• Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Mao


    Un excellent texte qui résume à la perfection toute notre vision radicalement anti-dogmatique des choses !

    Source originale : moufawad-paul.blogspot.fr/marxism-beyond-marx-leninism-beyond (l'auteur s'exprime à la première personne)

    Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de MaoEn tant que communiste défendant la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste-maoïste, il est important d'insister sur le fait que chaque fois que je me définis comme "maoïste" (ce qui m'arrive souvent lorsque je suis empêtré dans des controverses théoriques), ce que j'entends par "maoïsme" est quelque chose qui va bien au-delà de Mao en tant que personne. De la même manière, je crois en un léninisme "au-dessus" de Lénine et en un marxisme "au-dessus" de Karl Marx. Tout simplement parce que je considère le marxisme comme une science vivante et non comme un ensemble de textes religieux codifiés par des prophètes géniaux dont les mots et les actions sont les sacro-saintes représentations de quelque "divine" loi de l'histoire.

    De même que beaucoup de trotskystes voient Trotsky comme un prophète (et eux-mêmes comme les gardiens d'une théorie "pure" née après la Révolution d'Octobre), il y aussi beaucoup de maoïstes autoproclamés qui imaginent Mao comme une sorte de génie surhumain incapable d'erreur. Plutôt que de voir le nom comme une simple dénomination de la théorie, ils ont tendance à faire de la personne la théorie et de la théorie la personne. Du coup, chaque fois que les actions de la personne dont la théorie porte le nom sont critiquées, il y a comme un réaction-réflexe pour tenter de justifier à tout prix ces actions : puisque la théorie et la personne ne font qu'un, assumer la première requiert la défense inconditionnelle de la seconde.

    Une pensée communiste critique doit pourtant comprendre que les noms [Marx, Lénine, Mao] ne sont rien de plus que des marqueurs, des "jalons" de sauts théoriques importants nommés ainsi uniquement pour indiquer que ces théoriciens ont produit des analyses concrètes de la situation concrète de valeur universelle ; analyses qui ont développé la science révolutionnaire à un niveau supérieur. De manière similaire, lorsque nous parlons de physique einsteinienne aujourd'hui [dans les pays anglo-saxons manifestement, car dans les pays francophones l'on parle de physique relativiste], nous ne parlons pas d'Einstein en tant que personne ni d'une science limitée uniquement aux théories et aux recherches d'Einstein : il y a une théorie einsteinienne au-delà d'Einstein, avec des physiciens qui ont travaillé dans le cadre de ce paradigme et qui ont développé la science dans le cadre théorique conceptualisé par Einstein, certains corrigeant même parfois des erreurs mathématiques.

    Les communistes critiques, par conséquent, ne doutent pas que Marx ait pu se tromper sur certaines choses à l'intérieur du cadre théorique qu'il a conceptualisé : c'est l'horizon théorique qu'il a ouvert (aux côtés d'Engels) qui est important. Et les marxistes-léninistes-maoïstes considèrent que ce cadre a été re-conceptualisé par la suite à un niveau supérieur par Lénine et après lui par Mao ; les enseignements théoriques de chaque révolution historique dans le monde redéfinissant ses contours dans une dialectique de continuité-rupture.

    Continuité parce que l'universalisation initiale est acceptée et contient les germes d'enseignements historiques ultérieurs ; rupture car ces nouveaux enseignements rompent avec certaines pratiques erronées, bousculent les petites certitudes dogmatiques et posent de nouvelles questions. Une science est tournée vers le futur et le fil conducteur du marxisme-léninisme-maoïsme nous oblige à envisager que les futures révolutions du monde de demain, sur la base des positions antérieures de ce cheminement scientifique, produisent de nouveaux moments de continuité-rupture. Comme Marx ne se lassait jamais de le rappeler (et comme le rappelle souvent le théoricien radical Samir Amin), nous ne pouvons répondre qu'aux questions qui nous sont posées par l'histoire.

    Il faut donc, bien que ces développements portent le nom de personnes qui ont théorisé ces moments de ré-universalisation, bien insister sur le fait que ces noms sont de simples marqueurs/jalons historiques du progrès universel. Marx, Lénine et Mao étaient des personnalités sympathiques, bien sûr, et de grands révolutionnaires, mais il y avait aussi d'autres brillants intellectuels révolutionnaires à leurs époques respectives - l'idée même qu'ils aient été plus "géniaux" que n'importe qui d'autre, ou qu'ils possédaient une sorte de vision surnaturelle, est quelque chose d'absolument idéaliste et anti-matérialiste. Ces figures sont simplement des personnes qui ont eu le privilège de se trouver au bon endroit et au bon moment de l'histoire, ainsi que celui d'avoir une formation et une socialisation qui leur ont permis d'être non seulement des leaders révolutionnaires, mais aussi d'avoir les ressources Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Maointellectuelles pour théoriser les circonstances concrètes de ces situations révolutionnaires dont ils étaient partie prenante. En ce sens ils sont les symboles d'un processus, des individus particuliers au sein d'une réalité collective où les masses font l'histoire et, dans le même temps, sont faites par elle.

    Pour revenir à mon point de départ, je suis passablement agacé lorsque des critiques du maoïsme considèrent que je défends d'une manière ou d'une autre les actions de Mao au cours des dernières années de sa vie : serrer la main de Nixon, laisser la Chine soutenir des régimes pour le moins craignos, etc. etc. Une réaction simpliste et réflexe à ces critiques serait d'énoncer un certain nombre de réalités concrètes : il fallait faire preuve de realpolitik alors que la Chine avait besoin d'être reconnue par l'ONU ; la ligne politique de Mao à cette époque avait été défaite et le camp de Deng était déjà aux commandes du pays, etc. Mais ces explications, même si elles contiennent leur part de vérité historique, commettent selon moi l'erreur de placer Mao en tant que personne au-dessus du maoïsme en tant que théorie.

    Mao était un grand dirigeant et théoricien révolutionnaire mais il était aussi un être humain, et les êtres humains ne sont pas des anges ni des représentants immaculés d'un ordre divin : ils sont imparfaits, recouverts par les scories de l'histoire. Si nous admettons que les erreurs de Marx peuvent et doivent être critiquées à la lumière de sa propre théorie, alors nous devons également admettre que les erreurs de Mao puissent être critiquées à la lumière du maoïsme. C'est ainsi qu'en tant que maoïste critique je n'ai pas à défendre le rapprochement politique de Mao avec les États-Unis de Nixon à la fin de sa vie ; et je considère que cette opinion est totalement en accord avec le marxisme-léninisme-maoïsme. Il n'y a pareillement aucun moyen que je défende les positions erronées de Marx sur le colonialisme, ou celles de Lénine dans la direction des Soviets. Cela ne signifie en aucun cas que les cadres théoriques définis par ces révolutions et ces révolutionnaires soient incorrects.

    Si nous ne réussissons pas à avoir cette compréhension du marxisme comme science vivante de la révolution, alors nous risquons de devenir des puristes dogmatiques et nous ne serons jamais capables d'appliquer la théorie révolutionnaire à notre réalité concrète. Bien que j'admette qu'il soit dangereux de rejeter les développements universels de la théorie au profit d'une approche mouvementiste "tout-ce-qui-bouge-est-rouge", il est tout aussi dangereux de penser que nous pouvons sauvegarder une prétendue "pureté" théorique comme si elle existait en dehors du temps et de l'espace, au-delà de l'histoire et de la société, et de nous retrouver par conséquent incapables d'appréhender nos situations particulières concrètes. L'application de l'universel requiert une compréhension du particulier concret ; la dialectique entre l'universel et le particulier est d'une importance vitale ; et c'est ce que nous voulons signifier par communisme révolutionnaire comme science vivante.

    Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Mao

    [À lire aussi à ce sujet, passionnant, cet entretien-débat de 1977 entre Charles Bettelheim, l'ex-GP Robert Linhart et deux membres de la revue Communisme, dans lequel s'expriment leurs différents points de vue et analyses, autrement dit un peu tous les nécessaires "pour" et "contre" pour réfléchir à la question : http://ekladata.com/Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf]


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