• Si c'est Zemmour qui le dit...

    (dans son dernier ouvrage Un quinquennat pour rien, paru le 1er septembre chez Albin Michel)

     


    5 commentaires

  • Un communiqué qui, en dépit des réactions négatives qu'il a pu susciter notamment dans les milieux antiracistes politiques (sachant que peu de médias, en dehors donc de Corse Matin, l'ont diffusé et donc peu de personnes lu en intégralité...), ne dit pas que des conneries ; même si certains passages peuvent être discutés, notamment celui où il est question d'"éviter les signes ostentatoires" (il est certes précisé "burqa, niqab", autrement dit des cas "extrêmes" et relativement rares), pouvant être (dans tous les cas) "mal interprété" en pleine polémique estivale sur le "burkini" (terme pour tout dire délirant pour désigner ce qui ressemble ni plus ni moins qu'à une tenue de plongée...) ; ou encore la "théorie du complot", restant plus qu'à démontrer, au sujet des évènements des Jardins de l'Empereur en décembre dernier.

    EN SUBSTANCE (pour retenir ce qui est réellement important et surtout profondément juste) :

    - Fachos, islamophobes délirants, wannabe Bigeard : allez baiser vos chèvres de légionnaires ailleurs, votre combat n'est pas le nôtre.

    - Il n'est aucunement question d'empêcher les musulman-e-s pratiquant-e-s de Corse de vivre leur religion comme ils/elles l'entendent, ni de les forcer à renier leurs origines et leur culture.

    - La première responsabilité des éventuels massacres qui pourraient être commis, incombe en tout premier lieu à l’État français dont la politique impérialiste dans le monde suscite la haine et les vocations meurtrières, qui retombent ensuite sur l'ensemble des populations identifiées dans le monde comme "françaises" (y compris donc les Corses).

    MAIS

    - "Toute action" djihadiste meurtrière sur la terre de Corse recevra "une réponse déterminée et sans états d'âme"... Ben oui, en d'autres termes, une autodéfense. Il est bien évident qu'aucun Peuples fier et libre, en lutte depuis des siècles "sans jamais" (comme le précise le communiqué) s'être livré à des actions meurtrières aveugles contre des civils désarmés, ne va dire "allez-y, massacrez 50 ou 100 personnes innocentes, et on viendra encore vous embrasser les fesses" !

    Pour autant, les responsabilités apparaissent finalement (pour un texte de "Blancs", et pas militants "Ni guerre ni état de guerre" chevronnés avec ça...) bien attribuées à qui de droit par le texte ; et le refus de céder à la mobilisation réactionnaire à laquelle beaucoup (à commencer par les plus hauts sommets de l’État et du Capital) aimeraient voir les masses populaires céder, est assez explicite.

    https://www.corsematin.com/article/derniere-minute/flnc-lintegralite-du-communique



    votre commentaire

  • C'est là un point sur lequel il est temps, une fois pour toute, de dire les choses clairement.

    Dans le système capitaliste-impérialiste, au niveau mondial, il n'existe qu'un seul véritable groupe dominant : les détenteurs du Grand Capital qui régissent la production donc les rapports de production et, de là, tous les rapports sociaux. De par les processus historiques d'émergence et d'expansion planétaire du capitalisme (lire par exemple ici sur le cas spécifique de la place des femmes), ainsi que l'héritage des modes de production antérieurs, ce sont en immense majorité des hommes hétérosexuels blancs (européens ou euro-descendants) flanqués de quelques minorités-"quotas" de femmes (comme Laurence Parisot), d'hommes homosexuels (comme Pierre Bergé) ou de non-Blancs (comme Lakshmi Mittal) – ces derniers alimentés depuis quelques années par les phénomènes d'"économies émergentes".

    À ces détenteurs du Grand Capital, il est possible d'adjoindre et d'assimiler leurs agents politiques (les "politiciens", les "gouvernants", et leurs "forces de coercition" de manière générale) ; lesquels, lorsqu'ils ont réellement un rôle décisionnaire dans la "communauté internationale" (et ne sont pas des sbires néocoloniaux), ont globalement la même sociologie.

    AUCUN ENNEMI N'EST AU-DESSUS DE (ni ne peut être substitué à) CELUI-CI.

    Au-dessous de cela, tou-te-s sont des exploité-e-s/dominé-e-s/opprimé-e-s ; mais des dominé-e-s hiérarchisé-e-s par le groupe "alpha" dominant. C'est-à-dire qu'il ne s'agit pas, contrairement à une certaine vision marxiste "orthodoxe" ou plutôt "primaire", d'une division horizontale où nous serions tou-te-s au même niveau, mais "divisé-e-s pour mieux régner" selon des lignes (race, nationalité, sexe, genre, métier, capacités physiques ou intellectuelles etc.) qui seraient "factices" [lire à ce sujet ce très intéressant article consacré à l'auteur marxiste jamaïcain Stuart Hall, publié sur le site Contretemps, ou encore ici sur le blog d'une "vieille connaissance" ;-) (on passera sur l'hostilité à notre sens injustifiée envers le PIR), en particulier cet extrait] ; mais bien d'une division "verticale", "stratifiée", d'un empilement complexe (les "critères" de division étant nombreux) et même parfois à double tranchant (que penser par exemple du prolétaire racisé qui se montrerait sexiste envers une femme un-peu-moins-prolétaire blanche, et de celle-ci qui lui répondrait par le racisme et le mépris "de classe" ?) où celui ou celle qui est "au-dessus" bénéficie d'un réel "petit privilège", et exerce finalement une réelle "petite domination" sur celui ou celle qui est "au-dessous" : les hommes sur les femmes, les Blanc-he-s sur les racisé-e-s, les ressortissant-e-s (de tout sexe/genre et même racisé-e-s, c'est-à-dire originaires du "Sud global", bien que de façon "défavorisée") des pays impérialistes sur ceux/celles des pays dominés dont ils perçoivent tou-te-s des "miettes de surprofit" de la surexploitation ; liste – précisons-le bien – absolument non-exhaustive ; et ceci en laissant encore de côté le cas très spécifique des "petites hiérarchies" professionnelles, clairement et fortement perçues car directement liées au procès de production et s'exerçant là où tout le monde "perd sa vie à la gagner" (sur le lieu de travail).

    Mais si cette "petite domination" que celui/celle "au-dessus" exerce sur celui/celle "au-dessous" se traduit (ce qui permet de l'entretenir !) par des bénéfices concrets qui peuvent être observés très simplement – statistiquement – par les pourcentages de chaque catégorie (hommes ou femmes, Blancs ou racisés etc.) à mesure que l'on "monte" dans l'échelle des positions sociales et des revenus directs ou indirects correspondants (que l'on "monte" vers le "soleil" du groupe archi-dominant grand-capitaliste, en quelque sorte) ; sans parler des violences institutionnelles comme sociales visant à "rappeler" en permanence à chacun-e "quelle est sa place" ; elle fait aussi partie, elle permet, elle est un instrument de la "grande" que le seul et unique groupe pleinement dominant (défini plus haut) exerce sur lui/elle comme sur tou-te-s les autres.

    L'idée (du Grand Capital) en définitive – et la réalité dans les faits ! – c'est que l'immense majorité soit le/la "petit-e dominant-e" de quelqu'un d'autre (à partir de quoi il faut alors distinguer ce qui relève d'une oppression individuelle et ponctuelle ou bel et bien d'une oppression sociale/collective et structurelle, cf. notre addendum plus bas), et de là, "ne sache être libre" et "forge ses propres chaînes"...

    Voilà, selon nous, la véritable approche matérialiste que l'on peut avoir de ce problème des oppressions structurelles. Après, penser la problématique – et les moyens d'en sortir – est extrêmement complexe ; des concepts comme l'intersectionnalité, la triple oppression (classe-race-genre) ou encore l'idée qu'il y aurait parallèlement au mode de production capitaliste (où le bourgeois exploite le travailleur) un mode de production "domestique-patriarcal" où l'homme exploite la femme et les enfants (Christine Delphy), sont sans doute encore très insuffisants et peuvent conduire à des contradictions ; mais ce bout-là, si on le tient, semble le bon.

    Pour sortir de cet enchevêtrement de chaînes (ainsi que nous l'avons défini), nous serions tentés de dire qu'il y a deux formules. La première consisterait en une généralisation de ce que prônait Frantz Fanon dans le cas très spécifique du colonialisme : l'opprimé tue le "petit oppresseur", et ne restent en présence "qu'un-e homme/femme mort-e et un-e homme/femme libre" – mais il faut bien souligner ici la spécificité extrême du cas colonial, où la domination du petit colon (agent direct et généralement conscient/volontaire du pillage impérialiste d'un pays) sur le colonisé n'est pas si "petite" que cela et où l'affronter et le "dégager" ne signifie pas la désintégration ("guerre de tou-te-s contre tou-te-s") de la société en question, "sur" laquelle lui et ses semblables ne sont finalement que "greffés" en "parasites" (cf. l'addendum plus bas sur la spécificité du colonialisme et du racisme comme exclusion du colonisé/racisé de l'espèce humaine, ce face à quoi Fanon a en quelque sorte conceptualisé la violence comme "instrument de ré-humanisation").

    La seconde formule, elle, serait que face à la résistance-lutte-affirmation de celui/celle que dans sa position donnée il/elle opprime, le/la "petit-e dominant-e" se dépouille par la conscience politique de ladite position dominante et par là-même de ses propres chaînes ; et tourne à son tour ses forces vers le seul vrai groupe dominant qui régit tout cela : resteraient alors deux êtres libres – final beaucoup plus beau, c’est clair, mais aussi (hélas) beaucoup plus compliqué à atteindre. Ce n'est pas impossible : nul certes (nous rappelleront les gardiens du temple) n'abandonne de sa propre volonté une position sociale dominante et privilégiée ; mais nous parlons ici de privilèges-CHAÎNES[1], bien plus minces parfois (dans les classes populaires notamment) que la chaîne qui les accompagne, et qu'il peut donc y avoir un intérêt bien plus grand – à long terme à faire sauter que ce que l'on perd à court terme. Pour autant, cela reste un privilège bien concret (et non, comme nous l'avons dit, une "division" sur des critères purement "factices") et cela n'est pas simple ; et dans tous les cas impossible sans lutte de l'opprimé-e (lutte de préférence autonome et auto-organisée, pour ne pas qu'une organisation "on est tou-te-s ensemble" reproduise même inconsciemment les rapports de domination)[2], face à laquelle la "crispation" du "petit dominant" sur son privilège risque dans un premier temps d'être la réaction majoritaire.

    Pour prendre un exemple : avoir une véritable conscience politique révolutionnaire, lorsque l'on est "blanc", implique nécessairement d'avoir "honte" de l'être – "blanc" signifiant ici bénéficiaire du produit de la surexploitation du "Sud global" et comme nous l'avons dit, de par la façon dont le système capitaliste s'est historiquement construit, sur-représenté dans les "moins mauvais boulots", la "moindre exploitation" au sein même des métropoles capitalistes-impérialistes. Mais accéder à un niveau encore supérieur de conscience révolutionnaire conduit à pousser la réflexion politique encore plus loin et à se demander "qu'est-ce qu'être blanc ?" – à politiser la "honte d'être blanc", si l'on veut... Et à réaliser, dès lors, que si être blanc signifie (comme phénomène majoritaire) être moins exploité et opprimé, c'est aussi être aliéné de la pire manière qui soit : en croyant naïvement "être comme", avoir une "communauté d'intérêts" avec ceux qui nous exploitent ! En gros, le "Noir"/non-Blanc existe parce qu'existe le "Blanc" ; construit à travers les siècles comme armée de producteurs dociles, de soldats et de "petits agents" de la domination au plan mondial, et comme (finalement) "glacis stratégique" de protection du Pouvoir [3].

    Dans l’État français, être blanc va de pair avec être FRANÇAIS, autrement dit un "bon et vertueux citoyen de la République" (même les racisé-e-s peuvent un peu se "blanchir" de cette manière). Et nous savons que même à partir du moment où fut proclamée la "Nation" et ses "Droits de l'Homme et du Citoyen (BLANC...)" en 1789, ce sentiment "français" ne s'est jamais imposé en masse (dans ce que nous pourrions bien appeler la "partie européenne de l'Empire parisien") de manière totalement spontanée et pacifique... et pour cause, puisque être "français" c'est être un bon petit soldat de la production capitaliste hexagonale et les "valeurs de la France/République", ce sont celles de la bourgeoisie qui nous exploite ! Nous avons l'habitude d'illustrer par cette carte des révoltes populaires au 19e siècle ce que pouvait valoir, à cette époque, l'adhésion populaire au "concept France" ; tant dans le Paris ouvrier des grands soulèvements révolutionnaires (1830, 1848, Commune) que dans les "provinces" amassées au fil de 6 siècles de conquêtes et de poursuite des "frontières naturelles".

    Dès lors, en prenant conscience d'être non pas un "Français" mais un PROLÉTAIRE ou mieux encore, un prolétaire de sa nationalité réelle (occitane, bretonne, lorraine, corse, ch'ti, basque etc. etc. sans parler des "origines" européennes diverses ; pour ceux du Bassin parisien il faudrait trouver un autre nom que "français" mais bon, de toute façon, être prolétaire là-bas c'est généralement avoir une bonne part d'origines extérieures) ; en se souvenant de ce que nos aïeux ont pu endurer comme vexations et discriminations (que ce soit chez eux dans leur "province" à franciser ou en tant qu'immigrés étrangers comme "intérieurs"), entre deux massacres aux tranchées des guerres bourgeoises ou envois "jouer au patron chez les Noirs" sous un casque de la Coloniale (pour s'y sentir "enfin" un "être supérieur" et "devenir un patriote au lieu de rester un emmerdeur"...), avant d'accéder à ce "Graal" ; bref en refusant de se considérer "Français" comme cela nous est pourtant enseigné et imposé depuis la petite enfance ; l'on se dépouille d'une certaine manière de sa condition de "Blanc" – et le système instituant ladite condition vous le fait d'ailleurs savoir, d'abord par le crachat et la ridiculisation, puis s'il le faut par la répression.

    Bien sûr, cela ne fait pas disparaître matériellement le privilège "comme par magie" du jour au lendemain – aussi longtemps que perdure le système qui l'institue. Mais du moins aura-t-on véritablement (politiquement) pris conscience du problème, et pourra-t-on alors s'engager dans une authentique démarche révolutionnaire pour abattre ledit système et les "petites dominations" sur lesquelles il repose ; non pas seulement, comme nous l'avons vu, par "charité" envers les opprimé-e-s, mais aussi parce que cela nous libère.

    Voilà, en substance, comment l'on pourrait se rapprocher de ce qu'une désormais largement connue militante racisée (connue, hélas, plus pour les polémiques totalement injustifiées qu'elle soulève que pour le fond - souvent très juste - de son propos) a choisi d'appeler dans son dernier ouvrage "l'amour révolutionnaire"...

    Et l'erreur dans tout cela (puisque dans toute approche d'une question, il existe une voie erronée) ? Eh bien ce serait, dirions-nous, de perdre de vue le seul véritable groupe archi-dominant en le diluant, le "noyant" dans un vaste groupe défini comme "dominant" de manière monolithique et irréductible : par exemple "les Blancs" comme bloc monolithique opposé aux "non-Blancs" racisés/impérialisés (précisions ici, de constat fait, que les thèses "décoloniales" lorsque l'on prend le temps de vraiment les lire sont rarement aussi caricaturales), alors que "les Blancs" (consistant, en vérité, en des populations "blanchies" par couches successives) ont aussi leurs hiérarchies établies par le système, tout comme les racisés/impérialisés d'ailleurs (il suffit de penser, au hasard, à un pays comme l'Inde), servant là aussi d'instrument à leur propre domination. Ou encore "les Hommes" ("salauds irréductibles") vs "les Femmes" (ou "les Hommes" hétéro-normés vs "les Femmes" + les homosexuel-le-s, trans- et intergenres etc. etc.), là aussi comme blocs monolithiques. Ou bien encore (cela nous vient à l'esprit car on nous a beaucoup parlé des "maoïstes tiers-mondistes" ces temps-ci) un "Premier Monde" dans lequel personne ne pourrait être considéré comme exploité et opprimé (mais où la plupart des tenants de ces idées vivent pourtant, et encore dans des positions sociales pas vraiment prolétariennes avec ça), opposé à un Tiers Monde impérialisé qui serait exclusivement le "prolétariat mondial".

    C'est là une approche anti-matérialiste, idéaliste – et nous, notre truc, c'est le matérialisme... Lorsque ceci est porté par des personnes du groupe défini comme opprimé, c'est sectaire, stérile et anti-constructif (l'on pourra nous traiter de "dominants apeurés" que cela n'y changera rien : ceci n'est pas une opinion, c'est une réalité qui sera toujours à terme démontrée par les faits). Et lorsque les personnes qui raisonnent ainsi appartiennent elles-mêmes au groupe dit dominant, ce que l'on observe généralement est vis-à-vis d'elles-mêmes une sorte de savant mélange d'autoflagellation (qui n'est pas synonyme d'une prise de conscience politique et d'une démarche de rupture) et d'attitude de "chevalier blanc" (sans mauvais jeu de mot), et vis-à-vis du groupe opprimé une vision de "bon sauvage" collectif, pur et exclusivement victime, exempt de tout vice et de toute "mauvaiseté"... Erreur fatale ! Une telle vision idéaliste et anti-matérialiste est vouée tôt ou tard à se fracasser contre le mur de la réalité ; à savoir que (comme nous l'avons dit et redit) dans 99% des cas les opprimé-e-s portent aussi en eux/elles des oppresseur-euse-s, que les salaud-ope-s et les connard-asse-s (autre nom, finalement, de la volonté d'être dominant lorsqu'on ne l'est pas) sont partout, bref que tant que le capitalisme existe tout le monde est imprégné de ses réflexes et de sa mentalité [les marxistes "de classe" sont déjà habitués depuis longtemps à cela, à ce que tout ce qui sort de la bouche des prolétaires ne soit pas "parole d'évangile" (sans quoi il y aurait eu la révolution mondiale depuis longtemps !) et à ce qu'au contraire des "petits-bourgeois" puissent avoir raison et faire avancer la juste compréhension communiste du monde] ; et ceci les conduira inéluctablement à des désillusions tragiques, ou bien à des retournements de vestes spectaculaires (un "père" du néoconservatisme ne s'amusait-il pas à dire qu'"un néoconservateur, c'est un progressiste idéalisant les pauvres et les minorités qui s'est fait agresser et piquer son portefeuille" ?)... Ou alors, cela voudrait dire qu'ils/elles n'en ont rien à foutre des oppressions et des saloperies lorsqu'elles sont perpétrées par leurs opprimé-e-s "bons sauvages" chéri-e-s ; ce qui est tout de même un peu grave (non ?).

    En vérité, toute cette idéologie (qualifiée, peut-être par raccourci, de "postmoderne") des "identités" et des "oppressions", de la "parole située des premier.e.s concerné.e.s" et du "safe" (le but de la lutte serait que chaque individu se sente "safe", dans une petite "bulle de confort" dans son existence sociale...), ne revient en dernière analyse qu'à une version radicale d'un antiracisme, antisexisme, anti-tout-ce-qu'on-voudra MORAL ; une espèce d'aile radicale de l'idéologie démocratique libérale-libertaire bourgeoise, qui fait la chasse à des comportements et des discours individuels au lieu de questionner et combattre des rapports de POUVOIR et les bases matérielles de ceux-ci.

    Et face à cela, bien sûr – mais est-il nécessaire d'en parler tant ils/elles sont bien connu-e-s – il y a les sempiternels scrogneugneus et leurs mugissements ("font chier ces féministes", "font chier ces 'communautaristes' 'racialistes' 'racistes anti-blancs' go home !", "les rassemblements non-mixtes, non mais c'est quoi c't'apartheid ?"...) ; tout aussi anti-matérialistes car une question qui se pose est une question à laquelle il doit être répondu, et que l'existence de réponses erronées/"gauchistes" (ou même réactionnaires) n'invalide pas. Mais bon, que voulez-vous, ils/elles défendent leur gamelle... Les oppressions dont nous parlons sont OBJECTIVES, basées sur et démontrées par des données objectives concrètes ; et leur négation au nom de quelque "universalisme" que ce soit n'est en dernière analyse qu'une défense du système qui les sous-tend.

    Il faut rejeter catégoriquement ces visions idéalistes, et leur opposer une approche matérialiste des oppressions et de leur abolition. Il n'y a pas de tels "blocs" monolithiques qui "effaceraient"/"noieraient" le groupe dominant véritable (et structurant le tout) des détenteurs du Capital ; et une base fondamentale du marxisme est le refus de tout concept de "bon sauvage" (fut-il appliqué au prolétariat lui-même !).

    Nous avons l'habitude d'opposer à cette vision binaire de "blocs" une vision en cercles concentriques (autour du "Centre" grand-capitaliste) où chaque "cercle" est subordonné à ceux qui sont plus "centraux" (plus proches du "Centre"), qui se font généralement les "petits soldats" de son oppression, mais "privilégié" par rapport à (et participant à la domination de) ceux qui sont plus "éloignés"/"périphériques" – mais même cela est encore sans doute très schématique pour décrire l'enchevêtrement des "petites dominations" en société capitaliste.

    L'approche matérialiste des oppressions structurelles spécifiques et la reconnaissance de la nécessité de l'autonomie dans les luttes contre elles ont en fait vocation, malgré les apparences trompeuses, à servir L’UNITÉ révolutionnaire du peuple. C'est, concrètement, ne pas fabriquer des "oublié-e-s" qui se détourneront de la lutte révolutionnaire. C'est ne pas prétendre faire la révolution sans 30% des classes populaires travailleuses (les racisé-e-s, on parle ici de l’État français où nous luttons, au niveau mondial ce sont 90% !), ou carrément 55% (les femmes et autres opprimé-e-s par le patriarcat), ou pourrait-on dire encore, les 3/4 si l'on reste dans une démarche parisianiste-métropoliste de campus qui ignore ou méprise "l'Hexagone d'en bas", attitude dont une expression caractéristique est notamment la négation de la pluralité et des oppressions nationales au sein de l’État bourgeois français.

    Mais si l'on commence à entrer au service de la division, de la guerre "de tou-te-s contre tou-te-s" au lieu de combattre uni-e-s la seule vraie caste dominante (centre du pouvoir économique réel), on entre dans le dévoiement de ce principe bénéfique et nécessaire. Et l'on ne sert plus le peuple...

    L'ouvriérisme, le discours de pureté sociologique ouvrière (identity politics de classe, quelque part, et première identity politics de l'histoire !), généralement associé au positionnement "réac de gauche" sur les oppressions spécifiques que nous avons vu plus haut (encore que quelques éléments commencent à en "agrémenter" leur discours postmo-idpol des "identités opprimées"), est traditionnellement au service de l'aristocratie du travail et des bureaucraties (permanent-e-s, etc.) syndicales ou partidaires.

    Et le discours postmoderne de race ou de genre est, pareillement, au service de l'installation d'une centralité petite-bourgeoise (racisée ou "patriarcalisée") sur le front de ces lutte – la question ici n'étant pas qui l'on est (vous pouvez ranger vos brevets de "galérien-ne-s", ils sont hors-sujet), mais qui l'on SERT... c'est-à-dire, en fait, la véritable définition d'une identité politique (non pas "qui l'on est" d'un point de vue sociologique, mais qui l'on sert comme forces sociales !).

