• La seule position correcte possible suite aux événements du 13 Novembre (position trotskyste certes, mais franchement peu importe : celle-ci vaut dans tous les cas mieux que tous les non seulement libertaires, mais aussi "marxistes-léninistes" et même "maoïstes" qui se sont joyeusement fourvoyés dans l'engagement "antifasciste internationaliste" contre le "fascisme de Daesh" - et bien sûr "Erdogaaaan" - aux côtés de l'imposture "sioniste 2.0" de "Rojava", quitte à en être revenus depuis et critiquer désormais cette expérience politique, mais sans l'ombre d'une autocritique pour leurs années de soutien échevelé – précisons que ces lignes sont une mise à jour rectificative de 2017, en 2015 et 2016 nous étions nous aussi largement tombés dans le panneau) :

    via Adrien Nicolas 

    "... avec l'État, jamais."still not loving imperialism

    https://socialistworker.co.uk/art/41713/Our+job+is+to+defeat+imperialism,+not+Isis

    Notre rôle est de vaincre l'impérialisme, pas l'EIIL.

    La chose la plus stupide dite à propos des attentats de Paris est venue du président français François Hollande, quand il les a dénoncés comme un "acte de guerre". Bien sûr que ce sont des actes de guerre, mais cette guerre n'a pas commencé vendredi dernier.Cette guerre a commencé au moins avec la Guerre du Golfe de 1990-91, la première du présent cycle d'interventions impérialistes au Moyen-Orient.

    Cela ne fait pas des fusillades et des bombes à Paris un acte légitime de lutte anti-impérialiste. Tuer de façon aveugle les civils est condamnable, que cela soit le fait de l'EIIL et de ses sympathisants, ou des USA et de leurs alliés.

    Mais ce serait une erreur de croire qu'il s'agit d'un conflit symétrique entre deux maux équivalents, comme le croient beaucoup à gauche.

    L'EIIL est un mouvement réactionnaire et contre-révolutionnaire. Mais c'est le produit de la destruction de l'Irak suite à l'invasion et à l'occupation à partir de 2003, et de la défaite des Printemps Arabes.

    La responsabilité en incombe aux pouvoirs impérialistes occidentaux et à leurs régimes clients.

    [...]

    Après leurs défaites en Irak et en Afghanistan, ni les USA ni la Russie ne veulent déployer des troupes aux sols à grande échelle. Alors, il se contentent de balancer des bombes et des missiles sur la Syrie. L'inefficacité de ces bombardements est apparue de façon éclatante le jour des attentats à Paris. David Cameron a en effet tenu une conférence de presse exceptionnelle devant le 10 Downing Street, pour se vanter du rôle de l'armée britannique dans l'assassinat par drone de Mohammed Emwazi ("Jihadi John"). Quelques heures plus tard, nous avons eu la preuve concrète que de tels "actes d'auto-défense" ne protègent en rien les civils occidentaux.

    L'EIIL a mis sur pied une formidable machine de guerre basée sur un mélange de pillage et de zèle idéologique. Il canalise d'une façon déformée la colère et la haine provoquées par les interventions militaires occidentales.

    Lydia Wilson du magazine The Nation a interviewé des combattants capturés de l'EIIL à Kirkuk, en Irak. Elle les décrit comme des "enfants de l'occupation" : "Ils ne sont pas motivés par l'idée d'un Califat sans frontières ; en fait, l'EIIL est le premier groupe depuis la destruction d'Al Qaeda à offrir à ces jeunes hommes humiliés et enragés un moyen de défendre leur dignité, leurs familles, leurs tribus."

    Seule une résurgence des Révolutions arabes peut générer la force sociale capable de prendre le pas sur l'EIIL ; avant tout en offrant de meilleures perspectives pour résister à la domination impérialiste et renverser les classes dirigeantes locales.

    Cameron en a fait la démonstration quand il accueilli en grande pompe le général Abdel Fattah el-Sisi, boucher de la Révolution égyptienne.

    Jurer de répondre aux attentats de Paris par une "guerre sans pitié" comme Hollande l'a fait, signifie seulement que le cycle vicieux des interventions et des atrocités va continuer, avec une escalade dans le nombre de mort et les souffrances au Moyen Orient comme dans les centres impérialistes.

    Ici, en Occident, nous ne pouvons "vaincre l'EIIL". Mais nous pouvons contribuer à briser ce cycle infernal en construisant des mouvements de masses qui mettront fin aux agissements impérialistes de nos dirigeants.


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  • Un bon article sur le site de Saïd Bouamama : Les manipulations médiatiques sur les poilus lors de la commémoration de l’armistice

    Sur le site "Bastamag" : Pourquoi la France est-elle le pays qui a le plus fusillé « pour l’exemple » pendant la Grande guerre ? (titre un peu trompeur, on n'a pas vraiment de réponse à la question, mais on apprend pas mal de choses intéressantes).

    Quartiers Libres : Le 11 novembre, c’est une journée du souvenir des morts pour « la patrie »


    Sur la terrible histoire de ces Occitans provençaux accusés de "lâcheté dans les gènes" (en substance hein, on ne parlait bien sûr pas de gènes à l'époque) lors des premiers mois de la guerre et souvent exécutés "pour l'exemple" : AOÛT 14 - Joffre accuse les Provençaux de lâcheté (sujet déjà abordé ici sur SLP : À la reconquête de notre mémoire, pour la Libération révolutionnaire de demain - exposition "La Faute au Midi" à Aix-en-Provence ).


    Relire aussi :

    Il y a 100 ans commençait la Grande Boucherie impérialiste de 1914-18

    Comité de Construction pour le Parti communiste révolutionnaire des Terres d'Òc : Déclaration du 11 Novembre

    Larmes de crocodiles et bal des faux-culs "pacifiste" dans les Vosges pour les commémorations du centenaire de 14-18



    Comité de Construction pour le Parti communiste révolutionnaire des Terres d'Òc : Déclaration du 11 Novembre
    (et suivre les 5 autres parties de ce chef-d’œuvre, interdit dans l’État français jusqu'en 1975)

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  • http://lesmaterialistes.com/sujet-polemique-etat-islamique-oublie-feodalisme

    Ils ont raison de dire qu'il y en a marre de cette analyse "vieille ML" de l'"islamisme" comme "complot"...

    Mais tout s'effondre patatatra sur la "question de la féodalité" : la féodalité dans les pays dominés N'EXISTE PAS, la semi-féodalité dans les pays dominés NE SIGNIFIE PAS l'existence d'un mode de production féodal au sens strict.

    Elle signifie l'existence de relations sociales avec des traits féodaux, SUBORDONNÉES au capitalisme bureaucratique-comprador lui même subordonné aux monopoles impérialistes : pays-semi-coloniaux-semi-feodaux-et-capitalisme-quelques-clarification-a118044696

    C'est rigolo parce qu'ils critiquent Sison et l'ILPS alors qu'historiquement, ce sont ces derniers qui portent internationalement le premier point de vue erroné (d'où leur conception d'une étape "nationale démocratique" et leur défense des régimes qui à leurs yeux vont en ce sens).

    L'analyse de SLP permet à notre "humble" avis de bien mieux saisir les choses : les "islamistes" sont l'expression d'un CAPITALISME D'EN BAS, de l'économie de marché qui se développe spontanément depuis les "entrailles" de la vie sociale quotidienne (où les gens produisent et vendent, bref font du bizness, et certains deviennent riches et d'autres pas...), a fortiori dans des pays où l'esprit marchand est pour ainsi dire millénaire ; et qui entre en contradiction avec le capitalisme "d'en haut" directement impulsé, piloté et au service de l'impérialisme.

    Contrairement au capitalisme bureaucratique-comprador "d'en haut", ce capitalisme "spontané" "d'en bas" ne permet pas au surproduit (plus-value "sur-accaparée") de "remonter" correctement jusqu'aux monopoles impérialistes - qui le combattent donc en conséquence, dans leur perspective de domination totale des économies du "Sud".

    C'est L'IDÉOLOGIE de (certains de) ces groupes qui présente des caractères on va dire "médiévaux", comme pouvait d'ailleurs le faire l'idéologie de l'entreprise impérialiste anti-occidentale du Japon shōwa durant la Seconde Guerre mondiale ; si bien que les qualifier des "féodaux" sans voir leur grande modernité, c'est prendre l'apparence pour l'essence.

    Quant à la différence entre "soutenir", comme le font les maoïstes indiens, des groupes qui défendent sous une bannière "islamiste" la minorité musulmane face à l’État fasciste hindutva, ou encore la lutte (en Palestine, au Liban ou en Afghanistan) du Hamas ou du JIP, des talibans ou du Hezbollah (qui fait maintenant de la merde en Syrie, mais bon) ; et des trips comme Al Qaïda ou l'EI... c'est en réalité très simple : les premiers sont dans une démarche NATIONALE (ou d'autodéfense de minorité persécutée en Inde, où les musulmans sont de surcroît considérés comme des salauds de dalit qui ont voulu échapper au système des castes) ; les seconds sont dans une démarche IMPÉRIALE.

    Car là est un dernier paramètre, mais d'un CERTAIN "islamisme" seulement : il y a des États (en particulier pétroliers) où tellement de pognon s'est accumulé et suraccumulé au fil du temps, que maintenant ils cherchent à se créer un "petit empire" pour pouvoir investir et valoriser ce pognon. C'est le cas du Qatar qui soutient les forces liées aux Frères musulmans (en fait, il est devenu pour les FM l'équivalent du Cuba des années 1960 pour les luttes révolutionnaires anti-impérialistes) et a entretenu une relation ambigüe avec AQ via Al Jazeera. C'est le cas de groupements de capitaux privés de la péninsule arabique qui financent aujourd'hui le djihadisme (les États hors Qatar jouant plutôt un profil de bons élèves de l'impérialisme, soutenant par exemple le coup d’État fasciste anti-FM en Égypte). C'est le cas de la Turquie, dans une démarche "néo-ottomane" avec Erdogan (pouvant se servir de l'EI contre les Kurdes), c'était aussi un peu le jeu du Pakistan en Afghanistan. Et c'est aussi le cas de l'Iran en s'appuyant sur le chiisme, ce qui explique qu'il fallait soutenir le Hezbollah au Liban face à Israël (résistance nationale) mais pas en Syrie où il joue un rôle d'agent du "petit impérialisme régional" (expansionnisme) iranien.

    Si l'EI était simplement un groupe affrontant l'impérialisme (fut-ce l'impérialisme russe !) et ses laquais en Irak et en Syrie, cela pourrait peut-être tactiquement aller. Mais 1°/ déjà à l'époque de la résistance en Irak, n'avoir servi qu'à péter le front pan-irakien sunnite-chiite qui avait commencé à se constituer en 2004, 2°/ servir un projet impérial de "Califat" pour que les pétro-dollars suraccumulés du Golfe puisse s'y investir et valoriser, 3°/ seconder le néo-ottomanisme turc pour en finir avec les Kurdes (avec la ligne révolutionnaire chez les Kurdes du moins) ; ça fait franchement beaucoup. Mais ça s'explique assez simplement par le fait de ne pas être une résistance nationale sous drapeau religieux (parce que la population du pays serait ultra-majoritairement religieuse), mais les soldats d'un projet IMPÉRIAL financé par des groupements de capitaux très éloignés du pays-champ de bataille (qui est en fait une proie et dont ils n'ont rien à foutre de l'intérêt).

    Voilà la raison pour laquelle la résistance palestinienne doit être soutenue sans si et sans mais et (surtout) sans "tri", ce qui importe n'étant "pas ce qu'ils pensent, mais ce qu'ils font" ; tandis qu'il n'est pas possible de soutenir un groupe comme Daesh, mais au contraire un devoir de soutenir les Kurdes de Rojava et les groupes arabes alliés qui le combattent (sans faire non plus partie du problème comme Assad et son maître Poutine, l'impérialisme occidental et ses agents arabes, le régime fantoche et corrompu de Bagdad, le régime kurde "autonome" d'Irak etc. etc.).

    À lire aussi sur le sujet, très intéressant pour s'y "retrouver" et arrêter de tout confondre (tragédie de l'extrême-gauche occidentale en la matière...), un excellent dossier publié en 2017 sur Investig'Action : http://ekladata.com/Islamisme-Lalieu-Hassan.pdf

    Et aussi (avec d'autres liens encore dans les articles mêmes) :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/conception-du-monde-rebondissement-discussion-fb-sur-un-texte-du-pc-ma-a182055290

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/encore-une-fois-sur-la-question-de-l-islamisme-a145777528

    (n)PCI - La révolution démocratique anti-impérialiste dans les pays arabes et musulmans

    [Et puis, trotskyste et donc avec les défauts que l'on pourra lui trouver de par cette idéologie ; mais enfin néanmoins, du bon trotskysme (comme il y a le bon et le mauvais cholestérol !) ; le fameux texte de Chris Harman (du SWP britannique) qui devrait vraiment, à notre sens, avoir toute sa place dans la conception communiste du monde de notre époque (et qui n'est, sans doute, pas pour rien honni de tous ceux - des "libertaires" aux ML voire "maoïstes" dogmatos en passant par les trotskystes de type LO - qui peinent à cacher sous un maquillage anticapitaliste leur profonde islamophobie "barbus de Saint Foooons"...) : « Chris Harman - Le prophète et le prolétariat (1994).pdf »

    Dans une veine finalement assez proche, il y a d'ailleurs le maoïste indien Ajith : resistance-islamique-la-contradiction-principale-et-la-guerre-contre-l-a136656668]

    [Au sujet des théories complotistes sur le djihadisme :

    "Je dirais que ce que font certaines (en tout cas) forces djihadistes comme Daesh n'est pas joli joli, et certainement pas un projet de société que l'on peut défendre ; maintenant, je pense qu'il y a surtout une forme... d'amertume, en fait, à voir de telles forces capables de ce dont la gauche est incapable depuis des années, dans les pays du Sud et a fortiori en Occident : prendre possession d'un vaste territoire à la face du monde entier qui leur est hostile, et y bâtir un État "en rupture" radicale avec l'ordre existant, même si cette rupture est ultra réactionnaire.

    De cela la gauche n'est depuis longtemps plus capable, ah si pardon : en Rojava... avec l'appui aérien des bombardiers de l'OTAN.

    Du coup, "verts" de voir des ultra réacs en être capables, on préfère s'inventer que tout est voulu et manigancé, qu'ils ont "en réalité" le soutien de la CIA et du Mossad..."]


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  • Près de 10.000 personnes (3.500 selon la police... chiffres que pour le coup la "gauche" francouillasse reprend allègrement) ont marché ce samedi entre Barbès et Bastille à l'appel d'une longue liste de collectifs et d'organisations :


    http://www.politis.fr/Suivez-la-marche-de-la-dignite,32868

    Cliquer sur les photos pour voir les portfolios ou les vidéos :

    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980

    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980

    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980

    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980

    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980

    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980


    Cette Marche, dont le succès n'est donc pas en discussion d'un point de vue quantitatif, se voulait dans la continuité-rupture de celle ("pour l’Égalité") de 1983 dont le "cycle historique" est à présent complètement refermé - et donc, le point de départ d'un nouveau cycle.

    Avec une beaucoup plus nette dimension de lutte des classes ; autrement dit la compréhension que le racisme structurel qui "charpente" la société hexagonale est une superstructure (léguée par les siècles d'histoire) enrobant la surexploitation* dont le capitalisme a besoin, à côté de l'exploitation "normale", pour exister ?

    C'est ce que l'avenir nous dira - en attendant, la mobilisation telle qu'elle a été a suffi pour faire éructer hystérique (et dans un style 100% fasciste moderne) le très républicard délégué interministériel à la "lutte contre le racisme et l'antisémitisme", ainsi que bien évidemment les habituelles poubelles de l'histoire fourestiennes [et avec quelques jours de retard, car cela ne pouvait pas louper, nos chers et incontournables pseudo-"maoïstes" morano-zemmouro-onfraysiens (qui s'imaginent encore, visiblement, que quelqu'un peut prendre leur "orthodoxie communiste" et leurs délires de "complot qatari" au sérieux après ce qu'ils nous ont pondu début septembre)].

    Dans cette perspective, il sera toujours intéressant de lire ou relire cet article de la revue Contretemps montrant comment entre 1982 et 1984, la fameuse et très médiatisée Marche de l’Égalité avait occulté un autre phénomène - peut-être - bien plus profond : les très dures luttes menées dans les usines automobiles par les ouvriers (OS) amenés de l'Empire (néo-)colonial pour (justement) y être surexploités ; autrement dit les pères des "beurs" qui se faisaient flinguer par la police dans les cités HLM et qui avaient (donc) marché jusqu'à Paris pour réclamer la fin des discriminations.

    Histoire de se rappeler - peut-être - que derrière l'islamophobie, le racisme et les crimes policiers, les "quartiers" ce sont d'abord des prolétaires qui fournissent au capitalisme hexagonal la "dose" de surexploitation dont il a besoin pour fonctionner. Et en 1983, au sujet de ces luttes, les prédécesseurs P's' du triste sieur Clavreul évoquaient ni plus ni moins que... "la main de Téhéran" ou de Tripoli (comme aujourd'hui les pseudo-"maoïstes" du 'p''c''mlm' nous servent celle "du Qatar"... les mecs qui ont tout compris avec juste 30 ans de retard quoi). CQFD.


    Des grèves de la dignité aux luttes contre les licenciements :les travailleurs immigrés de Citroën et Talbot, 1982-1984

    Le début des années 1980 est une période de mutations profondes, à l'échelle internationale comme en France. Les élections respectives de Ronald Reagan et Margaret Thatcher annoncent le vaste tournant politique qui est alors en train de s'opérer, qui va faire de la décennie le grand cauchemar que décrit François Cusset1 à propos du cas français. Ce grand cauchemar se caractérise entre autres par la mise à l'index des utopies soixante-huitardes, le reclassement d'une partie des élites issues de l'extrême-gauche, et plus largement par le déploiement d'un consensus entre les principales forces politiques autour de la nécessité d'un programme économique néo-libéral.

    Si ce regard a posteriori est pleinement justifié, il ne saurait masquer un certain nombre de questions que des luttes sociales mettent au grand jour au début de la décennie. Parmi celles-ci, l'immigration, et plus particulièrement le devenir des populations immigrées ou héritières de l'immigration, est l'enjeu de nombreux conflits et mobilisations. Or, si la marche pour l'égalité et contre le racisme en décembre 1983 est demeurée dans les mémoires, faisant du beur de deuxième génération une figure médiatique, les grèves menées par les ouvriers immigrés de l’automobile de la région parisienne posent la question du devenir d'un salariat particulièrement dominé et exploité, dans une industrie en constante restructuration.

    Lire la suite >>>

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    Succès de la Marche de la Dignité + un article sur les luttes ouvrières colonisées-intérieures du début des années 1980


    Ne pas oublier le meeting organisé par le Bloc Rouge à Aubervilliers, le 21 novembre à partir de 15h00.



    * L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    [Attention cependant : la surexploitation, vouée à dégager un profit maximal sur investissement (surprofit), intègre aussi des considérations de productivité du travail, de développement technologique (augmentant la productivité) ainsi que d'établissement de situations de monopole (réduction radicale voire élimination pure et simple de la concurrence : quoi de mieux pour les affaires ?). Ceci peut entraîner des situations paradoxales : ainsi par exemple, on imagine difficilement plus surexploités que les esclaves africains des colonies européennes en Amérique ; puisqu'il suffisait souvent de les maintenir en vie quelques années pour tripler ou quadrupler l'investissement représenté par leur achat ("gagner leur tête" disait-on à l'époque). Sauf que voilà : 1°/ comme déjà dans l'Antiquité, la productivité de personnes privées de toute liberté et non-rémunérées pour leur travail s'avérait finalement médiocre comparée à celle d'un travailleur libre, 2°/ pour ces mêmes raisons de productivité, ainsi que pour de simples raisons de sécurité, il était difficile voire impossible de concentrer des centaines et des centaines voire des milliers d'esclaves sur une même plantation (ce qui gênait donc la concentration du travail, et allait contre la constitution de monopoles), 3°/ cette méthode productive était difficile pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre en dehors du secteur agricole (certes indispensable à l'économie mais dont la valeur ajoutée, même en agriculture extensive, reste somme toute modeste), dans l'industrie en plein essor notamment, 4°/ elle était incompatible avec le progrès technologique (mécanisation de l'agriculture), voué de toute façon à la faire disparaître, 5°/ les esclaves, qui représentaient le tiers de la population dans le Sud des États-Unis et 80% ou plus dans les Caraïbes, ne pouvaient pas (cf. ce que nous avons dit plus haut) représenter un marché (débouché commercial pour la production) de manière significative. Ce sont toutes ces raisons (et l'on pourrait encore sans doute en citer d'autres), et non des considérations d'"humanité", qui ont amené au 19e siècle les bourgeoisies européennes et américaines à pencher majoritairement en faveur de l'abolition de l'esclavage, bien que celui-ci représentât (à première vue) la forme d'exploitation la plus totale (et donc le profit maximal tiré de la force de travail) que l'on puisse imaginer. Si l'on adopte une vision "arithmétique" de la définition marxiste "classique" de la surexploitation, les paradoxes ne manquent de toute façon pas : les travailleurs les plus exploités pourraient ainsi bien être, par exemple... les footballeurs, si l'on mettait en perspective leurs (multimillionnaires) revenus annuels avec ce qu'ils rapportent à leurs clubs. C'est pourquoi une vision plus "humaine", basée sur la notion de reproduction des conditions d'existence, nous a semblé plus appropriée.]

     


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  • Un très bon article à lire :


    Une révolte qui échoue, c’est 20 ans de répression (Quartiers Libres)


    Il y a dix ans, le 28 octobre 2005, en plein mois de Ramadan, les « banlieues françaises » s’enflammaient après la mort violente de gamins poursuivis par des flics. Muhittin Altun, Bouna Traore et Zyed Benna couraient pour échapper à des policiers qui n’avaient aucun motif sérieux pour les poursuivre. De ces trois mômes s’étant finalement réfugiés dans un transformateur EDF, Muhittin Altun fut le seul survivant.

    Zyed_Bouna_10_ans

    Des gamins d’un quartier populaire, la police nationale, des vacances scolaires et le Ramadan : tout était réuni pour que les choses virent au tragique.

    Un simple regard sur les statistiques des crimes racistes et sécuritaires suffirait à montrer que, depuis plusieurs décennies, ceux-ci sont ancrés dans les mœurs françaises. Le drame du 28 octobre 2005 n’est pas isolé : il y en a eu trop avant et après pour que l’on puisse le traiter isolement. Cependant, la singularité de cette séquence, c’est qu’à la suite du décès des mômes, la révolte a explosé dans les quartiers, à travers la France entière, malgré les appels au calme.

    Depuis 1983, le phénomène en lui-même est un éternel recommencement : des jeunes se font tuer sans raison – parce que personne ne mérite de mourir à cet âge et de cette manière, quelles que soient les circonstances – et le quartier se soulève en signe de solidarité et de protestation. La nouveauté, c’est que la dureté de la vie, dans toute son homogénéité pour les classes populaires vivant en « zones sensibles », « ZUP », « cités », « banlieues », « quartiers populaires », va transformer cette révolte locale en embrasement général.

    C’est un révélateur de l’évolution du climat social en France.

    Les conditions se sont dégradées à tel point que la mort de gamins d’un quartier éloigné et le traitement de ces évènements par les médias et les institutions incitent mécaniquement à la révolte dans toute la France.

    Avec l’aide des médias, de par la qualité de leur mise en scène, les habitants des quartiers populaires vont alors effrayer les classes dirigeantes ainsi que leurs « voisins » des zones pavillonnaires pendant tout le mois de novembre 2005, faisant trembler l’Occident tout entier, de Berlin a New York en passant par Londres.

    Lire la suite →



    "20 ans de répression" (enfin, là on en est à 10 ans mais ce n'est évidemment pas fini), c'est effectivement la première chose qui doit venir à l'esprit et y rester présente avant toute prétention à analyser la portée de ces évènements : le "système" a eu peur, et c'est cette peur qui domine et détermine encore très largement le contexte politique dans lequel nous vivons et luttons aujourd'hui.

    En réalité même des phénomènes politiques comme le dieudo-soralisme, les divers et variés "islamismes" et autres courants idéologiques réactionnaires (suprématisme noir "kémite" etc. etc.), sans même parler de l'individualisme "gangsta" en mode capitalisme extra-légal, peuvent être analysés dans cette perspective de "contre-subversion" ; et ce ne sont pas là nos "délires complotistes et (forcément) antisémites", mais carrément des personnes s'affirmant "Juifs et Juives révolutionnaires" qui le laissent entendre ouvertement : de même que la drogue (l'héroïne notamment) et l'esprit de gang fratricide ont été "injectés" massivement dans les ghettos US à l'époque des Black Panthers et des Brown Berets, on ne peut pas exclure que ces thèses politiques réactionnaires et (surtout) stériles aient été "injectées" dans les "quartiers" d'Hexagone après la "Grande Peur" de 2005 (enfin, elles étaient déjà présentes un peu voire bien avant, mais la "menace des banlieues" l'était déjà aussi), afin de mener les consciences politiques émergentes dans une voie de garage. Après tout (comme le rappellent "Juifs et Juives révolutionnaires"), la méthode a déjà pu être utilisée en Algérie coloniale : les Juifs y avaient obtenu la citoyenneté française, les séparant ainsi d'une population indigène dont ils faisaient pourtant partie depuis près de 2.000 ans ; mais en contrepartie, des groupes de colons bien francaouis agitaient et propageaient aussi la haine anti-juive dans les masses musulmanes arabo-berbères afin de détourner vers les Juifs (utilisant ces derniers comme "paratonnerre" en quelque sorte) la colère anticoloniale qui devait normalement les viser eux...

    Il n'est même pas nécessaire, à vrai dire, d'imaginer un "complot", un "plan" élaboré dans les bureaux d'un quelconque "service spécial" : il s'agit simplement là, dans une période d'explosion de la contestation et de l'antagonisme, des "défenses immunitaires" du "système" qui s'activent "naturellement" en l'absence de véritable organisation révolutionnaire permettant de les surmonter. Ceci rejoint finalement ce que nous avons toujours dit et répété sur Dieudonné et Soral : plus qu'une idéologie et un programme susceptibles de prendre réellement le pouvoir (et donc d'exercer une véritable menace...), un poison "stérilisateur" pour les consciences politiques émergentes et "discréditeur" pour les luttes où ils ramènent systématiquement leur fraise.

    Par rapport à tout cela, on va peut-être encore nous reprocher de "tout le temps parler d'eux" mais enfin, c'est tout de même dans la critique des positions des autres que l'on expose le mieux les siennes : la position du 'p''c''mlm' pour ce dixième anniversaire est absolument évocatrice ; évocatrice à vrai dire de toute leur évolution politique au cours de ces 10 dernières années. En effet, après avoir évalué les évènements à leur juste valeur, ce que trop peu à l'"extrême-gauche" avaient effectivement fait à l'époque, ils ont placé en ceux-ci des espérances totalement idéalistes et, ces espoirs déçus, ont alors basculé dans une amertume qui les a amenés vers des positions de plus en plus réactionnaires (cf. leurs propos actuels sur les "quartiers", l'immigration etc. etc.). Une vision, en réalité, totalement linéaire et "perfectionniste" du mouvement réel et des processus historiques en développement, ignorant complètement tous les obstacles à commencer par celui qu'évoque Quartiers Libres - celui de la "contre-révolution immense" (comme disait Marx) qui va systématiquement se dresser devant les poussées révolutionnaires et les mises en danger de l'ordre dominant de cette ampleur ; ainsi que toutes les contradictions internes propres à un tel mouvement, toute la sinuosité du chemin de la libération pour des millions d'hommes et de femmes.

    Une recherche, aussi, de "l'unité des masses" à tout prix ("cet effet de division au sein des masses populaires françaises", "fracture des masses populaires entre les secteurs populaires des banlieues (...) et les masses de la 'France profonde'", "échec de l'union des masses") ; débouchant à l'arrivée sur un étrange concept de... "démocratie populaire" en pleine métropole impérialiste (ou encore une célébration de "l'esprit Charlie" comme "plus grand mouvement de masse depuis 1945") ; alors que c'est peut-être malheureux à dire, mais Lénine nous a enseigné que la révolution comme "accouchement de l'histoire dans la violence" n'a que peu de chances de consister en une "armée" des classes populaires faisant face à une autre, celle de la bourgeoisie et - disons - des gens gagnant plus de 3 000 € par mois : les unes représentant au moins les 3/4 de la population, et les autres au maximum un quart, les choses seraient un peu trop faciles ! Non, c'est malheureux à dire mais même si la tâche des communistes est bien sûr de rassembler le maximum de forces sociales sous leur drapeau et de briser le plus possible les aliénations à la classe dominante (briser le "bloc historique" adverse...), dans un processus historique révolutionnaire il va aussi y avoir des masses populaires non seulement "indifférentes" ou "peu enthousiastes" mais carrément HOSTILES au dit processus : des masses aliénées qui combattront la révolution et que les masses révolutionnaires devront combattre.

    Du clan Le Pen à Alain Soral en passant par Zemmour, Onfray, Finkielkraut, Chouard, Michéa et autres "briseurs de pensée unique" (que ce soit en mode "néocon" islamophobe ou "rouge-brun" à plus ou moins forte tendance antisémite), les idées les plus réactionnaires sont exaltées comme "ce que pense vraiment le vrai peuple" des "petits" et des "sans-grade" ; mais comme l'écrivait très justement le philosophe marxiste Adorno, "glorifier les malheureux pauvres diables (aliénés) revient bien souvent à glorifier le merveilleux système (capitaliste) qui fait d'eux ce qu'ils sont"...

    La révolution est le paroxysme de la politique, la politique est clivage ou n'est pas et la révolution sera donc aussi un affrontement entre deux parties des masses populaires, deux "BLOCS HISTORIQUES" selon la conception de Gramsci. Aussi déplaisante soit-elle, il faut se faire à l'idée !

    Ce que nous essayons simplement de faire, c'est peut-être de remettre (un peu) en cause un certain nombre d'idées fausses très ancrées dans la "gauche radicale", partagées par le 'p''c''mlm' et partagées y compris par les auteurs de travaux scientifiques sur lesquels nous nous appuyons, comme le "géo-sociologue" (d'idéologie plutôt "chevènemento-séguiniste"...) Christophe Guilluy : il est ainsi (par exemple) FAUX d'affirmer que "les masses populaires de province/'France profonde'", des périphéries, se sentant "seules et abandonnées de tous", auraient "choisi de soutenir le Front National" (et seraient donc, en toute logique, des ennemies jurées et irréconciliables des révoltes de banlieue que nous défendons ici). Une simple mise en parallèle de la carte des "périphéries" (dressée grâce aux travaux de Guilluy lui-même) avec celle du vote Front National montre en effet que celui-ci est d'abord et avant tout un vote d'"entre centres et périphéries", "géographiquement petit-bourgeois" si l'on peut dire, ce que viennent encore confirmer les études "sociologiques pures" confrontant le vote FN chez les "ouvriers non-précaires" à emploi stable (l'aristocratie ouvrière), où il est effectivement très au-dessus de la moyenne générale, et chez les prolétaires précaires où il est nettement plus faible et où le vote à gauche (valant ce qu'il vaut, on vous voit venir...) reste majoritaire. Les "périphéries profondes" non seulement des grandes métropoles (les fameux "quartiers" dont nous commémorons aujourd'hui le soulèvement) mais aussi "provinciales"/rurales ne votent pas particulièrement FN et font parfois même preuve d'un très fort antagonisme populaire comme on a pu le voir récemment à Flers (Orne, 15.000 habitant-e-s) après l'arrestation brutale de deux jeunes pour faits de cannabis, à Pont-de-Buis (Finistère, Breizh-Izel) contre l'armement militaire des forces de répression et en mémoire de Rémi Fraisse ou encore sur les diverses "ZAD" de Notre-Dame-des-Landes ou encore de Sivens (et tss-tsss pas de "ce sont des étudiants bobos gauchistes venus des grandes villes universitaires" : la jeunesse populaire locale est très impliquée dans ces luttes) ; ceci sans même parler du très fort et très antagonique militantisme autour des questions de libération nationale comme en Corse ou au Pays Basque (la conscience de Peuple nié imprégnant aussi fortement les luttes en Bretagne ou en Occitanie) : ces "territoires sociaux" (puisqu'il faut parler clairement, et puisque vous connaissez déjà nos thèses sur le sujet...) font partie selon nous, aux côtés des "zones urbaines sensibles"/"territoires perdus de la République", du "bloc historique" qui doit affronter le Capital et son État et livrer la guerre révolutionnaire en Hexagone. [Sur ce nécessaire "bloc historique" à constituer, lire ici Saïd Bouamama  et  ici "Pour un internationalisme domestique" d'Houria Bouteldja.]

    L'on passera sur la "convocation" au débat du... référendum européen de juin 2005, "séquence politique" qui n'a que très peu intéressé et mobilisé les quartiers populaires concernés par les émeutes 6 mois plus tard, et dont nous ne voyons pour tout dire pas le rapport avec le sujet. Le rejet du Traité constitutionnel européen (contrairement par exemple au Traité de Maastricht en 1992) a principalement résulté du "basculement" momentané d'une partie du PS (incarnée notamment par Laurent Fabius) en sa  défaveur* ; partie du PS mue par des considérations d'opposition électoraliste à l'UMP (alors au pouvoir) et très vite revenue par la suite à ses fondamentaux sociaux-libéraux et européistes ; autrement dit il n'a pas fondamentalement fait bouger les lignes et les rapports de force (les... "blocs historiques") sur la (très "blanche") question pro- ou anti-UE, et encore moins (bien sûr) dans le sens d'une "déferlante nationaliste et social-chauvine tous azimuts" "aidant le fascisme tant en pratique que sur le plan des idées". La très forte poussée réactionnaire et fasciste observée ces 10 dernières années, d'abord avec l'élection triomphale de "SarkoBuisson" en 2007 (que le 'p''c''mlm' n'a pourtant pas comptée aux rangs de cette montée du fascisme...) puis avec l'explosion du vote FN sous l'égide de Marine Le Pen, n'a en réalité rien à voir avec cet évènement et plutôt tout à voir, au contraire et justement, avec la "Grande Peur" provoquée dans la petite bourgeoisie et l'aristocratie ouvrière "pavillonnaire" par les émeutes de novembre 2005 et les nombreuses autres flambées des "quartiers" qui ont suivi depuis !

    Tout ceci sans même parler des inévitables et incontournables contradictions, voire véritables frictions au sein même du "bloc historique" de la révolution : l'on pensera par exemple à la difficulté de mettre en avant certaines questions "sociétales" au sein du prolétariat dans son ensemble (et pas seulement des "colonies intérieures" prolétaires d'origine extra-européenne !), qui reste encore pétri de valeurs patriarcales ; à la "concurrence" des communautés et des mémoires entretenue par le "système" et qui ne disparaîtra pas du jour au lendemain ; aux différences de "centralité du Mal" qui peuvent exister entre les différentes cultures nationales représentées dans l’État français, etc. etc. Des contradictions qui doivent bien sûr être affrontées et "traitées" ; qui produisent et entretiennent des phénomènes comme le dieudo-soralisme (jouant alors, comme on l'a dit, un rôle de "poison" dans les consciences et les luttes) et qui permettent aussi aux "chiens de garde" de l'ordre établi (y compris prétendument d'"extrême-gauche"), en "zoomant" dessus, de discréditer et de frapper d'infâmie l'affirmation de tel ou tel secteur populaire dans son principe même ; mais qui ne doivent pas pour autant nous détourner de voir la tendance générale, tendance à la lutte révolutionnaire, dans son ensemble. Les "convergences" et autres "articulations" des luttes doivent bien sûr faire l'objet de toute l'attention des révolutionnaires... mais elles interviennent aussi régulièrement de manière totalement spontanée et "naturelle", comme lors de l'élection de Sarkozy en mai 2007 qui vit "émeuter" côte-à-côte, dans de nombreuses grandes villes, une jeunesse blanche d'extraction petite-bourgeoise mais vouée à la précarité par la crise générale capitaliste et la fameuse jeunesse "colorée" des banlieues-ghettos ; où encore lors du contre-sommet de l'OTAN à Strasbourg en avril 2009, lorsque des militants radicaux de cette même jeunesse petite-bourgeoise blanche prolétarisée assaillirent un commissariat et restituèrent aux jeunes de la "ZUP" locale les scooters confisqués en répression de l'usage de stupéfiants (comme c'était l'usage sous Sarkozy à cette époque), jeunes du quartier qui se joindront souvent aux affrontements et aideront beaucoup de militants anticapitalistes à échapper à la répression, etc. etc. Il en est ainsi car c'est la tendance historique générale !

