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Quand Argala répondait (par anticipation) à certaines "lumières éclairées" du "marxisme" le plus social-chauvin...
En l'occurrence, la "VIe Assemblée" dont il est question dans cette déclaration était dominée par le trotskysme (elle finira par devenir la LCR locale). Mais que la déclaration d'Argala ne fait-elle pas terriblement écho, encore aujourd'hui, à la réaction de certains prétendus "maoïstes" lors du constat par ETA de sa défaite militaire l'an dernier ! L'on y retrouve, mis en cause, pratiquement les mêmes arguments en défense du "cadre national" (étatique bourgeois !!!) de la lutte des classes ; exception faite du rejet de la lutte armée au profit de son pendant : la fascination petite-bourgeoise pour celle-ci (dont Argala ne faisait pas du tout l'éloge, bien au contraire : "La lutte armée est désagréable. Elle ne plaît à personne, elle est dure. À cause d'elle on va en prison, en exil, on est torturé ; à cause d'elle on peut mourir, on se voit obligé de tuer, elle endurcit la personne, elle lui fait du mal. Mais la lutte armée est indispensable pour avancer").
Voici donc ce que le grand dirigeant du MLN révolutionnaire basque répondait aux tenants de ces thèses, selon lesquelles les peuples en lutte pour leur libération devraient se soumettre (comme "supplétifs", finalement) à "l'avant-garde révolutionnaire" des Centres étatiques bourgeois :
« Le groupe appelé VIe Assemblée défendait la vision selon laquelle l’oppression nationale dont souffrait le peuple basque était une conséquence historique de plus d’un développement social dont le moteur était la lutte des classes. Dans le processus de consolidation du mode de production capitaliste, les bourgeoisies des États espagnols et français, recherchant la domination des plus vastes marchés possibles, avaient séparé Euskadi en deux. En essayant d’homogénéiser leurs marchés respectifs, tant sur le plan juridique que linguistique, ils avaient détruit l’ancienne organisation juridique proprement basque et tenté de supprimer sa langue, en imposant les cultures françaises et espagnoles qui non seulement devenaient dominantes, mais de plus, les seules admises. Une fois que le mode de production capitaliste sera brisé et que les travailleurs français et espagnols- nouvelle classe hégémonique – n’auront plus aucun intérêt à maintenir l’oppression du Peuple basque, celle-ci disparaîtra automatiquement. Par conséquent, l’objectif fondamental consistait en le triomphe de la révolution socialiste au niveau des États français et espagnol. Pour y arriver le plus rapidement possible, il était nécessaire d’unir les travailleurs au niveau de ces deux États, car c’est à ce niveau que la lutte des classes se développe de façon significative. ETA avait toujours défendu l’indépendance d’Euskadi et, d’après la VIe Assemblée, cette revendication divisait les travailleurs basques. Il fallait donc l’abandonner et adopter une politique en faveur de l’autodétermination nationale, sans adopter une option concrète à son sujet. L’option indépendantiste était non seulement contre-révolutionnaire, car elle semait la division dans la classe ouvrière et freinait le processus révolutionnaire, mais en plus elle était petite-bourgeoise car elle représentait une tentative de la petite-bourgeoisie basque de devenir la classe dominante du nouvel État basque à créer. Tentative qui, par ailleurs, s’avérait bénigne étant donné le point où en était arrivé le processus de développement historique. L’option indépendantiste était alors réactionnaire. Très curieusement, coïncidant avec cette thèse, la lutte armée était considérée comme une méthode réservée aux élites, aux ambitions messianiques, qui tentait de se substituer à l’action des classes ouvrières. Elle ne représentait plus que l’expression d’une petite-bourgeoisie qui se débattait désespérément contre son inexorable marginalisation historique.