    Pour employer le jargon marxiste/maoïste : la seule contradiction antagonique jusqu'au bout est celle qui nous oppose au "Centre" grand-capitaliste et impérialiste de toutes les oppressions ; les autres sont finalement des contradictions au sein du peuple (mondial) qui devront être résolues avec des degrés d'antagonisme divers selon les circonstances, les endroits, les moments et (disons-le) les individus – des efforts importants pour ne pas dire considérables seront nécessaires, mais derrière la perte d'un maigre "privilège" se cache tout un avenir libéré, émancipé et de bien-être général ; et il faut toujours considérer (point de vue matérialiste !) que la transformation des individus, tous ou presque (on l'a dit cent fois) engagés dans un (des) rapport(s) de "petite oppression" vis-à-vis d'autres, à travers la lutte (qui se déploie des "périphéries" sociales vers les Centres du Pouvoir), la critique et l'autocritique, doit primer sur leur "destruction" (ce qui serait la logique d'un rapport avec un ennemi définitif et irréductible, or nous l'avons dit, un seul groupe est dans ce cas). Il ne s'agit pas, en disant cela, de se "protéger" en tant que "dominant" (mâle, blanc etc.) mais bel et bien d'indiquer la voie de la victoire révolutionnaire et libératrice pour tou-te-s, toute autre voie ne conduisant qu'à une impasse.

    Ce que nous avons dit là (comme toujours) ne plaira sans doute pas à tout le monde, mais il était définitivement temps d'exprimer une position claire et nette là-dessus.


    [1] Ce "petit privilège" peut en dernière analyse être vu comme un... "salaire", une "rémunération" de la position dominante (relative) dans l'ordre social : on est en quelque sorte "payé" pour être raciste ou xénophobe, sexiste, homophobe ou d'autres choses encore, et l'on défend ce "bifteck" perçu comme menacé par une éventuelle égalité réelle de l'infériorisé-e (souvent comprise comme un "nivellement par le bas", être "comme lui/elle" donc "abaissé" et non que lui/elle soit "comme nous", ou dans un registre différent mais voisin, qu'il/elle finisse par nous "dominer"...). Ceci n'est donc finalement pas très différent du travailleur rémunéré qui reçoit un salaire (plus ou moins élevé en fonction de ses responsabilités, qualifications, ancienneté etc.) pour faire "tourner" la machine capitaliste... Et donc pas plus de "l'intérêt" du "petit dominant" (qui serait ainsi "irrémédiablement" raciste ou sexiste ou autre), à long terme, que le capitalisme n'est dans "l'intérêt" du travailleur qui serait ainsi "irrémédiablement" son fidèle serviteur "qui se lève tôt" et ne songerait pas une seconde à le renverser ! Il est très important d'insister là-dessus car si l'on commence à considérer le racisme et le sexisme comme "irrémédiables", "dans les gènes" des Blancs ou des hommes cishétéros (de classe populaire, s'entend), à l'arrivée, sur quelle base les critique-t-on ? Reprocherait-on à un lion de manger une gazelle ? Il faut absolument marteler que ces "petits privilèges" ne sont pas des "intérêts" à long terme, seulement à courte vue, et que le seul véritable intérêt de tous et toutes au bout du compte est la libération de l'humanité des griffes du capitalisme (mais il est certes vrai, que l'intérêt à court terme et courte vue masque l'intérêt à long terme et que le travail politique révolutionnaire pour venir à bout de cela peut être de très longue haleine...).


    [2] Puisque nous avons parlé ici de la problématique des rapports hommes-femmes, ainsi que du mouvement dit "décolonial" qui organise déjà les colonisé-e-s intérieur-e-s sans Blancs ou presque, nous nous aventurerons peut-être jusqu'à proposer pour le mouvement révolutionnaire une organisation séparée et autonome des femmes, du moins celles qui le souhaitent (dans le milieu politisé de gauche radicale, ce sera sans doute une majorité). Point à la ligne ! Plus de cohabitation étouffante dans des organisations qui demeurent encore aujourd'hui en grande majorité masculine, plus de problèmes (qui sont à chaque fois des "bombes nucléaires" pour les organisations concernées et pour le mouvement en général)... "Solution de facilité", plutôt que de demander aux mecs de se transformer et de changer leurs attitudes ? Peut-être. Sans doute, même. Mais parfois, lorsque l'on affronte déjà des titans au quotidien (Capital, État, montée du fascisme etc.), il faut savoir faire le choix de la facilité. Les affaires de sexisme sont à chaque fois des chocs dévastateurs pour le mouvement dans son ensemble, sachant que ceci est alimenté par la propagande réactionnaire qui adore montrer que les "gauchistes", "derrière leurs grands discours", sont "tous des Bertrand Cantat en puissance". Et attendre que les hommes se transforment de fond en comble, dans tout ce qu'ils ont appris à être, pour que les choses fonctionnent, c'est prendre le risque d'attendre trop longtemps. Après tout, ce ne serait là que la transposition au niveau politique du principe de non-cohabitation déjà proposé par certains courants féministes dans les relations inter-personnelles (sentimentales notamment). De telles organisations existent d'ailleurs déjà, mais la plupart ont vu le jour dans le conflit et la polémique faute d'avoir traité les problèmes en amont. Ne vaudrait-il pas mieux prévenir que guérir ?


    [3]  À ce sujet, quelques citations :

    "Au siècle dernier, la bourgeoisie tient les ouvriers pour des envieux, déréglés par de grossiers appétits, mais elle prend soin d’inclure ces grands brutaux dans notre espèce." - Jean-Paul Sartre, préface des Damnés de la terre.

    "L'histoire de l’Occident se trouve face à un paradoxe. La nette ligne de démarcation entre Blancs d’une part, Noirs et Peaux-rouges d’autre part favorise le développement de rapports d’égalité à l’intérieur de la communauté blanche" - Domenico Losurdo.

    Ou encore, dans la bouche de l'ennemi bourgeois lui-même : "Si vous parvenez à convaincre le plus misérable des Blancs qu’il est supérieur au meilleur des hommes de couleur, il ne remarquera pas que vous lui faites les poches. Du moment que vous lui donnez quelqu’un à regarder de haut, il videra même ses propres poches pour vous." - Lyndon B. Johnson, président des États-Unis (1963-69).

    L'on peut encore citer (c'est déjà en lien dans l'article) l'analyse de Jacques R. Pauwels sur le colonialisme comme "moyen de résoudre les problèmes sociaux" : http://ekladata.com/3sUV27bo1WIPmvktQfF6QywZbMg.png

    De très bonnes analyses à ce sujet se trouvent encore dans l'article des Indigènes de la République "Bat m’a jrana we-sebbah y-guerguer" : en finir avec l’universalisme blanc


    [Addendum] En prolongement de tout ce qui vient d'être dit, la réflexion (comme vous le savez) étant permanente et la conception des choses en perpétuelle évolution, nous aurions finalement tendance à dire que :

    - À la base de tout, autrement dit du mode de production, il y a les classes et leur hiérarchie (autrement nommée "rapports de production"). Aucune analyse marxiste, c'est-à-dire scientifique, ne peut éluder cela.

    - Le genre, la nationalité, la race et d'autres choses encore (la liste pourrait être longue) relèvent de ce que nous pourrions appeler "l'organisation spatiale" du mode de production (nous reviendrons peut-être un autre jour, dans un autre article sur ce concept ; pour le moment c'est le meilleur terme que nous ayons trouvé).

    - EN PRINCIPE, ces "identités sociales" et les hiérarchies qui en découlent ne modifient pas les hiérarchies entre classes... à l'exception notable de la RACE, qui seule "distord" un peu cette hiérarchie, pour des raisons très simples que nous allons voir.

    - Le genre ou encore la nationalité (et d'autres critères encore comme la validité etc.) génèrent, donc, des hiérarchies à l'intérieur des classes sans modifier leur hiérarchie entre elles*. Une bourgeoise est selon l'idéologie patriarcale subordonnée au bourgeois mâle, un bourgeois non-cishétéro est infériorisé et stigmatisé au sein de sa classe. Il en va de même dans le prolétariat et les classes populaires. Mais si un prolétaire mâle peut exercer jusqu'à une très violente oppression sexiste sur une bourgeoise (viol par exemple), ce qui ne peut pas être toléré et doit être fermement condamné par les révolutionnaires (ce n'est pas une forme "acceptable" de "lutte des classes"), il s'agit là d'une oppression individuelle et ponctuelle. D'une manière générale et "quotidienne", c'est bel et bien la bourgeoise qui a le "dernier mot" face au prolétaire mâle. Il n'y a pas de domination collective et structurelle deS prolétaireS mâleS (a fortiori racisés !) sur leS bourgeoiseS (a fortiori blanches !) [quant à la supposée "solidarité de genre" qui unirait les femmes blanches et leurs "sœurs" de couleur, les chiffres de la dernière élection présidentielle aux États-Unis (voyant la victoire du très raciste ET sexiste Donald Trump), par exemple, parlent d'eux-mêmes...].

    De même, un notable basque ou corse est subordonné au Grand Capital français basé et concentré à Paris, dans la "grande pyramide bourgeoise bleu-blanc-rouge" ; mais il n'est en aucun cas "opprimé" par le prolétaire de région parisienne même le plus blanc et "de souche" qui soit. C'est le prolétaire périphérisé de "province" profonde qui est dans une position défavorisée (par le système qui "aspire" et concentre la richesse à Paris - et dans les métropoles, mais en dernière instance à Paris) par rapport à ce dernier.

    - La RACE, en revanche, parvient à générer une distorsion importante des hiérarchies de classe ; pour la bonne et toute simple raison que sa théorisation pseudo-"scientifique" d'autrefois a consisté purement et simplement en un déni d'humanité, une exclusion de l'espèce humaine - même si ces discours ne sont plus aussi francs et ouverts aujourd'hui, suite aux grandes luttes révolutionnaires du 20e siècle, cela a laissé des traces que seule la sortie du capitalisme peut faire disparaître. À partir de là, bien évidemment, si l'on n'est pas considéré comme réellement humain, qu'importe le rang social que l'on peut occuper dans son "autre espèce" ? Un indigène "évolué" restait (et reste encore dans une très large mesure) un indigène "évolué" et ne devenait jamais un Blanc, membre de la "race supérieure civilisatrice" ; ceci étant effectivement la grande différence avec les élites des nationalités périphériques de la "partie européenne de l'Empire parisien", qui ont très vite (une fois écrasés les récalcitrants) pullulé dans les plus hautes sphère de l'appareil politico-militaire et économique ; et ce qui fait la spécificité absolue du COLONIALISME et de la COLONIALITÉ par rapport à la "simple" oppression nationale (qui s'opère entre Blancs... ou entre non-Blancs) [le néocolonialisme, sous la forme d’États "indépendants" mais aussi de "collectivités d'outre-mer", consistant en dernière analyse à laisser l'administration directe des territoires aux "évolués"].

    Les non-Blancs qui "réussissent" en dehors du sport ou de la musique populaire, dans les hautes sphères de l'économie et de la politique, relèvent d'une politique de "quotas" ; et c'est ainsi que lorsqu'une vendeuse de cannes à pêche des Ardennes compare Taubira à un singe, cela peut être considéré comme s'inscrivant dans l'oppression structurelle de race (même si ensuite, peut-être, ceux qui par ailleurs décident et appliquent en toute bonne conscience les politiques racistes et impérialistes vont se servir de l'imbécile-heureuse-d'être-née-quelque-part pour dire que eux non, vous voyez bien, ils ne sont pas racistes...). Bien sûr, les racisé-e-s sont divisé-e-s en classes et appartenir à une classe "supérieure" permet en quelque sorte d'"amortir", de subir une moindre oppression que les prolétaires racisés, mais toujours dans les limites (et pour les raisons historiques) que nous venons de voir.

    - Mais ceci est le seul cas où l'on peut dire que s'opère une telle distorsion de la hiérarchie de classe (lire encore, à ce sujet, l'article d'Houria Bouteldja de novembre 2016). Pour le reste, NON, seules des oppressions individuelles et ponctuelles sont éventuellement - comme nous l'avons dit - possibles.

    Et quitte à ne pas se faire que des ami-e-s (mais nous commençons à en avoir l'habitude), il apparaît de plus en plus nécessaire de se faire "vieux grincheux" et INTRANSIGEANTS sur cette appréhension SCIENTIFIQUE des choses. Car sinon cela n'est plus possible, avec des "identités opprimées" ou au contraire "dominantes" qui sautillent dans tous les sens comme les cartes quand on gagne au Solitaire et finissent par former un "brouillard" qui va masquer (comme on l'a vu précédemment) le seul groupe véritablement dominant et ennemi jusqu'au bout ; ce que les Anglo-Saxons appellent identity politics (concept universitaire réformiste "radical").

    À plus forte raison lorsque ce sont des personnes qui (comme cela est fréquent dans les "milieux militants") ne sont pas vraiment, loin de là (si l'on est sérieux deux minutes), les plus opprimées de notre société** qui vont se chercher et s'inventer ainsi des "identités opprimées" comme des sortes de blancs-seings pour dire ou faire n'importe quoi sans pouvoir être contredites (ou mises hors d'état de nuire le cas échéant), ni avoir à défendre leurs positions par un autre argument que celui-là (plus d'idées justes ni fausses, seulement des "points de vue" dont la situation d'oppression revendiquée fonderait la légitimité) car telle est l'idée de la démarche, ce qui est bien entendu ridicule puisque même être effectivement et fortement opprimé dans la société ne peut jamais permettre de dire que 1+1 font 3 sans être contredit, ou de faire tout et n'importe quoi sans être combattu, sous prétexte que celui d'en face est un "oppresseur"/ "dominant"/"privilégié" (notions que nous avons vues dans la partie précédente de l'article).

    La lutte révolutionnaire pour l'abolition du capitalisme impérialiste et de toutes les oppressions qu'il charrie ne consiste pas en un "concours d'identité opprimée" visant à s'arroger un droit illimité à la parole sans être critiqué et contredit. Les vérités scientifiques, comme celles que nous venons d'exposer par exemple, n'appellent aucune discussion.



    *
    L'on peut citer par exemple, à ce sujet, le géant marxiste et anti-impérialiste péruvien Mariátegui : "Il n'y a rien de surprenant à ce que toutes les femmes ne se rassemblent pas dans un mouvement féministe unique. Le féminisme a forcément différentes couleurs, diverses tendances. Il est possible d'en distinguer essentiellement trois : le féminisme bourgeois, le féminisme petit-bourgeois et le féminisme prolétarien. Chacun de ces féminismes formule ses revendications de manière différente des autres. La femme bourgeoise va solidariser son féminisme avec les intérêts de la classe conservatrice ; tandis que le féminisme de la femme prolétaire est substantiellement indissociable de la foi des multitudes révolutionnaires en la société future. La lutte des classes, qui est un fait historique et non une supposition théorique, se reflète dans le féminisme. Les femmes, tout comme les hommes, peuvent être réactionnaires, centristes ou révolutionnaires. Elle ne peuvent pas, par conséquent, livrer toutes ensemble la même bataille. Dans l'humanité actuelle, la classe différencie plus les individus que leur genre."

    ** "Se déclasser, se mettre au RSA, ouvrir un squat, s’acheter un jogging, se mettre au graffiti et se faire des tatouages ne suffiront donc pas à vous transformer en ce lumpen viril que vous rêvez d’être. Vous n’êtes pas, et vous ne serez jamais, un jeune de banlieue. Ouvrir un squat dans un quartier populaire en voie de gentrification pour y monopoliser l’espace politique en déclarant qu’il s’agit de VOS quartiers (vos parents sont dans l’immobilier ?) n’y changera rien. Jamais." https://mignonchatonblog.wordpress.com/2016/08/29/pour-en-finir-avec-le-mot-racialisateur/


    EN GROS, si l'on veut simplifier les choses à l'extrême (quitte à être simplistes) : la lutte de classe dans l’État français ne s'articule pas, mais PREND LA FORME (lire ici) de LUTTES DE LIBÉRATION DES PEUPLES TRAVAILLEURS (et pas de luttes "nationales", ce qui inclurait les bourgeoisies - pour citer encore une fois Houria Bouteldja : "Pour nous la question raciale est sociale. Ceux qui meurent des violences policières, ce sont des enfants de prolos. Les filles qui sont exclues de l’école parce qu’elles portent le voile, ce sont des filles de prolos. Quand on lutte contre les discriminations raciales, cela veut dire qu’on lutte contre le chômage, la pauvreté, les violences policières. On ne milite pas pour les femmes saoudiennes qui viennent faire leurs courses sur les Champs Élysées !") ; en ayant toujours bien à l'esprit le "gap" qui existe entre les deux formes d'oppression que sont la négation jacobine et la colonialité raciste (afin que les uns n'"empruntent" pas indûment les concepts des autres) ; et DANS CHACUNE de ces luttes, la question du patriarcat est traitée par (idéalement) une forme d'auto-organisation autonome non-mixte des "genrisé-e-s" selon des modalités à définir démocratiquement par les intéressé-e-s elleux-mêmes (ainsi que par des séances de "thérapie collective" mixtes, car l'on parle quand même là de déconstruire des identités genrées pluriséculaires voire millénaires...), sur la base du féminisme révolutionnaire prolétarien (lire aussi ici) ; sans que les autres et à plus forte raison les luttes NON-POPULAIRES (la lutte, en dernière analyse, de la petite bourgeoisie francouillele-concept-francouille francais-selon-nous-pas-les-gens-du-bassin-parisien - laminée par la crise) n'interfèrent dans ce traitement (ou celui de n'importe quelle autre problématique, d'ailleurs...) avec leurs injonctions et autres dictées d'agenda ; en d'autres termes appuient sur ces contradictions ce qui est leur technique n°1 pour diviser à leur profit.

    [En gros et pour faire court quitte à schématiser, dans notre État impérialiste occidental la fRance, il est possible de distinguer les 4 grands groupes sociaux suivants : la grande bourgeoisie dans son "hypermonde" (si l'on peut oser ce néologisme), la classe moyenne blanche "francouille" (qui représente possiblement la majorité des Blanc.he.s...), et puis (c'est là que ça commence à devenir intéressant) les PEUPLES TRAVAILLEURS blancs "autochtones" ou issus de l'immigration européenne (souvent aliénés au "concept fRance", au "sentir-français", et à désaliéner à ce niveau-là pour commencer), et les Peuples racisés (chez qui la race tend fortement à effacer la classe - pour celles et ceux qui ont de l'aisance matérielle, on pourrait appliquer le concept de "bourgeoisie nationale" en quelque sorte) ; CHACUN (de ces groupes) traversé par les hiérarchies et contradictions de genre et devant les traiter EN SON SEIN sans immixtion du féminisme/antisexisme d'un autre groupe, a fortiori placé "au-dessus" dans l'ordre social – c'est-à-dire (en fait) pas une question de temporalité, d'"ordre des priorités" ("lutte de classe/race d'abord", "ces questions attendront" etc.), mais plutôt une question de respect des espaces sociaux.]

    Dès que l'on "touche" à cet édifice, à coups par exemple d'"articulation", d'"intersectionnalité" dévoyée de son sens originel ou autres "post-moderneries" (lire aussi absolument, à ce sujet, ce masterpiece d'Houria Bouteldja : Race, classe et genre ; une nouvelle divinité à trois têtes, ou encore cet extrait de Le PIR veut-il (vraiment) le pouvoir de Louisa Yousfi), TOUT S'EFFONDRE.

    Les luttes sociales ne sont pas "chimiquement pures" ni abstraitement universelles d'un cercle polaire à l'autre ; une telle chose n'existe pas et une telle conception, n'ayant aucune chance d'aboutir, ne peut être mise en avant que par celleux qui dans le fond veulent que rien ne change, et/ou ne luttent en réalité que pour leur petit confort occidental malmené par la crise. Les luttes sociales ont pour acteurs des masses populaires, et pour cadres des territoires sociaux dont la situation et les problématiques sont les produits d'une histoire. Il n'est pas possible d'en fixer les modalités et les priorités depuis l'extérieur de ces territoires. Ainsi par exemple, les masses populaires racisées ont défini leur priorité comme la lutte contre le racisme institutionnel/structurel et le "colonialisme/indigénat intérieur" (à la métropole), le traitement colonial des quartiers où elles sont concentrées ; et non (par exemple) comme l'attaque contre celles et ceux d'entre elles qui auraient accédé à une meilleure situation sociale que la grande masse vivant dans lesdits quartiers-ghettos (sauf à ce que ces personnes soient devenues ouvertement des auxiliaires du Pouvoir blanc), ou encore la lutte contre "l'obscurantiiiiisme religieuuuux" (à coups de numéros verts pour poucave les "radicalisé.e.s" ??) ; et il n'est pas possible depuis un autre "territoire social", une situation qui n'est pas la leur, de prétendre leur imposer d'autres priorités.

    De la même manière qu'il n'est pas possible de demander à une femme d'"oublier" sa condition spécifique d'opprimée par le patriarcat (mais pas non plus de lui IMPOSER cette priorité si elle souhaite s'en donner d'autres... comme la lutte contre le racisme structurel par exemple, pour une femme racisée !). Et de la même manière, aussi, qu'il n'est pas possible de décider de la validité ou non d'un mouvement ouvrier et paysan dans la pointe bretonne depuis des états-majors parisiens... ou lyonnais, ou strasbourgeois, ou même occitans. Les erreurs sont toujours possibles et peuvent, à partir d'un certain point, être critiquées ; mais le PRINCIPE DE BASE est et doit rester que PERSONNE ne peut mieux comprendre les problématiques d'un territoire social et définir les luttes prioritaires, et les alliances nécessaires à celles-ci, que les personnes dont ce territoire est le lieu de la vie sociale.

    Le problème de faire intervenir la notion d'"intersectionnalité" (notion terriblement déviée de sa signification originelle : féministes ou LGBT noirEs américainEs qui disaient tout simplement être à l'intersection de toutes les oppressions - de classe, de race et de genre) ; de dire (d'ENJOINDRE) que "les opprimé.e.s doivent être solidaires" et qu'il "faut articuler" et lutter sur tous les fronts à la fois ; c'est qu'il faut postuler pour cela que toutes les oppressions et les identités opprimées sont ÉGALES... or ce n'est pas le cas. Comme nous l'avons vu précédemment, les identités opprimées sont hiérarchisées ; tout le monde ou presque étant l'oppresseur.euse (potentiel.le, du moins) de quelqu'un d'autre, mais dans une stratification hiérarchique (et non une "tactique de division horizontale") des masses populaires d'un État-enclos capitaliste donné ; si bien que NON, "toutes les oppressions" ne "se valent" pas. Les choses sont (donc) malheureusement beaucoup plus compliquées que de définir l'identité opprimée dont on relève (on en relève presque tou.te.s d'une, 90% de la population disons), et de là s'affirmer le "frère" ou la "sœur" de "tou.te.s les opprimées de la planète" (et bien sûr - ou plutôt - les ENJOINDRE de s'affirmer de même à notre égard)...

    En accord total avec le texte d'Houria Bouteldja, nous ne pensons pas que vouloir "tout combattre à la fois" (et n'oublions pas, SVP, la question écologique et l'exploitation animale !) puisse conduire à autre chose qu'une posture esthétisante et un "style-de-visme" sans impact révolutionnaire réel sur la société populaire. Nous ne croyons pas aux avant-gardes "naturelles" qui résulteraient mécaniquement du "croisement" d'un "maximum" d'oppressions ; nous pensons en marxistes que les avant-gardes révolutionnaires naissent de la rencontre d'une théorie/stratégie correcte et du mouvement réel d'un ensemble humain sur une ou un ensemble de questions concrètes qui le mobilisent.

    Voilà ce que nous avions à dire.


     [Résumé, peut-être, ULTIME sur la question du postmodernisme (commentaire FB) : 

    Il est d'autant plus difficile de définir le postmodernisme, qu'il ne se définit pas et même rejette en général cette appellation lui-même.

    Nous dirions pour notre part qu'il est une forme de dérive gauchiste à partir du traitement de causes légitimes, comme toutes les causes légitimes ont leurs gauchismes de toute façon, y compris la lutte des classes "pure" avec le dogmatisme ouvriériste ou autre.

    Notre définition du postmodernisme serait une dérive individualiste, individualo-centrée qui perd de vue les grandes divisions du travail et les hiérarchies des contradictions (principales, secondaires) au profit de souffrances, indiscutables en vertu de la "parole des concerné-e-s", et en réponse d'une recherche de "zones de confort safes", PERSONNELLES.