    Le grand soulèvement insurrectionnel des quartiers prolétaires urbains à dominante "colonies intérieures" de novembre 2005 n'a donc pas été, de manière idéaliste et incantatoire, le "début de la Guerre populaire" en "France" ; mais UN évènement spectaculaire (par son ampleur "nationale" hexagonale) marquant UN "saut", dans le processus historique de libération révolutionnaire, pour UN secteur social du "bloc historique" populaire de la révolution. Un saut devant en préparer et en amener d'autres, dans un processus PROLONGÉ et semé d'obstacles, de détours plus ou moins malheureux, d'avancées et de reculs. C'est cela, voir les choses de manière dialectique.

    Sur ces évènements et leur 10e anniversaire, on lira avec plaisir ces quelques positions communistes révolutionnaires :


    De la révolte des banlieues à la révolution prolétarienne ! (Bloc Rouge - meeting international prévu le 21 novembre)


    10 ans après les émeutes de 2005 : Combattre le racisme ! Abattre le capitalisme ! (OCML-VP)


    2005-2015, on n'oublie pas, on ne pardonne pas !
    (Femmes en Lutte 93)



    Et puis bien sûr (nous avons gardé le plus important pour la fin...) il y a aura ce samedi 31 octobre à Paris une Marche de la Dignité organisée en mémoire de Zyed et Bouna et de la glorieuse révolte populaire qui a suivi leur mort criminelle et tragique ; marche qui sera encore une nouvelle occasion d'affirmation militante pour le prolétariat ghettoïsé des "quartiers" et en particulier pour les colonies intérieures qui y vivent majoritairement : départ de Barbès à 14h00 en direction de la Bastille.

    BIEN ENTENDU, comme nous avons déjà pu le dire dans divers débats à ce sujet, IL SUFFIRA d'1% d'éléments à l'attitude et au discours douteux (et IL Y EN AURA sans le moindre doute) pour que, "zoomant" dessus, tous les ennemis du principe même d'affirmation des "quartiers" et des colonies intérieures fassent de cette mobilisation un repaire d'"antisémites", de "complotistes" et autres "confusionnistes", de "fanatiques religieux" etc. etc. (à vrai dire la seule présence - probable - de drapeaux palestiniens devrait déjà être incompréhensible et insupportable pour certains...).

    Le fait qu'il puisse y avoir, dans une mobilisation syndicale contre un plan de licenciement ou une quelconque "réforme" gouvernementale de type Loi Macron, quelques % (ou peut-être - voire certainement - plus) de personnes pensant que "quequ'part Marine Le Pen elle dit pas qu'des conneries" ne faisant pas pour autant focaliser nos "chasseurs de confusion" sur ces personnes et dire que ce mouvement social était un "repaire de fachos"... Vous aurez - sans aucun doute - compris où nous voulons en venir.

    Soyons-y donc préparé-e-s "psychologiquement" et (surtout) politiquement.

    10e anniversaire des émeutes de 2005
    10e anniversaire des émeutes de 2005


    * Notre position sur ce référendum, puisque c'est l'occasion de la répéter à nouveau bien que cela n'ait rien à voir avec le sujet, a été celle d'un "Non sans sabler le champagne" :

    - Nous avons analysé (et soutenu sur cette base) le "Non" comme (en réalité) un "merde" au pouvoir en place ; moins le rejet d'un texte déjà aux 3/4 en application (reprenant aux 3/4 les traités antérieurs...) qu'une sanction de toutes les politiques françaises menées depuis le début de la nouvelle crise générale dans les années 1970.

    - Nous avons reconnu aux 55% de "Non" cette valeur, et nous ne leur en avons jamais donné plus. La majorité au pouvoir, une bonne partie de l'opposition et la quasi-totalité des grands médias ayant fait campagne pour le "Oui", nous y avons vu un intéressant moment de divorce entre les classes populaires (où le "Non" était bien au-dessus de 55%...) et ceux censés "faire l'opinion" ; mais nous n'y avons jamais vu pour autant "la révolution" ou une quelconque "rupture radicale" en "marche".

    - Nous avons par ailleurs toujours dit que des gens avaient pu voter "Oui" pour de bonnes raisons ("pensant bien faire", avec des intentions progressistes mais idéalistes - typiquement l'électeur des Verts, ou encore le "régionaliste de gauche" type UDB, PÒc etc.) et "Non" pour de mauvaises (nationalistes, chauvinardes, xénophobes... ou trouvant le texte et l'Union européenne en général trop "sociale", "bureaucratique", "soviétique" - cela existe et c'était même sans doute une très grande partie du "Non" hollandais quelques jours plus tard, qui a pourtant été l'occasion d'un nouveau sablé de champagne pour les "nonistes" hexagonaux !).

    - Quoi qu'il en soit, il est absolument clair et vrai que 6 mois plus tard, l'écrasante majorité (75-80%...) était cette fois-ci pour... soutenir l'état d'urgence et condamner le soulèvement des quartiers populaires ; confirmant rétroactivement nos raisons de ne pas sabler le champagne au soir du 29 mai.

     


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  • Alors que la tension monte de jour en jour en Palestine occupée, le Premier ministre sioniste d'extrême-droite Netanyahu s'est fendu d'une déclaration controversée jusque dans la presse bourgeoise internationale, par laquelle il ne rend ni plus ni moins que les Palestiniens, à travers la figure de l'ancien mufti de Jérusalem Amin al-Husseini (qui comme beaucoup de nationalistes arabes de l'époque avait pu voir dans l'Allemagne nazie une alliée objective, tant contre l'Empire britannique que contre le sionisme, avec toutefois une adhésion idéologique plutôt poussée)... "responsables" et même "initiateurs" de la Shoah : "Hitler ne souhaitait pas exterminer les juifs à cette époque, il souhaitait simplement les expulser", a-t-il déclaré. "C'est alors" (poursuit-il) "que Husseini est allé rencontrer Hitler en Allemagne et lui a dit : "Si vous les expulsez, ils débarqueront tous ici" (en Palestine). "Que dois-je alors en faire ?", lui répondit Hitler. "Brûlez-les", lui répondit Husseini"...

    Pour répondre à une telle absurdité, qui a fait hurler les historiens israéliens de l'Holocauste et même jusqu'à son "opposition" sioniste "de gauche", voici une petite revue de presse... qui bousculera peut-être quelques certitudes d'ailleurs !


    Le mufti de Jérusalem, inusable outil de la propagande israélienne (Gilbert Achcar)


    Régulièrement, des ouvrages "découvrent" les sympathies nazies du leader palestinien Amin Al-Husseini ; régulièrement, les dirigeants israéliens en tirent parti pour dénoncer l’antisémitisme "congénital" des Arabes. Car c’est bien l’objectif de ces pseudo-recherches historiques que de justifier l’occupation des Territoires et l’oppression des Palestiniens.

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    Ici un entretien très intéressant avec une spécialiste allemande de la question : "L'antisémitisme européen a été exporté dans les pays arabes" par Géraldine Schwarz


    Ce qui est une certitude historique en revanche, c'est que la conjonction évidente d'intérêts entre des nazis qui ne voulaient plus de Juifs en Europe et des sionistes voulant les Juifs d'Europe en Palestine a pu conduire jusqu'à une phase "avancée" du processus nazi (début de la Seconde Guerre mondiale... voire veille de la conférence de Wannsee) à des choses de ce genre :


    Le sionisme et l’exploitation de l’antisémitisme :
    l’accord Haavara signé en 1933 entre les autorités sionistes et nazies


    Une représentation de l’État d’Israël semble généralement aller de soi pour le sens commun, les autorités politiques et judiciaires internationales et nationales et même très souvent le discours académique. Israël incarnerait la vocation à « sauver les Juifs » : foyer d’accueil pour les rescapés du Génocide et havre de sécurité pour les Juifs persécutés du monde entier.

    Pourtant le sionisme réel est loin d’être conforme à cette représentation, en fait l’idéologie sioniste, mythe fondateur de l’État d’Israël. Un accord signé entre les autorités sionistes et nazies me paraît particulièrement révélateur.

    Le 7 août 1933 - quelques mois à peine après l’arrivée de nazis au pouvoir le 30 janvier 1933 - l’Accord Haavara (passage, transfert en hébreu, l’expression hébraïque est également utilisée dans les documents nazis) a été conclu entre les plus hautes autorités de l’État nazi et les plus hautes autorités du mouvement sioniste, notamment celles de la communauté juive implantée en Palestine (le Yichouv, de Hayichouv Hayehoudi beEretz Israël, l’implantation juive en Terre d’Israël).

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    S'il est (donc) complètement ridicule d'attribuer au mufti de Jérusalem (ou à quelque nationaliste arabe que ce soit) la responsabilité d'avoir "soufflé" l'idée de la Shoah à un nazisme devant lequel il ne faisait que ramper, et qui avait par ailleurs en Palestine un autre "fer au feu"... en la personne du mouvement sioniste ; nous nous permettrons toutefois, au risque assumé (comme d'habitude) de choquer et n'en déplaise à la "mythologie" dominante impérialiste occidentale post-1945, que l'identification du nazisme et du fascisme au "Mal absolu" est une vision profondément européo-centrée et largement inopérante sur les Peuples du "tiers-monde" (autrement dit, tout ce que pourra dire Netanyahu sur les liens du mufti avec le IIIe Reich laissera de toute façon les Palestiniens - et les Arabes en général - de marbre...).

    En effet, beaucoup de Peuples hors d'Europe n'auront que très tardivement... voire jamais, au cours de la "longue Seconde Guerre mondiale" (1931-45), considéré le bloc impérialiste Allemagne-Italie-Japon comme un "Mal" moralement plus ignoble que leurs oppresseurs impérialistes "historiques"... qui seront en 1945 les vainqueurs (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Pays-Bas etc.) ; allant parfois même en effet (pour certains et pour un certain temps) jusqu'à y voir de potentiels alliés tactiques ; et aujourd'hui encore, si presque tout le monde (hormis les pires réactionnaires) reconnaît dans ces pays-là les méfaits et les abominations de l'Axe germano-italo-japonais, la perception de ce dernier comme "centralité du Mal" renâcle toujours à s'ancrer dans les esprits : pour un Palestinien, la "centralité du Mal" restera envers et contre tout la colonisation de son pays et l'expulsion de son Peuple par les sionistes ; pour un Algérien, ce sera la colonisation française de 1830 à 1962 (et non l'engagement dans la Wehrmacht de combattants de l'indépendance comme le colonel Mohammedi...) ; pour un Bantou sud-africain, la domination blanche jusqu'en  1992 ; pour un Congolais, le règne de Léopold II de Belgique ; pour un Antillais, l'époque de la traite et de l'esclavage bien sûr ; pour un Sud-Américain la "confiscation" de son indépendance (au 19e siècle) par les impérialistes britanniques puis US [ainsi par exemple, en Argentine, est désignée sous le nom de "Décennie infâme" une période (à partir de 1930) de dictatures militaires pilotées par Londres qui prendra fin en 1943 par un putsch... de sympathisants notoires de l'Axe, parmi lesquels un certain Juan Domingo Perón - ceci sans même parler bien sûr des sanglantes juntes militaires connues par ce pays et d'autres entre les années 1950 et 1980 ; au total, plusieurs centaines de milliers de personnes y auront sans doute perdu la vie] ; pour un "Indien" de ces mêmes Amériques le génocide qu'a représenté la colonisation européenne à partir de 1492 (et la domination de ces mêmes colons jusqu'encore aujourd'hui), etc. etc. Au Bengale, où une famine provoquée par la politique britannique en temps de guerre fit plusieurs millions de victimes en 1943 [au total, du milieu du 18e siècle jusqu'en 1947, la politique coloniale britannique en Inde aurait fait plusieurs dizaines de millions de morts], il est facilement compréhensible qu'un autochtone ne fasse pas bien la distinction entre Winston Churchill et Adolf Hitler. Même en Chine, l'occupation japonaise (1937-45) s'inscrit historiographiquement dans une période beaucoup plus large de domination impérialiste étrangère (des années 1840 jusqu'en 1949), sans autre spécificité particulière que d'avoir été celle où la Guerre populaire de Mao s'est véritablement développée. Les Japonais sont par ailleurs connus pour n'avoir pas fait grand-chose contre les communistes et autres indépendantistes vietnamiens en 1945 (le PCV retenant cependant cette "guerre de libération" dans son histoire officielle) : ils préféraient laisser le pays à des Asiatiques plutôt qu'aux anciens colonisateurs occidentaux (ils firent largement de même en Indonésie, en Malaisie, en Birmanie etc.). Éthiopiens et Libyens ont subi la barbarie coloniale de l'Italie fasciste : là, la perception dans les consciences populaires va effectivement pouvoir rejoindre celle qui domine en Occident. La Namibie aura connu la barbarie coloniale allemande avec le génocide des Héréros (1904-08)... mais ce n'était pas sous le nazisme.

    Le "Reich de mille ans" nazi aura été en dernière analyse une tentative d'Empire colonial allemand en Europe (avec son corollaire d'asservissement de certaines populations, d'extermination pure et simple d'autres etc. etc., lire ici Chapoutot et Losurdo) : il est parfaitement logique qu'en dehors de ce continent, ses atrocités ne soient pas perçues avec la même "viscéralité" par les masses. 

    Tout ceci met à mal, nous en sommes bien conscients, une certaine lecture dominante de l'Histoire en vigueur en Occident depuis trois générations ; lecture ancrée y compris à gauche... Mais c'est ainsi.

    On terminera néanmoins sur une note d'humour avec le journal satirique algérien El Manchar :

    Netanyahu : « des braconniers palestiniens à l’origine de l’extinction des dinosaures et des mammouths »

    Revue de presse 22/10/2015 sur les propos de Netanyahu au sujet de la Shoah, d'Hitler et du mufti Al-Husseini


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  • On commencera par un texte de Julien Salingue, toujours EXCELLENT sur ce sujet, rédigé pour le NPA (où doit certainement exister une lutte de lignes avec des gens en mode "oui mais bon, dans la résistance palestinienne y a quand même des forces un p'tit peu réactionnaires", "ouais enfin, y a des morts et des actions atroces des deux côtés", "et vous êtes sûrs qu'à battre le pavé comme ça pour la Palestine, on va pas passer pour des antisémites ?", etc. etc. - des gens, en fait, pas vraiment sur les positions des ultra-gauchistes réactionnaires délirants et objectivement pro-sionistes à la Aucordier ou Coleman, mais plutôt tétanisés par le terrorisme intellectuel que font régner ceux-ci à l'"extrême-gauche" : Salingue remet donc les pendules à l'heure et les points sur les i, à grandes doses de réalité en chiffres etc.) :


    Avec les Palestiniens, contre l’occupation


    Les grands médias et les analystes autoproclamés s’interrogent : comment comprendre la multiplication, ces derniers jours, des attaques menées par des Palestiniens en Cisjordanie, à Jérusalem et en Israël ?

    Pourquoi le « calme précaire » a-t-il cédé le pas à un « regain de violences » ? Le gouvernement israélien va-t-il pouvoir « reprendre le contrôle » de la situation ?

    It’s the occupation, stupid

    Une fois de plus, l’intérêt est porté sur le conflit opposant Israël aux Palestiniens lorsque des Israéliens sont blessés ou tués. Comme si, entre deux attaques au couteau ou entre deux tirs de roquettes, les « violences » s’interrompaient. Comme si la mainmise israélienne sur les territoires palestiniens, l’occupation militaire et la colonisation n’étaient pas des violences. Comme si le blocus de Gaza était une mesure pacifique…

    Combien de fois faudra-t-il le rappeler, les Palestiniens vivent sous occupation depuis des décennies, et sont confrontés chaque jour à la politique discriminatoire, expansionniste et répressive de l’État d’Israël. Il n’y a pas de « processus de paix » mais un processus de colonisation maintenue, avec son cortège d’expulsions, de saisies de terres, de démolitions de maisons, d’arrestations des récalcitrants.

    En temps « normal », il ne s’écoule pas une semaine sans que des manifestations palestiniennes soient prises pour cibles par l’armée israélienne, sans que des habitants de Cisjordanie soient victimes d’exactions commises par les colons, sans que des dizaines de Palestiniens soient enlevés en pleine nuit ou au petit matin pour être incarcérés sans jugement dans des prisons militaires.

    Alors, à la question « Pourquoi ces violences de la part des Palestiniens », on a envie de répondre par une autre question : « Pourquoi pas ? »

    Sois colonisé et tais-toi !

    Comme le faisait en effet remarquer la journaliste israélienne Amira Hass dans une tribune parue le 6 octobre dernier dans Haaretz, « Les Palestiniens se battent pour leurs vies, [alors qu’]Israël se bat pour l’occupation ». Et de poursuivre : «  Les jeunes Palestiniens ne se mettent pas à assassiner des juifs parce qu’ils sont juifs, mais parce que nous sommes leurs occupants, leurs tortionnaires, leurs geôliers, les voleurs de leur terre et de leur eau, les démolisseurs de leurs maisons, ceux qui les ont exilés, qui bloquent leur horizon. Les jeunes Palestiniens, vengeurs et désespérés, sont prêts à donner leur vie et à causer à leur famille une énorme douleur, parce que l’ennemi auquel ils font face leur prouve chaque jour que sa cruauté n’a pas de limites. »

    Quelles sont les perspectives offertes aux Palestiniens par ceux qui aujourd’hui critiquent leurs actions et exigent un « retour au calme » ? Aucune, sinon la perpétuation d’un système de domination et d’oppression contre lequel ils n’auraient pas le droit de s’insurger, et face auquel ils n’auraient qu’une seule attitude : la soumission et le silence, en attendant que les choses s’améliorent dans un avenir plus ou moins lointain. En d’autres termes : sois colonisé et tais-toi !

    La révolte des Palestiniens est légitime

    Entre le 1er et le 11 octobre, 4 Israéliens sont morts dans des attaques au couteau et une dizaine d’entre eux ont été blessés. Dans le même temps, 24 Palestiniens ont été tués et plus de 1 300 ont été blessés par balles réelles ou balles en caoutchouc, soit une moyenne de 130 par jour. Durant la seule journée du dimanche 11 octobre, 75 Palestiniens ont été atteints par des tirs à balles réelles lors de manifestations en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza. Des chiffres qui indiquent non seulement l’ampleur de la répression israélienne, qui se durcit chaque jour, mais aussi et surtout le déséquilibre des forces en présence.

    Difficile de mesurer aujourd’hui l’ampleur que peut prendre la révolte en cours, notamment parce qu’elle se caractérise par une accumulation d’actes individuels, sans coordination ni stratégie de la part des factions politiques palestiniennes. Mais une chose est certaine : le gouvernement israélien a une fois de plus choisi de nier ses responsabilités et de se faire passer pour la victime, quitte à multiplier les provocations, les amalgames et les incitations à la haine. Mais rien n’y fera : la colère, la révolte et la résistance des Palestiniens sont légitimes, et personne ne pourra leur interdire de lutter pour affirmer leurs droits.

    Nous avons été, nous sommes, et nous serons à leur côté dans ce combat.

    Julien Salingue

    Revue de presse 15/10/2015 - Palestine

    ... et on enchaîne sur le texte du FPLP au sujet des récents évènements, traduit par les camarades de Coup pour Coup et repris sur Danactu (avec quelques petites retouches de notre part) :


    Soutenir les actions de la jeunesse palestinienne


    Les diverses actions héroïques de résistance requièrent l'appui populaire, et doivent inspirer les dirigeants (FPLP)

    Le Front Populaire pour la Libération de la Palestine (FPLP) a confirmé que les diverses actions de résistance menées par l’héroïque jeunesse palestinienne, qui se développent dans toute la patrie occupée, sont des opérations importantes qui doivent continuer, s’intensifier et évoluer, et qui requièrent l'appui populaire en Cisjordanie et à Jérusalem sous diverses formes à la lumière des crimes continus de l'occupant contre notre Peuple.

    Le FPLP a souligné que ces actions de résistance ont pris des formes multiples, y compris la résistance avec des couteaux ; ceci provient de la résolution et de la détermination des jeunes palestiniens à retrouver leur terre et leurs droits dont ils sont privés, et de leur conviction dans la justesse de leur cause.

    Le Front a affirmé que l'ennemi sioniste devait savoir que chaque Palestinien est un guérillero potentiel pour affronter l’occupation et les colonies ; et que le colonisateur ne trouvera aucun endroit pour jouir de la sécurité et de la stabilité. Les Palestiniens n’abandonneront pas la lutte pour leurs droits jusqu’à la dernière goutte du sang qui coule dans leurs veines.

    Le Front a également souligné la nécessité de soutenir ces différentes actions à un niveau organisé, par l'appel immédiat à la formation d’une direction nationale unifiée dans tous les domaines, afin d'organiser et de diriger cette bataille et d'élever le niveau des actions de résistance pour porter des coups sérieux à l'entité sioniste et aux colons. Le Front a également souligné la nécessité de prendre dans ses bras les familles des guérilleros héroïques pour leur apporter tout ce dont elles ont besoin, pour les soutenir et pour les défendre contre les attaques de l’occupation.


    Source : FPLP - Traduction : A.C.

    SOURCE : COUPPOURCOUP31

    Revue de presse 15/10/2015 - Palestine
    Thawra, Thawra hatta el-Nasr !
    (Révolution, Révolution jusqu'à la Victoire !)

    Revue de presse 15/10/2015 - Palestine
    Revue de presse 15/10/2015 - Palestine

     


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  • Suite au nouvel attentat-massacre de l'alliance barbouzarde AKP-Daesh contre un rassemblement de gauche, faisant plus d'une centaine de victimes :

    http://www.lemonde.fr/europe/article/2015/10/12/apres-l-attentat-d-ankara-la-turquie-au-bord-du-gouffre_4787525_3214.html

    http://www.franceinfo.fr/actu/monde/article/qui-est-derriere-l-attentat-d-ankara-737717

    http://www.lefigaro.fr/international/2015/10/11/01003-20151011ARTFIG00083-l-attentat-d-ankara-pose-le-probleme-d-eventuelles-complicites-au-sein-de-l-etat-turc.php

    PARTIZAN : Les fascistes doivent savoir que nous n’abandonnerons pas les slogans des morts, leur lutte n’est pas terminée ! (Nouvelle Turquie)

    Hommage aux victimes de l'attentat fasciste d'Ankara (Bloc Rouge - Unification des maoïstes)

    De Bologne à Ankara, le spectre de la violence d’État (Quartiers Libres) [* On notera au passage dans cet article une INFORMATION D'IMPORTANCE CAPITALE, à savoir la décantation finale du système politique à la tête de l’État turc : les nationalistes du MHP/"Loups Gris", plutôt hostiles à l'AKP ces 13 dernières années en raison de sa politique de "dialogue" avec les Kurdes et de son "multinationalisme ottoman" sur la base de l'islam (hostilité partagée avec le CHP, le parti kémaliste historique, pour les mêmes raisons ainsi que pour son attachement à la "laïcité"), ont annoncé par la voix de leur important dirigeant Sedat Peker (également chef maffieux et par ailleurs impliqué en 2008 dans une conjuration militaire... contre Erdoğan, le réseau dit "Ergenekon") leur ralliement au "Sultan" pour les prochaines élections du 1er novembre. Nous n'avons là rien moins que la synthèse définitive d'une idéologie NÉO-JEUNE-TURQUE (l'idéologie du génocide arménien !), tel que nous avions déjà pu l'annoncer dans des articles précédents (1 - 2).]


    ... la riposte populaire révolutionnaire ne s'est pas faite attendre :


    Action conjointe du PKK et du TIKKO à Geyiksuyu

    La guérilla du TKP/ML-TIKKO et celle du PKK ont organisé une attaque contre une base militaire du Dersim, tuant au moins 6 militaires, pour protester contre les massacres commis depuis plusieurs mois par l’État fasciste turc.


    Dans les quartiers de Gazi et de Sarıgazi, les militant-e-s ont réclamé des comptes…

    Suite au massacre d’Ankara qui a eu lieu hier, samedi 10 octobre, le peuple et les militant-e-s révolutionnaires manifestent dans toute la Turquie. À Istanbul, les milices armées du TKP/ML-TIKKO, du MLKP, du YDG-H et du MKP demandent des comptes par les armes.


    Action armée du TKP/ML-TIKKO en mémoire des martyrs du massacre d’Ankara

    « Chez nous on ne demande pas des comptes au fascisme avec des mots ! Ce sont les balles qui règlent les comptes !». Le jeudi 15 octobre, la guérilla du TIKKO, liée au TKP/ML, a organisé une action armée contre une base militaire, en mémoire des martyrs du massacre d'Ankara.

    Nouvelles de Turquie/Kurdistan - 14 octobre 2015


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  • Voici quelques petits articles sympas et intéressants sur l'actualité du moment.

    On commence avec celui des camarades de Quartiers Libres (qui ne s'intéresseraient soi-disant - aux dires de certains bouffons - "qu'au triptyque Palestine - Black Panthers - crimes policiers", "offre politique classique de l'extrême-gauche pour les quartiers populaires") revenant sur la lutte à Air France qui a fait grand bruit ces derniers jours, avec son occupation du Comité central d'entreprise (CCE) et la fuite lamentable - ayant fait le tour du monde - de deux cadres supérieurs dont le DRH de la compagnie, la chemise arrachée :


    Air France : « la fierté des nôtres »


    2900 personnes vont être mises à la porte de l’entreprise Air France. La raison du plus fort est toujours la même : les salariés sont des privilégiés qui gagnent trop et ne transpirent pas assez et de ce fait ils nuisent gravement à la bonne santé de l’entreprise. C’est un classique du baratin patronal.

    Chez Air France, ce discours est porté par une direction qui se moque ouvertement des gens qui travaillent.

    Le plus bel exemple du mépris par des gens qui ne produisent rien mais qui tiennent les postes de direction se trouve dans cette vidéo :

    Le patron d’Air France est un spécialiste du droit du travail version 19eme siècle. Il regrette que ces 200 dernières années des contraintes liées au code du travail et donc aux conquêtes des travailleurs empêchent de pressurer les gens, pardon de « libérer les énergies créatives ». « Les enfants ne bossent plus à huit ans », c’est regrettable. Le droit de grève nuit aux rendements… toujours le même refrain du capitaine d’entreprise mais dans la bouche de Monsieur de Juniac, noblesse oblige, ça prend tout de suite un air du 19ème siècle.

    Ce que les patrons d’air France viennent de se prendre c’est ...  Lire la suite →

    Petite revue de presse - 12 octobre 2015 : nouvelle Intifada en Palestine, "retour à la normale"... ou presque à Donetsk et chemise arrachée à Air France

    Aux dernières nouvelles, ça y est : la Police de l'Air et des Frontières (PAF) vient de procéder à l'arrestation spectaculaire ("comme des membres du grand banditisme" selon un responsable syndical FO) de 5 ou 6 (selon les sources) salariés qui auraient participé à la mobilisation "musclée" de la semaine dernière, et auraient été identifiés sur des enregistrements vidéos :

    http://www.lemonde.fr/entreprises/article/2015/10/12/quatre-arrestations-apres-les-violences-a-air-france_4787442_1656994.html

    http://www.revolutionpermanente.fr/Le-NPA-denonce-l-interpellation-volontairement-spectaculaire-de-5-salaries-d-Air-France

    Pour un œil les deux yeux, pour une dent toute la gueule ! (Bloc Rouge - Unification des maoïstes)

    Préparons-nous à la mobilisation contre la justice de classe !


    Pendant ce temps-là, la résistance populaire connaît une nouvelle montée en puissance en Palestine occupée. Quelles pourraient en être les perspectives ? C'est la question que soulève cet article d'un journaliste arabe publié sur le site de l'ISM :


    La prochaine Intifada devra être une révolution palestinienne jusqu'à la fin de l'occupation

    Par Samah Jabr

    Le discours de Mahmoud Abbas aux Nations unies, qui a été précédé par une propagande exagérée disant qu'il serait une « bombe », s'est avéré n'être rien de plus qu'une litanie de plaintes habituelles et d'appels à la communauté internationale. Le discours a indéniablement échoué à soulever de nouveaux défis, à offrir de nouvelles stratégies ou simplement à inspirer l'espoir aux Palestiniens bouillant sous l'occupation. Quelques jours après le discours, quand Israël a annoncé que l'Autorité palestinienne avait aidé à l'arrestation d'un groupe à Naplouse accusé d'avoir attaqué des colons illégaux, la réponse d'Abbas – la menace lasse et habituelle de ne pas s'engager dans des accords qui ne sont pas respectés par Israël – s'est révélée n'être rien d'autre qu'une « bombe assourdissante ».

    La jeunesse palestinienne avait espéré que cette annonce signifierait que l'AP allait arrêter de se comporter comme le sous-traitant d'Israël pour écraser la résistance palestinienne. Ils se sont alors levés pour combattre l'appropriation par Israël du lieu saint qu'est al-Aqsa à Jérusalem, pour résister à la fermeture de la ville à son propre peuple et pour s'opposer aux attaques sans relâche des colons dans des villages de Cisjordanie, comme celle qui a conduit à brûler vive une famille, un crime pour lequel personne n'a eu à rendre de comptes.

    La prochaine intifada devrait être une révolution palestinienne jusqu'à la fin de l'occupation

    Ces oiseaux de la liberté sont traqués, un par un. Ils sont poussés dans des cages israéliennes mais aussi palestiniennes, pourtant ils sont blâmés pour cette dynamique typique de violence : « Ils ont amené toute cette souffrance sur eux-mêmes et leurs familles ! ». Nous avons déjà entendu des commentaires similaires lorsqu'une femme se fait violer : « Elle l'a cherché, elle l'a provoqué, elle est celle à blâmer pour cela ». Israël a autorisé à tirer sur tout enfant palestinien qui est vu en train de jeter des pierres, demandant au minimum 4 ans de prison et exigeant des amendes prohibitives de la part des parents. Toutes ces mesures ont pour seule conséquence d'inviter plus d'enfants à défier la cruauté des lois israéliennes.

    Muhammad, 19 ans ; Amjad, 17 ans ; Fadi, 18 ans ; Hadil, 18 ans ; et Shurouq, 18 ans sont seulement quelques uns des jeunes palestiniens à avoir été exécutés sans procès dans les dernières semaines, accusés de porter des armes ou d'attaquer des colons ou soldats israéliens avec des couteaux. Leurs maisons vont être détruites pour punir leurs parents pour leur lien biologique avec leur enfant (même si les châtiments collectifs sont interdits par le droit international).

    La police israélienne a la gâchette facile quand il s'agit de Palestiniens mais tellement patiente avec les criminels juifs. Yishai Schlissel a poignardé 6 participants lors de la gay pride en mars dernier, mais aucun officier de police ne lui a tiré dessus. Les crimes de colons à l'encontre des Palestiniens sont vus, couverts et même encouragés par les autorités israéliennes, tandis qu'aucun Palestinien ne s'en sort pour n'importe quel acte de résistance. La police israélienne sous couverture entre dans des hôpitaux palestiniens pour kidnapper des blessés sous le regard de la police palestinienne, mais Israël échoue toujours à arrêter des Israéliens qui ont tués des Palestiniens ; quand des Palestiniens prennent des photos d'actes criminels, les autorités israéliennes trouvent des excuses sans fin pour minimiser la sanction.

    Lors des affrontements récents, Israël a fait usage de colons hors-la-loi opérant en toute impunité pour terroriser les Palestiniens, tirant sur les passants et brûlant leurs propriétés, leurs cultures et leurs oliveraies, leurs véhicules et leurs maisons. Des colons armés ont été vus précédant les soldats israéliens lors des incursions dans les villages entourant Naplouse. Étant donnée la totale impunité des autorités israéliennes, il n'est pas surprenant que de jeunes audacieux essaient de briser les chaînes de leur impuissance, retrouvant le sens du collectif dans une action dramatique et cherchant à venger leur nation humiliée et leur pays violé.

    Aujourd'hui, nombreux se demandent si oui ou non la révolte actuelle va mener à une 3ème Intifada ; ce nom même, comme les 1ère et 2ème Intifada, prédit une inquiétante destinée, celle d'une interruption avant la fin de l'occupation. En effet, ce sera interrompu aussi vite que les politiciens et les négociateurs auront récolter des avantages pour leurs intérêts personnels. Ma peur est que cette motivation – la perte de la liberté et de la vie qui nous a apporté une angoisse indescriptible – soit exploitée par nos mêmes représentants fatigués et momifiés qui se soucient peu de libération ou de la cause nationale, et dont le seul objectif en tant que sous-traitants est de prendre l'avantage sur la résistance palestinienne afin de maintenir leur job de « médiateurs » et de garder le silence.

    Ne laissons pas être cela cette 3ème Intifada dans laquelle nos espoirs seront ainsi anéantis. Laissons la devenir une révolution finale palestinienne qui mettre un terme à l'occupation. Laissons tous les Palestiniens dignes, et leurs soutiens internationaux, faire ce qu'il faut pour assurer la survie de nos oiseaux de liberté. Nous devons maintenir la gestion collective et l'ardeur morale de notre révolution face à tous les oppresseurs, de l'intérieur comme de l'extérieur, pour la libération ultime de notre peuple et de notre terre.

    Source : https://www.middleeastmonitor.com/articles/middle-east/21515-the-next-intifada-should-be-a-palestinian-revolution-until-the-occupation-ends

    Traduit de l'anglais par FS pour ISM-France


    Et puis tandis que les pourparlers se poursuivent entre les grands de ce monde au sujet de l'Ukraine, la relative accalmie dont bénéficie la ville de Donetsk après des mois de combats a favorisé le retour de beaucoup de personnes qui l'avaient fuie... et notamment les premiers à avoir eu les moyens de le faire, à savoir les classes aisées, la gentry locale. Mais voilà : eux qui s'imaginent pouvoir reprendre tranquillement le cours de leur vie s'aperçoivent bien vite que quelque chose a changé, que quelque chose ne sera plus jamais comme avant. En effet, et même si ce sont de toute évidence les intérêts de la bourgeoisie locale et de la bourgeoisie monopoliste russe qui ont triomphé et se sont installés à la tête des "Républiques populaires" du Donbass, ils se voient réserver un accueil plutôt froid et "tendu" de la part de ceux et celles qui sont resté-e-s et ont défendu la ville contre les troupes fascistes de Kiev, les armes à la main... ou simplement en y continuant et faisant continuer la vie avec un courage et une dignité exemplaires : ceux et celles-là semblent bien être devenu-e-s les véritables nouveaux maîtres des lieux.


    Les nouveaux maîtres de Donetsk


    Pendant la guerre, pendant le froid et la faim, alors que la mort ramassait chaque jour son tribut dans les rues de la ville, d’autres sont devenus les maîtres de Donetsk

    La paix revient à Donetsk, dans le Donbass, et avec elle ses habitants les plus fortunés, qui ont été les premiers à fuir la guerre, il y a plus d’un an. Ils retrouvent leur ville mais aussi tous ceux qui ont eu le courage d’y rester. Des rencontres qui ne sont pas toujours des plus chaleureuses. Le journaliste indépendant Andreï Babitski, qui vit aujourd’hui à Donetsk, décrit le quotidien de cette ville après 15 mois de combats et de bombardements.

    Un automobiliste se fait contrôler à Donetsk, en 2012. Crédits : ostro.org

    Quand je vois ces voitures de luxe, excessivement chères, qui ont fait leur réapparition dans les rues de Donetsk tout au long du mois dernier, cela me donne la nausée. Je me dis qu’en vendant rien qu’une seule de ces autos, on aurait pu sauver de la faim une centaine de vieillards qui ont difficilement survécu à cet hiver de guerre.

    Le retour massif des habitants dans la ville, qui a soudain cessé de servir de cible à l’artillerie ukrainienne, me fait penser à une invasion de sauterelles, enveloppant sous une couverture ininterrompue le paysage urbain. Le trafic n’a pas encore retrouvé son rythme d’avant-guerre, mais c’est tout comme. On s’est remis à croiser, dans les supermarchés, ces hommes et ces femmes de belle stature en vêtements « de haute couture », embaumant le parfum raffiné, scintillant de l’éclat de leurs bagues de diamants. On revoit, dans les bars, ces jeunes gens, tasse de café à la main, petit doigt levé. Les anciens « maîtres de la ville » sont de retour. Et tout ça pourrait être parfait ; en définitive, la ville a besoin de gens, ils sont sa chair et son sang, le « feu scintillant dans le vase » de son architecture et de ses paysages.

    Sauf que les anciens sont revenus en affichant exactement le même mépris pour les perdants, les pauvres, la gent urbaine ordinaire que celui avec lequel ils avaient quitté la ville il y a plus d’un an. De l’avis de ces « re-migrés », ceux qui ont subi les pénibles temps des bombes l’ont fait simplement parce qu’ils n’avaient pas les moyens de partir s’installer dans des contrées lointaines et sûres. Mais s’ils avaient eu trois sous, ils auraient fui en masse, battant le chemin de leur bottes bon marché, couvertes de la poussière de la route.