Suivant ce schéma, et bien que cela n’ait jamais été dit, ETA ne représentait rien d’autre que la version antifranquiste, et pour cela radicale, de la politique petite-bourgeoise du PNV. En définitive elle n’était rien de plus qu’une organisation appelée à être assimilée par ce parti, une fois la démocratie politique atteinte, si cela était possible. […]
Si j’étais d’accord avec leur analyse quant à l’origine de l’oppression du Peuple basque, je rejetais par contre totalement les conclusions qu’ils en tiraient. […] L’impérialisme espagnol n’était pas la seule cause de l’existence de l’option indépendantiste. Il y avait également l’incompréhension historique dont ont fait preuve les partis ouvriers espagnols à propos de la question basque. L’option indépendantiste était l’expression politique qui ne pouvait être menée à bien que par les couches populaires, sous la direction de la classe ouvrière. Elle seule est capable d’assumer, aujourd’hui, en Euskadi, avec toutes ses conséquences, la direction d’un processus d’une telle envergure. C’est précisément parce que la classe ouvrière a assumé la question basque que la renaissance nationale d’Euskadi a été possible. Mes relations postérieures, comme membre d’ETA, avec les représentants de divers partis ouvriers espagnols, n’ont servi qu’à confirmer cette vision. Ces partis ne comprenaient la question basque que comme un problème gênant qu’il fallait faire disparaître. Il me semblait toujours que l’unité de l’Espagne était pour eux quelque chose d’aussi sacré que pour la bourgeoisie. Ils n’arrivaient jamais à comprendre que le caractère national que revêtait la lutte des classes en Euskadi était un facteur révolutionnaire. Au contraire, pour eux, cela n’était qu’une note discordante dans le processus révolutionnaire espagnol qu’ils voulaient contrôler.
Quant à la lutte armée, mon interprétation ne correspondait pas non plus à celle formulée par la VIe Assemblée. Le fait qu’elle soit pratiquée de façon minoritaire ne voulait absolument pas dire qu’elle exprimait les intérêts de la petite-bourgeoisie basque. Elle représentait seulement l’expression la plus radicale du mécontentement des couches populaires basques et, en particulier, de la classe ouvrière. L’identification de cette classe avec ceux qui la pratiquaient commença à apparaître de façon évidente à l’occasion du jugement de Burgos en décembre 1970. Depuis lors, elle n’a fait qu’augmenter. La lutte armée était le résultat de la convergence de l’oppression nationale et de l’exploitation de classe que les travailleurs basques – compris dans le sens le plus large – subissaient sous la dictature franquiste. La lutte armée ne freinait pas non plus le travail des organisations de masses à d’autres niveaux. Au contraire, parce qu’elle devenait le pire ennemi du régime espagnol, les autres formes de lutte devenaient les ennemis secondaires, pouvant plus facilement être admises par le franquisme. Elle provoquait bien sûr d’intenses vagues de répression dans les secteurs qui tentaient d’organiser les masses travailleuses patriotiques. Mais cela n’était pas dû à la lutte armée en elle-même, sinon à l’unité organique qui se produisait au sein d’ETA, entre ces secteurs et ceux qui étaient chargés de la lutte armée.
La VIe Assemblée se déclarait internationaliste et qualifiait ETA de “nationaliste petite-bourgeoise”. Mais qu’est-ce que l’internationalisme prolétarien ? Être internationaliste exige-t-il des travailleurs d’une nation divisée et opprimée de renier leurs droits nationaux pour, ainsi, fraterniser avec ceux de la nation dominante ? À mon avis, non. L’internationalisme prolétarien signifie la solidarité de classe exprimée dans le soutien mutuel entre les travailleurs des différentes nations, unis dans un respect mutuel de leurs formes particulières d’identité nationale. […] L’évolution d’ETA, avec ses brusques sauts et déviations dans un sens et dans l’autre, ne faisait qu’exprimer la recherche de l’affirmation idéologique et politique de cette classe au sein d’une réalité occupée par des secteurs dont les intérêts lui étaient étrangers.
La scission de la VIe Assemblée fut décisive dans ce sens. Depuis lors, il ne s’agissait plus de savoir où l’on en était, mais de savoir comment il fallait se situer. Le fait qu’ETA, entendu comme phénomène politique plus que comme organisation, n’ait pas été capable jusqu’à une date très récente de commencer à organiser les travailleurs patriotes basques de façon cohérente, n’est pas dû, comme le prétendent certains, à son caractère petit-bourgeois, mais à son inexpérience politique. Ce qui est logique dans un secteur social qui, en Euskadi, venait de prendre conscience de son identité et qui avait encore tout à apprendre. Plus précisément, la prise de conscience de ce secteur social constitué par les travailleurs basques ayant une conscience nationale permettait de considérer Euskadi comme un cadre autonome pour la révolution socialiste qui devait forcément aller unie à la lutte de libération nationale, avec toutes ses conséquences face aux États espagnol, français et au monde. »
La position du camarade Argala, assassiné à Angelu (Anglet) en 1978 par des éléments phalangistes épaulés par des anciens de l'OAS (et peut-être des néofascistes italiens), est de toute première importance dans l'élaboration de ce que SLP appelle la Libération révolutionnaire des Peuples (LRP). Ce concept a été en effet très largement ébauché, principalement dans la seconde moitié du 20e siècle, par bon nombre de personnalités et de groupes révolutionnaires se rattachant pour la plupart au marxisme-léninisme anti-révisionniste de l'époque ; mais il n'a jamais été réellement synthétisé en tant que tel, comme apport essentiel à la théorie marxiste, et il a toujours été en butte aux "avant-gardes" révolutionnaires (plus ou moins autoproclamées) basées dans les Centres bourgeois...Le libérationisme populaire révolutionnaire, par opposition au nationalisme bourgeois (celui des bourgeois en contradiction trop forte avec le Centre comme le PNV basque ou la CiU catalane, ou un Patrick Le Lay - ancien patron de l'ultra-réactionnaire TF1 - qui peut se déclarer "breton, pas français" et "comme à l'étranger quand (il est) à Paris") ou petit-bourgeois (généralement, par la force des choses, teinté de "socialisme" ou de "marxisme"), repose sur une ligne idéologique très simple : il ne vise pas la constitution de nouveaux États ou "régions autonomes", ou encore "l'indépendance véritable" (de pays semi-colonisés) pour s'y constituer en nouvelle caste dirigeante de la bourgeoisie capitaliste (comme le FLN algérien ou le Fianna Fail irlandais, ou en version "autonome" le PNV, la CiU ou le FLNKS en Kanaky) ; il vise la destruction et la dissolution des grands États et des "prés carrés" impérialistes bourgeois en tant qu'appareils politico-militaires et idéologiques d'oppression et d'exploitation des masses, et l'établissement de nouvelles "relations sociales territoriales" sur une base démocratique-prolétarienne, égalitaire et fraternelle. L'idée d'une Europe "fédéraliste" des "régions et Peuples solidaires", parfois mise en avant par certains groupes, peut être considérée comme une compréhension "national-progressiste" petite-bourgeoise de cela ; mais une Europe SOCIALISTE des Peuples pourrait tout à fait être un échelon de fédération démocratique et fraternelle entre les masses populaires des différentes nations (sans la bourgeoisie), sous la direction révolutionnaire du prolétariat, enfin libérées des États/appareils politico-militaires du Capital ; la Commune populaire restant la cellule de base de la société, et le communisme universel l'objectif ultime.
En ce qui concerne nos prétendus "maoïstes", après leurs délires chauvinards dignes du POI (disparus, depuis, comme par magie de leur site), ils ont bel et bien fini (à reculons) par se rallier à ce point de vue... puisqu'il déclarent, au sujet de la stratégie du Front national dans les zones périurbaines/"rurbaines" et les "bassins de relégation" prolétariens comme Hénin-Beaumont, que "le fascisme évolue dans une dynamique d'encerclement du centre par la périphérie ; ce qui est exactement la stratégie qui mène au pouvoir" ; autrement dit la position de Servir le Peuple depuis le début... En omettant tout de même de préciser que les masses prolétaires ou (re)prolétarisées auprès desquelles "cartonne" le FN sont plutôt celles du "Centre" ou, plus exactement, de la "colonne vertébrale" de la construction bourgeoise France, celles du "Y Seine-Rhin-Rhône" ; c'est-à-dire le prolétariat (prolétariat "blanc") qui refuse d'admettre sa position "privilégiée" par rapport à celui des territoires périphériques de l’État bourgeois... et bien sûr par rapport aux "minorités visibles" (les colonies intérieures) qu'il côtoie dans ses propres quartiers populaires. Même en Occitanie orientale (Provence, Côte d'Azur), où le vote FN est historiquement puissant, sa "centralité" électorale demeure la petite-bourgeoisie, la paysannerie propriétaire, les retraités aisés "héliotropes" et les anciens colons d'Afrique du Nord avec leurs descendants. La "centralité ouvrière" du vote FN n'est véritablement une réalité qu'au Nord de la Seine et sur la façade Est de l'Hexagone à partir de Lyon...
VIVE LA LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE DE LIBÉRATION DE TOUS LES PEUPLES, PRISONNIERS DES CONSTRUCTIONS POLITICO-MILITAIRES ÉTATIQUES ET IMPÉRIALES DE LA BOURGEOISIE !
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