• Une mise au point nécessaire sur nos positions internationalistes et aux côtés des Peuples


    Cet article pourra vous sembler un énième rabâchage de ce qui est notre position ; mais enfin c'est ainsi : quelqu'un quelque part il y a un certain temps a bien dit que la politique est "l'art de la répétition", et mieux vaut répéter les choses afin qu'elles "rentrent" plutôt que de laisser place à l'autre art de la politique selon certains, celui de l'interprétation fallacieuse venant pallier l'absence d'arguments et (plus largement) une conception petite-bourgeoise réactionnaire du monde.

    Clarifions donc une nouvelle fois notre logique de positionnement sur les évènements qui surgissent régulièrement (et de plus en plus avec l’aggravation de la crise mondiale) de par le monde.

    Servir le Peuple ne raisonne pas en termes de "camp" du "Bien" ou du "Mal", autrement dit d'un "bloc" de forces et de régimes politiques qu'il faudrait systématiquement défendre (même avec 100.000 cadavres à leur actif) contre un autre qu'il faudrait systématiquement condamner, et dont il faudrait systématiquement voir la main contre les premiers. Servir le Peuple raisonne en termes de MASSES et de "ON A RAISON DE SE RÉVOLTER" contre l'oppression et l'exploitation, pour plus de démocratie (pouvoir de décider de son destin), de dignité humaine et de meilleures conditions de vie ; tout en étant bien conscients que les révoltes sans direction politique correcte sont souvent détournées et récupérées au service d'intérêts qui ne sont pas les leurs (pas ceux du Peuple, pas ceux qui les ont originellement déclenchées).

    Sur cette base :

    Coalition- En Syrie, on avait raison de se révolter contre le régime oligarchique, antipopulaire, policier et corrompu du clan Assad, issu d'un coup d'Etat réactionnaire (1970) contre le gouvernement progressiste de Salah Jedid. Malheureusement, faute de direction politique conséquente, la légitime révolte a été détournée par tout un jeu de manœuvres impérialistes et expansionnistes régionales qui l'ont transformée en une guerre fratricide entre un "bloc chiite" piloté par l'Iran et un "bloc sunnite" impulsé par l'Arabie saoudite, la Qatar, la Turquie etc. Dans cette guerre réactionnaire, il n'y a désormais clairement plus de parti à prendre. Aucun camp n'est celui du Peuple, sauf peut-être les zones kurdes contrôlées par le PYD (PKK de Syrie) dans le Nord du pays.

    - En Libye, on avait raison de se révolter contre un régime Kadhafi répondant aux mêmes caractéristiques, quand bien même il aurait pu tenter de jouer un certain rôle progressiste (anti-impérialiste) à certains moments des années 1970 ou 1980. Là aussi, la légitime révolte a été détournée par un bloc impérialiste franco-anglo-US pour instaurer à Tripoli un régime totalement à sa solde. Ce régime, cependant, presque trois ans après la victoire de la "révolution", ne contrôle pas grand-chose et sur pratiquement chaque kilomètre carré du pays la population lui résiste, encadrée par ses structures traditionnelles (tribus, confréries religieuses etc.). On n'observe pas vraiment dans tout cela de force réellement progressiste ; néanmoins, on peut considérer plutôt positivement le fait que les impérialistes occidentaux se retrouvent face à une situation beaucoup plus compliquée que dans leurs sinistres plans.