    Aujourd’hui de retour, les « ex- » prétendaient au droit d’être considérés comme les authentiques et les meilleurs habitants de Donetsk, ceux qui dicteraient, comme avant la guerre, les règles, la mode, le style et le rythme de la vie. Ils ne doutaient pas une seconde que les gens de peu, par habitude acquise, se remueraient sans se plaindre et leur libéreraient les lieux, qu’ils considèrent comme leur propriété simplement parce qu’ils sont une élite, une classe dominante qui tient fermement la chance par le cou. À l’époque, ils s’étaient placés en utilisant leurs liens dans les structures de pouvoir corrompues. Et ils étaient certains que l’ordre des choses n’avait pas changé d’un poil, et qu’ils conviendraient tout aussi bien aux nouvelles autorités. Le changement de façade politique, de drapeaux et de slogans ne signifie rien – la corruption mène toujours le bal, et il faut simplement frayer de nouveaux sentiers dans le vieux champ.   Lire la suite >>


    NDLR - Là où, en revanche, le terrain a été reconquis par les troupes de Kiev, la terreur fasciste se poursuit : http://www.secoursrouge.org/Ukraine-Les-escadrons-de-la-mort-a-l-oeuvre-en-Ukraine

    Lire également : Nostalgie de l'URSS chez les rebelles de l'Est de l'Ukraine (article bourgeois donc - évidemment - ne nous épargnant rien des cris d'orfraie du style "mais comment est-ce possiiiible" et de la propagande resucée notamment sur "les z'horribles répressions politiques" et sur "la famine des années 30", thème invariant depuis la psy-op Goebbels-Hearst de l'époque - lire ici un démontage en règle de ces foutaises, ceux/celles qui nous lisent régulièrement sachant par ailleurs combien nous sommes des maoïstes très critiques sur Staline et son action à la tête de l'URSS entre 1924 et 1953).

    Ou encore Le marxisme et la guerre dans le Donbass (ou "De l'internationalisme à géométrie variable d'une certaine extrême-gauche"), par le dirigeant de Borotba Victor Shapinov - excellent texte qui vient de paraître.

    Petite revue de presse - 12 octobre 2015 : nouvelle Intifada en Palestine, "retour à la normale"... ou presque à Donetsk et chemise arrachée à Air France


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  • Un autre texte sur la notion de Guerre populaire prolongée comme stratégie révolutionnaire universelle du prolétariat et des classes opprimées ; notion comme on le sait particulièrement discutée et attaquée ; publié sur l'excellent site étatsunien Maosoleum du New Communist Party - Liaison Committee (NCP-LC) : http://maosoleum.ncp.lc/2013/10/07/what-is-protracted-peoples-war/


    longmarchmao


    Le 1er octobre 1949 est la date de la création de la République populaire de Chine. Ce jour-là, des centaines des millions d'ouvriers et de paysans chinois se sont levés pour écraser les forces de la réaction. La Révolution chinoise constitue, aux côtés de la Révolution russe, l'un des plus importants évènements de l'histoire de l'humanité. L'exemple de la Chine révolutionnaire a inspiré aussi bien les Black Panthers que nos camarades menant la Guerre populaire en Inde, aux Philippines, au Pérou ou au Népal. Ce texte veut rendre hommage à cette révolution. Pris dans son ensemble, il représente le point du vue du collectif Maosoleum.

    Nul, excepté peut-être le pire euro-marxiste chauvin, n'a jamais prétendu disqualifier le léninisme et l'expérience de l'Union soviétique comme quelque chose de "seulement applicable au Tiers-Monde". Pourtant, sous tous les aspects, la Russie de 1917 faisait partie du "Tiers-Monde" de l'époque, avec seulement 20% de sa population totale travaillant comme ouvrier-e-s industriel-le-s, dont seulement 40% (de ces 20%) employés dans de grandes usines. La question est alors posée : pourquoi ce "seulement applicable au Tiers-Monde" est-il l'argument n°1 de tant de détracteurs du maoïsme ? 

    Peut-être bien que, si Mao était né dans un "pays capitaliste avancé", le maoïsme ne serait pas seulement jugé applicable au "Premier Monde" mais aussi au "Tiers" ! Cette incompréhension du maoïsme repose sur la manière dont les maoïstes font la révolution, à travers la Guerre populaire prolongée, et sur notre vision de cette stratégie comme universelle. Lorsque nous croisons le fer contre cette compréhension erronée du maoïsme, c'est aussi un certain racisme que l'on peut percevoir dans ce débat. Car cette disqualification du maoïsme revient finalement - en dernière analyse - à une peur de ce que la "gauche" du "Premier Monde" ait en réalité à apprendre des Peuples opprimés autour de la planète. Bien sûr nos "amis" "éclairés" connaissent bien Mao, peut-être aussi Kaypakkaya ou même Gonzalo, mais il est peu probable qu'ils aient entendu parler des camarades Ganapathi, Azad ou Kishenji. Peut-être pourrait-on débattre, alors, de ce que nos non-maoïstes considèrent comme la méthode universelle "correcte" pour faire la révolution - dans les États impérialistes en particulier. Le concept d'Armée du Peuple est un apport d'importance et de signification historique mondiale qui a été copié y compris par l'ennemi : Mao est regardé avec beaucoup d'intérêt par les militaires US, bien plus encore que Trotsky (qui est également lu).

    Sur la "Voie d'Octobre" et la distinction entre léninisme et social-démocratie

    La supposée méthode "universelle" pour la révolution dans le Premier Monde devrait donc être la ré-application mécanique de la méthode soviétique, connue sous le nom d'insurrection révolutionnaire, ou la dite "Voie d'Octobre". Avant la Révolution russe de 1917, et après la répression de la Commune de Paris, la social-démocratie avait émergé comme mouvement légal de la classe ouvrière, travaillant en pleine lumière et gagnant du terrain dans les parlements d'Europe - son plus grand succès étant sans doute le premier "État-providence" mis en place par le chancelier Bismarck en Allemagne, en réponse à la pression socialiste. Devant les menaces de guerres qui s'accumulaient dans le ciel européen, le mouvement ouvrier se retrouva face aux conséquences de dizaines d'années de lutte légale sous le capitalisme qui atteignirent leur paroxysme à la Conférence de Zimmerwald en 1915. La fraction révolutionnaire connue sous le nom de "Gauche zimmerwaldienne" et dirigée par Vladimir Lénine se leva avec force contre l'opportunisme de l'époque, qui au lieu de prendre position contre la guerre inter-impérialiste avait soutenu ses propres "patries" bourgeoises sous couvert de "défense nationale révolutionnaire".

    La stratégie pour la prise du pouvoir en Russie est la principale divergence ayant séparé le bolchévisme de la social-démocratie. Tirant les enseignements de l'échec révolutionnaire de 1905 en Russie et de la non-survenue de l'"inévitable" révolution en Europe depuis la Première Internationale (1864-72), Lénine avait conclu que laissée à sa propre initiative spontanée la classe ouvrière était seulement capable de conscience "trade-unioniste" (syndicalo-réformiste) et qu'il y avait besoin de "révolutionnaires professionnels", d'"intellectuels organiques" issus des rangs du prolétariat pour guider celui-ci dans son ensemble vers la prise du pouvoir. Mais même ainsi, malgré toute cette préparation, le succès la Révolution bolchévique était loin d'être acquis en l'absence de certaines conditions et certainement impossible en dehors du contexte de la Première Guerre mondiale. Dans La Maladie infantile du Communisme, Lénine écrit : 

    La loi fondamentale de la révolution, confirmée par toutes les révolutions et notamment par les trois révolutions russes du XX° siècle, la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l'impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent pas vivre et gouverner comme autrefois.

    insurrection
    Les armes changent, mais pas la base


    Ce que Lénine décrit ici est la notion de "crise révolutionnaire" qui n'affecte pas seulement la classe ouvrière, mais aussi la bourgeoisie et sa capacité à gouverner "à l'ancienne" ; et il pose cela comme une méthode pour le succès de la révolution. L'application de la méthode insurrectionnelle a réussi en 1917, mais seulement grâce au fait que l’État bourgeois avait été décimé par des années de guerre totale et grâce à la défection de l'armée bourgeoise dans le camp des bolchéviks. La conclusion que nous pouvons en tirer par rapport à la "Voie d'Octobre" est qu'il s'agit d'un évènement historique, mais qu'elle n'est nullement universelle et que son succès a finalement pavé la voie à... l'échec de la révolution en Europe, du fait de la volonté de ré-appliquer mécaniquement cette stratégie.

    Une partie de cet échec peut-être attribuée à l'approche subjective vis-à-vis de ce qui constitue une "situation de crise révolutionnaire" ; une autre aux leçons que la bourgeoisie elle-même a apprises de la Première Guerre mondiale et de la Révolution russe. Le Parti communiste révolutionnaire du Canada (PCR-RCP) a mis en évidence quatre grands changements réalisés par l’État bourgeois après la guerre ; changements ayant modifié les conditions objectives de la révolution :

    1. Une modernisation de l’État, l'exécutif ayant centralisé et exerçant désormais directement le pouvoir politique ;
    2. L'armée est devenue un corps professionnel ;
    3. La bourgeoisie a accumulé l'expérience de la lutte contre le communisme au niveau international ;
    4. Le capitalisme dans les pays impérialistes a développé des mécanismes qui lui permettent de se maintenir en dépit des crises économiques.

    La bourgeoisie a finalement démontré être plus créative que le mouvement prolétaire international, ce dernier ayant persisté à voir l'insurrection comme stratégie pertinente et universelle. Le plus grand danger encouru par les Partis révolutionnaires restés accrochés à cette stratégie est que tandis qu'ils attendaient patiemment "leur Octobre", ils se sont trouvés immergés dans la politique bourgeois et ont déblayé le terrain au révisionnisme pour s'emparer d'eux et les corrompre jusqu'à la moëlle. Cela a été particulièrement le cas après la Seconde Guerre mondiale, lorsque des victoires réformistes ont été remportées au nom de la classe ouvrière. Dans le cas du Parti communiste étatsunien (CPUSA) le révisionnisme avait même triomphé bien avant, la ligne économiste d'Earl Browder sanctionnant les communistes qui avaient manifesté trop d'"impatience révolutionnaire" et dont le "désir de renverser le capitalisme" devait cesser. Si le marxisme-léninisme avait reconnu la nécessité de la guerre révolutionnaire face à la "longue lutte légale" de la social-démocratie, ceci différait cependant de la notion maoïste d'Armée populaire dans le sens où une guerre civile révolutionnaire peut être menée à travers la défection de masse de l'armée bourgeoise du côté du prolétariat.


    NPA


    Les étapes de la Guerre populaire prolongée, et le processus prolongé comme principe universel

    Notre devoir en tant que communistes, et en particulier en tant que maoïstes, n'est pas de rejeter quelque tactique que ce soit pouvant mener à la victoire ; et ce serait une erreur de penser que les maoïstes rejettent l'insurrection comme possible tactique. Nous ne la rejetons pas ; simplement, nous ne la considérons pas comme universelle pour les raisons que nous venons de mentionner. La doctrine de la Guerre populaire prolongée est au contraire universelle dans son application et se positionne comme une sérieuse menace pour le Pouvoir bourgeois. Son application va bien entendu prendre des formes différentes selon les conditions des différents pays. En Chine, Mao a commencé à formuler ces thèses dans une série de lectures à l'Association du Yenan pour la Guerre de Résistance contre le Japon, avant qu'elles ne soient compilées dans un seul ouvrage intitulé De la Guerre prolongée, ainsi que dans Problèmes de la Guerre et de la Stratégie.

    La Guerre populaire maoïste n'est pas simplement une guerre de libération nationale, mais aussi une manière fondamentalement différente de faire la guerre. Nous avons déjà abordé cette question par le passé, à travers l'exemple de la Nouvelle Armée du Peuple philippine dont nous opposions la discipline militaire révolutionnaire au concept de "guerre totale" de Gonzalo. La vision classique de la guerre est "comment démoraliser l'ennemi aussi vite que possible pour le vaincre". La Guerre populaire prolongée, elle, pose la question à l'inverse : comment galvaniser le Peuple aussi longtemps que nécessaire jusqu'à la victoire finale de la dictature du prolétariat.

    Lorsque nous débattons de la doctrine de la Guerre populaire prolongée, nous devons reconnaître que mener à bien cette révolution est - comme le souligne le camarade Moufawad-Paul en parlant de la Révolution russe - un "processus prolongé". Il ne peut pas s'agir d'autre chose ; croire autre chose ne peut conduire qu'à négliger les préparatifs pour le lancement de la GP et à entretenir l'illusion d'une Armée populaire surgissant de nulle part de manière spontanée - ce qui s'appelle de l'aventurisme. L'entraînement des révolutionnaires pour prendre le pouvoir était d'ailleurs - en réalité - ce qui séparait réellement les bolchéviks de la social-démocratie ; un entraînement sans lequel les bolchéviks n'auraient jamais pu remporter le succès, tout comme ne le pourrait jamais la Guerre populaire sans un Parti d'avant-garde.

    Bien que, donc, la doctrine de la Guerre populaire prolongée soit valable universellement dans tous les pays, y compris impérialistes, elle prendra dans chacun d'entre eux des formes différentes basées sur ses conditions spécifiques. Elle peut, comme en Chine ou aux Philippines, se dérouler principalement dans les campagnes ; ou adopter comme au Pérou une stratégie de "Guerre populaire unifiée, principalement dans les campagnes, avec son complément dans les villes". Il est intéressant de souligner que le concept de "Guerre populaire unifiée" n'a pas été développé en premier par Gonzalo, mais en réalité par... Enver Hoxha dans L'Impérialisme et la Révolution :

    “En accord avec les conditions concrètes d'un pays donné et la situation en général, le soulèvement armée peut être une explosion soudaine mais aussi un processus révolutionnaire plus prolongé. Les enseignements du marxisme-léninisme sur l'insurrection armée reposent sur une étroite combinaison entre la lutte dans les villes et celles dans les campagnes, sous la direction de la classe ouvrière et de son Parti révolutionnaire”

    Nous voyons là qu'en décrivant ce qui peut être qualifié de "Guerre populaire unifiée", Hoxha réaffirme également l'universalité de l'insurrection révolutionnaire pouvant prendre la forme d'une "Guerre populaire unifiée" (bien qu'il répugne à employer le terme, et préfère parler de la guérilla rurale comme d'une "insurrection armée"). La seconde partie de la citation présente des similitudes avec la stratégie des maoïstes péruviens ; il a d'ailleurs parfois pu être dit que la théorie de la "Guerre populaire unifiée" avait été développée par Gonzalo comme un "appel du pied" aux hoxhistes. Quoi qu'il en soit, la "Guerre populaire unifiée" telle qu'applicable dans certains pays sous certaines conditions n'est pas universelle, mais plutôt un exemple de forme particulière que peut prendre la Guerre populaire dans un pays donné.

    Bien que les conditions puissent modifier la conduite de la Guerre populaire, elles n'en transforment cependant pas la nature prolongée qui peut être décomposée en trois grandes étapes :

    1. Défensive stratégique
    2. Équilibre stratégique
    3. Offensive stratégique

    La défensive stratégique

    Ce stade de la Guerre populaire est caractérisé par un certain nombre d'opérations de guérilla visant à affaiblir l'ennemi par des engagements tactiques, en mettant à profit les points faibles de celui-ci. "Stratégie : un contre dix ; tactique : dix contre un" est un bon résumé de la tactique de l'Armée populaire à cette étape de la lutte prolongée. Au tout début de la GPP l'Armée du Peuple va être numériquement très inférieure à l'ennemi, c'est un fait objectif fondamental mais qui ne doit pas être vu comme une faiblesse. En concentrant une force supérieure pour détruire l'ennemi "petit morceau par petit morceau", en n'engageant le combat que lorsque la victoire est certaine, la Guerre populaire avance petit à petit :  

    “L'ennemi avance, nous reculons ; l'ennemi s'arrête, nous le harcelons ; l'ennemi s'épuise, nous l'attaquons ; l'ennemi recule, nous le pourchassons.” (Mao Zedong, “Une étincelle peut mettre le feu à toute la plaine”).

    India_Red_Corridor_map


    Dans la Guerre populaire d'Inde, jusque récemment, le ratio entre "naxalites" (maoïstes) et éléments des forces de répression (Central Reserve Police Force) tués était de 0,43 "naxalites" pour un policier. Ceci est une démonstration de l'application simple mais géniale de la défensive stratégique dans la Guerre populaire de ce pays. Les centres d'opération pour la défensive stratégique sont appelées "bases d'appui". En Chine elles se trouvaient essentiellement à la campagne, ce qui a aussi été le cas au Pérou et au Népal, et l'est aujourd'hui en Inde et aux Philippines. Les bases d'appui jouent un rôle de centres d'opération pour l'Armée populaire, mais servent aussi l'établissement d'une véritable situation de double pouvoir, pouvoir populaire parallèle au gouvernement bourgeois, "faible encore, embryonnaire, mais qui n'en a pas moins une existence réelle, incontestable, et qui grandit" (V.I. Lénine, Sur la Dualité du Pouvoir).

    En Chine ce double pouvoir avait pu prendre exemple sur l'Association des Paysans du Hunan, dont Mao avait pu directement observer les paysans forçant les grands propriétaires à réparer les routes et à réduire les taxes et autres loyers, commençant à combattre l'illettrisme etc. et dont il disait pour conclure que "les forces de la démocratie rurale se sont levées pour renverser les forces du féodalisme"  (Mao Zedong, Rapport d'investigation sur le mouvement des paysans du Hunan”). Les parallèles entre le Hunan et l'Inde sont ici frappants, comme lorsqu'au Bengale occidental "la démocratie rurale s'est levée pour renverser les forces du féodalisme" sous la forme d'un Comité populaire contre les Atrocités policières (PCAPA) qui couvre un territoire de plus de 2.000 villages.

    Les bases d'appui ne doivent pas être vues comme des "zones libérées", conception révisionniste développée - par exemple - par le FMLN au Salvador, qui voit la force dans le nombre des armes et l'étendue du terrain en possession des révolutionnaires, alors que la véritable force de la révolution ce sont les masses.

    L'équilibre stratégique

    Lorsque la GPP avance à travers un pays, et lorsque les bases d'appui et la situation de double pouvoir s'étendent et chassent l'armée bourgeoise des zones sous contrôle insurgé, l'on atteint ce que Mao appelle l'équilibre stratégique. Ce stade n'implique pas que l'Armée populaire ait déjà atteint l'égalité des forces avec l'ennemi ; il signifie simplement que les bases d'appui ont été stabilisées au point que le gouvernement révolutionnaire puisse jeter les bases de la nouvelle société. L'Armée populaire est déjà montée substantiellement en puissance jusqu'au point de pouvoir mener des opérations de grande échelle, mais pas encore au niveau de ce qui serait une guerre conventionnelle. Elle est devenue plus forte politiquement et idéologiquement, a vu s'accroître le nombre de combattants dans ses rangs et en remportant des batailles contre l'armée bourgeoise, a pu acquérir de meilleures armes ainsi qu'une inestimable expérience du combat. Le stade de l'équilibre stratégique voit toujours la réalité stratégique comme "un contre dix" et "dix contre un" tactiquement, mais il utilise la force des bases d'appui et non plus nécessairement la force primaire de la guérilla mobile comme c'est souvent le cas au stade de la défensive stratégique. Ceci est rendu possible en poussant l'ennemi à s'enfoncer en profondeur, puis en l'encerclant et en le détruisant petit à petit. L'Armée populaire accumule dans le même temps suffisamment de force pour permettre que l'ennemi soit vaincu complètement. En juin 1991, l'Armée péruvienne avait par exemple lancé une offensive dans la région d'Ayacucho afin d'y détruire la principale base d'appui du "Sentier Lumineux" (Parti communiste du Pérou).

    Areas where Shining Path was active in Peru
    Zones d'activité du "Sentier Lumineux" au Pérou


    L'ennemi s'était enfoncé profondément et avait établi son camp de base dans la petite ville de San Miguel. Les unités de l'Ejército Guerrillero Popular (Armée de guérilla populaire, EGP) procédèrent alors à l'encerclement, au siège et finalement à la destruction des militaires. San Miguel avait servi d'importante rampe de lancement pour les escadrons de la mort ronderos, mis en place en "réponse" au Sentier. Plusieurs jours après cet affrontement, l'Armée péruvienne envoya une patrouille militaire pour réorganiser les Ronderos ; celle-ci tomba également dans une embuscade et fut elle aussi anéantie. Une série d'embuscades du Sendero élimina une patrouille militaire à seulement une heure de la ville de garnison de Huanta. Le 24 septembre de la même année, pas moins de quatre patrouilles étaient mises hors de combat. Deux jours plus tard, l'Armée populaire attaquait un convoi de Ronderos transportant une cargaison d'armes. Le 7 octobre, jour anniversaire du Parti communiste du Pérou, le "Sentier Lumineux" menait à bien une série de cinq attaques contre des avant-postes de l'armée, des bases de Ronderos ainsi que des villages partisans du gouvernement ; repoussant même une attaque d'hélicoptères par des tirs de roquettes obtenues en pillant un convoi militaire. Près d'une centaine de soldats et de Ronderos furent tués dans ces attaques. Attirer l'ennemi et l'attaquer en terrain favorable, retournant contre lui sa propre campagne d'"encerclement et suppression", était aussi comme l'expliquait Mao "la principale forme de la guerre civile en Chine".

    L'offensive stratégique

    L'aboutissement final de la GPP est ce que Mao appelle l'offensive stratégique. C'est à ce stade que la Guerre populaire commence à acquérir les caractéristiques d'une guerre conventionnelle. La différence quantitative et qualitative entre l'Armée populaire et l'armée bourgeoise se réduit, puis grandit à niveau mais cette fois au profit de l'Armée populaire, tandis que l'armée bourgeoise subit défaite sur défaite jusqu'à ce qu'elle cesse totalement de fonctionner et que la guerre soit gagnée par les communistes. C'est aussi à ce stade que l'on peut réellement parler de manière certaine de la véritable existence de deux États dans le même pays, chacun avec ses propres forces militaires et institutions. Au Népal ce développement a été annoncé il y a presque dix ans, le 31 août 2004, par le Parti communiste du Népal (maoïste). Les maoïstes contrôlaient alors 80% des zones rurales ; la terre y était redistribuée aux paysans, les taxes collectées, des routes construites et des écoles ouvertes. Comme au Pérou, cette guerre avait pris un aspect de "Guerre populaire unifiée" où la présence maoïste se faisait également sentir dans les villes. Cela s'est particulièrement confirmé avec le soulèvement de Katmandou. Au cours de la première semaine d'août [en fait plutôt la semaine du 18, d'après les sources disponibles NDLR] de cette année-là, une grève conduite par les syndicats noyautés par les maoïstes bloqua complètement la 2425301563_482b1c6d7a_mville et stoppa tout traffic routier entrant et sortant durant une semaine entière. Des actions similaires avaient été menées précédemment dans d'autres villes du pays, mais c'était la première fois concernant la capitale [il y en aura d'autres encore, jusqu'au soulèvement général d'avril 2006 qui verra le début de la fin de la monarchie].

    En conclusion

    La théorie révolutionnaire de la Guerre populaire et de sa succession d'étapes doit être comprise comme chaque étape préparant la suivante et seulement rendue possible par la précédente. Cela signifie que la réalité stratégique de la défensive et de l'équilibre est défensive par nature, le second comportant cependant des éléments de ce que la guerre peut devenir ultérieurement. Au contraire, l'offensive stratégique suggère par son nom même un caractère offensif par nature. La guerre d'usure des deux premiers stades se transforme en offensive conventionnelle contre l'ennemi. En tant que tel, le caractère prolongé de la GP est aussi universel qu'indispensable. Il est nécessaire car l'objectif de la GPP n'est pas seulement de s'emparer du pouvoir d’État, mais aussi de développer la capacité du Peuple à exercer celui-ci. C'est pourquoi le processus doit être prolongé, comme l'est tout processus d'apprentissage : il doit reposer sur le Peuple, qui est le sujet révolutionnaire, lui apprenant et apprenant de lui en même temps.


    Nous ajouterions à tout cela que pour construire ces fameuses bases d'appui (première étape de la Guerre populaire véritable), il faut d'abord aux révolutionnaires IDENTIFIER les "territoires sociaux" où ces bases d'appui sont en premier lieu constructibles (pour les camarades étatsuniens c'est une tâche relativement évidente : ce sont évidemment tout d'abord les minorités - Noirs, Latinos, Premières Nations - et les territoires où elles sont parquées ; puis peut-être dans un second temps les communautés blanches les plus prolétarisées - dans les Appalaches par exemple).

    Ceci est tout et le SEUL sens (et nullement une quelconque tendance au "communautarisme" ou une volonté de "revenir aux duchés féodaux") du travail que nous menons depuis maintenant plusieurs années sur les périphéries de l'État français (qui est notre "théâtre d'opération" révolutionnaire), ces "territoires sociaux" dans lesquels nous voyons les plus évidentes bases d'appui de la révolution de demain : 1°/ les quartiers-ghettos où se concentrent majoritairement les "minorités visibles" racisées, colonisées-intérieures, et 2°/ les territoires "semi-ruraux" (campagnes + petites villes) ou encore les anciens grands bassins industriels sinistrés par la crise (où les "minorités visibles" sont d'ailleurs également présentes et pas peu nombreuses), en particulier ceux où la conscience de cette périphérisation est la plus forte, c'est-à-dire ceux où il y a conscience d'être un pays conquis (pro vincia) dans le cadre de la formation historique de l'État français. Nous considérons l'étude "géo-sociologique" sur la "France des fragilités sociales" (opposée à la "France des métropoles mondialisées") comme un bon - bien que peut-être approximatif - aperçu de ces territoires dont nous parlons.


    Il faut lire aussi à ce sujet le très bon article paru en 2005 dans la revue Arsenal du PCR Canada :


    Les bases urbaines du maoïsme
    (traduction du titre anglais : "Sur la question de la guerre révolutionnaire dans les pays impérialistes")


    Nous publions ces notes de travail qui ont été rédigées à la demande du Bureau politique du PCR(co) dans le but de poursuivre l’étude de la réalité de la Guerre populaire prolongée dans les pays impérialistes.

    «La politique est le point de départ de toute action pratique d’un Parti révolutionnaire et se manifeste dans le développement et l’aboutissement des actions de ce Parti. Toute action d’un Parti révolutionnaire est l’application de sa politique. S’il n’applique pas une politique juste, il applique une politique erronée; s’il n’applique pas consciemment une politique, il l’applique aveuglément. Ce que nous appelons expérience, c’est le processus d’application d’une politique et son aboutissement. C’est par la pratique du peuple seulement, c’est-à-dire par l’expérience, que nous pouvons vérifier si une politique est juste ou erronée, et déterminer dans quelle mesure elle est juste ou erronée. Mais la pratique des hommes, spécialement la pratique d’un Parti révolutionnaire et des masses révolutionnaires, se rattache nécessairement à une politique ou à une autre. Par conséquent, avant de mener une action, nous devons expliquer clairement aux membres du Parti et aux masses la politique que nous avons formulée à la lumière de circonstances données. Sinon, les membres du Parti et les masses s’écarteront de la direction politique donnée par notre Parti, agiront à l’aveuglette et appliqueront une politique erronée.»

    Mao Zedong
    À propos de la politique concernant l’industrie et le commerce, 27 février 1948


    Notre monde est un monde complexe. Tous les jours, des millions de personnes sont affectées par l’exploitation, l’oppression, la faim et la misère. Ici, comme dans tous les autres pays du globe, le capitalisme vient se gaver de sa part de nouvelles victimes. En effet, même les pays impérialistes modernes, qui sont pourtant les citadelles les plus sûres du capitalisme, n’échappent pas à ce système.

    Devant la puissance des capitalistes qui dominent la planète, ceux et celles qui en font les frais semblent avoir peu de moyens d’exprimer leur juste colère, leur révolte, leur désir d’un changement radical et complet. Pourtant, partout dans le monde, renaît constamment la lutte révolutionnaire. Elle peut bien prendre telle ou telle forme, mais elle demeure une activité que déploient directement ou indirectement des milliards de personnes sur la terre.

    C’est cette force qui faisait dire au président Mao que le vent d’est l’emporte sur le vent d’ouest. Il voulait ainsi dire que le désir de libération et de révolution l’emportait sur l’exploitation et le capitalisme. Ce sont les conditions matérielles d’existence qui prévalent à l’échelle du monde, entre autres l’intensification de l’exploitation du prolétariat et l’opposition croissante à cette exploitation, qui donnent vie à la lutte révolutionnaire et à la possibilité de changement.

    Notre point de départ

    Le PCR(co) part du fait que le système capitaliste ne peut être réformé ou mis au service des masses. Par conséquent, il est nécessaire d’éliminer ce système qui cause l’exploitation, la famine et la misère chez la très grande majorité des habitants et habitantes de la planète. Si nous voulons transformer radicalement la société canadienne et changer le monde, la révolution et la violence révolutionnaire sont absolument nécessaires.

    Pour établir les perspectives réelles de développement du mouvement révolutionnaire dans notre pays, encore faut-il savoir quelles stratégies et tactiques peuvent être déployées par le mouvement révolutionnaire pour faire face aux nouvelles conditions apparues avec le développement du capitalisme. En effet, depuis la révolution russe (1917), cette force n’a pas trouvé dans les pays impérialistes une direction politique révolutionnaire suffisamment juste pour briser ses chaînes, comme le disait si bien le Manifeste du Parti communiste.

    L’analyse de l’ensemble des organisations, de leurs programmes et du type de travail qui y est développé révèle plutôt que le facteur principal qui explique notre faiblesse dans les pays impérialistes est un problème de ligne politique. Nous réaffirmons que la révolution communiste doit être la moins aveugle des révolutions. Pour ce faire, il faut savoir apprendre et mettre en pratique le fruit de cet apprentissage.

    Aujourd’hui, trop d’organisations sont encore confuses sur la voie de la révolution et cette confusion explique en grande partie le peu de progrès accompli dans les pays impérialistes. Plus simplement, nous ne voulons pas voir que notre retard est principalement dû au fait que nous n’avons pas réussi à développer une stratégie adéquate pour renverser le capitalisme dans les pays impérialistes.

    Ce constat nous oblige à procéder à l’analyse serrée des conditions objectives et subjectives de la révolution dans les pays impérialistes afin de répondre à cette question complexe : quelle stratégie faut-il développer dans un pays impérialiste puissant pour espérer renverser la bourgeoisie capitaliste ?

    En ce sens, parler de révolution et de Guerre populaire, ce n’est pas appeler immédiatement toutes les forces révolutionnaires dans tous les pays à prendre les armes et à attaquer l’ennemi sans préparation et sans compréhension réelle des conditions concrètes.

    Parler de révolution, c’est commencer immédiatement la réflexion sur les questions touchant la guerre révolutionnaire, en mettant son organisation à l’ordre du jour et en préparant maintenant son développement dans le futur.

    Comme il est écrit dans le programme du PCR(co) adopté lors de son premier congrès,

    «se préparer à un tel affrontement, ce n’est pas seulement y penser une fois de temps en temps, entre deux grèves ou deux campagnes électorales, ni simplement écrire sur papier, à la fin d’un article quelconque, qu’il faudra bien, “un jour”, utiliser la violence quand la bourgeoisie s’attaquera à nous. Se préparer à la révolution, c’est aussi et surtout une tâche concrète, une lutte idéologique et politique immédiate.»

    La violence révolutionnaire est nécessaire

    La violence est accoucheuse de l’Histoire. Cette vérité, les grands révolutionnaires l’ont amplement répétée. La révolution, c’est-à-dire l’acte qui consiste pour le prolétariat à arracher des mains de la bourgeoisie le pouvoir d’État, est nécessairement un acte violent et cela oblige les révolutionnaires à se préparer à affronter cette dimension militaire fondamentale et incontournable dans l’activité révolutionnaire, que cette activité se développe dans un pays impérialiste ou un pays dominé. C’est ce que Mao a exprimé dans sa célèbre formule : La tâche centrale et la forme suprême de la révolution, c’est la conquête du pouvoir par la lutte armée, c’est résoudre le problème par la guerre. Ce principe révolutionnaire marxiste-léniniste est valable partout, en Chine comme dans tous les autres pays. (Problèmes de la guerre et de la stratégie, O.C., t. II)

    Dans leurs écrits et leurs actions, les grands penseurs révolutionnaires ont tenté, à leur manière et selon les exigences des conditions historiques où ils agissaient, de comprendre et d’enrichir la doctrine militaire du prolétariat. Pour Lénine, il était important de ne pas se rattacher à une forme de combat unique et déterminée, comme par exemple, la guerre des partisans. Il a aussi précisé que le marxisme exigeait que la question des formes de luttes soit envisagée sous l’aspect historique. Mao est absolument limpide lorsqu’il écrit que sans armée le peuple n’a rien, que le pouvoir naît du fusil, que le problème se résout par la guerre.

    Le fil conducteur de toutes ces réflexions sur la question de la guerre et de la révolution est résumé par Mao dans son texte intitulé Problèmes de la guerre et de la stratégie lorsqu’il écrit :

    «Du point de vue de la doctrine marxiste sur l’État, l’armée est la partie constitutive principale du pouvoir d’État. Celui qui veut s’emparer du pouvoir d’État et le conserver doit posséder une forte armée. Certains ironisent sur notre compte en nous traitant de partisans de “l’omnipotence de la guerre”. Eh bien oui! nous sommes pour l’omnipotence de la guerre révolutionnaire. Ce n’est pas mal faire, c’est bien faire, c’est être marxiste.»

    Mais, en y regardant de plus près, on peut constater que les organisations révolutionnaires dans les pays impérialistes (du moins celles qui reconnaissent la nécessité de la lutte armée) n’anticipent pas cette tâche hautement stratégique et déterminante. Mao dit de la guerre révolutionnaire que c’est la forme suprême de la révolution. Elle devrait donc, normalement, occuper une partie importante de notre action théorique, de nos réflexions. Elle devrait pousser tous et toutes les communistes à inclure une dimension illégale et militaire dans leur travail communiste afin d’en faire stratégiquement le cœur de l’action révolutionnaire.

    La révolution permet le changement, mais c’est aussi un acte de violence qui apporte son lot de dérangements, de destruction et de souffrances. Cependant, comme Mao nous l’a enseigné, dans l’histoire se sont développées différentes sortes de guerres : les guerres justes et les guerres injustes. Les guerres menées par les masses exploitées ont toujours été des facteurs de progrès – prendre le fusil pour qu’il n’y ait plus de fusil. Au contraire, ne pas mener ces guerres prolonge l’existence des systèmes exploiteurs, ce qui représente un obstacle au progrès.

    La stratégie insurrectionnelle

    Avant la révolution chinoise, nous disposions d’une seule stratégie pour développer la révolution prolétarienne : la stratégie de l’insurrection exposée et mise de l’avant par Lénine. Lénine a appliqué cette stratégie en Russie où il existait des rapports de production capitalistes. Le prolétariat, par l’entremise du Parti, dirigeait alors les masses populaires qui ont pris les armes lors de la crise révolutionnaire. Ces dernières se sont emparé du pouvoir politique pour ensuite déclencher une guerre civile contre l’ennemi dans l’ensemble du pays. Après s’être emparé de tout le territoire, le prolétariat a, par la suite, conquis le pouvoir politique dans tout le pays.

    La stratégie insurrectionnelle telle qu’appliquée par les bolcheviques était juste et correspondait aux exigences du moment. Malgré cela, le renversement du pouvoir de la bourgeoisie aurait pu ne pas avoir lieu. Pour y parvenir, Lénine a dû lutter contre les différents courants politiques totalement insérés dans la légalité bourgeoise (IIe Internationale) qui étaient représentés par les mencheviks.

    Lénine écrit dans La maladie infantile du communisme, le gauchisme :

    «La loi fondamentale de la révolution, confirmée par toutes les révolutions et notamment par les trois révolutions russes du XXe siècle, la voici : pour que la révolution ait lieu, il ne suffit pas que les masses exploitées et opprimées prennent conscience de l’impossibilité de vivre comme autrefois et réclament des changements. Pour que la révolution ait lieu, il faut que les exploiteurs ne puissent plus vivre et gouverner comme autrefois.»

    Ce que précise Lénine, c’est que, pour réussir, il faut une crise nationale affectant les exploiteurs et les exploités. Il faut que les classes dirigeantes soient traversées par une crise qui entraîne dans la vie politique les masses les plus arriérées au plan politique tout en affaiblissant le pouvoir de la bourgeoisie, rendant possible pour les révolutionnaires son prompt renversement.