    S'attaquant au final, d'ailleurs, à des comportements dits oppressifs individuels c'est à dire des SYMPTÔMES, et non au fond structurel des problèmes (les grandes divisions du travail), dans une approche finalement MORALE tout en critiquant à tout va l'antiracisme et toutes les approches anti-oppression dites "morales".

    Au final, de dérive en dérive on en arrive à un "progressisme au service de l'ordre" version radicale, radicaliste, opposé et même en prétendue guerre contre le "progressisme au service de l'ordre" socedem ou lib-lib mainstream (De Haas, Fourest, Schiappa, "antiracisme" SOS etc.), mais TOUT AUTANT au service de l'ordre en réalité.

    Les souffrances personnelles, à partir d'oppressions non hiérarchisées ni mises en perspective, sont ainsi habilement dressées les unes contre les autres et détruisent toute unité d'action de masse contre une (ou pourquoi pas plusieurs de front !) division du travail priorisée comme à abattre.

    Il n'y a plus d'analyses justes et d'analyses erronées, puisqu'il n'y a plus que des ressentis tous valables et légitimes, à écouter sans critiquer sous peine de "silencier" les personnes... Donc la construction d'une conception révolutionnaire correcte pour transformer le monde (et liquider toutes ces souffrances) n'avance plus.

    À un certain point, parler de révolution et de ce que ça implique (pas un dîner de gala) devient "viriliste", "excluant" pour les gens qui ne seraient pas "physiques", costauds, ne sauraient pas se battre, ou seraient handicapés (comme si les communistes n'avaient pas été de tout temps capables de trouver une utilité à tout le monde voulant servir la révolution, il suffit de penser à un géant théorique comme Mariátegui... en fauteuil roulant, jamais monté sur une barricade).

    Lorsqu'on a atteint ce stade de n'importe quoi, on a affaire à un véritable dispositif de contre-révolution préventive.

    Voilà pour résumer (si on peut appeler ça résumer LOL)]


    3 commentaires

  • Communiqué du CRI ROUGE


    DÉCLARATION À L’OPINION NATIONALE ET INTERNATIONALE


    Nous venons d’apprendre que Théo EL GHOZZI – un camarade de la CARA (Collectif Antifasciste Révolutionnaire d’Auvergne) de Clermont-Ferrand – vient de décider d’entamer une grève de la faim pour protester contre le contrôle judiciaire qui lui a été imposé par l’État français après son arrestation du 23 juin 2016 et qui lui interdit tout accès au centre-ville de Clermont-Ferrand (voir carte ci-dessous signalant le périmètre interdit), ville où il réside, travaille et milite.

    Comme il le signale lui-même dans son communiqué, « plus qu'une interdiction de manifester, c'est quasiment une assignation à résidence. Je vis à Clermont-Ferrand, mais je ne peux pas y circuler. Impossible de faire des démarches administratives, de prendre les transports en commun sans faire des détours impossibles (je n'ai pas le permis), de travailler (je suis intérimaire, et je suis souvent de passage dans le centre-ville pour me rendre au travail)... De plus, je dois pointer une fois par semaine au commissariat de Clermont-Ferrand, je ne peux donc pas déménager vers une autre ville ! ».

    Pour revendiquer son droit à la liberté de circulation, de manifester et plus largement de vivre librement jusqu’au 13 décembre, notre camarade commencera donc mardi prochain après-midi, le 28 juin 2016, sa grève de la faim.

    Nous exprimons ici notre entière solidarité avec ce camarade et nous appelons tous ceux qui s’inscrivent dans cette solidarité à signer l’appel suivant pour exiger le retrait de ce contrôle judiciaire inique et la réhabilitation de ce militant dans son droit le plus élémentaire de circuler librement, de vivre, de travailler et de militer dans la ville où il réside.


    NON À LA CRIMINALISATION DES MILITANTS ET DES LUTTES ! 

    LIBERTÉ DE CIRCULER ET DE MANIFESTER POUR NOTRE CAMARADE !

    À BAS LA RÉPRESSION DE L’ÉTAT RÉACTIONNAIRE FRANÇAIS !

    SOUTENONS LE COMBAT DE NOTRE CAMARADE !

    OSONS LUTTER ! OSONS VAINCRE !

    Paris, le 26 juin 2016

    Le CRI Rouge pour la défense des prisonniers politiques révolutionnaires

    Signataires : Comité d’action et de soutien aux luttes du peuple Marocain – Comité de défense des luttes du peuple Tunisiens - Cellule Antifasciste Révolutionnaire d'Auvergne – Plateforme des prisonniers politiques de Turquie et du Kurdistan
     

    Un militant révolutionnaire occitan (auvergnat) en grève de la faim contre une assignation à résidence de faitUn militant révolutionnaire occitan (auvergnat) en grève de la faim contre une assignation à résidence de fait

    Un militant révolutionnaire occitan (auvergnat) en grève de la faim contre une assignation à résidence de fait


    votre commentaire

  • "Toute la supercherie de ta théorie consiste en ce mauvais parallèle historique que tu fais en ce qui concerne la Russie révolutionnaire et la France d'aujourd'hui. Les nombreuses nationalités exploités, opprimées dans leur droits par le tsarisme sont pour toi comparables avec la Bretagne, l'Occitanie et l'Alsace." (extrait d'un mail reçu il y a un bout de temps déjà)


    Eh bien nous dirions même que dans un sens, en "France", C'EST PIRE... L'Empire russe opprimait les nationalités de manière beaucoup plus violente, sanglante, mais n'était pas négateur. C'est justement le concept d'un Empire, où des territoires et des Peuples sont réunis (et opprimés) sous l'égide d'une Couronne, mais sans prétention à constituer un "État-nation" (un peu comme l'Autriche-Hongrie à la même époque... ou le Royaume-Uni et son Commonwealth aujourd'hui !).

    Les Tchétchènes et les Ouzbeks étaient opprimés (par des fonctionnaires russes ou des vendus russifiés locaux), mais personne n'allait leur dire "vous êtes des Russes" (ou alors le phénomène était extrêmement embryonnaire, de même qu'il s'esquissait dans ce qu'il restait de l'Empire ottoman, prélude au turquisme kémaliste qui lui est clairement un clone du "modèle français"). On leur demandait simplement de "respecter" leur "protecteur" qu'était le Tsar...

    L’État français, lui, est fondé depuis 200 ans sur la NÉGATION de sa plurinationalité réelle et sur le discours qu'il n'y a "que des Français en France" (même si pendant un bon bout de temps, il a fallu du boulot et une sacrée répression pour que ça "rentre dans le crâne" d'approximativement 70% de la population d'Hexagone + Corse, et encore aujourd'hui avec les millions de prolétaires issu-e-s de l'"ex" Empire colonial qui forment les "colonies intérieures"). Bien sûr, par "que des Français en France" il faut comprendre "que des bons petits soldats du Capital tricolore sur la base d'accumulation première de celui-ci", mais (et c'est là le formidable tour de passe-passe !) la chose a même réussi à être massivement admise comme "progressiste" et "émancipatrice" par toute une frange de la "gauche" et du mouvement ouvrier...

    Mais bon, tout cela pour dire que c'est ainsi que fonctionne, dans l’État français, l'encagement et l'exploitation-oppression deS PeupleS travailleurS : à coup de "vous n'êtes que des Français, citoyens de la République", et non d'un "devoir de fidélité" envers un souverain.

    C'est la raison pour laquelle un Parti "français" ou "de France" est selon nous une voie erronée, qui conduit à la REPRODUCTION de cette négation au service de la domination politique et économique de la région parisienne - siège du Grand Capital - sur nos territoires et populations périphériques (et de la même manière, du "privilège blanc" sur les racisé-e-s !) ; et donc à impossibiliser l'abolition de l'exploitation du Travail par le Capital elle-même. De manière encore plus certaine que dans l'Empire russe où finalement le principe de réalité, c'est-à-dire de Partis nationaux-réels, s'est imposé assez facilement (encore que sans doute assez imparfaitement, et bien que par la suite l'étiquette "soviétique" ait pu servir à "couvrir" une nouvelle domination russe et même une assez forte russification par endroit) puisque l'évidence de la plurinationalité n'avait jamais été vraiment niée même par l'Empire lui-même. [La question ne s'est jamais réellement posée dans l'Empire austro-hongrois, du fait de son éclatement en un multitude d’États dès 1919 ; en revanche elle a pu le faire fortement et même brutalement au Royaume-Uni, avec les velléités de Parti écossais indépendant et indépendantiste de John MacLean vigoureusement combattues par la direction anglaise du CPGB, ou encore dans l’État espagnol.]

    Une reproduction de cette négation portée par (dans le mouvement communiste/révolutionnaire), et (car) profitant à ce que nous avons affublé du nom de "francouille" ; véritable groupe social bénéficiaire – donc "dominant" – de l'édifice négateur, car il ne s'agit en réalité pas vraiment d'une des nationalités de l'ensemble, mais plutôt de cela :

    "Il n'y a pas de 'Français'. Il y a ce qui n'est pas une nationalité (une 'ethnie') mais plutôt une 'sociothnie' et qui s'appelle les FRANCOUILLES, consistant en les personnes qui baignent dans l'idéologie ou l'aliénation [exemple de cette aliénation francouille en mode "plus ouvrier que moi tu meurs" : humaniterouge-alloforum.com/blog-komunouriezh] 'lafRrrrance' où qu'elles se trouvent sur le territoire hexagonal - mais particulièrement concentrées dans les zones les plus blanches (le choix de la couleur est sans doute un hasard lol) sur cette carte, ce qu'on appellera les 'métropoles dans l'mouv' : FMjJDY.jpg

    Et l'on peut dire dans un sens que ce qui définit les non-Blancs c'est l'impossibilité de devenir pleinement de tels 'francouilles', ou du moins la possibilité au prix de beaucoup plus d'efforts et pour être moins bien 'payés' à l'arrivée que nous les Blancs (qui le sommes hélas devenus en très grande majorité, en catégorie 'aliénés' du moins).

    Voilà donc la 'sociothnie' dont nous refusons de voir se reproduire la prééminence dans une 'organisation révolutionnaire de la classouvrière de Frrrance' (prééminence de Paris sur la 'province', des 'métropoles dans l'mouv' sur les périphéries reléguées, et bien sûr des Blancs sur les non-Blancs) ; reproduction automatique et inévitable dans un tel schéma."

    [Lire aussi : les-francais-selon-nous-ne-sont-pas-les-gens-du-bassin-parisien]

    [Révision de ce concept de "sociothnie francouille" (juin 2019) :

    "La France" n'est certes pas une nation au sens scientifique marxiste du terme (Lénine-Staline, Kaypakkaya etc.). Elle est un État (pseudo-"nation") qui dans ses vastes frontières en comprend (au sens scientifique) plusieurs (sans même parler de l'outre-mer) : Bretagne, Corse, Savoie, Alsace, "Grande" Occitanie avec ses "petites nations" provençale, gasconne, auvergnate etc., Pays Basque... À la rigueur peut-on parler d'une "Nation française" réelle dans un certain Bassin parisien, aux contours mal définis (faut-il y inclure les Ch'tis annexés plus tard que les Antilles ? la Lorraine de langue d'oïl, annexée 3 ans avant la Corse ? la Bourgogne, ou encore la Normandie qui ont des identités tout de même bien marquées ?).

    Ce qu'est "la France", c'est le cadre géographique d'un PROJET POLITIQUE.

    "La France" c'est, sur un territoire géographique défini, celui de l'Hexagone :

    - Un "pacte", une union de BOURGEOISIES sous la conduite (sans équivoque) de celle de Paris ; dans un projet politique capitaliste et impérialiste.

    - Un ensemble de PEUPLES dans le "même bateau" depuis des siècles ; et qui dans ce cadre étatique commun, face à un ennemi commun (pouvoir central réactionnaire et/ou envahisseur), peuvent éventuellement s'engager dans un combat émancipateur commun : 1789 (et années suivantes), 1848, 1870-71, le Front populaire et la Résistance-Libération, Mai 68 et les années suivantes, etc. ; "Ma France" de Jean Ferrat, quoi.

    La "Nation française" peut donc ici (et seulement) prendre forme dans un sens renanien, comme il peut y avoir une "Nation suisse" qui compte en réalité 4 nationalités réelles (romande arpitane, alémanique, tessinoise et rhéto-romanche) ; mais pas dans un sens scientifique marxiste et léniniste.

    Ces deux aspects ont été en contradiction apparente dès les évènements politiques des années 1790.

    Dans le second aspect, elle peut demeurer encore aujourd'hui un signifiant positif ; et amener à prendre avec recul, par exemple, les marées de drapeaux tricolores du mouvement des Gilets Jaunes (à partir de novembre 2018, encore en cours en juin 2019) ; dans le cadre duquel ceux-ci ne sont pas à voir uniquement comme une marque d'aliénation (d'"arrimage" à la bourgeoisie) mais aussi dans leur signification révolutionnaire ("refaire 1789", "couper la tête au roi Jupiter-Macron"...), sachant que (aussi) les drapeaux "régionaux" y fleurissent comme dans aucun autre mouvement social : tel est, peut-être, le "prix à payer" pour un mouvement (finalement) beaucoup moins isolé au sein de la population hexagonale que celui de Mai 68.

    En somme : avant 1789, "la France" était une pure addition de "colonies" parisiennes sous l'autorité de la Couronne ; et depuis, elle est en quelque sorte une contradiction permanente entre 1/ la continuation de cet Empire parisien sous la forme d'un État bourgeois, technocratie au service du Grand Capital, et 2/ une nation renanienne dont l'idéal-ciment... est précisément la lutte commune, "tous dans le même bateau", contre cet État bourgeois technocratique continuateur de la monarchie ; symbolique qu'il faut savoir saisir dans les drapeaux bleus-blancs-rouges "1789iens" des Gilets Jaunes.

    Le souverainisme, le vote populiste-BBR pour le Front National ou (au mieux) Mélenchon, est quelque chose qui part de ce patriotisme populaire "français" du deuxième aspect, de ses aspirations à la fois sociales et d'"économie morale" ("la gauche radicale n’arrive pas à rompre avec son matérialisme froid qui l’empêche de comprendre le besoin d’histoire, d’identité, de spiritualité et de dignité des classes populaires blanches ; une dignité qui ne soit pas seulement la dignité de consommer. Les prolos français qui ont voté pour Sarkozy ou Le Pen n’attendent pas seulement d’eux qu’ils augmentent leurs salaires : ils votent pour des « valeurs », quoi qu’on puisse penser de ces valeurs ; et à des valeurs on n’oppose pas 1500 euros mais d’autres valeurs, on oppose de la politique et de la culture. La question de la dignité est une porte d’entrée trop négligée. Cette dignité bafouée a su trouver auprès de ceux qu’on appelle les « petits blancs » en France ou encore les « white trash » aux États-Unis une voix souterraine pour s’exprimer, c’est l’identité. L'identité comme revers vicieux de la dignité blanche, et qui sous cette forme n’a trouvé comme traduction politique que le vote FN, puisque ces petits blancs sont « trop pauvres pour intéresser la droite, trop blancs pour intéresser la gauche » pour reprendre la formule d’Aymeric Patricot" (...) "Ce mépris n’est pas seulement un mythe entretenu par l’extrême-droite. Il est au cœur de la dévitalisation d'une gauche satisfaite d’elle-même qui donnant d’une main des leçons d’antiracisme moral aux petits blancs, apprenait de l’autre l’intégration républicaine aux immigrés", avec pour résultat "à ces deux extrémités, deux camps qui se regardent en chien de faïence, et une expérience commune : la négation de dignité" - H. Bouteldja; d'une soif (en définitive) de POUVOIR des masses ; pour tomber dans les griffes du premier aspect, ou du moins, de la fraction la plus "seule contre tous" de ce "pacte" bourgeois tricolore.

    Lire aussi : http://servirlepeuple.eklablog.com/feu-sur-les-jacobinards-ou-plutot-les-bonapartistes-de-gauche-et-autre-a156409988]


    C'est la raison pour laquelle il nous faut sérieusement PENSER la manière dont un "commandement" révolutionnaire unifié peut (certes) se mettre en place face à un commandement bourgeois (certes) unifié (l’État), mais SUR LA BASE et uniquement sur la base de mouvements révolutionnaires organisés qui émanent des "Peuples nationaux" réels, sans oublier (encore et toujours) les Peuples "colonisés intérieurs" "issus de l'immigration", de manière autonome/autocentrée et dans la réappropriation d'eux-mêmes (car qu'est-ce que la révolution, en fin de compte, si ce n'est la réappropriation d'eux-mêmes par les travailleurs, les exploité-e-s et les opprimé-e-s de tous les pays).

    Appelons cela "Parti confédéral" ou "fédération de Partis" si l'on veut ; la formule définitive reste à penser collectivement et démocratiquement* ; mais c'est en dernière analyse la seule manière de rompre culturellement et d'en finir avec le "mythe citoyen français" ou encore la "colorblindness" (vis-à-vis des non-Blancs racisés), autrement dit la négation des différences pour mieux maintenir et reproduire les inégalités. Car après tout (sinon) il faudrait peut-être demander un jour, à ceux et celles qui nous opposent cela, pourquoi ils/elles prônent un Parti "du prolétariat" ou "de la classe ouvrière" et non un Parti "des gens", "tous frères humains sauf qu'il serait vraiment temps d'en finir avec l'Argent et la logique du profit qui pourrit la vie à tou-te-s"... Ben oui quoi, c'est quoi ces divisions, ces barrières comme ça entre les gens ?

    Et c'est donc pour ces raisons, après en être arrivés à cette conclusion, qu'il faut désormais oser dire haut et fort notre opposition à tous les "2.0" du grand (et finalement seul et unique) "modèle" du siècle dernier, le PCF avec un grand F ; à toutes ces propositions de nouveau Parti communiste français dont les sections locales "tiendraient compte" (à des degrés divers, selon de la rigidité jacobine de la direction centrale...) des "problématiques, notamment particularistes" de chaque "région". Oser dire clairement aux affirmateurs des réalités nationales (voire carrément aux militant-e-s de luttes de libération) qui "trempent" dans ce genre de chose qu'ils/elles se FOURVOIENT et finiront comme des dindons de la farce (si ce n'est pas comme des traîtres...). Il est impossible (schizophrénique, pour tout dire...) de prétendre défendre les "luttes de libération" et autres "questions nationales" au sein d'une structure FRANÇAISE où toutes les décisions sont prises, tout le "cadre" est fixé à un niveau "central"... français.

    Et si nous restons résolument ouvert-e-s aux militant-e-s sincères et eux/elles-mêmes ouvert-e-s de ce type d'organisations "françaises" ou "de France", nous devons aussi CONTRER impitoyablement les basses manœuvres permanentes de ces directions jacobines qui en préservant LA FRANCE (sous des épaisseurs diverses de maquillage "universaliste", "internationaliste", "y a qu'la classe qui compte" ou "les prolétaires n'ont pas de patrie") préservent le RÂTELIER auquel toute une gigantesque masse petite-bourgeoise et même populaire bouffe ou (du moins) espère (plus ou moins consciemment) bouffer un jour. [Et à ce niveau-là, celles qui avancent masquées sous une "grosse dose" de "tenir compte" et de "soutien" aux "luttes nationales" et décoloniales (mais attention, bien sûr, toujours "bien dans le cadre" d'un projet qui reste un Parti français) ne sont certainement pas les moins dangereuses...]


    * Le PCbUS avait de fait une structure fédérale, de par l'existence d'un Parti communiste pour chacune des Républiques soviétiques fédérées ; toutefois la RSFS de Russie n'avait pas de PC propre, ses communistes étant directement affiliés au Parti "global"... ce qui tendait à signifier que la Russie était en quelque sorte la "norme", la direction "naturelle" de l'Union, et non une simple nationalité parmi les autres (conception s'affirmant - par exemple - en musique dans les paroles de l'hymne soviétique composé en 1943 : "Union indestructible de républiques libres/ réunies pour toujours par la Grande Russie"). Ceci peut être perçu comme un signe annonciateur de l'hégémonisme grand-russe qui (entre autres problématiques) devait corrompre et pourrir de l'intérieur l'expérience socialiste soviétique, tel que le pressentait déjà Lénine peu avant sa mort.

    Plus récent, situé en outre au cœur même de la première puissance impérialiste mondiale, un autre modèle d'"internationalisme domestique" (internationalisme à l'intérieur de et face à un même État capitaliste-impérialiste) qui pourrait nous inspirer serait la Rainbow Coalition (ici en anglais) impulsée par Fred Hampton du Black Panther Party... en imaginant autant de "Young Patriots Organization" ou de "White Panthers" qu'il y a de nationalités "autochtones" réelles dans l’État-"nation" français (refus catégorique de reproduire le centralisme parisien ; refus que les problématiques spécifiques de nos territoires périphérisés et de nos Peuples niés soient simplement "prises en compte" par des organisations hexagonales dirigées depuis le Quartier Latin...). La répression impitoyable déchaînée contre cette coalition par le FBI de J. E. Hoover (programme COINTELPRO) semble devoir suffire à démontrer en tant que telle - a posteriori - la menace ressentie par le système US, non seulement devant le réveil révolutionnaire des minorités raciales pratiquement exclues de l'espèce humaine depuis des siècles mais aussi de voir ce réveil rejoint par des jeunes blancs de classe populaire (et de régions périphériques - Appalaches, Arkansas, Michigan, Nord-Ouest), a priori forgés dans le racisme et le "petit privilège" blanc depuis leur naissance - et non par les habituels fils et filles de bourgeois "libéraux"/"progressistes"... toujours et éternellement aussi paternalistes et "récupérables" à terme.

    Tout ceci sans oublier, bien sûr, les organisations autonomes de genre (femmes, LGBT) pour chacune des composantes de ce vaste mouvement...


    L'on pourra également se procurer et lire ce bouquin de Laurent Lévy (père des adolescentes voilées dont l'"affaire" avait directement conduit à la loi d'apartheid de 2004, et signataire de l'Appel des Indigènes en janvier 2005), "La gauche", les Noirs et les Arabes (chez La Fabrique), et en étendre la logique à nos situations nationalitaires-réelles et périphériques, nonobstant que l'oppression subie soit nettement moins brutale que celle des racisé-e-s, car c'est de manière générale que se pose ce problème d'affirmation de soi (jugée) "intempestive" et "irrationnelle" (cf. la citation en début d'article, ou encore - du même gugusse - "j'imagine le mur auquel tu vas te heurter si tu tente de faire la propagande parmi les ouvriers d'un Parti qui reviendrait à leurs yeux à la création d'un Parti régional"...), voire "manipulée" (non pas, pour le coup, par des "intégristes musulmans" mais peut-être par des "fascistes identitaires"...), et invitée "au mieux" à "se placer sous le parapluie protecteur de la gauche" (ou de l'extrême-gauche, du "Grand Parti" - comme on l'a vu ici - FRANÇAIS et "tenant compte" de nos problématiques).

    De même qu'un Blanc ne peut le faire vis-à-vis de non-Blancs victimes d'un racisme structurel et d'un "indigénat métropolitain" qu'il ne subit pas, ou un homme cishétéro vis-à-vis de femmes ou de LGBTQI, en quoi des gens de Paris, d'Angers, de Lyon ou même de Bretagne ou d'Alsace seraient-ils fondés à décider de ce qui est "intempestif" et "irrationnel" ou pas au bord de la Méditerranée ou aux pieds des Pyrénées ? Voilà, on-ne-peut mieux expliqué, ce qui ne MARCHE PAS en Hexagone depuis des générations et des générations ; et dont la cause est peut-être effectivement à chercher du côté de cette culture dominante "étatiste et élitiste (d'une) République réelle également héritière d’une histoire coloniale (et jacobine-francisatrice !) qui détermine nombre de ses pratiques et des représentations qu’elle contribue à reproduire"...

