulants politiques : la possibilité qu'ils puissent avoir un rôle dans la manière dont se gère et se distribue leur travail. Énormément d'expériences coopératives et autogestionnaires, où les travailleurs définissent en assemblée les lignes directrices de l'entreprise et contrôlent sa gestion administrative, ont démontré à travers l'histoire le grand potentiel productif de ce modèle qui pourrait s'incorporer à la gestion étatique elle-même. 

    L'on pourra dire que le socialisme cubain est conçu ainsi... Mais ont également été conçues et pratiquées beaucoup de choses qui opèrent dans le sens contraire. Je me souviens que durant la discussion des orientations générales à l'Assemblée, quelqu'un a demandé pourquoi n'était-il pas fait référence à la participation des travailleurs et Marion Murillo répondit que cela serait vu au fil de la mise en œuvre. Ou encore à un autre moment où fut demandé si contractualiser la force de travail ne signifiait pas l'exploitation, et la Ministre de la Justice répondit que non car ces travailleurs étaient "protégés", avaient "droit à la retraite", "à un salaire minimum" et à "tous les bénéfices de l’État". Ces deux anecdotes reflètent deux des grands problèmes de notre socialisme : le renforcement du Pouvoir populaire comme discours et non comme pratique, et le socialisme réduit à la redistribution.

    Vu que les stimulants moraux et les appels à la conscience révolutionnaire ne fonctionnent plus (il est difficile de sentir que quelque chose est à toi simplement parce que l'on te dit que c'est à toi...), restent alors les stimulants économiques et les mécanismes dynamisants propres au capitalisme. Ceci se heurte à présent à un problème, et ce problème est que l'on rentre dans les règles du jeu du système que l'on prétend détruire. Le gouvernement états-unien voit très clairement cela ; mais ici on pense que l'on pourra atténuer les effets de l'inégalité grâce à un État fort et que par l'action culturelle depuis l'extérieur de l'économie il sera possible d'éviter le triomphe de la superficialité, de la compétition, du consumérisme et de l'individualisme.

    C'est ce raisonnement précis que je considère erroné. L'économie ne se réduit pas à produire des choses ; elle implique aussi des êtres humains et la manière dont ils s'organisent influe sur leur conduite, leurs valeurs, leurs perceptions [là ce sont des propos pratiquement maoïstes NDLR]. On ne peut pas affronter un système avec des moyens qui relèvent de sa propre nature. Il faut porter un regard d'ensemble sur l'espace productif et viser l'égalité, la démocratie et le changement culturel depuis celui-ci même ; sans quoi il faudra corriger chaque jour ce qui se dérègle lorsque les personnes vendent leur force de travail avec pour seule motivation de toucher leur argent à la fin du mois et de consommer, ou lorsqu'elles se déconnectent des problèmes collectifs dans le dédale bureaucratique d'une entreprise d’État.

    Il est clair que nous avons un pays en crise, avec des symptômes évidents de désintégration sociale et peu habitué à la participation démocratique. Personne d'un minimum sensé n'irait nier aujourd'hui la nécessité de l'investissement étranger, de la diversification des acteurs économiques et du rétablissement de relations diplomatiques avec les États-Unis. La fragilité de la situation nous oblige à être terriblement pragmatiques et efficaces. Toute la question est comment l'être et relancer dans le même temps un projet anticapitaliste et anti-impérialiste pour Cuba qui ait quelque chose à offrir au monde. Il s'agit d'utiliser les formules traditionnelles dans les domaines où cela est incontournable et stimuler d'autres types d'expériences là où il y en a les conditions (lesquelles peuvent aussi être productives, à un moindre coût social) ; y compris en utilisant le premier cas pour financer le second, dans le cadre d'une même stratégie.

    Fernando Martínez Heredia affirme la nécessité de développer une alliance entre "un pouvoir politique qui maintienne ses forces" et "un projet socialiste participatif qui le transforme progressivement en pouvoir populaire" - auquel il soit bien sûr disposé à se soumettre. Ce seraient là les formes embryonnaires d'un nouveau modèle qui se diffuserait au reste de la société, dans le style des soviets russes ou des cordons industriels et des commandos communaux de l'époque d'Allende au Chili. Il faudrait aussi développer une pédagogie continue non seulement à partir de l’État, mais fondamentalement à partir des organisations et des mouvements de la société civile socialiste qui organisent et orientent ce processus

    C'est ce qu'attendent de nous les révolutionnaires du monde entier, qui ont toujours vu un phare d'inspiration dans la Révolution cubaine. Mais où, dans la nouvelle politique, peut-on voir une telle logique ? La perte des référents révolutionnaires apparaît clairement, par exemple, dans la fonction résiduelle-économiciste et non politico-culturelle qui a été attribuée au secteur coopératif. Le triste tableau de notre avenir semble de plus en plus être une entreprise étatique modernisée dans le style capitaliste, des transnationales entrant et sortant dans un certain ordre, des petites et moyennes entreprises privées dynamisant le reste de l'économie et un État assurant le bien-être général. 

    Ce dernier objectif étant le plus difficile à atteindre, puisque l'on rechercherait la justice sociale en faisant appel à des mécanismes qui reposent sur son contraire. Supposons néanmoins que l’État parvienne à atténuer les pires effets de la modernisation : les miettes qu'est susceptible de concéder le capitalisme ne sont pas négligeables et 200 dollars valent toujours mieux que 20, quand bien même les transnationales partent avec 600. Mais cela ne change rien : même si nous ne sommes pas ceux qu'ils exploitent directement, il y aura toujours quelqu'un pour souffrir à notre place au Guatemala, en Éthiopie ou au Cambodge. Sortons dans la rue maintenant et montrons les photos de ces pays, histoire de voir combien apprécieraient que leur bien-être repose sur une telle misère. [NDLR là c'est peut-être un peu idéaliste : nous pouvons assurer l'auteur que dans nos pays impérialistes occidentaux 80% des gens n'en ont strictement rien à foutre ou en tout cas, si la vue des petits-enfants-qui-meurent-de-faim leur arrache quelques larmes, ils ne s'en sentent nullement responsables - la faute étant exclusivement à ces "guerres tribales" et à ces "dictateurs" auxquels "ces Noirs" semblent irrémédiablement condamnés...]

    Telles sont les règles du jeu, qui ne se changent pas en les utilisant mais en construisant des alternatives. Le problème étant encore et toujours les grands obstacles qui existent pour diffuser publiquement d'autres manières de concevoir les solutions, qui restent jusqu'à présent cantonnées dans les cercles intellectuels ou dans des espaces de débat où n'accèdent qu'un secteur minoritaire de la population.

    On pense que l'on ne peut pas confronter trop de propositions différentes ni discuter outre mesure car cela fissure l'unité, mais c'est justement cette pratique [du débat politique au sein du Parti et de la Révolution cubaine NDLR] qui a déconnecté une grande partie de la population du projet socialiste. Il existe néanmoins un "capital" accumulé de responsabilité et de bon sens dans beaucoup de personnes individuellement et dans des organisations non gouvernementales et de masse, qui permettrait par exemple de commencer le prochain Congrès du Parti par une phase initiale de discussion de propositions générales émanant de chacune de ces personnes et organisations, ou d'assumer une réforme de la Constitution à travers un processus réellement démocratique et populaire qui prenne le meilleurs des expériences développées au Venezuela, en Bolivie ou en Équateur. [NDLR - En ce qui nous concerne, nous avons exposé notre appréciation de ces expériences ici, ici ou encore ici. Ces "processus" sont (en dernière analyse) un produit de notre époque, comportant une part de résistances populaires au "néolibéralisme" (le capitalisme impérialiste pur et dur et triomphant du fait de l'effondrement de tout contre-modèle) mais aussi une part de nouvelles couches bourgeoises ayant émergé - justement et ironiquement ! - dans le cadre de ce "néolibéralisme" (années 1970 à 1990) ; ces deux aspects étant en définitive au cœur de toutes leurs contradictions. Les masses populaires ont connu une réelle amélioration de leurs conditions de vie, ne serait-ce que par l'instauration même partielle d'un État de droit (le problème auparavant étant plus l'absence d'un tel État de droit que des régimes tyranniques et ultra-répressifs, ceux-ci ayant disparu dans les années 1980) ; mais tout ceci demeure néanmoins totalement dans le cadre du capitalisme et du réformisme bourgeois. De nos yeux vus, l’Équateur n'a ainsi rien d'un pays socialiste ou en révolution démocratique radicale préalable au socialisme (il ne s'en réclame d'ailleurs que très peu) - tout en étant paradoxalement, d'un point de vue "réformiste tranquille", celui de ces pays qui fonctionne le mieux. POUR AUTANT, dans leur aspect populaire, ces expériences sont aussi des tentatives de réponses à de vraies et bonnes questions ; et notamment (effectivement) la question d'un processus révolutionnaire qui soit mené de manière plus "participative", plus grassroot comme diraient les anglophones, dans un rapport plus dialectique et dynamique entre les "révolutionnaires professionnels" (ce que ne sont pas les dirigeants, mais admettons) et les masses du Peuple travailleur, dans un esprit plus "par en bas"/horizontaliste et moins "par en haut"/verticaliste, évitant les dérives ultra-avant-gardistes qui sont aussi un facteur (si ce n'est le principal) de confiscation des révolutions par une nouvelle bourgeoisie. Les pays "bolivariens" (ALBA) ont vu dans l'ensemble, en plus d'une large part des anciennes élites qui sont restées en place, de nouvelles couches dominantes s'imposer à la faveur des "processus révolutionnaires" ("boli-bourgeoisie" au Venezuela) ; mais c'est parce que les forces politiques dirigeantes de ces "processus" n'étaient de toute façon pas communistes, visant le communisme. Néanmoins, dans la vague de luttes populaires qui ont porté ces expériences au pouvoir, se trouvent des conceptions de la révolution qui interrogent légitimement celles du marxisme-léninisme "classique" au regard des erreurs et des dérives du siècle passé.]

    Nous avons besoin d'un processus de réflexion nationale pour identifier les chemins créatifs par lesquels nous affronterons l'ouverture au monde et le point le plus sérieux au sein de celle-ci : la relation avec les États-Unis. Nous obliger à faire confiance encore une fois en la sagesse des leaders ne peut mener qu'à de nouvelles déceptions ; tout comme est inconcevable une Révolution qui n'a pas confiance en ses propres forces.

     
    Luis Emilio Aybar


    Cuba à l'heure de l'"ouverture" : un EXCELLENT TEXTE par un communiste de l'intérieur même du pays


    * Une question cruciale - en réalité - étant que dans toute une série de pays (comme Cuba ou les pays de l'ALBA mais aussi la Syrie, la Russie, l'Iran, la Chine etc. ; pays où le capitalisme bureaucratique d’État révisionniste ou nationaliste bourgeois n'a pas été totalement liquidé ou - comme en Russie ou en Biélorussie - a été partiellement réintroduit), si le "néolibéralisme" (capitalisme impérialiste des monopoles tel qu'il est mondialement depuis les années 1980) règne déjà largement, parfois (pas toujours) associé à une terreur policière antipopulaire, il y a aussi une "alternative" aux régimes en place qui est celle de son TRIOMPHE TOTAL, éventuellement après une phase de chaos guerrier façon Somalie ou Yougoslavie (c'est déjà le cas en Syrie, Libye, Irak), ou du moins après les affres ("génocide social" comme ont pu dire certains) traversées par les pays d'Europe de l'Est et d'ex-URSS après 1989... Et cette option ne peut pas être celle des opposants authentiquement progressistes, révolutionnaires, anticapitalistes à ces régimes. Si l'on prend l'exemple de la Chine, dont même le PTB ou les Éditions Prolétariennes ne peuvent plus guère aujourd'hui nier le caractère 100% capitaliste : il y a une classe ouvrière chinoise qui est exploitée par le Capital chinois (issu de la contre-révolution à l'intérieur du PC) et une paysannerie qui est exploitée selon les mécanismes classiques d'exploitation de la paysannerie (banques, endettement hypothécaire etc.) ; exploitation qui tend plus ou moins à la surexploitation dans les régions reculées, a fortiori dans les régions ethniquement allogènes (Tibet, Xinjiang, Mongolie-Intérieure etc.), et chez les travailleurs migrants venus de ces régions dans les grandes villes. Mais si par-dessus cela venait se rajouter une domination et une surexploitation impérialiste occidentale... où irait-on ? En quoi la condition des masses s'améliorerait-elle ? Il est bien évident que ce n'est pas une option que des marxistes peuvent porter. Or c'est une option bien réelle en cas de triomphe d'un mouvement de type Printemps de Pékin (1989), ou comme celui de l'année dernière à Hong Kong (sans que cela ne justifie, précisons-le bien, la répression-massacre d’État). Il faut bien avoir cela en tête. Mais si l'on a bien cela en tête... il y aura automatiquement toute une foultitude de petits gauchistes-donneurs-de-leçons pour dire que l'on ne veut "pas vraiment en finir avec ces régimes illégitimes ("capitalistes", "bourgeois", "réactionnaires", "fascistes" et tout ce que l'on voudra) et les remplacer par un pouvoir ouvrier, mais simplement promouvoir l'illusion qu'il est possible de les réformer de l'intérieur" (voir par exemple ici la critique d'un groupe d'opposition marxiste au régime de Poutine, le Mouvement socialiste de Russie, par les ultra-trotskystes du World Socialist Web Site).

    Il pourra même nous être reproché d'avoir fait fi de cette nécessaire prudence dans notre approche des soulèvements en Libye ou en Syrie ; encore que (en toute modestie...) nous ne pensons pas avoir eu une influence décisive sur les évènements, et n'avons surtout fait que dire trois choses :
    1°/ Qu'il fallait mener une LUTTE IDÉOLOGIQUE sans merci contre la présentation de ces régimes, par certains courants "vieux ML orthodoxes" ("tankies" diraient nos camarades états-uniens), comme "progressistes" et "anti-impérialistes" ; ce que toute leur histoire récente comme ancienne dément très largement, même si (définition que nous utilisons habituellement pour "anti-impérialiste") il pouvait y avoir un certain "arrachement de produit" (pétrolier surtout) aux griffes de l'impérialisme pour le mettre au service de l'intérêt national (mais ceci est en fait le cas de tous les pays arabes depuis les années 1970, et en termes de classes, au service de quel intérêt "national" ? d'abord celui d'une petite caste dominante, c'est bien évident !). Si le "progressisme" et l'"anti-impérialisme" de Cuba ou des pays de l'ALBA peut sérieusement être mis en discussion, ce n'était clairement pas le cas de ces régimes et de toute manière, la lutte idéologique contre cette qualification était en réalité moins importante pour là-bas que pour ici (pour la confusion qu'elle sème dans le mouvement communiste et les masses populaires sensibles à nos idées).
    2°/ Que (en relation avec ce qui précède) les soulèvements initiaux dans ces pays avaient un caractère populaire, endogène, spontané et légitime ; et ne pouvaient être réduits au résultat de "manœuvres" de puissances (régionales ou mondiales) hostiles à ces régimes, quelles qu'aient été la réalité et l'importance de celles-ci.
    3°/ Que si les puissances occidentales (à l'origine de ces supposées "manœuvres") escomptaient gagner le contrôle TOTAL de ces pays, elles ne tarderaient pas à cuisamment déchanter : ce qu'elles y obtiendraient en premier lieu et pour une assez longue période, faute de véritable perspective révolutionnaire (Parti marxiste)... mais aussi de forces "libérales" pro-occidentales crédibles et audibles, serait un CHAOS qui leur coûterait finalement plus cher (à gérer) que tout ce qu'elles pouvaient espérer y gagner - et ceci s'est totalement vérifié. En tant que communistes, nous sommes bien entendu horrifiés par la tragédie des populations travailleuses locales (mais qui, d'entre nous, pouvait prétendre 1°/ empêcher les masses populaires de se soulever en leur disant "attention vous n'avez pas de Parti communiste ça va mal finir" et 2°/ empêcher les choses de tourner comme elles l'ont fait ?) ; mais nous ne pouvons également que voir positivement "nos" propres bourgeoisies impérialistes "prises à leur propre piège" et ainsi fragilisées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, dans TOUS les pays impérialistes occidentaux, les courants les plus droitiers de la bourgeoisie et les courants ouvertement fascistes se sont montrés plutôt en faveur d'un maintien
    de ces régimes en place, quels que soient les contentieux historiques qu'il pouvait y avoir avec eux [tout sauf négligeables entre l'impérialisme français et la Syrie (guerre du Liban, attentats du Drakkar de Beyrouth ou de Paris en 1985-96) ou la Libye (guerre du Tchad, attentat du DC-10 d'UTA en 1989)], et résolument hostiles à l'"aventurisme" des courants libéraux ou sociaux-libéraux appelant à leur renversement.

     


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  • 20 juillet : Je t'énonce, FANONJe t’énonce

    FANON

    Tu rayes le fer

    Tu rayes le barreau des prisons

    Tu rayes le regard des bourreaux

    Guerrier-silex

    Vomi

    Par la gueule du serpent de la mangrove

    Aimé Césaire, « Par tous mots Guerrier-silex », 1976


    Il y a 90 ans, le 20 juillet 1925, naissait le grand révolutionnaire anti-impérialiste et internationaliste martiniquais Frantz Fanon.

    [Negronews]

    20 Juillet 1925. Frantz Fanon naît en Martinique, au sein d’une famille bourgeoise. L’enfant a la peau plus foncée que ses sept frères et sœurs et il en souffre. Car la société dans laquelle il grandit, depuis longtemps contaminée par une attitude d’assimilation de la culture européenne, considère que ce qui est clair, c’est ce qui est beau. Fanon tirera beaucoup d’amertume de cette époque et, sa vie durant, conservera une certaine rancune envers son île natale.

    Dès sa plus tendre enfance, sur les banc du lycée Victor-Schoelcher de Fort-de-France où il reçoit les enseignements du chantre de la négritude, Aimé Césaire, il perçoit tous les enjeux de l’édification d’une culture noire indépendante. Parti se battre avec l’armée française aux côtés des forces du Générale de Gaulle, il est profondément déçu par l’attitude raciste des militaires et publie ‘Peau noire, masques blancs’ en 1952, provoquant l’indignation du public français. Quittant Paris une fois terminées ses études de médecine, de philosophie et de psychologie, il gagne Blida-Joinville en Algérie où il développe ses méthodes – controversées – de sociothérapie en tant que chef d’un service de psychiatrie. Lorsque débute la Guerre d’Algérie, il prend parti pour la lutte nationaliste et fréquente les responsables du FLN. Expulsé du pays, il rejoint Tunis où il publie ‘L’An V de la révolution algérienne’ en 1959. Un an plus tard il est nommé ambassadeur du Gouvernement provisoire de la République algérienne au Ghana. Mais souffrant d’une leucémie, Frantz Fanon s’installe à Washington où il a le temps de terminer ‘Les Damnés de la terre’ qui deviendra un ouvrage incontournable de la l’appareil critique anti-colonialiste.

    Psychiatre et militant aux côtés du FLN algérien, Frantz Fanon a décrypté dès les années 1950 les effets de la colonisation. Son œuvre, cinquante ans après sa mort, se révèle d’une troublante actualité.


    Lire aussi : Trois articles pour un anniversaire

    20 juillet : Je t'énonce, FANON20 juillet : Je t'énonce, FANON20 juillet : Je t'énonce, FANON


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  • À bas le nouvel accord et la continuation de la barbarie antipopulaire !


    Il y a une semaine, le gouvernement SYRIZA-ANEL demandait au Peuple de dire "Non" aux propositions de la Troïka et aux "politiques régressives" que les soi-disantes institutions voulaient mettre en œuvre en Grèce. Aujourd'hui, après un "Non" tonitruant du Peuple, voilà qu'ils signent un accord antipopulaire encore pire que la proposition rejetée, un nouveau mémorandum qui étend et approfondit la politique barbare d'austérité, de chômage, de surtaxe et de Moyen Âge social.

    Ce n'est pas simplement une "contradiction" mais bien l'aboutissement de la politique erratique et aventuriste de SYRIZA, la fin des auto-illusions quant à la possibilité d'une soi-disante politique "populaire" et "alternative" à l'intérieur de la meute de loups de l'UE. [La "fin de l'hypothèse social-démocrate" diraient les camarades badiousiens, chose que nous-mêmes avons pensé et écrit à plusieurs reprises : la différence entre la présente crise du capitalisme et celle des années 1930 (ou même de la fin du 19e siècle) c'est qu'il n'y a pas de voie de sortie réformiste "keynésienne" ou "rooseveltienne" par les réformes et la redistribution sociale, du moins dans les pays avancés et "post-industriels" comme typiquement ceux de l'UE (c'est finalement possible là où cela ne l'était pas avant, c'est-à-dire dans des pays du "Tiers-Monde" connaissant une forte croissance "émergente" comme ceux d'Amérique latine).]

    Ceci marque la fin des impasses d'une politique qui a caché et cache encore la véritable nature barbare de l'impérialisme et le vrai rôle des alliances impérialistes telles que l'UE ou l'OTAN. Il s'agissait d'une politique qui d'un côté restait soumise au joug impérialiste occidental et de l'autre, s'imaginait pouvoir exploiter les contradictions inter-impérialistes et jouer avec en lançant des clins d’œil à l'Est [Russie, Chine etc.].

    Ce nouvel accord antipopulaire et antisocial est la preuve vivante de l'échec complet de cette politique et de l'effondrement des illusions quant à une marge de négociation avec les vautours impérialistes.

    À présent va venir une nouvelle vague d'attaques barbares contre les droits sociaux et populaires. Cet assaut sera cette fois-ci mené au nom du "consensus national" et avec le soutien de toute la bourgeoisie (ancienne et nouvelle), de toutes les forces politiques qui ont mis en œuvre ces politiques barbares depuis maintenant 5 ans.

    Cette politique de SYRIZA a également "réussi" le tour de force de légaliser et de remettre en lice toutes ces forces politiques qui ont causé la colère et la rage du Peuple et ont soulevé contre elles de longues et dures luttes tout au long des années 2010-2012.

    Le fardeau de la résistance contre cette nouvelle vague de barbarie et pour mettre à bas cet accord infâme pèse à nouveau sur les épaules des classes populaires laborieuses, des travailleurs, des chômeurs, des retraités et de la jeunesse. Ceci devra passer par le développement de nouvelles luttes convergeant vers la formation d'un large Front de Résistance en défense des droits populaires.

    Il est clair que nous devons aussi lutter contre les nouvelles illusions qui commencent déjà à être diffusées par Tsipras et le groupe dirigeant de SYRIZA. Ses commentaires sur la "stabilité financière", les "possibilités de redressement", la "restructuration de la dette" et les "financements assurés" ne sont que des mensonges similaires à ceux qui ont accompagné les deux premiers mémorandums. Même son assurance que "le Grexit appartient au passé" n'est rien d'autre qu'un vœu pieux.

    Le Peuple ne doit se laisser berner ni par les tentatives de Tsipras d’enrober la pilule de sucre avec son "paquet de croissance de 35 milliards", ni par ses "garanties" que le fardeau ne retombera pas sur les épaules des plus pauvres. Il est clair que chaque centime donné par les impérialistes sera remboursé comptant et avec intérêts.

    SYRIZA et Tsipras se présentent comme les garants de la justice sociale et de la souveraineté populaire quand dans le même temps ils signent un accord qui sert les intérêts du Capital étranger et local.

    Le Peuple ne doit pas se laisser entraîner non plus par les beaux discours et la "tenacité" de la gauche de SYRIZA, qui a également contribué à le désarmer idéologiquement et à le prendre au piège. Ces gens ont contribué à l'illusion d'une possible "gouvernance de gauche" sous le joug de l'impérialisme et la domination du Capital. Ils continuent à répandre l'illusion qu'une politique qui laisserait "simplement" le pays à l'intérieur de l'Union européenne mais en dehors de la zone euro serait quelque chose de possible sous la domination capitaliste-impérialiste.

    Ce sont les mêmes personnes qui avec leur naïveté et leur aventurisme, parfois comme membres du gouvernement, ont voulu nous faire croire que changer de protecteur impérialiste pourrait changer les choses pour le mieux.

    Le KKE(m-l) appelle le Peuple grec à se soulever contre ce nouvel assaut capitaliste.

    Nous devons prendre les rues en masse.

    Nous devons participer aux mobilisations des 14 et 15 juillet 2015 [voir ci-dessous NDLR].

    Le Peuple grec doit combattre le désenchantement, le fatalisme et la peur et organiser partout ses forces et ses résistances.

    À BAS LE NOUVEL ACCORD UE-FMI-GOUVERNEMENT ET LES TEXTES LÉGISLATIFS QUI VONT SUIVRE !

    À BAS LES ANCIENS COMME LES NOUVEAUX MÉMORANDUMS !

    NI PATIENCE NI TOLÉRANCE !

    DÉFENDONS NOS VIES ET NOS DROITS PAR LA LUTTE !

    GRÈCE HORS DE L'UE ET DE L'OTAN !

    LES PEUPLES N'ONT PAS BESOIN DE PROTECTEURS !

    Social-trahison de Tsipras en Grèce : nouvelle déclaration du KKE(m-l)

    ****************************************************

    Oui il faut résister, mener dès à présent une lutte populaire révolutionnaire dans une perspective de longue durée et de fait la combattivité des masses est d'ores et déjà bien là, comme nous le rappelle le Secours Rouge de Belgique : 


    Grèce : Au moins 44 arrestations lors des manifestations à Athènes


    Des milliers de personnes ont manifesté aujourd’hui dans toute la Grèce alors que le parlement grec s’apprêtait à voter l’accord avec les créanciers, accord qui mènera a un troisième mémorandum. Sur la Place Syntagma, devant le parlement, la manifestation a tourné à l’émeute dans la soirée, quarante manifestants ont été arrêtés, un fourgon de la télévision a été incendié, les vitrines des magasins chics ont été brisées, les distributeurs automatiques ont été endommagés. Et bien entendu, une quantité considérable de cocktails molotov a été lancée sur la police anti-émeute qui a aspergé les manifestants de gaz lacrymogènes. Une fois la place évacuée, les manifestants se sont rassemblés au siège de la police. Il ne semble plus y avoir de manifestation à l’heure qu’il est.

    Quatre anarchistes ont été arrêtés par la sécurité et remis à la police alors qu’ils étaient rentrés dans le QG de Syriza pour y accrocher des banderoles. Pour l’anecdote, même le mouvement de jeunesse de Syriza participait à la manifestation contre l’accord... À l’heure qu’il est (minuit), le parlement grec est toujours en plein débat.

    Le site Prisoners Voice a publié la traduction en français du dernier texte de Nikos Maziotis, prisonnier de l’organisation Lutte Révolutionnaire, au sujet de la faillite de la Grèce. Il peut être consulté ici.

    (Nous reproduisons ici la déclaration de Lutte Révolutionnaire) :

    Déclaration de Nikos Maziotis à la cour d’appel au premier procès de Lutte Révolutionnaire, le 7 juillet 2015, au sujet de la faillite de la Grèce.

    Comme on le sait, la répression de l’État contre Lutte Révolutionnaire en 2010 en tant que fait historique était une contrepartie à la signature du premier mémorandum par le gouvernement de Papandreou qui amenait le pays sous l’autorité du FMI, de la BCE et de l’UE. Comme l’a dit un responsable du gouvernement à l’époque, notre arrestation empêchait une “grande attaque terroriste qui aurait achevé l’économie”, une déclaration qui prouvait la dangerosité de l’action de Lutte Révolutionnaire à un moment critique du régime.

    Le premier procès de l’organisation a eu lieu dans la période d’application du premier mémorandum, avec des développements qui incluaient des procédés de faillites contrôlées et imposaient une politique sociale de génocide et d’euthanasie envers des pans entiers de la population qui ont causé des milliers de morts jusqu’ici, ainsi que la pauvreté, la faim et la misère. Au début du premier procès, en octobre 2011, nous avions déclaré que l’affaire était conduite dans une période d’attente de la faillite formelle du pays, ce qui ne s’est pas produit puisqu’il y a eu une faillite contrôlée du régime dans le but de sauver les créanciers, ceux qui étaient alors détenteurs d’obligations grecques et pour défendre l’Eurozone du risque de transmission de la crise grecque.

    C’est une ironie de l’histoire que finalement la faillite de la Grèce soit associée au gouvernement gauchisant de Syriza, près de quatre ans plus tard, qui a annoncé un référendum en posant la question OUI ou NON aux propositions des créanciers pour le nouveau mémorandum qu’ils signeront. Avec la faillite du pays vient la faillite des illusions sociales-démocrates de gauche qui promettaient des interventions de l’État en faveur des travailleurs et des pauvres de l’UE, à l’intérieur d’un environnement mondialisé néo-libéral.

    Lors de notre plus récente attaque, le 10 avril 2014, contre l’annexe du Département de Supervision de la BCE envers la Banque de Grèce (qui hébergeait le bureau de la représentation permanente du FMI en Grèce), nous avions annoncé un an à l’avance dans notre revendication ce que le gouvernement de Syriza ferait. Nous avions diagnostiqué l’impossibilité de leur programme et de leurs déclarations et nous avions mis en évidence l'hypocrisie de leurs représentants. Certains d’entre eux parlaient alors de non-reconnaissance de la dette, d’autres de restructuration ou de décote de la dette. D’autres soutenaient l’abolition du Mémorandum. Finalement ils ont tous finis par mener à sa renégociation.

    La majorité des officiels de Syriza proclament un cap constant pour la Grèce dans l’UE et dans la zone euro, alors que la tendance gauche du parti soutient la sortie du pays de l’euro et l’adoption de la drachma à l’intérieur de l’UE. Après avoir endossé le pouvoir, le gouvernement de Syriza a suivi un trajet prévisible. En opposition totale avec leurs déclarations pré-éléctorales, ils ont reconnu la totalité de la dette et son remboursement, ils ont reconnu les accords de mémorandum, reconnu la surveillance et l’évaluation de l’économie grecque par les équipes techniques de la Troïka -les organisations multinationales du FMI, de la BCE et de l’UE- qui ont été renommées pour des raisons de communications : ce n’est plus la Troïka, mais les institutions.

    Le 20 février 2015, le gouvernement de Syriza a confirmé sa retraite totale en signant l’accord de transition du second Mémorandum que le gouvernement Samaras avait signé en novembre 2012. À côté de cela, ils ont conduit des négociations pour un nouvel accord de mémorandum avec les créanciers. Mais leurs rétractations, leurs contradictions et leurs hésitations les ont rendus douteux aux yeux des créanciers en ce qui concerne la gestion de la crise grecque, ce qui a donné lieu à la suffocation économique et à la faillite du pays. Les créanciers savaient déjà que le temps était de leur côté et qu’ils pourraient forcer le gouvernement de Syriza à accepter leurs termes avec l’arme de la strangulation économique et la menace de faillite.

    Ils savent qu’un défaut grec et la sortie de l’Eurozone n’annuleraient pas l’obligation de rembourser la dette, ce que tous les gouvernements grecs ont accepté de 2010 jusqu’à aujourd’hui.

    Le gouvernement de Syriza a échoué parce qu’alors qu’il lançait un référendum pour accepter ou refuser les propositions des créanciers en se retirant des négociations, il est retourné supplier pour la reprise des négociations en acceptant la majorité des propositions des créanciers, après l’annonce du référendum. Le référendum était un exercice de relations publiques pour le gouvernement de Syriza, dans le but de gérer leur propre faillite politique, sans prêter attention à son résultat.

    Le chemin pris par le gouvernement de Syriza prouve ce que nous avions déclaré en tant que Lutte Révolutionnaire après notre attaque contre la Banque de Grèce : “Syriza, après une longue marche de retraites politiques, de contradictions et de revirement au ‘réalisme politique’, indique la claire impossibilité d’un modèle social-démocrate à notre époque, il tend de plus en plus clairement à devenir un parti de protestation contre le modèle économique néo-libéral mais avec une retraite prédéterminée et totale sur toutes les questions de gestion de la crise. L’acceptation de toutes les structures de domination, de tous les mécanismes et alliances, l’acceptation de l’UME (Union Monétaire et Économique Européenne), de l’euro, de l’UE, la suppression de toutes les positions pour l’abolition du Mémorandum et pour l’annulation unilatérale de la dette montrent que le développement d’un parti social-libéral avec une façade social-démocrate devient -avant même qu’ils ne prennent le pouvoir et en admettant qu’ils le prennent- qu’ils sont prévus pour assurer le soutien du bloc économique de l’autorité”.

    Un peu plus d’un an plus tard nous, Lutte Révolutionnaire, confirmons la faillite politique de Syriza. La faillite politique de Syriza et la chute attendue du gouvernement tôt ou tard prouve l’impossibilité de résoudre les problèmes mis en évidence par la crise capitaliste à travers les réformes dans l’économie du marché et le parlementarisme bourgeois. Cela montre ce que Lutte Révolutionnaire a clamé pendant des années, que “la seule solution réaliste à la crise, c’est la révolution sociale”, les actions de portions de la société et de la population pour une confrontation armée avec le régime, pour le renversement du capital et de l’État en Grèce. La révolution sociale est une réelle rupture. La cause de la crise est l’existence même du capitalisme et de l’économie de marché, l’existence de classes et de divisions sociales, le cycle perpétuel de l’investissement de capitaux pour le profit et le réinvestissement de ces profits pour de plus grands profits. Un procédé dont la continuation transparente est un signe de prospérité capitaliste et dont l’arrêt signale la crise.

    En tant que Lutte Révolutionnaire, en réponse au dilemme de “l’euro ou la drachma”, nous avons défendu que l’adoption de la drachma en Grèce, dans le cadre de l’UE et avec des accords de mémorandum intacts qui interdisent le défaut de dette de la part du débiteur, ou sa conversion d’euro en devise nationale, non seulement ne réduira pas la dette, mais l’augmentera plutôt. Elle réduira également le pouvoir d’achat des employés, ce qui détériorera la qualité de vie et augmentera la pauvreté.

    Le problème de la monnaie ne résout aucun problème par lui-même. Il ne résout pas le problème de la dette, de la pauvreté, de la misère, de la faim, de la mort, de la maladie, des suicides. Aucune solution n’est trouvée dans le système capitaliste. Aucune solution n’est trouvée dans les résultats des élections du parlement bourgeois ou des référendums de l’autorité.

    En tant que Lutte Révolutionnaire nous prônons l'effondrement du capitalisme, de l’économie de marché et de l’État, en tant que solution révolutionnaire contre la continuation de la politique actuelle imposée par les élites économiques multinationales (c-à-d le fascisme des marchés), une politique dont les représentants sont la plupart des partis, le gouvernement de Syriza inclus, et contrairement à la proposition de nationalisation totale des fonctions économiques et le contrôle centralisé -une proposition qui a historiquement échoué.

    C’est une solution plus réaliste, un soulèvement armé du peuple qui refuse de payer la dette, qui ne reconnaît pas les accords de prêt et les mémorandums, qui ne reconnaît pas et n’accepte pas l’euro et les structures comme l’Union Européenne qui n’ont d’autre objectif qu’en faire l’esclave des marchés.

    C’est une solution plus réaliste, un soulèvement armé du peuple qui exproprierait la propriété des capitalistes, la propriété mobilière et immobilière, les moyens de production des multinationales, des banques ou des capitalistes locaux, de tous ceux qui ont acheté la propriété de l’État, des outils des affaires et de quoi que ce soit qui resterait dans les mains de l’État.

    C’est une solution plus réaliste, la propriété socialisée des capitaux privés et de l’État, gérés par des conseils ouvriers et des assemblées populaires. La même chose s’applique à tous les secteurs de la production sociétale comme la santé et l’éducation, où la gestion sera exercée par les travailleurs et par ceux qui y participent.

    C’est une solution plus réaliste, la mise en œuvre d’une révolution sociale de démocratie directe qui éliminerait immédiatement l’État et les professionnels du parlementarisme bourgeois responsables de la gestion des affaires sociales à la place du peuple et des travailleurs. Elle mettra à sa place un système confédéral de conseils ouvriers et d’assemblées populaires auxquelles tout le monde participera, parlera et prendra les décisions ensemble sur toutes les problématiques sociales qui les affectent sur leur lieux de travail, leurs écoles, leurs hôpitaux, leurs universités, leurs quartiers, leurs villages ou leurs villes.

    Le choix de notre époque n’est pas de dire oui ou non aux propositions des créanciers, ce n’est pas entre un référendum dur ou moins dur, ce n’est pas entre l’euro ou la drachma. Le choix, c’est le capitalisme ou la révolution.

    Nikos Maziotis, membre de Lutte Révolutionnaire
    Prison de Korydallos, 7 juillet 2015.


     ***************************************************

    Nous avons déjà pu dire dès janvier que la faillite de la social-démocratie en Grèce paverait la voie au fascisme ; il faut noter à ce sujet le "coup de maître" politique des alliés (jusqu'à présent) de Syriza au gouvernement, les "Dupont-Aignan/De Villiers" d'ANEL qui ont annoncé qu'ils ne voteraient "ni l'accord ni les lois prises par la suite pour son application"... Ceci pourrait leur valoir en cas d'élections anticipées (que provoquerait immanquablement une telle chute de la courte majorité gouvernementale) un grand succès dans les urnes, grossi peut-être par de nouvelles "dissidences" de Nouvelle Démocratie (la droite historique) et avec l'Aube Dorée en embuscade, qui pourrait apporter un "soutien sans participation" ou quelque chose comme cela (ce parti pourrait également gagner considérablement en nombre de voix mais nous ne le croyons toutefois pas capable - en l'état - de prendre le pouvoir seul, n'ayant pas assez adapté son discours au 21e siècle : nous appelons à se méfier du "phénomène épouvantail" qui sera inévitablement agité par tous les ennemis du Peuple grec).

    Nous aurions donc ainsi (finalement) la "reprise en main" du pays par la droite la plus dure tant attendue par la classe dominante (en se tournant éventuellement vers la Russie comme le gouvernement ultra-réactionnaire hongrois de Viktor Orbán ou encore Chypre) ; en premier lieu l'oligarchie des armateurs et l’Église orthodoxe (premier propriétaire foncier du pays après l’État et totalement exonérée d'impôts...) que représente clairement ANEL.