    Lénine a aussi dû convaincre son propre Parti qui hésitait à se lancer à l’assaut du pouvoir. Par exemple, Kamenev et Zioniev, membres du Comité central, ont dénoncé publiquement les préparatifs de l’insurrection, avec les conséquences que cela aurait pu avoir.

    Lénine avait raison de lancer l’insurrection alors que les conditions étaient mûres. Il n’en demeure pas moins que la véritable stratégie des bolcheviques n’était pas la voie insurrectionnelle, mais celle de la guerre civile, incluant la possibilité d’insurrections. Pourtant, le mouvement communiste, dans son ensemble, a développé, sur la base de l’expérience russe, toutes les questions touchant la prise de pouvoir à partir de l’insurrection, évacuant à peu près complètement la question de la guerre civile.

    Lénine, répondant à l’avance aux dogmatiques, qualifiait de déraisonnable ou même criminelle la conduite d’une armée qui n’apprendrait pas à manier toutes les armes, tous les moyens et procédés de lutte dont dispose ou dont peut disposer l’ennemi.

    «On peut moins encore prévoir en politique quel moyen de lutte se révèlera, dans telles ou telles situations futures, praticable ou avantageux pour nous. Ne pas savoir user de tous les moyens de lutte, c’est risquer une grande défaite – pour peu que des changements indépendants de notre volonté, survenus dans la situation des autres classes, mettent à l’ordre du jour une forme d’action où nous serions particulièrement faibles.»

    Or justement, suite à la révolution russe et à la fin de la Première Guerre mondiale, les conditions objectives de la révolution dans un pays impérialiste se sont modifiées et pour la bourgeoisie, et pour le prolétariat.

    Du côté de la bourgeoisie :

    1. l’État s’est modernisé, alors que l’exécutif centralise et assume directement le pouvoir ;
    2. l’armée est maintenant devenue un corps professionnel ;
    3. la bourgeoisie, au niveau international, a l’expérience de la lutte contre le communisme ;
    4. le capitalisme dans les pays impérialistes a développé des mécanismes qui lui permettent de se maintenir malgré les crises économiques.


    Du côté du prolétariat :

    La stratégie insurrectionnelle est devenue l’unique stratégie mise de l’avant dans l’Internationale communiste (IC), elle exigeait une préparation minutieuse et de tous instants. Tous les Partis communistes devaient disposer d’un appareil illégal, de caches d’armes et de milices entraînées afin d’être prêts pour le moment où les conditions seraient réunies pour l’insurrection.

    En général, le bilan de l’application mécanique de cette stratégie n’est que celui d’une longue succession d’échecs coûteux. Défaite à Berlin (1919) – défaite en Hongrie (1919) – défaite à Hambourg (1923) – défaite à Tallin (1924) – défaite en Italie et prise du pouvoir par les fascistes – défaite en Allemagne et prise du pouvoir par les nazis – Lituanie (1926) – Autriche (1933) – Espagne (1936-1939) – Salazar au Portugal, etc. Partout la bourgeoisie, menacée par l’insurrection, a pris les devants et empêché la concentration des forces prolétariennes.

    Le problème de la stratégie insurrectionnelle, c’est qu’elle repose sur une conception stéréotypée de ce qu’est une situation révolutionnaire et qu’elle ne permet pas de faire face à l’État bourgeois moderne et à l’armée bourgeoise moderne des capitalistes. L’expérience historique démontre pourtant que se lancer dans une guerre sans préparation militaire adéquate est non seulement un jeu dangereux, mais que c’est une entreprise vouée à l’échec.

    La théorie insurrectionnelle a eu dans le mouvement communiste deux effets particulièrement destructeurs :

    Premièrement, l’attente d’une crise révolutionnaire dans les pays impérialistes, suite à la Deuxième Guerre mondiale, a débouché sur l’insertion prolongée dans la légalité bourgeoise, ce qui a permis au révisionnisme moderne de bien mener son travail de sape dans les organisations nées de la première vague révolutionnaire (1917-1949).

    Tandis que le capitalisme amorçait une période de croissance et de développement (1945-1975), période qui s’est caractérisée par les grandes conquêtes sociales du prolétariat dans les pays impérialistes et par les victoires des luttes de libération nationale dans les pays dominés, les révisionnistes ont pu bénéficier de ces gains qui cautionnaient leur conception du monde : coexistence pacifique et possibilité d’arriver au socialisme par des moyens pacifiques. Partout, les puissants Partis communistes ont été récupérés par le capitalisme à visage humain et intégrés à l’appareil d’État capitaliste par le biais du parlementarisme.

    Sans direction réellement révolutionnaire, les masses ont tout de même réussi à arracher des améliorations dans les pays impérialistes et dominés. Pourtant ces améliorations, quoique importantes, n’ont pas, dans les faits, altéré le système capitaliste. Au plus, elles ont amélioré le sort des masses temporairement, tout en accentuant les contradictions du système capitaliste.

    Par ailleurs, les conquêtes du prolétariat et le développement du capitalisme ont profondément transformé le prolétariat. Ce dernier a vu ses rangs grossir de façon importante durant le renversement du cycle économique (1975-2005) alors qu’une nouvelle période de crise du capitalisme et d’offensive de la bourgeoisie, tant au niveau international que national, s’est installée.

    Il est à noter que, durant les années 1970, la grande majorité des nouvelles organisations révolutionnaires nées de l’effervescence des masses, incluant le mouvement marxiste-léniniste dans sa presque totalité, n’a pas dépassé ce même horizon du cadre de domestication imposé par le capitalisme. Au plus l’a-t-il débordé de temps à autres sans jamais réellement le menacer.

    Aujourd’hui encore, la majorité des organisations du mouvement communiste croient que la puissance dont dispose la bourgeoisie impérialiste impose la stratégie insurrectionnelle parce que :

    1. Dans les pays impérialistes, la classe dominante est centralisée et dispose d’un État fort qui a des ramifications qui s’étendent sur tout le territoire. Cet État dispose de la technologie et des moyens de transport et de communication qui permettent de déplacer rapidement et massivement les forces armées.
    2. La condition générale des masses ne les pousse pas à être des participantEs actifs et actives dans la guerre révolutionnaire, si ce n’est lors des périodes relativement rares de crises intenses du capitalisme et de toute la société.


    Deuxièmement, pour certains, cela a confirmé l’idée que la révolution suit un mouvement particulier. Selon eux, elle doit se développer en premier lieu dans les pays dominés, puis, quand un nombre suffisant de ces pays (quantitativement et qualitativement) auront réussi leur révolution, les conditions seront là pour que ce mouvement se poursuive dans les pays impérialistes.

    Cela a aussi cautionné l’adhésion à la théorie insurrectionnelle sous la forme de la stratégie du vide qui veut que plus on s’éloigne des pays impérialistes, plus la lutte armée se justifie et que plus on s’en rapproche, plus la lutte armée devient impossible, voire terroriste-élitiste.

    Finalement, toutes ces élaborations ont été autant de freins importants au développement de la révolution dans le monde. Pourtant, la stratégie insurrectionnelle, qui par ailleurs est la seule à avoir été appliquée dans les pays impérialistes, ne repose sur aucune expérience positive significative depuis la révolution russe.

    Dans un cas comme dans l’autre, cela débouche, de façon exclusive, sur un travail révolutionnaire légal. L’objectif, c’est alors d’utiliser l’agitation et la propagande communiste dans les masses jusqu’à ce que les révolutions dans les pays dominés accélèrent les possibilités d’une crise révolutionnaire. Il serait alors possible de profiter d’une situation où la bourgeoisie impérialiste serait suffisamment affaiblie pour lui porter de puissants coups, l’objectif avoué étant de regrouper les éléments d’avant-garde afin d’être à la hauteur de la situation dans la période à venir et de pouvoir relever les défis, et y saisir les occasions qui se dégagent de la crise profonde qui touche d’une façon ou d’une autre toutes les forces impérialistes ou réactionnaires dans le monde.

    Selon nous, cette conception stratégique du travail communiste dans les pays impérialistes retarde l’avance de la révolution.

    1. Elle entretient le refus ou l’incapacité à comprendre les causes qui ont empêché le mouvement communiste de progresser dans les pays impérialistes durant la première vague des révolutions prolétariennes et nous condamne donc à répéter les mêmes erreurs.
    2. Elle permet à l’opportunisme de droite et à l’économisme radical de se développer dans nos rangs.
    3. Elle ne permet d’organiser les masses qu’à l’intérieur du cadre imposé par la bourgeoisie.
    4. Elle retarde la construction, même embryonnaire, d’une armée rouge.
    5. Elle développe un internationalisme passif.


    Même si elle a permis la victoire en Russie, la Voie d’Octobre, c’est-à-dire le processus qui s’amorce par une insurrection urbaine, ou par des insurrections multiples et simultanées débouchant sur une guerre civile, n’est plus valide pour les pays impérialistes comme stratégie de prise de pouvoir. Pour retrouver sa validité, l’insurrection doit s’intégrer dans une stratégie plus vaste.

    L’effet immédiat et visible de l’adhésion à la stratégie insurrectionnelle, c’est qu’après plus de 80 ans de combat communiste, et depuis la révolution russe en particulier, toutes les révolutions se sont développées loin des centres impérialistes du monde.

    Il est possible, voire probable, qu’à terme la prise du pouvoir par le prolétariat comporte une phase insurrectionnelle, que suite au développement de la guerre révolutionnaire, la bourgeoisie se retrouve en crise et qu’elle soit dans l’impossibilité de gouverner. Mais de présupposer que, suite au seul travail d’agitation – même étalé sur plusieurs années – lorsque surgira une situation révolutionnaire, les masses se mettront en mouvement en acceptant d’emblée la direction des communistes, c’est risquer de se faire voler à tous les niveaux l’initiative par la bourgeoisie.

    La Guerre populaire, un point de vue général

    La révolution exige des communistes d’être préparéEs à saisir toutes les occasions. Cette préparation ne doit pas être limitée à la simple agitation et à la propagande, d’autant plus que, depuis la première vague des révolutions, les bourgeoisies des principaux pays impérialistes en ont profité pour engranger une somme importante d’expériences dans la lutte contre le communisme et la révolution, tout en développant des capacités militaires et technologiques gigantesques.

    Pour qu’il soit possible de disposer de forces suffisantes pour saisir toutes les occasions et faire face à toutes les situations, il faut avoir appris à combattre. Et apprendre, c’est aussi une activité pratique, qui se développe quand on en fait l’expérience.

    Toutes les révolutions sont liées les unes aux autres. Les luttes menées par les peuples des pays dominés contre l’impérialisme aident à faire progresser la révolution ici, mais l’inverse est également vrai. Selon nous, si la révolution se développe dans les pays les plus arriérés et difficilement dans les métropoles impérialistes, cela n’a pas seulement à voir avec les conditions matérielles de la lutte, mais aussi avec les conditions subjectives.

    Par exemple, le succès de la révolution russe de 1917 a relancé le combat communiste et propagé le marxisme-léninisme dans le monde, tout comme l’étude et la compréhension des questions militaires touchant l’insurrection. L’Internationale communiste a donné de nombreuses indications théoriques et pratiques concernant cette dernière, confirmant par le fait même son caractère stratégique de la plus haute importance.

    C’est par volonté de faire avancer la révolution ici, par nécessité d’être prêtEs à affronter la bourgeoisie et tout ce qu’elle peut lancer contre nous – ne tue-t-elle pas des millions de personnes à chaque année – que nous appuyons l’expérience la plus forte qui ait existé : la Guerre populaire prolongée (GPP). Selon nous, cette dernière trouve des applications dans les pays impérialistes et l’emporte sur la thèse de la théorie insurrectionnelle qui ne peut plus être la stratégie adéquate pour renverser la bourgeoisie.

    Pour le PCR(co), être pleinement participant au mouvement révolutionnaire signifie :

    1. adhérer pleinement au maoïsme ;
    2. développer la stratégie de la GPP appliquée aux conditions concrètes du Canada, en s’appuyant sur la notion de bases urbaines, afin d’y faire la révolution le plus rapidement possible ;
    3. se lier au niveau international aux autres Partis maoïstes.


    Avec la GPP, les forces révolutionnaires au Canada et dans le monde mettent en application la stratégie la plus élaborée du prolétariat en ce qui a trait à la question de la prise du pouvoir. La GPP permet d’unir tout ce qui peut être uni contre l’impérialisme canadien et mondial.

    La GPP a une valeur universelle, c’est-à-dire qu’elle est applicable partout, dans tous les types de pays, en tenant compte des conditions concrètes qui règnent. C’est exactement ce que nous a démontré le Parti communiste du Pérou et ce que nous démontre le Parti communiste du Népal (maoïste). Ces Partis ont appliqué la GPP (les lois générales de la GPP) aux conditions concrètes (les lois particulières de la GPP), applications qui ont été formulées respectivement dans la pensée Gonzalo et la voie de Prachanda.

    Pour briser tous les obstacles qui se dressent devant nous et qui empêchent le progrès, pour abolir le capitalisme, nous défendons la thèse qu’il faut dans les pays impérialistes mener la guerre révolutionnaire. Aujourd’hui, être révolutionnaire signifie être maoïste et s’appuyer sur les apports du président Mao tant en termes d’approfondissement du marxisme et du léninisme que de la réponse qu’il a su apporter pour les révolutionnaires en ce qui a trait à une stratégie cohérente et réellement révolutionnaire permettant d’abolir le capitalisme. Comme l’indique le programme du PCR(co), nous considérons qu’avec les apports de Mao, la science révolutionnaire du prolétariat a connu un bond important grâce à la théorie de la GPP.

    Mao, tout comme Lénine, est parvenu à expérimenter et à développer une ligne militaire gagnante. Même si Mao a développé la stratégie de la GPP dans les conditions de la Chine des années 1930-1940 – c’est-à-dire dans les conditions de la révolution dite de démocratie nouvelle – il a aussi contribué à faire progresser de façon inestimable la science de la révolution en ce qui a trait aux questions militaires.

    Parmi ces principes, certains ont une valeur universelle.

    1. La guerre révolutionnaire, c’est la guerre des masses. On ne peut la faire qu’en mobilisant les masses, qu’en s’appuyant sur elles. (Soucions-nous davantage des conditions de vie des masses et portons plus d’attention à nos méthodes de travail, O.C., t. I) Elle permet de libérer le plein potentiel des masses. La guerre révolutionnaire repose essentiellement sur l’énergie, la conscience et l’abnégation des masses qui, à travers la Guerre populaire, développent leurs capacités à diriger la société.
    2. Le pouvoir est au bout du fusil.
    3. Le Parti commande au fusil. Le Parti révolutionnaire doit diriger l’armée révolutionnaire et la guerre révolutionnaire. L’armée ne doit jamais diriger le Parti et devenir la force dirigeante de la révolution ou une force indépendante du Parti.
    4. Stratégiquement, il est important de compter sur ses propres forces.
    5. Ce sont les hommes et les femmes des masses qui représentent la force décisive et non les armes, même les plus modernes.

       

      «Les armes sont un facteur important, mais non décisif, de la guerre. Le facteur décisif, c’est l’homme et non le matériel. Le rapport des forces se détermine non seulement par le rapport des puissances militaires et économiques, mais aussi par le rapport des ressources humaines et des forces morales. C’est l’homme qui dispose des forces militaires et économiques.»
      (De la guerre prolongée, O.C., t. II)

    Les aspects universels

    Les lois de la révolution nous enseignent qu’il faut un Parti né et trempé dans la lutte des classes pour diriger le processus révolutionnaire et que ce Parti doit être intimement lié aux masses et aux organisations générées par les masses. Ce Parti maoïste doit guider la mobilisation des masses dans tous les domaines, à tous les niveaux et par tous les moyens. Le Parti doit diriger et susciter la mobilisation des masses pour défendre toutes les conquêtes que la bourgeoisie impérialiste tente d’éliminer. Il doit diriger et promouvoir la mobilisation des masses pour ravir à la bourgeoisie impérialiste toutes les autres conquêtes nécessaires. Le Parti doit apprendre et généraliser les lois selon lesquelles la révolution se déroule. C’est seulement alors, sur la base de cette expérience, que les masses dirigées par le prolétariat mèneront une partie croissante de leurs luttes et de leurs forces dans la guerre. Celle-ci deviendra alors la forme principale de l’antagonisme entre le prolétariat et la bourgeoisie.

    L’objectif du Parti est la conquête du pouvoir et sa défense, à travers l’initiation et le développement de la Guerre populaire.

    Les lois de la révolution nous enseignent qu’il faut une armée révolutionnaire pour diriger les masses lorsque celles-ci abandonnent le terrain de la discipline imposée par l’État bourgeois. Mao précise : celui qui veut s’emparer du pouvoir d’État et le conserver doit posséder une forte armée. Mais construire une armée ne s’improvise pas. On ne peut laisser cela à la seule spontanéité.

    Dans la voie qui mène à la révolution, les communistes doivent, sur la question militaire, être à l’avant-garde des masses révolutionnaires décidées à recourir à la violence organisée. La lutte des classes, en s’intensifiant, tant en profondeur qu’en étendue, donne invariablement naissance à un groupe d’hommes et de femmes prêts et prêtes à s’engager directement, avec tous les risques que cela comporte, dans l’action révolutionnaire totale contre le capitalisme et son État afin de renverser le capitalisme.

    Pour le Parti, il s’agit de savoir comment utiliser ces forces naissantes, éparpillées et souvent politiquement confuses, afin qu’elles servent à la révolution au Canada. L’objectif premier, c’est la construction du Parti révolutionnaire dont le prolétariat a besoin pour mener son combat tout en permettant de forger, à même la lutte des classes, les premiers éléments d’une armée populaire.

    Cet embryon de la future armée populaire devrait, à son tour, ouvrir la voie aux masses prolétariennes qui, peu à peu, délaisseront le cadre de domestication imposé par la bourgeoisie. La violence révolutionnaire peut prendre de multiples formes. Il y a celle qui est portée par l’avant-garde et celle qui est générée par la colère des masses. L’une et l’autre sont deux facettes du même phénomène révolutionnaire, l’une étant la forme organisée de cette violence – guérilla, guerre de partisans, guerre révolutionnaire – et l’autre sa forme spontanée.

    Mao a établi les normes de la construction d’une armée révolutionnaire. Cette armée se différencie des armées bourgeoises par le fait qu’elle sert à l’accomplissement des tâches politiques que le Parti établit en fonction des intérêts du prolétariat et du peuple.

    Les lois de la révolution nous enseignent qu’il faut former un front uni entre les masses révolutionnaires et tous les groupements révolutionnaires placés sous la direction d’un tel Parti. Le front permet le rassemblement de toutes les forces révolutionnaires qui luttent contre les forces de la réaction à travers la Guerre populaire. Dans un pays impérialiste moderne, ce front s’appuie sur la direction du prolétariat représenté par le Parti et doit garantir la suprématie du prolétariat dans la révolution, tout en permettant au camp de la révolution de s’accroître au maximum.

    Les aspects particuliers

    • Sur la situation révolutionnaire

    Depuis l’avènement de l’impérialisme, le système capitaliste est traversé par des cycles économiques contradictoires. Les attentats du 11 septembre n’ont fait qu’accélérer le mouvement de crise de la société capitaliste et la difficulté pour les capitalistes, dans le cadre actuel, de poursuivre l’accumulation. Ces derniers doivent enlever aux masses, et au prolétariat surtout, tout ce qu’elles ont pu arracher lors de la période 1945-1975.

    Que comprendre de la situation actuelle? On peut constater qu’au niveau mondial, une étape du capitalisme se termine et qu’une nouvelle émerge. Cela se manifeste dans la mobilisation réactionnaire et dans la mobilisation révolutionnaire des masses. Soit la bourgeoisie conserve son contrôle sur les masses et réussit à les maintenir à l’intérieur de son cadre de domestication – à titre d’exemple, des millions de personnes ont manifesté contre la guerre injuste menée par les États-Unis contre l’Irak sans que cela ne change fondamentalement rien à leurs plans – soit les forces de la révolution dirigeront les masses. La révolution avancera alors et la nouvelle société se séparera de l’ancienne. C’est ce qui se passe présentement au Népal.

    L’ensemble des mobilisations (révolutionnaires et réactionnaires) font du monde actuel, un monde instable où se développe une crise révolutionnaire affectant l’ensemble des pays à différents niveaux. Ainsi, nous nous retrouvons au niveau mondial, avec :

    • un aiguisement des contradictions inter-impérialistes,
    • un aiguisement des contradictions entre les pays impérialistes et les peuples des pays dominés,
    • un aiguisement des contradictions au sein des bourgeoisies nationales,
    • un aiguisement des contradictions entre la bourgeoisie et le prolétariat avec une accentuation de la pression contre le prolétariat et la perte des conquêtes réalisées dans la période précédente.


    Le tout forme un mélange hautement volatile attendant d’exploser sous une poussée révolutionnaire suffisante.

    Nous sommes au début de l’époque des nouvelles tempêtes révolutionnaires où les forces de la révolution, grâce au maoïsme, s’arment adéquatement pour briser l’ordre capitaliste! Cette période, nous devons la rendre la plus profitable possible afin de faire avancer la révolution et de multiplier les gains.

    • Le paysage canadien

    Au Canada comme dans l’ensemble des pays impérialistes et bientôt l’ensemble des pays du monde, la Guerre populaire se déroulera surtout dans les zones urbaines. Le Canada est un pays impérialiste fortement urbanisé, 79,7% de la population vit en ville. Plus de 51% de la population urbaine du Canada est concentrée dans quatre régions :

    • le sud de l’Ontario,
    • Montréal et ses environs,
    • la vallée du bas Fraser et le sud de l’île de Vancouver en Colombie-Britannique,
    • le couloir de Calgary à Edmonton.


    Ces quatre grandes régions représentent aussi le cœur de l’impérialisme canadien.

    L’appareil d’État est puissant et sophistiqué. Une seule classe s’y est assuré une abondance de richesses : la classe des capitalistes. Cette classe hautement parasitaire est très puissante et représente environ 5 à 7% de la population (près de 2 millions de personnes) et elle exploite férocement le prolétariat canadien. En 2004, le Canada comptait environ 60 000 policiers (188 policiers pour 100 000 habitants). Mais cela ne tenait pas compte de la montée fulgurante des agences privées qui, de plus en plus, patrouillent les zones industrielles et les zones urbanisées pauvres des grandes villes comme Toronto en lieu et place de la police.

    Malgré sa petite taille, 83 952 personnes parmi lesquelles on retrouve 62 000 militaires dont près de la moitié sont des membres de la milice (réservistes), l’armée canadienne est une organisation efficace au service de la bourgeoisie. Elle est basée sur une structure régionale de commandement formée de quatre secteurs (l’Ouest, le Centre, le Québec et l’Atlantique) qui couvrent l’ensemble du territoire. Environ 1 500 soldats sont présentement déployés dans différentes opérations internationales, la plus grosse étant l’opération Athéna en Afghanistan. Donc, malgré la cosmétique humanitaire dont elle se pare, le rôle de l’armée canadienne est essentiellement d’assurer la défense du capitalisme au Canada.

    Plus de 65% de la population du Canada se retrouve dans le prolétariat, ce qui lui confère un rôle déterminant comme force dirigeante et force principale de la révolution. De plus, le prolétariat peut et doit rassembler autour de lui d’autres forces qui ont aussi intérêt à la destruction du capitalisme au Canada : les Premières Nations et certaines couches de la petite-bourgeoisie. La somme de toutes ces forces pouvant s’organiser sous la direction du prolétariat et de son Parti confère un caractère populaire à la révolution.

    Le noyau dur du prolétariat se retrouve chez les larges couches, à sa base. Ce sont les millions de travailleurs et de travailleuses qui n’ont vraiment rien à perdre mais au contraire tout à gagner au renversement du capitalisme. Ces couches comprennent :

    • les travailleurs et les travailleuses pauvres et exploitéEs, qui sont reléguéEs au bas de l’échelle,
    • les prolétaires présentement excluEs du marché du travail et qui forment l’armée industrielle de réserve des capitalistes,
    • les nouvelles couches du prolétariat issues de l’immigration,
    • les femmes qui continuent à investir massivement le marché du travail,
    • les jeunes qui font face plus que tous autres au travail précaire et sous-payé,
    • les prolétaires d’origine autochtone pour qui le chômage constitue la règle et qui souffrent de la discrimination la plus éhontée.


    Il faut aussi préciser que la société canadienne est traversée par plusieurs types de contradictions, qui sont d’ailleurs appelées à jouer un rôle plus ou moins important selon les circonstances :

    • contradictions qui opposent certains secteurs de la bourgeoisie entre eux,
    • contradictions inter-impérialistes,
    • contradictions entre la petite-bourgeoisie et les autres classes.


    Quant aux nations autochtones, dont l’oppression et le vol du territoire remontent à l’arrivée des premiers Européens en Amérique, leurs conditions ne cessent de s’aggraver. Les territoires des nations autochtones ont été une condition essentielle dans la formation du capitalisme canadien et maintenant, ils sont devenus pour ainsi dire de véritables colonies intérieures du pays.

    Toute stratégie de destruction du pouvoir de la classe capitaliste doit reposer sur une appréciation juste de ces contradictions et de leur utilisation dans le but de faire croître le camp de la révolution et d’isoler par le fait même les forces de la réaction. L’ensemble de la vie matérielle, politique, idéologique et spirituelle est influencé de façon déterminante par ce combat qui oppose de façon absolue les intérêts du prolétariat et ceux de la bourgeoisie. C’est autour de ces deux grandes classes que se forment les deux vastes camps qui s’opposent – celui de la révolution et celui de la réaction. Cela veut dire qu’aujourd’hui, la stratégie révolutionnaire au Canada doit être entièrement tournée vers la révolution socialiste.

    Première constatation : de par sa position, la bourgeoisie canadienne ne peut continuer à opérer sans changements les conquêtes arrachées par le prolétariat durant l’après-guerre : assurance-chômage, soins de santé, éducation aux frais de l’État, autres programmes sociaux, etc. La bourgeoisie est dans l’obligation, pour se maintenir au niveau mondial, de les transformer en leur contraire (rendre inopérables les programmes) ou de les faire disparaître. C’est pourquoi, depuis de nombreuses années, la bourgeoisie canadienne s’attaque directement au prolétariat et à ses organisations de défense.

    Seconde constatation : le prolétariat ne peut plus arracher, à l’intérieur du capitalisme, de nouvelles conquêtes significatives. Depuis le milieu des années 1970, le prolétariat a vu ses conditions de vie et de travail se dégrader. On assiste, pour la même période, à un important accroissement du prolétariat et à un appauvrissement marqué de larges sections qui le composent.

    Troisième constatation : une crise subite du capitalisme canadien et de son État est peu plausible. Cette possibilité est très réduite pour l’ensemble des pays impérialistes, car, contrairement à la situation de l’époque de la révolution russe, le capitalisme a, depuis, développé des méthodes et des institutions telles que les banques, les associations de capitalistes, les négociations collectives, la fiducie, la politique économique de l’État et les services sociaux.

    Ces mesures et institutions permettent à la bourgeoisie de se maintenir malgré les effets les plus destructeurs propres à l’économie capitaliste et de maintenir une stabilité politique. Bref, sous le capitalisme, les grandes et puissantes crises du début du siècle cèdent la place à de nouvelles formes de crises de longues durées.

    Quatrième constatation : au Canada, les forces de la révolution sont petites. Il existe un potentiel objectif dans le Nord canadien où se trouve une crise révolutionnaire en développement entre le capitalisme canadien et les peuples autochtones. La lutte révolutionnaire des peuples autochtones du Canada a pour objectif de libérer ceux-ci du joug impérialiste canadien. Cette lutte fait partie intégrante des possibilités de réussite de la stratégie de la GPP au Canada. On peut même dire que cette lutte devra être intégrée au front uni dirigé par le prolétariat parce qu’elle est décisivement liée à la révolution prolétarienne.

    La difficulté pour le Parti est de réussir à combiner la lutte révolutionnaire pour le socialisme à la lutte des peuples autochtones. Notre proposition d’Union des Républiques populaires d’Amérique du Nord et la lutte contre le parlementarisme et le nationalisme bourgeois sont des éléments qui favorisent cette combinaison.

    Cinquième constatation : au Canada, l’aristocratie ouvrière est puissante. Politiquement, cette couche est la voie de pénétration de la bourgeoisie dans le prolétariat et, avec la petite-bourgeoisie salariée, elle domine les syndicats. L’aristocratie ouvrière et la petite-bourgeoisie composent et la direction effective, et le gros du membership des organisations de défense du prolétariat. Ces forces sont, pour l’instant, hostiles en majeure partie à la révolution. Elles sont, en règle générale, totalement soumises à la discipline imposée par la bourgeoisie.

    Il faut tenir compte des conditions concrètes qui prévalent au Canada et probablement dans tous les pays impérialistes :

    • la force de la bourgeoisie et de ses institutions, ainsi que des différentes contradictions qui traversent la société,
    • les contradictions qui traversent le prolétariat, entre autres la mainmise idéologique de la bourgeoisie et de la petite-bourgeoisie sur les organisations prolétariennes.


    Ceci contribue à imposer un rapport de force défavorable au camp de la révolution. Ce rapport de force (tant en terme qualitatif que quantitatif) est, pour l’instant, défavorable au camp de la révolution. Ceci impose un caractère prolongé, tant dans le temps, que dans le développement de toutes les étapes menant au renversement de la bourgeoisie.

    • La période préparatoire

    Pour réussir, la GPP dans un pays impérialiste doit être précédée par une préparation politique, organisationnelle et militaire. L’accumulation et la formation des forces révolutionnaires se fait graduellement à l’intérieur de ce type de société. Le Parti doit éviter, par une conduite tactique adéquate, d’être contraint à un affrontement décisif tant que les forces révolutionnaires ne seront pas supérieures à celles de la bourgeoisie impérialiste.

    L’étape où l’avant-garde lutte pour créer un Parti révolutionnaire, une armée révolutionnaire et des organisations nouvelles et authentiquement prolétariennes afin que les masses populaires puissent apprendre à organiser le futur pouvoir prolétarien – comités, conseils populaires – correspond à un processus obligatoire d’organisation qui permet, par la suite, d’amorcer la première phase de la GPP : la défensive stratégique. Nous appelons cette phase préparatoire : phase de l’accumulation des forces. La stratégie révolutionnaire dans un pays impérialiste comme le Canada exige cette préparation politique, organisationnelle et militaire.

    Pourquoi une période préparatoire?

    1. Il s’agit de contester le quasi-monopole politique qu’exerce la bourgeoisie en répandant les idées communistes, le programme communiste, en prenant place dans toutes les sphères de l’activité des masses pour qui cette activité se déroule principalement, pour l’instant, dans la légalité bourgeoise.
    2. Il s’agit aussi de contester le monopole complet sur la violence que la bourgeoisie impose. Cette lutte ne peut se développer intégralement dans le cadre de la légalité bourgeoise, sinon de manière partielle et limitée dans le temps. Cela implique que, peu à peu, une rupture radicale d’avec le capitalisme – rupture en terme de projet, mais aussi contestation de l’ordre établi – puisse se matérialiser.


    Le tout correspond à l’unité des contraires. Il nous faut travailler à l’intérieur de la légalité et à l’extérieur de la légalité jusqu’à ce que le second terme devienne le pôle dominant. Cela découle, comme nous l’avons mentionné, des conditions matérielles de la lutte des classes au Canada qui impose un caractère prolongé à la révolution et qui se traduit par le fait que les forces révolutionnaires vont croître dans la mesure ou l’activité des masses se déplacera de l’un vers l’autre.

    Pour l’instant, la violence et les débordements des masses sont spontanés. Cette violence n’est pas consciente. Elle ne vise pas à renverser le système capitaliste, mais n’est qu’une réponse aux effets de l’exploitation. Le Parti doit savoir diriger et canaliser cette violence pour l’orienter, en premier lieu, vers la construction du Parti lui-même.

    L’accumulation de forces devrait, par la suite, permettre au Parti de développer une armée révolutionnaire. L’armée révolutionnaire est la forme supérieure et organisée de la violence spontanée des masses contre le capitalisme. Elle concentre la violence de classe et est la matérialisation d’une rupture radicale d’avec le capitalisme.

    «L’armée révolutionnaire est indispensable pour la lutte militaire et pour donner une direction militaire aux masses populaires contre les restes de la force armée de l’autocratie. L’armée révolutionnaire est nécessaire parce que la force seule peut résoudre les grands problèmes historiques, et parce que l’organisation militaire est, dans la lutte contemporaine, celle de la force.»

    (Lénine)

    Pour parvenir à jouer son rôle, l’armée révolutionnaire doit d’abord exister. Elle doit posséder une existence propre même si elle se place sous la direction du Parti. Cela implique aussi et surtout qu’elle doive développer la lutte armée avant que celle-ci soit la forme principale de combat du prolétariat, précisément pour démontrer la validité de cette voie au prolétariat.

    Dans la première phase de l’accumulation des forces, les forces embryonnaires de l’armée rouge développent une activité politique à partir d’actions militaires que l’on appelle de la propagande armée. Le but de la propagande armée n’est pas de faire la guerre au capitalisme, mais de faire connaître le projet révolutionnaire tout en permettant de faire gagner de l’expérience à ses futurEs cadres.

    À cette étape la guérilla, avec les actions armées, poursuit prioritairement des objectifs idéologiques. L’activité croissante de guérilla permet de mieux démarquer les camps qui s’opposent, d’influencer la lutte des classes et d’accumuler des forces pour tout mouvement révolutionnaire.

    L’expérience des Brigades rouges (BR) en Italie (1971-1976) a démontré que la propagande armée était une méthode efficace pour accumuler des forces dans un pays impérialiste. La même expérience (1976-1982) a aussi démontré que cette activité devait être guidée par une ligne juste pour ne pas sombrer dans le militarisme, l’économisme, le syndicalisme armé ou le subjectivisme.

    Ainsi dans le cas des BR, d’importantes forces ont été accumulées dans la mesure où elles mettaient en pratique la propagande armée pour construire le Parti communiste. Mais lorsque les BR ont quitté ce terrain pour se lancer dans une guerre contre l’État alors que les conditions matérielles n’étaient pas mûres, elles se sont séparées des masses et ont été défaites.

    Au Canada, il y a aussi eu des expériences de guérilla. Ainsi, dans le cadre de la lutte des Métis au Manitoba, la guérilla de Gabriel Dumont a, entre autres, sérieusement défait l’armée canadienne à Duck Lake. Au Québec, le FLQ (1962-1970) a aussi développé une activité de guérilla urbaine, mais celle-ci était fondée sur des conceptions guévaristes et ne visait pas à accumuler des forces, mais plutôt à susciter l’activité des masses par la multiplication de l’exemple.

    Ce que démontrent ces exemples tirés de l’histoire, c’est la nécessité :

    1. de s’appuyer sur une ligne juste,
    2. de construire un Parti séparé de l’organisation de guérilla qui prend en charge tous les aspects de l’activité des masses,
    3. d’avoir une stratégie de renversement du pouvoir,
    4. de la direction et de la participation du prolétariat,
    5. de créer des bases d’appui.


    Cependant, il faut faire attention. Cette période ne correspond pas encore, ni ne peut être confondue, avec le début de la GPP. Celle-ci se mène directement contre la bourgeoisie et son État. Elle vise la prise du pouvoir par le prolétariat révolutionnaire, la destruction de l’appareil d’État bourgeois, l’instauration d’un État prolétarien, le renversement du système capitaliste et l’instauration du socialisme.

    • La défensive stratégique

    La défensive stratégique, c’est à proprement dit l’initiation de la GPP. Les brigades de propagande armée doivent alors se multiplier et le Parti doit construire les premières unités de partisans.

    Comme il est difficile de dissimuler des unités plus importantes, ou même de les soutenir en termes logistiques, le problème suivant se pose : comment réussir, dans un pays impérialiste, à poursuivre la lutte révolutionnaire et à construire des bases stables pour développer la Guerre populaire alors que l’ennemi contrôle tout le territoire?

    En Chine, la guerre révolutionnaire a profité de bases rouges, de zones libérées où les réactionnaires ne pouvaient pas aller et où la transformation révolutionnaire des rapports sociaux commença directement. Dans les métropoles impérialistes, cela ne peut s’appliquer intégralement. Au début, les unités de partisans fonctionneront probablement dans des zones de guérilla. Ce n’est qu’après la prise de centres urbains, que devraient apparaître les bases d’appui temporaires, puis les bases d’appui stables.

    L’expérience du mouvement communiste nous enseigne qu’il est possible de créer de telles bases. Pour ce faire, les révolutionnaires doivent s’appuyer résolument sur les masses et procéder à partir d’elles en construisant les bases politiques permettant la création de bases d’appuis stables, selon la ligne ne pas avoir/avoir, de petit/à grand, d’imparfait/à plus que parfait.

