• Revue de presse 22/10/2015 : sur les propos de Netanyahu au sujet de la Shoah, d'Hitler et du mufti Al-Husseini


    Alors que la tension monte de jour en jour en Palestine occupée, le Premier ministre sioniste d'extrême-droite Netanyahu s'est fendu d'une déclaration controversée jusque dans la presse bourgeoise internationale, par laquelle il ne rend ni plus ni moins que les Palestiniens, à travers la figure de l'ancien mufti de Jérusalem Amin al-Husseini (qui comme beaucoup de nationalistes arabes de l'époque avait pu voir dans l'Allemagne nazie une alliée objective, tant contre l'Empire britannique que contre le sionisme, avec toutefois une adhésion idéologique plutôt poussée)... "responsables" et même "initiateurs" de la Shoah : "Hitler ne souhaitait pas exterminer les juifs à cette époque, il souhaitait simplement les expulser", a-t-il déclaré. "C'est alors" (poursuit-il) "que Husseini est allé rencontrer Hitler en Allemagne et lui a dit : "Si vous les expulsez, ils débarqueront tous ici" (en Palestine). "Que dois-je alors en faire ?", lui répondit Hitler. "Brûlez-les", lui répondit Husseini"...

    Pour répondre à une telle absurdité, qui a fait hurler les historiens israéliens de l'Holocauste et même jusqu'à son "opposition" sioniste "de gauche", voici une petite revue de presse... qui bousculera peut-être quelques certitudes d'ailleurs !


    Le mufti de Jérusalem, inusable outil de la propagande israélienne (Gilbert Achcar)


    Régulièrement, des ouvrages "découvrent" les sympathies nazies du leader palestinien Amin Al-Husseini ; régulièrement, les dirigeants israéliens en tirent parti pour dénoncer l’antisémitisme "congénital" des Arabes. Car c’est bien l’objectif de ces pseudo-recherches historiques que de justifier l’occupation des Territoires et l’oppression des Palestiniens.

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    Ici un entretien très intéressant avec une spécialiste allemande de la question : "L'antisémitisme européen a été exporté dans les pays arabes" par Géraldine Schwarz


    Ce qui est une certitude historique en revanche, c'est que la conjonction évidente d'intérêts entre des nazis qui ne voulaient plus de Juifs en Europe et des sionistes voulant les Juifs d'Europe en Palestine a pu conduire jusqu'à une phase "avancée" du processus nazi (début de la Seconde Guerre mondiale... voire veille de la conférence de Wannsee) à des choses de ce genre :


    Le sionisme et l’exploitation de l’antisémitisme :
    l’accord Haavara signé en 1933 entre les autorités sionistes et nazies


    Une représentation de l’État d’Israël semble généralement aller de soi pour le sens commun, les autorités politiques et judiciaires internationales et nationales et même très souvent le discours académique. Israël incarnerait la vocation à « sauver les Juifs » : foyer d’accueil pour les rescapés du Génocide et havre de sécurité pour les Juifs persécutés du monde entier.

    Pourtant le sionisme réel est loin d’être conforme à cette représentation, en fait l’idéologie sioniste, mythe fondateur de l’État d’Israël. Un accord signé entre les autorités sionistes et nazies me paraît particulièrement révélateur.

    Le 7 août 1933 - quelques mois à peine après l’arrivée de nazis au pouvoir le 30 janvier 1933 - l’Accord Haavara (passage, transfert en hébreu, l’expression hébraïque est également utilisée dans les documents nazis) a été conclu entre les plus hautes autorités de l’État nazi et les plus hautes autorités du mouvement sioniste, notamment celles de la communauté juive implantée en Palestine (le Yichouv, de Hayichouv Hayehoudi beEretz Israël, l’implantation juive en Terre d’Israël).

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    S'il est (donc) complètement ridicule d'attribuer au mufti de Jérusalem (ou à quelque nationaliste arabe que ce soit) la responsabilité d'avoir "soufflé" l'idée de la Shoah à un nazisme devant lequel il ne faisait que ramper, et qui avait par ailleurs en Palestine un autre "fer au feu"... en la personne du mouvement sioniste ; nous nous permettrons toutefois, au risque assumé (comme d'habitude) de choquer et n'en déplaise à la "mythologie" dominante impérialiste occidentale post-1945, que l'identification du nazisme et du fascisme au "Mal absolu" est une vision profondément européo-centrée et largement inopérante sur les Peuples du "tiers-monde" (autrement dit, tout ce que pourra dire Netanyahu sur les liens du mufti avec le IIIe Reich laissera de toute façon les Palestiniens - et les Arabes en général - de marbre...).