    les-bombardements-ont-touche-gaza-ce-vendredi-matin 968608- En Palestine, on a raison de se révolter et de résister contre l'occupation sioniste, l'expropriation massive et continue de tout un Peuple depuis 1948, les brutalités et les vexations permanentes de l'apartheid qui frappe (tout du moins) les habitant-e-s des "territoires" (conquis et occupés en 1967) ou encore les crimes barbares des colons extrémistes comme l'assassinat de ce jeune Palestinien brûlé vif (!) dernièrement (l’État israélien a beau jeu de dénoncer et même punir les actes les plus barbares, alors que son existence et son idéologie mêmes en sont la source). Le fait que l'oppresseur et bon nombre de ses défenseurs autour du monde se réclament du judaïsme n'a aucune importance à nos yeux, ils pourraient se réclamer du bouddhisme que cela n'y changerait rien. Il existe des personnes pour lesquelles cela a une importance, parce qu'elles détestent les Juifs alors que par contre un oppresseur non-juif peut opprimer qui il veut tant qu'il veut, parce qu'elles ne peuvent supporter (dans leur conception du monde) que des Juifs aient un État, une armée relativement puissante, des médias de propagande et autres attributs d'une "vraie nation", parce qu'elles n'admettent pas, en définitive, que des "youtres" (les sionistes) aient intégré le monde blanc (les Palestiniens opprimés ne servent ici que de simples faire-valoir). C'est le cas d'Alain Soral et consorts (qui entretiennent, au demeurant, des relations étrangement proches avec certains ultras du sionisme, comme si tout cela n'était finalement qu'un match de foot que l'on regarde entre potes). Mais nous avons bien expliqué que ce n'est pas ce sentiment qui est déterminant dans la solidarité envers le Peuple palestinien qui s'exprime tout autour de 1559283 777289835646772 3171665654636233903 ola planète, mais un ensemble d'autres facteurs. Bien entendu les sionistes et leurs défenseurs internationaux de droite comme de "gauche" (voire d'"extrême-gauche"), ayant bien compris que cela pouvait déstabiliser certaines consciences politiques faibles, aiment mettre en avant ce caractère "juif" du sionisme et "antisémitiser" ceux qui les combattent ; mais ce terrorisme intellectuel est totalement dénué d'effets sur nous. De même, le fait que certains résistants palestiniens se réclament d'idéologies islamistes ou nationalistes, aient des conceptions proches de ce que nous appelons l'antisémitisme etc. etc. n'est pas un motif pour rejeter la légitimité de la lutte dans son principe. En réalité, nous sommes très mal placés pour donner des leçons à ce sujet alors que nous vivons dans un État qui a plus que contribué, parfois au-delà des exigences nazies, à la VRAIE Shoah (c'est-à-dire l'extermination des Juifs d'Europe par le nazisme hitlérien, pas les roquettes de la résistance palestinienne sur les villes sionistes) et alors que nous bénéficions tous plus ou moins directement des crimes commis par notre impérialisme depuis des siècles et tout autour du monde (impérialisme dont la majorité des fidayyinreprésentants, y compris FN, soutient le droit d'Israël à "exister et se défendre" - comprendre "coloniser et massacrer" - et qui a même été son principal soutien international sous la IVe République). À la rigueur, lorsque l'on reconnaît clairement la légitimité de la résistance palestinienne, on est alors éventuellement en droit de s'interroger sur certaines idéologies ou pratiques qui peuvent selon nous l'éloigner de la victoire ; tout en sachant bien que ces questions ne peuvent être résolues que par les Palestiniens eux-mêmes et que ces derniers ne sont pas dans les conditions optimales pour le faire. Si par contre, dans le fond, c'est la lutte palestinienne en elle-même qui est illégitime (au nom de tous les arguments fallacieux que l'on voudra, "nous on lutte pour la classe ouvrière pas pour les nations" blablabli blablabla), on a alors le droit de fermer sa gueule ou de se la faire fermer à coups de manche de pioche.

    - En Hexagone, on a raison de se révolter contre l'exploitation capitaliste et toutes les oppressions subies au quotidien. Le problème est que ces révoltes ne peuvent devenir révolution si elles restent dispersées ; elles ne peuvent triompher et peuvent même conduire à dresser une partie des masses contre une autre : les travailleurs du privés gênés (pour aller travailler et gagner leur vie) par une grève de ceux des transports publics par exemple, ou encore les travailleurs "de type européen" contre ceux "d'origine immigrée" (extra-européenne) qui "profitent, n'aiment pas ce pays et foutent la merde" etc. etc. "Il faut coordonner les luttes" dit et répète, sans y parvenir, l'"extrême-gauche" depuis des années. Tout simplement parce que "coordonner les luttes" signifie comprendre les oppressions subies comme un système dans sa totalité, où chacun-e a "sa place" qui explique lesdites oppressions. Il faut notamment bretagnecomprendre comment ce système du nom de "France" s'est construit à travers les siècles et (c'est indissociable) comment il fonctionne aujourd'hui. C'est seulement ainsi que l'on peut cesser de voir son État (la "République française une et indivisible") comme un "recours" contre les oppressions, ainsi que le voient malheureusement beaucoup de gens en lutte.

