• Sur la 'révolution permanente' et le trotskysme


    m05-nbp2-trotsky-250S'il y a bien un concept indissociablement attaché au trotskysme, c'est celui de 'révolution permanente'. D'abord par les trotskystes eux-mêmes, bien sûr, qui en revendiquent la paternité et le 'monopole intellectuel'. Mais aussi par les 'anti-trotskystes' (sauf les anarchistes, qui ont de toutes autres références), marxistes-léninistes et maoïstes, pour lesquels l'épithète de 'trotskyste' est (trop) souvent devenu le point final à toute argumentation, une sorte de 'point Godwin' ; et qui reprennent souvent à tort et à travers les concepts attachés au trotskysme pour les lancer à la face de leurs contradicteurs. Ainsi, pour les 'vieux ML', ceux qui reconnaissent l'URSS comme socialiste jusqu'à la perestroïka comme ceux qui ne la reconnaissent comme telle que jusqu'au 20e Congrès de 1956, mais qui dans tous les cas rejettent le maoïsme (les hoxhistes), Mao et les maoïstes, avec leurs concepts de révolution ininterrompue (révolution démocratique ininterrompue vers le socialisme et le communisme) ou encore de nécessaires révolutions culturelles (2, 3, 4 ou plus) pour écarter, régulièrement, les partisans de la stagnation ou du retour en arrière (ce qui revient au même) et réaliser les 'bonds' qualitatifs nécessaires vers le communisme, sont en réalité des trotskystes tenants de la 'révolution permanente'. Mais pour certains maoïstes aussi (qui ne savent polémiquer que comme cela), leurs contradicteurs qui pensent, par exemple, que dans une situation de mouvement révolutionnaire trahi par des révisionnistes (comme au Népal) ou de processus réformiste montrant ses limites de classe (comme en Amérique du Sud), des forces militantes saines peuvent (ce n'est évidemment pas certain !) 'faire rupture' et réaliser un 'saut qualitatif' vers une meilleure conception communiste du monde, vers la ligne rouge communiste internationale (selon le principe que les communistes authentiques, au niveau mondial, doivent renforcer la gauche, isoler la droite et gagner ou au moins neutraliser le centre), sont des tenants de la 'révolution permanente' trotskyste ! Il est donc nécessaire d'éclaircir les choses.

    En réalité, le concept de 'révolution permanente' a été développé par Trotsky ou encore Parvus à partir de citations récurrentes où Marx, lui-même, emploie ce terme comme ici : "Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent terminer la révolution au plus vite et après avoir tout au plus réalisé les revendications ci-dessus, il est de notre intérêt et de notre devoir de rendre la révolution permanente, jusqu'à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le prolétariat ait conquis le pouvoir et que non seulement dans un pays, mais dans tous les pays régnants du monde l'association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires et concentrer dans leurs mains au moins les forces productives décisives. Il ne peut s'agir pour nous de transformer la propriété privée, mais seulement de l'anéantir ; ni de masquer les antagonismes de classes, mais d'abolir les classes ; ni d'améliorer la société existante, mais d'en fonder une nouvelle" (adresse du Comité central à la Ligue des Communistes, 1850) ; ou encore "Le but de l'association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat en maintenant la révolution en permanence jusqu'à la réalisation du communisme, qui doit être la dernière forme de constitution de la famille humaine" (Statuts de la Société universelle des Révolutionnaires communistes, même année). Autrement dit : la révolution prolétarienne est un processus ininterrompu, permanent, de longue durée, pour nier le capitalisme et affirmer le communisme ; elle se poursuit tant qu'elle n'a pas atteint ce but (le communisme) ; tant que cela n'est pas accompli, "c'est reculer que d'être stationnaire", c'est régresser que d'affirmer, à la manière d'un Napoléon (pour la révolution bourgeoise), que "la révolution a atteint ses buts, elle est terminée". Affirmer, par exemple, qu'il n'y a 'plus de classes' puisque plus de propriété privée d'aucun moyen de production, et que la transition socialiste vers le communisme se limiterait alors à 'développer les forces productives' dont le faible niveau (dans un pays comme la Russie des années 1920 ou la Chine des années 1950) serait en contradiction avec le 'système politique très avancé', ce qui serait la 'contradiction principale' ; et à lutter contre les 'agents de la contre-révolution internationale'... alors que le socialisme véritable et le communisme ce n'est pas cela, et que la société abrite encore une multitude de rapports sociaux sur lesquels peuvent se reformer des rapports de domination, d'appropriation du travail d'autrui, donc, en définitive, des rapports de classe. Entendu comme cela, ce ne sont donc certainement pas Lénine et Mao qui auraient renié la 'révolution permanente', et le concept maoïste de 'révolution ininterrompue' ne dit pas autre chose - surtout dans le contexte chinois où, comme lorsque Marx écrit en Europe en 1850, la lutte révolutionnaire du prolétariat est encore étroitement imbriquée avec les luttes démocratiques de la petite-bourgeoisie, de la mao-zedong-1.jpgpaysannerie etc. Le processus révolutionnaire est un processus prolongé de négation du capitalisme par le communisme : il ne s''arrête' pas tant que l'on n'a pas atteint cet objectif ultime. La phase visant à porter le prolétariat révolutionnaire, à la tête des masses populaires laborieuses, au pouvoir est la Guerre populaire et celle-ci ne cesse pas tant que le pouvoir n'est pas conquis ; la phase conduisant de la conquête du pouvoir au communisme est la transition socialiste, et elle ne s'arrête pas jusqu'à la transformation totale de la société en société communiste - sans classes, sans division du travail, sans 'sachants' et exécutants, sans dirigeants et dirigés etc. 

    En réalité, ce n'est absolument pas cela que l'Internationale communiste, alors que Staline était encore très loin de quoi que ce soit ressemblant à un 'pouvoir absolu', a rejeté dans la 'révolution permanente' de Trotsky. Ce qui a été rejeté, c'est son interprétation particulière de cela, en particulier dans les rapports entre classe ouvrière et paysannerie, dans un pays à dominante rurale comme la Russie de l'époque. Comme par exemple : « De ce que nous avons dit plus haut résulte clairement ce que nous pensons d'une dictature du prolétariat et de la paysannerie. La question n'est pas de savoir si nous considérons qu'une telle forme de coopération politique est admissible en principe, si nous la souhaitons ou ne la souhaitons pas. Nous pensons simplement qu'elle est irréalisable, au moins dans un sens direct et immédiat » (L. Trotsky, Bilan et perspective, 1905). Cela, il est évident que ni Lénine ni Mao ne l'auraient jamais affirmé ! La position du PC bolchévik d’Union soviétique et de l'Internationale communiste était, dans les années 1920, que "la « révolution permanente » n’est pas une simple sous-estimation des possibilités révolutionnaires du mouvement paysan ; c’est une sous-estimation du mouvement paysan qui mène à la négation de la théorie léniniste de la dictature du prolétariat. La « révolution permanente » de Trotsky est une des variétés du menchévisme" ; car "la dictature du prolétariat, c'est le pouvoir qui s'appuie sur l'alliance du prolétariat et des masses laborieuses de la paysannerie pour le renversement complet du capital, pour l'édification définitive et l'affermissement du socialisme" [voir par exemple ici dans les Questions du léninisme, page 48 et suivantes :

    "Mais, nous dira-t-on, s'il en est ainsi, pourquoi Lénine a-t-il combattu l'idée de la « révolution permanente » ?

    Parce qu'il voulait utiliser à fond les capacités et l'énergie révolutionnaires de la paysannerie pour la liquidation complète du tsarisme et le passage à la révolution prolétarienne, alors que les partisans de la « révolution permanente » ne comprenaient pas le rôle important de la paysannerie dans la révolution russe, sous-estimaient son énergie révolutionnaire ainsi que la force du prolétariat et son aptitude à entraîner la paysannerie à sa suite et, par là, empêchaient, dans une certaine mesure, cette dernière de se libérer de l'influence bourgeoise et de se grouper autour du prolétariat.

    Parce qu'il voulait couronner la révolution par l'avènement du prolétariat au pouvoir, alors que les partisans de la révolution permanente voulaient commencer directement par l'instauration du pouvoir du prolétariat, ne comprenant pas que, par là-même, ils fermaient les yeux sur l'existence des survivances du servage, négligeaient une force aussi importante que la paysannerie et entravaient ainsi le ralliement de cette dernière au prolétariat.

    Ainsi donc, Lénine combattait les partisans de la révolution permanente, non pas parce qu'ils affirmaient la permanence de la révolution, thèse qu'il ne cessa jamais lui-même de soutenir, mais parce qu'ils sous-estimaient le rôle de la paysannerie, qui est la plus grande réserve de force du prolétariat, parce qu'ils ne comprenaient pas l'idée de l'hégémonie du prolétariat.

    L'idée de la révolution permanente n'est pas nouvelle. Elle a été exposée pour la première fois par Marx, en 1850, dans l'Adresse à la Ligue des communistes. C'est là que nos « théoriciens » russes sont allés la chercher, mais la modification qu'ils lui ont fait subir a suffi à la rendre impropre à l'usage pratique. Il a fallu la main exercée de Lénine pour réparer cette erreur, dégager l'idée de la révolution permanente de ses scories et en faire une des pierres angulaires de la théorie de la révolution. Voici ce que dit Marx sur la révolution permanente, dans son Adresse, après avoir énuméré les revendications démocratiques révolutionnaires que doivent poser les communistes :

    Alors que les petits-bourgeois démocrates veulent, par la satisfaction du plus grand nombre des revendications précitées, terminer le plus vite possible la révolution, nos intérêts et notre tâche consistent à rendre la révolution permanente tant que toutes les classes plus ou moins possédantes ne seront pas écartées du pouvoir, que le prolétariat n'aura pas conquis le pouvoir d'État, que les associations des prolétaires dans les principaux pays du monde ne se seront pas développées suffisamment pour faire cesser la concurrence entre les prolétaires de ces pays et que les principales forces de production, tout au moins, ne seront pas concentrées entre les mains des prolétaires.

    Autrement dit :

    1° Marx, quoi qu'en disent nos partisans de la « révolution permanente », n'a pas proposé de commencer la révolution dans l'Allemagne de 1850 directement par l'instauration du pouvoir prolétarien ;

    2° Marx a proposé uniquement de couronner la révolution par le pouvoir politique prolétarien en jetant à bas du pouvoir successivement toutes les fractions de la bourgeoisie pour allumer, après l'avènement du prolétariat au pouvoir, l'incendie de la révolution dans tous les pays.

    Or, cela est en conformité parfaite avec tout ce qu'a enseigné Lénine, avec tout ce qu'il a fait au cours de notre révolution prolétarienne sous l'impérialisme.

    Ainsi, nos partisans russes de la « révolution permanente » non seulement ont sous-estimé le rôle de la paysannerie dans la révolution russe, mais ont modifié l'idée de la révolution permanente de Marx et lui ont enlevé sa valeur pratique.

    Voilà pourquoi Lénine raillait leur théorie et les accusait de ne pas vouloir « réfléchir aux raisons pour lesquelles la vie, durant des dizaines d'années, avait passé à côté de cette magnifique théorie ».

    Voilà pourquoi il considérait cette théorie comme semi-menchéviste et disait qu'elle « emprunte aux bolchéviks l'appel à la lutte révolutionnaire décisive et à la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, et aux menchéviks la négation du rôle de la paysannerie »."]

    C'est on-ne-peut plus limpide. On imagine difficilement plus grande négation de la réalité concrète dans laquelle opérait le mouvement révolutionnaire russe, que cette "révolution permanente" version Trotsky. Mais cette thèse est surtout, finalement, dans les conditions spécifiques à l'Empire russe de l'époque, une négation totale du sens de déploiement de la révolution prolétarienne ; même si ses adversaires léninistes (Staline et ses partisans autour de 1925, mais aussi Gramsci au fond de sa geôle fasciste, ou encore Mao en Chine contre Chen Duxiu) n'avaient peut-être pas formulé les choses de cette manière... D'où peut-être le relatif succès que ces conceptions trotskystes ont pu connaître à travers le monde ; notamment dans les pays les plus industrialisés, avec une certaine aristocratie ouvrière dans laquelle, outre le social-chauvinisme (envers l'État et l'Empire), la classe dominante capitaliste entretenait le chauvinisme de classe pour détourner la classe ouvrière de sa mission historique qui est de prendre la tête de tou-te-s les opprimé-e-s contre toutes les oppressions, sans quoi elle reste prisonnière de l'économisme : les lambertistes du POI ou encore les 'classistes' de Lutte Ouvrière sont les représentants typiques de cette pensée en 'France' - avec une conception de la 'classe ouvrière' très élastique, incluant 'petits cadres', fonctionnaires etc. - mais des courants similaires existent en Grande-Bretagne, en Amérique du Nord, en Argentine etc.

    155473725Il allait pourtant de soi que non seulement la première vague de la Révolution prolétarienne mondiale devait partir de Russie parce que celle-ci était une périphérie de l'Europe et du système capitaliste mondial, mais encore qu'en Russie même, le 'niveau' de conscience, d'organisation et de mobilisation révolutionnaire devait être d'autant plus important dans les sections des masses populaires touchées en dernier par le capitalisme, là où celui-ci était le plus "frais" ; dans les sections de la classe ouvrière les plus récentes et en même temps les plus opprimées ou, en tout cas, les plus conscientes de leur oppression justement par ce caractère périphérique ; les territoires/masses où ne régnait pas la pax capitalista en quelque sorte, comme typiquement les champs pétroliers de Bakou en Azerbaïdjan, où le jeune Staline fit un intense travail d'agit-prop associé à une mobilisation contre l'oppression nationale grand-russe des peuples du Caucase (qui formaient la masse ouvrière). Des sections ouvrières et populaires - également - profondément imbriquées avec l'immense masse paysanne qui constituait encore 80% de la population de l'Empire. Faut-il s'étonner si la Révolution bolchévique fut dirigée par un Tatar de la Volga (Lénine) puis par un Caucasien (Géorgien : Staline), si les nationalités opprimées y avaient des représentants importants comme le polonais Dzerjinsky ou le Tatar musulman Sultan-Galiev et si les Juifs qui, de la Baltique à la Mer Noire, vivaient dans des conditions proches de l'apartheid y étaient surreprésentés (comme Trotsky lui-même) ?

    C'est donc cela qui a été critiqué par le PC bolchévik d'Union soviétique et l'Internationale communiste : la conception (notamment) anti-paysanne qu'avait Trotsky de la révolution permanente, revenant en dernière analyse (mais non-compris en ces termes à l'époque) à une conception 'centriste' anti-périphéries (car 'arriérées' etc. etc. on connaît la chanson...) de la lutte des classes ; et non le concept lui-même, selon lequel (pour résumer) pendant tout le processus de négation du capitalisme par le communisme, "c'est reculer que d'être stationnaire" - ce que Mao ne fera pas autre chose que réaffirmer sous une autre appellation : la révolution ininterrompue, la marche du peuple vers le communisme comme guerre prolongée.

    Il est vraiment fondamental de s'arrêter et d'insister sur cela : Trotsky est, en dernière analyse, le théoricien "marxiste" absolu de la révolution à partir des Centres (voir l'article en anglais en lien en bas de l'article) ; à partir de là où le capitalisme est le plus ancien, industriellement avancé... mais aussi le plus SOLIDE, objectivement (pouvoir politico-militaire) comme subjectivement (pouvoir idéologique et culturel, aliénation des esprits, "sens commun", "société civile").

    Pour lui, une révolution dans un pays "arriéré" comme la Russie de l'époque ne pouvait être qu'un "bug", un "accident" de l'histoire condamné à être très vite suivi de révolutions dans les pays industriellement avancés, sous peine de "dégénérer bureaucratiquement"... Alors qu'en réalité, si la négation du pré-capitalisme par le capitalisme s'est bien déployée à partir des villes où celui-ci est né, la négation du capitalisme par le communisme part au contraire des régions du monde où le pré-capitalisme a été le plus fraîchement nié, voire où cette négation est encore en cours. Comme Mao l'a très bien expliqué, plus le capitalisme est "frais" dans un pays, meilleures sont les conditions pour y faire la révolution ; alors que c'est beaucoup plus difficile (rejoignant là l'analyse de Gramsci sur l'hégémonie et la "société civile") lorsque le  capitalisme est solidement ancré depuis 2 ou 300 ans comme en Europe de l'Ouest - là, il faudra plus de temps [1]. C'est la raison pour laquelle la première révolution marxiste de l'histoire a éclaté dans l'Empire russe et s'est ensuite diffusée principalement vers l'Asie et tout le Sud global colonisé et semi-colonisé de la planète, et non vers l'Occident.

    Le trotskysme voit en fait (en d'autres termes) comme une "anomalie historique" ce qui est en réalité le sens objectivement NORMAL de déploiement de la négation du capitalisme par le communisme.

    C'est là tout le contraire de notre conception marxiste-léniniste-maoïste qui fait de la révolution une lutte prolongée se déployant à partir des Périphéries, là où le capitalisme est plus "frais", où il "imprègne" moins la société, où le souvenir de la communauté populaire "solidaire" antérieure est plus vivant, là aussi où son règne est plus violent pour les masses (misère, "exclusion", répression etc.), vers les Centres ; conception déjà esquissée par Lénine avec sa théorie du "maillon faible" .

    [Il existe deux passages dans l’œuvre de Trotsky, relativement peu connus mais commençant un peu à l'être à travers notamment le trotskysme lié à la mouvance décoloniale, qui pourraient sembler démentir cette vision occidentalo-centrique :

    - "Il règne aujourd'hui au Brésil un régime semi-fasciste qu'aucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, l'Angleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. Je vous le demande : de quel côté sera la classe ouvrière ? Je répondrai pour ma part que, dans ce cas, je serai du côté du Brésil « fasciste » contre l'Angleterre « démocratique ». Pourquoi ? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce n'est pas de démocratie ou de fascisme qu'il s'agirait. Si l'Angleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, et enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil l'emportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de l'Angleterre porterait en même temps un coup à l'impérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais."

    - "Admettons que dans une colonie française, l'Algérie, surgisse demain un soulèvement sous le drapeau de l'indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussé par ses intérêts impérialistes, se dispose à envoyer des armes aux rebelles. Quelle devrait être en ce cas l'attitude des ouvriers italiens ? Je prends intentionnellement l'exemple d'un soulèvement contre un impérialisme démocratique et d'une intervention en faveur des rebelles de la part d'un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils s'opposer à l'envoi de bateaux chargés d'armes pour les Algériens ? Que quelque ultra-gauche ose répondre affirmativement à cette question ! Tout révolutionnaire, en commun avec les ouvriers italiens et les rebelles algériens, rejetterait avec indignation une telle réponse. Si même se déroulait alors dans l'Italie fasciste une grève générale des marins, en ce cas, les grévistes devraient faire une exception en faveur des navires qui vont apporter une aide aux esclaves coloniaux en rébellion ; sinon ils seraient de pitoyables trade-unionistes, et non des révolutionnaires prolétariens."

    Il peut être intéressant de connaître ces citations pour pouvoir les opposer aux omniprésents trotskystes gauchistes, (généralement) rois du "ni-ni" lorsque l'impérialisme se jette sur un pays gouverné par un "terrible dictateur" ou aux mains de forces "obscurantistes" ou "soutenues" par des régimes "peu recommandables"... Ces deux textes datent au demeurant de la toute fin de sa vie (1938) et peut-être dénotaient-ils une certaine évolution de sa pensée (dans un contexte où, il faut le dire, les raisonnements purement "antifascistes" amenaient l'URSS et les Partis de la 3e Internationale à de grandes compromissions avec l'impérialisme et le colonialisme) ; évolution dont les plus "orthodoxes" de ses continuateurs, plus proches des "ultra-gauches" qu'il critiquait que de lui, n'auraient par la suite pas tenu compte.

    Pour autant, ce qu'il dit là n'a rien d'extraordinaire d'un point de vue anti-impérialiste : il dit en substance qu'un impérialisme britannique embourbé dans une longue guerre contre le Brésil fasciste de Vargas, ou un impérialisme français dans une contre-insurrection en Algérie, servirait objectivement les perspectives de prise de pouvoir de la classe ouvrière en Grande-Bretagne ou en France. C'est, encore une fois, "là que ça se passe" de son point de vue. Toute lutte, toute résistance, toute situation révolutionnaire dans le monde colonisé ou dominé par l'impérialisme, "arriéré", ne peut avoir comme vocation ultime que de "faciliter" la révolution prolétarienne dans les pays les plus industrialisés, dans une vision utilitariste [2] ; aucune révolution populaire démocratique ne peut y fonctionner (pas plus que dans l'ex-Empire russe) et construire le socialisme et aller vers le communisme de manière ininterrompue ; raison pour laquelle, d'ailleurs, le régime que défendraient les résistants brésiliens (il évoque une vague "conscience démocratique et nationale" qui "pourrait renverser la dictature de Vargas") ou la conception du monde des insurgés algériens aidés par Mussolini (que les ouvriers italiens solidaires "appelleraient à ne pas faire confiance à leur perfide allié"...) lui sont relativement indifférents (il ne "sert à rien" qu'ils se revendiquent du marxisme ou d'un quelconque socialisme, puisque "ça ne peut pas fonctionner" chez eux...).]

    Mais Trotsky et ses partisans (jusqu'aujourd'hui) réussiront, face aux graves dérives de la 'révolution par étapes' et de la 'construction du socialisme dans un seul pays' prônées par Staline (qui ne faisait là que continuer Lénine tel qu'il le comprenait), à s'approprier la 'propriété intellectuelle' de l'idée même de 'révolution permanente' ; au point qu'aujourd'hui même des marxistes confirmés ignorent qu'elle fut formulée par Marx lui-même, et en font (pour la défendre ou pour l'attaquer) un 'fondement' de l''identité' trotskyste face aux marxisme-léninisme de Staline.

    Il faut dire que Trotsky était ce qu'il convient d'appeler un contorsionniste politique de première.

    a1Lui qui jusqu'à l'été 1917 n'était même pas bolchévik, mais prônait l''unité' des bolchéviks révolutionnaires avec les réformistes menchéviks - droitiste, donc ; lorsque la lutte pour la direction du Parti se dénouera en sa défaveur (face, alors, à un 'bloc' Staline-Kamenev-Zinoviev-Boukharine), se révèlera subitement un défenseur acharné de la 'pureté' bolchévique, reprochant à Staline d'avoir 'embauché' des centaines d'anciens menchéviks ou socialistes-révolutionnaires...  

    Lui qui avait passé sa vie politique, exceptées les années de guerre civile à la tête de l'Armée rouge (où il se révèlera efficace), à s'opposer aux vues de Lénine, se fera le 'champion' de son héritage, pour ne pas dire son seul et unique héritier, ignoblement dépossédé par des usurpateurs. Lui qui était un summum de déviation partidiste ; lui qui dans une vision ultra-autoritaire et 'verticale' de la révolution considérait que "hors le Parti, il n'y a rien" (ça ne vous rappelle personne ?), que ce ne sont pas les masses qui font l'histoire mais le Parti s'en proclamant l'avant-garde, ayant toujours raison même contre elles ; lui qui aux dires de Boris Souvarine (qui avait été de ses proches) n'avait "qu'un seul mot d'ordre à la bouche : fusiller !", et qui le mit en pratique plus qu'à son tour (des makhnovistes d'Ukraine aux marins de Kronstadt) ; lui qui au sortir de la guerre civile voulait 'militariser les syndicats' pour encadrer la production et faire de la Russie soviétique une sorte de grande 'caserne' de l''armée de réserve de la révolution mondiale' ; se découvrira soudain une vocation de défenseur des soviets de travailleurs, 'dépouillés de tout pouvoir' par une 'bureaucratie'... 'produit du communisme de guerre' (dont il fut l'organisateur n°1 pendant 3 ans !) : il se fera subitement conseilliste (l'autre grande déviation : "les soviets/conseils ont toujours raison" vs "le Parti a toujours raison")... C'était décidément un grand comique, ce Léon !

    En définitive, son activité politique d''opposition de gauche', ce sera de dire 'blanc' lorsque le PCbUS et le Komintern disaient 'noir' : quand le PCbUS et le Komintern défendaient (de manière excessive, gauchiste) le 'classe contre classe', il prônait l'unité de la base au sommet (et non 'à la base') avec la social-démocratie ; puis, lorsqu'ils abandonneront cette ligne au profit des Fronts populaires (qui dériveront, en général, vers la subordination des Partis 'staliniens' à la 'gauche' bourgeoise), il défendra une position très proche du 'classe contre classe' qu'il rejetait en 1930 ou 32... Au bout du compte, il n'est pas difficile, en 15 ans d'activité politique de ce type (puis 70 ans par ses continuateurs jusqu'à nos jours), de trouver des 'dossiers' sur lesquels il a eu raison : une horloge cassée ne donne-t-elle pas l'heure juste deux fois par jour ? Mais rien ne dit, par contre, qu''aux commandes' il n'aurait pas fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire.... Passons.

    Ce qui seul doit retenir, en fin de compte, notre attention ; ce qui fonde la 'pensée' et (surtout) l'activité trotskyste depuis trois quarts de siècles, c'est le Programme de Transition (1938) ; et celui-ci repose tout entier sur deux affirmations-aberrations mémorables :

    1/ "Les forces productives de l'humanité ont cessé de croître"... !!! : elles ne cessent JAMAIS ; ce qui peut se produire est qu'un mode de production dépassé et en crise entrave leur croissance, ce qui nécessite alors une révolution ; mais le mode de production peut malgré tout parvenir à surmonter une grave crise générale de ce type, en se 'refondant' dans de grandes convulsions - mais 'pas grave', ce sont 'ceux d'en bas' qui trinquent !

    2/ "La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat" : aux oubliettes la théorie léniniste de l'impérialisme ; l''achat' par les surprofits de l'impérialisme, via une 'aristocratie laborieuse', de larges pans du prolétariat par la bourgeoisie (dans les pays impérialistes voire dans certains pays dominés 'suffisamment riches') ; exit toute l’œuvre de Gramsci sur l'hégémonie intellectuelle/culturelle, la 'société civile', la construction pas seulement répressive de l''acceptation de l'exploitation' - tout ce qui, en définitive, préfigure et confluera dans la théorie maoïste authentique du déploiement Périphéries->Centres de la lutte de classe révolutionnaire.

    Et en conclusion de cette 'brillante analyse' : il faut 'entrer' dans les syndicats... voire les partis (!) réformistes pour y former des 'noyaux' révolutionnaires et, 'de là', mettre en avant un 'programme maximal' (le fameux programme de transition) qui mettrait le capitalisme et les directions social-traîtres 'au pied du mur', car ces revendications impliqueraient un 'suicide' du système capitaliste s'il les accepte... Alors les directions traîtresses se démasqueront, ce qui mettra à l'ordre du jour l'affrontement révolutionnaire direct avec la bourgeoisie capitaliste. Bien, très bien, SAUF QUE :

    - Encore faut-il que le capitalisme soit vraiment incapable de satisfaire (même partiellement) ces revendications (c'est tout le problème de l'affirmation sentencieuse et erronée que "les forces productives ont cessé de croître"), satisfaction qui même partielle démobiliserait totalement les troupes (voir point suivant) ;

    - Encore faut-il qu'une masse significative de militant-e-s suivent ces 'revendications maximales' (que fait-on lorsque 7% du salariat est syndiqué, et encore en grande majorité des fonctionnaires, salariés du public, cadres intermédiaires etc.) ; et/ou suivent la transformation de leur rejet en mobilisation révolutionnaire : là c'est toute la question de l'hégémonie idéologique/culturelle selon Gramsci, dont nous avons vu comment elle est totalement passée à la trappe (tout étant 'la faute des directions') ;

    - Encore faut-il pouvoir, de l'intérieur des organisations certes 'ouvrières' (encore que, les syndicats aujourd'hui...) mais totalement, hégémoniquement réformistes, mettre en avant une telle plate-forme 'maximale' sans se faire immédiatement gicler ou au moins marginaliser et traiter en parias (ce qui a été le cas pour les trotskystes jusqu'aux années 1980 au moins, quand bien même ils aient pu parfois avoir raison) ;

    - Si le réformisme ne 'tient' plus les masses, l'histoire a systématiquement montré ce qu'il se passe : la classe dominante descend sur le terrain de la guerre civile, ce que l'on a coutume d'appeler le fascisme. Les 'noyaux' révolutionnaires trotskystes seront-ils alors prêts... militairement, s'entend ??

    Nous avons là le deuxième aspect fondamental du trotskysme, dans sa stratégie ("révolution permanente") comme dans son plan général de travail pratique ("programme de transition") : Trotsky, comme l'écrivait déjà Gramsci dans ses Cahiers de Prison, est en fait le théoricien absolu de la révolution comme "assaut frontal" contre le Pouvoir capitaliste ; et non comme guerre de tranchées, comme lutte prolongée sur le terrain de l'hégémonie (idéologie/culture) comme sur le terrain politico-militaire, construisant patiemment le Pouvoir du Peuple dans le feu de la lutte ; ainsi que l'ont théorisé Gramsci et (bien sûr) Mao Zedong et les maoïstes après lui.

    affiche-NPA-tousLà réside tout le secret de ce qu'est devenu le trotskysme après 80 ans d'existence : en dernière analyse, une social-démocratie économiste 'radicale', 'dure', 'de combat'... Car l'ordre du jour n'est évidemment pas à 'noyauter' les grosses machines réformistes qui ne visent (et n'ont jamais visé) qu'à défendre les travailleurs des attaques du Capital, et jamais à permettre leur prise de pouvoir ; pour essayer de 'pousser en avant' celles-ci sur des 'revendications maximales' dont la satisfaction impliquerait 'automatiquement' le socialisme, et le rejet 'automatiquement' l'affrontement révolutionnaire décisif. L'ordre du jour est à CONSTRUIRE patiemment L'ANTAGONISME, dans un processus PROLONGÉ, entre les exploité-e-s et les exploiteurs ; antagonisme idéologique et physique ; et à CONSTRUIRE ainsi les CONDITIONS d'une prise du pouvoir à l'ordre du jour, dans un long processus qui est la GUERRE POPULAIRE, avec son 'étape zéro' faite de la somme de toutes les luttes et résistances populaires antagoniques, puis, lors qu’apparaît un Parti révolutionnaire en lien réel avec les masses, la défensive stratégique, puis l'équilibre (prise du pouvoir à l'ordre du jour) et enfin l'offensive ('mère de toutes les batailles' et prise du pouvoir elle-même). Les luttes sociales et leurs trahisons (et l'agit-prop là-dessus) peuvent, certes, être un outil dans ce combat prolongé, mais c'est un outil tactique, pas une ligne stratégique !

    Aujourd'hui que le Capital lance ses offensives tous azimuts, "c'est en défendant les conquêtes d'hier que l'on prépare celles de demain... et finalement la révolution" nous disent-ils (alors que les troupes des syndicats et organisations 'anticapitalistes' sont clairsemées... et petite-classe-moyenne comme jamais !). Mais en fin de compte ils ne font que cela : défendre, avec un succès variables, les 'conquêtes d'hier'. Pas l'ombre d'un début de conquête révolutionnaire du pouvoir par les prolétaires en vue, faute d'un début de commencement de stratégie révolutionnaire conséquente pour cela ! On 'résiste' et l'on essaye (maigrement) d''accumuler des forces', en attendant non pas Godot, mais les mythiques 'conditions objectives' (là on récite son petit Lénine par cœur) pour le 'Grand Soir' insurrectionnel. Sauf que ces 'conditions objectives', jadis énoncées par Lénine... ne sont en fait pas vraiment des conditions objectives : la SEULE vraie condition objective au renversement du capitalisme, c'est sa crise générale, c'est le fait qu'il ait cessé d'apporter quoi que ce soit de positif à l'humanité et qu'il pourrisse sur pied (condition n° 2 de Lénine, quelque part). Les 'conditions objectives' 1 et 3 de Lénine sont en fait plutôt la concrétisation matérielle de conditions SUBJECTIVES... qui, elles, ne s''attendent' pas, mais se construisent ! [les conditions objectives d'une situation révolutionnaire selon Lénine sont 1/ Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante ; […] que la base ne veuille plus vivre comme auparavant et que le sommet ne le puisse plus ; 2/ Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées ; et 3/ Accentuation marquée de l'activité des masses, qui se laissent tranquillement piller en des temps «pacifiques», mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le « sommet» lui-même, vers une action historique indépendante.]

    Mais surtout, au-delà de tout ceci, il y a fondamentalement la nature et la conception de classe du trotskysme, base de toutes ses oscillations entre ultra-purisme gauchiste et opportunisme éhonté, auxquelles l'on peinerait à trouver une cohérence autrement : les petits néo-bourgeois en puissance, c'est à dire les personnes qui 'entrent' dans la lutte révolutionnaire non pas pour servir le peuple, mais parce qu'elles y voient un moyen (ou le seul) d'accéder à l''importance sociale' qu'elles estiment mériter (mais n'obtiennent pas dans le capitalisme, tel qu'il est à l'instant t) ; une engeance qui peut voir le jour dans la petite-bourgeoisie en déclassement, dans l'aristocratie ouvrière mais aussi jusque dans des catégories très opprimées de la population, comme la communauté juive de Russie qui était, à cette époque, comparable aux Noirs des États-Unis dans les années 1950, et dont était issue Trotsky.

    SCHIVARDIEt il y a une conception de la révolution, et du matérialisme historique, horriblement linéaire, anti-dialectique, incapable de saisir le sens de déploiement périphérie->centre de la révolution prolétarienne, incapable, finalement, de comprendre que la révolution prolétarienne pour le communisme, c'est la réalisation sur Terre de ce mot d'ordre que les chrétiens réservaient au 'Ciel' : "les derniers seront les premiers". La révolution prolétarienne est conçue comme un prolongement de la révolution bourgeoise (c'est très net en 'France', où le 'mythe' de 1789 et 1793-94 est fort), dans un enchaînement 'mécanique' des modes de production : féodalité, capitalisme, socialisme (qui n'est pas un mode de production, mais c'est pas grave...), communisme... Et non pas comme la négation totale du monde que cette révolution bourgeoise (et l'État moderne absolutiste avant elle) a construit ! Il est parfaitement logique que le trotskysme soit ainsi porté par une certaine aristocratie ouvrière et surtout une certaine petite-bourgeoisie ; pas celle des boutiquiers, des petits entrepreneurs et des artisans (qui est spontanément réactionnaire, 'poujadiste', bien que des éléments soient gagnables à la révolution), mais celle des intellectuels, des 'encadrants' de la force de travail, des fonctionnaires etc. : des couches sociales qui DOIVENT leur existence sociale à la révolution industrielle et au stade des monopoles (donc à la révolution bourgeoise, condition de la révolution industrielle)... mais une existence sans pouvoir, que certains éléments veulent donc conquérir. Une conquête passant forcément par un 'prolongement' de la révolution bourgeoise version 'radicale' (1793-94), puisque ces classes sont les purs produits de la révolution bourgeoise et de la révolution industrielle qui a suivi (la classe ouvrière aussi, mais un produit dans l'oppression... et voué au pouvoir dans une révolution prolétarienne véritable, alors que les 'petits chefs' et autres 'petits mandarins' sont voués à la disparition) ! Une révolution bourgeoise 'radicale' caractérisée notamment par le 'ratage' de l'alliance entre la proto-classe ouvrière et la paysannerie (puisque ni l'une ni l'autre ne dirigeaient de toute façon, mais une petite et moyenne-bourgeoisie 'éclairée' et paternaliste), secret de sa faillite thermidorienne et dont Lénine tirera précisément les leçons en théorisant la dictature démocratique conjointe


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    [1] Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.
    Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit.
    Mao Zedong, "Notes de lecture sur le Manuel d'économie politique de l'Union soviétique" (1960). Le même raisonnement peut évidemment s'appliquer entre les différentes régions - les Centres et les Périphéries - d'un même État... http://ekladata.com/m2ZvyhotBW-5-39bNwfYd4vBK-8.png

    [2] -  Thèse "utilitariste" : les luttes des Peuples opprimés sont "utiles" aux travailleurs des Centres de la domination dans leur lutte contre leurs exploiteurs... et soutenues par eux pour autant qu'elles sont ainsi jugées "utiles", mais en perdant de vue que ces travailleurs constituent eux-mêmes un groupe social dominant et privilégié ("construit" dans le privilège sur le dos des opprimés) qui risque donc de "plier" sa conception de l'utilité/intérêt pour lui de ces luttes à la défense de cette position sociale.

    - Thèse "fondamentaliste" : les luttes des Peuples opprimés, selon l'agenda d'eux-mêmes, sont FONDAMENTALES pour "de proche en proche", "en cercles concentriques" (gagnant peu à peu les Peuples "moins" dominés), encercler et ÉTRANGLER les Centres du Pouvoir et enfin les abattre.

    Chez Lénine, on peut estimer qu'il y a un "saut qualitatif" de l'"utilitarisme" vers le "fondamentalisme" entre les "Notes critiques sur la question nationale" (1913) et "La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes" (1916).


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