    Pendant la phase de propagande armée, les brigades doivent éviter de se fixer en un lieu. Elles doivent plutôt couvrir un vaste territoire appliquant le principe de mobilité – mordre et fuir. Les bases sont conséquemment limitées au besoin des opérations.

    Mais avec le début de la GPP, les unités de partisans peuvent normalement opérer dans des zones de guérilla. Les zones de guérilla sont formées par des réseaux clandestins et des organismes générés par le Parti ou par les masses prolétariennes qui contestent l’exclusivité du pouvoir bourgeois. L’exemple le plus évident de zones de guérilla est l’Europe sous l’occupation nazie. Des centaines de réseaux, de journaux et de groupes ont alors été organisés par des milliers de personnes en toute clandestinité.

    Durant la Deuxième Guerre mondiale, les actions des partisans étaient appuyées par un vaste travail clandestin dans les milieux prolétariens, allant de la production de journaux pour revendiquer les actions, jusqu’aux sabotages ciblés, le tout formant une toile clandestine entourant l’ennemi.

    En Italie, plusieurs grandes villes – Gênes, Turin, Milan – ont été libérées par les partisans dirigés par le PCI avant même que les forces alliées ne s’en approchent. Les partisans, en Italie, ont, malgré eux, combiné la Guerre populaire avec l’insurrection, à Gênes entre autres.

    Les unités de partisans, en plus de poursuivre l’activité de propagande armée de la première étape, pourront y ajouter des attaques contres les institutions et les personnes qui représentent le pouvoir bourgeois. Le passage de brigades de propagande armée à unités de partisans sous-entend que le Parti se soit solidement implanté dans les masses et que celles-ci acceptent sa direction politique.

    Si l’impérialisme américain s’intéresse plus particulièrement à la situation, c’est-à-dire s’il intervient indirectement puis directement pour appuyer la bourgeoisie canadienne, le Parti communiste révolutionnaire devra avoir prévu cette intervention en dirigeant le front uni qu’il aura construit contre la bourgeoisie canadienne et l’impérialisme américain.

    Cette intervention de l’impérialisme américain va assurément mettre en lumière le caractère stratégique d’une bonne préparation militaire pour faire face à une armée puissante et moderne. Cela exigera des forces de la révolution une préparation importante.

    Parce que les forces de la révolution seront dispersées, le pays ressemblera probablement à un jeu d’échecs où les cases occupées par les forces de la bourgeoisie correspondront à des secteurs précis – quartiers bourgeois, centres de télécommunication, centres financiers, bases militaires – entourés de zones de la guérilla qui, elles, seront invisibles et cachées, mais en opération. Ici, il sera probablement possible de combiner deux stratégies appliquées au Vietnam, celle du guépard – le territoire est tacheté par les zones de guérilla – et celle de la pelure de banane – s’attaquer à la périphérie des zones ennemies.

    La proximité entre les zones de guérilla et les zones contrôlées par la bourgeoisie devrait favoriser la guérilla qui a le loisir de concentrer ses forces pour s’attaquer à des objectifs stratégiques, tout en diminuant les risques d’un encerclement important de l’ennemi, en plus de rendre inutilisable une partie de l’arsenal militaire à cause de cette proximité. À ce moment, la combinaison des attaques stratégiques de la guérilla et de l’insurrection dans une grande ville devrait permettre la création des premières bases d’appui stables et la combinaison à un niveau supérieur de la guerre de guérilla et de la guerre de mouvement menée par des unités régulières de l’armée rouge.

    Avec l’apparition des bases d’appui stables, le nouveau pouvoir révolutionnaire s’afficherait ouvertement. Cela signifie aussi que l’étape de l’équilibre stratégique serait atteinte alors que deux pouvoirs s’affronteraient. Un front stable se dessinerait probablement entre les deux forces qui s’opposent. Cependant, contrairement aux pays dominés, le rôle des bases d’appui stables dans un pays capitaliste comme le Canada, à cause de la proximité, serait totalement tourné vers la guerre et la destruction de l’ennemi et, plus tard seulement, vers la construction du nouveau pouvoir. La lutte pourrait même se poursuivre au sein des bases d’appui.

    Ces bases d’appui seront indispensables, tout comme elles l’étaient en Russie :

    «Le gouvernement révolutionnaire est nécessaire pour assurer la direction politique des masses du peuple d’abord sur le territoire déjà conquis sur le tsarisme par l’armée révolutionnaire, puis dans l’État entier. Le gouvernement révolutionnaire est nécessaire pour procéder immédiatement aux transformations politiques au nom desquelles se fait la révolution, pour établir l’auto-administration révolutionnaire du peuple, pour convoquer une Assemblée émanant réellement du peuple tout entier et réellement constituante, pour instituer les “libertés” sans lesquelles l’expression exacte de la volonté du peuple est impossible. Le gouvernement révolutionnaire est indispensable pour grouper politiquement la partie insurgée du peuple qui a rompu en fait, définitivement, avec l’autocratie.»

    (Lénine)

    Dans ce cadre, certaines villes seront appelées à jouer le rôle de bases d’appui temporaires et doivent nous intéresser plus particulièrement. Au Canada, il existe sur un territoire très vaste, entourant les quatre grandes régions du capitalisme canadien, une multitude de communautés qui ont la caractéristique d’être composées en majeure partie par le prolétariat. Ces villes sont importantes stratégiquement pour la révolution au Canada, par leur composition prolétarienne, le contrôle qu’elles exercent sur les ressources énergétiques et les différentes voies de communication. Elles constitueront peu à peu des bases solides du camp de la révolution et permettront peu à peu de vider des forces ennemies les grandes concentrations urbaines.

    La prise d’une grande ville devrait permettre de constituer et d’entraîner de nouvelles unités de l’armée rouge. Celles-ci pourront renforcer le front. Cela permettra de combiner la guerre de mouvement avec la guerre de guérilla. Cela permettra aussi de passer de la guerre d’usure à la guerre d’anéantissement et de décisions rapides permettant de s’orienter vers l’offensive stratégique qui va probablement être une combinaison de batailles et d’insurrections, jusqu’à ce que l’ensemble du territoire soit sous le contrôle du camp de la révolution.

    Pour mener une guerre révolutionnaire et faire la révolution, il faut avoir dominé et assimilé les lois selon lesquelles elle se mène. Cela est un processus moins simple qu’il n’y paraît. Son apprentissage exige de pouvoir s’appuyer sur une expérience pratique suffisante afin de tirer de justes bilans.

    Connaissance de soi, connaissance de l’adversaire, innover et avancer en matière de tactique et de stratégie, cela exige qu’aujourd’hui nous commencions sérieusement à réaliser les tâches de la révolution en étant conscients et conscientes que chacune de nos avancées fait progresser le mouvement entier.

    Comme l’écrivait Lénine il y a plus de 80 ans,

    «l’histoire en général, et plus particulièrement l’histoire des révolutions, est toujours plus riche de contenu, plus variée, plus multiforme, plus vivante, “plus ingénieuse” que ne le pensent les meilleurs partis, les avant-gardes les plus conscientes des classes les plus avancées.»


    Avril 2005


    Et aussi :

    http://www.pcr-rcp.ca/fr/2560


    Maosoleum (NCP-LC) : Qu'est-ce que la Guerre populaire

    Maosoleum (NCP-LC) : Qu'est-ce que la Guerre populaire


    2 commentaires

  • Il y a 50 ans, le 30 septembre 1965, débutait l'un des plus sanglants massacres de l'histoire de l'humanité ; aussi sanglant que complètement tombé dans l'oubli (alors que l'on nous rebat les oreilles du matin au soir avec les "crimes du communisme", "Staline", "Pol Pot", "la Corée du Nord" etc. etc.)... Et pour cause : ce massacre visait essentiellement les membres et les sympathisants (réels ou supposés) du Parti communiste indonésien (PKI), qui était alors - en nombre de militants comme en influence - le premier Parti communiste au monde en dehors des pays déjà socialistes (URSS et Europe de l'Est, Chine, Vietnam, Cuba etc.) ; bien qu'il y ait eu aussi de très nombreuses victimes "collatérales" avec notamment des pogroms contre les Chinois (la haine anti-chinoise est en quelque sorte l'"antisémitisme" du Sud-Est asiatique, et les choses ne s'étaient évidemment pas arrangées depuis que la Chine était devenue en 1949 le bastion du communisme révolutionnaire en Asie). 

    Il y a 50 ans, le massacre des communistes en Indonésie

    Le bilan est estimé à plus d'un million de morts au cours des derniers mois de 1965 et des premiers de 1966, dans une Indonésie qui comptait alors environ 115 millions d'habitants.

    Le "monde libre" impérialiste remportait là une victoire décisive face à un pays qui, après avoir arraché son indépendance de haute lutte (1945-49), s'affirmait depuis une dizaine d'années (avec son président Soekarno) comme une puissance-phare du "Tiers Monde" et "risquait", du moins aux yeux des dirigeants occidentaux (la réalité était un peu plus complexe...), de devenir sous peu un nouveau "géant communiste".

    Les forces nationalistes musulmanes (l'Indonésie est le plus grand pays musulman au monde), qui avaient joué un rôle non-négligeable dans la libération du pays du joug néerlandais et avaient même parfois manifesté un certain intérêt pour les thèses socialistes, se convertirent là en sinistres supplétifs de la domination impérialiste [d'après l'article du Secours Rouge de Belgique, "Les sympathisants communistes étaient souvent eux-mêmes musulmans. L’antagonisme de 1965 s’est structuré entre santri, musulmans fondamentalistes proches des propriétaires terriens, colonne vertébrale des milices, et abangan, forme religieuse syncrétique de l’islam, tolérante, ancrée dans les masses rurales sympathisantes du PKI"] ; aux côtés d'autres forces religieuses réactionnaires (notamment hindouistes à Bali, défendant le système des castes), d'éléments de la "voyoucratie" (proxénètes ou milieu des jeux d'argent, activités auxquelles les communistes étaient bien entendu très hostiles) et de groupes paramilitaires fascistes comme la Pemuda Pancasila ; tandis que les éléments conservateurs de l'armée portaient au pouvoir suprême le tristement célèbre Suharto pour un règne de sang et de corruption de plus de 30 ans (il sera renversé par un soulèvement populaire en 1998, sans que ne s'instaure pour autant autre chose qu'une "démocratie" capitaliste semi-coloniale de façade).

    Son régime, l'"Ordre nouveau" (cela ne peut pas être plus clair...), s'illustrera notamment 10 ans plus tard (1975) par l'invasion et l'occupation du Timor-Oriental ; occupation qui durera 24 ans (jusqu'en 1999) et causera la mort de plus de 200.000 personnes, soit... un quart de la population (et pourtant personne n'a jamais parlé ici de "Pol Pot de droite"...). L'oppression de la Papua occidentale ("Irian Jaya"), qui résiste à son rattachement à l'Indonésie depuis 1963, n'est pas non plus en reste avec potentiellement plusieurs centaines de milliers de victimes (la lutte et la répression se poursuivant, pour le coup, après la chute de Suharto et jusqu'à nos jours).

    Sur les tragiques évènements indonésiens de 1965, un très intéressant et factuel article a été publié sur le site du NPA (voilà c'est dit et vous voilà briefés, mais vraiment l'article est factuel et très complet et mérite la lecture).

    L'OCML-VP avait aussi publié en janvier 2013 sur le sujet, et surtout fourni un document historique d'une valeur exceptionnelle : l'autocritique du PKI effectuée après la terrible défaite subie.


    Indonésie 1965 : un million de communistes massacrés (NPA)


    Le 50e anniversaire des massacres de masse en Indonésie vient rappeler que dès lors que leurs intérêts sont tant soit peu menacés, l’impérialisme et les classes dominantes à son service se révèlent sous leur vrai visage, tout sauf « démocratique »…

    Vu de France, que connaît-on de ce pays ? Bali est la destination paradisiaque soumise à un tourisme forcené. Aceh, au nord de Sumatra, est la région la plus touchée par le tsunami de 2004, où la Charia a force de loi, et où s’échouent depuis le début de l’année les réfugiés du Bangladesh et de Thaïlande. Quant à la Papouasie, annexée en 1969, les journalistes y sont interdits de parole sur les exactions commises par les militaires et la police. Considérée d’un point de vue plus global, l’Indonésie est généralement présentée comme l’une de ces « économies émergentes » qui devrait nous redonner confiance dans l’avenir du capitalisme.

    Plusieurs « anniversaires » ont lieu cette année : la Conférence des Non-alignés de Bandung en 1955, le coup d’État militaire de Suharto et les massacres des communistes indonésiens en 1965, l’annexion du Timor en 1975. On ne s’arrêtera ici qu’aux deux premiers évènements. Ils sont liés, car c’est bien la menace que l’Indonésie joue un rôle clé dans la mise en place d’un nouvel ordre mondial lors de la Conférence de 1955 qui a amené les États-Unis, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale à soutenir activement, en 1965 et après, le coup d’État puis la dictature de Suharto. C’est ainsi que voilà 50 ans, suite au coup d’État, l’Indonésie subit l’un des plus sanglants massacres de l’histoire.

    Un passé au parfum d’épices

    L’Indonésie est l’un des plus grands États archipélagiques avec les Philippines. Ce sont plus de 13 000 îles, au milieu de la « ceinture de feu », avec le risque permanent d’éruptions volcaniques de très grande ampleur. Aujourd’hui, ce sont plus de 250 millions d’habitants, concentrés sur quatre grandes îles soit 70 % du territoire : Java, la plus peuplée, Sumatra, Sulawesi et Kalimantan. C’est un pays que traversent trois fuseaux horaires, comme de Londres à Téhéran.

    L’espace indonésien regroupe encore sur son territoire un très grand nombre de peuples, de cultures et de langues différentes. Au niveau de l’espace central (Java et Sumatra), il appartient à l’aire culturelle du monde malais. Nous ne raconterons pas ici l’histoire des États indianisés, le royaume de Shrivijaya centré sur Sumatra du 5e au 14e siècle, l’essor du royaume du Mojopahit au 14e siècle, les premiers États musulmans à Java au 15e siècle. Il faut surtout garder à l’esprit l’arrivée des Chinois et l’ancienneté des relations commerciales dans toute l’Asie du Sud-est bien avant cette époque, ainsi que l’introduction de l’Islam au travers des marchands, les premiers musulmans n’étant pas des Arabes mais des Indiens convertis à l’Islam d’Asie centrale ou du Yu-Han.

    Les îles les moins connues aujourd’hui, mais qui ont attiré les européens dès le début du 16e siècle, sont celles de l’archipel des Moluques : les « îles aux épices ». Ces marchandises précieuses, utilisées en cuisine et en pharmacie, étaient soumises à de fortes taxes par leurs intermédiaires chinois, malais, ottomans… Deux routes les acheminaient vers l’Europe : l’une par la mer, l’autre terrestre, celle de la soie. Ce sont d’abord les Portugais qui montèrent des expéditions maritimes pour tenter de trouver la « route des Indes » et s’affranchir de ces taxes. Arrivés aux Moluques, ils parvinrent à des accords avec les princes locaux pour la production des épices. Les Anglais, puis les Hollandais les combattirent militairement et soumirent les sultanats locaux. Pour bâtir un monopôle et mieux contrôler toute la production, les Hollandais allèrent jusqu’à concentrer les plantations sur quelques îles en faisant arracher les arbres des plus grandes. À Banda, ils massacrèrent la population qui s’y opposait.

    La période coloniale

    Muscade, girofle, poivre, cannelle, piments, vanille feront la fortune de la Compagnie des Indes orientales, implantée dès 1619 à Batavia (l’actuelle Jakarta), sur l’île de Java. À la fin du 18e siècle, l’État néerlandais assumait la responsabilité directe de l’exploitation. Les villages indonésiens étaient corvéables et sur les bonnes terres étaient aménagées des plantations de café, de canne à sucre, d’indigo.

    À la fin du 19e siècle, après le creusement du Canal de Suez, les Indes orientales se rapprochèrent de la métropole, l’émigration de colons néerlandais s’intensifia. Les transformations de la révolution industrielle en Europe et dans le monde, la course aux matières premières influèrent sur les choix des cultures agricoles. Deux nouveaux produits furent cultivés : l’hévéa et l’huile de palme. Des mines d’étain furent exploitées. L’histoire de l’Indonésie est un exemple particulièrement cynique d’une métropole qui exploite méthodiquement sa colonie à son seul profit. Les États-Unis s’intéressèrent aux ressources en pétrole et au caoutchouc dès le début du 20e siècle.

    Le contrôle de cet immense territoire fut cependant un processus de longue durée qui se fit par annexions successives. Au début du 19e siècle, une révolte éclata suite à la modification du mode de fermage. Les Hollandais tirèrent la leçon de cette rébellion d’un prince local, adossée à un mécontentement profond des paysans. Désormais, ils flattèrent la noblesse javanaise afin de garder le contrôle des populations par son intermédiaire.

    Vers l’indépendance

    Au début du 20e siècle, un mouvement nationaliste divers se forma principalement autour de deux courants, le mouvement islamiste et le mouvement socialiste. Le premier grand parti nationaliste musulman, le Sarekat Islam, était d’ailleurs lui-même inspiré au début par les idées socialistes, dont la figure de proue à sa création était Henk Sneevliet, futur cadre de l’Internationale communiste puis de l’Opposition de gauche animée par Trotsky.

    Il y a 50 ans, le massacre des communistes en Indonésie

    À la fondation du Parti nationaliste indonésien (PNI), Soekarno utilisa le slogan « Nasakom » pour tenter d’établir l’unité du mouvement nationaliste indonésien : une harmonie entre nationalisme, religion (« Agama ») et communisme. Durant cette période, une nouvelle langue fut choisie, le « Bahasa », qui est aujourd’hui la langue enseignée dans toutes les écoles du pays, afin de renforcer l’idée d’une nation qui en tant que telle n’avait jamais existé avant l’époque coloniale du moins à cette échelle.

    En 1941 commençait la guerre du Pacifique. En 1942, les Japonais débarquèrent. Ils furent accueillis tout d’abord en libérateurs, mais menèrent une politique brutale d’exactions et de pillage afin de mettre les ressources de l’Indonésie au service de leur effort de guerre. Les nationalistes indonésiens étaient partagés entre collaboration et résistance. Après avoir imaginé une annexion, les Japonais leur promirent l’indépendance à la fin de la guerre. Ils favorisèrent la mise en place d’un corps militaire, préfiguration de la future armée indonésienne, puis d’une organisation de masse rassemblant les musulmans.

    À la fin de la guerre, malgré la volonté des Hollandais de récupérer leur colonie, l’indépendance fut finalement proclamée, mais elle fut suivie de quatre ans de lutte armée. Les Hollandais utilisèrent les aides du plan Marshall à la reconstruction des Pays-Bas pour faire débarquer des troupes en Indonésie. Le 27 décembre 1949, lorsqu’enfin les Hollandais acceptèrent l’indépendance, la situation économique était catastrophique.

    Soekarno, un dirigeant anti-impérialiste confronté à ses propres contradictions

    Le président Soekarno est à la fois le fondateur de l’Indonésie moderne et celui du « Mouvement des pays non-alignés ». Derrière le mythe du dirigeant anti-impérialiste se trouvait un nationaliste populiste et autocrate.

    En 1950, l’Indonésie était plongée dans le chaos et devait faire face à trois défis : construire une nation en faisant l’unité d’un pays soumis à de nombreux mouvement centrifuges ; s’entendre sur la place de l’islam alors que de nombreux mouvements militaient pour l’établissement de la Charia ; faire face à la question sociale et tout particulièrement au problème de la réforme agraire.

    Pour faire l’unité de l’Indonésie et réaliser le slogan de la jeunesse indonésienne en 1928 (« Une patrie, une nation, une langue »), Soekarno réprima des mouvements de contestation de diverse nature. Dès 1948, il tenta d’écraser le mouvement communiste en s’appuyant sur l’armée [NDLR c'est à ce moment-là qu'est tué le grand dirigeant communiste Tan Malakka (lire ici et ici), bien que celui-ci ait alors déjà quitté le PKI pour fonder son propre mouvement - le Partai Murba ("Parti des Masses")]. Puis il dut faire face à la rébellion du Darul Islam qui mena une lutte armée dans les années 1950 pour établir un État islamique. Il s’opposa au mouvement de sécession dans les Moluques, encouragé par les Hollandais. Il proclama la loi martiale en 1957 pour faire face à des rébellions militaires locales. Il annexa la Papouasie qui réclamait son indépendance.

    Soekarno lança en 1959 le principe de la « démocratie dirigée » destinée à renforcer considérablement le pouvoir présidentiel, tout en s’appuyant sur le « Pancasila ». Devenu le fondement idéologique de l’État, le Pancasila est formé de cinq principes : unanimité et délibération, unité du pays, justice sociale pour tous, foi en une humanité juste et civilisée, croyance en l’existence d’un dieu unique. Cela veut dire un État non pas laïc mais multiconfessionnel sur la base de cinq religions : l’islam, le catholicisme, le protestantisme, l’hindouisme et le bouddhisme. L’islam était mis au même rang que les autres religions, l’idée nationale semblant primer sur le reste.

    Dans ce contexte, Soekarno finit par trouver dans le Parti communiste indonésien (PKI) un allié de poids, qui a fait le choix de soutenir les aspects progressistes de sa politique après avoir renouvelé assez profondément sa direction et sa stratégie. Le PKI parlait de conquérir le pouvoir dans la légalité et faisait passer les intérêts nationaux avant les intérêts de classe. Formé en 1920 et issu du Parti socialiste, le PKI était l’un des plus importants partis communistes hors Union Soviétique. Il avait survécu à deux fortes répressions : l’une en 1927 par les autorités coloniales hollandaises, l’autre en 1948 par le nouveau gouvernement indonésien. En 1956, lors des dernières élections pluripartistes, il avait recueilli 16,7 % des voix, tandis que le parti nationaliste (PNI) de Soekarno en obtenait 25 %. En 1962, trois millions de membres du PKI étaient recensés, ainsi que de 10 à 20 millions de sympathisants dans les organisations de masse proches. Le pays avait alors 115 millions d’habitants.

    Il y a 50 ans, le massacre des communistes en Indonésie

    Après Bandung, la fuite en avant

    En 1955, l’Indonésie s’affirmait à l’échelle internationale. Soekarno prit l’initiative de la Conférence afro-asiatique, qui symbolisa l’éveil du Tiers Monde. 25 pays d’Afrique et d’Asie furent réunis à Bandung – dont l’Inde de Nehru et la Chine de Mao et Zhou Enlai. C’était l’affirmation d’une troisième voie possible dans le contexte de la guerre froide. C’était aussi pour Soekarno une manière de faire oublier les difficultés internes.

    Fin 1957, l’Indonésie entrait dans une crise économique importante due à la baisse des produits d’exportation vers le marché mondial, mais également à l’état chaotique d’une administration minée par la corruption. La roupie indonésienne s’effondrait. Les syndicats de gauche militaient pour qu’on saisisse les biens des Hollandais. Mais lorsque les entreprises furent nationalisées, l’armée en prit le contrôle et entendit en profiter sur le plan politique et économique. Dans les entreprises les nouveaux patrons, souvent militaires, s’opposèrent à la participation ouvrière. La mise en œuvre de l’économie dirigée se fit difficilement. En 1960, la réforme agraire qui prévoyait de limiter la taille des propriétés, une redistribution des terres et un partage des récoltes, se heurta également à des résistances. Au final, tout ceci ne fit que polariser davantage les tensions entre d’un côté le PKI et de l’autre les militaires.

    En 1963, après un cessez le feu entre l’Indonésie et les Hollandais et plusieurs mois d’administration onusienne de la colonie hollandaise, l’ouest de la Nouvelle-Guinée (la Papouasie ou Irian Jaya) passa sous administration indonésienne, malgré la résistance indépendantiste. Toujours en 1963, la fédération de Malaisie fut proclamée par les Britanniques avec l’intégration des anciens territoires britanniques de l’île de Bornéo. Cela mit fin à l’ambition nationaliste de Soekarno qui voulait défendre l’idée d’une grande Indonésie dépassant les frontières coloniales. En réaction, l’Indonésie sortit de l’ONU et des institutions issues de Bretton Wood en 1965 et nationalisa toutes les entreprises étrangères.

    Aux yeux des Américains, qui l’avaient pourtant soutenu face aux Hollandais en 1948-1949, Soekarno apparaissait de plus en plus incontrôlable, alors même que les États-Unis engagés dans le « bourbier vietnamien » avaient justement besoin d’alliés fiables dans la région.

    1965, bien plus qu’un coup d’État militaire

    Le 30 septembre 1965, l’assassinat de sept généraux était imputé aux communistes. Ce fut le point de départ et le prétexte pour justifier le coup d’État du général Suharto, qui se transforma assez rapidement en un véritable pogrom visant à l’extermination des communistes ou supposés tels.

    L’assassinat des généraux fut revendiqué par un « Mouvement du 30 septembre » (GS30 ou Gerakan September Tiga Puluh), qui aurait voulu protéger Soekarno d’une tentative de coup d’État de généraux de droite complotant depuis plusieurs années. S’agissait-il à l’inverse d’un coup d’État raté, soutenu par les communistes, ou encore d’une mise en scène – mais manipulée par qui ? Toujours est-il qu’Aidit et Lukman, respectivement président et vice-président du PKI, étaient eux-mêmes à ce moment-là membres du gouvernement. Et que le PKI, après avoir soutenu le GS30, se rétracta et ne mobilisa pas ses sympathisants pour les soutenir. Par contre, le général Suharto profita d’une lutte interne au sein de l’armée pour s’emparer du pouvoir, tout en écrasant ce mouvement de rébellion, avant d’écarter Soekarno et se lancer dans une croisade contre le communisme.

    Il y a 50 ans, le massacre des communistes en Indonésie

    Après la reprise en main de la capitale Jakarta, une propagande massive fut lancée. Renommé Gestapu, le GS30 fut présenté comme un complot soutenu par la Chine, avec un scénario de prise du pouvoir et l’installation d’une dictature prônant l’athéisme. Les militaires mobilisèrent la population au nom de la défense des traditions et de la religion, transformant ce combat en une lutte vitale pour la défense de son identité. Dans l’imagerie propagandiste, les généraux avaient été émasculés par des prostituées membres de Gerwani, l’organisation des femmes du PKI.

    L’extermination du courant communiste fut progressive : interdiction du parti et de ses organisations sœurs ; puis, une semaine plus tard, des jeunes anti-communistes d’une association islamique (la Nahdatul Ulama, forte de plusieurs millions de membres) commencèrent à incendier les locaux du PKI avec leurs occupants. L’armée encouragea la population à l’aider, et des groupes d’extrême droite furent dépêchés pour tuer. À Bali, par exemple, des unités de l’armée disposaient de listes de personnes à exécuter.

    [Dans l'article du Secours Rouge de Belgique : "Ce sera à peu près le même schéma partout : encouragements venant des militaires, intervention et soutien logistique là où le PKI est puissant. L’intervention des para commandos, proches de Suharto, permettra le massacre sans risque des communistes. Venant de Jakarta “pacifié”, ils inaugurent le 19 octobre à Semarang un scénario qui se répétera le 21 à Magelang, le 22 à Solo, le 23 à Wonosobo : démonstration de force puis, sous leur protection, déclenchement de la chasse aux communistes par les milices ; on tue, on brûle sièges d’organisations comme demeures particulières ; les survivants, qui fuient vers les campagnes, y sont pourchassés par les milices locales. C’est ainsi que vers la mi-novembre le secrétaire-général du PKI, Aidit, est capturé près de Solo puis “confessé” et sommairement exécuté."]

    Mais la répression fut infiniment plus large. Car très rapidement, on s’en prit à tous les partisans d’une réforme agraire et à tout opposant à la tradition des castes issues de l’hindouisme. À Sumatra, ce furent les travailleurs agricoles des plantations. Les Chinois, considérés comme riches et exploiteurs [et "agents du communisme de Pékin" : le fameux "antisémitisme de l'Asie du Sud-Est" NDLR], figurèrent également parmi les victimes, principalement à Java. Toutes les organisations liées au PKI furent touchées : les femmes, les paysans, les syndicats, etc.

    L’ampleur des massacres est estimée entre 500 000 et 1 million de morts [certaines estimations vont jusqu'à 3 millions, tandis qu'un autre million de communistes et de sympathisants seront emprisonnés ou astreints à des travaux forcés dans les plantations, les mines et les chantiers de construction, pendant que leurs femmes étaient violées puis contraintes par milliers à la prostitution, ce que reconnaît le rapport de 2012 de la Commission indonésienne des droits de l’Homme]. Au-delà d’un simple coup d’État, la classe dominante tenta d’éradiquer d’un coup l’ensemble des contradictions qui minaient le pays depuis l’indépendance.

    Le rôle des États-Unis, de la Banque Mondiale et des puissances occidentales

    L’Indonésie fit alors son retour au sein du « monde libre » dans un bain de sang. En 1966, l’ambassadeur US à Jakarta prenait la peine de rassurer Suharto : « les États-Unis voient plutôt d’un bon œil et admirent ce que l’armée est en train de faire ». Il est reconnu que la CIA avait donné une liste de 5 000 personnes à liquider, et que cela est devenu un modèle notamment pour le coup d’État militaire au Chili.

    L’Indonésie rejoignit le FMI en 1967 et obtint une annulation de la dette contractée par Soekarno, ainsi qu’une aide supplémentaire pour résorber la crise du pays, tout en fermant l’œil sur la corruption. Les décennies suivantes virent l’économie se développer à travers une mise en coupe réglée des richesses naturelle du pays. La BBC parle d’un « régime autoritaire qui a autorisé les technocrates à gérer le pays avec succès ». L’Indonésie de Suharto, comme le Chili de Pinochet avec l’« École de Chicago », devint un terrain d’expérimentation des politiques néolibérales.

    La double fonction de l’armée perdurait : défense contre l’ennemi intérieur, mais également acteur économique. La corruption était érigée en système. Le centre, c’est-à-dire Java, récupérait les revenus de la périphérie avant d’en redistribuer une fraction selon un système de népotisme qui a fait de la famille Suharto la plus riche du pays. Un programme de transmigration, c’est-à-dire le déplacement volontaire ou forcé de paysans javanais vers d’autres îles, constitua le moyen de contourner la réforme agraire mais fut source de conflits avec les populations locales, comme en Papouasie.

    Il y a 50 ans, le massacre des communistes en Indonésie

    L’histoire revisitée sous la dictature et les traces aujourd’hui

    Chaque année au 1er octobre, tous les écoliers doivent regarder un film sur le G30S qui justifie l’action de Suharto, la mise à l’écart de Soekarno et la répression du Parti communisme. Mais c’est en fait toute l’histoire qui a été revisitée pendant la dictature au profit d’un « ordre nouveau » censé marquer une nouvelle naissance pour l’Indonésie.

    Les cartes d’identité des rescapés des camps de travail et d’internement portaient l’inscription « ET » pour ex-tapol (ancien prisonnier politique). Ils étaient astreints à résidence et frappés d’interdits professionnels, leurs familles placées sous contrôle collectif. Les familles des communistes ou supposés tels ont été discriminées. Aujourd’hui, se dire communiste reste tabou et passible d’emprisonnement. On présente souvent l’Indonésie comme un pays musulman modéré, et de fait il existe plusieurs traditions en son sein. Mais il est toujours impossible de se dire athée ou même agnostique, d’autant que la question a aussi un enjeu politique.

    Le travail de la Commission sur les droits de l’Homme et de « réconciliation et vérité » est bloqué depuis 2012 sur la reconnaissance des massacres de 1965, mais également sur les plus de 1.200 morts, 90 blessés et 30 disparus des émeutes de 1998 qui ont mis fin à la dictature de Suharto dans le contexte de la crise asiatique.

    Les blocages ne viennent pas que des militaires, qui occupent toujours une place déterminante dans la vie du pays. Ce n’est pas non plus uniquement le résultat d’un « lavage de cerveau » après des dizaines d’années d’une dictature qui avait une dimension totalitaire. C’est aussi un phénomène profondément ancré dans la société parce que des millions de gens ont participé aux massacres collectifs de 1965-1966 et que la peur d’une vengeance a été transmise aux générations suivantes. Prendre en compte l’ampleur de ce qui a été en réalité l’amorce d’un génocide permet de comprendre la difficulté aujourd’hui à briser le silence sur cette histoire.

    Christine Schneider

    Pour aller plus loin 

    Livres

    « Le Parti communiste indonésien », Françoise Cayrac-Blanchard, Fondation nationale des sciences politiques, A. Colin, 1973.

    « Dissidence : Pramoedya Ananta Toer, itinéraire d’un écrivain révolutionnaire indonésien », Anton Aropp, Ed. Kailash, 2004.

    « Mitt Romney, la diplomatie à la pointe du fusil », Johann Hari, Le Monde Diplomatique, octobre 2012.

    « La Banque mondiale et le FMI en Indonésie : une intervention emblématique », Eric Toussaint, CADTM , 2 novembre 2014.

    Films

    « The Act of Killing », 2012 et « Look of Silence », 2014, Joshua Oppenheimer. 


    Lire aussi :


    1965 : Le massacre des communistes indonésiens (OCML-VP)

    Le massacre des communistes indonésiens (Secours Rouge)

    (et surtout) Autocritique du PKI (septembre 1966) - en PDF

    Un documentaire anglo-dano-norvégien réalisé par Joshua Oppenheimer, The Act of Killing ("Indonésie 1965 : Permis de tuer" en VF), est sorti en 2012. Il est de qualité plus qu'honorable et c'est l'un des rares documents occidentaux disponibles sur ces évènements :

    http://theactofkilling.com/screenings/

    http://www.myskreen.com/documentaire/societe/5605705-indonesie-1965-permis-de-tuer/

    http://www.youtube.com/watch?v=hHGbb64YxAk

    Un autre film d'Oppenheimer est d'ailleurs sorti tout récemment sur le même sujet : The Look of Silence (https://fr.wikipedia.org/wiki/The_Look_of_Silence).


    MàJ : un rassemblement hommage s'est tenu le 30 septembre à Paris à l'initiative du Réseau Indonésie et de Sortir du Colonialisme, avec la participation de l'OCML-VP.

    Autres liens : Réseau Indonésie (page Facebook francophone) ; International People's Tribunal 1965 (en anglais et néerlandais).

     


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  • Le 27 septembre 1975, le régime franquiste procédait à une dernière vague d'exécutions capitales avant d'adopter, avec la mort du caudillo deux mois plus tard et l'avènement de son successeur désigné Juan Carlos de Bourbon, une façade plus "démocratique" (les exécutions ne seront alors plus qu'extrajudiciaires, ou remplacées par l’enterrement au cachot pour des décennies...).

    Ce jour-là cinq combattants antifascistes étaient passés par les armes à Barcelone, Burgos et Madrid, comme des centaines de milliers de leurs valeureux prédécesseurs depuis 1936 et même avant* : Jon Paredes Manot dit "Txiki" et Ángel Otaegui Etxebarria, abertzale basques, ainsi que Ramón García Sanz, José Luis Sánchez Bravo et José Humberto Baena Alonso** du FRAP, le front antifasciste armé du Parti communiste marxiste-léniniste.

    Cette date revêt depuis lors une grande signification pour tous les révolutionnaires de l’État espagnol, où elle est devenue une sorte de "Día de la Heroicidad" ("Jour de l'Héroïsme"). Au Pays Basque, c'est devenu la date du Gudari Eguna (le "Jour du Combattant") pour la gauche abertzale.

    Mañana, cuando yo muera, no me vengáis a llorar. Nunca estaré bajo tierra, soy viento de libertad. ("Demain, quand je mourrai, ne me pleurez pas. Je ne serai jamais sous terre, je suis vent de liberté" - dernières paroles de Txiki, inspirées de Che Guevara.)

    Voici - traduit - le texte rédigé pour cette occasion par la Red de Blogs Comunistas, dont fait partie Servir le Peuple :

     

    FUSILLÉS  IL Y A 40 ANS


    Aujourd'hui, en ce 27 septembre 2015, sont commémorés les 40 ans de l'exécution par fusillade des militants du FRAP
     José Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez Bravo et Ramón García Sanz, et de ceux d'ETA Jon Paredes Manot “Txiki” et Ángel Otaegui Etxebarria.

    Comme s'il s'agissait d'une macabre cérémonie d'extrême onction, le tyranneau fasciste disait adieu à ce monde en arrachant la vie à cinq jeunes révolutionnaires, dont le sang versé confluait presque 40 ans après dans le torrent de douleur mais aussi de fierté, de dignité et de permanente exhortation à la lutte de classe que sont les centaines de milliers d'antifascistes tombés durant la Guerre civile révolutionnaire (1936-39) et sous la répression postérieure.