    Dans le cadre de cette réflexion, nous avons notamment compris que l'entité "France" est une "Prison des Peuples", et pas seulement outre-mer (lire ici et suivre les "lire la suite") : elle a été construite historiquement PAR ET POUR le capitalisme émergent (sous l'autorité politique de la monarchie absolue, principalement) en annexant des territoires et leur population (= force de travail) qui se sont vus chacun attribuer "sa place" dans le système total, et un caractère de Centre ou de Périphérie. Et que si l'on veut parler (et nous parlons volontiers !) de "Commune universelle" ou de "République mondiale des travailleurs", il n'est possible de le faire qu'en entendant - par là - fédérer démocratiquement des Peuples LIBRES... Il faut donc libérer ces Peuples des Prisons qui les enferment : il faut abattre les murs de ces États-Prisons ! Nous avons ainsi compris que ce que ses détracteurs appellent "régionalisme" est en réalité une conscience de peuple qui est l'expression, dans un cadre géographique donné avec une histoire donnée, de la conscience de classe populaire (ouvriers, paysans et apparentés). Comprendre que l'on n'est pas "français" mais occitan ou breton (ou "indigène intérieur" d'origine ceci ou cela) n'est peut-être pas le seul moyen de rompre avec le "sens commun" et d'accéder à la conscience révolutionnaire, mais ce qui est certain c'est que c'en est un. Et ce qui est tout aussi certain, c'est que ceux qui limite la bave aux lèvres se répandent contre le "régionalisme identitaire" au nom de toutes les "classes ouvrières" et les "prolétariats qui n'ont pas de patrie" que l'on voudra sont en réalité des chiens de garde du système bourgeois "France" : un système qui est leur RÂTELIER et qu'ils s'ingénient, à grands coups de démonstrations "marxistes" ou "libertaires", à faire perdurer en attendant l'hypothétique et utopique "République universelle" dont ils rejettent la première condition (briser les murs des Prisons des Peuples pour les Peuples libres puissent se fédérer) !

    3484740777- En Ukraine, à Maïdan, on avait par bien des aspects raison de se révolter contre le régime oligarchique et corrompu de Viktor Ianoukovitch. Personne n'a jamais dit le contraire, ni nous ni les camarades locaux de Borotba. Cependant, dès le début et très visiblement, le mouvement quelles qu'aient été ses aspirations légitimes a été détourné et pris en otage par des forces au service de l'impérialisme euro-US (libéraux de Vitali Klitchko etc.) et surtout des éléments ultra-nationalistes d'extrême-droite, nostalgiques de l'alliance du nationalisme ukrainien avec le IIIe Reich pendant la Seconde Guerre mondiale. Suite à la chute de Ianoukovitch le 22 février, ces forces sont désormais au pouvoir (les ultra-libéraux dirigent main dans la main avec le FMI, la Banque mondiale et l'Union européenne, le parti d'extrême-droite Svoboda a obtenu plusieurs postes importants et les milices fascistes du "Pravyi Sektor" ont été intégrées dans une soi-disante "Garde nationale"). "EuroMaïdan" c'est fini et bien fini, et les aspirations à la démocratie et à la justice sociale qui ont éventuellement pu s'y exprimer sont mortes et enterrées.

    - Face à cela, les masses populaires dites russophones du Sud et de l'Est du pays ont raison de se révolter contre l'esclavage (démantèlement FMIsto-BCEsque de leur appareil économique, sans doute le dernier encore un peu solide en Ukraine), la négation (interdiction de la langue russe) voire le nettoyage ethnique et la mort qui leurs sont promis par les nouveaux maîtres de Kiev. Ceci est indiscutable. Bien sûr, là encore, les énormes insuffisances idéologiques de cette mobilisation populaire favorisent son détournement, cette fois-ci au profit des intérêts impérialistes russes. Il ne fait 628x471mystère pour personne que la Russie de Poutine ne veut pas que sa base navale de Sébastopol devienne comme la base US de Guantánamo, encerclée en territoire politiquement hostile. Il ne fait mystère pour personne que les dirigeants politiques de Crimée et de l’État séparatiste du Donbass (rebaptisé "Nouvelle Russie") sont des agents du Kremlin, parfois au sens propre comme le colonel du GRU (renseignement militaire russe) Igor Strelkov, devenu "Ministre de la Défense" du nouvel État. Mais la différence (et les raisons du relatif succès, contrairement aux déstabilisations US à Cuba) c'est qu'il y a aussi une authentique mobilisation populaire aux raisons plus que légitimes. Personne dans les classes populaires laborieuses n'a "spontanément" envie de devenir un esclave dans un système économique thatchérien (ou du type imposé par la Troïka en Grèce), avec de surcroît un pistolet néo-nazi sur la tempe, quand bien même cela donnerait l'opportunité de "gagner plus" à ceux qui "travailleraient plus". Et personne n'a envie de devenir un étranger, un "sous-homme", un colonisé dans le pays qu'il habite depuis des générations. Devant cette perspective, il est LOGIQUE (à défaut d'être correct) que puisque l'on est russophone et culturellement russe*, rejoindre la Fédération de Russie apparaisse comme une sortie de secours voire, pour certain-e-s, comme une "petite renaissance" de l'URSS dont la nostalgie est un facteur incontournable si l'on veut comprendre les événements politiques de là-bas ; quitte, si l'on n'aime pas Poutine, à voter contre lui en tant que citoyen-ne russe aux prochaines élections.

