• Le latifundio bolsonariste incendie l'Amazonie, l'impérialisme s'en mêle

    https://anovademocracia.com.br/noticias/11731-latifundio-bolsonarista-incendeia-amazonia-e-imperialismo-se-intromete

    Les 10 et 11 août derniers ont été proclamées "Journées du Feu", un acte politique des latifundistes [grands propriétaires agricoles] pro-Bolsonaro qui a dévasté les exploitations des petits paysans producteurs, et recouvert des régions entières du pays d'épais nuages de fumée.

    Dans une entrevue accordée au journal la Folha do Progresso, de l'intérieur de l’État de Pará, les latifundistes eux-mêmes ont déclaré que l'objectif était d'allumer des incendies de manière coordonnée dans diverses régions du pays en soutien au gouvernement. Mais spécifiquement, l'objectif était de détruire des forêts et des aires de préservation naturelle pour se les approprier, ainsi que pour justifier la militarisation de la région et étouffer la lutte pour la terre, réprimer les paysans en lutte pour la Révolution agraire.

    Les incendies ont dévasté la région du Pará, toute la région amazonienne et même jusqu'au Centre-Ouest et à la triple frontière avec la Bolivie et le Paraguay.

    Dans le Rondônia, le 13 août, le feu s'est étiré tout au long de la Ligne TB-14 et a atteint des dizaines de maisons, y compris le quartier de Galo Velho dans la municipalité de Machadinho do Oeste. Après que le feu ait pu être éteint, les paysans sont revenus sur place et y ont trouvé, en plus de leurs maisons et tous leurs biens détruits, une famille morte carbonisée...

    Ingérence impérialiste et latifundio

    Devant les répercussions internationales négatives, des dirigeants de pays impérialistes comme le président français Emmanuel Macron se sont sentis encouragés à s'ingérer dans les affaires internes du pays, et ont commencé à le menacer d'un boycott de l'agrobusiness et d'une rupture de l'accord commercial entre le Mercosur et l'Union Européenne, en raison des incendies.

    Qualifiant l'Amazonie de "notre bien commun", Macron s'est ainsi peint en “écologiste” tandis qu'il continue à piller les richesses naturelles des pays opprimés.

    Ces pays impérialistes européennes ne s'opposent pas à l'expansion du latifundio brésilien pour des raisons “humanistes”, mais bien par prétention coloniale à s'emparer des ressources naturelles de l'Amazonie à moyen et long terme.

    D'autre part, ils s'y opposent parce qu'à la suite des accords signés par les deux parties, la production des grandes exploitations brésiliennes aura un accès facilité au marché interne du Vieux Continent, ce qui pourrait ruiner les producteurs subventionnés français, base sociale importante dans la politique intérieure de ce pays.

    Au Brésil même, la division quant à ce qu'il faut faire traverse jusqu'aux rangs des latifundistes eux-mêmes. Une partie, liée à l'extrême-droite, fait pression sur le gouvernement pour aller de l'avant dans la destruction des forêts, afin de s'enrichir toujours plus aux dépens du Peuple et de la Nation ; tandis que d'autres importants représentants de cette classe, plus classiquement de droite, se sont positionnés contre par crainte des implications négatives pour les exportations.

    Le décret GLO en Amazonie

    Le 23 août, profitant de la situation et feignant de répondre à la pression internationale, le régime de Bolsonaro et des généraux a autorisé, à travers un décret de "Garantie de la Loi et de l'Ordre" (GLO), l'envoie de troupes des Forces Armées et d'autres forces fédérales pour soi-disant “combattre les incendies” dans toute la région amazonienne légale.

    À l'heure où nous publions, les troupes fédérales sont déployées dans les zones rurales des États d'Amazonas, Acre, Rondônia, Roraima, Mato Grosso, Pará et Tocantins. Le scénario de militarisation de la région met là aussi en alerte les paysans pauvres, en particulier ceux en lutte pour la terre.

    En Amazonie Légale se trouvent les deux États, le Pará et le Rondônia, où sont mortes le plus de personnes dans des conflits entre paysans et latifundistes au cours des dernières années.

    Sur les terribles incendies en Amazonie : A Nova Democracia


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  • maoc C'est cette fois vers un endroit bien connu des militant-e-s écologistes et anticapitalistes, Notre-Dame-des-Landes où la "zone d'aménagement différé" (ZAD) pour la construction de l'aéroport du "Grand Ouest" (voulue par le cacique local et ex-Premier ministre Jean-Marc Ayrault) est devenue "zone à défendre", que nous nous tournerons pour illustrer une nouvelle fois ce que nous avons exposé dans une étude de référence en deux parties (1 et 2) : la façon dont la "terre du commun" qui prévalait dans la société paysanne de "l'horrible et obscure" féodalité a été démantelée, dépecée par le "lumiéreux" et "progressiste" capitalisme (jusqu'en 1789 sous l'égide de la grande aristocratie de Cour, propriétaire "éminente" de communes entières, puis sous celle des "racheteurs" grands-bourgeois de ces droits de propriété "nationalisés") dans le but fondamental pour ce mode de production d'arracher la force de travail (la masse populaire des producteurs) à tout moyen de production et plus largement à tout moyen de subsistance autre que son salaire ("loyer" capitaliste de la force de travail), afin d'en faire sa "chair à usine". Ce processus fondamental pour l'accumulation capitaliste (de la fin du Moyen Âge à la fin du 18e siècle) et tout son développement ultérieur jusqu'à l'ère des monopoles et de l'impérialisme où nous nous trouvons, processus brillamment décrit par Marx dans Le Capital, est absolument INDISSOCIABLE de la construction concomitante des grands États modernes sous l'égide de l'absolutisme puis de la bourgeoisie par et pour elle-même ("révolutions" bourgeoises) et de la négation des Peuples annexés par eux (comme force laborieuse productive) à travers les siècles.

    [Lire : http://partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-changes-en-esclaves-salaries-pour-lindustrie-par-yasha-levine/]

    Des Peuples dont la conscience toujours renaissante (Notre-Dame-des-Landes comme les mobilisations de l'automne dernier, la question de la réunification administrative ou encore l'indignation contre les régulières marées noires qui frappent le littoral en offrent l'illustration pour le Peuple breton) n'est pas "autre chose" que la conscience de classe, avec laquelle il faudrait "gérer la contradiction" : la conscience de Peuple (et non "nationale", ce qui inclurait la bourgeoisie) C'EST la conscience de classe (ouvrière, paysanne, populaire) exprimée dans un cadre/contexte géo-historique donné ; et mener la lutte de classe à la victoire (révolution) c'est inévitablement comprendre ce cadre/contexte, donc avoir une conscience de Peuple. C'est bien pour cela que l’État, la Républiiiiique du Grand Capital née dans les boucheries de 1871, cherche à tout prix à l'étouffer ; que l'hystérie se déchaîne dès qu'il est question de la toute bourgeoise et inoffensive "Charte des Langues minoritaires", pourtant déjà ratifiée par de nombreux États européens (mais voilà, dans ces États elle ne concerne que de petites minorités localisées et largement "gérables", alors que la "France" matériellement n'est RIEN sans les Peuples qu'elle a annexés et brutalement soumis, le territoire de la monarchie qui l'a "faite" ne couvrant même pas la totalité de l'Île-de-France au départ !) ; ou encore que le gouvernement est prêt à toutes les contorsions "redécoupagières" pour ne pas rendre la Loire-Atlantique à la Bretagne ni créer de grandes entités administratives occitanes ; que les syndicats de régime organisent une pitoyable contre-manifestation de 2.000 tondu-e-s quand les ouvriers et les paysans bretons (et quelques petits patrons, en effet) se mobilisent en masse à Quimper en novembre dernier, etc. etc.

