• Interview d'un responsable en exil de l'organisation Borotba


    Voici une interview d'un leader en exil de l'Union Borotba ("Lutte"), Sergueï Kiritchouk, publiée sur Initiativ-online.org le 11 juin 2014, traduite de l'allemand par la revue Workers World et reprise sur Democracy and Class Struggle.

    Elle permet de mieux connaître cette organisation et ses positions, les meilleures à ce jour et à notre connaissance en Ukraine, que nous avons maintes fois traduites et publiées et aussi parfois (gentiment) critiquées.

    Depuis le début le mouvement Maïdan a soutenu l'accord de libre-échange avec l'Union européenne. Nous, au contraire, avons toujours été depuis le début contre l'UE, qui n'a d'autre objectif que de piller et détruire l'économie ukrainienne.”


    sergeikirichuk


    Initiativ : Quand et comment Borotba a-t-elle été créée ?

    Sergueï Kiritchouk : Nous sommes une toute jeune, toute nouvelle organisation. Nous avons fondé Borotba en 2011 comme résultat d'une coalition de différents groupes d'extrême-gauche. Certains proviennent d'associations marxistes, d'autres viennent du Parti communiste d'Ukraine (KPU) ainsi que de son organisation de jeunesse.

    Nous sommes des personnes différentes avec des parcours différents. Nous avons des stalinistes, des trotskystes, des maoïstes et des personnes d'autres parcours politiques dans notre organisation.

    Nous en sommes arrivés au stade où nous avons réalisé que ces divisions n'étaient plus aussi importantes qu'elles ont pu l'être par le passé. Nous avons travaillé ensemble dans diverses campagnes et nous avons trouvé que ces différences n'étaient plus aussi significatives aujourd'hui.

    Nous pouvons travailler ensemble pour construire quelque chose de neuf ; telle était l'idée fondamentale. Beaucoup de personnes ont participé à cette expérience. Pour être tout à fait honnête, ce sont principalement des personnes expérimentées et éduquées politiquement qui l'ont soutenue.

    Mais des travailleurs sans expérience particulière l'ont aussi soutenue, ainsi que des figures extérieures au mouvement ouvrier. L'un d'entre eux vient de Kharkov. Il y a quelques jours, on a tenté de le kidnapper.

    030314 borotbaBien que nous ayons été organisés et actifs depuis longtemps, nous étions numériquement une très petite organisation. Nous avions des bureaux régionaux dans toutes les grandes villes. Dans nos plus grands rassemblements il y avait plusieurs centaines de participants.

    Lorsque la crise a commencé, que le mouvement Maïdan a débuté en novembre, nous avons été dès le départ contre ce mouvement.

    C'était une position que beaucoup de personnes pouvaient facilement comprendre, en particulier des personnes de la classe ouvrière. Surfant sur cette vague, nous avons accru notre influence et sommes devenus l'une des forces de premier plan dans des villes comme Kharkov par exemple.

    Après le coup d’État maïdaniste du 22 février, les fascistes ont détruit notre QG à Kiev.
    Nos camarades de l'Ouest de l'Ukraine sont immédiatement entrés dans la clandestinité, tandis que nous continuions à mener des activités publiques dans l'Est, là où c'était encore possible.

    La ville de Kharkov a été l'une des plus grandes cités industrielles de l'époque soviétique, après Moscou et Leningrad. C'est aujourd'hui encore l'un des principaux nœuds ferroviaires en Europe. C'est une ville avec une forte et ancienne tradition démocratique et de gauche. Il n'est donc pas surprenant que la mobilisation à Kharkov ait été et reste si forte contre le nouveau régime oligarchique putschiste.

    Il y a eu d'immenses rassemblements, tous pacifiques, contre le nouveau gouvernement de Kiev et nous avons bien entendu gagné de nouveaux membres dans ce mouvement. Ainsi, par exemple, 300 personnes ont signé en un seul jour une déclaration comme quoi elles souhaitaient rejoindre notre mouvement. Ces personnes n'étaient évidemment pas toutes communistes, socialistes ou d'extrême-gauche : elles exprimaient leur accord avec une position politique particulière.

    Mais ces 300 déclarations ont déjà une importance énorme. Elles montrent combien notre ligne est correcte.

    Iv : Si quelqu'un vous demandait qu'est-ce que Borotba, que lui répondriez-vous ? Qu'est-ce qui vous différencie par exemple du KPU (PC d'Ukraine) ?

    SK : Nous sommes une organisation communiste. Effectivement, l'organisation de gauche la plus connue en Ukraine est le KPU. Mais nous critiquons ce Parti très durement, nous sommes clairement contre leurs illusions parlementaristes.

    Le KPU a fait partie du gouvernement oligarchique de Ianoukovitch. Mais bien entendu, si vous dites que vous êtes communistes, tout le monde pense que vous êtes du KPU.

    1MaiBorotbaC'est pourquoi nous avons choisi le nom de Borotba. Ce nom signifie littéralement "Lutte" et évoque implicitement la tradition des communistes ukrainiens, qui avaient par le passé un journal nommé Borotba. Il y a aussi eu des organisations de ce nom autrefois.

    Pour des Occidentaux, ce nom sonne étrangement mais il a d'authentiques racines ukrainiennes. Il est d'ailleurs ironique que ce soit un nom ukrainien. Dans les médias ukrainiens, nous sommes naturellement présentés comme des agents de Poutine et un parti pro-russe. Le problème est que nous militons aussi dans les régions majoritairement russophones sous le nom ukrainien de Borotba. Beaucoup auront du mal à expliquer pourquoi le parti pro-russe que nous sommes porte un nom ukrainien.