    ******************************************************

    ENFIN BREF, tout cela pour dire que, les gens semblant par nature durs de la comprenette dans les milieux gauchistes, il est aussi possible de formuler les choses en des termes simples : ce que nous voulons, en lieu et place de l’État bourgeois français tel qu'il est, c'est une Union soviétique (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) d'Hexagone... Point.

    D'Hexagone, ou pourquoi pas d'Europe ; en tout cas, des parties de l'Europe qui seraient dans un premier temps libérées du capitalisme par la révolution ; bref – ce genre de question se posera directement en son temps dans la réalité de la lutte, nous n'en sommes pas là.

    Tout simplement parce que le renversement du capitalisme DEVRA signifier, ne PEUT PAS signifier autre chose, que soit brisée l'organisation politico-économique des territoires en Centres financiers d'accumulation capitaliste et Périphéries plus ou moins, mais toujours, reléguées et "pompées" (lire à ce sujet : reflexions-a-partir-de-samir-amin - bouamama-basques-algeriens-colonisation-int-ext) ; organisation intrinsèque à la Modernité capitaliste et qui de fait, aussi longtemps qu'existent ces "hiérarchies géographiques" entre pays, régions d'un pays, etc., "bloque" en réalité tout déploiement d'une lutte des classes "pure", possédants vs exploités.

    Par conséquent, la voie de la raison matérialiste dans la situation concrète de notre époque, c'est d'aller vers... ce qu'était l'URSS (dans sa conception initiale léniniste) : de grands "États-continents" confédéraux, multiculturels, multilinguistiques et inclusifs (en plus, bien sûr, d'être résolument anticapitalistes).

    Car lorsque l'on critique le "tribalisme" des Catalans, Basques, Bretons, Corses ou autres, et cela peut parfois avoir sa part de vérité, l'on a tout de même tendance à oublier, en tout premier lieu, que les États européens existants ne sont ni plus ni moins que des "tribalismes qui ont réussi" : des régions qui en ont conquis d'autres, pour finir par proclamer ces ensembles de conquêtes des "États-nations", lancés à leur tour dans des affrontements "tribaux" avec les ensembles voisins ; tout cela sous un modèle centraliste uniculturel, unilinguistique et exclusif.

    Quant aux grands États-continents capitalistes qui existent déjà, comme les États-Unis ou le Canada, la Russie ou l'Inde, certes ils sont officiellement fédéraux, seul moyen pour eux de s'assurer une certaine stabilité et de n'avoir pas déjà explosé ; mais ce fédéralisme n'en reste pas moins très largement factice, "cache-sexe" d'une domination féroce sur tout un ensemble de groupes humains (Noirs, Latinos et Nations indigènes en Amérique du Nord, Caucasiens, Peuples sibériens et autres non-russes en Russie, Kashmiris, Tamouls, Adivasis "tribaux" et autres non-hindoustanis, musulmans et basses castes en Inde) ; tandis que de son côté l'Union Européenne est une tentative, précisément pour faire face à ces puissances concurrentes, de bâtir un tel super-État continental bourgeois et technocratique autour et au service des "pôles" de Paris et de la vallée du Rhin (Ouest de l'Allemagne, Bénélux), dominant et écrasant le reste comme l'avait fait auparavant chaque État membre avec ses "provinces" (rendant certes cocasse lorsque les "souverainistes" desdits États se plaignent de cette domination...) : il va de soi, bien entendu, que ces "modèles"-là d’États-"continents" ne sont pas les nôtres et sont au contraire résolument à combattre et détruire.

    Voilà donc : à partir de là, ce programme qui est le nôtre, vous pouvez le vomir ; mais au moins saurez-vous clairement sur quoi se déversent vos vomissures...

    "Il faut rappeler aujourd'hui que ce passage [d'une adresse de 1850 à la Ligue des Communistes, qui défendait le centralisme étatique le plus rigoureux] repose sur un malentendu.

    À ce moment-là il était admis – grâce aux faussaires libéraux et bonapartistes de l'histoire – que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la Grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l'ennemi extérieur.

    Mais c'est actuellement un fait connu que pendant toute la Révolution, jusqu'au 18 Brumaire*, l'administration totale du département, de l'arrondissement et des communes se composait d'autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’État, jouissaient d'une liberté complète ; que cette administration autonome provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique (bon là, claire idéalisation des États-Unis avec oubli de la question coloniale-raciale, mais bref), devint précisément le levier le plus puissant de la révolution ; et cela à un point tel que Napoléon immédiatement après son coup d’État du 18 Brumaire, s'empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours et qui fut donc, dès le début, un instrument de réaction**".

    F. Engels dans une note sous le texte réédité, 1885

    [* En réalité Thermidor, voire sa "préparation" dès 1793 par les "représentants en mission" (dont la plupart sont restés de triste mémoire) et la loi du 14 frimaire an II à l'initiative principalement des futurs thermidoriens Billaud-Varenne et Barère, tandis que sur le plan linguistique était promulgué une semaine avant le coup d’État réactionnaire, à l'initiative nullement "de Robespierre" mais de Merlin de Douai (futur thermidorien qui mourra tranquillement en 1838 après avoir été "entre autres" Président du Directoire puis comte d'Empire...), le décret du 2 thermidor an II sur des arguments complètement hallucinants.]

    [** En réalité et pour être exact, c'est dès le Directoire que des "commissaires du gouvernement" dans chaque département préfigurent les préfets napoléoniens.]

    [Si on lit par exemple ce document : décentralisation-nord-1789-1793 ; il apparaît nettement que c'est décembre 1793 (frimaire an II) qui marque un point de rupture fondamental : l'écrasement (pas d'autre mot) de la "révolution provinciale", auquel ne manquera plus alors que celui de la révolution parisienne, consommé avec Thermidor... Les procureurs syndics départementaux, magistrats élus chargés de veiller à l'exécution des lois (sortes d'équivalents des sheriffs nord-américains), deviennent des fonctionnaires nommés ; les conseils généraux sont supprimés et les directoires (exécutifs des départements) voient leurs compétences sévèrement amputées ; etc. etc. La France républicaine abandonne alors définitivement la voie de devenir une "grande Suisse" démocratique et décentralisée, d'exercice local permanent de la souveraineté populaire...]

    Et LÉNINE dans L'État et la Révolution (1917) reprend d'ailleurs ces mêmes propos (légèrement déformés ou propos similaires tenus ailleurs) :

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère


    Petite réflexion estivale (sur la nécessité impérieuse de refuser un Parti "français")

    Petite réflexion estivale (sur la nécessité impérieuse de refuser un Parti "français")


    votre commentaire

  • Un texte paru sur le site Amnistia Garrasia, dont il sera peut-être dit dans quelques années qu'il aura marqué la renaissance du Mouvement de Libération Nationale Basque (MLNV) :


    Askatasunaren Bidean Batzarra (Français)


    Nous sommes des militants et militantes du Mouvement de Libération Nationale Basque, hommes et femmes abertzales (patriotes) et socialistes révolutionnaires de plusieurs générations. Depuis notre jeunesse, nous avons lutté pour la libération nationale et sociale du Peuple Travailleur Basque et les quatre axes du patriotisme révolutionnaire : Indépendance, Socialisme, Réunification et Réeuskaldunization (renaissance et normalisation intégrale et totale de la langue basque et de la communauté linguistique euskaldun -bascophone-). Il y a presque 50 ans fut proclamé que notre lutte se situe dans le cadre de l’internationalisme prolétarien, contre tous les impérialismes et social chauvinismes. Plus tard se sont enracinés parmi nos objectifs le Féminisme et l’Écologisme. Dans la militance pour ces idéaux libérateurs on a dû vivre la clandestinité, la persécution, la fuite, l’exil, l’arrestation, la torture, la prison, la souffrance de nos familles et proches, la mort et l’assassinat de beaucoup de nos camarades. 

     

    Le patriotisme révolutionnaire a cherché toujours la libération intégrale et globale du Peuple Travailleur Basque, il est la négation radicale de toutes les formes d’oppression. Le Peuple Travailleur Basque est composé de tous les secteurs et groupes opprimés, notamment et de forme spéciale de la Classe Ouvrière Basque. C’est pour ceci que la lutte du Peuple Travailleur Basque a un caractère socialiste révolutionnaire, dans toute l’amplitude et la profondeur du terme. Le moteur subjectif de la Révolution Basque est la conscience nationale de classe. 

     

    Après de longues années hors d’Euskal Herria, le Pays Basque, quand nous sommes retourné(e)s de la prison et/ou de l’exil, voici ce que nous avons vu : au début de ce XXIème siècle, les oppressions que souffre le Peuple Travailleur Basque sont fondamentalement les mêmes, aussi bien dans le domaine social que national, dans la domination patriarcale et culturelle, dans l’avance de la disparition de l’Euskara, la langue basque et de la communauté linguistique euskaldun, dans la destruction sans cesse de la Mère Terre, et plus violemment dans la répression contre tous et toutes qui poursuivent le combat. Les États oppresseurs, qui sont des outils implacables des oligarchies bourgeoises de France et Espagne font sans arrêt leur travail, en divisant, oppressant, exploitant, faisant disparaître la langue et la communauté linguistique basque, occupant militairement notre Pays et condamnant à la misère la plus noire au Peuple Travailleur Basque, avec la nécessaire collaboration de la bourgeoisie autonomiste basque espagnole. Ces oppressions crues et sanglantes sont devenues encore plus dures depuis l’explosion de la crise globale capitaliste, dans les années 2006-2008. Et depuis cela, elles s’intensifient chaque jour davantage. 

     

    Nous souffrons tous les jours les oppressions chaque jour plus grandes que se exercent contre le Peuple Travailleur Basque : le chômage, la pauvreté, les confiscations des maisons de travailleurs par les banques, la précarité ; les terribles accidents au travail ; l’exploitation économique impitoyable ; la dégradation progressive des salaires et des conditions du travail ; les programmes criminels d’austérité dans l’éducation, santé et services sociaux… Voici le futur que le système offre à tous les travailleurs et toutes les travailleuses basques – ouvriers et ouvrières, employé(e)s, techniciens, agriculteurs, pêcheurs, et/ou intellectuels – , la dégradation progressive des salaires et des conditions du travail ; les programmes criminels d’austérité dans l’éducation, santé et services sociaux… Voici le futur que le système offre à tous les travailleurs et toutes les travailleuses basques – ouvriers et ouvrières, employé(e)s, techniciens, agriculteurs, pêcheurs, et/ou intellectuels – c'est-à-dire, à tous et toutes les esclaves salarié(e)s. Misère et répression. 

     

    Tout ceci, et en plus, la violence et le terrorisme patriarcal contre les femmes, l’oppression nationale et l’occupation militaire de notre patrie, la disparition progressive de l’Euskara, la langue basque et l’ethnocide contre les euskaldun, la censure, la torture, la prison, l’intoxication idéologique et la consommation névrotique de toujours plus de marchandises. Les États espagnol et français ont récupéré enfin le monopole de la violence, et ils l’utilisent impitoyablement pour nous oppresser davantage. 

     

    Le fait d’être des anciens prisonniers et des anciennes prisonnières, d’avoir été exilé(e)s ne fait de nous des anciens militants de la lutte. Au contraire, nous sommes toujours des militants et militantes abertzales et socialistes révolutionnaires. Nous voulons mettre au service de la libération nationale et sociale d’Euskal Herria notre travail et énergie, nos réflexions et expériences. 

     

    C’est pour cela que nous voulons dénoncer devant de Peuple Travailleur Basque, de forme claire et sans complexes que le changement de stratégie réalisé par la Gauche Abertzale pendant ces dernières sept années ne s’est pas limité seulement à la fin de la lutte armée, mais qu’il est allé beaucoup plus loin. Ce changement-là, que quelques-uns nous vendaient à l’époque comme étant la « stratégie indépendantiste efficace » aujourd’hui, sept ans plus tard, a mené au Mouvement de Libération Nationale Basque à une crise très grave. 

     

    Ce changement de stratégie a été un coup monté par une fraction réformiste de la Gauche Abertzale, pour intégrer notre mouvement au sein du système et liquider le Mouvement de Libération Nationale Basque, la Révolution Basque et même l’abertzalisme socialiste révolutionnaire. Cette manigance, une fois l’illusion, l’euphorie et la fascination initiales dissipées, a généré, au sein du Peuple Travailleur Basque frustration, tristesse, désaffection, méfiance, confusion, dépolitisation et démobilisation, et a bloqué notre lutte de libération nationale et sociale. Cette manœuvre l’a désactivée et affaiblie profondément. Dans la mesure que nous somme militants et militantes de Mouvement de Libération Nationale Basque, nous ne pouvons absolument pas accepter ce changement opportuniste radical. Petit à petit, la fraction réformiste qui a pris le control de la Gauche Abertzale est en train de trahir tous les principes du Mouvement de Libération Nationale Basque. D’une façon éhontée, à notre avis, mais sans aucune vergogne de sa part. 

     

    La lutte de classe au sein du Mouvement de Libération Nationale Basque a toujours existé, entre les nombreux éléments réformistes et opportunistes de la petite bourgeoisie basque et les militants et militantes abertzales et socialistes révolutionnaires de la classe ouvrière basque, pour conquérir la direction et l’hégémonie du mouvement. Il y a eu toujours une lutte idéologique et organisationnelle très dure entre ces deux classes sociales. Celle-ci a produit beaucoup de crises et scissions au long de l’Histoire, que nous n’allons pas expliquer ici au détail. Dans la longue et ample Histoire du Peuple Basque se sont souvent produites des situations difficiles pareilles. Pour n’en citer que trois, l’accolade de Bergara (Guipuscoa) au XIXème siècle, qui mis fin à la première guerre carliste ; la trahison impardonnable commise par le Parti Nationaliste Basque à Santoña (Santander) en 1937, qui mit fin à la guerre populaire contre le fascisme espagnol de Franco en Euskal Herria ; et, il y a presque quarante ans, le processus pourri de repentance de ce qui était, à l’époque, le bloc formé par l’organisation PM, le parti EIA et la coalition Euskadiko Ezkerra. 

     

    Cette machination, qui a démarré il y a fort longtemps, est d’une nature très proche à celle des autres citées là-dessus. Si l’on devait signaler une date qui soit qualitativement significative, nous citerions le 9 novembre 2009. Ce jour-là, dans une lamentable conférence de presse faite au nom de la Gauche Abertzale à Altsasu (Navarre), la fraction réformiste accepta les principes Mitchell, tout en prenant apparemment et de façon fausse, la représentation de tout le Mouvement de Libération Nationale Basque. Et ceci était un mensonge alors, et l’est encore plus aujourd’hui. 

     

    Les principes du sénateur des États-Unis Mitchell ne sont pas neutres. Ils se situent dans le droit chemin de la stratégie contre-insurrectionnelle développée par l’impérialisme anglo-saxon pour défaire dans toute la planète et a tous les niveaux les Mouvements Révolutionnaires de Libération Nationale des Peuples Travailleurs. Ceci est arrivé en Irlande et en maints autres endroits. Par cette combine astucieuse, la fraction réformiste et ses alliés opportunistes ont voulu faire échec et mat aux secteurs abertzales et socialistes révolutionnaires du Mouvement de Libération Nationale Basque. Et nous devons admettre, de façon autocritique, qu’ils ont réussi en grande partie à atteindre leur objectif. 

     

    Après ceci, il nous est arrivé un véritable déluge d’initiatives et communiqués : le document Zutik Euskal Herria !, les déclarations de Bruxelles et Iruñea (Pampelune), le pacte Lortu arte, la charte de Gernika, la légalisation du parti Sortu, la naissance des coalitions Bildu, Amaiur et EHBildu, la dissolution des organisations Segi, Ekin et Askatasuna, la conférence de paix d’Aiete, à Donostia (Saint Sébastien), la fin définitive de la lutte armée menée par ETA, la blague d’en attendant Godot en Norvège, la conférence de presse que quelques ex-prisonniers et exprisonnières firent a Durango (Biscaye), la voie basque vers la paix de EHBildu, le Forum Social, des essais pour dévier l’EPPK, le collectif de prisonniers et prisonnières politiques basques de la ligne de défense de l’Amnistie (le communiqué de 2013), la voie Rufi et la ligne Barrena, qui acceptent la législation carcérale destructrice des prisonniers et prisonnières politiques basques et les mensonges de juges fascistes, etc. Les déclarations que le leader suprême du réformisme fit pendant son jugement à Madrid, en 2011, firent spécialement significatives. 

     

    Ce qui au début fut une petite et secrète fraction est devenu aujourd’hui totalement majoritaire au sein de la Gauche Abertzale, attirant vers ses thèses et sa stratégie les permanents, responsables et directions de toutes des structures, organisations et mass media de celle-ci. Á conséquence de ceci, la déception et la démobilisation du Peuple Travailleur Basque se sont accentuées, mettant en péril jusqu’à la propre possibilité de libération nationale et sociale. 

     

    Nous devons déconstruire et démasquer la philosophie et la novlangue qui sont derrière cette machination politique. C’est une idéologie toxique et aliénante. Ce n’est pas vrai que nous voulons une paix sans vainqueurs ni vaincus. Nous voulons des vainqueurs : le Peuple Travailleur Basque et le reste de Peuples Travailleurs. Et nous voulons aussi des vaincus : les oligarchies de France et Espagne et l’impérialisme international. Les oppresseurs et les opprimé(e)s. 

     

    Nous n’aimons pas du tout le langage bizarre qui est en train de devenir majoritaire, dans lequel les classes sociales deviennent « l’ensemble des citoyens et citoyennes » ; la lutte de classes, « relations de travail » ; le Peuple Travailleur Basque, « la société basque » ; l’autodétermination, « droit à décider » ; la négation de l’existence même du Peuple Basque, « déficit démocratique » ; le Socialisme, « justice sociale » ou « nouveau modèle économique et social » ; les travailleurs et travailleuses, « citoyens et citoyennes » ; l’exploitation de la bourgeoisie, « cohésion sociale » ; la dictature du Capital, « démocratie » ; la censure et l’inquisition, « tolérance » ; la violence systématique des États, « paix » ; le monopole de la violence que les oligarchies ont repris, « normalisation » ; les destructions écocides de la Mère Terre, « développement durable» ; la Restauration néo franquiste de la Monarchie Espagnole, « transition démocratique » ; l’impérialisme, « communauté internationale » ; les massacres de l’OTAN, « interventions humanitaires » ; la torture, « excès policiers » ; les bandes de voleurs de la bourgeoisie, « partis politiques démocratiques » ; les agressions criminelles des capitalistes, « austérité » ; l’ethnocide de la communauté linguistique euskaldun, « bilinguisme équilibré » et « normalisation de l’Euskara » ; l’Amnistie, « résolution des conséquences du conflit » ; les bourreaux et tortionnaires fascistes, « victimes du terrorisme » ; les forces d’occupation, « défenseurs de la Loi » ; les cipayes de la bourgeoisie basque espagnole, « ertzainas » ; les patrons exploiteurs, « entrepreneurs » et « créateurs d’emploi » ; se rendre á l’ennemi national et de classe, « processus de paix et résolution du conflit» ; baisser son froc, « unilatéralité » ; la Révolution Basque, « phase et stratégie du passé » ; faire cadeau des armes à l’ennemi, « donner une solution aux instruments et structures qui dérivent de l’activité armée » ; se mettre aux ordres des opportunistes, «rassembler de forces et réussir à passer des accords » ; le conflit et la dialectique révolutionnaires, « transversalité » ; la colonisation, « pluralisme et diversité »… 

     

    Ces deux philosophies, façons de parler et terminologies, d’un côté la réformiste et opportuniste, et de l’autre l’abertzale et socialiste révolutionnaire s’opposent mutuellement tous les jours de manière claire et inévitablement. L’unité est impossible quand au sein du même mouvement coexistent des stratégies totalement opposées et des lignes politiques absolument antagoniques. Quelques-uns et quelques-unes veulent s’intégrer dans le jeu, normes et institutions du système capitaliste français et espagnol, pendant que d’autres, au contraire, veulent détruire et anéantir le système radicalement, pour pouvoir bâtir une Euskal Herria euskaldun, indépendante, réunifiée et socialiste. Au milieu d’une crise stratégique aussi grave, le fonctionnement normal de majorités et minorités ne peut plus avoir lieu. Jamais. 

     

    C’est dans la bataille théorique, idéologique et sociopolitique autour de l’Amnistie que se dévoile, de façon paradigmatique, le télescopage frontal entre les deux stratégies. Les réformistes laissèrent de côté l’Amnistie dès le début, car ils pensaient, dans leurs schémas prétendument réalistes, modérés et institutionnalistes, que la rupture vraiment démocratique que l’Amnistie Générale suppose et amène avec le régime néo-franquiste de 1978 était impossible. Donc, ils commencèrent à transiter vers des voies possibilistes, soutenant les sorties individuelles et forçant EPPK, le collectif des prisonnières et prisonnier politiques basques à accepter la législation carcérale destructrice de leur identité militante, tout en pensant que de cette façon les deux oligarchies adouciraient serait-ce un peu leur politique criminelle et assassine contre les prisonniers et prisonnières politiques basques. Misère du possibilisme, parce qu’en prenant ce chemin, jusqu’à la moindre amélioration en prison devient impossible, car les ennemis se sentent forts en vainqueurs. 

     

    Devant cette dérive, des militants et militantes du Mouvement de Libération Nationale Basque ont pris l’initiative de créer le Mouvement pour l’Amnistie et contre la Répression. La réaction du réformisme fut dure et fulminante. Des anathèmes et des excommunications. Mais le mouvement suivit son chemin en avant, en se développant dans toute Euskal Herria. Il devint plus fort aussi, en s’enracinant dans des secteurs de plus en plus larges du Peuple Travailleur Basque, notamment chez les jeunes. Et la mobilisation démarra. 

     

    En regardant tout ça, le réformisme a changé de tactique récemment. Dorénavant le mot Amnistie n’est plus un tabou dans leur langage, et ils ont commencé à utiliser le terme, pour mieux le vider de sa charge libératrice et révolutionnaire. Ils ont fait la même chose avec la désobéissance et la résistance civiles à l’époque de la déclaration Zutik Euskal Herria ! Les bases de la Gauche Abertzale les ont crus. Pourquoi pas maintenant ? Beaucoup de militants et militantes pleines de bonne volonté l’on fait. Apparemment les réformistes se situent maintenant « dans la direction de l’Amnistie », mais en réalité ils sont pour la voie « Rufi/Barrena », farouchement. 

     

    Aujourd’hui les gens commencent à s’en rendre compte. « Le mensonge a la queue courte », dit un dicton en langue basque. La Gauche Abertzale réformiste a beaucoup de ressources, de même que la coalition Euskadiko Ezkerra les avait aussi en son temps. Mais elle n’a pas raison. C’est pour cela qu’ils et elles n’acceptent pas de participer à un débat stratégique public, en face à face. 

     

    Tenant compte de la gravité de la situation, en janvier de cette année, quelques ex-prisonniers et prisonnières, ainsi que quelques ex-exilé(e)s avons commencé à nous réunir et discuter autour de trois axes majeures : 

     

    1.- Préserver la dignité et le valeur de la lutte, et aller à l’encontre de tous les essais de manipulation et réécriture de l’Histoire du Peuple Travailleur Basque. 

     

    2.- Ne pas fermer les porte à un futur libre et meilleur pour les nouvelles générations. 

     

    3.- Être solidaires envers tous et toutes les militants politiques basques qui sont en train de souffrir la répression (exil, déportation, prison) et leur faire savoir que pas un seule ou une seule ne sera abandonné(e) au bord du chemin à cause de son refus de céder au chantage de l’ennemi. Denok ala inor ez ! Dena ala ezer ez ! (extrait d’un poème de Bertoldt Brecht très populaire en langue basque. “Tous et toutes ou personne ! Tout ou rien !”) 