    L'article qui suit aborde de manière très documentée et instructive, donc, ce démantèlement de la "terre du commun" et de la "communauté solidaire villageoise" dont elle était le support par le capitalisme triomphant, sous l'Ancien Régime et au 19e siècle.

    Un processus consistant en une négation, la négation capitaliste de la féodalité certes (propriété éminente seigneuriale ou cléricale sur les terres et les populations) mais aussi de la communauté populaire solidaire et de sa propriété utile (souvent collective) sur les moyens de "production et reproduction des conditions d'existence" (ce que Rosa Luxemburg appelait l'économie naturelle). Aujourd'hui que le capitalisme a fait son temps est venue l'heure de la négation communiste du capitalisme et des ses États (appareils politico-militaires et idéologiques encadrant la force de travail) et, dans un sens, de la renaissance de la communauté populaire solidaire médiévale À UN NIVEAU SUPÉRIEUR qui est la société socialiste.


    L’usage des communs à Notre-Dame-des-Landes, d’hier à aujourd’hui


    Rien de plus méconnu que les landes dont les Bretons eux-mêmes ont pu observer la terrible régression et dont beaucoup se sont réjouis à force d’entendre qu’elles étaient à l’image de la misère à laquelle ils voulaient tourner le dos. Pourtant, les landes furent au cœur d’une agriculture inventive, généreuse, particulièrement durable. Centrées sur des usages collectifs, les pratiques traditionnelles apportent une précieuse contribution à la réflexion actuelle sur les biens communs.

    C’est pourquoi il convient de se réapproprier l’histoire du paysage et des hommes là où s’inventent de nouvelles façons de vivre et de travailler et tout particulièrement à Notre-Dame-des-Landes.

    La commune de Notre-Dame-des Landes n’a été constituée qu’en 1871 par démembrement de celles de Fay-de-Bretagne (deux tiers du territoire de la nouvelle commune) et d'Héric (un tiers). La paroisse existait depuis 1847 et affichait une population significative, qu’on peut estimer à plus d’un millier. En 1871, il y a 1785 habitants. C’est l’ensemble des communes situées autour de Notre-Dame-des-Landes qui sera pris en compte pour tenter de reconstituer la genèse du paysage.

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    La ZAD vers 1750 (carte de Cassini)


    La constitution des landes

    Comme on le sait, en dehors du littoral, les grandes landes ne sont pas des formations naturelles spontanées mais des formations « secondaires » nées des défrichements opérés dès le Néolithique aux dépens de la forêt. Toutefois, la lande existait ponctuellement par lambeaux, sur les sols acides et peu profonds, autour des petits affleurements rocheux. Quant à la forêt, elle n’avait pas l’aspect que nous donnent les boisements actuels ; elle pouvait être rabougrie, le feu et les grands mammifères y ouvraient des clairières et les castors y créaient des marais tandis que les arbres poussaient et mouraient dans le plus grand désordre. De plus, à certaines périodes de déclin démographique, des boisements ont pu reconquérir des terrains en lande ou en culture.

    On peut considérer que durant tout le Moyen Âge et jusqu’au XVIIIe siècle, les landes ne firent que s’étendre aux dépens de la forêt. Le besoin de terres à cultiver n’était pas la seule motivation : il fallait beaucoup de bois pour couvrir de multiples besoins allant de la construction à la micro-industrie en passant par la construction navale. De plus, les cycles de régénération naturelle des forêts fondés sur un équilibre entre les herbivores et leurs prédateurs ont été profondément perturbés : les forêts accueillent désormais des parcs où la haute noblesse élève des chevaux ou s’adonne à la chasse mais surtout des nuées de porcs qui ne consomment pas que des glands. Ce ne fut pas, bien sûr, un mouvement continu mais, l’appât du gain, les impératifs de la survie pour beaucoup et les désordres aidant, la forêt bretonne était réduite à sa plus simple expression et en fort mauvais état au début du XIXe siècle (5 % du territoire contre 13 % aujourd’hui). Ainsi, l’ancienne forêt d’Héric est, selon P.-H. Gaschignard « encore largement composée, au milieu du XVIIIe siècle, de terres vaines et vagues, frost et gas, landes bruyères et pâtures ».

    On peut penser qu’après avoir mis en culture un enclos de défrichement dans un espace forestier, on pouvait épuiser l’humus en quelques années et laisser cet espace appauvri évoluer vers une lande, le maintien de celle-ci étant favorisé par le pâturage extensif et la récolte de litière et de combustible. De plus, les bruyères secrètent des produits toxiques qui renforcent la stabilité du milieu dès lors que les éléments naturels et/ou les prélèvements par les hommes et le bétail ajoutent une pression supplémentaire.

    NDDL2L’évolution vers la lande et son maintien étaient aussi favorisés en Bretagne par les substrats de grès ou de quartzites et le lessivage des sols mis à nu ; les modifications chimiques qui interviennent alors dans le sol ne laissent plus pousser que des plantes adaptées telles que l’ajonc et les bruyères. À Notre-Dame-des-Landes et dans les environs, les pédologues notent la présence de sols compactés à pseudogley, saturés d’eau en hiver et s’asséchant facilement en été. On y trouvait donc plutôt des landes moyennement humides (mésophiles) à bruyère ciliée et ajonc nain.

    Les petites quantités de fumier disponibles ne pouvant être utilisées que sur des surfaces réduites, les défrichements de la forêt créaient donc aussi des landes. Les défricheurs, moines ou agriculteurs, devaient de plus acquérir une connaissance du terrain et repérer les espaces les plus favorables aux cultures et ceux dont il ne fallait pas attendre trop. De manière générale, les fermes ou les villages se sont installés sur les terrains les plus riches et la trame bocagère s’est étendue à partir du noyau initial où l’on avait « mis en défens » un premier jardin et un premier champ, les landes occupant finalement les confins du territoire. Mais il ne faut pas se représenter les landes telles qu’en général elles nous apparaissent aujourd’hui, par exemple dans les monts d’Arrée ; ce n’était pas forcément des étendues totalement dépourvues d’arbres et les usages créaient sûrement une très grande hétérogénéité.

