• En fin de compte (sur la question du #Fascisme)


    Si l'on analyse les choses à la lumière de ce que nous dit Derbent :

    - Le fascisme selon la définition de Dimitrov, forme de gouvernement où la bourgeoisie assume ouvertement la terreur contre-révolutionnaire, correspondrait plutôt à une "installation (du Pouvoir bourgeois) en position d'assiégé" ; et donc, en dépit de l'atrocité de la situation pour les révolutionnaires et tous ceux que le fascisme condamne à mort simplement pour ce qu'ils sont (races "inférieures", homosexuel-le-s etc.), un signe que sa fin est proche.

    - Selon la définition de Gonzalo en revanche, "corporatisme" et propagation dans les masses d'une idéologie d'"intérêt commun" Capital-Travail, il serait au contraire un "enfoncement" profond des "tentacules" du capitalisme "dans le corps social".

    Peut-être, si l'on veut aller encore plus loin, que :

    1°/ Pour parler réellement de fascisme, il faut les DEUX aspects – si l'on a que le premier, on a la Terreur blanche "classique" de Thiers écrasant les Communes (1871) et du "Gouvernement de l'Ordre" des années qui ont suivi ; aspect principal (également) du franquisme (le Régime de 78, par contre, serait un archétype de "fascisme moderne" alliant "avec mesure" l'un et l'autre), des régimes d'Europe de l'Est dans l'entre-deux-guerres ou des régimes militaires sud-américains des années 1960-70-80 ; et si l'on a (en revanche) que le second cela s'appelle le réformisme bourgeois, la social-démocratie, le travaillisme, le New Deal keynésien (caractérisation erronée comme "fascistes" des régimes "bolivariens" par les maoïstes "gonzalistes" d'Amérique latine) ; le "modèle" absolu de conjonction des deux au 20e siècle étant le nazisme (ultra-meurtrier, génocidaire, mais soutenu par la majorité des Allemand-e-s, y compris anciens électeurs socedems voire communistes, qui n'y trouvaient rien à redire tant qu'il y avait le plein emploi et que la richesse affluait des pays conquis) ; tandis qu'aujourd'hui par contre, en Occident, on aurait une sorte de "fascisme moderne" de contre-révolution préventive où le premier aspect est "là", "prêt dans les tiroirs" mais utilisé seulement à la mesure de la menace "subversive" qui est faible, et le second est absolument TOTAL au service de l'accompagnement des "nécessaires adaptations" du capitalisme à la crise générale (contraire absolu des politiques "progressistes" sociales du siècle dernier, de sortie de la précédente crise) ;

    2°/ En se focalisant sur le PREMIER aspect, l'Internationale communiste de Dimitrov a peut-être tendu à perdre de vue le second (y compris dans sa version réformiste bourgeoise non- ou faiblement terroriste), à penser le capitalisme mondial "en position d'assiégé" et donc la victoire du mouvement communiste (trop) proche ; sans voir le "corporatisme" injecté, les "tentacules" capitalistes profondément enfoncés dans la "société civile", notamment dans la "Forteresse Occident" que le mouvement communiste de l'époque n'aura jamais réussi à prendre. Ce qui fera dire à Pasolini, devant la société de consommation du début des années 1970, qu'il y avait là un "fascisme" finalement bien plus puissant dans l'uniformisation et l'aliénation volontaire des masses vis-à-vis du Pouvoir que celui de Mussolini qu'il avait connu enfant et adolescent...


    [En résumé :

    Dans la terminologie commune, le fascisme désigne un certain nombre de régimes du siècle dernier combinant un déchaînement répressif contre la menace communiste, et même simplement sociale-démocrate, et une RESTRUCTURATION du capitalisme (qu'il soit impérialiste ou dominé, semi-colonial) face à la crise (force est de constater d'ailleurs, comme une constante historique, que tous les pays ayant connu des régimes à proprement parler fascistes étaient des pays de révolution bourgeoise passablement tardive - postérieure à 1850 - et encore marqués par une forte féodalité).

    Dans d'autres pays (tous... en fait), cette restructuration s'est également opérée mais en INTÉGRANT la social-démocratie et le "communisme" révisionniste au système, plutôt qu'en les réprimant (bien qu'une certaine répression ait pu exister, mais secondairement).