    Ces fusillades de septembre 1975 mettaient un point final symbolique au cycle de barbarie débuté le 18 juillet 1936, mais les balles assassines pointaient aussi vers l'avenir : la bourgeoisie, sauvée in extremis par l'Armée réactionnaire et l'intervention nazie-fasciste en 1936, ne comptait pas céder un pouce de son pouvoir politique et économique ni mettre en péril ses intérêts matériels, qu'elle n'avait pu sauvegarder qu'au prix d'une guerre brutale contre la classe ouvrière et paysanne espagnole.

    Les centaines de victimes assassinées par les bandes fascistes (en uniforme ou en civil) depuis ce 27 septembre 1975 sont la démonstration la plus parfaite que la bourgeoisie "démocratique" et "constitutionnelle" espagnole ne s'embarrasse pas de scrupules quand il s'agit de "serrer le nœud", "ficelé et bien ficelé" par le franquisme autour du cou de la classe ouvrière et des Peuples de l’État - avec la notable complicité de l'opportunisme carrilliste (P'c'E), de la social-démocratie félipiste (PSOE) et du syndicalisme vendu (UGT/CCOO) pour démobiliser les travailleurs et paver la voie à la "Transition" bourbonienne.

    Cela n'a, il va sans dire, pas empêché que pour démanteler les capacités d'organisation et de lutte de la classe ouvrière dans l’État espagnol, les armes auxquelles a préférentiellement recouru la bourgeoisie aient pu être autres. Au milieu de la longue et gigantesque crise internationale du capitalisme où nous nous trouvons, le prix politique qu'a jusqu'à présent payer la bourgeoisie espagnole (substituer un Bourbon à un autre à la tête de l’État) en dit long sur la faiblesse organisationnelle et politique de la classe ouvrière et de son avant-garde. Ou plutôt - ce qui revient au même - sur le succès de l'abrutissement consumériste, de la propagande médiatico-patronale, du réformisme syndical, du pseudo-"progressisme" etc. etc.

    Et c'est là, devant les immenses tâches qui se dressent devant nous pour reconstruire un mouvement révolutionnaire capable de se lancer à l'assaut du pouvoir d’État, que l'exemple d'abnégation, de dévouement et de fidélité suprême à l'idéal révolutionnaire de José Humberto Baena Alonso, José Luis Sánchez Bravo, Ramón García Sanz, Jon Paredes Manot “Txiki” et Ángel Otaegui Etxebarria doit nous servir de guide.

    Nous, membres de la Red de Blogs Comunistas (RBC), sommes pleinement convaincus que ce n'est que par des personnes comme eux que peut être tracée la route vers un monde libéré de l'exploitation et de toute oppression nationale et de classe.

    Leur lumière est aujourd'hui, plus que jamais, notre phare. Il n'y a pas d'autre chemin.

     

    Red de Blogs Comunistas : Il y a 40 ans, les fusillés du 27 septembre 1975

             Red de Blogs Comunistas : Il y a 40 ans, les fusillés du 27 septembre 1975Red de Blogs Comunistas : Il y a 40 ans, les fusillés du 27 septembre 1975


    * En faisant débuter les choses en 1936 l'on pourrait être tenté d'oublier la répression des Asturies ou de Catalogne en octobre 1934, la dictature déjà fascisante de Primo de Rivera (1923-30) ou encore l'exécution de l'anarchiste catalan Francesc Ferrer suite à la "semaine tragique" de Barcelone en 1909... 

    ** Ces deux derniers étaient galiciens (de Vigo) et le second, bien qui militant d'une organisation "panibérique" (le PCE(m-l)), faisait clairement le lien dans ses dernières lettres de prison entre son appartenance à un Peuple périphérique/nié et son engagement révolutionnaire marxiste-léniniste.

     


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  • Tandis que la persécution de tout ce qui ressemble (de près ou de loin) à un communiste se poursuit (voir l'interview ci-dessous), la barbarie des nazis "EuroMaïdan" ne connaît plus de limites même vis-à-vis des morts - en l'occurrence des 34.000 victimes de leurs aïeux bandéristes et de leurs copains SS allemands :


    Ukraine : le mémorial des victimes du massacre de Babi Yar vandalisé


    Point de stèle funéraire en mémorial de Babi Yar.
    Rien qu'une falaise abrupte, la plus fruste des sépultures.
    Et m'y voici, épouvanté.
    Je me découvre aussi vieux, aujourd'hui,
    Que la race entière du Peuple juif.

    Je me revois antique fils d'Israël.
    Errant sur cent chemins hors de l’Égypte ancienne
    Jusqu'à ce lieu, à l'ombre de la croix, massacré, torturé,
    Qui m'impute jusqu'aujourd'hui le stigmate des clous sanglants.

    Je me sens transformé en l'âme de Dreyfus le proscrit.
    Les Philistins m'ont trompé, ils osent encore me juger.
    Ils m'ont piégé, encagé. Sans  cesse soupçonné, emprisonné,
    Ils me persécutent, crachent sur moi, me calomnient, tandis que
    Les gracieuses poupées dans leurs atours en dentelles frétillent
    En m'injuriant, pointant sur mon visage le poignard de leurs ombrelles.

    Je me retrouve gamin à Belostok
    Sang jaillissant, répandu sur les sols,
    Des patrons de tavernes enragés contre moi
    M'empestent de leur puanteur mêlée de vodka et d'oignon.

    À coup de bottes je fus assommé, gisant à bout de force.
    En vain ai-je imploré la populace en plein pogrom
    De ne plus hurler à la fois "Mort aux Juifs" et "Sauvons notre Russie" !
    Ma mère a été violentée par un prêtre.

    Ô Russie de mon cœur, je te connais bien,
    Faisceau de nations, unies en ta vérité profonde.
    Trop souvent ceux dont les mains se souillèrent d'ordure
    Ont profané ton nom sacré, en n'affirmant que leur haine.

    Je connais toute la tendresse de ma terre natale.
    Comme il est méprisable que sans aucun scrupule
    Les ligues antisémites se soient investies d'elles mêmes
    En tant qu'"Union du Peuple Russe !"

    Il me semble que je suis moi-même devenu Anna Frank,
    Tout aussi transparent, tel le plus fin rameau d'Avril,
    En moi revit l'amour, toute autre phrase resterait vaine,
    Échangeons seulement nos regards, les yeux dans les yeux.
    Il y a si peu à voir, et si peu même à sentir !
    Interdits nous sont les feuillages, défendu de regarder le ciel,
    Seul nous est-il permis,  dans notre cache obscure,
    Très tendrement, d'échanger nos baisers.

    - "On arrive !"

    - "Oh non, ne crains point – ce sont les bruissements
    Du printemps lui-même. Il arrive avec ardeur.
    Pose bien vite tes lèvres sur les miennes !"

    - "Ils vont enfoncer la porte !"

    - "Non, ce ne sont que les bris des glaces de l'hiver qui résonnent …"

    De folles herbes frémissent sur Babi Yar,
    Les arbres observent, solennels, comme siégeant en jugement.
    Tout ici hurle, dans le silence, et, chapeau bas,
    Je sens ma chevelure qui blanchit.

    Et moi-même, dans un long cri d'horreur silencieux
    Au-dessus de ces milliers d'innocents ensevelis,
    Je redeviens chacun des vieillards ici égorgés,
    De même que chaque tendre enfant ici assassiné.

    Pas une fibre de mon corps ne pourra l'oublier.
    Puisse l'"Internationale" n'être plus entonnée ni célébrée
    Que lorsque, pour toujours, sera enfoui sous terre et oublié
    Le dernier des antisémites ayant pu se trouver au monde.

    Il n'est pas dans mon sang la moindre goutte de sang juif,
    Mais, tel , je suis un Juif aux yeux des antisémites
    Qui me haïssent dans leur passion destructrice.
    Et c'est ainsi que je me prétends être un véritable Russe.

    Evgueni Evtouchenko, 1961

    Nouvelles d'Ukraine

    D'après l'Agence juive, le nombre de Juifs ayant quitté l'Ukraine pour Israël a augmenté de 142% entre 2014 et 2013 - 762 contre 315 aux premiers trimestres respectifs (sans compter que de nombreux autres ont aussi pu quitter le pays pour une autre destination...). Aux dernières nouvelles, un Juif religieux venu d'Israël en pèlerinage sur la tombe d'un rabbi vénéré est porté disparu à Ouman (Centre-Ouest du pays). Guère besoin d'être Sherlock Holmes pour imaginer ce qui a pu se passer...

    Mais cela ne semble pas émouvoir outre mesure les petits connards d'"extrême-gauche" amis de Maïdan et pourfendeurs de "rouges-bruns pro-russes" ; souvent les mêmes... qui vous taxeront d'antisémites et de nazis si vous manifestez une solidarité un peu trop militante avec la Palestine occupée, colonisée et apartheidisée. Cherchez pas à comprendre !


    À lire aussi (très intéressant !) :


    Interview d’Andreï Sokolov, communiste russe emprisonné en Ukraine


    Nouvelles d'Ukraine

    Interview réalisée en mai 2015 par le Secours Rouge International. Andreï était alors à la prison de Mariupol. 

    1. Quel est ton parcours politique ? 

    De par mon origine sociale, je suis un ouvrier, un machiniste, un armurier. Pour ce qui concerne mes opinions politiques, je suis un révolutionnaire russe, un communiste. Lorsque j’étais jeune, je suis passé du stade d’activiste de gauche modérée à celui de supporter radical de la lutte armée. J’ai été membre de différentes organisations de gauche - depuis les trotskystes et le CPRF (Parti communiste de la Fédération de Russie) jusqu’au RCYL(b) (Ligue de la Jeunesse communiste révolutionnaire - bolchévique) et au RCWP (Parti des ouvriers communistes de Russie). Suite à la répression des autorités en 1997, je suis allé en prison pour la première fois. Donc, la nouvelle période de ma vie a commencé - la période en prison. Aujourd’hui, j’ai 36 ans et j’ai passé 9 années de ma vie en prison en vertu de quatre condamnations (terrorisme de gauche et trafic d’armes). Cette captivité ukrainienne est déjà mon cinquième emprisonnement. Pour l’instant, je ne sais pas ce qui m’attend : un échange, ou une condamnation, ou une exécution en tant qu’otage si la guerre s’intensifie. Il y a une totale incertitude.

    2. Quelles sont les accusations contre toi ? 

    Je suis accusé d’avoir aidé à informer le ministère de la Défense de la DPR (République populaire de Donetsk). À ce que l’on prétend, je me suis déjà rendu dans différentes usines du Donbass et leur ai donné des conseils en tant que spécialiste des armes sur la possibilité de réparer les armes dans ces entreprises. C’est mon ‘crime’. Et la preuve est : mon passeport de citoyen russe, le ruban de St. George sur l’antenne de ma voiture et mon témoignage ‘volontaire’ recueilli sous la menace de la torture alors que j’avais été confiné dans une prison militaire secrète dans la zone ‘d’opération anti-terroriste’ du 16 au 29 décembre 2014. C’est tout. Selon la loi ukrainienne, la DPR est considérée comme une organisation terroriste, et toute personne qui l’aide - soldats, policiers, médecins, professeurs - sont aussi des terroristes. Quelle absurdité ! J’ai été enlevé le 16 décembre à un poste de contrôle entre Donetsk et Gorlovka alors que je conduisais ma voiture pour aller rendre visite à mon camarade, l’anarcho-communiste Egor Voronov. Je me suis rendu jusqu’au poste de contrôle par erreur, je n’avais pas de carte. Bien sûr, je ne prévoyais pas de quitter la DPR pour l’Ukraine (tant Gorlovka que Donetsk sont en DPR).

    Ayant vu une voiture avec des plaques russes et le ruban de St. Georges, ils m’ont immédiatement placé en détention. Et pendant plus de deux semaines, on m’a gardé dans une prison secrète, avec un masque sur mon visage pour que je ne puisse pas voir où j’étais enfermé et où on me conduisait. C’est une pratique habituelle de l’État ukrainien à l’égard des prisonniers. Tout comme le tabassage, la torture et le meurtre. J’ai décrit ces journées en détail dans mon article ‘Everybody speaks under captivity’ publié par mes camarades. Maintenant je comprends très bien ce que les autres camarades ont ressenti dans de telles situations, en Argentine ou au Chili dans les années 1970. Lorsque vous êtes retenu par des militaires et qu’ils peuvent vous faire exactement tout ce qu’ils veulent, que pour tout le monde vous êtes autre part, vous avez disparu. Une vie humaine ne vaut pas une cartouche de fusil ici.

    3. Quelle est la situation politique dans le Donbass ? 

    La situation politique au Donbass est une situation de guerre prolongée. C’est une guerre qui a une influence sur toute l’économie et toute la politique ici. La militarisation de la société a eu lieu. Alors que l’Ukraine peut se permettre de diviser la vie du pays en régions ‘pacifiques’ et zone ‘anti-terroriste’, la DPR n’a ni le territoire ni la population pour cela. Toute la terre est fouillée par l’artillerie et les roquettes. Cette guerre a touché tout le monde, et tout le monde doit prendre part à la défense et travailler pour le front. D’autant plus que près de la moitié de la population est réfugiée et est partie en Russie. Il n’y a que quelques personnes qui sont restées ici. Seuls 60-70.000 soldats de l’armée de Novorossia se dressent contre 250.000 hommes de l’armée ukrainienne. Une telle différence de forces entraine une situation économique difficile et la pauvreté pour les civils qui sont restés au Donbass. Il y a de la pauvreté et de l’inflation en Ukraine aussi, mais c’est beaucoup plus difficiles en DPR et en LPR (République populaire de Lugansk).

    Une guerre ‘étrange’ se déroule ici. Des ‘cessez le feu’ sont prononcés mais ne sont respectés par personne. L’électricité, le gaz et le charbon traverse la ligne de front. Un commerce clandestin se déroule. Les élites locales résolvent leurs affaires et leurs problèmes financiers derrière le dos des militants de la base. Mais seuls les ouvriers et les paysans combattent (dans les deux camps). Lorsque des ‘élections’ officielles furent organisées à l’automne 2014, légalisant les oligarques moyens d’hier qui avait soutenu le mouvement anti-Maïdan (Zakharchenko et Plotnitskiy), les communistes furent éliminés de ces élections par une raison officielle. Tout ceci a causé le mécontentement du commun des mortels et de l’armée de Novorossia. J’ai parlé à de nombreux militants de base, et ils veulent que cette situation change. Pour expulser les oligarques et mener la nationalisation. Pour aller se battre - sachant qu’ils donnent leurs vies pour leurs propres usines, leurs propres mines, leur propre terre. Mais pas pour l’élite bourgeoise d’hier qui a changé le drapeau ukrainien pour le drapeau de la DPR.

    Une telle attitude colérique entraînera une guerre civile à l’intérieur de Novorossia même. Et cette colère devient plus brute de mois en mois. Ce sont les ouvriers et les paysans de retour de la ligne de front qui ont fait la révolution de 1917. Avec l’expérience de la guerre prolongée et la haine à l’égard des maîtres de l’arrière. La situation politique ? Il y a la Russie d’un côté, l’Ukraine et l’OTAN de l’autre et enfin le mécontentement social populaire en raison de la pauvreté et de la guerre (davantage ici et là). Voilà la situation. Très dure !

    4. Quelles sont les forces politiques au pouvoir dans les RP de Donetsk et de Lugansk ? Quelle est l’importance des oligarques ? Quelle est l’importance des chauvinistes russes ? Quelle est l’importance des communistes ? 

    Toutes les forces politiques du Donbass ont été formées au printemps 2014, au cours du soi-disant ‘printemps russe’. Pendant l’année de guerre s’est déroulée leur radicalisation, depuis des exigences modérées de fédéralisation de l’Ukraine jusqu’à la totale sécession et l’indépendance du Donbass. Trop de sang a coulé pour que l’on puisse penser à une réincorporation dans une Ukraine unifiée, même sous des conditions d’autonomie.

    Une grande déception s’est produite après la croyance du peuple que la Russie allait adopter le Donbass comme la Crimée, ou qu’elle allait amener des troupes pour sa défense. Cela n’est pas arrivé. Ce conflit n’a pas pu être résolu sans beaucoup de douleur (ni Moscou ni Washington n’ont semblé le souhaiter). Les raisons principales du début de la guerre sont bien connues - c’est la réponse du Donbass à l’EuroMaïdan de Kiev, la protestation contre la politique nationale d’une région du pays s’imposant à une autre (l’Ouest à l’Est de l’Ukraine), politique symbolisée par l’interdiction de la langue russe et le ‘Lenin fall’ (la destruction des statues de Lénine).

    Une révolution libérale nationaliste a eu lieu à Kiev, ayant échangé un oligarque modéré, Yanukovich, pour une équipe de nationalistes et d'oligarques du groupe Poroshenko. De nombreuses personnes pensent que ce ne fut pas une révolution mais une prise de contrôle. Et cela s’est déroulé dans un pays multinational. C’est semblable à la Yougoslavie. L'arrivée au pouvoir de nationalistes dans un pays multinational est un moyen direct vers sa destruction et la guerre. C’est ce qui s’est passé en Ukraine - la Crimée et le Donbass sont perdus pour toujours. C’est la raison pour laquelle les forces politiques principales sont devenues des supporters anti-Maïdan et attendaient l’aide de la Russie.

    Malheureusement de nombreuses personnes issues de l’ancienne élite locale ukrainienne, de la bourgeoisie locale du Donbass, des policiers et des anciens militaires ont pris l’initiative. Ce sont des forces directement conservatrices. Comme avant, la gauche ne joue qu’un petit rôle ici, dans cette guerre. Pourquoi ? Parce que sa majorité n’était pas prête pour une telle lutte, pour une politique armée. Mais ceux qui furent les premiers à prendre les armes et à créer une milice sont en fait devenus le nouveau pouvoir. Pendant les années de paix, les communistes ont oublié l’essence même du ‘Manifeste du Parti Communiste’ de Marx et Engels, et que le seul moyen pour la victoire est la rébellion et la lutte armée. Deux décennies d’élections bourgeoises et de jeux parlementaires ont émoussés toutes les ‘dents et griffes’ et ont transformé le CPU (Parti communiste d'Ukraine) en un correspondant du CPRF russe (Parti communiste de la Fédération de Russie), en une ‘opposition constructive’ juste pour ‘ventiler’. C’est la raison pour laquelle, lorsque le pouvoir ‘poussait aux arbres’ dans le Donbass ainsi que dans toute l’Ukraine, ils faisaient pâle figure, sauf pour leur participation symbolique dans l’anti-Maïdan. Mais le moment des réunions et des piquets était déjà passé. Il était nécessaire de commencer des actions plus radicales, et la gauche n’y est pas parvenue.

    C’est la raison pour laquelle, au lieu d’une rébellion sociale, une longue guerre entre ‘seps’ (séparatistes) et ‘ukes’ (Ukrainiens) a débuté. Les nationalistes se sont activement joints de part et d’autre. Mais la gauche est restée à la marge. J’ai passé un peu de temps dans le Donbass du 4 au 16 décembre. Mais maintenant, je parle beaucoup aux miliciens emprisonnés. Et je peux assurément dire qu’ils n’ont pas rencontré un seul ‘Russe chauvin’ ou nationaliste parmi eux. Ou ceux-ci ont-ils tellement de chance qu’ils peuvent parvenir à ne pas se faire emprisonner ? C’est l’opposé, tous nos prisonniers qui ont plus de 40 ans, qui se souviennent de l’époque soviétique, tous sont des internationalistes et sont allés à la guerre en raison de leur souhait de repousser ces ‘patriotes’ qui étaient venus pour les bombarder et les abattre. La nostalgie de l’époque soviétique est très forte chez eux. Ils soutiennent les idées de nationalisation et de socialisme.

    Il y a une grande aspiration à la justice sociale parmi eux et les jeunes travailleurs. Ils sont la matière première pour la propagande de gauche. Hoo ! Où êtes-vous, les communistes ?

    Un seul exemple. Durant mon séjour en DNR (République populaire de Donetsk), dans la ville de N., un camarade local du CPU (Parti communiste d'Ukraine), un communiste (un retraité) est venu vers moi. Il portait un pistolet à gaz et voulais savoir s’il était possible de le transformer en vrai pistolet. J’ai examiné le pistolet, il s’est avéré être en aluminium, il était normalement impossible de transformer un tel pistolet. Je le lui ai dit, et lui ai promis de lui trouver un pistolet normal. Il était le chef d’un petit détachement constitué des travailleurs d’une usine. Ils avaient besoin d’armes pour la garde de l’usine et pour la nationalisation. Ils avaient des hommes, mais pas d’armes. C’est la raison pour laquelle je suis arrivé là. Pour aider de tels camarades. À quoi ressemble une telle scène ? Je n’avais lu au sujet de situations semblables que dans des livres sur la Révolution de 1905. À l’époque, les ouvriers avaient acquis des armes où ils pouvaient, par n’importe quels moyens, pour créer leurs détachements. Je lui ai expliqué qu’il était nécessaire de d’abord trouver de l’argent, et que la vieille technique de tous les révolutionnaires pour cela était l’expropriation. Alors, il serait possible d’armer les ouvriers normalement et de commencer les changements sociaux. N’est-ce pas fantastique ? Non, c’est une affaire réelle !


    Dernières infos  :

    Andreï Sokolov a été transféré dans la prison de Berdyansk (un transfert de 400 km qui a duré deux semaines) pour y être jugé le 3 septembre, mais l’audience n’a duré que 10 minutes. Faute de traducteur d’ukrainien en russe, l’audience a été reportée au 23 octobre. Andreï est maintenant détenu à la prison de Volnyansk (à 10km de Zaporizhya). La perspective d’un échange de prisonniers s’est éloignée. Seuls de petits échanges, d’une dizaine de prisonniers de part et d’autre chaque fois, ont eu lieu. Or il y a dans les prisons d’Ukraine environ 1.500 prisonniers politiques et prisonniers de guerre. Beaucoup ont commencé à passer devant les tribunaux pour terrorisme, trahison et séparatisme, risquant 15 ans de prison.

    Nouvelles d'Ukraine


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  • Source : http://www.etatdexception.net/

    Source originale : article de Zak Cheney-Rice pour Identities.Mic, traduit de l'anglais par RC pour État d'Exception.


    La leçon que Straight Outta Compton ne veut pas que vous appreniez


    L’ombre de N.W.A a longuement plané sur la Californie du Sud.

    Pour les enfants de Los Angeles nés au milieu ou à la fin des années 1980, l’exposition au travail du groupe s’est faite principalement à travers ses héritiers musicaux, une bande qui gravitait telles des planètes autour de la sphère d’influence du rappeur-producteur Dr. Dre : Snoop Dogg, Xzibit, Nate Dogg, the Game, sans doute 50 Cent et Eminem, et plus récemment Kendrick Lamar et la clique de Top Dawg Entertainment.

    Leur musique était la bande originale de nos soirées collège. Elle grésillait de nos écouteurs pendant les trajets en bus et mettait l’ambiance de nos discussions pendant les barbecues dans le jardin. La plupart d’entre nous étions encore en couches quand l’album Straight Outta Compton est sorti en 1988 – l’année ou « Fuck tha Police » a provoqué l’ire du FBI et a pratiquement anticipé le soulèvement de Los Angeles quatre ans plus tard.

    NWA N&B

    Les membres de N.W.A. lors d’un tournage en 1990 à Elysian Park, Los Angeles. Source : Jeff Kravitz/Getty Images.

    Mais les artistes qui ont porté le flambeau de NWA les deux décennies suivantes n’ont laissé aucun doute sur la façon dont ces jeunes hommes noirs avaient en fin de compte appréhendé notre ville – localement, mondialement, musicalement, etc. – et nous-mêmes.C’est particulièrement évident dans le nouveau biopic sur NWA, Straight Outta Compton, qui sort en salles le 14 août 2015 aux USA [le 16 sept. 2015 en France, NdT]. L’album Chronic 2001 de Dre reste une pierre angulaire de l’adolescence de la fin des années 1990, mais beaucoup d’entre nous ont grandi en connaissant Ice Cube comme le gars de Friday, Eazy-E comme celui qui a chanté « Boyz-n-the-Hood », et on avait du mal à trouver quelqu’un qui avait entendu parler de DJ Yella ou MC Ren. Pour quiconque ne se tenait pas totalement informé dans les années 1980, ce film est le premier à nous offrir une histoire de première main sur l’origine de l’ensemble du groupe.

    A la vu du film, il est tout de suite clair que la dette du hip hop californien envers NWA est immense. Le caractère tranchant du group, la narration souvent élogieuse de la vie dans les marges de Los Angeles, sont rythmés par une sorte de fanfaronnade nihiliste qui a depuis grandement influencé la musique de la région. Sans parler du fait qu’elle a aussi articulé certaines formes extrêmes d’hyper-masculinité à laquelle beaucoup d’entre nous, au pire de notre jeunesse, voulions aspirer.

    Il y a aussi beaucoup de leçons à tirer.

    En voici une : Compton à la fin des années 1980 était un enfer dans lequel vivait à l’époque la plupart des pauvres, des Noir-e-s de Los Angeles. Les gangs et le trafic de drogue structuraient l’ordre social. Les corps des Noir-e-s étaient enfermés, molestés et brutalisés par un réseau de services de police dont la prédilection pour le pillage et la violence militarisée a rarement été égalée depuis. La logique derrière « Fuck tha Police » devient extrêmement claire à mesure que le récit se déroule. Lorsque le groupe est malmené par des mesures de police à Compton, Torrance et Detroit, nous savons – dans nos esprits et dans notre chair – que Ferguson, Baltimore, Cincinnati et North Charleston ne sont pas loin derrière.

    Protest

    Protestataires à Ferguson, Missouri, le 11 aout 2015. Source : Scott Olson/Getty Images.

    En voici une autre : les femmes noires ne comptent pas. Lorsque Ice Cube pose sa main sur la tête d’une femme aux seins nus et la pousse dans le couloir d’un hôtel puis l’enferme dans la chambre, nous sommes censés rire de son humiliation. Lorsque des bandes de femmes à moitié nues dansent en bikini au bord de la piscine ou fournissent des faveurs sexuelles dans des chambres bondées, nous sommes censés oublier la vie réelle, aujourd’hui tristement connue, des héros de Straight Outta Compton qui a fait surface l’été dernier, appelant à des scènes mettant en vedette des « belles filles » qui « devraient avoir la peau claire » avec « des corps vraiment sympas » et des « filles afro-américaines » « à la peau claire jusqu’à foncée » qui sont « [pauvres] et en mauvaise posture ».

    Nous sommes censés oublier ce qui s’est passé avec Dre. À l’heure de #SayHerName [#DitesLeurNom] et de la chute de Bill Cosby, nous sommes censés agir de concert avec les réalisateurs dans l’effacement de l’incident de janvier 1991, où le rappeur-producteur a attrapé Dee Barnes, une journaliste noire, par les cheveux et a claqué sa tête contre le mur dans une boîte de nuit avant de la jeter au sol et de lui donner à plusieurs reprises des coups de pied dans les côtes.

    Dr Dre

    Dr. Dre. Source : John Salangsang/AP.

    « Cette salope pouvait s’y attendre » a déclaré peu de temps après Eazy-E dans un portrait de Rolling Stone.

    Rien de tout cela n’est accidentel. La dégradation ordinaire des femmes consécutive à nos rires, à notre abandon ou à notre silence collectifs est une caractéristique déterminante de la vie américaine. Elle est enracinée dans notre système juridique et de divertissement. Sur les routes polluées de la Californie du Sud, elle s’est infiltrée dans nos autoradios et a alimenté les relations humaines et sociales de notre enfance – reflétant les façons mêmes dont les liens unissant Dre, Cube, Ren, Yella et Eazy dépendaient autant d’une brutale misogynie que du fait de donner la parole à une génération de jeunes noirs qui en avait eu assez de la brutalité policière.

    Une caractéristique admirable du mouvement en cours #BlackLivesMatter est son approche intersectionnelle de la lutte contre les inégalités. La libération des Noir-e-s, dit ce mouvement, ne peut être réalisée sans la libération des Noir-e-s trans, sans la libération des Noir-e-s queer, sans la libération des femmes noires, et ainsi de suite. Il dit qu’en occultant la plupart des transgressions sexistes de NWA, nous faisons le lit du système même qui nous opprime et nous échouons à penser de manière critique notre propre propension à la violence.

    Cela ne vaut pas seulement pour NWA, le hip-hop ou l’Amérique noire. Mais à une époque où les Noir-e-s sont tué-e-s par la police à un taux presque trois fois plus important que celui qui prévaut pour les Blanc-he-s, et où les femmes noires meurent en garde à vue à une fréquence alarmante, les enjeux sont plus élevés pour nous. Nous avons besoin les un-e-s des autres.

    Pour réfléchir à cette dynamique en tant qu’hommes noirs natifs de Los Angeles et disciples de la galaxie NWA, il faut cesser d’ignorer le degré auquel le pouvoir hétéro-masculin et l’amitié, depuis nos années d’adolescence jusqu’à maintenant, ont été modelés par la rhétorique qui brutalise régulièrement les femmes noires.

    Parfois, vous devez tuer vos idoles.

     


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  • Nous revenons encore une fois sur la situation insurrectionnelle qui fait actuellement rage dans l’État turc et en particulier dans ses "provinces" kurdes.

    Le "sultan" et nouveau Jeune-Turc Erdoğan est bel et bien pris à son propre piège, puisque sa volonté hégémoniste régionale de renverser le régime syrien de Bachar el-Assad a transformé la légitime révolte populaire de ce pays en guerre fratricide et que de cette guerre fratricide a jailli l'expérience révolutionnaire lumineuse des Kurdes de Rojava, qui "déborde" désormais sur son territoire alors que des centaines de révolutionnaires turcs ont rejoint la lutte contre les hordes takfiristes là-bas et sont prêts à leur retour à en finir avec le régime sanguinaire d'Ankara, en place depuis près d'un siècle.

    L'affrontement se concentre en ce moment tout particulièrement sur la ville de Cizre, dans la province kurde de Şırnak :

    Turquie: la ville de Cizre croule sous un déluge de feu (site Solidarité Ouvrière)

    Chape de plomb répressive et militariste en Turquie

    Cizre ne se rendra pas ! (Nouvelle Turquie)

    À Cizre le peuple est abandonné face à la mort !

    Kurdistan : Des milliers de manifestants affluent à Cizre pour secourir la population (Secours Rouge APAPC)

    Kurdistan : Le couvre-feu contre Cizré est levé, la grève de la faim des prisonniers se poursuit

    La situation révolutionnaire en développement atteint un niveau jamais vu depuis (au moins) la lutte armée du PKK dans les années 1980-90 :

    La Guerre, la Jeunesse et l’Autogestion

    Mais la lutte touche aussi le reste de l’État, et en particulier la capitale économique Istanbul :

    Affrontements à Istanbul, guérilla au Kurdistan et rassemblement à Bruxelles

    Pour se tenir informé-e-s en temps réel, les meilleures sources sont le site Nouvelle Turquie [MàJ : maintenant ici], le Secours Rouge section "Turquie-Kurdistan" et Solidarité Ouvrière tag "Kurdistan". On peut encore consulter le site des Amitiés kurdes de Bretagne.

    Par ailleurs, les maoïstes hexagonaux du Bloc Rouge ont réalisé une interview de l'organisation révolutionnaire DHF (Demokratik Haklar Federasyonu, Fédération démocratique du Peuple), qui sera publiée prochainement dans leur journal et probablement sur leurs médias en ligne. Cette interview reviendra avec un point de vue maoïste sur la situation dans ce pays.


    Encore des nouvelles de Turquie & Kurdistan du Nord


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  • Nous avons déjà eu l'occasion, à travers le cas du prisonnier politique Oscar Lopez Rivera, de vous parler de l'infatigable et méconnue lutte de libération de cette île occupée et colonisée par l'impérialisme US depuis sa "libération" du colonialisme espagnol en 1898.

    Voici à présent un très bon article qui vous fera découvrir la lutte, dans les années 1960-70, de la colonie intérieure (estimée aujourd'hui à 4,6 millions de personnes) originaire de Porto Rico présente sur le continent états-unien, principalement dans les grandes métropoles du Nord et de l'Est (lutte que nous avions brièvement évoquée car c'est en son sein qu'Oscar Lopez Rivera a débuté son militantisme) : l'organisation révolutionnaire des Young Lords, les "Panthères boricuas" (diminutif de portoricain, sur l'île comme à l'extérieur).


    Servir le Peuple


    par Claire Richard

    Claire Richard a étudié la littérature et les nouveaux médias. Elle est journaliste indépendante entre Paris et New York.


    Dans les années 1970, aux États-Unis, les Panthères étaient de toutes les couleurs. Elles ont aussi été portoricaines et se sont attachées à réinventer une politique de la santé dans la banlieue de New York. Collectifs, militants, auto-gérés, féministes, anti-colonialistes, les Youngs Lords déclinent en quelques années, à eux-seuls, un manuel d’activisme politique quand celui-ci conduit au meilleur. Un modèle à suivre pour aujourd’hui.

    "Servir le Peuple", "Pa'lante !" : la lumineuse expérience des Young Lords, organisation révolutionnaire de la colonie intérieure portoricaine aux États-Unis

    « Il n’y a pas que les balles et les bombes pour tuer les gens. Les mauvais hôpitaux tuent. Les immeubles pourris, oubliés, tuent les gens. Les ordures et les maladies tuent les gens. Et les écoles tuent les gens. » (Palante, octobre 1970)

    En 1969, à East Harlem, les rues sont jonchées de débris, vieux papiers, restes de nourriture et bouts de plastiques, mais aussi de voitures, pneus, verre et lavabos… El Barrio, Le Quartier, comme on l’appelle aussi, est l’un des plus vieux bidonvilles (slums) de New York. Les immeubles sont souvent insalubres. Les appartements sont exigus et mal chauffés, sans salle de bain individuelle. Dans les rues, l’héroïne court déjà et les gangs de jeunes s’affrontent. C’est le quartier des Portoricains, immigrés depuis plusieurs générations ou fraîchement arrivés de l’île sous domination américaine. Les conditions de vies sont rudes : le travail est rare, peu qualifié et mal payé, le racisme quotidien. Sur les trottoirs, les ordures s’accumulent, car la ville de New York ne les ramasse pas régulièrement, parfois seulement une fois par semaine. Pour de nombreux habitants, le désintérêt des services sanitaires de la ville pour le quartier reflète leur statut de citoyens de seconde zone.

    Un dimanche de juillet 1969, une dizaine de jeunes gens, presque des adolescents, portant bérets et cheveux longs, descend dans une rue avec des balais, et commence à nettoyer. Si on leur demande qui ils sont, ils répondent : la Young Lords Organization ou encore L’Organisation des Jeunes Seigneurs. Ils ont entre 15 et 21 ans, sont des portoricains nés ou élevés à New York (Nuyoricans). La plupart ont déjà milité dans les mouvements nationalistes noirs ou radicaux blancs. Ils veulent agir plus que faire de la théorie et viennent de se constituer comme la branche new-yorkaise des Young Lords, un gang de Chicago devenu un parti révolutionnaire portoricain sur le modèle des Black Panthers.

    Les habitants ne savent pas trop quoi penser de ces jeunes en bérets de Che Guevara, mais lorsqu’ils les voient revenir tous les dimanches suivants, ils se dégèlent et certains leur prêtent main forte. Juan Gonzalez, aujourd’hui journaliste au Daily News de New York, était l’un des membres fondateurs et se souvient. « Après avoir nettoyé une ou deux rues, et rassemblé 20 ou 30 sacs poubelles, nous avons appelé le département sanitaire pour leur demander d’envoyer le camion-poubelle. Ils nous ont ri au nez et répondu qu’ils avaient un calendrier de ramassage et qu’ils n’allaient pas déplacer le camion seulement pour nous. Nous avons traîné les ordures au milieu de l’avenue principale, pour bloquer le trafic entre la 7e et la 8e avenue. Ensuite nous y avons mis le feu. La police et les pompiers sont arrivés, il y a eu quelques affrontements. Nous avons fait ça tout l’été 1969. Les gens en ont parlé comme “les émeutes des ordures d’East Harlem”, parce que la police avait attaqué certains membres de la foule et que des gens leur avaient lancé des bouteilles… Ça a rendu notre groupe célèbre. Lindsay, le maire de New York, a immédiatement envoyé des négociateurs, et ils ont accepté de ramasser plus souvent les ordures. Quand les gens ont vu que les ordures étaient ramassées, nous avons reçu plus de volontaires, et nous avons ouvert notre premier bureau, sur la 112e rue ». Ils élisent un comité central, publient un journal bilingue, en anglais et en espagnol, Palante.

    Les Young Lords sont marxistes, anticolonialistes et indépendantistes. Ils veulent à la fois l’indépendance de Porto Rico, une société socialiste et le contrôle populaire de la police, la santé, l’éducation, le logement, l’aide sociale. Pour eux, les révolutionnaires doivent servir le peuple et non le guider. Ils commencent donc par répondre aux problèmes concrets et immédiats des habitants de leurs communautés, les immigrés portoricains et autres. Cette approche locale et pragmatique explique en partie leur succès rapide. « Nous étions tous très jeunes, pour la plupart au lycée ou à la fac. La plupart d’entre nous ont quitté l’école et du coup, pendant presque deux ans, presque tous les gens qui travaillaient pour les Young Lords étaient à plein temps. Nous habitions dans des appartements collectifs, et nous vivions de la vente de Palante, et plus tard des dons à l’organisation, pour les loyers et les factures », se souvient Juan Gonzalez. « Avec cent personnes à plein temps pendant deux ans, on peut faire beaucoup de choses ! »

    Les Youngs Lords ont entre 15 et 20 ans. Ils ont tous milité dans des mouvements nationalistes noirs ou radicaux blancs.

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    "Servir le Peuple", "Pa'lante !" : la lumineuse expérience des Young Lords, organisation révolutionnaire de la colonie intérieure portoricaine aux États-Unis


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  • Lire ici le tsunami de merde en question


    Voici la position pseudo-"maoïste" et 100% lepéniste du 'p''c'F'mlm', où l'on retrouve tous les poncifs de l'extrême-droite toutes tendances confondues (de Zemmour à Soral en passant par Renaud Camus) : que l'"immigrationnisme" serait un truc de "grands bourgeois" et de "cathos de gauche" vivant de toute façon dans leurs "beaux quartiers toujours plus chics, plus propres, plus élitistes" (voire carrément en Suisse comme Aznavour) tandis que "les classes populaires", "elles", "sauraient" que "lorsque ces gens viennent il leur faut un logement, un travail, un encadrement sanitaire, des dispositifs scolaires, une logique d'intégration" et qu'il n'y a "rien de tout cela" (lire sur ce site ouvertement de droite un raisonnement presque mot pour mot similaire) ; que la bourgeoisie ne viserait, en "prônant l'immigration" (alors qu'il nous semblait pourtant que c'étaient des flics, autrement dit la milice du Capital, qui empêchaient les migrants de rentrer...), qu'à "désorganiser encore plus les classes populaires, les diviser, les fragmenter, anéantir leur identité populaire et toutes leurs traditions" et à "écraser la classe ouvrière, diviser les masses en faisant s'installer des centaines de milliers de personnes issues des campagnes et pétries d'idéologie semi-féodale, et surtout répondre à la baisse tendancielle du taux de profit en se procurant une main d'œuvre à très bas salaire" (là c'est clairement la conception de toute l'extrême-droite) ; que "l'affaiblissement d'une nation, par le pillage ou les migrations, est anti-populaire" et que tous ces migrants crasseux ne viennent rien qu'à "abîmer le tissu prolétarien en recomposition"...

    L'émigration étant en outre une "position absolument anti-patriotique d'abandon pur et simple de son pays" (là c'est du Morano dans le texte...), pour venir égoïstement "vivre mieux" en Occident - sauf que le guignol qui écrit cela on ne l'a pas trop vu (et on ne risque pas trop de le voir) à Kobanê sous les obus de mortier et la menace d'égorgement permanente de Daesh ; Kobanê où pourtant 500 courageux internationalistes européens sont déjà présents les armes à la main... [par rapport à l'attaque ignominieuse contre le père de l'enfant, qui aurait "expliqué qu'il allait retourner à Kobanê (...) ce qui montre qu'il n'y a pas impossibilité d'y retourner"explication ici (il se rendait en Occident pour sa compagne et ses enfants, tous morts dans la tragédie ; il ne souhaite plus y aller sans eux et restera auprès du cimetière local où ils sont inhumés, aidant "comme il le pourra" à la défense et à la reconstruction de la ville).]

    L'on découvre également que "la classe ouvrière possède par essence même l'internationalisme prolétarien" et "n'est certainement pas égoïste" : là c'est carrément le discours de Soral pour qui "le Peuple français" n'est "fondamentalement pas raciste" (faut juste "pas trop pousser mémé dans les orties", et voir à ce que ces immigrés ne sortent pas trop nombreux des "couilles de leurs pères"...) ; comme si 3 siècles de privilège blanc (tous Peuples hexagonaux confondus) dans un monde européo-centré n'avaient pas un tout petit peu laissé des traces dans la conscience collective dominante (le "sens commun" de Gramsci). Quant à l'"exposé" du parcours de la famille martyre (le grand frère et la mère du petit Aylan ont également péri, seul le père a survécu), il semble tout droit sorti de Fdesouche.

    L'on peut désormais clairement parler de "mao"-lepénisme. Tout ce que dit le 'p''c''mlm' (désormais 'p''c'F'mlm') depuis maintenant deux voire trois ans est en effet la position majoritaire du Front National, celle qui lui fait gagner des voix à travers les "interfaces" de Zemmour, de Finkielkraut, de BFM TV ou du JT de TF1, et que Sarkozy avait momentanément réussi à capter en 2007 : "Grande Peur" de l'immigration, de l'islam et de la "racaille" ; délires de "Grand Remplacement" et de "complot qatari" ; "Je suis Charlie" ; haine de ce qu'il reste de gauche  un tant soit peu combattive ou de mouvement ouvrier organisé ("populiste"/"social-fasciste"/"néo-socialiste" ou alors "post-moderne"...) en Hexagone et en Europe* ; haine des luttes démocratiques (LGBTI etc.) ; jacobinisme ultra et haine des luttes de libération et de toute affirmation de Peuple nié (occitan, breton, basque etc.) ; glorification de l'"Œuvre France" (Ancien Régime et "Révolution" bourgeoise, VersaillesRichelieu etc.) et de sa graaaande culture dominante ; éructations étranglées contre le "nivellement par le bas" (dans l'enseignement et ailleurs) et appels au "retour du savoir et de l'autorité" ; soutien à Israël "rempart de la civilisation" contre les hordes mahométanes, etc. etc.

    Ce qu'il dénonce comme "fasciste" ne représente que des courants minoritaires voire marginaux et électoralement insignifiants de l'extrême-droite ("maurrassisme pour non-blancs" dieudo-soralien ; "nationalisme révolutionnaire" "anticapitaliste", "anti-impérialiste", pro-arabe et anti-israélien ; antisémitisme délirant en tout genre ; "régionalisme" identitaire à la Tillenon etc. etc.) ou carrément extérieurs à elle et non-liés (voire au contraire hostiles) au Capital impérialiste bleu-blanc-rouge ("islamisme"). Et l'on voit qu'il est finalement "interdit" et "intolérable" d'être du même avis que les fascistes (ou que certains courants fascistes comme ceux que l'on vient d'énumérer) sur les questions internationales, qu'il s'agisse de soutenir les Palestiniens, le Peuple travailleur du Donbass ou la résistance des masses populaires grecques contre la "Troïka" du cartel impérialiste ouest-et-nord-européen ; mais qu'en revanche ce n'est pas du tout un problème sur les questions intérieures hexagonales (sauf lorsque le concept France est par trop bousculé, comme avec le mouvement des ouvriers et des paysans bretons de l'automne 2013)  !

    Le 'p''c'F'mlm' ce n'est plus (enfin, à vrai dire, ça n'a jamais été) servir le peuple : c'est SERVIR LE PEN.

    À l'inverse, invariable depuis bientôt 6 ans, la position maoïste de Servir le Peuple est que :

    "Les travailleurs migrants ne quittent pas leurs pays pour le plaisir. Ils le quittent au prix de mille dangers pour fuir la misère, la faim et la maladie, la guerre et la terreur des gardes-chiourmes de l'impérialisme ; et venir tenter de récupérer ici UN PEU de ce que l'impérialisme leur a volé là-bas. "

    "Il ne s’agit pas pour nous d’‘humanisme’ ni de ‘charité chrétienne’, mais bien de considérer l’immigration comme un phénomène objectivement subversif pour l’ordre impérialiste mondial. Fut un temps l’immigration était autorisée et même voulue par les États impérialistes, pour se fournir en force de travail corvéable à merci. Les travailleurs/euses issu-e-s de cette immigration autorisée et encouragée furent généralement parqué-e-s dans des bidonvilles ou des foyers-taudis, puis dans des quartiers-ghettos où ils/elles se virent appliquer un traitement colonial inspiré de celui de leurs aïeux dans leurs pays d'origine : ce sont des colonies intérieures, des ‘indigènes métropolitains’. Mais depuis la nouvelle crise générale du capitalisme, ces temps sont révolus et aujourd’hui, les personnes migrantes sont des personnes qui vont OBJECTIVEMENT récupérer dans les États impérialistes un peu de ce que ces derniers ont volé dans leurs pays dominés et exploités, pour (souvent) l’y REDISTRIBUER via MoneyGram (des régions, voire parfois des pays entiers reposent littéralement sur les envois d’argent de leurs migrant-e-s en Europe ou en Amérique du Nord)."

    Mais voilà, ils trouvent face à eux des "forteresses" Europe ou Amérique du Nord... qui ne veulent pas, bien évidemment, qu'on leur reprenne (sous forme d'aides sociales etc.) même 0,0001% de ce qu'elles ont pillé depuis des générations dans les pays du Sud ; et qui ne veulent même pas (contrairement à ce qui était encore le cas il y a 40 ans, lorsque les "sergents-recruteurs" de Bouygues ou Renault sillonnaient la campagne portugaise, le djebel maghrébin ou la brousse africaine en quête de bras pour les usines et les chantiers d'Hexagone ; et contrairement aux délires misérables du 'p''c'F'mlm') de cette main d’œuvre soi-disant "bon marché" qu'il faudrait payer aux salaires minimums occidentaux, faire profiter de tous les droits et de la protection sociale occidentale etc. etc. alors que les capitalistes européens et nord-américains ne sont même plus foutus de donner du travail à leurs propres "nationaux", et qu'il est devenu tellement plus commode (à l'heure des "délocalisations") d'exploiter directement ces personnes "à domicile" pour quelques euros ou dollars par jour :

    "C’est pourquoi, ces 25 ou 30 dernières années, l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord se sont transformées en ‘forteresses’ impénétrables pour les travailleurs venant du ‘Tiers-Monde’, qu’elles cherchent maintenant à y maintenir, y étant plus facilement exploitables (avec la délocalisation d’énormément d’activités) et n’en ayant de toute façon plus besoin. C’est ainsi que l’Union européenne ‘réfléchit’ longuement avant d’accueillir un nouvel État membre en son sein, pour s’assurer qu’il ne ‘submergera’ pas les pays riches de migrants pouvant circuler librement (ce qui pose actuellement problème avec la Roumanie et la Bulgarie pour les Roms, et ferme catégoriquement la porte à la Turquie), ou en tout cas qu’il ne sera pas une ‘passoire’ pour les ‘clandestins’ (problème de l’Ukraine). C’est ainsi que tout au long de leur frontière avec le Mexique, les États-Unis ont mis en place un chapelet de maquiladoras, entreprises de sous-traitance aux salaires intermédiaires entre ceux du Mexique et de l'Oncle Sam, pour y ‘fixer’ les candidat-e-s à l’immigration, surtout les femmes (qui se ‘sentent’ moins que les hommes d’affronter la traversée clandestine) ; véritables usines concentrationnaires entre des mains semi-mafieuses, dont on retrouve parfois les employées indociles découpées en morceaux dans le désert... C’est ainsi que l’Europe s’est achetée les services de régimes satrapes arabes, comme la monarchie marocaine ou encore la ‘Jamahiriya’ de feu l’immonde verrat Kadhafi (que vénèrent encore de soi-disants ‘anti-impérialistes’), pour jouer les ‘cerbères’ du Vieux Continent contre le ‘tsunami migratoire  que renforce chaque jour la crise générale et mondiale du capitalisme… etc. etc."

    D'où la mort effroyable que tant rencontrent dans les eaux de la Méditerranée ou du Rio Grande, sous les trains d’atterrissage des avions ou dans les ténèbres du Tunnel sous la Manche.

    Par conséquent :

    "De tout temps, la solidarité avec les travailleurs étrangers a été fondamentale pour les travailleurs révolutionnaires "nationaux" : pour vaincre la division de notre classe par la bourgeoisie.

    Mais aujourd'hui, elle revêt une importance plus grande encore : elle est une solidarité internationaliste fondamentale face à l'impérialisme !!!

    La solidarité avec les travailleurs immigrés, (encore) avec ou sans-papiers, est au cœur même de l'internationalisme prolétarien.

    Nul ne peut se prétendre internationaliste s'il ne soutient pas les travailleurs migrants !"

    "Les sacrifié-e-s de Lampedusa, qu’ils/elles soient venu-e-s d’Afrique, de Syrie ou d’Afghanistan, ne faisaient rien d’autre que cela : fuir leurs pays impérialisés depuis des générations, affamés, livrés au despotisme et/ou à la guerre par les monopoles impérialistes. Sur la Grande Bleue devenue sinistre douve de la forteresse Europe, leurs espoirs ont rencontré une mort affreuse.

    Mais LE JOUR VIENDRA OÙ LES COUPABLES PAIERONT ET PAIERONT CHER ! Le jour viendra où les exploité-e-s du monde entier se lèveront et engloutiront ce Système réactionnaire et assassin dans le feu ardent de la Guerre du Peuple !"


    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/les-travailleurs-migrants-ne-quittent-pas-leurs-pays-pour-le-plaisir-a117927796

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/la-tragedie-de-lampedusa-est-un-crime-imperialiste-de-plus-contre-l-hu-a114201492

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/les-charters-de-la-honte-100%-dans-la-logique-de-l-imperialisme-a114101406


    [Lire aussi : Le mur meurtrier de la Méditerranée - L’assassinat institutionnel de masse de l’Union européenne de Saïd Bouamama (publié fin mars) ou C’est vous qui avez tué Aylan, lui et tous les autres ! du Courant communiste révolutionnaire (CCR), ou encore l'excellent Émigration clandestine, une forme de résistance de Sadri Khiari.]

    Quand les pseudo-"maoïstes" persistent et signent dans le "coming out" d'extrême-droite

     


    * La dernière "chronique" de l'inénarrable Caroline Fourest (au pas très vite emboîté par les tout aussi inénarrables Rudy Reichstatdt et Ornella Guyet) contre le nouveau leader du Labour britannique, le plus folklorique et inutile que méchant Jeremy Corbyn ; chronique par laquelle elle s'est une nouvelle fois couverte de ridicule ; est un peu dans cette même veine et nos "gardiens de la science MLM" auraient facilement pu la signer des deux mains...

    Précisons bien qu'il ne s'agit nullement ici de défendre ces piètres mascarades de social-démocratie "réchauffée" dont l'exemple typique (et l'icône mondiale) est SYRIZA, qui se voulait un "nouveau"... PASOK des années 1980-90 et dont la faillite a été aussi évidente et spectaculaire que rapide - en relation avec le présent article, c'est bien en tentant de gagner une île grecque que la famille Kurdi a été engloutie à l'exception du père, la Grèce jouant (comme d'autres pays de la périphérie continentale) ce rôle abject de "cerbère de l'Europe" sous SYRIZA comme sous les gouvernements antérieurs. Une thèse de Servir le Peuple étant que nous sommes de toute manière face à la "fin de l'hypothèse sociale-démocrate", c'est-à-dire que le capitalisme de ce début de 21e siècle n'a plus les ressources (en Europe et en Amérique du Nord en tout cas) pour mener une politique réformiste keynésienne de type New Deal comme dans les années 1930 à 1960 aux États-Unis et 1945-80 en Europe occidentale [ce n'est pas une question de "mouvement communiste faible" car, en quantité comme en qualité, le mouvement "communiste" actuel en Grèce vaut bien celui de Thorez en 1936 et à la Libération et dépasse de loin celui de l'Amérique de Roosevelt]. C'est précisément cette crise de l'"hypothèse" et - par là - de l'"identité" sociale-démocrate qui conduit à toutes ces dérives que l'on observe, des uns vers le nationalisme ou le "rouge-brunisme" via le canal du "souverainisme" anti-UE et anti-américain, du protectionnisme etc. etc. mais aussi des autres vers le "consensus néolibéral" et la pure "gestion" du capitalisme, le pro-impérialisme atlantiste et finalement l'islamophobie au nom de la "liberté" et de la "démocratie", du "progrès" et de la "laïcité" etc. etc. (soit finalement les deux droitisations parallèles et complémentaires de la "gauche" de notre époque) ; et qui interdit aux révolutionnaires communistes de penser le "Front populaire" "bêtement et méchamment" comme dans les années 1930 (il n'est pas interdit non plus, au demeurant et pour le coup, de s'interroger aussi sur la compréhension et l'application de cette ligne à l'époque).

    Ce dont il s'agit ici est de montrer et de dénoncer cette attitude de toujours des pseudo-"maoïstes" du 'p''c''mlm', avec des arguments récurrents pour ne pas dire répétitifs (amalgame avec l'extrême-droite et autre "social-impérialisme russe", raccourcis à tout va etc.) ; attitude et arguments qui étaient la colonne vertébrale de leur ultra-gauchisme entre 2005 et 2012 avant d'assumer de plus en plus ouvertement la Réaction la plus noire depuis lors ; et qu'ils partagent (donc) avec tout ce certain "centre-gauche" bourgeois de plus en plus réac, alliant posture républicardo-laïcarde et social-libéralisme à la Caroline Fourest (dont l'excellent Julien Salingue a montré comment ses propres méthodes d'amalgame et de raccourci pouvaient aisément être retournées contre elle-même ; ce qui devrait pouvoir s'appliquer également à nos pseudo-"maoïstes" - si l'on cherchait par exemple du côté de "La Terre d'Abord", organisation écolo-radicale dont ils ont un moment pris le contrôle en Hexagone). Une engeance qui s'est désormais (plus ou moins) trouvée un "petit maître à penser" en la personne du "nouveau tigre Clemenceau" Valls-la-Matraque, pour lequel le soutien du 'p''c''mlm' se fait d'ailleurs chaque jour moins dissimulé ; tandis que le masque d'"extrême" ou d'"ultra-gauche" continue encore à pendre un peu aux museaux d'un certain nombre d'autres, tels Ornella Guyet de "Confusionnisme.info" ou Yves Coleman de "Mondialisme.org". Une attitude et des arguments qui visent (c'est ce qu'il importe surtout de comprendre !), à travers les dirigeants/politicards réformistes plus ou moins patriotards/populistes ou au contraire "post-modernes" que nous n'avons jamais défendus (bonne chance pour trouver une défense ou un éloge de Mélenchon, Montebourg, Tsipras ou Besancenot dans nos colonnes !), à frapper ce "Peuple de gauche" plus ou moins important et influent selon les pays (important en Grèce par exemple...) et qui se cherche à travers ces "tribuns providentiels" une voie de sortie à la crise capitaliste dans un esprit "progressiste" et non réactionnaire/fasciste ; un "Peuple de gauche" que les authentiques communistes doivent (justement au fil de ses désillusions !) gagner à eux et non attaquer et s'en couper, car ils ne peuvent sans lui (avec leurs seuls petits groupes de militant-e-s "professionnel-le-s") concevoir la moindre lutte significative et le moindre "bouleversement radical" c'est-à-dire "gain de terrain" dans la longue et pénible guerre de tranchées menant au renversement du Pouvoir capitaliste (et de là au communisme via le socialisme)... Chose que la bourgeoisie au pouvoir a parfaitement compris, ce pourquoi avec ses porte-paroles (comme Fourest), ses médias dominants etc. elle n'a de cesse d'attaquer et de stigmatiser cette "armée" potentielle d'un potentiel communisme révolutionnaire (la seule dont celui-ci dispose en réalité...) ; son aile droite sur l'air de "l'archaïsme syndicalo-marxiste" et/ou des "assistés" et son aile "gauche" (Fourest ou 'p''c''mlm'), donc... sur celui de l'amalgame avec l'extrême-droite et/ou les "z'islamiiiiistes" et/ou "Poutiiiine"(-Chávez-Ahmadinejad-etc.-etc.) et/ou d'autres choses encore [d'ailleurs un type comme Corbyn n'hystérise pas tant la droite (qui y voit un "dinosaure marxiste" et une victoire assurée pour les conservateurs aux prochaines élections) que la gauche droitisée, qui voit en lui le visage "hideux" de ce progressisme audacieux qu'elle n'est elle-même plus capable d'assumer - raisonnement qui s'applique également, bien sûr, à nos "maos"-Finkielkraut]. L'extrême-droite (la vraie !) en attendant, en ce qui la concerne, prospère pendant ce temps-là le plus tranquillement du monde sur le discours médiatique le plus mainstream et pignon-sur-rue qui soit, de TF1 à BFMNTV en passant par Zemmour, les émissions de Calvi avec Xavier Raufer en guest star ou encore les gratuits du matin dans le bus en allant au boulot...

    [On pourra éventuellement nous rétorquer, concernant SYRIZA, que le Front National a salué sa victoire électorale au début de l'année (surtout sous l'impulsion de Philippot, ancien chevènementiste et champion du rapprochement des "patriotes des deux rives"), et que ce n'est donc pas vraiment "mao-lepéniste" de l'attaquer... Mais cette position officielle du FN ne représente en fait guère l'opinion dominante de son électorat (petit, moyen et grand) bourgeois (l'électorat populaire étant peut-être un peu plus sensible à l'idée de "plus d'humanité" envers le Peuple grec martyrisé) et même de la plupart de ses cadres et des "intellectuels organiques" de la droite extrême comme Guillaume Faye, qui sont plutôt d'avis que "c'est la gabegie socialiste couplée à l'aveuglement bruxellois qui ont conduit la Grèce à la ruine" et que maintenant "il faut payer l'addition"... le mouvement de Tsipras étant de ce point de vue l'incarnation absolue de ladite "gabegie socialo" honnie. Marine Le Pen a d'ailleurs elle-même dit et répété plusieurs fois que "la Grèce doit rembourser sa dette", car c'est "un devoir éthique pour un État de droit" - elle est donc hostile au non-remboursement, qui est la seule véritable position subversive pour un pays écrasé par l'impérialisme. Elle a également pu affirmer "comprendre le ras-le-bol allemand de payer pour la dette des autres" ("ras-le-bol" qui s'est notamment exprimé par une forte poussée de la droite dure eurosceptique - "Alternative pour l'Allemagne" - aux dernières européennes). Son "soutien" à Tsipras reposait en fait surtout sur la perspective d'une sortie de la Grèce de la zone euro (ce qui n'est pas la position réformiste radicale et révolutionnaire mais au contraire le souhait - "Grexit" - de tous les pires dirigeants droitards d'Europe du Nord, laissant la dette intacte et simplement convertie en monnaie nationale) ; sortie vue (à tort ou à raison) comme le "début de la fin" de la monnaie unique ; monnaie unique qui gêne les intérêts bourgeois qu'elle et son parti représentent (secteurs capitalistes produisant pour l'export par exemple, qui auraient besoin d'une "main nationale" sur le cours de la monnaie)... et qui conduit automatiquement (justement) à "supporter la dette des autres". C'est d'ailleurs le principal reproche de "capitulation" que fait désormais le FN au nouveau "Tsipras 2.0" ouvertement social-libéral : il ne va certainement pas lui reprocher de ne pas avoir "envoyé chier" la dette, puisqu'il était radicalement contre cette option ! La haine du 'p''c''mlm' pour SYRIZA n'est donc pas fondamentalement en décalage avec la pensée "commune" de la "droite radicale" (broder ensuite cela d'anti-impérialisme... russe n'est pas une difficulté) ; nous aurions plutôt tendance à dire (au contraire) qu'elle s'inscrit dans sa "moyenne".]

     


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  • La chaîne de télévision basque EiTB devrait diffuser vers la fin du mois un docu-fiction consacré au glorieux... et méconnu bataillon antifasciste basque Gernika, qui participa en 1944-45 aux combats de la Libération et notamment à la liquidation d'une des dernières poches de résistance nazie, celle de la Pointe de Grave dans le Médoc*, au nord de Bordeaux : http://www.sudouest.fr/2015/05/27/la-bataille-de-la-pointe-de-grave-reconstituee-a-labenne-40-1933063-5469.php (vidéo du trailer dans l'article). France 3 serait également intéressée par la diffusion.

    1944-45, l'épopée du Bataillon Gernika

    L'histoire de cette unité héroïque mérite en effet d'être connue du grand public, ce qu'elle n'est pas suffisamment de nos jours. Ce que peu de gens ignorent, c'est qu'à l'hiver 1938-39 quelques 450.000 combattants et civils républicains progressistes, socialistes, communistes ou anarchistes de tous les Peuples de l’État espagnol franchissent les Pyrénées pour échapper à la prison, à la torture et à une mort quasi-certaine (il y aura environ 200.000 exécutions entre 1939 et 1942-43) dans les griffes du fascisme franquiste.

    L'accueil que leur réservera la "Républiiiiiique" capitaliste-impérialiste du rad'-soc' Daladier sera les camps de concentration du Roussillon et des Pyrénées occitanes (Saint-Cyprien, Argelès, Gurs, Le Vernet etc.), où ils se trouveront en 1940 livrés en pâture à l’occupants nazi et à ses supplétifs de la "Révolution nationale" (dont la police était dirigée par le rad'-soc' René Bousquet) : un grand nombre terminera dans les camps d'Allemagne et d'Europe de l'Est où beaucoup mourront, les plus "chanceux" étant "bons" pour le Service du travail obligatoire (STO) - ils seront notamment affectés à la construction du Mur de l'Atlantique.

    Mais un nombre non-négligeable réussira aussi, à la faveur de la débâcle, à s'échapper et se regrouper en unités de partisans sous l'autorité du gouvernement républicain et des gouvernements autonomes (Generalitat catalane, République d'Euzkadi) en exil, en coordination avec la "France libre" de Londres et/ou les FTP-MOI (Main d'Œuvre Immigrée) du PCF, pour affronter les armes à la main ce fascisme qu'ils connaissaient si "bien" pour avoir livré contre lui la première véritable guerre en Europe.

    C'est ainsi que plusieurs centaines d'hommes formeront en 1944 le Bataillon Gernika, du nom de la ville martyre bombardée par la Légion Condor nazie en 1937 (orthographiée Guernica en castillan et en français), sous le commandement de Pedro/Kepa Ordoki - ancien ouvrier du bâtiment, militant de l'ANV et vétéran de la Guerre civile antifasciste en Euskadi, passé à la clandestinité en Occitanie dès la fin 1940 et ayant échappé plusieurs fois à l'arrestation et à la mort.

    Placé sous l'autorité du Gouvernement basque en exil du lehendakari Agirre, ce qui n'ira pas sans frictions avec l'Union nationale espagnole (UNE, 10.000 combattants antifascistes relevant quant à eux du gouvernement républicain "central"), il mènera des actions de guérilla dans les Pyrénées avant de participer à la Libération du "Sud-Ouest" (Gascogne) ; jusque (donc) au fameux combat de la Pointe de Grave (14-20 avril 1945) aux côtés du bataillon anarcho-syndicaliste Libertad, qui "débloquera" l'accès à l'estuaire de la Gironde et donc au port de Bordeaux où ses troupes défileront fièrement sous les couleurs de l'ikurriña - le drapeau basque qui sera... décoré de la Croix de Guerre (Ordoki refusant la décoration pour lui-même, il la fit accrocher à l'étendard du bataillon).

    1944-45, l'épopée du Bataillon Gernika

    Voici en documentation quelques articles consacrés à l'unité, ses combattants et ses faits d'armes :

    http://www.memoire-immigration-aquitaine.org/includes/fichiers/doc/158/15. Bordeaux et sa région. Participation rep esp libération de Bordeaux.pdf

    http://www.sudouest.fr/2015/04/18/partis-loin-de-chez-eux-pour-defendre-la-democratie-1895940-3212.php

    http://www.lejpb.com/paperezkoa/20110514/266023/fr/Mort-Deunoro-Totorika-"heros-inconnu-2de-guerre-mondiale"

    http://ipehantifaxista.blogspot.fr/2014/08/liberation-de-paris-la-trahison-de-de.html

    http://cspb.unblog.fr/2008/02/16/no-pasaran/ [NDLR contrairement à ce qui est écrit dans cet article (et dans celui qui précède), il ne semble pas que le Bataillon Gernika ait pris part à la libération de Paris (24-25 août 1944). La première unité alliée à entrer dans la capitale hexagonale fut La Nueve (9e compagnie du régiment de marche du Tchad), effectivement composée de républicains "espagnols", et l'un de ses véhicules (jeep ou petit blindé) aurait apparemment été baptisé du nom de "Guernica" mais sans lien (a priori) avec les hommes d'Ordoki. La zone d'opération du bataillon semble bel et bien avoir été le "Sud-Ouest", comme pour la plupart des groupes de résistance "espagnols". C'est là que Kepa Ordoki, après avoir tout d'abord "séjourné" au camp d'internement de Gurs, est entré (tôt) dans la Résistance, a travaillé notamment dans les usines de Lannemezan (vivier "rouge" et antifasciste) et réchappé une première fois de l'arrestation alors qu'il distribuait le journal résistant Combat, une deuxième fois (à Bagnères-de-Luchon) du peloton d'exécution après trois mois de tortures et une troisième fois d'un déluge de balles allemandes sur sa "planque" dans un petit village pyrénéen (source "Ikurriña : Cien años", lien Google Books ci-dessous en castillan). Il semble même (en fait) que le Gernika n'ait été officiellement constitué sous ce nom qu'après la Libération de l'essentiel de l'Hexagone, à l'automne 1944, pour être affecté à la liquidation des dernières "poches" du littoral gascon - mais Ordoki et les hommes du bataillon avaient évidemment (et depuis longtemps) participé au maquis puis aux combats de la Libération.]

    En castillan :

    https://books.google.fr/books?id=HSFjPYpOPiAC&...

    http://kaixo.blogspot.fr/2005/04/60-aniversario-del-batallon-gernika.html

    1944-45, l'épopée du Bataillon GernikaBien sûr, dans l'esprit de tous ces hommes (les Basques comme les autres "Espagnols"), l'épopée révolutionnaire ne devait pas s'arrêter là. L'objectif de tout cela était bien sûr, après avoir vaincu le nazisme et le fascisme en Hexagone, de franchir à nouveau les Pyrénées pour aller libérer leurs Peuples ouvriers et paysans respectifs de celui que les avions d'Hitler et les chars de Mussolini avaient porté au pouvoir 6 ans plus tôt : le caudillo national-catholique Francisco Franco et ses hordes de tortionnaires. De Gaulle leur en avait fait la promesse (notamment en décorant le Gernika après la Pointe de Grave).

    Mais cette promesse sera bien vite jetée aux orties... Dans le nouveau contexte de Guerre froide qui se dessine, le régime sanguinaire devient vite une pièce maîtresse du dispositif du "monde libre" - ce nouveau nom de la "civilisation" ou de l'"Occident chrétien" - face au communisme. Les antifascistes ibériques qui ont joué un rôle décisif dans la Libération d'un quart du territoire hexagonal (et même de Paris pour certains) sont désarmés, démobilisés et renvoyés à ce qu'aux yeux du Capital ils savent le "mieux faire" : travailler à l'usine ou dans les champs.

    En septembre 1950 plusieurs centaines d'"Espagnols rouges" sont raflés (Opération "Boléro-Paprika") et envoyés en résidence surveillée en Corse ou en Algérie, le PCE est placé hors-la-loi, ses locaux fermés et ses publications interdites ; tout ceci en totale coordination avec les services franquistes (lire ici : http://www.humanite.fr/blogs/etre-fils-de-rouge-581472, ici http://ekladata.com/operation-bolero-paprika.pdf et encore ici http://ekladata.com/AjosdLNShVWMVwuVrsWXEcNH57Q.png). Et ce n'est là qu'un exemple de "chasse aux sorcières" parmi beaucoup d'autres (lire absolument cette étude : http://ccec.revues.org/3235)... Les relations diplomatiques avec Madrid sont officiellement rétablies en décembre 1951 - c'est alors encore une fois la "gauche" républicarde bourgeoise qui est au pouvoir, avec notamment un certain François Mitterrand comme ministre récurrent ("Outre-Mer", Intérieur, Justice etc.) ; la même "gauche" qui nous gouverne aujourd'hui par la matraque du renégat catalan Valls et avec laquelle certains pseudo-"maoïstes" voudraient "faire bloc" face à la montée du Front National ; tandis que tout un pan d'entre elle bascule (effectivement) dans le "souverainisme" social-chauvin et le fricotage avec la droite radicale comme "solution" à la crise (ce que les pseudo-"maoïstes" dénoncent à juste titre, mais leur "certaine idée de la France" est-elle foncièrement si différente ?).

    Du côté basque, il faudra attendre 1959 pour que les héroïques gudariak ("combattants" en euskara, gudari au singulier) relèvent la tête et relancent l'héroïque lutte révolutionnaire de libération que nous connaissons tou-te-s ; lutte qui a eu tendance à verser ces dernières années dans le réformisme et la conciliation (trois points de vue communistes à ce sujet iciici et ici) mais qui n'en reste pas moins soumise à la répression acharnée des États espagnol et français qui se partagent Euskal Herria.

    Kepa Ordoki et la plupart de ses compagnons d'armes, quant à eux, ne reverront pas leur pays natal avant la fin des années 1970...**

    1944-45, l'épopée du Bataillon Gernika

    Voilà quelque chose qui peut et doit servir d'enseignement encore aujourd'hui ; par exemple pour les Kurdes de Rojava : il faut toujours être très prudent et sans illusions lorsque l'on "joue" un ennemi de classe, réputé "moins pire", contre un autre objectivement plus immédiat et "mortel".

    Les camarades kurdes des YPG sont en lien étroit avec les quartiers-généraux de l'Alliance atlantique pour coordonner les frappes aériennes autour des secteurs qu'ils contrôlent ; des représentants à eux ont été reçus à l’Élysée ; et l'on peut difficilement leur reprocher de ne pas rejeter une aide aussi utile voire décisive face à des djihadistes réactionnaires barbares qui se sont promis de les égorger comme "mécréants", "apostats", "ennemis de l'islam" etc. etc. Ils sont à l'heure actuelle, ne nous voilons pas la face, partie prenante de la croisade de l'impérialisme occidental contre le monstre terrifiant que sa propre politique a engendré et déchaîné.

    Mais une fois l'"État islamique" vaincu (car un projet politique aussi démentiel et barbare ne peut qu'être vaincu à terme, même si cela prend des années), est-on si sûr que l'Occident laissera leur idéal "confédéraliste démocratique" triompher au Kurdistan ? Que la "communauté internationale" impérialiste continuera à appuyer leurs revendications notamment face à un État turc qui représente numériquement la deuxième armée de l'OTAN derrière les États-Unis (et même la première en comptant les réservistes !), à un régime syrien "sauvé des eaux" pour s'être retrouvé confronté à un ennemi pire que lui (qu'il a largement contribué à se créer en libérant des milliers de prisonniers islamistes radicaux dans la nature...), à un régime de Bagdad qui malgré ses liens avec Téhéran reste un allié-clé (le Kurdistan autonome d'Irak est de toute façon 100% bourgeois comprador et pro-impérialiste, 0% dans l'intérêt du Peuple et par ailleurs cul et chemise avec Ankara - ayant dans la vie les amis que l'on mérite, il a dernièrement reçu la visite de BHL...), etc. etc. ? Pour l'heure, l'hypothèse la plus probable est que l'Armée turque vienne "sécuriser" les zones libérées de la terreur daeshiste... On imagine difficilement plus contraire aux objectifs de la Libération révolutionnaire du Peuple kurde !

    Une trahison annoncée sur laquelle les (rares) derniers survivants du Bataillon Gernika et de la résistance antifasciste "espagnole" auraient sans doute beaucoup à dire ; et qui nous renvoie au célèbre mot d'ordre de Mao Zedong : "Compter sur ses propres forces !" - lancé dans la résistance à l'occupation japonaise alors que Wang Ming, conformément aux directives... du Komintern de Staline et Dimitrov, prônait la dissolution pure et simple de l'Armée du Peuple dans l'Armée nationaliste du Kuomintang. Voilà qui mérite d'être médité...

    En attendant, l'heure est venue de rendre à ces héros antifascistes et abertzale l'hommage communiste qu'ils méritent : Gora Gernika Bataloia ! Aupa Ordoki !


    1944-45, l'épopée du Bataillon Gernika
    1944-45, l'épopée du Bataillon Gernika


    * Voir ici la carte de ces fameuses "poches de l’Atlantique"

    ** Le dernier vétéran du bataillon encore en vie, Francisco Pérez Luzarreta, a accordé dernièrement une interview au journal basque Berria. En voici quelques passages traduits par un camarade :

    "EAJ (PNV) contrôlait le bataillon. Toi étais-tu abertzale ?

