• Réflexion théorique : loi Gayssot, lois antiracistes et "mémorielles", "antifascisme" bourgeois etc., quelle position pour les communistes ?


    Depuis un mois, l’actualité politique hexagonale a été largement dominée par ‘‘l’affaire’’ : la volonté d’interdiction, proclamée par le Ministère de l’Intérieur, des spectacles de Dieudonné. Certains auraient peut-être voulu être les seuls à s’exprimer sur le sujet, mais bon, à ce moment-là c’est pas de bol : la quasi-totalité du mouvement communiste, révolutionnaire (anarchistes et libertaires compris) et progressiste (notamment la solidarité palestinienne, concernée au premier chef) a désormais pris position, de manière variée, allant de l’appel à un "Front populaire" avec Manuel Valls (on ne les présente plus…) à l’apologie de la ‘subversivité’ de ‘l’humoriste’ (site communisme-bolchevisme.net) [deux sites/groupes ayant en commun 1/ un fétichisme halluciné de Staline et du mouvement communiste de cette époque et 2/ d'avoir, comme quasi seuls sites ML/MLM francophones, "dominé" intellectuellement les années 2000, et qui se retrouvent désormais sur deux positions diamétralement opposées mais pas moins ultra-opportuniste l'une que l'autre : l'avenir est décidément derrière eux !]. Une grande majorité (dont nous-mêmes) étant tout de même sur la position que 1/ oui, Dieudonné a depuis très longtemps quitté le champ politique progressiste, c’est un démagogue véhiculant des thèses réactionnaires ignobles, fascistes, qui séduisent malheureusement trop de personnes dans les classes populaires et la jeunesse, et loin de nous de pleurer sur son sort, 2/ pour autant, nous ne tombons pas dans le panneau de la subite "offensive républicaine" de Valls, qui a déjà bien en tête le jeu à quatre coups devant le mener (il l’espère) à l’Élysée (primaire socialiste 1er et 2e tour, présidentielle 1er et 2e tour) et cherche à blinder son capital électoral sur la ligne ‘républicaine’ dont il a fait son fonds de commerce : un coup à ‘gauche’ un coup à droite, un coup contre les bandes fascistes ou le triste bouffon antisémite de la Main d’Or et un coup contre les prolétaires étrangers "qui n’ont pas vocation à rester sur notre territoire", contre les "territoires perdus de la République" à Marseille ou ailleurs ou contre les militant-e-s révolutionnaires ; en un mot, nous ne laisserons pas Valls en particulier, ni la ‘République’ bourgeoise en général s’acheter une virginité à si peu de frais.

    En arrière-plan de l’affaire a cependant ressurgi le vieux débat sur la loi Gayssot de 1990 et, plus largement, la question de la ‘‘liberté d’expression’’ des idées quelles qu’elles soient, autrement dit (pour ceux et celles qui viendraient de se réveiller, "nous sommes en démocratie") également des fascistes et autres ennemis radicaux du peuple. Et, encore au-delà, toute la question de l'"antifascisme" bourgeois, de la "lutte contre les idées incompatibles avec (ses) valeurs" dont se revêt occasionnellement la bourgeoisie républicaine au pouvoir. La position des communistes (marxistes) là-dessus a souvent été (et reste souvent) confuse. Tentons d’y voir clair, de faire la part des choses (séparer le bon grain de l’ivraie) et de dégager une LIGNE DE CONDUITE pour les grands combats qui nous attendent dans un proche avenir.

    Évidemment, dans la lourde masse de ce que nous allons dire, il se trouvera beaucoup de personnes pour ‘réagir’ devant une phrase, un mot, un passage. Le sujet casse-gueule que nous allons aborder va forcément susciter des ‘‘réactions’’, car tout ce que nous allons critiquer ci-après repose justement sur cela : un ‘‘débat’’ fait de ‘‘réactions’’ et non de réflexions posées, scientifiques, dialectiques ; de recherche déterminée des idées justes. Le capitalisme cherche plutôt d’habitude, pour régner, le consensus. Mais là, c’est tout l’inverse : il y a dissensus au sein de la bourgeoisie, il y a des camps et nous sommes sommés, pratiquement le pistolet sur la tempe, d’en choisir un. Refuser (ce que nous faisons haut et fort), c’est de toute façon rejoindre pour chacun le camp adverse, le pandémonium qu’il s’est fabriqué et qui fonde idéologiquement son existence. Pour les uns, le marxisme est le jumeau ‘totalitaire’ du national-socialisme hitlérien (il en serait même l'inspirateur, carrément) ; pour les autres, il serait le jumeau ‘juif’ (ou illuminati, c’est plus tendance en ce moment) du libéralisme ‘maçonnique’. Les premiers sont politiquement et idéologiquement hégémoniques (avec leurs ailes ‘gauche’ et droite) en Hexagone et dans la plupart des pays du monde, tout en pourrissant sur pied dans la fascisation rampante ; les seconds cherchent à le (re)devenir et rien n’exclut qu’ils y parviennent. Les premiers ont vaincu en 1945 le nazisme (un pur produit de ce capitalisme impérialiste dont ils sont les champions), qui avait simplement commis l’erreur de s’attaquer aux grands impérialismes occidentaux au lieu de faire ce pourquoi on l’avait ‘embauché’ (attaquer et écraser l’URSS et l’Internationale communiste). Ils ont, en quelque sorte, extirpé la tumeur principale (des centaines d’autres plus petites restant en place)… et l’ont exposée dans une sorte de bocal, qu’ils agitent désormais urbi et orbi en clamant combien le corps est sain. Ils ont construit leur ‘sainteté’ sur des monstres, ils ont BESOIN de monstres pour jouer les saints ; et le premier d’entre eux, le premier ‘jumeau’ de la tumeur nazie extirpée… est en réalité le REMÈDE à toutes les tumeurs du capitalisme moribond, la révolution prolétarienne. Mais de véritables monstres fascistes ‘‘façon 20e siècle’’ existent toujours bel et bien, la tumeur a évidemment laissé des métastases que la nouvelle crise générale du capitalisme mondial fait à nouveau se développer, et rallier leur camp (ou simplement celui de leur "liberté d'expression") reviendrait à dire que, contre la violence inouïe du capitalisme au 19e siècle, il ‘fallait’ revenir à l’Ancien Régime… De tout cela, de ces ‘querelles’ entre deux bandes d’exploiteur, on pourrait dire que l’on s’en tape. Malheureusement, l’un et l’autre des deux camps parviennent à exercer leur influence néfaste sur un mouvement communiste, révolutionnaire et même progressiste (depuis une trentaine d’années) en perdition, saisi de désarroi idéologique. Nous voulons briser cet étau et lui arracher les masses populaires politiquement avancées… mais nous savons que la tâche, en plus d’être ardue, ne nous attirera pas que des amis.

    237565118 B971805061Z.1 20140115212742 000 GSG1PM2V7.1-01. Tout d'abord, situer les choses : pour prendre position, il faut savoir de quoi l'on parle ; même si nous savons que cela n'est pas tellement dans les habitudes du débat politique (y compris révolutionnaire) hexagonal. Donc, qu'est-ce que la loi Gayssot ?

    Comme nous l’avons expliqué dans un précédent article, la loi Gayssot de 1990 est en fait un prolongement de la législation contre la haine raciale établie depuis 1972 par la loi Pleven. La plupart de ses articles ne sont que des retouches à celle-ci, sur le "droit de réponse" dans la presse et son exercice par les associations dites représentatives des groupes visés ; l’article 1 en est un rappel des principes : "Toute discrimination fondée sur l'appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion est interdite. L'État assure le respect de ce principe dans le cadre des lois en vigueur". Outre l’établissement d’un rapport annuel de la Commission consultative des Droits de l’Homme sur le racisme (que nous avons également évoqué dans un précédent article), sa principale nouveauté et la source de sa notoriété et des polémiques qu’elle suscite est donc d’instaurer le délit de négationnisme, c'est-à-dire le fait de contester (ou minimiser) "l’existence d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité tels qu’ils sont définis par l’article 6 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945 et qui ont été commis soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 dudit statut, soit par une personne reconnue coupable de tels crimes par une juridiction française ou internationale", autrement dit les crimes commis par les nazis et leurs alliés en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale (et non la seule Shoah, contrairement à ce que beaucoup imaginent : nier Oradour-sur-Glane, cela tombe sous le coup de la loi). Le négationnisme s’était en effet beaucoup diffusé dans les années 1980, notamment avec Robert Faurisson (à partir de 1978) ; mais il se heurtait à un vide juridique : en effet, il ne consiste pas à faire l’apologie des crimes nazis (ce qui tomberait sous le coup de la loi Pleven pour incitation à la haine raciale, et dans tous les cas sous le coup de l’apologie de crimes, comme le tortionnaire Aussaresses en 2001, poursuivi pour "apologie de crimes de guerre"), mais à en nier l’existence ou en tout cas, à prétendre qu’ils n’ont pas eu l’ampleur qu’on leur donne. Tuer 6 millions de personnes pour le seul fait d’être juives, c’est "horrible" en effet… mais cela "n’a pas eu lieu", ce serait la "propagande des vainqueurs", ou "des sionistes" pour "justifier" la création de leur État en Palestine (d’où le succès que connaissent malheureusement ces thèses dans les pays arabes et musulmans). La loi Gayssot est donc venue combler ce vide… et seulement cela ; ce n’est pas elle qui fait que, par exemple, on n’a pas le droit de tenir des propos ou de lancer des attaques antisémites contre une personne ou un groupe de personnes (cela, c’est la loi Pleven).