    Iv : Dès le début vous avez pris position contre Maïdan. Pourquoi ?

    SK : Dès le départ les manifestations de Maïdan n'avaient aucunes revendications sociales. Beaucoup de gens ont pu penser que Maïdan était une sorte de grand mouvement démocratique avec des revendications sociales.

    Les forces fascistes sont apparues dans le mouvement comme une catastrophe naturelle, détruisant sa frange progressiste et se plaçant au premier plan.

    Dès le commencement le mouvement Maïdan a soutenu l'accord de libre-échange avec l'UE, qui n'avait d'autre contenu que le pillage et la destruction de l'économie ukrainienne.

    1391005999 984629 7D'un autre côté, l'idée de réussite individuelle a également exercé une grande emprise. Cela a culminé dans l'idée que le système ukrainien corrompu, dominé par les oligarques, pouvait être dépassé si nous entrions dans l'UE. Ceux qui veulent travailler dur pourraient réussir et devenir riches. Non seulement l'opposition libérale-nationaliste mais aussi le gouvernement Ianoukovitch lui-même ont répandu la même propagande dans les médias. "Regardez les Pays baltes", disaient-ils : ils ont fait des réformes, ils font partie de l'UE, ils sont prospères, ils sont riches. Nous devons suivre ce chemin nous aussi.

    Mais les Ukrainiens sont capables de voir et de penser. Ils ont vu la crise dans l'Union européenne et, par exemple, ce qui est arrivé à la Grèce.

    C'est ainsi qu'il y a eu une grosse campagne anti-grecque en Ukraine, avec ce genre d'arguments : en Grèce le socialisme est au pouvoir, les gens sont très riches et très paresseux, et maintenant ils doivent payer pour leur comportement. Je ne plaisante pas, ce sont vraiment les arguments qu'on entendait.

    Pendant très longtemps, nous avons été la minorité d'une minorité. Par exemple lorsque j'ai pris part à un débat télévisé, j'étais le seul contre l'intégration européenne. Tous les représentants du régime Ianoukovitch comme de l'opposition étaient pour.

    Et ils n'avaient évidemment aucun argument raisonnable contre ma position, car j'expliquais clairement ce que seraient les conséquences d'une zone de libre-échange. Ils ne pouvaient pas trouver un seul argument rationnel. Ils disaient "regardez l'UE, ils sont tous si riches" et lorsque j'ai clairement fait comprendre que je n'étais pas d'accord, ils ont rétorqué qu'ils ne voulaient pas entendre plus longtemps une telle propagande soviétique.

    Iv : Pour quelles raisons Ianoukovitch a-t-il refusé de se soumettre aux diktats de l'UE ?

    SK : Ianoukovitch a refusé de signé la déclaration avec l'UE parce qu'il y avait des pressions du côté russe. 

    3484740777Le problème est que la Russie n'a pas été capable ni n'a eu la volonté de trouver un compromis qui aurait permis à l'Ukraine de coopérer avec elle aussi bien qu'avec l'UE.

    D'un autre côté il y a eu de grandes pressions de la part des milieux d'affaires, en particulier ceux du secteur des hautes technologies, l'industrie qui produit des équipements pour les hélicoptères, les avions, les fusées spatiales ou les armes nucléaires : ils produisent pour le marché russe et non pour l'UE. La moitié du commerce extérieur ukrainien se fait avec la Fédération de Russie et l'autre moitié avec l'UE. Ianoukovitch était donc soumis à des pressions oligarchiques des deux côtés.

    La différence est que l'Ukraine fournit beaucoup de matières premières à l'UE et que la valeur ajoutée de ces secteurs est faible, tandis que ce qui est vendu à la Russie est à haute valeur ajoutée, de la haute technologie. Le Grand Capital a exercé des pressions terribles et Ianoukovitch a finalement annoncé qu'il devait y avoir des négociations supplémentaires pour que l'Ukraine trouve un accord de libre-échange plus profitable. C'est la raison pour laquelle le mouvement Maïdan a débuté.

    Ils ont tenté d'expliquer que la raison pour laquelle nous sommes si pauvres est que nous vivons en Union soviétique. L'URSS n'existe plus mais, ont-ils dit, nous avons toujours une mentalité soviétique et nous devons rompre avec cette mentalité pour rejoindre l'Union européenne. À Maïdan, ils ont bâti un mur symbolique : ils ont dit que nous vivions toujours en URSS et que si nous franchissions cette frontière pour faire partie de l'UE, nous romprions avec notre passé.

    Iv : Quel était le programme politique concret de Borotba à ce moment-là ?

    SK : Nous avons toujours, bien sûr, été fermement opposés au gouvernement Ianoukovitch. Mais nous avons aussi compris que l'opposition de Maïdan était tout aussi réactionnaire. Nous avons donc dirigé notre critique contre les deux bords. À cette époque, les camps politiques étaient encore très fortement polarisés entre Ianoukovitch et l'opposition pro-occidentale. Nous représentions alors la pensée d'une toute petite minorité de la société ukrainienne.