    Du premier aspect, il n'y a évidemment rien à tirer et tout à dénoncer. Mais le second contient des potentialités éminemment positives, sauf à considérer que des gens luttant et mourant avec le drapeau rouge de l'URSS à la main contre d'autres arborant le Wolfsangel nazi constituent un événement politiquement anodin et insignifiant.

    Déjà, comme l'explique dans un récent article en anglais le camarade Shapinov de l'organisation communiste Borotba, "en dépit du fait que la direction de la République populaire [du Donbass] n'appartienne pas au camp politique de la gauche - ce sont plutôt des conservateurs attachés aux 'valeurs traditionnelles', la logique même de la lutte [les] pousse vers des politiques anti-oligarchiques, si ce n'est pas carrément anticapitalistes ; exactement comme la même logique pousse les clans oligarchiques de Donetsk dans les bras de la junte de Kiev".

    10378092_683717041705200_4485409615347167135_n.jpgEt puis dans tous les cas, c'est une question de cohérence politique : si l'on admet la légitimité du Peuple palestinien à résister contre la négation sioniste de son existence même, y compris sous des drapeaux et avec des idéologies (nationalistes, islamistes etc.) qui ne nous plaisent pas forcément, alors on doit admettre le droit à la résistance des masses populaires russophones d'Ukraine y compris sous des drapeaux russes avec ou sans aigles, des drapeaux cosaques etc. et avec une idéologie que les petits donneurs de leçons professionnels auront vite fait de qualifier de "rouge-brune" [de fait, ce mélange de nationalisme russe/slave anti-occidental virulent et de nostalgie pour l'URSS de Brejnev est actuellement la conception du monde hégémonique dans les masses populaires russes de Russie et des États voisins, un peu comme les "valeurs républicaines" et une certaine économie de marché encadrée par la loi et "sociale" sont finalement le dénominateur commun des masses d'Hexagone : il est bien évident que les masses russes doivent déconstruire ce carcan idéologique 10385395_655075697911559_3160398102734922813_n.jpgpour aller au communisme... mais l'agression barbare que subit le Donbass n'est pas tout à fait le meilleur contexte pour cela !]. Ou alors, il faut rejeter l'un et l'autre : on est alors un petit connard, certes, mais au moins un petit connard cohérent (de plus en plus de personnages de ce type, et c'est tout à leur "honneur", s'acheminent vers une telle cohérence politique).

    La comparaison avec les nationalistes serbes dans la Yougoslavie des années 1990 est ici inopérante : pour ces derniers, il s'agissait de maintenir la position prééminente qu'ils avaient dans l'ancienne fédération (quitte à se partager la Bosnie avec leurs homologues croates, aspect principal du conflit jusqu'au printemps 1994) en "nettoyant ethniquement" le territoire revendiqué comme la "Grande Serbie". Ceci, sans "blanchir" pour autant les manœuvres de dépeçage des impérialistes US, allemands etc. dans les Balkans, était politiquement indéfendable pour un communiste conséquent. Leurs chefs de guerre étaient généralement des mafieux issus de la décomposition du capitalisme d’État "autogestionnaire" titiste, et leurs références politiques étaient plutôt à chercher du côté des Tchetniks anticommunistes de Draža Mihailović que de l'Armée populaire des Partisans de 1941-45 (c'était plutôt dans les forces bosniaques que l'on trouvait cette volonté de conserver, en Bosnie, une sorte de "réduit" de la Yougoslavie "socialiste" multiethnique de Tito).  

    En Ukraine, ce sont les populations moskali (terme injurieux pour les russophones "pro-russes") qui sont justement menacées de "nettoyage ethnique" par le nationalisme bandériste ultra qui a pris le pouvoir à Kiev. Nous avons pu craindre, au début des événements, pour les Tatars (surtout présents en Crimée dont ils sont la population indigène, antérieure à la colonisation russe du 18e siècle) ; mais il semble finalement que les forces "pro-russes" les laissent relativement tranquilles, voire qu'elles leur aient fait miroiter l'image d'une Russie "multiethnique" où (sauf à être un séparatiste en mode djihadiste) "il n'y a pas de problèmes" pour les minorités, face à un nationalisme ukrainien dont la xénophobie n'est plus à démontrer (les Russes eux-mêmes sont considérés par lui comme des 1401897330 go-20"Tatars"). Les références anticommunistes sont présentes (surtout chez les revendiqués "cosaques") ainsi que la revendication de l'identité religieuse orthodoxe, mais on voit aussi beaucoup de références au passé soviétique et à la Révolution d'Octobre (tandis que les drapeaux communistes et les monuments à Lénine ou à l'Armée rouge sont la cible privilégiée de l'autre camp). Certains dirigeants (comme Strelkov) ont certes participé dans les années 1990 à l'appui impérialiste russe aux nationalistes serbes, mais les oligarques et les mafieux (c'est souvent la même chose) de l'Est ukrainien ont pour 99% d'entre eux cherché et trouvé un compromis avec le nouveau régime (rappelons que c'est le parti de l'oligarchie, le Parti des Régions de Ianoukovitch, qui a voté à l'unanimité la destitution de celui-ci en février) et la volonté de mettre l'appareil productif du Donbass en coupe réglée est plutôt du côté de ce dernier...  

    Bref, les différences sont énormes et l'esprit qui règne chez les "pro-russes" (on devrait plutôt dire les anti-Kiev) du Donbass ou d'Odessa n'est absolument pas comparable à celui des nationalistes serbes de Bosnie, même si l'on peut voir dans les manœuvres du Kremlin un équivalent de celles de Milošević (lui-même appuyé par la Russie à l'époque) ainsi que d'autres similitudes et même des personnages récurrents (Strelkov).

    10376723 762445917129659 2287306119129610635 nVoilà pourquoi nous avons sur les événements en Ukraine une position que d'aucuns (pour qui la réflexion politique se résume à jeter l'anathème) qualifieront de "pro-russe" alors que sur la Syrie, la Libye et (il y a très longtemps, alors que SLP n'existait pas encore) la Yougoslavie nous avons plutôt eu une position opposée à celle de la Russie et de ses supporters campistes internationaux : c'est tout simplement que nous ne sommes rien de tout cela et que nous ne raisonnons absolument pas en ces termes. La ligne de démarcation pour nous ne passe pas entre "impérialisme russe" et "Occident" mais entre communistes conséquents toujours aux côtés des opprimé-e-s et campistes ; elle nous sépare tout autant de ceux pour qui il faut systématiquement être du côté de Poutine (qui est une pourriture réactionnaire, nous n'avons jamais dit le contraire) que de ceux pour qui il faut systématiquement rejeter ce qu'il soutient (de près ou de loin). Elle nous sépare aussi bien de l'"extrême-gauche" BBR francouille colonialo-paternaliste version "ose défendre un Peuple victime de l'impérialisme occidental, surtout les Palestiniens victimes du sionisme, et tu vas voir sale rouge-brun antisémite conspi adorateur de nationalistes !" que de celle version "ose dire du mal d'un régime dont Fidel et Chávez disent du bien et tu vas voir sale BHL !" (les deux se rejoignant d'ailleurs souvent sur un point intéressant : "ose remettre en cause la construction historique bourgeoise 'France', affirmer les Peuples qu'elle emprisonne et nie et tu vas voir sale identitaire régionalo-pétainiste"). À vrai dire, elle nous sépare de l'"extrême-gauche" tout court car nous n'en faisons pas partie, puisque le terme d'"extrême-gauche" sous-entend une position au sein de quelque chose et non EN DEHORS : l'"extrême-gauche" du système capitaliste-impérialiste hexagonal et mondial. L'extrême-gauche est morte... Vive la révolution !

    Une mise au point nécessaire sur nos positions internationalistes et aux côtés des Peuples Nous raisonnons ainsi parce que pour nous la notion d'avant-garde communiste (qui fait tant hurler les anarchistes bornés et met généralement fin à tout débat censé avec eux) signifie être au service du peuple, DANS LE CAMP DU PEUPLE en toute circonstance, être les porte-voix et l'expression militante radicale des classes populaires (dans notre propre pays et dans le monde entier car nous sommes internationalistes), et non être des petits profs qui méprisent, jugent en permanence le peuple et lui dictent ce qu'il doit faire et être.

    Bien entendu pour qu'une mobilisation de masse soit politiquement "impeccable" (et encore... rien ne l'est jamais !), ne soit pas détournée par des forces ennemies du peuple et remporte la victoire (faire triompher les intérêts des exploité-e-s), il ne peut s'agir que d'une Guerre populaire révolutionnaire menée par un Parti communiste du prolétariat (nous n'avons donc, déjà, aucune leçon à recevoir de gens qui rejettent ces notions), comme en Inde. Mais nous savons qu'un tel phénomène social est aussi rare en politique qu'une mutation génétique engendrant une nouvelle espèce en biologie, et a à peu près autant de chances de succès (conduire la population concernée au communisme) que la nouvelle espèce biologique d'être viable ; car il s'agit de donner naissance à un nouveau type de société qui, au-delà d'un niveau élémentaire (atteint pendant quelques années et avec beaucoup d'imperfections par l'URSS, la Chine, Cuba et quelques autres pays), n'a pas de précédent dans l'Histoire.

    En dehors de ces quelques cas (pour le moment) rarissimes, les masses résistent à l'oppression qu'elles subissent avec ce qu'elles ont "idéologiquement en main". Il est absolument inutile et vain de chercher la "pureté" idéologique communiste dans une mobilisation de masse, surtout lorsque l'on n'est pas un communiste local pour pouvoir y faire quelque chose.

    ob fa3097 affiche-khdeirNotre raisonnement doit alors être : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP ; déterminer qui est l'oppresseur et qui est l'opprimé, qui opprime et qui résiste à l'oppression, et nous placer résolument du côté de l'opprimé qui résiste. Car comme nous l'avons déjà maintes fois expliqué, ce qui est décisif pour qu'une mobilisation de masse contre l'oppression devienne communiste et révolutionnaire c'est 1°/ son caractère de classe certes (cela ne peut pas être une mobilisation de bourgeois ou d'autres dominants pour le droit d'exploiter et d'opprimer) et 2°/ l'attitude des communistes à son égard ; pas les conceptions idéologiques présentes qui en jaillissent de ci de là dans tous les sens.

    Les "communistes" qui passent leur temps à reprocher aux classes populaires de ne pas être "purement" communistes ne verront jamais un Peuple communiste de leur vie, ni la révolution pour laquelle un tel Peuple est indispensable...

    À la fin d'un de nos nombreux articles sur l'Ukraine, il y a deux mois, nous écrivions déjà ceci :

    - Nous sommes revenus au début du 20e siècle ce qui signifie qu'en dehors de quelques cas de Guerres populaires (Asie du Sud, Philippines, ce qu'il en reste au Pérou ou en Turquie) et de luttes de libération relativement oubliées (Delta du Niger), tout évènement conflictuel dans le monde a principalement un aspect inter-impérialiste : si le conflit n'est pas piloté dès le départ par l'affrontement entre puissances et/ou 'blocs' impérialistes (comme c'est le cas en Ukraine), il le devient au bout de quelques semaines ou mois (Libye, Syrie) dès lors qu'une solution de "tout changer pour que rien ne change" (Tunisie, Égypte) n'a pas été trouvée par l'oligarchie locale et la "communauté internationale" impérialiste.