    Les abertzale étaient majoritaires. Moi, en revanche, j'ai été un individu révolté contre la persécution, l'injustice et le fascisme. Le fascisme avait tellement détruit ma famille, je luttais contre lui de vive volonté. Le meilleur endroit pour cela me parut le bataillon Gernika. J'ai toujours été d'idéologie libertaire. Pour moi, la liberté est tout. À partir de là, je n'ai pas senti de besoin de militer dans aucun parti. (...)

    Reçois-tu une pension ou autre pour les services de la guerre ?

    La France me donne une somme ridicule, et personne n'est jamais venu du gouvernement basque me demander comment je m'en sors. J'ai une pension minimum, de 600 euros, et tu ne vas nulle part avec ça. Je me suis marié en 1959, et nous n'avons pas eu d'enfant. Je disais à ma femme que j'aurais eu un enfant avec joie, mais je ne voulais donner personne né de moi à cette racaille. Le fascisme a continué. C'est peut-être pire maintenant qu'à l'époque du dictateur.

    (...)

    C'est ça la plus grande douleur de ma vie : ne pas avoir vu ces criminels à genoux. Aujourd'hui non plus. En Espagne, en plus, beaucoup de criminels de l'Allemagne nazie s'étaient établis après la guerre. Ils avaient l'argent volé aux Juifs, et les franquistes pour amis. Une racaille prête à déchiqueter tout ce qui respirait apparemment dans toute l'Europe. Je ne suis pas optimiste. Je ne peux déjà pas imaginer ce que je désirerais. J'ai perdu progressivement la ferveur d'une époque dans tous les domaines."

    Après la guerre, Paco Pérez Luzarreta officiera comme passeur entre Pays Basque du Nord et du Sud. Arrêté en 1947, il sera exilé à Barcelone où il restera deux ans avant de revenir s'installer définitivement en Hegoalde.

     


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  • Tandis qu'en Rojava la lutte héroïque et existentielle des Kurdes contre les dégénérés fascistes de Daesh se poursuit, avec le renfort de quelques 500 internationalistes venus d'Europe, la duplicité de l’État turc (officiellement membre de la coalition anti-djihadiste) apparaît chaque jour de manière plus évidente (ainsi que celle des satrapes vendus à l'impérialisme du Kurdistan "autonome" d'Irak, cul-et-chemise de longue date avec Ankara, cf. le troisième lien ci-dessous) : combattants takfiri vaincus se repliant le plus tranquillement du monde du côté "turc" avec un immense sourire aux lèvres devant les militaires qui les accueillent ; attentats anti-kurdes/progressistes/révolutionnaires en plein territoire "turc" (Diyarbakir contre un meeting du HDP avant les élections, Suruç contre les jeunesses du MLKP le 20 juillet) sans le moindre problème... ensuite de quoi la répression s'abat sur lesdits Kurdes/progressistes/révolutionnaires victimes ; offensives djihadistes contre des positions kurdes en Rojava juste après des vols de reconnaissance de l'aviation turque, etc. etc.

    Parallèlement, aux dernières élections législatives de juin, le parti progressiste HDP principalement soutenu par les Kurdes (ainsi que par la minorité culturelle alévie) a privé pour la première fois l'AKP au pouvoir ("démocrate-musulman"/"néo-menderiste", "ottomaniste", lire ici : Qu'est-ce que l'AKP ?) de la majorité absolue à la Grande Assemblée nationale, en raflant quelques 80 élus avec 13% des voix. Ceci a conduit Erdoğan à un nouveau coup de force constitutionnel en annonçant la tenue de nouvelles élections pour le 1er novembre, où il tentera de reconquérir une majorité ; tandis que paradoxalement (mais ces paradoxes font partie intégrante des accélérations de l'histoire) le gouvernement provisoire nommé en attendant intègre pour la première fois... deux élus HDP, le CHP ("centre-gauche" social-fasciste kémaliste) et le MHP (extrême-droite ultra-nationaliste) ayant refusé catégoriquement d'y participer (outre la "laïcité" principe identitaire du CHP, l'un et l'autre ne pardonnent pas à l'AKP d'avoir été... trop "libéral" à leurs yeux vis-à-vis des Kurdes ; tandis que du côté de ce dernier il y a peut-être une tentative de "mouiller" et décrédibiliser le HDP pour diviser le mouvement kurde - dont ce parti représente évidemment la tendance réformiste et modérée, appelant régulièrement le PKK à déposer les armes).

    Tout ceci a conduit ces derniers mois le "Sud-Est anatolien" (appellation fasciste turque du Kurdistan du Nord) mais aussi le reste de l’État à développer une situation insurrectionnelle permanente et grandissante : tous les jours à la répression répond la résistance et réciproquement ; l'état de siège est mis en place dans près d'une centaine de districts tandis que certaines municipalités à majorité kurde... et même une province entière ont proclamé "ne plus reconnaître l'autorité d'Ankara" ; la guérilla urbaine rouge mène des attaques jusqu'au cœur de la capitale économique Istanbul (lire ici et ici) ; tandis que les pourparlers qu'avait engagés la direction du PKK (notamment le dirigeant-fondateur Öcalan, emprisonné depuis 1999) avec le gouvernement AKP sont bien évidemment au point mort.

    Bien sûr, au regard notamment de ces va-et-vient permanents du PKK entre guérilla et table des négociations (et de la faiblesse relative des organisations ML et MLM : MLKP, TKP/ML, MKP, sans même parler du DHKP-C qui est hostile à l'affirmation nationale kurde), il manque à ce mouvement réel des masses une direction politique armée d'une stratégie claire. Néanmoins, l'Anatolie est bel et bien entrée dans une époque de grandes turbulences dont il est tout sauf certain que le régime turc (instauré voilà plus de 90 ans) ressortira intact...

    Voici une série de liens sur la situation politique et militaire au cours des derniers mois :

    http://www.rfi.fr/moyen-orient/20150817-kurdes-turquie-proche-guerre-civile-pkk-varto-mus

    http://www.humanite.fr/ankara-en-guerre-contre-les-kurdes-580732

    http://blogs.mediapart.fr/blog/laterreur/040815/chronique-du-kurdistan-1-l-insurrection-qui-vient (après un bref exposé sur les situations côtés "irakien" et "syrien", bonne présentation de celle du côté "turc")

    http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/des-kurdes-prennent-les-armes-et-d-clarent-l-autonomie-en-turquie-1528198423

    http://www.secoursrouge.org/Turquie-Kurdistan-Villes-insurgees-et-guerilla-au-Kurdistan-affrontements-a

    http://www.secoursrouge.org/Turquie-Kurdistan-Attaques-contre-des-civils-et-climat-insurrectionnel

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/2015/07/22/une-action-armee-du-tkpml-tikko-et-du-mlkp-pour-suruc/

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/2015/08/22/au-kurdistan-turc-98-zones-sont-declarees-zones-de-securite-speciale/

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/2015/08/28/a-gever-yuksekova-la-loi-martiale-et-les-assauts-perdurent/

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/2015/08/12/actions-conjointe-du-tkpml-tikko-et-du-pkk-a-dersim/

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/tag/kurdistan/

    http://www.secoursrouge.org/turquie-kurdistan

    http://blogs.mediapart.fr/blog/laterreur/240815/traitement-mediatique-de-la-question-kurde-le-cas-ekin-van (sur le scandale de la profanation-humiliation ignoble du corps de la combattante Ekin Van, tuée au combat le 10 août par les forces turques)

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/2015/08/28/action-de-la-guerilla-feminine-du-tkpml-tikko-en-memoire-dekin-wan/

    https://nouvelleturquie.wordpress.com/2015/08/30/a-silopi-3-jeunes-ont-ete-execute/




    Turquie-Kurdistan : situation révolutionnaire en développement ?


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  • Après Staline (voir aussi ici) et le "génocide cambodgien" des Khmers Rouges, sujets que nous avons déjà abordés, la Corée du Nord ("République populaire démocratique de Corée") de la dynastie Kim arrive sans aucun doute en troisième position des "arguments" se voulant "massue" que peuvent nous opposer les anticommunistes - y compris d'"extrême-gauche".

    Pour clore ce "débat", alors que le régime fête en ce moment son 70e anniversaire (il est né de la défaite du Japon et de l'occupation par les Soviétiques du nord de la péninsule en août-septembre 1945), nous nous contenterons de partager ci-après ce bon petit article des camarades du PCR Canada qui résume assez correctement notre position (la position maoïste) sur ce régime (que d'aucuns qualifieront, comme les Khmers Rouges et comme tout régime "rouge" en Asie, de... maoïste).

    Le texte commence, pour être précis, par une petite présentation du contexte géopolitique et historique de la péninsule coréenne ; car rien ne sert de disserter (ou plutôt de déblatérer) si l'on n'a pas préalablement situé les choses dans leur contexte. Il se penche (seulement) ensuite sur une analyse marxiste du régime nord-coréen et de son idéologie.


    http://www.pcr-rcp.ca/fr/4049


    Le dirigeant actuel Kim Jong-un. L'histoire nous dira s'il accèdera lui aussi au rang d'"éternel".


    Petite histoire de l’impérialisme américain en Corée

    La presse bourgeoise, cette meneuse de claque toujours prête à nous faire jouer les majorettes pour encourager les meurtres en séries de la prochaine intervention impérialiste, nous ramène à intervalles réguliers une nouvelle campagne d’agitation guerrière contre la Corée du Nord. On nous la dessine avec forces images et en boucle comme un pays dont le peuple (qu’il faudrait libérer) est asservi et affamé par un dirigeant imprévisible et paranoïaque (qu’il faudrait enchaîner) prêt à déclencher la première guerre atomique mondiale. Cela justifierait que l’on aille mourir et tuer à l’autre bout de la terre.

    Après l’Irak ou l’Afghanistan ce sera, selon l’humeur du moment, la Syrie, la Corée du Nord ou l’Iran. On prend bien soin, toutefois, de taire les interventions militaires antérieures de l’impérialisme US, qui sont pourtant pour beaucoup dans l’hostilité manifestée par le régime nord-coréen et la population de ce pays envers lui. Voyons si menace il y a et d’où elle provient véritablement à travers un court historique de l’impérialisme américain en Corée.

    Occupation japonaise et résistance (1910-1945)

    À la fin du XIXe siècle, la Corée est, comme beaucoup d’autres régions du monde à la même époque, la proie des impérialismes japonais, allemand, américain, français et britannique, qui la dépècent chacun à leur tour. Le Japon aura finalement le dessus sur ses rivaux et en 1910 la Corée sera annexée à l’Empire nippon.

    Sous l’occupation, la paysannerie expropriée en grand nombre et les travailleuses et travailleurs subissent une exploitation redoublée alors qu’elles et ils voient leur portion alimentaire de riz diminuer presque de moitié. La population subit les exactions continuelles des colons japonais qui sévissent dans une impunité presque complète instituée par le droit d’extraterritorialité1. La situation ira en s’aggravant jusqu’à la Deuxième Guerre mondiale quand des millions de Coréens et Coréennes seront réduites en esclavage et que plusieurs mourront exilées dans les mines du Japon ou séquestrées dans des maisons closes réservées à l’usage des soldats japonais.

    C’est dans ce contexte qu’ira en se développant un puissant mouvement de résistance à l’occupation, lequel connaîtra un de ses points culminants dans le mouvement du 1er Mars 1919 qui réunira plus de 2 000 000 de personnes sur trois mois, dans 1 500 manifestations. Sept mille manifestantes et manifestants trouveront la mort aux mains des policiers, dont plusieurs sous la torture. Cinquante mille seront mis sous les verrous en vertu des lois de préservation de la paix2 et des milliers d’autres fuiront la répression vers la Mandchourie voisine, elle-même pourtant bientôt occupée par l’armée japonaise.

    L’exploitation sans frein des masses paysannes et travailleuses conduit ainsi le mouvement nationaliste, d’abord limité à l’ancienne noblesse déchue, à s’étendre et se radicaliser, reprenant chaque jour davantage les analyses communistes et son programme, propagés par la victoire d’Octobre et nourris par les luttes révolutionnaires de la Chine voisine.

    L’occupation américaine de la Corée du Sud

    • La « Libération »

    En août 1945, suite à la reddition du Japon aux forces alliées, les Soviétiques, à la demande des Américains, cessent leurs avancées dans les zones d’occupation japonaise. Le 8 septembre, les forces américaines débarquent sur la péninsule coréenne et mettent en place un gouvernement militaire au sud des positions soviétiques cantonnées au nord du 38e parallèle. Mais les Américains, bien qu’étant un des principaux artisans de la défaite de l’Allemagne et du Japon, reconnaissent en eux les alliés naturels d’une politique de containment de la progression communiste.

    Ainsi, le 9 septembre 1945, John Hodge, chef du gouvernement militaire américain en Corée, annonce le rétablissement des anciennes autorités coloniales. Ce n’est que face à l’indignation généralisée provoquée par cette décision qu’Hodge doit rapidement se rétracter, mais ce n’est que pour nommer des conseillers japonais qui assisteront les Américains aux postes de direction. L’ancienne police coloniale est ensuite remise sur pied recrutant une part importante de ses nouveaux effectifs parmi les ligues de jeunesse fascistes encore actives. Et enfin, en décembre 1948 sont rétablies les lois sur la préservation de la paix, rebaptisées pour l’occasion « Loi sur la sécurité nationale ». Véritablement, la libération prenait des airs de nouvelle occupation.

    • Des élections bidon

    Afin de garantir malgré tout une légitimité démocratique au régime, les Américains proposent à l’ONU en novembre 1947 de superviser la tenue d’élections en Corée. Pourtant dès leur arrivée, les membres de la commission onusienne manifestent leurs inquiétudes. Ainsi, les délégués australiens de mettre en garde que les élections « semblent être sous le contrôle d’un seul parti », le Parti démocratique de Corée.

    Sur la question de la Corée du Nord - un article du PCR CanadaMalgré l’opposition de la France, du Canada et de l’Australie à la tenue immédiate d’élections en Corée, les États-Unis parviennent à obtenir l’appui des autres délégués3. Des élections auront donc lieu en dépit des circonstances… Le gouvernement militaire américain avait en effet planifié cette transition « démocratique » dès 1945 alors qu’il supervisait la formation du Parti démocratique de Corée (le Han-guk Minjudang), lequel regroupait de grands industriels et propriétaires fonciers coréens, tous étroitement liés et favorables aux intérêts japonais sous l’occupation. Les Américains établissent ainsi en 1946 un gouvernement intérimaire à la tête duquel est placé le Han-guk Minjudang et c’est ce même parti qui, en 1947, est chargé d’encadrer les élections4.

    L’opposition au processus électoral est alors générale, au nord comme au sud, à droite comme à gauche, les principales formations politiques refusant d’y participer, à l’exception du Han-guk Minjudang et du NARRKI de Singman Rhee5. Le faible taux de participation risquant de retirer toute légitimité au futur gouvernement, la remise des coupons de rationnement, dont près de 50% de la population dépend alors pour sa survie6, s’effectue aux urnes. Le 10 mai 1948, Singman Rhee est élu président de la république avec un taux de participation de 95%. Il continuera avec l’appui des Américains les politiques de répression systématique de l’opposition déjà initiées par ces derniers.

    • L’opposition réprimée

    À la veille du débarquement américain en Corée, le 7 septembre 1945, le gouvernement de la République populaire de Corée était instauré à l’initiative d’une multitude d’organisations ayant pris part à la résistance. Anarchistes, sociaux-démocrates et communistes participent à la formation du gouvernement et mettent sur pied dans toute la Corée des comités populaires qui rapidement se dénombrent par centaines. Dans les usines, les campagnes, les villes et les villages, les travailleurs et travailleuses, paysans et paysannes décident collectivement dans ces comités de l’organisation de leurs milieux et de leur travail.

    Le gouvernement annonce dans son programme, entre autres choses, vouloir redistribuer la terre aux paysans pauvres, nationaliser les grandes industries, imposer un salaire minimum et la journée de huit heures, défendre et promouvoir l’égalité des hommes et des femmes et assurer la liberté de presse et d’expression. L’accusant d’être une marionnette de l’Union soviétique, les Américains le déclarent illégal. L’Inmin Gonghwaguk devra poursuivre ses activités dans la clandestinité, réorganisé dans le Parti du travail de Corée du Sud (Namrodang) qui compte alors plus de 360 000 membres. La répression, toutefois, ne s’arrêtera pas là.

    L’île Jeju peuplée d’environ 250 000 habitants et située à 100 km des côtes coréennes est à cette époque un véritable bastion du Namrodang. En avril 1948 s’y tiennent d’importantes manifestations s’opposant à la tenue des élections. Une série d’évènements, dont le refus de deux régiments de réprimer les manifestants et auxquels ils finiront par se joindre, vont voir une opération, d’abord strictement policière, se transformer en un véritable conflit armé qui durera près d’un an. Au terme du conflit à Jeju, environ une personne sur trois est considérée comme morte ou disparue et l’île n’est plus qu’un caillou enseveli sous les amas et les décombres de ce qui tenait lieu de maisons et villages. Le 19 mai 1949, l’ambassadeur américain en Corée avisera Washington : « Tous les rebelles de l’île Jeju ont été soit capturés, tués ou convertis. »

    En 1949, Syngman Rhee, alors président, met en place un programme de rééducation politique adressé aux « contrevenants de la pensée ». Communistes, socialistes ou simplement critiques du régime sont embrigadées de force dans ce programme. Appelée la ligue Bodo7, elle comprendra rapidement jusqu’à 300 000 membres, lesquels sont fichés, suivis et constamment surveillés par la police. En 1950, peu de temps après le déclenchement de la guerre de Corée, Syngman Rhee ordonne l’exécution des membres de la ligue. On estime qu’entre 100 000 et 200 000 personnes, parfois même des enfants, seront sommairement exécutées par l’armée et la police coréenne. Les Américains auront l’audace de filmer les charniers pour en faire un film de propagande dans lequel ils accusent les communistes des massacres8.

    • La guerre de Corée

    En 1950, Kim Il-sung, dirigeant de la Corée du Nord, entreprend de réunifier la Corée en comptant sur l’appui des masses populaires sud-coréennes. Au front, les soldats sud-coréens rejoindront en masse l’Armée populaire de Corée (Inmin Gun) et derrière les lignes ennemies, de très nombreuses grèves d’appui viendront paralyser l’économie sud-coréenne. C’est dans ces conditions qu’en juin 1950, l’Inmin Gun franchit la frontière du 38e parallèle et en un peu moins de trois mois, refoule les armées sud-coréenne et américaine jusqu’aux côtes de l’extrémité sud de la péninsule.

    Sur la question de la Corée du Nord - un article du PCR CanadaLes États-Unis feront alors appel à l’ONU, laquelle mobilisera une force de 230 000 hommes, dont 26 000 Canadiens, afin de défendre la « République de Corée ». Cette guerre qui pouvait jusqu’alors encore apparaître comme une guerre civile par puissances interposées (États-Unis/URSS) devient une véritable guerre d’agression, alors qu’une vingtaine de nations étrangères envahissent la Corée.

    Dès le mois d’octobre 1950, les forces onusiennes ont repris Séoul et parviennent rapidement à la frontière extrême nord de la Corée. La Chine s’engage alors dans le conflit avec 270 000 hommes afin de soutenir l’Inmin Gun et repousse l’offensive onusienne au sud du 38e parallèle. S’en suivra une longue guerre de tranchées jusqu’à l’armistice du 27 juillet 1953 qui fixera les frontières des deux Corées sur l’ancienne ligne de démarcation.

    L’hécatombe atomique aura été évitée à de multiples reprises alors qu’au dernier instant, les Américains écartaient son usage, mais l’offensive onusienne n’en fut pas moins un carnage, avec ses trois millions de morts civils, un largage de bombes plus important que contre le Japon durant la Deuxième Guerre et plus de napalm déversé sur la Corée que durant toute la guerre du Vietnam. Six cent mille soldats y perdront la vie, chinois et coréens pour la plupart. Des généraux américains rapporteront plus tard que plus une ville, un village, un bâtiment ne s’élevaient plus haut que le ras du sol au nord du 38e parallèle ; il est alors estimé qu’en Corée du Nord, suite à la contamination des sols par les bombardements, 75% des terres autrefois cultivables ne le sont plus désormais.

    • 40 ans de régimes militaires

    De 1948 à 1987, les États-Unis vont appuyer politiquement, économiquement et militairement les différents régimes autoritaires qui se succéderont en Corée du Sud, les Américains possédant notamment plus de 80 bases et installations militaires en Corée du Sud, y maintenant plus de 30 000 soldats en garnison tout en disposant depuis 1948 du commandement militaire de l’armée sud-coréenne. La Korean Central Intelligence Agency, véritable police politique créée en 1961, se livrera à l’extorsion, à la torture et à l’assassinat de milliers d’opposants politiques. Les manifestations sont durement et systématiquement réprimées.

    En mai 1980, suite à d’importantes manifestations à Gwanju, l’administration du président Carter enjoint le gouvernement sud-coréen de reprendre le contrôle de la situation, par la force si nécessaire ; c’est entre 1 000 et 2 000 manifestantes qui seront alors abattues. Ce n’est qu’à partir de 1988 que le régime connaîtra certaines ouvertures démocratiques, mais la Loi sur la sécurité nationale est toujours en place et un rapport d’Amnesty International pour la seule année 1998, rapporte près de 400 arrestations pour délits d’opinion, dont un étudiant condamné à huit mois de prison pour avoir publié un article du trotskiste Chris Harman sur le Web.

    En 2002, un Sud-coréen est condamné à deux ans d’emprisonnement pour avoir accusé le gouvernement américain d’avoir été le principal instigateur de la partition de la Corée. Dans la portion qu’il occupait de la Corée, les Américains ont pourtant fortement contribué, par leur répression du mouvement populaire et leur appui aux forces les plus réactionnaires du pays, à la constitution de deux régimes adverses au Nord et au Sud. L’état de guerre latent qui en a découlé a ensuite servi, de part et d’autre de la frontière, d’alibi à l’étouffement des luttes légitimes des classes populaires par des politiques sécuritaires féroces. Aujourd’hui encore, les Américains et leurs alliés constituent l’obstacle principal aux efforts de réunification de la Corée, largement désirée par les Coréens et Coréennes.

    Kim Tremblay

     

    • 1. Le droit d’extraterritorialité accorde aux citoyens d’un autre pays une immunité légale et juridique complète. Son adoption était le plus souvent imposée à un État par les puissances coloniales à l’avantage de leurs ressortissants. Bien que ces derniers demeuraient soumis aux lois et à la justice de leur propre pays, celle-ci se montrait souvent tolérante sinon clémente relativement aux crimes commis dans les colonies.
    • 2. Les lois de préservation de la paix de l’Empire japonais, en vigueur de 1894 à 1945, restreignent considérablement les libertés d’assemblée, de parole et de presse. Dès 1900, les syndicats ouvriers sont ciblés et tout comme les grèves, ils sont interdits. Puis à partir de 1928, c’est au tour des organisations de gauche d’être visées, alors que quiconque conteste le droit de propriété privée devient passible de la peine de mort.
    • 3. La Chine de Chiang Kaï-chek, le Salvador, l’Inde et les Philippines appuyèrent la résolution. La Syrie quant à elle s’abstint.
    • 4. Le Han-guk Minjudang occupera en effet 12 des 15 sièges du Comité national électoral.
    • 5. Anti-communiste fervent, Singmann Rhee est sans doute la seule figure du nationalisme coréen ayant obtenu l’appui des Américains. Son parti, la National Alliance for the Rapid Realization of Korean Independence, éclatera pourtant en deux formations, l’une appuyant le processus électoral, l’autre le boycottant.
    • 6. Durant l’occupation japonaise, la production de riz avait été entièrement centralisée. À leur arrivée, les Américains avait cru bon de remplacer ce mode de fonctionnement par le libre marché. Mais les structures de ce marché n’étant pas en place, une désorganisation complète de la production s’en suivi, le sud de la Corée pourtant considéré comme le bol de riz de la péninsule était au bord de la famine. Évitant de peu une crise humanitaire, les Américains remettent en place à toute vitesse un système centralisé de rationnement.
    • 7. Bodo signifie ici « accompagnement et orientation ».
    • 8. The Massachusetts School of Law. (2011, 26 nov.). The Korean War: A History Part 2 – Bruce Cumings [vidéo en ligne]. Repérée à http://mslawmedia.org/2011/12/cumings-korean-war-part-2/

    Un régime socialiste ?

    Des organisations nostalgiques de l’existence d’un « camp socialiste » sous la direction de l’URSS social-impérialiste se raccrochent à la Corée du Nord comme l’un des derniers « États socialistes » encore existants. Le fait qu’il s’agisse d’un pays socialiste expliquerait pourquoi l’Administration Bush l’a placé sur sa liste des pays formant « l’Axe du mal » à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Pourtant, ni l’Iran des islamistes ni l’Irak de Saddam Hussein ne possédaient cette caractéristique, et ils se sont retrouvés sur cette liste en même temps que la RPDC.

    Pour les maoïstes, le régime mis en place sur le territoire que l’on connaît actuellement comme la Corée du Nord n’a jamais été socialiste. Il est issu d’une lutte de libération nationale certes légitime qui, comme bien d’autres mouvements qui se sont déroulés à la même époque, a triomphé dans le contexte de la Guerre froide, alors qu’il existait de fait un camp socialiste qui faisait contrepoids aux vieilles puissances colonialistes et impérialistes.

    Fondé en 1945, le Parti du travail de Corée s’est ainsi affiché comme marxiste-léniniste. Après la mort de Staline et l’arrivée au pouvoir de Khrouchtchev en URSS, la Corée du Nord a fait partie de ces régimes, comme la Roumanie et le Vietnam du Nord, qui ont adopté une position mitoyenne à l’occasion du grand débat entre les partis soviétique et chinois, qui a fracturé le mouvement communiste international. Le Parti du travail de Corée s’est alors assuré de maintenir des rapports officiels et cordiaux avec tous les protagonistes.

    Le « juche » : une idéologie antimarxiste

    Sur la question de la Corée du Nord - un article du PCR CanadaCette volonté de maintenir son indépendance n’a cessé de caractériser l’idéologie promue par le régime nord-coréen. Le premier ministre, secrétaire du Parti et fondateur de la Corée du Nord, Kim Il-sung, s’est attribué la paternité de l’idéologie dite du juche (un terme souvent traduit par « esprit d’indépendance » ou « autosuffisance »), devenue officiellement l’idéologie dominante dans la constitution du pays en 1972 en remplacement du marxisme-léninisme.

    En quelques mots, le juche se présente comme « une série d’idées philosophiques nouvelles qui mettent l’accent sur l’homme » et qui visent à « résoudre tous les problèmes par ses propres forces ».

    Au départ, le juche se voulait une « application créative du marxisme-léninisme », en continuité avec lui. Éventuellement toutefois (en 1998, plus précisément), toute référence au marxisme-léninisme a été retirée de la Constitution nord-coréenne ; en 2009, c’est la notion même de « communisme » qui en est disparue, remplacée trois ans plus tard par le kimilsunisme-kimjongilisme, en référence au père et à son fils qui ont régné successivement sur le pays jusqu’à la mort du deuxième en décembre 2011.

    Dans les mots de Kim Il-sung, le juche se résume à « organiser et mobiliser le peuple tout entier dans l’édification d’un État souverain et indépendant… sans se laisser influencer par les théories établies ou les expériences étrangères » 1. Quant à l’objectif du communisme – qui était encore officiellement à l’ordre du jour à son époque – on allait y arriver essentiellement en « développant les forces productives » et en « révolutionnarisant et modelant sur la classe ouvrière tous les membres de la société pour en faire des hommes de type communiste ».

    Tout comme le révisionnisme de Khrouchtchev en URSS, le juche prétend à la fin des contradictions antagoniques entre les classes, et donc à la fin de la lutte de classes comme moteur de l’histoire. Le « peuple tout entier » partagerait un seul et même intérêt, plus fondamental que tout le reste : celui de « la patrie ».

    Officiellement, le Parti du travail de Corée reconnaît l’existence de trois classes dans la société nord-coréenne, dont l’unité est d’ailleurs symbolisée par son logo : la classe ouvrière, la paysannerie et la samuwon – la classe des intellectuels et des professionnels. Dans ce schéma, il n’y a ni bourgeoisie ni classes antagoniques : l’ennemi ne peut être qu’extérieur à la Corée du Nord, sinon de connivence avec l’étranger.

    Le juche est aux antipodes de la conception marxiste-léniniste-maoïste des classes et de la lutte de classes sous le socialisme, consacrée à l’occasion de la révolution culturelle en Chine. Celle-ci visait à révolutionnariser la société et à aller de l’avant vers le communisme par la mobilisation collective des masses dans une pratique de lutte de classes.

    La « révolution idéologique » envisagée par le juche est tout autre : toujours selon Kim Il-sung, « apprendre aux membres du Parti et aux autres travailleurs à aimer le travail est un des objectifs importants » de cette révolution. On est bien loin, ici, de ce qui pourrait ressembler à la dictature du prolétariat et à l’exercice concret du pouvoir par les masses travailleuses, fondement du socialisme… et l’on se rapproche, sans que ce soit nécessairement conscient, des conceptions véhiculées par Enver Hodja et le Parti du travail d’Albanie dans les années 1970, alors qu’ils cherchaient à faire contrepoids à la révolution culturelle chinoise (voire à éviter une révolution culturelle en Albanie).

    D’un Kim à l’autre

    Après la mort de Kim Il-sung en 1994, c’est son fils, Kim Jong-il, qui lui a succédé. À partir de là, le régime nord-coréen a abandonné toute prétention à une continuité, ou à tout le moins un certain rattachement au marxisme-léninisme.

    Dans une entrevue publiée en 1996 2, Kim Jong-il insiste pour que l’on comprenne bien que « la philosophie du Juche est une doctrine originale développée et systématisée par ses propres principes… qui diffère fondamentalement de la philosophie précédente ». Fait intéressant, il s’en prend à certains chercheurs en sciences sociales qui tentaient encore – laborieusement, au demeurant – de présenter le juche comme un développement du matérialisme dialectique marxiste.

    Selon lui, la dialectique marxiste est limitée et imparfaite, car elle néglige les attributs essentiels de l’être humain – « l’être supérieur et le plus puissant au monde », qui est « maître de tout et décide de tout ». Par conséquent, il y aurait « une loi universelle propre au mouvement social », indépendante de « la loi universelle du développement du monde matériel ».

    Ainsi, « l’histoire du développement de la société équivaut à l’histoire du développement du sens de la liberté, de la créativité et de la conscience de l’homme ». Bref, c’est la conscience et les idées qui mènent le monde… et ces idées, si importantes, ne sont autres que celles du parti : « Il convient d’accepter les idées du Parti comme des vérités indiscutables, de les défendre jalousement et d’en faire sa foi révolutionnaire pour comprendre exactement la philosophie du Juche. » Encore là, on est assez loin de la révolution culturelle et des appels de Mao à « oser aller à contre-courant » et à faire « feu sur le quartier général » !

    Sur la question de la Corée du Nord - un article du PCR CanadaQuant au successeur de Kim Jong-il, Kim Jong-un (entré en poste après la mort de son père en décembre 2011), les premiers textes qui lui sont attribués vont dans le même sens, savoir la valorisation de l’unité nationale et patriotique, qui trouve son aboutissement dans la « fusion » entre le Peuple et le Parti.

    Dans un texte visant à appuyer la proposition de nommer son père au poste de « secrétaire général éternel » du Parti du travail de Corée 3, le jeune Kim présente le Parti comme une mère qui doit voir au bien-être de ses enfants : « Tout comme une mère n’abandonne pas son enfant même s’il est taré ou cause des ennuis, mais au contraire veille sur lui et s’en occupe particulièrement, les organisations du Parti doivent amener tout le monde à se sentir dans le giron du Parti », le but étant de « faire de notre société une grande famille harmonieuse et étroitement unie ».

    Dans le même sens, voici le rôle que Kim Jong-un attribue aux femmes nord-coréennes : « Nos femmes constituent une grande force qui fait avancer l’une des deux roues de la charrette de la révolution. Les organisations du Parti doivent diriger judicieusement celles de l’Union démocratique des femmes pour que celles-ci remplissent leur devoir aussi bien pour la richesse, la puissance et la prospérité de la patrie que pour la bonne entente et le bonheur de la société et de leur famille, et continuent à s’épanouir comme les fleurs de l’époque. »

    Nous pourrions continuer longtemps à citer le président éternel (Kim Il-sung), le secrétaire général éternel (Kim Jong-il) ou celui désormais destiné au titre posthume de « commandant suprême éternel » (Kim Jong-un), mais il nous apparaît assez clairement que le Parti du travail de Corée n’a rien à voir avec le communisme authentique et qu’il n’est qu’un reliquat du révisionnisme moderne et de ces partis sclérosés qui se sont avérés des caricatures d’un projet par ailleurs voué à l’émancipation des exploitées et opprimées.

    Socialisme ou capitalisme d’État ?

    Il n’est pas surprenant que des organisations nostalgiques de l’URSS des Brejnev, Andropov, Tchernenko et autres bureaucrates ayant disparu à tour de rôle après avoir été victimes d’un « refroidissement » embrassent la Corée du Nord comme le nouveau phare du socialisme. Après tout, ces organisations faisaient déjà l’apologie du capitalisme d’État qui régnait en URSS avant l’arrivée en poste de Mikhaïl Gorbatchev et le passage au capitalisme privé qui s’en est suivi.

    Pour les maoïstes, le socialisme ne saurait être autre chose que la dictature du prolétariat, c’est-à-dire l’exercice réel du pouvoir par le biais de conseils (soviets) et d’autres organes similaires contrôlés de bas en haut par les masses prolétariennes et travailleuses.

    Le socialisme, c’est d’abord et avant tout une société de transition – une période plus ou moins longue pendant laquelle le prolétariat doit mener une lutte consciente et collective pour détruire les vestiges du capitalisme et préparer les conditions du passage au communisme et à une société sans classes.

    Ceux et celles pour qui le socialisme se définit essentiellement par la nature juridique du mode de propriété dominant – par le passage de la propriété privée à la propriété collective (étatique) des moyens de production – peuvent certes voir la République populaire démocratique de Corée comme un pays « socialiste » (quoique les réformes économiques mises en place depuis une dizaine d’années ont sérieusement commencé à mettre à mal le modèle étatique). Cela ne rend toutefois pas service au prolétariat mondial, qui a besoin de la plus grande clarté sur ces questions, ni même à la lutte légitime du peuple coréen contre l’impérialisme US, qui n’a jamais abandonné son objectif de contrôler la péninsule coréenne.

    Il est possible et nécessaire de s’opposer aux provocations états-uniennes contre la Corée du Nord et d’appuyer le droit de la RPDC de se défendre par tous les moyens à sa disposition contre les manœuvres hostiles de telle ou telle puissance impérialiste, sans pour autant devoir mentir sur la réalité du régime qui y sévit. Rejeter les mensonges des médias bourgeois sur le régime nord-coréen n’exige pas que l’on mente sur son caractère « socialiste ».

    La bourgeoisie bureaucratique formée autour de l’armée et de l’appareil d’État constitue la classe dominante en Corée du Nord. Elle opprime et tire profit collectivement de l’exploitation des masses prolétariennes et paysannes, qu’elle maintient sous une chape de plomb, sans même leur accorder quelque possibilité d’organisation autonome. Seule la lutte révolutionnaire du prolétariat de toute la péninsule permettra la mise en place d’une Corée libre et débarrassée de quelque forme de domination impérialiste que ce soit – qu’elle soit états-unienne, russe ou chinoise.

    Serge Gélinas

     

    • 1. Les citations de Kim Il-sung proviennent d’un rapport présenté le 9 octobre 1975 à l’occasion du 30e anniversaire de la fondation du Parti du travail de Corée. En ligne : http://juche.v.wol.ne.jp/pdf/fkimilsung200803.pdf
    • 2. « La philosophie du Juche est une philosophie révolutionnaire originale », interview accordée le 26 juillet 1996 à Kunroja, revue théorique du comité central du Parti du travail de Corée. En ligne : http://juche.v.wol.ne.jp/pdf/fkimjongil0501.pdf
    • 3. Kim Jong-un, « Menons à un brillant achèvement l’œuvre révolutionnaire Juche en honorant le grand camarade Kim Jong-il comme secrétaire général éternel de notre parti », entretien avec les responsables du comité central du Parti du travail de Corée, le 6 avril 2012. En ligne : http://myreader.toile-libre.org/uploads/My_5173b0ca92880.pdf. Kim Jong-un y explique notamment que « l’expression “honorer à jamais le Général Kim Jong-il comme Secrétaire général du Parti du travail de Corée” n’est nullement symbolique » et qu’il s’agit réellement « de le maintenir pour toujours au poste de Secrétaire général du Parti ».


    Sur la question de la Corée du Nord - un article du PCR Canada


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