    Certaines personnes ont alors commencé à comprendre ce qu'il se passait réellement lorsque le mouvement Maïdan a commencé à détruire les monuments de Lénine à travers tout le pays. Les gens ont alors pu très bien comprendre ce qu'il se passait : ces forces de Maïdan sont Ukraine-Crimea-pro-Russian-protestersréactionnaires, elles n'ont pas de revendications sociales progressistes, leur idéologie est d'extrême-droite et elles disent que la source de tous les problèmes peut être trouvée dans la personne de Lénine.

    Après le coup d’État, les monuments de Lénine sont devenus d'importants symboles politiques. À Kharkov, par exemple, ils ont aussi tenté de détruire le monument ; mais des personnes de toute la ville sont venues pour le défendre, et seule une minorité était des militants communistes ou d'extrême-gauche. L'immense majorité étaient des gens ordinaires. Ils ont défendu le monument comme une expression de notre histoire, de notre histoire soviétique. C'est notre histoire et nous ne les laisserons pas nous l'enlever. [NDLR évidemment là les choses ne sont pas aussi "neutres" : ces symboles historiques ont une signification de classe, pour la conscience de classe et pour ce que Gramsci appelle le "bon sens" ou le "sens commun". Être attaché aux statues de Lénine est évidemment un signal intellectuel plutôt positif de conscience de ses intérêts de classe populaire et d'emprise du "bon sens". Il y a en "Espagne" des personnes opposées au retrait des symboles franquistes arguant elles aussi que "cela fait partie de leur histoire" ; mais là il s'agit d'un état d'esprit beaucoup plus négatif sous l'emprise du "sens commun" (suprématie idéologie de la classe dominante, "conscience" des intérêts... de ses exploiteurs et oppresseurs, l'"exploité heureux" en quelque sorte).]

    Par exemple, il y avait une vieille dame à une manifestation avec une pancarte faite par elle-même où elle avait écrit : "Allez-vous détruire notre maison parce qu'elle a été construite à l'époque soviétique ?".

    Iv : Quelle est la situation aujourd'hui ?

    SK : Tous nos locaux ont été saccagés et détruits par la soi-disante "Garde nationale", qui est la couverture légale des groupes néo-nazis. Quand nos militants ont tenté d'y accéder ils ont vu des hommes en uniforme noir, armés d'AK-47 qui en empêchaient l'accès.

    Ukr_redflagburning.jpgIls ont tout pris : drapeaux, sonos, ordinateurs et même les journaux. Il est facile de comprendre que dans ces conditions plus aucun travail légal et ouvert n'est possible.

    Il y a deux semaines, il y a eu une tentative de kidnapper deux de nos camarades après une manifestation contre la guerre à Kharkov. À la fin de la manifestation des personnes armées d'AK-47 ont tenté d'entraîner nos camarades à bord d'une véhicule. Les passants ont réussi à les en empêcher.

    La totalité de notre direction est désormais clandestine. Certains de nos membres ont dû quitter le pays. Les nazis ont par exemple attaqué le journaliste révolutionnaire très connu et membre de Borotba Andreï Mantchouk, rédacteur en chef du quotidien internet Liva.

    Au final, nous avons été illégalisés et la direction a été contrainte à l'exil. Mais il y a quelques jours il y a eu un rassemblement improvisé à Kharkov, des personnes ordinaires se sont rassemblées sur une place et l'on a pu y voir de nombreux drapeaux de Borotba.

    Iv : Vous parlez de solidarité avec la lutte de libération kurde, que voulez-vous dire par là ?

    SK : Il faut clarifier cela. Si nous regardons le drapeau de Borotba, il présente en effet une grande similarité avec celui du Parti des Travailleurs du Kurdistan (PKK). Il n'avait pas été imaginé comme cela au départ, mais nous avons effectivement quelques membres d'origine kurde.

    Et ce sont finalement des étudiants pro-capitalistes, néolibéraux, hostile envers nous qui par leurs pressions nous ont amené à choisir ce drapeau.

    Ils ont écrit dans une déclaration que Borotba avait des liens avec le PKK et que celui-ci est considéré comme une organisation terroriste par l'Union européenne. Ils ont affirmé que l'un et l'autre formions un front terroriste contre l'UE. Nous assumons avoir toujours été solidaires de la lutte de libération des Kurdes.

    Iv : D'où viennent les Kurdes ? Ont-ils immigré en Ukraine à l'époque de l'URSS ?

    borotba antifascistSK : La majorité des Kurdes en Ukraine vivent dans le Sud, dans la région d'Odessa. Certains sont des étudiants, d'autres travaillent comme commerçants sur les marchés. Le gouvernement ukrainien a toujours travaillé en étroite coopérations avec l’État turc. Ce dernier fait pression sur lui pour prendre des mesures contre les Kurdes.

    Auparavant, les autorités n'arrêtaient pas vraiment les Kurdes, ni ne voulaient déployer une grande répression contre eux. Mais les autorités universitaires faisaient pression, par exemple, sur les étudiants en disant qu'ils devaient seulement étudier et ne pas prendre part à des activités politiques. Les étudiants kurdes ont néanmoins organisé des meetings politiques.

    La principale propagande répétée par les médias ukrainiens est que les Kurdes ne peuvent tout simplement pas vivre en paix, et que tant que la Turquie serait un pays si “démocratique” et “pacifique” les Kurdes commettraient des actes terroristes. Les médias demandent tout le temps “pourquoi viennent-ils en Ukraine ? ils ne savent pas vivre en paix”.