     

    Nous nous réaffirmons dans notre engagement en faveur de la libération du Peuple Travailleur Basque et la stratégie de reconstruction du Mouvement de Libération Nationale Basque, et nous aiderons et soutiendrons avec toutes nos forces toutes les initiatives pour réussir ces objectifs. 

     

    Nous dirions beaucoup d’autres opinions et réflexions, mais c’est une chose connue qu’il ‘y a pas aucune forme de liberté d’expression au Royaume d’Espagne, et que les serfs et les chiens de garde de l’oligarchie néo franquiste répriment durement toute idée ou analyse réellement révolutionnaire. Et la même chose arrive dans la Ve République totalitaire de la bourgeoisie française, ethnocide et impérialiste. 

     

    Nous voulons faire un appel à tous et toutes les militant(e)s abertzales et socialistes révolutionnaires qui s’identifient avec les objectifs historiques du Mouvement de Libération Nationale Basque, pour qu’ils et elles s’auto organisent village par village et quartier par quartier, dans des assemblées ou de la façon qu’ils trouvent adéquate, pour mener de l’avant la lutte de libération nationale et sociale du Peuple Travailleur Basque, dans le chemin de l’État Socialiste Basque. Que chacun et chacune prenne sa place, selon ses idées et désirs, dans la lutte pour libérer Euskal Herria. 

     


    Gora Euskal Herria, askatuta eta sozialista! Jotake, irabazi arte ! 

     

    EUSKAL HERRI LANGILEAREN ASKATASUN OSOA HELBURU, BORROKA DA BIDE BAKARRA ! 

     

    ASKATASUNAREN BIDEAN 

     

     

    Askatasunaren Bidean Batzarra (Français) - déclaration collective d'ancien-ne-s militant-e-s, prisonnier-e-s et exilé-e-s révolutionnaires basques

    Askatasunaren Bidean Batzarra (Français) - déclaration collective d'ancien-ne-s militant-e-s, prisonnier-e-s et exilé-e-s révolutionnaires basques

    Askatasunaren Bidean Batzarra (Français) - déclaration collective d'ancien-ne-s militant-e-s, prisonnier-e-s et exilé-e-s révolutionnaires basques


    Sur la situation basque et les évolutions de ces dernières années, lire :

    Sur la liquidation réformiste en Euskal Herria : l'analyse d'un communiste abertzale - 12  et  3

    Quelques réflexions liminaires sur la situation basque et les luttes de libération en général

    Réflexions sur la situation basque et les luttes de libération - SUITE


    votre commentaire

  • Avec le soutien (entre autres) de Coup pour Coup 31, de Libertat et de Breizhistance :

    Ce samedi à Tolosa

    https://www.facebook.com/events/224111671299404/

     


    1 commentaire

  • https://www.facebook.com/libertepourantoine/?fref=ts


    Et puis un autre Antoine est lui aussi emprisonné pour ses activités de lutte, dans le Nord cette fois-ci ; et a lui aussi besoin de toute notre solidarité... Liberté pour LES AntoineS donc !!!

    Solidarité avec Antoine, prisonnier POLITIQUE syndicaliste et antifasciste

    https://www.facebook.com/Libérez-Antoine-434191323439614/

     


    votre commentaire

  • Un rendez-vous parisien à ne pas manquer (autant que possible)


    Il y a 50 ans en Chine, la Révolution Culturelle : une révolution dans la révolution

    Conférence débat - Paris


    La Révolution Culturelle est présentée en Europe par les médias bourgeois comme une énorme guerre civile, faisant des millions de morts, étant le sinistre théâtre d’une guerre de chefs pour le pouvoir.

    Alors, pourquoi donc 50 ans après une organisation maoïste de France souhaite-t-elle en reparler ?

    La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) est un épisode révolutionnaire court mais décisif de la révolution chinoise entre 1966 et 1969. Elle pose les questions concrète du succès et des erreurs de la Révolution. Car il ne « suffit » pas de faire tomber des dirigeants corrompus pour transformer en profondeur une société. Chasser un tsar, couper la tête d’un roi, enfermer des dictateurs ne suffit pas à supprimer l’existence collective de la classe exploiteuse.

    Le but de la Révolution Culturelle ? Initiée en mai 1966 par Mao autour du mot d’ordre « feu sur le quartier général », c’était de faire « une révolution dans la révolution » pour combattre la restauration du capitalisme qui était à l’oeuvre dans la société chinoise jusqu’au cœur du Parti.

    L’objectif initial aura finalement échoué et la Chine deviendra ce qu’elle est aujourd’hui : une puissance impérialiste montante dirigée par une clique de bourgeois réactionnaires. Néanmoins, la Révolution Culturelle constitue une expérience révolutionnaire essentielle et sa portée politique reste immense.

    - Changer les formes de propriété n’est pas suffisant. Si l’expropriation des entreprises est une des conditions de la transformation sociale, elle n’est pas suffisante. Elle ne touche pas à la propriété réelle des moyens de productions qui peuvent rester la propriété collective d’une classe exploiteuse, comme dans l’URSS des années 30 à 80. Cela nous distingue des trotskistes qui considéraient encore il y a peu, que l’URSS était un état ouvrier (bien que dégénéré) parce que la propriété y était étatique.

    - La lutte de classe se poursuit après la révolution. Le socialisme est une société de transition : le passe au communisme n’est pas linéaire et sans heurts. La conception maoïste rompt donc avec les visions idéalistes du processus révolutionnaire après la prise du pouvoir. Celle qui croit tout régler par la clairvoyance du Parti (conception stalinienne), comme celle qui croit que tout le sera par la démocratie ouvrière (conception trotskiste). Les contradictions du socialisme ne sont pas dues à des déviations ou manque de démocratie, mais de la nature même de cette société où existent encore des classes, parce que les rapports sociaux n’ont pas été transformés totalement.

    - Le Parti ne doit pas craindre l’expression des contradictions en son sein et dans la société. L’expression des contradictions dans le Parti, comme dans la société est inévitable. Les maoïstes chinois récusent la conception monolithique du Parti. Mais ils affirment aussi que le débat d’opinion et la démocratie ne sont pas suffisants pour surmonter les contradictions. Il faut les nourrir des bilans et des enquêtes qui seuls départagent entre le vrai et le faux. Dans la société, la contradiction est l’expression de l’existence de classes et d’un État qui sont les bases potentielles d’un nouveau système d’exploitation. Les maoïstes après la Révolution Culturelle ont affirmé que les travailleurs devaient se défendre contre leur État. Ils ont souligné la nécessité de l’expression publique de la critique, de s’organiser dans des syndicats et de se défendre par la grève. Ils ont fixé pour tâche aux ouvriers de s’approprier le savoir des cadres, pour pouvoir diriger la société et abolir la division du travail.

    Plutôt qu’à une commémoration, nous vous invitons à une conférence débat. Cela sera l’occasion de présenter plus précisément ce moment historique mais aussi d’en tirer les leçons pour aujourd’hui, car comment se désintéresser de cet épisode révolutionnaire qui a mis en branle des millions de personnes quand on veut soit même faire la Révolution ?

    Samedi 21 mai - 18H - Paris

    Conférence-débat

    Avec Hongsheng Jiang, professeur à l’université de Pékin et auteur de « La Commune de Shanghai et la Commune de Paris » (Éditions la Fabrique) - Lire ici au sujet de cet ouvrage

    Au local de l’ACTIT (Association culturelle des travailleurs immigrés de Turquie) - 54 rue d’Hauteville - Métro Château d’Eau ou Bonne Nouvelle.

    « Février 1967, la Révolution culturelle est à son point d’incandescence. Shanghai bouillonne. Un groupe d’ouvriers et d’étudiants rebelles, d’abord minoritaire mais bien décidé, va réussir l’impossible : se débarrasser du vieux parti communiste local et de la municipalité somnolente, et prendre le pouvoir dans la ville. Se réclamant explicitement de la Commune de Paris, ils créent un organisme nouveau, la Commune de Shanghai. Les ouvriers et les étudiants sont maîtres de la plus grande ville industrielle de Chine. » (extraits de la quatrième de couverture).

    Hongsheng Jiang retrace au jour le jour dans ce livre extrait de sa thèse un des épisodes important de la Révolution Culturelle : la Commune de Shanghai. Il est trop jeune pour avoir vécu la Révolution Culturelle et il a reçu un enseignement entièrement tourné vers la haine de Mao et de la Révolution Culturelle. La réalité de la Chine capitaliste d’aujourd’hui, avec les conditions de vie misérables, le conduit à mener des recherches dans le cadre de sa thèse universitaire. Il a rencontré de grandes difficultés : les protagonistes ont été exécutés ou sont morts en prison, les documents ont été détruits ou mis sous clef, le régime réprime encore toute volonté de recherche sur le sujet... Son propos est d’autant plus intéressant qu’il est celui d’un jeune intellectuel chinois, inscrit dans la réalité de son pays. Du travail fouillé de Hongsheng Jiang résulte un livre qui réévalue sans compromis la Révolution Culturelle et ses acquis pour aujourd’hui loin de la propagande habituelle.


    Lire ici l'article qui revient en détail sur cette période :

    Il y a 50 ans : la Révolution Culturelle, une révolution dans la révolution


    À lire ou relire aussi, un texte des camarades canadiens paru en 1999 pour le cinquantenaire de la Révolution chinoise et qui aborde bien l'épisode de la Révolution culturelle après avoir exposé les problématiques de la période précédente qui y ont conduit :


    Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise !

    Source

    Le texte qui suit reprend l'essentiel de l'intervention qui a été faite lors de la célébration du 50e anniversaire de la révolution chinoise organisée par Le Drapeau rouge et qui a eu lieu le 1er octobre 1999 à Montréal.

    - Socialisme Maintenant !

    Il y a 50 ans aujourd'hui, des millions de personnes en liesse réunies sur la célèbre Place Tienanmen à Pékin ont entendu Mao Zedong proclamer officiellement la fondation de la République populaire de Chine. « Le peuple chinois est debout ! », a-t-il lancé avec fierté : « Le Chine ne se laissera plus insulter ». Trente-deux ans après la Révolution d'Octobre en Russie, le triomphe des communistes chinois représentait sans aucun doute le deuxième plus grand coup à avoir jamais été porté au système capitaliste mondial. Imaginez ! Du coup, plus du quart de l'humanité venait de se débarrasser du féodalisme et de la domination impérialiste et entreprenait la tâche de construire une société nouvelle, dans un mouvement de lutte ininterrompu allant vers le socialisme et le communisme.

    La Révolution d'Octobre 1917 avait inauguré ce qu'on a appelé l'ère de la révolution prolétarienne mondiale. Après une période tumultueuse et somme toute assez difficile pour le prolétariat et les peuples du monde - marquée notamment par la défaite de la révolution allemande, la montée du fascisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale -, la victoire des communistes chinois a relancé de manière spectaculaire le mouvement révolutionnaire, ramenant à nouveau l'espoir parmi les prolétaires de tous les pays et stimulant le mouvement de libération nationale dans les pays dominés par l'impérialisme.

    Une révolution attendue de longue date

    Mais le peuple chinois revenait de loin, de très loin même. Sans vouloir trop insister là-dessus, il faut quand même se rappeler de ce qu'était la Chine avant la révolution de 1949 : à savoir un pays divisé, soumis à la domination des puissances étrangères qui se sont succédées pour le subjuguer, ou qui l'ont fait quelques fois en même temps, se partageant le pays en morceaux ; parmi elles, le Portugal, l'Italie, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, le Japon bien sûr, puis finalement les États-Unis.

    Il faut se souvenir aussi de ce qu'était la situation abominable du peuple chinois lui-même, soumis à l'exploitation féroce des seigneurs de guerre - des féodaux alliés aux puissances étrangères -, aux idées les plus réactionnaires et à la misère la plus abjecte. Un peuple, faut-il ajouter, qui n'avait pourtant jamais cessé de résister, et dont les nombreuses révoltes ont marqué tout le XIXe et le début du XXe siècle. C'est fort de ces expériences monumentales, quoique tragiques - notamment l'écrasement de la révolution démocratique dirigée par le Guomindang de Sun Yat-sen en 1913 -, et en s'emparant du marxisme-léninisme que les communistes chinois, dont le Parti avait été fondé le 30 juin 1921, ont pu élaborer la stratégie qui devait finalement s'avérer victorieuse.

    Mao Zedong, qui en fut un des fondateurs, a d'abord procédé à une analyse scientifique de la société chinoise. On retrouve cette analyse dans les premiers textes qu'il a publiés, notamment l'Analyse des classes de la société chinoise et le Rapport sur l'enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan. Rompant avec les conceptions de la bourgeoisie nationale, et aussi avec celles de certains communistes qui misaient d'abord et avant tout sur l'intelligentsia et sur le développement d'insurrections dans les villes, Mao avait compris le rôle central que devait jouer la paysannerie, et surtout la paysannerie pauvre, dans la lutte révolutionnaire. Pour lui, il était clair que la révolution n'allait pouvoir triompher sans la participation et la mobilisation des masses les plus larges.

    Partant de là, Mao a su tracer les objectifs de la révolution chinoise. Il a établi clairement le lien entre les tâches démocratiques qui devaient être réalisées (telles la réforme agraire, la conquête de l'indépendance nationale et son corollaire, l'unification du pays) et les tâches socialistes encore à venir - un lien qu'il a systématisé dans le concept de « révolution de démocratie nouvelle ». Mao a également développé les principes et la stratégie de la guerre populaire prolongée, grâce à laquelle l'Armée rouge a pu vaincre, à toutes les étapes, des armées souvent bien plus nombreuses et toujours mieux équipées - qu'il s'agisse des armées locales dirigées par les féodaux, de l'armée japonaise qu'elle a réussi à repousser alors que les nationalistes du Guomindang n'arrivaient pas à le faire, puis finalement l'armée nationaliste elle-même qui était pourtant soutenue militairement par les États-Unis.

    Mais nul doute que la bataille n'a pas été facile. On peut rappeler à cet égard cette fameuse « Longue Marche », commencée en 1934 après quelques défaites militaires bien senties : les combattantes et combattants de l'Armée rouge ont alors marché près de 10 000 kilomètres, en un an, perdant en cours de route plus de 70 p. 100 de leurs effectifs. Cette manœuvre avait été rendue nécessaire pour préserver non seulement l'existence de l'Armée rouge mais aussi celle du Parti, qui autrement auraient été tous deux anéantis. C'est aussi grâce à la Longue Marche qu'on a pu éventuellement constituer une base d'appui, dans la province de Shaanxi, à partir de laquelle la guerre populaire a pu ensuite s'étendre jusqu'à embraser tout le pays.

    Mais si les masses de Chine ont eu à faire face à énormément de répression tout au long de la lutte révolutionnaire, elles ont aussi dû combattre d'importantes erreurs qui s'étaient développées au sein même du Parti qui les dirigeait : un Parti qui a d'abord gravement sous-estimé le rôle de la paysannerie, avant que Mao ne réussisse à le gagner à sa position là-dessus ; un Parti qui a également payé très cher sa soumission au Guomindang et à la bourgeoisie nationale (une position qui était soutenue par l'Internationale et qui devait s'avérer désastreuse politiquement et militairement). Pas à pas, étape par étape, Mao a combattu ces erreurs et amené le Parti communiste de Chine à les rectifier. Alors, c'est donc un peu tout ça, finalement - la résistance populaire, la lutte de lignes, la clarification politique, la méthode scientifique utilisée par Mao et les communistes chinois, et aussi une conjoncture plutôt favorable - qui a rendu la victoire possible en 1949.

    Le début d'une lutte prolongée

    Pour autant, la victoire de 1949 ne signifiait pas la fin de la révolution ; en fait, elle n'en marquait que le début. Octobre 1949 fut le point de départ d'une nouvelle lutte, elle aussi prolongée, entre ceux qui, en définitive, étaient prêts à se satisfaire des transformations déjà opérées à travers la lutte révolutionnaire - lesquelles se trouvaient à avoir été consolidées avec la prise du pouvoir (par exemple la réforme agraire et l'atteinte de l'indépendance nationale) - et ceux qui, tel Mao, voulaient poursuivre et approfondir la révolution, bref passer à une étape supérieure. Ces deux points de vue, qui sont rapidement entrés en opposition, reflétaient en fait les intérêts divergents des différentes classes qui avaient participé conjointement à la première étape de la révolution, alors que leurs objectifs se rejoignaient : d'un côté la bourgeoisie nationale, pour qui la réalisation des tâches démocratiques de la révolution était nécessaire à son éventuel épanouissement ; de l'autre le prolétariat révolutionnaire et les masses paysannes opprimées, pour qui la libération authentique impliquait nécessairement d'aller plus loin.

    Essentiellement, on peut dire que Mao n'a d'ailleurs jamais vu la révolution comme étant quelque chose de statique, dont le triomphe aurait dû marquer l'arrêt ; elle était pour lui un mouvement ininterrompu, un processus dialectique fait d'avancées et de reculs. Les grandes luttes d'avant 1949, qui ont pourtant été nombreuses, n'étaient donc rien à comparer à ce qui allait suivre... Sans rien précipiter, Mao a toujours voulu s'assurer que le mouvement progresse, étape par étape, bond par bond.

    Pour Mao, la contradiction principale en Chine, dès lors qu'il s'agissait d'entreprendre la construction du socialisme, opposait dorénavant le prolétariat à la bourgeoisie, ancienne et nouvelle. À l'époque, la conception dominante en Chine, et généralement même au sein du mouvement communiste international, était que la contradiction principale à laquelle on faisait face à l'étape du socialisme opposait d'une part l'existence d'un système socialiste avancé au niveau politique, et d'autre part le faible niveau de développement des forces productives, qui empêchait de satisfaire pleinement les besoins matériels des masses. Telle était la position défendue par ceux qu'on qualifiera éventuellement de révisionnistes, tels Liu Shaoqi et Deng Xiaoping.

    Ceux-ci étaient présents en force à la tête du Parti communiste chinois au début des années 50 et ils s'inspiraient ouvertement des idées de leurs homologues soviétiques, qui défendaient eux aussi des conceptions similaires. Alors que pour Mao, l'essentiel était de développer la lutte de classes, pour les révisionnistes, c'était de développer les forces productives, à tout prix. C'est ce que Deng devait exprimer si clairement avec sa célèbre formule : « Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, pourvu qu'il attrape les souris ». Deng voulait ainsi signifier que pour lui, la ligne politique et le type de rapports sociaux qui étaient développés n'avaient pas d'importance et que seul le résultat comptait, à savoir le développement des forces productives.

    Ce point de vue était d'ailleurs dominant au moment de la tenue du VIIIe congrès du Parti, en 1956. C'est aussi à la même époque que le révisionnisme allait se voir consolidé en Union soviétique, avec l'émergence de Khrouchtchev et de ce qu'on a appelé la « déstalinisation ». L'URSS, faut-il le rappeler, jouait alors un rôle très important en Chine avec l'« aide » matérielle considérable qu'elle apportait. Pour les nombreux conseillers soviétiques présents dans ce pays et leurs alliés à la tête du Parti, la priorité devait aller au développement de l'industrie lourde et d'un productivisme à tout crin, même si cela devait se faire au détriment de la consolidation du pouvoir de la classe ouvrière. Ce qu'ils proposaient dans les faits, c'était d'accentuer la concurrence et les divisions parmi la classe ouvrière et les masses populaires. C'était de s'appuyer sur les stimulants matériels, de réimplanter le travail à la pièce et les systèmes de bonis, d'accentuer les différentiations salariales, et ainsi de suite - toutes mesures qui à leurs yeux pouvaient seules amener l'augmentation de la productivité.

    Le point de vue de Mao était tout autre. Pour lui, il fallait d'abord maintenir et renforcer l'alliance avec la paysannerie, qui était toujours la classe la plus nombreuse en Chine. Ceci impliquait donc de développer la petite industrie, et pas seulement l'industrie lourde, et surtout de s'assurer qu'un tel développement serve à soutenir le secteur agricole. Mao croyait profondément qu'il fallait continuer à s'appuyer sur les masses pour édifier le socialisme et pour le faire progresser. Il savait que c'était seulement dans la mesure où elles allaient être conscientes des enjeux qui se posaient qu'elles allaient pouvoir réellement s'impliquer et transformer la société. De là les initiatives qu'il a lancées ou favorisées, telles le Grand Bond en avant et l'établissement du système des communes populaires en 1957, le Mouvement d'éducation socialiste lancé au début des années 60 et la grande lutte anti-révisionniste menée contre la direction du Parti soviétique, qui participait elle aussi de la mobilisation des masses sur le terrain idéologique.

    Mais à l'évidence, tout cela ne s'avérait pas suffisant. La droite relevait la tête constamment. Elle s'appuyait notamment sur les difficultés du Grand Bond, victime de désastres naturels, du retrait de l'aide soviétique et aussi du sabotage dans sa mise en application. Elle remettait en question les transformations socialistes déjà opérées et les campagnes politiques menées par Mao. Partant de là, celui-ci a compris qu'il faudrait faire encore plus pour vaincre la bourgeoisie et assurer la progression du socialisme, bref qu'il faudrait une « nouvelle révolution ». Ce fut alors la Grande Révolution culturelle prolétarienne (GRCP), sur laquelle nous allons maintenant nous attarder.

    Une « révolution dans la révolution »

    Après une décennie complète faite de consolidation du révisionnisme et de capitulation face à l'impérialisme US de la part des leaders de l'Union soviétique, la Révolution culturelle, si décriée à l'époque et plus encore aujourd'hui, a vraiment eu pour effet de remettre la révolution à l'ordre du jour. Elle a montré de manière non équivoque que la révolution ne devait pas obligatoirement se terminer par une défaite et que la restauration du capitalisme n'était pas l'aboutissement inévitable de la révolution socialiste. Elle a aussi prouvé qu'en mobilisant les masses et en les armant de l'idéologie prolétarienne, les vieux rapports d'exploitation et les idées réactionnaires pouvaient être renversés, et qu'il était bel et bien possible d'avancer sur la voie du communisme.

    Une des leçons politiques les plus importantes que Mao nous a fait découvrir avec la GRCP, c'est que le quartier général de la bourgeoisie se retrouve à la tête même du Parti, car c'est là où le pouvoir est concentré, là où l'on peut agir le plus efficacement sur l'orientation de la société. Il faut se rappeler que cette idée était alors quasiment une hérésie au sein du mouvement communiste international, en particulier pour les bonzes du PC d'Union soviétique qui se sont sentis visés par l'analyse de Mao, non sans raison d'ailleurs !

    Mais plus encore que cette idée qu'on peut et même qu'on doit contester la direction du Parti lorsqu'elle emprunte une voie erronée, ce que Mao nous a enseigné d'encore plus important avec la GRCP, c'est que l'existence de la nouvelle bourgeoisie a des bases au sein même de la société socialiste, qu'elle repose sur les contradictions qui la traversent réellement. Ce que Mao nous a montré, c'est que contrairement à ce qu'on avait surtout pensé jusque là, la bourgeoisie sous le socialisme, ce ne sont pas seulement les vestiges de l'ancienne société, de l'ancienne classe dominante qui a été dépossédée de son pouvoir ; la bourgeoisie sous le socialisme, ce n'est pas non plus seulement une « cinquième colonne » qui vient s'infiltrer au service de l'ennemi extérieur, des bourgeoisies étrangères ; mais que c'est surtout une véritable classe qui se développe sur la base même des « tares » qui caractérisent la société socialiste : la persistance du « droit bourgeois », des divisions entre ville et campagne, entre ouvriers et paysans, entre travail manuel et travail intellectuel, entre dirigeants et dirigés-es.

    De cette conception nouvelle et supérieure de ce qu'est réellement le socialisme découle donc ce qui doit être fait par le prolétariat révolutionnaire. Le socialisme n'est pas un mode de production achevé. C'est une période de transition, qui ne lui est utile, au prolétariat, que dans la mesure où elle contribue à restreindre toujours plus ce qui vient du mode de production antérieur et à poser petit à petit les conditions au passage à un mode supérieur (le communisme).

    Soit dit en passant, le fait que la GRCP n'ait finalement pas réussi à empêcher la réalisation du coup d'État réactionnaire mené par les partisans de Deng Xiaoping en 1976 n'altère en rien sa validité. Au contraire, cet événement - le coup d'État - et la restauration du capitalisme qui s'en est suivie prouvent qu'elle était d'autant plus nécessaire, et même qu'il en aurait fallu et qu'il en faudra encore d'autres à l'avenir. Mao l'avait d'ailleurs prédit, dès le départ, en 1967 : « La Grande Révolution culturelle prolétarienne actuelle n'est que la première du genre. Dans l'avenir, de telles révolutions auront lieu nécessairement à plusieurs reprises. [...] Tous les membres du Parti et la population doivent se garder de croire [...] que tout ira bien après une, deux, trois ou quatre révolutions culturelles. » [1]

    Ce qu'il faut retenir de la Révolution culturelle, c'est que le socialisme, ce n'est pas seulement - ni même d'abord et avant tout - la transformation du système de propriété, i.e. les nationalisations et l'appropriation des moyens de production par l'État. Le socialisme, c'est aussi la transformation et la révolutionnarisation de toute la superstructure : les institutions politiques, l'éducation, la culture, l'idéologie. C'est une bataille constante pour renverser la pyramide sociale, pour faire en sorte qu'ultimement, le prolétariat et les classes révolutionnaires (i.e. « ceux d'en bas ») deviennent les vrais maîtres de la société.

    Pour Mao, la Révolution culturelle était un moyen non seulement de barrer la route aux partisans du capitalisme qu'on retrouvait au sein du Parti, mais surtout de transformer les rapports sociaux sur la base desquels la nouvelle classe bourgeoise se développait. Dans un discours prononcé devant une délégation militaire albanaise en 1967, Mao s'en était expliqué clairement : « La lutte contre ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie capitaliste est la tâche principale, mais ce n'est d'aucune façon l'objectif. L'objectif, c'est de résoudre le problème de la conception du monde ; c'est d'éradiquer les racines du révisionnisme. » (cité dans People's China, Milton and Schurman ed., pp. 263-264, notre traduction)

    Les 10 ans qui ébranlèrent le monde

    Le coup d'envoi de la Révolution culturelle a officiellement été donné en 1965 par la publication d'un article de Yao Wenyuan, que Mao a soutenu et popularisé, qui critiquait une pièce de théâtre intitulée « La destitution de Hai Rui ». Cette pièce se portait en fait à la défense de Peng Dehuai, ex-ministre de la Défense connu pour ses positions droitières, qui avait été démis de ses fonctions en 1959. Les révisionnistes se sont d'abord défendus en tentant de contenir la lutte uniquement sur le terrain culturel.

    En mai 1966, Mao, qui venait de gagner une courte majorité au Comité central du Parti, fait adopter une circulaire qui donne véritablement le signal du déferlement révolutionnaire. Parmi les idées fortes qu'on y retrouvait, soulignons celles-ci : 1) qu'il y avait un réel danger de restauration capitaliste et que ce danger provenait de la bourgeoisie au sein du Parti ; 2) que la lutte contre la bourgeoisie devait être poursuivie de manière prolongée tout au long de la période du socialisme ; 3) que la mobilisation des masses était en tout temps nécessaire et qu'il fallait impérativement s'appuyer sur elles pour combattre les tentatives de restauration.

    Cette idée de Mao comme quoi il fallait systématiquement mobiliser les masses et s'appuyer sur elles est sans doute une de celles qui ont été les plus dénigrées par la bourgeoisie, autant en Chine qu'à l'étranger. Encore aujourd'hui, on répète un peu partout que Mao a été une sorte d'apprenti sorcier qui a voulu délibérément créer le chaos. Dans un sens, c'est vrai ! Mais c'est ce qui était nécessaire pour barrer la route aux partisans du capitalisme. Mao ne s'en est d'ailleurs jamais caché, comme en témoignent ces propos qu'il a tenus en juillet 1967 : « On ne doit pas craindre les troubles : plus il y en a, mieux c'est. Avec sept ou huit troubles successifs, les choses ne peuvent manquer de se résoudre, et efficacement. [...] Mais il ne faut pas utiliser les armes à feu, c'est toujours mauvais. »

    Un tel point de vue n'est bien sûr pas admissible par ceux qui croient qu'une révolution suit toujours une trajectoire droite, prévisible et contrôlée, comme c'est le cas des trotskistes. Que dans ce cadre il y ait eu quelques excès et des erreurs au cours de la GRCP, cela ne fait pas de doute. Mais il est encore plus certain que sans ce « chaos » et sans ces « troubles », il y aurait eu inévitablement une défaite rapide du socialisme et le triomphe du capitalisme et des forces les plus réactionnaires.

    Tout cela a donc commencé, on l'a dit, sur le front culturel. Puis, le mouvement a pris un caractère de masse lorsqu'il s'est étendu chez les jeunes et les étudiants. Mais pour Mao, ce n'était là qu'un point de départ. Comme il devait par la suite l'expliquer, « les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants furent les premiers à prendre conscience, ce qui correspond aux lois du développement de la révolution ». Toutefois, « ce n'est qu'une fois que les larges masses ouvrières et paysannes seront dressées que toute la camelote bourgeoise sera radicalement balayée, tandis que les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants reprendront une place secondaire ».

    Avec l'entrée en scène de la jeunesse et des étudiants, la Révolution culturelle a vraiment pris son envol. Les débats se sont multipliés, les fameux dazibaos (ces immenses affiches à grands caractères) sont apparus un peu partout. Mao lui-même a alors signé son propre dazibao, qui affichait le titre fort suggestif de « Feu sur le quartier général ! ». Pour donner une petite idée de l'ampleur du mouvement, on peut mentionner le cas de l'Université de Pékin, où en une semaine seulement, pas moins de 100 000 dazibaos ont été affichés, pour une population totale de 10 000 étudiantes et étudiants. L'encre et le papier étaient fournis gratuitement à quiconque en faisait la demande. Des journaux de toutes sortes sont aussi apparus et ont circulé à des milliers d'exemplaires, qui reprenaient le contenu des meilleurs dazibaos.

    De la critique systématique des points de vue droitiers, on est ensuite passé à la transformation des rapports sociaux. De nouvelles organisations révolutionnaires ont été créées, de nouveaux organes dirigeants ont été établis. Des expériences de type « commune » ont été mises en place, des comités révolutionnaires nouvellement formés ont pris le pouvoir dans les municipalités, les écoles, les entreprises. Fin 1966-début 1967, le mouvement s'étendait enfin à la classe ouvrière et sortait des villes pour aller à la campagne (le transport par train était d'ailleurs fourni gratuitement aux « gardes rouges » qui souhaitaient se déplacer, dont l'hébergement était pris en charge par l'armée).

    Une des caractéristiques les plus fortes du mouvement, c'est qu'on a permis, voire systématiquement encouragé l'expression de tous les points de vue, tout en tentant autant que possible de préserver l'existence et le bon fonctionnement du Parti et de l'État - ce qui ne fut d'ailleurs pas toujours évident ! Attardons-nous un peu sur la Décision du Comité central du Parti communiste chinois sur la Grande révolution culturelle prolétarienne, datée du 8 août 1966, afin de voir à quel point les conceptions des révolutionnaires maoïstes tranchaient avec une certaine vision sclérosée du marxisme-léninisme qui avait alors cours au sein du mouvement :

    « Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente : les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple. Il est normal qu'il y ait des opinions différentes parmi les masses populaires. La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique. [...] La méthode de raisonner avec faits à l'appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat. Il n'est pas permis d'user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes. La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté. [...] Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d'oser penser, d'oser parler et d'oser agir. [...] »

    Avec l'implication nouvelle et massive de la classe ouvrière, un moment fort est survenu à Shanghai, qui était traditionnellement un des bastions de la bourgeoisie en Chine mais où l'on retrouvait aussi une forte avant-garde prolétarienne : c'est ce qu'on a connu comme étant la « tempête de janvier » en 1967. La municipalité était alors contrôlée par la droite. Pendant que le mouvement de masse se développait ailleurs en Chine, les autorités municipales de Shanghai s'étaient mises à distribuer bonis, privilèges et augmentations de salaires à certains secteurs ouvriers, de façon à mieux diviser les forces prolétariennes. Parallèlement, elles encouragèrent les grèves et le sabotage de la production. Leur objectif était que les ouvriers, ou du moins certains secteurs parmi eux, se mettent à agir mais seulement pour eux-mêmes, et non pas dans l'optique de transformer la société et de la diriger collectivement. Le sabotage visait aussi objectivement à affaiblir la révolution, en accréditant l'idée que les « troubles » étaient nuisibles au développement économique.

    En janvier 1967, donc, des millions d'ouvriers et de jeunes rebelles ont enfin réussi à renverser le comité municipal du PCC. Les masses ont occupé les principaux édifices administratifs, les journaux, les services publics. Un nouveau pouvoir fut établi, sous la forme de ce qu'on a appelé un « comité révolutionnaire de triple union », dont le tiers des membres provenaient des organisations de masse nouvellement créées dans le cadre de la Révolution culturelle ; le deuxième tiers étant formé de cadres du Parti et le troisième, de représentants de l'armée. Ce modèle a par la suite été généralisé à travers toute la Chine, avec toutefois plus ou moins de succès.

    En 1968, sur la base de ces victoires, on assiste enfin à la destitution et à l'exclusion du « partisan numéro un de la voie capitaliste », Liu Shaoqi. Deng Xiaoping est lui aussi démis de ses fonctions. Une nouvelle génération de dirigeantes et de dirigeants se développe qui se sont aguerris-es dans les premières étapes de la Révolution culturelle. Ces nouveaux dirigeants viennent s'ajouter et renforcer les quelque 90 à 95 p. 100 des cadres qui sont jugés comme étant « fondamentalement bons ». Parmi eux, on retrouve les plus fidèles compagnons d'armes de Mao, ceux que les révisionnistes attaqueront après sa mort en les affublant du sobriquet de « bande des quatre » et qui sont : Jiang Qing (l'épouse de Mao), Zhang Chunqiao, Wang Hongwen et Yao Wenyuan. Éventuellement, au IXe congrès du Parti en 1969, 60 p. 100 du Comité central sera ainsi renouvelé.

    Parallèlement à tous ces développements et à toutes ces mobilisations, on commence aussi à mettre en place ce qu'on appelle les « nouvelles choses socialistes » :

    • Dans l'éducation, on s'attelle à la transformation des méthodes d'enseignement et des contenus de cours ; les ouvriers sont amenés à s'impliquer à la direction des écoles. On cherche à raffermir les liens entre théorie et pratique : les étudiantes et étudiants sont invités à participer au travail productif à la campagne. De nouveaux critères de sélection sont mis en place qui tiennent compte non seulement des performances académiques des candidates et candidats mais aussi de leurs dispositions politiques ; les frais de scolarité sont abolis ; etc.

    • Dans le domaine culturel, de nouvelles pratiques et de nouvelles œuvres sont aussi développées qui visent à servir le peuple. Ce travail, qui est habilement dirigé par Jiang Qing, a produit des œuvres remarquables, telles les ballets intitulés Le détachement féminin rouge et La fille aux cheveux blancs.

    • On assiste à la transformation du système de santé. Les services médicaux sont étendus à la campagne, là où ils étaient autrefois peu disponibles : c'est l'apparition des fameux « médecins aux pieds nus » qui apportent soins et éducation aux masses paysannes.

    • Des « écoles de cadres » sont établies dans lesquelles ceux-ci sont appelés à participer à la production et à s'éduquer eux-mêmes au contact des paysannes et des paysans.

    Mais encore là, la lutte n'est pas terminée. Elle porte désormais sur le maintien ou pas des acquis et des transformations qui ont été faites, et des verdicts qui ont été rendus. Lin Biao, ministre de la Défense et fidèle allié de Mao, en vient à défendre l'idée que la victoire est désormais définitivement acquise. Il propose de remettre l'accent sur le développement de la production et sur le retour à l'ordre. Son point de vue étant défait, Lin Biao tente un coup d'État qui échoue, puis meurt dans un accident d'avion alors qu'il tentait de s'enfuir en URSS.

    Sa trahison place la gauche maoïste sur la défensive. Les centristes, que Mao avait jusque là réussi à neutraliser et même à utiliser à son avantage jusqu'à un certain point, sont maintenant appelés à jouer un rôle plus important. Sous leur influence, Deng Xiaoping est même réhabilité en 1973.

    Bien sûr, officiellement, les acquis sont maintenus, la Révolution culturelle se poursuit. Mais petit à petit, les partisans du capitalisme reprennent leur place dans l'appareil du Parti et celui de l'État.

    Le contexte international est un autre facteur qu'utilisent les révisionnistes à leur avantage. La Chine se trouve de plus en plus menacée par l'Union soviétique, ce qui place objectivement les secteurs pro-américains dans une position favorable. C'est d'ailleurs à cette époque que Deng Xiaoping présente sa fameuse « théorie des trois mondes », de triste renommée, qui propose au prolétariat mondial de s'allier à l'impérialisme US pour s'opposer au social-impérialisme soviétique et qui s'avérera un des principaux facteurs dans l'effondrement du mouvement marxiste-léniniste international à la fin des années 70.

    Fidèles à leurs conceptions idéologiques et politiques, les maoïstes s'en remettent à nouveau à la mobilisation des masses pour contrer le « vent déviationniste de droite ». Cette lutte, qui se déroulera de 1973 à 1976 et qui produira des avancées théoriques très importantes (notamment quant à la critique du « droit bourgeois » et à l'étude de la dictature du prolétariat), permettra de repousser l'offensive de la nouvelle bourgeoisie. Ainsi, Deng est à nouveau démis en avril 76. [2]

    Cette fois encore, les divergences entre les deux lignes se sont cristallisées sur les questions économiques. Le programme des « Quatre modernisations », attribué à Zhou Enlai, apparaît pour la première fois dans le décor. On y propose le retour à l'utilisation des stimulants matériels, l'abolition du travail à la campagne pour les étudiants, le démantèlement des écoles de cadres. Dans une de ses dernières interventions publiques, Mao déclare : « Vous faites la révolution socialiste et vous ne savez même pas où se trouve la bourgeoisie. Mais elle est directement à l'intérieur du Parti communiste - ce sont ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie du capitalisme. Les partisans du capitalisme sont encore sur la voie capitaliste. » (cité dans Peking Review n° 11, 12/03/76, notre traduction)

    Après la mort de Mao en septembre 1976, le coup fatal sera donné avec l'arrestation de ses plus proches camarades, qui avaient aussi été les dirigeants les plus solides de la GRCP (la soi-disant « bande des quatre ») et avec l'ignoble campagne, dénuée de tous principes, qui s'en est suivie. Contrairement à ce que certains ont pu penser, ce ne fut pas là seulement qu'une simple révolution de palais. Il y a eu d'importants mouvements d'opposition, à Shanghai notamment, et même des mouvements armés, qui ont malheureusement été réprimés et dont on a peu entendu parler à l'extérieur.

    On a voulu laisser croire que les « quatre » étaient isolés et qu'ils n'avaient aucun soutien parmi les masses. Mais leur destitution et leur arrestation ont bel et bien eu toutes les caractéristiques d'un coup d'État. Dans l'éloge qu'il a écrit après la mort de Deng en 1997, Alain Peyrefitte, lui-même un chaud partisan de Deng et opposant notoire aux quatre, l'a admis à sa façon : « Personne n'a compté le nombre des partisans de la "bande des quatre" qui ont fini leurs jours avec une balle dans la nuque. Deng n'a jamais confondu pouvoir et mansuétude. » (La Presse, 22/02/97)

    Au départ, les nouveaux dirigeants ont prétendu défendre l'héritage de Mao Zedong. Puis, assez rapidement, ils ont fini par ne lui reconnaître un rôle positif que pour la période allant jusqu'en 1956 - ce qui, soit dit en passant, en dit long sur les intérêts de classe qu'ils représentent. Après la deuxième réhabilitation de Deng en 1978, on a également fini par décréter officiellement la fin de la GRCP, désormais qualifiée comme ayant été une période de « 10 années noires », et par tout renverser ce qui ne l'avait pas déjà été. On sait maintenant ce qu'il en est advenu aujourd'hui.

    Des acquis indispensables

    Quand on regarde tout ce qui s'est passé en Chine depuis 20 ans - le développement du capitalisme sauvage, la réhabilitation du profit, le retour des valeurs traditionnelles obscurantistes, les différentiations sociales éhontées qui s'accentuent, le chômage qui se développe à nouveau, etc. -, on constate à quel point les tendances à la restauration capitaliste y étaient fortes et solides. Et on peut mesurer l'immense mérite qu'a eu la Révolution culturelle, grâce à laquelle le socialisme a pu se développer pendant dix ans de plus, malgré, justement, la force du capitalisme.

    La Révolution culturelle est venue répondre en pratique à une des questions les plus importantes - sinon la plus importante - qui se pose pour l'avenir de la lutte pour le socialisme, à savoir comment on peut et on doit faire avancer la révolution après la prise du pouvoir. Elle constitue désormais un élément indispensable de notre compréhension de ce qu'est la lutte pour le communisme.

    Évidemment, on peut se poser la question : la gauche maoïste a-t-elle commis des erreurs ? Aurait-on pu éviter le coup d'État de 1976 et prolonger ainsi cette formidable expérience ? Ce sont là des questions importantes, certes, qui pour nous restent d'ailleurs ouvertes. On peut se demander, par exemple, s'il n'aurait pas été préférable de liquider carrément un Deng Xiaoping, lorsqu'il a été démis une première fois en 1968, plutôt que de le laisser en vie et de lui donner ainsi la chance de revenir au pouvoir ? Sachant ce que l'on sait maintenant, on est d'ailleurs porté à répondre oui à une telle question, mais encore là, il faut faire bien attention. Car comme l'a expliqué Mao, « on aura beau destituer [on pourrait même dire liquider] 2 000 partisans de la voie capitaliste durant cette grande Révolution culturelle, si on ne transforme pas notre conception du monde, il y en a 4 000 autres qui vont apparaître la prochaine fois. La lutte entre les deux classes, entre les deux lignes, ne peut être résolue avec une, deux, trois ou même quatre révolutions culturelles. » Deng Xiaoping a certes joué un rôle exceptionnel dans le processus de contre-révolution en Chine, mais si ce n'avait pas été lui, un autre aurait sans doute pris sa place, étant donné la nature profonde de la lutte qui s'est menée entre le prolétariat et la nouvelle bourgeoisie.

    Ce qu'on doit surtout retenir de tout ça, ce sont bien sûr les faits marquants et héroïques de la révolution chinoise - et ils sont nombreux : la Longue Marche, Ya'nan, la prise du pouvoir, la Révolution culturelle elle-même, etc. Tout cela fait désormais partie de notre histoire. Il faut certes aussi vénérer ceux et celles qui l'ont dirigée, et aussi les dirigeants à qui elle a donné naissance : en premier lieu, Mao, bien sûr, mais aussi Jiang Qing et Zhang Chunqiao, qui ont persisté dans la voie révolutionnaire jusqu'à la toute fin, faisant preuve d'un courage tout à fait exemplaire. Mais surtout, il faut mettre au premier plan le maoïsme à la tête de la révolution mondiale, à la tête de la révolution au Canada.

    Nous pouvons dire aujourd'hui qu'à la lumière de tout ce qui s'est produit dans l'histoire du mouvement communiste international et de ses 150 ans d'existence, on ne peut désormais plus se dire marxiste si on ne s'approprie pas réellement et si on ne défend pas systématiquement les avancées théoriques apportées par Mao alors qu'il dirigeait la révolution chinoise. Ne pas le faire, ce serait en rester - ou bien retourner pour certains - au vieux révisionnisme failli condamné par l'histoire.

    Quels sont ces acquis, si importants, qui nous sont nécessaires et qui doivent nous guider pour l'avenir ? Mentionnons-les rapidement :

    • D'abord, il y a la stratégie de la guerre populaire prolongée : la participation des masses comme facteur décisif dans la guerre ; le principe des bases d'appui et de leur utilisation pour commencer les transformations sociales avant même la prise du pouvoir ; la direction du Parti sur l'armée ; « cette vérité toute simple que chaque communiste doit s'assimiler et qui est que le pouvoir est au bout du fusil » - une vérité que certains communistes n'ont d'ailleurs pas encore comprise même si les masses révolutionnaires, elles, n'ont jamais cessé de la mettre en pratique.

    • La « démocratie nouvelle » comme stratégie révolutionnaire dans les pays opprimés.

    L'analyse des contradictions, du rapport entre théorie et pratique.

    • Le concept de la « ligne de masse », basé sur le point de vue selon lequel « le peuple est la force motrice de l'histoire universelle ».

    • La lutte contre le révisionnisme moderne.

    • Le principe d'oser lutter, oser vaincre, celui d'aller à contre-courant.

    • Et, surtout, ce qui apparaît comme étant le principal apport de Mao : l'analyse du socialisme, des contradictions qui le traversent, de la lutte de classes qui se poursuit pendant cette période ; la critique de la « théorie des forces productives » ; l'importance de mener la lutte de lignes au sein du Parti, de reconnaître le rôle et l'existence de la bourgeoisie au sein même du Parti - tout cela concentré dans la nécessité de la Révolution culturelle qui fait désormais partie du programme de toute révolution qui se veut sérieuse.

    Aujourd'hui, 1er octobre, se déroulent deux types de célébrations : celles de la bourgeoisie et celles du prolétariat. Même si la nôtre est plutôt humble, il faut en être fier. Il n'y a pas de mal à brandir le « petit livre rouge » - pourquoi pas ? -, même si cela reste seulement symbolique. Mais ce qu'il faut surtout faire, on l'a dit, c'est d'appliquer tous ces acquis. Le mouvement révolutionnaire international semble plus faible aujourd'hui, en apparence du moins, que ce qu'il était dans les années 60 et 70. Mais là où il se développe présentement, c'est justement là où le maoïsme est appliqué. On le voit très bien au Pérou, aux Philippines, en Inde, au Népal, au Bangladesh, en Turquie, où se développe avec de plus en plus de force la guerre populaire.

    La vérité, c'est qu'armé du maoïsme le mouvement révolutionnaire est maintenant plus fort qu'il ne l'a jamais été. Il est certes encore en période de réorganisation, mais c'est lui qui est porteur d'espoir pour l'avenir, pendant que le vieux révisionnisme achève de capituler.

    Dans les prochaines semaines et les prochains mois, notre organisation lancera une grande discussion au sein du prolétariat canadien sur ce que nous appelons « les bases urbaines du maoïsme », i.e. comment le maoïsme s'applique dans un pays impérialiste, afin de définir quelle est la voie de la révolution au Canada. Des textes circuleront, des débats seront organisés un peu partout, dans les grandes villes, dans les milieux prolétariens, et dans le plus grand nombre de langues possible. Nous vous appelons à vous joindre à cette discussion, à l'organiser dans votre milieu, à y participer en grand nombre. Une discussion que nous souhaitons vivante et ouverte, à l'image du maoïsme lui-même, et qui nous permettra d'entreprendre le nouveau millénaire le plus rapidement possible avec un programme pour la révolution au Canada et avec une nouvelle organisation d'avant-garde pour la diriger. C'est à cette tâche, aujourd'hui, que nous vous convions.

    Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise !
    Gloire éternelle au marxisme, au léninisme et maoïsme !
    Vive la lutte révolutionnaire passée, présente et surtout à venir !

    Le 1er octobre 1999


    1) Sauf indication contraire, les citations de Mao sont extraites des deux tomes de l'Histoire de la révolution culturelle prolétarienne en Chine de Jean Daubier, publiés chez Maspero.

    2) Sur toute la période de allant de 1973 à 1976, on peut lire l'article intitulé « Comment les révisionnistes ont renversé la ligne de Mao », ainsi que le fameux texte de Zhang Chunqiao, De la dictature intégrale sur la bourgeoisie (qu'on peut considérer aujourd'hui comme étant un classique du marxisme-léninisme), tous deux publiés dans Socialisme Maintenant! n° 1, printemps 1997.

    (paru dans la revue Socialisme Maintenant! n° 5)

     


    2 commentaires
  • Info


    votre commentaire

  • Extraits de la revue La Bretagne libertaire parue en 1921 (époque charnière entre le 1er et le 2e Emsav, mais les auteurs publiés - Émile Masson, Camille Le Mercier d'Erm, Louis N. Le Roux, Jos Le Bras etc. - sont issus du 1er, l'Emsav d'avant et pendant la Première Guerre mondiale).

     Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienneDocument historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Émile Masson, Les Bretons et le Socialisme :

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne


    Il s'agit là d'extraits de son Antée (1912, sous le nom de plume d'Ewan Gwesnou) ; ouvrage complet ici  :


    Camille Le Mercier d'Erm, La Nation bretonne et l'Internationale, préface à la publication :

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne

    Document historique : LA BRETAGNE LIBERTAIRE - ou quand le Premier Emsav breton épousait la cause de la Révolution mondiale prolétarienne


    [Ou pour citer encore, sur toute cette problématique bretonne, cet excellent passage de Samir Amin : "La bourgeoisie qui, dans l'ensemble français, est parvenue à faire la jonction avec les paysans contre la féodalité, échoue en Bretagne : elle se heurte à la jonction révolte paysanne/ contre-révolution aristocratique. Les restaurations qui suivent 1793 opèrent un compromis : elles laissent l'hégémonie en Bretagne au bloc rural (aristocratie et paysans), à condition que celui-ci accepte à l'échelle française l'hégémonie de la haute bourgeoisie (parisienne, s'entend). Pendant un siècle fonctionne de la sorte une alliance de classes particulière. À l'échelon breton, le bloc rural (les Blancs) domine, isolant le bloc urbain constitué des Bleus (la bourgeoisie locale) et des Rouges (la petite bourgeoisie locale). L'hégémonie de la bourgeoisie industrielle à l'échelle française aide et contraint en même temps la propriété rurale aristocratique à se moderniser (produire pour le marché, s'équiper, etc.. ). Celle-ci le fait sans perdre le leadership rural qui fonctionne au plan idéologique grâce au Concordat, par des formules paternalistes (démocratie chrétienne etc.)." (...)

    "Le développement capitaliste résultant de ce compromis (entre aristocratie bretonne et grande bourgeoisie parisienne), s'accélérant à partir de 1914 et surtout de 1945, finit par faire voler en éclats les alliances qui l'ont fondé. L'industrie et l'apparition d'un prolétariat ouvrier détachent progressivement les héritiers des Rouges de leur dépendance traditionnelle à l'égard des Bleus, qui, de leur côté, font la paix devant le péril socialiste avec les Blancs (abandon de l'anticléricalisme). Dans les campagnes, le processus de modernisation accélère la désintégration du monde rural (émigration massive) et substitue à l'ancienne paysannerie, relativement fermée sur elle-même (polyculture d'autosubsistance), une petite propriété modernisée et spécialisée, fortement soumise à la domination du capital agro-industriel (domination formelle). La grande propriété capitaliste a perdu son importance politique comme moyen d'encadrement des paysans ; la prépondérance électorale passe aux zones urbaines ; l'alliance Blancs-Bleus se substitue à l'alliance Bleus-Rouges ; le capital industriel intervient directement dans l'économie des paysans sans passer par l'intermédiaire des aristocrates. De cette désintégration des vieilles alliances émerge le mouvement autonome de la petite paysannerie soumise à la domination formelle." (…) 

    "Si nous sommes convaincus de la justesse de l'analyse des luttes de classes proposée par Yannick Guin (dont c’est l’analyse qui est citée jusque-là) et de leur articulation aux luttes nationales, nous ne sommes pas toujours convaincus par les conclusions qu’il en a tiré.

    La résistance contre-révolutionnaire des Chouans (l'échec de la bourgeoisie à séparer les paysans de l'aristocratie) ne résulte-t-elle pas de la volonté même des fractions dirigeantes de la bourgeoisie (avant Thermidor et surtout après) de ne pas soutenir une révolution paysanne radicale dont les germes existaient ? Dans ce cas n'est-il pas unilatéral de qualifier la Chouannerie de contre-révolutionnaire ? L'analogie avec les Tchèques et les Croates n'attendant rien de la révolution bourgeoise (autrichienne) timorée de 1848 ne s'impose-t-elle pas ?

    Enfin, soit, on ne refera pas la Révolution française. On ne peut que constater la carence de l'embryon de prolétariat, carence qui découlait de l'immaturité objective des rapports capitalistes de l'époque. Ce prolétariat, malgré son courage, a été écrasé par la bourgeoisie et n'a pas réussi à faire le pont avec les paysans pauvres de Bretagne.

    Mais après ? Pourquoi de 1914 à nos jours les Rouges ne sont-ils pas parvenus à s'allier aux paysans pour les détacher de l'aristocratie embourgeoisée ? N'était-ce pas ce qui aurait dû être la stratégie du mouvement ouvrier ? Pourquoi celui-ci a-t-il laissé l'initiative à la bourgeoisie et s'est-il retrouvé gros-jean comme devant lorsque les Bleus l'ont abandonné pour aller retrouver les Blancs ?

    Et lorsque les paysans, à leur tour abandonnés par les Blancs et entraînés dans le capitalisme, soumis à sa domination formelle, ont commencé à se révolter, n'était-ce pas la tâche du mouvement ouvrier de s'allier à eux, puisqu'il s'agit d'une lutte contre le capital ? Est-il correct de juger cette lutte perdue d'avance parce qu'elle irait contre le «développement des forces productives» ? La lutte de la classe ouvrière elle-même, en réduisant le profit, ne va-t-elle pas elle aussi contre l'accumulation maximale ? Est-ce le rôle des exploités de faciliter aux exploiteurs, par leur silence, la gestion d'un développement maximal des forces productives ?

    Ne doit-on pas aussi regarder différemment le soutien de la petite bourgeoisie à cette révolte paysanne ? De quelle petite bourgeoisie s'agit-il ? De petits producteurs (artisans, commerçants) menacés par le Capital, ou de cette nouvelle petite bourgeoisie de travailleurs non manuels, employés prolétarisés, déjà exploités par le Capital ? S'il en est ainsi, son alliance avec les paysans (dont elle est de fait, en Bretagne… souvent issue !), désormais également exploités par le Capital n'est-elle pas juste ? Et pourquoi la classe ouvrière ne s'y joindrait-elle pas ?

    Priorité au développement des forces productives ou à la lutte des classes ? La tâche du prolétariat est-elle de ne rien faire qui s'oppose objectivement au développement des forces productives ? N'est-ce pas là une manière sociale-démocrate de voir cette tâche ? Le prolétariat ne doit-il pas se moquer de cet objectif qui est celui des classes exploiteuses, et s'occuper exclusivement de mobiliser les contradictions dans ce développement pour constituer un bloc révolutionnaire efficace ?

    La revendication de régionalisation peut-elle être considérée unilatéralement comme une stratégie nouvelle de la haute bourgeoisie ? Cette revendication, comme tant d'autres, n'est-elle pas ambivalente ? Elle peut certes être récupérée par la bourgeoisie, du moins si elle s'inscrit dans une stratégie globale sociale-démocrate ; mais ne peut-elle pas aussi être un levier de mobilisation anticapitaliste ?

    L'idéologie bretonne aujourd'hui, même si hier elle a été au service du bloc agraire blanc aristocrates-paysans, peut-elle être qualifiée unilatéralement de réactionnaire dans les conditions de luttes anticapitalistes qui encadrent sa renaissance ? Pourquoi ? Parce qu'elle s'opposerait au développement des forces productives et au rouleau compresseur de l'homogénéisation culturelle qui n'est que la généralisation de l'idéologie bourgeoise de l’homo consumens universalis ? S'agit-il de réveiller un mort, ou un mourant (la langue bretonne) ; ou d'une protestation contre l'idéologie bourgeoise qui se cache derrière le rideau de fumée de l'universalisme ?"]




    votre commentaire

  • La Belgique est née historiquement des Pays-Bas espagnols (puis autrichiens au 18e siècle) qui étaient les provinces des "Pays-Bas" (tout le Benelux actuel à la base) majoritairement catholiques et ayant fini par rester sous la coupe de l'Espagne ; alors que les provinces protestantes avaient fait sécession pour devenir les Provinces-Unies qui sont aujourd'hui les... Pays-Bas (ou "Hollande", qui n'est en fait que l'une de ces provinces).

    C'était le pays du roi-empereur Charles Quint, et celui qu'il a fait principalement profiter (et non la péninsule ibérique, d'où le problème historique de celle-ci) du pillage des Amériques. D'ailleurs peut-être qu'en plus des considérations catholiques, on peut imaginer que ces provinces aient voulu rester "espagnoles" pour continuer à bénéficier tranquilou des ressources de l'Empire colonial (alors que les Hollandais, une fois indépendants, devaient s'en reconstruire un).

    Elle a également toujours été inclue dans les visées expansionnistes françaises des "frontières naturelles" (qui visaient à aller jusqu'au Rhin), tous les rois de l'Ancien Régime cherchant à la conquérir et la révolution bourgeoise l'annexant finalement de 1793 à 1815 – ces prétentions n'ont pas encore totalement cessé aujourd'hui puisque... Mélenchon himself les agite encore, au sujet de la Wallonie du moins. Sans compter les visées de la Prusse (puis de l'Allemagne unifiée) en vertu de sa "germanité" historique (appartenance au Saint Empire).

    Le problème étant que l'Angleterre n'a jamais pu tolérer de telles prétentions à l'annexion par une grande puissance, les côtes flamandes permettant de lancer directement une flotte sur Londres...

    C'est pourquoi, après avoir été rattachée aux anciennes Provinces-Unies en 1815 pour former les "Pays-Bas" (c'est comme cela que la "Hollande" a finalement gardé ce nom), lorsqu'elle se soulève contre ce rattachement en 1830 sur une base catholique et (surtout) francophone (langue de la bourgeoisie bruxelloise, wallonne et aussi des centres urbains de Flandre, les Flamands flamingants du petit peuple n'étant peut-être pas si enthousiastes que cela à se "libérer" de leurs cousins hollandais), une conférence internationale est organisée pour faire finalement (donc) des anciens "Pays-Bas espagnols" le Royaume de Belgique, ayant vocation à être un État neutre, Paris et Berlin cédant à Londres sur ce point en échange du fait que la bourgeoisie dominante soit francophone et francophile, et le roi un aristocrate allemand.

    [En réalité, et cela semble notamment transparaître dans ce passage sur Wikipédia par exemple, la Révolution indépendantiste belge du 25 août 1830 pourrait bien avoir été... l'une des premières "révolutions colorées" de l'histoire ; pilotée (le plus probablement) par la France de Louis-Philippe tout juste intrônisé quelques semaines plus tôt, dans un but d'annexion ou de "protectoralisation" puisque c'est dans un premier temps le duc de Nemours (deuxième fils de celui-ci) qui est envisagé comme souverain ; le sinistre Talleyrand (revenu en grâce à la faveur des Trois Glorieuses) évoquant quant à lui clairement un rattachement de la majeure partie du pays en laissant Liège à la Prusse et la Flandre jusqu'à Anvers à l'Angleterre ; mais cette dernière (surtout) s'interposera et fera capoter le plan, imposant le principe d'un État neutre et d'un monarque germanique.]

    La Flandre fait bien sûr partie du nouvel État, puisqu'elle consiste en la côte qu'il s'agit de neutraliser. Mais la réalité est que l’État abrite bel et bien deux nationalités, wallonne et flamande, avec une capitale Bruxelles historiquement flamande mais dont la bourgeoisie est francophone et francophile, et qui sera francophonisée au fil du temps (les arrivants wallons étant quant à eux de langue romane d'oïl, et les immigrés étrangers se voyant imposer le français, seule langue officielle jusqu'aux années 1950)... Ceci donnant le fameux accent connu comme "l'accent belge", mais que les francophones non-bruxellois n'ont pas (ou peu).

    À cette époque, donc, la "bonne société" parle le français académique qui est la seule langue officielle de l’État, et le moteur économique est plutôt la Wallonie (où les ouvriers parlent wallon ou "français populaire" local). La Flandre est paysanne (ou de vieille industrie textile), pauvre, conservatrice... et méprisée. Elle revendique bien sûr contre cette situation, mais plutôt sur une base conservatrice et de droite, voire fasciste dans les années 1930.

    Ensuite de quoi, dans la seconde moitié du 20e siècle, la situation s'inverse et c'est la Flandre qui devient nettement plus riche, à l'image des Pays-Bas voisins, tandis que la Wallonie connaît le même déclin que le ch'Nord ou la Lorraine – le nationalisme flamand reste donc de droite, mais cette fois avec des "raisons" matérielles de l'être ; tandis que la Wallonie est contrôlée par le PS et que la bourgeoisie francophone bruxelloise reste au Parti libéral comme elle l'a toujours été (c'est devenu le MR, actuellement au pouvoir).

    Ce sont aussi surtout des Flamands qui sont allés jouer les petits soldats dans les colonies (Congo etc.), tandis que les Wallons étaient affairés dans leurs mines et leurs usines, et ils n'en sont bien sûr pas rentrés avec un esprit hyper progressiste et antiraciste...

    Globalement on peut dire qu'aujourd'hui il y a deux nationalités, flamande et wallonne, au Nord et au Sud, représentant chacune un tiers de la population, auxquelles s'ajoute un dernier tiers de communautés issues de l'immigration (principalement sud- et est- ou alors extra-européenne) qui résident principalement en Wallonie et dans le Grand Bruxelles, bien qu'également dans les grandes villes flamandes (comme Anvers), et qui tendent plutôt à adopter le français que le flamand dans leurs échanges externes ; ainsi qu'environ 70.000 "germanophones" parlant des dialectes franciques (comme au Luxembourg), dans quelques cantons de l'Est annexés sur l'Allemagne à l'issue de la Première Guerre mondiale.

    Voilà pour le panorama actuel et le "bref" rappel historique ; vu qu'il n'est jamais possible de faire vraiment "bref" en la matière, et certainement pas de torcher en une phrase 5 siècles d'histoire pour déboucher sur un tableau idyllique absolument à des années-lumière de la réalité et des problèmes LOURDS de cet État (qui sont de notoriété publique), une espèce de "société idéale" qui serait aujourd'hui "ignoblement agressée par la barbarie mahométane" [référence ici à une shitstorm du ridicule 'centre' 'mlm' de Belgique (misérable appendice bruxellois du 'p''c''mlm' d'ici et ayant adopté ses délires sur les 'romans nationaux'), auquel ce texte faisait partie initialement d'une réponse : facebook servir.lepeuple posts]...

    EN RÉSUMÉ DONC, qu'est-ce que l’État belge, de qui la Belgique est-elle l’État ?

    En dernière analyse, la Belgique est l’État de la bourgeoisie bruxelloise-brabançonne, autrement dit d'une bourgeoisie flamande parlant le français académique parce que c'était la langue "classe" à l'époque (étant également celle - évidemment - de la bourgeoisie de Wallonie, mais aussi de la "bonne société" de Flandre) ; exploitant-opprimant à la fois la paysannerie flamande ("flouée", en un sens, par sa propre bourgeoisie) qui n'avait alors même pas droit, devant la justice, à un procès dans une langue qu'elle comprenait (la plupart des dernières exécutions capitales au 19e siècle auront lieu dans ces conditions, avant que le roi ne décide d'accorder une grâce systématique à partir de 1867), ET la classe ouvrière wallonne dont la misère à cette époque était si effroyable qu'elle alimentait une considérable émigration vers le Nord voisin de l’État français, pourtant pas connu pour sa vie de palace non plus (les patrons les y appelaient fréquemment pour remplacer les mineurs en grève...) – on attribuera à ces populations le sobriquet de "Borins" ou "Borains", de boren = creuser, un peu comme les Lyonnais avaient coutume de surnommer les Stéphanois "lapins".

    Cela a donc effectivement été une erreur, pour les deux mouvements qui ont émergé à partir de la fin du 19e siècle (mouvement flamand généralement droitier, conservateur, et mouvement wallon au contraire plutôt syndicaliste et socialiste, avec le fameux renardisme 1 - 2 né de la Question royale de 1945-51 et de la grande grève insurrectionnelle de l'hiver 1960-61), de voir l'"ennemi" en l'autre population de l’État alors que cet ennemi commun aux deux Peuples travailleurs nationaux est celui que nous venons de voir : une bourgeoisie brabançonne (donc flamande) ayant adopté le français comme langue de distinction sociale (et francophonisé petit à petit, dès l'époque autrichienne en fait, sa capitale fr.wikipedia.org/wiki/Francisation_de_Bruxelles) ; exploité férocement la classe ouvrière principalement wallonne (en dehors des quelques grandes villes de Flandre et du port international d'Anvers) pour faire dans la seconde moitié du 19e siècle de la production industrielle et minière belge la première au monde par rapport au nombre d'habitants ; et marginalisé sa propre population flamande non-francophone tout en s'appuyant sur son conservatisme pour en faire une masse de manœuvre réactionnaire contre les luttes ouvrières, ou encore dans la colonisation sanguinaire du Congo (la paysannerie wallophone ardennaise aussi, dans une moindre mesure : la province sera après 1945 la seule en Wallonie à soutenir le roi Léopold III, autrement dit l'ordre établi, contre les appels à la république lancés par les socialistes et les communistes).

    En résumant à l'extrême, on pourrait donc parler d'oppression de la Wallonie ouvrière par une bourgeoisie FLAMANDE mais de langue française, et coupée de (et opprimant aussi) son propre Peuple flamand principalement paysan.

    [Sachant que bon, aujourd'hui même tout ça c'est largement du passé : l'ennemi commun des travailleurs wallons ET flamands ET de Bruxelles devenue une véritable ville-monde populaire au 100 langues (au moins), c'est la dictature mondiale "intégrée" des monopoles financiers qui tend d'ailleurs de plus en plus à faire du pays, et en particulier des beaux quartiers de sa capitale une ville-monde... grande bourgeoise, attractive par sa fiscalité avantageuse, siège par ailleurs des institutions technocratiques de l'UE etc. etc.]

    Par la suite bien sûr, comme nous le savons tous, un peu comme au Canada avec la disparition de l'oppression nationale québecoise dans la "Révolution tranquille" (parallèlement à la transformation du dominion britannique en pays impérialiste pleinement indépendant), il y a eu entre les années 1950 et 1990 de grandes évolutions (peut-être la plus importante restructuration intérieure d'un État européen à l'époque contemporaine) et il n'existe plus aujourd'hui à proprement parler d'oppression nationale de la Flandre, devenue au contraire la région économiquement dynamique (en partie du fait d'une réorientation vers elle, après guerre, des investissements de la bourgeoisie bruxelloise centrale ainsi que des investisseurs étrangers... notamment anglo-saxons, pour faire contrepoids à la bourgeoisie francophone et francophile ainsi que bien sûr, dans le contexte de la Guerre froide, à un mouvement socialo-communiste surtout fort en Wallonie ouvrière) ; ni même réellement de la Wallonie d'ailleurs, en dehors de son oppression économique de région industrielle en déliquescence (comme la Lorraine ou le Nord Pas-de-Calais).

    À cela s'est par ailleurs ajoutée, à partir des années 1960, l'immigration extra-européenne qui représente désormais (par exemple) un bon 40% de la population de Bruxelles-Capitale ; constituant (donc) des colonies intérieures dans le pays et contribuant, en utilisant le français comme lingua franca, à la francophonisation de celui-ci (notamment dans le Brabant flamand autour de Bruxelles, faisant partie de son aire urbaine) ; la revendication flamande, axée sur la "frontière linguistique", n'en prenant évidemment qu'un tour encore plus réactionnaire et xénophobe.

    Il ne sera sans doute pas utile de revenir ici sur les discours au sujet de ces communes des 19 que compte l'agglomération bruxelloise, comme Molenbeek, qui ne seraient "plus l'Europe" ; puisqu'on les trouve (ces discours) y compris sur des sites prétendument "maoïstes"...

    Conséquence logique, comme ailleurs, de la politique impérialiste et coloniale (même si elle n'a colonisé directement que le Congo, ainsi que le Rwanda et le Burundi après 1918, la Belgique a largement profité de la colonisation européenne et ce dès le 16e siècle...) ; et autre baril de poudre sur lequel sont donc désormais assis nos bourgeois flamands adeptes de la langue de Molière (et les exilés fiscaux de toute l'Europe qui les ont rejoints, faisant de Bruxelles l'une des toutes premières places financières capitalistes du continent).

    L'oppression de part et d'autre de la frontière linguistique est donc aujourd'hui une oppression DE CLASSE des travailleurs flamands et wallons, et une oppression nationale des masses populaires d'origine extra-européenne (et dans une moindre mesure des travailleurs non-nationaux originaires du Sud et de l'Est du continent), par 1°/ une désormais puissante bourgeoisie flamande en tant que telle, néerlandophone et usant de cette revendication linguistique pour "souder" les masses populaires à ses intérêts, 2°/ également une bourgeoisie wallonne, flanquée de tout un caciquat politique de notables PS post-renardistes ou libéraux MR, et 3°/ trônant toujours au milieu de tout cela, l'oligarchie bruxelloise flamande francophone (et polyglotte) rejointe par des grands bourgeois de toute l'Europe et l'Occident dans une sorte de "Monaco du Nord" : c'est cette espèce de "triade" (faite d'unité et de lutte, secouée de contradictions en son sein notamment avec les revendications toujours plus agressives de la bourgeoisie flamande néerlandophone) qui structure l’État actuel et que doivent affronter les travailleurs, exploité.e.s et opprimé.e.s des dizaines de nationalités qui peuplent ses 30.000 km² de territoire.

    Sur cet aspect socio-économique, la carte ci-dessous montre bien comment se configure la Belgique d'aujourd'hui : la pauvreté se concentre essentiellement en Wallonie désindustrialisée, principalement dans la province de Hainaut (= Borinage), ainsi que dans la région de Bruxelles-Capitale (là ce sont très clairement les colonies intérieures non-européennes) à l'exception de quelques communes comme Ixelles qui sont l'équivalent de Neuilly (carte détaillée ici) ; et dans une moindre mesure dans certaines grandes villes de Flandre (Gand, Anvers, Turnhout, Genk etc.) et sur la côte (La Panne, Nieuport, autour du port de Bruges etc.) mais la plus grande partie de la région fédérale a désormais (ce qui n'était pas le cas il y a un siècle !) un taux très faible. De fait, et malgré (pour certains) l'obstacle de la langue, c'est là que vont s'établir les moyens et grands bourgeois pour être "loin sans être loin" de Bruxelles et de sa "faune" molenbeekoise...

    La Flandre (voir ici) avait en 2015 un PIB régional de 37 300 € par habitant, supérieur à toutes les régions de l’État français sauf l'Île-de-France, et Bruxelles-Capitale de 63 300 € soit loin devant celle-ci (54 600 €) tout en ayant dans la plupart de ses 19 communes les taux de pauvreté les plus élevés... La Wallonie, avec 26 400 €, se situant quant à elle au niveau de... la Corse (tirée vers le haut par le Brabant wallon proche de Bruxelles, la plupart des autres provinces se situant au niveau voire au dessous des plus pauvres d'Hexagone que sont la Picardie, le Languedoc-Roussillon ou la Lorraine).

    La carte des revenus moyens des ménages est également très instructive.

    Brèves considérations sur un État contemporain, questions nationales et luttes de classe : la Belgique

    La non-compréhension de cela (lire ici : PC_question_nationale.pdf) est peut-être ce qui a valu au mouvement communiste de l’État belge sa faiblesse historique, entre d'un côté une Wallonie dominée par le socialisme réformiste et de l'autre une Flandre largement conservatrice-réactionnaire (bien qu'ayant aussi engendré le PTB qui connaît à présent un certain succès après sa conversion totale au réformisme...).

    À lire aussi : socialisme-et-question-nationale-notamment-en-belgique-et-wallonie

    Brèves considérations sur un État contemporain, questions nationales et luttes de classe : la Belgique

    Brèves considérations sur un État contemporain, questions nationales et luttes de classe : la Belgique

    Brèves considérations sur un État contemporain, questions nationales et luttes de classe : la Belgique


    votre commentaire

  • Joyeuses Pâques... et joyeux centenaire, Révolution irlandaise !

    Joyeuses Pâques... et joyeux centenaire, Révolution irlandaise !


    (Chanson dédiée au soulèvement, reprise par les Young Dubliners, ici sur des images de guérilla urbaine à Belfast)

    As down the glen one Easter morn to a city fair rode I
    There Armed lines of marching men in squadrons passed me by
    No fife did hum nor battle drum did sound it's dread tatoo
    But the Angelus bell o'er the Liffey swell rang out through the foggy dew

    Right proudly high over Dublin Town they hung out the flag of war
    'Twas better to die 'neath an Irish sky than at Suvla or Sud El Bar
    And from the plains of Royal Meath strong men came hurrying through
    While Britannia's Huns, with their long range guns sailed in through the foggy dew

    'Twas Britannia bade our Wild Geese go that small nations might be free
    But their lonely graves are by Suvla's waves or the shore of the Great North Sea
    Oh, had they died by Pearse's side or fought with Cathal Brugha
    Their names we will keep where the fenians sleep 'neath the shroud of the foggy dew

    But the bravest fell, and the requiem bell rang mournfully and clear
    For those who died that Eastertide in the springing of the year
    And the world did gaze, in deep amaze, at those fearless men, but few
    Who bore the fight that freedom's light might shine through the foggy dew

    Ah, back through the glen I rode again and my heart with grief was sore
    For I parted then with valiant men whom I never shall see more
    But to and fro in my dreams I go and I'd kneel and pray for you,
    For slavery fled, O glorious dead, When you fell in the foggy dew.


    Ici dans un ancien article du site, deux textes historiques fondamentaux : la Proclamation de la République par les insurgés et "Pour l'Armée citoyenne" du républicain socialiste James Connolly.


    À revoir aussi :

    Séance ciné : "Le vent se lève" de Ken Loach


    Et en "bonus", un documentaire (7 parties en playlist) sur la lutte des années 1970-80 ; intéressant malgré le parti-pris éminemment bourgeois "Fin de l'Histoire", anticommuniste (projetant ce fantasme sur l'IRA), anti-"terroriste" et pro-"accords de paix" de la réalisation :


    http://www.dailymotion.com/playlist/x1rxoz_Xenomorf_les-soldats-de-l-ira/1#video=x15p9n

     


    votre commentaire

  • À Gazi les milices du HBDH affrontent
    la police sur les barricades

    (Nouvelle Turquie)


    À travers toute la Turquie, l’État a essayé d’empêcher les célébrations du Newroz. Partout le peuple a résisté. Dans le quartier de Gazi les milices révolutionnaires réunies dans le Mouvement Révolutionnaire Uni des Peuples (HBDH) ont affronté la police et permis les célébrations.

    Newroz piroz be !


    votre commentaire

  • Dix organisations révolutionnaires du Kurdistan et de Turquie - le TKP/ML, le PKK, le THKP-C/MLSPB, le MKP, le TKEP-Leninist, le TIKP, le DKP, le Devrîmcî Karargah et le MLKP - viennent d'annoncer la création d'un MOUVEMENT RÉVOLUTIONNAIRE UNI DES PEUPLES (HBDH en turc) pour lutter contre le régime fasciste de l'AKP et de l’État turc, en train de "renouveler les coups d’État fascistes du 12 mars (1971) et du 12 septembre (1980)" (qui avaient l'un et l'autre plongé le pays dans plusieurs années de répression meurtrière tous azimuts, Ibrahim Kaypakkaya mourant notamment suite au premier ; l'on pourrait encore ajouter celui de 1997, évinçant du pouvoir... l'ancêtre de l'AKP - le Refah Partisi - et ouvrant une autre période ultra-répressive jusqu'en 2002, sous la conduite... de la "gauche" kémaliste de Bülent Ecevit).

    http://democracyandclasstruggle.blogspot.fr/2016/03/kurdish-and-turkish-organisations.html


    http://www.secoursrouge.org/Turquie-Kurdistan-Etablissement-d-une-force-revolutionnaire-unitaire


    Et puis enfin la  Déclaration de fondation du Mouvement Révolutionnaire Uni des Peuples  (Nouvelle Turquie - avec traduction du communiqué)

    Les organisations ainsi réunies ont tenu à souligner que leur objectif ultime était "la démocratie et un avenir émancipé pour les peuples", dans une lutte sans merci contre "l'impérialisme, le capitalisme, le chauvinisme, le racisme et le fascisme".

    Comme nous avons déjà pu l'expliquer dans plusieurs articles, alors que l'arrivée au pouvoir de l'AKP (2002-2003) avait pu sembler amorcer une certaine "libéralisation" de façade et moins d'alignement inconditionnel sur le bloc impérialiste occidentalo-israélien (refus de servir de base pour l'invasion de l'Irak en 2003, un incident portant même presque au bord de l'affrontement militaire, gros soutien ouvert au "parti frère" Hamas en Palestine, etc.), non sans confrontation latente et permanente avec le pouvoir militaire (Conseil de Sécurité Nationale) fidèle à la doxa kémaliste-occidentaliste, depuis quelques années le pouvoir d'Erdoğan, à la tête de l'une des grandes économies "émergentes" de la planète, apparaît en réalité avoir RESTRUCTURÉ idéologiquement l’État fasciste dans un sens intégrant mieux (contrairement à l'idéologie kémaliste antérieure... et finalement un peu comme l'ultra-nationalisme d'extrême-droite "pantouranien" du MHP, qui multiplie d'ailleurs ces derniers temps les "déclarations d'amour" envers le parti au pouvoir) la réalité musulmane sunnite de la majorité de la population, en particulier de l'Anatolie "profonde" d'où est issue une grande partie de la population d'Istanbul et (surtout) toute une nouvelle bourgeoisie que l'AKP représente justement dans la capitale économique depuis 1994 (année où Erdoğan en est devenu maire) ; en cherchant par ailleurs à assumer un rôle "néo-ottoman" de grande puissance régionale aux dépens (bien sûr) des Peuples. Il est possible, en un sens, de parler de "nouveau jeune-turquisme" http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/il-y-a-100-ans-l-etat-fasciste-turc-naissait-dans-le-sang-du-genocide - les "Jeunes Turcs" ou "Comité Union et Progrès", faction réactionnaire "moderniste" et nationaliste de la bourgeoisie qui avait pris le pouvoir dans l'Empire ottoman en 1908 et conduit "entre autres" au génocide des Arméniens ainsi qu'à d'autres massacres de minorités, avant que l’État turc ne prenne sa forme définitive actuelle au terme de la Première Guerre mondiale et de la "guerre d'indépendance" conduite par Mustafa Kemal Atatürk.

    [Lire aussi ici : Qu'est-ce que l'AKP ?]

    Son implication dans le conflit syrien depuis 2011, en faveur des opposants au régime d'Assad (alors que le gouvernement AKP passait jusque-là pour plutôt proche de celui-ci et de l'Iran, des "anti-impérialistes" de la région et des "BRICS" au niveau international - le Qatar a connu le même virage), a conduit à un aiguisement et même une explosion des contradictions (avec notamment l'apparition d'un État kurde indépendant de fait et lié au PKK dans le Nord de la Syrie), et de là à tomber le masque ouvertement fasciste. Depuis plus d'un an maintenant, une violente répression ensanglante le "Sud anatolien" kurde où se multiplient les crimes contre l'humanité tandis que le double jeu d'Ankara vis-à-vis des forces les plus réactionnaires de la rébellion syrienne, et notamment de Daesh n'est plus un secret pour personne.

    Les élections de juin dernier ayant été perdues par Erdoğan et son parti, celui-ci en a ni une ni deux... convoqué de nouvelles (en novembre) qui se sont cette fois traduites par une nette "victoire" de l'AKP, alors que le Kurdistan bastion du parti d'opposition progressiste HDP était plongé dans l'état de guerre et la répression-massacre (empêchant bien sûr toute tenue d'un scrutin "démocratique" digne de ce nom). Le "nouveau 12 mars et 12 septembre" dont parlent les camarades a donc bel et bien eu lieu l'an dernier.

    Mais comme disent les maoïstes "là où il y a oppression il y a résistance" ; et tant la fuite en avant fasciste de l’État turc que le chaos réactionnaire dans lequel les manœuvres impérialistes et inter-hégémonistes régionales ont plongé la Syrie après la légitime révolte de 2011 (avec notamment le projet de "Califat" djihadiste visant à offrir un terrain d'investissement et une base d'accumulation aux pétro-dollars sur-accumulés du Golfe) sont en train de transformer la région en foyer d'une situation révolutionnaire en développement très rapide qui pourrait voir ce "Croissant fertile" bien connu des collégiens (les plus anciennes trace de civilisation urbaine y ont été découvertes) entrer à nouveau dans les livres d'histoire... comme phare rouge de la révolution mondiale pour le communisme !

    Il est de notre devoir de communistes de suivre de très près la situation là-bas, de la faire connaître et de lui apporter tout notre soutien internationaliste.

    Naissance d'un Front révolutionnaire uni en Turquie/Kurdistan

    PS : aussitôt constitué, le HBDH a "fêté" sa naissance par des affrontements armés avec la police dans le quartier stambouliote de Gezi.

    Naissance d'un Front révolutionnaire uni en Turquie/KurdistanNaissance d'un Front révolutionnaire uni en Turquie/Kurdistan


    3 commentaires

  • Lorsque les enseignes de la grande distribution et les grands groupes capitalistes de l'agro-alimentaire gagnent (autrement dit lorsque VOUS PAYEZ pour remplir votre assiette) 100 euros...

    L'"affaire" du Salon de l'Agriculture résumée en deux phrases

    ... les petits producteurs agricoles en gagnent 8 !

    L'"affaire" du Salon de l'Agriculture résumée en deux phrasesL'"affaire" du Salon de l'Agriculture résumée en deux phrases

    L'"affaire" du Salon de l'Agriculture résumée en deux phrases   vs    L'"affaire" du Salon de l'Agriculture résumée en deux phrases

    Tout ceci (de surcroît) dans une logique ultra-productiviste qui veut qu'au jour d'aujourd'hui, dans nos pays occidentaux, près de la moitié de ces produits alimentaires qui coûtent si cher (et tant d'effort) à produire que le gain du producteur n'excède souvent pas 800 euros mensuels pour 300 heures de travail (sans parler de l'impact environnemental etc. etc.) terminent à la poubelle invendus (des poubelles que les enseignes de distribution... cadenassent où aspergent de soude caustique pour éviter que les pauvres ne viennent y récupérer de quoi se nourrir ! - le capitalisme préfère toujours jeter que de distribuer gratuitement ou à prix modique aux personnes qui en ont besoin...).

    Y a-t-il grand-chose à ajouter... sinon que nous avons là une catégorie populaire certes peu nombreuse (1 million de personnes vivent de l'agriculture en Hexagone, dont une minorité de businessmen aisés et une immense majorité de galériens) qui doit être gagnée à la cause de révolution, et non laissée aux mains du populisme FN (pour lequel d'ailleurs, encore à ce jour et selon toutes les études... elle vote nettement moins que la sacro-sainte "classouvrière" des marxistes de bibliothèque) !!

    La difficulté (dont nous sommes parfaitement conscients) est que cela implique une "autre" agriculture "raisonnée", "régulée", planifiée et que cela peut-être difficile à faire entendre par de gens habitués à travailler seuls (ou avec leurs conjoints), "libres" et "sans qu'on vienne les emmerder", jaloux de leur "indépendance" et du "fruit de leur travail", et bien sûr nourris (mais plus que les autres ?) de propagande anticommuniste peuplée de "pauvres paysans expropriés" et "réduits à la famine par le totalitarisme marxiste"...

    Des personnes qui (pour leur immense majorité) font incontestablement partie du Peuple travailleur (c'est-à-dire des personnes tirant exclusivement leurs revenus de l'emploi - par elles-mêmes ou par un employeur qui les salarie - de leur propre force de travail et non de celle d'autrui, abstraction faite des miettes de surprofits de l'exploitation du "Tiers Monde" dont la position impérialiste de l’État français permet à pratiquement tout le monde - sur son sol - de bénéficier) ; dont la dépréciation est traditionnellement dévolue à l'aile gauche (typiquement "Charlie" !) de la pensée dominante, qui s'évertue à les faire passer pour des gros beaufs arriérés et racistes, sexistes, incultes, alcooliques, pollueurs et massacreurs de pauvres bêtes ; et qui doivent comprendre (ce qu'ils ont peut-être déjà commencé à faire avec l'attaque du stand de Charal...) que leur ennemi principal n'est pas "la règlementation" ou "les charges", ces concepts poujadistes creux qui veulent tout dire et rien du tout, mais bien la LOGIQUE CAPITALISTE dont ils sont prisonniers comme nous le sommes tou-te-s.

    L'"affaire" du Salon de l'Agriculture résumée en deux phrases


    2 commentaires

  • https://fr.wikipedia.org/wiki/Sahara_occidental

    C'est là un sujet épineux car d'un côté, le refus de reconnaître que "le Sahara est marocain" est une position de principe pour les communistes authentiques là-bas, raison pour laquelle par exemple Abraham Serfaty a été exilé après sa sortie de prison en 1991 ; mais de l'autre, c'est un sujet généralement IMPOSSIBLE à aborder sereinement avec des Marocains "de base", qui soutiendront dur comme fer que le Sahara appartient bien au Maroc et que les séparatistes sont des "terroristes" à la solde du voisin algérien (ils parleront souvent de "Front Algérisario").

    Essayons de nous faire une idée et de comprendre en regardant l'histoire.

    Historiquement, le Maroc pré-colonial du 18e ou début 19e siècle était effectivement un grand Empire sur une base tributaire, c'est à dire d'allégeance des communautés locales au souverain central chérifien (ce que l'on appelle le Makhzen), qui s'étendait jusqu'aux fleuves Sénégal et Niger (Tombouctou) : EixuW-b6SuKxY.jpg. C'est ce qu'hier comme aujourd'hui les nationalistes marocains appellent et revendiquent comme le "Grand Maroc".

    La lente pénétration du capitalisme marchand durant le 19e siècle ; puis l'encerclement militaire français (colonisation de l'Algérie, de l'actuelle Mauritanie, du "Soudan" actuel Mali) et espagnol (colonisation de l'actuel Sahara occidental, justement, à partir de 1884) ; et enfin la signature du traité de protectorat par le sultan Moulay Abdelhafid en 1912, partageant ce qu'il restait entre tutelle française (au Centre) et espagnole (au Sud le Sahara déjà colonisé, et au Nord le Rif où Madrid possédait déjà depuis le 16e siècle, et possède d'ailleurs encore les enclaves occupées de Ceuta et Melilla) ; achèvent de faire basculer l'Empire marocain dans l'histoire contemporaine... c'est à dire l'ère de l'impérialisme et de la domination totale des monopoles capitalistes occidentaux sur la planète ; contre laquelle se lèvera notamment dans les années 1920 la grande révolte d'Abdelkrim El Khattabi.

    La lutte pour l'indépendance (fin des protectorats et réunification) reprend et s'aiguise après la Seconde Guerre mondiale.

    Ce qui est aujourd'hui le Polisario était alors à l'époque l'Armée de Libération Nationale (ALN) Sud du Maroc, affrontant les pouvoirs coloniaux français et espagnol à partir en gros du sud d'Agadir, dans l'actuel Sahara disputé ainsi qu'en Mauritanie. Il y avait également une Armée de Libération Nord, opérant principalement dans le Rif théâtre de la grande révolte des années 1920. Il s'agissait effectivement, à l'époque, de libérer un territoire incluant l'ensemble des protectorats établis en 1912 et même l'actuelle Mauritanie.

    Lorsque le Maroc obtient enfin son indépendance (1956), il rejoint assez vite, en particulier sous l'impulsion du prince héritier et futur roi Hassan II, le camp du "monde libre" réactionnaire et néocolonial. Les Armées de Libération sont exclues de la nouvelle Armée royale, constituée à partir des régiments coloniaux français et espagnols. L'ALN et les masses du peuple se soulèvent en 1957-59 dans le Rif du glorieux Abdelkrim ; révolte écrasée dans le sang (3.000 à 10.000 morts) sous la conduite d'Hassan en personne : l-offensive-du-makhzen-contre-le-rif - cjb.hypotheses.org/186

    Pendant ce temps, l'impérialisme espagnol n'a pas mis fin à son occupation coloniale (antérieure à 1912) de ce qui est donc aujourd'hui le Sahara. Les forces indépendantistes y poursuivent par conséquent leur lutte. Mais petit à petit, elles voient ce qu'est en train de devenir le Maroc d'Hassan, qui succèdera à son vieux père en 1962 ; et sont notamment trahies et abandonnées par le Palais, qui revendique verbalement le territoire ainsi que la Mauritanie (fleuve Sénégal comme frontière sud) mais craint encore plus la révolution démocratique et la "subversion nasséro-communiste", face à l'opération militaire franco-espagnole "Écouvillon" (1958, voir liens ci-après).

    Cette opération est en fait un évènement absolument FONDAMENTAL pour comprendre la suite, car comme nous l'avons expliqué, le Makhzen est un système féodal fondé sur l'allégeance des autorités locales au souverain central... EN ÉCHANGE de son assistance militaire lorsque de besoin. Or là, cette assistance n'a pas été apportée : le "traité" historique d'allégeance pouvait donc être considéré caduc ; tout en dévoilant au passage toute la servilité pro-impérialiste du prince et bientôt roi, et en fait, de manière générale, la nature de ces vieilles institutions telles que la monarchie marocaine converties en capitalisme bureaucratique au service de l'impérialisme ; faisant ainsi comprendre aux masses populaires la nécessité de la révolution démocratique anti-impérialiste.

    L'ancienne Armée de Libération Sud marocaine prend le nom de Front Polisario en 1973 ; Polisario c'est à dire "Populaire de Libération de la Saguia el Hamra et du Rio de Oro" (le Sahara occidental) : le "Grand Maroc" n'est déjà plus à l'ordre du jour.

    À la mort de Franco (1975), l'impérialisme espagnol accepte enfin de se retirer et bien sûr, Hassan II exige immédiatement le rattachement du territoire (et de fait, en quelques années, en prend possession militairement)... mais celui-ci ne VEUT PLUS de ce rattachement ; ne veut plus rejoindre un État devenu dans le monde arabe le champion de la Réaction.

    Le 27 février 1976 (il y a 40 ans jour pour jour), le Polisario proclame de son côté la République arabe  sahraouie démocratique (RASD).

    L'Algérie voisine, en tant que membre de ce qu'on appelait alors le "camp progressiste" opposé à la "Réaction arabe" incarnée à la perfection par le Royaume ; et sans doute aussi (un peu) pour s'assurer à travers un État ami un débouché maritime sur l'Atlantique ; l'encourage dans cette voie et lui apporte un soutien financier, matériel et diplomatique sur la scène internationale (la Libye de Kadhafi aussi dans une certaine mesure). Pour les Marocains "de base" élevés dans le roman national du "Grand Maroc" chérifien et dans un de ces chauvinismes qui ont l'art de diviser la Grande Patrie arabe ; en contentieux territoriaux multiples avec l'Algérie pour des territoires qui appartenaient autrefois à l'Empire ; le Polisario est donc le "Front Algérisario" : une armée proxy d'une guerre d'annexion étrangère ; et le Makhzen qui par ailleurs les affame mène "héroïquement" sur cette question un grand combat "patriotique" valant qu'ils se mobilisent avec ferveur derrière lui...

    La question du Sahara est en fait devenue, en termes de mobilisation réactionnaire des masses marocaines à l'encontre de leurs intérêts ("secret de l'impuissance"), ce que la question du Kurdistan est à l’État fasciste turc.

    À cela près que, en réalité, la question et la lutte "indépendantiste" du Sahara ne sont pas (en termes de réalité matérielle) et n'ont jamais reposé sur l'idée d'être une "nation" différente du Maroc et, en vérité, du MAGHREB arabo-amazigh dans son ensemble ; mais simplement sur le fait d'être restés séparés de celui-ci par le colonialisme espagnol et, lorsque ce dernier s'est enfin retiré, d'avoir refusé de rejoindre et de se soumettre au Makhzen, au pouvoir réactionnaire d'Hassan II (et aujourd'hui de son successeur Mohamed VI), et préféré sous la forme d'une République arabe démocratique rejoindre le camp (relativement) "progressiste" et "anti-impérialiste" de l'Algérie et de la Libye.

    La lutte se poursuit encore à l'heure actuelle ; bien que dans les médias français et francophones (sauf la presse africaine) on en parle assez peu ; ici par exemple un des derniers développements : le-chef-de-lonu-appelle-a-la-plus-grande-retenue-au-sahara-occidental.

    La situation est en fait, depuis le début des années 1990, relativement figée ; des "plans de résolution" sont discutés mais toujours refusés par l'une ou l'autre des parties ; tandis qu'un... "mur" (en fait une série d'ouvrages défensifs, une sorte de "Ligne Maginot") sépare les 80% du territoire sous contrôle marocain des 20% (le long de la frontière algérienne) sous celui de la RASD et de son Armée Populaire de Libération (APLS).

    Mais il ne s'agit pas, encore une fois, d'une lutte nationale à proprement parler : oui, les Marocains ont "raison", le Sahara est marocain et plus largement maghrébin arabo-amazigh.

    Il s'agit d'une lutte dont la solution est en réalité dans un Grand Maghreb arabo-amazigh fédéral et démocratique, dressé contre l'impérialisme ; ce que le Polisario ex-Armée de Libération Sud du Maroc a voulu au retrait du colonisateur espagnol en 1975-76 rejoindre sous la forme d'une République démocratique, comme "territoire libre" en quelque sorte, et non sous l'autorité d'un Makhzen champion local de la Réaction pro-impérialiste...

    Un Makhzen toujours en place à ce jour et toujours, sous une forme pseudo-"libéralisée" après la mort d'Hassan II et l'avènement de son fils Mohamed VI, État semi-colonial comprador réactionnaire ; régulièrement en proie à l'explosion de la colère des masses [MàJ : comme en 2017 dans le Rif https://www.monde-diplomatique.fr/2017/07/JAMAI/57669, cette autre base d'appui historique de la Révolution démocratique au Maghreb, "châtié" économiquement par le Pouvoir central depuis la révolte et le massacre de la fin des années 1950 et où il faut également signaler que l’impérialisme espagnol occupe encore deux villes-enclaves, Ceuta-Sebta et Melilla-Mliliya, où 50% d'Ibériques règnent en colons sur 50% de Marocains arabes et berbères et dominent économiquement les régions alentour].

    Bibliographie :

    https://www.monde-diplomatique.fr/1978/02/ASSIDON/34617 (sur l'Opération Écouvillon)

    https://www.yabiladi.com/articles/details/50822/operation-ecouvillon-derniere-tentative-coloniale.html

    Très intéressant :

    http://www.sahara-occidental.com/pages/ L'indépendance du Maroc et ses conséquences pour le Sahara Espagnol (suivre les liens "suite")

    http://www.sahara-occidental.com/pages/histoire/ Les racines du nationalisme sahraoui (suivre les liens "suite" là aussi)

    La question du Sahara occidental (République arabe sahraouie démocratique, Front Polisario)

    Lire aussi, intéressant pour bien comprendre la position patriote-révolutionnaire arabe sur la question :


    votre commentaire