    - Les évènements potentiellement intéressants pour nous communistes sont forcément secondaires ; forcément à rechercher AU-DESSOUS de cet aspect principal ; et généralement de nature ambivalente et contradictoire. Si nous nous arrêtons à l'aspect inter-impérialiste et inter-réactionnaire principal, nous ne pouvons pas les voir ; exactement comme quelqu'un qui se serait arrêté à l'affrontement entre l'Allemagne du Kaiser (avec ses alliés austro-hongrois et turcs) et les impérialistes franco-britanniques avec leur allié russe, pendant la Première Guerre mondiale, n'aurait pas pu voir la naissance de la Guerre de Libération irlandaise ou de la Guerre de Libération arabe (au Machrek) qui se poursuivent encore au jour où nous écrivons, ni même de la Révolution bolchévique ("coup" des Allemands selon la propagande de la bourgeoisie russe et des Alliés). Nous sommes comme face à un lac gelé dont il faut briser la glace pour aller voir sous la surface.

    - Nous devons savoir évaluer les résultats concrets d'une action concrète en dépit des intentions et motivations idéologiques premières de leurs initiateurs, étant donné le flou artistique idéologique dans lequel le grand reflux du mouvement communiste international (1975-2000) a plongé les choses. Ceci est typiquement le cas dans l'Est et le Sud de l'Ukraine mais peut aussi s'appliquer aux "Bonnets rouges" bretons de l'automne dernier ou aux Forconi du Mezzogiorno italien, ou encore à la victoire psychologique du Hezbollah libanais sur l'entité sioniste en août 2006 (immense victoire pour tout le Peuple arabe du Machrek).

    - Nous ne devons pas pour autant oublier les intentions et revendications légitimes premières sous prétexte que le résultat concret d'un mouvement est négatif : ceci s'applique à la Syrie mais peut aussi s'appliquer au mouvement EuroMaïdan de l'hiver dernier en Ukraine, ou ici en Hexagone aux mouvements populaires (colonisés intérieurs) de rejet de l'idéologie républicarde dominante et de ses "religions" ("laïcité", "Lumières", Droits de l'Homme BLANC, soutien indéfectible au sionisme en manipulant honteusement la mémoire de la Shoah) quand bien même ils déboucheraient sur des positions politiques réactionnaires comme le dieudonnisme ou le salafisme antisémite assassin d'un Mohamed Merah.

    - Nous ne devons pas ignorer les résultats positifs mineurs d'évènements concrets sous prétexte que les résultats négatifs prédominent : cette prédominance est certes une réalité à court terme, mais les aspects positifs aujourd'hui mineurs peuvent être les "graines" de développements ultérieurs très positifs à moyen et long terme. Nous ne devons pas oublier que les classes dominantes (bourgeoisies impérialistes, oligarchies expansionnistes régionales et bureaucrates-compradores locaux) "font" peut-être l'histoire dans l'immédiat, mais que les masses font l'histoire sur la longue durée.

    - Nous devons (ré)apprendre à analyser les évènements mondiaux dans TOUTE LEUR COMPLEXITÉ. Nous devons rejeter les dogmatiques et les révisionnistes qui veulent, vers tous les Orients compliqués de la planète, "voler avec des idées simples". Nous devons nous débarrasser des vieilles habitudes de la Guerre froide ce qui signifie ne pas se faire les thuriféraires aveugles des impérialismes russe et chinois, des "BRICS", de l'expansionnisme iranien ou de l'ALBA cubano-vénézuélienne dans lesquels certains cherchent à voir désespérément le bloc pseudo-"socialiste" soviétique dont ils sont orphelins, mais aussi ne pas "clôturer" les dossiers internationaux d'un revers d'un main sur un simple "c'est un affrontement inter-impérialiste entre factions locales bureaucratiques-compradores fascistes", comme c'était "tout simplement" hier "l'impérialisme occidental contre le social-impérialisme de Moscou" : ce maoïsme-là est précisément un maoïsme qui n'est pas sorti des réflexes de la Guerre froide (typiquement le maoïsme péruvien "pensée Gonzalo" de ce qu'il reste du PCP, et ses partisans internationaux). Les masses en mouvement sont le facteur historique déterminant en dernière instance et la révolution prolétarienne mondiale est inéluctable, quand bien même sembleraient prédominer pour le moment les manœuvres des impérialistes, des expansionnistes régionaux et des clans oligarchiques concurrents : JAMAIS ceux-ci ne pourront contrôler éternellement TOUTES les mobilisations de masse qu'ils auront suscitées. Dans la "matière brute" des forces révolutionnaires mondiales de demain se trouvent actuellement des partisans de la "République de Donetsk", de Nicolas Maduro au Venezuela ou du président déchu Zelaya au Honduras autant que des partisans déçus d'EuroMaidan à Kiev ou de la révolte populaire initiale en Syrie. En dehors des quelques Guerres populaires sous la conduite d'un Parti communiste maoïste comme en Inde, nous sommes à l'heure de la crise générale du capitalisme, de ses conséquences socialement destructrices et parfois guerrières-meurtrières pour les masses et des RÉSISTANCES à cela, des "radicalités" populaires et des "utopies pirates" bourrées d'ambivalences comme cette République du Donbass qui fait tant penser au Fiume de D'Annunzio en 1919 ; "radicalités" mathématiquement porteuses d'autant de fascisme que de réformisme démocratique bourgeois... ou de conscience révolutionnaire ; tout dépendant du rôle que pourront et sauront jouer les forces révolutionnaires marxistes avancées dans l'affaire.  