    Iv : Que pensez-vous du concept de fédération démocratique ? Notamment en relation avec la situation concrète en Ukraine ?

    SK : Le Peuple kurde doit décider par et pour lui-même quelle forme doit prendre l'autodétermination. En Ukraine, nous sommes pour un fédéralisme démocratique. Cela signifie l'autonomie budgétaire, politique et sociale pour le Sud-Est, qui doit être une partie de la Fédération ukrainienne. Et il faut évidemment la pleine égalité des communautés linguistiques.

    Les gens sont fortement choqués par les mystifications historiques. Des collaborateurs des nazis deviennent soudainement des héros nationaux de l'Ukraine. Cette période est désormais considérée comme des pages positives de notre histoire. S'ils veulent maintenant élever des monuments à Bandera [collaborateur ukrainien d'Hitler], s'il vous plaît laissez-moi en dehors de ça. Les gens du Sud-Est ne veulent rien de tel. Ils disent qu'ils sont en train de construire à Lvov, dans l'Ouest, des urlmonuments pour les collaborateurs des nazis et nous, nous défendons nos monuments à l'Armée rouge soviétique.

    Que cela se produise dans un même État ou dans deux États différents est maintenant la dernière question en date. Dans le Sud-Est, dans la République populaire du Donbass, il y a maintenant un débat : que doit-on faire ? Doit-on entrer dans une fédération avec l'Ukraine ou doit-on en être séparé ?

    Iv : Comment la lutte va-t-elle se poursuivre, compte tenu de la nouvelle situation ?

    SK : Nous avons toujours critiqué le KPU pour leur focalisation sur la lutte parlementaire. Nous nous sommes toujours concentrés sur la mobilisation de masse des travailleurs et de la jeunesse, des agents des services publics etc.

    Mais nous étions dans l'illusion que nous allions encore vivre de nombreuses années sous une démocratie libérale bourgeoise, avec liberté de réunion et d'association.

    Nous ne sommes pas aujourd'hui et nous n'avons jamais été préparés à cette nouvelle situation de guerre civile, de lutte armée. Nous n'avons pas d'infrastructure adaptée, ni d'armes ni d'expérience.

    Cela a été une grande erreur de notre part.

    Iv : La majorité des personnes qui luttent dans le Sud-Est du côté des Républiques de Donetsk et Lugansk est-elle constituée de Russes, comme l'affirment et le répètent les médias à l'Ouest ?

    SK : L'immense majorité de ces personnes vient évidemment de la région elle-même. De même qu'il y a des personnes du Sud-Est qui luttent aux côtés de la junte de Kiev, il y a aussi quelques personnes venues de Russie qui luttent aux côtés des Républiques populaires.

    Antifascist-Ukr - CopieIl n'y a pas d'influence russe significative dans le Sud-Est. Par exemple, il y a un citoyen russe qui est le leader de la résistance à Slaviansk. Kiev a évidemment clamé que c'était un membre des services secrets russes. Mais d'après l'enquête menée par des journalistes il ressort à présent qu'il s'agit d'un membre du mouvement “Rekonstructer”. Ce sont des gens qui portent des uniformes de l'époque tsariste, ils se retrouvent pour des démonstrations publiques et organisent des spectacles, etc.

    Bref : il est devenu une figure dirigeante de la résistance à Slaviansk et de cela on a fait une influence russe. Mais il n'y a pas d'officiers expérimentés des services secrets russes qui dirigeraient et contrôleraient tout comme le présentent les médias.

    D'autre part il y a des ressortissants russes dans le Sud-Est mais là encore, pas tels que les dépeint la propagande médiatique pro-occidentale : beaucoup ont une position clairement anti-Poutine.

    Iv : Maintenant une dernière question au sujet de la Crimée. Quelle est la situation générale là-bas, et en particulier celle des Tatars ?

    SK : Poutine avance maintenant ses pions. Il a donné quelques droits nationaux aux Tatars de Crimée. Ceux-ci sont représentés au Parlement local et au gouvernement. C'est exactement ce que les Tatars demandaient au gouvernement ukrainien depuis 20 ans.

    140315231140-ukraine-donetsk-pro-russia-rally-scenes-from-tLorsque l'armée ukrainienne a quitté la Crimée, personne n'a voulu se battre contre l'armée russe. Tout le monde a plus ou moins accepté la nouvelle situation. Seuls les Tatars ont exprimé leur réticence. Les nationalistes ukrainiens ont appelé les Tatars à se joindre à eux dans cette lutte. Mais personne ne les a rejoint, ni les Tatars ni les autres.

    Tout le monde en Crimée n'était pas satisfait de l'annexion à la Russie. Mais maintenant ils regardent la télé et voient le massacre d'Odessa, la guerre civile et les bombardements de barres d'immeubles à Donetsk, et ils se disent : "Dieu merci nous sommes en dehors de tout ça"...

     


    Annexe

    De même qu'existe sur la question palestinienne, depuis de nombreuses années, toute une pseudo-"extrême-gauche" pro-israélienne ou israélo-complaisante, force est de constater que le conflit en Ukraine a vu émerger toute une "extrême-gauche" pro-Maïdan basée exactement sur les mêmes méthodes de terrorisme intellectuel en mode "chasse aux (soi-disantes) connivences rouges-brunes", "celui qui a été vu avec untel qui a relayé le bouquin d'untel" etc. etc. L'Ukraine est donc manifestement devenue (après la Palestine) le second grand "théâtre d'opérations" de cette engeance qui dissimule à grand-peine son pro-impérialisme occidental sous un "ni-ni" dont la mince couche se craquelle à chaque détour de phrase (pour ce qui est du vrai "ni-ni" authentique et sincère nous le considérons comme une position schématique et abstraite mais pas comme une position antagonique ; nous ne traçons pas de ligne de démarcation entre ses tenants et nous).