    Néanmoins, les surfaces étaient telles que les voyageurs s’en effrayaient. Toussaint de Saint-Luc, vers 1664, ne voit que « des landes désertes » sur dix-huit lieues (60 km environ) entre Nantes et Rennes ; Edmond Richer s’exclame, un siècle et demi plus tard, en passant entre Treillières et Blain « vous ne pouvez rien vous figurer d’un aspect plus sauvage que ces vastes bruyères qui s’étendent sous vos yeux, à perte de vue ».

    Les usages traditionnels

    Contrairement à ce que firent nombre d’agronomes à partir du XVIIIe siècle, les agriculteurs n’opposaient pas des « landes stériles » à « des terres productives » tant ils étaient convaincus de la complémentarité de ce qu’ils appelaient les « terres froides » et les « terres chaudes ». À leurs yeux, une bonne ferme devait obligatoirement comporter un espace de landes proportionné à celui des espaces labourables et des prairies : « la meilleure propriété qui n’en posséderait pas une certaine étendue, ne trouverait pas de fermier dans le pays » écrit en 1864 J.-C. Crussard qui fut directeur de la ferme-école de Trécesson en Campénéac et président du comice agricole de Ploërmel.

    Les principaux usages étaient le pâturage et la coupe de la végétation (« fauchage, litiérage et paccage » selon certains actes) pour faire du fumier (fumier produit dans les étables ou dans les cours et les chemins où l’on étendait la litière et tous les débris végétaux récupérables). De manière sans doute plus systématique au nord de la Bretagne qu’au sud, on pratiquait l’écobuage. Après une fauche, on arrachait les mottes de terre et de racine dont on faisait des tas en « fourneaux » que l’on brûlait, les cendres étendues permettaient une culture de seigle ou de blé noir pendant trois à cinq ans avant que la parcelle retourne à la lande, souvent, dans un premier temps, sous la forme d’une parcelle d’ajonc semé. Le Dictionnaire du patois du canton de Blain rédigé par Louis Bizeul vers 1850 indique que l’écobuage se fait sur des landes de petite étendue (et avec un outil nommé « écobue » qui ressemble à une large tranche ». Les branches d’ajoncs mais aussi les mottes arrachées au sol et séchées, pouvaient servir de combustible. La Statistique du département de la Loire-Inférieure parue en 1801 signale que l’écobuage est pratiqué dans l’arrondissement de Paimbœuf et qu’ailleurs on laisse parfois « reposer les champs plus de deux ans, et on brûle sur place les genêts ou la bruyère dont ils sont couverts » ; cette pratique qu’on doit plutôt nommer brûlis est notée par Jean Bourgeon à Treillières « on recouvre la surface du champ de plantes sauvages ramassées dans les landes ; on y met le feu qui brûle toute la nuit, puis le lendemain on sème sur les cendres qui apportent au sol un peu de potasse et de soude ». Les Usages locaux et règlements du département de Loire-Inférieure paru en 1861 ne disait cependant plus un mot de cette pratique originale sans doute très résiduelle alors qu’il parle de l’étrépage. La pratique ancienne de l’écobuage n’en reste pas moins inscrite dans la toponymie comme l’atteste l’Écobut à Héric.

    La molinie, les fougères, les genêts avaient aussi de multiples utilisations (litière, protection, etc.). En fait, toujours d’après Louis Bizeul, le défrichement d’une parcelle est nommé « un béchis » et il se fait collectivement avec l’aide de 30 à 40 voisins qui « travaillent en chantant » et qu’on « régale d’un veau gras et d’une barrique de cidre ». On voit que l’opération, quoiqu’apparemment moins ritualisée qu’en Finistère, en présente le caractère festif et gratuit.

    Jusque dans les années 1960, là où restaient des landes ouvertes ou sous pinède quand ce n’était pas simplement au bord des talus, on coupait les végétaux avec une étrèpe, principalement en hiver, afin de faire de la litière pour le bétail, parfois aussi pour l’étendre dans les cours et les chemins où la macération formait des boues (nommées « marnis ») que l’on mettait dans les champs au printemps.

    De très nombreux témoignages soulignent l’importance d’un outil généralement nommé « étrèpe » pour faucher la litière. En 1851, dans son livre Les derniers paysans, Émile Souvestre (1806-1854) évoque, au Gâvres, à proximité de Blain, « l’étrêpe, faulx recourbée avec laquelle ils coupent dans les bois la litière de leurs étables ». De même, dans son récit « La femme blanche des marais » paru en 1878 dans les Contes de Bretagne, Paul Féval (1816-1887) qui a vécu à Glénac, écrit « Un homme surtout éveillait ses soupçons. C’était un éterpeur de landes d’assez méchante renommée, qui demeurait au bourg Saint-Vincent. » Et il précise : « On nomme éterpe ou étrèpe dans le Morbihan, une sorte de hoyau plein et tranchant, avec lequel les paysans tondent les landes ». On trouve des étrèpes mentionnées dans des inventaires après décès du XVIIIe siècle à Fay-de-Bretagne. Toutefois, la diffusion du terme et de l’objet déborde au-delà de la partie gallèse de la Bretagne puisqu’on trouve des « étrêpes » dans des inventaires en 1681 et 1693 à Mendon (entre Auray et Lorient), et « deux estrèpes à couper [la] lande » en 1674 à Surzur. Jean-Pierre Roullaud nous a décrit une « étrèpe » utilisée jusque dans les années 1960 à Guenrouët pour couper la litière et se présentant comme un triangle scalène (trois côtés inégaux) emmanché à l’angle des deux plus petits côtés. Dans un secteur tout proche, du côté de Moisdon-la-Rivière, Isabelle Paillusson nous a fait découvrir la « vouge », sorte de houe coupante, plus large (30 cm) que haute (15 cm), au manche centré et perpendiculaire. Le mot vouge désigne habituellement une serpe sur un long manche.

    L’Écomusée Rural du Pays Nantais qui est installé à Vigneux-de-Bretagne nous a communiqué un très bel ensemble de photographies des étrèpes conservées dans les écomusées du département et on voit qu’elles correspondent aux descriptions rassemblées, confirmant la belle diversité des formes et l’ingéniosité des forgerons.


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    Le vouge (photo Isabelle Paillusson)

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    L’étrèpe (écomusée de Fay-de-Bretagne)


    Les landes attaquées

    Sous l’Ancien régime, le territoire de l’actuelle commune de Notre-Dame-des-Landes et de ses environs appartenait pour l’essentiel aux seigneurs de Rohan (marquisat de Blain), au domaine royal (châtellenie du Gâvre), à divers aristocrates et à des roturiers pour une part grandissante au fil du temps. Depuis le XVIe siècle (1549), on dispose d’actes d’afféagement par lesquels ces propriétaires autorisaient, moyennant une rente annuelle, le défrichement de bois ou de landes. Ces opérations menées sur de petites surfaces et au coup par coup peuvent même s’achever par abandon de la parcelle et ne posent généralement pas de problème. Certains contrats qui ne portent que sur le droit de faucher « privativement » interdisent de clore et il ne peut donc s’agir d’un défrichement. On note d’ailleurs qu’il existe des cas d’afféagements collectifs par lesquels il est possible de garantir la jouissance commune, tel celui accordé en 1774 par le duc de Rohan à soixante laboureurs pour utiliser ensemble les landes des Grands Mortiers à Héric qui resteront « vagues à perpétuité ». En effet, la question se pose de façon beaucoup plus conflictuelle au XVIIIe siècle, quand, par vagues successives associées aux décisions facilitatrices du Roi ou du Parlement de Bretagne, des opérations plus ambitieuses sont engagées et mettent en cause l’usage collectif des landes. De nombreux procès sont engagés et parfois gagnés, imposant le déplacement de certains afféagements « trop gênants pour les habitants des villages voisins » (en plus de supprimer des espaces de pâturages, les clôtures empêchent l’accès à des points d’eau ou des chemins). Des procédures collectives remettent même en cause de vieux afféagements conclus depuis 40 ans au nom d’actes passés cent ans plus tôt (on a le cas en 1778 pour des landes autour de la Rolandière et de la Villeneuve). Quand le problème est trop brûlant les paysans s’assemblent et mettent à bas les nouveaux talus comme à Héric en 1773.

    Même si l’argument a été rapidement balayé par le rationalisme triomphant et les dures lois du marché, notons que le droit au pâturage sur les « terres vaines et vagues » était quasiment sacré et qu’au XVIIIe siècle encore, il s’est trouvé autour de Nantes de pieux aristocrates pour interroger leur confesseur sur la faute que pouvait constituer le défrichage et donc l’afféagement qui y conduisait quand il privait les pauvres de leur accès à des pâturages. En effet, la Très ancienne coutume de Bretagne (rédigée entre 1312 et 1325) stipulait que les choses qui ne « peuvent point porter de profit à ceux à qui les choses sont » mais qui pourraient profiter à d’autres sans nuire au possesseur, ne devaient pas être empêchées « car ce serait péché ». Un groupe de confesseurs rédigea à ce sujet un état de ses interrogations pour les soumettre au barreau du Parlement de Bretagne. Lequel répondit que le seigneur devait avant toute chose opérer un « triage », opération qui permet au seigneur de se réserver une fois pour toutes un tiers des communs et d’en disposer à sa guise.

    C’est dans ce contexte que l’abbé Renaud, curé de Treillières, prit en 1752, la défense de ses paroissiens en recopiant les actes établissant leurs droits et que son neveu participa en 1786 à la destruction de talus et aux procès qui s’ensuivirent. Dans ce cas, comme dans d’autres, les procès traînent assez pour qu’on retrouve les réclamations dans les cahiers de doléances. Celui de Treillières indique que « le seigneur a fait renfermer une infinité de landes et communs ce qui est contraire à nos possessions et notre aisance ». À Héric, on demande que les « vagues et landes » qui ont été afféagés par le Roi reviennent aux vassaux, c’est-à-dire aux paysans riverains. À Fay-de-Bretagne, on reste très modéré puisque l’on se contente de demander que les « biens restent communs entre les seigneurs et nous », on réclame toutefois de ne plus payer de rente pour ce qui a été afféagé.

    Une grande hésitation va marquer la période révolutionnaire quant au devenir des landes : la Révolution hésite entre la défense des pauvres qui souhaitent conserver les usages collectifs et celle du progrès associé à l’idée de propriété individuelle.

    Les landes dépecées

    La commune de Fay-de-Bretagne, qui totalise 9 000 ha vers 1840, compte 3 800 ha de landes et taillis et dans la quasi-totalité des communes des environs, on trouve entre 30 % et 40 % de la surface communale en landes. Mais à la même époque, le curé de Treillières note que l’on a défriché 500 ha dans sa paroisse en quatre ans. La commune y possédait 1 000 ha de landes dont elle avait conservé l’essentiel, se contentant de louer quelques petits morceaux ou de faire payer ceux qui avaient bâti leurs masures et défriché un bout de terrain. Comme l’écrit Jean Bourgeon, « le mitage des landes évolue au gré de la dette municipale ». Mais ce n’est qu’un mitage car au début du XIXe siècle l’agriculture manque encore de bras. L’Empire et ses guerres ayant disparu, la situation change et certains villages ressortent leurs vieux actes établissant leurs droits, demandes des parages, invoquent le progrès. On fait des procès, on tergiverse, on régularise les empiètements des nombreux miséreux qui bâtissent leurs cabanes au bord des chemins et se font un jardin. Les besoins de la commune augmentant et chacun pouvant avoir sa part ou sa miette dans le cadre des partages qui sont doucement engagés, les landes communales sont démembrées entre 1837 et 1850. À Héric, c’est en 1838 que s’est fait le partage des landes des Grands Mortiers. Malgré le coût de l’enquête fastidieuse où chacun apporte son témoignage sur ce qu’a connu son grand-père et recherche sur le terrain des marques d’une limite (arbre, mare, chemin…), les terrains sont attribués de telle sorte que chacun semble y trouver son compte et que, dans de nombreux cas, on pourra fixer le nouvel état des lieux dans le premier cadastre communal.

    Les lois votées à partir de 1850 pour faciliter les partages et la « mise en valeur », tant attendues par nombre de propriétaires dans le reste de la Bretagne, ne concernent plus qu’un faible espace (il n’y a plus que 23 ha à partager en 1869 dans les landes de Parignac à Fay-de-Bretagne). En fait, la Loire-Atlantique a bénéficié de trois éléments incitatifs : une classe de riches propriétaires se détournant du commerce avec l’Amérique pour investir dans la terre, des exemples réussis dans le domaine de Grand-Jouan à Nozay autour de l’agronome Jules Rieffel ou de l’abbaye de Melleraye, de la découverte des pouvoirs fertilisants du « noir animal », sous-produit de l’industrie sucrière qui résout le problème des engrais en attendant l’arrivée des nitrates du Chili. Mais le mouvement est lancé et sous l’impulsion de nombreux propriétaires, on crée même de nouveaux villages (le nom de Solférino, une bataille gagnée en 1859, qui apparaît à Blain a son pendant dans les landes de Gascogne).