    Ainsi, lorsque Dieudonné dit au sujet du journaliste Patrick Cohen "les chambres à gaz... dommage", il ne tombe pas sous le coup de la loi Gayssot, mais bien de la loi Pleven, puisqu'il provoque à la haine et porte atteinte à la dignité d'une personne (en souhaitant sa non-existence, l'extermination de sa famille il y a 70 ans) "en raison de son origine ou de son appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée". La loi Gayssot n'est pas compétente ici ; c'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Conseil d'État ne l'invoque pas pour valider l'interdiction du spectacle "Le Mur". La tristement célèbre "quenelle" est dans le même cas : elle n'a strictement rien à voir avec la loi Gayssot. Si elle est bien considérée comme un salut nazi à l'envers, alors, contrairement à l'Allemagne, elle n'est pas interdite en tant que telle en Hexagone (!), mais (ouf...) elle peut être assimilée "selon le contexte" (toujours la bonne vieille hypocrisie bourgeoise) à une incitation à la haine raciale ou une apologie de crime contre l'humanité. Si elle est un "bras d'honneur au système", donc une insulte, il appartient aux personnes ou groupes attaqués ("quenelle" devant des lieux symboliques du judaïsme, par exemple) d'engager des poursuites pour injure publique ou atteinte à la dignité : c'est pratiquement plus une affaire civile (préjudice moral) que pénale (trouble à l'ordre public). En fait, s'il ne fait désormais aucun doute pour nous (ni personne de progressiste) que Dieudonné est un négationniste, qu'il croit profondément que la Shoah n'a pas existé et que c'est une "invention des sionistes" ; il parvient néanmoins sans aucune difficulté à ne jamais franchir la "ligne jaune" Gayssot, la contestation des crimes contre l'humanité nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, et donc à ne jamais être incriminé pour cela... Et donc à dire que son antisémitisme serait, lui aussi, une "invention" de ses détracteurs ("sionistes"). Le pivot de son argumentaire, finalement, c'est "il est interdit de dire que c'est bien, interdit de dire que cela n'a pas existé... va-t-on maintenant interdire d'en rire ?". Nous avons déjà là une première illustration des limites de la législation "antiraciste" et "anti-antisémite" bourgeoise...

    1077708414 B971805061Z.1 20140115212742 000 GSG1PM30P.1-0Il suffit d'avoir dit cela pour réaliser la supercherie fasciste (dans laquelle tombent malheureusement des progressistes sincères) qu'est la prétendue lutte pour l'abrogation de la loi Gayssot autour de Dieudonné, que ce soit au nom de la "liberté d'expression" ou d'une supposée "sacralisation" de la Shoah et donc "hiérarchisation" des crimes contre l’humanité et des racismes. Nous, communistes, ne sommes pas pour la "liberté d'expression" mais pour la conquête de l'hégémonie : gagner le plus d'espace possible pour l'expression de nos idées (ce en quoi nous ne pouvons guère compter que sur nos propres forces...) et réduire le plus possible l'espace d'expression de nos ennemis, d'autant plus que ces derniers sont radicaux, ce en quoi nous pouvons éventuellement nous appuyer sur une partie de la bourgeoisie : Front populaire de 1936 avec la loi sur la dissolution des ligues, résistance avec les gaullistes et toutes sortes de républicains contre l'occupation nazie et le régime de Vichy, alliance avec les "intellectuels de gauche" et autres démocrates et humanistes (chrétiens progressistes notamment) pendant la guerre d'Algérie ou en 1968 et dans les années suivantes etc., et (donc) loi Pleven et sa prolongation Gayssot. De toute manière, depuis "1789" tant fantasmé, l'expression politique publique n'a jamais été "libre" : elle l'a toujours été "dans le cadre défini par la loi", c'est-à-dire pas du tout (censure a priori) jusqu'en 1881 (la fameuse loi sur la presse), et toujours strictement encadrée depuis : il faut répondre devant les tribunaux de la diffamation, de l'atteinte à la dignité ou à la réputation des personnes, de l'outrage à certains personnages importants (magistrats, gouvernants), de l'apologie de ce que la loi bourgeoise considère comme des crimes (meurtre, viol, crimes de guerre ou génocide) ou des délits (la consommation de cannabis par exemple), ou de propos "subversifs" attentant à la "légalité républicaine" et aux "institutions" (lois anti-anarchistes de 1893-94, interdiction de la Cause du Peuple en 1970 etc.). La "liberté d'expression" invoquée par nos nazillons et leurs gogos "démocrates" n'a donc jamais existé, ni sous la bourgeoisie depuis 1789 ni sous aucune classe dominante antérieurement ! La seule question est de quel côté va pencher la balance, et c'est une question de rapport de force : l'État va-t-il être "neutre" et frapper équitablement "tous les extrêmes", ou va-t-il être plus indulgent avec les fascistes ou (dans des limites évidentes) avec les révolutionnaires ? Ce qui vient d’être dit suffit (en principe) à répondre à un autre argument qui, pour faire court, est la ‘‘déclinaison de gauche’’ de la ‘‘liberté d’expression’’ : celui de la ‘‘contre-productivité’’ de ce type de lois, qui feraient des fascistes des ‘‘martyrs’’… Oui, nous communistes avons bien la ferme intention de clouer un jour le bec à l’expression des fascistes et autres réactionnaires en général ; et de remplir sur le chemin du communisme leur ‘panthéon’ d’une belle brochette de ‘martyrs’.

    Quant au risque d'une "hiérarchisation des souffrances" et des haines raciales, l'attitude réellement démocratique là-dessus consisterait, plutôt que d'abroger la loi Gayssot, à lutter pour une application maximale de la loi Pleven : telle serait la vraie voie progressiste pour faire reculer le sentiment de "concurrence" entre racisés ! Certes, nous y reviendrons, cette lutte ne peut qu'atteindre tôt ou tard ses limites : il est peut-être possible d'entraver l'expression et les actes racistes ou antisémites, mais les éradiquer n'est pas possible dans le cadre du capitalisme, sous le pouvoir de la bourgeoisie. Pour autant, l'attitude correcte n'est certainement pas de dire que, puisque certains fauves sont en liberté (Zemmour et compagnie), alors autant ouvrir toutes les cages et les lâcher tous dans la nature ! Pas plus que, sous prétexte que bien d'autres "devoirs de mémoire" devraient exister (la mémoire des peuples étant la dynamite contre les murailles idéologiques des dominants, dont la destruction de ce rempart signifie la fin), il faudrait rejeter le "devoir de mémoire" pour les crimes nazis-fascistes de la Seconde Guerre mondiale... Pour prendre un autre exemple, les conquêtes sociales des 150 dernières années (auxquelles les sympathisants de Dieudonné sont généralement attachés) ne sont pas le socialisme : faut-il pour autant les rejeter et revenir à la condition populaire de 1840 ? Ce que nous voulons : TOUT ! Mais ce n'est pas parce que nous n'avons pas ce "tout" que nous devons rejeter le peu déjà obtenu !!!  

    D'ailleurs les fascistes mainstream, ceux qui agissent à visage découvert, rêvent à des Srebrenica en Hexagone [1] sans encourir la moindre sanction et ne s'embarrassent pas de "draguer" les "progressistes" à la dérive et les "basanés" (colonisé-e-s intérieur-e-s) oubliés et/ou trahis par ces derniers, ne s'y trompent pas et demandent bel et bien (comme s'ils n'avaient pas encore assez les coudées franches) l'abrogation de toutes les lois antiracistes et "mémorielles", Pleven comme Taubira (reconnaissance de l'esclavage comme crime contre l'humanité) comme Gayssot ("dommage collatéral", sans doute, pour ceux qui ne portent pas spécialement l’antisémitisme dans leur cœur, mais c’est ainsi)... Eux aussi, ils veulent TOUT, et c'est bien normal : c'est la moindre des choses pour qui se prétend militant politique !

    fnnazi04022. Défauts, critiques et débats. Les défauts et limites des lois Pleven et Gayssot sont tout entiers contenus dans leur nature de classe : ce sont des lois BOURGEOISES ; quelle que soit la "pression populaire" hexagonale et/ou internationale sous laquelle elles ont été votées. Elles tentent de lutter contre l’expression du racisme et de l’antisémitisme, instruments capitaux de mobilisation réactionnaire de masse, ce qui est louable ; mais elles prétendent (comme toujours) régler le problème ‘‘par en haut’’, administrativement, en mode "pas de panique chers concitoyens, la République veille sur vous", sans mobiliser les masses du peuple, sans mobilisation progressiste de masse contre le racisme, l’antisémitisme et la xénophobie (haine de l’autre) en général. Elles sont en contradiction avec bien des pratiques de l’État lui-même (chasse aux ‘sans-papiers’, violences policières au ‘faciès’ couvertes par la hiérarchie, stigmatisation des ‘quartiers difficiles’… et bien sûr son passé colonial et son présent néocolonial et impérialiste !), lesquelles sont évidemment ‘légitimes’ et jamais inquiétées par les lois (cela revient, finalement, à la même chose que la personne culpabilisée parce qu’elle ne trie pas ses déchets pendant que les usines – ayant ‘‘payé pour polluer’’ – crachent leurs fumées toxiques). Elles sont peu appliquées et d’une manière fluctuante, permise par le flou des textes (comme de tous les textes de loi : "provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence", "diffamation" ; la disposition anti-négationniste Gayssot est un peu plus précise) qui laisse un grand pouvoir d’appréciation aux procureurs et aux juges (dont il n’est pas besoin de préciser ici que l’indépendance est une farce). Elles débouchent généralement sur des condamnations pécuniaires (amendes, dommages-intérêts), beaucoup plus rarement sur de la prison (comme Vincent Reynouard) ; or, pour des personnes dont la haine est devenue un fonds de commerce (Faurisson, Soral, Dieudonné côté antisémite, Zemmour, Tasin et autres côté islamophobe et anti-‘immigrés’) beaucoup plus juteux que ce que leur coûtent d'éventuelles condamnations, où est l’efficacité ?

    De tout cela résulte une impression de schizophrénie judiciaire à laquelle répond l’incompréhension des masses, et les sentiments de ‘‘deux poids deux mesures’’ grandissent et se multiplient jusqu’à devenir aussi nombreux que les ‘‘groupes’’ censés être protégés. [MàJ avril 2014, alors que les 20 ans du génocide rwandais sont à la "une" : sur cette question du "deux poids deux mesures", voir les propos HALLUCINANTS d'Alain Jakubowicz, président de la LICRA et fer de lance de la croisade anti-Dieudonné (hallucinants lorsqu'on les met en parallèle avec cela, justement). Ce dernier n'a littéralement plus qu'à partager cela sur les réseaux sociaux... et crier "hourra" à la "preuve par 9" de tout ce qu'il affirme depuis 10 ans !]

    Prenons un exemple. Nous avons dit plus haut que le cœur de l’argumentaire de Dieudonné, c’est de dire ‘‘il n’est pas possible de faire l’apologie de la Shoah, il n’est pas possible de la nier, mais est-il au moins possible d’en rire ?’’. La réponse étant (manifestement selon lui) ‘non’, c’est donc qu’il y a un ‘lobby sioniste’ qui s’est emparé de l’État français, de la politique, des médias etc., et donc que toutes les thèses antisémites et négationnistes sont vérifiées. Concrètement, il est vrai qu’interdire de rire de quelque chose n’est pas simple en soi. Il y a, comme ‘ligne jaune’, la notion de dignité humaine. Mais pour que cela fonctionne, il ne faut pas seulement des lois et des tribunaux : il faut une réprobation morale de la société. C’est d’ailleurs l’esprit de toute loi contre le racisme, l’antisémitisme, le sexisme, l’homophobie, l’handiphobie etc. : il ne s'agit pas seulement de punir des faits, mais de développer une conscience et un sentiment de réprobation dans les masses populaires. Ainsi, les imitations d’Africains de Michel Leeb (jamais condamnées une seule fois par la justice au demeurant) ‘passaient’ beaucoup moins bien au début des années 2000 qu’au début des années 1980 (moins d’invitations dans les émissions télé etc.) – depuis, la réprobation a sans doute reculé et plus de gens invoqueraient la ‘liberté de rire’, l’artiste est simplement devenu has been pour d’autres raisons. Il en va de même pour globalement tout l’‘humour’ sur les femmes, les homosexuel-le-s, les personnes handicapées etc. Or, avec la loi Gayssot et tout l’arsenal juridique permettant de punir l’antisémitisme et le négationnisme, le fait est que pour des milliers de personnes c’est l’effet inverse qui s’est produit : le ‘droit d’en rire’ n’est pas seulement resté une évidence, il est devenu une cause politique. Ne pas avoir ce droit ‘cache’ forcément ‘quelque chose’ (et lorsque les choses s’emmêlent avec le droit de critiquer, en riant ou pas, la politique israélienne, la situation devient inextricable…). Nous avons là une illustration parfaite, concrète, des limites d’une législation bourgeoise lorsqu’elle n’est pas appuyée sur une véritable mobilisation progressiste (à défaut d’être révolutionnaire) de masse. Mobilisation dont la bourgeoisie est tout simplement  INCAPABLE : soit elle n’en a pas la volonté, soit, dans tous les cas, pas la crédibilité !!!

    arton10498-c4125Outre les deux grandes critiques déjà évoquées précédemment ("liberté d'expression" et "sacralisation" d'un crime contre l'humanité au détriment des autres), a émergé une troisième qui se situe un peu dans le prolongement de la première : la question de la "liberté des historiens", auxquels "la politique n'aurait pas à dicter l'histoire". Cette critique a pu jaillir de milieux extrêmement éloignés du négationnisme et de toute sympathie pour les régimes fascistes des années 1930, et pour cause : sa manifestation la plus connue est la pétition "Liberté pour l'Histoire" sortie à la suite de la loi sur le "rôle positif" du colonialisme, goutte d'eau qui a fait déborder le vase... Signée par des personnalités "phares" de la "gauche" bourgeoise (Élisabeth Badinter, Jacques Julliard etc.) et aussi peu suspectes de négationnisme que Pierre Vidal-Naquet, juif occitan au parcours progressiste incontestable (PSU etc.) et (surtout) pourfendeur brillant de l'ignoble Faurisson, elle demande l'abrogation de la loi scélérate Mekachera mais aussi de toutes les lois qui "ont restreint la liberté de l’historien, lui ont dit, sous peine de sanctions, ce qu’il doit chercher et ce qu’il doit trouver, lui ont prescrit des méthodes et posé des limites" : loi Taubira sur l'esclavage crime contre l'humanité, loi sur la reconnaissance du génocide arménien (2001 toutes les deux) et... loi Gayssot. Le problème, c'est deux choses : d'une part, les personnes qui vont nier la Shoah ou tenter de diviser par X le nombre de victimes sont généralement des PSEUDO-"historiens" (comme typiquement Faurisson) qui usurpent le titre, pas des historiens sérieux, vu que des travaux sérieux ne peuvent pas aboutir à de telles conclusions ; de même que peu d'historiens (ni de juristes) sérieux vont nier que l'esclavage et la traite transatlantique, tels que pratiqués du 17e au 19e siècle, relèvent de la définition actuelle du crime contre l'humanité, et l'assassinat de masse des Arméniens en 1915 de la définition du génocide ; soulignant simplement que ces notions juridiques n'existaient pas à l'époque des faits (mais pas non plus à l'époque de la Shoah, puisqu'elles ont justement été établies pour celle-ci). Ce sont d'ailleurs souvent des historiens qui avaient appelé de leurs vœux, à la fin des années 1980, une loi contre les négationnistes qui se paraient abusivement de leur qualité. Donc, si la loi Mekachera peut effectivement poser "débat" aux historiens bourgeois (car tout dépend ce que l'on entend par "positif" : en gros, développement objectif des forces productives ou droits démocratiques des peuples et droits tout simplement humains ?), mais en réalité fort peu car elle ne les concerne pas (elle se pose, dans le passage incriminé, en "circulaire" à destination de l'enseignement), les autres n'en posent guère... L'association créée en soutien à la pétition a d'ailleurs annoncé, en 2008, ne plus demander l'abrogation de la loi Gayssot. D'autre part, nous sommes encore une fois là dans une vision typiquement bourgeoise-de-gauche de la "liberté" comme absolu, avec au passage une sorte de sacralisation élitiste du chercheur universitaire ; ignorant (voire rejetant ouvertement) la lutte des classes et la question de l'hégémonie. Pour les communistes et les révolutionnaires en général, tout dans le domaine de l'expression publique revient en dernier ressort à cette question ; ainsi, les trois premières lois (Gayssot, Taubira, génocide arménien) comme la loi antiraciste Pleven servent objectivement l'hégémonie de notre camp, le CAMP DU PEUPLE, même si nous verrons plus loin qu'elles restent bourgeoises et peuvent même, par des artifices juridiques, être retournées contre nous ; tandis que la loi Mekachera était clairement une artillerie idéologique de l'ennemi et même de notre pire ennemi, la droite radicale nostalgique du "temps béni des colonies".

    negationnisme1-436x327Il peut également sembler légitime de demander (et cela est parfois fait) pourquoi la loi Gayssot ne vise que la négation des crimes relevant du Tribunal de Nuremberg (les crimes nazis en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale, dont la Shoah), et pourquoi l'on n'y ajouterait pas d'autres (génocides arménien ou rwandais, crimes en ex-Yougoslavie etc.). Certes mais alors, où s'arrêterait-t-on ? Si l'on fixe la limite dans le temps, disons, à 1900, toute l'Histoire du monde impérialiste n'est qu'une succession de génocides et de crimes contre l'humanité ! Et ce serait évidemment encore pire si l'on regardait l'Histoire jusqu'à 200, 300 ou 500 ans en arrière. Des crimes dans lesquels la bourgeoisie "française" a bien sûr plus que sa part... Une comédie musicale guillerette sur le "Roi Soleil" n'évoquant (bien sûr) rien de ses crimes contre les protestants occitans, de la répression de la révolte bretonne de 1675 ou encore de la traite esclavagiste des Africain-e-s avec le Code Noir etc. ; une hagiographie de Napoléon (big up à Max Gallo !) minimisant ou faisant silence sur les crimes génocidaires d'Haïti et de Guadeloupe ; un documentaire sur Pierre Messmer qui ne dirait rien du Cameroun... la liste de ce qui pourrait être qualifié de négationnisme historique est interminable, et pour cause : la légitimité même de la "France" comme construction politique historique repose sur ces "petits" oublis ! Pour la bourgeoisie ce serait donc un suicide, chose dont le marxisme nous enseigne qu'aucune classe dominante n'est capable dans l'Histoire.

    Et puis, nous y reviendrons, les "autres crimes" que l'on ne pourrait plus "défendre" ni "nier" pourraient bien être ceux du "communisme" (le débat hante, notamment, les couloirs du Parlement européen)... Ce qui, même si notre victoire future passe nécessairement par un bilan critique des expériences passées, serait évidemment un très dur revers dans notre bataille pour l'hégémonie.

    C'est là qu'effectivement, la question commence à tourner en rond et à se mordre la queue... Car c’est tout simplement la nature de classe de la bourgeoisie qui apparaît là : une classe qui s’est CONSTRUITE pendant des siècles sur l’exploitation, la domination impériale, l’esclavage des peuples et leur hiérarchisation dans une division mondiale du travail de production de la plus-value, la persécution et la spoliation des Juifs bien avant Hitler et le nazisme (Moyen Âge, 16e siècle) ; une classe qui a inventé le racisme là où il n’y avait auparavant qu’hostilité (à base économico-territoriale) et rapports de force entre communautés locales (cités), royaumes et civilisations (empires). Demander à la bourgeoisie une lutte conséquente contre le racisme, l’antisémitisme et quoi que ce soit de ce genre, c’est attendre d’un éléphant qu’il grimpe aux arbres ! [Ceci étant évidemment incompréhensible pour le logiciel économiste qui guide la quasi-totalité de la "gauche radicale" hexagonale, incapable de comprendre qu’une culture générée à travers des siècles puisse être devenue une réalité matérielle, concrète et agissante ; et se réfugiant derrière une piteuse explication du racisme comme "manœuvre de la bourgeoisie pour diviser les travailleurs" etc. etc.]

               black-panthers-party-people.jpegananas

    3. Telles sont donc les lois Pleven et Gayssot, à l'image de la classe sociale qui en est à l'origine, la bourgeoisie républicaine BBR "de gauche" ou "centriste" (libérale, démocrate-chrétienne comme Pleven) : objectivement utiles au camp populaire révolutionnaire lorsqu'elles font barrage à la diffusion du racisme et de l'antisémitisme comme mobilisation réactionnaire de masse, ou à la réhabilitation du nazisme par les plus ultras des fascistes ultras, car le négationnisme (arrêtons de tourner autour du pot à la Chomsky) c'est cela ; résultantes d'un rapport de force qu'il faut évidemment défendre et si possible consolider, comme une tranchée dans une guerre de position (qu'est la lutte des classes, cf: Gramsci). Mais en même temps, elles sont loin d'être parfaites... et difficilement perfectibles (cessons deux minutes de délirer à ce sujet), car en faire une application systématique et implacable ou étendre le délit de négationnisme à d'autres crimes que ceux du nazisme, on l'a dit, deviendrait rapidement intenable pour la bourgeoisie BBR.

    Elles sont même susceptibles, comme toujours l'"antifascisme" bourgeois, de se retourner en leur contraire. Nous avons déjà évoqué rapidement cela au sujet d'un article de VP qui disait "Si Valls interdit Dieudonné, ou un autre tribun, pourquoi n’interdirait-il pas les militants communistes de s’exprimer demain ? Toute atteinte aux libertés, même celles de nos ennemis, peut s’étendre à nous, ne l’oublions jamais", ce qui nous semble porteur d'une réelle préoccupation populaire-racisme_anti_blancs.jpgrévolutionnaire (prétendre "combattre les extrêmes de tout bord", frapper un coup les révolutionnaires et les progressistes, un coup ce qu'il définit comme "obscurantiste" ou "fasciste" est effectivement au fondement même de l'idéologie républicaine BBR, au point d'ailleurs que même Vichy prétendait cela, "l'extrême-droite" étant en l'occurrence les gaullistes venus de la droite de la droite d'avant-guerre), et en même temps d'une affirmation erronée revenant à du libéralisme chomskyen.