    Pour être l'organisation révolutionnaire la moins inconséquente au sujet de ce conflit qui déchire son propre pays (pays qui vivait en paix, rappelons-le, depuis 1944 !), Borotba a été tout particulièrement la cible de ces manœuvres. Celles-ci sont même parvenues jusqu'aux oreilles du grand parti de la "gauche de gauche" allemande, Die Linke, et ont conduit de sa part à un début de boycott de Sergueï Kiritchouk (réfugié en Allemagne).

    Celui-ci a néanmoins eu (serait-ce là une vraie différence entre la fRance et l'Allemagne ?) l'occasion de s'expliquer dans une entrevue avec un blogueur député du parti :

    http://www.andrej-hunko.de/7-beitrag/2120-they-hate-us-because-we-are-communists

    Nous en avons traduit ci-dessous quelques passages, d'abord (bien que nous ayons déjà maintes fois abordé la question) sur la question de ce qu'il faut entendre par "pro-russe" et ensuite au sujet des accusations lancées depuis plusieurs mois contre l'organisation :

    Dans les médias allemands, les forces des autoproclamées "Républiques populaires" de Donetsk et Lugansk sont dépeintes comme des "séparatistes pro-russes". Comment analysez-vous les différents acteurs politiques et quelles sont vos relations avec eux ?

    Nous devons avoir à l'esprit que la contestation dans le Sud-Est s'est développée de manière très similaire à ce qu'il s'est passé à Maïdan. Les gens ont organisé de grandes manifestations dans les principales villes, exigeants droits et respect. Lorsque le gouvernement a ignoré leur contestation, ils ont occupé des bâtiments administratifs. La réponse du gouvernement "démocratique" issu de Maïdan a été d'envoyer la police anti-émeute et les forces spéciales. Des centaines de militants ont été arrêtés et emprisonnés alors même que les contestataires de Maïdan occupaient toujours des bâtiments administratifs à Kiev. Nous avons vu là un gouvernement faisant montre d'un terrible deux poids deux mesures.

    Il est vrai que certaines personnes dans l'Est se sentent pro-russes. Mais ceci ne peut pas être simplement réduit à un sentiment criminel ! Il y a de nombreuses et très diverses raisons de se sentir pro-russe en Ukraine. Certaines personnes ressentent très fortement la communauté de langue et d'histoire, d'autres pensent simplement à une communauté de culture et de religion, mais beaucoup de gens sont simplement inquiets pour leurs emplois. Les régions du Sud-Est produisent par exemple beaucoup de haute technologie qui n'est pas autorisée à l'exportation vers l'Europe, et ne peut donc être exportée que vers la Russie et le marché asiatique. Beaucoup de jeunes travailleurs et ingénieurs hautement qualifiés veulent travailler dans ce secteur.

    Les vrais séparatistes sont ceux qui siègent au gouvernement de Kiev. Ils ont divisé le pays avec leur décision de signer un accord de libre-échange (avec l'UE) dont la moitié du pays ne veut pas, avec leur abolition de la loi linguistique qui donnait quelques droits aux personnes de langue russe, et avec leur glorification des anciens collaborateurs du nazisme dans un pays dont un habitant sur cinq a perdu la vie sous l'occupation allemande.

    Ainsi par exemple, à Kharkov, le mouvement de protestation a commencé comme une campagne pour protéger la statue de Lénine locale. Des milliers de personnes hommes et femmes, vieux et jeunes, travailleurs, chômeurs, étudiants et ingénieurs montaient la garde autour du monument jour et nuit. Les fascistes les ont parfois attaqués avec des gourdins et même des balles en caoutchouc. C'était le devoir de Borotba d'être avec eux et parmi eux.

    La défense de la statue de Lénine a été un important moment de résistance. Nous avons ensuite appelé à une grande assemblée générale de toute la ville. Des milliers de personnes sont venues sur la grande Place de la Liberté et tous les groupes politiques ont tenté de faire valoir leur ligne. Nous avons ouvertement parlé de socialisme, d'internationalisme et de lutte anticapitaliste. À ce moment-là les nationalistes russes étaient une petite minorité au sein d'un vaste mouvement populaire. Ils ont pris beaucoup plus d'importance après que le gouvernement et les gangs néo-nazis aient attaqué et écrasé les forces progressistes.

    Nous avons des conceptions politiques en tout point différentes des nationalistes, et nous avons même plus d'une fois croisé le fer avec eux. Russki Vostok (organisation nationaliste) a émis un communiqué nous accusant de la défaite du mouvement populaire à Kharkov. Certaines forces pro-russes disent que c'est une erreur de parler de lutte contre les oligarques. Mais notre position a toujours été très claire : il n'y a pas de lutte antifasciste sans lutte pour le socialisme.

    Des groupes comme le "Syndicat des Travailleurs autonomes" (AST) accusent Borotba d'être "pro-russe" et affirment également que vous collaborez avec des organisations conservatrices, chauvines et même fascistes telles que Kommuna, le Shturmovoï Komitet ou Avtonomyi Opir. Que répondez-vous à ces accusations ?