    À moins que les choses ne soient "reprises en main" directement par un "coup de force (plus ou moins) constitutionnel" comme celui ayant amené le gouvernement "technique" de Mario Monti en Italie ; ou carrément... par un coup de force militaire comme en 1967 (ou une intervention plus ou moins "militaro-constitutionnelle", on est au 21e siècle) en proclamant l'état d'urgence "pour éviter le chaos" (on connaît la musique) ; afin de retirer l'obstacle des garanties "démocratiques" et parlementaires bourgeoises devant les mesures que nécessite le capitalisme pour se relancer dans le pays.

    De fait les deux options - l'une plus "nationaliste"/"souverainiste"/"tournée vers la Russie", l'autre ouvertement soumise à l'impérialisme occidental et à ses instruments UE-FMI-BCE & co - sont ouvertes.


    Lire aussi : En Grèce comme ailleurs, sauvons-nous nous-mêmes ! (OCML-VP)

    Ou encore Le coup d’état du 14 juillet 2015 de Quartiers Libres (vision plus amène de Tsipras présenté avant tout comme la victime d'un coup d’État économique-technocratique, ce qui n'est pas complètement faux non plus ; où l'on découvre aussi qu'en dépit des déclarations d'amour de Marine Le Pen pour le leader grec - et des comparaisons honteuses des Macron et compagnie - le FN n'est pas du tout opposé au remboursement de sa dette par la Grèce, bien au contraire).


    Social-trahison de Tsipras en Grèce : nouvelle déclaration du KKE(m-l)

    Velouchiotis réveille-toi, ils sont devenus fous !



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  • L'article qui suit a été rédigé pour être traduit en castillan et publié sur la Red de Blogs Comunistas. Nous partageons donc ici le lien vers la version castillane des camarades, qui contribuera grandement à ce que notre lutte et nos conceptions soient connues à travers le monde :

    ¿ Luchamos para resucitar al condado de Auvernia ? Contribución de Servir le Peuple a la comprensión de la lucha de los Pueblos dentro del Estado francés


    Il a également été traduit en anglais pas les camarades gallois d'Yr Aflonyddwch Mawr (Great Unrest Group) : Servir le Peuple (Occitania) contribution to understanding the struggle of the peoples within the French State


    L’État français centralisateur, à travers l'histoire et jusqu'aujourd'hui, a particulièrement été associé aux notions de "Progrès" historique, de "modernité" contre le "Moyen Âge", et même à des notions beaucoup plus politisées comme celles de "progressisme", d'"universalisme", de "Lumières" etc. etc. ; autrement dit à des notions "de gauche", principalement à partir d'un discours mettant en avant la "République" ou les "valeurs républicaines" - des concepts qui, dans l’État espagnol ou les nations du Royaume-Uni, contiennent encore toute leur charge subversive et révolutionnaire mais qui sont en Hexagone vidés de leur substance et totalement bourgeois.

    Il faut dire que l’État français est sans doute, de ceux que nous connaissons à ce jour, celui où la bourgeoisie s'est débarrassée avec le moins de ménagement des institutions monarchiques, aristocratiques et cléricales au sein desquelles elle avait fait son nid depuis la fin du Moyen Âge jusqu'à l'"âge adulte" du 18e siècle ; et que celle-ci peut dès lors se parer de cette aura devant ses propres masses populaires et le monde entier - encore qu'il faudrait sans doute un jour confronter cette légende dorée à la réalité, en termes par exemple de radicalité réelle de la révolution agraire (beaucoup d'aristocrates et de grands propriétaires ne sont-ils pas restés en place, beaucoup d'autres n'ont-ils pas simplement été remplacés par des "racheteurs" ?), tant qu'il restait encore une vaste paysannerie bien entendu (il ne reste que très peu d'agriculteurs aujourd'hui), ou encore en termes d'importance du catholicisme gallican dans la pensée dominante (proclamée "laïque") actuelle.

    Au Royaume-Uni ou dans l’État espagnol, dont nous avons parlé, il ne reste sans doute guère que quelques néo-franquistes ou orangistes pour présenter l'unification étatique comme un "triomphe de la civilisation moderne sur les âges obscurs médiévaux". En Italie a longtemps pu planer un certain "mythe garibaldien" de l'Unité, au point que la Brigade internationaliste envoyée combattre en "Espagne" ou encore plusieurs unités de Partisans antifascistes (1943-45) porteront le nom de Garibaldi ; mais le mouvement communiste a aussi dès le début (Gramsci, qui proposait un État ouvrier-paysan de type fédératif) analysé l'Unité comme une conquête coloniale du Sud et l'on observe aujourd'hui un important regain de conscience sur cette question, sur une ligne généralement progressiste (voir par exemple ce site : http://briganti.info/).Luttons-nous pour "ressusciter le comté d'Auvergne" ? Une réponse (qui se veut) claire et définitive à ce genre d'"argument" inepte et à deux balles

    Mais dans l’État français, lorsque l'on se hasarde non pas même à émettre une revendication d'indépendance (sentiment très minoritaire chez tous les Peuples, représentant au maximum 20% de la population en Corse) mais simplement à affirmer l'existence de nos Peuples inclus et niés dans l’État, voilà que l'on se retrouve sur-le-champ taxé de "vouloir faire tourner la roue de l'histoire à l'envers", de vouloir "ressusciter le comté d'Auvergne ou le duché d'Aquitaine" etc. etc.

    C'est là un argument d'une imbécilité telle que - comme souvent devant l'imbécilité - les bras et la langue nous en tombent, et nous ne savons quoi répondre. Pourtant, c'est bien une question sur laquelle il faut se pencher puisque comme nous venons de le dire, ce type de raisonnement est absolument hégémonique.

    Alors, que pouvons-nous répondre à un tel "argument" ? Eh bien nous, nous y répondrons simplement que la question ne réside pas dans les défunts comté d'Auvergne ou duché d'Aquitaine ni même dans la Corse républicaine de Paoli, mais dans cette carte :

    Là réside la question pour nous. Cette carte est issue d'une étude "géo-sociologique" récente, qui a donné lieu à un documentaire visionnable en français ici :

    Elle montre, en blanc, des territoires géographiques qui selon toute une série de critères (économiques, sociaux, "connectiques" - accès à l'information, à la culture - ou d'accès aux services publics) sont des territoires d'inclusion ; et en bleu des territoires qui selon les mêmes critères sont des territoires d'exclusion, relégués, des périphéries. Elle montre en substance là où dans l’État français se concentrent la richesse, le pouvoir et/ou les retombées de ceux-ci ; et là où se concentrent l'exploitation et toutes les formes d'oppression.

    Et ce que l'on voit nettement s'y dessiner, c'est un quadrilatère de blancheur (schématiquement) Rouen-Tours-Auxerre-Reims avec Paris en son centre, autrement dit un Bassin parisien dont on disait encore au milieu du 19e siècle (Jules Michelet) qu'il était la "vraie France", le reste n'étant "pas tout à fait la même chose" ; ou encore vers 1940 (le fasciste Louis-Ferdinand Céline, anti-occitan revendiqué) que ses "10 départements payent plus d'impôts que tout le reste" de l’État (ce qui était sans doute vrai et traduit justement la concentration de richesse) ; et qui se trouve justement être (comme par hasard ?) là d'où l’État s'est historiquement déployé à partir du 13e siècle. En dehors de cela, on observe également en blanc des métropoles-relais (Lyon, Toulouse, Bordeaux, Nantes, Lille etc.), relais du pouvoir central ; des régions côtières où la villégiature bourgeoise engendre quelques retombées économiques ; ou encore des terres comme l'Alsace ou le Nord des Alpes bénéficiant de la proximité de l'Allemagne et de la Suisse (dorsale économique de l'Europe).

    Et ailleurs... du bleu plus ou moins profond : taches bleues dans les métropoles blanches qui sont les zones de relégation urbaines (banlieues "ghettos", "zones urbaines sensibles"), dont la population est aujourd'hui en grande partie d'origine extra-européenne (mais venait autrefois des autres pays d'Europe... ou tout simplement des campagnes et autres périphéries de l’État !) ; et surtout, beaucoup moins visibles médiatiquement, zones de relégations rurales ou anciens bassins industriels aujourd'hui en déshérence, où se concentre un niveau de prolétarisation effrayant... et qui correspondent dans une très large mesure à nos nationalités dont le simple fait d'évoquer l'existence signifie "vouloir revenir aux duchés du Moyen Âge" aux yeux de certains.

    En dernière analyse, ce que nous voyons sur cette carte est d'un côté là où la force de travail prolétaire (ou paysanne pauvre) produit la richesse, et de l'autre là où la bourgeoisie et les petits bourgeois mangeant au râtelier du système la reçoivent : l'ordre social que reflète cette carte est précisément celui que nous voulons abattre.

    La question n'est donc pas, comme on l'a dit et comme on peut le voir, de "ressusciter" les entités politiques féodales antérieures à l’État moderne français, ni même tant que cela la question de préserver la langue et la culture (c'est un aspect important, mais seulement un aspect - qui n'empêche pas par exemple les Irlandais ou les Écossais, très minoritaires à employer leur langue celtique historique, d'avoir un très haut niveau de conscience politique de Peuple) : elle est de lutter en tant que "question méridionale", en tant que Mezzogiorno de l’État français (nous disons "question méridionale" mais ceci vaut aussi pour les Bretons, les Peuples du Nord et du Nord-Est etc.) !

    L’État français centralisateur, expression du "Progrès" historique ? Oui, en effet... Dans le sens où il est l'expression, le produit et l'instrument du CAPITALISME en tant que stade historique postérieur et "supérieur" à la féodalité. Mais ce capitalisme, il n'a jamais existé non plus sans multiplier les crimes contre le Peuple producteur et aujourd'hui, l'ordre du jour est précisément de l'abattre ! Comment, dès lors, prétendre être "anticapitaliste" et se satisfaire d'un ordre des choses qui est son œuvre ?? [1]

    La Guerre aux pauvres commence à l’école : sur la morale laïque (entretien avec Ruwen Ogien sur le site Questions de Classe(s))En tant que stade historique spécifique, le capitalisme va certes se confronter avec les forces de la féodalité (aristocrates, religieux et autres "anti-modernes") mais aussi... mener une guerre sans merci contre les masses populaires pour les mettre dans les chaînes du Capital ; aspect que (bien sûr) l'histoire écrite par la bourgeoisie va s'efforcer de taire ou minimiser, mais que Marx a parfaitement décrit dans le cas particulier de la Grande-Bretagne [lire aussi : http://partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-changes-en-esclaves-salaries-pour-lindustrie-par-yasha-levine/].

    Et une fois cette guerre remportée, comme nous le savons tous et toutes, sa base est et demeure l'exploitation du travail et l'extorsion du produit de celui-ci, pression qui se renforce sur les masses populaires du monde entier (car le capitalisme régit désormais toute la planète ou presque) à mesure que le système s'enfonce dans la crise - ce qu'il fait depuis la fin du 19e siècle (crise de 1873 et suivantes).

    En tant que produit, instrument (État au sens d'institutions) et base d'accumulation fondamentale (État au sens de territoire) du capitalisme en développement et de sa classe motrice la bourgeoisie, l’État français (absolutiste puis alternativement républicain et monarchique constitutionnel puis définitivement républicain bourgeois) a certes "balayé" les vieux fiefs féodaux et "l’État dans l’État" représenté par l’Église... mais pas seulement : il a aussi écrasé la myriade de petites républiques populaires paysannes que constituaient chaque village ou vallée de montagne, ou encore les républiques bourgeoises des villes, qui coexistaient avec l'autorité seigneuriale ou auxquelles celle-ci se superposait ; et surtout il a nié les Peuples qu'il annexait au fil de son extension (Occitans, Bretons, Arpitans, Basques et Catalans, Corses, Picards et Ch'tis, Alsaciens et Lorrains etc.) pour les transformer en "sujets" du roi puis en "citoyens" de la République - comprendre en force de travail vouée à générer la plus-value du Capital.

    [L'on pourrait citer ici le camarade Kaypakkaya, au sujet de l'assez similaire État turc (né simplement plus tardivement et de façon plus "accélérée" et brutale)  : "Quel est l'objectif de l'oppression nationale ? Cet objectif, de manière très générale, est de maîtriser la richesse matérielle de tous les marchés du pays sans avoir de rivaux, pour gagner de nouveaux privilèges, étendre les limites des privilèges actuels et s’en servir. Dans ce but, la bourgeoisie et les propriétaires issus de la nation dominante, afin de conserver les frontières politiques du pays font d’énormes efforts pour empêcher par tous les moyens les régions dans lesquelles vivent plusieurs nationalités de se séparer du pays. Dans les mots du camarade Staline : “Qui dominera le marché ?” [la bourgeoisie du Bassin de la Seine ou occitane, lyonnaise, de Flandre-Artois, ou encore anglo-normande ? les foires de Champagne ou du Languedoc ? etc.]. C’est l’essence de la question. (...) L’oppression des travailleurs des peuples minoritaires acquiert de cette manière une double qualité : premièrement il y a l’oppression de classe utilisée contre les travailleurs afin d’exploiter et d’éradiquer la lutte de classe ; deuxièmement, il y a l’oppression nationale mise en œuvre pour les objectifs mentionnés plus haut contre toutes les classes des nations et des nationalités minoritaires. Les communistes font la distinction entre ces deux formes d’oppression parce que, par exemple, tandis que les bourgeois kurdes et les petits propriétaires s’opposent à la seconde forme d’oppression, ils supportent la première. En ce qui nous concerne, nous sommes opposés aux deux formes d’oppression. Afin d’éradiquer l’oppression nationale, nous supportons la lutte de la bourgeoisie kurde et des petits propriétaires, mais, d’un autre côté, nous devons nous battre contre eux pour mettre un terme à l’oppression de classe."]

    Il a, au service du Capital, exploité les masses travailleuses et réprimé dans le sang leurs révoltes, depuis les soulèvements paysans du 17e siècle (Croquants occitans, Bonnets rouges bretons etc.) jusqu'aux Communes de 1870-71 (Paris mais aussi Marseille, LyonNarbonneSaint-Étienne etc. etc.) [si l'on peut se permettre ici une petite parenthèse et un parallèle historique : les Communes de "province" puis de Paris ont été écrasées par l’État de la bourgeoisie en 1871 exactement comme les Communes de "province" ont été écrasées en 1793 (l'aboutissement de cela étant peut-être la loi ultra-centralisatrice du 14 frimaire an II - 4 décembre 1793)... avant que leurs bouchers (les Fouché, Barras, Tallien, Fréron, CarrierDumont etc. ; avec leur "référent" au Comité de Salut Public le notable occitan traître, grand propriétaire terrien et opportuniste politique de première Barère de Vieuzac - par ailleurs pourfendeur acharné des langues populaires nationales), rappelés à Paris par un Robespierre ulcéré de leurs crimes, ne se retournent contre lui (Thermidor) et n'écrasent à son tour celle de la capitale... y a-t-il vraiment une si grande différence ?].

    Il a, bien avant et bien mieux que bien des "marxistes" autoproclamés (encore aujourd'hui), compris l'importance politique fondamentale de la culture ; et il a par conséquent imposé aux masses populaires la langue et la culture de la classe dominante (langue qu'il a fabriquée dans son Académie française à partir de l'oïl noble et grand-bourgeois du Val de Loire), dès le 16e siècle dans l'administration (ordonnance de Villers-Cotterêts, 1539)[2] puis à partir de la Révolution bourgeoise (enquête et rapport de l'abbé Grégoire 1790-94, discours de Barère au Comité de Salut Public le 27 janvier 1794 etc.) dans la vie sociale quotidienne : lorsque, pensait la bourgeoisie, "ils (les ouvriers et les paysans) parleront et penseront comme nous, ils ne bougeront que dans les limites que nous leur auront fixées" [lire ici : Comment les langues du Peuple ont été rendues illégitimes]...

    Ceci fut notamment le rôle de l'école, cette autre grande vache sacrée de toute la "gauche" bourgeoise y compris autoproclamée "marxiste", qui se développe dès le 17e siècle sous la houlette de l’Église puis devient en 1880 avec Jules Ferry (par ailleurs chantre de la conquête coloniale) "publique, gratuite, laïque et obligatoire". Ce dernier exposait d'ailleurs les choses aussi clairement qu'en ces termes : "Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes" => l'attaque vise ici clairement l’Église catholique... ou plutôt - pour être exacts - le contre-pouvoir que celle-ci représentait encore à l'époque pour les masses paysannes, qu'il s'agissait de soumettre définitivement Luttons-nous pour "ressusciter le comté d'Auvergne" ? Une réponse (qui se veut) claire et définitive à ce genre d'"argument" inepte et à deux ballesà la République bourgeoise. Mais il ajoute aussitôt : "Si cet état des choses se perpétue, il est à craindre que d'autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d'un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871" => ici c'est l'allusion à la Commune de Paris, première ébauche de dictature du prolétariat dans l'histoire de l'humanité, qui est transparente !

    Et tout cela, tout ce que nous venons de voir, l’État français l'a fait au service et au bénéfice d'un Capital consistant en une pyramide bourgeoise dont le sommet est la bourgeoisie parisienne, historiquement directement liée au pouvoir d’État qui s'est mis à son service ; Capital dont les Peuples conquis et niés (une "province", pro vincia en latin, signifie un pays "précédemment vaincu" autrement dit conquis !) sont devenus la force de travail et les territoires mis sous son autorité la base première d'accumulation produisant la richesse (avant de se lancer à la conquête des colonies outre-mer)[3] ; richesse remontant et se concentrant mécaniquement autour de Paris où siège la "bourgeoisie-maître", la bourgeoisie principale ; tout ceci donnant cette organisation sociale du territoire en Centres et Périphéries que montre bien la carte.

    Une organisation socio-territoriale en Centres et Périphéries, produit d'un ordre social capitaliste avec lequel nous voulons précisément en finir...

    Tout ceci, il faut cependant le dire, n’est jamais allé sans résistances comme le montre par exemple cette autre carte :

    Cette carte montre les rébellions collectives (autrement dit les émeutes populaires) contre les forces de l’ordre bourgeois par canton entre 1800 et 1859, époque de la "révolution industrielle" où la subsomption des masses populaires par le capitalisme se parachève de manière particulièrement brutale. Et si l’on observe bien évidemment une concentration de ces soulèvements au niveau des faubourgs ouvriers de Paris, où ils font éventuellement basculer les régimes – 1830, 1848 etc. (Paris ouvrier où s’entasse au demeurant un prolétariat… immigré de toutes les "provinces" de l’État ! - le département de la Seine quintuple sa population au cours du 19e siècle), l’on voit très nettement que c’est dans les PÉRIPHÉRIES – en particulier l’Occitanie, la Bretagne et ses régions limitrophes terres de Chouannerie, ou encore le Nord minier – que se concentrent les résistances insurrectionnelles contre l’ordre capitaliste triomphant… Des territoires qui correspondent très largement au bleu de la première carte ; un bleu qui désigne aujourd’hui ni plus ni moins que les "CAMPAGNES" DE LA GUERRE POPULAIRE que nous voulons mener.

    L’État français n'est pas une "expression du Progrès" comprise de manière abstraite et idéaliste (manière hélas partagée par des gens se voulant "marxistes") ; pas plus qu'une entité "flottant" au-dessus des classes et de leur lutte : il est - organiquement identifié à elle - l'appareil politico-militaire et idéologico-culturel de la classe que nous combattons, la bourgeoisie !

    Et notre lutte n'est pas une lutte pour "ressusciter" le comté d'Auvergne ou le duché d'Aquitaine ; pas plus qu'elle n'a quoi que ce soit à voir avec un quelconque remplacement des classes sociales par les nationalités/"identités"/"ethnies" façon Yann Fouéré (L'Europe aux cent drapeaux) ou François Fontan ("ethnisme"), ces représentants de la petite bourgeoisie de leurs nationalités respectives (occitane et bretonne) qui ont constaté un certain nombre de choses (celles que nous constatons nous aussi et que Luttons-nous pour "ressusciter le comté d'Auvergne" ? Une réponse (qui se veut) claire et définitive à ce genre d'"argument" inepte et à deux ballesnous venons d'exposer !) mais les ont analysées au prisme de leurs conceptions de classe, débouchant sur cette idée d'un affrontement entre "nationalités" ou "ethnies prolétaires" et "nationalités" ou "ethnies dominantes" en remplacement d'une lutte des classes qui n'était pas de leur intérêt.

    Il ne s'agit nullement pour nous d'"inventer de nouveaux sujets révolutionnaires" (que seraient nos Peuples niés/emprisonnés/ périphérisés des grands États capitalistes contemporains) dans le soi-disant but de "liquider le prolétariat et sa lutte de classe" - en réalité, et pour le dire une bonne fois pour toutes, il n'y a pas de problème de "nouveaux sujets révolutionnaires" ni de supposés "inventeurs" de ceux-ci : il y a un problème de gens qui brandissent systématiquement cet argument pathétique et minable chaque fois que quelqu'un veut appréhender la lutte des classes sous toutes ses formes ; car eux (ces gens-là) voudraient la voir (la lutte des classes) enfermée entre les quatre murs d'une entreprise dont ils savent pertinemment (connaissant sur le bout des doigts "leur" Lénine qui l'a clairement expliqué il y a plus d'un siècle) qu'elle ne sortira jamais, protégeant ainsi un système qui est leur râtelier (ceci valant pour les questions de nos Peuples mais aussi pour les racisé-e-s, les patriarcalisé-e-s etc. etc.).

    Ce n’est pas même non plus – comme telle est malheureusement l’approche erronée de beaucoup de personnes – une question de langue qui "ferait" ou non l’existence d’une nationalité ; amenant à des débats sans fin pour savoir ce qui est un idiome "à part" ou ce qui ne l’est pas et pour délimiter sur cette base linguistique un territoire "national" "au village près", conduisant régulièrement à des "prises de bec" avec les affirmateurs des Peuples voisins etc. etc. : une déviation que nous qualifierions du terme rabelaisien de "picrocholinisme". Si nous voulons bien nous transporter un instant (pour la démonstration) dans un État voisin, l’État espagnol, l’Andalousie – question méridionale par excellence de cet État – ne parle pas vraiment une autre langue que le castillan, à quelques particularismes "argotiques" ou de prononciation près. Elle parle castillan pour les mêmes raisons que le Mexique, le Pérou ou le Venezuela : parce qu’elle a été conquise et s’est vue imposer la langue du conquérant... Mais elle n’en abrite pas moins un Peuple travailleur ouvrier et paysan à la conscience de soi particulièrement affirmée et constante à travers l’histoire ; et qui a particulièrement intérêt (et particulièrement de combattivité !) à s’arracher à la botte étatique bourgeoise "espagnole" ! L'on pourrait encore citer le cas de l'Irlande, indiscutablement opprimée et dont la lutte contre cette oppression est bien connue de tou-te-s (et célébrée par les authentiques révolutionnaires et progressistes du monde entier), mais où la langue gaélique (pourtant "officielle" dans la pseudo-"République" des 26 comtés du Sud) n'est plus utilisée dans la vie quotidienne que par quelques dizaines de milliers de personnes dans quelques secteurs de l'Ouest de l'île (et moins de 200.000 sur 1,8 million en ont une "certaine connaissance" dans les 6 comtés occupés du Nord où se déroule surtout la lutte), la langue de la grande masse de la population étant l'"anglais populaire irlandais"...

    Non, notre lutte est une lutte pour abattre cet État création et instrument du Capital, les murs de cette prison, et en libérer les Peuples travailleurs qu'elle renferme.

    Nous ne sommes pas, à vrai dire, "indépendantistes" ni même "autonomistes" : nous ne sommes tout simplement pas dans ce paradigme bourgeois là.

    Luttons-nous pour "ressusciter le comté d'Auvergne" ? Une réponse (qui se veut) claire et définitive à ce genre d'"argument" inepte et à deux ballesNous sommes des révolutionnaires qui voulons le socialisme. Nous voulons arracher les territoires les plus vastes possibles, et les hommes et les femmes qui y  vivent, à l'ordre capitaliste pour y instaurer le socialisme qui est le processus devant mener au communisme. Et sur ces espaces géographiques libérés, où nous aurons aboli l'ordre social capitaliste en commençant par ses institutions gardiennes - l’État bourgeois, nous voulons établir de nouvelles relations sociales et notamment de nouvelles relations entre les territoires et leurs populations, entre les Peuples nationaux (les nationalités sans leurs bourgeoisies, dont nous nous foutons un peu sur les bords ; précisons bien ici aussi - pour couper court à un autre "procès" classique - que ces masses populaires nationales consistent en tou-te-s ceux/celles qui vivent, travaillent et ne sont pas des ennemi-e-s du peuple sur le territoire considéré, conformément au point de vue léniniste sur la question) ; des relations qui ne soient plus de domination des uns et de subordination des autres (dès lors que la première des dominations, celle du Capital, aura été renversée) mais de fédération démocratique, fraternelle et coopérative entre les Peuples ; jusqu'à ce que le monde entier arraché au capitalisme signifie le communisme. Une Fédération des Peuples qui, comme le disait Lénine [4] et le répétera Argala, suppose des Peuples libres ; libérés de leurs États-prisons et de tout rapport de domination, d'oppression et/ou de négation nationale : "L’internationalisme prolétarien signifie la solidarité de classe exprimée dans le soutien mutuel entre les travailleurs des différentes nationalités, unis dans un respect mutuel de leurs formes particulières d’identité nationale" (Argala).

    Ce que nous voulons, en définitive... c'est tout simplement ce qu'imaginait Lénine pour la jeune URSS qui voyait le jour sous ses yeux - même si ceci fut hélas grevé par l'"esprit argousin grand-russe", comme le notait déjà le grand dirigeant bolchévik dans ses derniers écrits, ainsi que par les nationalismes bourgeois chauvins et réactionnaires (comme typiquement en Ukraine) attisés par les ennemis de la "Patrie des Travailleurs" (Allemagne nazie puis Alliance atlantiste). C'est la raison pour laquelle notre affirmation du Peuple occitan, loin d'être une quelconque nostalgie "romantique" de l'époque médiévale, est indissociable du fait d'être communistes.

    Le processus vers le communisme est AUSSI un processus de fusion des nations en une grande "Commune" universelle ; MAIS pour cela, comme nous l'enseigne Lénine, elles doivent être LIBRES... C'est comme si, pour dire, des alvéoles en carton qui seraient les États-"nations"-prisons contenaient de petits objets comme des billes, qui seraient les Peuples nationaux réels qu'ils renferment : en retirant, en faisant "sauter" les alvéoles-États... les billes-peuples ne sont pas plus séparées, mais tout au contraire plus réunies ; on ne s'est pas éloigné, mais on a bel et bien avancé vers l'unité des nations !

    Or le capitalisme, s'il donne naissance aux nations au sens moderne et peut ainsi conjoncturellement favoriser leur libération de grands Empires, tend STRUCTURELLEMENT à l'inverse : à la concentration en grands ensembles (grands États oppresseurs, "cartels" continentaux comme l'UE, Empires coloniaux ou néocoloniaux) sous la direction et au service de Centres capitalistiques ; et à ce stade des monopoles impérialistes où nous nous trouvons, les bourgeoisies ne peuvent plus être le "cœur", le moteur historique des libertés nationales ; le mouvement révolutionnaire des peuples travailleurs doit se substituer à elles dans ce rôle considerations-diverses-le-coeur-des-nations-est-aujourd-hui-le-peuple.

    Comme nous avons déjà pu l'écrire à plusieurs reprises, IL N'Y A PAS (surtout pas dans l’État métropole impérialiste qui est le nôtre) des "luttes de libération nationale" et une lutte sociale de classe entres lesquelles il s'agirait de "trouver la bonne articulation" : notre affirmation et volonté de libération, en tant que Peuples niés par la construction historique de nos exploiteurs qu'est l’État, est l'expression spécifique de la lutte des classes dans notre situation spécifique

    En fin de compte : un peu de patriotisme (au sens bien sûr d'attachement à nos Peuples réels, pas de loyauté envers l'entité fRance !) nous éloigne peut-être de la lutte des classes... mais beaucoup nous y ramène !

    Luttons-nous pour "ressusciter le comté d'Auvergne" ? Une réponse (qui se veut) claire et définitive à ce genre d'"argument" inepte et à deux balles

    Pour comprendre comment l’État français, cadre géographique dans et ennemi politique contre lequel nous luttons, s'est historiquement constitué ; nous vous renvoyons encore une fois à notre grande étude en quatre parties sur le sujet :

    En finir avec la 'France', appareil politico-militaire et idéologique de nos oppresseurs !

    En finir avec la 'France', appareil politico-militaire et idéologique de nos oppresseurs ! (suite)

    En finir avec la 'France' (3) : l'État bourgeois contemporain, notre prison politico-militaire et idéologique actuelle

    En finir avec la 'France' (4) : nos tâches de communistes révolutionnaires


    [1] Telle est la position de Servir le Peuple (et la position, tout simplement, matérialiste) : oui, du point de vue du développement des forces productives, du progrès scientifique et technique et – par là – de l’amélioration des conditions de vie générales, cette séquence historique ‘État moderne – révolutions bourgeoises’ et (sur le plan économique) accumulation primitive – révolutions industrielles’ (13e-19e siècles) a évidemment été progressiste au sens littéral du terme : porteuse de progrès pour la reproduction des conditions d'existence humaines ; et plus largement (et surtout), dans la perspective de marche de l'histoire vers l'horizon communiste inéluctable, rapprochant l'humanité du communisme, y compris en faisant beaucoup de mal aux masses populaires (ce qu'elle ne pouvait que faire, à vrai dire, le processus n'étant pas dirigé par le prolétariat...). En d'autres termes, si l'on veut jeter sur les choses un regard parfaitement froid et 'clinique' : avoir arraché les masses populaires d'Europe (puis du monde entier avec l'impérialisme) à tout moyen de production et de subsistance autre que la vente de leur force de travail (processus souvent accompagné par la formation de grands États modernes en annexant des territoires et leurs populations), pour en faire des prolétaires... a OBJECTIVEMENT rapproché celles-ci du communisme, quelle que soit l'horreur qui a pu accompagner le processus. Et si l'on voulait pousser encore plus loin dans l'horreur 'clinique' : avoir arraché des millions d'Africain-e-s à leur paisible vie communautaire-primitive pour les mettre en esclavage dans les Amériques ou l'Océan Indien... les a OBJECTIVEMENT rapprochés (ainsi que leur descendance) du communisme ; et la colonisation qui a suivi dans leurs pays d'origine, et dans d'autres encore, a également rapproché ces derniers du communisme. L'extermination des trois quarts de la population indigène des Amériques (sociétés communautaires-primitives ou 'asiatiques') a elle aussi objectivement rapproché les rares survivants (et leurs descendants) du communisme. À vrai dire, même le passage de la société communautaire-primitive ou "tribale" aux sociétés esclavagistes de l'Antiquité rapprochait en son temps les populations concernées du communisme ! Ce sont là des constats objectifs de faits... mais qui ne signifient nullement une défense morale de ces processus et de la violence qui les a accompagnés ; processus dont le résultat est précisément l'ordre capitaliste mondial que nous combattons aujourd'hui !!! C'est là une illustration absolument parfaite de la négation de la négation ; de la marche en spirale de l'histoire humaine vers le communisme. Or pour beaucoup de 'marxistes' vulgaires, l'un a souvent fini par se transformer en l'autre. Et c'est précisément avec ce marxisme vulgaire (choses que Marx et Engels, au stade de l'enfance du marxisme, ont pu mal dire en des termes parfois choquants pour nos consciences révolutionnaires du 21e siècle ; mais qui ont surtout été encore plus mal comprises par un certain nombre d'imbéciles ultérieurs se croyant doctes), que nous voulons en finir.

    Lire aussi : La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes, par G. Maj du (n)PCI

    [2] Et encore... Cette fameuse ordonnance, qui visait avant tout à abolir l'usage administratif (judiciaire pour être exact) du latin (langue qui n'était alors plus comprise par personne en dehors des hommes d'église et des fins lettrés), stipulait en réalité que les décisions de justice devaient être rendues en langue "vulgaire" (du vulgus  = le peuple), "dans la langue maternelle des sujets du roi"... ce qui pouvait tout à fait vouloir dire les langues "régionales" (nationales réelles) et non forcément l'oïl d'entre Paris et les châteaux de la Loire ! L'imposition administrative du français remonte en réalité plus vraisemblablement au 17e siècle, sous Louis XIII et Richelieu puis Louis XIV, en s'appuyant éventuellement sur une interprétation détournée de Villers-Cotterêts ; tandis que s'élaborait parallèlement à l'Académie une langue officielle vouée à la fois à s'imposer à tou-te-s... et à être inaccessible au plus grand nombre (à l'écrit du moins... écrit qui donne accès aux diplômes et aux hautes fonctions de la société...).


    [3] ANNEXE d'une très grande importance : dans une prise de parole au Pays Basque (festival EHZ à Mendionde près d'Hasparren) Saïd Bouamama du FUIQP explique clairement que "la colonisation a d'abord été interne", avec la soumission et la négation de nos Peuples hexagonaux (basque, occitan, breton, lorrain ou encore picard/ch'ti etc. etc.), avant de se lancer au-delà des mers ; colonisation d'outre-mer dont sont aujourd'hui issues... les colonies intérieures (l"Empire colonial intérieur"...) c'est-à-dire les "indigènes de la métropole", les racisé-e-s des banlieues-ghettos comme le camarade Bouamama lui-même - ceci à la différence près (mais de taille...) que ces catégories populaires de l'"Empire colonial intérieur" sont soumises au problème spécifique de la race (que nous avons pu aborder plus spécifiquement dans d'autres articles), c'est-à-dire que l'injonction permanente  à l'"intégration" qui leur est adressée en paroles s'accompagne en pratique d'une exclusion permanente pour "défaut"/"insuffisance" de celle-ci et au "mieux" d'un rôle de "curiosités anthropologiques" pour les plus performant-e-s ; problème que nos Peuples blancs (et les travailleurs issus de l'immigration européenne) n'ont plus depuis au moins le milieu du siècle dernier ; du fait que la racisation accompagnant le colonialisme proprement dit (la domination et la surexploitation impérialiste outre-mer) a consisté pour les populations en une véritable exclusion de l'espèce humaine...  [lire aussi ici La logique coloniale française : des Basques aux Algériens, de la colonisation « intérieure » à la colonisation « extérieure », publié peu de temps après sur son blog ; ou encore - quelques mois plus tard - l'article Pour un internationalisme domestique d'Houria Bouteldja du PIR].

    C'est là la juste compréhension de la concentricité du système de domination "France" comme base d'accumulation capitaliste vouée à l'expansion permanente ; et la jonction intellectuelle entre les deux grandes Périphéries d'Hexagone autrement dit les deux grandes "campagnes" de la Guerre populaire qui vient ! 

    La prochaine fois qu'un petit connard jacobino-"universaliste" tentera d'opposer nos luttes "provinciales" à celles des racisé-e-s sur l'air de "c'est une honte de vouloir comparer" (alors même que l'antiracisme et l'anticolonialisme, bien souvent, s'arrêtent pour eux aux portes de la Palestine), c'est avec un plaisir non-dissimulé que nous lui opposerons cette bande audio (ah oui mais non, c'est vrai, il nous rétorquera que "ouais Bouamama l'ami de Michel Collon qui ceci qui cela"...).

    Pour illustrer ce parallèle entre "colonisation" interne ("provincialisation" hexagonale) et ultra-marine (colonialisme proprement dit), et ceci sans "remonter à Hérode" s'il vous plaît (ni s'éloigner beaucoup du Pays Basque...), il peut être intéressant de lire cet article rédigé l'été dernier : Les Landes de Gascogne, histoire d’une colonisation dans la logique même du capitalisme et de son État français


    [4] "L'un de ces arguments était que défendre l'autodétermination et la libération nationale allait à l'encontre de l'internationalisme prolétarien. Il était argué que le socialisme devait viser à la fusion de toutes les nations. Lénine était d'accord avec le fait que le but du socialisme était d'abolir la division de l'humanité en petits États, de rapprocher les nations jusqu'à les fusionner. Cependant, il pensait que ceci était impossible à accomplir par une fusion forcée des nationalités. La fusion des nations ne pouvait s'effectuer qu'en passant par une période transitionnelle de complète libération de toutes les nations opprimées, signifiant leur droit de se séparer. Présentant le programme du Parti en 1917, Lénine dit que : “Nous voulons la libre union des nationalités, c'est pourquoi nous devons leur reconnaitre le droit de se séparer : sans la liberté de se séparer, aucune union ne peut être qualifiée de libre”. Telle est l'approche démocratique du prolétariat vis-à-vis des questions nationales, par opposition à la politique bourgeoise d'oppression et d'annexion."Manuel théorique marxiste-léniniste-maoïste du PC d'Inde (maoïste)

    [Précisons ici que dans le même texte de référence, Lénine dit aussi que "Mais, d'autre part, nous ne souhaitons nullement la séparation. Nous voulons un État aussi grand que possible, une union aussi étroite que possible, un aussi grand nombre que possible de nations qui vivent au voisinage des Grands-Russes ; nous le voulons dans l'intérêt de la démocratie et du socialisme, en vue d'amener à la lutte du prolétariat le plus grand nombre possible de travailleurs de différentes nations. Nous voulons l'unité du prolétariat révolutionnaire, l'union et non la division"... ce que saisiront évidemment au vol tous les jacobinards, espagnolistes et autres "britannistes" "rouges" pour alimenter et "confirmer" leurs "arguments" pourris ; alors que Lénine ne fait qu'exprimer là son internationalisme, son souhait (et c'est bien le moins que l'on puisse attendre de lui...) de voir le "maximum" de Peuples travailleurs unis autour de la révolution prolétarienne pour la libération de l'humanité et le communisme (et l'Empire tsariste, avec ses presque 22 millions de km² et ses 180 millions d'habitant-e-s à cheval sur deux continents, était bien entendu le cadre géographique "rêvé" pour cela), et nullement un quelconque centralisme jacobin conforme à leurs fantasmes (ou, mieux dit, à leur râtelier historique) de petits bourgeois et/ou d'aristocrates ouvriers. Il s'agit bien là d'une union "la plus large et étroite possible" mais qui, comme on l'a dit, ne peut être qu'une union LIBRE, "librement" c'est-à-dire démocratiquement consentie et non forcée comme celle des 130 départements de la "France" "révolutionnaire" bourgeoise des années 1790-1800 ; une union d'ailleurs uniquement possible dans le cadre d'un système supérieur socialiste ("la révolution sociale met à l'ordre du jour l'union des seuls États qui sont passés au socialisme ou qui marchent vers le socialisme") ; et pour laquelle Lénine est d'ailleurs même prêt à "perdre" des Peuples au profit de la Réaction (Pologne, Finlande) au nom de ce principe supérieur de liberté d'union ou de séparation (une vision plus "jacobine" autoritaire était peut-être celle de Staline et de quelques autres ; ainsi que très certainement de Trotsky, Rosa Luxemburg et autres "hochets" perpétuellement agités par les "anti-staliniens" en réalité anti-léninistes ; mais elle fut impitoyablement combattue par Lénine jusqu'à son dernier souffle et le temps est révolu de faire dire à Vladimir Illitch tout et n'importe quoi - et surtout ce qui nourrit ses propres fantasmes de pathétique "soldat de l'an II" avec 220 ans de retard, d'"universaliste" impérial etc. etc.). Une telle union "libre" (démocratique) de Peuples marchant vers le communisme, il est bien évident que nous aussi la souhaitons la plus large possible, la plus "solide" au sens de détermination des Peuples associés à ne pas "lâcher" le projet révolutionnaire commun, et d'ailleurs pas (nous ne voyons pas pourquoi) limitée aux frontières hexagonales de l’État "français" légué par la bourgeoisie (les gens ne puent pas, à notre connaissance, au-delà de celles-ci).]

    "L'exercice du droit à l'autodétermination dépend des circonstances historiques concrètes à un certain point déterminé de l'histoire. Il appartient aux révolutionnaires de travailler et d'influer politiquement sur la décision de la nation par rapport au droit à l'autodétermination. La décision du Parti révolutionnaire pourra être aussi bien l'autonomie que la fédération, la sécession ou toute autre option qui soit dans le meilleur intérêt des masses laborieuses, en particulier du prolétariat." - ibid. ; principalement extrait de l'ouvrage de Staline sur Le Marxisme et la Question Nationale.

    En réalité, il est possible de dire qu'il y a sur cette question nationale et/ou du centralisme étatique :

    - une thèse "utilitariste" : les luttes des Peuples opprimés sont "utiles" aux travailleurs des Centres de la domination dans leur lutte contre leurs exploiteurs... et soutenues par eux pour autant qu'elles sont ainsi jugées "utiles", mais en perdant de vue que ces travailleurs constituent eux-mêmes un groupe social dominant et privilégié ("construit" dans le privilège sur le dos des opprimés) qui risque donc de "plier" sa conception de l'utilité/intérêt pour lui de ces luttes à la défense de cette position sociale ;

    - et une thèse "fondamentaliste" : les luttes des Peuples opprimés, selon l'agenda d'eux-mêmes, sont FONDAMENTALES pour "de proche en proche", "en cercles concentriques" (gagnant peu à peu les Peuples "moins" dominés), encercler et ÉTRANGLER les Centres du Pouvoir et enfin les abattre.

    Chez Lénine et les léninistes, on peut estimer qu'il y a un "saut qualitatif" de l'"utilitarisme" vers le "fondamentalisme" entre les "Notes critiques sur la question nationale" (1913) et "La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes" (1916) ; avec, si l'on peut dire, une "synthèse" dialectique finale dans la révision du programme du Parti (1917) citée plus haut.

    Et histoire de plier une fois pour toutes ces (toujours les mêmes) arguments de toujours les mêmes connards, on peut égalementciter :

    "Il faut rappeler aujourd'hui que ce passage [d'une adresse de 1850 à la Ligue des Communistes, qui défendait le centralisme étatique le plus rigoureux] repose sur un malentendu.

    À ce moment-là il était admis – grâce aux faussaires libéraux et bonapartistes de l'histoire – que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la Grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l'ennemi extérieur.

    Mais c'est actuellement un fait connu que pendant toute la Révolution, jusqu'au 18 Brumaire*, l'administration totale du département, de l'arrondissement et des communes se composait d'autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’État, jouissaient d'une liberté complète ; que cette administration autonome provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique (bon là, claire idéalisation des États-Unis avec oubli de la question coloniale-raciale, mais bref), devint précisément le levier le plus puissant de la révolution ; et cela à un point tel que Napoléon immédiatement après son coup d’État du 18 Brumaire, s'empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours et qui fut donc, dès le début, un instrument de réaction**".

    F. Engels dans une note sous le texte réédité, 1885

    [* En réalité Thermidor, voire sa "préparation" dès 1793 par les "représentants en mission" (dont la plupart sont restés de triste mémoire) et la loi du 14 frimaire an II à l'initiative principalement des futurs thermidoriens Billaud-Varenne et Barère, tandis que sur le plan linguistique était promulgué une semaine avant le coup d’État réactionnaire, à l'initiative nullement "de Robespierre" mais de Merlin de Douai (futur thermidorien qui mourra tranquillement en 1838 après avoir été "entre autres" Président du Directoire puis comte d'Empire...), le décret du 2 thermidor an II sur des arguments complètement hallucinants.]

    [** En réalité et pour être exact, c'est dès le Directoire que des "commissaires du gouvernement" dans chaque département préfigurent les préfets napoléoniens.]

    [Si on lit par exemple ce document : décentralisation-nord-1789-1793 ; il apparaît nettement que c'est décembre 1793 (frimaire an II) qui marque un point de rupture fondamental : l'écrasement (pas d'autre mot) de la "révolution provinciale", auquel ne manquera plus alors que celui de la révolution parisienne, consommé avec Thermidor... Les procureurs syndics départementaux, magistrats élus chargés de veiller à l'exécution des lois (sortes d'équivalents des sheriffs nord-américains), deviennent des fonctionnaires nommés ; les conseils généraux sont supprimés et les directoires (exécutifs des départements) voient leurs compétences sévèrement amputées ; etc. etc. La France républicaine abandonne alors définitivement la voie de devenir une "grande Suisse" démocratique et décentralisée, d'exercice local permanent de la souveraineté populaire...]

    Et LÉNINE dans L'État et la Révolution (1917) reprend d'ailleurs ces mêmes propos (légèrement déformés ou propos similaires tenus ailleurs) :

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère

    Luttons-nous pour "ressusciter le comté d'Auvergne" ? Une réponse (qui se veut) claire et définitive à ce genre d'"argument" inepte et à deux balles


    Tentative de résumé synthétique (pour celles et ceux qui n'auraient TOUJOURS pas compris) :

    - Il y a très longtemps, au Moyen Âge, apparaissait dans les villes ce que l'on appelle la bourgeoisie et le capitalisme (nous vous renvoyons à la définition marxiste de ces notions) ;

    - Cette émergence ("premières lueurs de l'aube") du capitalisme est, si l'on en croit Ibrahim Kaypakkaya, ce qui a donné naissance à la réalité moderne appelée "nations" ou "nationalités" - l'idée de "Nation française" est donc une farce, car il n'existait à cette époque aucune sorte de "France" sinon une expression géographique aux contours mal définis dans le Bassin parisien (et il n'y avait pas de "roi de France" mais un "roi des Francs occidentaux") ;

    - À partir de là, cette classe sociale bourgeoise va mettre la main, comme instrument politico-militaire au service de ses buts de classe, sur la monarchie capétienne régnant à Paris. Mais une telle alliance avec le trône de Paris va évidemment bénéficier en premier lieu... à la bourgeoisie de cette même ville capitale (la bourgeoisie "française" se configure alors en une sorte de pyramide avec la bourgeoisie parisienne à son sommet) ;

    - Munie de cet instrument politico-militaire, la jeune (mais de plus en plus puissante) bourgeoisie va alors "déployer" le capitalisme c'est-à-dire soumettre les territoires et mettre leurs populations dans les chaînes du Capital (les privant de tout moyen de production autre que leur force de travail et de tout moyen de subsistance autre que le salaire de la vente de celle-ci), ainsi qu'annexer des terres comme l'Occitanie où les rapports de production capitalistes s'étaient déjà fortement développés (mais dont l'appareil étatique était trop faible pour résister à la conquête) ; l'ensemble de ces "pays conquis" (pro vincia => "province") formant ce que nous appelons aujourd'hui la France, base première d'accumulation capitaliste, et leurs bourgeoisies vaincues intégrant la grande "pyramide" bourgeoise "française" en position subordonnée (bien sûr) au "sommet" parisien ;

    - À un moment donné même, face aux difficultés de l'expansion territoriale en Europe (à la poursuite des mythiques "frontières naturelles"), cette recherche de bases d'accumulation et de débouchés commerciaux franchira les mers et s'étendra à d'autres continents (premier Empire colonial) ;

    - Le processus révolutionnaire bourgeois, connu comme "1789" mais s'étendant en réalité du règne de Louis XV jusqu'à la fin du 19e siècle, a consisté pour la "pyramide" bourgeoise hexagonale à se débarrasser de l'instrument monarchique capétien et des vieilles classes féodales qu'il traînait à sa suite. Il verra également (c'est important à souligner) une nouvelle explosion des contradictions entre la bourgeoisie du Bassin parisien et celles de "province" (après celles que recouvraient les "Guerres de Religion" aux 16e-17e siècles) ; la première mettant même en œuvre pour se gagner le Peuple travailleur parisien (avant de se débarrasser de lui...) une sorte de première forme démagogique de social-démocratie (jacobinisme, Terreur)[1] tandis que les secondes, qui avaient voulu voir dans la fin de la monarchie absolue celle du centralisme parisien, resteront connues sous le nom de "fédéralistes" ou de "Girondins" (et garderont une réputation de "plus à droite" que les Jacobins).

    - Cette réorganisation radicale de l'appareil d’État et de l'organisation sociale permettra (c'était son but) le véritable déclenchement de la "révolution" industrielle, formidable développement de l'appareil productif qui s'accompagnera d'une nouvelle campagne d'arrachement des masses (encore très majoritairement rurales) à tout moyen de production autre que leur force de travail et de tout moyen de subsistance autre que le salaire de la vente de celle-ci (ce qui n'ira toutefois pas sans résistances... résistances dont la géographie est pour le moins édifiante) et conduira des millions de personnes de toute la "province" à "monter" à la grande ville "régionale" ou carrément à la capitale parisienne (le département de la Seine quintuple sa population entre 1800 et 1890), rencontrant dans ces migrations des problématiques finalement peu différentes... de celles des immigrés extra-européens aujourd'hui ;

    - Le capital accumulé lors de cette "révolution" industrielle, se cherchant des débouchés, conduira à la constitution d'un second Empire colonial (le premier avait été presque totalement perdu par Louis XV puis Napoléon), qui sera le deuxième plus important de la planète ;

    - Plus tard, à partir de 1945, cet Empire colonial se verra en majorité accorder des "indépendances" bidons (néocolonialisme) tandis que concomitamment, pour faire face aux nécessités d'un capitalisme "français" durement frappé par deux guerres mondiales consécutives, seront "importés" depuis celui-ci des travailleurs qui "amèneront" avec eux (et transmettront à leur descendance...) le traitement colonial dont ils faisaient l'objet dans leurs pays d'origine ; ceci rendant illusoire, malgré les injonctions permanentes qui leur sont faites, leur "intégration" tant à la pseudo-"Nation française" qu'aux nationalités réelles (celles nées "à l'aube du capitalisme", comme l'explique Kaypakkaya) d'accueil - d'où les arguments aussi débiles que fréquents (et au demeurant loin d'être exacts) de prétendue "surdité" de ces catégories prolétaires à nos "histoires fantasmagoriques" d'Occitanie ou de Bretagne ;

    - Dans ce contexte colonialiste puis néocolonialiste (et déjà au terme du premier colonialisme, avec la Déclaration des Droits de l'Homme... BLANC en 1789), la construction du "Blanc" (en lieu et place du dangereux prolétaire...) face au "Noir"/non-Blanc colonisé a toujours été un instrument essentiel de contrôle social. Au sujet d'un État voisin et de création récente (la Belgique), mais cela ne change pas grand-chose à l'affaire, l'(assez marxisant) historien Jacques R. Pauwels expliquait ainsi dans un récent entretien que "Les gens trop pauvres, on pouvait s’en débarrasser en les envoyant dans les colonies. L’impérialisme était donc aussi une manière de résoudre les problèmes sociaux. Les pauvres pouvaient faire carrière dans ces colonies. De la sorte ils se muaient en patriotes, au lieu de rester des emmerdeurs. En les laissant intervenir de façon agressive dans les colonies, ils ne posaient plus le moindre problème dans la métropole. Il y avait par exemple pas mal de fils de fermiers sans travail, et ce du fait que l’agriculture devenait trop productive. Ces gars, on pouvait les envoyer au Congo comme missionnaires. On a expédié là-bas une vingtaine de missionnaires de chaque bled agricole flamand. On leur a collé un uniforme sur le dos et, dès lors, ils ont pu aller jouer au patron chez les Noirs". Il en a été exactement de même en Occitanie comme dans le Bassin parisien, en Bretagne comme en Lorraine ou en Franche-Comté et en Corse comme au Pays Basque. Et bien sûr, la domination perdurant sous une forme néocoloniale et coloniale intérieure, ces mécanismes se perpétuent encore aujourd'hui... Il n'est donc nullement question pour nous (contrairement à un autre argument aussi débile que récurrent) de "faire pleurer dans les chaumières" en tentant d'expliquer que les Occitans et autres Bretons, Basques ou Corses ou "Nordistes" ou Lorrains ne seraient finalement "pas moins à plaindre" que les colonisé-e-s et racisé-e-s. Il est bien clair (et nous l'avons toujours clairement dit) que ce sont là des "cercles" de périphérisation/domination différents dont l'oppression n'est pas comparable.

    - En somme, les appels à l'"unité de classe" ne doivent pas se transformer (mais se transforment hélas souvent...) en abstraction niant la réalité et empêchant ainsi de la transformer.

    - Une fois compris comment il s'est construit, ce système capitaliste connu sous le nom de "France" doit donc être détruit selon le processus inverse. La question des modalités de cette destruction et de ce qu'il en résultera doit être débattue entre les révolutionnaires communistes authentiques ; un DÉBAT SAIN dont doivent bien sûr être exclus les éléments nocifs et destructeurs (ceux qui nous lisent se reconnaîtront), d'esprit jacobinard voire semi-fasciste, qui en défendant la "Nation française produit inéluctable et irréversible du Progrès historique" à grands coups de citations marxistes, ne défendent en réalité que le "petit confort" dont ils jouissent (malgré leurs dénégations indignées et les "brevets de prolétariat" qu'ils brandissent alors) dans ce système.

    La position léniniste que tentent de mystifier ces charlatans au service de l’État bourgeois centralisateur et du "concept France" instrument du Grand Capital, à coup de belles citations ronflantes (comme si en 30, 40 voire 50 ans de "carrière" Marx, Engels ou Lénine n'avaient jamais évolué ni dit des choses parfois contradictoires, et qu'une ou deux citations pouvaient résumer non seulement toute leur pensée mais aussi la portée historique de celle-ci), est que :

    1°/ Les aspirations des Peuples à la reconnaissance et au respect, à la non-oppression et à la non-négation en tant que réalités nationales sont des aspirations démocratiques donc justes, progressistes et foncièrement révolutionnaires.

    MAIS

    2°/ Cette problématique ne doit et ne peut (de toute façon) pas être résolue par l'affrontement des Peuples travailleurs les uns contre les autres ("les Irlandais contre les Anglais", "les Ukrainiens contre les Russes", "les Croates contre les Serbes" etc. etc.) ; a fortiori lorsque ces antagonismes sont instrumentalisés et mis au service des puissances impérialistes dans leur lutte pour le repartage du monde. Elle ne peut être résolue que dans l'unité et la fraternité internationaliste entre les Peuples - à commencer par l'unité des prolétariats, classe pour laquelle l'internationalisme est le plus évident - contre la bourgeoisie qui est mondialement l'ennemi commun, unie par ses intérêts sonnants et trébuchants au-delà de ses rivalités et de ses chauvinismes nationaux apparents (cela, depuis Lénine, tous les mouvements nationalistes conduits par la bourgeoisie et toutes les manipulations impérialistes de ces mêmes mouvements l'ont amplement démontré). Ou pour reprendre les mots du grand Connolly : "Le travailleur socialiste d'un autre pays est un révolutionnaire ami, de même que le capitaliste de mon propre pays est un ennemi naturel".

    Pour notre part, nous avons prolongé cette analyse léniniste en dépassant un certain côté "utilitariste", "décombres chiants sur la voie toute tracée de la révolution prolétarienne 'pure', dont plus vite on se débarrasse mieux c'est" : nous avons montré que ces oppressions et négations d'ensembles humains étaient en réalité ce sur quoi se fondaient tous les États bourgeois d'une certaine taille (impérialistes comme semi-coloniaux, "100% souverains" ou ayant remis une partie de leur souveraineté à des institutions supra-nationales), en tant qu'appareils politico-militaires et idéologiques (État au sens institutionnel) et bases d'accumulation et reproduction (État au sens territorial) du Capital... et donc que la LUTTE contre ces oppressions est (non pas "utile" mais) FONDAMENTALE pour en finir avec ces États, ces instruments du POUVOIR bourgeois ; et vu les piliers de l'ordre capitaliste-impérialiste mondial qu'ils sont, pour abattre celui-ci, autrement dit pour la RÉVOLUTION MONDIALE : ce que l'on peut appeler, en quelque sorte, la thèse "fondamentaliste" en la matière.

    [- Thèse "utilitariste" : les luttes des Peuples opprimés sont "utiles" aux travailleurs des Centres de la domination dans leur lutte contre leurs exploiteurs... et soutenues par eux pour autant qu'elles sont ainsi jugées "utiles", mais en perdant de vue que ces travailleurs constituent eux-mêmes un groupe social dominant et privilégié ("construit" dans le privilège sur le dos des opprimés) qui risque donc de "plier" sa conception de l'utilité/intérêt pour lui de ces luttes à la défense de cette position sociale.

    - Thèse "fondamentaliste" : les luttes des Peuples opprimés, selon l'agenda d'eux-mêmes, sont FONDAMENTALES pour "de proche en proche", "en cercles concentriques" (gagnant peu à peu les Peuples "moins" dominés), encercler et ÉTRANGLER les Centres du Pouvoir et enfin les abattre.

    Chez Lénine, on peut estimer qu'il y a un "saut qualitatif" de l'"utilitarisme" vers le "fondamentalisme" entre les "Notes critiques sur la question nationale" (1913) et "La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes" (1916).]

    Nous avons en quelque sorte, en pleine conscience des cris que cela allait (et ne cesse pas de) soulever chez les esprits étroits mais sans nullement être les seuls (les controverses qui agitent la "marxosphère" mondiale - dans laquelle la "France" pariso-centrée fait preuve pour le coup d'un... "provincialisme" certain - au sujet du "post-modernisme", de l'"intersectionnalité", du "décolonialisme" ou encore du "scientisme" sont les multiples symptômes de cela), rompu les amarres avec la sacralisation du "Progrès" bourgeois qui a imprégné le marxisme à ses débuts et tout au long des 19e et 20e siècles (jusqu'à, sans le moindre doute, Mao lui-même). Si le "Progrès" bourgeois a été (comme toute chose) une chose contradictoire dans laquelle il y a à prendre et à laisser (mais c'est aussi le cas des idéologies religieuses "révélées" qui ont fait passer de la barbarie tribale ou de l'esclavagisme à la féodalité, et même des "philosophies" esclavagistes antiques elles-mêmes !), nous voulons dire et marteler qu'il n'a JAMAIS été mû par autre choses que des intérêts bourgeois (l'"appât du gain") et nullement "généraux" - et certainement pas par l'intérêt des masses populaires de producteurs.

    La bourgeoisie n'a jamais eu pour fonction historique de "libérer" ("en se libérant elle-même du féodalisme" par exemple...) "l'humanité toute entière" ; ce rôle étant celui du seul prolétariat. Son unique fonction historique a été de créer les conditions de cette émancipation humaine générale... en donnant justement naissance au prolétariat en question.

    Le prolétariat mondial (dont les ouvriers et les paysans du Bangladesh, les colonisés intérieurs maghrébins d'Hexagone ou afro-américains des États-Unis, les travailleurs occitans ou bretons blancs et les travailleurs franciliens blancs font tous partie mais forment des "strates" différentes hiérarchisées par le Pouvoir bourgeois occidental) doit en fait s'emparer du "Progrès" capitaliste bourgeois pour lutter contre le "Progrès" capitaliste bourgeois, un peu comme les Peuples colonisés s'emparaient (et s'emparent encore) contre les impérialistes occidentaux d'armes à feu qui leurs étaient inconnues avant l'arrivée des colonisateurs. La révolution marxiste se fait contre le capitalisme et donc contre le "Progrès" bourgeois comme "absolu" et véritable "religion" du Capital ; elle n'est pas une "défense en bloc" de ce "Progrès" et une simple volonté de le "poursuivre" comme l'on rajoutait, autrefois, des étages aux maisons de génération en génération - c'est une autre maison qu'il faut construire !

    Mais une fois dit cela, nous somme bel et bien (pour le coup) en prolongement, en "rajout d'étage" en quelque sorte, et nullement en "rupture" ni "rejet" ni "contradiction" vis-à-vis de la position léniniste.


    [1] Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/quelques-verites-sur-la-revolution-bourgeoise


    [Quelques notes complémentaires et (éventuellement) "précisantes" (juin 2019) :

    "La France" n'est certes pas une nation au sens scientifique marxiste du terme (Lénine-Staline, Kaypakkaya etc.). Elle est un État (pseudo-"nation") qui dans ses vastes frontières en comprend (au sens scientifique) plusieurs (sans même parler de l'outre-mer) : Bretagne, Corse, Savoie, Alsace, "Grande" Occitanie avec ses "petites nations" provençale, gasconne, auvergnate etc., Pays Basque... À la rigueur peut-on parler d'une "Nation française" réelle dans un certain Bassin parisien, aux contours mal définis (faut-il y inclure les Ch'tis annexés plus tard que les Antilles ? la Lorraine de langue d'oïl, annexée 3 ans avant la Corse ? la Bourgogne, ou encore la Normandie qui ont des identités tout de même bien marquées ?).

    Ce qu'est "la France", c'est le cadre géographique d'un PROJET POLITIQUE.

    "La France" c'est, sur un territoire géographique défini, celui de l'Hexagone :

    - Un "pacte", une union de BOURGEOISIES sous la conduite (sans équivoque) de celle de Paris ; dans un projet politique capitaliste et impérialiste.

    - Un ensemble de PEUPLES dans le "même bateau" depuis des siècles ; et qui dans ce cadre étatique commun, face à un ennemi commun (pouvoir central réactionnaire et/ou envahisseur), peuvent éventuellement s'engager dans un combat émancipateur commun : 1789 (et années suivantes), 1848, 1870-71, le Front populaire et la Résistance-Libération, Mai 68 et les années suivantes, etc. ; "Ma France" de Jean Ferrat, quoi.

    La "Nation française" peut donc ici (et seulement) prendre forme dans un sens renanien, comme il peut y avoir une "Nation suisse" qui compte en réalité 4 nationalités réelles (romande arpitane, alémanique, tessinoise et rhéto-romanche) ; mais pas dans un sens scientifique marxiste et léniniste.

    Ces deux aspects ont été en contradiction apparente dès les évènements politiques des années 1790.

    Dans le second aspect, elle peut demeurer encore aujourd'hui un signifiant positif ; et amener à prendre avec recul, par exemple, les marées de drapeaux tricolores du mouvement des Gilets Jaunes (à partir de novembre 2018, encore en cours en juin 2019) ; dans le cadre duquel ceux-ci ne sont pas à voir uniquement comme une marque d'aliénation (d'"arrimage" à la bourgeoisie) mais aussi dans leur signification révolutionnaire ("refaire 1789", "couper la tête au roi Jupiter-Macron"...), sachant que (aussi) les drapeaux "régionaux" y fleurissent comme dans aucun autre mouvement social : tel est, peut-être, le "prix à payer" pour un mouvement (finalement) beaucoup moins isolé au sein de la population hexagonale que celui de Mai 68.

    En somme : avant 1789, "la France" était une pure addition de "colonies" parisiennes sous l'autorité de la Couronne ; et depuis, elle est en quelque sorte une contradiction permanente entre 1/ la continuation de cet Empire parisien sous la forme d'un État bourgeois, technocratie au service du Grand Capital, et 2/ une nation renanienne dont l'idéal-ciment... est précisément la lutte commune, "tous dans le même bateau", contre cet État bourgeois technocratique continuateur de la monarchie ; symbolique qu'il faut savoir saisir dans les drapeaux bleus-blancs-rouges "1789iens" des Gilets Jaunes.

    Le souverainisme, le vote populiste-BBR pour le Front National ou (au mieux) Mélenchon, est quelque chose qui part de ce patriotisme populaire "français" du deuxième aspect, de ses aspirations à la fois sociales et d'"économie morale" ("la gauche radicale n’arrive pas à rompre avec son matérialisme froid qui l’empêche de comprendre le besoin d’histoire, d’identité, de spiritualité et de dignité des classes populaires blanches ; une dignité qui ne soit pas seulement la dignité de consommer. Les prolos français qui ont voté pour Sarkozy ou Le Pen n’attendent pas seulement d’eux qu’ils augmentent leurs salaires : ils votent pour des « valeurs », quoi qu’on puisse penser de ces valeurs ; et à des valeurs on n’oppose pas 1500 euros mais d’autres valeurs, on oppose de la politique et de la culture. La question de la dignité est une porte d’entrée trop négligée. Cette dignité bafouée a su trouver auprès de ceux qu’on appelle les « petits blancs » en France ou encore les « white trash » aux États-Unis une voix souterraine pour s’exprimer, c’est l’identité. L'identité comme revers vicieux de la dignité blanche, et qui sous cette forme n’a trouvé comme traduction politique que le vote FN, puisque ces petits blancs sont « trop pauvres pour intéresser la droite, trop blancs pour intéresser la gauche » pour reprendre la formule d’Aymeric Patricot" (...) "Ce mépris n’est pas seulement un mythe entretenu par l’extrême-droite. Il est au cœur de la dévitalisation d'une gauche satisfaite d’elle-même qui donnant d’une main des leçons d’antiracisme moral aux petits blancs, apprenait de l’autre l’intégration républicaine aux immigrés", avec pour résultat "à ces deux extrémités, deux camps qui se regardent en chien de faïence, et une expérience commune : la négation de dignité" - H. Bouteldja; d'une soif (en définitive) de POUVOIR des masses ; pour tomber dans les griffes du premier aspect, ou du moins, de la fraction la plus "seule contre tous" de ce "pacte" bourgeois tricolore.

    Lire aussi : http://servirlepeuple.eklablog.com/feu-sur-les-jacobinards-ou-plutot-les-bonapartistes-de-gauche-et-autre-a156409988]

    ******************************************************

    ENFIN BREF, tout cela pour dire que, les gens semblant par nature durs de la comprenette dans les milieux gauchistes, il est aussi possible de formuler les choses en des termes simples : ce que nous voulons, en lieu et place de l’État bourgeois français tel qu'il est, c'est une Union soviétique (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) d'Hexagone... Point.

    D'Hexagone, ou pourquoi pas d'Europe ; en tout cas, des parties de l'Europe qui seraient dans un premier temps libérées du capitalisme par la révolution ; bref – ce genre de question se posera directement en son temps dans la réalité de la lutte, nous n'en sommes pas là.

    Tout simplement parce que le renversement du capitalisme DEVRA signifier, ne PEUT PAS signifier autre chose, que soit brisée l'organisation politico-économique des territoires en Centres financiers d'accumulation capitaliste et Périphéries plus ou moins, mais toujours, reléguées et "pompées" (lire à ce sujet : reflexions-a-partir-de-samir-amin - bouamama-basques-algeriens-colonisation-int-ext) ; organisation intrinsèque à la Modernité capitaliste et qui de fait, aussi longtemps qu'existent ces "hiérarchies géographiques" entre pays, régions d'un pays, etc., "bloque" en réalité tout déploiement d'une lutte des classes "pure", possédants vs exploités.

    Par conséquent, la voie de la raison matérialiste dans la situation concrète de notre époque, c'est d'aller vers... ce qu'était l'URSS (dans sa conception initiale léniniste) : de grands "États-continents" confédéraux, multiculturels, multilinguistiques et inclusifs (en plus, bien sûr, d'être résolument anticapitalistes).

    Car lorsque l'on critique le "tribalisme" des Catalans, Basques, Bretons, Corses ou autres, et cela peut parfois avoir sa part de vérité, l'on a tout de même tendance à oublier, en tout premier lieu, que les États européens existants ne sont ni plus ni moins que des "tribalismes qui ont réussi" : des régions qui en ont conquis d'autres, pour finir par proclamer ces ensembles de conquêtes des "États-nations", lancés à leur tour dans des affrontements "tribaux" avec les ensembles voisins ; tout cela sous un modèle centraliste uniculturel, unilinguistique et exclusif.

    Quant aux grands États-continents capitalistes qui existent déjà, comme les États-Unis ou le Canada, la Russie ou l'Inde, certes ils sont officiellement fédéraux, seul moyen pour eux de s'assurer une certaine stabilité et de n'avoir pas déjà explosé ; mais ce fédéralisme n'en reste pas moins très largement factice, "cache-sexe" d'une domination féroce sur tout un ensemble de groupes humains (Noirs, Latinos et Nations indigènes en Amérique du Nord, Caucasiens, Peuples sibériens et autres non-russes en Russie, Kashmiris, Tamouls, Adivasis "tribaux" et autres non-hindoustanis, musulmans et basses castes en Inde) ; tandis que de son côté l'Union Européenne est une tentative, précisément pour faire face à ces puissances concurrentes, de bâtir un tel super-État continental bourgeois et technocratique autour et au service des "pôles" de Paris et de la vallée du Rhin (Ouest de l'Allemagne, Bénélux), dominant et écrasant le reste comme l'avait fait auparavant chaque État membre avec ses "provinces" (rendant certes cocasse lorsque les "souverainistes" desdits États se plaignent de cette domination...) : il va de soi, bien entendu, que ces "modèles"-là d’États-"continents" ne sont pas les nôtres et sont au contraire résolument à combattre et détruire.

    Voilà donc : à partir de là, ce programme qui est le nôtre, vous pouvez le vomir ; mais au moins saurez-vous clairement sur quoi se déversent vos vomissures...


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  • Il s'agit de la position du KKE(m-l) ; avec laquelle nous pouvons nous dire d'accord à 99% :


    À propos du résultat du récent référendum


    Le référendum est passé, le chantage impérialiste et les attaques contre le Peuple grec continuent !

    Les négociations deviennent une "campagne nationale" pour un nouvel accord avec l'UE, le FMI et l'impérialisme US.

    La seule réponse possible doit être la lutte de masse contre les menaces qui pèsent sur le Peuple grec.

    1. Le référendum du 5 juillet a vu un résultat écrasant de 61,3% en faveur du "NON" à travers toute la Grèce. Cette consultation était le point culminant des impasses, de l'aventurisme, de la politique erratique et des illusions dont se berce la coalition SYRIZA-ANEL. Il s'agissait d'une tentative du gouvernement d'exploiter l'aversion populaire envers les hyènes impérialistes et d'utiliser celle-ci comme une "carte" dans des négociations que n'amèneront que plus de soumission et de nouvelles terribles mesures antipopulaires. Ce résultat peut certes être vu comme un succès du gouvernement. Mais il s'agit là d'un succès temporaire, qui a déjà montré ses limites et sera vite effacé sous les assauts de l'impérialisme d'un côté, et le mécontentement populaire devant les nouveaux mémorandums à venir de l'autre.

    2. Nous ne pouvons et n'allons certes pas ignorer les aspects positifs de ce scrutin. Ce résultat montre que les partis et autres forces du système qui étaient en première ligne des attaques contre le Peuple ont été sanctionnées. Il donne aussi la mesure de la colère populaire contre les chantages impérialistes. Il montre la résistance des masses contre ces chantages de l'impérialisme comme de l'oligarchie locale.

    Mais nous ne nous laisserons pas non plus aller à l'enthousiasme factice qui verrait dans ce résultat la "fin de l'austérité", ou quelque chose qui calmerait les impérialistes et les pousserait à reconsidérer les choses. Le pillage impérialiste et la barbarie capitaliste ont leur propre logique et ceci va apparaître clairement très bientôt et de manière plus violente que jamais, car les impérialistes n'obéissent qu'à leurs propres intérêts et seulement à eux. Nous ne partageons pas non plus l'opinion de ceux qui voudraient traduire ce "NON" en un "NON" général à l'UE et à l'euro.

    Dans ce référendum le bloc du "NON" était politiquement constitué et défini comme le "nouvel" establishment politique contre l'ancien ; un nouvel establishment ayant pour but un nouvel accord ; et non comme un bloc contre les exigences impérialistes. Ce bloc compte néanmoins dans ses rangs une fraction considérable ralliée autour du refus de tout nouvel accord avec les anciens comme les nouveaux plans d'austérité de l'UE, du FMI et de la bourgeoisie locale. Jusqu'à présent cette opposition n'a pas réussi à s'exprimer dans un mouvement concret à cause des circonstances défavorables et du positionnement conciliateur de forces qui se présentent comme "de gauche", mais suivent en réalité les politiques du gouvernement.

    3. Le rejet de l'ancien personnel politique par les masses populaires a été le principal facteur de défaite pour le bloc du "OUI", un bloc qui n'a même pas réussi à se donner un leadership crédible. Pour le système politique dans son ensemble, les paramètres sont les mêmes qu'au sortir des élections de janvier dernier et sont ouverts aux "réformes" en accord avec les intérêts impérialistes. Les changements à la tête de Nouvelle Démocratie servent ces mêmes intérêts.

    4. Nous saluons le grand nombre de personnes qui se sont abstenues (170.000 de plus qu'en janvier). Une grande part de celles-ci, comme de celles qui ont choisi de glisser un bulletin blanc ou invalide dans l'urne (200.000 de plus qu'en janvier), sont des personnes qui ont ressenti et compris la nécessité de prendre part à une lutte où le Peuple lui-même puisse choisir ses OUIs et ses NONs. Ce sont celles et ceux qui ne veulent plus céder leur "NON" à l'impérialisme à un gouvernement qui ne veut ni ne peut honorer ce "NON" ; un gouvernement qui s'est déjà rué pour bâtir un "pacte de salut national" avec les forces du OUI et pour s'adapter aux demandes de l'impérialisme.

    5. La situation exige d'authentiques réponses populaires. Le KKE(m-l) s'engage à participer avec toute son énergie à l'organisation de ces réponses. Nous devons organiser les résistances et participer aux luttes pour la défense des droits populaires qui sont en grand danger. Nous devons mobiliser massivement contre la nouvelle vague d'attaques réactionnaires qui tend à prendre le masque d'une "campagne nationale" et arbore le slogan "nous faisons partie de l'Occident".

    Nous appelons les classes populaires à mettre toutes leurs forces au service de la construction du Front de Résistance.

    LA VOIE DU PEUPLE EST ET DEMEURE LA VOIE DE LA LUTTE CONTRE LA DOMINATION CAPITALISTE ET IMPÉRIALISTE !

    NON À TOUT ARRANGEMENT AVEC LES TYRANS DU PEUPLE !

    GRÈCE HORS DE L'UE ET DE L'OTAN !

    LES PEUPLES N'ONT PAS BESOIN DE PROTECTEURS !


    https://revolutionaryfrontlines.files.wordpress.com/2010/07/kkeml_eng.gif


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  • Relire à cette occasion notre article sur l'ex-Yougoslavie qui reprend bien la genèse de ce terrible conflit, que l'on voit aujourd'hui se rééditer en Ukraine :


    Ex-Yougoslavie


    Il y a 20 ans, le massacre de Srebrenica
    Il y a 20 ans, le massacre de Srebrenica

    Lire aussi :

    Le procès du fasciste Karadzic

    Mladic arrêté

     


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  • ... et toutes les mobilisations et les CONTRADICTIONS que celle-ci allait faire éclater ici en Hexagone, à 2 000 km du fracas des bombes. Rétrospective de nos articles d'alors :

    Magnifique manifestation pour la Palestine à Tolosa, capitale d'Occitanie occupée

    Petites considérations sur le sionisme et l'identification-"obsession" palestinienne

    Une mise au point nécessaire sur nos positions internationalistes et aux côtés des Peuples

    Grande manif contre les crimes sionistes à Paris (13/07)

    Le problème avec la Palestine...

    Flash info en direct : ils ont semé la hoggra, ils ont récolté l'Intifada !

    Au cas où il serait utile de le préciser...

    Sionisme, islamisme et ennemi principal : quelques précisions

    Deux clarifications importantes

    Fascisme sioniste : le cas Moshe Feiglin

    Le sionisme, "fils de France"

    Il faut absolument lire aussi, sur le site du Comité anti-impérialiste, cet excellent article qui avait magnifiquement remis les pendules à l'heure face à la déferlante de gauchisme réactionnaire et de renvoi dos-à-dos de l'oppresseur et de l'opprimé qui sévissait à l'époque : À propos du mouvement de solidarité avec la Palestine et du Hamas

    Et puis un petit article revenant quelques mois plus tard sur ce qu'est la nature profonde (en réalité intrinsèque au capitalisme) de la colonisation sioniste : Jérusalem-Est ou la "gentryfication ethnique"


    Il y a un an commençait l'opération-massacre "Bordure protectrice" contre Gaza...
    Il y a un an commençait l'opération-massacre "Bordure protectrice" contre Gaza...
    Il y a un an commençait l'opération-massacre "Bordure protectrice" contre Gaza...
    Il y a un an commençait l'opération-massacre "Bordure protectrice" contre Gaza...

    Il y a un an commençait l'opération-massacre "Bordure protectrice" contre Gaza...

     


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  • Secours Rouge/ APAPC :


    Deux Espagnols (sic) arrêtés à Madrid pour avoir combattu au Rojava


    Ce lundi matin, les forces de police espagnoles ont arrêté à Madrid deux militants communistes qui auraient combattu l’État islamique au Rojava dans les rangs de la brigade internationale. Leurs domiciles ont été perquisitionnés par les enquêteurs de la Brigade provinciale de renseignement de la direction de la police madrilène. Il s’agirait de deux militants du Partido Marxista-Leninista (Reconstrucción Comunista) qui seraient (selon l’accusation policière) apparus dans la vidéo ci-dessous. Selon la police, les deux militants revenaient de Syrie via la Turquie et l’Allemagne. Ils sont accusés d’avoir participé à un conflit armé hors de l’Espagne sans l’autorisation de l’État, d’avoir collaboré avec une organisation terroriste (c’est probablement le PKK qui est ici visé), d’usage d’armes militaires et d’engins explosifs, et d’avoir compromis gravement les intérêts nationaux espagnols. Reconstruction Communiste est une organisation composées de membres des Jeunesses Communistes qui ont rompu avec le PCE. Ses membres ont dans un premier temps milité dans le Parti Communiste des Peuples d’Espagne avant de fonder leur propre organisation, proche du MLKP, en 2009.

    Sur un site de solidarité castillanophone : Urgente - Brigadistas detenidos !

    Ici en françoys un récit plus détaillé (presse généraliste, traduction de la presse bourgeoise "espagnole") :

    Deux communistes espagnols arrêtés à leur retour du front contre l’organisation État islamique

    En février dernier 8 autres combattants internationalistes avaient déjà été arrêtés à leur retour du Donbass, où ils avaient combattu les néo-nazis ukrainiens soutenus par l'impérialisme US-UE... :

    http://bellaciao.org/fr/spip.php?article145197

    (ALERTA !) État espagnol : des volontaires communistes internationalistes arrêtés à leur retour de Rojava

    Dernières nouvelles 09/07 : Les deux volontaires mis en liberté provisoire mais inculpés

     


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  • Habitués (et vous ayant habitués) à avoir un avis sur tout en toute circonstance... il nous est pourtant difficile cette fois d'en avoir un catégorique et définitif sur le référendum qui se tiendra ce dimanche en Grèce - pour ou contre les dernières mesures d'austérité proposées au pays par l'Union européenne, la Banque centrale et le FMI (la fameuse "troïka").

    Nous ne pouvons que partager dans l'absolu, comme constat de fait et de bon sens, la position du Bloc Rouge qui est aussi celle - là-bas - du KKE(m-l) (marxiste-léniniste "maoïsant") mais aussi du fameux KKE ("brejnévien orthodoxe") : en substance, "une victoire du « NON » ne changera rien à la situation (et) si le « Oui » l'emporte, SYRIZA aura finalement rejeté la responsabilité de son échec sur le dos des masses".

    IL N'EMPÊCHE qu'il est difficile de rester indifférents et insensibles devant la mobilisation de masse en faveur du "NON" (c'est-à-dire, donc, d'envoyer bouler les créanciers impérialistes européens/occidentaux et leurs "plans" synonymes de "sociocide" - de destruction de tous les droits sociaux et de retour au 19e siècle pour les classes populaires) telle qu'elle est en train de se manifester en ce moment même sur la célèbre place Syntagma devant le Parlement :

    C'est finalement un peu le même raisonnement que nous avons pu exposer au sujet des référendums d'indépendance en Écosse ou en Catalogne ; référendums voués de toute façon à la victoire du "Non" ou à la non-reconnaissance et indépendances qui ne portaient pas non plus des perspectives de changement mirobolantes : les masses cherchent une voie de sortie à la crise générale du capitalisme qui les étrangle et, faute de véritable perspective révolutionnaire crédible et organisée, s'emparent des maigres instruments que mettent entre leurs mains certaines fractions de la bourgeoisie (indépendantistes en Écosse et en Catalogne, eurosceptiques populistes "de gauche" en Grèce).

    Le "Non" au référendum est prôné suivant ce raisonnement par la coalition ANT.AR.SY.A ("Coordination de la gauche anticapitaliste pour le renversement") dont font partie les trotskystes d'EEK mais aussi les "maoïsants" d'EKKE ; ainsi que par le "pôle de gauche" de Syriza où se trouvent notamment d'autres "maoïsants", l'ancien KOE (qui s'est dissous en 2013 dans la coalition), ou encore le héros de la Résistance anti-nazie Manólis Glézos (qui avait au mois de février demandé "pardon au Peuple grec" pour "avoir contribué à ces illusions", devant les premières trahisons du gouvernement Tsipras)...

    Pour ne prendre qu'un exemple (qui soit significatif en termes de masses) : le KKE s'est, comme on l'a dit, prononcé pour l'abstention à ce référendum contre ce qu'il dénonce comme une ultime "escroquerie de Syriza" (organisation principalement issue d'une scission "eurocommuniste" dans ses propres rangs, chose qu'il n'a évidemment jamais pardonné)... Mais des études d'opinion semble corroborer qu'une assez nette majorité de son électorat voire de ses effectifs militants proprement dits pourrait bien aller voter "Non" dimanche (tout comme, nous l'avions dit alors, un tiers des très nombreux anarchistes que compte le pays pourraient bien avoir voté Tsipras en janvier... et beaucoup s'apprêteraient encore à voter - "Non" bien entendu - cette fois-ci) !

    C'est ce qui s'appelle la "dignité du réel", comme diraient les autres... Et comme le disait un autre encore (beaucoup plus sérieux celui-là), "les masses sont la lumière même du monde ; elles sont la fibre, la palpitation inépuisable de l'Histoire".

    Comme nous l'avons déjà dit et le répétons volontiers, ce ne sont pas les clowns sociaux-démocrates de Syriza et ce qu'ils peuvent dire ou faire ou avoir derrière la tête qui nous intéresse ; mais ce que peuvent et doivent faire les masses du Peuple levées comme un géant contre le Capital est ses promesses de famine, quels que soient les succès ou les échecs ou les trahisons des réformistes !

    Référendum en Grèce

    Résultat des courses le 06/07 : le "NON" ("OKI") a gagné par plus de 60% des voix (ce qui montre bien au passage l'escroquerie des instituts de sondage, qui tentaient de galvaniser le "Oui" en l'annonçant vainqueur ou au coude à coude...). C'est clairement le résultat qui ouvre le plus large champ des possibles pour les masses populaires grecques ; une victoire du "Oui" n'ayant pu déboucher quant à elle que sur une démission du gouvernement Tsipras (dont c'eut été un désaveu cinglant) et de nouvelles élections. À voir maintenant comment les choses évoluent...

    [Quant au 'p''c''mlm' (devenu 'p''c'F-'mlm' depuis quelques mois : avec un F comme "francouille" les choses sont plus claires), qui voit tout simplement dans ce résultat le "triomphe de Moscou et Pékin" (doublé d'une "vague de social-nationalisme, de réformisme radical qui ne compte pas porter atteinte à la bourgeoisie, de conspirationnisme 'anti-oligarchie' avec des relents d'antisémitisme", ce qui était déjà leur position anti-dialectique sur le référendum de 2005 ici), il ne fait rien que rééditer la bonne vieille position "l'Est est l'ennemi principal" du marxisme-léninisme prochinois dégénéré de la fin des années 1970 ("Moscou et Pékin" ayant simplement remplacé Moscou-tout-court), également connue sous le nom de "Théorie des Trois Mondes" (bien que celle-ci, pour être erronée, ne soit sensiblement pas la même chose). Une conception du monde ayant produit, rappelons-le, non moins que des BHL et des Barroso - c'est-à-dire des "démocrates" bourgeois occidentalistes/atlantistes/européistes forcenés et évidemment (on s'en doute) chauds partisans et propagandistes d'un "Oui" grec à l'UE et à ses politiques criminelles (les suicides ont ainsi par exemple augmenté de manière phénoménale), "Oui" dont ils auront souhaité et tenté (pitoyablement) d'imposer la victoire par tout le terrorisme intellectuel dont ils se sont faits les spécialistes.*

    À ce sujet il faut absolument lire ceci, par un grand monsieur du mouvement communiste international qui revenait en 1984 (à la veille de sa mort) sur plus d'une décennie de dérives du mouvement ML anti-révisionniste dans cette direction funeste de faire de l'URSS (= "Moscou et Pékin" aujourd'hui) et des forces ou des régimes liés à elle l'ennemi principal des Peuples de la planète : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/harry-haywood-contre-la-theorie-des-trois-mondes-et-les-derives-reacti-a114121826

    Le tableau des 6 dernières années se suffit pourtant à lui-même pour comprendre que "Moscou et Pékin" ont beaucoup de boulot avant de devenir l'ennemi principal du Peuple ouvrier et paysan de Grèce (allez, ce sera peut-être le cas dans 10 ou 15 ans en admettant que le pays passe totalement sous leur coupe dès à présent) !!

    Quant au risque de fascisme (avec la sinistre "Aube Dorée" en embuscade, qui appelait bien sûr à voter "Non" sur une ligne nationaliste), il n'est certes pas négligeable en cas d'échec ou de trahison de Syriza qui vient de voir sa position plébiscitée (on pourrait alors voir, par exemple, un rapprochement d'ANEL - actuel allié de Tsipras - qui représente les riches armateurs, c'est-à-dire le Grand Capital grec par excellence, avec AD et d'autres formations de droite dure). Mais il faut voir les choses de manière dialectique. Pour les masses populaires, le vote "Non" représente un immense "merde" à ce qui fait de leur vie un enfer depuis 6 ans (s'agissant de la première fois que leur avis leur est demandé, au demeurant) : merde à la misère, au chômage, à la condamnation de la jeunesse à l'émigration et des travailleurs ruinés au suicide ; merde à Merkel et Hollande, Schulz et Juncker, Draghi et Lagarde etc. etc. On ne peut pas demander à des gens qui crèvent de faim depuis des années de rester l'arme au pied (et donc de garder le statu quo) alors qu'on leur demande leur avis pour la première fois, sous prétexte qu'il y a un risque de fascisme. Il y a toujours un risque de fascisme lorsque l'on brise le statu quo de la "démocratie" bourgeoise capitaliste, c'est-à-dire de l'institutionnalisation tranquille de l'opulence pour quelques uns et de la galère pour l'immense majorité (le fascisme n'étant rien d'autre que la "réaction immunitaire" du Capital, impulsée par sa fraction la plus agressive, devant la menace que tout s'effondre). Mais il n'y a pas non plus de possibilité révolutionnaire lorsqu'on ne le brise pas !

    PS 07/07 : remise de couche encore aujourd'hui - "social-fascisme", "ombre du social-fascisme chinois et de l'impérialisme russe" etc. etc. Amusons-nous à relever avec qui nos "authentiques maoïstes" rouges-bleus (bleus comme le néoconservatisme, l'UMP pardon "Les Républicains", vous savez tout ça tout ça...) partagent cette brillante analyse : http://www.lepoint.fr/politique/macron-compare-le-fn-a-syriza-...** C'est exactement le raisonnement que nous avons exposé plus haut, avec la référence à Chávez et Mélenchon (mais bizarrement pas à des forces d'extrême-droite comme le FN ou le gouvernement de Viktor Orbán en Hongrie, tout autant - voir plus - russophiles...) et jusqu'au "PCF des années 1980" : la Russie (comme l'URSS hier) et les forces ou gouvernements liés à elle seraient "l'ennemi principal" des Peuples de la planète*** ; l'impérialisme occidental US-UE-G7 (avec ses instruments tels que le FMI, la BCE, l'OTAN sur le plan militaire etc. etc.) "n'existerait plus" ou serait devenu un "moindre mal".]


    * À ce titre, excellente réplique de Martin Coutellier et Julien Salingue sur Acrimed (au sujet du "bloc-note" de BHL paru dans le Point) : "Second mensonge, et pas des moindres, celui selon lequel Alexis Tsipras aurait pris la décision d’avoir recours à un référendum « entre deux visites à Poutine ». Une argutie rhétorique destinée à jeter le soupçon sur le Premier ministre grec, qui agirait donc sur ordre de Moscou. Le problème est que, là encore, BHL raconte n’importe quoi : la dernière visite d’Alexis Tsipras en Russie remonte au 19 juin, soit une semaine avant l’annonce de l’organisation du référendum et il n’y est, depuis, pas retourné. Certes, BHL finira par avoir raison la prochaine fois qu’Alexis Tsipras rencontrera Vladimir Poutine : la décision d’organiser le référendum aura été prise « entre deux visites à Poutine ». Mais quel rapport entre le référendum et les visites ? Aucun. Mais signalons tout de même à Bernard-Henri Lévy cet autre fait troublant : le vote en première lecture de la Loi Macron (février 2015) a eu lieu « entre deux visites d’Hollande à Poutine » (décembre 2014 et avril 2015). Voilà qui mériterait une enquête de l’inspecteur BHL…" he

    ** En réalité, contrairement à ce que prétendent ces comparaisons honteuses et pourraient laisser penser les déclarations d'amour de Marine Le Pen pour Alexis Tsipras, le Front National a une position... somme toute classique sur le remboursement de la dette grecque - la Grèce "doit rembourser" car "c'est un devoir éthique pour un État de droit", même si l'on peut envisager un rééchelonnement voire une remise partielle.

    *** Disons que si la politique occidentale d'agression directe et indirecte se poursuit contre elle (c'est-à-dire si nous ne savons pas nous y opposer avec les forces et la méthode nécessaires), la Russie pourrait se convertir pour une certaine durée en une puissance extrêmement agressive et causant d'immenses destructions - comme ce fut le cas de l'Allemagne avec Hitler en 1933, après 14 ans de politique du Traité de Versailles (on connaît hélas la suite).
    Si l'on veut conjurer un tel scénario d'apocalypse, il ne faut selon nous pas seulement focaliser sur la "menace fasciste" représentée par la Russie et ses partisans (de droite nationaliste ou de gauche "radicale" bourgeoise) dans tous les pays mais d'abord et avant tout "prendre le mal à la racine", c'est-à-dire s'attaquer à ce qui PROVOQUE l'émergence de ce monstre du clair-obscur potentiellement incontrôlable : la politique impérialiste "démocratique" de nos propres gouvernements ouest-européens et nord-américains, les vainqueurs de la Guerre froide qui se comportent comme ceux de 1918...
    Il faut s'attaquer d'abord et avant tout à nos PROPRES capitalismes impérialistes ; non pas seulement (en vérité) pour les "contester", mais bel et bien pour les ABATTRE ! Sans quoi la Russie et la Chine pourraient effectivement bien devenir la nouvelle Allemagne et le nouveau Japon des années 1930-40, n'envahissant peut-être pas directement les pays occidentaux (dissuasion nucléaire oblige) mais pouvant favoriser dans certains la prise de pouvoir de forces qui leur sont favorables (comme le Front National ici) et semant dans tous les cas des conflits ultra-meurtriers sur toute la planète. Il faut arracher à jamais l'humanité à ce cycle infernal de guerres, de mort et de destruction et cela veut dire l'arracher au règne du capitalisme, de l'impérialisme et des monopoles... dont le Centre mondial n'est pas et ne sera jamais Moscou ni Pékin, mais reste et demeure l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord !
    À ce sujet on ne peut que vous inviter à lire ceci : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/harry-haywood-contre-la-theorie-des-trois-mondes-et-les-derives-reacti-a114121826, sur les dérives d'un certain "marxisme-léninisme prochinois" dans les années 1970-80.

     


    Annexe : la position de l'OCML-VP, qui a le mérite d'énormément de clarté et de facilité à comprendre (un petit lapsus au niveau du KKE corrigé : il faut bien sûr comprendre "révolutionnaire en paroles").


    Victoire du Non au référendum en Grèce : une défaite pour les impérialistes mais l’alternative reste à construire !


    Depuis des années, les impérialismes européens, notamment français et allemand, maintiennent une pression énorme sur le Peuple grec pour le maintenir sous leur dépendance financière et politique. Le gouvernement réformiste de Tsipras a convoqué un référendum sur le plan d’austérité proposé par les institutions européennes et internationales, espérant sortir renforcé de son rejet par le Peuple grec.

    Que ce soient Merkel, Hollande, Sapin, les dirigeants politiques européens ne font preuve d’aucune pitié devant les difficultés quotidiennes du Peuple et des travailleurs grecs. La Commission européenne, la Banque centrale européenne (BCE), ou le Fond monétaire international (FMI), ne sont que les conseils d’administration des puissances impérialistes pour gérer et maintenir leur domination commune sur les pays comme la Grèce. Dirigeants politiques européens et bureaucrates des institutions supra-nationales comme la BCE ou le FMI sont justes les représentants du Capital et de la bourgeoisie impérialiste.

    Pour eux, hors de question de laisser s’échapper la Grèce. Ils veulent maintenir à tout prix leur domination politique, financière, et économique sur le pays. Leur Union européenne est un instrument des puissances comme la France et l’Allemagne pour dominer les pays d’Europe centrale et du Sud. Une sortie de la Grèce de l’euro, voire de l’Union européenne, serait pour eux une remise en cause de leur mainmise. Voilà pourquoi ils veulent l’éviter : la faillite de la Grèce menace l’impérialisme financièrement, mais surtout politiquement.

    En France, les médias et intellectuels bourgeois défendent le programme impérialiste. Ils agitent la concurrence entre pays dominés et entre travailleurs d’Europe, pour nous rallier à la politique impérialiste agressive contre le Peuple grec. Ils propagent les préjugés chauvins à son encontre, manière de rejeter la faute sur la victime. Mais le programme d’austérité que l’on veut imposer aux Grecs aujourd’hui, ils voudront nous l’imposer demain.

    Au moment de la victoire électorale de Tsipras et de son parti Syriza, nous déclarions : "Syriza affirme qu’il est dans l’intérêt des impérialistes de céder aux revendications minimales du Peuple grec, pour sauver l’Union européenne et sa monnaie. Syriza s’engage donc à protéger les intérêts fondamentaux du Capital impérialiste en échange de concessions en faveur du peuple".

    Nous pouvons constater que cette tactique réformiste a échoué. Le Capital ne veut rien lâcher. Pour ses représentants, il n’est pas question de céder aux revendications justes du peuple et des prolétaires de Grèce. Peu à peu, le gouvernement Tsipras a sacrifié ses promesses électorales à son objectif d’une conciliation à tout prix avec l’impérialisme. Il a notamment accepté de poursuivre les privatisations : c’est à dire qu’il a accepté de renforcer l’emprise du Capital impérialiste sur l’économie de la Grèce, cette même emprise qui l’a menée à la faillite ! À force de vouloir absolument trouver un terrain d’entente avec les ennemis irréductibles du peuple, d’avoir préféré les négociations entre experts à Bruxelles à la lutte des masses grecques, le gouvernement Tsipras s’est retrouvé en position de faiblesse. En Grèce comme en France, les illusions réformistes sont mises à bas par la réalité !

    Avec le référendum le gouvernement grec joue une de ses dernières cartes. La victoire du NON est une défaite pour les impérialistes, mais ce n’est pas nécessairement une victoire pour le peuple, qui ne devrait pas voir ses conditions de survie s’améliorer de ce fait. Tsipras espère se servir de ce résultat pour obtenir un peu plus dans les négociations avec les institutions internationales.

    Même si le référendum a été le temps d’une mobilisation de masse, le Peuple grec ne pourra en rester aux outils de la démocratie bourgeoise. Souvenons-nous du référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005 ; rien n’est garanti pour le Peuple grec s’il ne renforce pas son organisation, sa vigilance et sa mobilisation à long terme pour combattre les plans d’austérité, qu’ils viennent de l’étranger ou qu’ils soient concoctés par le gouvernement grec. Tant que la Grèce restera prisonnière des institutions impérialistes et que son gouvernement cherchera la conciliation, les plans d’austérité ne peuvent que se succéder, la situation du peuple ne peut que s’aggraver.

    Dans tous les cas, nous soutenons le Peuple grec et non pas son gouvernement réformiste, qui ne propose finalement qu’une austérité à "visage humain".

    Certaines organisations révolutionnaires de Grèce ont appelé à voter "Non", d’autres à l’abstention. Pour nous, c’est une appréciation tactique qui revient aux révolutionnaires grecs.

    Nous soutenons les organisations révolutionnaires marxiste-léninistes et maoïstes de Grèce dans leur travail de construction d’une unité populaire face à l’impérialisme, vers le renversement du gouvernement bourgeois et le pouvoir populaire. Le KKE, Parti "communiste" de Grèce, n’en fait pas partie  ; il ne s’agit que d’un parti révisionniste, qui se prétend réformiste révolutionnaire en parole mais est complètement réformiste en acte.

    Ici, en France, nous avons le devoir de faire preuve d’une solidarité internationale conséquente avec le Peuple grec, d’autant plus que notre gouvernement impérialiste est en première ligne. Mélenchon et tous les réformistes radicaux prétendent nous proposer la voie de Syriza et de Tsipras : c’est une impasse  ! Ils nous chantent sur tous les tons la démocratie du référendum, mais restent silencieux sur la domination impérialiste et l’exploitation capitaliste qui vont se poursuivre dans tous les cas…

    L’OCML-VP appelle à participer aux initiatives de solidarité avec le Peuple grec, sur une ligne anti-impérialiste et anticapitaliste claire, et pour combattre les illusions réformistes et leurs représentants ici comme là-bas.

    Annulation de la dette  !

    En Grèce comme ailleurs c’est eux ou c’est nous  !

    À bas l’impérialisme, à bas l’Union Européenne  !

    Vive la solidarité internationale des Peuples et des prolétaires !


    *************************************************************

    Lire aussi  À problème réel, une solution concrète : l’exemple de la Grèce (Quartiers Libres)

     


    8 commentaires

  • Source : http://raoni.com/actualites-953.php


    ALERTE ROUGE : le peuple Guarani-Kaiowá à nouveau victime de terrorisme génocidaire

    ALERTE ROUGE : le peuple Guarani-Kaiowá à nouveau victime de terrorisme génocidaire

    Peuple Guarani-Kaiowa, Brésil - un village de la communauté Tekohá Kurusu Ambá a été saccagé et incendié le 24 juin 2015, plusieurs enfants ayant péri dans les flammes.

    C'est avec effroi que nous publions le dernier communiqué de l'assemblée Aty Guasu du peuple Guarani-Kaiowá, soumis à la barbarie régulière des dirigeants des exploitations liées à l'agro-industrie, dans l'Etat du Mato Grosso du Sud, au Brésil. Malgré diverses alertes internationales lancées au cours des dernières années, cette barbarie ne connaît toujours aucune limite. Elle vient de franchir un nouveau cap, qui motive aujourd'hui le lancement d'une alerte rouge.

    La représentante indigène Valdelice Veron, qui doit se déplacer pour la première fois en France prochainement et dont la tête est mise à prix par des propriétaires de champs de canne à sucre, nous a décrit au téléphone une situation apocalyptique.

    Tout a commencé le 22 juin par une simple partie de chasse initiée par une communauté Guarani-Kaiowá afin de pouvoir nourrir les membres du "village" (désormais un campement de fortune digne des pires camps de réfugiés du globe). Cette communauté, hommes, femmes et enfants, s'est réinstallée depuis peu sur sa terre traditionnelle, accaparée par la fazenda (ferme) Madama. Les indigènes sont tombés dans un piège et la partie de chasse s'est changée en film d'horreur : le village a été brûlé, au moins un enfant serait mort carbonisé et plusieurs autres manquent à l'appel. Le peuple Guarani-Kaiowá a décidé après une assemblée extraordinaire de riposter si les enfants ou leurs corps ne leur sont pas rendus immédiatement. Face aux fermiers armés et à leurs hommes de mains ils risquent de se faire massacrer. Valdelice Veron nous a appris que la police fédérale, complices des fermiers, avait bloqué la route principale pour que les Guarani-Kaiowá ne puissent aller chercher du renfort, allant jusqu'à se lancer dans une bataille rangée avec le force nationale venue à la rescousse des Guarani-Kaiowá.

    Au regard de cette situation critique, qui aggrave la crise humanitaire permanente endurée par le peuple Guarani-Kaiowá, nous appelons chacun de vous, par devoir d'humanité, à lire et à diffuser le communiqué de l'assemblée extraordinaire Aty Guasu du peuple Guarani-Kaiowá. Il s'agit d'un état d'urgence absolue. Merci pour votre soutien.

    - Planète Amazone -


    Avis de deuil de l'assemblée Aty Guasu du peuple Guarani Kaiowá


    "C’est avec une profonde tristesse et des regrets que nous informons, une fois de plus, les sociétés nationales et internationales des meurtres de trois enfants Guarani-Kaiowá par des grands propriétaires fonciers. Dans le Mato Grosso do Sul, un nouveau-né et trois enfants ont été brûlés et leurs cadavres cachés par ces propriétaires fonciers. Nous, Guarani et Kaiowá, nous les pleurons et sommes en deuil. Le 24 Juin 2015, les propriétaires fonciers ont mis le feu à un bébé et à trois enfants indiens. Ils ont déjà assassiné des dizaines d’indiens Guarani et Kaiowá. Depuis 2000, les propriétaires fonciers assassinent et cachent les cadavres des indigènes.

    Le 5 Décembre 2007, une femme pieuse de 70 ans, Xurite Lopes, grand-mère de la petite qui a été brûlée, fut assassinée à bout portant au Tekoha Kurusu Amba par les propriétaires fonciers de la fazenda Madama. Ces mêmes propriétaires qui avaient déjà, en 2007, assassiné la grand-mère s’en prennent cette fois-ci, en juin 2015, aux petites-filles de Xurite Lopes. Les tueurs ne sont jamais jugés par les tribunaux au Brésil.

    Il faut que la société comprenne que ces trente dernières années, il est devenu banal que les propriétaires fonciers se réunissent avec des hommes politiques, des policiers locaux et des tueurs à gage avant d’attaquer et d’assassiner des indigènes. Ils planifient ensemble le massacre et les attaques génocidaires. Ils agissent tous ensemble : les tueurs, les propriétaires fonciers, des hommes politiques, certains agents de la police de l’Etat [du Mato Grosso do Sul] et des journalistes à la solde des propriétaires. Ainsi, tout est organisé pour perpétrer des attaques terroristes contre les Indiens.

    Puisque ces groupes organisés d'extermination des peuples indigènes n'ont jamais été puni par la justice brésilienne, puisqu’ils se considèrent exempts de châtiment par la justice au Brésil, ils se sont permis, le 24 Juin, de filmer et de montrer publiquement les agissements dans les médias et à la Télévision Globo locale à la solde des propriétaires. Voir ici: http://g1.globo.com/.../indigenas-e-fazendeiros-entr.../4277193/. Ils ont montré comment ces propriétaires assassins ont agi et agissent pour attaquer et tuer des indiens Guarani et Kaiowá.

    Les propriétaires fonciers et leurs tueurs utilisent des tactiques militaires de l’armée. Ils montrent dans les médias comment un groupe de policiers reste immobile pendant que les tueurs attaquent les indiens et brûlent des enfants vivants devant la caméra des journalistes de la TV Globo qui continuent à filmer. On pourrait croire qu’il s’agit d’un film fictif de farwest, mais tout ceci est bien réel : ils étaient en train d’attaquer, de massacrer des d’enfants, des femmes et des personnes âgées Guarani et Kaiowa. Ces propriétaires fonciers et leurs tueurs violents ont toujours agi ainsi, ils continuent à agir ainsi. Aujourd'hui, les propriétaires fonciers eux-mêmes montrent à toute la société comment ils attaquaient, et comment ils attaquent encore les indigènes du Mato Grosso do Sul. Une partie des actions de ces propriétaires fonciers, de leurs attaques terroristes, a été filmée et montrée à la TV GLOBO MS, où l’on voit les actions et les tactiques pour attaquer les indiens.

    Depuis 2000, ces propriétaires attaquent toujours de la même manière qu’hier, 24/06/2014. Ils viennent en camionnettes et écrasent les indiens. Lourdement armés, ils tirent sur les Indiens, brûlent tout et assassinent sans pitié. C’est dans cette situation que résistent et survivent dans le Mato Grosso do Sul les indiens Guarani, Kaiowá et Terena. C’est que la justice du Brésil et le gouvernement fédéral ne punissent pas, n’enquêtent pas contre ces groupes de terroristes et de criminels, qui agissent toujours avec des actions génocidaires et violentes contre les vies des indiens dans le Mato Grosso do Sul.

    De même, le 29 Octobre 2009, au Tekoha Ypo’i, 60 enfants, 20 personnes âgées, 40 adultes ont été blessés par balles et massacrés par les propriétaires fonciers. Les deux enseignants, Genivaldo Vera et Rolindo Vera ont été tués et leurs cadavres cachés par les propriétaires. De façon similaire, avec les mêmes techniques, le cacique Nisio Gomes fut assassiné, le 18 Novembre 2011, par les mêmes propriétaires et son cadavre caché. Hier, 24/06/2015, les propriétaires et leurs tueurs à gage jamais condamnés par la justice brésilienne, ont filmé leurs actions criminelles et les ont exposées dans les médias. Alors même que le journaliste de la GLOBO filmait, protégé par des policiers de l’Etat [du Mato Grosso do Sul] des enfants indigènes étaient en train d’être brûlés par les propriétaires. Aussi, ces mêmes propriétaires et leurs groupes ont tué les Guarani-Kaiowá Samuel Martins, Marco Veron, Dorival Benites, Dorvalino Rocha, Rolindo Vera, Genivaldo Vera, Xurite Lopes, Nisio Gome ... trois enfants suivent désormais cette liste.

    Aty Guasu demande avec insistance une vraie justice. Aty Guasu continue sa lutte contre le génocide financé par les propriétaires et les politiciens anti-indigènes.

    Nous avons joint quelques photos pour que chacun puisse voir, revoir et comprendre les actions des propriétaires fonciers contre les peuples indigènes dans le Mato Grosso do Sul.

    Tekoha Guasu Guarani et Kaiowá

    Le 24 Juin 2015

    Les grands chefs du peuple Guarani et Kaiowa.


    xurite lopes - rezadeira morta
    Rezadeira Xurite Lopes, 73 ans, morte près de la fazenda Kurussu Amba - photo CEAI/OABMS

    criancas demarcacao guarani kaiowa

    Patience : la GUERRE POPULAIRE qui se lève inexorable des entrailles de la Forêt émeraude verra bientôt le jugement et le châtiment de ces criminels devant le Tribunal du Peuple ; et les têtes de ces salopards plantées au bout de longues piques feront réfléchir les porcs de leur espèce tout autour de la planète !

    PS : des luttes similaires (contre des projets miniers cette fois) sont aussi en cours en Amazonie péruvienne, confrontée à la même barbarie répressive. Une soirée d'information et de soutien est organisée à Saint-Denis demain soir... allez y faire un tour si vous êtes (même de passage) en "vraie France" !

    ALERTE INTERNATIONALISTE : massacre en cours contre une Première Nation au BrésilALERTE INTERNATIONALISTE : massacre en cours contre une Première Nation au Brésil


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  • Alors que la Mère Canicule vient de nous ôter de la vue un (tristement) célèbre gaulliste "historique"*, salué comme tel par toute la (dé)classe politicarde depuis le Front National (avec lequel il avait toujours chanté ses "valeurs communes") jusqu'à l'inénarrable Mélenchon, nous partagerons ici avec vous un excellent article du collectif Cases Rebelles revenant sur les (aussi tragiques que sombrés dans l'oubli) évènements du printemps 1967 dans la colonie française de Guadeloupe.

    Visant à écraser dans l’œuf un mouvement révolutionnaire de libération anticoloniale qui, sous la direction du GONG (Groupe d'organisation nationale de la Guadeloupe) et avec l'appui de Cuba ou encore de la Chine maoïste, commençait à prendre de l'ampleur ; la répression impitoyable d'une grève insurrectionnelle fera cette année-là autour d'une centaine de mort-e-s dans l'île .


    Gwadloup : Mé 67 dans nos cœurs et nos écrits


    47 ans après

    Dans une relative discrétion, le Ministère des Outre-mer a mis en place fin avril, début mai 2014 une commission d’enquête sur trois événements capitaux de l’histoire de la Guadeloupe et de la Martinique1 : les « émeutes » de Fort–de-France en 1959, le crash mystérieux du Boeing à Deshaies en 62 qui couta la vie à plusieurs personnalités politiques gênantes pour le pouvoir colonial, et les événements guadeloupéens de Mai 67. Composée de 7 historiens et présidée par Benjamin Stora, la commission a un an pour rendre son rapport.

    Les événements de 1967 en Guadeloupe

    L’année 67 en Guadeloupe avait sans doute commencé en mars dans l’éclat de révolte qui avait déferlé sous le ciel de Basse-Terre. Le dogue d‘un négrophobe lâché sur un des nôtres. D’un coté, l’Europe arrogante, bourgeoise et commerçante, en la personne de Srnsky propriétaire d’un magasin Sans Pareil et ami de Jacques Foccart. De l’autre Balzinc, cordonnier âgé handi noir, et pauvre. Mais ni là, ni avant, ni aujourd’hui, ni demain il est dit que notre peuple subira toujours. La foule apprend l’attaque ; on appelle la police. La police ne fait rien. La police ne fit rien. À part aider à la fuite Srsnky. Alors pendant trois jours la colère tonne de soif de justice. Et le peuple se masse devant le magasin. Dans un même mouvement le préfet Bolotte feint de soutenir la foule et envoie la foudre : renforts, arrestations massives, tabassages, interdiction d’attroupement et de réunion, fermeture des débits de boissons, ville quadrillée. Sans surprise, une vingtaine de Guadeloupéens seront lourdement condamnés à la fin de l’année 67 alors que Srnsky, lui, a opportunément disparu et ne sera jamais jugé.

    Le 23 mars, à Pointe-à-Pitre, la dynamite  explosait une partie de la façade d’un magasin Sans Pareil appartenant au frère de Srsnky.

    Depuis mars l’administration coloniale est sur les dents. Décidée aussi. Décidée à faire payer l’affront de la révolte. La France craint aussi clairement le nationalisme guadeloupéen qui, stimulé par l’exemple algérien, se développe considérablement depuis une décennie avec notamment la fondation du Front Antillo-Guyanais pour l’Autodétermination, à l’initiative d’Albert Béville, Edouard Glissant, Marie-Joseph et Marcel Manville – Front très vite dissous par De Gaulle et contraint à l’activité clandestine.

    En 1962 se produit le mystérieux crash du Boeing, qui, ça tombe bien pour le pouvoir colonial, coûte la vie à de nombreux militants : Béville, Tropos, le guyanais Catayé et bien d’autres.

    Le GONG2 , né en France en 1963, s’implante en Guadeloupe dès 1964 pour propager ses idées indépendantistes et ses actions. En 1967 il est le groupe dont le pouvoir colonial a le plus peur, surestimant d’ailleurs largement ses capacités organisationnelles et insurrectionnelles de l’époque. D’un point de vue du contexte politique il ne faut pas négliger non plus l’importance du Parti Communiste Guadeloupéen, bourgeois dans ses orientations, très opposé aux positions nationalistes et qui n’hésite pas à s’acharner sur ses dissidents. C’est un communiste, Henri Bangou, qui est à l’époque maire de Pointe-à-pitre ; le pouvoir sait donc qu’il peut compter sur le PCG comme allié passif. Cela se vérifiera dans les prises de positions délirantes d’après les massacres, qui parlent notamment de complot visant à éliminer le PCG ourdi par des impérialistes présents dans les milieux gauchistes. En gros, le PCG accusera le GONG et la Vérité (groupe dissident d’anciens membres du PCG) d’être manipulés par… la CIA3 . Le PCG ira même, après ce véritable massacre colonial,  jusqu’à réprouver les violences "racistes" de certainEs révoltéEs qui s’en seraient pris à des touristes ou des passants innocents ; quand le PCG inventait le racisme anti-blanc… Mais venons-en aux événements.

    Le mercredi 24 mai 1967 la grève des ouvriers des bâtiments débute en arrêts limités et elle est suivie à 100%. Ils réclament une hausse de salaires de 2%. Le jeudi 25 mai elle s’étend et les travailleurs décident d’arrêter complètement le travail. Dans la matinée du 26, de nombreux ouvriers s’attroupent autour de la Chambre de Commerce où ont lieu les négociations. À 12h45 les négociations sont ajournées. Les grévistes demeurent. Vers 14h30, la police se retire et ce sont les CRS qui arrivent pour aider les patrons à s’éclipser. Les coups et le gaz lacrymogènes commencent à pleuvoir. Les manifestants demeurent une fois les employeurs évacués. Vers 15h, Bolotte ordonne de tirer sur la foule :

    Les documents prouvent que de mars (émeutes de Basse-Terre) à mai (tueries de Pointe-à-Pitre) le préfet Bolotte, qui avait été un ancien secrétaire général à la préfecture d’Alger durant « la bataille d’Alger », s’était préparé à exercer une répression judiciaire et militaire « sans faiblesse » préventive contre le GONG, considérée comme l’organisation responsable de la montée de revendication contre l’État. C’est pourquoi, dès les premières échauffourées de l’après-midi le préfet donne l’ordre de tirer et rappelle l’escadron des forces spéciales de la gendarmerie mobile, en attente depuis le 22 mars et en cours d’embarquement à l’aéroport du Raizet. La même logique de la culture de répression coloniale fortifiée en Algérie, lui fera obtenir sans discussion la permission de Jacques Foccart, secrétaire de l’Elysée et de Pierre Messmer, Ministre des armées, pour l’engagement de l’armée.4

    Jack Nestor, membre du GONG, est le premier à tomber, explicitement désigné comme cible par le commissaire Canalès. Deux autres Guadeloupéens tomberont encore. Ensuite, la colère populaire explose, dérisoire, face à la détermination meurtrière du pouvoir colonial qui envoie gendarmes, CRS et parachutistes. Toute la nuit ça tire à vue un peu partout en ville, notamment à la mitrailleuse. Le samedi 27 mai des jeunes, lycéens et étudiants partent en manifestation contre le pouvoir assassin à la sous-préfecture. Képis rouges et CRS attaquent de nouveau et la ville reprend feu. Encore des morts, encore des blessés encore des arrestations. Le 28 mai le calme est revenu.

    En préfecture, le patronat va signer une « surprenante » augmentation de 25% pour les ouvriers du bâtiment, beaucoup plus importante que celle refusée quelques jours avant ! Tout cela avant que ne soit lancée une répression visant à faire porter au Peuple guadeloupéen la responsabilité du massacre orchestré par les forces colonialistes.

    La répression

    Suite aux événements environ 70 Guadeloupéens seront arrêtés : certains sous des inculpations de droit commun (violences, attroupements, destructions,  etc.) d’autres pour séparatisme.

    15 guadeloupéens soi disant arrêtés en flagrant délit sont au tribunal dès le 31 mai. Le 7 juin, des condamnations à leur encontre sont prononcées, allant de 6 mois avec sursis à 30 mois fermes.

    Le pouvoir colonial va utiliser les massacres pour lancer une chasse dirigée contre le GONG, mais visant également la Vérité, le Progrès Social et le CPNJG.

    Les détenus, considérés comme politiques, sont envoyés en France à la prison de la Santé. Ils voient leur procès débuter le Lundi 19 février 1968. 18 hommes comparaitront devant la Cour de Sureté de l’État pour « Atteinte à l’intégrité de la sureté nationale ». Treize seront acquittés. Les autres seront condamnées à des peines de sursis allant de 3 à 4 ans.

    En avril 1968, débutent les procès de 25 Guadeloupéens défendus par un collectif impressionnant d’avocats dont Darsières, Gratiant et Felix Rodes lui-même, tout juste sorti des geôles françaises. La mobilisation locale est énorme notamment par le biais du COGASOP5, né 1 mois après les événements grâce à la sagacité d’Alain Aboso. Le mardi 17 avril le tribunal prononçait des acquittements et peine de sursis. Pendant ce procès, Canalès, chef de la police pendant les massacres et chef d’orchestre de la répression qui suivit, tenta à plusieurs reprises d’échapper à la barre. Mais il fut finalement contraint de venir témoigner.

    9 mineurs furent plus tard libérés après être passés devant le tribunal de Basse-Terre. Toutes les peines furent amnistiées par la loi du 30 juin 1969.

    Lire la suite >>>> c'est encore plus passionnant !

    "Mé 67" en Gwadloup : une "certaine idée" gaulliste de la fRance, la mitraille pour les descendant-e-s d'esclaves...

    Lire aussi Gwadloup - Matinik - Gwiyan : histoire d'une infatigable résistance

    Et encore sur les évènements de 1967 : Les massacres des 26 & 27 mai 1967 à Pointe à Pitre (UGTG)


    * Sur ledit gaulliste historique, vous aurez bien sûr reconnu l'inénarrable Pasqua, voici un plutôt bon article que nous avons trouvé (Révolution permanente est désormais le site du Courant communiste révolutionnaire du NPA, rien à voir la bande de connards gauchistes pro-israéliens sur Facebook l'été dernier) : Charles Pasqua est mort, vive Malik Oussekine !

     


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  • Si les marxistes-léninistes et les maoïstes s'accordent généralement pour qualifier un certain nombre de pays (ceux que la bourgeoisie appelle "Tiers Monde" ou "en développement") de semi-coloniaux semi-féodaux, cette qualification pose de nombreux problèmes de définition aux conséquences loin d'être anodines ; notamment quant à la question de la méthode révolutionnaire à y appliquer et de l'universalité de la Guerre populaire. Il importe donc de clarifier les choses.

    Les deux points de vue qui s'opposent sont parfois qualifiés de "mariatéguiste" (José Carlos Mariátegui*, le grand théoricien et organisateur communiste péruvien des années 1920) et "sisonien" (José María Sison, fondateur et dirigeant historique du Parti communiste des Philippines refondé en 1968) :

    - Pour les "sisoniens", "semi-féodal" désigne un véritable mode de production en tant que tel, dans lequel prédominent les rapports féodaux sous la houlette du système impérialiste mondial. La révolution dans ces pays doit donc revêtir (principalement même, au début) un aspect de révolution anti-féodale - mais sous la direction du Parti du prolétariat, et non de la bourgeoisie comme en Europe aux 18e-19e siècles.

    - Pour les "mariatéguistes", "semi-féodal" signifie la survivance d'un ensemble de rapports de production et de rapports sociaux en général marqués par la féodalité, mais néanmoins subsumés par le capitalisme qui - à l'ère de l'impérialisme, que d'autres nomment "mondialisation" - domine et régit l'économie planétaire. Il s'ensuit simplement de ces survivances une arriération économique et sociale qui permet que ces pays soient dominés par les monopoles des États impérialistes (d'où le fait qu'à "semi-féodal" l'on accole "semi-colonial").

    Notre point de vue, pour dire les choses clairement, est "mariatéguiste".

    Il est selon nous absurde, en dehors peut-être de quelques régions très périphériques de l'Afrique ou de l'Asie profonde, de rechercher dans les pays semi-coloniaux un mode de production féodal pur comme celui qui pouvait exister en Europe au Moyen Âge, avec des serfs etc. etc. Les campagnes de ces pays ressemblent en réalité plutôt à ce que l'on pouvait trouver en Europe aux 18e et 19e siècles (parfois encore au 20e dans certains pays) : une propriété de la terre très inégalement répartie, avec des grands propriétaires auxquels sont soumis des métayers qui leur payent un "loyer" sous la forme d'un pourcentage de leurs gains et des journaliers agricoles qui sont tout simplement leurs salariés (au salaire de misère bien évidemment) ; les métayers exerçant parfois l'activité de salarié agricole à temps partiel pour pouvoir payer leur "loyer" (un peu comme les serfs du Moyen Âge "devaient" un nombre de jours de travail sur la "réserve" - propriété directe - du seigneur local, mais de manière toutefois considérablement modernisée), etc. La situation est de toute façon très variable selon les pays.

    Dans la plupart des pays n'existent plus d'attributions politiques officielles aux propriétaires terriens, telles que l'exercice d'un droit de justice, comme cela existait et a été aboli en Hexagone en 1789. Néanmoins un pouvoir politique de facto est très fréquemment exercé : en Amérique latine les grands propriétaires se payent généralement des hommes de main armés pour intimider ou terroriser les paysans, ce qui revient à disposer d'une force armée donc d'un pouvoir politique (et en cas de mort d'homme, ils peuvent compter sur la bienveillance des autorités locales pour que l'affaire ne soit jamais jugée ni condamnée). Il arrive encore, même si c'est sans doute moins fréquent depuis une trentaine d'années, que des peones soient punis à coups de cravache (et loin d'eux l'idée d'aller se plaindre aux autorités) ; quant aux amendes pour infraction au règlement de la propriété, sous un autre nom, elles sont encore très fréquentes. Dans d'autres pays, les grands propriétaires ne possèdent pas de pouvoir politique de droit mais s'incrustent dans les institutions chargées d'exercer celui-ci. On pense en particulier à l'Iran, où les mollahs sont généralement à la fois grands propriétaires fonciers (c'est contre une tentative de réforme agraire "par le haut", "développementiste" du Shah qu'ils sont à la base entrés en lutte contre celui-ci)... et détenteurs, de par la Constitution islamique, du pouvoir judiciaire de premier degré. Dans les régions reculées de l’État iranien, un nombre considérable d'exécutions capitales pour "faits de mœurs" (que la presse occidentale relate sans rien y comprendre, sur l'air de "pendue à 17 ans pour rapports sexuels hors mariage") sont en réalité des règlements de comptes des mollahs locaux envers des familles de paysans indociles. C'est ici un cas de figure "officiel" (constitutionnel), mais cette imbrication de la grande propriété avec le pouvoir politique et judiciaire local est omniprésente dans les campagnes du "Tiers Monde". Au-delà de ces rapports strictement productifs, les rapports sociaux dans ces pays-là (puisque nous avons parlé de l'Iran) sont généralement empreints d'un grand conservatisme, avec notamment un grand poids des institutions religieuses.

    Pour autant, quoi qu'il en soit, la production issue de ces rapports sociaux d'un type particulier débouche bel et bien sur un marché local et mondial... CAPITALISTE. C'est en ce sens que nous affirmons que si ces rapports sociaux peuvent bien être qualifiés de "semi-féodaux", imprégnés par la féodalité, ils n'en sont pas moins subsumés par le capitalisme qui domine à l'échelle mondiale. En réalité, ils sont intrinsèques à la nature même du capitalisme qui a besoin, pour exister, d'exploitation mais aussi de surexploitation du travail : ces rapports productifs et sociaux semi-féodaux permettent tout simplement la surexploitation nécessaire au capitalisme, qui n'est autre que son but à travers l'impérialisme (d'où le colonialisme direct comme le semi-colonialisme)**.

    Il ressort de cela qu'il n'y a pas, en réalité, d'opposition entre pays "semi-coloniaux semi-féodaux" et pays capitalistes : les pays semi-coloniaux semi-féodaux sont capitalistes ; "semi-colonial semi-féodal" est un type de pays capitalistes, l'autre étant les pays capitalistes monopolistes-impérialistes. Un État donné (entendu comme espace géographique) est soit l'un soit l'autre ; ce qui ne veut pas dire que certains pays semi-coloniaux semi-féodaux ne puissent pas atteindre - au moins régionalement - un niveau de développement économique (de forces productives) relativement élevé : c'est le cas par exemple de l’État turc, mais aussi d'un nombre croissant de pays d'Amérique latine (à commencer par les "grands" : Brésil, Mexique, Argentine ou Chili, Colombie mais aussi Venezuela et Équateur etc.) ou d'Asie voire d'Afrique (Ghana, Nigeria, sans oublier bien sûr l'Afrique du Sud), sans même parler des pays arabes du Golfe irrigués par la rente pétrolière avec un niveau de vie (pour la population arabe "de souche", pas pour les centaines de milliers de travailleurs immigrés bien sûr) parmi les plus élevés de la planète, mais des rapports sociaux (régis par l'islam wahhabite) complètement "moyenâgeux".

    Le caractère "semi-colonial semi-féodal" d'un pays n'est pas incompatible avec (localement du moins, dans les grandes villes et leurs alentours) un niveau de développement économique élevé, "quasi-occidental". Cela signifie simplement ne pas être impérialiste, c'est-à-dire ne pas être principalement un exportateur mais un réceptacle de capitaux étrangers - lesquels servent précisément à contrôler et dominer l'activité productive. Mais cela se traduit néanmoins - il est vrai - toujours par l'existence d'une "niche" de rapports sociaux "semi-féodaux" de surexploitation, qu'il s'agisse d'une catégorie particulière de la population (comme les travailleurs immigrés semi-esclaves dans les pays du Golfe) ou de régions reculées et périphériques (comme toujours dans le système capitaliste, les pays semi-coloniaux d'une certaine taille ont leurs Centres et leurs Périphéries - tout en étant eux-mêmes la Périphérie planétaire).

    À vrai dire, une certaine (petite) dose de rapports sociaux "semi-féodaux" n'est même pas incompatible avec le fait d'être un État impérialiste, et pas même des moindres : le Royaume-Uni est bien, tous et toutes en conviendront, un pays monopoliste et impérialiste et même (sans doute) le premier à l'avoir été dans l'Histoire. Pourtant, la propriété foncière et immobilière en général y est particulièrement marquée par la féodalité et ceci d'autant plus que l'on va vers les territoires des Peuples celtiques, dont la conquête et l'oppression nationale ont fondé historiquement l’État. Des îles entières d’Écosse sont parfois la propriété d'un seul landlord (qui, "mondialisation" oblige, peut désormais être un prince arabe ou un milliardaire russe), et leurs habitants locataires... Dans le shire (comté) de Cornouailles (Nation cornique), plus de 500 km² sur 3.500 au total sont la propriété exclusive du prince Charles à qui ils fournissent ses revenus, celui-ci ne disposant pas de "liste civile" ("pension" versée par l’État) contrairement à ses parents : il y aurait fondé une entreprise agro-alimentaire... "bio". Bien sûr, ici, pas de coups de cravache ni de miliciens privés ni de quelconque droit de justice pénal sur la population. Mais ce n'en est pas moins la réalité... au cœur d'une des premières puissances impérialistes de la planète. Des situations similaires existent dans l’État espagnol, en particulier dans sa partie sud (Andalousie etc.) ; État qui est pourtant incontestablement (grâce aux dynamiques capitalismes catalan, basque, asturien ou cantabre - et à la métropole madrilène alimentée par ceux-ci) un "petit impérialisme" ; ou encore dans le Mezzogiorno de l’État italien, lequel repose fondamentalement et historiquement sur la conquête du Sud (Royaume des Deux-Siciles) par la bourgeoisie du Nord (au moyen de l'Armée piémontaise et des "Chemises rouges" de Garibaldi), et qui est incontestablement un impérialisme de rang secondaire. Aux États-Unis, les maoïstes dans la lignée d'Harry Haywood considèrent que les Noirs, les Hispaniques (issus de la conquête de la moitié du territoire mexicain en 1846-48, ou alors de l'immigration par la suite) ou encore les Premières Nations ("Indiens") subissent un colonialisme intérieur, qui est encore une forme de rapports sociaux très particulière ; et le métayage qui a succédé à l'esclavage (associé à la ségrégation dans le domaine politique et l'espace public) marque encore profondément la condition des Noirs dans les États ruraux du Sud.

    En réalité, n'en déplaise aux thuriféraires des "Lumières", AUCUNE "révolution" bourgeoise n'a été pleinement anti-féodale - le capitalisme piétinant par définition et en permanence la pensée humaniste et émancipatrice qu'il vient juste de secréter, par souci de se ménager (justement) ces "niches" de surexploitation qui lui sont indispensables : bien souvent, la "semi-féodalité" n'a disparu dans les campagnes (auxquelles elle est par nature liée)... que par la quasi-disparition du secteur productif agricole. Aucune, pas même en France : le célèbre roman Jacquou le Croquant s'inspire de nombreuses révoltes populaires ayant agité l'Occitanie... dans la première moitié du 19e siècle, soit bien après la fameuse Nuit du 4 Août 1789 ; révoltes de métayers (qui constituaient encore la grande majorité des agriculteurs dans ces régions) ne visant généralement pas des nobles "historiques" mais des bourgeois ayant racheté les titres de propriété de ces derniers en se parant (souvent) des titres et autres particules (comme le "Crozat" devenu "comte de Nansac" du roman). Et au milieu du 20e siècle, dans certaines régions, les métayers menaient encore des luttes très dures contre les châtelains locaux sous la direction du Parti communiste... Seule la révolution prolétarienne peut en réalité "parachever" complètement les promesses démocratiques que la bourgeoisie a faites aux masses populaires pour les mobiliser contre les forces féodales, mais qu'elle n'a par définition pas pu tenir.

    Les États qui sont aujourd'hui monopolistes-impérialistes ne le sont pas devenus parce qu'ils auraient "particulièrement éradiqué la féodalité", mais simplement parce qu'ils ont été les premiers à la faire reculer ou à la domestiquer suffisamment pour ménager à la bourgeoisie l'espace nécessaire à sa "révolution industrielle", c'est-à-dire à l'accumulation productive et (surtout) financière permettant de mener au bout de quelques décennies à la constitution de monopoles et, de là, à une domination économique de la planète entière (ces pays eux-mêmes n'ayant pu quant à eux, par définition, "tomber" sous la domination de personne : "premier arrivé premier servi" !). Tel est le cas du Royaume-Uni, de la France, des États-Unis, de l'Allemagne etc. etc. D'autres ont pu par la suite se "glisser entre les mailles du filet" et "rejoindre le club" par des politiques volontaristes et même - pour dire les choses clairement - fascistes (Japon, Italie, Espagne) ; tandis que d'autres encore, suffisamment grands (Russie, Chine), ont connu des expériences socialistes qui se sont "chargées" de mener à bien la "révolution industrielle" et de développer les forces productives de manière radicale, avant d'être trahies et de voir la propriété "collective" (théorique) convertie en monopoles [ces puissances sont désormais des "acteurs" incontournables pour comprendre ce qu'il se passe dans bien des parties du monde ; nous insistons cependant sur le fait qu'elles ne peuvent (pas plus que le bloc soviétique dans les années 1970-80, erreur de beaucoup de "prochinois") être considérées comme les premières fauteuses de misère et de mort sur la planète et donc les "ennemies n°1" de l'humanité, qui demeurent les puissances impérialistes occidentales].

    Si toute cette compréhension des choses revêt autant d'importance, on l'a dit, c'est parce qu'elle impacte directement la question de la GUERRE POPULAIRE comme stratégie révolutionnaire UNIVERSELLE des exploité-e-s et des opprimé-e-s.

    La vision "sisonienne" va, en effet, généralement tendre à un rejet de l'universalité de la Guerre populaire : il y aurait d'un côté des pays semi-coloniaux semi-féodaux où l'on mène la Guerre populaire, et de l'autre des pays monopolistes-impérialistes où l'on "accumulerait des forces" en attendant les conditions propices à un soulèvement et à une prise de pouvoir révolutionnaire. C'est là, finalement, une conception plus marxiste-léniniste pensée maotsétoung que réellement marxiste-léniniste maoïste ; une conception qui a insuffisamment dépassé les limites théoriques du marxisme-léninisme. Elle peut parfois (pour résoudre la quadrature du cercle qu'elle soulève inévitablement, à savoir la question du "que faire" dans les métropoles impérialistes) mener au linpiaoïsme, c'est-à-dire à l'idée que les pays semi-coloniaux semi-féodaux sont les "campagnes du monde" et que les masses des pays impérialistes ("villes" du monde) sont finalement dans une position attentiste, ne devant intervenir (peut-être) que lors de l'"assaut final", lorsque l'impérialisme aura été suffisamment affaibli par la Guerre populaire du "Tiers Monde" (certes... sauf que si les métropoles impérialistes ne sont pas aussi combattues et affaiblies de l'intérieur, elles ne seront jamais assez faibles dans le "Tiers Monde" pour que la révolution prolétarienne et paysanne y triomphe durablement).

    C'est la conception (en toute logique) du Parti communiste des Philippines, ou encore du TKP/ML dans l’État turc.

    La vision "mariatéguiste" en revanche (au terme d'un long processus bien entendu : Mariátegui lui-même n'a jamais dit cela ni même parlé de Guerre populaire...) tend à déboucher naturellement sur l'applicabilité universelle de la Guerre populaire, y compris dans les pays impérialistes les plus avancés. Celle-ci n'est plus conçue comme une "simple" doctrine militaire (guerre de partisans dans un maquis...) : les modalités de la lutte sont particulières et doivent être déterminées dans chaque pays. Elle devient en réalité la compréhension de la révolution comme une lutte PROLONGÉE pour construire des bases rouges de Pouvoir populaire embryonnaire, créer les conditions subjectives (tout aussi importantes que les objectives !) de la prise de pouvoir révolutionnaire et "étrangler" lentement mais sûrement les Centres politiques, économiques et intellectuels du Pouvoir bourgeois. Cela signifie arracher totalement ou partiellement des aires géographiques aux forces du Capital ("territoires perdus" où elles ne vont plus ou alors dans un sentiment d'insécurité permanent) ; y compris (à un certain stade de la lutte) des unités productives arrachées au contrôle du patronat et prises en main par les travailleurs ; mais aussi lutter sur le front intellectuel et culturel pour faire reculer la conception bourgeoise du monde et imposer l'hégémonie de la conception prolétarienne communiste dans les masses du Peuple : c'est véritablement une lutte sur tous les fronts. Cela n'exclut même pas (contrairement à une certaine conception "stricte" du MLM), lorsque les conditions le permettent, de participer aux élections ; car participer aux élections sur une ligne révolutionnaire ferme (et non sur une ligne opportuniste d'avoir à tout prix des élus et de s'incruster dans le système) est aussi un outil de déstabilisation. Le tout étant de reposer en permanence sur une culture d'antagonisme, d'inconciliabilité des intérêts prolétaires et populaires avec ceux de la classe dominante capitaliste - culture qui doit aussi se construire, car elle n'a rien d'évidente en soi dans une société de classe où les dominants dominent et où les dominés suent sang et eau depuis des siècles.

    Cela signifie, dans tous les cas, un rejet de la stratégie consistant en une "accumulation de forces" suivie d'un "moment propice" (dont les conditions ne dépendraient que très peu de l'activité des révolutionnaires) pour lancer un "assaut frontal" et une prise de pouvoir très rapide - autrement dit la stratégie qui a échoué dans un grand nombre de pays au siècle dernier (pas seulement, d'ailleurs, dans des pays impérialistes et très industrialisés !). Cette stratégie est celle dont le trotskysme s'est fait le champion et même le théoricien absolu ; mais aussi celle de la plupart des "stals" (marxistes-léninistes "kominterniens"), car elle repose fondamentalement sur l'"exemple" de la Révolution bolchévique dans l'Empire russe tsariste... laquelle a été en réalité, depuis les évènements de 1905 jusqu'à la prise du Palais d'Hiver en Octobre 1917, une Guerre populaire non-consciente d'elle-même suivie jusqu'en 1921 (au moins) d'une terrible guerre contre les forces contre-révolutionnaires, guerre (là aussi) au caractère éminemment populaire ! [Cette révolution est au demeurant intervenue dans un pays extrêmement arriéré et marqué par la féodalité (comparable à l'Inde aujourd'hui) où aurait bien dû, selon la thèse "sisonienne", avoir lieu une Guerre populaire et non une "accumulation de forces/ insurrection" servant de modèle pour les pays impérialistes...]

    La Guerre populaire est universelle car elle est la première phase de la négation du capitalisme par le communisme, avant la prise de pouvoir révolutionnaire (la seconde phase étant la transition socialiste après celle-ci) ; or tous les pays du monde sont capitalistes (régis par le capitalisme), soit monopolistes-impérialistes (de "rang" variable, plus ou moins puissants, "vassalisés" parfois par d'autres plus puissants mais sans cesse d'être impérialistes) soit semi-coloniaux semi-féodaux (plus ou moins avancés et dynamiques économiquement, parfois "émergents" voire jouant un rôle de "puissance régionale").

    Une position "intermédiaire" (donc erronée, de notre point de vue) va être celle du Parti communiste maoïste (MKP) de l’État turc, qui consiste en fait en une admission partielle des thèses "sisoniennes". Le MKP va affirmer l'universalité de la Guerre populaire et mener celle-ci dans l’État turc ; mais comme celui-ci est "trop" développé, industrialisé et "dé-féodalisé" pour être "semi-colonial semi-féodal" selon la conception "sisonienne" (qui voudrait un véritable mode de production féodal autonome), conception qu'il admet (donc) partiellement, il va le définir comme "capitaliste" (ni monopoliste-impérialiste ni semi-colonial semi-féodal...) et affirmer y mener une "Guerre populaire socialiste" qui serait ainsi la "preuve" que la Guerre populaire est une stratégie de valeur universelle... Les choses seraient pourtant beaucoup plus simples s'il était simplement admis que "semi-féodal" ne signifie pas l'existence d'un mode de production féodal autonome aux côtés du capitalisme, mais simplement de rapports sociaux marqués par la féodalité sous la houlette du capitalisme (rapports sociaux qui ne manquent pas dans un État turc régi par le capitalisme comme l'est la planète entière).

    Ce sur quoi la question de "pays semi-colonial semi-féodal" ou "pays monopoliste-impérialiste", de l'ampleur des rapports sociaux "semi-féodaux" et - en fin de compte - du niveau des forces productives influe en réalité, c'est sur l'"après" Guerre populaire et prise révolutionnaire du pouvoir sur un territoire donné : sur l'ampleur des tâches "démocratiques de nouveau type" ("démocratiques bourgeoises sous la direction du prolétariat" : conquête de l'indépendance véritable et/ou autodétermination nationale sur l'aspect semi-colonial ; lutte contre les obscurantismes, révolution agraire et développement productif de type "NEP" sur l'aspect ) et l'immédiateté ou non des tâches socialistes.

    Le Pays Basque, par exemple, est opprimé nationalement ; mais c'est en dehors de cela un pays hautement industrialisé inclus dans deux États impérialistes, dont l'un est parmi les plus puissants de la planète. Il y a donc pour la future Révolution basque une tâche démocratique essentielle qui est la conquête de l'autodétermination nationale, mais cela s'arrête là : au-delà, les tâches sont immédiatement socialistes. En Andalousie ou dans le Mezzogiorno de l’État italien, peuvent s'y ajouter des tâches de révolution agraire car le secteur agricole demeure aussi important que la grande propriété y est prédominante. Tout va véritablement dépendre de la réalité économique et sociale spécifique de chaque pays et de l'analyse que les révolutionnaires communistes en font. Pour ce qui est de l’État turc, l'on peut effectivement admettre que les forces productives s'y sont considérablement développées depuis une vingtaine d'années et qu'il ne nécessite pas une longue phase de "type NEP" avant de socialiser la production ; mais parler de "Guerre populaire socialiste" n'a pas beaucoup de sens : il n'y a pas "différentes sortes" de Guerre populaire selon l'immédiateté ou non des tâches socialistes par la suite ; il y a la Guerre populaire comme stratégie universelle dont les modalités concrètes sont définies selon les conditions particulières de chaque pays (et bien entendu le niveau des forces productives, d'industrialisation, d'urbanisation etc. pèse lourd parmi ces conditions).

    Par ailleurs et pour conclure, cette compréhension correcte ("mariatéguiste") des rapports sociaux "semi-féodaux" comme subsumés par le capitalisme (et quel capitalisme sinon celui introduit par l'impérialisme pour se livrer à la surexploitation dont il a besoin ?) va également être essentielle pour réfuter la thèse ridicule pour ne pas dire honteuse des clowns du 'p''c''mlm', selon laquelle le semi-féodalisme serait l'"aspect principal" dans les pays concernés et l'impérialisme (= le semi-colonialisme) une sorte de "maladie opportuniste" - en d'autres termes, les Peuples dominés et écrasés par l'impérialisme auraient "mérité" leur condition par leur "arriération féodale", dont ils feraient bien d'avoir l'amabilité de se sortir vite-fait-bien-fait. Alors que c'est bien évidemment (de manière évidente pour tout cerveau normalement constitué...) la domination impérialiste qui maintient ces résidus de rapports féodaux "sous cloche" comme instruments de la surexploitation qui est sa raison d'être - les "sisoniens" sont bien entendu du même avis, mais leur compréhension des choses ne permet pas de "contrer" correctement cette énième thèse grotesque et aberrante de ces "universalistes impériaux" maquillés de rouge***...

    Pays semi-coloniaux semi-féodaux et capitalisme : quelques clarifications indispensables


    "Le semi-féodalisme ne peut pas être correctement recherché dans la persistance d'institutions ou de formes politiques et juridiques féodales. Formellement, le Pérou est une république démocratique bourgeoise. Le semi-féodalisme survit dans les structures de notre économie agraire." (...) "Le capitalisme se développe dans un pays semi-colonial comme le nôtre alors que le stade des monopoles et de l'impérialisme a déjà été atteint, et que l'idéologie libérale correspondant au stade de la libre entreprise a perdu toute sa validité. L'impérialisme ne permettra à aucun de ces Peuples semi-colonisés, qu'il exploite comme marchés pour ses capitaux et produits et comme sources de matières premières, de mettre en œuvre un quelconque programme économique de nationalisations et d'industrialisation ; il les force à se spécialiser et les restreint à la mono-production (au Pérou : pétrole, cuivre et sucre) de sorte qu'ils souffrent d'une crise permanente en termes de produits manufacturés, une crise qui provient tout droit de cette détermination rigide de la production nationale par le marché capitaliste mondial." (J. C. Mariátegui)

    ** L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    [Attention cependant : la surexploitation, vouée à dégager un profit maximal sur investissement (surprofit), intègre aussi des considérations de productivité du travail, de développement technologique (augmentant la productivité) ainsi que d'établissement de situations de monopole (réduction radicale voire élimination pure et simple de la concurrence : quoi de mieux pour les affaires ?). Ceci peut entraîner des situations paradoxales : ainsi par exemple, on imagine difficilement plus surexploités que les esclaves africains des colonies européennes en Amérique ; puisqu'il suffisait souvent de les maintenir en vie quelques années pour tripler ou quadrupler l'investissement représenté par leur achat ("gagner leur tête" disait-on à l'époque). Sauf que voilà : 1°/ comme déjà dans l'Antiquité, la productivité de personnes privées de toute liberté et non-rémunérées pour leur travail s'avérait finalement médiocre comparée à celle d'un travailleur libre, 2°/ pour ces mêmes raisons de productivité, ainsi que pour de simples raisons de sécurité, il était difficile voire impossible de concentrer des centaines et des centaines voire des milliers d'esclaves sur une même plantation (ce qui gênait donc la concentration du travail, et allait contre la constitution de monopoles), 3°/ cette méthode productive était difficile pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre en dehors du secteur agricole (certes indispensable à l'économie mais dont la valeur ajoutée, même en agriculture extensive, reste somme toute modeste), dans l'industrie en plein essor notamment, 4°/ elle était incompatible avec le progrès technologique (mécanisation de l'agriculture), voué de toute façon à la faire disparaître, 5°/ les esclaves, qui représentaient le tiers de la population dans le Sud des États-Unis et 80% ou plus dans les Caraïbes, ne pouvaient pas (cf. ce que nous avons dit plus haut) représenter un marché (débouché commercial pour la production) de manière significative. Ce sont toutes ces raisons (et l'on pourrait encore sans doute en citer d'autres), et non des considérations d'"humanité", qui ont amené au 19e siècle les bourgeoisies européennes et américaines à pencher majoritairement en faveur de l'abolition de l'esclavage, bien que celui-ci représentât (à première vue) la forme d'exploitation la plus totale (et donc le profit maximal tiré de la force de travail) que l'on puisse imaginer. Si l'on adopte une vision "arithmétique" de la définition marxiste "classique" de la surexploitation, les paradoxes ne manquent de toute façon pas : les travailleurs les plus exploités pourraient ainsi bien être, par exemple... les footballeurs, si l'on mettait en perspective leurs (multimillionnaires) revenus annuels avec ce qu'ils rapportent à leurs clubs. C'est pourquoi une vision plus "humaine", basée sur la notion de reproduction des conditions d'existence, nous a semblé plus appropriée.]

    *** "Lesmaterialistes.com" ('p''c'F'mlm') ne sont d'ailleurs pas les seuls à avoir cette vision des choses (l'on pourrait encore citer, dans une certaine mesure, "Futur Rouge" ou du moins certains éléments, sans même parler des "gauchistes" dans une vision partiellement ou totalement "antideutsch"). Si l'on veut - donc - résumer en dernière analyse ces deux conceptions du monde qui s'opposent :

    - Pour ces personnes se réclamant du communisme, le pays impérialisés "mériteraient" en fin de compte cette domination parce qu'ils seraient "féodaux", et devraient donc d'abord et en premier lieu lutter contre cette "féodalité" qui les "gangrène" pour pouvoir prétendre se libérer de l'impérialisme.

    - Pour nous, c'est exactement l'inverse : oui, certes, à un moment donné de l'Histoire, l'"arriération" de ces pays (loi du développement inégal des forces productives) a permis aux puissances capitalistes occidentales, soit par les investissements financiers et technologiques, soit par la force militaire soit (le plus souvent) par les deux, d'asseoir leur domination dessus ; mais depuis lors, c'est cette domination impérialiste qui a en quelque sorte "volé" à ces pays tout le processus de luttes démocratiques que l'Occident a pu traverser ces 200 dernières années, les maintenant dans ce qui à nos yeux occidentaux peut apparaître "arriéré", "moyenâgeux" ou encore "obscurantiste"... C'est donc la lutte contre l'impérialisme, l'arrachement à la domination des monopoles impérialistes qui doit primer et qui est la CONDITION pour que ces sociétés puissent "évoluer", se démocratiser, s'émanciper dans tous les sens du terme, en suivant une voie qui n'a d'ailleurs aucune raison d'être parfaitement conforme à nos "canons" occidentaux de la "modernité" et autres "Lumières". Et nous considérons ouvertement qu'à un certain stade (premier, débutant) de cette lutte, des forces "féodales rebelles" peuvent être des alliées tactiques pour - à tout le moins - "secouer le cocotier" de la domination impérialiste ; ou encore des forces expression du "capitalisme d'en bas", "populaire spontané", "des entrailles" de la société ("du souk" ou "du bāzār" dans les pays musulmans) où les gens produisent et vendent, bref font du bizness et certains deviennent riches et d'autres pas, comme l'est typiquement l'"islamisme" ; sans même parler de forces liées en réalité à l'"économie naturelle", à la "société populaire traditionnelle-solidaire", qui ont quasi-systématiquement tendance à être confondues avec la "féodalité" dans la pensée occidentale "progressiste lumiéreuse" qui caractérise tant de nos marxistes ou libertaires...  

     


    2 commentaires

  • Peut-être fallait-il aux bouffons d'AQNI, de "Poisson Rouge", de Non Fides, des "Morbacks Vénères" et autres petits bourgeois gauche-blanche des campus (les fourestiens et Philippe Val à la rigueur on s'en fout, ils ne se réclament pas du camp révolutionnaire) une illustration de ce qu'est une critique CONSTRUCTIVE des positions du PIR (qui sont indiscutablement discutables). La voici.

    [Bon, en réalité, une critique ASSEZ MERDIQUE pétrie de "matérialisme abstrait" blanc et indigène-de-service, comme nous en a largement convaincu la réponse du PIR ici : vacarme-critique-les-indigenes-la-faillite-du-materialisme-abstrait ; mais c'est tout de même vrai, et c'était justement le piège, relevant largement le niveau par rapport aux attaques des précités.]

    Pour une approche matérialiste de la question raciale

    Une réponse aux Indigènes de la République


    Les Indigènes de la République ont contribué à rendre visible un racisme de gauche, appuyé sur le racisme intégral consubstantiel à la société française, mais seraient-ils prisonniers de ces enjeux ? Une analyse systématique des champs de force qui s’exercent sur les plus précarisés permet de sortir de l’ornière : une critique conséquente de l’invisibilisation des questions raciales et de genre, échappant au grand jeu identitaire de l’extrême droite, ancrée dans la critique de l’économie politique.

    Des morts en Méditerranée en passant par les émeutes de Baltimore jusqu’aux menus faits quotidiens de la vie métropolitaine, tout nous ramène à la question raciale. Il nous semble nécessaire de proposer une analyse de fond du racisme qui ne soit pas qu’une réponse à chaud aux événements.

    On assiste aujourd’hui à une montée de l’islamophobie et de l’antisémitisme. C’est une double vague et il faut réussir à penser les choses ensemble, alors que les séparations sociales sont de plus en plus fortes et les logiques de guerre de tous contre tous incontrôlables. Cela signifie refuser les logiques de concurrence entre les racismes ; mais aussi penser islamophobie et antisémitisme dans toute leur spécificité. Et cela dans le contexte général d’une augmentation de la violence sociale, d’un durcissement des segmentations de classes et des effets du racisme structurel (logement, travail, etc.). C’est de plus en plus dur pour les plus pauvres, pour ceux qui sont déjà les plus précarisés (les racisés, les femmes).

    Avec les attentats de janvier, la gauche s’est pris en plein dans la figure son déni de la question du racisme. Elle qui s’est fait une spécialité de dénoncer la victimisation et de refouler le racisme comme phénomène structurel massif. L’obsession du voile des féministes institutionnelles a fonctionné comme un révélateur du racisme d’une gauche accrochée à un universalisme abstrait et agressif.

    Voilà pourquoi nous étions enthousiastes devant l’énorme travail qui a rendu visible ce racisme de gauche, républicain, auquel le Parti des Indigènes de la République (PIR) a participé depuis 2004. Nombreux sont ceux qui ont travaillé à saper ce racisme respectable [1] pour lequel les indigènes ne sont pas réellement des égaux et qui, s’il ne se justifie pas « contre » le racisé, tire son argumentation des grandes valeurs censées l’émanciper. Toute une histoire de la condescendance et du paternalisme de la gauche française reste à écrire, notamment sur la façon dont le discours de classe a été utilisé pour maintenir bien en place les hiérarchies au sein du mouvement ouvrier lui-même.

    Néanmoins, il nous semble que le PIR a glissé. Surfant sur les durcissements identitaires, il propose une lecture systématiquement culturelle voire ethnicisante des phénomènes sociaux. Cela l’amène à adopter des positions dangereuses sur l’antisémitisme, le genre et l’homosexualité. Il essentialise les fameux « Indigènes sociaux », les subalternes qu’il prétend représenter. Tout se passe comme si les prolétaires racisés qui subissent le plus violemment le racisme étaient instrumentalisés dans une stratégie politique qui se joue essentiellement dans l’arène de la gauche blanche et des intellectuels radicaux à la mode.

    Pour nous, descendantes de musulmans et de juifs d’Algérie, mener la critique du PIR, comme mener celle de la Gauche, est une question d’autodéfense.

    Pour nous, descendantes de musulmans et de juifs d’Algérie, mener la critique du PIR, comme mener celle de la Gauche, est une question d’auto-défense. Nous pensons que nous n’avons rien à gagner dans l’opération politique qui subsume toutes les questions sous celle de la race. Pour nous, non seulement les questions de racisme mais aussi les questions d’économie politique, de rapports sociaux de sexe sont à l’ordre du jour

    Économie politique de l’islamophobie

    Qui prend le RER à Gare du Nord le matin sait que ceux qui ont l’air arabe, noir ou rom subissent une pression constante. Contrôles au faciès, « bavures policières », relogement dans des banlieues toujours plus lointaines, les racisés subissent une ségrégation géographique, sociale et symbolique. Ce racisme intégral, pour reprendre l’expression de Franz Fanon, consubstantiel à la société française, commence dès l’orientation en 4e, avec la recherche d’un stage, du premier job… et s’étend à toutes les dimensions de l’existence. Dans ces multiples apparitions, il s’étend des rues de nos villes riches où les hommes racisés se font refouler des boîtes de nuit jusqu’aux confins des mers où on laisse se noyer avec une indifférence complice ceux qui osent franchir les frontières.

    En France, l’islamophobie, le racisme anti-musulman, est à comprendre, non pas simplement comme une opposition laïque à la religion, mais comme un racisme dirigé vers tout ce qui est noir ou arabe. Notamment quand sa présence est visible dans l’espace public, qu’il s’agisse de femmes voilées ou de jeunes tenant le mur. Les événements de janvier n’ont fait qu’accentuer ce processus de stigmatisation. Des attaques de mosquées aux agressions de femmes voilées, en passant par les convocations au commissariat d’enfants de huit ans qui ne disaient pas assez « Je suis Charlie », il est devenu quasiment impossible de parler politique quand on a une gueule d’Arabe sans avoir à se justifier de ne pas être islamiste.

    Il ne s’agit pas de simples discriminations ou de préjugés. L’islamophobie renvoie à une question plus centrale, la question raciale. Celle-ci fonctionne comme assignation à une place dans la division du travail de certaines catégories de population sur la base de leur origine et de leur couleur de peau. Il suffit d’observer un chantier de BTP pour constater qu’en général les gros travaux sont fait par les Noirs, les travaux plus techniques par les Arabes, et que les contremaîtres sont blancs. [2] Le racisme est le régime d’exploitation matériel qui a organisé le développement capitaliste européen.

    Lire la suite >>>>

    Un article intéressant au sujet des Indigènes de la République

    Sur le même sujet (racisme, antisémitisme, islamophobie), lire aussi Les frères jumeaux (Alain Gresh au sujet d'un texte posthume d'Ilan Halevi).

    En ce qui nous concerne (écrit lors d'un de nos nombreux débats en ligne sur la question) :

    - Concernant le discours d'Houria Bouteldja que voilà http://indigenes-republique.fr/racisme-s-et.../, dont nous ne préciserons même pas (tellement c'est une évidence) que 99,9% de ceux qui le critiquent comme "du Drumont" ou un "examen d'entrée réussi dans l'extrême-droite gauloise" ne l'ont même pas lu (un autre "indigène", Norman Ajari, a par la suite précisé le propos ici en réponse aux critiques) : en gros ce qui "déconne" c'est sa recherche du "lieu de production" de l'antisémitisme, qu'elle trouve dans le "philosémitisme d’État" actuel ("après la Seconde Guerre mondiale et la succession de défaites françaises face à la révolution anticoloniale et progressivement et de manière accélérée dans les années 1980") au lieu de le trouver là où il est, c'est-à-dire dans la construction même de l’État moderne et du capitalisme en Europe avec ses balanciers permanents entre utilisation et persécution des Juifs (construisant par conséquent, pour justifier ces persécutions-après-utilisation, leur réputation d'"usuriers" etc. etc.). Là est la racine de la Shoah (avec sa déclinaison particulière hexagonale, les lois antisémites de Vichy). Le "philosémitisme d’État" progressivement construit entre 1945 et les années 1980-90 est une conséquence de cela : une repentance hypocrite "parce qu'il le faut bien" (cela s'est passé "au coin de la rue", au cœur de nos villes et villages contrairement aux crimes coloniaux, et puis le nazisme a mis le continent à feu et à sang tout de même...) ; et comme la logique capitaliste est de trouver un bénéfice dans tout, le bénéfice comme le dit très justement Bouteldja est de "fermer le guichet des réclamations" : puisque "la Fraaaaance" se repent de la Shoah et de tout l'antisémitisme antérieur (affaire Dreyfus etc.) et que désormais "s'en prendre aux Juifs c'est s'en prendre au valeurs mêmes de notre République", c'est "solde de tout compte" et il n'y a plus besoin d'examen de conscience sur tous les autres crimes du capitalisme et de l'impérialisme BBR. Quant à l’État d'Israël (auquel le soutien va généralement de pair avec ce "philosémitisme" républicain), c'est en fin de compte la "solution au problème juif" qu'a fini par trouver la bourgeoisie occidentale ; et comme là encore il faut en tirer un bénéfice, le bénéfice c'est d'en faire les tirailleurs de l'ordre impérialiste au Proche-Orient. Mais tout cela est un PRODUIT de l'antisémitisme et non son "lieu de production". Au demeurant le vieil antisémitisme ressort assez fréquemment, sous forme de "lapsus", dans le champ politique bourgeois "républicain" (de Raymond Barre à Georges Frêche).

    Les antisémites ouverts (et non hypocrites = "philosémites") sont eux aussi un produit de ce même lieu de production qui équivaut à 7 siècles d'histoire : ce sont ceux qui n'ont pas accepté la repentance hypocrite post-Shoah et préfèrent assumer (c'est tout de même rare) ou alors relativiser ou nier (négationnisme). Et les antisémites antisionistes (car tout antisémite n'est pas antisioniste, cf. Xavier Vallat et bien d'autres zélés serviteurs du régime de Vichy) sont ceux qui n'acceptent pas Israël (un État juif au service de l'Occident) comme "solution" au "'problème juif".

    Enfin, l'antisémitisme "des banlieues" est effectivement le plus "réactionnel" (face aux crimes israéliens, face au sentiment de "deux poids deux mesures" en faveur des Juifs) mais il a lui aussi son "lieu de production" et c'est là encore le même, car il est soit sous l'influence d'antisémites blancs bien français comme Alain Soral soit sous celle de l'antisémitisme... d'importation européenne des pays arabes, où les nationalistes bourgeois puis les islamistes ont massivement recyclé les thèses antisémites de Drumont et compagnie, des Protocoles des Sages de Sion (massivement imprimés et diffusés) etc. etc. dans leur lutte bourgeoise (donc idéologiquement pourrie) contre Israël - arrêtons de nous ridiculiser avec des citations de versets du Coran que les musulmans ont toujours su replacer dans leur contexte du 7e siècle : l'antisémitisme des pays arabes est clairement d'importation européenne dans ses références, il suffit de lire la fameuse Charte du Hamas (l'article 22 notamment) si l'on veut s'en convaincre.

    Donc voilà : il faut en effet identifier les lieux de production des oppressions, mais Houria Bouteldja identifie mal celui de l'antisémitisme. La racine de l'antisémitisme c'est 7 siècles de construction du capitalisme et des États européens sur la base de l'utilisation puis du "jetage" des Juifs et elle, elle dit que c'est le "philosémitisme d’État" actuel qui n'est que le résultat (un résultat) de cela : la contrition honteuse après que (pour citer l'antisémite Bernanos) Hitler et ses épigones aient "déshonoré l'antisémitisme" aux yeux de la bourgeoisie occidentale...

    L'autre critique que nous ferions à cette prise de position, c'est de présenter les Juifs dans tout cela comme des sujets passifs passés de gibiers de progroms à moutons du sionisme et du républicanisme ; alors que s'il existe aujourd'hui un "philosémitisme" officiel c'est aussi parce que des Juifs ont LUTTÉ, d'abord contre le fascisme lui-même (qui signifiait la mort pour tous) puis contre la non-reconnaissance de la Shoah comme crime spécifique (rappelons que dans les statuts du Tribunal de Nuremberg c'est loin d'être clair !). Nous nous souvenons ici de Pierre Goldman qui racontait comment il s'était énervé après avoir écouté un Black Panther dire "nous ne nous laisserons pas conduire à l'abattoir comme les Juifs"... Il est vrai qu'il y a cette image fausse et indigne des Juifs menés "passivement" aux camps de la mort ou subissant "hébétés" les pogroms et autres violences contre eux, qui est profondément ancrée dans les esprits y compris racisés alors que c'est faux : les Juifs ont lutté contre leur propre oppression et tentative d'extermination. Puis ils ont lutté par la suite au nom du "plus jamais ça". Bien sûr, le problème est que cette lutte n'a pas été menée uniquement sur une ligne antifasciste révolutionnaire (les Juifs étaient certes très nombreux dans l'extrême-gauche maoïste et trotskyste, une boutade au sujet de la LCR disait que "si l'on ne parle pas yiddish au Bureau politique de la Ligue, c'est parce que Daniel Bensaïd est séfarade"), mais aussi par des forces bourgeoises : LICRA ex-LICA, organisations diverses ayant constitué le CRIF en 1944, sans oublier le mouvement sioniste trouvant sa "solution" dans un État juif aux dépens des Palestiniens ; et lorsque le mouvement révolutionnaire a reflué mondialement dans les années 1980, seules ces forces sont restées en "tête de gondole" pour récolter les fruits de la lutte tout en ne cessant en même temps de dériver toujours plus à droite (État d'Israël de plus en plus oppresseur et criminel envers les Palestiniens, CRIF soutien du sionisme le plus droitier et de toutes les politiques impérialistes servant celui-ci de près ou de loin, LICRA incarnant de plus en plus le discours "républicain" bourgeois universaliste-impérial et le "deux poids deux mesures" en matière de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, etc. etc.). Ceci peut effectivement rendre malaisée la mise en avant de cette lutte juive (c'est-à-dire des victimes elles-mêmes) contre l'antisémitisme ; ce dont certains se sortent parfois en mettant en avant le Bund (Juifs ne se niant pas, comme ce fut hélas souvent le cas dans le marxisme-léninisme kominternien, et en même temps clairement anticapitalistes et antisionistes), mais cette référence n'est pas très actuelle - l'organisation n'a plus existé après la Seconde Guerre mondiale. Pourtant, cela ne devrait pas poser de problèmes dans un esprit dialectique, comprenant que les choses peuvent se transformer en leur contraire.

    - Le problème des Indigènes, en fin de compte, c'est qu'ils sont dans une stricte dualité blancs/non-blancs et ne comprennent pas la CONCENTRICITÉ de la domination. La concentricité de la domination, cela ne veut pas seulement dire des Juifs racistes envers les Arabes/Noirs (et considérés "plus blancs" par la pensée dominante, et voyant l'antisémitisme contre eux plus sévèrement réprimé que l'islamo/arabophobie ou la négrophobie...) mais aussi par exemple des Maghrébins (principalement) qui à Marseille incendient un camp de Rroms (difficile de faire "au-dessous" ou "plus périphérique" que les Rroms en Hexagone métropolitain)... La non-compréhension de cette concentricité apparaît également lorsque l'on aborde avec eux la question des Peuples niés d'Hexagone et d'Europe, même les plus "reconnus" comme les Basques ou les Irlandais : ces fronts de lutte font selon eux partie du "champ politique blanc" et ne les "concernent pas", alors même qu'ils affaiblissent pourtant les Centres de leur domination/oppression en tant qu'extra-européens racisés [à ce sujet écouter ici cette intervention de Saïd Bouamama (signataire de l'Appel des Indigènes en 2005) il y a quelques jours au festival EHZ au Pays Basque : une position excellente qui participe de la prise de conscience de cette concentricité des oppressions - lire aussi ici... et finalement ici, quelques mois plus tard (mars 2016), sous la plume d'Houria Bouteldja ; comme quoi le débat fait avancer les choses !].

    - Le problème avec les Indigènes c'est qu'à moins d'aller au bout de leurs conclusions, c'est à dire de s'assumer comme un Black Panther Party hexagonal (sans les gros flingues peut-être, mais dans l'esprit quoi)... c'est quoi la porte de sortie à tous ces problèmes qu'ils ont si brillamment analysés ? Faute d'une telle porte de sortie ils tournent en rond, et tendent à s'enfoncer (comme toute chose qui tourne sur elle-même). Comme le faisait très justement remarquer un commentateur critique, pour le coup "indigène" et racisé lui-même, ils sont axés sur la critique d'un "champ politique blanc" et en particulier de l'aile "gauche" de celui-ci mais on a finalement l'impression que leur activité politique reste entièrement déterminée par ce champ politique "blanc" ; c'est-à-dire en quelque sorte qu'ils se réveillent tous les matins en se demandant ce qu'ils vont bien pouvoir dire ou faire pour "choquer" la "gauche blanche"... Ce faisant, leur activité n'est donc pas réellement autonome de ce champ politique vis-à-vis duquel ils revendiquent (justement) l'autonomie.

    MàJ 12/07  Nous partageons ici le "droit de réponse" des Indigènes au texte de Vacarme, signé encore une fois Norman Ajari (réponse, "critique de la critique" qui a donc achevé de nous faire prendre le parti du PIR dans cette controverse, initié notre vamPIRisation comme dirait le camarade Najiels lol !) :


    Vacarme critique les Indigènes : la faillite du matérialisme abstrait


    ["Droit de réponse" que Vacarme a tout simplement... refusé de publier.]

    Nous sommes de plus en plus d'avis qu'accepter la critique et le débat franc et ouvert n'a jamais fait de mal à personne, et surtout pas à une cause aussi importante que celle des "indigènes" que nous appelons les colonisé-e-s intérieur-e-s (ceci est valable dans les deux sens, Vacarme ayant refusé de publier la réponse du PIR).

    Pour notre part, comme critique du texte de Vacarme sur des points qui ne nous avaient pas fait "tiquer" de prime abord ("lecture en diagonale" sans doute wink2) : "l’histoire coloniale est derrière nous, même si elle laisse des traces" => ben non justement, si elle "laisse des traces" c'est parce qu'elle est FONDATRICE du monde capitaliste-impérialiste occidentalo-centré dans lequel nous vivons, et elle ne peut dès lors être "derrière nous" tant que nous n'en aurons pas fini avec le capitalisme et son monde impérialiste. Nous suggérons aux auteures d'aller demander aux Peuples des dernières colonies directes de Karayib ou de Kanaky, ou encore des néocolonies de (Franç)Afrique, s'ils considèrent réellement que "l'histoire coloniale est derrière nous"...

    On peut aussi regretter l'approche de l'antisémitisme à travers la seule grille de lecture de la Wertkritik et de l'école postonienne (1-2-3), qui peuvent développer des réflexions intéressantes mais dont l'objectif est avant tout d'argumenter l'"unicité", le caractère "à part"/"sans équivalent" et l'"insaisissabilité" de l'antisémitisme et de la Shoah par rapport aux autres racismes et crimes contre l'humanité dans le but de justifier le projet sioniste (puisqu'à haine "sans équivalent" il faut une solution "sans équivalent"...) ; ce que reconnaissent les auteures elles-mêmes en note de bas de page ("Tout en reprenant sa lecture d’un antisémitisme structurel, nous sommes très critiques des positions de soutien à Israël de certains de ses représentants et de la manière dont elle évacue la lutte de classe").

    Un article intéressant au sujet des Indigènes de la République

    MàJ 14/07 - L'honnêteté intellectuelle (qui nous a toujours caractérisés contrairement à nos ennemis) nous impose de reproduire ici les précisions apportées sur un certain nombre de points par un "intellectuel organique" du PIR, Youssef Boussoumah, au cours d'un débat que nous avons eu sur les réseaux sociaux :

    - Sur la question de l'antisémitisme et du "philosémitisme d’État" :

    "D'une part puisque tu nous connais tu sais pertinemment depuis l'appel des Indigènes que nous considérons les Juifs du Maghreb, les berbérophones et les arabophones comme égaux en tant qu'Algériens (c'est écrit en toutes lettres) mais également les Pieds-Noirs ayant rompu avec le colonat comme Iveton, Maillot ou Audin. De plus tu n'as pas manqué de lire la lettre à Zemmour d'HB qui insistait encore là-dessus, à savoir que les Juifs d'Algérie sont historiquement pour nous des Algériens. Le philosémitisme français maintient les Juifs dans un entre deux, ni blanc ni indigène, c'est la raison pour laquelle nous parlons d'antisémitisme d’État. Une catégorie de "Juifs" est maintenue alors que le combat de la Résistance antinazie était censé réintégrer les Juifs dans le corps national. (...)
    Concernant la question "les Juifs sépharades sont-ils ou non des indigènes?" : tant qu'ils étaient au Maghreb oui. Mais depuis, non. Depuis ils ont subi un phénomène de blanchiment avec l'arrivée en France après les indépendances, phénomène bien analysé par certains auteurs, ils ont été progressivement associés au monde blanc et cela s'est fait au nom d'un abandon de leur identité ou plutôt d'une folklorisation de leur identité. Mais d'autre part à ce blanchiment s'est ajouté une politique de philosémitisme qui les concerne eux comme les ashkénazes. Nous considérons que leur blanchiment et ce philosémitisme traduisent à la fois respectivement une xénophobie et un antisémitisme d’État à leur encontre (comme l'explique justement HB dans son texte sur le philosémitisme que personne n'a lu mais que beaucoup attaquent).
    Du coup les Juifs ne sont pas indigènes et ne sont pas considérés comme blancs non plus bien qu'ils aient été blanchis. Ils sont d'une catégorie intermédiaire du fait de ce philosémitisme et de ce blanchiment qui leur ont été imposés, et qui les instrumentalisent en en faisant des auxiliaires du pouvoir porteurs des valeurs occidentales. Nous évidemment nous voudrions qu'ils luttent contre le pouvoir blanc et c'est aussi ce que nous attendons des blancs/blancs. Évidemment c'est le pouvoir blanc qui a imposé cela aux Juifs et cela s'oppose de façon totale, catégorique, absolue à toute lecture d'un pouvoir juif surpuissant, c'est exactement le contraire !

    Alors dis-moi comment tu expliques que d'une part personne ne réagisse et ne voie le danger des proclamations philosémites de Chirac, Hollande, Valls comme "quand on touche à un Juif on touche à la République" (comprendre l’État impérialiste français) ; et que d'autre part quand nous disons que cette instrumentalisation "est de l'antisémitisme" car elle tend à isoler les Juifs du reste du pays, même si c'est une discrimination prétendument positive, des esprits mal intentionnés nous répondent "c'est vous les antisémites" ? Alors que tout le monde voit bien que notre démarche dénonce les positions racialisant les Juifs et qu'au contraire elle privilégie pour les Juifs le droit à l'indifférenciation et à l'anonymat (comme pour les musulmans d'ailleurs, nous sommes opposés à toute politique favorisant les musulmans pour en faire des tirailleurs eux aussi comme cela fut fait pour nos pères, le mien en tout cas de 1930 à 1945). (...)
    D'autre part ce qui d'un point de vue indigène a aggravé les choses, c'est la question de la Palestine. Dans la mesure où le prix à payer pour être soi-disant blanchi a été de faire d'Israël la centralité du judaïsme. Malheureusement, on le voit bien, la question d’Israël divise indigènes et juifs. Mais pour nous c'est bel et bien une question politique, rien de religieux, rien d’ethnique, c'est paradoxalement le pouvoir blanc qui a historiquement imposé le sionisme aux Juifs et pas le contraire, c’est le propos d'un petit bouquin que j'écris,
    "Le sionisme expliqué à nos frères et sœurs" qui est la version écrite de ma vidéo éponyme. Et je remonte pour ça loin avant Herzl. (...)  
    Comme nous l'avons écrit depuis au moins 10 ans (mais les gens nous lisent-ils ?), une hiérarchie raciale a été mise place (pour faire vite) plaçant en dessous du Blanc les Juifs, les musulmans, les Noirs, les Roms. Avec des catégories intermédiaires Turcs, Chinois, Tamouls etc.
    Ce que les antisémites comme Soral proposent aux musulmans ce n’est pas de détruire cette hiérarchie comme nous nous le souhaitons, avec la destruction du pouvoir blanc, mais c'est de faire miroiter aux musulmans la possibilité de passer de la 3e à la 2e place à la place des Juifs."

    - Sur la "centralité de la race", l'analyse de classe, le matérialisme et l'économie politique etc. etc. : 

    "Nous n'avons pas hérité d'un corpus théorique clés en main comme le marxisme, même si je considère que l'apport de celui-ci est très important. Ce qui veut dire que notre pensée, la pensée décoloniale, est jeune et émerge progressivement. Il existe des débats en son sein et c'est ce qui fait sa richesse. Comme pour le marxisme. Elle a ses premiers théoriciens dont Anibal Quijano, mais aussi des auteurs anciens comme Fanon, Sayyad qui sans le savoir nous ont permis de commencer à sortir du vieux monde théorique qui nous enfermait jusque-là.
    À ce propos je veux dire que nulle part ailleurs que dans les bouquins de Sadri Khiari puis dans notre ouvrage collectif de 70 textes notre conception n'a été exprimée avec le plus de clarté. Aussi je suis étonné que jour après jour 7 ans après ces bouquins nous soyons encore obligés d'expliquer et de réexpliquer des choses que nous pensions connues.
    Parmi nous prévaut majoritairement l'idée selon laquelle le racisme occidental se développe contemporainement à l'expansion coloniale européenne qui correspond aussi à une phase majeure de construction du capitalisme, une sorte d'acte de naissance à tel point qu'on ne peut pas penser l'un sans les deux autres (il n'est donc pas une conséquence ou une superstructure contingente au mode de production capitaliste mais une condition), à partir de 1492 grosso modo. D'autres dont moi considérons qu'avant même que soit achevé le processus d'accumulation primitive du capital, émerge un racisme occidental assez élaboré. Il suffit de considérer la Chanson de Roland, et le mythe de Roncevaux déformé pour en faire non pas un épisode de l'affrontement de Charlemagne contre les montagnards basques mais un épisode de l'affrontement déjà considéré comme structurel contre les musulmans. Ou 3 siècles plus tard les descriptions du prophète Mohamed représenté comme un démon noir sur des draps destinés à la propagande sur les marchés d'Occident. Il ne s'agit pas seulement d'un racisme de guerre.* Certes la religion chrétienne est le curseur raciste alors, mais pas seulement. Comment expliquer que les Croisés par exemple massacrent aussi bien les Byzantins lors du sac de Constantinople de 1204 que les chrétiens orientaux de Chypre/Syrie/Palestine, que pourtant ils étaient censés aller libérer ? L'"appât du gain" ? Insuffisant. Si ce n'est parce qu'ils les considèrent tous comme des ennemis à cause de leur proximité culturelle avec les musulmans. Il y a dès cette époque les premiers signes d'établissement d'une hiérarchie raciale européenne, alors que se développe une sorte de nationalisme occidental. Plus tard celui-ci permet à des souverains européens de se retrouver côte à côte pour les Croisades en dépit de leurs rivalités bien réelles, mais tout cela bien avant la pleine expansion de la banque et donc du capitalisme.
    Dès les premières croisades on stigmatise non seulement la religion mais aussi la couleur et le terme
    occidense est déjà présent depuis au moins Charlemagne, empereur d'Occident avec tout ce que cela signifie comme rejet de l'autre à un niveau inférieur. Mais bon il y a là un débat qui n'est pas tranché. En tout cas nous récusons le fait que le racisme serait uniquement une contingence, pour certains il a même acquis avec le temps une sorte d'autonomie lui aussi, ce sont des propositions de réflexions connues. Bref une hiérarchie raciale se met en place et est opératoire dès le tout début du haut Moyen-Âge.
    En fait il y a du racisme structuré avant même le capitalisme avec l'expansion coloniale des Croisades. Et on peut avoir du précapitalisme comme certains le pensent dès la Mésopotamie avec petite propriété agricole ou artisanale individuelle, prêt à intérêt, système bancaire, donc capitalisme privé et un capitalisme d’État avec mise en place de systèmes d'irrigation etc, d'ateliers d’État etc. sans racisme ; de sorte que le racisme n'est pas une conséquence du capitalisme, il l'accompagne ou pas, ce dernier va lui donner un formidable coup de pouce mais l'inverse est vrai aussi.
    L'autre chose que je voudrais dire c'est que c'est la race qui s'est imposée à nous et pas nous qui avions un désir irrépressible d'aller vers la race. Là où vous ne voyez que de la classe, nous nous voyons une interpénétration des deux. La race étant en France un gros mot, il est normal que vous pensiez que nous ne faisons qu'une lecture raciale mais ce que vous devez savoir c'est que nous sommes passés par l'étape du "tout classe", ce n'est donc pas un a priori idéologique mais une évolution de notre pensée bien matérialiste, tirée de notre expérience collective depuis 10 ans pour le PIR, depuis des décennies et pourquoi pas des siècles pour notre mémoire collective."

    - Sur la question de l'opposition entre "champ politique indigène" et "champ politique blanc" : 

    "Nous n'avons jamais dit qu'il ne pouvait pas y avoir de convergence entre le champ politique indigène et le champ politique blanc et je ne sais pas pourquoi cette idée fixe circule alors que nous passons notre temps à établir des ponts. Il a été nécessaire de construire ce champ politique indigène autonome, pas hostile, autonome.
    Mais cela n'empêche pas que nous souhaitons de nombreuses convergences sur la lutte contre le racisme, sur la Palestine, sur les crimes policiers. Comme le PIR le fait depuis 10 ans, c'est pourquoi je suis étonné que vous m'en fassiez la remarque (récemment un grand meeting contre l'islamophobie s'est tenu à Paris, très convergent). Et d'ailleurs le but de notre action est de faire émerger en Europe au moins une majorité décoloniale qui sera évidemment, forcément, anti-impérialiste donc antilibérale et qui se fera forcément avec les pans les plus progressistes du champ politique blanc. Relisez la déclaration d'HB au meeting des 10 ans du PIR avec A.D. (pas Action Directe mais Angela Davis ha ha ha), "Qu'adviendra-t-il de toute cette beauté ?"
    Mais il y a une condition, et c'est logique, dans toutes ces zones de convergence de lutte : nous refusons d'être minorés. Nous tenons à l'horizontalité des relations, comme pour la Palestine par exemple. D'ailleurs l'été dernier pour Gaza cela s'est très bien passé avec les camarades du NPA ou de l'UJFP. Nous avons eu là un exemple parfait de luttes convergentes entre les deux champs politiques. Il en va de même pour les sans-papiers par exemple, pour le soutien à Georges Ibrahim Abdallah ou la dénonciation de la Françafrique."

    - Sur la question de nos Peuples emprisonnés et niés d'Hexagone et d'Europe :

    "Pour parler de cette vidéo de Bouamama elle est très intéressante. Je dois dire que personnellement j'ai beaucoup d'estime pour les cultures dominées en France. Surtout basque, bretonne, occitane que je connais un peu d'un point de vue historique mais aussi alsacienne que je commence à connaître. Elles constituent souvent des îlots de résistance au rouleau compresseur de l'impérialisme qui écrase nos cultures, nos modes de vie, notre aspiration à une réconciliation avec la terre, la nature. Un élément très important de notre révolution décoloniale balbutiante, des sujets sur lesquels il nous faut écrire. C'est vrai qu'il y a eu une colonisation intérieure dont j'ai souvent parlé personnellement, notamment à partir du cas des Cathares. Et j'ai moi-même utilisé l'expression de "colonialisme intérieur". Je suis également très attaché à la lutte irlandaise (ces "nègres de l'Europe" comme ils étaient appelés au XIXe) que je connais bien et que je considère comme l'une des plus anciennes luttes anticoloniale d'Europe.
    Je suis bien d'accord que des peuples entiers ont d'abord été soumis de façon à être intégrés à la nation française en formation, je suis personnellement partisan de définir un champ politique intermédiaire entre champ politique blanc et champ politique indigène, une sorte de champ politique des vieilles nations d'Europe, je ne sais pas encore comment l'appeler. Cependant je ne pense pas que les méthodes de colonisation ont d'abord été expérimentées ici pour
    être ensuite exportées dans les colonies. On a là encore cette espèce de primauté d'ici sur là-bas. Mais aussi parce que même s'il est vrai que la Croisade des Albigeois a été en tous point comparable en violence avec les Croisades d'Orient, il y a eu ensuite la recherche d'une intégration de ces populations au corps national facilitée par l'écrasement des résistances et l'absence d'un marqueur identitaire discriminant. Ces vieilles nations sont maintenant incorporées au champ politique blanc et bénéficient en grande partie du privilège blanc. Elles ont elles aussi été blanchies. Une convergence peut intervenir avec elles dès lors qu'elles prennent conscience de ce champ politique blanc ce qui n'est pas évident. Et luttent contre le champ politique blanc qui coïncide peu ou prou avec l’impérialisme."

    - Sur les questions de genre, patriarcat etc. et le qualificatif de "populisme" que nous avons employé :

    "Bien sûr à ce champ politique blanc collaborent de nombreux indigènes sociaux. La démonstration en est entre autres l'attitude raciste de certains indigènes à l'égard des Roms voire des Noirs, que nous avons dénoncée. Comme nous avons dénoncé la participation de certaines associations musulmanes aux marches contre le mariage pour tous aux côtés de la droite. Cela veut dire qu'à de très nombreuses reprises le PIR a su s'opposer a des comportements plébiscités par certains indigènes sociaux. Quand personne n'osait encore le faire parce qu'il était très populaire, nous avons été parmi les premiers à dénoncer Soral avec force. Puis nous avons tenté d'extraire certains des nôtres, qui le voyaient comme un héros, des bras de Dieudonné avec une fameuse déclaration de HB à une marche des indigènes.
    Cela pour dire que rien n'est plus faux, et même assez outrageant que l'explication qui consiste à dire que les prises de position du PIR résulteraient de la volonté de se faire bien voir des indigènes des quartiers. Cette critique est exactement le pendant de celle de certains indigènes sociaux qui pensent que certaines de nos positions sont prises pour faire plaisir à la gauche blanche.
    C'est ignorer que le PIR a toujours eu son franc parler et cela personne ne peut le lui contester. Dois-je rappeler tous nos communiqués ? Notamment sur l'affaire Merah qui nous a coûté beaucoup puisque la plupart considéraient que tout était un coup monté ?
    À vrai dire une prise de position ne vaut que parce qu'elle vous coûte. Il est facile pour un bobo de prendre telle ou telle décision, il ne s'adresse qu'aux poissons du canal St Martin. Nos positions nous ont souvent coûté, reprenez notre histoire, mais nous les avons toujours assumées, elles sont faites après réflexion de ce qu'est une pensée décoloniale. Il nous est même arrivé de prendre des positions qui sont passées pour un soutien à quelqu'un qui nous déteste et que nous abhorrons, Kemi Seba, quand par exemple nous avons dénoncé sa condamnation à 3 mois de prison ferme pour avoir dit à un commissaire de police "vous êtes au service des sionistes".
    Parole que nous récusons évidemment et qui montre bien l’obsession antisémite de ce type (parce que ce flic est d'abord au service du pouvoir blanc et de l’État impérialiste) ; mais une condamnation disproportionnée, jamais vue pour une parole, illustrant le deux poids deux mesures racistes. Nous l'avons fait alors que nous détestons les prises de positions de ce type, que cela ne nous vaut aucun gain avec notre base qui n'a rien à voir avec lui, et encore moins avec les alliés blancs.
    Au contraire cela nous a valu des critiques violentes. D’ailleurs comment se fait-il que personne d'autre n'ait eu le courage de dénoncer ce verdict raciste, au moment où des hommes politiques jamais inquiétés tenaient des propos bien plus graves que lui ? Nous avons des principes, là où peu en ont encore. Et je le dis bien nous avons toujours considéré ce type comme un allié du pouvoir. Diriez-vous encore que c'était pour ne pas désespérer notre Billancourt ?
    Bien sûr, pour comprendre nos positions, il faut en comprendre la logique et ne pas lire en diagonale Bouteldja. Par exemple quand elle dit que dans les quartiers que nous avons connus et que nous connaissons nous observons que les homos ne souhaitent pas observer un mode de vie gay avec coming-out etc. tel que les grandes orgas voudraient l'y pousser, et que celui-ci ne correspond à rien parce que la plupart des homos indigènes préférant garder de bonnes relations avec leurs familles adoptent des stratégies de contournement. Cela constitue un constat comme cela remet en cause le sacro-saint universalisme blanc qui est convaincu que toute attitude d'Occident constitue la voie à suivre. Alors on déforme ses propos et ça devient "à la chinoise", "elle a dit qu'il n'y avait pas d'homos dans les quartiers". Idem quand emboîtant le pas à Joseph Massad, un ami à nous, détenteur de la chaire d'Edward Saïd à la Columbia University, elle critique l'homo-nationalisme. Pourtant, s'agissant de Massad avec qui les gens ont le droit d'être d'accord ou pas, qui fait une critique poussée de l'homo-nationalisme en étant lui-même d'abord palestinien et ensuite homo comme il le dit, refusant de placer son identité sexuelle avant son appartenance nationale, personne n'ose lui jeter à la figure les tombereaux d'injures proférées contre HB. Va t-on dire que Massad aussi prend ces positions par démagogie, par populisme comme vous le dites ?
    La notion d'impérialisme ne suffit pas car par exemple comment rendre compte concrètement des privilèges accordés au monde blanc et qui justement empêchent la lutte commune contre l'impérialisme. Mais aussi la domination culturelle ? En parler uniquement comme d'une superstructure, est-ce bien raisonnable ? Idem pour la religion. Pourquoi considérer comme normal que la modernité occidentale soit la référence universelle pour l'habillement, la mesure des choses, du temps, la manière de manger et même ce que l'on mange, la chanson, les loisirs etc. Et parler uniquement de superstructures qui disparaîtront avec la chute du capitalisme c'est accepter que l'avenir de l'humanité dépend d'un débat sur le capitalisme entre Occidentaux. Car le monde indigène, les 3/4 de la planète, quand il prend conscience de ses méfaits dénonce d'abord la modernité qui est par nature occidentale. Nous sommes ici une des colonnes avancées de ce monde indigène. Et l'Occident toutes tendances réunies n'a pas fini de nous considérer comme des amphibies sur l'échelle de son évolution."


    [* Notre point de vue est que les Croisades s'inscrivent selon nous dans la PREMIÈRE CRISE GÉNÉRALE de la féodalité qui comme tout mode de production a ses crises générales avec tendance à la concentration et à l'expansion par la guerre. Cette première crise qui va grosso modo de la fin du 11e siècle au milieu du 15e voit aussi les deux Guerres de Cent Ans (1154-1259 et 1337-1453) avec la fin de l'Empire anglo-continental (l'Angleterre se tournant alors vers les Peuples celtiques de l'archipel britannique) et l'annexion de la plupart des Peuples de l’État français dont nous avons parlé...

    Nous voyons donc effectivement là de la propagande de guerre, avec un aspect de démonisation particulier lié au fait que l'adversaire est physiquement assez différent, pratique une religion vue comme une monstruosité par les auteurs chrétiens, et que reste vive la peur de ses raids qui jadis montaient jusqu'à Autun et Poitiers (la fameuse bataille de 732...). C'est dans ce contexte qu'est en effet réécrite la Chanson de Roland. On peut même voir dans  cette réécriture, au risque de choquer... du "racisme anti-basques" wink2, dans le sens où il était beaucoup plus "chevaleresque" à l'époque d'être taillé en pièces par des "Sarrasins" que par des montagnards euskaldun avec leur idiome sorti du Néolithique...

    Les Croisades voient effectivement, on l'oublie trop souvent, les premières colonies européennes hors d'Europe. Mais enfin, celles-ci sont de courte durée... Car il faut dire que l'aire musulmane ce n'était pas n'importe quoi comme civilisation et comme "morceau" à avaler, et de fait sa soumission à l'impérialisme européen ne sera totale qu'au 19e siècle voire au début du 20e (avec la chute de l'Empire ottoman). De là s'est construit un imaginaire dominant fait de mépris mais aussi et surtout de PEUR, qui se retrouve dans l'islamophobie aujourd'hui.

    La motivation de cette entreprise "coloniale médiévale" était bien évidemment économique : le contrôle des routes de l'Orient. C'est d'ailleurs ce qui explique le massacre des Byzantins chrétiens : il s'agissait en fait du "prix" exigé par Venise aux Croisés à qui elle avait offert des bateaux. Il s'agissait pour la "Sérénissime" d'en finir définitivement avec une redoutable rivale en Méditerranée orientale, Constantinople (dont elle était d'ailleurs une possession - exarchat de Ravenne - à l'origine, et dépendait encore nominalement en ce début de 13e siècle).

    Plus largement, sur cette question du capitalisme qui "procèderait" du racisme/colonialisme, nous ne sommes pas d'accord (on peut même y voir le cœur du problème) et nous avons pu écrire que :

    "L'esclavage transatlantique comme toutes les "joyeusetés" de la première ère coloniale (de 1492 à la Révolution grosso modo, ensuite viendra la deuxième) ; ainsi que de la construction des États européens que nous connaissons eux-mêmes ; tout cela constitue une ÉTAPE du développement du capitalisme en Europe et dans le monde. L'étape où il sort des cités où il est né durant la seconde moitié du Moyen Âge (10e-15e siècles), où il sort en fait de son stade de prime enfance et nécessite pour cela d'élargir considérablement sa base d'accumulation (forces productives et marchés) ; exactement comme il faut changer toute la garde-robe d'un enfant arrivé à l'adolescence. L'étape suivante étant les révolutions bourgeoises qui créent les conditions politiques au triomphe de la révolution industrielle (économique), laquelle est déjà en germe auparavant bien sûr, mais "bloquée" comme une dent de sagesse. 

    Si l'on prend l'exemple de l’État/Empire français : au 16e siècle nous l'avons pas tout à fait dans ses frontières actuelles mais enfin déjà bien constitué, avec un territoire issu de la crise de la féodalité et donc de la tendance à la concentration (en l'occurrence de terres, de domaines entre les mains du roi parisien), et un appareil économique constitué d'une pyramide de bourgeoisies (manufacture, commerce, banque) dont le sommet est Paris (où se trouve le Palais donc le pouvoir d’État, donc la bourgeoisie qui lui est directement liée et qui domine) et d'une aristocratie terrienne maîtresse de la production primaire (agriculture, extraction) que la monarchie parisienne se subordonne elle aussi de manière croissante.

    À partir de là, le niveau des forces productives va "exiger" d'élargir la base d'accumulation. Il va donc y avoir quelques annexions territoriales supplémentaires (façade Nord et Est, Roussillon, Corse et Lorraine peu avant la Révolution), ainsi qu'un affermissement de l'autorité centrale dans ce qui est déjà "français", mais enfin ces extensions sont finalement mineures par rapport à ce qu'elles coûtent en guerres.

    Une meilleure affaire va donc être l'expansion coloniale au-delà des mers, car même si les voyages en bateau sont longs et pénibles, derrière d'immenses territoires sont conquis sans grandes difficultés (vu que les gens n'y ont pas de fusils, de chevaux, de canons etc.). D'ailleurs souvent les autochtones meurent tellement en masse qu'on les remplace par des Africains arrachés de force à leur continent.

    C'est dans ces conditions-là que va naître le Blanc et le non-Blanc, dans un long processus que viendra couronner 1789, qui abolit toutes les inégalités juridiques entre Blancs (bien sûr les inégalités économiques et de fait demeurent, mais c'est tout de même un immense "progrès" au service du Capital). Le capitalisme français va ainsi avoir sa dose d'exploitation (les Blancs, "manouvriers" ou paysans, plus ou moins exploités selon les régions etc.) ET de SURexploitation(1) (les non-Blancs esclaves et indigènes colonisés), qui va permettre son accumulation pré-industrielle puis la révolution industrielle elle-même.

    Donc oui, le racisme ou plutôt l'expansion coloniale ultramarine dont il est le reflet a été FONDAMENTAL pour le développement du capitalisme en particulier en Hexagone "français" (ainsi qu'en Grande-Bretagne, aux Pays-Bas, mais enfin de là dans toute l'Europe occidentale aussi). Mais cela ne veut pas dire que le capitalisme existe dans le monde, centré comme il l'est sur l'Europe et l'Amérique du Nord, PARCE QUE le racisme colonialiste européen. Là c'est faire précéder l'idée (le reflet dans la pensée) à la matière (que l'idée reflète)."

    Bien sûr des formes de pensée racistes (suprématistes d'un groupe humain sur les autres) peuvent être trouvées bien avant le Moyen Âge et même jusqu'à la plus haute Antiquité, pouvant ainsi servir d'"argument" à ce que "le racisme précède le capitalisme". C'est tout simplement que tous les modes de production tendent à l'extension de leur base d'accumulation, donc à l'impérialisme (et donc à l'infériorisation des dominés dans la pensée dominante). Il suffit de penser aux Grecs et aux Romains avec leurs "barbares". La question n'est pas que le racisme n'aurait "pas existé" avant l'émergence du capitalisme au Moyen Âge et la "découverte" des Amériques par Christophe Colomb en 1492. La question est que les formes de racisme/suprématisme disparues depuis des millénaires ne nous intéressent pas ; ce qui nous intéresse est le racisme actuel et celui-ci procède du capitalisme et de sa tendance à l'impérialisme (élargissement de la base d'accumulation, besoin de surexploitation)... et non l'inverse.

    Sur la question des Juifs et de l'antisémitisme, nous sommes bien d'accord que cette instrumentalisation "philosémite" en "incarnation de la République (bourgeoise) elle-même" et en "tirailleurs de l'Occident" via le sionisme (qui fait d'Israël la "centralité du judaïsme") est un gros - pour ne pas dire le - problème. Nous sommes toutefois un peu surpris par le discours très... assimilationniste tenu par Youssef Boussoumah à ce sujet ("notre démarche privilégie pour les Juifs le droit à l'indifférenciation et à l'anonymat"), alors qu'il nous semblait que les Indigènes s'étaient justement construits contre les injonctions assimilationnistes. Nous, nous ne voulons la dissolution dans la "citoyenneté républicaine" (autre nom de la juxtaposition de solitudes vendeuses de force de travail, génératrices de plus-value et consommatrices de marchandises de la Cité des Spectres) pour personne, et surtout pas pour des cultures aussi riches que celles du Yiddishland englouti par l'horreur nazie ou des Juifs séfarades du Maghreb. Nous sommes donc quelque part plus "communautaristes" que les Indigènes eux-même... ça c'est la nouvelle du jour !

    Concernant enfin la question de nos Peuples en lutte en Europe, nous reconnaissons totalement notre "privilège blanc" (consacré juridiquement par la Déclaration de 1789) et c'est pourquoi nous avons d'ailleurs critiqué la posture "tiers-mondiste" adoptée par une grande partie de nos mouvements dans les années 1970. Nous ne nous considérons pas comme des colonies mais comme des provinces, terme suffisamment "chargé" lorsque l'on en connaît l'étymologie latine (pro vincia = "précédemment vaincu" = pays conquis). Pour autant, nous considérons comme absolument essentielle la jonction de nos luttes avec celles des "indigènes sociaux", "colonne avancée" du "Tiers-Monde" impérialisé comme le dit très justement Youssef Boussoumah : ensemble nous formons les "campagnes" (comme aurait dit Mao) ou le "bloc historique" (comme aurait dit Gramsci) de la lutte révolutionnaire que nous voulons et devons livrer contre l’État capitaliste-impérialiste BBR.]

     

    (1) L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    [Attention cependant : la surexploitation, vouée à dégager un profit maximal sur investissement (surprofit), intègre aussi des considérations de productivité du travail, de développement technologique (augmentant la productivité) ainsi que d'établissement de situations de monopole (réduction radicale voire élimination pure et simple de la concurrence : quoi de mieux pour les affaires ?). Ceci peut entraîner des situations paradoxales : ainsi par exemple, on imagine difficilement plus surexploités que les esclaves africains des colonies européennes en Amérique ; puisqu'il suffisait souvent de les maintenir en vie quelques années pour tripler ou quadrupler l'investissement représenté par leur achat ("gagner leur tête" disait-on à l'époque). Sauf que voilà : 1°/ comme déjà dans l'Antiquité, la productivité de personnes privées de toute liberté et non-rémunérées pour leur travail s'avérait finalement médiocre comparée à celle d'un travailleur libre, 2°/ pour ces mêmes raisons de productivité, ainsi que pour de simples raisons de sécurité, il était difficile voire impossible de concentrer des centaines et des centaines voire des milliers d'esclaves sur une même plantation (ce qui gênait donc la concentration du travail, et allait contre la constitution de monopoles), 3°/ cette méthode productive était difficile pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre en dehors du secteur agricole (certes indispensable à l'économie mais dont la valeur ajoutée, même en agriculture extensive, reste somme toute modeste), dans l'industrie en plein essor notamment, 4°/ elle était incompatible avec le progrès technologique (mécanisation de l'agriculture), voué de toute façon à la faire disparaître, 5°/ les esclaves, qui représentaient le tiers de la population dans le Sud des États-Unis et 80% ou plus dans les Caraïbes, ne pouvaient pas (cf. ce que nous avons dit plus haut) représenter un marché (débouché commercial pour la production) de manière significative. Ce sont toutes ces raisons (et l'on pourrait encore sans doute en citer d'autres), et non des considérations d'"humanité", qui ont amené au 19e siècle les bourgeoisies européennes et américaines à pencher majoritairement en faveur de l'abolition de l'esclavage, bien que celui-ci représentât (à première vue) la forme d'exploitation la plus totale (et donc le profit maximal tiré de la force de travail) que l'on puisse imaginer. Si l'on adopte une vision "arithmétique" de la définition marxiste "classique" de la surexploitation, les paradoxes ne manquent de toute façon pas : les travailleurs les plus exploités pourraient ainsi bien être, par exemple... les footballeurs, si l'on mettait en perspective leurs (multimillionnaires) revenus annuels avec ce qu'ils rapportent à leurs clubs. C'est pourquoi une vision plus "humaine", basée sur la notion de reproduction des conditions d'existence, nous a semblé plus appropriée.]


    4 commentaires

  • En tant que communistes prônant la Libération révolutionnaire du Peuple occitan (LRP), nous avons consacré un grand nombre de pages de ce site à l'affirmation de la réalité historique et présente de ce que l'on appelle communément le "Midi", Peuple conquis et nié (aux côtés des Bretons, des Corses, des Basques et d'autres encore) par l’État français et même pour être exact conquête fondatrice de cet État qui est l'ennemi que nous combattons en tant que construction historique, appareil politico-militaire et idéologique et (État au sens de territoire) base d'accumulation première de la classe dominante, la bourgeoisie capitaliste BBR. Tout ceci fera prochainement l'objet d'un bon petit article très clair et synthétique, qui est actuellement en attente de traduction vers le castillan car il doit également être partagé sur la Red de Blogs Comunistas (RBC) à destination du public castillanophone.

    Nous nous sommes également penchés à plusieurs reprises sur l'autre Sud que représente dans l’État espagnol la Nation andalouse - elle aussi annexion première et fondatrice de cet État oppresseur au service d'un cartel bourgeois chapeauté par l'appareil militaire de l'oligarchie castillane.

    Nous allons à présent parler d'un troisième Sud que nous avons déjà pu aborder à l'occasion, mais enfin jamais in extenso : il s'agit bien sûr, vous l'aurez compris, du fameux Mezzogiorno italien (qui consiste essentiellement en l'ancien Royaume de Naples auquel on peut ajouter la Sardaigne, déjà rattachée au Piémont depuis le 18e siècle), dont la conquête beaucoup plus récente historiquement (années 1860) n'en est pas moins fondatrice et fondamentale pour l'existence même de cet État. Une question méridionale que le mouvement communiste italien, à commencer par l'immense Gramsci (qui prônait "à titre personnel" une "République fédérale des ouvriers et des paysans"), a l'insigne mérite d'avoir abordé frontalement dès ses tout débuts ; même si par la suite la compréhension du problème s'est sensiblement émoussée au profit d'un "unitarisme de gauche" centré sur la figure de Garibaldi (dont une Brigade internationale en "Espagne" et plusieurs unités de la Résistance antifasciste recevront le nom), de manière comparable au jacobinisme hexagonal avec son Robespierre et ses Montagnards - un Garibaldi présenté comme un révolutionnaire romantique qui, "s'il avait triomphé", aurait "vraiment" libéré le Sud de la misère et de l'exploitation ; et non comme un idiot utile de gauche faisant ce que l'Histoire à ce moment-là, en les personnes de la bourgeoisie piémontaise/padane (avec son chef de file Cavour) et de la Maison de Savoie, attendait de lui et qui consistait justement en la création d'un État dont la base d'accumulation fondamentale serait la conquête et la domination de type colonial du Royaume de Naples (il est tout de même surprenant qu'une gauche ayant l'antifascisme au cœur de son identité politique n'ait pas plus questionné une figure historique dont se revendiquait en même temps Mussolini...).

    Le "billet d'humeur" qui va suivre (traduit par nous du toscan/"italien"), rédigé par un jeune écrivain d'origine campano-sicilienne à l'occasion des 110 ans de la mort en prison de Carmine Crocco (l'un de ces fameux "brigands" qui menèrent pendant de longues années la guérilla contre les troupes d'invasion du Nord*), est d'ailleurs intéressant avant tout en ce qu'il aborde frontalement ce refoulement de la conquête des années 1860 et de la domination de type colonial qui a suivi ("péché originel" de l’État transalpin selon les mots de l'auteur) dans le discours politique public et privé, la conscience collective et la société civile de la Botte - un constat qui ne peut pas ne pas faire penser à ce que nous entendons et lisons, vivons et affrontons au quotidien depuis des années (notre "chemin de croix" politique en quelque sorte...) lorsque nous parlons d'Occitanie ou de Bretagne ou de quelque autre Peuple constitutif et nié de l’État français ; et qui devrait donc résonner tout particulièrement à nos oreilles (enfin, nos yeux) en substituant simplement "Mezzogiorno" et "Méridionaux" par nos Peuples en question (bien sûr ici ce type d'évènements est généralement plus ancien, encore que la "pacification" ait par la suite duré jusqu'assez récemment, mais l'"excuse" va bien un moment pas plus)... 

    La conscience de cette question méridionale connaît cependant un assez net regain là-bas depuis quelques années, sur une ligne que l'on peut généralement qualifier de progressiste (de "gauche"), avec des démarches politiques comme celle du site Briganti ou politico-culturelles comme celle du groupe napolitain 99 Posse ou d'intellectuels comme Pino Aprile ou l'auteur de ce texte, Marco Incardona - tandis qu'en face, prises à la gorge par la crise générale du capitalisme, la bourgeoisie du Nord et les masses moyennisées aliénées par elle durcissent leurs positions à travers la tristement célèbre Lega qui, sous couvert de la revendication (risible pour ne pas dire honteuse...) d'une "Padanie" (Piémont, Lombardie, Vénétie etc.) qui serait "dominée" par Rome et le Sud, recherche en réalité un "fédéralisme fiscal" qui ferait du Meridione un "Tiers-Monde intérieur" au service d'une bourgeoisie "padane" "libérée" de ses (maigres) obligations de redistribution sociale et de développement vis-à-vis du Sud, concédées aux masses après la Victoire antifasciste de 1945 et sous la pression des luttes sociales ultérieures...

    [Nous tenons à préciser et souligner ici que le Nord compte aussi ses territoires et populations périphérisées, en particulier dans les campagnes et surtout les montagnes (comme les vallées occitanes des Alpes cottiennes) ; territoires et populations dont la Ligue du Nord n'a historiquement rien à voir avec les affirmations d'identité populaire ; qui ont subi eux aussi de plein fouet l'aspect de guerre contre le Peuple ouvrier et paysan qu'a représenté l'Italie bourgeoise unifiée ; et dont sont issus de grands héros révolutionnaires comme Prospero Gallinari, qui luttèrent aux côtés de Méridionaux de l'exil comme le Sicilien de Toscane et "voix" de Lotta Continua Pino Masi : l'ennemi des masses populaires du Sud n'est pas les masses populaires du Nord mais la bourgeoisie vert-blanc-rouge qui (comme en Hexagone) consiste en une pyramide dont le sommet est la bourgeoisie du triangle Turin-Gênes-Milan**, et face à laquelle les Peuples d'Italie sont les doigts d'un poing uni.]


    https://imiagolatoridiviasangalloafirenze.wordpress.com/2015/06/18/marco-incardona-carmine-crocco-e-la-fine-del-folklore/

    CARMINE CROCCO ET LA FIN DU FOLKLORE

    (ARTICLE DE MARCO INCARDONA)

    Carmine Crocco
    Carmine Crocco


    Carmine Crocco, non, ton temps n'est pas encore venu ; mais aussi longtemps que je vivrai je ne cesserai de crier Palestine libre, Sud libre ! (Marco Incardona)

    Briganti
    Cadavre de "brigand" exhibé par un bersaglier piémontais


    Le pays dans lequel nous vivons est véritablement un pays bizarre et difficilement compréhensible ; tant il semble obstiné à s'accrocher à des catégories historiques, des faits historiques pour se comprendre lui-même et comprendre ses contradictions, et tant il semble capable dans le même temps des plus grandes opérations de refoulement idéologique jamais vues dans l'histoire.

    Il suffit de marcher dans les rues, de naviguer sur internet, de lire les journaux, de discuter de politique au bar, et des mots comme fascisme, communistes, Résistance, Brigades rouges et terroristes envahiront la discussion comme autant de mots clés pour comprendre la réalité, pour pouvoir se ranger dans un camp, pour pouvoir interpréter quelque affirmation publique ou privée que ce soit.

    Briganti
    Brigands tués par l'Armée royale italienne d'occupation


    Et, à dire vrai, je n'ai rien contre une telle volonté de garder vivante notre histoire passée comme grille d'interprétation de notre situation actuelle. Mais alors, si nous voulons vraiment aller au bout de cette voie, il est grand temps de dire les choses comme elles sont.

    Ce pays, l'Italie, est un pays qui a été unifié à travers la colonisation d'une partie par l'autre, à travers la conquête impitoyable - et favorisée par le contexte international d'alors - du Sud par le Nord.

    Les Italiens sont prompts à mettre absolument tout en discussion, à discuter de comment est né le fascisme, de comment est née la Mafia, de comment est né le terrorisme, de comment est née la République, de comment est née la Loge P2, de comment est née l'opération Mains Propres, etc. etc.

    Carlo Aianello
    Carlo Alianello***


    Mais aucun ne semble prêt à discuter véritablement de l'authentique, immense et tragique péché originel de l'Italie, celui de sa propre naissance. Ils pourront et nous pourrons pourtant nous raconter toutes les histoires que nous voulons, tout dérive de ce seul et unique moment fondateur.

    Je connais bien les arguments des “négationnistes” de la conquête du Sud par le Piémont.

    À ces derniers je ne m'abaisserai pas à répondre, et la raison en est très simple à expliquer. Pour justifier l'absolue justesse de l'unification, ces “patriotes” sont implicitement contraints à jouer la surenchère contre les arguments des tenants de la thèse de la colonisation, dont je suis. Les Méridionaux seraient porteurs d'une arriération anthropologique, peut-être historique et économique, mais avant tout anthropologique en réalité.

    À moi, il me suffit d'apporter un seul et très simple fait. Si 150 ans après l'unification les rapports entre le Nord et le Sud étaient ceux d'un État unitaire, d'un État qui cherche réellement à uniformiser le niveau de vie et l'économie de tous ses citoyens, alors même si conquête il y avait bel et bien eu l'unification cesserait d'avoir une signification aujourd'hui, elle cesserait de faire scandale et rentrerait sans trop de bruit dans le champ d'étude des historiens de la période.

    Mais il n'en est pas ainsi et nous le savons tous. Depuis 150 ans, le Midi colonisé et conquis manifeste tous les symptômes d'une société et d'un territoire colonisé et ceci de manière croissante et non décroissante, comme ce devrait être le cas dans un pays ayant vraiment à cœur sa propre unité territoriale.

    Chers Italiens cessons d'être hypocrites, nous savons tous que ceci est un fait. Tous les chiffres, les faits concrets, les statistiques et les anecdotes ne peuvent être compris et admis que si et seulement si nous nous montrons suffisamment matures pour admettre à nous-mêmes cette blessure interne contre une partie de notre territoire.

    Les ouvriers qui s'en prennent aux immigrants sont certainement la plus belle œuvre des classes dominantes, qui divisent et règnent ainsi impunies. Mais les Méridionaux qui critiquent le Sud, les Méridionaux qui exploitent d'autres Méridionaux, les Méridionaux qui jouent au folklore ne sont rien d'autre que le fruit vénéneux de ce même artifice.

    Pour cette raison, c'est avant tout vers les Méridionaux que je me tourne. L'heure est venue de regarder en face ce que nous sommes : des conquis, des dominés, des exploités, des violés au cœur même de notre identité. L'heure est venue d'arrêter avec le victimisme, la fatalité, le folklore et l'acceptation servile d'une histoire qui n'est pas la nôtre. L'heure est venue de regarder vers l'avenir, et de le faire avec la conscience que résoudre les problèmes de notre immense diaspora sera une tâche immense de tous les points de vue.

    Ils nous ont enlevé et nous nous sommes laissés enlever absolument tout, y compris la dignité de célébrer nos propres héros.

    Le 18 juin 1905 mourrait en prison le célèbre “brigand” Carmine Crocco.

    Brigand ? Terroriste ? Patriote ?

    Choisissez vous-mêmes, car si cette date ne signifie encore rien aujourd'hui, la faute n'en incombe qu'à nous Méridionaux colonisés et incapables de réfléchir en profondeur sur notre passé.

    Qu'a été réellement ce “brigandage” ? Pourquoi dans toutes les Cours européennes de l'époque, la conduite de l'Armée royale contre ces “brigands” méridionaux était-elle vue comme ce qu'elle a effectivement été, à savoir une guerre de conquête de la part des Piémontais ?

    Ninco Nanco
    Ninco Nanco (compagnon de Crocco tué en 1864)


    Il appartient à nous Méridionaux d'aujourd'hui, dans la diaspora ou dans la colonie, de donner voix à ces personnages dont la voix a été sciemment humiliée, réduite au silence, dépossédée. Donner voix aux millions de paysans partis en exil aux quatre coins du monde, voix aux morts, aux humiliés, à nos frères dispersés, à notre histoire mutilée.

    Carmine Crocco et tous ceux comme lui ne doivent pas seulement être souvenus et célébrés, mais doivent vivre dans nos cœurs et tracer la voie à suivre ensemble.

    Je ne vois pas d'autre manière d'honorer la mémoire de ce grand homme, mort prisonnier comme nous nous sommes des prisonniers mentaux. Un homme auquel, dans la mémoire également, est attribuée une tâche trop grande, celle d'incarner la lutte manquée d'un Peuple entier.

    Brigantessa
    Femme brigand


    Carlo Alianello*** écrit dans le roman “L'Héritage de l'Abbesse”:

    Pactes et trahisons mis à part, Crocco était bien trop intelligent pour ne pas comprendre que pour lui, la prise de Potenza serait une défaite personnelle. Lorsqu'un gouvernement bourbonien serait restauré en terre de Basilicate et assumerait le pouvoir sur les autorités constituées, lorsque l'Autriche et l'Espagne - et peut-être même la France - auraient ainsi trouvé une raison valable pour intervenir, comme cela semblait alors probable non seulement aux partisans des Bourbons mais aussi aux ministres du Royaume d'Italie, lorsqu'en somme se trouveraient aux commandes des gouverneurs, des généraux, des messieurs, que serait-il resté de Crocco ? La Basilicate bourbonienne aurait voulu dire la guerre avec des officiers et des soldats, des chevaux et des canons, en somme la guerre de sécession que les trois quarts des Napolitains espéraient.”

    Cette guerre n'eut jamais lieu et le prix nous le payons encore aujourd'hui et nous le payerons toujours plus à l'avenir, vous pouvez en être certains.

    Michelina De Cesare
    Michelina De Cesare (femme brigand tuée en 1868)


    Si seulement les Méridionaux cessaient de faire du folklore comme des chiens savants et regardaient la réalité en face... Carmine Crocco, non, ton temps n'est pas encore venu ; mais aussi longtemps que je vivrai je ne cesserai de crier Palestine libre, Sud libre !


    MARCO INCARDONA

     


    * Carmine Crocco (1830-1905) - et nous qui le mettons en avant par la même occasion - sera sans doute dépeint par tous les petits donneurs de leçons de l'aile gauche de la pensée dominante bourgeoise comme un de ces abominables "chouans" ennemis de la marche inexorable de l'Histoire et du Progrès - une Histoire et un Progrès conçus comme des processus linéaires et non dialectiques et contradictoires ; au même titre que les Chouans et Vendéens (et autres Barbets nissards ou paysans de 1798 en Belgique et au Luxembourg) face à la Révolution bourgeoise française, les carlistes basques opposés à la modernisation libérale-centraliste espagnole ou les jacobites écossais et irlandais combattant la révolution bourgeoise orangiste d'Angleterre. Un "marxisme" primaire pour ne pas dire primitif, digne des tout jeunes Marx et Engels de 1848-49 qui pouvaient encore applaudir à la défaite de l'émir Abd el-Kader en Algérie ou à la conquête de la moitié du "Mexique paresseux" par les États-Unis (avant de mûrir et d'affiner considérablement leur vision des choses) ; incapable de voir la réalité complexe d'un processus capitaliste bourgeois qui, donnant naissance aux "États-nations" et aux sociétés capitalistes que nous connaissons aujourd'hui, a en tant que processus capitaliste bourgeois (nous insistons) signifié la guerre non seulement contre les forces féodales de l'aristocratie et du cléricalisme (encore qu'en Italie cette guerre ait été profondément inachevée, lire ici) mais aussi et surtout contre les masses populaires qu'il s'agissait de mettre totalement et définitivement dans les chaînes du Capital et de l'extraction de la plus-value. C'est d'abord et avant tout contre cela (et non par "amour" de l'exploitation seigneuriale féodale et de l'obscurantisme religieux, de la corvée et de la dîme...) que se dressaient des hommes et des femmes comme les Chouans, les carlistes ou les "brigands" de Crocco, lequel illustrait à lui seul par son parcours toute la complexité de l'étape historique, où toute une paysannerie méridionale avait pu accueillir très favorablement et même rejoindre (comme il l'avait fait) les "Chemises rouges" de Garibaldi avant de déchanter et de se tourner vers les Bourbons déchus qui manœuvraient pour reconquérir leur royaume annexé. La "guerre contre le brigandage" se prolongera pendant plus de deux décennies et coûtera à l'Armée piémontaise/unitaire plus de vies (près de 8.000) que toutes les guerres de l'Unité réunies et aux masses populaires du Sud conquis et occupé plusieurs dizaines de milliers d'autres - peut-être même 100.000 ; faisant de ce qui était en fin de compte un État relativement prospère et moderne (Naples était dotée de la première ligne de chemin de fer et du premier éclairage public de la future Italie) le "Tiers-Monde de l'Europe" que nous connaissons aujourd'hui, livré aux organisations criminelles et à la prévarication, à la pauvreté et à l'émigration de masse, aux montagnes d'ordures qui s’amoncèlent dans les rues de l'ancienne capitale etc. etc.

    ** La Lega (Ligue du Nord, mais qui a récemment abandonné la référence nordiste pour s'étendre péninsulairement) représente les couches basses et moyennes de la "pyramide" situées géographiquement dans la Plaine du Pô et aux pieds des Alpes, ainsi que dans une certaine mesure en Toscane ou dans les Marches ; moins les couches supérieures ; mais cette petite et moyenne bourgeoisie du Nord est numériquement nombreuse (très important "tissu" de PME) et particulièrement frappée et rendue agressive par la crise. Berlusconi, bien que milanais pur jus, est d'abord et avant tout l'homme de paille d'un secteur capitaliste qui consiste ni plus ni moins qu'en les organisations criminelles (Mafia, Camorra, 'Ndrangheta etc.) : c'est donc au Sud qu'il "cartonne" historiquement, au Nord son "centre-droite" ne gagnerait pas sans l'appoint de la Ligue. Il représente aussi une certaine bourgeoisie "bling bling" qui a émergé dans le cadre du "miracle économique" (années 1950-70) et des "années fric" néolibérales 1980-90 ; bourgeoisie parvenue assez présente à Milan et globalement au Nord. Le Grand Capital "historique", traditionnel et "installé" - monopoles du Nord et du Centre, grands notables du Sud - reste généralement sur la ligne de la démocratie-chrétienne ou du libéralisme cavourien... c'est-à-dire aujourd'hui du "Parti démocrate" (PD), où ces forces ont été rejointes par les derniers rebuts du P'c'I révisionniste au stade ultime de toutes les trahisons : attachement à l'héritage unitaire, politique redistributive inspirée par la doctrine sociale de l’Église et "développementisme" pour le Mezzogiorno. C'est le courant politique de Matteo Renzi.

    *** Carlo Alianello est un célèbre intellectuel et écrivain originaire de Lucanie/Basilicate (terre de Crocco), connu pour son affirmation du Mezzogiorno comme conquête coloniale du Nord et son "révisionnisme" vis-à-vis de l'historiographie officielle de l'Unité italienne.


    Annexe : afin d'illustrer le schéma de pensée sud-italien que nous avons vu ci-dessus et le "révisionnisme historique" c'est-à-dire le refus de l'historiographie officielle apologétique de l'Unité italienne, voici sans porter de jugement de valeur (il y a évidemment des points de vue, tels qu'exposés ici du moins, que nous ne partageons pas) une petite présentation d'un penseur "phare" de ce courant.


    Nicola Zitara : le marxiste qui inventa le révisionnisme historique


    Nicola Zitara est le marxiste qui a donné naissance au révisionnisme historique au sujet de l'Unité italienne.

    Nous devons beaucoup à Nicola Zitara, économiste et historien méridionaliste calabrais qui vécut entre Siderno et la Côte amalfitaine entre journalisme méridionaliste et engagement marxiste et néo-bourbonien. Et pourtant, ceux qui se souviennent de lui aujourd'hui ne sont pas les travailleurs du Sud italien mais seulement les spécialistes, et encore pas tous... Sa vie se déroula entre le 16 juillet 1927 et le 1er octobre 2010 à travers une activité entrepreneuriale, académique, journalistique et politique* ayant produit une personnalité complexe, rigoureuse et à contre-courant. Alors que l'Italie était nourrie "au pain et au Risorgimento" et que le Mezzogiorno était éduqué à fuir tout type de pensée critique qui, perçant le mur de la version officielle, ouvrirait la voie au révisionnisme historique, Zitara initia parmi les premiers la redécouverte des racines culturelles méridionales.

    Il y a 110 ans mourrait le "brigand" Carmine Crocco : un texte LUMINEUX d'affirmation du Mezzogiorno, dominé et pillé depuis un siècle et demi par le Capital vert-blanc-rouge !Parmi ses œuvres majeures nous pouvons retenir "L'Unité italienne : naissance d'une colonie", "L'invention du Mezzogiorno - une histoire financière" ou encore "Le prolétariat extérieur", travaux qui face aux nouveaux défis de la construction européenne renouvelèrent la tradition des études méridionalistes en une pensée des Sud, ou du "Midi européen". Si l'on laisse de côté son espérance déclarée et délirante en une concrète sécession du Meridione vis-à-vis du reste de l'Italie, l'importance de son œuvre réside et demeure dans le critère critique marxiste appliqué à la recherche historique, économique et sociale ; recherche aux prétentions quasi-encyclopédiques en faveur d'un révisionnisme italien.

    L'Unité italienne revisitée

    La catégorie spéculative de Nicola Zitara est celle de l'Unité italienne, qui dans sa signification juridique et économique comme idéologique, culturelle et politique, a littéralement fait les Italiens sur la base de l'éradication de l'identité méridionale et de la phagocytose des lambeaux de cette dernière par l'invention de l'épopée risorgimentale. Grâce aux travaux de Zitara a commencé à apparaître dans l'espace public ce qui est devenu par la suite la lecture néo-bourbonienne de l'histoire d'Italie.

    Selon Zitara, le processus unitaire devait être revu comme une pure opération militaire et coloniale d'une monarchie contre une autre, d'un royaume souverain face à un second. L'unification par en haut, à travers l'instrument militaire, économique et juridique, et donc l'appropriation souveraine d'une multiplicité d’États, se faisant sans le Peuple ni la moindre subjectivité politique préliminaire, a condamné historiquement l'Italie à la fragmentation et le Sud au sous-développement, à la subordination culturelle et à la schizophrénie politique que nous connaissons encore aujourd'hui.

    Par la dévastation et le saccage d'un royaume souverain et indépendant (le Royaume de Naples ou des "Deux-Siciles"), les Savoie, appuyés sur un entrelacement d'intérêts qui les liait en particulier à la Grande-Bretagne et à la France, livrèrent une guerre non-déclarée et criminelle contre un Peuple uni et indépendant depuis plus de 1000 ans. Le Royaume des Deux-Siciles n'était pas une réalité idiote, obscurantiste et anachronique mais la troisième réalité politique, économique et scientifique de la planète ; une nation caractérisée par un absolutisme éclairé, ouvert à un processus de sécularisation et de modernisation graduelle, proto-socialiste et non-libéral. [NDLR - là c'est clairement très exagéré : le Royaume de Naples n'était pas si "idéal" que cela et des révoltes populaires y étaient brutalement réprimées comme à Messine (Sicile) bombardée par la Flotte en 1848, valant au souverain Ferdinand II le surnom de "Roi-bombe" (Re bomba) ; mais il est vrai que la peinture d'une autocratie complètement arriérée et obscurantiste est elle aussi à des années-lumières de la réalité (on reconnaît bien là le discours "Lumières/civilisation vs obscurantisme/barbarie", "on a mis fin au Moyen Âge" par lequel tout État moderne - et tout Empire colonial - justifie son existence alors même qu'il a parfois annexé des sociétés relativement avancées), et que l'arriération relative par rapport à la Plaine du Pô était bien moindre en 1860 que quelques décennies plus tard... et encore aujourd'hui - c'est précisément cette richesse qui a attiré le prédateur nordiste et ses soutiens étrangers (français et anglais), Gramsci pouvant encore écrire dans les années 1920 que la Sicile était en richesse absolue la région la plus prospère de l’État.]

    Zitara à travers ses études contredit l'historiographie officielle, qu'il juge asservie à la propagande politique et culturelle des classes dominantes de l'Italie septentrionale.

    Antagonisme entre travailleurs du Nord et travailleurs du Sud

    Parmi les passages scientifiques les plus significatifs, mais aussi les plus contestés par l'historiographie officielle de son œuvre, l'on peut retenir l'hypothèse amplement démontrée par toutes les sources que les conditions de subordination économique, politique et scientifique dans lesquelles plongeait le Sud étaient la conséquence directe de l'unification juridique et économique de la péninsule par la force des armes et de la diplomatie du 19e siècle ; le capitalisme du Nord était un capitalisme de type mercantiliste (c'est-à-dire se nourrissant de la paupérisation des régions méridionales et de la division entre travailleurs du Nord et du Sud) qui a caractérisé un processus bien plus de fragmentation que d'unité nationale.

    Zitara mariait éclectiquement marxisme et révisionnisme, sur la base d'intuitions déjà gramsciennes avant lui (Carnets de Prison), et développera la thèse selon laquelle le Nord était une "pieuvre qui s'enrichissait aux dépens du Sud, sa croissance économique et industrielle étant en rapport direct avec l'appauvrissement de l'économie et de l'agriculture méridionale". Selon lui les retards méridionaux étaient déterminés par une fracture entre le prolétariat septentrional et celui du Sud ; laquelle fracture, en opposition à la thèse de Gramsci (qui y voyait le fruit du désintérêt de l'industrie du Nord pour celle du Sud), était due à des causes intrinsèques à la logique même des rapports de classe et de production au plan régional.

    Il était absolument convaincu que la question méridionale ne pouvait être résolue ni par les instruments institutionnels démocratiques bourgeois ni par ceux d'une lutte des travailleurs, du fait que par exemple (selon ses mots) "les intérêts du prolétariat septentrional sont inconciliables avec ceux du prolétariat méridional". Le marxisme gramscien, écrasé sous le poids de l'universalisme abstrait, était incapable de comprendre cette affirmation. [NDLR là aussi, autre point sur lequel nous apporterions un bémol : ce qui est décrit ici est la manière la plus classique qui soit dont les travailleurs de la région dominante d'un État ou encore de la métropole d'un Empire bénéficient des retombées, de la redistribution de miettes des surprofits réalisés par la classe dominante à travers la surexploitation** des territoires et des populations dominées. Il n'en reste pas moins, comme nous l'avons déjà dit plus haut, que le Nord compte également ses périphéries - en particulier dans les campagnes et les montagnes et notamment dans des territoires comme l’Émilie-Romagne ou la Vénétie, le Trentin ou le Frioul qui sont aussi rappelons-le des annexions ; des périphéries plus proches du Centre mais non moins inscrites dans le même système de domination concentrique (qui correspond à la base d'accumulation/reproduction du Capital) ; et que ces masses notamment paysannes soumises à la grande propriété (il suffit de visionner l'immense Novecento de Bertolucci), aujourd'hui largement "ouvriérisées" bien entendu, ont elles aussi leur glorieuse histoire de lutte révolutionnaire que ce soit lors du Biennio Rosso ou dans la Résistance antifasciste*** ou encore durant la "Guerre populaire de basse intensité" des années 1970, et ont un intérêt commun fondamental avec les prolétaires du Sud qui est le renversement de l’État bourgeois italien création et instrument de classe du Capital. C'est pour cela que nous refusons par principe, dans le cas italien comme en général, la logique "le prolétariat A est l'ennemi du prolétariat B" : non, le prolétariat A plus proche du Centre peut être "favorisé" et donc aliéné, moins conscient du système de domination voire serviteur plus ou moins conscient de celui-ci, mais il n'est pas "l'ennemi" au sens où la bourgeoisie peut être l'ennemie des classes populaires laborieuses.]

    Reparcourant l'histoire du Mezzogiorno et compilant l'immensité des données empiriques possibles, Zitara arriva jusqu'à conclure que "lorsque les victoires politiques et syndicales se traduisent en lois générales, le prolétariat du Sud n'en bénéficie pas car ces lois envisagent une situation étrangère au cadre méridional".

    Le prolétariat du Nord est porté à conduire sa propre lutte contre le Capital à partir d'un présupposé d'antagonisme avec les travailleurs méridionaux. La révolte de Reggio Calabria a été un symptôme historiquement déterminé de cet antagonisme et de l'impuissance économique et politique de ces derniers. [NDLR - explosion insurrectionnelle, en 1970, dans cette ville la plus peuplée de Calabre lorsqu'une autre ville nettement plus petite (Catanzaro) fut choisie à sa place comme capitale régionale (simple détonateur, vous l'aurez compris, de toute une accumulation de frustrations) ; mouvement dans lequel les néofascistes du MSI jouèrent un rôle important étant donné que la gauche institutionnelle le traita avec un souverain mépris ; les communistes révolutionnaires de l'époque ayant parfois eu une approche plus ouverte (c'est-à-dire tout simplement dialectique, marxiste), Reggio étant ainsi citée dans L'Ora del Fucile de Pino Masi.]

    Il y a 110 ans mourrait le "brigand" Carmine Crocco : un texte LUMINEUX d'affirmation du Mezzogiorno, dominé et pillé depuis un siècle et demi par le Capital vert-blanc-rouge !Dans une référence claire aux Carnets de Prison de Gramsci, Zitara recueille en 1972 en un seul volume ses articles journalistiques écrits au fil des années dans les Carnets calabrais. L’ouvrage sera publié par Jaca Book sous le titre "Le prolétariat extérieur". Dans celui-ci, Zitara relit avec un regard marxiste l'histoire d'Italie et la question méridionale en tant que réalité symptomatique, pour pouvoir relire en termes généraux la subordination du Mezzogiorno au Nord.

    En conclusion, Nicola Zitara était un marxiste gramscien du courant révisionniste historique qui a repensé le marxisme en l'insérant dans les contingences historiques méridionales. Il en résulte une richesse scientifique extraordinaire qui abstraction faite de quelques positions ingénues ou discutables, demeure un patrimoine inestimable et injustement négligé pour élaborer une théorie politique méridionale forte.


    * D'après sa page Wikipédia en italien, sa famille possédait une petite entreprise de transport de marchandise par bateau à voile, dans laquelle il aida son père puis qu'il reprit brièvement avant que la conjoncture économique propre au Sud ne l'amène à faire faillite ; il se consacrera alors au journalisme. Diplômé de droit à Palerme, il avait également enseigné quelques années le droit et l'économie à Crémone (Nord). Sur le plan politique, socialiste, il participe en 1964 à la scission qui donne naissance au PSIUP (Parti socialiste italien d'unité prolétarienne) mais prend ses distances avec la direction au bout de quelques années pour ne plus s'engager dès lors dans aucune organisation, voyant la politique "systémique" comme un "mal pour toute la Nation méridionale". Il dirigera néanmoins le comité de rédaction de... Lotta Continua pendant quelques mois en 1971 (il participera aussi la même année à la fondation d'un "Mouvement méridional" qui existe toujours mais reste d'audience confidentielle). C'est donc un parcours politique totalement dans le champ progressiste, "à gauche". Sa vision de société était grosso modo celle d'un socialisme autogestionnaire.

    ** L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    *** Résistance antifasciste qui contrairement à une idée reçue et - hélas - répandue a également existé au Sud ; "moins" uniquement dans la mesure où la présence militaire nazie fut beaucoup plus brève (Sicile totalement libérée mi-août 1943 ; Mezzogiorno au sud du célèbre Monte Cassino à la fin de la même année et en totalité au printemps 1944). La population de Naples a ainsi libéré elle-même la ville des troupes allemandes et des fascistes résiduels avant l'arrivée des Alliés (fin septembre 1943) ; tout comme Matera en Basilicate huit jours auparavant (au prix d'une sanglante répression).

     


    2 commentaires

  • Suite aux récents évènements survenus en Corse, à Prunelli di Fiumorbu, où une kermesse de fin d'année scolaire a été annulée car des parents d'élèves se sont violemment opposés à ce que la chanson Imagine de John Lennon soit chantée en partie en arabe, l'organisation de gauche radicale A Manca ("La Gauche") a publié un communiqué que nous reproduisons traduit ci-après.

    Ceci car :

    1°/ Les médias francouilles n'ont bien sûr pas manqué l'occasion d'en remettre encore une couche sur "le racisme des Corses", phénomène évidemment relié (plus ou moins explicitement) au "vilain nationalisme tout pas beau" de ce Peuple (lisez ne serait-ce que le florilège de commentaires trollesques de toute la crème-de-merde jacobinarde-de-gauche francouille sous l'article de La Horde en lien ci-dessus...) ; comme si cela n'existait pas sur le continent (non non...) et comme si la Corse était la "région française" qui vote le plus Front National, ce qui est loin d'être le cas.

    2°/ Il est donc important de montrer qu'une "autre voix corse" (libérationiste corse) existe, et que ni le mouvement de libération ni la Corse en général ne peuvent se résumer à un ramassis de xénophobes racistes - l'"antiracisme" bourgeois jouerait ici le même rôle de stigmatisation que le "féminisme" vis-à-vis des musulmans. Il ne s'agit pas de se voiler la face : le problème existe et il n'est pas mineur, il est même assez grave (reste à démontrer qu'il le soit plus qu'en Occitanie par exemple... ou en "vraie France" du Bassin parisien, qui scrutin après scrutin ressort toujours plus uniformément bleue marine)... et il ne se réduit pas du tout (au demeurant) à la mouvance nationaliste : les "loyalistes" pro-français locaux (en mode "et s'il y a l'indépendance qui c'est qui va payer les retraiiiites"...), bons droitards votant pour les caciques UMP voire "bonapartistes" (!) du cru, ne sont sans doute pas de grands "xénophiles" devant l'éternel et sont même sans doute - de très loin - les plus racistes [par exemple ici avec le maire UMP d'un petit village près d'Ajaccio, suite à de nouveaux évènements racistes dans la région de Bastia en août 2016 - en plein psychodrame hexagonal français sur le "burkini"].

    D'ailleurs, si nous avons dit que le FN faisait globalement des scores plutôt faibles en Corse (très faibles historiquement, mais depuis 2002 et surtout 2010 il est considérablement monté comme partout ailleurs), il y a toutefois un secteur où il est particulièrement et de tout temps élevé et c'est justement celui de Prunelli di Fiumorbu, Ghisonaccia, le sud de la Plaine orientale où se trouve notamment... depuis 1960 la base militaire de Solenzara, place-forte essentielle de l'impérialisme français que le mouvement de libération a toujours dénoncée et attaquée comme telle ; le coin comptant également une importante population de Pieds-Noirs rapatriés ainsi que d'ouvriers agricoles maghrébins que ces derniers ont en quelque sorte "importés" ("important" ainsi l'ordre social colonial d'Afrique du Nord et ses réflexes d'apartheid) : difficile de croire que tout cela est le pur fruit du hasard [lire à ce sujet les commentaires - toujours sous l'article de La Horde - d'un militant "rossu" ("rouge") de libération nationale justement originaire du coin : Fiumorbu Rossu.pdf].

    3°/ Toutefois, nous ne partageons pas l'analyse selon laquelle tout se résumerait aux "coupes budgétaires dans les services de la culture". La problématique est bien plus complexe et profonde que cela : elle s'inscrit dans la structure même de l'ordre capitaliste-impérialiste français ; structure au sein de laquelle la position de la Corse est certes extrêmement subordonnée (la politique de l’État français, jusqu'aux soulèvements des années 1970 en tout cas, y a été pour parler clairement coloniale) mais néanmoins "supérieure" aux Peuples extra-européens ("supérieure" dans les représentations sociales dominantes, s'entend) ; et cette position "supérieure" est une très importante chaîne mentale permettant d'arrimer l'île au système France (l'idée de "ne pas devenir un pays du tiers-monde" n'est-elle pas déjà le premier frein aux idées de libération véritable ?). Corses, Occitans, Bretons, Ch'tis/Picards/Ardennais ou encore Lorrains sont relégués, périphérisés et traités en "provinces" au sein de l'Hexagone "métropolitain" ; mais face à l'Empire ("outre-mer" et néo-colonies pseudo-"indépendantes") et aux colonies intérieures qui en sont issues en "métropole" même (qui en sont les "ambassadeurs" en quelque sorte), le système pour mieux les "tenir" a fait d'eux des "Blancs" - des "petits blancs" dont le racisme est souvent outrancier, "primaire" par opposition au racisme feutré et "bien pensant" des salons parisiens (ou "petits parisiens" des métropoles-relais de "province").

    C'est un fait que, comme beaucoup d'Occitans, beaucoup de Corses ont été à travers l'histoire les petits soldats de l'impérialisme français* ; et ce passé (comme en Occitanie, mais là - en plus - avec une conscience de peuple réduite à presque rien) imprègne les mentalités jusqu'au sein même du mouvement de libération - jamais toutefois sans y susciter controverses et rejet, car un mouvement de libération ne peut par nature jamais être totalement hermétique aux sentiments internationalistes (la position officielle qui se dégagera finalement sera celle d'une "Corse communauté de destin""est corse celui ou celle qui vit en Corse et se sent corse"). L'on peut citer à titre d'exemple la fameuse affaire de l'exécution en 1986, au nom de la "lutte contre le trafic de drogue", de deux revendeurs de haschich tunisiens (ce qui avait suscité de violentes polémiques au sein du FLNC, le décideur de l'opération allait d'ailleurs être exclu quelques années plus tard - pour de toutes autres raisons cela dit) ; ou encore ce tract de revendication de la fin des années 1990 qui commençait par "Au nom de l'idéal parachutiste et légionnaire" (en quoi des personnes d'un mouvement de libération peuvent-elles se revendiquer de "l'idéal" militariste de l'impérialisme qui les opprime et qu'elles combattent ?).

    Tout ceci doit faire l'objet d'un "examen de conscience" approfondi et sans "langue de bois", d'un débat franc et ouvert et d'une lutte de lignes au sein du mouvement ; une lutte qui sache être antagonique s'il le faut - c'est la même chose en Occitanie. Car la vérité, dans la logique d'encerclement "constricteur" des Centres par les Périphéries qui est celle de la Guerre populaire mondiale, c'est que les Peuples périphérisés "petits blancs" d'Europe poussés par la vague des luttes du "tiers-monde" et des colonies intérieures doivent se lancer à leur tour à l'assaut des Centres du pouvoir qui les opprime, jusqu'à faire tomber tout l'édifice - telle est la seule vision d'ensemble correcte dans laquelle peut s'inscrire la lutte, que ce soit de classe ou de libération "nationale" (mais évidemment cette "pression" va aussi soulever des résistances, des réactions d'"accrochage" au "privilège"-prison "blanc", réactions bien sûr encouragées par le Pouvoir dont elles font partie des "défenses immunitaires" - comme le montre la capitulation sans combat de l’Éducation nationale dans la présente affaire).

    Le racisme est le reflet intellectuel de l'impérialisme et la domination impérialiste, comme l'expliquait très justement Marx en 1870, est le "secret de l'impuissance" du/des Peuple(s) travailleur(s) de la métropole impériale (en ce qui nous concerne, l'Hexagone mais aussi dans une certaine mesure la Corse). Tant qu'il y aura des travailleurs corses pour avoir vis-à-vis des travailleurs maghrébins le rapport que Marx décrivait entre les ouvriers anglais et irlandais à la fin du 19e siècle, ils ne pourront arracher leur propre libération révolutionnaire au Grand Capital français.

    Aux dernières nouvelles, au centre de cette triste affaire se trouverait une association de parents d'élèves plus ou moins liée au "Cercle Petru Rocca", groupuscule d'extrême-droite ayant pris le nom d'un célèbre autonomiste des années 1920-30 qui avait terminé dans les bras de l'Italie fasciste et de l'Allemagne nazie. Ce courant fascisant au sein du mouvement d'affirmation nationale avait été dénoncé en décembre 2013 par les camarades d'U Cumunu (gauche marxisante de libération nationale) : Le Cercle Petru Rocca, l’incohérence de la haine


    Le racisme est le fruit de l'ignorance et de la démolition culturelle


    A Manca sur les récents évènements racistes survenus en CorseA Manca adresse son soutien le plus sincère aux deux enseignants de Prunelli di Fiumorbu qui ont vu leur mission éducative piétinée par une poignée de parents racistes voulant empêcher leurs enfants de chanter en arabe des couplets de la chanson Imagine de John Lennon, ce qui était prévu pour une fête scolaire de fin d'année.

    L'action ouverte de ces parents symbolise la libération de la parole raciste en Corse, qui s'exprime aujourd'hui plus que jamais sans honte ni complexe.

    Cet évènement intervient dans un contexte de terrible croissance des forces politiques racistes et d'extrême-droite en Europe, en France bien sûr, et dans notre pays sous la forme de micro-organisations locales dangereuses du point de vue de leur activité comme de leur idéologie.

    Ce racisme est la conséquence de la démolition culturelle dont souffre la Corse depuis des années, démolition que sont venues compléter les coupes dans les budgets publics affectés au service de la culture.

    Il est de notre responsabilité d'organisation politique de dénoncer et combattre en tout lieu et par tous les moyens possibles toutes les formes de racisme et de fermeture à la diversité. Il est également de la responsabilité de l'administration française, en l'occurrence ici de l'inspection académique de ne pas laisser triompher le racisme à l'école : annuler la fête a été selon nous une erreur majeure, qui permet à ces racistes de se sentir forts et maîtres.

    Ceux qui croient qu'ils vont améliorer leur situation personnelle en accusant l'étranger d'être à l'origine de tous les maux se trompent d'ennemi. Ce ne sera jamais le travailleur arabe, portugais ou polonais qui fera du tort à ses semblables, qui exploitera les autres travailleurs : ces choses-là sont le fait de la bonne société des capitalistes, qu'ils soient corses ou non ; capitalistes qui se multiplient et se donnent en exemple à notre époque.

    Il n'est pas possible, pour nous patriotes de gauche, de construire la société bilingue et harmonieuse de demain sans nous ouvrir au plurilinguisme qui fait la Corse de 2015. Située au carrefour de la Méditerranée, il appartient à la Corse de s'affirmer comme une terre de mélange culturel et non comme une citadelle ethnique.


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    Quoi qu'il en soit, cette affaire montre bien devant quel genre de revendications l’État français - en Corse - s'aplatit sans guère opposer de résistance... Lorsqu'il s'agit de privilégier le mètre carré habitable pour ceux/celles qui vivent et travaillent en Corse plutôt que pour les résidences secondaires et le tourisme, ou encore de reconnaître une co-officialité à la langue nationale corse, c'est une toute autre affaire ! [Mais comme nous l'avons vu plus haut, la vérité c'est que l'ordre dominant encourage ce genre d'attitudes d'"accrochage au privilège petit-blanc", a fortiori chez des Peuples périphérisés et connus pour être "remuants" : ceci explique (pour dissiper la perplexité d'A Manca) la capitulation de l'institution scolaire dans ce dossier.]

    Lire également ce bon article : Prunelli di Fium'Orbu - Méfions nous, les loups sont partout (Corsica Infurmazione).

    Le forum Camperemu des supporters du SC Bastia, fréquenté à 100% par des partisans de la libération nationale, a ouvert un sujet sur l'affaire qui donne un "échantillon" assez fidèle des opinions et des débats qui peuvent exister là-bas - où l'on pourra constater qu'on est loin d'un unanime "les Arabes dehors" comme certains voudraient nous le faire croire (l'on aura aussi un bon aperçu des problématiques locales qui sous-tendent les "passions" sur le sujet) : http://www.camperemu.com/viewtopic.php?f=14&t=43638

    Et puis aussi, plus cinglant encore, le prisonnier politique Niculaiu Battini de la Ghjuventù Indipendentista (Jeunesse indépendantiste), actuellement incarcéré à Bois-d'Arcy, s'est exprimé sur ces faits lamentables pour apporter son soutien aux enseignants et dénoncer les pétitionnaires comme (en substance) des têtes de cons qui "s'imaginent qu'être corse consiste à s'attaquer à la culture des autres", "sans aucune autre pratique politique" que celle-là, et des "amis des colons français qui s'en prennent aux Arabes pour faire oublier que les premiers envahisseurs en Corse ce sont eux" ; concluant son message par un retentissant "I FASCISTI FORA" ("les fascistes dehors")... Voilà qui a le mérite d'être dit.

    A Manca sur les récents évènements racistes survenus en Corse

    A Manca sur les récents évènements racistes survenus en Corse

    * Comme l'explique bien l'(assez marxisant) historien belge Jacques R. Pauwels ici sur le blog de Jean-Pierre Anselme :

    "En acquérant des colonies, les pays pouvaient se débarrasser de leurs citoyens « gênants » : les classes inférieures qui, aux yeux de l’élite, étaient surpeuplées. Les gens trop pauvres, on pouvait s’en débarrasser en les envoyant dans les colonies.

    L’impérialisme était donc aussi une manière de résoudre les problèmes sociaux. Les pauvres pouvaient faire carrière dans ces colonies. De la sorte ils se muaient en patriotes, au lieu de rester des emmerdeurs. En les laissant intervenir de façon agressive dans les colonies, ils ne posaient plus le moindre problème dans la métropole.

    Il y avait par exemple pas mal de fils de fermiers sans travail, et ce du fait que l’agriculture devenait trop productive. Ces gars, on pouvait les envoyer au Congo comme missionnaires. On a expédié là-bas une vingtaine de missionnaires de chaque bled agricole flamand. On leur a collé un uniforme sur le dos et, dès lors, ils ont pu aller jouer au patron chez les Noirs."

     


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  • La logique coloniale française : Des Basques
    aux Algériens, de la colonisation « intérieure »
    à la colonisation extérieure


    Saïd Bouamama

    Les discours sur la République et les « valeurs de la République » ont connu un retour fulgurant sur le devant de la scène politique et médiatique à l’occasion des attentats de janvier 2015 et de leur instrumentalisation idéologique par Manuel Valls.

    Le roman national construit par la classe dominante, comme idéologie de justification et de légitimation de son pouvoir, s’est de nouveau déployé avec ses concepts lourds et ses oppositions binaires (universalisme contre particularisme, modernité contre réaction, lumières contre obscurantisme, assimilation contre communautarisme, etc.).

    Nous nous sommes expliqués à maintes reprises sur les enjeux de cette séquence historique qu’a été « je suis Charlie [i]». Nous voulons aujourd’hui faire le point sur ce qui rend possible une telle instrumentalisation : l’intériorisation massive dans une partie importante de la gauche du mythe de la « mission civilisatrice » comme outil d’émancipation des peuples de France à l’intérieur de l’Hexagone, puis des peuples et nations d’Asie, d’Afrique et d’Amérique à l’extérieur.

    Les logiques, buts et processus qui ont présidé à la colonisation externe sont ainsi de même nature que ceux qui se sont déployés dans ce qu’il faut bien appeler une « colonisation interne ».

    colonialisme intérieur 

    La colonisation comme processus de généralisation du rapport social capitaliste

    Dans son historique « discours sur le colonialisme », Aimé Césaire analyse le capitalisme comme une « forme de civilisation qui, à un moment de son histoire, se constate obligée, de façon interne, d’étendre à l’échelle mondiale la concurrence de ses économies antagonistes [ii]».

    Cette concurrence et cette logique extensive sont consubstantielles au capitalisme.

    Elles se sont d’abord déployées dans les périphéries proches des centres d’émergence du nouveau mode de production capitaliste, avant que de s’étendre à des périphéries plus lointaines.

    Rosa Luxemburg souligne à juste titre que cette logique extensive suppose et nécessite la destruction des « économies naturelles », des « économies paysannes » et des cultures populaires dans lesquelles elles se sont historiquement élaborées [iii]

    Marx a décrit précisément l’enjeu pour le nouveau mode de production capitaliste de cette lutte : « On avait eu une production dont seul le surplus était valeur d’échange, et qui était présupposée à la circulation ; on passe maintenant à une production qui ne fonctionne qu’en liaison avec la circulation et dont le contenu exclusif est la valeur d’échange [iv]».

    Ce n’est donc pas par « méchanceté » ou par « vice » que se déploient la logique extensive et la guerre contre les « économies » périphériques (d’abord de proximité puis plus éloignées). Elles sont tout simplement la conséquence logique du nouveau mode de production.

    Réduire l’extension coloniale du mode de production capitaliste à une lutte contre le féodalisme en occultant qu’elle est aussi une lutte contre des « économies naturelles » et des « économies paysannes », pour reprendre les expressions de Rosa Luxemburg, conduit à la cécité face à la résistance hier comme aujourd’hui, dans l’Hexagone comme à l’échelle internationale, à l’arasement et à l’uniformisation capitaliste

    L’État français centralisateur n’a pas été qu’un outil de guerre contre le féodalisme, mais aussi une machine de destruction des économies antérieures et des cultures qui les portaient.

    Parlant des périphéries extra-hexagonales colonisées, Aimé Césaire résume comme suit les caractéristiques qui en font des obstacles à détruire pour le capitalisme :

    « C’étaient des sociétés communautaires, jamais de tous pour quelques-uns. C’étaient des sociétés pas seulement antécapitalistes, comme on l’a dit, mais aussi anticapitalistes. C’étaient des sociétés démocratiques, toujours. C’étaient des sociétés coopératives, des sociétés fraternelles [v]. »

    Il y a bien sûr, idéalisation assumée de ces sociétés par Aimé Césaire car son écrit est une œuvre de lutte et de dénonciation, mais cela n’enlève rien aux principales caractéristiques de ces « économies naturelles et paysannes ». Rappeler ces faits ne veut pas dire que l’avenir est à construire par un retour vers ces formes du passé. L’histoire ne se réécrit pas en gommant certaines de ces phases mais en les dépassant vers un horizon d’émancipation.

    La prise en compte de cette base matérielle de la colonisation est essentielle pour ne pas dériver vers une opposition idéaliste (et donc impuissante) à la colonisation. Cette dernière est dotée d’un mouvement historique l’amenant à prendre différents visages en fonction du rapport des forces. Les discours sur la nation, sur l’assimilation, sur l’intégration, sur l’universalisme abstrait, etc., ne sont que des accompagnements idéologiques d’un processus d’assujettissement total d’une périphérie à un centre au profit de ce dernier.

    Ces discours ont d’abord été tenus dans le cadre de la construction nationale française avant que s’étendre à des nations ultramarines. Ils ont été des instruments de la mise en dépendance économique et de l’assimilation culturelle et linguistique des cultures de l’Hexagone, avant que de servir les mêmes buts (avec des moyens plus brutaux encore) pour les autres continents. La colonisation intérieure a précédé et a rendu possible la colonisation extérieure.

    L’assimilation comme outil idéologique de la construction nationale française

    colonialisme intérieur 2

    Frantz Fanon souligne pertinemment que le processus colonial est indissociable du racisme. Il suppose pour se déployer l’émergence et l’intériorisation de deux complexes : le complexe de supériorité pour les uns et le complexe d’infériorité pour les autres [vi]. Le rôle de l’appareil d’État en France a justement été de produire, de favoriser et d’étendre ces deux complexes par tous les moyens disponibles de l’inculcation idéologique à la violence ouverte.

    Dans ce processus d’assujettissement la question de la culture en général et de la langue en particulier, revêt une importance particulière. Il s’agit pour justifier l’assujettissement économique d’une périphérie à un centre de hiérarchiser les cultures et les langues. Le penseur des Lumières Denis Diderot pose ainsi comme une évidence indiscutable : « Il est légitime dans un État unifié politiquement, de ne trouver qu’une seule langue, et de devoir considérer les autres formes linguistiques comme étant des patois qu’on abandonne à la populace des provinces [vii]

    La confusion entre langue commune partagée et langue unique imposée révèle le processus d’assujettissement et de colonisation des périphéries. La langue étant indissociable de la culture qui lui a donné naissance, l’infériorisation linguistique est pour le mieux une infériorisation culturelle et pour le pire une destruction culturelle. Nous parlons de « mieux » et de « pire » en nous situant du point de vue des périphéries car pour le centre le « mieux » est la disparition totale de l’altérité c’est-à-dire l’assimilation.

    Suzanne Citron a mis en évidence la logique de raisonnement conduisant à ce messianisme de destruction des altérités. Elle se base sur la réduction des protagonistes de la révolution française à une lutte binaire : bourgeoisie contre féodalité. Or une telle binarité est une simplification de la réalité sociale des habitants de l’Hexagone. Elle élimine le troisième protagoniste : le monde paysan, ses peuples et ses langues.

    « En amont culture aristocratique franque, monarchique, catholique, en aval culture bourgeoise et urbaine, culture de la Raison, culture des lumières ; le système de représentation qui la sous-tendait n’intégrait pas le monde rural, ses patois, ses solidarités villageoises [viii]. »

    Qu’une telle attitude suppose un complexe de supériorité du centre est évident. Il s’agit ni plus ni moins que de poser le caractère universel de la langue française en l’argumentant d’une supériorité d’essence. Voici comment en parle Bertrand Barère de Vieuzac, député aux États généraux puis à la convention nationale, pour en appeler à une guerre pour éradiquer les autres langues de l’Hexagone :

    « Le fédéralisme et la superstition parlent bas-breton, l’émigration et la haine de la République parlent allemand [alsacien], la contre-révolution parle italien [corse, parlé aussi à Nice] et le fanatisme parle basque. Cassons ces instruments de dommages et d’erreurs […]. Il n’appartient qu’à la langue française qui depuis quatre ans se fait lire par tous les peuples […], il n’appartient qu’à elle de devenir la langue universelle. Mais cette ambition est celle du génie de la liberté [ix]. »

    Cette logique de pensée déjà hégémonique au moment de la révolution bourgeoise (qui rappelons-le se déploie à la fois contre le féodalisme et contre les économies et cultures populaires), l’est encore plus ensuite, avec comme summum la troisième république qui est tout à la fois celle de la guerre à la diversité interne et celle de la colonisation externe. La construction nationale française se bâtit en conséquence par une négation des peuples de l’Hexagone (occitan, basque, breton, etc.) et par une confusion entre l’unité politique et l’unicité culturelle et par une guerre à l’altérité. Mais cette négation n’est pas sans fondements matériels : elle s’enracine dans le besoin d’imposer les rapports sociaux capitalistes à des contrées fonctionnant jusque-là selon une autre logique économique. C’est pourquoi libération nationale et lutte des classes sont indissociables.

    Libération nationale et lutte des classes

    colonialisme interieur3 

    Parler de lutte de libération nationale à propos des peuples de l’Hexagone fait courir en France un danger : celui d’être accusé de réactionnaire, de partisan d’un retour à la féodalité. Nous considérons au contraire que ne pas le faire revient à laisser le champ libre à l’extrême-droite qui sait à merveille canaliser des révoltes légitimes pour les détourner de leurs cibles réelles. Il convient donc de préciser de quoi il s’agit, non pas dans l’abstraction pure, mais dans les conditions concrètes du capitalisme français d’aujourd’hui.

    Aborder la lutte de libération nationale sans la relier à la lutte des classes est selon nous un non-sens. Elle est de fait un combat contre une classe sociale qui hiérarchise le territoire en centres et périphéries, qui ne peut que le faire, qui a besoin de le faire pour maintenir ses profits. C’est pourquoi limiter le combat à la question linguistique ne peut que produire de l’impuissance politique.

    À l’inverse, se contenter de parler de lutte anticapitaliste sans l’ancrer dans les conséquences concrètes d’assujettissement économique et d’oppression culturelle, conduit à la même impasse. Une telle approche, encore majoritaire à gauche en France, aboutit, consciemment ou non, à un regard méprisant sur les formes de révolte qui émergent spontanément face à la domination.

    Ne soyons pas naïfs pour autant. Nos luttes contemporaines se déploient dans un cadre précis, celui de la mondialisation capitaliste et d’une Europe qui en est un des principaux pôles. Cette Europe est parcourue de contradictions, les États les plus puissants voulant y occuper une place hégémonique (la France et l’Allemagne en particulier).

    C’est pour cette raison que nous assistons pour l’Europe du Sud à un retour de mécanismes coloniaux c’est-à-dire à une logique d’assujettissement de ces économies aux centres que sont la France et l’Allemagne. L’épisode grec que nous venons de vivre en est une expression significative. Dans ce contexte nouveau des aspirations justes peuvent être instrumentalisées, des luttes légitimes peuvent être canalisées vers des objectifs réactionnaires, des réactions à l’oppression peuvent être manipulées pour asseoir d’autres oppressions. C’est ainsi au nom de la défense des droits des « minorités » que  sont légitimées plusieurs des guerres impérialistes contemporaines au Moyen-Orient et en Afrique.

    En définitive la question qui est posée est celle du combat pour la fin de l’assujettissement colonial (et donc aussi du capitalisme qu’il sert) et de la conception de l’État qui l’accompagne. La solution n’est pas, selon nous, dans un retour au passé mais dans l’invention d’un avenir. Pour ce faire regarder ailleurs peut aider à développer un imaginaire de la libération. La Bolivie par exemple et son « État plurinational » peut nous aider à penser l’avenir.


    [i] Voir nos articles : 1) Le discours des « valeurs de la république » : Un nouveau masque de l’idéologie dominante, 2) Les fondements historiques et idéologiques du racisme « respectable » de la « gauche » française, 3) La prise en otage des enseignants ou l’instrumentalisation de l’école publique, 4) Les premiers fruits amers de l’unité nationale : Guerres, peurs, humiliation, mises sous surveillance, 5) L’attentat contre Charlie Hebdo : l’occultation politique et idéologique des causes, des conséquences et des enjeux, etc., https://bouamamas.wordpress.com/

    [ii] Aimé Césaire, Discours sur le colonialisme, Présence africaine, Paris, 2004 [rééd.], p. 9.

    [iii] Rosa Luxemburg, l’accumulation du capital, tome 2, Maspero, Paris, 1976, pp. 43-91.

    [iv] Karl Marx, Fondement de la critique de l’économie politique, Anthropos, Paris, 1968, tome 1, pp. 203-204.

    [v] Aimé Césaire, op.cit.

    [vi] Frantz Fanon, Racisme et Culture, in Pour la révolution africaine, La Découverte, Paris, 2001 [rééd.], pp. 37-53. Voir aussi Frantz Fanon, Peau noire, masques blancs, Seuil, Paris, 1952.

    [vii] Denis Diderot, Langue, Œuvres, La Pléiade, Paris, 1946, p. 210.

    [viii] Suzanne Citron, Enseigner l’histoire aujourd’hui. La mémoire perdue et retrouvée, Éditions ouvrières, Paris, 1984, p. 67.

    [ix] Bertrand Barère de Vieuzac, Rapport au comité de salut public, in Michel Certeau, Dominique Julia et Jacques Revel, Une politique de la langue, Gallimard, Paris, 1975.


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  • "Ils le quittent au prix de mille dangers pour fuir la misère, la faim et la maladie, la guerre et la terreur des gardes-chiourmes de l'impérialisme ; et venir tenter de récupérer ici un peu de ce que l'impérialisme leur a volé là-bas."

    (...) "Il ne s’agit pas pour nous d’‘humanisme’ ni de ‘charité chrétienne’, mais bien de considérer l’immigration comme un phénomène objectivement subversif pour l’ordre impérialiste mondial. Fut un temps l’immigration était autorisée et voulue par les États impérialistes, pour se fournir en force de travail corvéable à merci. Les travailleurs/euses issu-e-s de cette immigration autorisée et encouragée furent généralement parqué-e-s dans des bidonvilles ou des foyers-taudis, puis dans des quartiers-ghettos où ils/elles se virent appliquer un traitement colonial inspiré de celui de leurs aïeux dans leurs pays d'origine : ce sont des colonies intérieures, des ‘indigènes métropolitains’. Mais depuis la nouvelle crise générale du capitalisme, ces temps sont révolus et aujourd’hui, les personnes migrantes sont des personnes qui vont OBJECTIVEMENT récupérer dans les États impérialistes un peu de ce que ces derniers ont volé dans leurs pays dominés et exploités, pour (souvent) l’y REDISTRIBUER via MoneyGram (des régions, voire parfois des pays entiers reposent littéralement sur les envois d’argent de leurs migrant-e-s en Europe ou en Amérique du Nord)."

    Mais voilà, ils trouvent face à eux des "forteresses" Europe ou Amérique du Nord... qui ne veulent pas, bien évidemment, qu'on leur reprenne (sous forme d'aides sociales etc.) même 0,0001% de ce qu'elles ont pillé depuis des générations dans les pays du Sud ; et qui ne veulent même pas (contrairement à ce qui était encore le cas il y a 40 ans, lorsque les "sergents-recruteurs" de Bouygues ou Renault sillonnaient la campagne portugaise, le djebel maghrébin ou la brousse africaine en quête de bras pour les usines et les chantiers d'Hexagone ; et contrairement aux délires misérables du 'p''c'F'mlm') de cette main d’œuvre soi-disant "bon marché" qu'il faudrait payer aux salaires minimums occidentaux, faire profiter de tous les droits et de la protection sociale occidentale etc. etc. alors que les capitalistes européens et nord-américains ne sont même plus foutus de donner du travail à leurs propres "nationaux", et qu'il est devenu tellement plus commode (à l'heure des "délocalisations") d'exploiter directement ces personnes "à domicile" pour quelques euros ou dollars par jour :

    "C’est pourquoi, ces 25 ou 30 dernières années, l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord se sont transformées en ‘forteresses’ impénétrables pour les travailleurs venant du ‘Tiers-Monde’, qu’elles cherchent maintenant à y maintenir, y étant plus facilement exploitables (avec la délocalisation d’énormément d’activités) et n’en ayant de toute façon plus besoin. C’est ainsi que l’Union européenne ‘réfléchit’ longuement avant d’accueillir un nouvel État membre en son sein, pour s’assurer qu’il ne ‘submergera’ pas les pays riches de migrants pouvant circuler librement (ce qui pose actuellement problème avec la Roumanie et la Bulgarie pour les Roms, et ferme catégoriquement la porte à la Turquie), ou en tout cas qu’il ne sera pas une ‘passoire’ pour les ‘clandestins’ (problème de l’Ukraine). C’est ainsi que tout au long de leur frontière avec le Mexique, les États-Unis ont mis en place un chapelet de maquiladoras, entreprises de sous-traitance aux salaires intermédiaires entre ceux du Mexique et de l'Oncle Sam, pour y ‘fixer’ les candidat-e-s à l’immigration, surtout les femmes (qui se ‘sentent’ moins que les hommes d’affronter la traversée clandestine) ; véritables usines concentrationnaires entre des mains semi-mafieuses, dont on retrouve parfois les employées indociles découpées en morceaux dans le désert... C’est ainsi que l’Europe s’est achetée les services de régimes satrapes arabes pour jouer les ‘cerbères’ du Vieux Continent contre le ‘tsunami migratoire’  que renforce chaque jour la crise générale et mondiale du capitalisme… etc. etc."

    D'où la mort effroyable que tant rencontrent dans les eaux de la Méditerranée ou du Rio Grande, sous les trains d’atterrissage des avions ou dans les ténèbres du Tunnel sous la Manche.

    Par conséquent :

    "De tout temps, la solidarité avec les travailleurs étrangers a été fondamentale pour les travailleurs révolutionnaires "nationaux" : pour vaincre la division de notre classe par la bourgeoisie.

    Mais aujourd'hui, elle revêt une importance plus grande encore : elle est une solidarité internationaliste fondamentale face à l'impérialisme !!!

    La solidarité avec les travailleurs immigrés, (encore) avec ou sans-papiers, est au cœur même de l'internationalisme prolétarien.

    Nul ne peut se prétendre internationaliste s'il ne soutient pas les travailleurs migrants !"

    "Les sacrifié-e-s de Lampedusa, qu’ils/elles soient venu-e-s d’Afrique, de Syrie ou d’Afghanistan, ne faisaient rien d’autre que cela : fuir leurs pays impérialisés depuis des générations, affamés, livrés au despotisme et/ou à la guerre par les monopoles impérialistes. Sur la Grande Bleue devenue sinistre douve de la forteresse Europe, leurs espoirs ont rencontré une mort affreuse.

    Mais LE JOUR VIENDRA OÙ LES COUPABLES PAIERONT ET PAIERONT CHER ! Le jour viendra où les exploité-e-s du monde entier se lèveront et engloutiront ce Système réactionnaire et assassin dans le feu ardent de la Guerre du Peuple !"


    Alors que d'un côté la traque lancée par le pouvoir "socialiste" à Paris contre les campements de migrants et les progressistes qui les soutiennent, opération faisant l'unanimité médiatique de L'Humanité à Valeurs Actuelles en passant par le Monde et le Parisien, et de l'autre le "happening" fasciste organisé par les Identitaires au poste frontière de Saint-Ludovic (Garavan, Menton) montrent bien l'unité idéologique et pratique dans la pseudo-"lutte" entre les deux ailes ("républicaine" et "d'extrême-droââte") du même système France ; il n'y a pas grand-chose à ajouter à ces mots écrits il y a déjà plus de 5 ans dans l'article Les "charters de la honte", 100% dans la logique de l'impérialisme qui est notre position de principe sur l'immigration, la cause des travailleurs migrants et la chasse qui leur est donnée par les États bourgeois.

    Nous vous inviterons aussi à lire les articles La tragédie de Lampedusa est un crime impérialiste de plus contre l’humanité (d'où est issu le deuxième extrait) ; Considérations diverses – fin octobre 2013 point 2 (affaire Leonarda) ainsi que l'excellent Le mur meurtrier de la Méditerranée - L’assassinat institutionnel de masse de l’Union européenne publié (fin mars) sur le site personnel de Saïd Bouamama, et le tout aussi excellent Émigration clandestine, une forme de résistance de Sadri Khiari.

    [La "question migratoire" est également assez largement abordée dans cet article de 2018 : 

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/on-serait-presque-de-plus-en-plus-tentes-de-penser-a148394008

    Un petit résumé de notre position scientifique exprimée ici et dans "Les Charters de la Honte", qui peut éventuellement s'avérer utile pour en faciliter la compréhension :

    Il a longtemps existé une immigration de conformité aux besoins du capital : les "Borains" belges du Germinal de Zola ; les Italiens du 19e siècle, début 20e, etc. (ou tout simplement, et en vérité dans des proportions 10 fois plus importantes... des petits gars venus des campagnes alentour, de cette paysannerie qui avait 6 enfants pour une seule terre à donner en héritage). Avec effectivement, là, une logique de pression sur les salaires et les revendications (encore que cette pression fut sans doute fort secondaire par rapport à celle des Chassepot de la troupe envoyée canarder les grévistes comme à Fourmies...) ; et souvent une xénophobie ouvrière en réaction à cela, forme de "socialisme des imbéciles".

    Et puis évidemment les Trente Glorieuses, avec les Algériens, les Portugais que le patronat allait CHERCHER, avec des bureaux de recrutement directement dans les pays. On était loin de la chasse à l'immigré actuelle dans les Alpes !

    Mais là par contre, déjà à cette époque, on ne pouvait plus vraiment parler de pression sur les droits et les salaires... Les ouvriers nationaux, "de souche" ou d'immigration européenne antérieure, avaient accru leur niveau de vie par les luttes et les conquêtes sociales, gagné en salaire sous toutes ses formes, et d'ailleurs CONTINUAIENT à le faire ; et dès lors, pour que cela soit possible il fallait une "niche" de surexploitation, une couche de travailleurs qui travaillent encore dans des conditions épouvantables et pour des salaires de misère, sans faire grève etc., et ceux-ci étaient donc censés être les immigrés, tenus en joue par la carte de séjour... Il n'y avait pas de "concurrence" avec les nationaux, puisque ceux-ci (déjà) ne VOULAIENT généralement PAS de tels boulots, de leurs salaires et de leurs conditions !

    Et puis ensuite, à partir des années 1980, nouvelle mutation : il est devenu d'une part possible (existence d'une main d’œuvre sachant faire), d'autre part MOINS CHER de produire dans le "Tiers Monde" et d'acheminer la marchandise (au "pire" avec besoin de quelques finitions, derniers montages, histoire de garder une industrie en Occident quand même !), que de produire sur place et de faire venir si besoin (pour pourvoir les postes de misère et d'esclavage) de la main d’œuvre immigrée. Accomplissement, en définitive, de la "prophétie" d'Hobson http://ekladata.com/y2kWxo.png que Lénine pensait voir conjurée par la révolution prolétarienne mondiale, mais celle-ci après de grands succès initiaux a fini par reculer et finalement (pour le moment) être vaincue.

    C'est l'ère des fameuses délocalisations. La courbe s'inverse complètement, on ne va plus chercher les gens mais on les EMPÊCHE au contraire rigoureusement de venir, car c'est CHEZ EUX que le Capital en a besoin pour y produire pareil... mais pour 10 fois moins cher.

    Cette nouvelle politique va effectivement générer quelques tensions au niveau de certains secteurs (tâches les plus ingrates de la restauration, nettoyage, bâtiment, ce qu'il reste de grandes exploitations agricoles etc.), dans lesquels on ne peut par définition pas produire le bien ou le service à l'étranger et l'acheminer, et dont les nationaux y compris issus de l'immigration antérieure ne veulent pas trop entendre parler (pas assez pour le nombre de postes en tout cas) ; mais cela reste à la marge, la politique GLOBALE des métropoles impérialistes est désormais le refoulement de l'immigration et le maintien de la main d’œuvre dans le "Tiers Monde".

    ET ÉVIDEMMENT... vouloir QUAND MÊME venir en Europe/Occident, pour s'y réapproprier un peu de ce que l'impérialisme a pillé dans son "Tiers Monde" d'origine (causant la misère - voire la guerre, le chaos réactionnaire, le massacre permanent - elle-même cause du départ), est PLUS QUE JAMAIS un ACTE DE RÉSISTANCE anti-impérialiste objective.

    Oui car une "petite place", même "très modeste", au "soleil trompeur" des métropoles de l'impérialisme est justement une ATTAQUE, un MISSILE contre sa logique économique et sa division internationale du travail ; qui lui fait en réalité bien plus de mal qu'un camion piégé en plein quartier des ministères... 

    Même si les intéressé-e-s n'en ont généralement pas conscience... C'est d'ailleurs pour cela que sont mobilisées contre les migrants des forces qui manquent cruellement de l'autre côté pour déjouer des attentats : tout simplement parce que les migrants font PLUS DE MAL à l'impérialisme que les attentats.

    Les flux migratoires ont ce double aspect de tragédie (celle qui fait partir et les souffrances, le danger, la mort en route) et d'acte OBJECTIF de résistance.

    De GUERRE, même... rappelons que le blocage des migrants a un nom d'opération militaire : Frontex. Une guerre qui fait des morts. Et dans laquelle les internationalistes doivent choisir leur camp sans l'ombre d'une d'hésitation !]

    Les travailleurs migrants ne quittent pas leurs pays pour le plaisir
    Les travailleurs migrants ne quittent pas leurs pays pour le plaisir
    Les travailleurs migrants ne quittent pas leurs pays pour le plaisir
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