    Il est vrai que depuis longtemps déjà, des gens voudraient appliquer la loi Pleven au "racisme anti-blanc" ou "anti-français", à la "stigmatisation des chrétiens" etc., et juridiquement en effet rien ne l'empêche. Parmi les "autres crimes contre l'humanité" auxquels certains voudraient étendre la loi Gayssot, il y a bien sûr les "crimes du communisme" (appeler à un "Nuremberg du communisme" est un argument récurrent des avocats de négationnistes ou d'anciens kollabos et nazis, même si d'autres comme Vergès préféraient invoquer les crimes du colonialisme et de l'impérialisme) ; ce qui nous interdirait de défendre et de diffuser notre conception du monde même à travers un bilan critique constructif. L'argument "antisionisme = antisémitisme" (si copieusement nourri par Dieudonné et consorts) a déjà permis de poursuivre pour "incitation et la haine et à la discrimination" des initiatives contre l'apartheid israélien, comme BDS. Tout comme la loi de 1936 sur la "dissolution des groupes de combat et milices privées", qui visait évidemment à l'époque les ligues d'extrême-droite, a largement permis dans les années 1968 et depuis de frapper le mouvement communiste et révolutionnaire... Tandis que, parmi les "lois mémorielles" d'habitude tant décriées par les fafs et autres réacs nouveaux ou pas (loi Gayssot, reconnaissance de la traite et de l'esclavage comme crime contre l'humanité etc.) faisait bien sûr exception la "loi Mekachera" dont nous avons déjà parlé, sur le "rôle positif de la colonisation" et... l'indemnisation des militants fascistes de l'OAS (finalement modifiée devant la mobilisation populaire et intellectuelle). Et le délit de négationnisme ne pourrait-il pas, demain, être étendu à "oser" qualifier autre chose que le nazisme et la Shoah de crime contre l'humanité (sauf éventuellement les "crimes du communisme" pour certains, comme on l'a dit), àsocialisme4 "oser" comparer au nazisme (à raison ou à "tort", par cet excès qui fait souvent partie du "jeu" politique) d'autres situations présentes ou passées sur la planète, comme les soixante-huitards scandaient "CRS = SS !" ? Ce n'est pas encore le cas (c'est pourquoi Dieudonné n'a pas pu être condamné pour le sketch chez Fogiel), mais c'est ce vers quoi un certain nombre de "républicains" bourgeois, de sionistes plus ou moins ultras... et certains "maoïstes" semblent tenter de pousser.

    Nous voyons bien là comment toute loi, toute politique "antifasciste" bourgeoise peut du jour au lendemain se retourner en son contraire, puisqu'elle ne vise pas la fraction ultra-réactionnaire... de la même classe bourgeoise qui l'a votée, mais de manière idéaliste "l'extrémisme", "la violence" et "la haine de l'autre" ou "de la démocratie", l'atteinte aux "valeurs de la République" etc. etc. Pour autant, lorsqu'elle frappe les fascistes, nos ennemis jurés qui ne veulent pas seulement nous mettre quelques mois ou même quelques années en prison mais bien nous massacrer purement et simplement, façon Chili de Pinochet ou bataille d'Alger, il est évident que cela sert nos intérêts et nous n'allons pas nous en plaindre, nous n'allons pas pleurer sur le sort ni sur la "liberté d'expression" d'ennemis jurés de notre camp et des masses populaires que nous voulons libérer : c'est une question de pragmatisme militant, et le fait que l'État frappe plutôt les fascistes que les révolutionnaires peut aussi être le fruit d'un rapport de force que les masses révolutionnaires auraient su construire (le truc dans l'affaire Dieudonné-Valls, c'est qu'on voit mal lequel)... Des notions tout à fait justes et même essentielles ; mais que nous croyions justement étrangères à certains qui s'en font aujourd'hui les grands donneurs de leçons.

    Enfin, c'est aussi une réalité qu'il ne faut pas avoir peur de dire : tant la disposition particulière anti-négationniste (Gayssot) que l'application du cadre général antiraciste (Pleven), toujours en-deçà des exigences antifascistes certes, mais clairement plus ferme en matière d'antisémitisme et de négationnisme que d'autres formes de racisme (ou en matière de racisme "primaire", comme comparer Taubira à un singe, que de formes plus "subtiles"), s'inscrivent dans le CADRE IDÉOLOGIQUE construit par les vainqueurs occidentaux de 1945 (et rénové à la fin de la Guerre froide, dans les années 1980) qui fait des crimes nazis de la Seconde Guerre mondiale et de quelques autres cas "emblématiques" (génocide arménien, apartheid sud-africain etc.) l'arbre d'horreur absolue cachant toute la forêt de leurs crimes antipopulaires, colonialistes et impérialistes d'aujourd'hui comme d'hier - crimes qui sont non seulement encore le quotidien du capitalisme tout autour de la planète, mais le fondement même de son existence (depuis son "accumulation primitive" puis sa "révolution industrielle" jusqu'à son stade monopoliste et impérialiste actuel) et de la société capitaliste occidentale toute entière (on devrait enfin pouvoir dire, par exemple, que la colonisation et la déshumanisation des "nègres" et des "sauvages" ont permis de faire du paysan et du "plébéien" européen un être humain à part entière, débouchant directement sur la "Déclaration des Droits de l'Homme"... BLANC).  

    On retrouve cette même logique y compris (on s'en serait douté...) habillée d'un gloubiboulga pseudo-"marxiste" sur un site bien connu, expliquant de manière aberrante que ("contrairement" au nazisme plus tard) le colonialisme et l'esclavage des Africain-e-s n'auraient "pas vraiment servi" l'accumulation capitaliste européenne entre le 16e et le 19e siècle (pourtant Marx en parle bien dans son Capital et le PC d'URSS dans son Manuel d’Économie politique [2], et pourtant curieusement tous les pays européens à un certain stade de développement capitaliste sont entrés dans une dynamique d'expansion coloniale, ceux qui ne le pouvaient pas - Europe de l'Est - imposant à leur paysannerie un servage ultra-violent) ; le tout couronné (pour faire bonne mesure) de la bonne vieille thèse de la "Shoah économiquement inutile" (les nazis se seraient "contentés" d'exterminer les Juifs sans en tirer aucun profit, cf. ci-dessous), version "gauchiste" de la "haine éternelle contre le Peuple juif" des sionards.

    C'est malheureux à dire, mais le fait de mettre en avant des victimes avant tout européennes (nonobstant les torrents de boue et de déshumanisation qui s'étaient abattus sur elles le demi-siècle précédent) facilite forcément l'identification de l'Occidental "lambda" avec celles-ci et son "insensibilisation" à tous les autres crimes perpétrés depuis 5 ou 8 siècles, sur les cadavres desquels repose pourtant l'ordre capitaliste mondial que nous connaissons aujourd'hui... Le nazisme qui a commis des crimes épouvantables et sans précédent dans l'Histoire, mais qui les a surtout commis en Europe, a été vaincu en 1945 et il a, dès lors, immédiatement été "recyclé" en incarnation du "Mal absolu" qui relativiserait voire ferait oublier tout le reste ; en oblitérant, bien sûr, que le vecteur premier de l'arrivée d'Hitler au pouvoir avait été l'anticommunisme de la bourgeoisie allemande et internationale, mais aussi que les crimes (de guerre et raciaux) perpétrés en Allemagne et dans les pays occupés par elle ne relevaient pas d'une "folie EF004-Rwanda-94-38871criminelle collective inexpliquée" (ou "expliquée" par "la crise de 1929", le "ressentiment devant le Traité de Versailles" patati patata) mais s'inscrivaient bien au contraire dans ce qu'il convient d'appeler le centre légitime des idéologies capitalistes-impérialistes occidentales... Un centre légitime qui le RESTE encore très largement aujourd'hui [nous y reviendrons plus loin avec Aimé Césaire et Rosa Amelia Plumelle-Uribe] !

    Il suffit simplement de penser au génocide rwandais, encore plus "fulgurant" que la Shoah (plus de 10.000 morts/jour !) et tout aussi planifié, dès 1990, sur des "arguments" très ressemblants ("complot éternel" hima-tutsi pour dominer l'Afrique centrale, en alliance avec les "rouges" pendant la Guerre froide et avec les Américains ensuite) et avec l'appui ouvert de l'impérialisme BBR... en particulier de ce PS qui joue aujourd'hui les "antifascistes" à bon compte face à un sinistre bouffon youtubien ! Le chef de la diplomatie d'alors (1988-93) était notamment un certain Roland Dumas, connu depuis pour ses amitiés avec l'extrême-droite "tiers-mondiste" sauce Vergès, Chatillon... et Dieudonné. Lorsque Chirac arriva au pouvoir, un an après l'atroce massacre, il "enterra" alors celui-ci sous un flood d'initiatives positives (reconnaissance - timide - du rôle de l'État français dans la Shoah, intervention contre les massacres grand-serbes en Bosnie etc.).  

    Faire oublier les crimes impérialistes d'un bout à l'autre de la planète... sans même parler de la responsabilité (à la limite de la complicité !) des Alliés eux-mêmes dans la tragédie, par leur refus catégorique d'accueillir les réfugiés juifs persécutés (d'Allemagne et d'ailleurs) avant la guerre (aux États-Unis, la loi anti-immigration Johnson-Reed de 1924 reposait notamment sur les théories raciales de Madison Grant... un auteur fétiche d'Adolf Hitler !) et même d'accepter des "deals" pouvant sauver des centaines de milliers de vies pendant (affaire Joel Brand) !!! [Et même après la victoire, les statuts du Tribunal de Nuremberg ne feront pas des persécutions raciales (contre les Juifs et autres groupes) un crime en soi : elles ne seront poursuivies que comme crimes "en lien" avec la préparation puis la conduite de la guerre contre les "nations civilisées" (le "vrai crime" de l'Allemagne)... Il faut dire que pour l'Amérique des lynchages et les puissances coloniales française et anglaise, juger et condamner en tant que telles l'exclusion, l'oppression et la persécution d'un groupe humain aurait été quelque peu problématique !]

    Et cela a tellement bien marché qu'aujourd'hui, non seulement les groupes se revendiquant ouvertement du IIIe Reich restent relativement marginaux et isolés, mais il est devenu très à la mode pour les fascistes et autres ultra-réactionnaires... de se présenter comme la "résistance" : à "l'Axe américano-sioniste" pour Soral et Dieudonné ; au "nazislamisme" pour Riposte laïque et consorts qui organisent leurs "apéros saucisson-pinard" islamophobes le 18 juin ; à l'UE qui serait une nouvelle "Europe à l'heure allemande" pour les "souverainistes" de tout poil ; à la "dictature de la pensée unique" pour à peu près tous... (quant aux ultra-sionistes de la LDJ et compagnie, cela ne fait évidemment aucun doute : à les écouter, ils seraient des héros insurgés du ghetto de Varsovie ![3])

    Servir le Peuple a toujours été très clair là-dessus, afin d'écraser le confusionnisme, ce cancer pour la prise de conscience révolutionnaire du peuple. La Shoah, pire crime contre l'humanité de tous les temps ? Oui, sans le moindre doute : ni l'ère industrielle, ni l'ère capitaliste en général, ni même toute l'histoire de la société de classe n'offre d'exemples comparables en ampleur (victimes/temps, pourcentage de la population visée tué etc.) et surtout en méthodicité de planification et d'exécution... Tous les systèmes oppresseurs et conquérants dans l'Histoire, Assyriens comme Romains, Francs puis "Français" ou Mongols, Européens aux Amériques etc. ont allégrement massacré et réduit en esclavage les populations soumises, mais jamais dans de telles proportions ni de manière aussi "scientifique". Pour autant, nous avons toujours affirmé qu'avec les autres crimes de l'impérialisme, du capitalisme et de quelque système dominant et conquérant que ce soit, la différence est de DEGRÉ et non de nature. Certains défenseurs de l'"unicité absolue" avancent des arguments comme, par exemple, que les nazis ont exterminé les Juifs alors que la "logique" en temps de guerre aurait voulu qu'ils exploitent leur force de travail. Mais 1º/ d'une part c'est inexact : c'est oublier ne serait-ce que l'exploitation massive avant déportation (dans les ghettos de l'Est, les camps de travail en Allemagne et ailleurs, en Transnistrie immense "réserve juive" sous occupation roumaine etc.), cette dernière n'étant souvent que le point final d'un long processus (sauf sur le front de l'Est) ; puis que les déporté-e-s jugé-e-s "productif-ve-s" (hommes adultes et certaines jeunes femmes en bonne condition physique) étaient bel et bien mis-es au travail forcé (il y avait des dizaines de camps pour cela rien qu'autour d'Auschwitz, comme par exemple celui de Monowitz/Auschwitz III qui "fournissait" l'usine de caoutchouc Buna Werke de la firme IG Farben : 12.000 prisonniers-esclaves en grande majorité juifs), dans des conditions visant (certes) à les faire mourir à brève échéance (7% seulement survécurent), et envoyés à la columbus daychambre à gaz seulement lorsque "finis" d'épuisement [c'est ainsi qu'il a pu y avoir de (rares) survivant-e-s comme Primo Levi, Elie Wiesel ou Simone Veil] ; tout ceci sans même parler de la spoliation ("aryanisation") de valeurs parfois considérables aux malheureux-ses envoyé-e-s à la mort, tant au profit d'entreprises (grandes, moyennes et petites) que de l'État, de l'appareil NSDAP (État dans l'État - à ce sujet lire ici, article "férocement trotskyste" mais non moins intéressant) ou de simples particuliers, dans une véritable entreprise de vol institutionnalisé dont regorgent encore certaines banques en Suisse et ailleurs (dans tous les cas, la quasi-totalité des anciens propriétaires étant morts, les biens spoliés ont difficilement pu être "rejudaïsés") ; 2º/ d'autre part, c'est aussi oublier que d'autres politiques criminelles n'ont pas visé non plus l'exploitation des populations victimes mais bel et bien leur suppression (d'une manière ou d'une autre) d'un territoire donné, comme par exemple le nettoyage ethnique des années 1990 en ex-Yougoslavie ou... depuis 1947 en Palestine, où l'on préfère parfois embaucher-exploiter des Éthiopiens ou des Philippins que des Palestiniens dont la seule vocation est de "partir" ! Les Turcs auraient pu eux aussi mettre les Arméniens au travail forcé, pourtant ils les ont exterminés (comme "cinquième colonne" de la Russie). Que les Premières Nations d'Amérique meurent en masse d'épidémies et ne supportent pas le travail des champs ou des mines pouvait être "compréhensible" au 16e ou 17e siècle, mais au 19e la médecine avait progressé et il aurait été possible d'en faire une force de travail semi-esclave comme dans toute colonie qui se "respecte"... mais non : la ligne du gouvernement US était bel et bien qu'ils devaient disparaître des vertes prairies promises aux pionniers. Eh bien la Shoah, c'était aussi "simple" que cela : le nazisme avait un "plan" pour l'Europe (Generalplan Ost à l'Est mais aussi des "projets" pour les différents pays alliés ou vaincus à l'Ouest et au Sud) et dans ce "plan" les Juifs devaient disparaître de la surface du continent (quelques assassinats ont même été commis en Tunisie pendant les quelques mois d'occupation) après avoir "donné" jusqu'au dernier de leurs biens (spoliés/"aryanisés"), de leurs efforts (dans les ghettos avant déportation et dans les camps s'ils étaient affectés au travail forcé) et même leurs dépouilles une fois morts, atrocement "recyclées" (cheveux, peau, dents en or... au stade ultime de la barbarie capitaliste, pas besoin d'être vivant pour être transformé en marchandise !) car, "dernière des races inférieures", ils ne pouvaient jouer aucun rôle sinon de "virus" dans la "Nouvelle Europe" au service du Reich hitlérien. En définitive, le projet impérial nazi consistait - jusqu'à la Sibérie et au Caucase - en une véritable "Conquête de l'Est" dans laquelle les Slaves auraient été les Noirs à réduire en esclavage tandis que les Juifs (ou encore les Rroms) étaient les "Indiens" à surexploiter à court terme, mais surtout à éradiquer. Pour les nazis, le Juif était un être "faible" et peu combattif mais "sournois" et "contrôlant", par son intelligence "démoniaque", les forces "libérales" et "rouges" ; si bien que derrière toute action de résistance contre eux il y avait "le Juif" : la logique nazie est donc assimilable ici à l'extermination d'une population "irrémédiablement hostile" à la "race"/"civilisation" européenne, comme les "Peaux-Rouges" en Amérique du Nord ou les Héréros (nous y reviendrons plus bas) quelques décennies plus tôt en Namibie. Hitler aurait même eu l'occasion de confesser... combien l'extermination desdits "Indiens" par les colonisateurs US avait pu être source d'admiration et d'inspiration pour sa "Solution finale" [à ce sujet lire aussi ceci] ! Pour faire "place nette", Benjamin Franklin (un autre "grand homme" des "Lumières"...) louait les vertus de l'eau-de-vie et des couvertures contaminées à la variole... Les nazis, eux, préféreront la "simplicité" et "l'efficacité" d'un insecticide chimique surpuissant (chose qui n'existait pas 150 ans ou même quelques décennies plus tôt).

    [Lire : Johann Chapoutot - "Les nazis n'ont rien inventé, ils ont puisé dans la culture dominante de l'Occident libéral" (suivi de l'excellente aussi analyse de Losurdo).]

    algerie-211212L'on entend ou lit aussi que l'antisémitisme serait "autonome", que ("anticapitalisme romantique" ou autre) il ne serait "pas un racisme comme un autre"... Certes, mais quel racisme est "un racisme comme les autres" ? Tous les racismes sont différents selon le groupe visé et, de surcroît, selon le pays où ils sévissent (on n'est pas raciste de la même manière en "France" et en Allemagne, en "Espagne" ou aux USA). Le racisme anti-arabes/musulmans est historiquement un racisme de "guerre des civilisations" (Croisades oblige !), de combat "existentiel", de "eux ou nous" qui aurait plutôt vocation à s'exprimer par des crimes de guerre et des massacres façon Srebrenica ; le racisme anti-africains est un racisme de suprématie brute, de déni d'appartenance à l'espèce humaine (le racisme anti-"indiens" sur le continent américain est aussi un peu cela) et tend plutôt à s'exprimer par la servitude, le lynchage et la répression violente des révoltes (pour "garder l'animal à sa place") ; le racisme anti-asiatiques est un racisme de méfiance envers les "seuls" qui, allez savoir, "pourraient peut-être nous être supérieurs" ; le racisme anti-rroms un racisme anti-"voleurs-de-poules" et anti-ultra-pauvres typique du petit propriétaire aux abois (qu'est tout Européen aujourd'hui), tendant lui aussi à l'extermination version "hygiène sociale", etc. etc. L'antisémitisme européen est né contre une communauté vivant parmi les Européens depuis 2000 ans, autant dire depuis les origines (d'où le "ils sont partout", sous-entendu "parmi nous et on ne s'en rend pas toujours compte") ; la première à vrai dire contre qui s'est développée une discrimination et une persécution institutionnelle systématique (dès le 13e siècle) ; historiquement associée à "l'argent" et à la "spéculation" car souvent, pour ne pas rembourser les prêts obtenus d'eux (déjà sous la menace), les rois, grands féodaux et autres grands patriciens bourgeois les accusaient d'"usure" et les faisaient chasser ou massacrer [une politique, concrètement, d'extorsion de fonds en masse par les États modernes en formation à l'encontre des communautés juives, accompagnée d'expulsions et de massacres... dans laquelle on peut voir, peut-être, un des tous premiers mécanismes de l'accumulation primitive !!] (d'où l'"anticapitalisme romantique" ou "socialisme des imbéciles", mais "socialisme" HYPOCRITE serait sans doute plus approprié, car ce ne sont pas des personnes contre le capitalisme mais contre un capitalisme qui ne leur profite pas)... Il est donc logique qu'il ait des traits uniques, propres à lui et sans équivalent contre d'autres peuples ou groupes humains ; il suit historiquement le cheminement ghetto->pogrom->expulsion->nouveau ghetto, auquel s'est ajoutée au 20e siècle l'extermination massive. Il n'y a d'ailleurs pas l'antisémitisme comme phénomène uniforme, mais des antisémitismes  très nettement différents selon les pays et les rapports du corps social général à la communauté juive : ainsi si l'on prend l'Allemagne (antisémitisme nazi), la thèse bordiguiste (voir note 3) n'est pas si erronée et "abjecte" que cela puisque les Juifs, misérables au début du 19e siècle, appartenaient effectivement pour plus de 80% aux classes moyennes (50% d'entrepreneurs dans le commerce vers 1900) et très peu à la classe ouvrière au début du 20e ; elle ne fonctionne plus en revanche si l'on sort des frontières allemandes, en Europe de l'Est (juifs très pauvres des shtetl, beaucoup de prolétaires) mais aussi aux Pays-Bas (majorité ouvrière) ; tandis qu'en "France" le débat fit rage sur la distinction entre Juifs "de souche" et Juifs immigrés après 1919 (l'immense majorité des déporté-e-s et exterminé-e-s), en Italie le fascisme lui-même (sans être forcément "philosémite") rejetait, parfois ouvertement, l'antisémitisme obsessionnel des nazis jusqu'au "tournant" à 180° de 1938, etc. etc. Quant à l'argument, parfois invoqué, que l'antisémitisme nazi serait tellement "à part" que "les convois de Juifs à exterminer étaient prioritaires sur le ravitaillement des troupes", il relève sans doute de la légende et n'a jamais été prouvé - voir ici et ici... 

    Aucun argument de ce type ne tient donc la route : la seule unicité de la Shoah est quantitative et technique (planification et moyens techniques les plus modernes de l'époque) ! Ou plutôt, pourrait-on dire, la Shoah est unique tout comme aucun génocide ne ressemble à un autre : elle n’est pas unique dans son unicité.

    indexEt puis nous pensons aussi, avec Aimé Césaire, que "ce que l'on ne pardonne pas à Hitler, ce n'est pas le crime en soi, le crime contre l'homme, ce n'est pas l'humiliation de l'homme en soi, c'est le crime contre l'homme BLANC, c'est l'humiliation de l'homme blanc, c'est d'avoir appliqué à l'Europe des procédés colonialistes dont ne relevaient jusqu'ici que les Arabes d'Algérie, les coolies de l'Inde et les Nègres d'Afrique" (Discours sur le Colonialisme, 1950)[4] ; que ce que la société capitaliste occidentale n'a pas supporté ce n'est pas la barbarie en soi mais la barbarie devant sa porte ; que si le nazisme avait fait 99,99% de ses victimes en Afrique ou en Asie et non en Europe, ou même s'il n'avait tué que des Juifs pauvres de l'Est, des communistes slaves et des Rroms (bref, s'il n'avait fait la guerre qu'à l'Est) il ne serait pas l'incarnation du Mal qu'il est devenu aujourd'hui : il suffit pour s'en convaincre de se rappeler les suppliques désespérées d'Haïlé Selassié à la tribune de la Société des Nations tandis que Mussolini mettait son pays à feu et à sang (300.000 morts au bas mot, gazages de populations etc.), ou comment la guerre en Asie-Pacifique, avec ses victimes des Japonais comme de la contre-offensive anglo-américaine (bombardements exterminateurs de Tokyo, Hiroshima et Nagasaki), n'a pas intégré le "devoir de mémoire" sur la Seconde Guerre mondiale... Qui (en dehors de quelques historiens spécialisés), lorsqu'il s'agit d'étudier les "racines du Mal" nazi, pense simplement à évoquer le génocide des Héréros de Namibie (alors colonie allemande) : un génocide quasi-total (85% de la population visée) où furent forgées bien des méthodes de la future Shoah... mais frappant un peuple noir africain ???

    Oui, nous assumons totalement l'idée de CONTINUITÉ entre l'histoire de l'Europe comme "civilisation" (capitalisme, État moderne, expansion coloniale, "révolution" industrielle, impérialisme) et le nazisme, régime criminel jailli non pas d'une "hystérie collective" ou des entrailles d'une "minorité illégitime" et marginale qui aurait "subjugué" un peuple entier, mais bien du centre légitime des idéologies du monde occidental [voir ABSOLUMENT à ce sujet le célèbre ouvrage de 2001 de la franco-colombienne afro-descendante Rosa Amelia Plumelle-Uribe (bombe à neutrons littéraire qui fit évidemment "scandale" à l'époque, allant jusqu'aux accusations de "négationnisme" ou en tout cas de relativisation du nazisme et de la Shoah), ou celui à peu près contemporain du spécialiste de la Shoah Enzo Traverso]... C'est là ce que disait déjà (en substance) Simone Weil dans ses écrits sur l'anéantissement médiéval puis absolutiste moderne de notre Occitanie où, juive, elle était venue chercher refuge en 1940 (un refuge bien illusoire puisqu'en août 1942 les Juifs de zone "libre" seront eux aussi raflés sous la conduite de René Bousquet - le Manuel Valls de l'époque - et en l'absence du moindre uniforme allemand, mais en 1940 on ne le savait pas encore) !

    rwanda wideweb 470x307,0Cet aspect est incontournablement à prendre en compte[5]. Il montre les limites, au-delà des lois Pleven et Gayssot, de l'"antiracisme" et de l'"antifascisme" bourgeois. N'en déplaise à ceux et celles qui, pour des raisons qui sont les leurs (aussi nobles soient-elles), sont attaché-e-s à l'"unicité" du génocide antisémite nazi, cette question agite une grande partie des masses populaires et elle est très concrètement soulevée par des milliers de personnes (or une question soulevée est forcément une question qui existe) ; un sentiment on-ne-peut-mieux résumé par la phrase : "à l’école on nous a beaucoup parlé des crimes de l’Allemagne mais beaucoup moins de ceux de la France : la colonisation et l’esclavage"... Et en l'absence de réflexion et de position révolutionnaire ou carrément face à un veto catégorique de l'extrême-gauche "blanche"[6] sur la question, elle ne recevra que de mauvaises réponses réactionnaires : négationnisme ou relativisme, complotisme, "Shoah invention-ou-exagération des Juifs pour justifier Israël" etc. etc. C'est un devoir révolutionnaire sur lequel il faut être extrêmement ferme, et ne pas céder au terrorisme intellectuel de l'idéologie dominante qui sait parfaitement (on l'aura trop vu, et encore une fois expliqué ici) se présenter comme "antifasciste". Sans jamais perdre de vue que Dieudonné aura apporté aux révolutionnaires, au cours de ces 10 dernières années, un seul mais immense enseignement : la première victoire sur le "système" qu'il prétend dénoncer... c'est justement de ne pas finir comme lui !

    images4. Les lois Pleven et Gayssot, comme derrière elles tout l'"antifascisme" de la "démocratie" bourgeoise, sont donc ambivalentes ; à l'image d'une classe qui a passé son histoire à sécréter des valeurs d'humanisme pour presque aussitôt les piétiner. Il n'est pas possible d'avoir sur elles une position "monolithique", "arrêtée" ; les communistes doivent (encore une fois, encore et toujours) PENSER AVEC LEUR TÊTE, sans schématisme, savoir être pragmatiques (prendre ce qui peut servir chez l'adversaire "démocrate" bourgeois) mais aussi être critiques et pas dupes. La question et la tâche centrales ne sont de toute façon pas là : elles sont de construire l'autonomie prolétarienne et populaire dans tous les domaines et dans ce cadre, de construire l'antifascisme populaire-révolutionnaire, fondé non pas sur les lois et les institutions démocratiques bourgeoises, mais sur l'autodéfense des masses populaires contre les milices de leur esclavage et de leur soumission par la terreur, ce qu'est le fascisme. Ne serait-ce que, par exemple, éjecter manu militari les militants dieudonnistes de toute mobilisation sociale, populaire, démocratique ou anti-impérialiste, suffirait déjà à vider le dieudonnisme de son objet, qui est justement d'infiltrer et gangréner ces luttes. Bien sûr, il faut encore (en ces temps où la confusion est partout) savoir de quoi l'on parle lorsque l'on parle d'autodéfense populaire, car les fascistes ont pris l'habitude de se poser en "victimes" et de dire "ne faire que se défendre"...


    Annexes :

    1°/ Intéressant pour ‘mémoire’, le dialogue entre l’‘‘islamo-gauchiste’’ Pierre Tevanian et un Dieudonné ayant tout juste (mais déjà ‘bien’) amorcé sa dérive, en 2005 (sur le site, hélas, de Fourest & co, mais c’était ça ou ‘‘Les Ogres’’ dieudonnistes, donc il fallait choisir…) :

    http://www.prochoix.org/cgi/blog/index.php/2005/09/21/349-quand-dieudonne-croise-un-indigene-de-la-republique

    Intéressant car dévoilant très précisément la mécanique de pensée ayant conduit l’humoriste ‘antiraciste’ du début des années 2000 là où il est aujourd’hui. On y voit notamment s’étaler son idéalisme républicain forcené, finalement digne des Finkielkraut et consorts qu’il pourfend ; et lorsque Tevanian réplique que la République c’est AUSSI l’impérialisme et la colonisation, le racisme ‘structurel’ etc., il rétorque que ‘‘vous ne me comprenez pas, la République pour moi ce n’est pas ce qu’il y a actuellement, c’est l’utopie, l’idéal’’. Eh oui ! Tel était le Dieudonné du début des années 2000 : une sorte de Mélenchon mêlé de José Bové… pris pour Malcolm X par des milliers de personnes. Et lorsque Tevanian lui explique que le cœur du pouvoir c’est justement cette République qu’il idéalise, une République ‘blanche’ c'est-à-dire bourgeoise et impérialiste, que le mouvement sioniste n’en est qu’un bras armé parmi d’autres, que ce n’est pas parce qu’il frappe fort (dans un contexte de 2e Intifada où, face aux crimes ultra-médiatisés de Tsahal, il était particulièrement aux abois) qu’il est le pouvoir, Dieudonné s’entête : non non, pour lui le centre du pouvoir c’est le ‘sionisme’ matérialisé dans le CRIF et les ‘juifs médiatiques’… Partant de là, il est clair que la dérive ne peut plus avoir de fin. Un dérive qui d’ailleurs, contrairement aux idées reçues, n’a pas commencé après le fameux ‘‘sketch Isra-Heil chez Fogiel’’ (décembre 2003, où Dieudonné parlait déjà d’axe ‘américano-sioniste’, preuve qu’il était déjà sous l’influence de Soral), puisqu’en 2002 par exemple, ‘candidat-et-pas-pour-rire’ à la présidentielle, il déclarait déjà dans un magazine lyonnais : "Le racisme a été inventé par Abraham. Le “peuple élu”, c’est le début du racisme. Les musulmans aujourd’hui renvoient la réponse du berger à la bergère. Juifs et musulmans, pour moi, ça n’existe pas. Donc antisémite n’existe pas parce que juif n’existe pas. Ce sont deux notions aussi stupides l’une que l’autre. Personne n’est juif ou alors tout le monde. Je ne comprends rien à cette histoire. Pour moi, les Juifs, c’est une secte, une escroquerie. C’est une des plus graves parce que c’est la première. Certains musulmans prennent la même voie en ranimant des concepts comme la “guerre sainte”, etc." (citation souvent tronquée pour en grossir le caractère antisémite, mais montrant déjà qu’il était sur une très mauvaise pente). En réalité, la dérive part du Code Noir, projet (plus que noble en soi !) de film sur la traite esclavagiste en 2002. Le projet fut refusé par le Centre national cinématographique (en fait un refus d’aide à l’écriture du scénario, ce qui arrive dans 90% des cas à la première demande), ce dont il a déduit une volonté juive/sioniste de ‘‘monopole de la souffrance’’ et ‘‘une guerre déclarée culturellement au monde noir’’, dans l’état d’esprit de l’époque autour de l’ouvrage de Finkelstein etc. Alors que si blocage il y a réellement eu, c’est parce que la mémoire de l’esclavage porte atteinte à LA FRANCE, nullement à Israël, au sionisme et aux Juifs ! D’ailleurs le Code Noir en question (promulgué par Colbert en 1685), loin de consacrer une quelconque ‘mainmise des Juifs’ sur la traite négrière… a pour article premier d’expulser les Juifs des colonies antillaises (ces Juifs étaient souvent néerlandais, il n’y avait alors pas de communauté juive importante dans beaucoup d'autres pays, or le royaume de Louis XIV était en guerre ouverte avec les Pays-Bas à l’époque).

    2°/ Voici un petit texte sympathique publié par le groupe révolutionnaires Les Enragés. Des inexactitudes... il y en a sans doute, car il se veut simple et pédagogique et c'est justement ce qui fait son intérêt (ce pour quoi nous le publions, nous qui avons un peu perdu, hélas, le savoir-être-simple...). Il remet, de manière très compréhensible par la grande majorité du Peuple, les pendules à l'heure au sujet de tous les discours (omniprésents) sur la "finance" ("mondialisée" ou pas), le "capitalisme financier" qui serait le problème et non le capitalisme (principalement monopoliste) en soi... et donc indirectement sur l'antisémitisme de Dieudonné et consorts, dont c'est là un moteur absolument primordial (le problème n'est pas le capitalisme mais le capitalisme "financier", et la "finance" c'est "qui vous savez"...) :

    Le capitalisme, ce n'est pas seulement la finance. Le capitalisme, ce n'est pas seulement la bourse, il existe une quantité importante d'espaces où les capitaux s'échangent en dehors de la Bourse.
    Le capitalisme, c'est l'accumulation des fruits du travail salarié par une minorité parasite.
    Le capitalisme, ce n'est rien d'autre que la concurrence que se livrent les bourgeoisies internationales et la concurrence que se livre une bourgeoisie donnée sur une territorialité, sur sa chasse gardée nationale.
    Un patron de PME de 250 employés à 9.000 € par mois est un parasite, un capitaliste, et pourtant il n'est ni côté en bourse, ni dans la finance.
    Le capitalisme n'est piloté par personne, c'est une structure.
    Il profite directement aux bourgeoisies qui possèdent déjà des lois, des normes fiscales et comptables faites sur mesure pour elles et qui agissent sur toutes les sphères qu'elles maîtrisent pour imposer une conduite économique favorable à leurs intérêts et au travers de la concurrence qu'elles se livrent.
    Mais il n'y a pas de pilote dans l'avion.
    Et on n’en veut pas de pilote, on veut que nous soyons tous les pilotes pour faire atterrir l'avion, pour sortir du capitalisme.
    Le capitalisme ne peut s'arrêter localement. Il ne peut être stoppé qu'en expropriant une à une chaque bourgeoisie donnée sur la chasse gardée de sa propre territorialité, par un mouvement d'union révolutionnaire du salariat, employé ou pas à un instant T, au travers de tous pays.
    Ami, l'ennemi n'est pas le travailleur allemand, grec ou américain. Il est derrière toi. Il parle ta propre langue!

    https://www.facebook.com/LesEnrages

    3°/ À la toute fin de cette très intéressante page théorique antifasciste (datant des tous débuts du blog, complétée par la suite), une petite analyse griffonnée par nos soins en 2011 : "Shoah, et s'il y avait PLUSIEURS explications ?".


    [1] "Bien sûr, il y aura contestations, émeutes et même menaces terroristes. Le pouvoir y mettra fin grâce à sa détermination sans faille, et, s’il faut sacrifier quelques extrémistes pour redonner à 65 millions d’habitants paix et protection, il faudra faire savoir que l’armée, dépêchée à chaque menace, n’hésitera pas à tirer dans le tas. C’est terrible, mais il n’y aura pas d’autre solution pour calmer le jeu et imposer notre loi" - Christine Tasin, "Que faire des musulmans un fois le Coran interdit ?"

    [2] "Le régime colonial donna un grand essor à la navigation et au commerce. Il enfanta les sociétés mercantiles, dotées par les gouvernements de monopoles et de privilèges et servant de puissants leviers à la concentration des capitaux. Il assurait des débouchés aux manufactures naissantes, dont la facilité d'accumulation redoubla, grâce au monopole du marché colonial. Les trésors directement extorqués hors de l'Europe par le travail forcé des indigènes réduits en esclavage, par la concussion, le pillage et le meurtre refluaient à la mère patrie pour y fonctionner comme capital. (...) De nos jours, la suprématie industrielle implique la suprématie commerciale, mais à l'époque manufacturière proprement dite, c'est la suprématie commerciale qui donne la suprématie industrielle. De là le rôle prépondérant que joua alors le régime colonial. Il fut « le dieu étranger » qui se place sur l'autel, à coté des vieilles idoles de l'Europe ; un beau jour il pousse du coude ses camarades, et patatras ! voilà toutes les idoles à bas ! (...) En somme il fallait pour piédestal, à l'esclavage dissimulé des salariés en Europe, l'esclavage sans phrase dans le Nouveau Monde." - K. Marx, Le Capital Livre I, 8e section, chap. 31 "Genèse du capitaliste industriel" (1867). L'on peut citer également ce passage dans Misère de la Philosophie (1847) :  "L'esclavage direct est le pivot de l'industrie bourgeoise aussi bien que les machines, le crédit, etc. Sans esclavage, vous n'avez pas de coton ; sans le coton, vous n'avez pas d'industrie moderne. C'est l'esclavage qui a donné leur valeur aux colonies, ce sont les colonies qui ont créé le commerce de l'univers, c'est le commerce de l'univers qui est la condition de la grande industrie. Ainsi l'esclavage est une catégorie économique de la plus haute importance."

    "La conquête de l’Amérique, qui s’accompagna du pillage massif et de l’extermination de la population indigène, procura aux conquérants des richesses incalculables qu’accrut plus rapidement encore l’exploitation des mines de métaux précieux d’une richesse extraordinaire. Pour faire valoir ces mines, il fallait de la main-d’œuvre. Les Indiens périssaient en masse par suite des conditions inhumaines dans lesquelles ils travaillaient. Les marchands européens organisèrent en Afrique la chasse aux nègres comme s’il s’était agi de bêtes sauvages. Le commerce des nègres d’Afrique réduits en esclavage était des plus lucratifs. Les négriers réalisaient des profits fabuleux. Le travail servile des nègres reçut une grande extension dans les plantations de coton américaines.
    Le commerce colonial fut, lui aussi, à l’origine de grosses fortunes. Les marchands de Hollande, d’Angleterre et de France fondèrent les compagnies des Indes orientales pour faire le commerce avec l’Inde. Ces compagnies bénéficiaient de l’appui de leurs gouvernements. Elles monopolisaient le commerce des produits coloniaux et avaient reçu le droit d’exploiter sans aucune restriction les colonies en usant des pires méthodes de violence. Leurs bénéfices annuels dépassaient de plusieurs fois le capital engagé. En Russie, le commerce avec la Sibérie qui mettait en coupe réglée les populations et la ferme de l’eau-de-vie, par laquelle l’État accordait à des traitants le droit exclusif de produire et de vendre des spiritueux contre le payement d’une certaine somme, procuraient de gros profits aux marchands.
    Le capital commercial et le capital usuraire concentrèrent de la sorte de prodigieuses richesses monétaires. C’est ainsi que par le pillage et la ruine de la masse des petits producteurs s’accumulèrent les ressources monétaires indispensables à la création de grandes entreprises capitalistes. Analysant ce processus, Marx a écrit que le Capital arrive au monde 'suant le sang et la boue par tous les pores'."  Manuel d'Économie politique de l'URSS (1954) chap. 3.7

    [3] C’est ainsi que, lorsque l'on en voit expliquer qu'il n'y a jamais eu historiquement que "deux forces affirmant l'autodéfense juive, les communistes et les sionistes dits 'révisionnistes' de Jabotinsky", il y a de quoi proprement halluciner… Si par "autodéfense juive" l'on entend, pour prendre l'exemple le plus héroïque et emblématique, l'insurrection du ghetto de Varsovie, celle-ci comptait essentiellement deux forces : la principale était l'Organisation juive de combat (OJC, en polonais Żydowska Organizacja Bojowa ou ŻOB) composée de marxistes-léninistes (Parti ouvrier polonais), de marxistes et de socialistes divers, de bundistes (comme Marek Edelman, dernier survivant mort en 2009) et de sionistes de gauche (Hachomer Hatzaïr comme le commandant 1287331298 194408 Resistantsjuifsen chef Mordechaj Anielewicz, Poale Tzion et Dror) ; l’autre était l'Union militaire juive (Żydowski Związek Wojskowy - ŻZW), effectivement de tendance jabotinskyste, mais beaucoup plus secondaire. Les sympathies de la première allaient (on s'en doute) plutôt à l'URSS, celles de la seconde plutôt aux Alliés occidentaux et au gouvernement polonais en exil à Londres. L'autodéfense juive, pour survivre ou au moins mourir dignement les armes à la main (contrairement à l'image de "bêtes" terrées ou conduites passivement à l'abattoir, justement véhiculée par l'imagerie impérialiste de la Shoah... et par le sionisme, qui méprise foncièrement ces "fautifs" restés en Europe alors qu'ils auraient "sauvé leur vie" en Palestine) était donc principalement communiste, socialiste et sioniste de gauche. Le Partizanenlied (chant des partisans juifs antifascistes du Yiddishland), que SLP a mis en avant voici bientôt 4 ans et que reprend aujourd'hui éhontément le 'p''c''mlm' tout en glorifiant le sionisme "révisionniste" de droite qui en est l'antithèse absolue, évoque d'ailleurs le Nagan - un revolver russe indiquant bien d'où venaient leurs livraisons d'armes (d'URSS), mais aussi le lien fun grinem palmenland biz land fun vaysen shney, "du vert pays des palmiers au pays des neiges blanches", ce qui est une claire référence sioniste "de gauche" : la résistance contre la machine de mort nazie unissait tactiquement ces deux composantes (on peut le critiquer a posteriori si l'on veut, tout comme le soutien soviétique à la résolution 181 des Nations Unies créant l’État sioniste, mais il en a été ainsi ; tout comme demain il faudra peut-être "faire front" avec des "communautaristes" de gauche et/ou des "bundistes 'indigènes'/musulmans").

    Affirmer (en les mettant sur le même plan que les communistes !) que les sionistes "révisionnistes" sont les seuls à avoir prôné l'autodéfense juive est donc une contre-vérité historique absolue, mais aussi une affirmation lourde de conséquences aujourd'hui. Car qui sont actuellement les sionistes "révisionnistes" de Jabotinsky ? Tout simplement le Likoud, actuellement au pouvoir en Israël avec Netanyahu, à travers la sinistre Irgoun qui s'illustra par les pires exactions dans le nettoyage ethnique de la Palestine entre 1946 et 1950 ; et son bras de jeunesse le Betar... Et qui sont les partisans de Likoud en Hexagone ? Tout simplement les personnalités soi-disant "représentatives" de la communauté juive qui assument ouvertement leurs sympathies, quand ce ne sont pas des liens directs et concrets, avec la pire extrême-droite : les Cukierman ("Le Pen au second tour [en 2002] c'est un message pour dire aux musulmans de se tenir tranquilles") et Prasquier, Goldnadel (avocat de l'ultra-fasciste alsacienne Anne Kling) et Sammy Ghozlan sans oublier l'inénarrable Jacques Kupfer (ex-président du Likoud de France, co-président du Likoud mondial), connu pour ses régulières prises de position ahurissantes pour ne pas dire (ce serait "antisémite" attention...) hitlériennes (lire encore ici) ; ou encore la LDJ (qui elle descendrait plutôt du Lehi ou "groupe Stern", encore plus radical que Jabotinsky et assumant l'alliance avec l'Allemagne nazie, ou encore des Birionim) qui fricote ouvertement avec les Identitaires mais aussi avec l'ex-GUDard (plutôt "antisioniste" en principe...) Philippe Péninque ! Si pour les auteurs d'une telle affirmation l'autre côté de la barricade n'avait pas été atteint auparavant, on voit mal comment il ne pourrait pas l'être à présent... 

    [4] L'on pourrait encore citer Frantz Fanon : "Il y a peu de temps, le nazisme a transformé la totalité de l’Europe en véritable colonie" http://quartierslibres.wordpress.com/2013/10/17/leurope-est-litteralement-la-creation-du-tiers-monde/

    [5] Et tant pis si d'aucuns voient en cela un "retour d'Auschwitz et le Grand Alibi", ce court article bordiguiste (marxiste "anti-stalinien", "gauche communiste italienne") auquel son titre maladroit (et/ou inutilement provocateur) et les utilisations négationnistes ultérieures ont "fait une réputation" largement sans rapport avec son importance ni (surtout) avec la réalité de son contenu, et qui est souvent devenu le dernier argument de ceux-là mêmes que le texte vise (les tenants de l'unicité pour minimiser tout le reste) lorsqu'ils sont bien incapables de trouver le moindre propos antisémite, négationniste ou de type "Shoah = propagande sioniste" dans un texte : en effet, si les (brèves) réflexions développées par l'article sur l'antisémitisme européen et la Shoah, marquées du sceau de l'économisme mécanique grossier et de l'anti-antifascisme politiquement identitaire de cette pensée proche du trotskysme (raison de sa rupture avec Gramsci et de son exclusion du PCI), sont profondément erronées (Juifs réduits à "une part importante de la petite bourgeoisie", rôle "central" de la petite-bourgeoisie dans le fascisme - caractéristique de ce courant, etc. etc.), le postulat de départ sur l'utilisation ultérieure du génocide (jamais nié ni minimisé à un seul moment dans le texte) par les impérialistes pour s'"absoudre" et relativiser tous leurs autres crimes n'est pas si idiot que cela ; d'autant moins qu'il avait déjà été évoqué (ou quelque chose de voisin) 10 ans plus tôt par Césaire (un crypto-nazi lui aussi ?)... Et que devrait-on dire, à ce jeu-là, du "négationnisme" de Mao, Staline, Hô Chi Minh et de la plupart des communistes de la Guerre froide, qui "osaient"  très fréquemment comparer l'impérialisme US et occidental à l'Allemagne nazie pour ses crimes en Corée, au Vietnam, en Algérie et ailleurs (ce militant Black Power afro-américain, par exemple, parlant devant les Gardes rouges de Pékin de "jungle hitlérienne" pour l'Amérique de Johnson) ? Ou encore de ces archives soviétiques "osant" évoquer, au delà de la liquidation systématique des Juifs en URSS occupée, celle des Rroms (on sait que Staline a quelque peu "dérivé" antisémite sur la fin de sa vie, entre "agents sionistes" et "cosmopolites sans racines", mais enfin bon...) ? Oser "comparer" ou "rapprocher", parler dans un même paragraphe de la Shoah et d'une ou d'autre(s) tragédie(s) ; oser dénoncer tout crime qui ne serait pas antijuif et y voir, sans que les faits soient comparables, la même matrice idéologique que la Shoah ; serait du "négationnisme" et une "agression" insupportable pour les personnes juives ? Ce n'est pourtant pas ce que l'Histoire comme le présent montrent pour beaucoup d’entre elles, que la tragédie des années 1930-40 a au contraire ultra-sensibilisées à celles d'autres peuples : Palestiniens victimes du sionisme, dont les survivants ou descendants de survivants de la Shoah sont nombreux à prendre la défense ; Afro-américains dont les Juifs liberals et progressistes US (l'immense majorité) furent souvent les premiers compagnons de route dans la lutte pour les droits civiques, tout comme avec les Noirs d'Afrique du Sud contre l'apartheid ; Premières Nations des Amériques (cas personnellement rencontré, peut-être nous lira-t-il et se reconnaîtra-t-il ?), etc. etc. Et faut-il n’avoir que ‘‘négationnisme !!!’’ à la bouche lorsque certain-e-s, y compris des enfants de survivants de l’horreur, disent non pas que la Shoah est une invention, non pas que la mémoire n'est pas nécessaire, mais que certaines utilisations de cette mémoire sont, pour tout dire, une insulte aux victimes ?

    [6] Dans une veine assez voisine, on se rappellera la désastreuse et contre-productive opération antifa de Lille contre le ‘vieux ML’ révisio-‘campiste’ limite ‘rouge-brun’ Michel Collon ; opération qui a suscité de la part du Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) une réaction cinglante dont bien des passages sont des coups de poignard pour les révolutionnaires antifascistes que nous sommes : http://www.legrandsoir.info/les-antifascistes-du-fuiqp-59-62-a-propos-de-la-curieuse-coordination-antifasciste-lille.html (désolés pour la source, 'rouge-brune' elle aussi, mais le FUIQP n'a pas de site propre).

    Michel Collon n'est pas un "conspi tendance dure", quelqu'un qui verrait un "cénacle mondial secret" (illuminati, juif ou autre) derrière toutes les "mauvaises choses" de la planète (on a ici un aperçu de sa position de fond sur le sujet). En réalité, issu du PTB (pro-Deng Xiaoping et très anti-soviétique à sa création en 1979...), il a suivi l'évolution "vieille-stal"/brejnévienne et "campiste" de cette organisation belge depuis la fin de la Guerre froide (la Chine elle-même, soumise à des "déstabilisations" - "Printemps de Pékin" etc., tournant alors le dos à son alignement pro-occidental des 15 années précédentes). "Orphelin" de l'URSS et des "démocraties populaires" disparues en 1989-91, il se fabrique à partir d'un agglomérat de pays (Russie, Chine, Iran et alliés, pays de l'ALBA avec bien sûr Cuba) un "nouveau camp de l'Est" (du Bien) de substitution qu'il oppose au "camp du Mal" occidental (relativement inchangé, quant à lui, depuis les années 1980 de Reagan & co). Autrement dit, il a une vision extrêmement binaire et simpliste d'un monde en réalité beaucoup plus complexe, ce qui l'oblige à invoquer les "(média-)mensonges", la "manipulation" et l’œuvre des services secrets occidentaux derrière tout ce qui ne rentre pas dans ses schémas d'analyse ou tout ce qui a deux aspects (comme typiquement les soulèvements populaires en Libye ou en Syrie, devenus guerres "atlantistes" contre ces pays) mais dont il ne veut voir qu'un seul. C'est donc une vision du monde révisionniste ("stalinienne" diront les anarchistes et les trotskystes) qu'il est utile et nécessaire de contredire et combattre... Mais encore faut il avoir (dans sa petite tête) le matériel idéologique pour cela, ce qui aurait (carrément, même) rendu l'opération "coup de poing" très intéressante. Ce n'était malheureusement pas le cas ; et se contenter de hurler au "Collon conspi", "Collon fasciste" etc. et d'étaler ses "accointances" avec tel ou tel spécimen plus gratiné que lui dans le conspirationnisme, sans lui apporter la moindre contradiction sur le fond, n'a eu qu'un effet contre-productif auprès des personnes de classe populaire (et souvent "non-blanches" !) présentes. La "Coordination antifasciste de Lille" s'est tout simplement montrée incapable de la moindre confrontation d'idées (qui aurait fait avancer la compréhension communiste du monde) avec le journaliste belge. Pourquoi la controverse, la polémique, n'ont-elles pas été assumées de la sorte ? "Parce qu'on ne discute pas avec les fascistes", nous disent-ils/elles. Ah d'accord... Mais alors, dans ce cas-là, depuis quand va-t-on dans un meeting fasciste pour y lire une déclaration puis (compter) s'en aller tranquillement ?? Les meetings fascistes s'attaquent casqués et armés de barres de fer !!! Bref, tout cela ne tient tout simplement pas debout ; et l'"antifascisme" dans ce style ne sert clairement pas la cause révolutionnaire.


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