    Là se situe la différence entre définitions dimitrovienne et gonzaliste du fascisme.

    Pour Dimitrov, le fascisme est indissociable d'une certaine Terreur blanche contre le mouvement ouvrier, et il faut le combattre en sachant reconnaître les régimes réformistes sociaux qui ne la pratiquent pas et éventuellement s'allier tactiquement avec eux. Problème : cela peut conduire à favoriser les lignes révisionnistes d'intégration dans la restructuration capitaliste, et c'est ce qui s'est effectivement passé dans beaucoup de cas (PCF, PCI etc.).

    Pour Gonzalo, la répression des révolutionnaires a toujours existé dès que l'ordre établi se sent menacé et l'aspect essentiel du fascisme est donc la restructuration, dont il faut se méfier en priorité et combattre les tendances révisionnistes à s'y intégrer comme "gardiens" des travailleurs. Au regard de ce qu'est devenu le mouvement communiste et la révolution mondiale MALGRÉ la victoire de la "Voie Dimitrov" contre les régimes fascistes, c'est la thèse à laquelle on serait tentés de se rallier. Problème : elle peut avoir tendance, en voyant le révisionnisme et la "déviation" partout, à paralyser toute tactique et isoler les révolutionnaires dans une tour d'ivoire de pureté.]

                        En fin de compte (sur la question du #Fascisme)En fin de compte (sur la question du #Fascisme)

    [Les trois définitions du fascisme :

    Dimitrov : "dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier" (des monopoles capitalistes impérialistes). La violence répressive est ici un élément central.

    Gonzalo : la violence, la terreur répressive, ne sont pas l'aspect principal car les classes dominantes les ont toujours exercées contre les classes exploitées... et la révolution a elle-même le devoir de les exercer contre les exploiteurs. Le fascisme est surtout un gigantesque mouvement par lequel le capitalisme se restructure pour surmonter sa crise générale, dans une pseudo-unité "corporatiste" d'intérêts entre les classes, dans les pays impérialistes ; et par la même pseudo-unité "corporatiste", se met en place le capitalisme bureaucratique dans les pays semi-féodaux semi-coloniaux.

    - Vers 1870, Marx critique le colonialisme comme (entre autres choses) une situation dans laquelle les forces armées capitalistes se "forment" à des méthodes qui pourront ensuite être "rapatriées" en métropole contre la classe ouvrière. La troisième définition, celle de Césaire, s'inscrit finalement dans le prolongement de cela : les fascismes auront été un gigantesque "rapatriement" des méthodes coloniales (qui jusque-là, outre-mer, ne choquaient pas grand-monde) en Europe, contre les mouvements ouvriers ou dans les guerres de rapine sur le continent même. S'agissant là aussi de violence et de terreur, elle rejoint celle (dont Césaire était contemporain) de Dimitrov ; mais en insistant plus fortement sur l'origine coloniale des méthodes terroristes, et le fait qu'elles ne dérangeaient personne dans ce contexte extra-européen où elles étaient l’œuvre des "démocraties" bourgeoises. De plus, cette oppression "fasciste" que subissent en permanence les peuples colonisés ou dominés par l'impérialisme favorise (Losurdo) "l'égalité entre Blancs", c'est à dire les surprofits de l'impérialisme redistribués aux classes populaires des métropoles pour les "aristocratiser". C'est à dire, dans un sens, le "corporatisme" dont Gonzalo fait la caractéristique centrale du fascisme...