    En effet, beaucoup de Peuples hors d'Europe n'auront que très tardivement... voire jamais, au cours de la "longue Seconde Guerre mondiale" (1931-45), considéré le bloc impérialiste Allemagne-Italie-Japon comme un "Mal" moralement plus ignoble que leurs oppresseurs impérialistes "historiques"... qui seront en 1945 les vainqueurs (France, Grande-Bretagne, États-Unis, Pays-Bas etc.) ; allant parfois même en effet (pour certains et pour un certain temps) jusqu'à y voir de potentiels alliés tactiques ; et aujourd'hui encore, si presque tout le monde (hormis les pires réactionnaires) reconnaît dans ces pays-là les méfaits et les abominations de l'Axe germano-italo-japonais, la perception de ce dernier comme "centralité du Mal" renâcle toujours à s'ancrer dans les esprits : pour un Palestinien, la "centralité du Mal" restera envers et contre tout la colonisation de son pays et l'expulsion de son Peuple par les sionistes ; pour un Algérien, ce sera la colonisation française de 1830 à 1962 (et non l'engagement dans la Wehrmacht de combattants de l'indépendance comme le colonel Mohammedi...) ; pour un Bantou sud-africain, la domination blanche jusqu'en  1992 ; pour un Congolais, le règne de Léopold II de Belgique ; pour un Antillais, l'époque de la traite et de l'esclavage bien sûr ; pour un Sud-Américain la "confiscation" de son indépendance (au 19e siècle) par les impérialistes britanniques puis US [ainsi par exemple, en Argentine, est désignée sous le nom de "Décennie infâme" une période (à partir de 1930) de dictatures militaires pilotées par Londres qui prendra fin en 1943 par un putsch... de sympathisants notoires de l'Axe, parmi lesquels un certain Juan Domingo Perón - ceci sans même parler bien sûr des sanglantes juntes militaires connues par ce pays et d'autres entre les années 1950 et 1980 ; au total, plusieurs centaines de milliers de personnes y auront sans doute perdu la vie] ; pour un "Indien" de ces mêmes Amériques le génocide qu'a représenté la colonisation européenne à partir de 1492 (et la domination de ces mêmes colons jusqu'encore aujourd'hui), etc. etc. Au Bengale, où une famine provoquée par la politique britannique en temps de guerre fit plusieurs millions de victimes en 1943 [au total, du milieu du 18e siècle jusqu'en 1947, la politique coloniale britannique en Inde aurait fait plusieurs dizaines de millions de morts], il est facilement compréhensible qu'un autochtone ne fasse pas bien la distinction entre Winston Churchill et Adolf Hitler. Même en Chine, l'occupation japonaise (1937-45) s'inscrit historiographiquement dans une période beaucoup plus large de domination impérialiste étrangère (des années 1840 jusqu'en 1949), sans autre spécificité particulière que d'avoir été celle où la Guerre populaire de Mao s'est véritablement développée. Les Japonais sont par ailleurs connus pour n'avoir pas fait grand-chose contre les communistes et autres indépendantistes vietnamiens en 1945 (le PCV retenant cependant cette "guerre de libération" dans son histoire officielle) : ils préféraient laisser le pays à des Asiatiques plutôt qu'aux anciens colonisateurs occidentaux (ils firent largement de même en Indonésie, en Malaisie, en Birmanie etc.). Éthiopiens et Libyens ont subi la barbarie coloniale de l'Italie fasciste : là, la perception dans les consciences populaires va effectivement pouvoir rejoindre celle qui domine en Occident. La Namibie aura connu la barbarie coloniale allemande avec le génocide des Héréros (1904-08)... mais ce n'était pas sous le nazisme.

    Le "Reich de mille ans" nazi aura été en dernière analyse une tentative d'Empire colonial allemand en Europe (avec son corollaire d'asservissement de certaines populations, d'extermination pure et simple d'autres etc. etc., lire ici Chapoutot et Losurdo) : il est parfaitement logique qu'en dehors de ce continent, ses atrocités ne soient pas perçues avec la même "viscéralité" par les masses. 

    Tout ceci met à mal, nous en sommes bien conscients, une certaine lecture dominante de l'Histoire en vigueur en Occident depuis trois générations ; lecture ancrée y compris à gauche... Mais c'est ainsi.

    On terminera néanmoins sur une note d'humour avec le journal satirique algérien El Manchar :

    Netanyahu : « des braconniers palestiniens à l’origine de l’extinction des dinosaures et des mammouths »

    Revue de presse 22/10/2015 sur les propos de Netanyahu au sujet de la Shoah, d'Hitler et du mufti Al-Husseini


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