• La critique maoïste de Staline


    Il n'est jamais de trop de la rappeler. C'est une autre ligne de démarcation absolue (comme la GRCP, etc.) entre les maoïstes et les ‘‘pseudos’’ (sans même parler des hoxhistes et autres ‘‘révisionnistes orthodoxes’’ de tout poil). Qui ne reconnaît pas cette critique, ce dépassement par la gauche du "stalinisme" (marxisme-léninisme appliqué par le PCbUS et le Komintern puis le Kominform de 1922 à 1953) qu’a été le maoïsme, non seulement en paroles mais en pratique, n'est pas réellement maoïste.

    Il s'agit d'un article des rédactions du Renmin Ribao et du Hongqi, « Sur la question de Staline - À propos de la lettre ouverte du Comité central du P.C.U.S. (II) » (13 septembre 1963), compilé dans Débat sur la ligne générale du mouvement communiste international (1963-1964), Beijing, Éditions en langues étrangères, 1965, p. 123-148.

    Ce texte est réputé avoir été écrit par Mao lui-même, ou tout au moins sous sa supervision.

    mao-zedong-1.jpg« Le PCC a toujours estimé qu'il faut faire une analyse complète, objective et scientifique des mérites et des erreurs de Staline, en recourant à la méthode du matérialisme historique et en représentant l'histoire telle qu'elle est, et non pas répudier Staline de façon totale, subjective et grossière, en recourant à la méthode de l'idéalisme historique, en déformant et en altérant à plaisir l'histoire.

    « Le PCC a toujours considéré que Staline a commis un certain nombre d'erreurs qui ont une source soit idéologique soit sociale et historique. La critique des erreurs de Staline, celles qui effectivement furent commises par lui et non pas celles qu'on lui attribue sans aucun fondement, est chose nécessaire lorsqu'elle est faite à partir d'une position et par des méthodes correctes. Mais nous avons toujours été contre la critique de Staline lorsqu'elle est faite d'une façon incorrecte, c'est-à-dire à partir d'une position et par des méthodes erronées. » (...)

    « Il est vrai que tout en accomplissant des exploits méritoires en faveur du peuple soviétique et du mouvement communiste international, le grand marxiste-léniniste et révolutionnaire prolétarien que fut Staline commit aussi des erreurs. Des erreurs de Staline, certaines sont des erreurs de principe, d'autres furent commises dans le travail pratique ; certaines auraient pu être évitées tandis que d'autres étaient difficilement évitables en l'absence de tout précédent dans la dictature du prolétariat auquel on pût se référer.

    « Dans certains problèmes, la méthode de pensée de Staline s'écarta du matérialisme dialectique pour tomber dans la métaphysique et le subjectivisme, et, de ce fait, il lui arriva parfois de s'écarter de la réalité et de se détacher des masses. Dans les luttes menées au sein du Parti comme en dehors, il confondit, à certains moments et dans certains problèmes, les deux catégories de contradictions de nature différente - contradictions entre l'ennemi et nous, et contradictions au sein du peuple - de même que les méthodes différentes pour la solution de ces deux catégories de contradictions. Le travail de liquidation de la contre-révolution, entrepris sous sa direction, permit de châtier à juste titre nombre d'éléments contre-révolutionnaires qui devaient l'être ; cependant, des gens honnêtes furent aussi injustement condamnés, et ainsi il commit l'erreur d'élargir le cadre de la répression en 1937 et 1938. Dans les organisations du Parti et les organismes de l'État, Staline ne fit pas une application pleine et entière du centralisme démocratique du prolétariat ou y contrevint partiellement. Dans les rapports entre partis frères et entre pays frères, il commit aussi des erreurs. Par ailleurs, il formula, au sein du mouvement communiste international, certains conseils erronés. Toutes ces erreurs ont causé des dommages à l'Union soviétique et au mouvement communiste international. »

    Mais il y a encore plus "hardcore", car écrit justement "à chaud" dans la foulée du XXe Congrès avec tout ce que les communistes chinois avaient "sur le cœur", AVANT que la réalité des intentions de Khrouchtchev ne soit démasquée et que la lutte contre cette liquidation du marxisme-léninisme le plus élémentaire ne devienne PRIORITAIRE : il y a les deux grands "classiques" du maoïsme que sont À propos de l'expérience historique de la dictature du prolétariat (avril 1956) et, 20 mois plus tard (décembre 1957), Encore une fois sur l'expérience historique de la dictature du prolétariat.

    Deux textes qui, cela va de soi, sont honteusement occultés par tous ceux qui font du maoïsme le prétexte à un pignolage malsain (presque sadico-anal) sur la figure du "Petit Père des Peuples" : d'aucuns diront que le PCC et Mao à sa tête ont "cédé aux sirènes" révisionnistes avant de se "ressaisir" ("Le 20e congrès du PCUS, en 1956, prit le PCC par surprise, et au départ les positions du PCC furent en défense de Staline mais avec une certaine équivoque" - lesmaterialistes.com)  ; d'autres (Hoxha en tête) que c'est bien la preuve du "révisionnisme" de Mao, etc. etc.

    Voici quelques extraits (accrochez-vous, ça n'y va pas avec le dos de la cuillère) :

    [ATTENTION toutefois avec ces textes de 1956-57, qui restent en partie sous l'influence du XXe Congrès dont les communistes chinois n'avaient peut-être pas encore à ce moment-là pris toute la mesure de l'entreprise contre-révolutionnaire, et qui tendent peut-être, si l'on lit par exemple Grover Furr, à attribuer à la personne de Staline des dérives criminelles qui pourraient en réalité surtout avoir été le fait de "factieux"... futurs "déstalinisateurs", à commencer par Khrouchtchev lui-même ! Les positions qui vont suivre pourraient ainsi, en cela, presque faire penser à Babeuf lorsque celui-ci défonçait Robespierre (Du système de dépopulation etc.) sous l'influence de Fouché (qui peut pratiquement être considéré comme le Khrouchtchev français de Thermidor...) ; avant de se raviser comme chacun-e le sait, et comme se raviseront rapidement eux aussi Mao et ses camarades vis-à-vis du khrouchtchévisme. Ces textes gardent néanmoins dans tous les cas le mérite de montrer que les communistes chinois n'avaient pas et n'ont jamais eu pour ligne une défense, un "justifie-tout" inconditionnel de "ce qu'il s'est passé en URSS" sous la direction de Staline, quelle qu'ait été l'ampleur du rôle réel de celui-ci dans cela.]

    Aux dirigeants des Partis communistes et des États socialistes incombe la responsabilité de réduire au minimum le nombre de leurs erreurs, d'empêcher autant que possible certaines erreurs graves de se produire, de veiller à tirer les enseignements des erreurs isolées, partielles et passagères et de faire tous leurs efforts pour que celles-ci ne dégénèrent pas en erreurs d'envergure nationale ou de longue durée.

    Pour cela, tout dirigeant doit être extrêmement modeste et prudent, être en liaison étroite avec les masses, les consulter en toutes matières, procéder à des enquêtes et à des examens réitérés sur la situation réelle et se livrer constamment à la critique et à l'autocritique conformément aux circonstances et dans la mesure qui convient.

    C'est précisément parce que Staline n'a pas agi ainsi qu'il a commis dans la dernière période de sa vie certaines erreurs graves dans son travail, en tant que principal dirigeant du Parti et de l’État. Il devint infatué de lui-même, manqua de circonspection, et l'on vit apparaître dans son esprit le subjectivisme et la tendance à se contenter de vues partielles. Il prit des décisions erronées sur certaines questions importantes, ce qui aboutit à des conséquences très fâcheuses. (...)

    Après la mort de Lénine, Staline, en tant que dirigeant principal du Parti et de l’État, a appliqué et développé de façon créatrice le marxisme-léninisme. Dans la lutte pour la défense de l'héritage du léninisme contre ses ennemis – les trotskistes, les zinoviévistes et autres agents de la bourgeoisie – Staline a traduit la volonté du peuple et s'est avéré un combattant éminent du marxisme-léninisme.

    300px-Bundesarchiv Bild 183-R77767, Berlin, Rotarmisten UntSi Staline a gagné le soutien du peuple soviétique et a joué un important rôle historique, c'est avant tout parce qu'il a défendu, avec les autres dirigeants du Parti communiste de l'Union Soviétique, la ligne de Lénine relative à l'industrialisation du pays des soviets et à la collectivisation de l'agriculture. Le Parti communiste de l'Union Soviétique, en mettant à exécution cette ligne, a fait triompher le socialisme dans son pays et a créé les conditions pour la victoire de l'Union Soviétique dans la guerre contre Hitler. Toutes ces victoires remportées par le peuple soviétique sont en harmonie avec les intérêts de la classe ouvrière du monde entier et de toute l'humanité progressiste, c'est pourquoi le nom de Staline jouissait, tout naturellement, d'une immense gloire dans le monde.

    Cependant, quand Staline eut acquis un grand prestige auprès du peuple, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union Soviétique, en appliquant correctement la ligne léniniste, il eut le tort d'exagérer son propre rôle et opposa son autorité personnelle à la direction collective. Il s'ensuivit que certaines de ses actions sont allées à rencontre des conceptions fondamentales du marxisme-léninisme qu'il avait lui-même propagées. D'un côté, il reconnaissait que les masses populaires sont les créateurs de l'histoire, que le Parti doit rester constamment en liaison étroite avec les masses, développer la démocratie en son sein ainsi que l'autocritique et la critique venant de bas en haut ; mais d'un autre côté, il acceptait et encourageait le culte de la personnalité et prenait des décisions personnelles arbitraires. Ainsi est apparue chez Staline dans la dernière période de sa vie un divorce entre la théorie et la pratique sur cette question.

    Le marxisme-léninisme reconnaît que les personnalités dirigeantes jouent un grand rôle dans l'histoire. Le peuple et son Parti ont besoin de personnalités d'avant-garde capables de représenter les intérêts et la volonté du peuple, de se placer au premier rang de sa lutte historique et de le guider. Nier le rôle de l'individu, le rôle des hommes d'avant-garde et des guides serait totalement erroné.

    Mais tout dirigeant du Parti ou de l’État, du moment qu'il se place au-dessus du Parti et des masses au lieu de rester au milieu d'eux, qu'il se sépare des masses, cesse d'avoir une vue complète et pénétrante des affaires de l’État.

    Dans de telles conditions, même un homme aussi éminent que Staline est amené inévitablement à prendre sur des questions importantes des décisions erronées et non conformes à la réalité. Staline, ayant omis de tirer les leçons de fautes isolées, partielles, passagères concernant certains problèmes, n'a pu éviter qu'elles deviennent de graves erreurs affectant toute la nation et pour une longue période. Durant la dernière partie de sa vie, de plus en plus Staline s'est complu à ce culte de la personnalité ; il a enfreint les principes du centralisme démocratique du Parti et celui de combiner la direction collective avec la responsabilité individuelle.

    Cela l'a conduit à commettre quelques erreurs graves telles que celles-ci : il a donné trop d'ampleur au problème de la répression des contre-révolutionnaires ; il n'a pas fait preuve de la vigilance nécessaire à la veille de la guerre antifasciste ; il n'a pas accordé toute l'attention voulue à un plus large développement de l'agriculture et au bien-être matériel des paysans ; il a donné certains conseils erronés concernant le mouvement communiste international et, en particulier, il a pris une décision erronée sur la question de la Yougoslavie.

    À propos de toutes ces questions, Staline s'est montré subjectif, a eu des vues partielles et s'est séparé de la réalité objective et des masses. [À propos de l'expérience historique de la DDP]

    Et dans l'opus suivant : 

    stalineStaline a eu de grands mérites quant aux progrès réalisés en Union Soviétique et quant au développement du mouvement communiste international. Dans l'article intitulé À propos de l'expérience historique de la dictature du prolétariat, nous écrivions : "Après la mort de Lénine, Staline, en tant que dirigeant principal du Parti et de l’État, a appliqué et développé de façon créatrice le marxisme-léninisme. (...)

    Si Staline a gagné le soutien du peuple soviétique et a joué un important rôle historique, c'est avant tout parce qu'il a défendu, avec les autres dirigeants du Parti communiste de l'Union Soviétique, la ligne de Lénine relative à l'industrialisation du pays des Soviets et à la collectivisation de l'agriculture. Le Parti communiste de l'Union Soviétique, en mettant à exécution cette ligne, a fait triompher le socialisme dans son pays et a créé les conditions pour la victoire de l'Union Soviétique dans la guerre contre Hitler. Toutes ces victoires remportées par le peuple soviétique sont en harmonie avec les intérêts de la classe ouvrière du monde entier et de toute l'humanité progressiste, c'est pourquoi le nom de Staline jouissait tout naturellement d'une immense gloire dans le monde."

    Mais Staline a commis un certain nombre de graves erreurs tant dans la politique intérieure que dans la politique extérieure de l'Union Soviétique.

    Ses méthodes de travail, faussées par l'arbitraire, ont jusqu'à un certain point porté atteinte au principe du centralisme démocratique dans la vie du Parti et dans le régime étatique de l'Union Soviétique, et partiellement enfreint la légalité socialiste.

    Étant donné que dans maints domaines, Staline s'était singulièrement détaché des masses et prenait de sa propre autorité des décisions sur de nombreuses questions politiques importantes, il devait inévitablement commettre de graves erreurs. Ces erreurs se sont surtout manifestées en ce qui concerne la liquidation de la contre-révolution et les rapports avec certains pays. Pour ce qui est de la liquidation de la contre-révolution, Staline a châtié de nombreux contre-révolutionnaires qu'il fallait châtier et il s'est acquitté pour l'essentiel des tâches qui se posaient sur ce front ; mais par ailleurs, il a accusé gratuitement de nombreux communistes loyaux et de bons citoyens, ce qui a amené de graves préjudices.

    Pour ce qui est des rapports avec les pays frères et les Partis frères, Staline est resté dans l'ensemble sur les positions de l'internationalisme ; il a aidé dans leur lutte les peuples des différents pays et contribué au développement du camp socialiste. Mais en réglant certains problèmes concrets, il a manifesté une tendance au chauvinisme de grande nation et il n'a pas eu assez le sens de l'égalité ; il pouvait d'autant moins être question qu'il éduquât la grande masse des cadres dans un esprit de modestie ; parfois même il intervenait indûment dans les affaires intérieures de certains pays frères et de certains Partis frères, ce qui a eu maintes conséquences graves.

    Comment expliquer les graves erreurs commises par Staline ?  Quel rapport y a-t-il entre ces erreurs et le système socialiste de l'Union Soviétique ?

    La science de la dialectique marxiste-léniniste nous enseigne que toute forme de rapports de production et la superstructure, apparue sur la base de ces rapports de production, naissent, se développent et disparaissent.

    Quand les forces productives ont atteint un certain stade de développement, les anciens rapports de production cessent de correspondre pour l'essentiel à l'état de ces forces ; quand la base économique a atteint un certain stade de développement, l'ancienne superstructure cesse pour l'essentiel de correspondre à cette base ; alors des changements de nature fondamentale interviennent inévitablement, et qui cherche à s'opposer à ces changements est balayé par l'Histoire.

    Cette loi s'applique, sous des formes différentes, à toutes les sociétés. Elle est donc valable également pour la société socialiste actuelle et pour la société communiste de demain.

    Les erreurs de Staline étaient-elles dues au fait qu'en Union Soviétique les systèmes économique et politique socialistes étaient périmés, qu'ils avaient cessé de correspondre aux exigences du développement de l'U.R.S.S ?

    Évidemment, non. La société socialiste de l'Union Soviétique est encore jeune, elle a moins de quarante ans d'existence. L'essor rapide de l'économie soviétique montre que le système économique de l'Union Soviétique correspond pour l'essentiel au développement des forces productives et que le système politique de l'Union Soviétique correspond également pour l'essentiel aux exigences de la base économique. Les erreurs de Staline ne découlent nullement du système socialiste ; pour rectifier ces erreurs, il n'est certes pas besoin de « rectifier »  le système socialiste.

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    La bourgeoisie occidentale tente d'utiliser les erreurs de Staline pour prouver les « erreurs » du système socialiste. Cela est dénué de tout fondement. Il en est également qui essayent d'expliquer les erreurs de Staline par le fait que dans les pays socialistes l’État gère l'économie, et qui estiment que si le gouvernement dirige l'activité économique, il devient inévitablement un « appareil bureaucratique » faisant obstacle au développement des forces du socialisme.

    Cela n'est pas plus convaincant. Nul ne peut nier que l'immense essor économique de l'U.R.S.S résulte précisément du fait que l’État des travailleurs assure la direction planifiée de l'activité économique, alors que les principales erreurs de Staline ont très peu de rapport avec les défauts du fonctionnement de l'appareil d’État dans la direction des affaires économiques.

    Mais même lorsque le système fondamental répond aux besoins, il existe certaines contradictions entre les rapports de production et les forces productives, entre la superstructure et la base économique. Ces contradictions se traduisent par des défauts dans certains chaînons des systèmes économique et politique. S'il n'est pas besoin pour résoudre ces contradictions de recourir à des transformations radicales, il n'en est pas moins nécessaire de procéder à des réajustements en temps utile.

    Peut-on garantir que des erreurs ne se produiront pas s'il y a un système fondamental correspondant aux besoins, et si les contradictions de caractère courant existant dans ce système sont réglées (en termes dialectiques, ce sont des contradictions qui se trouvent au stade des « modifications quantitatives ») ?

    La question n'est pas si simple. Le système a une importance déterminante, mais n'est pas quelque chose de tout-puissant en soi. Aussi bon que soit un système, il ne garantit pas contre les graves erreurs qui peuvent être commises dans le travail.

    Quand un système juste a été établi, l'essentiel est de savoir l'appliquer correctement, d'avoir une ligne politique juste, d'adopter des méthodes et un style de travail justes. Sans quoi, même avec un système juste, on peut commettre de graves erreurs, et même on peut se servir d'un bon appareil d’État pour faire du mauvais travail.

    Il faut régler ces questions par l'accumulation de l'expérience et la vérification dans la pratique ; il est impossible de les régler du jour au lendemain. De plus, la situation change sans cesse ; au moment où l'on résout de vieilles questions, il en surgit de nouvelles, et il ne peut y avoir de solution valable une fois pour toutes.

    Rien d'étonnant dès lors si, dans les pays socialistes où une base solide a pourtant été créée, certains maillons des rapports de production et de la superstructure accusent encore des défauts, si l'on constate encore des déviations d'une espèce ou d'une autre dans les lignes politiques, dans les méthodes et dans le style de travail du Parti et de l’État.

    Dans les pays socialistes, la tâche du Parti et de l’État consiste, en s'appuyant sur les masses et la collectivité, à réajuster en temps utile les différents maillons des systèmes économique et politique, à déceler et à corriger à temps les erreurs dans le travail. Il va sans dire que les vues subjectives des dirigeants du Parti et de l’État ne peuvent jamais être à cent pour cent conformes à la réalité objective.

    Aussi certaines erreurs de caractère isolé, partiel et passager dans leur travail seront elles inévitables. Quant aux erreurs sérieuses, de longue durée et de portée nationale, elles peuvent être prévenues à condition que l'on s'en tienne rigoureusement à la science du matérialisme dialectique marxiste-léniniste et qu'on la développe énergiquement ; à condition que l'on observe sans défaillance les principes du centralisme démocratique dans le Parti et dans l’État, et que l'on s'appuie vraiment sur les masses.

    Stalin1Certaines erreurs commises par Staline durant la dernière période de sa vie ont dégénéré en erreurs graves, de longue durée et de portée nationale, et n'ont pu être rectifiées en temps utile parce que, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, il s'était isolé des masses et de la collectivité ; parce qu'il avait dérogé aux principes du centralisme démocratique du Parti et de l’État.

    Une certaine dérogation aux principes du centralisme démocratique dans le Parti et dans l’État s'explique par des conditions historiques et sociales : en matière de direction de l’État, le Parti manquait encore d'expérience ; le nouveau régime n'était pas encore suffisamment consolidé pour résister à toutes les influences des temps anciens (le processus du renforcement d'un nouveau régime et de la disparition des influences anciennes n'est pas rectiligne, souvent aux tournants de l'histoire, il prend la forme de mouvements ondulatoires et d'oscillations) ; la tension de la lutte à l'intérieur et à l'extérieur du pays a eu pour effet de limiter le développement de certains aspects de la démocratie, etc.

    Néanmoins, à elles seules, ces conditions objectives ne suffisent pas pour que la possibilité de commettre des erreurs devienne une réalité. Dans des conditions beaucoup plus complexes et difficiles que celles où Staline s'est  trouvé, Lénine n'a pas commis d'erreurs analogues à celles de Staline. Ici, le facteur décisif est l'état de l'esprit de l'homme. Pendant la dernière période de sa vie, des victoires en séries et les panégyriques dont il a été l'objet ont tourné la tête à Staline. Dans sa façon de penser, il s'est écarté partiellement mais gravement du matérialisme dialectique pour tomber dans le subjectivisme.

    Il commença à avoir une foi aveugle en sa propre sagesse et en sa propre autorité ; il se refusait à se livrer à des recherches et à l'étude sérieuse à l'égard de situations complexes, ou à prêter une oreille attentive à l'opinion de ses camarades comme à la voix des masses.

    En conséquence, certaines thèses et mesures politiques adoptées par lui allaient souvent à l'encontre de la réalité objective ; il s'est souvent obstiné à faire appliquer pendant un long laps de temps ces mesures erronées, et n'a pu rectifier ses erreurs en temps utile. 

    S'ensuit un passage presque touchant de naïveté envers les intentions du XXe Congrès et de Khrouchtchev, illusions dont Mao et les communistes chinois reviendront heureusement bien assez tôt ; mais qui se conclut tout de même sur ces SEMI-MISES EN GARDE, montrant bien le malaise diffus qui régnait déjà dans les rangs communistes internationaux : 

    Il est absolument évident que ces erreurs n'étant pas de courte durée ne peuvent être entièrement corrigées en un jour. Cela demandera des efforts pendant une période relativement longue et un minutieux travail d'éducation idéologique. Nous sommes convaincus que le grand Parti communiste de l'Union Soviétique, qui a déjà surmonté d'innombrables difficultés, saura surmonter ces difficultés et atteindre son objectif.

    La lutte qu'il mène pour rectifier les erreurs commises ne peut naturellement avoir l'appui de la bourgeoisie et de l'aile droite de la social-démocratie occidentale.

    Profitant de l'occasion pour essayer d'estomper ce qu'il y avait de juste dans l'activité de Staline, d'estomper les immenses réalisations qui furent obtenues par l'Union Soviétique et le camp socialiste tout entier, semer la confusion et provoquer la scission dans les rangs communistes, elles s'obstinent à appeler la réparation des erreurs commises par Staline « déstalinisation » et à la présenter comme une lutte entre des soi-disant « antistaliniens » et  des « staliniens ». Leur malveillance est ici évidente.

    Mao et Che GuevaraMalheureusement, certains communistes se répandent également en propos de ce genre. Nous estimons que de pareils propos, tenus par des communistes, sont des plus pernicieux.

    Chacun sait que la vie de Staline, malgré certaines graves erreurs qu'il a commises dans la dernière période, est la vie d'un grand révolutionnaire marxiste-léniniste. (...)

    Aussi devons-nous, quand nous faisons le point de l'idéologie et de l'activité de Staline dans son ensemble, en voir à la fois les côtés positifs et négatif, les mérites et les erreurs. À considérer la question sous tous ses aspects, si l'on veut absolument parler de « stalinisme », on ne peut que dire ceci : le « stalinisme » c'est avant tout le communisme, le marxisme-léninisme. Tel est son aspect fondamental.

    Mais surtout, on va trouver cette affirmation FONDAMENTALE qui est à la base même de toute la pensée et la pratique maoïste :

    Il est naïf de croire qu'il ne peut plus exister de contradictions dans une société socialiste. Nier l'existence des contradictions, c'est nier la dialectique. Dans les diverses sociétés, les contradictions diffèrent de nature et ainsi diffèrent les moyens de les résoudre. Mais le développement d'une société se poursuit toujours au milieu de contradictions incessantes.

    La société socialiste se développe également au sein de la contradiction entre les forces productives et les rapports de production. Dans une société socialiste ou communiste, des innovations techniques et des transformations dans le système social continueront forcément à se produire. S'il en était autrement, le développement de la société en arriverait au point mort et la société ne pourrait plus progresser.

    Cette compréhension de la contradiction sous le socialisme est ce qui deviendra en pratique la RÉVOLUTION CULTURELLE, fondement de l'identité politique et intérêt même du maoïsme (qui n'en a aucun s'il s'agit simplement d'être "anti-XXe Congrès").

    On peut trouver encore une autre position fondamentale sur laquelle se base toute notre activité à Servir le Peuple ; le rejet du dogmatisme comme du révisionnisme :

    Une des graves conséquences des erreurs de Staline fut l'extension du dogmatisme. Parallèlement à la critique des erreurs de Staline, les Partis communistes de tous les pays ont engagé la lutte pour triompher du dogmatisme dans leurs rangs. Cette lutte est absolument indispensable. Mais en s'engageant sur la voie d'une répudiation totale de Staline et en arborant le mot d'ordre erroné de la lutte contre le « stalinisme », un certain nombre de communistes ont contribué au développement d'un courant idéologique qui tend à réviser le marxisme-léninisme.

    Ce courant révisionniste facilite incontestablement l'attaque menée par l'impérialisme contre le mouvement communiste, et l'impérialisme utilise en effet activement ce courant. Tout en combattant résolument le dogmatisme, nous devons combattre non moins résolument le révisionnisme. (...)

    Les dogmatiques ne comprennent pas que la vérité universelle du marxisme-léninisme ne peut se manifester concrètement et jouer un rôle dans la vie réelle qu'en s'appuyant sur des particularités nationales données. Ils ne veulent pas se livrer à une étude sérieuse des particularités sociales et historiques de leur propre pays, de leur propre nation ; ils ne veulent pas appliquer de façon concrète la vérité universelle du marxisme-léninisme en tenant compte de ces particularités. Aussi sont-ils incapables de conduire la cause du prolétariat à la victoire. (...)

    Dans l'histoire du Parti communiste chinois, de 1931 à 1934, il y eut des dogmatiques qui niaient les particularités de la Chine et copiaient mécaniquement certaines expériences de l'Union Soviétique, ce qui fit que les forces révolutionnaires connurent dans notre pays de sérieux revers. Ces revers ont été une grande leçon pour notre Parti.

    Dans la période qui va de la Conférence de Tsouenyi en 1935 au VIIe Congrès national du Parti tenu en 1945, notre Parti en a complètement terminé avec cette ligne dogmatique extrêmement nuisible ; il a rallié tous ses membres, y compris les camarades qui avaient commis des erreurs ; il a développé les forces du peuple et assuré ainsi la victoire de la révolution. Si nous avions agi différemment, la victoire aurait été impossible.

    C'est seulement parce que nous avons triomphé de la ligne du dogmatisme qu'il est devenu possible pour notre Parti, quand il s'agit de tirer des leçons de l'expérience de l'Union Soviétique et des autres pays frères, de commettre relativement moins d'erreurs.

    Mais la lutte contre le dogmatisme n'a rien de commun avec la tolérance envers le révisionnisme. Le marxisme-léninisme reconnaît que le mouvement communiste, dans les différents pays, possède nécessairement ses particularités nationales ; mais cela ne signifie nullement que ce mouvement, dans les différents pays, peut ne pas avoir de points communs fondamentaux, qu'il peut s'écarter de la vérité universelle du marxisme-léninisme.

    Dans l'actuel mouvement contre le dogmatisme, chez nous comme à l'étranger, il en est qui, sous prétexte de lutter contre une copie aveugle de l'expérience soviétique, nient la portée internationale de ce qu'il y a d'essentiel dans l'expérience de l'Union Soviétique, et qui sous prétexte de développer le marxisme-léninisme de façon créatrice, nient l'importance de la vérité universelle du marxisme-léninisme.

    revolution-culturelleEh oui, toute la quadrature du cercle pour les communistes conséquents c'est cela : ne pas répondre au dogmatisme par le révisionnisme, ce qu'avait typiquement fait Tito (ou ses émules hongrois) à l'époque des textes par exemple ; mais ne pas répondre non plus au révisionnisme par le dogmatisme (il est également possible de répondre au révisionnisme par le révisionnisme - "eurocommunisme" par exemple - et au dogmatisme par le dogmatisme, mais bref) .

    Alors bien sûr, comme on l'a dit, il y en a qui vont hurler et se perdre en explications foireuses, "oui mais non, en fait c'est que" blablabli blablabla... Mais en fait c'est que rien du tout. En fait c'est que le Parti communiste chinois a produit DEUX LONGS ARTICLES, en avril 1956 et décembre 195720 mois d'écart l'un de l'autre !), où il fait PLUS QU'ADMETTRE que l'on puisse critiquer Staline et sa politique menée pendant près de 30 ans - en fait, il reprend carrément bon nombre de critiques émises au XXe Congrès, dans un contexte où (11 ans après la Victoire antifasciste) l'image de l'URSS (et donc du socialisme) dans le monde s'est dégradée, notamment  face à sa politique dans les "pays frères" d'Europe de l'Est ("purges" de communistes et combattants antifascistes historiques, soulèvements réprimés etc.) ; tout en reconnaissant ses mérites et ses grandes réussites (à commencer par la victoire sur le nazi-fascisme, thème qui revient souvent) et en mettant subtilement ("à la chinoise") en garde contre la tentation de "jeter le bébé marxiste-léniniste avec l'eau du bain", tentation qui se confirmera dans les années suivantes. Rectifier les erreurs, dépasser les limites de conception/compréhension du monde, oui ; liquider les principes élémentaires du marxisme et du léninisme NON (d'où l'affirmation récurrente que "Staline a été un grand marxiste-léniniste" aussitôt après l'avoir sèchement critiqué, ce qui donne au texte une impression d'incohérence).

    La tonalité est d'ailleurs strictement la même (en plus bref) dans l'article de 1963, alors même (donc) que la guerre ouverte contre le khrouchtchévisme est déclarée depuis au moins trois ans. Ce sont strictement les mêmes mérites et erreurs qui reviennent, la position du PCCh n'a pas changé d'un iota : Staline a eu de grands mérites mais il a aussi commis de graves erreurs (pour ne pas dire fautes) ; Khrouchtchev et plus tard Brejnev ne sont pas tombés du ciel, avant de pourfendre Staline ils ont même été ses plus zélés serviteurs ; et de tels monstres n’ont pas pu être engendrés par un système aussi ‘‘parfait’’ que le décrivent les cerveaux malades hoxhistes ou autres et les prétendus ‘‘maoïstes’’ qui n’ont RIEN COMPRIS À RIEN (les hoxhistes, au moins, sont cohérents : ils rejettent Mao, point !).

    Même en 1968, le PCCh et Mao n'auront pas sur le "Printemps de Prague" une position différente de celle sur la Hongrie ou la Yougoslavie en 1956 : ils dénonceront l'attitude SOCIAL-IMPÉRIALISTE (terme apparu entre-temps) de Moscou, sans pour autant défendre les thèses (finalement titistes et "eurocommunistes") de Dubcek. Ils diront simplement que les questions posées au socialisme en Tchécoslovaquie doivent être réglées par les Tchécoslovaques eux-mêmes ; et que nous ne sommes pas dans un monde merveilleux où l'on hurle à "l'ingéreeeence" lorsque les impérialistes US interviennent contre un gouvernement démocratique à Saint-Domingue, mais où il serait "normal" que l'URSS envahisse un "pays frère". Il n'y a pas "deux poids deux mesures" selon qu'un État se veuille capitaliste ou "socialiste", il y a tout simplement des pratiques politiques et géopolitiques qui sont socialistes et d'autres qui ne le sont pas. Si les pratiques ne sont pas socialistes, c'est que l'État ne l'est pas ou est en passe de ne plus l'être, que les intérêts du prolétariat et du peuple ont été confisqués, que ce n'est pas le Peuple qui est au pouvoir. La position maoïste n’a tout simplement jamais changé sur ce point…

    On peut ajouter enfin que, comme Mao et les communistes chinois rappellent régulièrement que le marxisme-léninisme doit s'adapter aux particularités de chaque pays, le(s) révisionnisme(s) comme le dogmato-stalinisme ont aussi leur réalité particulière différente selon l'endroit : dans l'État français, c'est souvent un "prétexte" au jacobinisme "rouge" et à une vision très "dirigiste" (par une minorité "éclairée") des choses par exemple.

    Le reproche que l'on pourrait faire à tout cela, c'est de vouloir visiblement "éviter de tomber" dans le trotskysme ou le titisme (ou de prêter le flanc à de telles accusations) et donc d'être très axé sur "Staline a commis" telle et telle erreur, et évasif sur la BASE MATÉRIELLE de ces erreurs, sur ce qui a "poussé" la pensée et (consécutivement) l'action de Staline vers cela : des rapports sociaux restés fondamentalement marqués par le tsarisme (capitalisme au stade monarchique absolutiste de son développement) ; le fait que la Russie de 1917 (comme la Chine des années 1930-40) n'avait pas connu de réelle "révolution" bourgeoise (processus comparable à 1789-1870 en "France") et donc, que devant les masses en mouvement pour le "changement" il y avait DEUX VOIES ; le fait que la voie socialiste l'ait apparemment emporté grâce à Lénine, mais que les aspirations à ce que les choses en restent finalement à une "révolution" industrielle de type bourgeois étaient omniprésentes, etc. etc. ; et (donc) en définitive la RECONSTITUTION dans l'appareil même du Parti et de l’État (encadrant la production) d'une couche privilégiée, d'une nouvelle bourgeoisie. Cette critique-là sera en fait menée EN PRATIQUE par les maoïstes : ce sera la Grande Révolution culturelle prolétarienne (GRCP).

    Être maoïste c'est donc RECONNAÎTRE, COMPRENDRE et CRITIQUER les erreurs de "Staline" (au sens de "direction soviétique entre les années 1920 et 1950"), qui ne sont pas des petites "bourdes" occasionnelles de-ci de-là mais de véritables problèmes de compréhension erronée de la dialectique, des lois de la transition socialiste, bref de CONCEPTION DU MONDE, et qui pouvaient peut-être permettre des réussites (comme l'industrialisation du pays, ou la victoire contre le nazisme) mais pas LA réussite de l'expérience. Il est tout simplement INCOMPATIBLE de se dire "maoïste" et d'être un admirateur béat et un défenseur envers et contre tout de "Staline" (au sens précisé ci-dessus) ; à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une espèce de fascination malsaine pour l'aspect militariste, autoritaire-policier et répressif de l'URSS de l'époque (en somme, pour la caricature bourgeoise du "stalinisme" plus que pour sa réalité).

    Toutes ces conceptions sont ce qui guide notre démarche politique révolutionnaire jour après jour.

    zone tempêtes

    Dans le même registre de "critique maoïste de l'expérience soviétique" notamment sous la direction de Staline, et bien que nous ne soyons pas à 100% sur cette ligne (mais bien plus sur celle du PCR Canada), il peut être intéressant de relire ces brochures de l'OCML-VP du début des années 1980 :

    La théorie des forces productives à la base du révisionnisme moderne (1980)

    Sur l’État de dictature du prolétariat (1982)

    Sur la transition du capitalisme au communisme (1984)


    [À lire aussi à ce sujet, passionnant, cet entretien-débat de 1977 entre Charles Bettelheim, l'ex-GP Robert Linhart et deux membres de la revue Communisme, dans lequel s'expriment leurs différents points de vue et analyses, autrement dit un peu tous les nécessaires "pour" et "contre" pour réfléchir à la question : http://ekladata.com/Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf]


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