    Nous aurions tendance à penser qu'il faudrait chercher une articulationun recoupement entre les deux premières ; afin de séparer le fascisme d'un côté de la social-démocratie, de la "gauche" réformiste bourgeoise en général qui pourrait elle aussi correspondre à la définition de Gonzalo (avec cependant le fait que, dans les pays impérialistes du moins, cette "gauche" bourgeoise... n'existe plus vraiment, tout au plus un social-libéralisme en "ajustement structurel" néolibéral permanent qui serait en fin de compte la confluence commune des "démocraties sociales de marché" et des fascismes du siècle dernier), du moins ne pas faire preuve vis-à-vis d'elle d'un sectarisme qui "désoriente la classe ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi" (sur-le-front-populaire-antifasciste-dimitrov), surtout dans les pays du "Sud global" (comme les régimes "de gauche" sud-américains retour-situation-amerique-du-sud) qui sont peut-être les derniers où (en se confrontant un peu à l'impérialisme) un semblant de réformisme social peut exister ; et de l'autre de la "terreur blanche classique" façon Thiers écrasant la Commune ou dictateurs bananiers d'Amérique centrale ou d'Afrique... Et ce en ayant toujours à l'esprit la troisième, qui permet de comprendre beaucoup de choses, fait d'une certaine manière le lien entre les deux autres, et permet de rester toujours d'un anti-impérialisme conséquent !

    Pour compléter, on ne peut que conseiller de lire ce très intéressant document de l'immense marxiste-léniniste est-allemand Kurt Gossweiler ; dont l'analyse du fascisme est de toute utilité face à un certain nombre d'"élucubrations" sur le sujet qui peuvent prévaloir dans l'antifascisme d'aujourd'hui :

    http://ekladata.com/-V5rhA4Y_xtKc5BoVxT-BfhUUnQ/Des-racines-du-fascisme-et-de-ses-variantes.pdf]

    [* Insurrection du capitalisme contre sa propre crise générale tel que l'a en dernière analyse défini SLP il y a quelques années, avec sur le plan économique un pragmatisme selon le diagnostic de cette crise : dans l'entre-deux-guerres c'était donc plutôt "trop de laisser-faire-laisser-passer" et d'indifférence envers les travailleurs, donc souvent des discours interventionnistes/"socialisants" voire "anticapitalistes", alors que dans la nouvelle crise depuis les années 1970 c'est plutôt "trop de bureaucratie-charges-assistanat" qui domine...

    CONCRÈTEMENT, en Occident :

    - le capitalisme connaît une première grave crise, une première phase de sa première crise générale dans les années 1870-80, dont il sort par le partage impérialiste total de la planète ;

    - MAIS ceci ne fait que conduire à la guerre impérialiste totale (tout un tas de petits conflits qui culminent dans la Première Guerre mondiale), et surtout à une deuxième phase de la première crise générale, encore plus terrible, qui culmine en 1929 et dans la Grande Dépression qui suit : il surmonte cela, comme nous venons de le voir, par les fascismes ou alors les politiques keynésiennes ;

    - MAIS l'"économie sociale de marché" (et la société de consommation) sur laquelle cela débouche montre elle aussi ses limites avec la nouvelle crise générale qui éclate dans les années 1970 : là, les politiques interventionnistes antérieures sont "diagnostiquées" comme "le problème" et l'on s'achemine vers des politiques économiques dites "néolibérales", tout en gardant les sociétés fermement encadrées dans un dispositif de contre-révolution préventive totale ; avec comme épiphénomène de la crise et "groupe de pression", à la fois think tank et "épouvantail" pour mener les pires politiques réactionnaires au nom de la "démocratie", la "montée" des "populismes" d'extrême-droite...

    Dans les pays semi-coloniaux, "indépendants" dès l'entre-deux-guerres ou accédant à l'"indépendance" après la Seconde, le capitalisme bureaucratique au service de l'impérialisme se met d'abord en place à travers le même type de politiques dirigistes-étatistes que les fascismes et les keynésianismes occidentaux des mêmes années 1920 à 1970 ; puis à partir de 1975-80, au plus tard après la chute du bloc soviétique auquel certains étaient liés, s'impose là aussi le "néolibéralisme", parfois (assez souvent) associé au début à une "contre-subversion" ultra-violente ; avant le retour ici et là (années 2000) de gouvernements "de gauche" (Venezuela etc.)... ou même pas, "challengeant" l'impérialisme occidental hégémonique en se liant à la Russie et/ou à la Chine, au "nouveau tiers-mondisme" des "BRICS" etc., sans cependant faire en termes de "rupture" avec le capitalisme et l'impérialisme ne serait-ce que du Salvador Allende ; et la tendance des dernières années semble montrer une dynamique de "reprise en main" occidentale de tout cela (déstabilisation et quasi-capitulation de la "révolution" au Venezuela, liquidation par le successeur de Correa en Équateur, chute du PT de Lula-Dilma par un "coup d’État légal" au Brésil et du kirchnerisme par défaite électorale en Argentine ; renversement de Mugabe au Zimbabwe et maintenant démission de Zuma en Afrique du Sud ; dégagement électoral programmé d'Erdogan en Turquie, qui n'a d'ailleurs même pas mené de politique vraiment anti-occidentale et encore moins anti-"néolibérale", pas plus qu'Assad entre 2000 et 2011 d'ailleurs ; sans même parler de la "réorganisation de palais" en Arabie saoudite ; le tout dans une ambiance en développement de "nouvelle Guerre froide" contre la Russie et l'Iran).]

    [Encore des réflexions intéressantes en commentaire FB :

    "Dimitrov a désigné comme fasciste l'aile terroriste ouverte (selon ses propres mots), terroriste anticommuniste (c'était ce qui l'intéressait), de tout un ensemble de régimes (sans exception dans le monde, en fait, sauf les pays socialistes et les démocraties populaires bien sûr !) entre les années 1920 et 1960 grosso modo, qui ont traduit politiquement l'entrée dans l'ère des monopoles, économiquement antérieure de quelques décennies (disons un demi-siècle)... Et qui ont abouti à l'État capitaliste monopoliste (ou bureaucratique-comprador néocolonial) tel que nous le connaissons et qui perdure aujourd'hui, mais désormais au service du néolibéralisme et non plus de l'"association Capital-Travail" des Trente Glorieuses (ou du "développement" dans le Tiers Monde).

    Donc oui, quelque part tous les régimes de la planète aujourd'hui sont "plus ou moins fascistes".

    Quant à la question du Front populaire et avec qui, on n'est pas non plus forcément obligés de retomber dans ce même "coup de barre" sans doute excessif, torsion du bâton dans l'autre sens après les excès inverses de la "3e période" (qui n'était d'ailleurs pas, non plus, la caricature de sectarisme buté et sans aucun tort des socedems de leur côté, qu'en font les anticommunistes de gauche et les trotskos aujourd'hui).

    Surtout maintenant avec l'absorption totale de la social-démocratie dans le système "fasciste moderne" justement. Une social-démocratie qui ne fait plus du tout partie du mouvement ouvrier, alors qu'encore un peu quand même en 1935."]

    [Ou encore (bien expliqué) :

    "Le fascisme était une phase que DEVAIT traverser le monde capitaliste pour se restructurer dans le contexte de crise générale caractérisée par les deux guerres mondiales puis la Guerre froide, les krachs financiers comme celui de 1929, la montée des luttes sociales avec le succès à travers le monde de révolutions socialistes.

    Dans les États les plus faibles ou affaiblis, il a pris des formes "totalitaires" de parti unique, militarisation de la société et terreur blanche ouverte. Ailleurs, il a pu rester un bismarckisme conservant les formes de la démocratie parlementaire. Dans les États "indépendants" (de plus en plus nombreux) du "Tiers Monde", mise en place du capitalisme bureaucratique par des régimes autoritaires "modernistes" (que ce soit le kémalisme turc ou les Pahlavi iraniens).

    Là où le mouvement ouvrier était assez puissant, et en même temps pas trop radical, prêt au dialogue, on a à la rigueur eu à la place la social-démocratie, le travaillisme etc. ; ou une forme de partage du pouvoir entre une telle gauche et une droite jamais loin des tentations fascisantes (on pourrait qualifier ainsi la France des Trente Glorieuses).

    Mais dans tous les cas, ce qui était commun était l'imposition du règne total du Capital financier.

    Depuis les années 1970 et surtout 80, ce règne total a pris le virage d'une nouvelle restructuration, face à une nouvelle crise, qui est ce qu'on appelle le néolibéralisme.

    Cette phase se caractérise, de par le recul du mouvement ouvrier et la disparition du camp socialiste, à la fois par le rejet des politiques sociales-démocrates ou keynésiennes, et par l'absence (globalement) de formes "totalitaires" terroristes ouvertes.

    C'est ce qu'on appelle le Fascisme Moderne.]


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