    L'AST est une petite secte invisible en Ukraine mais active sur la scène internationale. Je les décrirais comme des nationaux-libéraux mais ils se disent anarchistes. Ils ont soutenu Maïdan et tenté d'utiliser leur anticommunisme pour se faire accepter par les éléments d'extrême-droite du mouvement. Sur Maïdan ils avaient des pancartes montrant Lénine comme un boucher massacrant les révolutionnaires et ils ont fait la fête lorsque des activistes ont détruit le monument de Lénine à Kiev.

    Comme les libéraux qu'ils sont, ils détestent tout ce qu'ils considèrent de gauche : la révolution bolivarienne au Venezuela, la Révolution cubaine et en Allemagne les communistes du DKP, ainsi que très certainement Die Linke à cause de son passé sous la RDA. Ils disent que l'Armée rouge qui a libéré l'Europe du fascisme était une armée d'occupation. Pour eux bolchévisme est égal à nazisme. Vous pouvez donc imaginer le genre de personnes qu'ils sont. L'un de leurs leaders était membre du "conseil civil" du Ministère de la Police !

    Leur seul objectif est de discréditer les autres forces de gauche. Il faut savoir que Kommuna, le Shturmovoï Komitet et Avtonomyi Opir ont soutenu Maïdan et ont attaqué nos militants à Kiev lors des manifestations contre la guerre.

    Nous avons une ligne politique totalement opposée à celle de l'AST, nous pensons que nous sommes déjà en guerre civile en Ukraine alors qu'ils pensent qu'il y a un conflit entre le gouvernement et des "terroristes". Comme je l'ai dit précédemment nous sommes membres de la Déclaration de Minsk contre la guerre [traduite ici en deuxième partie d'article NDLR] ; alors qu'ils soutiennent l'"opération anti-terroriste" du gouvernement.

    L'un de leurs principaux activistes, Serhii Kutnii, a affirmé soutenir l'opération anti-terroriste et même qu'il soutenait l'idée d'un "petit incendie" à Donetsk en écho au massacre d'Odessa...

    Des gens qui soutiennent l'idée d'un "petit incendie" à Odessa ne peuvent être pris sérieusement pour des critiques de gauche des mouvements progressistes.

    Par rapport aux accusations lancées contre nous : nous ne sommes pas une organisation "pro-russe", nous nous battons pour les droits des travailleurs, des femmes et des jeunes. Ni le nationalisme russe ni le nationalisme ukrainien ne sont acceptables pour nous. Notre idéologie est l'internationalisme prolétarien. Nous détestons aussi bien les oligarques de Russie que d'Ukraine. Notre partenaire en Russie est le Front de Gauche, beaucoup de ses militants sont en prison à l'heure actuelle et nous avons montré notre solidarité avec eux.

    Dans le même temps nous soutenons les droits démocratiques des citoyens d'origine russe en Ukraine. Ils ont le droit d'utiliser leur langue et de protéger leurs valeurs culturelles. Nous défendons l'idée d'égalité linguistique et nous nous opposons à celle d'un État ukrainien ethnique. Nous soutenons l'idée d'une fédération démocratique pour les Russes et les Ukrainiens, avec une large autonomie des régions, et nous voulons aussi des garanties pour les droits des minorités roumaine, moldave, grecque, bulgare, rom etc. 

    Borotba a-t-elle participé à des évènements publics avec des organisations réactionnaires ? Par exemple, un article vous accuse d'avoir attaqué des manifestants pro-Maïdan à Kharkov aux côtés de "nationalistes russes" le 1er mars.

    Nous avons toujours eu des affrontements avec des partisans de droite de Maïdan. Ils ont toujours tenté de nous attaquer. Certains camarades étaient dans la rue lors des affrontements du 1er mars, mais nos militants n'ont pas commis de violences. Nous avons émis par la suite un communiqué condamnant la violence politique de tous bords. Mais le Secteur Droit et les autres gangs néo-nazis ont poursuivi dans leur terreur politique contre nous. Nous n'avons pas commencé cette guerre, mais nous avons le droit de nous défendre !

    Un autre supposé évènement public aurait été avec le Parti socialiste progressiste ukrainien (PSPU), accusé par les critiques d'être "antisémite, clérical et raciste". Quelles sont vos relations avec ce parti ?

    Nous n'avons pas de relations avec le PSPU. Je ne sais pas s'ils sont racistes ou antisémites, mais ils sont en effet très religieux. Ils étaient par le passé une force politique assez importante, mais aujourd'hui ce n'est qu'une petite secte. Leurs conceptions politiques sont voisines de celles de Brigitte Queck [militante allemande proche du Réseau Voltaire NDLR]. Comme cette dernière, qui vient parfois à des meetings de Die Linkedes militants du PSPU sont parfois venus à des meetings où nous étions présents pour exposer leur point de vue. Mais nous ne travaillons pas sur une base politique avec eux.

    Est-il vrai que vous avez des contacts politiques avec Alexandre Chalenko, qui serait selon vos critiques "en faveur du chauvinisme grand-russe" ?