    Il s’est donc bien agi d’opérations de partage menées sur de grandes surfaces en un temps relativement court qui explique le dessin très géométrique du parcellaire agricole. Les haies sont plantées pour marquer les propriétés autant que pour empêcher le bétail d’aller dans les cultures. Il faut rapporter ici une pratique notée à Fay-de-Bretagne par Per Bihan : « la pousse ou repousse des jeunes haies sont protégées de l’appétit des bestiaux par aspersion d’excréments d’animaux, à l’aide de petits balais en genêts ». On pratique le plessage, une très ancienne technique de création et d’entretien des clôtures maîtrisant et utilisant la dynamique végétale des haies vives pour les rendre plus hermétiques. Les landes ne furent pas totalement détruites car les agriculteurs eurent longtemps besoin de litière. Ils continuèrent à semer de l’ajonc pour nourrir les chevaux jusqu’au milieu du XXe siècle. Michel Tarin, né en 1938 et agriculteur à Chavagnes dans la commune de Treillières, raconte que son père allait du côté de Châteaubriant (soit une cinquantaine de kilomètres) acheter des graines d’ajonc.

    Le défrichement des landes a donné naissance à un milieu original, un bocage sur zone humide mis en place par les ancêtres des agriculteurs que la folie de notre époque veut chasser. Ce bocage est caractérisé par la présence de petites prairies, non amendées et non drainées, de talus non enrichis et plantés de haies anciennes, de ruisseaux non recalibrés et d’un réseau de mares diversifiées d’une grande densité. On notera que les talus sont en partie des « conservatoires » de l’ancien paysage dans la mesure où ils ont été construits en creusant les fossés qui les bordent. Toutefois, ils sont plus secs et la bruyère cendrée y est donc plus présente que la bruyère ciliée qui marquait les grandes landes originelles. On voit que l’histoire du paysage est complexe mais que ses nouvelles pages n’effacent jamais tout à fait les précédentes (sauf à les arracher toutes pour écrire une page bâclée de l’histoire de l’aviation).


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    Des Naturalistes en lutte à la recherche de la Gentiane pneumonanthe


    Sauvons les dernières landes

    En Loire-Atlantique, on part, selon certaines estimations souvent citées, d’environ 300 000 ha de landes au début du XIXe siècle. Toutefois, si l’on se réfère à la méticuleuse Statistique du département de la Loire-Inférieure publiée par Jean-Baptiste Huet de Coëtlizan (1769-1823) en 1801, on ne trouve que 133 632 ha, soit 20 % de la surface totale (marais et prairies sont comptés à part et le total des « incultes » est 161 127 ha). D’ailleurs, cette estimation concorde avec les 100 000 ha de 1844 donnés comme le « premier chiffre fiable » par René Bourrigaud. L’actuel inventaire départemental des espaces naturels compte 1,4 % de « landes et fourrés » soit un total 9 782 ha, sachant qu’en fait on ne connaît que cinq sites de landes (dont trois littoraux) un tant soit peu significatifs mais qui ne doivent pas totaliser beaucoup plus de 200 hectares à eux tous, le plus étendu et le mieux conservé se situant sur le plateau du Landonnais à Grand Auverné. La base Corine Land Cover donne d’ailleurs le chiffre de 624 ha pour les « landes et broussailles ». La botaniste Aurélia Lachaud qui a longuement parcouru le département résume bien la situation quand on l’interroge : « les landes de grande surface sont quasi inexistantes à part sur les coteaux du Don (à Grand-Auverné et Moisdon). Sur le littoral les plus belles landes étaient à Préfailles mais aujourd’hui ce sont en grande majorité des fourrés à ajonc. Le reste des grandes surfaces se trouvent sous pinède dans des états plus ou moins relictuels. Sinon il reste des mouchoirs de poche qui chaque année régressent faute de gestion appropriée ».

    C’est dire que chaque parcelle de lande à bruyère est précieuse en Loire-Atlantique et que les deux hectares qui subsistent en plusieurs petits éléments à Notre-Dame-des-Landes sont les derniers témoins du paysage dominant il y a deux siècles. Leur caractère patrimonial ne fait aucun doute. Si ces landes sont à protéger, c’est pour des raisons proprement humaines et culturelles, car c’est dans sa diversité que la nature joue un rôle essentiel dans notre expérience sensible du monde et dans l’enracinement qui nous permet de prendre la mesure du monde.


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    Coussinet de sphaigne dans une des landes humides de Notre-Dame-des-Landes


    Les communs au cœur du débat

    Pendant des siècles, les landes ont fait l’objet d’usages collectifs. Des conflits ont éclaté chaque fois que des individus ont voulu, d’une manière ou d’une autre, déroger aux usages qui assuraient l’équilibre général et, en particulier, basculer dans l’appropriation privative. Il a fallu plus de deux siècles pour imposer la privatisation des landes communes.

    La philosophie de ce partage est bien résumée par le premier préfet d’Ille-et-Vilaine, Nicolas-Yves Borie, qui écrivait en 1801 que « l’état de communauté entraîne la destruction ». C’est à peu de choses près la thèse qu’a défendu en 1968 le biologiste Garrett Hardin (1915-2003) dans la revue Science sous le titre « La tragédie des communs » (The Tragedy of the Commons). L’idée de Garrett Hardin est que « les communs » (qui pour lui intègrent les zones de pâturage mais aussi les parcs publics, les réserves naturelles ou la sécurité sociale) font l’objet d’une surexploitation par chaque individu aux dépens des autres afin de maximiser son profit. Seul le régime de la propriété privée est aux yeux de l’écologue américain en mesure de préserver la durabilité des ressources. La polémique ouverte par ce texte qui apportait de l’eau au moulin néolibéral en construction est au cœur d’un débat toujours actuel. Il a, en effet, contribué à relancer la réflexion concernant les communs voire, depuis quelques années, « le commun », incluant aussi, par analogie, le champ d’Internet. De très nombreux auteurs appuient leur réflexion sur le mouvement des enclosures en Grande-Bretagne qui a marqué la pensée économique, sociale et politique depuis le XVIIIe siècle. Même un ouvrage récent comme Commun, essai sur la révolution au XXIe siècle écrit par le philosophe Pierre Dardot et le sociologue Christian Laval, ne cite aucun exemple français.

    On aura compris, espérons-le, qu’il y a, dans l’histoire des landes de Bretagne et dans celle qui s’écrit aujourd’hui sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, la matière pour mieux appréhender le fonctionnement d’autres modèles sociaux que ceux qui font la part belle à un État tout-puissant ou à un marché totalement libéré. C’est ce que suggérait récemment Grégory Quenet (Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?) quand il affirmait que « la gestion collective offre de nombreux exemples historiques d’une gestion soutenable plus efficace que la propriété privée ». Un procès fait en 1698 par les usagers des landes communes de Lanveur à Languidic contre un accapareur illustre parfaitement le fait que l’usage des communs relève essentiellement d’un droit non-écrit et se fonde sur un savoir-vivre populaire qui est le meilleur gardien de la durabilité du patrimoine commun. Les « pauvres de la paroisse » ne sont pas d’égoïstes rapaces qui raclent jusqu’à la roche les maigres landes dont ils peuvent disposer ; bien au contraire, ils les défendent contre ceux qui veulent y arracher des mottes alors qu’elles ne peuvent supporter que la fauche et le pâturage. Ils sont en fait les gardiens du système menacé par un individu qui, précisément, fonde son pillage irréversible en invoquant le droit du propriétaire du sol. Le commun, c’est d’abord une volonté de vivre ensemble, d’avoir un avenir et de renforcer périodiquement les liens des hommes entre eux, par exemple dans le cadre de fêtes autour de travaux collectifs. Cette expérience séculaire devrait alimenter la réflexion de ceux qui vont continuer à vivre sur la ZAD.

    François de Beaulieu

    15 mai 2014

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    Le coupeur de litière et le réparateur de parapluie. Lucien Pouëdras, 2006.


    Bibliographie

    BEAULIEU (de), F., Pouëdras, L., 2014, La Mémoire des landes de Bretagne, Skol Vreizh (sous presse).

    BIHAN, P., 1997, Contribution à l’histoire de Fay-de-Bretagne, s.e.

    BIHAN, P., 2001, Faouell, contribution à l’histoire de Fay-de-Bretagne, s.e.

    BOURGEON, J. 2012, Treillières, un village au pays nantais, Coiffard.

    BOURGEON, J., 1986, La vie est dans le pré, portrait d’une commune rurale avant et pendant la Révolution [Treillières], éditions ACL.

    BOURRIGAUD, R., 1994, Le développement agricole au XIXe siècle en Loire-Atlantique, Centre d’histoire du travail de Nantes.

    COLOMBEL, H., 1828, ‎Mémoire sur les Terres vaines et vagues de la ci-devant Province de Bretagne, rédigé dans l’ordre des questions qu’avaient posées la société académique de Loire-Inférieure‎, Mellinet-Malassis.

    DARDOT, P., LAVAL, C., 2014, Commun, essai sur la révolution du XXIe siècle, La Découverte.

    GASCHIGNARD, P.-H., 1996, Héric pendant la Révolution 1789-1799, Les Amis de l’histoire d’Héric.

    GASCHIGNARD, P.-H., 2000, Héric, des origines à la Révolution, Les Amis de l’histoire d’Héric.

    HUET DE COËTLIZAN, J.-B., 1801, Statistique du département de la Loire-Inférieure, Impr. des Sourds-muet

    LEBRETON, M.-A., 1998, Notre-Dame-des-Landes, naissance et vie d’une paroisse, s.e.

    MAHEUX, H., 2004, « Champs ouverts, habitudes communautaires et villages en alignements dans le nord de la Loire-Atlantique : des micro-sociétés fossilisées dans l’Ouest bocager », In Situ, 5.

    QUENET, G., 2014, Qu’est-ce que l’histoire environnementale ?, Champ Vallon.

    SIBILLE, A., 1861, Usages locaux et règlements du département de Loire-Inférieure, Merson.

    Ce travail n’a été possible que grâce à Yves Riou et Marie-Ange Lebreton qui ont rassemblé toutes les monographies locales et tous les Naturalistes en lutte qui ont bien voulu apporter des contributions.


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  • 1313982-corridaComme chaque été les grand-messes "populaires" se succèdent d'un bout à l'autre de l'Occitanie, dans les villes "à arènes", autour de manifestations tauromachiques dont la principale et plus connue est bien sûr la corrida, la course "espagnole".

    Ce "sport" consistant en la mise à mort d'un animal sans défense (mais qui soi-disant "aurait sa chance" sous prétexte qu'il pèse tout de même une demi-tonne de muscles et que des toreros sont parfois encornés) est régulièrement présenté par l'aile droite de l'idéologie francouille comme un "sympathique" folklore emblématique de "nos terroirs" méridionaux, et par son aile "gauche" comme la preuve que nous sommes de gros "beaufs", des culs-terreux arriérés et réactionnaires aux "traditions" barbares.

    Tout cela, qu'il s'agisse de l'Occitanie ou des pays ibériques dans lesquels la pratique trouve son origine, ne tient cependant pas la route devant la plus petite analyse historique marxiste du phénomène.

    La réalité c'est que :

    - Depuis des temps immémoriaux existent en Occitanie des jeux taurins tels que la course landaise ou la course provençale "à la cocarde", les lâchers de vachettes dans les rues des villages (abrivadas) etc. etc., "combats" symboliques entre l'homme et le puissant bovin n'impliquant pas la moindre mise à mort de ce dernier, surtout lorsque l'on a à l'esprit la valeur que pouvait représenter cet animal dans la société rurale d'il y a encore un ou deux siècles. Il s'agit là d'un héritage du culte solaire de la Haute Antiquité (le taureau étant associé au Soleil, lui-même associé à la nature et au vivant en général), répandu dans toute la Méditerranée (on pense par exemple à la Crète minoenne), notamment chez les Ibères et les Ligures qui sont nos ancêtres (et non "les Gaulois" comme nous l'enseigne l'école de la Républiiique). C'est l'idée de "jeu égal" entre lo rasotaïre et lo buòu, de conflictualité mais aussi de complémentarité entre l'être humain et la nature (symbolisée par la bête) qui prédomine. Certes, nonobstant de fréquentes et cuisantes blessures, l'homme finit généralement par triompher car il a moins de puissance musculaire mais plus de capacité cérébrale de résolution de problèmes, d'anticipation et d'astuce. Mais il n'est pas question pour autant d'exprimer un suprématisme barbare sur l'animal (et la nature) et le mettant à mort pour le seul plaisir de voir le sang couler : dans la société où naît la "tradition" de la course taurine, on sait encore que l'écosystème n'est pas la propriété de l'espèce humaine mais l'inverse.

    002

    - La même chose se retrouvait bien évidemment dans la péninsule ibérique voisine. Cependant, à partir des derniers siècles du Moyen Âge (lorsque se consolide l'État moderne "espagnol") se développe la pratique de la corrida à cheval avec mise à mort, comme "joute" aristocratique censée montrer la "valeur chevaleresque" et la supériorité de l'homme sur l'animal et la nature, "valeur" qui émerge et se développe en même temps que les progrès du capitalisme et de la technique dans le cadre du "stade suprême" absolutiste de la féodalité. Il va de soi qu'une telle pratique n'avait pas sa place dans la lumineuse civilisation d'Al-Andalus (où se pratiquaient par contre, bien sûr, des jeux taurins comme au nord des Pyrénées, notamment ce qui deviendra la capea d'où provient la pratique de "leurrer" l'animal avec une pièce de tissu) ; pas plus d'ailleurs que dans celle d'Aragon-Catalogne-Òc ni dans l'Aquitaine des ducs-trobadors des 11e-13e siècles ; mais qu'elle relève bien au contraire de ses féroces annihilateurs, la grandeza castillane construisant l'"Espagne" à son image.  

    La corrida prend alors solidement place dans la culture "espagnole" des élites du nouvel État, reflétant l'esprit "viril" et "conquérant" qui anime celles-ci et dont les indigènes et autres esclaves africain-e-s font parallèlement la sinistre expérience outre-Atlantique, comme avant eux les Moros et autres Juifs d'Andalus. On tue (mata -> matador) le taureau comme on tuait le Maure (matamoro -> "matamore") et l'on tue le "sauvage" du "Nouveau Monde", le "païen" et l'"hérétique" en général dans un État qui se veut le glaive de la foi catholique apostolique romaine (bien que pour le coup l’Église tente de limiter la pratique, qui rappelle un peu trop les jeux de cirques de la Rome païenne). Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si, comme tout-e un-e chacun-e le sait, la terre de prédilection de la corrida est l'Andalousie "re"-conquise, annexion première et fondatrice de "l'Espagne" où règnent un système et une culture coloniale très spécifiques (masses populaires autochtones et grande propriété terrienne castillane implantée à la place de la féodalité maure), baignant dans cet esprit de "conquête" dont nous avons parlé et que les masses vont chercher à imiter en "réaction". Le petit Portugal voisin tend à copier la pratique, d'autant plus qu'il fait partie du Royaume d'Espagne de 1580 à 1640 ; dans la corrida portugaise cependant l'animal est tué hors de l'arène et des regards du public.

    Anales de la plaza de toros de Sevilla 1730-1835 - portadaLe "loisir" se "démocratise" donc ensuite à partir des 17e-18e siècle dans une logique de massification de l'idéologie "espagnole" (société civile gramscienne), comme "emblème" de la culture "nationale" : la corrida à pied semble trouver ses origines (dès le 16e siècle) dans les abattoirs de Séville, comme "copie" populaire aliénée de la pratique aristocratique ("spectacle" dont était bien sûr exclu le petit peuple à cette époque). C'est en Andalousie (à Ronda) qu'en 1752 le torero à pied Francisco Romero "invente" la muleta (il ne fait en réalité que reprendre la pratique populaire de la capea) et demande à tuer lui-même le taureau d'un coup d'épée dans l'échine (estocade), donnant naissance à la corrida "moderne" : le picador à cheval passe au second plan et la mise à mort par estocade devient l'objectif en soi du "spectacle". À cette même époque la corrida est déjà largement devenue un opium pour les masses aliénées, au point d'engendrer de nombreux débordements dont les autorités s'émeuvent ; tandis que paradoxalement l'aristocratie qui en est à l'origine s'en désintéresse peu à peu. On a finalement là un peu le même phénomène qu'avec le football, inventé et pratiqué au 19e siècle dans les écoles d'élite de la haute société britannique puis devenu (en Angleterre comme dans le monde entier) une grande bacchanale "populaire" que la bourgeoisie fait mine de mépriser... tout en étant bien contente des milliards de profits qu'il génère et (surtout) de l'abrutissement de masse dont il est l'instrument. Bien que souvent issus de milieux populaires (ouvriers agricoles voire Gitans), les toreros à pied (matadores) étaient et sont généralement des gens conservateurs, réactionnaires, souvent franquistes sous ce régime. Par ailleurs le prix des places en arène (en "Espagne" comme en Occitanie), aujourd'hui encore, tend aussi à montrer que la "démocratisation" a ses limites et que la tauromachie veut garder un certain caractère "élitiste".

    - En Occitanie, il n'existe pratiquement aucune corrida d'aucune sorte avant le 19e voire le 20e siècle [on signale des édits royaux d'interdiction en Gascogne, sur injonction de l'Église, au 17e siècle mais on ne sait pas bien s'il s'agissait de corridas "espagnoles" (influence d'outre-Pyrénées) ou de courses gasconnes (sans mise à mort) combattues par le clergé comme pratique "païenne"]. Il s'agit d'une complète importation dans le but 100% capitaliste de créer de toute pièce un "folklore local" lucratif en jouant sur la proximité de la péninsule ibérique, son influence culturelle historique sur notre pays et le terreau (supposément) "favorable" de la culture des jeux taurins. Ce serait à l'origine l'impératrice Eugénie de Montijo (comtesse castillane épouse de Napoléon "Badinguet" III... notre bourreau de 1851 !) qui aurait importé le "spectacle" au milieu du 19e siècle avec toute une flopée d'autres modes "espagnoles", à l'époque où nos Terres d'Òc commençaient également à devenir (chemin de fer aidant) la grande destination touristique qu'elles sont restées (l'impératrice elle-même "lançant" Biarritz et le "Sud-Ouest") : les deux phénomènes se sont combinés pour engendrer ce qui s'appelle tout simplement un marché. Mais ce n'est encore pas avant la première moitié du siècle suivant qu'apparaissent la plupart des ferias sous la forme que nous leur connaissons aujourd'hui. C'est Nîmes qui "ouvre le bal" à la fin du 19e siècle avec une longue bataille juridique de plusieurs décennies, marquée par la figure de l'avocat et manadier (grand propriétaire d'élevage) camarguais Bernard de Montaut-Manse qui voit là (à juste titre) matière à une juteuse rentabilisation des troupeaux, en mode "l'Espagne près de chez vous" pour le bourgeois venu de tout l'Hexagone, et qui met misérablement en avant la "méridionalité" contre "Paris" où la SPA faisait (déjà) pression sur le gouvernement pour qu'il interdise le sordide spectacle. C'est arene nimes6Blui qui arrache en 1921 un premier jugement en faveur de la corrida avec mise à mort, débouchant 30 ans plus tard (1951) sur la notion de (soi-disant) "tradition locale ininterrompue".

    Voilà qui en dit long sur le mariage de grande notabilité locale (et "localiste"), voire de grande propriété foncière (bien à droite comme il se doit, la plaine camarguaise étant historiquement un bastion "blanc" réactionnaire) et de "loisir"-business capitaliste qui sous-tend la chose ; comme d'ailleurs tout le Disneyland touristique "couleur locale" que le capitalisme BBR a fait de nòstra Occitània et de toutes les terres provincialisées de son entité "France"... Malheureusement, beaucoup de gens croient que mettre en avant ce genre d'équivalents (culturels et de classe) provinciaux de la bourgeoisie compradore et de la féodalité terrienne semi-coloniale est une "affirmation occitane", une manière d'affirmer notre Peuple nié contre l’État négateur ; alors que ce sont en réalité des boulets qui permettent au système-"France" de nous maintenir emprisonnés malgré des siècles de résistance infatigable !

    Les Fêtes de Dax (ville thermale déjà très touristique) se développent vers la même époque (les arènes actuelles sont construites en 1912-13), dans la foulée de "l'effet Eugénie" et dans le cadre d'une foire agricole - quant à elle - immémoriale (avec traditionnellement des courses gasconnes), tout comme celles de Mont-de-Marsan, tandis que celles de Bayonne n'apparaissent qu'en 1932 (il n'y a pas en Gascogne, en revanche, de grands élevages et les taureaux viennent généralement de la vallée de l'Èbre, outre-Pyrénées). Pour dire combien est "immémoriale" la "tradition" de la corrida en Occitanie, l'Union des Villes taurines françaises s'est constituée à la date antédiluvienne de... 1966.

    Extirper la corrida de nos Terres d'Òc ne signifie donc nullement aller contre une "tradition ancestrale", mais bien contre une pure machine-à-fric "folklorique" totalement transplantée ; a fortiori lorsque l'on peut mettre en avant une tradition locale vraiment ancestrale (celle-là) de jeux taurins sans mise à mort, célébrant symboliquement l'unité relative des contraires (contradiction mais aussi complémentarité, indissociabilité) entre l'être humain et le reste du vivant, et non la  la-corrida-est-une-torturedomination brutale de la nature symbolisée par des heures de torture s'achevant sur un assassinat pur et simple (logique qui ne peut conduire qu'à la disparition de l'espèce humaine).

    Dans l’État espagnol et au Portugal (ainsi que dans les pays hispaniques d'Amérique où elle a été exportée), en finir avec la corrida sera une conséquence de la lutte victorieuse contre une bourgeoisie de nature particulièrement aristocratique et oligarchique. La corrida n'y est d'ailleurs pas plus qu'ici une tradition "ancestrale" (comme d'ailleurs aucune tradition nulle part) : elle n'est que le produit et le reflet d'un processus historique, en l'occurrence celui de l'affirmation du capitalisme (avant son triomphe total aux 19e-20e siècles) dans le cadre de la féodalité absolutiste. Nier le résultat historique de ce processus (les systèmes capitalistes "espagnol" et portugais avec leurs États respectifs et les États semi-coloniaux compradores d'Amérique latine) aboutira inévitablement à nier tous les héritages (les "traditions") historiques charriés par lui ; héritages dont fait partie la corrida.

     


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  • Source

    Pendant la Révolution culturelle, la coopération socialiste est mise en avant. Chaque entreprise se soucie autant des intérêts de la population, des entreprises ou des consommateurs pour lesquels elle travaille, que de ses intérêts particuliers. Voici deux exemples de cette coopération.

    La coopération dans la lutte contre la pollution

    La premier exemple concerne la lutte contre la pollution où des résultats spectaculaires ont été atteints dans de grandes villes comme Tien-tsin ou Changhai grâce à la coopération des différentes entreprises et de la population. Dans ces villes, grâce à la coopération, les eaux résiduaires ont cessé d’être déversées dans les fleuves. Des canaux souterrains ont été creusés et des usines de transformation de ces eaux édifiées. Ces usines permettent de récupérer des milliers de tonnes de produits utiles, d’obtenir des engrais qui fertilisent des dizaines de milliers d’hectares. Des résultats importants ont été obtenus aussi en ce qui concerne les rebuts, les déchets solides et les gaz résiduaires utilisés comme nouvelles matières premières. A Fouchoun, dans le Liaoning, l’utilisation des gaz résiduaires, des eaux résiduaires et des scories provenant de la Raffinerie de pétrole n°3 permet l’obtention de dix-neuf produits chimiques et métaux rares. L’atmosphère autour de la raffinerie a été assainie à la suite de modifications apportées à son fonctionnement, et des matières premières valant plusieurs millions de yuans sont obtenues chaque année (de la soude, des produits sulfatés, de la neige carbonique et des matières premières pour la fabrication de textiles artificiels, etc).

    La coopération dans la recherche de la qualité.

    Le second exemple concerne la recherche de la qualité et de la durabilité des produits grâce à une coopération étroite entre les entreprises productrices et les entreprises utilisatrices ainsi qu’entre les entreprises productrices et les consommateurs. Cette coopération aboutit à des résultats considérables que l’on peut vérifier auprès des utilisateurs industriels et agricoles, des réseaux commerciaux et des acheteurs particuliers. Ces résultats correspondent essentiellement aux intérêts des utilisateurs et non à ceux des producteurs. En effet, pour les entreprises productrices, l’amélioration de la qualité, de la solidité et de la durabilité des produits implique en général un surcroît de travail (recherches, mises au point...) et, éventuellement, des accroissements de prix de revient. Or ces améliorations ne s’accompagnent pas automatiquement d’une majoration des prix ou d’un accroissement du total des ventes. C’est même le contraire qui arrive lorsque les objets sont durables.

    En agissant de cette façon, les entreprises productrices placent les intérêts de l’ensemble du pays avant leur intérêt particulier. C’est là le moteur d’un progrès économique de type nouveau, qui implique que la production n’est plus dominée par la recherche de l’accroissement de la valeur d’échange, des recettes monétaires ou du profit, mais par la recherche de la valeur d’usage. Cela suppose des transformations radicales dans les rapports sociaux, aussi bien au niveau de la base économique que de la superstructure.

    Un nouveau mode de production

    Contrairement à certaines conceptions qui se réclament du marxisme mais qui en renient les idées fondamentales, de telles transformations ne sont pas spontanées. Elles ne sont pas mécaniquement déterminées pas le développement des forces productives. Aussi, et ce point est essentiel pour comprendre le Révolution culturelle prolétarienne et son rôle, on doit considérer que les transformations dans la base économique que l’on observe actuellement en Chine ne peuvent être que le produit d’une lutte qui a été menée et qui continue a être menée par les travailleurs pour transformer la division sociale du travail, pour faire cesser les rapports hiérarchiques au sein des unités de production, pour prendre en main la gestion et pour dominer la technique. Une telle lutte est une lutte politique et idéologique. Elle n’est pas une simple révolte. Elle exige, pour aboutir, une unité de conception et d’action et une juste appréciation de la nature des transformations possibles et de leur enchaînement. C’est pourquoi elle exige la direction d’un parti révolutionnaire.

    D’aprés Charles Bettelheim, Révolution culturelle et organisation industrielle en Chine, chez Maspero

    Rappelons que la Chine a aussi inventé, dès la fin du 19e siècle (!) la technique du biogaz, qui résoud à la fois le problème des déchets organiques (y compris les excréments humains) et de l'énergie... en consistant à fabriquer de l'énergie (gaz) avec les déchets organiques !

    La pratique sera généralisée par le Parti communiste, lors de la mise en place des Communes Populaires en 1958 (sur le principe de l'autosuffisance de celles-ci : "compter sur ses propres forces !").

    Un document en français expliquant la technique et son historique, et un reportage, en anglais, réalisé en 1980 (après la contre-révolution, mais la technique était toujours en place, et l'est souvent encore de nos jours dans les campagnes. Simplement, alors que les communes populaires voulaient résoudre la contradiction entre les villes et les campagnes, la contre-révolution et la restauration du capitalisme se sont traduites par une massification de la population sur la côte - 600 millions entre Canton et Pékin. La Chine est aujourd'hui l'un des pays les plus éco-destructeurs de la planète).


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