    C'est cela, être des matérialistes dialectiques. Libre à qui le souhaite de nous traiter d'opportunistes... et BONNE CHANCE pour faire la révolution du haut de leur groupuscule "gardien du Temple" de la "Vérité révolutionnaire", qui sera sans doute (n'en doutons point !) rallié spontanément et in extremis par des masses qu'ils auront couvertes d'injures jusque-là !


    À lire aussi (très proche de tout ce qui vient d'être dit et rappelant aux fondamentaux du marxisme et du léninisme) : À propos du mouvement de solidarité avec la Palestine et du Hamas du Comité anti-impérialiste ; excellent texte qui remet les pendules à l'heure !

    Ou encore cette excellente mise au point par le dirigeant de l'organisation marxiste-léniniste Borotba Victor Shapinov (septembre 2015) : Le marxisme et la guerre dans le Donbass (ou "De l'internationalisme à géométrie variable d'une certaine extrême-gauche").


    [* Cette question de "Novorussie"/"Novorusses" a été très largement débattue, et non sans raisons. En effet, les cartes "ethnographiques" tendent à montrer que les véritables Russes (selon, sans doute, l'ancienne classification soviétique des nationalités) ne sont majoritaires qu'en Crimée (~ 60%) et dans quelques raïons (districts) du Donbass, de la région de Kharkov ou encore proches de la Moldavie (Boudjak). Mais alors, sur quoi (diable) repose donc cette (fichue) identité "novorusse" du Sud et de l'Est de l'Ukraine ? Eh bien, elle repose peut-être précisément sur cela : ni les Russes, ni les Ukrainiens ni qui que ce soit d'autre (Bulgares, Tatars, Roumains/Moldaves, Gagaouzes etc.) ne représentent une écrasante majorité de 90% ou plus dans ces régions. La caractéristique locale est justement le multiethnisme.

    Le bandérisme, cet ultra-nationalisme fondé sur une "pureté" ethnique ukrainienne "plus-vraie-que-vraie", n'y fonctionne donc pas (sans même parler du fait que sa collaboration passée avec le nazisme, dans des régions martyres de la guerre d'extermination lancée par Hitler contre l'URSS, ne plaide pas en sa faveur...). Des idéologies au service de l'impérialisme russe telles que l'"eurasisme", le "panslavisme" (unité plus ou moins fédérale de tous les Peuples slaves) ou encore un certain "néo-soviétisme" peuvent y fonctionner - et de fait y fonctionnent ; mais le bandérisme, la population du Sud et de l'Est de l'Ukraine le vomit. Si l'Ouest (à 90 ou 95% ukrainien "ruthène") en veut, "tant mieux" pour lui ; mais au Sud et à l'Est on n'en veut pas, c'est ainsi.

    On notera que cette culture de coexistence nationale s'accompagne généralement d'un usage de la langue russe comme lingua franca ou plus localement (surtout le long du Dniepr - en orange sur cette carte) d'un dialecte populaire mêlant russe et ukrainien, le sourjyk ; d'où la confusion qui tend à s'installer entre russophones (notion linguistique), "pro-russes" (notion politique) et "Russes" au sens de la classification soviétique des nationalités (notion "ethnique"). La carte de l'usage principal du russe dans la vie quotidienne, ou encore celle des partisans de sa co-officialité (aux côtés de l'ukrainien) montrent ainsi des réalités notablement différentes de celle des pourcentages de Russes "ethniques".]

    52371160


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :