• redflagdonbassNous avons déjà évoqué dans nos pages le fait que la plupart des "internationalistes" partis combattre dans le Donbass contre l'offensive réactionnaire du nouveau pouvoir de Kiev (infesté de nazillons et à la solde de l'UE et de l'impérialisme US) étaient généralement des "nationalistes révolutionnaires" ou des "eurasistes", autrement dit des petits fachos qui se pignolent sur "l'Europe de l'Atlantique à l'Oural" et la Russie de Poutine comme "forteresse" de l'Europe "blanche et chrétienne", de la "tradition" contre le "mondialisme" etc. etc. - c'est en tout cas clairement le cas de "Français" autour de Victor Lenta ; sans oublier de mentionner toutefois que de l'autre côté un grand (et même sans doute supérieur) nombre de fascistes et autres ultra-réactionnaires sans oublier plusieurs centaines de mercenaires des sociétés militaires privées ("Academi" ex-Blackwater etc.) se sont joints quant à eux à la "Garde nationale" ukrainienne et autres "Bataillon Azov", autrement dit les nazillons du Pravyi Sektor reconvertis en troupes de combat pour suppléer une armée régulière qui semble réticente à aller canarder ses propres concitoyens de l'Est du pays.

    Nous avons même alerté la solidarité internationale de certains pays, où certaines figures comme celle de Victor Lenta ne sont pas connues (normal pour de telles sous-merdes en même temps...), de la présence de ces sombres personnages dont le pedigree ne vaut guère mieux que celui des ultra-nationalistes ruthènes qui arborent Wolfsangel et portraits d'Hitler et affirment vouloir "expurger" le pays de "400.000 Juifs" et de ses "Moskali" (terme péjoratif pour les russophones).

    C'est malheureux à dire, mais pourtant il le faut : nous avons aussi pu écrire que la situation en Ukraine était en quelque sorte l'occupation de la Ruhr de notre époque et qu'elle avait en cela valeur de "test" ; une situation lourde (tant au niveau local qu'international !) de potentiel mobilisateur révolutionnaire/ communiste mais aussi national-socialiste si cette mobilisation devait être captée et mise au service de la "réaffirmation" impérialiste russe, cet impérialisme défait (en 1989-91) et humilié comme pouvait l'être l'Allemagne des années 1920, qui ne vit depuis deux décennies que par et pour la contre-offensive et qui se voit désormais ravir (comme l'Allemagne avec la Ruhr !) l'énorme potentiel productif de l'Ukraine et en particulier du Donbass (jusque-là sous son influence), ce qui représente une humiliation de plus et peut-être de trop. Car en dernière analyse l'"eurasisme" (doctrine d'Alexandre Douguine, qui est une éminence grise du Kremlin comme pouvaient l'être les "néocons" pour la Maison Blanche de Bush-Cheney) et autres idéologies "rouges-brunes", "panslaves" etc. etc. qui animent les combattants du Donbass (autochtones comme étrangers) et que pointent avec un malin plaisir les petits donneurs de leçons "gauchistes" occidentaux, ce n'est rien d'autre que cela : le revêtement "anticapitaliste" et "révolutionnaire", national-socialiste de cette captation des légitimes colères et aspirations du Peuple au service de la "revanche" de l'impérialisme russe.

    Tout dépend donc de la PUISSANCE DE FEU POLITIQUE déployée de part et d'autre. Or, force est de constater que ce "test" s'est révélé à bien des égards négatif : tandis que l'"extrême-gauche" ouest-européenne et nord-américaine ergote, pinaille et discutaille sur le caractère "fasciste"/"rouge-brun" (ou non) de la légitime résistance des travailleur-euse-s du Donbass face à une offensive à la fois ethno-raciste, ultra-capitaliste et impérialiste occidentale ("leur" propre impérialisme donc...), les "NR" occupent tranquillement le "créneau" de la solidarité internationale (la nature ayant horreur du vide). Le potentiel mobilisateur national-"socialiste"/nationaliste-"révolutionnaire" de l'impérialisme russe et de ses partisans internationaux (ceux qui refonderaient volontiers un "nouvel ordre mondial" autour de lui, comme notre "cher" Front National ici !) gagne donc inexorablement du terrain jour après jour et est en passe de conquérir l'hégémonie, aussi fort que nous sommes pathétiquement faibles et englués dans nos atermoiements (il suffit de penser que les Partis communistes des années 1920 avaient été largement plus conséquents sur la question de la Ruhr... et que cela n'avait malgré tout pas empêché la victoire du nazisme 10 ans plus tard !).

    Ukraine-Crimea-pro-Russian-protestersNous nous acheminons donc de plus en plus vers la situation des années 1930 ; situation qui devait à terme se révéler fatale pour le mouvement communiste et révolutionnaire à travers le monde : soit considérer la Russie (comme l'Allemagne hier) comme une "résistance" à l'ordre mondial capitaliste-impérialiste sous hégémonie occidentale et tomber dans ses filets idéologiques "rouges-bruns" comme énormément de socialistes, de syndicalistes et même de marxistes (sans oublier les éléments en lutte des Peuples colonisés/impérialisés) l'avaient fait avec le national-socialisme allemand ; soit la voir comme le nouveau Reich nazi (ce qu'elle pourrait bien devenir un jour, en effet), à la fois projet impérialiste ultra-agressif et "phare" de toutes les ultra-droites européennes (ce qu'elle est déjà en partie...), à combattre à tout prix... en se rangeant dans le "Camp du Bien" des "bons impérialismes" "démocratiques" occidentaux, passant leurs crimes et même leurs responsabilités directes dans l'émergence du monstre (nationaliste grand-russe aujourd'hui comme hitlérien hier) par pertes et profits et tombant (pour faire court) dans les filets intellectuels du "BHLisme" ! 

    Une "alternative" que nous combattons bien sûr de toutes nos forces, si modestes soient-elles, en apportant sur ce "dossier" ukrainien notre SOUTIEN TOTAL ET INCONDITIONNEL 1°/ au DROIT ABSOLU ET INDISCUTABLE du Peuple travailleur russophone à se DÉFENDRE contre le sort que lui promet le nouveau pouvoir de Kiev et 2°/ aux forces qui dans le Donbass comme dans tout l’État ukrainien combattent le nouveau régime sur une ligne marxiste, communiste ou en tout cas progressiste - comme par exemple l'organisation Borotba, dont nous avons traduit de nombreux communiqués et entretiens, mais nous avons aussi parlé de la résistance contre la mobilisation militaire dans l'Ouest (réputé "nationaliste" et anti-russe) du pays. Une position (au demeurant) totalement transposable et que nous avons déjà transposée à d'autres conflits dans le monde, comme en Palestine ou en Irak-Syrie-Kurdistan face à l'"État islamique"...

    Il faut cependant relever que les éléments en provenance de l’État espagnol présentent dans l'ensemble un profil beaucoup plus "rouge" (bien que sans doute très/trop "stal" aux yeux de certain-e-s), s'inscrivant dans (et se réclamant de) la tradition d'internationalisme révolutionnaire dont avaient bénéficié en 1936-39 la 2e République "espagnole" et son Front populaire antifasciste face aux hordes de Franco et à leurs alliés fascistes italiens et nazis allemands. Ceci (comme vous pourrez le lire ci-dessous) n'a d'ailleurs pas été sans générer des tensions avec les éléments réactionnaires (quel que soit le masque "révolutionnaire" dont ils se revêtent) qui combattaient à leurs côtés dans la fameuse Brigade "Fantôme" (Prizrak) du commandant Mozgovoï (dont nous avons également déjà parlé comme d'un représentant typique de ce "national-léninisme" donbassien), les amenant à intégrer une nouvelle unité - l'"Escadron rouge 404" - qui se veut pour sa part "100% communiste".

    Leur témoignage présente sans doute des points de vue assez "idéalistes" quant à la situation et à ses potentialités ; mais il donne néanmoins un aperçu plus qu'intéressant (d'un point de vue - disons - "clinique") sur ce conflit qui est - répétons-le encore une fois - une mise à l'épreuve fondamentale pour l'internationalisme et la conception communiste du monde à l'instant où nous écrivons :


    Témoignage de quatre antifascistes de l’État espagnol combattant dans le Donbass : "Nous avons une occasion unique d'instaurer un État socialiste en Europe"


    Répondant à l'appel international à s'unir à la résistance contre le gouvernement putschiste de Poroshenko, de nombreux volontaires sont arrivés de toute l'Europe dans le Donbass pour lutter aux côtés de la "Nouvelle Russie". Parmi eux, un certain nombre venu de Castille et de Catalogne et qui, après être passés par le Bataillon Vostok, ont décidé d'intégrer la Brigade Prizrak sous les ordres du charismatique commandant Alexeï Mozgovoï. Après un bref passage par les "Brigades continentales" [NDLR le truc tout puant où sévissaient Victor Lenta et ses comparses], les jeunes antifascistes viennent d'intégrer l'Escadron rouge 404 : une unité d'idéologie communiste au sein de la Brigade Prizrak, dans laquelle ils partagent les tâches avec d'autres jeunes révolutionnaires.

    Nous nous sommes entretenus avec Sergio, Héctor, Miguel et Oriol pour en savoir plus sur leur nouvelle vie dans le 404 et les fonctions qu'ils remplissent au sein de la résistance populaire de Novorossiya.

    img-20141109-wa0001Tout d'abord, quand et pour quelle raison avez-vous décidé de venir dans le Donbass pour lutter contre le gouvernement de Poroshenko ?

    Nous sommes tous à peu près d'accord pour considérer le massacre d'Odessa comme le détonateur de notre engagement à venir nous battre ici. À côté de cela, il y a aussi beaucoup d'autres motifs : tenter de contribuer à la création d'un État socialiste en Europe, ainsi qu'aider à défendre la population civile contre les attaques de Kiev. Cette lutte est une lutte contre le fascisme et nous nous sentons redevables vis-à-vis des brigadistes internationaux venus combattre les franquistes en Espagne en 1936.

    Cela ne doit pas être facile d'abandonner une vie normale : famille, amis etc. pour aller combattre dans une guerre où l'on peut laisser sa vie. Cela vaut-il la peine de lutter pour la Nouvelle Russie ?

    Nous sommes parfaitement conscients des risques qu'entraîne notre décision de venir lutter ici, et aussi de ce que nous avons laissé en Espagne, mais la cause en vaut la peine. Nous sommes ici pour lutter contre le fascisme. C'est la première fois depuis des années qu'existe une véritable possibilité de contribuer à la construction d'un État socialiste en Europe. En tant que communistes que nous sommes, nous ne pouvions pas laisser passer cette opportunité historique.

    Vous vous définissez comme communistes. Que signifie pour vous lutter pour la Novorossiya ? Quels sont vos objectifs politiques et militaires ?

    Notre principal objectif militaire et de lutter sans relâche pour libérer le futur État de Novorossiya de la vermine fasciste. Quant aux objectifs politiques, notre tâche principale est de contribuer à la construction d'un État socialiste en Nouvelle Russie, faire activement partie des forces et des unités militaires révolutionnaires et communistes qui luttent ici.

    Comme au Kurdistan ou encore en Palestine, la résistance dans le Donbass est une résistance populaire et politiquement hétérogène mais ce qui retient par exemple l'attention c'est que le leader des milices populaires de Lugansk soit Vitali Victorovitch, un communiste connu de la région. Quelle est la présence réelle et le poids des communistes dans la résistance populaire ?

    escuadrc3b3n-rojo.jpgLa présence des communistes dans la résistance populaire est de premier plan. Il y a deux unités composées entièrement de communistes, l'une dans le Bataillon Vostok et l'autre ici, dans la Brigade Prizrak. Mais il y a aussi des communistes dans les autres unités. Il y a une grande nostalgie pour l'Union soviétique chez les volontaires qui combattent dans les milices populaires. Depuis l'effondrement de l'URSS tout est allé de mal en pis et les gens sont conscients de cela. Nous ne saurions pas dire combien de communistes il y a dans la résistance, mais c'est l'idéologie hégémonique dans les milices populaires [NDLR : bien entendu ce communisme a sans doute des points de vue très nationalistes vis-à-vis de tout ce qui est perçu comme une agression contre le Peuple russe et conservateurs sur tout un ensemble de questions démocratiques (comme nos Partis pro-soviétiques ici encore dans les années 1970 !), que les références enthousiastes à l'époque soviétique et à la Révolution d'Octobre ne doivent pas occulter... et sur lesquels se jetteront bien sûr (comme sur un os à ronger) tous les petits gauchistes de la chaire occidentaux pour mettre sur le même plan l'agresseur et l'agressé : le régime d'ultra-droite de Kiev qui voudrait opprimer, nier voire "nettoyer ethniquement" les populations russophones et maintenant (face à leur résistance) les écrase de bombes, et ces dernières qui ont déjà perdu entre 1.000 et 2.000 combattant-e-s et plus de 4.000 civil-e-s sous lesdites bombes].

    Dans le domaine politique l'idéologie communiste a également un grand poids. Igor Plotnitsky, président de la République populaire de Lugansk, est d'idéologie communiste. Tant à Lugansk qu'à Donetsk les communistes ont un grand poids dans les milices. Beaucoup de commandants et de colonels luttent pour la construction d'une Novorussie libre des fascistes et des oligarques.

    Après être passés par d'autres unités, vous venez d'atterrir dans l'Escadron rouge 404 de la Brigade Prizrak. Pourquoi ce changement ? Parlez-nous un peu de votre vie dans cette nouvelle unité.

    La vie dans cette unité est similaire à celle de toutes les autres unités : même discipline militaire, mêmes horaires et mêmes relèves pour aller au combat. Ce qui change sans doute, c'est la hiérarchie. Ici tout est plus égalitaire, il n'y a pas de commandants. Il y a un commissaire politique qui se charge des comportements, de la discipline et du moral des soldats. Il y a en outre deux leaders : l'un qui se charge de l'entraînement militaire et l'autre qui conduit les camarades quand ils sont au front.

    Le principal motif de notre changement d'unité a été les différences et la diversité idéologique qu'il y avait dans la précédente, même s'il faut souligner que nos commandants militaires ont toujours été communistes. Ces différences ont fait que nous ne nous sentions pas totalement à notre aise. Maintenant, au contraire, nous nous sentons pleinement satisfaits avec nous-mêmes et avec nos nouveaux camarades, ici dans l'unité 404.

    Même si les ultra-nationalistes sont une minorité insignifiante dans la résistance [NDLR là le tableau semble extrêmement angélique...], certains secteurs de la "gauche" les ont utilisés comme prétexte pour justifier les crimes de Kiev et de l'OTAN contre la population civile. Certains en sont même venus à vous traiter de nazis, non seulement vous mais toute la résistance. Que cela vous inspire-t-il ?

    Ukr redflagburningLa gauche qui justifie les massacres de populations civiles par la main des fascistes devrait se poser des questions sur son idéologie. Certains nous ont même qualifiés de nazis, ce qui nous a bien fait rigoler entre nous, petits bruns métissés que nous sommes (rires). Les personnes qui sont venues ici sont les seules qui peuvent parler en connaissance de cause. Tout le reste n'est que spéculation à plus de 3.000 km de distance. Et je veux dire bien clairement [Sergio] que je suis plus rouge que le sang qui coule dans mes veines. Cela personne ne va le changer, aucune opinion extérieure ne peut le changer.

    Selon vous, quelles sont les principales caractéristiques de la lutte en Novorussie : lutte des classes, lutte contre le fascisme, lutte nationale ?

    La lutte pour la Nouvelle Russie est une lutte contre le fascisme, contre l'oligarchie et également une lutte nationale. Nous luttons contre les fascistes de Kiev et contre l'oligarchie qui a mise à sac l'Ukraine post-soviétique. Mais c'est aussi une lutte nationale car le Peuple y défend sa culture, sa langue et les siens.

    Parlons de la guerre, que j'ai pu connaître ici. Comment est la vie au front ? Que peut-il bien se passer dans la tête de quelqu'un lorsqu'il est au combat ?

    La vie ici est dure. On souffre du froid, de la faim et de la fatigue, mais tout cela reste au second plan car nous sommes convaincus de faire ce qu'il faut faire.
    Au front il te passe mille choses par la tête, beaucoup d'adrénaline et parfois aussi la peur de mourir. Parfois tu te demandes ce que tu fais ici.

    img-20141109-wa0017.jpgJusqu'ici, quelles tâches militaires avez-vous accomplies et quel a été votre rôle sur le front ?

    Par sécurité nous ne pouvons pas répondre à cette question. Mais nous pouvons dire que notre unité se consacre à des missions d'infiltration, des attaques sur les arrières de l'ennemi et d'autres types d'opérations spéciales.

    Vous êtes des volontaires luttant sous la bannière de la Nouvelle Russie. Avez-vous connaissance de la présence de mercenaires occidentaux aux côtés des troupes de Kiev ?

    Oui, nous sommes des volontaires qui luttons par engagement personnel et non pour l'argent. Et oui, nous avons connaissance de la présence de mercenaires qui combattent pour Kiev, appuyés et financés par l'OTAN et l'Union européenne, c'est-à-dire les responsables de ce qu'il se passe ici en Ukraine.

    Comment pensez-vous que va se terminer cette guerre ?

    ¡ Venceremos !  La Volonté du Peuple est invincible.


    ... Pas grand-chose à ajouter. Ce que deviendra (localement COMME internationalement) la lutte qui se livre actuellement dans le Donbass est ENTRE NOS MAINS... et pas entre celles de nos "débats" sur le sexe des anges !

    L'impérialisme occidental (dont NOTRE impérialisme bleu-blanc-rouge) à l'offensive veut asservir et massacre les ouvriers et les paysans de l'Est ukrainien aux dépens de son concurrent russe : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP. D'autre part cette politique d'agression systématique (depuis 20 ans) contre la Russie, en tous points comparable au traitement de l'Allemagne après 1918 avec le Traité de Versailles, est en passe de donner naissance à un phénomène de type national-socialiste qui amènerait d'encore plus grandes dévastations à l'humanité : notre responsabilité est de combattre sans pitié cette politique dans nos PROPRES ÉTATS IMPÉRIALISTES OCCIDENTAUX et au nom de nos Peuples FRÈRES des Peuples d'ex-URSS (envers lesquels nous connaissons notre dette historique !) ; et de TOUT FAIRE pour que cet expansionnisme impérialiste occidental n'engendre pas (contrairement au Traité de Versailles hier) une nouvelle hydre nazie (cette fois-ci dans la langue de Tolstoï...) mais au contraire une NOUVELLE RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE, comme celle qui a déjà illuminé cette partie du monde voici près d'un siècle ! N'avons-nous pas ergoté pendant des années, devant la colonisation et l'apartheid sioniste en Palestine ou l'occupation impérialiste de l'Irak (ou encore l'islamophobie ici-même dans nos métropoles impérialistes !), sur le caractère "réactionnaire" ou non de la résistance ? Résultat : DAESH... et les manifs de solidarité avec les Kurdes de Rojava pour y pleurnicher sans rien comprendre à ce qu'il nous arrive ! Il serait agréable au genre humain que nos palabres sur l'Ukraine ne se terminent pas avec ce genre de gars au Kremlin...


    ¡ Venceremos !


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    Alors que les États-Unis tout entiers sont secoués par la colère du Peuple face aux assassinats en série de jeunes afro-descendants par les forces de "l'ordre" capitaliste, voici une information que ne pas diffuser reviendrait à faire un cadeau inacceptable à tous les connards à la Dieudonné et compagnie, qui détournent vers le marécage pestilentiel de l'antisémitisme la légitime résistance et l'affirmation des colonies intérieures de toutes les métropoles impérialistes :

    Blocage autour de la synagogue B’nai Jeshurun contre le racisme et les violences policières

    Le mouvement de protestation contre le racisme et les violences policières qui s’étend à travers les Etats-Unis, de New York à Los Angeles et de Seattle à Miami, ne concerne pas la seule communauté afro-américaine, principale victime des lynchages policiers. Aux côtés des Noirs manifestent aussi des Blancs, des Latinos, des Asiatiques et des membres de toutes les communautés du melting-pot américain. Ainsi, parmi les nombreuses manifestations dans les rues de New York, une a été organisée le 4 décembre à Broadway autour de la synagogue B’nai Jeshurun par des membres de la communauté juive.

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    Plusieurs centaines de personnes se sont ainsi rassemblées devant la synagogue  B’nai Jeshurun à l’appel de Jews For Racial and Economic Justice (Juifs pour la Justice Economique et Raciale). Les manifestants ont ensuite bloqué l’intersection entre la 96th rue et Broadway. Les manifestants ont scandé des slogans en anglais comme  "Black Lives Matter" (Les vies noires comptent), mais aussi en hébreux et en yiddish. Des rabbins ont prononcé le kaddish (prière des morts) pour Eric Garner, Michael Brown et les autres victimes des violences policières.

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    Les manifestants ont également chanté "Daloï Politsey !" ("À bas la police"), chanson révolutionnaire de la rue ouvrière juive sous le tsarisme. Les forces de répression sont intervenues et ont arrêté plusieurs dizaines de manifestants pour "entrave à la circulation", dont les rabbins Rabbi Jill Jacobs et Rabbi Sharon Kleinbaum de la synagogue Beit Simchat Torah, la plus grande synagogue à travers le monde qui célèbre des mariages homosexuels.

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    Arrestation des rabbins Rabbi Jill Jacobs et Rabbi Sharon Kleinbaum
     

    Après les arrestations, un groupe a poursuivi la manifestation sur les trottoirs jusqu’à l’intersection jusqu’à la rue 100th street en scandant des slogans contre les violences policières.

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    La chanson Daloï Politsey sous-titrée en anglais :

    Que cette chanson révolutionnaire yiddish du début du XXème siècle soit chantée en ce début de XXIème siècle à New York ne peut que faire penser à la version anglaise et moderne chantée par Geoff Berner, dont le refrain est devenu "Hey hey daloï politsei, it means the same thing now as yesterday, out of your houses, into the streets, everybody say ‘Fuck the police !'" :

    Même si elle compte aussi - comme ici - ses Zemmour et ses Goldnadel, ses chiens de garde enragés de l'ordre établi et ses sionistes/néocons fanatiques, la communauté juive états-unienne a dans l'ensemble une longue histoire de solidarité avec la lutte des colonisé-e-s intérieur-e-s et en particulier des Noir-e-s. C'est qu'elle se souvient elle-même des "Nègres" - soumis à toutes les vexations et tous les lynchages - qu'étaient ses propres aïeux dans l'Empire russe des tsars et (plus tard) dans l'Europe centrale fasciste et nazie des années 1920-30-40, jusqu'à l'aboutissement final des chambres à gaz d'Auschwitz et Treblinka !

    Et en AmériKKKe même, leur sort face aux tenants de la suprématie blanche-protestante ne fut souvent guère plus enviable que celui des Afro-descendant-e-s :

              6039355 1 lgoodman


    2 commentaires

  • Notre sympathie pour la cause et la lutte andalouse (et réciproquement) n'étant plus guère à démontrer, voici la traduction d'un article "andalousiste" révolutionnaire publié sur le site "Marbella toma la plaza" ("Marbella prend la rue") à l'occasion du 4 Décembre, qui est là-bas (depuis la mort d'un jeune manifestant en 1977) la grande journée d'affirmation militante en tant que Peuple nié par l'État moderne "espagnol".

    http://www.marbellatomalaplaza.net/2014/12/03/4-de-diciembre-dia-nacional-de-andalucia-por-la-emancipacion-de-la-clase-obrera-y-de-los-pueblos/

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    1. Le 4 Décembre dans la lutte des classes : nationalisme et internationalisme

    Historiquement, ce fut le 4 décembre 1868 que naquit le fédéralisme républicain andalou lorsque le peuple de Cadix se souleva contre le gouvernement de Madrid pour exiger plus d'auto-gouvernement. Par ailleurs, le 4 décembre 1977, deux millions d'Andalou-se-s descendirent dans la rue pour réclamer leurs droits en tant que travailleurs/euses et en tant que Peuple à une dictature agonisante - qui n'en finissait pas de mourir en continuant à tuer toujours plus. Les aspirations nationales et internationales s'unirent dans un même acte de révolte, dans un des plus puissants processus révolutionnaires de notre histoire récente. La lutte pour sa terre et pour sa classe fut ce qui conduisit Manuel José García Caparrós à descendre dans la rue ce jour-là ; et ce pour quoi il fut assassiné par les forces répressives de la droite oligarchique fasciste "espagnole".

    Dans la lutte des classes, nationalisme [NDLR : nous dirions quant à nous "affirmation en tant que Peuple face à l’État-(pseudo-)"nation" négateur] et internationalisme sont les deux faces d'une même pièce. Les nations sont des catégories historiques dynamiques et ouvertes [NDLR : lire ici] ; des ensembles articulés de rapports socio-économiques ; des cadres différenciés dans lesquels se déroulent les conflits sociaux entre classes. Ne pas comprendre la question national dans le processus révolutionnaire signifie échouer au moment d'en finir avec le capitalisme. La question nationale est une question dialectique dans laquelle des forces contradictoires sont en lutte, mais peuvent et doivent se conjuguer pour atteindre un objectif concret : la fin du capitalisme.

    D'un côté, la classe ouvrière est internationale : un ouvrier basque, andalou, nord-américain, japonais ou angolais occupe exactement la même place dans la chaîne de production, celle de générateur de plus-value pour que la bourgeoisie la lui vole. Mais de l'autre, chaque travailleur et travailleuse fait partie d'un Peuple et d'une nationalité concrète, avec son histoire, sa langue, sa culture, ses traditions - en résumé, son identité. L'idée consiste à conjuguer internationalisme et nationalisme pour, d'une part, défendre notre héritage culturel comme nation et de l'autre, défendre à la classe laborieuse dans son ensemble contre la bourgeoisie. Nous ne pouvons pas permettre que la question nationale divise la classe laborieuse dans sa lutte contre le capitalisme, mais nous ne pouvons pas non plus permettre que l'on fasse taire la voix des Peuples en lutte pour leur identité nationale. 

    Avant toute chose, il faut préciser que lorsque nous parlons de nationalisme nous ne parlons pas de nationalisme bourgeois, du nationalisme du PNV ou de la CiU, partis de droite représentant la bourgeoisie basque ou catalane et utilisant les honnêtes sentiments populaires au service de leurs buts économiques d'exploitation des classes laborieuses de leurs nationalités respectives. Lorsque nous parlons de nationalisme nous parlons de souverainisme, c'est-à-dire du droit qu'ont les Peuples de décider de leur propre destin. Pour cela nous devons défendre sans l'ombre d'une hésitation le droit à l'autodétermination des Peuples du monde entier, pour que chaque nation puisse décider librement de son degré d'autonomie.

    Nous devons, cependant, également souligner que l'indépendance des nations opprimées dans le cadre du capitalisme ne résoudra pas les problèmes de la classe laborieuse de ces nations. Le souverainisme et l'anticapitalisme doivent aller de pair. Dans le cas contraire cela reviendrait à changer un maître pour un autre, à échanger la bourgeoisie étrangère contre la bourgeoisie nationale. Et notre lutte est une lutte contre la bourgeoisie, quelle que soit sa nationalité. Pour vaincre nous devons obtenir l'unité des classes travailleuses, quelle que soit leur nationalité. Nous ne devons pas rentrer dans le jeu des bourgeoisies qui, qu'elles soient espagnole ou périphériques, agitent hypocritement des drapeaux pour diviser la classe laborieuse et ainsi mieux nous exploiter, et n'hésitent pas ensuite à pactiser entre elles pour des questions économiques et sociales.

    En résumé, la libération d'une nation opprimée passe par l'émancipation de classe. Nous ne serons pas véritablement libres en tant que Peuple si nous n'en finissons pas avec le système qui nous opprime en tant que classe sociale.

    D'un autre côté, la Révolution est quelque chose de très contagieux. Lorsqu'elle triomphe dans une nation, elle tend à se propager aux autres pays. C'est pour cela qu'il faut tisser des liens avec la classe ouvrière des autres Peuples et nations pour que la révolution s'étende le plus rapidement et efficacement possible, pour construire un cadre économique solidaire entre les Peuples afin de compenser les déficiences économiques de chaque nationalité (que ce soit au niveau technico-industriel ou au niveau des matières premières et de l'alimentation) et pour éviter que la révolution ne reste isolée ou n'échoue à cause de ses contradictions internes.

    [Note SLP : Il faut s'arrêter ici pour relever combien, de notre côté des Pyrénées, de tels propos seraient la porte ouverte à toutes les contre-"argumentations" et les attaques "marxistes" ou "anarchistes" qui les ramèneraient pratiquement à du "fascisme identitaire" (suivant le concept de "moins je suis intelligent plus je m'en donne l'air") : il faut dire que dans l’État espagnol on peut se permettre de s'exprimer plus "librement", c'est-à-dire de manière moins rigoureuse sur ces questions de nationalités/peuples car leur rejet sous un masque "de gauche" est extrêmement marginal (même les fascistes d'ailleurs ne nient pas vraiment l'existence des Peuples mais affirment la primauté de la "famille Espagne"). En réalité, le "nationalisme"/"souverainisme populaire" (= affirmation de Peuple) ne se "conjugue" pas avec la lutte des classes (et sa dimension internationaliste) : il EST la lutte de classe du Peuple travailleur sur un territoire déterminé, face à un État produit et instrument du capitalisme et (dans le cas bien sûr des grands États comme la France, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Italie etc.) de la nécessité pour celui-ci d'établir et d'étendre en permanence sa base d'accumulation - en l'occurrence sa base d'accumulation première, pour ce qui est des États modernes construits entre le Moyen Âge et le 19e siècle. Si l'on laisse de côté les bourgeoisies nationales (des nationalités réelles) qui lorsqu'elles s'en sentent la capacité (comme au Pays Basque "espagnol" ou en Catalogne) peuvent militer pour avoir leur propre État capitaliste, nous avons donc d'un côté des PEUPLES TRAVAILLEURS qui sont des ensembles humains unis par les mêmes caractéristiques culturelles (fruits d'un continuum historico-social) et la même position sociale (personnes dont les revenus proviennent exclusivement de l'emploi de leur propre force de travail et non de celle des autres), et de l'autre des ÉTATS qui sont les quartiers-généraux de la bourgeoisie (personnes vivant principalement du produit de la force de travail d'autrui) mais aussi (c'est important !) les râteliers d'un grand nombre de petits bourgeois, y compris (s'affirmant) "de gauche" voire "d'extrême-gauche", qui leur doivent leur position sociale et s'acharnent donc à les défendre comme des "nations" "cadres de la lutte des classes" ou encore à prôner leur "dépassement" vers un "universel" abstrait, contre ceux qu'ils accusent (dans tous les cas) de vouloir "faire tourner la roue de l'histoire à l'envers", "revenir aux duchés du Moyen Âge" etc. etc. La question de l'identité culturelle "nationale" niée par les États du Capital est le reflet superstructurel de la transformation de la communauté des producteurs (lors de l'accumulation première capitaliste et par la suite, sous la "révolution industrielle" et jusqu'à l'époque des monopoles) en une "juxtaposition de solitudes" vendeuses de force de travail, génératrices de plus-value et consommatrices de marchandises (car lorsque la valeur produite est "enfermée" sous forme de marchandise, il faut bien fourguer celle-ci pour "réaliser" la plus-value !) ; bref de la construction de ce que le géant communiste italien Renato Curcio a appelé la Cité des Spectres. Même les masses travailleuses de la nationalité "centrale" (celle dont la classe dominante a construit l’État en annexant d'autres nationalités) ont au demeurant subi une telle négation de leur culture populaire, reflet culturel de leurs solidarités "ancestrales", même si la construction de l’État (comme "bassin" économique capitaliste) en Centres et Périphéries les "privilégie" en son sein. La lutte des classes consiste donc à abattre l’État produit et instrument du Capital (sauf à considérer celui-ci comme une entité "neutre", ce qui relève du pire opportunisme) par l'affirmation unie des Peuples exploités et niés qu'il renferme ; et cette affirmation consiste entre autres choses à se réapproprier et réaffirmer la culture populaire nationale (en effet !) qui a été écrasée dans le cadre de la transformation du Peuple en juxtaposition de producteurs (par leur travail comme par leur consommation) de plus-value. L'unité indispensable des Peuples d'un même État (sans même parler d'au-delà !) n'implique pas que les Peuples s'auto-nient au profit de la fausse "nationalité" étatique ou d'un "prolétariat qui-n'a-pas-de-patrie" abstrait, autrement dit qu'ils tombent dans les pièges idéologiques de l’État-appareil-du-Capital lui-même.]


    2. L'Andalousie et l’État espagnol

    La classe laborieuse ne vit pas dans des réalités aseptisées, mais dans des réalités socio-économiques très concrètes. Le Peuple andalou, qui est l'une des nations les plus anciennes de l'histoire, a toujours été relié d'une manière ou d'une autre avec les autres populations de la péninsule ibérique et de la Méditerranée, tissant des milliers de liens économiques, sociaux et politiques. Certains de ces liens furent volontaires, mais la grande majorité furent hélas imposés par la force depuis l'extérieur. Le Peuple andalou a toujours été marqué par la richesse naturelle de son territoire (agriculture et matières premières), pour le meilleur et pour le pire. L'organisation de la terre cultivable en grandes propriétés (latifundias) a toujours lourdement pesé sur la vie économique de notre Peuple tout au long de son histoire, rendant impossible le développement industriel de notre terre. L'oligarchie andalouse, exploiteuse historique de la terre, a toujours participé au système de pouvoir espagnol, extrayant les ressources de l'Andalousie pour son négoce avec l'extérieur [NDLR : nous avons vu que suite à la conquête commencée en 1212 (Navas de Tolosa) et achevée en 1492 sous les murs de Grenade, cette grande propriété foncière est principalement issue de nobles castillans implantés aux dépens de l'élite "maure" antérieure, de manière totalement coloniale - ainsi la duchesse d'Albe récemment décédée, issue d'une très vieille famille aristocratique castillane qui s'est notamment "illustrée" dans la répression de la lutte nationale bourgeoise en Belgique et aux Pays-Bas, possédait plusieurs milliers d'hectares en Andalousie. Un procédé finalement assez comparable a celui de l'expropriation des petits seigneurs occitans - faidits - par les chevaliers francs de Simon de Montfort au 13e siècle ; d'ailleurs les petits nobles "maures" dépossédés prendront la tête de plusieurs révoltes jusqu'à leur ordre d'expulsion définitive en 1609. La bourgeoisie andalouse qui a, pour sa part, longtemps et durement mené la lutte pour une république bourgeoise de vision assez démocratique (... et remplit aujourd'hui les rangs du PSOE, dont l'Andalousie est un bastion) est quant à elle issue de la classe marchande "maure" ou juive convertie (de force) au catholicisme et "passée à travers" des persécutions]. C'est de cette manière que l'une des terres les plus riches d'Europe s'est vue plongée dans la misère. Ceci n'est pas "la faute à pas de chance" ou dû à l'"indolence" des Andalou-se-s. La situation de misère actuelle est bel et bien le fruit de l'exploitation capitaliste sous les auspices du gouvernement étatique central associé à l'oligarchie andalouse, qui ne permet pas au Peuple travailleur andalou de relever la tête.

    Le 4 Décembre, jour d'affirmation révolutionnaire du Peuple andalou

    L'Andalousie est à l'heure actuelle intégrée à l’État espagnol, un État constitué de différentes nationalités périphériques unies au pouvoir central par le "droit" de conquête. La faible bourgeoisie espagnole n'a jamais pu étouffer l'identité des différentes nations périphériques et s'est trouvée incapable de construire un État national unifié par les voies économiques, obligée dès lors d'employer la force pour maintenir son unité étatique "espagnole" (la dernière fois lors de la guerre civile) [cela aussi nous l'avons analysé à plusieurs reprises : "au terme de ce "Siècle d'Or" que l'on peut considérer révolu au milieu du 17e siècle, la Castille qui a achevé la "Reconquista", unifié politiquement la péninsule et "découvert" les Amériques n'a pas su mettre à profit cet imperium mundi pour s'ériger en PUISSANCE ÉCONOMIQUE, en véritable CENTRE DIRIGEANT de la production capitaliste ibérique" ; "l’État "espagnol" castillan (...) n'a pas su ensuite fortifier ÉCONOMIQUEMENT sa position dominante (ce que l'Empire colonial permettait pourtant largement, mais il a dilapidé ce "capital" !), ne pouvant plus dès lors s'imposer que par la force ainsi que par le soutien d'une puissance "tutélaire" (la France du règne de Louis XIV jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, puis les États-Unis dans le cadre de la Guerre froide et désormais la "Banane bleue" européenne)"].

    En étudiant l'histoire de l'Espagne il apparaît de manière évidente que ce pays, comme État unifié et projet volontaire des habitants de la péninsule ibérique, n'a jamais existé en tant que tel. Sous la domination romaine, les différents Peuples péninsulaires furent unis dans une province romaine appelée "terre des lapins" : Hispania. L'unité passa ensuite par la domination wisigothe [c'est d'ailleurs de l'aristocratie wisigothe convertie au catholicisme après un coup d’État puis réfugiée au Nord de la péninsule (sur la côte atlantique) devant la conquête arabo-berbère (accueillie comme une libération par de larges secteurs de la population) qu'est issue la classe dominante castillane] puis par la conquête et l'unification promues par les Royaumes de Castille et d'Aragon, la domination de la maison autrichienne des Habsbourg (Charles V - Quint - du Saint-Empire) et enfin celle de la dynastie française des Bourbons (Philippe d'Anjou). Pas même au 19e siècle, avec l'émergence des grands États "nationaux" européens, la bourgeoisie "espagnole" n'a réussi à obtenir l'unité réelle de son État. Cependant, la droite espagnoliste alliée à l’Église catholique a pu pendant 40 ans de dictature franquiste tenter d'imposer par la force l'idée d'unité de l'Espagne aux différents Peuples. Ce discours mensonger et lancinant s'est poursuivi durant et après la Transition [1975-82], sous les différents gouvernements PP et PSOE qui ont fait des concessions à la droite nationaliste (PNV et CiU) mais ont persisté à nier le droit à l'autodétermination des Peuples de l’État espagnol.

    L’État espagnol est une prison de nations opprimées, et l'Andalousie est l'une des plus opprimées de toutes par le pouvoir central depuis des siècles. La fin du capitalisme dans l’État espagnol passera obligatoirement par la Libération nationale des Peuples opprimés qui le composent.


    3. Manuel José García Caparrós : ton souvenir est notre force pour continuer la lutte

    caparrosarbonaida

    Mon frère était un jeune homme joyeux, s'il entrait 24 fois à la maison il embrassait 24 fois mon père et autant pour ma mère (…)”

    Manuel José était un jeune homme de 19 ans comme n'importe quel autre, mais il était aussi un révolutionnaire comme il y en avait peu. Ouvrier dans une fabrique de bière de Malaga et militant du PCE et des CCOO [le syndicat du PCE], il y avait en lui cette force irrépressible de la classe ouvrière qui permet la transformation de la société. L'Andalousie était sa terre et sa classe était la classe des travailleurs. Comme des centaines de milliers d'autres malaguènes, il participa le 4 décembre 1977 à une grande manifestation pour revendiquer le droit des travailleurs/euses à se libérer du joug capitaliste et le droit du Peuple andalou à décider de ses relations avec l’État espagnol. L'Andalousie exigeait sa liberté après des siècles sous la botte des propriétaires fonciers. Les travailleurs/euses andalou-se-s voulaient la révolution, en finir radicalement avec l'oppression qu'ils/elles subissaient, gagner la liberté que leur avait refusée la dictature fasciste de Franco, laquelle avait survécu à la mort du dictateur.

    La dictature faisait peau neuve pour que les fascistes de toujours puissent de maintenir au pouvoir. L'oligarchie entrepreneuriale-bancaire-agraire, celle des 100 familles, continuait à dominer sous l'aile protectrice de l’État et ne pouvait accepter une explosion révolutionnaire de la classe ouvrière et des Peuples opprimés. La machine de répression fasciste était en pleine forme et ce 4 décembre-là son bras exécutant assassina un travailleur de 19 ans qui exigeait la dignité pour sa classe et pour sa terre. Ce jour-là la droite tua un homme, mais jamais le révolutionnaire.

    Juanjo Muñoz

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    Pour les castillanophones, un document de 25 pages à lire absolument : ANDALUCÍA, UN PAÍS CON HISTORIA

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    2 commentaires

  • Publié sur Facebook par l'excellent Alèssi Dell'Umbria :

    "Il y a 40 ans jour pour jour, le 2 décembre 1974, le grand Lucio Cabañas mourrait sous les balles des militaires au terme d'un affrontement dans la Sierra de Atoyac, dans l'État de Guerrero. Bien avant de fonder le Parti des Pauvres et sa Brigade de Justice, Cabañas avait fréquenté cette même école d'Ayotzinapa dont 43 élèves ont été enlevés voici deux mois par les flics narcos et qui sont toujours portés disparus. En ce 2 décembre, alors que tout le Mexique est traversé par des manifestations, alors que de nombreuses communautés du Guerrero viennent de décider de s'organiser en Conseils autonomes, alors que le seul appui qu'ont reçu les parents des 43 disparus est venu des polices communautaires indigènes du Sud du Guerrero, on ne peut pas oublier que la genèse de toute cette barbarie narco-politique se trouve quarante ans auparavant, dans la guerre contre-insurrectionnelle menée dans ce même État contre les guérillas paysannes. On ne peut plus ignorer qu'il n'y a pas d'un côté des narcotrafiquants et de l'autres un État vertueux : l'alliance des narcos, de la classe politique et des autorités militaires s'est nouée il y a 40 ans et est devenue le mode normal de gouvernance dans tout le Mexique en général, et dans le Guerrero en particulier. ¡ Lucio Cabañas vive, la lucha sigue ! ¡ Nos faltan 43 !"


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    Petite traduction libre de l'article Wikipédia en anglais : Lucio Cabañas Barrientos (né le 12 décembre 1938, mort le 2 décembre 1974) était un instituteur rural mexicain devenu guérillero révolutionnaire, bien que non-marxiste : son modèle absolu était Emiliano Zapata et il n'abandonna jamais sa foi chrétienne, comme le montre le documentaire que Gerardo Tort lui a consacré. Né dans la localité d'El Porvenir à Atoyac de Álvarez, il commence à militer alors qu'il est encore étudiant à l’École normale rurale de l'
    État de Guerrero (école de formation des instituteurs ruraux, à Ayotzinapa donc). Il est élu en 1962 secrétaire général de la Fédération des étudiants paysans socialistes.

    Devenu instituteur, il se heurte à un directeur d'école qui veut imposer le port de l'uniforme aux élèves, aux frais des familles bien sûr, ce à quoi il rétorque que la plupart des parents d'élèves n'ont même pas de quoi nourrir leurs enfants : le directeur est remplacé mais nombre de ses partisans restent. Lorsque le 18 mai 1967 un mouvement de grève se termine par une fusillade et de nombreux morts, il prend le maquis dans la montagne et s'y joint au groupe de Genaro Vázquez Rojas (l'Association civique nationale révolutionnaire - ACNR - qui mène déjà des actions de guérilla depuis plusieurs années) jusqu'à la mort de ce dernier, tué par l'armée en février 1972.

    Cabañas prend alors la tête de son propre groupe, le Parti des Pauvres (PDLP) dont la branche armée est la Brigade paysanne de Justice (Brigada Campesina de Ajusticiamiento, "pour se rendre justice" serait la traduction exacte). L'organisation compte environ 300 membres opérant principalement dans la Sierra de Atoyac, où le gouvernement bourgeois dépêche plus de 16.000 militaires (!) pour leur donner la chasse (une cinquantaine seront tués). En décembre 1974 le PDLP capture la pourriture d'oligarque Rubén Figueroa, sénateur PRI (le parti de pseudo-"gauche" qui a gouverné le Mexique sans interruption de 1929 à 2000 et de nouveau depuis 2012) et futur gouverneur du Guerrero. C'est lors d'une tentative de libération de ce dernier par l'armée que Lucio Cabañas trouve la mort ; bien que certains nieront celle-ci ou diront qu'il a d'abord été capturé puis exécuté extrajudiciairement.

    Quoi qu'il en soit, sa figure historique est devenue un emblème et un signe de ralliement pour toute la gauche populaire militante du Guerrero et de tout le Mexique, comme par exemple lors de la "Commune de Oaxaca" (2006) où son portrait côtoyait ceux du Che ou de Lénine.

    Sa dernière compagne Isabel Ayala Nava, qui avait poursuivi dans le militantisme social depuis les années 1970, a elle aussi péri assassinée dans des circonstances non-élucidées en juillet 2011 - il semblerait qu'elle exigeait une enquête sur l'assassinat d'un de ses frères.

    Le Parti des Pauvres prendra quant à lui un tournant nettement plus marxiste en fusionnant avec le Procup (Parti révolutionnaire ouvrier clandestin - Union du Peuple) en 1982. Le Procup-PDLP, dont on peut lire un très bon document ici, est à l'origine des deux principales guérillas opérant actuellement dans la Mixteca (États de Guerrero et Oaxaca) : l'EPR/PDPR (Armée populaire révolutionnaire/Parti démocratique populaire révolutionnaire) et l'ERPI (Armée révolutionnaire du Peuple insurgé, scission de la première sur une vision plus "horizontaliste"/"basiste" de la lutte révolutionnaire et de la société à construire, ce qui en ferait finalement nos "préférés" : ils ont entendu et répondu aux bonnes questions soulevées par le zapatisme sans pour autant jeter le marxisme aux orties - l'ERPI a par ailleurs annoncé la création d'une "brigade punitive" contre les personnes et les intérêts du cartel des Guerreros Unidos, en réponse au massacre d'Iguala).

     


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  • Ce week-end se déroulaient deux évènements de première importance pour les deux grands partis de la bourgeoisie ouvertement réactionnaire en Hexagone.

    Nous ne nous étalerons pas sur une analyse de ces forces politiques déjà maintes fois faite, mais nous relèverons simplement les quelques tendances qui se dégagent.

    Du côté de la bourgeoisie réactionnaire plus "sociale"-"étatiste" et moins "main invisible du marché" ("Nous sommes les seuls raisonnables, rejetant à la fois l'ultra-étatisme et l'ultralibéralisme"), plus souverainiste (eurosceptique pour ne pas dire europhobe) et plus tournée vers la Russie que vers l'alignement atlantique traditionnel ("Notre Europe va de l'Atlantique à l'Oural, pas de Washington à Bruxelles", sans parler du prêt de 9 millions d'euros consenti par une banque russe et de la présence au congrès de deux hauts responsables du régime de Poutine), nous avons bien sûr nommé le FN qui tenait son congrès à Lyon presque quatre ans après celui qui avait vu Marine Le Pen prendre la tête du parti, cette dernière a été reconduite dans sa fonction on ne peut plus confortablement... en l'absence de concurrent (100% des voix) : http://www.lexpress.fr/actualite/politique/fn/au-congres-du-fn-marion-marechal-le-pen-devance-de-tres-loin-florian-philippot_1627326.html.

    congresFNLyon.jpgMais plus intéressante a été l'"élection" (en fait une succession de votes plébiscitaires) au "Comité central" du Front, sorte de "parlement interne" : on y a vu la nièce de la présidente, Marion Maréchal-Le Pen, plébiscitée par plus de 80% des voix très loin devant... Florian Philippot (quatrième avec 69%), le désormais incontournable porte-parole de la "ligne Marine" que l'on voit sur tous les plateaux télé. Or Marion Maréchal est justement l'incarnation de la "légitimité dynastique" et surtout des "fondamentaux" du lepénisme, sur une ligne très extrême-droitière tandis que Philippot est bien sûr le principal artisan et représentant du "relooking" mené depuis 2011 sur une ligne "chevènementiste", "souverainiste-antilibérale ni droite ni gauche", ligne qui a permis au FN de quadrupler ses adhérents (83.000 contre 23.000 lors du précédent congrès) et de connaître les triomphes électoraux que l'on connaît (hélas) au printemps dernier mais qui est aussi très contestée par la "vieille garde" et le "noyau dur" militant "historique". Est ainsi souvent mise en avant (par les participants au congrès) la participation de Marion Maréchal à la "Manif pour tous" homophobe qui avait mobilisé plusieurs millions de personnes début 2013 ; mobilisation sur laquelle Philippot avait préféré placer le Front National "en retrait" dans une tentative (peut-être) d'apparaître plus "ouvert" et "moderne" que l'aile droite de l'UMP. Il ressort en fait de tout cela que la FN n'a pas pu "grossir" autant sans développer d'importantes contradictions internes. En parlant de "vieille garde", Bruno Gollnisch (qui était là sur ses terres) a également obtenu un score respectable avec le "plébiscite" de 65% des votants. Si la deuxième place du conjoint de Marine Le Pen (et accessoirement représentant du vote pied-noir du "Midi") Louis Aliot n'est pas une surprise, il faut en revanche relever la troisième (70%) du ch'ti Steeve Briois, incarnation à la fois de la ligne historique "nationaliste populaire"/"droite ouvrière" (il n'est nullement une nouvelle recrue de l'"ère Marine" et milite au Front depuis 1988, mais il est typique de la percée de l'extrême-droite en milieu ouvrier à cette époque) et de la "marche au pouvoir" puisqu'il est la figure emblématique des victoires aux dernières municipales (élu dès le premier tour !), ainsi que de la ligne de "conquête des classes populaires abandonnées et trahies par la gauche"... Ligne évidemment soutenue par Philippot ; mais ce dernier incarne un côté "techno" "sorti des grandes écoles" (HEC et ENA) là où Briois incarne l'extraction populaire et "l'homme de terrain".

    En tant que communistes et antifascistes, notre objectif n'est pas de jouer à la boule de cristal mais de "blinder" le camp populaire révolutionnaire (ou du moins viscéralement antifasciste, anti-réactionnaire, antiraciste etc.) en parant à toute éventualité. Si le Front National parvient à surmonter ces contradictions, il sera alors un candidat très sérieux pour ne pas dire certain au pouvoir en 2022 voire dès 2017 (où c'est cependant l'actuelle UMP qui devrait l'emporter) ; la situation étant alors bien évidemment pire que tout ce que des gens de 30 ou 40 ans ont peu connaître depuis leur naissance. Mais il peut aussi éclater sous ces contradictions comme il l'avait fait en 1999 après une décennie de grands (sans doute trop grands) succès (sans être cependant monté aussi haut qu'il ne l'est maintenant) : seuls les imbéciles se réjouiront alors car nous avons vu qu'un tel éclatement conduit, comme un abcès qui crèverait à l'intérieur du corps, à une contamination septicémique de tout le champ politique bourgeois par les thématiques d'extrême-droite.

    696858-ide-ump-election-president-141129-01Du côté de la droite plus "traditionnelle", "atlanto-occidentaliste", économiquement libérale et géopolitiquement européiste (non sans critiques voire scepticismes ici et là), autrement dit l'UMP (qui devrait bientôt changer de nom), on votait pour élire le président du parti... ce qui devait signer le "grand retour" de Nicolas Sarkozy. Eh bien en fait de grand retour, celui que ses partisans espéraient à 70 voire 80% doit se contenter d'un modeste 64,5% face au pourtant bien terne Bruno Le Maire qui avoisine les 30% : http://www.liberation.fr/politiques/2014/11/29/forte-mobilisation-des-militants-ump-pour-l-election-du-president-du-parti_1153259.

    Certes, comme le font remarquer les commentateurs, les 85% obtenus lors de sa précédente candidature il y a 10 ans l'avaient été face à deux candidats de courants très spécifiques et minoritaires, l'anti-européiste viscéral Dupont-Aignan (qui a quitté l'UMP depuis) et l'ultra-catholique (mêlant doctrine sociale de l’Église et ultra-conservatisme sur les questions de société) Christine Boutin ; alors que "là il était face à un vrai représentant de la ligne centriste"... c'est vrai, mais c'est justement tout le problème.  

    Ce qui apparaît en réalité, bien que nous n'observions pas le score ultra-serré et la terrible division que l'on avait pu voir lors de la précédente élection entre Copé et Fillon, c'est que (comme nous l'analysions déjà à l'époque) l'UMP forgée au début des années 2000 face à une "gauche" bourgeoise recentrée qui - dans la lignée de Blair ou Schröder - semblait avoir écarté à jamais la droite du pouvoir regroupe en réalité des gens qui n'ont pas grand-chose à faire ensemble et, quand bien même une grande partie du "problème" aurait déjà été "ventilé" vers l'UDI de Borloo, tend à éclater dans le nouveau contexte de crise capitaliste au stade terminal face à une gauche pulvérisée dans l'opinion après moins d'un an de pouvoir et un FN que 99% des enquêtes d'opinion annoncent déjà en tête du premier tour de la présidentielle 2017 : d'un côté une ligne de centre-droite mêlant les traditions démocrate-chrétienne (jamais vraiment assumée sous ce nom en Hexagone "laïc", sauf par Boutin mais pour le coup c'est beaucoup plus un catholicisme social-conservateur), libérale, radicale de droite (valoisienne) et "gaulliste sociale" (ces deux dernières revenant peu ou prou au même) ; de l'autre une droite décomplexée réunissant le "vrai gaullisme" (nationaliste et conservateur voire réactionnaire, façon Guaino ou "Droite populaire"), les épigones libéraux-conservateurs de Margaret Thatcher (représentés ce week-end face à Sarkozy par Hervé Mariton) et les lecteurs discrets (aux WC) de Maurras et Barrès, bref ceux que nous avons déjà qualifiés de Fédération républicaine de notre époque (ce parti de la droite "dure" sous la 3e République qui fournira à Vichy bon nombre de ses principaux cadres, notamment son "Goebbels" Philippe Henriot et son commissaire général aux questions juives Xavier Vallat, le phénomène "Bleu Marine" s'apparentant quant à lui au Parti social français de La Rocque).

    Une droite "décomplexée" qu'incarnait a priori Sarkozy ("inventeur" de la notion), quoique de manière volontairement moins clivante et (on l'a dit) face à un candidat moins "sérieux" que Copé face à Fillon il y a deux ans ; et qui surtout regarde de plus en plus (comme en témoignent toutes les enquêtes) vers l'alliance avec le FN et les "valeurs communes" :

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    De fait, le pire scénario pour 2017 serait sans doute celui de deux candidatures UMP concurrentes comme Chirac et Balladur en 1995, sauf que cette fois cela déboucherait sur un FN très largement en tête au premier tour et peut-être vainqueur au second - ce scénario semble cependant improbable vu qu'une primaire est prévue pour désigner le candidat UMP à la présidentielle, que le parti ne compte plus vraiment de "têtes brûlées" capables d'une telle chose et que tant la base que le sommet semblent bien conscients d'une telle menace. Mais même dans le cas d'une candidature unique, la grande question sera alors de mener une campagne plutôt droitière dans l'idée d'"arracher" des électeurs au Front National, ce qui correspondrait a priori au "profil" de Sarkozy (mais beaucoup tomberont-ils dans le panneau une nouvelle fois, après l'avoir déjà fait élire en 2007 et été déçus ?), ou au contraire une campagne centriste dans la perspective de capitaliser sur un électorat de centre-gauche qui a déjà fait son deuil du deuxième tour 2017 et ne cherche plus qu'à éviter le "pire" (le FN au pouvoir...), ce pourquoi un Alain Juppé serait logiquement plus qualifié... Sachant que dans tous les cas, après les sifflets et les cris d'"Abrogation !" essuyés par Sarkozy (lors d'un meeting) au sujet du mariage pour tou-te-s, semble se dessiner ce que relève (en grand connaisseur du "peuple de droite", et pour cause) Éric Zemmour, à savoir l'émergence d'un véritable lobbying de droite qui veut faire pression sur les directions pour obtenir, en cas d'alternance, une véritable politique de droite satisfaisant ses revendications et non plus seulement "faire barrage à la gauche" pour voir ensuite les "appareils" mener une politique centriste ; bref ce qui selon Zemmour "existe déjà à gauche" avec les "syndicats notamment de fonctionnaires", les "lobbies sociétaux notamment LGBT", les écolos ou encore les "associations de banlieue".  Car il est vrai que si - comme nous l'avons analysé - le capitalisme en crise sécrète une pensée dominante de plus en plus réactionnaire, un "peuple de droite" de plus en plus à droite et un "peuple de gauche" de plus en plus résigné, désemparé, politiquement pathétique comme un Domenach face à Zemmour sur i>Télé et bien souvent... de plus en plus centriste, ceci - une fois les bulletins déposés dans l'urne puis dépouillés et la droite élue - ne s'est jusqu'à présent que peu traduit dans la politique menée ensuite, le contraste le plus flagrant étant sans doute celui entre la campagne "buissonnière" de Sarkozy en 2007 et la politique de centre-droite tout ce qu'il y a de plus classique menée pendant les 5 années suivantes (avec un FN à presque 20% à l'arrivée). Or dans une mécanique où les fractions du Grand Capital monopoliste (et notamment la fraction rendue la plus agressive par la crise) ne "fabriquent" pas les politiciens qui "fabriqueraient" ensuite "l'opinion", mais "fabriquent l'opinion" qui votera ensuite pour les politiciens les plus conforme aux intérêts du Capital, il est évident que cela ne peut plus durer et qu'il faut "secouer" la "caste" politique afin qu'elle se décide à mener des politiques "tranchées" (dans le sens des intérêts de l'impérialisme bleu-blanc-rouge) et non plus des politiques "consensuelles" de satisfaction de tous et toutes : il "faut" déterminer une fois pour toute des secteurs sociaux auxquels la politique menée sera favorable et d'autres auxquels elle sera ouvertement hostile ("immigrés" et descendants, "assistés" en tout genre, Rroms, jeunes "babas cools" "peu productifs" alors un de plus ou un de moins - n'est-ce pas Rémi Fraisse ? - etc. etc.).

    allianceUMP-FN1

    En attendant et contrairement aux apparences, le FN de Marine Le Pen n'est pas du tout hostile à de tels rapprochements avec la "droite républicaine" mais intelligemment, c'est à dire en "tissant sa toile" à la base et en jouant celle-ci contre les "appareils" : une stratégie qui a déjà payé puisque comme nous le savons, aux dernières sénatoriales, les deux sénateurs FN élus (Stéphane Ravier et David Rachline, une première pour le Front) n'auraient jamais pu l'être sans les voix de nombreux petits élus "divers droite"... voire carrément UMP (en tout cas élus sur des listes d'"Union de la Droite").

    C'est que concrètement, Marine Le Pen fait à droite (et dans le champ politique bourgeois en général) ce que les communistes devraient faire "à gauche" dans le champ populaire progressiste : elle se positionne en centre d'agrégation autour d'un "pôle" idéologique - le sien. Tout le contraire, en quelque sorte, du 'p''c''mlm' qui trouve encore là le moyen de cracher sur le "fiasco anarcho-trotskyste" de la manifestation antifasciste qui se déroulait parallèlement à Lyon (voir le VRAI récit des évènements ici, aussi éloigné des "anarchistes venus casser des vitrines de banques, des abris-bus ou brûler des poubelles" de nos pseudo-"maoïstes" que leur version des manifs pro-palestiniennes de juillet dernier l'était de la réalité 1 - 2) ; autrement dit les forces populaires antifascistes AUTONOMES vis-à-vis de la social-démocratie et du "républicanisme" bourgeois, celles que les communistes doivent justement agréger autour d'eux dans un esprit de Front populaire-révolutionnaire unifié, anticapitaliste et antifasciste pour construire et opposer à la mobilisation réactionnaire de masse une VÉRITABLE MOBILISATION PROGRESSISTE-RÉVOLUTIONNAIRE (et non, comme le prône le 'p''c''mlm', une mobilisation social-démocrate/"républicaine" complètement subordonnée à la "gauche" bourgeoise des Valls et compagnie !). Un camp populaire progressiste-révolutionnaire dont le caractère minoritaire (encore que 4.000 personnes dans une ville de "province", ce soit loin d'être mal !) n'est qu'une question de travail politique de longue haleine, qui reste encore largement à mener !

    lyon_antifa_red.jpgCe sera là aussi (encore une fois) l'occasion de rappeler que le désormais pulvérisé Alain Soral (lire encore ici) n'est strictement pour rien - sinon à la marge - dans le succès que connaît actuellement le Front National, succès qui repose à 95% sur 1°/ le rejet de "l'islam" (d'ailleurs une autre guest star du congrès, curieusement pas mentionnée par nos "materialistes.com" était le très islamophobe, occidentaliste et pro-israélien leader d'extrême-droite néerlandais Geert Wilders), 2°/ les thématiques "immigration-sécurité" autrement dit le rejet des colonies/"ennemies" intérieures et 3°/ les angoisses face à une crise et une "mondialisation" auxquelles ne répondraient pas correctement des "politiques décidées à 90% par Bruxelles"... autrement dit le discours ambiant dans lequel nous font baigner les Zemmour & co au quotidien depuis des années ! À concentrer le combat "antifasciste" contre des épouvantails, faut-il alors s'étonner que le fascisme mainstream explose ?

    Une dernière chose - enfin - qui ressort des enquêtes dont vous pouvez voir quelques éléments ici, et qu'il faut relever, c'est que le sentiment de proximité idéologique et les "appels du pied" pour des alliances électorales ne sont pas principalement le fait d'un électorat UMP qui serait "pris de panique" et "aux abois" devant la montée de son concurrent FN... mais plutôt, au contraire, celui des électeurs et sympathisants FN beaucoup plus nombreux (bien que ceux de l'UMP le soient également, ne serait-ce que par calcul arithmétique électoral...) à se considérer "dans le même camp" que l'UMP et à voir la victoire de celui-ci comme un "moindre mal" (face à des "socialos" qui ont bien réussi comme il faut, en deux ans et demi de pouvoir, à dégoûter les classes populaires) que l'inverse. Ceci a finalement tendance à montrer qui subordonne quoi : le FN a certes tendance (depuis 30 ans !) à agir en "aiguillon à décomplexitude" sur la droite et même une bonne partie de la "gauche", mais nous voyons bien que la montée du FN est en réalité le résultat "extrême" d'une MOBILISATION RÉACTIONNAIRE qui profite AUSSI et même en priorité (pour le moment) à la droite "républicaine", du moment (en tout cas) que celle-ci est capable de se doter d'un leader crédible et mobilisateur affichant un programme clair (le vote FN se positionne alors naturellement comme un "groupe de pression" sur l'UMP pour une politique intérieure plus sécuritaire et "anti-parasites" et pour une politique internationale "plus soucieuse de grandeur et d'indépendance de la France", alors que le vote UMP ne se conçoit jamais comme un "moyen de pression" sur le FN). On peut aussi y déceler un rapport de classe : d'essence populaire (bien que ses élus soient de grands bourgeois) mais populaire aliénée, profondément légitimiste (tout sauf "révolutionnaire"), l'électorat FN a naturellement tendance à s'incliner - s'il n'a pas d'autre choix - devant... "le patron", parfaitement incarné dans la figure d'un "poids lourd" UMP ; tandis que l'électeur UMP nettement plus bourgeois, aisé et diplômé a plus tendance à mépriser cette "gueusaille" qui se livre à des "populistes irresponsables" avec "pour seul résultat de faire passer la gauche" (ce qui est loin d'être prouvé électoralement, mais c'est le grand argument anti-FN de la droite "républicaine" depuis les années 1980). Mais quoi qu'il en soit, puisque l'on a parlé plus haut de "lobbying" interne aux partis politiques, cette volonté de rapprochement avec l'UMP exprimée par son électorat est quelque chose dont devra certainement tenir compte Marine Le Pen dans un avenir proche (pour mémoire c'était ce que prônait et avait tenté de mettre en œuvre Bruno Mégret aux régionales de 1998 et qui, rejeté par Jean-Marie Le Pen au nom d'une ligne "intransigeante", avait conduit à la scission de l'année suivante).


    allianceUMP-FN

     


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    Comme Rémi Fraisse et bien d'autres encore de ce côté-ci de l'Atlantique (et donc dans un contexte de grande agitation hexagonale contre les crimes du "maintien de l'ordre"), un jeune prolétaire (en l'occurrence de la colonie intérieure afro-descendante) avait été abattu par la police pour simple "apparence suspecte" (port d'une capuche) dans la ville de Ferguson (Missouri) l'été dernier... et "une fois n'est pas coutume", le flic s'en tire avec un non-lieu et une tape sur les doigts ! La colère du Peuple a donc explosé une nouvelle fois dans la petite ville mais s'est aussi étendue très rapidement au reste de l’État yankee, dans un mouvement rappelant les émeutes de 2005 ici en Hexagone.

    Presse bourgeoise :
    USA : nuit d'émeutes à Ferguson
    Émeutes à Ferguson : la police cible de 150 coups de feu, des immeubles incendiés
    Mort de Michael Brown : nuit d'émeutes à Ferguson
    Ferguson : des milliers d'Américains disent leur colère dans les rues du pays
    Nuit du 26 novembre : 170 Maïdan aux États-Unis

    Et puis encore une fois l'internationalisme : Après le non-lieu de Ferguson, l'indignation traverse l'Atlantique

    Des rassemblements ont aussi eu lieu en Hexagone, où les victimes de "bavures" policières ces dernières années se comptent par dizaines : « En France aussi il y a des Michael Brown »

    Brigade Anti-Négrophobie :
    M. BROWN : « LA SUPRÉMATIE BLANCHE M’A TUER » ! La négrophobie était l’arme du crime !

    Site d'Alain Bertho :

    Michael Brown : émeute à Feguson après la relaxe du policier – 25 novembre 2014

    Michael Brown : affrontements à Oakland et New York après la relaxe du policier – 24 novembre 2014

    Ferguson Tiananmen

    Voici l'article publié par les maoïstes new-yorkais du Nouveau Parti communiste (Comité de Liaison) [NCP(LC)] :

    Peu importe ce que dit l’État : l'officier Darren Wilson est coupable !

    La nouvelle d'hier annonçant la décision du grand jury du comté de Saint Louis (Missouri) de ne pas poursuivre l'officier de police blanc de Ferguson, Darren Wilson, pour le meurtre de l'Afro-américain désarmé de 18 ans Michael Brown n'est en rien une surprise. En dépit d'un grand nombre de témoins, y compris l'ami de Michael Brown - Dorian Johnson - qui était avec lui au moment du crime et l'a clairement vu mettre les mains en l'air ; en dépit des enregistrements audio et vidéo qui contredisent totalement la version de l'officier ; en dépit de l'autopsie indépendante mandatée par la famille Brown, qui infirme toutes les affirmations initiales comme quoi Michael aurait été abattu après avoir agressé Wilson ; en dépit de toutes les preuves irréfutables contredisant les déclarations et autres récits de la police de Ferguson ; le comté de Saint Louis a décidé de ne pas poursuivre le policier.

    Mais malgré les tentatives de la police de Ferguson pour discréditer la victime en diffusant une vidéosurveillance d'un homme en train de voler à l'étalage et en prétendant qu'il s'agissait de Brown, les masses de Ferguson et leurs alliés ne sont pas dupes de ces manœuvres suprématistes blanches. Ce qui est arrivé à tant d'autres jeunes hommes afro-descendants comme Oscar Grant, Trayvon Martin et bien d'autres encore a une fois de plus été tenté contre Michael Brown ; mais n'a une fois de plus trompé personne.

    Tout au contraire, le comté de Saint Louis (Missouri) et l'appareil répressif d’État US ont démontré encore une fois et devant de plus en plus d'opprimé-e-s et d'exploité-e-s états-unien-ne-s que nous sommes voués à être brutalisés, pourchassés, tirés comme des lapins, systématiquement discriminés et systématiquement assassinés.

    FergusonLe fait que l'officier Wilson, comme d'innombrables avant lui et sans doute encore des centaines d'autres à l'avenir, puisse s'en aller libre de toute charge après un meurtre de sang froid résonne terriblement dans les communautés nationales opprimées des États-Unis. Alors que nous luttons déjà contre la pauvreté, le manque d'emploi et les carences dans l'éducation scolaire, la discrimination dans tous les aspects de la société américaine, notre lutte est encore exacerbée par une police au service de la bourgeoisie qui exerce une oppression nationale et raciale claire comme le jour aux yeux de tous ; particulièrement claire lorsque l'on voit le gouverneur du Missouri - Jay Nixon - déclarer l'état d'urgence immédiatement après la décision du jury et faire déployer la Garde nationale, la Patrouille routière, la Police du comté et la Police métropolitaine de Saint Louis à Ferguson sous le prétexte cynique de "protéger les droits des citoyens".

    Mais les masses n'en peuvent plus de l'oppression.

    Ce qui va sûrement, ce qui est même déjà en train d'arriver, c'est une colère insurrectionnelle persistante à Ferguson et dans tous les USA. Les opprimé-e-s ont raison de se révolter ! Mais ce qui est maintenant plus que jamais nécessaire, c'est une compréhension révolutionnaire de ces quelques points :

    1) Les États-Unis sont un Empire capitalo-colonialiste contenant des colonies intérieures/nationalités opprimées, parmi lesquelles la Nation noire afro-descendante. Cet antagonisme est violent et meurtrier et le prolétariat des nationalités opprimées aux côtés du prolétariat euro-américain doit s'unir et former un Front uni pour combattre non seulement l'oppression et le chauvinisme euro-américain mais aussi le capitalisme lui-même. Ce processus implique la création du Parti marxiste-léniniste-maoïste du prolétariat multinational US.

    2) Les masses ne peuvent pas compter sur la police (ni sur une quelconque autorité étatique) pour une véritable protection et un véritable service : ce n'est pas dans l'intérêt de la police au service du Capital que de protéger et servir nos communautés.

    3) Les nationalités opprimées, en particulier les personnes afro-descendantes, ont toujours été ciblées et brutalisées ; Michael Brown n'est pas un phénomène unique dans l'histoire colonialiste-capitaliste-<wbr>impérialiste des États-Unis.

    4) Les masses nécessitent leur propre protection prolétarienne ; nous avons besoin de nos propres bases, nos propres forces, notre propre mouvement de contre-hégémonie : notre propre DOUBLE POUVOIR. Les masses ont besoin d'une Armée populaire et cette armée ne peut être dirigée que par le Parti communiste, ce pourquoi nous devons construire le Parti communiste maoïste. Les différentes luttes locales doivent constituer des groupes d'autodéfense pour tenter de développer une résistance, comme des groupes de copwatch pour faire contrepoids à la violence policière ; en étant bien conscients que ces groupes sont limités en termes d'impact et d'objectif, mais néanmoins nécessaires pour apporter un certain appui matériel aux masses qui souffrent des formes les plus brutales d'oppression et d'assassinats extra-judiciaires.

    Nous sommes et serons solidaires des masses de Ferguson (Missouri) et de tous les USA qui s'organisent et s'organiseront contre la terreur policière. Nous soutenons pleinement les masses opprimées en révolte qui exigent un changement radical. Nous apportons notre soutien sans équivoque à tou-te-s ceux et celles qui voient dans ces injustices une nouvelle preuve, une nouvelle évidence et une nouvelle charge contre la nature capitaliste-impérialiste et suprématiste blanche des USA.

    Vive les masses insurgées de Ferguson !

    Vive les Peuples opprimés des États-Unis !

    À bas le capitalisme et l'impérialisme !

    Arms Up, Shoot Back ! (Aux armes, rendons coup pour coup !)

    armsupshootback170 villes-1b973Tutto il mondo sta splodendo


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  • Ici sur Democracy & Class Struggle : http://democracyandclasstruggle.blogspot.fr/2014/11/nepal-cpn-maoist-general-secretary.html

    Comme nous l'avions pressenti dès la naissance du nouveau PC maoïste népalais en 2012 et comme nous l'enseigne - en réalité - tout simplement le maoïsme (un se divise en deux), en dépit des délires de certains qui s'en réclament (comme quoi tout serait "mort et enterré" depuis 2006 dans ce pays), une nouvelle scission vient de se produire dans le mouvement maoïste de la jeune république himalayenne.

    Nous attendons bien évidemment d'en savoir plus dans les prochaines semaines. Ce que nous savons pour le moment, c'est que la scission est emmenée par Netra Bikram Chand "Biplab" que nous avons toujours vu comme l'un des éléments les plus à gauche du maoïsme népalais, ayant produit de très intéressantes analyses sur la dérive révisionniste et capitulationniste du Parti d'origine (U'c'PN-'m') dirigé par Prachanda et Bhattarai. Nous ignorons en revanche si Indra Mohan Sigdel "Basanta", qui a également produit des analyses extrêmement brillantes (ici et ici), est lui aussi "de la partie"*. A contrario, la direction de l'"ex-nouveau Parti" représentée principalement par Mohan Baidya "Kiran" semblait être essentiellement sur une ligne de réconciliation par tous les moyens avec l'U'c'PN-'m' de Prachanda (entre temps balayé, et c'est bien compréhensible, aux dernières élections il y a un an), de "retour aux principes des Accords de 2006" qui auraient simplement été "trahis" (et non été une manœuvre liquidatrice et institutionnaliste en eux-mêmes, dans l'esprit "calife à la place du calife" qui s'était emparé de Prachanda) et de développement des liens avec l'ultra-capitaliste nouvel impérialisme chinois, dans une logique de "contrebalancer" la tutelle historique de l'Inde.

    Affaire à suivre...


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    * Cela ne semble hélas pas être le cas et Basanta a même (finalement) durement critiqué la scission de Biplab, qu'il qualifie de "carriérisme" et d'"esprit de faction". Entre l'une des plus brillantes intelligences du mouvement maoïste népalais, qu'est le premier (mais malheureusement, semble-t-il, englué dans la "frilosité" caractéristique de la "vieille garde"), et la fouge juvénile du second (au prix peut-être, en effet, d'un certain "aventurisme" et manque d'"esprit collectif"), c'est donc une non-jonction qui aura sans doute - selon nous - des conséquences regrettables, retardant l'essor du nécessaire nouveau cycle révolutionnaire que doit connaître le Népal, alors que le sympathie pour les maoïstes est en très net recul dans les masses populaires. Des arguments développés par Biplab (qui n'est pas non plus une "buse" intellectuelle et a produit des documents très intéressants) dans sa lettre de rupture avec le Parti formé par Kiran en 2012, nous n'avons de connaissance que ce qu'en dit Basanta dans sa critique. La plupart des points que mentionne ce dernier (pour les critiquer) nous semblent plutôt justes (malgré des formulations se voulant "novatrices" et parfois maladroites) et nous feraient plutôt donner raison au "fractionniste", tandis que Basanta se pose en gardien intransigeant des "principes fondamentaux" du marxisme-léninisme-maoïsme... que le Parti dans lequel il a décidé de rester n'applique pas, ou dévoie dans sa pratique concrète. Un point peut en effet sembler fortement critiquable : Biplab reprocherait à Prachanda d'avoir "échoué dans sa recherche d'un partage du pouvoir", ce qui signifierait que Biplab veut relancer une lutte révolutionnaire "musclée" dans le seul but de parvenir à un tel "partage du pouvoir" et non à une révolution de nouvelle démocratie (dont Basanta se fait le défenseur). Mais il est impossible de savoir si c'est réellement ce qu'a dit Biplab, ou si c'est ce que Basanta déduit (avec plus ou moins de malhonnêteté intellectuelle) de sa critique adressée à Prachanda.

    MàJ : des rares nouvelles que nous ayons eues ultérieurement du Parti mené par Biplab, nous pouvons citer fin décembre 2014 des rassemblements dans lesquels semblent ressortir les mêmes vieilles chimères de "mener le processus constituant à son terme" que lors de la scission kiraniste de 2012, en dénonçant la représentativité de l'Assemblée constituante et en appelant à un "consensus politique national" incluant les forces en dehors de celle-ci (toutes choses qui ne nous semblent pas franchement aller dans le bon sens...) ; puis au début de 2015 des tentatives de prélèvement d'impôt révolutionnaire sur diverses personnalités ou entreprises, l'agression d'un haut fonctionnaire au mois d'août et enfin, fin septembre, des menaces contre les véhicules en provenance d'Inde ayant conduit à une fermeture temporaire de la frontière (l'Inde utilisant encore et toujours les revendications des Madheshis pour conserver son hégémonie historique sur le Népal).

     


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  • Les "sorcières" et la "sorcellerie" sont un thème qui exerce une fascination certaine sur une grande partie de la jeunesse européenne et occidentale de notre époque, attrait véhiculé par une quantité innombrable de films, séries ou bouquins (sans oublier la fête d'origine anglo-saxonne d'Halloween) et pouvant aller de l'engouement pour l'enfantin et inoffensif Harry Potter jusqu'à de véritables (et moins sympathiques) pratiques de "magie noire" ou de "satanisme" dans les cimetières (la nuit), s'accompagnant parfois d'actes franchement spécistes à l'encontre des félins ou autres gallinacés.

    À la source de ce mythe de la "sorcière" - au féminin - se trouve un sinistre ouvrage dont la rédaction commençait voici un peu plus de 5 siècles : le Malleus Maleficarum ou "Marteau des Sorcières" en latin (marteau de l’Église contre les sorcières). Il s'agit là d'un de ces ouvrages dont il est possible de dire, aux côtés de Mein Kampf, du Code noir et d'autres encore, qu'ils dégoulinent de sang : le sang des innombrables victimes innocentes de la mise en œuvre de ce qui y est écrit.

    witch2Le 5 décembre 1484, le pape Innocent VIII fait paraître une bulle (sorte d'instruction ou de "circulaire" destinée au clergé) dénonçant le (soi-disant) "développement de la sorcellerie" et demandant à deux inquisiteurs dominicains, Jacob Sprenger et "Institoris", de s’attaquer au problème. Ces derniers - en fait, surtout le second - rédigent donc dans la foulée cet épais traité de plusieurs centaines de pages qui, terminé à la fin de l'année suivante, passera alors immédiatement à l'imprimerie (cette nouveauté de l'époque en Europe) de Strasbourg et connaîtra une diffusion massive et rapide sur tout le continent européen tout au long des siècles suivants, où il fera "autorité" en la matière auprès des catholiques comme des protestants...

    La première partie traite de la nature de la "sorcellerie" elle-même en insistant sur le fait qu'elle soit essentiellement pratiquée par des femmes, que leur "faiblesse" et "l’infériorité" de leur intelligence prédisposeraient par nature à céder aux tentations de Satan ; allant pour cela jusqu'à "bidouiller" la langue latine en faisant dériver femina (femme) de "moindre foi" (fe minor). Le Malleus Maleficarum jouera donc là un rôle essentiel pour "donner un sexe" à la "sorcellerie", en tout cas pour théoriser (à coup d'"arguments" théologiques) ce caractère ultra-principalement féminin conformément à la tendance pratique de l'époque, alors qu'auparavant hommes et femmes étaient beaucoup plus indistinctement accusés de "sortilèges" et autres pratiques "maléfiques". La seconde partie, quant à elle, est un manuel de procédure judiciaire exposant en détail la manière d'obtenir témoignages et - surtout - confessions de la présumée "sorcière", en recourant bien sûr sans états d'âme à la torture (qui garantissait les aveux à 99%, on imagine) jusqu'à l'aboutissement final du bûcher : là, l'ouvrage reposait de manière très concrète sur la pratique de l'auteur principal lui-même durant ses années de "service".

    "Institoris", de son vrai nom Heinrich Kramer, était un natif de Schlettstadt/Sélestat (Alsace) entré de prime jeunesse dans l'ordre des dominicains, les sinistres "chiens de Dieu" (domini canis) comme ils se surnommaient eux-mêmes, qui fournissaient alors le gros des troupes de l'Inquisition. Il sévira essentiellement dans l'Empire germanique, de l'Alsace qui en faisait encore partie (pour deux petits siècles) jusqu'à l'Autriche en passant par le sud de l'actuelle Allemagne, faisant sans doute exécuter plusieurs centaines de personnes avant que son ouvrage ne devienne - on l'a dit - une "référence" continentale. Pour la petite histoire, il aurait été un pervers narcissique et un obsédé sexuel qui, éconduit par les victimes de ses avances et souvent rappelé à l'ordre par sa hiérarchie, aurait développé une haine inextinguible envers les femmes et leurs "maléfices" (autre nom pour l'attirance impossible à assouvir qu'il éprouvait envers elles)...

    Quant à Jacob Sprenger - à qui, dit-on, la main aurait pu être un peu forcée pour signer le Malleus - c'était un éminent théologien de l'Université de Cologne (apportant donc sa caution "intellectuelle" au texte), portant lui aussi le titre d'inquisiteur mais qui n'aurait pas été très actif dans cette fonction.

    Witch BurningMais à côté de la petite histoire il y a la "grande", celle des classes, de leur lutte et des États appareils de domination des classes dominantes dans cette lutte ; cette "grande" histoire que les petites - et souvent minables - trajectoires individuelles ne font finalement que servir, d'un côté ou de l'autre de la barricade...

    Contrairement - encore une fois - à une idée répandue, la "chasse" aux sorcières n'est pas un phénomène du plus profond du Moyen Âge, de l'An Mille, époque où l’Église avait plutôt (au contraire) tendance à s'affirmer contre l'aristocratie guerrière (chevalerie) au travers d'une solide alliance de classe avec les masses productrices (principalement paysannes), en favorisant pour "gagner les cœurs et les esprits" un très fort syncrétisme avec les croyances "païennes" (animistes, polythéistes) ancestrales : c'est ainsi que les innombrables "saints" et "saintes" aux noms biscornus qui peuplent nos riantes campagnes sont, on le sait, des "christianisations" de divinités tutélaires locales.

    Non, la "chasse" aux sorcières est un phénomène qui émerge au tournant des 13e-14e siècles et s'étend jusqu'au 17e voire même 18e ; autrement dit un phénomène strictement parallèle et indissociable de l'affirmation et de l'édification de l’État moderne et d'une Église devenue complet instrument de cet appareil de domination [1], totalement appuyé sur cet appareil politico-militaire moderne au service (même inconscient) de l'accumulation primitive du Capital et sur les "révolutions" technologiques de l'époque - ainsi l'imprimerie, mise au point en 1450 par Gutenberg à Mayence, permettra la diffusion rapide et massive du Malleus.

    [Il importe cependant de préciser ici que, bien que rédigé par deux inquisiteurs, l'ouvrage sera assez rapidement mis à l'Index, c'est à dire condamné par l'Église, quelques années après sa publication ; pour un certain nombre d'affirmations (sur les pouvoirs prêtés aux démons) contraires aux dogmes canoniques, ainsi que ses préconisations jugées excessives au regard du "droit" inquisitorial, et peut-être la "délectation" perverse et malsaine qui s'en dégageait ; de sorte que si bien sûr la persécution des "suppôts de Satan" (persécution pas que catholique d'ailleurs !) s'est bien sûr toujours effectuée "au nom du Christ", l'Inquisition en tant que telle, contrairement à la répression des "hérésies", sera finalement jusqu'aux dernières exécutions au 18e siècle assez peu active dans la "chasse aux (sorciers et) sorcières", qui sera plutôt le fait des autorités séculières (d'État) si ce n'est carrément de lynchages populaires, et dont les "excès" seront même à quelques occasions condamnées par les autorités ecclésiastiques.]

    Un ouvrage très largement inspiré de ce dernier (sa "version française" en quelque sorte) sera d'ailleurs la Démonomanie des Sorciers de... Jean Bodin, ce grand juriste angevin de naissance bourgeoise qui se trouve également être (avec ses Six Livres de la République) l'un des grands théoriciens de l’État absolutiste moderne ! [une citation du bonhomme orne notamment aujourd'hui encore la couverture du très réactionnaire Valeurs Actuelles...]

    On a donc torturé atrocement (conformément aux instructions du Malleus) et (généralement) brûlé vives sur le bûcher beaucoup plus de personnes à la "Renaissance" et au "Grand Siècle" (règnes - en "France" - d'Henri IV, Louis XIII et Louis XIV) que durant le "sombre et gothique" Moyen Âge... Mais bien sûr, cet aspect est soigneusement effacé de ces pages de l'histoire par la classe qui les écrit, la BOURGEOISIE qui y a vu naître sa "civilisation" - raison pour laquelle les sorcières brûlant sur le bûcher sont encore aujourd'hui associées à l'époque médiévale dans le "sens commun" des masses.

    witch1 Même le protestantisme (qui avait pourtant lui aussi connu les bûchers pour son "hérésie") reprendra - bien que dans une moindre mesure - la pratique : c'est ainsi dans le canton suisse protestant de Glaris que sera exécutée l'une des dernières "sorcières" connues à l'être en Europe (par la "justice" d’État, en laissant de côté les lynchages populaires) ; et ce sont également des protestants qui - épisode archi-connu - amèneront la "chasse" jusqu'en Amérique du Nord, à Salem dans le Massachusetts.

    Tout ceci s'inscrivait en fait (entre beaucoup d'autres choses) dans le processus de subsomption, d'anéantissement et de transformation en pure force de travail productrice de plus-value de la communauté populaire laborieuse (auparavant dans un lien purement tributaire avec la féodalité aristocratique et ecclésiastique, hormis bien sûr les véritables serfs héritiers "améliorés" des esclaves antiques, mais ceux-ci avaient pratiquement disparu au 13e siècle) par l'affirmation du Capital et des appareils étatiques modernes à son service –  le "volet féminin", en quelque sorte, de cela.

    Une communauté populaire "ancestrale" qui avait (encore à l'époque) très largement gardé les traits MATRIARCAUX du "communisme primitif", accordant aux femmes - dans le cadre de la division "sexuelle" du travail - un rôle essentiel pour sa stabilité et sa pérennité : c'est ainsi que la persécution ne touchera certes pas exclusivement (des milliers de "sorciers" et autres "guérisseurs" seront eux aussi exécutés) mais néanmoins principalement les femmes, raison pour laquelle on parle encore aujourd'hui de "chasse aux sorcières" au féminin. Pour prendre un simple exemple, à cette époque où l'institution scolaire était encore peu répandue, s'en prendre aux femmes revenait aussi à s'en prendre à la transmission du savoir, de la culture et des valeurs populaires qu'il s'agissait d'anéantir. La scolarisation des enfants (comme "formatage" des esprits au service de l'ordre dominant) se développera de manière strictement parallèle et sera bien sûr, à cette époque, principalement confiée à l’Église. 

    Quant aux fameux "pactes avec le Diable" et autres "sortilèges" dont étaient accusé-e-s, plus ou moins à tort ou à raison, les malheureux/euses promis-es aux flammes, il ne s'agissait de rien d'autre que de ces pratiques populaires traditionnelles parfois de pure "superstition", certes, mais parfois aussi très sérieuses (maîtrise médicinale des plantes etc.) et reliées dans tous les cas au communisme primitif (un lien entre l'espèce humaine et les forces de la nature en quelque sorte), ce que pouvait tolérer la "vraie féodalité" de l'An Mille (qui se contentait de prélever son "tribut", "sa part" de la production populaire) mais pas la féodalité-nid-du-capitalisme des 15e-16e-17e siècles.

    witch3La "chasse aux sorcière" aura donc été, en dernière analyse, un outil parmi d'autres pour imposer l'autorité de l’État moderne et de la classe émergente qu'il servait (et sert encore sous sa forme contemporaine), la grande bourgeoisie capitaliste ; et notamment imposer l'un des aspects essentiels de la société capitaliste moderne : le PATRIARCAT, la primauté absolue de l'homme père et chef d'une famille érigée en cellule de base de la société (la "première entreprise" en quelque sorte) et la transformation des femmes en purs outils de reproduction de la force de travail (cf. Silvia Federici plus bas). La persécution, dont le bilan est estimable à quelques centaines d'exécutions par an, ne visait certes pas l'"extermination" des femmes (comment le genre humain se serait-il reproduit ?) mais bel et bien à les soumettre par la terreur à ce nouvel ordre des choses, socle même de l'accumulation capitaliste première.

    En termes de bibliographie, l'ouvrage que l'on peut qualifier de référence sur le sujet est certainement Caliban et la Sorcière de la féministe marxiste italo-états-unienne Silvia Federici, sur laquelle voici (en documentation) un petit recueil d'articles :

    http://ekladata.com/3XfxkXuTxrG1YnE1TTg3Lx9DrWE/Federici-Caliban-recueil.pdf

    Il a toujours existé (comprenons-nous bien), depuis la plus lointaine préhistoire, des formes de division du travail sur la base du sexe, entre les hommes et les femmes : il ne s'agit pas, dans une sorte d'idéologie "performative anti-normes de genre", de prétendre que tout serait "socialement construit" et à "déconstruire" par la toute-puissance de la volonté. Porter, donner naissance, puis allaiter et plus largement prendre soin des enfants en bas âge étaient ainsi par exemple et de toute évidence scientifique des tâches inattribuables aux hommes ; qui ont donc donné lieu très tôt (pour ne pas dire dès les origines de l'humanité) à une division des tâches de la communauté entre les sexes ; et qui trouveraient au contraire plutôt leur "solution" (le "dépassement" de cette division) dans les immenses progrès technologiques des derniers siècles dont l'humanité bénéficie aujourd'hui. D'autres "tâches" en revanche, comme par exemple d'être une marchandise sexuelle, n'ont par contre et bien entendu rien de "naturel"... Il ne s'agit pas de vouloir fouler aux pieds les plus matérialistes évidences d'une façon qui serait (naturellement) incompréhensible pour les larges masses populaires, comme peut sembler vouloir le faire un certain "postmodernisme de genre" ultime avatar d'un mouvement féministe bourgeois qui a (par contre) à partir du 19e siècle œuvré à l'"émancipation" (relative) des femmes (enfin, occidentales surtout, pour ne pas dire uniquement) dans le cadre du capitalisme industriel puis post-industriel (tertiarisé et de consommation), et qui est désormais totalement dépassé historiquement voire, comme toute pensée bourgeoise, inexorablement happé dans la Réaction sur toute la ligne ("progressisme au service de l'ordre", "postmofascisme")

    Le problème avec le passage d'un système dit tributaire (maintenant dans une large mesure le "communisme primitif" contre versement de son écot à l'autorité éminente) au capitalisme (ou déjà auparavant, dans une certaine mesure, au "capitalisme à force de travail principalement esclave" de l'Empire romain), c'est que ce dernier consiste en une "financiarisation" de toute la vie productive et sociale ; laquelle conduit dans les "représentations" et les "discours" (outils fondamentaux de la reproduction de l'ordre social), en lieu et place de la "complémentarité" antérieure, à un clivage toujours plus important entre le travail producteur de marchandise et donc source de plus-value, valorisé, et le travail qui n'est pas dans ce cas, le travail "gratuit" domestique, issu de la division du travail antérieure, qui est celui des femmes et qui est dévalorisé. Les sociétés de "division complémentaire" du travail pouvaient certes déjà connaître des formes plus ou moins marquées de subordination des femmes aux hommes dans la mesure où c'était l'activité masculine qui produisait des surplus, autrement dit des stocks pour la survie ultérieure ou des marchandises commercialisables (l'inverse pouvant également exister ici ou là...) ; mais jamais dans de telles proportions. Avec en parallèle aussi, en plus d'être toujours plus jetées (comme les hommes) dans la production comme pure force de travail à vendre sur le marché (voire, à une époque, tout simplement raflées en tant que "vagabondes", prostituées ou filles-mères pour alimenter les workhouses ou "ateliers de charité"), une tendance à leur transformation pure et simple en... marchandise, faisant en définitive du mariage dans la société bourgeoise, selon Kollontaï, une "gigantesque prostitution respectable" où les femmes sont un "trophée" parmi d'autres de la réussite économique des hommes.

    C'est cette évolution qui, encore en arrière-plan des facteurs directs que nous avons vus, constitue la toile de fond de l'ère des "chasses aux sorcières" (15e-18e siècles).

    La "chasse aux sorcières" frappera bien sûr durement l'Occitanie, conjointement à la persécution des "hérétiques" cathares, béguin-e-s, vaudois puis huguenots (protestants) et bien sûr des Juifs ; et plus encore le Pays Basque où la culture, les antiques croyances et l'organisation socio-politique (très "républicaine") populaires étaient restées particulièrement vivaces, tant du côté "espagnol" (Zugarramurdi, 1610) que "français" (chasse aux sorcières du Lapurdi en 1609, conduite par le collabo souletin Pierre de Rostéguy de Lancre et l'Occitan traître Jean d'Espagnet - lire notamment ici).

    Vu sous l'angle, précédemment évoqué, de la transmission des cultures et savoirs populaires, l'aspect de guerre contre les cultures populaires nationales-réelles, dans le cadre de la construction brutale et meurtrière des États-"nations" du Capital, apparaît bien sûr ici de manière évidente. En Lapurdi, le retour des hommes partis pêcher à Terre Neuve fera déguerpir les inquisiteurs : leur sentiment n'était donc visiblement pas que les bûchers de femmes "servaient leur privilège masculin"...

    La "langue du diable" des condamnées n'était bien souvent rien d'autre que la langue vernaculaire locale, incompréhensible pour les juges laïcs ou ecclésiastiques français ou francisés venus de la ville ; et une carte des exécutions pour sorcellerie dans le Royaume de France (par exemple, au hasard, sur la première moitié du 17e siècle), si elle existait, serait sans doute à cet égard édifiante.

    witch6Bien sûr, il faut le souligner, tout cela ne pouvait pas exister de manière purement "verticale" et nécessitait un certain concours de la population. Ce concours ne sera pas difficile à trouver dans un contexte d'affirmation de la logique capitaliste tendant à faire de chaque famille une "petite PME" : les inquisiteurs pourront allègrement utiliser les concurrences, rivalités, jalousies, rancœurs et autres règlements de compte (y compris politiques entre clans de notables [2]) afin d'obtenir les indispensables témoignages et dénonciations de "sorcières" et "sorciers" ; la croyance encore ultra-majoritaire au "Diable" et aux "maléfices" faisant le reste.

    Au demeurant, la même "chasse" sévira aussi dans les colonies (dès lors qu'elles existeront) contre les pratiques culturelles ancestrales des Peuples indigènes ou importées d'Afrique par les esclaves (vaudou, santeria etc.) - le bûcher y sera d'ailleurs une méthode d'exécution pour les esclaves rebelles jusqu'au... 19e siècle (!), employée par exemple par les troupes de Napoléon lors de la reconquête de la Guadeloupe en 1802. Le strict parallélisme de logiques entre la soumission du premier cercle de périphéries (les "provinces" des États européens eux-mêmes) et les entreprises coloniales au-delà des mers apparaît ici de manière évidente. Et d'ailleurs aujourd'hui, alors que le continent africain impérialisé connaît lui aussi une subsomption extrêmement forte et rapide par la logique capitaliste comparable à ce qu'a pu connaître l'Europe entre le 15e et le 18e siècle, on y observe exactement le même type de phénomènes, certes "seulement" de l'ordre du lynchage populaire mais (très certainement) non sans complicités des autorités locales - qu'elles soient étatiques ou "coutumières" (on qualifie en "jargon" maoïste ces pays de "semi-féodaux" mais le terme approprié serait peut-être qu'ils en sont au stade de l'accumulation primitive capitaliste, de manière subordonnée et au service des Centres impérialistes occidentaux, russe ou extrême-orientaux). La "magie" et les "guérisseurs", autrement dit le lien ancestral des hommes et des femmes avec la nature qui les entoure cesse peu à peu de faire "partie du paysage" social en Afrique ; et les révolutionnaires du monde entier doivent appeler haut et fort les Africain-e-s à rejeter cette auto-mutilation sociale et culturelle.

    Au total, entre la première publication du Malleus Maleficarum et les dernières exécutions à la toute fin du 18e siècle (soit sur environ trois siècles), ce seront entre 50.000 et 100.000 hommes et surtout femmes qui auront péri brûlé-e-s vif-ve-s, décapité-e-s, pendu-e-s ou sous d'autres supplices encore sous l'accusation de "sorcellerie". Et au terme du même laps de temps historique (pas seulement pour cette raison bien sûr, mais celle-ci a fait partie du processus), la communauté villageoise médiévale (relativement) égalitaire et (surtout) "solidaire" aura presque totalement disparu, remplacée par une masse de petits producteurs indépendants (pour quelques générations encore...) et concurrents et surtout par cette grande masse de "loueurs" de force de travail que l'on appellera bientôt prolétariat. Le rapprochement est bien sûr évident pour tout raisonnement marxiste un peu sérieux.

    Il n'y a pas à chercher plus loin que dans ce qui vient d'être exposé la raison de la fascination qu'exercent la "sorcellerie", la "magie", les pratiques plus ou moins "païennes" ou "satanistes" sur les masses populaires à notre époque de renversement du capitalisme et de ses constructions étatiques à l'ordre du jour (quand bien même cela tendrait ensuite vers une pensée réactionnaire, de la "fascination pour le Mal" à la sympathie pour le nazisme par exemple, dans le nihilisme qui caractérise également notre époque).

    Quant à nous, à la face de tous ces appareils politico-militaires de domination du Capital (avec son corollaire le patriarcat) et de toutes leurs religions d’État y compris "républicaines" et "laïques", nous clamons plus que jamais haut et fort : sèm tots dei Albigès, que venjarem a tot-a-s l@s cremats !


    witch5


    [1] Nous avons déjà vu par exemple comment l’Église catholique et son Inquisition furent de fait la première "police politique" connue et subie par notre Occitanie après la Conquista capétienne, avec déjà les sinistres domini canis combattus par l'héroïque franciscain Bernard Délicieux... ou liquidés comme il se doit par le faidit Pierre-Roger Bélissen à Avignonet (1242) - dans le même esprit mais quelques siècles plus tard, on peut encore citer l'exécution de l'abbé du Chayla par les Camisards au Pont-de-Montvert en 1702. Il convient cependant de noter ici, comme dit plus haut, que contrairement à ce cas de l'Occitanie, ou à la persécution d'autres "hérésies" à cette même époque médiévale (Béguins, Lollards, Ghjuvannali) et plus tard (notamment les Réformés) ; ou encore à l'Inquisition espagnoles (très liée à la Couronne, plus qu'au Saint Siège) pourchassant les Juifs et les musulmans "faussement convertis" aux 15e et 16e siècles ; l'Inquisition en tant que telle aura tendance à se désintéresser, et ne jouera pas un rôle majeur dans la "chasse aux sorcières" qui sera plutôt le fait des autorités étatiques, ou carrément de lynchages populaires ; et les autorités catholiques en condamneront même parfois les "excès"...

    [2] Ainsi en Lapurdi la dénonciation initiale des "faits de sorcellerie" auprès d'Henri IV provenait de deux nobles, les seigneurs d'Amou et d'Urtubie ; or l'on sait que la noblesse labourdine [issue de la période anglaise où elle était déjà en conflit avec la population se revendiquant alleutière ; plutôt romane (gasconne) de langue et de culture et par la suite francisée (après l'annexion en 1450) face à une paysannerie de langue euskara ; regardant vers Bordeaux où toute réussite impliquait de "monter" etc. etc.] n'était pas représentée à l'assemblée locale, le Biltzar (véritable émanation de la communauté populaire et de l'identité nationale basque), ce qui peut laisser supposer un contentieux avec celui-ci et une volonté d'"attirer" l'autorité royale dans la province pour y "briser" le pouvoir roturier euskaldun (cette thèse tendrait à être confirmée ici)... Il semblerait aussi qu'en l'absence des hommes (partant pêcher de longs mois au large du Canada) les femmes du Labourd prenaient trop d'indépendance et de pouvoir aux yeux des "mâles dominants" de l'aristocratie, du patriciat bourgeois, de l’Église et bien sûr de l’État au service de ces trois classes alors dominantes (+ se surajoutant encore à ceci une "embrouille" commerciale capitaliste entre le sieur Dugua de Mons, gentilhomme saintongeais à qui Henri IV avait confié le monopole du commerce des fourrures avec les Algonquins du Canada, et les pêcheurs labourdins qui exerçaient précédemment ce monopole et ne souhaitaient pas le lâcher - les Amérindiens refusant de traiter avec qui que ce soit d'autre).

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  • Depuis plusieurs mois maintenant - en fait, depuis le début de l'été qui a également vu la terrible offensive de bombardements contre Gaza etc. - la tension est à son comble dans la ville de Jérusalem/Al-Qods et en particulier dans sa partie orientale (dite "arabe").

    palestinien jeruLes affrontements, quasi-quotidiens, ont déjà fait plusieurs dizaines de mort-e-s ; principalement - il va sans dire - du côté palestinien, ce que tentent de nous faire oublier les médias en mettant en avant les quelques actions-suicides ayant frappé des Israéliens.

    En toile de fond de ces affrontements, il y a bien sûr (comme le rappelle le FPLP, lien tout en bas) l'occupation, la colonisation et l'apartheid imposés par le sionisme en Palestine depuis 65 ans ; mais il y a plus spécifiquement un phénomène bien particulier de cette occupation-colonisation : un phénomène que l'on peut qualifier de "gentryfication ethnique" ou "gentryfication coloniale".

    C'est à dire que nous avons finalement affaire comme dans nos métropoles européennes ou nord-américaines (voir ici et ici) à un phénomène de "repoussement" et d'expulsion-"nettoyage" d'une population pauvre/défavorisée au profit de l'habitat d'une population nettement plus aisée - ici, en ce qui nous concerne, à grands coups de "réhabilitations" où l'explosion du prix du mètre carré vaut bien toutes les armes de guerres, mais aussi par des moyens de "quadrillage" et de harcèlement policier visant à rendre la vie impossible aux habitants de classe populaire. Mais à la différence (et donc avec un NIVEAU DE VIOLENCE BIEN SUPÉRIEUR, soulignons-le bien face aux "professionnels des procès d'intentions") que nous sommes en Palestine sur une ligne de front directe entre "Nord" et "Sud", dans une situation coloniale où une population de "Blancs occidentaux" sociaux dotée de forces productives supérieures s'est emparée du territoire d'une population indigène sociale moins "développée" - ces deux populations, à savoir les Israéliens et les Palestiniens, remplaçant les "catégories aisées" et les "revenus modestes". Donc avec une dimension "ethno"-nationale-coloniale et (on l'a dit) un niveau de violence sans comparaison : violence d'une armée et d'une police colonialistes et violence de la résistance populaire qui lui répond en conséquence, avec déjà plus de 80 ans d'héritage de lutte derrière elle. Mais nous sommes cependant bel et bien dans la même logique.

    Dans cette perspective, les éléments extrémistes religieux et ultra-sionistes qui brandissent l'argument de la "promesse divine au Peuple juif" jouent simplement un rôle d'"avant-garde" ou d'"éclaireurs" : des éléments plus "laïcs" et moins politisés (et souvent aussi plus aisés !) ne tarderont pas à suivre... et le marché capitaliste qu'ils représentent avec eux, puisque c'est de cela qu'il s'agit en réalité - les autochtones palestiniens n'étant pas un "bon marché", un marché palestinien-pierre-manif_sn635.jpgsuffisamment lucratif (houla attention ! nous avons employé les mots "marché", "capitaliste" et "lucratif" beaucoup trop près du mot "juif" et cela - vous allez voir - va nous valoir les anathèmes de quelques bandes de conneaux bien connus...).

    En réalité, les "arguments" historiques et religieux de part et d'autre donnent au conflit palestinien sa dimension passionnelle, mais pas son existence. La racine de ce qu'il se passe en Palestine (comme dans bien d'autres endroits du monde !) n'est tout simplement pas autre chose que la logique même du capitalisme : EXPANSION PERPÉTUELLE du marché/base d'accumulation comme condition de la REPRODUCTION DU CAPITAL et extension permanente du "domaine" des "gagnants" de celui-ci (ceux qui assurent, en produisant comme en consommant, un taux de profit optimal) au détriment des "perdants". Ceci dans une situation (on le répète) un peu particulière qui est une situation coloniale, c'est-à-dire "pipée dès le départ" : le déséquilibre intercontinental des forces productives au profit des arrivants-colons fait que ces derniers arrivent déjà gagnants.*

    Nous avions déjà montré comment le sionisme n'était finalement qu'un sous-produit idéologique (à destination d'une population spécifique : la minorité juive opprimée d'Europe) et une expression spécifique locale (en Palestine) de cette logique intrinsèque du capitalisme dans un article consacré à la "mise en valeur"  - dans une logique absolument identique !! - des Landes de Gascogne au 19e siècle : créer une base d'extraction de plus-value (par la production ou la consommation ou les deux) en investissant et en "capitalisant" un territoire dont la population est soit transformée en force de production et/ou de consommation, soit chassée/reléguée soit même carrément liquidée. On pourrait également établir un parallèle (mais là encore attention aux procès en "antisémitisme", donc précisons bien qu'il s'agissait d'un projet particulièrement radical et d'ailleurs jamais réalisé) avec le Generalplan Ost nazi qui prévoyait de "tisser", jusqu'aux confins de la Sibérie et du Caucase, une "toile" de "cités idéales" germano-aryennes (marché/base d'accumulation "idéale") dans les interstices desquelles la population slave (les "perdants") aurait été vouée pour moitié à constituer une masse "hilote" (de force de travail esclave) et pour l'autre à mourir de faim - les Juifs et les Rroms étant quant à eux, à de rares exceptions près, des "improductifs indésirables" à faire disparaître. Rien de tel certes (gardez donc vos procès d'intentions !) en Palestine, où les plans les plus radicaux ne prévoient pas d'exterminer mais "simplement" de faire partir (en rendant la "vie impossible" par laisrael-bulldozer-palestine-mosque.jpg brutalité des troupes d'occupation, les bombardements meurtriers etc.) le plus possible de Palestiniens en ne gardant qu'une minorité prête à courber l'échine (produire de la plus-value) sans broncher ; mais le rapprochement avec la "toile" "tissée" par les colonies (reliées entre elles et au mainland par des routes réservées, séparées des Palestiniens par des murs et rétrécissant toujours plus leur espace disponible) peut toutefois laisser songeur...

    Ceci NON PAS parce que "sionisme = nazisme" ; mais parce que sionisme comme nazisme (avec une barbarie sans comparaison dans ce dernier cas) comme colonialisme dans les Amériques, en Afrique et ailleurs, comme "Conquête de l'Ouest" par les États-Unis et même construction et "mise en valeur" des États modernes en Europe elle-même obéissent en dernière analyse à la MÊME LOGIQUE que nous venons d'exposer !
    [sur ce sujet d'"Israël-Palestine comme microcosme des rapports Nord-Sud", l'on peut voir ici une traduction résumée de l'idée-force de cet article en anglais]

    Ce qui fait - finalement - la particularité de la Palestine, c'est que son histoire très particulière (qui en fait la terre "sainte" des trois grandes religions "du Livre", regroupant ensemble plus de la moitié de l'humanité) ainsi que l'histoire particulière des parties en présence lui vaut un "éclairage" médiatique particulier ; lequel éclairage va "tomber" pile poil sur des mécanismes à l’œuvre de manière particulièrement flagrante... qui sont les mécanismes au fondement même (hier comme aujourd'hui !) du monde capitaliste dans lequel nous vivons tou-te-s !

    Voici une petite revue de presse au sujet des actuels évènements à Jérusalem/Al-Qods :
    Jérusalem occupée : qui a vendu les appartements de Silwan aux-colons ?
    Des colons s'emparent de 23 appartements à Silwan
    En photos et en détail : 26 maisons aux mains des colons à Silwan
    Jérusalem en danger pendant que le monde dort
    Colonies israéliennes : la construction de 78 logements approuvée à Jérusalem-Est
    L'adolescent de Jérusalem blessé par un soldat israélien la semaine dernière est mort de ses blessures
    58 mineurs palestiniens derrière les barreaux après un été de protestation à Jérusalem-Est
    Vifs affrontements à Jérusalem
    Affrontements entre Palestiniens et forces israéliennes dans le nord de Jérusalem
    La révolte de la jeunesse à Jérusalem conduira-t-elle à un soulèvement ?
    Jérusalem brûle
    Israël fait d’Al-Aqsa une poudrière
    La judaïsation de Jérusalem

    Lire aussi : L'occupation est responsable de l'escalade à Jérusalem (FPLP)


    Au sujet de ce qui vient d'être dit, nous ne pouvons que vous inciter aussi à découvrir la géographie sociale marxiste de David Harvey



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    * Et c'est ce qui fait que, quels qu'aient été les idéaux généreux voire "socialistes" dont il a pu se parer à l'origine et le caractère ultra-opprimé des Juifs quittant l'Europe pour s'installer en "Terre promise" (toutes choses qu'aiment tant mettre en avant ses défenseurs "de gauche" voire "d'extrême-gauche"), le sionisme ne POUVAIT PAS DEVENIR AUTRE CHOSE que ce qu'il est devenu aujourd'hui. Car ce qui compte en dernière analyse, c'est ce déséquilibre des forces productives entre l'arrivant et l'autochtone (raison pour laquelle d'ailleurs, n'en déplaise à l'argumentaire des Le Pen et Zemmour et consorts, l'immigration n'est PAS une "colonisation inversée") et non le caractère opprimé de l'arrivant dans son pays d'origine.

    Pour nous, Occitans, le fait que des opprimés partis vers une terre lointaine puissent s'y transformer en oppresseurs n'a rien de surréaliste puisque la communauté afrikaner d'Afrique du Sud REGORGE de descendants de huguenots occitans chassés par les persécutions de Louis XIV : le nazi Eugène Terre'Blanche (originaire de Provence), le docteur Malan (un fondateur et idéologue de l'apartheid) ou encore le "docteur de la mort" Wouter Basson (le Mengele sud-africain...)... C'est sans états d'âme que leurs ancêtres, victimes d'une répression atroce dans leur pays natal pour avoir représenté (l'espace d'un siècle) un intolérable contre-pouvoir occitan face à l'État centralisateur parisien, se transformèrent une fois au pays des "Cafres" en colons impitoyables persuadés de leur "droit divin" (que la "Divine Providence" leur avait "offert" cette terre...).

    L'on pourrait encore citer l'Australie où la plupart des colons massacreurs d'Aborigènes étaient des sous-prolétaires anglais, irlandais ou écossais déportés là-bas pour avoir enfreint les lois de leurs exploiteurs et (dans le cas des Irlandais, Écossais ou Gallois) de leurs occupants. Et c'est sans même parler du cas (peut-être) le plus sidérant et emblématique : celui des esclaves afro-descendants libérés aux États-Unis et "renvoyés" en Afrique pour y fonder le Libéria, un protectorat colonial (de fait) pour leurs anciens maîtres et tortionnaire, dédié notamment à l'extraction du caoutchouc et où ils formeront la caste dominante de cette "république" proclamée en 1847, privant les autochtones de tout droit civique...

    Dans la plupart des colonies "françaises", l'appareil de domination était très largement constitué d'agents issus des Peuples "provincialisés" et périphérisés de "métropole" (Occitans, Corses, Bretons, Basques etc.), presque aussi méprisés (lorsqu'ils "montaient" travailler à Paris) que les immigrés maghrébins ou africains aujourd'hui mais se transformant tout naturellement en "race supérieure civilisatrice" (pour reprendre les mots de Jules Ferry, d'ailleurs lui-même lorrain, Peuple annexé et "provincialisé" à la fin du 18e siècle) lorsqu'ils abordaient les rivages d'Algérie, du Gabon ou du Tonkin.

    L'on peut citer à ce titre l'(assez marxisant) historien belge Jacques R. Pauwels, parlant de l'Empire colonial de son pays :

    "En acquérant des colonies, les pays pouvaient se débarrasser de leurs citoyens « gênants » : les classes inférieures qui, aux yeux de l’élite, étaient surpeuplées. Les gens trop pauvres, on pouvait s’en débarrasser en les envoyant dans les colonies.

    L’impérialisme était donc aussi une manière de résoudre les problèmes sociaux. Les pauvres pouvaient faire carrière dans ces colonies. De la sorte ils se muaient en patriotes, au lieu de rester des emmerdeurs. En les laissant intervenir de façon agressive dans les colonies, ils ne posaient plus le moindre problème dans la métropole.

    Il y avait par exemple pas mal de fils de fermiers sans travail, et ce du fait que l’agriculture devenait trop productive. Ces gars, on pouvait les envoyer au Congo comme missionnaires. On a expédié là-bas une vingtaine de missionnaires de chaque bled agricole flamand. On leur a collé un uniforme sur le dos et, dès lors, ils ont pu aller jouer au patron chez les Noirs."

    Tout simplement parce que le statut d'opprimé, de relégué, de périphérisé voire pratiquement... de colonisé (Irlandais) du colon dans son pays d'origine est inopérant (à de rares exceptions près) une fois arrivé dans le pays à coloniser : c'est le rapport de force découlant de la possession (ou de la capacité d'appropriation rapide) de forces productives qui détermine la constitution mentale en "race supérieure" et (par conséquent) celle de l'autochtone en "race inférieure" (tout ceci s'enrobant par la suite d'"argumentaire" tant religieux que "scientifique"). Les États "métropoles" puis les Empires capitalistes, en tant que bases d'extraction de plus-value, se sont ainsi construits et développés en cercles concentriques de périphéries autour des Centres du pouvoir bourgeois ; et tant que les masses n'ont pas compris cela, un "cercle" de périphérisation plus proche du Centre peut se montrer (en apparence) plus oppresseur vis-à-vis d'un cercle plus "lointain" que le Centre en question lui-même, qui s'abrite confortablement dans ses tours d'ivoire bien-pensantes et délègue les basses besognes.


    2 commentaires

  • Tandis que les médias impérialistes occidentaux annoncent à cors et à cris une énième "invasion russe dans l'Est de l'Ukraine" (en réalité, la Russie qui joue son rôle de base arrière de la rébellion dans le Donbass comme depuis le début), nous avons déniché encore une fois du côté de Borotba ces quelques analyses très intéressantes quant à la NATURE DE CLASSE du mouvement "séparatiste pro-russe", qui confirment nos impressions depuis le début et notre léger penchant en faveur du mouvement en question (sans pour autant nous aveugler quant à ses plus-qu'importants aspects réactionnaires) :

    http://borotba.su/class_forces_in_the_ukrainian_civil_war.html

    Workers World [organisation marxiste-léniniste états-unienne très "campiste" et évidemment à fond sur le Donbass NDLR] : Une des principales revendications du mouvement de Maïdan était l'adoption d'un accord d'association avec l'Union européenne. Quelles forces en Ukraine poussaient en faveur d'une telle intégration à l'UE ? Quel impact vont avoir les mesures d'austérité impulsée par l'UE et le FMI sur la lutte en Ukraine ?

    Victor Shapinov : Certaines personnes pensaient que la prétendue "intégration européenne" apporterait les standards de vie occidentaux en Ukraine. Mais pour voir la réalité en face, il faut regarder la situation en Grèce. L'UE n'apporte pas de hauts standards de vie mais un régime d'austérité coupant dans les dépenses sociales de l’État.

    030314 borotba Borotba a été l'une des principales forces politiques à prendre position contre l'intégration européenne. Nous avons publié une importante et profonde analyse des conséquences du traité d'association et de l'intégration dans le système économique de l'UE. Pour des pays comme l'Ukraine, cela signifie tout simplement livrer sur un plateau le contrôle de leurs marchés à l'impérialisme ouest-européen.

    Prenez par exemple l'agriculture. L'Ukraine a une très importante et conséquente production agricole. Mais les produits agricoles venant d'Europe sont moins chers, car ils bénéficient de très grosses subventions de l'Union - entre 40 et 50% dans certains cas. L’État ukrainien ne peut tout simplement pas donner autant d'argent aux agriculteurs, et ces derniers seront acculés à la faillite.

    C'est la même chose pour l'industrie. L'Ukraine va être inondée de produits bon marché importés de l'UE et, dans le même temps, elle aura perdu le marché russe et des autres pays de l'union douanière.

    Des pays comme la Grèce, l'Espagne ou le Portugal qui vivent aujourd'hui sous des régimes d'austérité sont la périphérie des pays "centraux" de l'UE. L'Ukraine, elle, sera carrément la périphérie de la périphérie, comparable aux pays en développement du Tiers Monde.

    Tout ceci est très mauvais pour l'économie ukrainienne, mais très bénéfique pour certaines branches de l'industrie et les gros oligarques. Du fait de la crise capitaliste, ils recherchent le soutien de l'Ouest et des garanties pour la sécurité de leur capital. Ils ont été très actifs pour promouvoir l'intégration européenne.

    Quand le mouvement de Maïdan a commencé, toutes les chaînes de télévision étaient en sa faveur. Ianoukovitch était le mal incarné et Maïdan le camp du bien. Pratiquement toutes les chaînes de télé en Ukraine sont la propriété privée de groupes d'oligarques. Tous ont fait la promotion de Maïdan, une énorme propagande en sa faveur.

    Lorsque le coup d’État maïdaniste a triomphé, ils ont milité pour l'accord de libre-échange et celui-ci a été signé par l'Ukraine et les Européens. Mais il n'entrera en vigueur qu'en 2016 : même pour l'Europe, les choses ne sont pas si faciles.

    Mais si nous parlons des réformes néolibérales en échange des prêts du FMI, celles-ci commencent déjà à être mises en œuvre. La principale figure de ce processus est le Premier ministre Arseniy Iatseniouk, qui est très pro-occidental. Il a annoncé fièrement le plus vaste programme de privatisation du secteur public de toute l'histoire de l'Ukraine.

    Nous assistons en Ukraine à la naissance d'une formule politique totalement nouvelle : fondamentalisme de l'économie de marché dans une main, nationalisme et fascisme dans l'autre. L'un et l'autre marchent maintenant main dans la main.

    Au début, beaucoup de personnes ont pu dire que Maïdan était un mouvement populaire contre la corruption etc. Mais quelle était la direction politique de ce mouvement ? C'était ce bloc de néolibéraux et de fascistes.

    Dès le début du mouvement de Maïdan, le pronostic de Borotba a été que la victoire de celui-ci amènerait ce bloc au pouvoir. Ce sont là comme les deux mains du Capital monopoliste qui tente de préserver son pouvoir politique et économique. Telle était la base politique et sociale du mouvement de Maïdan.

    Ianoukovitch n'était pas très efficient pour les monopoles capitalistes. Auparavant ils devaient s'arranger avec lui, mais maintenant - depuis Maïdan - ils détiennent le pouvoir politique direct, comme les oligarques Igor Kolomoïsky (devenu gouverneur de Dniepropetrovsk) ou encore Serhiy Taruta, devenu gouverneur de Donetsk - ce dernier a cependant été chassé par la République populaire.

    Certaines personnes de gauche ont qualifié Maïdan de mouvement populaire. Mais le peuple est divisé en classes. Ce n'est pas qu'une question de langue, qu'une partie de la population parle russe et l'autre ukrainien, mais aussi une question de classes. La classe moyenne et la ci-nommée "classe créative" (les petits entrepreneurs free lance, la "nouvelle économie" de start-ups des grandes villes etc.) ont été le noyau dur de Maïdan. Même dans les villes du Sud-Est, vous pouvez trouver des positions pro-Maïdan exprimées par ces couches sociales.

    1MaiBorotbaEn Russie il y a eu une soi-disante "marche pour la paix" à Moscou le 21 septembre ; en réalité, pas vraiment pour la paix mais plutôt pour soutenir le pouvoir de Kiev. Elle était très inspirée par la propagande pro-occidentale et dirigée par les libéraux russes. Sa base sociale était là encore la "classe créative".

    Ces couches sont liées au capitalisme occidental. Certains de leurs membres travaillent directement dans l'économie contrôlée par les entreprises occidentales, d'autres se tournent vers l'Ouest par leur mode de vie et de consommation. Ils adoptent cette idéologie et pensent que quiconque est contre eux ou n'est pas aussi pro-occidental qu'eux est quelqu'un d'arriéré et primitif.

    WW : Quelles sont les forces de classe à l’œuvre dans la résistance au coup d’État - le mouvement anti-Maïdan et les Républiques populaires du Donbass ?

    VS : Nous pouvons voir que les personnes qui sont liées à ce qu'on peut appeler l'activité productive réelle - les usines, les mines etc. - sont plutôt impliquées dans le mouvement anti-Maïdan ou partagent ses sentiments.

    Nous ne pouvons bien sûr pas dire que c'est une pure contradiction de classe, que c'est simplement la bourgeoisie d'un côté et le prolétariat de l'autre. C'est plus compliqué que cela.

    L'agenda politique de Maïdan ne met pas en avant une claire orientation de classe. Il parle plutôt d'un "choix de civilisation". Ils disent que l'Ukraine doit faire un "choix de civilisation" en faveur de l'Europe et de l'Ouest, contre l'Est et la Russie. Même des forces de gauche versent là-dedans et adoptent ce type de langage politique.

    Lorsque Borotba était à la tête du mouvement anti-Maïdan à Kharkov, nous avons toujours dit que le mouvement était d'abord et avant tout un mouvement contre les oligarques, avant même d'être antifasciste, parce que ce sont les oligarques qui ont nourri les fascistes, qui les ont soulevé et appuyé, et maintenant nous les voyons même les armer et former des bataillons pour les envoyer dans le Donbass. Nous nous sommes toujours efforcés de mettre en avant un point de vue de classe.

    Mais parfois, même sans l'influence de Borotba ou d'autres révolutionnaires, il y a un développement spontané de la conscience de classe.

    Prenez Alexeï Mozgovoï, commandant du Bataillon Fantôme dans l'Armée populaire dans le Donbass. Il est très socialisant, anti-oligarques et anti-bureaucrates [NDLR SLP : après recherche internet sur son compte (et en tenant compte du fait que les informations trouvées sont pour beaucoup propagande contre propagande), son "progressisme" réel reste à démontrer (selon nos critères occidentaux en tout cas). Nous avons donc préféré traduire "leftist" par "socialisant" plutôt que "de gauche". Ce dont on est sûr c'est qu'il est violemment en conflit avec les autorités dirigeantes du Donbass qu'il considère comme des traîtres négociant avec Kiev et servant les oligarques et leurs propres intérêts financiers, ce qui peut effectivement être le point de départ d'une évolution politique intéressante]. Son idéal est l'auto-gouvernement du Peuple, comme - selon ses propres dires - dans les soviets (conseils ouvriers) des débuts de la Révolution soviétique.

    redstardonbassCe n'est pas parce qu'il a lu des ouvrages, mais simplement parce qu'il a été inspiré par ce mouvement et qu'il a fait ses propres analyses. À présent il y a une bonne base pour travailler avec lui.

    Il y a aussi bien sûr une forte influence de la Fédération de Russie et de ses forces. Dans un certain sens c'est une bonne chose, car sans le soutien russe la résistance dans le Donbass aurait déjà été violemment écrasée.

    Au départ le mouvement n'avait pas de leaders, pas de structures, rien. C'est un miracle qu'ils aient survécu et construit une véritable armée capable de battre l'ennemi. Sans l'appui de la Russie cela n'aurait pas été possible. C'est une simple réalité.

    Mais la Russie n'est pas un pays socialiste, pas même un pays démocratique. Elle tente d'utiliser le mouvement pour servir ses propres objectifs, et elle tente aussi d'imposer des points de vue idéologiques qui désarment les masses contre le capitalisme, comme la religion orthodoxe ou les idées nationalistes russes.

    WW : Comment décririez-vous ce nationalisme russe dans le Donbass ?

    VS : En Occident, si vous soutenez les Républiques populaires du Donbass vous vous retrouverez toujours face à l'argument que ce ne sont que des nationalistes russes, que le conflit en Ukraine n'est qu'une guerre entre deux nationalismes.

    Mais si vous parlez avec des gens du Donbass qui se disent nationalistes russes, les choses sont assez différentes.

    Si quelqu'un à Moscou vous dit être un nationaliste russe, il y a 90% de chances pour que ce soit un fasciste. Mais si quelqu'un à Donetsk vous dit être un nationaliste russe, cela veut simplement dire qu'il est pour plus de droits pour la population russophone, pour le droit à l'enseignement en langue russe, et ainsi de suite. Ou simplement qu'il est contre Bandera [nationaliste ukrainien et collaborateur nazi de la Seconde Guerre mondiale] devant sa porte. D'un point de vue économique, c'est un socialiste.

    Pavel Gubarev [un leader de la résistance de Donetsk], par exemple, dit être un nationaliste russe mais il dit dans le même temps être un "socialiste orthodoxe" [NDLR : nous ignorons ici s'il fait référence à l'orthodoxie politique ou à la religion orthodoxe, comme on dirait "socialiste chrétien"]. Beaucoup de gens ont ainsi des conceptions hétéroclites et contradictoires.

    La lutte idéologique n'en est qu'à ses tous premiers pas. Qui l'emportera et quelle idéologie claire va s'imposer est une question de travail politique, de lutte.

    Il est vraiment très regrettable que Borotba ait toujours eu une faible implantation dans les régions de Donetsk et Lugansk. C'est là que le mouvement est le plus fort, si bien que nous n'avons pas eu une très grande influence sur celui-ci. Mais il y a des tendances de gauche dans la direction politique, par exemple le chef du Soviet suprême de Donetsk, Boris Litvinov. Il a dit vouloir "construire une république avec des éléments de socialisme". C'est un ancien membre du PC d'Ukraine [le 8 octobre, Litvinov est devenu président du nouvellement formé Parti communiste de la République populaire de Donetsk].

    Nous savons que beaucoup de combattant et commandants de l'Armée populaire sont de gauche voire communistes, pas seulement Mozgovoï mais aussi d'autres qui sont membres du Parti communiste ou se définissent eux-mêmes communistes. Il y a des bataillons dont l'insigne est l'étoile rouge. Beaucoup d'unités combattent sous le drapeau rouge.

    Ukr redflagburningC'est là toute la différence... Lorsque j'ai une discussion avec quelqu'un d'extrême-gauche qui me dit "Vous devez soutenir Maïdan ou alors ne soutenir aucun bord", je lui réponds : "Vous ne pouviez pas aller avec un drapeau rouge à Maïdan, par contre il y a des drapeaux rouges partout - et en nombre ! - dans les rassemblements anti-Maïdan". Et ce n'est pas seulement par nostalgie du passé soviétique : c'est aussi le point de vue politique des gens. Les pro-Maïdan ont toujours voulu détruire les monuments de Lénine, et les anti-Maïdan les ont protégés. Même des personnes se définissant comme "monarchistes" sont descendues dans la rue pour protéger les monuments de Lénine. Comme nous pouvons le voir, la situation est extrêmement complexe.


    **************************************************************************************

    La situation en effet, c'est le moins que l'on puisse dire, est complexe et cette analyse de classe du conflit par Borotba nous a amené les réflexions suivantes : de fait, la Russie et les territoires russophones de l'ex-URSS sont au jour d'aujourd'hui - de par leurs caractéristiques historiques et sociales - les terrains les plus favorables au monde à une mobilisation de masse de type national-socialiste.

    Tous les "ingrédients" sont réunis : des pays autrefois deuxième superpuissance mondiale, vaincus et humiliés au terme de la Guerre froide et où s'est développé en réaction un très virulent nationalisme anti-occidental qui met souvent en avant les "valeurs slaves" contre la "décadence occidentale" (avec tout ce que cela peut impliquer de contraire à certaines valeurs que nous considérons progressistes ici : antisexisme, anti-homophobie, critique des religions etc.), accompagné d'un puissant rejet d'un capitalisme très durement subi ces 25 dernières années mais analysé de manière idéaliste-populiste (à grand et fréquent renfort de "socialisme des imbéciles" antisémite) et de la recherche d'une "voie intermédiaire" entre celui-ci et un socialisme que l'on aurait "connu pendant 70 ans" et qui n'aurait "pas marché"... Une figure typique de ce "national-socialisme" populaire semble être par exemple cet Alexeï Mozgovoï cité dans l'entretien, dont on peut voir un aperçu des positions ici (bien finalement dans l'"esprit cosaque" local, mêlant convictions égalitaristes radicales - il se réclame même de Makhno ! - et valeurs parfois conservatrices).

    628x471Et lorsque l'on a compris en marxistes ce qu'est le national-socialisme, il faut alors évidemment s'attendre à voir émerger un ou plusieurs leaders "charismatiques" qui se mettront au service du Capital monopoliste russe, dans une démarche de "réaffirmation" impérialiste ultra-agressive (ce que l'on observe déjà, au demeurant, depuis une quinzaine d'années avec Poutine). D'ailleurs les fascistes des pays impérialistes ouest-européens déclinants, qui prétendent eux aussi "régénérer" ces derniers et en combattre la "décadence", ne s'y trompent pas en faisant généralement de la Russie et de son nationalisme leur modèle (comme potentielle alliée ou carrément maîtresse), quand bien même les fascistes ruthènes du Pravyi Sektor ont aussi leur fan club (et de fait, on a beau se pignoler sur les "rouges-bruns" et autres "NR" et leur "poutinophilie", la première fois que des nostalgiques ouverts du IIIe Reich accèdent à des postes de responsabilité en Europe depuis 1945 c'est bel et bien dans le cadre d'une "révolution" et d'un régime à fond pro-occidental, pro-UE et pro-FMI... c'est ballot hein ?).

    Mais faut-il alors - pour autant - rejeter en bloc tout ce qui "bouge" dans ces pays, ou (du moins) tout en dehors d'une certaine "scène" plus ou moins anarcho-gauchiste très occidentalisée ? Certainement pas : ce serait considérer que tout-e un-e chacun-e "sort" pour ainsi dire communiste ou fasciste "tout-e armé-e" de la cuisse de Jupiter. La réalité, c'est que les consciences politiques individuelles sont de la matière brute qui doit être travaillée en permanence par les deux "pôles", les deux intellectuels organiques collectifs que sont le Parti communiste et la fraction la plus agressive et réactionnaire du Grand Capital. Qui suivra ou pas les petits führer embauchés par le Grand Capital de Moscou dépendra PRINCIPALEMENT - en dernière analyse - de l'activité et du travail politique des communistes ; et c'est en cela que Borotba a 100% RAISON dans son approche matérialiste dialectique de la situation en Ukraine, en recherchant et appuyant dans le mouvement Entretien avec un responsable de Borotba : la guerre en Ukraine dans une perspective de classepopulaire de résistance contre la junte de Kiev les tendances qui peuvent être gagnées à la conception communiste du monde et constituer un secteur d'avant-garde (tout en reconnaissant que malheureusement, leur capacité d'action dans le Donbass proprement dit est réduite).

    Nous l'avons déjà dit et répété : nous ne soutenons pas les "Républiques populaires" du Donbass en tant que telles ; en revanche nous soutenons à 200% Borotba, nos camarades les plus proches là-bas, et leur position MATÉRIALISTE vis-à-vis de ces "Républiques" et de la situation en général. Et surtout - plus globalement encore, nous subordonnerons toujours la dénonciation de ce "national-socialisme" d'ex-URSS à la lutte implacable contre les premiers responsables de la situation : les "vainqueurs" de la Guerre froide qui ont plongé ces Peuples dans une misère et une désespérance sans nom !

    Nous ne reproduirons pas l'erreur parfois commise par nos prédécesseurs communistes des années 30-40 du siècle dernier : nous ne nous rallierons pas à la défense du "bon" impérialisme "démocratique" occidental contre les "monstres" ("rouges-bruns" slaves ou "djihadistes" musulmans) qu'il a lui-même engendré par sa politique de pillage et de dévastation ; ce qui ne nous empêchera pas de combattre également ces derniers sans la moindre concession*, notamment - bien sûr - s'ils se convertissent en un nouveau phénomène de type hitlérien (comme c'est déjà un peu le cas "en miniature" avec l'"État islamique" au Proche-Orient, face auquel nous défendons la "Stalingrad kurde" de Rojava). C'est fini, de laisser l'impérialisme "démocratique" occidental se cacher derrière le petit doigt de sa docte bonne conscience** ! "Ni atlantistes ni 'eurasistes' ni neutres" : un seul camp, le CAMP DU PEUPLE pour le triomphe du drapeau rouge !

    En définitive, il se peut bien qu'avec ce conflit en Ukraine nous soyons confrontés à l'occupation de la Ruhr de notre époque : de l'attitude de solidarité claire des communistes que nous sommes et de l'absence totale d'ambiguïté de notre part vis-à-vis de nos propres impérialismes qui ont appuyé le génocidaire social Eltsine et ses oligarques à la Berezovski hier et l'alliance des ultra-libéraux FMIstes et des nostalgiques de Stepan Bandera en place à Kiev aujourd'hui, dépendra la voie progressiste ou réactionnaire/fasciste que suivront les masses populaires ukrainiennes en résistance contre ces derniers.


    À lire aussi absolument :
    Le marxisme et la guerre dans le Donbass (ou "De l'internationalisme à géométrie variable d'une certaine extrême-gauche"), par le même Victor Shapinov (septembre 2015).


           
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    * En fin de compte, ce que perdent (ou font semblant de perdre) de vue les gauchistes à la "Révolution permanente", "Mondialisme.org" (Yves Coleman) ou "lesmaterialistes.com" dans leur analyse des phénomènes réactionnaires (ou en tout cas bourgeois) du "Tiers Monde" (islamisme, nationalismes africains à la Gbagbo, populismes sud-américains à la Chavez etc.) ou d'Europe de l'Est ("eurasisme", "national-bolchévisme")... c'est la plus élémentaire notion de cause-à-effet : ces phénomènes sont les PRODUITS de la situation que l'impérialisme occidental impose à ces pays, et ils ne peuvent pas être critiqués et combattus sans tenir compte de cela ! Le Hamas est un produit de l'occupation sioniste en Palestine, l’"État islamique" est un produit de 10 ans de guerre impérialiste en Irak et les nationalistes russes "eurasistes"/"rouges-bruns" du Donbass sont les produits de 25 ans d'offensive occidentalo-FMIste pour dépecer et piller les anciennes républiques soviétiques, en encerclant la Russie suivant les thèses de l'impérialiste Brzezinski ! Mais que voulez-vous : pour cette "extrême-gauche" de petits bourgeois, l'impérialisme occidental c'est aussi leur râtelier !! Alors, il est tellement plus commode de dénoncer ses adversaires...

    ** Quelque part la Chine, l'Iran ou encore le Capital arabe suraccumulé du Golfe (qui finance le djihadisme) sont un peu dans la position du Japon de la première moitié du 20e siècle : des acteurs qui ÉMERGENT de manière agressive sur la scène internationale ; tandis que la Russie, ancien social-impérialisme soviétique vaincu et humilié au terme de la Guerre froide, serait plutôt dans la position de l'Allemagne du Traité de Versailles, cherchant à se RÉaffirmer. Dans tous les cas, nous voyons bien que face à ces "menaces" agressives dont les actions - en effet - sont souvent fort peu défendables, la tentation d'une "union sacrée" avec nos propres impérialismes occidentaux est une menace très concrète.

     


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  • Le pays est toujours en proie à la colère du Peuple, un mois et demi après l'enlèvement et l'assassinat atroce de 43 étudiants de classe populaire paysanne dans l’État de Guerrero (région d'Acapulco également appelée Mixteca).

    Presse bourgeoise :
    Mexique : la colère ne s'apaise pas après le massacre de 43 étudiants
    Disparus au Mexique : le siège régional du parti au pouvoir incendié
    Mexique : manifestations violentes après l'annonce du massacre d'étudiants
    Disparus au Mexique : des manifestants bloquent l'accès à l'aéroport d'Acapulco
    Étudiants disparus au Mexique: le siège régional du parti au pouvoir incendié
    Pourquoi le Mexique s'enflamme-t-il ?

    Presse petite-bourgeoise progressiste (Slate.fr) :
    Affaire des «43 d’Ayotzinapa»: comment le Mexique s'est rêvé en nouveau Brésil pour se réveiller en nouveau Nigéria

    Site d'Alain Bertho :


    Au dernières nouvelles, les insurgés auraient carrément incendié le Parlement de l'État !


            mexique-emeutes-11301751yynae 171320141111-Mexique-RONALDO-SC

            931670-manifestations-colere-succedent-mexique-depuisMex siègePRI burn

            mexic_burn.jpgmexicburn.jpg

    Mexic_4x4.jpg burn_parl_guerrero.jpg


    Par ailleurs, un peu partout dans le monde la magnifique solidarité internationale révolutionnaire s'est levée :

    antifa Mars sol MexSolMexItAyotzinapa Barcelona 22 oct


    À bas le vieil État mexicain semi-colonial, capitaliste bureaucratique, comprador, terrateniente et mafieux ! À bas ses maîtres impérialistes européens et nord-américains ! Guerre populaire jusqu'au communisme !


                         Se-los-llevaron-vivos-los-queremos-vivosg 2025 

     


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  • Traditionnellement considérée comme une "terre de droite", l'Alsace est pourtant la seule "région" de "France" à avoir connu, à l'issue de la Grande Boucherie de 14-18... des évènements révolutionnaires dignes de la Révolution bolchévique russe. Elle faisait en effet partie à l'époque (depuis 1871) de l'Empire allemand, où des évènements de ce type avaient éclaté dès le 29-30 octobre par une mutinerie des marins de Kiel (sur la Baltique).

    Quelle meilleure, quelle plus belle et lumineuse réponse que la RÉVOLUTION au cauchemar capitaliste-impérialiste traversé par des centaines de millions d'hommes et de femmes pendant 4 ans et 3 mois (dont bien sûr les 70 millions de mobilisés, avec près de 10 millions de morts et le double de blessés, mais on oublie souvent que près de 9 millions de civils ont également péri) !? Ce fut la réponse que jetèrent à la face de la dictature des monopoles les Peuples de l'Empire russe et de l'Empire allemand, les Hongrois ou encore les Irlandais...

    Mais le Novembre rouge alsacien sera hélas de courte durée : dès le 22 du mois, l'Armée française reprend possession de la "province perdue"* (qui trônait depuis 47 ans peinte en noir sur les cartes de l'école de Jules Ferry...) pour y rétablir l'ordre "républicain" de la bourgeoisie bleu-blanc-rouge. Pour ceux qui pensent et proclament encore que la construction de l'entité "France" n'a mis fin qu'à des "féodalités locales" : un siècle et demi après avoir écrasé en Corse (1768-69) une révolution démocratique bourgeoise, l'État français annexait et écrasait en Alsace-Moselle ni plus ni moins... qu'un Peuple en pleine révolution prolétarienne**. CQFD...

    le-drapeau-rouge

    Voici un article publié en mars 2010 par l'Action antifasciste d'Alsace :


    Drôle de date pour un nom de rue : le 22 novembre


    Les festivités organisées en novembre 2008 à Strasbourg donnent lieu à un dossier spécial 14-18 publié dans le numéro 197 du mensuel de la ville « Strasbourg Magasine ». On y apprend que « le 22 novembre 1918, Strasbourg redevenait française après avoir été durant quarante huit ans la capitale du Reichsland Elsass-Lothringen. Une euphorie extraordinaire régnait, une foule innombrable accueillait les troupes françaises, avec à leur tête le général Gouraud, dans une ville entièrement pavoisée de drapeaux tricolores. La rue Neuve, première réalisation de la grande Percée, en 1912, allait accueillir ce défilé triomphal dont elle a gardé la mémoire en devenant… rue du 22 Novembre. »
    Strasbourg Magazine, n°197 - Dossier spécial 14-18

    Cependant le passant qui arpente cette rue notera qu’aucune année n’est précisée sur le panneau et aucune explication n’est donnée. Ce 22 novembre évoque donc la « libération » de Strasbourg en 1918. L’armistice ayant été signée 11 jours plus tôt, pourquoi la ville a été « libérée » aussi tard – après l’armistice, et de qui avait elle besoin d’être « libérée » ? Pour comprendre les faits qui se sont déroulés entre le 11 et le 22 novembre, il faut revenir au mois d’octobre 1918 et aux évènements qui ont eu lieu en Allemagne. À cette époque l’Alsace et la Moselle faisaient partie intégrante de l’Empire germanique : c’était le Reichsland Elsass-Lothringen.

    En ce mois d’octobre 1918, des généraux de l’état-major allemand, qui n’admettaient pas une défaite pourtant imminente, ont décidé d’envoyer la marine dans une tentative de « tout pour le tout » et donc de sacrifier les marins. Les marins choisissent alors la désobéissance : une mutinerie éclate le 30 octobre dans le port militaire de la ville de Kiel. Cette mutinerie est l’évènement déclencheur de la Révolution allemande.

    Parmi les marins, on comptait environ 15000 Alsaciens et Mosellans. Ayant eux-mêmes rejoint la mutinerie, ils sont rentrés en Alsace et en Moselle pour y faire vivre cette révolte.

    Le 7 novembre, des manifestations ont lieu à Strasbourg contre la garnison et contre la prison pour exiger la libération des insoumis et des déserteurs

    Le 8 novembre, la République soviétique de Bavière (en allemand Bayerische Räterepublik ou Münchner Räterepublik) est proclamée : cette nouvelle se répandit rapidement dans toute l’Allemagne, y compris à Strasbourg

    Le 10 novembre un train contrôlé par des marins insurgés est bloqué sur le pont de Kehl, et un commandant loyaliste ordonne de tirer. Un insurgé, le soldat Fir, est tué, mais les insurgés prennent le contrôle de la ville de Kehl. Les premiers insurgés avaient déjà atteint Strasbourg : ils avaient été rejoints Place Kléber par des milliers de Strasbourgeois. Le soviet est proclamé par les marins qui sont soutenus par les ouvriers de la ville.


    10 novembre 1918, place Kléber à Strasbourg, proclamation du soviet.


    Ce soviet de soldats se transforma rapidement en soviet de soldats et d’ouvriers. Les murs de la ville sont couverts d’affiches qui proclament : « Nous n’avons rien de commun avec les États capitalistes, notre mot d’ordre est : ni Allemands ni Français ni neutres. Le drapeau rouge a triomphé ».

    Des mesures sont immédiatement prises : augmentation des salaires, amélioration des conditions de travail, libération des détenus, liberté de presse et d’expression, levée de la censure sur le courrier, droit de manifester. Des commissions organisent la vie quotidienne : transports, finances, ravitaillement, démobilisation, justice… Des grèves radicales éclatent, surtout parmi les cheminots. Des soldats arrachent leurs insignes aux officiers et distribuent des vivres aux passants affamés.


    Le soviet de Strasbourg instaure la « République d’Alsace-Lorraine ».


    15 novembre 1918 : une réunion du Soviet des ouvriers et soldats au Palais de Justice.


    Au même moment, la bourgeoisie allemande de Strasbourg fait appel aux troupes françaises pour qu’elles mettent fin au soviet. Un slogan court les quartiers bourgeois : « Plutôt français que rouges ! ». Les socialistes proclament « la République Française ». Deux gouvernements cohabitent.


    Le 13 novembre, le drapeau rouge flotte au sommet de la cathédrale.

    Le dirigeant social-démocrate strasbourgeois Jacques Peirotes, qui siégeait au soviet des soldats et des ouvriers, fait appel au Grand Quartier Général français et demande aux généraux de « hâter leur entrée à Strasbourg, la domination des rouges menaçant de prendre une fin tragique ». Tragique pour les bourgeois, car on craint une propagation du mouvement sur tout le territoire français. L’entrée dans la ville était prévue pour le 25 : les troupes françaises entrent dans la ville et écrasent les soviets le 22 novembre.

    La première décision du commandement militaire est l’abrogation des décrets des soviets.

    Début décembre 1918, Clemenceau et Poincaré entérinent le retour de l’Alsace-Moselle à la France. Le commandement militaire perdure jusqu’à la signature du traité de Versailles en juin 1919.


    La Révolution, 1918-1919, René Beeh


    En plus de l’abrogation des décrets des soviets, une politique de francisation forcée est mise en place. Après presque 50 ans de domination germanique, il était maintenant interdit de parler allemand ou le dialecte alsacien, à l’école ainsi que dans les services publics. La méthode d’enseignement utilisée à l’école était dite « d’enseignement direct », c’est-à-dire que le français est employé sans transition. Ceci a été rendu possible par l’envoi d’enseignants uniquement francophones sur le territoire alsacien et mosellan.

    Parmi les décisions administratives, un arrêté du 14 décembre divise le peuple en 4 classes, notées A, B, C ou D sur leur carte d’identité. Ce classement a été établi en fonction de l’origine, c’est-à-dire de l’ascendance et de la caractéristique supposée du degré de francophilie. Selon la classe, les droits civiques étaient différents :

    Classe A : personne dont les parents auraient été Français si l’annexion n’avait pas eu lieu en 1871. Cette carte permet au détenteur de circuler dans toute l’Alsace-Moselle, et de bénéficier d’un taux de change de 1,25 francs pour 1 mark.

    Classe B : personne ayant un seul un parent « français de souche »

    Classe C : étrangers qui ne sont pas de nationalité allemande, autrichienne, ou issus d’un de leurs alliés pendant la guerre.

    Classe D : citoyens d’origine allemande, autrichienne ou d’un pays allié. Il leur est interdit de circuler en dehors de la ville. Taux de change pour les détenteurs de la carte : 0,80 franc pour 1 mark.

    Une politique d’épuration est mise en place par les autorités françaises, ainsi que des commissions de triage chargées des l’examen individuel des Alsaciens selon les propos, les positions prises ou leur attitude supposée. Résultat : 112 000 résidents alsaciens, décrétés « allemands » ou insuffisamment francophiles, sont expulsés [NDLR ce qui représente près de 10% de la population de l'époque, un véritable nettoyage ethnique !!!].

    L’exemple d'Albert Schweitzer – pas encore lauréat du prix Nobel de la paix – illustre bien cette politique : bien que la nationalité française lui ait été attribuée, il est fiché comme « dangereux autonomiste ». En conséquence, il est surveillé par la police secrète française jusqu’à la fin de l’année 1920 : un espion était en permanence posté devant son lieu d’habitation.

    Strasbourg n’est pas la seule ville ayant connu les soviets lors de ce mois de novembre 1918, il y eut aussi Colmar, Haguenau, Molsheim, Mulhouse, Neuf-Brisach, Ribeauvillé, Saverne, Sélestat.

    Dans le contexte de fin de guerre, l’Alsace-Moselle a connu quelques jours de liberté aux travers de cette expérience des Soviets et de la « République d’Alsace-Lorraine ». Ces Soviets ont pris des mesures de protections sociales inédites. Ceci a été possible grâce au retour des mutins de la marine impériale et au soutien immédiat et sans faille des ouvriers. La bourgeoisie, après 50 ans de prospérité dans l’Empire allemand, a opportunément demandé l’aide de l’armé française qui a massacré les soviets, autrement dit « libéré » la ville, le 22 novembre.

    Précision : Alsace-Moselle ou Alsace-Lorraine ?

    En français Alsace-Moselle désigne les 3 départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle. En allemand Elsass-Lothringen (traduit littéralement par Alsace-Lorraine), désigne également le territoire couvert par les 3 départements. Alsace-Moselle désigne donc le territoire géographique, alors qu’Alsace-Lorraine désigne un territoire administratif que ce soit au sein de l’Empire germanique ou dans le terme « République d’Alsace-Lorraine ».


    L'on pourra aussi lire cet article publié ces derniers jours sur le site de Solidarité Ouvrière :


    10 novembre 1918 : Le drapeau rouge flotte sur Strasbourg


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    Texte publié par le MJCF 67 en novembre 2018 (voir : retour-sur-les-lignes-en-train-de-bouger-du-cote-des-jc-en-alsace) :


    CENTENAIRE DU NOVEMBRE ROUGE DE 1918 EN ALSACE-MOSELLE

    http://uecstrasbourg.over-blog.com/2018/11/il-y-a-100-ans-le-drapeau-rouge.html

    L’histoire locale et nationale est rapportée et expliquée avec le point de vue de la classe dominante dans une société donnée : de fait, l’histoire de toutes les périodes de lutte des deux derniers siècles en particulier est façonnée par la bourgeoisie à son stade impérialiste, c’est à dire l’aristocratie financière pourrissante qui a laissé derrière elle tout le caractère progressiste et révolutionnaire qu’elle prétend incarner encore aujourd’hui. Novembre 1918 marque donc la fin de la Première Guerre mondiale et soulage pour un temps malheureusement bref la souffrance des peuples d’Europe (mais pas, rappelons-le, des colonies disputées par les belligérants) et en particulier des classes laborieuses ─ le prolétariat et la petite paysannerie sur qui pèse le plus lourd de la guerre. Mais si l’historiographie française retiendra, en ce qui concerne l’Alsace-Moselle, son retour à la République française, les événements révolutionnaires et le rôle actif du prolétariat pendant cette période semblent avoir été mis sous le tapis.

    Nous, Jeunes Communistes du Bas-Rhin, profitons donc de l’occasion du centenaire du mois de novembre 1918 pour rappeler que ce mois fut teinté du rouge de la révolution prolétarienne : ce fut bien la Räterepublik, la République socialiste des Conseils d’Alsace-Lorraine, qui s'imposa comme mot d’ordre du prolétariat alsacien et mosellan pendant ces quelques jours durant lesquels le drapeau rouge flotta sur la cathédrale et sur les mairies de nombreuses villes de la région.

    Rappel historique

    Novembre 1918 signe la fin de la guerre impérialiste pour la répartition des richesses et de la main d’œuvre entre les monopoles internationaux. À l’aube de ce mois de novembre, l’Allemagne impériale se voit obligée de battre en retraite face aux armées françaises et britanniques et de toute évidence ne va pas tarder à devoir accepter l’armistice au vu de la mauvaise tournure que prend pour elle le conflit mondial. Les années de guerre extrême qui ont envoyé des millions d’ouvriers et de paysans pauvres mourir au champ de bataille et qui entraînèrent disette et misère au sein de la classe laborieuse, cristallisèrent partout les antagonismes existant entre la classe capitaliste et le prolétariat, notamment en Allemagne. Le pays était un parfait terreau révolutionnaire duquel naquirent plusieurs insurrections à travers le territoire germanique. Les soldats  exténués par la guerre ─ qui sont, dans les armées de conscription de toute l’Europe du 20ème siècle, des ouvriers et des paysans et non pas des militaires de métier ─ étaient à la tête du mouvement de colère qui animait les masses populaires et étaient décidés à ne plus mourir pour une guerre dont il ne se faisait plus d’illusion. C’est dans ce contexte que les soldats de la Marine allemande de Kiel refusèrent de partir dans un assaut suicidaire contre l’armée britannique au cours de la fin du mois d’octobre. Ainsi les groupes de soldats ─ dont 16 000 Alsaciens et Mosellans ─ se lancèrent dans une mutinerie qui aura pour effet la destitution des généraux de Kiel et l’établissement de conseils ouvriers en charge de la ville.

    Très vite les soldats alsaciens trop longtemps séparés de leur terre se mettent dans l’idée de porter la révolution sur le territoire alors allemand du Reichsland Elsaß-Lothringen (Reichsland d’Alsace-Lorraine) qui correspond plus ou moins à l’Alsace et la Moselle. Le 10 novembre, sitôt arrivés à Strasbourg, les marins révolutionnaires mettent en place des conseils de soldats et d’ouvriers basés sur le modèle de la révolution bolchevique (Rat, conseil, soviet) qui inspire toujours le mouvement révolutionnaire des années plus tard. De Mulhouse jusqu’à Metz se constituèrent ces soviets mettant en place des mesures sociales importantes en augmentant les salaires, établissant une préquelle de sécurité sociale.

    Bien sûr ces mesures n’étaient pas du tout au goût de la bourgeoisie locale qui commença dès l’arrivée des révolutionnaires à organiser la contre-attaque des forces bourgeoises. Ainsi le social-démocrate Jacques Peirotes qui travaille activement au retour des troupes françaises en Alsace, s’empare de la mairie de Strasbourg et s’autoproclame maire de la ville à l’aide de ses amis. Le conseil municipal se présenta comme un contre-pouvoir aux conseils ouvriers dans lesquels les socialistes révolutionnaires militent pour la création d’une République socialiste d’Alsace-Lorraine sous le slogan « ni Allemands, ni Français ni neutres : le drapeau rouge a triomphé ! ».

    Le 13 novembre ils hissèrent fièrement le drapeau rouge au sommet de la cathédrale de Strasbourg, en signe de victoire de la Révolution !

    Cet acte a convaincu Peirotes de hâter l’arrivée des troupes françaises pour un « retour à l’ordre » au plus vite, comprenez pour « mater la révolution prolétarienne ». Le mot d’ordre de la bourgeoisie alsacienne (alors allemande) est clair et affiché sur les murs de quartiers huppés de la ville : « plutôt français que rouge ».

    Le 22 novembre à l’arrivée de l’armée française dans Strasbourg, la bourgeoisie locale accueille avec grand enthousiasme le président Poincaré contre qui elle avait pourtant déclaré la guerre 4 ans auparavant. Voilà comment la bourgeoisie aidée par la sociale-démocratie a désarmé et réprimé le prolétariat, à l’image de l’assassinat des spartakistes par le SPD à la même époque.

    L’échec des révolutionnaires

    Le conseils de soldats et d’ouvriers à Strasbourg et dans toute l’Alsace-Moselle et leur portée révolutionnaire n’auront finalement duré que quelques jours, entre l’arrivée des premiers mutins révolutionnaires le 9 et l’arrivée de l’armée française le 22, et leur influence n’aura pas réussi à se concrétiser en mouvement de masse. Il y a divers facteurs qui ont conduit à cet échec.

    Premièrement, si la situation fin octobre et début novembre est propice à l’action révolutionnaire des masses en Alsace, l’idéologie dominante reste très petite-bourgeoise et une partie influente de la population idéalise l’Alsace française d’avant 1870, notamment les anciens combattants. Ainsi quand les révolutionnaires défendent la position matérialiste du socialisme non pas allemand ou français mais prolétarien, seul capable de combattre l’impérialisme, ces paroles ont du mal à faire leur chemin dans les classes intermédiaires, objectivement dans le camp du prolétariat mais subjectivement soumises aux positions bourgeoises. Les révolutionnaires eux-mêmes sont hésitants quant à la tactique à adopter, en témoigne leur refus de s’attaquer à la propriété privée et leur relative bienveillance à l’égard des opportunistes dont le rôle dans la tournure prise par les événements est également très déterminant.

    En effet, les socialistes chauvins, Jacques Peirotes à leur tête, sabotent les efforts révolutionnaires et font tout pour que triomphe non pas le socialisme, qui en parole leur est très cher, mais bien la bourgeoisie française. Non seulement la mairie “socialiste” auto-proclamée, à l’image de la Douma municipale de Petrograd pendant la révolution russe, joue le rôle de contre-pouvoir direct aux conseils ouvriers, opposant ordre bourgeois à ordre prolétarien, Garde Civile à Garde Rouge, mais ces pions de la bourgeoisie investissent nombres de conseils pour y freiner le progrès des positions révolutionnaires. Dans certaines villes, ce sont des entrepreneurs et des propriétaires qui se hissent à la tête des conseils. On comprend ainsi la difficulté pour les révolutionnaires comme le président du conseil de Strasbourg le sergent Rebholz à pousser les masses à l’action non pas seulement contre l’Allemagne mais contre la bourgeoisie, quel que soit l’État capitaliste qui la représente, à se saisir des outils de pouvoir et à poser les bases pour cette République des Conseils déclarée mais non concrétisée. À son habitude, la social-démocratie opportuniste et de fait chauvine reprend la propagande contre-révolutionnaire bourgeoise, qui pour sa part présente les révolutionnaire comme des agents de l’Allemagne, pour justifier ses positions tout en prétendant représenter le socialisme. En effet Peirotes commentera ainsi ses choix et ses démarches pour hâter les troupes françaises en pointant la menace de l’Allemagne profitant du désordre de la révolution pour récupérer l’Alsace et la Moselle ; menace complètement fictive considérant l’état d’instabilité du pouvoir allemand secoué par la même vague révolutionnaire.

    Ainsi, avec l’approche des troupes françaises, les révolutionnaires sont contraints de renoncer à la construction d’un pouvoir ouvrier, constatant le résultat insuffisant de son activité pendant les quelques jours de ce Novembre rouge, qui s’est limitée à des hausses de salaires et des garanties sociales assez rudimentaires, certes importantes à l’époque mais ne donnant pas les outils du pouvoir à la classe ouvrière. En fait, cette activité aura surtout consisté à assurer le maintien de l’ordre pour empêcher les pillages qui menaçaient de causer des pénuries et des épisodes de trouble civils. Conscients et frustrés de ces conclusions amères comme le témoigne la dernière séance du soviet de Strasbourg le 20 novembre, les révolutionnaires descendent le drapeau rouge de la cathédrale, immédiatement remplacé par le tricolore pour accueillir l’armée de la République française.

    L’Alsace-Moselle sous la France

    Le mouvement autonomiste en Alsace a été largement récupéré par les réactionnaires qui ne présentent l’identité alsacienne que comme une entité fixe mise en péril par des pratiques religieuses ou culturelles d’une partie de la population issue de l’immigration récente. Ces fantasmes identitaires du grand remplacement à l’alsacienne aveuglent complètement les « autonomistes » actuels qui ne parlent que très peu voir pas du tout de la seule domination culturelle existante en Alsace-Moselle : celle de l’État français. En effet le Peuple alsacien est victime d’une répression culturelle de la part de la bourgeoisie française qui vise à détruire la culture alsacienne au profit d’une culture « bleu blanc rouge » jacobine.

    Effectivement, dès le retour des troupes françaises en Alsace-Moselle et après de nombreuses fêtes visant à rétablir l’ordre et la tradition républicaine mis à mal par l’expérience des conseils ouvriers, un tri va être fait entre les Alsaciens pour déterminer leur degré d’appartenance à la France. Ainsi plusieurs cartes d’identité seront mises en place selon que vous soyez enfant d’Alsaciens, d’Allemands ou d’une union entre un.e Allemand.e et un.e Alsacien.ne. Dès lors, tous ne bénéficiaient pas des mêmes droits civiques et certains étaient considérés comme des étrangers à qui on ne peut faire confiance ─ trop germanique pour se sentir sincèrement français. Voilà donc comment s’entama une purge culturelle visant à faire disparaître la culture alsacienne par l’interdiction de l’usage de la langue régionale, l’établissement sans transition du français dans toutes les institutions publiques et l’interdiction d’accès aux Alsaciens et Mosellans aux hauts postes administratifs locaux entièrement tenus par des Français de l’intérieur à l’image des pratiques coloniales.

    Aujourd’hui encore la langue alsacienne et son accent sont des traits culturels moqués et assimilés à une appartenance à l’Allemagne. La récente disparition de la région Alsace au sein du “Grand Est” est l’aboutissement de la négation d’une identité alsacienne propre par l’État français. Si aujourd’hui l’alsacien n’est plus pratiqué par la majorité de la population alsacienne c’est seulement à cause de l’acharnement répressif du pouvoir français à vouloir faire taire les Alsaciens.

    Quel différence l’allégeance à la bourgeoisie française a-t-elle alors apporté aux travailleurs alsaciens en 1918 ? Aucune si ce n’est celle d’être à nouveau traités en ennemis de la nation, incapables de se défendre au sein de l’entreprise car ne maîtrisant pas la langue du maître.

    De plus, le rattachement de l’Alsace-Moselle à la France fut surtout l’occasion pour la bourgeoisie française d’en piller les ressources. Dans son cours d’économie alsacienne à la faculté de droit et des sciences politiques de Strasbourg, le professeur Laufenburger cite entre autres l’exemple des usines de sidérurgie de la Moselle, qui « [...] en tant que propriétés allemandes, furent liquidées et cédées aux producteurs métallurgiques français à des prix notablement inférieurs à leur valeur réelle » (quelques centaines de millions de francs à peine pour une valeur de 8 milliards). Très vite, des dizaines de milliers d’ouvriers des mines et métallurgies seront forcés au chômage, plus encore au chômage partiel, et l’État français ne fera charité qu’à une fraction extrêmement faible de cette masse de travailleurs privés d’emplois, tandis que les salaires chutent bien en dessous du niveau moyen pour la France de l’intérieur et que l’impôt professionnel et celui sur les salaires montent bien au-dessus. Parallèlement, la répression contre les militants ouvriers se fait d’autant plus dure, avec interdiction de réunion, censure des journaux ouvriers, etc (voir [4]). En bref, le capital impérialiste qui écrase les peuples, les cultures, le travail.

    Conclusion

    En tant que communistes, l’objectif n’est pas pour nous de faire du folklore nostalgique des expériences révolutionnaires des derniers siècles, tournés vers le passé, mais bien de rester ancrés dans la situation présente, tournés vers les futures tournures que prendront la lutte des classes dans notre société et dans le monde. Si nous prenons le temps de commémorer le centenaire des conseils de soldats et d’ouvriers en Alsace-Moselle, c’est bien parce que nous en tirons des leçons historiques sur les rôles des différentes parts de la société en période révolutionnaire.

    D’une part nous y voyons les problématiques posées à des révolutionnaires qui, à peine de retour chez eux et avec un laps de temps très faible, ne parviennent pas à trouver dans les masses un appuis franc et déterminé pour mener la construction des outils du pouvoir ouvrier face à la bourgeoisie. Toute situation révolutionnaire ne mène pas nécessairement à un mouvement révolutionnaire d’ampleur, capable de renverser le pouvoir. En l’occurrence, le pouvoir bourgeois se maintient pendant ce mois de novembre 1918 en Alsace-Moselle : par la mairie de Peirotes, par la Garde Civile, et même par les soviets eux-mêmes, non résolus à toucher à la propriété privée, à la terre, aux moyens de production, et dont l’action consistera finalement en majeure partie à assurer l’ordre et à mettre en place des mesures sociales purement économiques sans portée politique révolutionnaire, qui seront balayées plus tard par le pouvoir français.

    D’autre part, cette expérience confirme en effet la qualité d’alliés objectifs de la bourgeoisie réactionnaire de la social-démocratie opportuniste, qui sous les conditions de l’impérialisme prend la forme du social-chauvinisme : la défense de la patrie (bourgeoise), de la république (bourgeoise), de la démocratie (bourgeoise) etc. Vouloir cacher ou amoindrir les antagonismes des classes, les subordonner à une cause idéaliste, tel est l’attitude opportuniste qui pouvait se comprendre il y a 200 ans alors que le socialisme et la compréhension matérialiste de la société étaient encore confus, mais qu’on ne peut et ne doit pas pardonner à l’ère de l’impérialisme.

    Ici, le schéma opportuniste présente la France comme la patrie républicaine salvatrice face à l’Allemagne impériale belliqueuse. Or l’une comme l’autre représentent les intérêts d’une bourgeoisie encline à sacrifier en masse sa population pour sauvegarder sa puissance économique. Les Alsaciens à qui on promit la paix et le pain sous l’égide de la France déchanteront d’ailleurs bien assez vite en voyant leur culture et leur langue détruite et leur terre préparée à devenir un tombeau à ciel ouvert, un champ de bataille pour une nouvelle manifestation des monstruosités de l’impérialisme.

    Ces points permettent de mieux appréhender la question toujours actuelle des revendications autonomistes en Alsace notamment. Depuis le soviet de Strasbourg sous le mot d’ordre « Ni Allemands, ni Français, ni neutres », l’idée d’une Alsace indépendante a fait son chemin, mais nous devons soulever des positions erronées dans le mouvement autonomiste qui est aujourd’hui largement conduit par une petite-bourgeoisie locale frustrée du poids de l’État français qui pèse sur elle.

    « Ni neutres » c’est la partie importante de ce slogan, profondément prolétarien, qui refuse de substituer la domination d’une bourgeoisie locale à celle d’une bourgeoisie française ou allemande. L’autonomie du Peuple alsacien, c’est l’autodétermination du Peuple alsacien, autrement dit une Alsace aux mains des travailleurs et travailleuses d’Alsace, quelles que soient leurs origines d’ailleurs. Le prolétariat n’est pas « neutre » car il est international, et c’est sous son action révolutionnaire que tous les peuples pourront vivre libres, débarrassés du parasite bourgeois qui revendique haut et fort la liberté et l’autonomie et dans le dos prépare la guerre et la soumission au capital.

    MJCF 67 - Mouvement des Jeunes Communistes du Bas-Rhin

    Sources

    [1] “Un soviet à Strasbourg”, extrait du journal Politis, le Citoyen, 10/17.11.1988

    [2] “Novembre 1918, La République Soviétique d’Alsace”, par Adrien Courtinel

    [3] “Quand le drapeau rouge flottait sur la Cathédrale”, documentaire de 2009 écrit et réalisé par Jean-Noël Delamarre

    [4] “L’Alsace-Lorraine sous le joug”, discours prononcé par Maurice Thorez à la chambre des députés le 4 Avril 1933

    [5] “Ordre et désordre dans la fête : Les fêtes de réception des troupes françaises en Alsace en Novembre 1918”, Jean-Claude Richez

    Novembre 1918 : la Révolution alsacienne

    * Lors de leur annexion par le tout nouvel Empire allemand en 1871, l'Alsace et la Moselle n'étaient nullement "françaises depuis toujours" mais seulement depuis deux gros siècles pour la première (1648 pour les terres impériales habsbourgeoises, 1679 pour la "Décapole", 1681-97 pour Strasbourg et même 1798 pour Mulhouse !), à l'issue de guerres de conquête extrêmement meurtrières (lire : les-ravages-de-la-guerre-de-trente-ans-en-alsace - 5-janvier-1675.pdf) ; encore qu'avec un statut assez particulier ("à l'instar de l'étranger effectif") jusqu'en 1789 ; et à peine un peu plus d'un siècle pour la seconde qui est la partie de langue germanique (francique ou platt) de la Lorraine, devenue "française" en 1766.

    ** Le mouvement ouvrier alsacien digèrera de fait très mal cette réannexion à la France ; le Peuple travailleur étant notamment attaché au système social bismarckien (rien de tel n'existant alors dans l’État français), de manière un peu similaire à ce que l'on peut observer chez les partisans de la Russie en Ukraine, ainsi qu'aux langues alsacienne et allemande (la plupart ne parlant pas un mot de français, langue seulement entretenue par les milieux bourgeois francophiles pendant près d'un demi-siècle). Durant la première décennie de leur existence (années 1920), conformément aux principes léninistes de la 3e Internationale, le PCF-SFIC et la CGTU défendront d'ailleurs le droit à l'autonomie voire à l'autodétermination des "nouveaux départements" d'Alsace-Moselle. Emmenés par Charles Hueber et Jean-Pierre Mourer, les communistes locaux s'empareront notamment de la mairie de Strasbourg en 1929 avec l'alliance des autonomistes (y compris "cléricaux", conservateurs), faisant flotter sur celle-ci le Rot un Wiss (drapeau rouge et blanc alsacien) en lieu et place du drapeau tricolore français. Mais, désavoués et exclus par la direction centrale de Paris, ces dirigeants connaîtront ensuite une tragique dérive pro-allemande et même pro-nazie qui se terminera dans la collaboration ; perdant entre temps les élections municipales suivantes (1935) au profit du républicain-démocrate (libéral) Charles Frey, qui hissera à nouveau les trois couleurs bleu-blanc-rouge sur l'hôtel de ville - cette victoire constituant en quelque sorte une "deuxième reconquête de Strasbourg" par la République française, après celle de 1918 et avant la dernière en novembre 1944. Après la Seconde Guerre mondiale, Hueber et Mourer seront bien sûr voués aux gémonies et le PC alsacien deviendra bien jacobin et tricolore comme il se doit... mais d'un poids politique pour lequel "faible" est déjà un grand mot. Avant de qualifier un peu rapidement (comme beaucoup le font) l'Alsace de "repaire de droitards et de fachos" (et son mouvement d'affirmation nationale encore plus), voilà des faits historiques qui méritent d'être médités...

    Novembre 1918 : la Révolution alsacienne
    Drapeau alsacien (Rot un Wiss - "rouge et blanc")... et drapeaux rouges,
    coiffes traditionnelles et poings levés pour le 1er Mai du Front populaire (1936)


    Et tout aussi - sinon encore plus ! - méconnu, non loin de là, deux mois plus tard (janvier 1919), ce sont aussi les troupes françaises qui mirent fin... à une tentative de révolution républicaine (au chant, pourtant, bien plus de la Marseillaise que de l'Internationale...) au Luxembourg !


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  • ... C'EST QUAND QU'ON PENSE LES FAIRE TOMBER ?

    Palestine occupée :

             Mur israélien 1MurIsrael

            Murpalestine mur israel1

    Frontière USA-Mexique :

    MurUSMex        Mur USMex2mur usa-mexiqueMur mexique USA

    Melilla, enclave "espagnole" du "rêve européen" sur la côte marocaine :

              murmelillaMurmelilla 01

              Mur-frontiere Melillamur mellila-le-24-avril-

    Ou encore... (passez votre souris sur les photos) :

    MurBelfast.jpg MurArg.jpg MurArg2.jpg

    Ou alors il faut croire qu'ils ne dérangent personne ?

    Pourtant ils étaient sympas les "communistes" : ils empêchaient eux-mêmes leurs propres immigrés de venir ! Mais il faut croire qu'il y a de bons et de mauvais immigrés : un ingénieur est-allemand sur-formé qui vient engraisser le Capital de l'Ouest et l'indice DAX de la Bourse de Francfort plutôt que la bourgeoisie bureaucratique "socialiste" de RDA, c'est sûr que c'est pas la même chose qu'un Mexicain ou un Congolais qui vient bouffer nos allocs... ou un Palestinien (ou un Irlandais, ou un Argentin...) qui ne demande qu'à vivre et circuler librement dans son pays.  #25AnsDeLaChuteDuMur   #HypocrisieBourgeoiseDeMerdeTotale

    [Sur l'évènement historique en lui-même, rien à ajouter à notre article d'il y a 5 ans :
    9 novembre 1989 : une défaite pour le révisionnisme soviétique, une victoire pour personne... sauf l'impérialisme !]


    Pas de Murs entre les Peuples, pas de Paix entre les Classes !

     

    À lire : Le mur meurtrier de la Méditerranée - L’assassinat institutionnel de masse de l’Union européenne

    Voir ici une carte des "Murs de la Honte" et autres barrières dans le monde.

     


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  • catalogneComme cela était prévu de longue date - et comme nous avions déjà eu l'occasion d'en parler, le Peuple catalan s'est donc rendu aux urnes ce dimanche pour décider... de son indépendance. Il est ressorti des urnes de cette consulta un OUI FRANC ET MASSIF des quelques 2,2 millions de votants aux deux questions qui étaient posées : que la Catalogne devienne un État (91,82% soit 2,05 millions de voix) et qu'elle devienne un État INDÉPENDANT (80,76% soit 1,8 millions).

    Petit problème, lui aussi annoncé de longue date : ce référendum était rigoureusement non-autorisé par le pouvoir "constitutionnel" de l’État central espagnol, qui refuse et refusera donc catégoriquement d'en reconnaître le résultat. État bourgeois aux abois (comme nous l'avons maintes fois analysé), l'"Espagne" s'est donc refusée à même envisager la situation qu'aurait eu à gérer - par exemple - Londres en cas de victoire de l'indépendance en Écosse en septembre dernier.

    Cette obstruction démocratique s'est d'ailleurs reflétée dans les urnes par une très forte abstention : plus de 3 millions de personnes sur les 5 millions et demi potentiellement convoquées (soit plus de 60%) ne se sont pas déplacées, les espagnolistes n'étant généralement pas allés voter à un scrutin considéré par eux comme illégitime et dénué de toute valeur (ce qui leur permettra évidemment de dire que l'abstention + le "non" sont largement au-dessus du "oui"...). Ceci a aussi pu jouer au demeurant sur la mobilisation du camp indépendantiste, soit par légalisme (on imagine mal l'électorat CiU, par exemple, en grands rebelles...) soit par sentiment d'inutilité. Néanmoins, ce sont en définitive quelques 40% de participation et un tiers des habitants de la Catalogne en mesure de voter (le droit de vote était ouvert à partir de 16 ans ainsi qu'aux étrangers résidents depuis plus d'un an) qui se sont prononcés pour l'indépendance de leur pays (rappelons aussi que bien des élections tout à fait légales et reconnues ne connaissent pas une participation bien supérieure... il suffit de penser aux dernières européennes : 42% en "France", 45% en "Espagne" !). Tous les scénarios sont donc désormais du domaine du possible, surtout lorsque l'on connaît la tradition de grande brutalité de Madrid quand il s'agit d'empêcher l'éclatement de sa construction étatique historique au service du Capital.

    La question catalane au sein de l’État espagnol a été assez bien étudiée par Servir le Peuple dans son article sur la construction historique de cet État. La Catalogne faisait originellement partie (de fait, elle était le moteur économique) du Royaume d'Aragon qui, en s'unissant à celui de Castille-León (mariage de Ferdinand II et Isabelle Ière), a donné naissance au Royaume d'Espagne. Les classes dominantes catalanes (aristocratie et bourgeoisie) étaient donc originellement - en quelque sorte - des "associées" de celles de Castille au sein du nouvel État moderne ; mais des "associées" se sentant très vite "flouées", n'obtenant qu'une toute petite partie (Pays valencien et Baléares) des terres "re"conquises sur Al-Andalus tandis que les colonies "découvertes" dans les Amériques étaient directement rattachées à la Couronne castillane. Ceci amènera, assez rapidement, la renaissance d'un très fort sentiment autonomiste voire indépendantiste dès lors (17e siècle) que le "miracle espagnol" du "Siècle d'Or" montrera ses premiers signes d'essoufflement (faute d'un réinvestissement intelligent par la Castille des richesses pillées outre-mer) ; tandis que de leur côté, les masses du peuple comme dans toute la péninsule résistaient naturellement à un État moderne synonyme de leur soumission brutale à l'accumulation primitive capitaliste, de la destruction de leur vie sociale "républicaine" dans les villages et les bourgs et de leur réduction à une pure force de travail productrice de plus-value.

    L’État espagnol "résoudra" cela au 18e siècle, après deux grands révoltes (Guerra dels Segadors - "Guerre des Faucheurs" - et celle de la Guerre de Succession d'Espagne), en imposant "tout simplement" à l'ancienne "Couronne d'Aragon"... le centralisme à la française, d'autant plus facilement que c'était désormais un petit-fils de Louis XIV, Philippe V de Bourbon, qui régnait sur le trône madrilène. Dès lors, sans cesser d'être la partie économiquement la plus développée de l’État, la Catalogne allait être politico-militairement soumise au pouvoir de Madrid, lequel agissait au demeurant (à cette époque et encore longtemps après) en "relais" de son voisin du Nord - notre oppresseur et négateur, l’État français ! C'est qu'en définitive, l’État "espagnol" castillan comme son homologue français s'est formé en absorbant une nationalité beaucoup plus riche à la base (Catalogne et Occitanie), mais contrairement à ce dernier il n'a pas su ensuite fortifier ÉCONOMIQUEMENT sa position dominante (ce que l'Empire colonial permettait pourtant Catalogne-oklargement, mais il a dilapidé ce "capital" !), ne pouvant plus dès lors s'imposer que par la force ainsi que par le soutien d'une puissance "tutélaire" (la France du règne de Louis XIV jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, puis les États-Unis dans le cadre de la Guerre froide et désormais la "Banane bleue" européenne).

    Ceci scella de fait la naissance de la question catalane, en dehors de laquelle il n'existe aujourd'hui aucune prise de position politique sérieuse (que ce soit pour ou contre l'autodétermination) sur ce territoire : l'"espagnolisme" hérité du franquisme (PP) et ses misérables appendices sociaux-démocrates (PSOE) et sociaux-libéraux (Ciutadans ou UPyD), autrement dit le camp du Capital "central" castillan, dédient toute leur activité politique dans la "région" à s'y opposer ; il y a une bourgeoisie catalane ultra-autonomiste (CiU, ERC) qui se sent désormais prête pour l'indépendance (pour avoir son propre État bourgeois) ; il existe même une extrême-droite (Plataforma) autonomiste mais anti-séparatiste et liée aux Identitaires hexagonaux, à la Ligue du Nord etc. etc. ; et il y a des "marxistes" et des "anarchistes" qui (comme ici) combattent l'affirmation catalane mais la grande majorité de la gauche radicale et révolutionnaire (CUP, Arran, mouvement des squats autogérés etc.) s'en revendique toutefois aux côtés de la lutte sociale, d'autant plus aisément que l'héritage historique va dans ce sens.

    Après la mort de Franco et l'avènement de Juan Carlos de Bourbon (1975), les tenants de l'"Espagne unie, grande et libre" lâchèrent pas mal de lest en inscrivant dans la nouvelle Constitution de 1978 le système des autonomies ("refondant" ainsi en quelque sorte le "pacte" historique entre le pouvoir central et les classes dominantes nationales : on peut parler de nouvelle polysynodie) ; la Generalitat de Catalogne en obtenant d'ailleurs une particulièrement large ; mais 30 ans plus tard la phase terminale de la crise générale capitaliste (frappant le pays avec la violence que l'on sait) a fait ressurgir la question avec force, la recherche (tant populaire que bourgeoise) d'une autre porte de sortie à ladite crise que l'austérité promise par Rajoy se confondant - pour ainsi dire - avec la revendication d'un vote d'autodétermination.

    [Au milieu des années avait été discuté entre l'ensemble des partis catalans (coalition PSC-ERC alors au pouvoir et CiU d'Artur Mas, alors chef de l'opposition) et le Premier ministre Zapatero un nouvel Estatut (statut d'autonomie) rénové, finalement adopté en 2006 par une loi des Cortes de Madrid suivie d'un référendum en Catalogne. Mais la Gauche républicaine (ERC), qui avait participé aux discussions initiales, le rejette alors comme trop modéré ; tandis que le PP de Mariano Rajoy, lui, introduit devant le Tribunal constitutionnel (la "Cour suprême" espagnole) recours sur recours qui aboutissent finalement, dans un contexte marqué par l'explosion de la crise et le crépuscule du zapaterisme, à l'invalidation en juin 2010 de 14 articles (les plus fondamentaux) sur 223... C'est à ce moment-là que se lèvent dans toute la communauté autonome, à commencer par la capitale Barcelone, d'immenses mobilisations sous le mot d'ordre "Som una nació, nosaltres decidim" ("nous sommes une nation, c'est nous qui décidons") qui peuvent être considérées comme le point de départ du processus souverainiste actuel ; dans un contexte où par ailleurs la CiU de Mas, revenue au pouvoir en 2010 dans une position plus que précaire (uniquement grâce à une abstention négociée des socialistes), doit convoquer en novembre 2012 de nouvelles élections à l'issue desquelles... elle ne peut cette fois conserver la Généralité qu'avec l'appui de l'ERC. C'est celle-ci qui (en fait) impose à Mas, en échange de cet appui, l'agenda d'organiser un référendum d'ici la fin 2014 ; amenant par la force des choses l'éclatement de la CiU entre la Convergence démocratique (CDC) de Mas et l'Union démocratique (UDC) démocrate-chrétienne, plus conservatrice et opposée à l'indépendance, qui tombera par la suite rapidement dans l'oubli (sur tout ce processus, voir l'annexe en fin d'article).]

    Sur cette question, notre position s'est toujours voulue claire et simple : nous soutenons radicalement et sans réserves l'autodétermination démocratique du Peuple catalan comme de tous les Peuples de la péninsule ibérique ; comme tout ce qui va dans le sens de DÉTRUIRE cet État espagnol PILIER de l'ordre capitaliste-impérialiste européen.

    En revanche, ce qui est vrai et qui a pu nous être reproché, c'est que nous avons dès l'annonce de la fameuse consulta émis de sérieuses réserves quant à la praticabilité de cette voie institutionnelle-référendaire telle que promue par les représentants de la bourgeoisie catalane (aile droite CiU et aile gauche ERC) à la tête de la Généralité, au regard du "séisme politique" que représenterait une indépendance catalane pour l'ordre bourgeois européen. De fait, toutes les excellentes raisons (forcément excellentes, puisque ce sont les nôtres !) exposées ici de soutenir (comme nous le faisons) la lutte d'autodétermination du Peuple catalan sont aussi celles qui faisaient qu'il n'y avait que DEUX VOIES : soit (comme en Écosse) un référendum autorisé mais avec un déploiement titanesque d'hégémonie intellectuelle "espagnoliste" rendant presque impossible la victoire du "oui" ; soit déclarer purement et simplement la consultation "inconstitutionnelle", "nulle et non avenue" quel qu'en soit le résultat. Comme nous le savons tout-e-s, c'est cette seconde option qui a été choisie : le choix, comme presque toujours avec Madrid, de la force brute pour un État/système faible.

    Nous avons donc à présent une assez nette majorité qui s'est dégagée du scrutin en faveur d'une indépendance de la Catalogne, mais concrètement aucune indépendance puisque le pouvoir central refuse de reconnaître le résultat. Que va-t-il donc se passer ? La Generalitat, Artur Mas et Oriol Junqueras en tête, va-t-elle proclamer (comme les héroïques députés irlandais du Sinn Féin en 1919) la GUERRE D’INDÉPENDANCE ? On se doute bien que rien n'est moins sûr.

    voluntat-poble-lema-campanya-CiU EDIIMA20121109 0142 5Beaucoup plus probable est que, outre les recours devant les juridictions constitutionnelles et nonobstant le rôle de "Père de la Nation" dans lequel se verrait bien Mas, ce dernier et - surtout - la classe qu'il représente, la bourgeoisie catalane suffisamment autonome économiquement de Madrid et du reste de l’État, tentent d'utiliser le résultat de la consulta pour "gratter" de nouvelles prérogatives et avantages pour "leur" Catalogne... et surtout pour eux-mêmes (ceci étant parfois ouvertement assumé : "si nous obtenons 1,5 millions de oui ou plus, Rajoy sera obligé de discuter avec nous" etc. etc.). L'ERC de Junqueras, qui a le vent en poupe en ce moment, pourrait en profiter de son côté pour appeler à de nouvelles élections, qui pourraient bien faire d'elle le premier parti en nombre de sièges au Parlement...

    Ce versant bourgeois du mouvement indépendantiste catalan (dont nous avons exposé plus haut les racines historiques) ne peut et doit pas être nié par les communistes révolutionnaires marxistes que nous sommes. Il a des implications jusque dans les propos de certains dirigeants de l'ERC (la "Gauche républicaine" de Catalogne) qui ont pu mettre en avant, tout "de gauche" qu'ils sont, des "arguments"... dignes de la droite flamande parlant des Wallons ou d'Angela Merkel parlant des Grecs, en mode "le Sud - andalou, murcien etc. - coûte trop cher à la Catalogne", ce qui leur a valu une volée de bois vert de la part des autres gauches radicales d'affirmation des Peuples (notamment celle d'Andalousie !) et un refus catégorique de faire liste commune aux dernières européennes... Savoir que des personnes n'ayant que des considérations d'avantages fiscaux et/ou institutionnels et des magouilles politiciennes en tête ont pu se servir des aspirations de millions de personnes à une société plus démocratique et plus juste ne peut que susciter la saine et légitime colère des révolutionnaires communistes que nous sommes. En réalité, avec le veto "espagnoliste" du Pouvoir madrilène (dont on attend maintenant, non sans inquiétude, de voir les mesures qu'il va prendre...), cet aspect forme tout simplement le principal obstacle et frein à la Libération révolutionnaire du Peuple catalan ! Mais efforçons-nous - justement - d'être dialectiques et de ne pas nous focaliser exclusivement sur cela ; efforçons-nous de voir aussi l'autre aspect des choses...

    Sur le versant populaire en effet, la signification profonde de la consulta est le DROIT DU PEUPLE À DÉCIDER ; décider de son destin et de ce qui est bon pour lui non seulement en dehors de l'"Espagne" mais aussi - pour une large partie du mouvement, en tout cas sa frange la plus combattive - en dehors de l'ordre capitaliste européen et mondial, quand bien même (comme on l'a dit) il serait complètement idéaliste et utopique de penser parvenir à cela au travers d'un simple vote. Et sur ce point, la Catalogne et l’État espagnoliste tout entier sont en réalité - désormais - assis sur un volcan !

    catalunya arranEn Écosse, il y a la possibilité de dire que la tant réclamée parole au peuple lui a été donnée et que le résultat a été négatif, vox populi vox dei et rideau, circulez y a plus rien à voir... Mais ici en Catalogne, quels qu'aient été les multiples intérêts portant la consulta et les divergences - voire les contradictions totales !* - entre eux, le fait indéniable est que le mouvement en faveur de ce référendum a été une GIGANTESQUE et MASSIVE MOBILISATION POPULAIRE et une formidable école de révolution (cet aspect-là des choses, exprimé notamment à travers l'Assemblée nationale catalane (ANC), nous l'avons TOUJOURS RÉSOLUMENT SOUTENU et nous sommes sincèrement désolés si des personnes ont pu interpréter notre position autrement). Que vont faire ces personnes qui ont lutté (depuis parfois plus de trois ans) pour que cette consultation puisse se tenir, qui sont allées - évidemment - y voter OUI et qui voient maintenant leur volonté niée et ignorée par l’État central ? Et quelle va être la réaction de ce dernier devant leurs - quasi certaines - manifestations de colère ??**

    En vérité, une seule question se pose au jour d'aujourd'hui et c'est celle-là.

    Les choses sont en fait désormais - en dernière analyse - TRÈS SIMPLES :

    1°/ le principe d'autodétermination démocratique est aujourd'hui totalement acquis dans la Nation catalane et surtout - ce qui nous intéresse vraiment - dans les classes populaires, le Peuple travailleur de Catalogne, y compris chez les (nombreuses) personnes de ce Peuple travailleur originaires d'autres parties de l’État ou du monde (très importantes communautés est-européennes, nord-africaines, sud-américaines etc.) ;

    2°/ la question qui se pose désormais est donc celle du COMMENT ; autrement dit, le Peuple travailleur de Catalogne doit comprendre qu'aucune voie légaliste et électorale ne peut l'amener vers les aspirations démocratiques et sociales qui sont les siennes et que seule le peut la voie de la lutte révolutionnaire, la voie de la Guerre populaire en pays occidental telle que théorisée (en fin de compte) plus par Gramsci que par Mao et exposée ici et ici.


    nacioneslibres.jpg


    * Une bonne illustration de ces contradictions est la position publiée fin octobre par l'organisation Endavant OSAN (Organizatció Socialista d'Alliberament Nacional - Organisation Socialiste de Libération Nationale) :

    "Devant la convocation d'une consulta édulcorée, fruit de la non-désobéissance de la CiU à l'interdiction antidémocratique de l'État, Endavant OSAN souhaite faire part des réflexions suivantes :

    Nous ne pouvons pas laisser aux mains des autonomistes la mobilisation pour l'autodétermination car, si nous le faisons, ces derniers utiliseront cette mobilisation pour négocier une réforme institutionnelle, une nouvelle insertion de la Catalogne dans l''Espagne' et laisseront la voie libre à l'État pour annihiler les droits nationaux dans le reste des Pays catalans [la région de Valence et les Baléares NDLR]

    Nous ne pouvons pas faire le jeu de l'autonomisme en esquivant la confrontation politique et en le laissant surfer sur la vague de la mobilisation pour les droits nationaux qu'a connue la Catalogne ces dernières années.

    Nous appelons le Peuple travailleur des Pays catalans qui vit dans les quatre provinces de la Principauté [la "région" Catalogne de la Generalitat] à remplir et faire déborder les urnes, le 9 novembre, de votes pour l'indépendance.

    Si la consulta est gênée ou interdite par l'État, nous estimons extrêmement important de nous mobiliser pour empêcher que la CiU ne se conforme ainsi à l'interdiction à moindre frais, et pour que le Peuple reste assuré de pouvoir exprimer le 9-N sa volonté populaire par-dessus les interdictions et les obéissances à celles-ci.

    Parallèlement, nous considérons aussi que l'action du 9 novembre ne servira à rien - ou pire encore, servira l'autonomisme - s'il n'y a pas dès le 10 novembre une offensive pour déloger l'autonomisme du pouvoir et pour construire une hégémonie indépendantiste d'ampleur nationale qui brise l'ordre social établi, base même de notre soumission à l''Espagne'."

    Voir aussi, pour information, la position de Breizhistance :  Avec le Peuple catalan pour l’indépendance ! et cet entretien avec un député des CUP (social-démocratie radicale indépendantiste).

    ** Des proclamations unilatérales d'indépendance sont ainsi prévues prochainement par certaines organisations, notamment l'ANC.


    ANNEXE - tiré d'un (excellent) article de 2017, suite au nouveau référendum : quelques rappels historiques et contemporains

    http://www.editoweb.eu/nicolas_maury/Quelques-eclaircissements-utiles-pour-comprendre-l-independantisme-catalan_a12368.html

    [Sur la situation actuelle]

    Remontons en 2006. Un Estatut d'Autonomia de Catalunya, dans le cadre de la Constitution espagnole de 1978, est adopté et mis en place. Il est approuvée par le Parlement de Catalogne le 30 septembre 2005, fut transmis au Congrès des députés, où il fut accepté le 30 mars 2006, puis au Sénat, où il fut approuvé le 10 mai 2006. Un référendum tenu en Catalogne le 18 juin 2006 confirma le texte, qui fut promulgué par le roi Juan Carlos et publié par la loi organique 6/2006 du 19 juillet 2006.

    Ce statut d'autonomie vise plusieurs aspects :

    - Il définit la Catalogne comme une "nation", et non plus une "nationalité".

    - Il renforce la co-officialité de l'espagnol et du catalan, avec une reconnaissance du catalan comme langue officielle.

    - Il renforce la laïcité dans l'enseignement public.

    - Il réactive des "droits historiques" de la Catalogne, qui fondent l'autonomie de la région non pas sur la constitution ou un accord de l’État mais par l'histoire.

    - Il renforce la justice et élargie les compétences du Tribunal supérieur de justice de Catalogne et crée un Conseil de justice de Catalogne.

    - Renforcement de la part fiscale : 50% de l’impôt sur le revenus et de la TVA restera dans les caisses de la Generalitat, 58 % des impôts spéciaux et 100 % sur les autres impôts et taxes. De plus la Catalogne obtient le droit de légiférer librement pour les caisses d'épargne, mais aussi les organismes de crédit, de banque et d'assurance.

    Coup de tonnerre, dans un arrêt rendu le 28 juin 2010, le Tribunal constitutionnel annule 14 des articles du statut d'autonomie, sur un total de 223, à la requête du Parti populaire dirigé par un certain Mariano Rajoy. La plupart des points détaillés ci dessus seront donc cassés par le Tribunal constitutionnel.

    La réaction est assez importante en Catalogne. Il faut savoir qu'à cette époque l’indépendantisme est très marginale et que la plupart des partis politiques sont autonomistes et ne souhaitent pas quitter l'Espagne. Il y a juste un débat entre Monarchie ou République.

    Le 13 septembre 2009, un référendum populaire est organisé par des associations indépendantistes à Arenys de Munt sur la volonté de ses habitants d'être indépendants de l'Espagne. Après cela, 167 communes de Catalogne ont organisé le 13 décembre 2009 un référendum autour de la question suivante : « Êtes-vous d'accord pour que la Catalogne devienne un État de droit, indépendant, démocratique et social, intégré dans l'Union européenne ? ». Au total, 700.000 personnes étaient convoquées aux urnes et 200.000 se sont exprimées. Le « oui » a gagné à près de 95 % face au « non » avec 3,52 %.

    À Barcelone, le 10 juillet 2010, une immense manifestation déferle dans les rues de la capitale catalane, à l'appel de tous les partis politiques ayant des sièges au Parlement de Catalogne (sauf le Parti populaire et Citoyens), tous les syndicats catalans et environ 1600 associations culturelles. Entre 1.100.000 et 1.500.000 personnes défilent sous les slogans "Som una nació. Nosaltres decidim" (Nous sommes une nation. C'est nous qui décidons) et ils condamnent les décisions du Tribunal constitutionnel.

    La crise qui secoue l'Espagne et les premières cures d'austérités menées par José Luis Rodríguez Zapatero et la coalition gouvernementale, permettent une victoire électorale de la droit post-franquiste. Le Parti Populaire remporte les élections législatives le dimanche 20 novembre 2011 et Mariano Rajoy devient Premier ministre le 19 décembre 2011.

    Son mandat est marqué la crise économique, l'austérité, l'explosion de la pauvreté et de la précarité, des scandales politico-financiers.

    En Catalogne, les autonomistes se muent en indépendantistes. Pour beaucoup la réponse à la crise économique passe par la création d'une République catalane sociale (rappelons qu'Artur Mas mènera une politique d'austérité très forte en Catalogne à partir de 2012).

    D'un point de vue institutionnel, la situation est bloquée. Le gouvernement refuse toute négociation et est retranché derrière la Constitution. Madrid justifie sa légalité au nom de la démocratie et refuse systématiquement toutes les propositions des catalans. Or la constitution qui fixe l'indivisibilité du peuple d'Espagne ne peut être modifiée que par un référendum légal, c'est à dire validé par les 2/3 des membres du parlement (Cortes), mais le PP s'y refuse.

    Dans l'esprit des catalans, renforcé par la nécessité d'en finir avec ces institutions et la confrontation institutionnelle. Pour beaucoup de catalans, l'idée indépendantiste ne fait que se renforcer pour avoir un pays neuf, démocratique, au service du peuple et non de la classe politico-économique dominante (les scandales de corruption se multipliant au PP et au PSOE).

    Ainsi plusieurs mobilisations vont marquer la Catalogne.

    Des communes de Catalogne se déclarent "Territori Català Lliure" (territoire catalan libre). Au début mai 2013, 197 communes et 5 conseils de comarques, représentant 20,8 % de la population de la Catalogne, s'étaient proclamés territoire libre catalan.

    Le 11 septembre 2012, entre 1,5 et 2 millions de personnes se rassemblent à Barcelone pour la Diada Nacional (fête nationale) pour affirmer que la Catalogne soit : "Catalunya, nou estat d'Europa" ("La Catalogne, un nouvel état d'Europe"). Cette manifestation coïncide avec l'arrivée au pouvoir d'Artur Mas et de la droite libérale en Catalogne.

    À cette manifestation participent tous les partis politiques (communistes inclus) à l’exception du PP, du PSC-PSOE et des Ciudadanos. Les CUP participent séparément à la manifestation. Pour eux la Catalogne ne doit pas suivre la voie économique néolibérale de l'Union européenne et qui est la cause de la crise.

    Le 29 juin 2013, un grand "Concert per la Llibertat" (concert pour la liberté) est célébré sur le Camp Nou à Barcelone. C'est une autre grande mobilisation sociale en faveur de l'indépendance. Plus de 400 artistes ont participé à l’événement.

    Le 11 septembre 2013, jour de la Diada Nacional, une nouvelle initiative va rassembler plus de 1,6 millions de personnes à travers la Catalogne. C'est la "Via Catalana cap a la Independència" (Voie catalane vers l'indépendance). Une chaîne humaine qui traverse toute la Catalogne et au delà (la manifestation part d'Argelès en Catalogne Nord).

    Le 27 septembre 2014, le président catalan Artur Mas convoque pour le 9 novembre une consultation d'autodétermination. Les deux questions posée : « Voulez-vous que la Catalogne soit un État ? En cas de réponse affirmative, voulez-vous que cet État soit indépendant ? ». À la suite de ce référendum jugé illégal par le Tribunal constitutionnel et transformé en consultation non contraignante, 2.300.000 catalans se rendent aux urnes et 80,7 % d'entre eux se prononcent pour l'indépendance de la Catalogne.

    Fort de ce succès, Artur Mas dissout le Parlement catalan et convoque des élections régionales anticipées pour le 27 septembre 2015.

    Les élections du 27 septembre 2015 sont un succès mitigé pour les indépendantistes qui, avec 47,8 % des voix, n'emportent pas la majorité absolue des suffrages, mais sont majoritaires en sièges (72 sur 135) au Parlement régional, bien que divisés entre la liste Junts Pel Si, avec 62 sièges, et celle de la Candidature d'unité populaire (CUP), qui en obtient 10.

    L'histoire vous la connaissez, le 1er octobre 2017, un référendum, jugé illégal, mais contraignant est organisé en Catalogne.

    [De fait]  Ce sont les libéraux au pouvoir : pourquoi c'est faux

    (Déjà la majorité organisatrice du référendum de novembre 2014 dépendait totalement du soutien de l'ERC à Mas, et) depuis les élections au Parlement de Catalogne du 27 septembre 2015, c'est une coalition indépendantiste, Junts pel Sí (Ensemble pour le OUI), qui dirige la Generalitat. Cette coalition succède au leadership du parti Convergence démocratique de Catalogne (CDC - ex CiU) et de son président Artur Mas. Cette coalition met fin à une longue période d'austérité libérale, on y reviendra.

    Qui compose la coalition Junts pel Sí ?

    - Les libéraux du parti Convergence démocratique de Catalogne (devenu depuis Parti Démocratique Européen Catalan - PDECat). Ces derniers sont en minorité avec 29 sièges sur les 62 de la coalition.

    - Les républicains de gauche Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), conduit par Oriol Junqueras, orienté politiquement sur la gauche de la sociale-démocratie. Cette formation politique accompagne les écolo-communistes (ICV-EUiA) et les progressistes comme à Barcelone. Au sein de la majorité, l'ERC représente 21 député.e.s sur 62.

    - Les Démocrates de Catalogne, de tradition chrétien-démocrate, représenté.e.s par 3 député.e.s.

    - Le Moviment d'Esquerres (MES) qui est une scission du Parti des Socialistes de Catalogne (PSC - PSOE) et qui dispose d'un siège.

    - Catalunya Sí, une plate-forme politique à gauche qui a aujourd’hui fusionnée avec l'ERC.

    - Des personnalités politiques comme Raül Romeva, ancien député européen de l'Initiative pour la Catalogne Verts (ICV - ex-PSUC).

    - Et d'associations trans-partisanes comme le Reagrupement Independentista, Avancem, l'Associació de Municipis per la Independència, l'Òmnium Cultural, l'Assemblea Nacional Catalana. On retrouve au parlement Carme Forcadell i Lluís, ancienne présidente de l'ANC et Muriel Casals (ICV - ex-PSUC), ancienne présidente d'Òmnium (aujourd'hui décédée).

    Et enfin, non membre de la coalition Junts pel Sí, la Candidatures d'Unité Populaire (Candidatura d'Unitat Popular - CUP). Une formation politique anticapitaliste, antifasciste, féministe, communiste et inspiré du municipalisme libertaire. Avec 10 député.e.s au parlement catalan, cette formation très à gauche permet aux indépendantistes d'avoir la majorité. Et les CUP ont exigé deux choses pour apporter leur soutien : la démission d'Artur Mas (symbole de l'austérité) et une réorientation des politiques en rupture avec le libéralisme.  

    [Rappels historiques]

    Quelques dates historiques et comment la Catalogne fut absorbée par l'Espagne

    L'origine de la Catalogne se trouve dans la "Marche d'Espagne" de l'empire carolingien. La Catalogne naît au IXème siècle. Le "père fondateur" légendaire de la Catalogne serait Guifred le Velu "El pelut" nommé comte de Barcelone en 878 au concile de Troyes. Guifred le Velu est l'ancêtre de la dynastie de Barcelone, qui construit peu à peu l'État catalan autour du comté de Barcelone.

    En 1137, le comte de Barcelone épouse l'héritière du royaume d'Aragon. À ce moment naît la Couronne d'Aragon qui développe un mode d'administration original, très décentralisé pour répondre aux fortes différences tant politiques qu'économiques et linguistiques des deux parties de la Couronne, le Royaume d'Aragon et la Principauté de Catalogne. Ce royaume sera une véritable thalassocratie en méditerranée.

    En 1283, la Principauté de Catalogne approuve les constitutions catalanes et, en 1359, a créé la Députation du Général (ou Generalitat). Le plus vieux parlement d'Europe.

    Une union dynastique avec la Couronne de Castille et celle d'Aragon est actée en 1479. La Principauté de Catalogne conserve toutes ses prérogatives, son autonomie et son parlement comme "droits historiques".

    Avec la Guerre des Faucheurs (Guerra dels Segadors) un conflit va toucher une grande partie de la principauté de Catalogne entre les années 1640 et 1659. Elle prendra fin à la signature du traité des Pyrénées entre les royaumes d'Espagne et de France. C'est à ce moment là que le Roussillon et la moitié du comté de Cerdagne se retrouvent annexés à la France.

    Cette guerre fait suite à la guerre de Trente Ans (1618 - 1648) et au raz-le-bol des populations catalanes de devoir subir la présence des troupes castillanes dans les campagnes. À cette époque les armées vivaient sur le terrain. Au début de mai 1640, les paysans de Gérone attaquent les troupes qu'ils hébergent. À la fin du mois, les paysans, auxquels se joignent les faucheurs en juin, atteignent Barcelone et se rendent maîtres de la cité. Ils assassinent des fonctionnaires et des juges royaux. Le vice-roi lui-même est assassiné alors qu'il essaie de fuir par la mer.

    Pau Claris, un ecclésiastique à la tête de la Generalitat de Catalogne, proclame la République catalane. Mais l'oligarchie catalane perd vite la maîtrise du mouvement. Le soulèvement se transforme en une révolte des paysans appauvris contre la noblesse et les riches des villes qui sont à leur tour l'objet d'agressions.

    Une authentique révolution sociale vient d'éclater. Cette révolution sera réprimée par l'Espagne et par la France. L'hymne national de la Catalogne, Els Segadors, est inspiré par la révolte des faucheurs de 1640.

    Les conséquences de la Guerre des Faucheurs de 1640-1659, de la prise de Barcelone le 11 septembre 1714 par les forces franco-castillanes de Philippe V de Bourbon, des guerres carlistes au xixe siècle ou de la dictature nationaliste et centralisatrice de Francisco Franco entre 1939 et 1975 ont fortement diminué le rôle politique et culturel joué par la Catalogne en Espagne et en Europe.

    La Catalogne cesse d'exister le 11 septembre 1714.

    La Renaixença

    Depuis les années 1880, la question de l'autonomie catalane, à laquelle le roi Felipe V avait mis fin par les décrets de Nueva Planta entre 1705 et 1716, resurgit à la faveur de la Renaixença catalane.

    Les guerres carlistes déchirent le XIXe siècle espagnol et marquent profondément le pays. C'est aussi suite à cette période troublée que le renouveau culturel de la Catalogne (la Renaixença) et un retour des revendications linguistiques et nationalistes catalanes (le catalanisme). Au tournant du XXème siècle, la Catalogne est l'un des pôles de développement de l'Art nouveau, qui y prend le nom de modernisme catalan, marqué par les productions d'architectes (Antoni Gaudí, Lluís Domènech i Montaner, Josep Puig i Cadafalch), de peintres (Ramon Casas, Santiago Rusiñol), de sculpteurs (Eusebi Arnau, Josep Llimona) et de revues proches du milieu catalaniste (L'Avenç).

    En 1914, les partis catalanistes ont gagné la création de la "Mancommunauté de Catalogne", sans autonomie spécifique, mais avec un ambitieux programme de modernisation. Elle est abolie en 1925 par la dictature espagnole de Miguel Primo de Rivera.

    En 1931 est proclamée la République catalane confédérée à l'Espagne à la suite de la victoire électorale des partis catalanistes de gauche et obtient en échange, après négociation avec le nouveau gouvernement de la République espagnole, un statut d'autonomie en 1932 qui ressuscite l'institution de la Généralité de Catalogne (en catalan : Generalitat de Catalunya), présidée par l'indépendantiste de gauche Francesc Macià. Sous la présidence de Francesc Macià (1931-1933) et Lluís Companys (1933-1940), tous deux membres de la Gauche républicaine de Catalogne (ERC), la Généralité développe un programme social et culturel avancé. Ce statut est suspendu en 1939 lorsque la Catalogne, fidèle à la république, se soumet aux troupes nationalistes de Franco durant la guerre d'Espagne.

    En 1940, le président catalan, Lluís Companys, est arrêté en France par les nazis et exécuté par le régime franquiste.

    La Généralité de Catalogne est rétablie en 1977.



    Grand-père Siset me parlait
    De bon matin sous le porche
    Tandis qu'en attendant le soleil
    Nous regardions passer les charettes

    Siset, ne vois-tu pas le pieu
    Où nous sommes tous attachés ?
    Si nous ne pouvons nous en défaire
    Jamais nous ne pourrons nous échapper !

    Si nous tirons tous, il tombera
    Cela ne peut pas durer très longtemps
    C'est sûr il tombera, tombera, tombera
    Bien vermoulu il doit être déjà.
    Si tu le tires fort par ici
    Et que je le tire fort par là
    C'est sûr, il tombera, tombera, tombera,
    Et nous pourrons nous libérer.

    Mais Siset, ça fait déjà bien longtemps
    Mes mains à vif sont écorchées !
    Et alors que les forces me quittent
    Il est plus large et plus haut.

    Bien sûr, je sais qu'il est pourri,
    Mais, aussi, Siset, il est si lourd !
    Que parfois les forcent me manquent
    Reprenons donc ton chant :

    (Si nous tirons tous...)

    Grand-père Siset ne dit plus rien
    Un mauvais vent l'a emporté
    Lui seul sait vers quel lieu
    Et moi, je reste sous le porche

    Et quand passent d'autres gens
    Je lève la tête pour chanter
    Le dernier chant de Siset,
    Le dernier qu'il m'a appris :

    (Si nous tirons tous...)


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    1280px-Krivak I class frigate, stern viewLe 8 novembre 1975, dans le Golfe de Riga (Lettonie, alors en URSS), l'officier en second Valery Sabline met aux fers le commandant de la frégate Storojevoï et d'autres officiers. Débute alors, 70 ans presque jour pour jour plus tard, la mutinerie du Potemkine du nouveau tsar Brejnev (la projection du film d'Eisenstein à l'équipage sera d'ailleurs le signal déclencheur de la révolte) : des marins fils du peuple contre le pseudo-"socialisme" capitaliste d’État et social-impérialiste soviétique.

    Elle sera matée quelques heures plus tard (Sabline, arrêté et emprisonné au secret, sera exécuté d'une balle dans le nuque l'année suivante) et si elle a acquis une certaine notoriété (voir le documentaire ci-dessous), c'est parce qu'elle a inspiré le célèbre roman de l'américain Tom Clancy À la poursuite d'Octobre Rouge (1984, adapté au cinéma en 1990) où la frégate devient un sous-marin et les événements sont présentés comme une tentative de passage à l'Ouest... ce que pensaient effectivement les services occidentaux jusqu'à l'effondrement final de l'URSS, et pour cause : c'était la version officielle du Kremlin lui-même.

    valery sablineMais la réalité était bien différente, et la connaître suffit à comprendre l'empressement du pouvoir brejnévien à la présenter comme une défection à l'ennemi. En réalité, l'objectif de Sabline (marxiste-léniniste authentique) et de ses camarades n'était pas de gagner la Suède (comme cela a été prétendu) mais bien, 40 ans après le début du processus contre-révolutionnaire néo-bourgeois dans le Parti et l'appareil d’État soviétique (sur le terreau des erreurs de la construction socialiste) et 20 ans après son triomphe total avec l'avènement de Khrouchtchev, de mettre le cap sur Leningrad pour y déclencher une révolution populaire qui aurait restauré les principes bafoués d'Octobre 1917.

    On pourra évidemment juger que cette tentative était folle et suicidaire (elle le fut effectivement pour son instigateur), de type blanquiste, et que si l'objectif était (au sacrifice de sa vie) de "réveiller les consciences" des ouvriers et des paysans d'URSS, force est de constater que cela n'a pas été le cas. Mais elle lève le voile sur une réalité très (trop) souvent ignorée : le capitalisme bureaucratique d’État était loin d'être unanimement et passivement accepté par les masses populaires soviétiques, il ne rencontrait pas seulement l'opposition d'intellectuels et autres couches privilégiées et surtout, il n'était pas exclusivement combattu sur une ligne prônant la restauration totale du capitalisme et la "démocratie" bourgeoise occidentale (ligne qui finira malheureusement par l'emporter avec Gorbatchev puis Eltsine).

    Il y avait également des gens qui voulaient ramener l'URSS aux principes d'Octobre qui l'avaient fondée : conduire les ouvriers et les paysans de cet immense territoire vers une société communiste sans classes ni exploitation ; chemin qui avait alors été abandonné depuis plusieurs décennies pour conserver en place les privilèges de ceux qui, depuis l'appareil de l’État et du Parti, avaient tout simplement pris la place de l'ancienne bourgeoisie et aristocratie tsariste.

    La page Wikipédia de Valery Sabline présente un assez bon exposé factuel des événements : http://fr.wikipedia.org/wiki/Valery_Sabline

    poursuite-storojevoiNous reproduisons ci-dessous un article consacré aux événements, traduit de l'anglais sur le site de La Riposte (courant trotskyste au sein du PCF). Bien évidemment, il est d'idéologie trotskyste (écrit par Alan Woods de la Tendance marxiste internationale, dont fait partie La Riposte) et doit donc être lu avec cela en tête. Il présente des analyses et des caractérisations des choses qu'en tant que maoïstes (et non trotskystes) nous ne partageons pas, voire qui pourraient en faire bondir certain-e-s. Dans la logique de petites chapelles idéologiques qui anime (malheureusement) la majeure partie de l'extrême-gauche occidentale, il est évident que trotskystes, "staliniens" hoxhistes et même maoïstes pourront toujours tenter de tirer à eux le cadavre d'un homme qui voulait, sans doute et avant tout, simplement en revenir aux principes du léninisme et que révoltaient les privilèges de la nouvelle caste d'appareil ; seul Alan Woods ayant toutefois pris le temps d'écrire un assez long texte sur le sujet pour dépeindre un Sabline écœuré de n'avoir pas pu lire la prose de Trotsky, dans laquelle rien n'est pourtant moins sûr qu'il aurait trouvé les réponses aux questions qu'il se posait (puisque fondamentalement, pour Trotsky, la solution trotsky tueleskine pouvait pas venir d'URSS elle-même mais seulement d'une révolution ouvrière dans les pays plus avancés) [de fait, à la vue du documentaire c'est plutôt une vision "chinoise" qui semble prédominer : "le communisme est inéluctable en URSS" selon Sabline, alors que pour Trotsky il est impossible si les pays impérialistes occidentaux ne font pas leur révolution ; il s'est simplement formé une nouvelle bourgeoisie d'appareil qu'une révolution populaire doit combattre ; ou à la rigueur une vision guévariste, le navire insurgé jouant le rôle de "foyer" révolutionnaire].

    Nous serons cependant tous d'accord sur le fait qu'en 1975 l'URSS pouvait être caractérisée par à peu près tout sauf "socialiste", et l'article offre l'exposé des faits le plus approfondi qui soit trouvable en français :

    Valery Sabline et la véritable histoire d’« À la poursuite d’Octobre Rouge »

    Et voici le fameux (et très intéressant) documentaire dont il est question :
    http://www.dailymotion.com/video/xkju3y_a-la-poursuite-d-octobre-rouge-un-film-une-histoire_webcam

     

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  • Nous avons écrit dans un article précédent qu'il y avait deux grandes forces révolutionnaires en Hexagone à l'heure actuelle : la jeunesse prolétaire des "quartiers" où vivent les colonies intérieures (jeunesse qui peut tout à fait être "blanche" - d'origine européenne - mais qui alors "devient noire") et la jeunesse des toutes-petites-classes-moyennes, la jeunesse "petite-blanche" (souvent issue des périphéries du système "France") prolétarisée par la crise générale du capitalisme, la fameuse "génération qui vivra moins bien que ses parents".

    Aujourd'hui, l'une écrit une lettre ouverte à l'autre... Le frère de Wissam El Yamni, jeune "indigène intérieur" mort à la suite d'une arrestation "musclée" par la Police à Clermont, écrit à la mère de Rémi Fraisse - représentant typique de la deuxième catégorie :

    http://paris-luttes.info/<wbr>lettre-ouverte-a-la-mere-de-<wbr>remi

    Lettre ouverte à la mère de Rémi


    wissam.jpgLa lettre qui suit est adressée par Farid El Yamni, frère de Wissam - assassiné par la police le 1er janvier 2012 - à la mère de Rémi Fraisse. Il a voulu qu’elle soit rendue publique, mais elle sera également envoyée dès que possible à l’adresse des parents de Rémi Fraisse.

    À l’heure où sur Paris on condamne les manifestations violentes et où on loue les sit-in pacifiques, je vous écris cette lettre.

    J’ai perdu mon frère dans des conditions très proches de celles dans lesquelles vous avez perdu votre fils. Mon frère qui prenait tant soin de ma mère nous a quitté, il ne reviendra plus. La perte de mon frère était sur le coup une douleur immense que je ressens à chaque fois que l’État assassine à nouveau. « Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve » disait quelqu’un. À chaque fois que l’État assassine on a aussi l’opportunité de l’arrêter, de le contraindre à changer et de rendre la dignité perdue à tous les autres.

    Par la mort de Rémi se noue beaucoup plus que l’histoire d’une vie, il se noue notre vie à tous, individuellement et collectivement. La criminalisation qui a été opérée est terrible, ça a été la même chose pour nous. J’ai compris plus tard qu’elle était voulue. Je ne voulais qu’une chose, que la Justice fasse la vérité et rende la dignité que méritait mon frère, dans le calme, et que cette histoire profite à tous, à nous les gouvernés pour mieux nous aimer et à la police pour la réconcilier avec la nation. Je pensais que la police ne pouvait accepter dans ses rangs des assassins, je ne la connaissais à l’époque pas assez. Je me trompais. Les quartiers ont brûlé, on a appelé au calme : chaque voiture ou chaque poubelle brûlée était vécue comme une insulte, comme une épine en plein cœur, une épine sur laquelle on appuyait.

    Puis le temps est passé, on nous a promis la vérité, mais on n’a eu que des mensonges, que des fausses promesses, comme tant d’autres avant nous. On nous avait prévenu, mais on n’y croyait pas. François Hollande, lui-même, avait pris ma mère dans ses bras et lui avait promis qu’il nous aiderait à faire la lumière sur la mort de son fils. Sans la justice et la vérité, on vivait le temps qui passait comme une condamnation. Nous étions toujours en prison, à suffoquer et à appeler la Justice à l’aide.

    Et puis on a compris que notre cas n’était pas isolé, que tant d’autres familles vivaient et vivent la même chose. Il y a tant d’humiliations et de mutilations commises consciemment par la police et couvertes par la justice, tant !

    On a aussi découvert la manière de penser des policiers, ça fait froid dans le dos. Voici un exemple : Mercredi dernier, suite à la manifestation sur Paris, un des policiers m’a dit « 1-0 » devant ses autres collègues au commissariat, qui ricanaient lorsqu’ils me voyaient arborer le tee-shirt « Urgence Notre Police Assassine ». Aucun ne l’a repris, aucun… Des exemples de ce genre, tant de français en vivent quotidiennement, ils n’en peuvent plus de cette police et n’en voient pas le bout.

    Je comprends l’appel au calme, on l’a également fait. Comprenez également que de nombreuses personnes ne croient plus en ce système qui donne une impunité de facto à la police. Comprenez que l’on ne peut concevoir la non-violence qu’à condition de supposer que le camp d’en face est capable de se remettre en cause : ils en sont humainement incapables, parce qu’ils considèrent que remettre en cause la police, ce serait remettre en cause l’État. Depuis 40 ans, la police tue impunément, à répétition. Depuis 40 ans, on assiste à la même démarche pour noyer les meurtres de l’État, malgré les vidéos, les témoins, les évidences. Depuis 40 ans, il y a des sit-in, des manifestations, des livres, des prises de positions d’hommes politiques, des tribunes adressées au ministre de l’intérieur. Depuis 40 ans, ça ne fonctionne pas.

    Voici comment ça se passe : dépêche AFP, mensonge du procureur, enquête de mauvaise qualité et tronquée pour aboutir sur une condamnation ridicule après de nombreuses années, voire à une absence de condamnation. Le pire, c’est que ceux qui vont enterrer l’affaire auront des promotions et ceux qui ont tué nos frères, nos fils ou amis, eux seront traités comme des champions par leurs collègues. Telle est la réalité que vous vivrez vous aussi.

    Manuel Valls dit que les violences sont des insultes à la mémoire de Rémi, mais sachez que Manuel Valls, par son inaction à combattre l’impunité policière, est le premier meurtrier de votre fils. C’est un criminel récidiviste. Il est venu à Clermont-Ferrand une semaine avant le rendu du rapport de contre-autopsie bidon dont il connaissait les aboutissants, et il n’a parlé de l’affaire que pour mieux condamner les violences de ceux que la mise à mort de mon frère révoltait.

    Madame, les gens se battent pour Rémi, pour leur dignité et pour leurs idéaux. Ils se battent pour vous, pour nous tous, pour que la fraternité soit effective. Ceux qui se battent connaissent assez la malveillance de nos gouvernants pour comprendre qu’on tente de nous fait croire que nous sommes dans un État de droit, alors que nous sommes dans un État de devoir. L’État ne respecte pas la loi qu’il demande qu’on respecte. Il se joue de notre corps, de notre confiance, de notre argent et de notre dignité. Il nous demande d’être à genoux, c’est un impératif catégorique.

    Je vous ai écris cette lettre à vous comme à tous ceux qui me liront pour vous faire savoir que je comprends aujourd’hui plus que jamais combien la non violence dans les affaires de crimes d’État a ses limites. La non-violence, par son impuissance, est parfois plus condamnable, plus meurtrière que la violence elle même. Les gens qui nous gouvernent sont malveillants, arrivistes, sadiques et récidivistes. Ils doivent partir par tous les moyens nécessaires.

    Farid El Yamni, frère de Wissam El Yamni, assassiné par la police le 1er janvier 2012 à Clermont Ferrand.

    *************************************

    Voilà exactement ce qu'il faut dire et faire ! L'ordre capitaliste bleu-blanc-rouge repose (entre autres choses) sur un "privilège blanc" qui veut que la mort de main policière d'un prénommé Rémi soit une "affaire d’État", quand bien même les forces de "l'ordre" se trouveraient ensuite des défenseurs pour invoquer la "violence inacceptable des ZADistes" etc. etc., tandis que la mort d'un prénommé Wissam reste pratiquement inconnue en dehors des milieux militants (et encore...), le "Français moyen" ayant tout au plus connaissance de "scènes de guérilla urbaine suite à la mort d'un jeune" (mais on ne sait généralement ni comment celui-ci s'appelle, ni à quoi il ressemble, ni ce qu'il faisait ni comment il a été tué). C'est une réalité. Mais à un moment donné, sans nier cette réalité, il ne faut pas non plus la laisser devenir une arme contre nous ! C'est l'ennemi qui impose le "privilège blanc", ce n'est pas à nous de le reconnaître mais au contraire de lui chier dessus ! L'indigénat intérieur est une construction artificielle du système bourgeois, un "mur" au sein des classes populaires que nous devons abattre : les indigènes intérieur-e-s n'ont pas vocation remi-fraisse.jpgà le rester mais à rejoindre - AVEC leur "identité" culturelle - les Peuples occitan, breton, francilien, lorrain ou encore ch'ti-picard parmi lesquels ils vivent, et à participer (en les "fécondant") à leur marche historique vers la Commune Humanité.

    Rémi Fraisse appartenait à un cercle de périphéries, celui des Peuples d'Hexagone (en l'occurence le Peuple occitan vu sa naissance et sa vie sociale toulousaine, puisque ce qui "compte" c'est là où l'on vit socialement) prisonniers de cet État français qui s'est construit dans l'annexion de "provinces" à mesure que le capitalisme se développait. Wissam El Yamni, comme Zyed et Bouna etc., appartenait à un autre : celui des colonies intérieures, "entre" - quelque part - les Peuples hexagonaux et l'"outre-mer" colonial et néocolonial (dont elles sont originaires et sur lequel le Grand Capital BBR a assis et asseoit encore sa puissance de la manière que l'on sait). Mais à un moment donné, il faut que toutes les périphéries s'unissent d'un effort commun, tel un boa constrictor, pour écraser le Centre du pouvoir capitaliste-impérialiste !

    Il faut aller vers la jonction des indigénisé-e-s intérieur-e-s avec les "petits blancs" prolétarisés, la jeunesse "blanche" qui "vivra moins bien que ses parents" comme Rémi Fraisse et ses camarades ; mais avec cette fois un "champ politique indigène" autrement construit et donc un tout autre rapport de force qu'en 2005 ou 2006 (lorsque certains "totos" avaient tenté d'"évangéliser" les banlieues à l'"insurrection qui vient"). Et poser - comme le fait Farid El Yamni - la question de la non-violence s'inscrit totalement dans cette logique car si le "privilège blanc" fonctionne pour les victimes (dont on va parler à tous les JT), il fonctionne également pour les assassins à qui l'on va "demander des comptes" mais sans les remettre en cause en tant que système : pour les proches de militants "blancs" comme Rémi (la "génération qui vit mieux que ses enfants" en quelque sorte !) nous serions quoi qu'il arrive "en république"/"en démocratie" et "l’État de droit républicain" serait "bon" en tant que tel, la mort d'un manifestant sous les grenades ou les coups de la police n'étant qu'un "dysfonctionnement" à "réparer"... parce que dans le fond, "la (sacro-sainte) Républiiiiiique" est BLANCHE COMME NOUS LE SOMMES et ne "peut" donc être intrinsèquement "mauvaise" - tout ceci se traduisant politiquement par l'appel à la "non-violence". En ce sens, la lettre ouverte d'un colonisé intérieur qui ne CROIT PLUS (après y avoir longtemps cru, comme il l'explique !) à ces sornettes revêt une valeur politique absolument fondamentale.

     


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  • Oui, c'est bon merci, on sait que ça ne va (dans l'immédiat du moins) RIEN CHANGER. On sait que l'Armée a pris le pouvoir et va organiser la "transition", l'appareil de domination néocolonial (dont cette même armée est le pilier) restant absolument intact. De nouveaux gardes-chiourmes "démocratiquement élus" occuperont le devant de la scène...

    Il n'empêche : ON EST TOUT DE MÊME CONTENTS de savoir que l'assassin de son propre "frère" Thomas Sankara (il y a 27 ans presque jour pour jour) sur les ordres de l'impérialisme bleu-blanc-rouge, ce même impérialisme au service duquel il jouera les bases arrières pour les carnages au Libéria (1989-97) et en Côte d'Ivoire (2002-2005 puis 2011), ne MOURRA PAS PRÉSIDENT DANS SON LIT - aux dernières nouvelles il aurait trouvé refuge en Côte d'Ivoire chez son pote Ouattara, qu'il a aidé à monter sa rébellion en 2002 puis à prendre le pouvoir en 2011 (1-2-3-4-5).

    Ceci grâce à la grande et magnifique révolte de la jeunesse populaire burkinabé, qui s'est levée en masse contre le projet du despote de se représenter indéfiniment à la présidence et a même carrément incendié le Parlement :

    burkina1burkina2burkina3burkina4

    Il convient cependant de souligner quelques petites choses, sachant que cet article sera très lu et partagé notamment par des personnes africaines ou reliées culturellement à l'Afrique :

    1°/ Si Compaoré a été "dégagé" aussi rapidement et sans grande effusion de sang (quelques morts et blessés), c'est aussi parce que l'Armée et la police sont restées relativement "l'arme au pied" face à la mobilisation populaire... Ce qui veut dire qu'un "feu vert" est venu "d'en haut" - de Paris - en faveur d'un renouvellement d'équipe dirigeante à Ouagadougou. Ceci est d'autant plus clair au vu du courrier adressé par Hollande à Compaoré il y a quelques semaines, lui donnant du "cher Blaise" et l'incitant à ne pas s'accrocher au pouvoir en lui offrant même de le "recaser" dans une quelconque instance internationale ou continentale. Voilà qui montre bien la véritable nature de tous ces satrapes (franç)africains : des gouverneurs, des intendants, de véritables commis de la "métropole" !

    Il ne faut donc pas, quelle que soit l'admiration ressentie pour la sublime et combattive jeunesse burkinabé (qui marche toujours dans les pas de Sankara), perdre de vue cet autre aspect des choses - dans un mode de raisonnement dialectique. Ce qui vient de se produire ne peut-être compris que comme une étape, un épisode, un tout petit pas dans une longue marche forcément prolongée vers la libération révolutionnaire ! Mais un petit pas qui vaut mieux, bien sûr, que rien du tout. En d'autres temps, un Houphouët ou un Bourguiba pouvaient "prendre leur retraite" à un âge canonique lorsqu'ils n'avaient plus les capacités physiques de gouverner, il fallait des guerres civiles (dans le cadre de la concurrence inter-impérialiste) pour dégager un Mobutu ou un Habyarimana et il y a encore quelques années à peine, au Togo et au Gabon, les satrapes Bongo et Eyadéma transmettaient tranquillement le pouvoir à leurs rejetons. Tout ceci a changé depuis la grande tempête populaire qui a soufflé sur les pays arabes (donc le Nord du continent africain) en 2011. C'est le signe que tant dans les pays impérialistes que dans leurs semi- et néocolonies (nous employons ce terme lorsque l'"indépendance" est vraiment à un haut degré de bidonnage, comme c'est le cas en (Franç)Afrique avec le franc CFA dépendant de la Banque de France, les bases militaires tricolores jouant le rôle de véritable force de défense etc.) les classes dominantes ne peuvent plus maintenir leur domination sous une forme inchangée, qu'elles ne peuvent plus gouverner (et les masses populaires ne veulent plus être gouvernées !) comme auparavant ; ce qui est l'une des caractéristiques d'une situation révolutionnaire selon Lénine (et il est très clair que le début de la présente décennie a vu le monde entrer dans une telle situation).

    2°/ La "dissidence" et l'"anti-impérialisme" en carton - comme par exemple ce site qui met en avant Kémi Séba etc. - faisaient depuis quelques temps leurs choux gras contre "l'assassin de Sankara" comme pour annoncer leur soutien à un possible soulèvement contre lui. Ceci ne doit pas duper les masses populaires africaines et afro-descendantes. Car ceci s'inscrit en réalité totalement dans la logique de ce qui précède, la logique impérialiste de "printemps démocratique" autrement dit de "ravalement de façade" de la domination néocoloniale, en faisant mine de "dénoncer" des "dictateurs" que l'on a soi-même porté au pouvoir 20 ou 30 ans auparavant et soutenus continuellement depuis - il s'agit en fait de la version fasciste de cela. Par exemple, on sait que Blaise Compaoré a pu prendre le pouvoir puis lancer les hordes de Taylor à l'assaut du Libéria notamment avec la bénédiction et le financement d'un certain Mouammar Kadhafi (le fameux "consortium de Ouaga" Kadhafi-Compaoré-Taylor)... qui était - et reste même après sa mort bien méritée - une idole absolue pour tout ce "panafricanisme" de pacotille. Quand la "communauté internationale" dit "regardez, maintenant il y a un fils de Kényan musulman à la Maison Blanche, vous voyez bien que tout est possible... Yes we can !", eux disent dans le même esprit "vous verrez quand le FN sera au pouvoir et que les américano-sionistes ne seront plus les maîtres à Paris, tout sera différent !" - certains néocolonisés ont en effet finalement (et malheureusement) le même raisonnement que beaucoup de personnes dans les classes populaires hexagonales : tous les partis bourgeois se sont alternés au pouvoir sauf le FN, alors... (bien entendu, comme nous l'avons expliqué, tout cela se terminera forcément en Nuit des Longs Couteaux pour les raisons que nous avons exposées : un véritable fascisme hexagonal AU POUVOIR ne pourra tolérer aucune affirmation militante - même "bourgeoise", même bourrée de "fantaisies réactionnaires" - des néocolonies et de leurs "représentants" en Hexagone, de même qu'aucune affirmation des Peuples historiquement emprisonnés dans l’État). "Tout sera différent" comme peut-être... un certain retour à la fameuse, la sacro-sainte "diplomatie indépendante gaulliste" ? Peut-être... sauf que c'est JUSTEMENT lorsque le champion de cette "diplomatie gaulliste" concernant l'Afrique, Jacques Foccart, était de retour aux affaires auprès de Chirac (première cohabitation 1986-88) que Sankara a été renversé et assassiné ! 

    Tout cela, on le voit bien, n'a absolument aucun sens et n'est que sinistre mascarade et escroquerie intellectuelle. Mais qui sait, peut-être que dans le "nouveau Burkina sans Compaoré", Kémi Séba pourra monter un nouvel hôtel de passe qui marchera mieux que le précédent ! [En tout cas la "transition" est d'ores et déjà saluée sur le site d'E&R...]

    thomas-sankara-2.jpg

    Intéressant aussi, la prise de position de la veuve de Thomas Sankara :

    Mariam, veuve de Thomas Sankara : Blaise Compaoré «doit répondre de ses crimes»

    Mariam Sankara, la veuve de Sankara relance le débat sur la mort de son mari

              Sankarathomas Sankara
              thomassankaraBurkinatom-sank-copie-1.jpg


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  • Affirmer au sujet de tel ou tel slogan maocqu'il est ou a été "utilisé par les fascistes" (en lien une image publiée sur le site de nos grands "amis" qui en sont friands, mais l'argument est récurrent dans le débat politique d'"extrême-gauche") n'a tout simplement aucun sens.

    Pourquoi ? La réponse tient en une phrase : tout simplement parce que LE FASCISME N'EST PAS LA MÊME CHOSE QUE LA DICTATURE RÉACTIONNAIRE "CLASSIQUE", comme celle qu'il peut y avoir dans les "républiques bananières" du "Tiers-Monde" ou comme ce que l'on a pu connaître sous les différents règnes du "Parti de l'Ordre" en Hexagone au 19e siècle, ou encore sous l'autocratie tsariste qui régnait en Russie avant la Révolution bolchévique : en substance, "fermez vos gueules ou on tire dans le tas".

    Le fascisme se caractérise - c'est même sa première caractéristique - par le fait de chercher à "PARLER AU PEUPLE" et pour cela il s'empare de véritables aspirations populaires, il apporte (pour reprendre les termes d'un dirigeant "socialiste" bien connu) de "mauvaises réponses à de bonnes questions" (de mauvaises réponses qui sont finalement, comme nous l'avons déjà dit dans un précédent article, les défenses immunitaires du système).

    En d'autres termes, le fascisme ne consiste pas seulement en l'écrasement pur et simple d'un des termes de la contradiction : prolétariat par la bourgeoisie, classes dominées-exploitées par la classe dominante-exploiteuse en général, nationalités et autre communautés dominées-subordonnées par la nationalité dominante etc. etc. Il cherche aussi - et même surtout - à nier, à "aplanir", à "arranger" les contradictions dans lesquelles la classe dominante perçoit - à raison - un danger pour sa domination.

    C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il va non seulement agiter le spectre d'"ennemis" fantasmatiques, abstraits et (donc) impossibles à combattre, mais aussi (car cela n'a qu'un temps...) désigner des ennemis bien concrets contre lesquels unir les termes de la contradiction qu'il veut nier - à partir de quoi les personnes incarnant cet "ennemi concret" vont bien sûr souffrir.

    C'est ainsi que par exemple, dans l’État capitaliste et multinational "France" des années 1890 à 1940, le maurrassisme (Action française) a consisté en une proposition stratégique pour unir toutes les classes et les nationalités réelles contre 1°/ les puissances capitalistes-impérialistes étrangères concurrentes (principalement l'Allemagne, mais l'"arrogante" Angleterre - la perfide Albion - n'était pas en reste), 2°/ le socialisme, les "partageux" (révolutionnaires) et la "guerre civile" (lutte révolutionnaire de classe), 3°/ la "juiverie" et la "maçonnerie" autrement dit la bourgeoisie républicaine et libérale, supposée "ouvrir la porte" aux "partageux" et à la "guerre civile" ; tout cela pour - bien sûr - la survie et si possible le triomphe de "la France", autrement dit du système capitaliste organisé sous ce nom. Cette proposition s'opposait à celle de la République de Jules Ferry et Clemenceau, fondée sur l'assimilation-uniformisation "républicaine" "française" des différents Peuples et des classes sociales antagoniques dans un même élan "républicain" et "patriotique"... contre les mêmes ennemis sauf le troisième (puissances concurrentes - en premier lieu les "Boches" - et "spectre de la guerre civile", mais bien sûr pas la bourgeoisie républicaine et libérale puisqu'il s'agissait d'eux-mêmes !), tandis que Maurras et l'Action française prônaient la reconnaissance et la valorisation des différents Peuples de l’État français avec pour "ciment" le Roi et l’Église catholique (d'autres courants, républicains réactionnaires ou bonapartistes ou éventuellement orléanistes, étaient eux aussi sur une ligne d'intégration-négation "française" mais avec un exécutif fort, "césariste" - la plupart des "ligues" des années 1920-30 étaient de fait sur cette ligne-là, les partisans de Maurras étant une minorité).

    Kemi-Seba.jpgEt c'est ainsi que de la même manière, alors que la multinationalité de la "France" a encore été renforcée par l'immigration (importation massive de force de travail pendant la période de croissance capitaliste des "Trente Glorieuses" 1945-75), la nébuleuse Dieudonné-Soral-Séba & co va faire exactement la même proposition stratégique au sujet des "minorités visibles" (prolétaires et petits bourgeois colonisés intérieurs d'origine extra-européenne) ; s'opposant en cela à la proposition d'"intégration"-assimilation "républicaine" et au (plus prosaïque) mainstream d'extrême-droite "la France tu l'aimes ou tu te casses" (le soralisme tend cependant assez souvent vers l'intégrationnisme et l'"intégrationnisme républicain" dérive de plus en plus souvent vers un "cassez-vous" à l'endroit des "réfractaires", comme l'illustre typiquement le cas d'Alain Finkielkraut). Et contre quoi va-t-on unir tout ce "beau monde" ? C'est simple : contre la concurrence capitaliste-impérialiste internationale principalement US/anglo-saxonne, ce qui va forcément séduire les courants du Grand Capital bleu-blanc-rouge qui voient le plus leurs intérêts diverger de ceux d'outre-Atlantique et qui va s'avérer relativement facile auprès de couches populaires chez qui les États-Unis (en raison de leur politique impérialiste) n'ont pas bonne presse ; contre une "finance apatride/mondialiste" désignant en réalité la CRISE du capitalisme (insurrection du Capital contre sa propre crise) ; et puis bien sûr... contre la communauté juive (rebaptisée "sionistes" ou "talmudistes") accusée d'être la "5e colonne" de cet "ordre mondial américano-sioniste" en Hexagone (Israël, honni pour des tas d'excellentes raisons dans les catégories concernées, étant dépeint comme le "quartier général" de ce "talmudisme" et, pire encore que le fer de lance de l'impérialisme US au Machrek arabe, comme le véritable "maître" de celui-ci). Les "gauchistes", c'est-à-dire les RÉVOLUTIONNAIRES qui veulent vraiment le renversement du capitalisme et son remplacement par une autre société collectiviste et égalitaire, la fin de toutes les hiérarchies sociales, les injustices et les oppressions, sont bien entendu des "idiots utiles" du "sionisme" et du "mondialisme"... CQFD.

    Les exemples abondent à travers l'histoire ; de fait, ce sont TOUS les fascismes qui ont ces caractéristiques. Le nazisme allemand prétendait unir le Capital et les travailleurs allemands contre les Juifs, les puissances étrangères rivales (qui avaient vaincu et effectivement humilié l'impérialisme allemand après 1918) elles-mêmes "agents des Juifs", les "agents intérieurs" des Juifs à savoir le communisme, le socialisme et le libéralisme politique bourgeois, un "capitalisme" désignant en réalité les seuls symptômes de la crise capitaliste (spéculation financière etc.) et lui aussi assimilé aux Juifs (et opposé à un "bon" capitalisme appelé "socialisme national"), tout ceci tourné vers un objectif militaire de revanche contre les vainqueurs de l'Ouest et d'expansion impériale à l'Est (anéantissant du même coup l'URSS marxiste-léninste, ce qui n'était pas pour déplaire à la bourgeoisie allemande). Le fascisme italien prétendait de même unir la bourgeoisie et les ouvriers/paysans de l’État italien principalement contre les puissances étrangères concurrentes (qui "méprisaient" et "humiliaient" l'impérialisme "faible" italien : concept de la nation prolétaire développé dès 1914 par le nationaliste monarchiste et conservateur Corradini), dans une démarche d'expansion impériale en Afrique et en Méditerranée et de développement économique fondé sur le pragmatisme ("révolutionnaire ou réactionnaire, socialiste ou libéral selon les circonstances" disait Mussolini), en luttant "pour" cela contre le "spectre de la division" autrement dit de la lutte des classes (situation révolutionnaire de quasi-guerre civile autour de 1920) et donc contre les "agents" de cela (les révolutionnaires socialistes, marxistes, anarchistes etc.). Dans un État fondé - en substance - sur la conquête du Sud (ancien Royaume de Naples) par le Nord (Piémont, Lombardie-Vénétie, Ligurie, Toscane etc.), le régime fasciste cherchera également à s'approprier le principal instrument de contrôle politique des masses méridionales : l’Église catholique (accords du Latran) ; tout en luttant contre les forces centrifuges (en particuliers les mafias) et en flattant le Nord industriel (mais aussi le Sud arriéré) par un "modernisme" effréné. 

    Tout ceci, comme nous le voyons bien, ce n'est donc pas la "révolution" (écrasement du terme réactionnaire, oppresseur-exploiteur de la contradiction : le fascisme peut se prétendre "révolutionnaire" mais il n'est en réalité - on l'a dit - que l'insurrection du capitalisme contre sa propre crise) ; mais ce n'est pas non plus simplement - bien que cela le soit - la réaction (écrasement du terme opprimé-exploité-révolté de la contradiction) : il y a bel et bien une recherche de négation, d'"aplanissement" de la contradiction en amenant la contradiction "ailleurs" qu'entre ses termes réels - l'exploiteur/oppresseur et l'exploité/opprimé réels.

    images Et pour cela... il va bien falloir S'EMPARER des questions et des contradictions qu'elles expriment (question = expression en termes politiques d'une contradiction sociale) afin de les nier, de dire que "tout cela peut s'arranger" et que "le vrai ennemi est ailleurs", et de mettre ceux qui les posent... AU SERVICE de ceux contre qui elles sont posées, dans ce qui s'appelle une MOBILISATION RÉACTIONNAIRE DE MASSE.

    Le fascisme italien est bien entendu arrivé au pouvoir en s'emparant de la question de la misère généralisée et de l'arriération qui frappaient alors l'Italie et en y apportant pour "réponse" que c'était "parce que" les autres puissances ne la "respectaient pas", et qu'en "s'y mettant tous" (sans "bolchéviqueries" cela va de soi...) "on" réussirait à faire de la "nation prolétaire" italienne une puissance respectée où il n'y aurait plus de misère. Le nazisme allemand s'est bien sûr appuyé - de la même manière - sur la misère abyssale qui frappait les ouvriers, les paysans et les autres classes populaires d'Allemagne suite à la défaite de l'impérialisme allemand contre ses concurrents impérialistes ; la "réponse" étant ici de "s'y mettre tous" pour prendre sa revanche contre cette défaite et ses responsables extérieurs (les ennemis victorieux) et intérieurs (socialistes/communistes, Juifs, libéraux, "décadents" etc.).

    Le maurrassisme, comme nous l'avons vu, ne consistait pas à dire aux ouvriers et aux paysans "contentez-vous de travailler dur et de vivre honnêtement de ce que vous gagnez, et surtout de fermer vos gueules sinon ça va barder", ni aux nationalités réelles "prière de parler français et de rester propre", de "ne pas parler patois et cracher par terre". Non, le maurrassisme S'EMPARAIT bel et bien de ces question sociales et nationales pour y "répondre" que la contradiction n'était - en réalité - pas où l'on croyait : centralisme politique, domination économique et négation culturelle n'étaient pas des attributs de la "France" (construction politique historique... de la monarchie capétienne au service de la bourgeoisie d'Île-de-France) mais de la "gauche" (la République "maçonnique" et "juive", les "idées de 1789") ; de même que l'exploitation capitaliste et ses conséquences les plus sombres, les crises (comme le reste du monde, l'Hexagone avait traversé une dure crise entre 1873 et les années 1890). Dans un système politique monarchique et catholique débarrassé de la "juiverie" et de la franc-maçonnerie, patrons et ouvriers, banquiers et entrepreneurs, paysans et propriétaires fonciers de toutes les "petites patries" (nationalités réelles) pourraient travailler en harmonie à la "prospérité générale" et à la grandeur de la "Grande Patrie" française. Autrement dit, le maurrassisme s'emparait des VRAIES et LÉGITIMES questions posées par les contradictions de l'entité politique-économique "France" pour les METTRE AU SERVICE, à coup de MAUVAISE RÉPONSES, de la classe dominante et de ses projets les plus réactionnaires - écrasement du mouvement ouvrier et guerre contre la concurrence impérialiste anglaise et allemande.

    jeunebretagneAujourd'hui l'extrême-droite s'empare toujours et pareillement des souffrances et de la désespérance infligées par le capitalisme aux classes populaires, et la "réponse" mainstream qui y est apportée consiste à montrer du doigt certes la concurrence capitaliste étrangère ("produisons et consommons français !"), certes les symptômes de la crise générale (qui a repris vers 1970) contre laquelle le fascisme est une "insurrection" - "spéculation", "financiarisation" etc. etc., mais surtout l'"immigration" et la "racaille" ("française de papier") qui en est issue. Cette immigration aurait été l"'instrument" d'un "certain patronat" ("plus soucieux de ses profits que de l'intérêt général") "contre les salaires, le droit du travail et les solidarités ouvrières" - et aujourd'hui, non contente d'avoir accompli cela, elle vous brûle votre bagnole ou vous vole votre portable que vous avez saigné sang et eau pour vous payer, tout en servant de vivier électoral à l'"hyperclasse européiste/mondialiste UMPS". C'est initialement l'idéologue fasciste François Duprat qui avait "soufflé" l'idée de cette thématique à Jean-Marie Le Pen, afin de sortir son jeune parti (le Front National...) des vieilles thématiques antisémites, anti-"capital apatride" ou encore "Algérie française" devenues anachroniques (le nazisme avait - pour reprendre les mots de Bernanos - "déshonoré l'antisémitisme", l'Algérie était bel et bien indépendante sans espoir de reconquête et la nouvelle crise tendait plutôt à imposer comme "solution" au capitalisme la liquidation des "solutions" keynésiennes apportées à la précédente, mouvement "néolibéral" que le FN suivra pendant très longtemps, s'affirmant "reaganien" tout au long des années 1980). Elle s'est depuis déclinée au gré de "l'air du temps", encore reprise y compris par Soral et ses affidés... issus de ladite immigration ("Mathias Cardet"), ou encore focalisée sur la question de l'islam - à la fois religion de la grande majorité de "l'immigration" et idéologie de forces perçues comme une menace stratégique par l'impérialisme occidental, ce qui permet en passant à des personnes "pas du tout d'extrême-droite" d'assumer désormais ce discours de manière "tout à fait respectable"... Là encore, comme nous le voyons bien, la question sociale ("misère", "exclusion", "désespérance") est saisie par les fascistes pour y "répondre" que ce n'est pas une question de capitalisme (en tout cas pas entendu dans son sens réel : exploitation, extorsion de la plus-value et recherche de la plus-value maximale), mais SEULEMENT d'un certain patronat (trop "avide" et "égoïste", et/ou "mondialiste")... et des "immigrés" dont il a "rempli la France".

    Mais nous avons également vu qu'un courant, le soralisme, tente quant à lui de répéter la proposition de Maurras (aux Peuples emprisonnés dans l’État "France") à l'attention - cette fois - de ces fameux "immigrés" et de leurs descendants - il pose, donc, la question du colonialisme intérieur (et au-delà de la domination impérialiste sur le "tiers-monde", question intimement liée). Puisque le "problème" ne peut pas être ces "immigrés" et leur descendance en question, on va "réactiver" les vieilles thématiques de l'époque maurrassienne : Juifs, francs-maçons, concurrence impérialiste étrangère (cette fois-ci principalement US/anglo-saxonne). La France serait dirigée par les "siono-maçonno-américano-pédo-<wbr>mondialo-satanistes". Ce sont ces derniers (là, tout de même, on reprend la thèse Duprat) qui ont fait venir les immigrés. Mais aujourd'hui, "tranquilles les gars", il n'est "plus question de vous rejeter physiquement à la mer". La France est "bonne mère", contrairement à ce que prétendent ces gens qui la disent "raciste" alors que ce sont eux qui vous ont entassés dans des ghettos délabrés. Avec "un peu de bonne volonté" de votre part, on a moyen d'être très copains (hop ! la contradiction racisme/racisés et impérialisme/néocolonisés est "surmontée" en deux coups de cuiller à pot...). Catholiques et "latins" d'un côté, musulmans de l'autre, on a beaucoup de valeurs en commun (Soral pense là au sexisme, à l'homophobie etc. dont il est un champion incontesté). Et puis aussi, on partage "beaucoup d'ennemis" : l'Amérique, le sionisme, le "système" satano-maçonno-pédo-sioniste qui (comme on vient de vous l'expliquer) vous a fait venir pour casser les droits ouvriers des Français puis vous a mis dans des ghettos, les "gauchistes" qui se disent antiracistes mais en réalité vous méprisent et vous manipulent, etc. etc. Alors, réconcilions-nous ! Le problème n'est donc plus l'impérialisme français et son reflet en métropole qu'est le colonialisme intérieur : "c'est" l'impérialisme concurrent US, lui-même aux mains du "sionisme international", et s'il y a un "problème indigène" en "France" c'est parce que la "France" est tombée aux mains de ces gens-là via l'"UMPS", le CRIF etc. etc.

    militantPour fonctionner, ce discours va aller s'appuyer sur une certaine "tradition" de fascisme "tiers-mondiste", qui était d'ailleurs celle... de Duprat en son temps : là encore, il s'agit au service des intérêts impérialistes français d'essayer d'"aplanir" une contradiction, celle qui oppose l’État impérialiste qu'est la France aux pays semi-coloniaux africains, arabes ou autres (on s'empare donc de la question de l'impérialisme), en présentant ladite France comme leur "alliée" potentielle contre la superpuissance US et - notamment - l'un de ses principaux alliés qu'est Israël (si telle n'est pas la politique française au moment où l'on parle, c'est bien sûr parce que la France est "aux mains des larbins de Washington et Tel-Aviv", mais cela changera quand "on" sera au pouvoir rassurez-vous !). Tel était le sens du slogan du GUD dans les années 1990 : "Paris-Gaza-Intifada", autrement dit "Palestine, l'impérialisme bleu-blanc-rouge est avec toi" (une fois qu'on l'aura libéré des "atlanto-mondialo-sionistes" qui le "contrôlent" bien sûr...) ; slogan que des camarades antifascistes parisiens ont eux aussi été accusés de "reprendre" ("Paris Gaza Antifa") alors qu'ils cherchaient simplement, justement... à ne plus laisser la question palestinienne à des fascistes comme Dieudonné, le GUD et consorts.

    Allons maintenant plus directement sur ce soi-disant "slogan fasciste" de "Naître, consommer, mourir". De fait, c'est sans aucun doute un slogan qui a pu être utilisé par des groupes fascistes mais ceux-ci ne l'ont nullement inventé ; le slogan complet disant d'ailleurs "Naître, produire (ou travailler), consommer, mourir" : pour les fascistes qui l'ont (soi-disant) repris "produire/travailler" n'était donc manifestement pas un problème, il s'agissait simplement (sans doute) de savoir "vivre simplement", "épargner" et "léguer à ses enfants" (rien qu'un grand classique de l'idéologie française), ou alors que "s'il y avait la guerre" (à l'époque il y avait le "péril rouge", aujourd'hui le "péril islamiste") une société "consumériste" et "superficielle" ne "ferait pas le poids".

    Ce slogan vient en réalité s'emparer de la question des chocs de modernité. À certaines périodes de l'histoire, l'accumulation capitaliste et le développement des forces productives sont tels que "le monde va trop vite" pour les consciences populaires : c'était typiquement le cas de la période allant de la seconde moitié du 19e siècle à 1914 (époque de Maurras...), avec son industrialisation massive de la production et une dépersonnalisation sans précédent de l'acte et de l'individu productif (taylorisme, fordisme etc.) ; et ça l'est encore de celle allant des "Trente Glorieuses" (époque du "slogan fasciste" en question ici) jusqu'à nos jours avec l'automatisation/informatisation de la production et de la vie quotidienne en général, un consumérisme généralisé et omniprésent (cf. ci-dessous), la mondialisation de la production (avec une concurrence internationale suraigüe) et son corollaire qu'est l'arrivée massive de force de travail immigrée extra-européenne, etc. etc. De réelles et concrètes améliorations sont apportées dans la vie sociale quotidienne, mais il n'y en a pas moins un sentiment de malaise... car tout ce progrès est capitaliste et imposé à des masses populaires qui n'en ont pas la maîtrise et qui se sentent - non sans raisons - des "pions" dans le processus, des "bouts de bois ballottés sur les vagues", "machinisées" et/ou "marchandisées" en tant que force de production et/ou de consommation etc. etc.

    Cette problématique est étroitement connectée à d'autres comme celle du fétichisme de la marchandise (dont parlait déjà Marx au 19e siècle) ou encore celle de la société de consommation c'est-à-dire de la transformation du producteur en consommateur frénétique de marchandise produite, seul moyen trouvé pour enrayer la chute du taux de profit : on augmente d'un côté les salaires (part de la valeur produite allouée au travailleur) pour garantir la paix sociale... mais on met tout en œuvre de l'autre pour que le plus possible de cette part de valeur retourne dans les poches du Capital à travers une dépense quotidienne pour acheter les produits de ses entreprises, quitte à induire voire créer de toute pièce la demande (pousser à la consommation par la publicité, la "mode") etc. etc.[1]

    Pour les marxistes, la question n'est en réalité pas celle de la production ou de la marchandise en soi mais le fait que les producteurs (et consommateurs "derrière") n'aient pas la propriété des moyens de produire cette marchandise, la maîtrise des procès de production. La réponse est donc simple : ils doivent s'emparer - collectivement - de cette propriété et de cette maîtrise de la production. La force de travail (qui n'est autre que la personne humaine !) cessera alors d'être une marchandise échangée contre salaire, la production et les besoins iront en coïncidant, le "consumérisme" cessera d'exister puisque le "salaire" consistera en la satisfaction des besoins de chacun et non en un moyen d'acheter de la marchandise (à "tout prix") pour en réaliser la valeur et la transformer en véritable plus-value.

    Mais les fascistes vont, eux aussi, se saisir de ce malaise [2]. Ils l'ont toujours fait, à toutes les époques, d'autant plus que ces périodes d'accumulation et de "choc de modernité" sont généralement suivies de crises (1873-95, années 1920-30, années 1970 à nos jours) au cours desquelles ils surgissent et prospèrent (c'est là que le Capital a besoin d'eux !). Bien entendu, tout ce que nous venons d'expliquer ci-dessus, ils ne peuvent absolument pas y toucher car on est là au CŒUR MÊME du mécanisme capitaliste (que leur but réel est de protéger, pas de remettre en cause)... Alors, ce qu'ils vont généralement faire, c'est inciter les masses populaires à regarder vers un passé idéalisé où l'on "vivait vrai", où la vie sociale reposait (soi-disant) sur le "travail", la "vie honnête des fruits de celui-ci", "l'épargne", les "valeurs" etc. etc. Il arrive que ce passé idéalisé soit lointain : époque des salaf (compagnons du Prophète, soit le 7e siècle) pour certains "islamistes", époque biblique pour certains sionistes, Ancien Régime pour les royalistes etc. etc., ce qui ne va pas empêcher leur activisme politique... d'utiliser tous les moyens offerts par le "monde moderne" honni. D'autres, plus pragmatiquement, vont tourner les regards vers des époques que des personnes en vie ont connues - et qu'elles peuvent raconter aux plus jeunes. Mais là, cela va être "rigolo"... À l'époque du fameux "slogan fasciste des années 1970", il est vraisemblable que ses utilisateurs incitaient à regarder vers "avant la société de consommation", vers la France encore majoritairement rurale et "frugale" des années 1920-30-40 qu'exaltait la "Révolution nationale" de Vichy. Mais aujourd'hui, cela va plutôt être vers la "société de croissance" et en même d'"ordre" et de "valeurs" des années 1950-60... cette même société où a émergé la consommation de masse ! Il faut rappeler ici la règle n°1 avec le fascisme : ne pas chercher la cohérence !

    Nous avons donc vu comment le fascisme consiste à nier ou détourner les contradictions de la société en s'emparant (pour cela) des questions que ces contradictions posent ; mais aussi que les marxistes peuvent et doivent apporter les bonnes réponses à ces vraies et légitimes questions - le marxisme est une science de la réalité sociale et il n'y aucune question du domaine du réel à laquelle il ne puisse répondre (s'il ne le peut pas, c'est qu'il n'a pas cherché et s'il cherche, il trouve !).

    Jeune Bretagne operation nettoyageMais face à cette pratique du fascisme, il y a aussi une autre posture possible : puisque toutes ces questions sont prises en main par des fascistes qui y apportent de mauvaises réponses, c'est donc que les questions EN ELLES-MÊMES sont "mauvaises", "illégitimes", "nulles et non avenues". Cette posture, puisqu'il faut lui donner un nom, nous lui en avons donné un : il s'agit (en ouvrant grands les guillemets) de l'"antifascisme" bourgeois. L'"antifascisme" d'une bourgeoisie "républicaine" et "libérale" qui est ELLE AUSSI, il faut le rappeler, une formidable négatrice de questions et de contradictions sous le (sacro-saint) concept de "citoyenneté républicaine" (dès lors que tout un chacun a une attitude "républicaine" tout va bien, c'est lorsque l'on n'est "pas républicain" que cela ne va pas) et qui ne va donc même pas apporter de mauvaises réponses aux bonnes questions... mais tout simplement refuser qu'elles soient posées [la version "gauchiste" de cela consistant à nier toute autre question que "la lutte des classes", la stricte lutte ouvrier-bourgeois (contradiction à la base des autres, mais pas du tout la seule !) : il faut bien comprendre que beaucoup de "révolutionnaires" ("marxistes" ou "anarchistes") sont en réalité des petits bourgeois dont le système capitaliste qu'ils disent combattre est en même temps le râtelier (un râtelier qui ne leur fait peut-être, simplement, pas assez de place à leur goût) ; il leur faut donc "stériliser" d'entrée de jeu la lutte révolutionnaire qu'ils prétendent mener (l'empêcher d'être victorieuse), et réduire cette lutte à une stricte opposition mondiale prolétaire-bourgeois est la meilleure manière de le faire].

    Si des réponses réactionnaires (maurrassiennes ou carrément séparatistes nazillonnes façon PNB) sont apportées à la question des Peuples emprisonnés et niés dans les États modernes produits du capitalisme, c'est donc que poser cette question est en soi réactionnaire (comme le 'p''c''mlm' le dit ouvertement : "des projets « nationaux » fictifs - Bretagne, Occitanie, etc.")[3]. Si Soral, Kémi Séba ou des réactionnaires religieux ("islamistes") "répondent" de manière réactionnaire à la question "indigène" des colonies intérieures, c'est que poser cette question est en soi réactionnaire. Si des fascistes (Soral-Dieudonné, GUD ou autres) s'affirment "du côté" des Palestiniens contre le sionisme, il n'est donc pas légitime de poser la question de la Palestine colonisée et apartheidisée par le sionisme (avec la bénédiction des fractions bourgeoises - pour le moment - au pouvoir dans les impérialismes occidentaux). Si des fascistes s'emparent de la question de l'angoisse des masses populaires face aux "chocs de modernité", au consumérisme qui emprisonne le producteur (avec son maigre salaire) dans la consommation (lui faisant en quelque sorte... rendre immédiatement au Capital ce que celui-ci lui a "donné" !), à l'individualisme et au recul des solidarités etc. etc., c'est donc que ces questions ne doivent pas être posées. Idem pour la question de l'écologie (des fascistes ayant même tenté d'infiltrer la ZAD du Testet !) et ainsi de suite... Circulez, y a rien à voir ! Poser ces questions c'est être un "fasciste en puissance", un "anticapitaliste romantique" "suintant (généralement) l'antisémitisme par tous les pores"... et elles sont dès lors laissées sur un plateau d'argent aux fascistes qui voudraient s'en emparer (ce qui viendra encore renforcer l'argumentaire "républicain" et ainsi de suite... jusqu'au jour où plus de gens écouteront les fascistes que les "républicains" et là... oups !).

    Mais alors, là, coinçons un peu nos négateurs "gauchistes" de questions/contradictions : si le FN et autres propagandistes xénophobes, islamophobes et "anti-remplacistes" "répondent" (par la xénophobie et l'islamophobie) aux souffrances et à la désespérance sociale des classes populaires "blanches"... est-ce alors qu'il ne faut pas poser la (grande, la fameuse) QUESTION DE CLASSE ??? Là, en général, le "gauchiste" (anarchiste, trotskyste, "stal", luxemburgiste ou autre) est coincé ; il va le plus souvent tenter de s'en sortir en coupant court au débat ("tu mélanges tout", "tes arguments ne veulent rien dire", "ta mauvaise foi t'étouffe" etc. etc.). Le 'p''c''mlm' [4], lui, est plus ou moins sorti de ce "coinçage" : il assume de plus en plus ouvertement que face à l'islam et au "communautarisme" on "peut comprendre" la "classe ouvrière" qui vote Le Pen (ou les "personnes juives" qui se tournent vers la LDJ, le sionisme ultra, émigrent en Israël etc.) - du coup, on n'est plus seulement dans la bonne question mais aussi... dans la mauvaise réponse (apportée par les fascistes) à la souffrance et à l'angoisse sociale : "l'immigration" et ses descendants seraient "effectivement" un "problème" pour la "dignité du réel" populaire.

    En attendant, l'"antifascisme" bourgeois s'est enrichi d'un nouveau terme - assez rigolo il faut dire : "hippie de droite" pour désigner toutes ces (fichues) personnes qui ne savent point cacher ces questions que la République des Lumières, de la culture et de la civilisation ne saurait voir...


    [1] Ce phénomène postérieur à la Seconde Guerre mondiale a fait l'objet d'études marxistes brillantes (bien que d'aucuns les qualifieront sans doute de "post-modernes"...). On peut citer à ce titre et vous inviter à lire (en vous prévenant que le style d'écriture est hélas peu accessible) l'excellent Gouttes de Soleil dans la Cité des Spectres de l'ex-brigadiste rouge italien Renato Curcio. 

    [2] Les religions, dont on connaît le regain populaire depuis une vingtaine d'années (que ce soit l'islam, le catholicisme, les églises évangéliques auprès - surtout - des communautés africaines ou caribéennes ou encore le judaïsme), sont elles aussi une recherche par les masses de réponses face à un sentiment de "perte de sens" dans l'existence sociale, de triomphe du consumérisme et du fétichisme de la marchandise ("matérialisme" selon leurs mots), de l'individualisme etc. etc. ; une manière (également) de réintégrer "artificiellement" une communauté sociale "solidaire" et "sincère" ; bref une quête de "gouttes de soleil dans la Cité des Spectres". Ce sont des réponses idéalistes mais attention, 1°/ tous les courants que ce soit du christianisme, de l'islam ou du judaïsme n'ont pas forcément une vision ultra-réactionnaire/fasciste ou médiévale de la société, ni ne sont des sectes vouées uniquement à enrichir leurs dirigeants et 2°/ les communistes doivent là encore, patiemment et sans posture dogmato-sectaire, se saisir des questions posées pour tenter d'amener peu à peu ces personnes des classes populaires vers le communisme.

    [3] Sur cette question de l'affirmation réactionnaire des Peuples niés par l'État moderne, il faut avoir aussi que pendant très longtemps la MOYENNE BOURGEOISIE nationaliste ou autonomiste a été la seule force sociale à détenir le capital intellectuel nécessaire pour porter cette affirmation, de manière - donc - forcément bourgeoise et généralement réactionnaire. Les classes laborieuses étaient "sans voix" ; les forces s'exprimant au nom du mouvement ouvrier et du prolétariat étant généralement des petits bourgeois, des fonctionnaires, des enseignants ou des (aristocrates-) ouvriers particulièrement "inclus" et se sentant "français", suivant le concept selon lequel "monter à la ville" pour y intégrer la classe ouvrière revenait à "entrer dans la civilisation" et abandonner son "patois", ses petits "obscurantismes" etc. etc. Les choses ont commencé à sérieusement changer à partir des Trente Glorieuses (par exemple en Occitanie avec la grève des mineurs de La Sala/"Decazeville"), mais il y aura malheureusement toujours assez - puisque 10 spécimens suffiraient ! - de petits fachos et autres illuminés réactionnaires à la Yann-Ber Tillenon pour que les jacobinards de tout poil y réduisent nos luttes...

    [4] Lire aussi son dernier article sur la question suite aux évènements insurrectionnels de Tolosa/Toulouse, Naoned/Nantes et quelques autres villes suite à la mort de Rémi Fraisse, plein (comme à l'accoutumée) de morgue et de donnage de leçons envers la jeunesse "petite-blanche" prolétarisée (la fameuse "génération qui vivra moins bien que ses parents") qui est pourtant, avec les "quartiers"-ghettos-à-"indigènes", l'autre grande force révolutionnaire de notre époque en Hexagone (même si nous pouvons admettre que la constructivité d'une certaine "casse" puisse être questionnée, mais pas de cette façon). Ceci montre et confirme bien qu'il n'y a plus grand chose d'ironique à les classer dans la même famille politique que l'UMP, Manuel Valls ou encore Mélenchon - c'est-à-dire la bourgeoisie "républicaine"... Ils réussissent même l'exploit de se retrouver même sur une position identique... à celle d'un site "emblématique" de la mouvance soralienne, le particulièrement pestilentiel Croah.fr de "Joe le Corbeau" : Des antifas dégénérés ravagent le centre-ville de Nantes. Quand on vous dit que toute cette merde croupit dans le même chiotte tricolore, et tend de plus en plus - sous la pression des masses en révolte - à former un seul bloc !


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  • Pour l'inénarrable Mélenchon, qui avait déjà traité en 2012 les émeutiers d'Amiens de "crétins" et de "larbins du capitalisme", les militants les plus combattifs du Testet sont des "clochards avinés" très certainement "infiltrés par l'extrême-droite" (il faut dire à sa "décharge" qu'il a reçu là-bas - la veille du drame - un accueil quelque peu mouvementé, dans la lignée de celui fait à Mitterrand au Larzac en 1974...) :

    MélenchonTestet

    Bref : le bon vieux et grand classique révisio-réformard de "faire la distinction" entre les "bons" manifestants - légalistes - et les "mauvais", les "extrémistes" et les "casseurs" qui "nuisent à l'image" et sont d'ailleurs "à tous les coups" des "flics" ou des "fachos" déguisés... Mélenchon a peut-être un certain nombre de qualités, mais certainement pas celle de l'imagination ! (en revanche on peut peut-être lui accorder celle de la célérité : devant le tollé d'indignation soulevé par ses propos, la publication a très vite été supprimée... mais malheureusement pas assez vite pour empêcher une capture d'écran he).

    Pour Xavier Beulin de la FNSEA, représentant de la bourgeoisie rurale agro-productiviste (jeter un œil ici au CV du personnage) qui soutient à fond le projet, on a affaire à des "djihadistes verts" :

    La FNSEA dénonce les "djihadistes verts" du barrage de Sivens

    On voit bien là comment, dans la tête du Capital bleu-blanc-rouge, tous les "ennemis intérieurs" se connectent et se confondent. Le zigue a par ailleurs prétendu que le projet n'était pas du tout au service de l'agriculture industrielle et productiviste mais d'une "centaine d'agriculteurs (qui) veulent garder des fermes petites et moyennes pour y faire des productions à valeur ajoutée. (...) pour cela, ils ont besoin d'eau et donc d'un soutien pendant la période d'étiage avec de l'eau qui peut servir à l'agriculture mais aussi à d'autres usages". Une affirmation que viennent pourtant démentir de nombreux témoignages de petits agriculteurs locaux.

    eric-brunet-vraiment-reac-L-0F23SI.pngLa FNSEA est historiquement liée à l'aile droite de la République bourgeoise et, globalement, les réactions dans cette famille politique (élus et autres dirigeants, "éditocrates" et "plateaucrates" télévisuels) sont du même acabit, qu'il s'agisse des députés UMP Christian Jacob et Éric Ciotti au Palais Bourbon, de Jean-Sébastien Ferjou (du site Atlantico, plutôt "ultra-libéral") sur i>Télé ou d'Éric Brunet (qui fait rarement mystère de ses opinions) sur BFM TV : "c'est un drame horrible" certes, mais "il faut voir la violence des ZADistes, ces radicaux, ces fanatiques" etc. etc. (on attend encore les propos de Zemmour, qui s'exprimera certainement dans "Ça se dispute" demain soir).

    Le gouvernement PS est globalement sur la même ligne de défense, face notamment à ses anciens alliés Verts (qui s'approprient Rémi sans vraiment savoir s'il était militant ou sympathisant de leur parti mais bon). Lorsqu'en 1970 à Milan le militant Saverio Saltarelli avait été tué dans des circonstances très similaires (tir de grenade), "Restivo (Ministre de l'Intérieur démocrate-chrétien) et Berlinguer (premier secrétaire du Parti "communiste") s'étaient enflammés, disant que les 'extrémistes' seraient poursuivis" comme le chantait Pino Masi. N'a-t-on pas incroyablement l'impression d'observer le même tableau, aujourd'hui en "France", avec la mort de Rémi Fraisse ?

    Et pour rester dans la "même famille politique" (dit avec ironie mais à peine...), en tout cas dans la même IDÉOLOGIE FRANÇAISE, les pseudo-"maoïstes" des "matérialistes.com" ont d'abord publié un article paraissant plutôt de soutien et disant des choses assez juste sur la logique capitaliste (agro-productiviste) qui sous-tend le barrage et l’État policier à son service, tout en évitant soigneusement d'aller sur nos thèses (que toute cette affaire ne fait que confirmer)... Mais ils sont ensuite passés - dans leur éditorial du 28 octobre - sur une explication absconse, incompréhensible d'où ils veulent en venir ("La mort de Rémi Fraisse a ainsi été « administrative » : la gendarmerie n'a fait qu'agir en militaire et il n'y a par conséquent aucun esprit de remise en cause. On est dans une logique d'administration par en haut, par ailleurs acceptée de manière populaire"...) avant de comparer carrément les démarches de type ZAD (Notre-Dame-des-Landes, Tarnac etc.) à... l'école pétainiste d'Uriage (école censée former les cadres économiques de la "Révolution nationale" et qui en réalité, passée à la "France libre" en 1942 et - du coup - fermée par la Milice de Darnand début 1943, fournira surtout son "excellence" à la République bourgeoise des Trente Glorieuses...). 

    coup-de-latte1.jpgVoili voilou... Nous pensons, sans nul besoin d'exhaustivité, avoir fait le tour. Car toutes ces réactions à la tragédie, comme l'expliquait très justement le 'p''c''mlm' dans son (court) moment de lucidité du 28 octobre, ne sont que le reflet d'une seule et même chose : une idéologie "républicaine" francouille au service d'un Capital (grand ou même plus petit, comme c'est le cas à Sivens) dont la logique même repose sur l'appropriation des territoires (avec leurs ressources) et des populations pour les transformer en forces productives et en force de travail créatrice de plus-value... Et qui ne peut tolérer aucune contestation de cela - le refus d'"entendre" la contestation amenant la radicalisation d'éléments, qui amène elle-même plus de répression et plus de radicalisation etc. etc. ; non pas parce que le Capital et ses "pouvoirs publics" "pourraient dialoguer" mais "refusent" (comme des "gosses capricieux") de le faire, mais parce qu'il est dans leur nature même, parce qu'il est EXISTENTIEL pour eux de "ne pas reculer" sur ce type de dossiers. Quelles que soient les limites de leurs conceptions politiques, les mouvements ZADistes (qui affirment en substance l'environnement comme bien commun à préserver et non comme pure marchandise ou matière première) font partie, comme les mouvements squatteurs qui rejettent la logique propriétariste-rentabiliste dans le domaine du logement, les "indigènes"/colonisé-e-s intérieur-e-s qui posent la question de la colonisation d'hier, du néocolonialisme d'aujourd'hui ("secret de l'impuissance" du prolétariat hexagonal) et de leurs traductions dans l'ordre social "métropolitain", les Peuples niés qui posent la question des conditions mêmes de la construction de l’État/appareil du Capital et bien sûr le mouvement ouvrier organisé combattif et les communistes révolutionnaires, de ces forces dont l'émergence même dans le "débat public" n'est pas tolérable pour le système capitaliste "français".  

    conrad1Y compris, dans ce même système qui est leur râtelier, pour des petits bourgeois soi-disant "maoïstes" : certes la "biosphère" est leur marotte, mais le système "France" est aussi (pour eux) un "fabuleux héritage de culture et de civilisation" (leur manière de dire "râtelier") et entre les deux leur cœur balance. Alors certes il "faut rejeter" les projets écocides comme ce barrage, il "faut" refuser le racisme (sans toutefois le comprendre comme un résultat systémique de la construction même du monde capitaliste dans lequel nous vivons : pour eux il s'agit d'une simple "division du peuple" et il existe un "racisme anti-blancs"), il "faut" résoudre la crise du logement et la "contradiction villes-campagnes", il "faut" combattre le fascisme (enfin surtout celui qui est principalement antisémite, celui qui est principalement islamophobe moins) et l’État policier de la bourgeoisie (quoique...) ; MAIS tout ce qui lutte concrètement en ce sens aujourd'hui doit être de la merde, pure "décomposition petite-bourgeoise" voire carrément... proto-fascisme, histoire (donc) de rejeter en pratique toute lutte antagonique contre le râtelier "France" en question.

    Il leur faut aussi - encore et toujours - ménager et dépeindre comme "non-fasciste" l’État bourgeois "républicain", vu comme un "allié potentiel contre le fascisme" (manière de dire : "État bourgeois, siteuplé, j'ai Bac+10, intègre moââââ...."). Nous avons souvent et "lourdement" insisté sur le fait que le passage de la "démocratie" bourgeoise au fascisme provenait DU CŒUR MÊME de l’État et de la classe qu'il représente et sert, la grande bourgeoisie (par exemple - et pas du tout exhaustivement - ici, ici au point 4 ou encore ici). C'était peut-être une vision un peu unilatérale ; mais on peut dans tous les cas très certainement dire que le passage au fascisme consiste en une PRISE EN ÉTAU de la société entre (d'un côté) la "droite révolutionnaire", la prolifération des groupes d'extrême-droite ou "nationaux-socialistes" et de leurs violences avec éventuellement (comme c'est le cas aujourd'hui en Hexagone) la montée inexorable d'un grand parti de masse (le FN), et de l'autre (comme cela s'est toujours vérifié dans l'histoire) l'accumulation autoritariste, liberticide et répressive au sommet de l’État. Une accumulation que l'assassinat policier de Rémi Fraisse vient encore une fois illustrer en démontrant au passage son caractère indépendant des "couleurs" politiques bourgeoises, puisque c'est sous un gouvernement P's' (que le "peuple progressiste" avait chargé en 2012 de le "libérer du sarkozysme") qu'un militant écologiste vient d'être tué en manifestation pour la première fois depuis 37 ans, après les ladamiseletasviolences sans précédent contre les opposants à l'aéroport du "Grand Ouest" à Nantes, l'interdiction de manifestations pro-palestiniennes ou contre le néocolonialisme français... toujours autorisées auparavant (y compris sous Sarkozy), etc. etc. : nous avons bel et bien là, en réalité, une tendance inexorable face à des contradictions sociales de plus en plus explosives qu'il s'agit - par conséquent - d'écraser en ce marteau répressif et l'enclume du fascisme militant (y compris lorsque celui-ci feint de "prendre parti pour la contestation" - enfin, dans certaines limites tout de même).

    Pour nous, les choses sont claires : la quête d'"harmonie" entre l'activité productive humaine et l'environnement naturel, impossible tant que l'"aménagement du territoire" sera entièrement et uniquement sous-tendu par la recherche du profit capitaliste, ne pourra trouver son aboutissement que sur une planète où territoires et populations se seront "retrouvés" et ne seront plus (les uns et les autres) de simples instruments productifs de plus-value, enfermés dans les États-enclos construits par les dominants à cet effet. Ils pourront alors (re)trouver leur "équilibre", comme celui qui existait avant l'étape capitaliste de l'histoire humaine mais À UN NIVEAU SUPÉRIEUR (avec le "progrès" que le capitalisme aura apporté à l'humanité).  

    Telle est, en dernière analyse, la définition même de l'objectif stratégique que nous poursuivons : une Occitanie révolutionnaire, libre et socialiste-puis-communiste qui (non messieurs !) ne sera pas "un État de plus" fondé sur un soi-disant "nationalisme ethno-régional" (comme feignent de le comprendre nos détracteurs "gauchistes"), mais une organisation politique et sociale de type radicalement nouveau, CONFÉDÉRATIVE et SUBSIDIARISTE, fondée sur le POUVOIR DU PEUPLE (vivre, travailler et décider "au pays" ou "au quartier", là où l'on a son existence sociale). Un Peuple qui, libéré de la logique capitaliste, aura retrouvé un rapport direct avec la nature ; ce qui ne signifiera peut-être pas que "tout sera résolu" (la contradiction homo sapiens/"reste du vivant" mettra peut-être encore quelques générations à être solutionnée), mais sera assurément - déjà - beaucoup mieux !


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    ... mais bientôt en rejaillira le Soleil d'un monde NOUVEAU, le Soleil de la Libération révolutionnaire des Peuples et de son bras implacable de Justice qui s'abattra sur le Capital et ses milices d'assassins !

    Que résonne d'una montanha a l'autra notre Hymne révolutionnaire de Libération :



    (Paroles)


    Tu es mort sur la route qui mène au communisme, tué par le Capital et ses chiens de garde "socialistes"...

    Onor a tu per totjorn companh !


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