    Alexandre Chalenko est un des journalistes les plus connus en Ukraine. En tant que membre du cercle de journalistes autorisés de la Présidence [sous Ianoukovitch], il avait des liens avec les plus importants journalistes ukrainiens (pro-gouvernement comme d'opposition). Il y a beaucoup de photos de lui avec des ministres de Ianoukovitch ainsi qu'avec de futurs leaders de Maïdan. Il a organisé des centaines d'interviews avec des politiciens de tous les bords politiques. Nous avons souvent eu des débats avec lui. En règle générale, il nous a toujours fortement critiqués. Mais Borotba n'entretient pas de relations avec lui au-delà de ce type de débats.

    Au sujet des alliances politiques en Ukraine, Borotba a été accusée de de coopérer avec l'"organisation séparatiste militante" Oplot qui serait "homophobe et antisémite". Qui sont-ils et quelles sont vos relations avec eux ?

    Nous n'avons ni n'avons jamais eu aucune coopération ni lien avec Oplot. Je ne suis même pas sûr que cette organisation existe toujours à l'heure actuelle. Concernant les accusations d'homophobie contre nous, n'importe qui d'un peu familier avec la gauche en Ukraine sait que Borotba a toujours critiqué de telles positions conservatrices, y compris de la part du Parti communiste.

    À Berlin vous avez invité deux auteurs russes, Stanislav Byshok et Alexeï Kochetkov, à présenter leur ouvrage "Maïdan et les néo-nazis". Il est apparu plus tard qu'ils avaient fait partie ou en tout cas eu des liens avec les néo-nazis russes par le passé, ce pourquoi la présentation a été annulée. Pourquoi avez-vous invité ces personnes et pourquoi n'avez-vous pas remarqué d'où elles venaient politiquement ?

    En réalité je ne les ai pas invités. Ils m'ont contacté, m'ont dit qu'ils étaient en tournée en Europe pour présenter leur livre et m'ont demandé de les aider à en faire la promotion. Je leur ai demandé de m'en envoyer un exemplaire, ce qu'ils ont fait. J'y ai lu un très professionnel travail d'investigation sur le rôle des néo-nazis dans le mouvement Maïdan.

    Lorsque j'ai reçu la lettre les accusant d'avoir un passé néo-nazi, j'ai annulé la présentation. Des militants ont par la suite mené leurs propres investigations sur les auteurs. Ils ont découvert et publié que l'un d'entre eux avait eu des liens avec l'extrême-droite par le passé.

    Lorsque nous les avons confrontés à ces accusations, ils ont expliqué avoir rompu avec ces positions politiques et avoir dédié dès lors leurs connaissances et leur expérience à enquêter sur les structures néo-nazies de manière scientifique.

    Je suis vraiment désolé de ne pas avoir enquêté sur le passé de ces personnes. C'est une erreur que j'ai commise, mais je ne m'attendais à quelque chose comme cela.

    Il y a une photo de vous aux côtés d'un groupe de personnes incluant Israël Shamir. Il a été dit que cette photo prouvait vos liens avec cet antisémite et négationniste notoire. Travaillez-vous politiquement avec lui ?

    Je n'ai pas de contacts avec Israël Shamir. Cette photo a été prise lors de la présentation de presse d'un film sur Julian Assange. Israël Shamir, moi-même et plusieurs centaines de personnes étaient invités par les organisateurs. Des journalistes très pro-Maïdan l'étaient également. Je pense donc que vous pouvez trouver des photos de moi "avec" à peu près tout le spectre politique ukrainien. Je pense qu'il n'est pas éthique d'utiliser des photos pour semer le doute quant aux conceptions politiques d'une personne sur une photographie donnée. Si quelqu'un est vraiment intéressé par mes idées politiques, il ou elle peut m'interroger et je répondrai de manière totalement ouverte.

    En parlant d'antisémitisme, Borotba est aussi accusée d'avoir toléré l'antisémite Alexeï Blyuminov, qui est un éditeur de Vechernyi Lugansk. Quelles sont les relations de Borotba avec cette lui ?

    Alexeï Blyuminov a aussi créé des problèmes dans d'autres organisations politiques. Il a été dans notre organisation un court moment, puis il a soutenu Maïdan et quitté notre mouvement, et maintenant il soutient les "séparatistes". Lorsqu'il était avec nous et par la suite, je n'ai jamais entendu parler de déclarations antisémites de sa part. Nous avons une tolérance zéro envers l'antisémitisme.

    Certains camarades ont pu avoir une sous-culture nationaliste par le passé, mais ils sont désormais totalement dévoués aux idées du communisme et de l'internationalisme. Nous suivrons toujours une ligne politique prolétarienne et l'antisémitisme, la xénophobie ou le sexisme ne sont pas acceptables pour nous.

    Nous faisons face à des accusations de la part du gouvernement, des médias et des libéraux-nationalistes. Ils nous détestent parce que nous sommes communistes, parce que nous défendons Marx, Lénine et le socialisme ! Nous nous tenons aux côtés de la classe ouvrière et de la jeunesse contre le racisme et le fascisme. Même dans des conditions de terreur nous avons organisé des actions de soutien aux syndicats de travailleurs.

    Quelle est votre analyse sur le mouvement de Maïdan ?

    Nous avons dit qu'il s'agissait d'un mouvement totalement réactionnaire dès le début. Nous étions totalement opposés à l'accord de libre-échange avec l'Union européenne, car cela menait droit à un scénario grec. Les manifestations de Maïdan développaient une culture de la réussite individuelle, il n'y avait aucune idée de gauche dans tout cela.

    Bien sûr la totalité du mouvement n'était pas fasciste, mais dans tous les cas très anticommuniste : ils détruisaient les monuments de Lénine dans tout le pays. Ils proclamaient qu'une soi-disante "mentalité soviétique" nous empêchait de devenir libres et riches. Ils avaient même mis en place une frontière symbolique : lorsque vous entriez sur Maïdan, vous pouviez voir un panneau annonçant que vous quittiez l'URSS pour entrer dans l'Union européenne.

    Mais leur compréhension des valeurs européennes était très particulière. Les fascistes étaient une minorité sur Maïdan au début, mais ils étaient tolérés par la majorité des contestataires. Ils sont ensuite devenus une minorité active et ont imposé leur agenda politique à tout le mouvement. Un mouvement sponsorisé par les personnes les plus riches du pays, à qui la victoire de Maïdan a largement bénéficié.

    Ils ont appelé cela une "révolution de la dignité", mais maintenant les partisans de Maïdan à Kharkov ont créé un site internet pour collecter les données personnelles des militants anti-gouvernementaux, y compris les adresses personnelles et leurs lieux de travail.

    Le résultat de la victoire de ce mouvement ce sont les armées privées des oligarques, un oligarque président, des oligarques et des fascistes au gouvernement, une faillite économique et la guerre civile en Ukraine.


    L'on pourra encore lire ici (en anglais) la réponse d'une organisation trotskyste de Grande-Bretagne - Workers' Power - à ce type d'attaques par amalgame et raccourci que nous ne connaissons que trop bien en Hexagone, et dont les champions là-bas sont notamment l'organisation (également trotskyste) Workers' Liberty (qui est finalement - un peu - au trotskysme d'outre-Manche ce que le 'p''c''mlm' est au marxisme-léninisme et au maoïsme ici, ou "Confusionnisme.info" à l'"extrême-gauche" en général) : http://www.workerspower.co.uk/2014/11/smears-and-social-imperialism-the-politics-of-the-third-camp-on-ukraine/. Un simple passage mérite selon nous la traduction, car ne pouvant pas dire les choses plus clairement : "Pourquoi disons-nous des révélations soi-disant 'fracassantes' de Workers' Liberty qu'elles sont insignifiantes ? Pour la bonne et simple raison qu'aucun d'entre nous ne vit dans un 'vide interstellaire' politique. Toute organisation de gauche radicale sauf peut-être la plus sectaire, isolée et propagandiste passive dans sa pratique politique peut être amenée à entrer en relation (et par conséquent à discuter) avec toutes sortes de personnes, qui sont elles-mêmes en relation et parlent avec toutes sortes d'autres personnes"... CQFD.


    ***********************************

    Comme nous l'avons dit plus haut, nous ne considérons pas les tenants d'un "ni-ni" révolutionnaire sincère comme des ennemis. Nous nous considérons (à vrai dire) nous-mêmes comme des "ni-ni" ; mais des "ni-ni" subtils et non schématico-abstraits, tentant de baser notre réflexion sur la réalité concrète des masses en nous mettant (ne vivant pas cette situation directement) à la place de ces dernières, y compris (même) à la place des partisans non-fascistes de Maïdan puis du nouveau régime. Nous considérons que le conflit a un clair aspect inter-impérialiste entre Russie et bloc atlantique occidental, aspect avec lequel nous n'avons rien à faire et surtout pas de parti à prendre ; mais qu'il a aussi - sur le terrain populaire concret des évènements - des "niches", des "poches" où se logent d'autres aspects : un certain esprit "soviétique" de coexistence des nationalités et de nostalgie pour la protection sociale d'avant 1991 s'opposant à une vision aussi violemment national-identitaire qu'ultra-libérale thatchérienne ; un affrontement non pas tant entre "Russes" (qui ne sont majoritaires nulle part sauf légèrement en Crimée) et Ukrainiens qu'entre un programme d'"Ukraine aux 'purs' Ukrainiens", qui ferait des non-Ukrainiens et des Ukrainiens "impurs" (ethniquement mixtes, principalement russophones ou encore "sales rouges") des citoyens de seconde zone voire des gibiers de "purification ethnique"... et les non-Ukrainiens et Ukrainiens "impurs" en question, qui ont le droit tout à fait légitime de s'autodéfendre !

    Notre "solution idéale" pour l'Ukraine serait exactement la solution fédérative démocratique et anti-nationaliste que prône Sergueï Kiritchouk dans l'interview ci-dessus.

    Ce qui est amusant c'est que si nous étions en 1993 ou 1994 et que nous écrivions sur la Bosnie, c'est très certainement dans le camp bosniaque que nous verrions (en partie) ces mêmes aspects dont nous venons de parler : l'idée "yougoslaviste" de défense d'une "Yougoslavie modèle réduit", de coexistence démocratique des nationalités contre le dépeçage ethnique orchestré par Milosevic et son frère ennemi croate Tudjman... Autrement dit dans le "camp du Nouvel Ordre Mondial américano-européo-otano-sioniste BHL" pour les "anti-impérialistes" campistes dont on nous accuse de faire partie aujourd'hui !

    Telle est notre position et nous ne considérons pas les camarades qui s'arrêtent à l'aspect le plus visible et apparent des choses - celui d'un pur conflit entre impérialisme russe et impérialismes occidentaux - comme des ennemis politiques. En revanche nous considérons comme des ennemis les faux "ni-ni" suppôts de l'impérialisme et des fascistes pro-Kiev ; et le camp du terrorisme intellectuel n'est définitivement pas le nôtre.

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :