• Considérations diverses : 1/ Le cœur des nations est aujourd’hui le Peuple et 2/ Qu’est-ce qu’un pays impérialiste


    SermentPaume-copie-1.jpg1. Il faut bien faire la distinction entre la nation en soi, infrastructurelle, sur des critères objectifs, et la nation POUR SOI, autrement dit OÙ est le CŒUR de la nation, sa CONSCIENCE.

    À partir du moment où apparaissent les nations en Europe (11e-12e siècles, apparition du capitalisme sur des caractères déjà préexistants depuis les 8e-9e siècles), et à travers toute la construction de l’État moderne jusqu'aux "révolutions" (restructurations radicales de ces États par la bourgeoisie), soit jusqu'au 19e siècle, ce 'cœur' est la classe qui 'fait l'histoire' à cette époque : la BOURGEOISIE (parfois associée à une certaine aristocratie 'moderne', devenue capitaliste de fait). N'oublions pas que de 1789 à 1848, pour toute une partie de la bourgeoisie dite CENSITAIRE (majoritaire en fait), la citoyenneté active, le droit de vote, était réservé aux personnes payant un certain impôt, donc possédant un certain patrimoine : autrement dit, la 'Nation' c'était la bourgeoisie et elle seule...

    Mais, outre la lutte contre la masse des producteurs (qu'il s'agissait de déposséder, de séparer des moyens de production pour les jeter dans le salariat), qui mérite largement d'être appelée guerre d'extermination, ceci a forcément donné lieu à une lutte ENTRE BOURGEOISIES NATIONALES dans les grands royaumes qui étaient plurinationaux, pour savoir laquelle d'entre elles aurait la prééminence. Comme l'expliquait Kaypakkaya, citant Lénine et Staline, au sujet de l’État (de construction beaucoup plus tardive, accélérée et génocidaire) turc : "Quel est l'objectif de l'oppression nationale ? Cet objectif, de manière très générale, est de maîtriser la richesse matérielle de tous les marchés du pays sans avoir de rivaux, pour gagner de nouveaux privilèges, étendre les limites des privilèges actuels et s’en servir. Dans ce but, la bourgeoisie et les propriétaires issus de la nation dominante, afin de conserver les frontières politiques du pays font d’énormes efforts pour empêcher par tous les moyens les régions dans lesquelles vivent plusieurs nationalités de se séparer du pays. Dans les mots du camarade Staline : “Qui dominera le marché ?” [ici en Hexagone : la bourgeoisie du Bassin de la Seine ou occitane, lyonnaise, de Flandre-Artois, ou encore anglo-normande ? les foires de Champagne ou du Languedoc ? etc.]. C’est l’essence de la question. (...) L’oppression des travailleurs des peuples minoritaires acquiert de cette manière une double qualité : premièrement il y a l’oppression de classe utilisée contre les travailleurs afin d’exploiter et d’éradiquer la lutte de classe ; deuxièmement, il y a l’oppression nationale mise en œuvre pour les objectifs mentionnés plus haut contre toutes les classes des nations et des nationalités minoritaires.

    Évidemment, la bourgeoisie de la capitale royale, liée au pouvoir monarchique, partait avec un avantage certain et ce fut généralement elle qui remporta la course. Ainsi, par les Actes d'Union de 1707 contre l’Écosse et 1800 contre l'Irlande, la haute bourgeoisie et aristocratie agro-capitaliste anglaise achève de 'mettre au pas' ses congénères de ces nations (la bourgeoisie irlandaise, rappelons-le, était alors quasi-exclusivement protestante et l'ancêtre du parti loyaliste actuel, mais à l'époque elle contestait le centralisme anglais ; Wolfe Tone était l'un de ces bourgeois protestants).

    En Hexagone, les luttes sont nombreuses et aiguës pendant tout l'Ancien Régime, avec une acuité particulière pendant les Guerres de Religion et les régences entre Henri IV et Louis XIII et (surtout) entre Louis XIII et Louis XIV (Mazarin). En 1793-94, l'on peut dire que la bourgeoisie de 'province' mène sa 'dernière croisade' : contrairement aux idées reçues, c'est plutôt elle qui a lancé le processus révolutionnaire, entre logique assimilationniste de 'mêmes droits pour tous' (toutes les bourgeoisies) et refus de l'autoritarisme centraliste de la monarchie ; les principaux 'ténors' de la Constituante, les Mirabeau et autres Barnave, sont des 'provinciaux'. Il y a véritablement eu un 1789 de province (s'il n'est pas carrément possible de dire que 1789 est un mouvement de province avant tout) très largement jailli des affrontements entre le pouvoir central (monarchie) et les pouvoir locaux (Parlements, États provinciaux, municipalités) en défense de ces derniers, après des épisodes comme la Journée des Tuiles à Grenoble. En 1790 sont institués les départements, dotés chacun d'un Conseil départemental ; mais il est vraisemblable que personne à la Constituante ne voyait strictement de la même manière les pouvoirs de ces assemblées face à l’État central : pour beaucoup, la France devait être en dernière analyse une fédération de départements - on appellera ce courant les fédéralistes, qui se confondront dans une certaine mesure avec le parti de la Gironde. La grande bourgeoisie francilienne va alors reprendre la main en déployant une 'social-démocratie avant l'heure' en direction du petit peuple (ouvriers, indépendants pauvres) de Paris et en s'appuyant (également) sur une petite/moyenne bourgeoisie et paysannerie aisée 'racheteuse' de 'province', qui 94 n'aime pas les 'gros' patriciens de ces mêmes provinces (qui étaient justement les ténors de la Constituante/Législative et de la Gironde) : ce sera le parti de la Montagne... éliminé aussitôt sa mission historique accomplie, un certain 9 thermidor an II (27 juillet 1794, après un peu plus d'un an de pouvoir)[1]. En 1848-51 (vote républicain 'radical' et 'démocrate-socialiste', résistance au coup d’État bonapartiste) et encore en 1870-71 (dans les Communes), la bourgeoisie 'provinciale' tentera de se réaffirmer face à Paris (ou Versailles lorsque Paris lui-même est aux mains des ouvriers), mais ce sera un combat d'arrière-garde, au sens où ce sera un combat livré à la remorque du prolétariat et du petit peuple travailleur.

    Dans le Nord de l’État espagnol, au 19e siècle, il y aura une alliance de classe entre les masses populaires (principalement paysannes) et les 'forces du passé' (Église, fueros - lois locales - et leurs 'gardiens' notables) contre le centralisme madrilène, qui cherche à supprimer (1833) les autonomies régionales, et que les bourgeoisies nationales tendent alors à soutenir. Dans ces pays 'point de départ' de la 're'-Conquête, la Castille ne s'est pas montrée au cours des siècles précédents particulièrement oppressive (envers les élites, s'entend...), contrairement à ce qui a pu se produire en Aragon et (surtout) Catalogne, et évidemment dans le Grand Sud. À présent que la Cour de Madrid mène une politique bourgeoise, pense donc la bourgeoisie, elle lui sera tout aussi favorable, elle ne se heurtera qu'à ses adversaires, les nobliaux, les curés et autres potentats forales... Elle déchantera plus tard, sous l'ère alphonsine, à la toute fin du 19e siècle, et naîtront alors le Parti nationaliste basque et d'autres forces autonomistes. Les masses, elles, 'flairèrent' avec leur 'bon sens' gramscien que tout ceci allait mal tourner pour elles, et préférèrent s'accrocher à ce qu'elles connaissaient : l'autonomie locale, les fueros, même si s'accrocher au passé est toujours une erreur dans la lutte des classes. Cette erreur sera réparée dès les années 1930 (naissance de l'ANV, puis du PC d'Euskadi sous l'impulsion du Komintern, mouvement révolutionnaire ouvrier asturien etc.) et dès lors, les masses populaires avancées seront très clairement dans le camp de la révolution mondiale (notamment la gauche populaire abertzale).

    www.mineros con las banderas de Asturiias y León 2Dans le Sud de la péninsule en revanche, où l'aristocratie terrienne est justement un 'greffon' castillan (ou aragonais-catalan), où les masses sont les descendantes des paysans d'Al-Andalus et la bourgeoisie ce qu'il reste de ses anciennes élites économiques (souvent des juifs et des musulmans convertis de force), cette bourgeoisie va être aussi 'libérale avancée', démocratique, qu'anti-centraliste et favorable à une large autonomie des provinces. Les masses, elles, se tourneront très tôt vers les forces de la révolution prolétarienne (anarcho-syndicalisme, socialisme, communisme marxiste), sur une ligne tout aussi anti-centraliste. Il en ira de même dans les Pays catalans, où la haute bourgeoisie déjà puissante au Moyen Âge a toujours mal supporté le joug de Madrid et a finalement été 'brisée' par les décrets de Nueva Planta autour de 1715 (ceci favorisant, au demeurant, une moyenne bourgeoisie jusque-là écrasée par la grande, oligarchique) ; mais la ligne sera là un peu plus conservatrice, moins démocrate en direction des masses (son idéologie se retrouve globalement dans la CiU actuellement au pouvoir en Catalogne). Car là se trouve une clé du problème 'espagnol' : la Castille a acquis (définitivement au 16e siècle) la prééminence politique, mais sa bourgeoisie et ses 'élites' en général n'ont pas su en profiter, pas plus que de l'exploitation pourtant sauvage des Amériques, pour devenir dominantes économiquement. Son capitalisme est toujours resté derrière le catalan, et même les capitalismes du Nord, émergés plus tard (18e-19e siècles), voire le tout jeune capitalisme agro-alimentaire et touristique du Sud (dans les dernières décennies du 20e !) l'ont rapidement supplanté en dynamisme. La dernière solution en date (et sans doute la dernière carte...) qu'a trouvé l’État 'espagnol' castillan à cela, est le système des autonomies consacré par la Constitution de 1978.

    En Allemagne, dans les années 1870 (Kulturkampf), il y aura encore une lutte entre le junkerisme (agro-capitalisme) prussien, de confession luthérienne, et la bourgeoisie rhénane d'esprit catholique libéral, c'est-à-dire les deux principales forces qui ont unifié le nouvel État entre 1864 et 1871. Très vite cependant, face à la montée du mouvement ouvrier socialiste, tout le monde se réconciliera...

    En Italie, l'Unité sera faite par la bourgeoisie piémontaise alliée à la Maison de Savoie, qui s'est déjà inféodée la Sardaigne (acquise en 1720) et la Ligurie (acquise en 1815), et la bourgeoisie lombarde qui est allée la trouver pour se libérer de l'Autriche. Elle se subordonnera les bourgeoisies du Nord-Est (Vénétie, acquise en 1866) et du Centre (Émilie, Romagne, Toscane, Ombrie, Rome) et BRISERA ce qui avait pu émerger de bourgeoisie moderne dans le royaume de Naples (assez fortement dans la ville même, très moderne à l'époque) et en Sicile, plongeant définitivement ces terres et ces peuples dans une arriération qu'avait déjà entretenue, depuis le 16e siècle, la Contre-Réforme, la Papauté et la domination espagnole ; maintenant l'emprise de masse de l’Église (forte dans tout l’État au demeurant, en tout cas jusqu'aux années 1970-80), de la grande propriété foncière et de la "petite féodalité" mafieuse ('protection' contre 'taxe', héritage de la clientèle romaine), exactement comme dans une colonie.

    BAT-Les-presidents-de-la-Ve-Republique.jpgMais tous ces évènements du 19e siècle furent dans tous les cas les derniers feux, progressistes ou non, de l'activité historique de transformation sociale déployée par la bourgeoisie depuis le 13e siècle ; et donc la fin de la bourgeoisie comme 'cœur' de ces différentes nations. CE CŒUR PALPITANT, CE SONT DÉSORMAIS LES MASSES POPULAIRES TRAVAILLEUSES et leur 'noyau dur', le PROLÉTARIAT. Il faut en réalité comprendre que les nations 1°/ se composent schématiquement (historiquement), comme nous l'avons déjà expliqué, d'une masse des producteurs (produisant et vivant de cet usage productif de sa force de travail) et d'une classe possédante-dominante qui exploite et vit de la force de travail de la première, et 2°/ qu'elles sont en réalité comme des espèces vivantes animales ou végétales : elles ne 'naissent' et ne 'meurent' pas, elles se TRANSFORMENT continuellement à travers le long processus de l'histoire. Il est évident pour tout le monde (sauf pour quelques Identitaires neuneus) que les nationalités de notre Hexagone actuel ne sont pas les peuples gaulois d'il y a 2000 ans : les Occitans d'Auvergne ne sont pas des Arvernes, les Provençaux ne sont pas des Celto-Ligures etc. Mais il n'y a pas un jour 'J' et une heure 'H' où nous aurions cessé d'avoir des Gaulois pour avoir des Français, des Occitans, des Bretons etc. ; pas plus qu'il n'y a un jour et une heure précise où l'on a cessé d'avoir des australopithèques pour avoir des humains : c'est une longue transformation qui s'est effectuée à travers les siècles et les siècles (en fait, pratiquement de la conquête romaine jusqu'à l'époque moderne, au 16e ou 17e siècle !), avec évidemment des apports (des 'fécondations') externes, 'par en haut' (envahisseurs se greffant en nouvelle classe dominante) comme 'par en bas' (immigration de travail, esclaves lorsque cela se pratiquait etc.) ; néanmoins, le moteur principal du processus est interne et c'est, comme pour tout processus historique, la lutte des classes entre dominants et dominés, exploiteurs et exploités. Lorsque la bourgeoisie luttait contre les seigneurs féodaux, les évêques etc. elle était (cette lutte était) ainsi le moteur de la transformation des communautés humaines sur leurs territoires donnés, de ce qu'elles étaient en l'An 1000 vers ce qu'elles sont de nos jours. Mais nous avons vu aussi que souvent, alors que le pouvoir féodal se concentrait en grands domaines monarchiques, la bourgeoisie de telle ou telle ville pactisait avec le 'lointain' monarque contre le seigneur local, tandis que de son côté la bourgeoisie de la région dudit monarque le poussait à s'emparer des terres (donc des forces productives) de ses rivaux ; processus inévitable dès lors que le capitalisme, sorti de son stade élémentaire, n'est plus une libre relation entre producteurs libres (ce que voulait ressusciter Proudhon au 19e s.) mais voit se différencier une grande bourgeoisie, une moyenne, une petite etc. : c'est cette 'rencontre' entre la tendance féodale à l'accumulation de domaines et ces aspirations bourgeoises qui donne en réalité naissance aux États modernes que nous connaissons aujourd'hui. Et puis pour finir, après avoir accompli sa dernière grande tâche historique de prendre le pouvoir pour elle seule et mener à bien la 'révolution' industrielle (18e-19e siècles), nous savons que la bourgeoisie a cessé mondialement de jouer tout rôle historique progressiste.

    Dans la lutte qui se livre désormais (principalement) entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat/'peuple travailleur', c'est ce dernier qui est devenu le moteur de la transformation historique de la communauté humaine appelée 'nation'. Désormais, tout État englobant plusieurs nations (tous les grands États européens, sauf peut-être l'Allemagne, à discuter) est un système dans lequel les bourgeoisies nationales ont fini par trouver leur place, plus ou moins subordonnée à la dominante. Même si ici et là une bourgeoisie peut se juger suffisamment forte pour faire sécession (Flandre, Catalogne, Pays Basque, Italie du Nord, Québec en Amérique du Nord), elle restera indirectement dans ce 'système' par le biais de structures capitalistes supra-étatiques comme l'UE ou l'ALENA par exemple, et la situation ne changera pas d'un iota pour les masses exploitées. La question 'nationale' est donc désormais une question POPULAIRE. C'est pourquoi, plutôt que de parler de 'Nation occitane', nous préférons parler de PEUPLE occitan, au nom duquel nous menons notre lutte. La 'Nation' d'Òc est plutôt un référent des rares nationalistes bourgeois de notre pays, aux perspectives de succès si mince, fut-ce d'un 'système autonomique' à l''espagnole', qu’elles ne valent pas la peine qu'on s'y attarde. 'France fédérale', 'autonomie' façon État espagnol ou italien ou 'indépendance' dans le cadre ou non de l'UE, leur action politique s'inscrit de toute manière dans un champ de références BOURGEOIS qui n'est pas le nôtre : c'est une autre planète, en quelque sorte. Nous, nous luttons pour le Peuple occitan qui, 'sa' bourgeoisie ayant été soit 'francisée' soit liquidée (en 700 ans de luttes il y a eu le temps...) pour ne laisser que les 3% d'autonomistes et les 0,5% d'indépendantistes actuels, se trouve être quant à lui une PÉRIPHÉRIE de l’État français, SUREXPLOITÉE, certes pas à la manière d'une colonie d'outre-mer (DOM ou TOM), encore moins d'une néo-colonie 'indépendante' d'Afrique, mais surexploitée quand même, comme l'attestent les taux de pauvreté en milieu urbain ou rural (nous avons la carte des taux par département, mais il en faudrait une par commune, car quelques communes peuvent grandement 'tirer' un département vers le haut), le taux de chômage ; il faudrait peut-être, ce serait intéressant, calculer l'IDH (indice autrement plus fiable) par département ou par commune, en faisant par exemple se 'dégrader' du rouge vers le vert les communes de l'IDH le plus bas au plus élevé : ce serait sans doute édifiant, même si les variations seraient évidemment minimes par rapport à celles qui peuvent exister entre 'France' et Afrique – nous avons un léger doute qu'une telle 'bombe' soit un jour publiée [MÀJ un récent documentaire toutefois, "La France en face", basé sur les études de "géo-sociologues" tels que Serge Guérin et Christophe Guilluy, a produit une carte des fragilités sociales dans un esprit assez proche (revenu moyen, chômage, taux d'emploi précaire et autres indices, par commune) : l'on peut y voir nettement  apparaître (en blanc) la "vraie France" de Michelet autour de Paris et entre Seine et Loire (une sorte de trapèze Tours-Rouen-Reims-Auxerre, les fameux "dix départements (payant) autant d'impôts que le reste de la France" dont parlait le fasciste Céline en 1938), "mouchetée" de taches bleu sombre (les ghettos urbains et périurbains, la grosse tache au nord-est de Paris étant bien sûr la Seine-Saint-Denis) ; les "métropoles-relais" de "province" (avec leurs petites taches-ghettos) ; les régions "favorisées" par la proximité de l'Allemagne ou de la Suisse (Haute-Savoie, Alsace) et enfin les territoires de relégation où vivent... 60% de la population (cela rejoint un peu les "scores de fragilité" mis en place depuis peu par l'INSEE, ici par exemple en région Rhône-Alpes)].

    1 8f6foCe sont ces chaînes-là que nous voulons briser, et non celles d'un 'cadre institutionnel' qui serait 'trop centralisateur' ; car bien sûr qu'il l'est, mais ceci n'est qu'un reflet, une SUPERSTRUCTURE politique de la base, de l'INFRASTRUCTURE économique et sociale fondée sur des Centres et des Périphéries. Ce qui est d'ailleurs loin d'être un lien automatique puisque, en laissant de côté le très particulier cas 'espagnol', un État peut tout à fait être 'décentralisé' et pourtant dominé par des Centres qui oppriment des Périphéries : il suffit de voir le Royaume-Uni après les 'dévolutions' des années 1990, l'Italie avec son système très 'régionaliste' depuis 1970, ou encore les États-Unis fédéraux, où les Centres (Nord-Est de Boston à Washington en passant par New York, côte Ouest et Chicago) sont très nets et certaines Périphéries majoritairement peuplées de Noirs ou de Latinos, comme la Nouvelle-Orléans ou le Nouveau-Mexique, sont dignes du Tiers-Monde... Ils se sont simplement construits historiquement comme cela, ne serait-ce que pour gérer l'immensité du territoire. L'Allemagne s'est construite comme cela (et de manière très polycentrique, ce qui attention ne veut pas dire pas de contradiction centres/périphéries) parce que le meilleur moyen trouvé par la Prusse pour former l'Empire allemand à son profit a été d'en faire une sorte de confédération maintenant les États antérieurs (et leurs souverains). Après la chute du nazisme, la République fédérale a repris le modèle, avec cependant des États plus 'rationnels' au sens bourgeois. L'Italie et (à partir du 17e siècle) le Royaume-Uni se sont par contre construits de manière très centralisatrice, puis ont 'lâché du lest' à la fin du 20e siècle devant la montée... des revendications en ce sens (bourgeoises locales comme populaires). L'organisation politique centralisatrice 'française' prend sa source dans le Consulat et l'Empire, sous Napoléon Bonaparte qui a poussé à son paroxysme cette gouvernance autoritaire depuis Paris, déjà pratiquée aux 17e-18e siècles par Louis XIII et Richelieu, Louis XIV etc. : c'était tout simplement la 'meilleure' manière de 'refaire l'unité' de la prétendue 'nation' (l’État) après sa quasi-explosion dans les années 1790, période n'ayant rien à envier aux Guerres de Religion auxquelles avait succédé le centralisme autoritaire du 17e siècle... Elle est restée ainsi par la suite, à travers différents régimes et la république bourgeoise définitive depuis 1870, comme garantie de cohésion, d''unité' dans un État secoué (jusqu'en 1871) par d'importantes luttes de classe et ayant en outre tendance à se vivre comme entouré d'ennemis, encore aujourd'hui d'ailleurs, même si la guerre est désormais économique (quid si les États voisins 'phagocytent' des régions 'trop' autonomes qui seraient 'libres' de leur politique économique et commerciale ?). Il s'est néanmoins beaucoup décentralisé (à mesure qu'il cessait un peu, avec l'Europe, de se penser en forteresse assiégée), depuis les années 1960-70 et surtout depuis 1982... sans que cela ne change d'un iota les problématiques populaires locales auxquelles cela était censé répondre. Bienheureux, et sans doute pas encore né(e) est celui ou celle qui nous démontrera en quoi 'plus' de prérogatives 'régionales' résoudrait 'mieux' ce que déjà 'pas mal' de ces prérogatives n'ont pas résolu. Fin de la discussion-digression sur les élucubrations autonomistes : nous ne raisonnons pas dans le même champ politique, nous ne parlons donc pas la même langue, pour faire court.

    Ce qui ressort (et qu'il faut retenir) en résumé de ce que nous venons de dire, c'est qu'aujourd'hui la vie et le devenir des communautés nationales (ce devenir fusse-t-il de fusionner dans une grande République humaine planétaire) et donc, le cas échéant, leur libération des griffes d'un État ou d'un quelconque appareil d'oppression qui les maintient emprisonnées ne relèvent plus de la bourgeoisie dite "nationale" (comme l'ont souvent pensé les marxistes-léninistes du siècle dernier, dans une logique d'"étape") mais du prolétariat à la tête du peuple travailleur (personnes vivant exclusivement des revenus de leur force de travail et non de celle d'autrui) ; et s'inscrivent totalement dans le cadre de la Révolution prolétarienne mondiale dont les États actuellement existants sont l'objectif militaire à détruire (les États plurinationaux et prisons des peuples étant littéralement assis sur des barils de poudre). Ce que deviendront dans les siècles à venir nos nations occitane, bretonne, corse, basque etc., l'avenir le dira et il n'est sans doute pas possible de l'affirmer clairement aujourd'hui (pas plus que qui que ce soit ne sait réellement à quoi ressemblera le communisme). Mais ce qui est certain, c'est que cet avenir quel qu'il soit est à présent entre les mains des masses travailleuses sous la direction du prolétariat ; et que conquérir cette direction est la première et actuelle tâche de celui-ci.

    C'est la raison pour laquelle, en même temps que par le maoïsme nous voulons dépasser les limites du mouvement communiste (marxiste-léniniste) du siècle dernier, nous considérons le moment venu de dépasser le concept de libération nationale par celui de LIBÉRATION RÉVOLUTIONNAIRE DU (ou des) PEUPLE(s) (LRP).

    [L'on peut trouver une très bonne illustration de ce qui vient d'être (longuement) expliqué dans un texte de l'organisation communiste basque EHK datant de l'an 2000 (avant la dérive pro-réformiste de cette organisation, bien connue des militants révolutionnaires locaux), qu'avaient publié en leur temps les camarades de Libération Irlandehttps://liberationirlande.wordpress.com/euskal-herria/ehk-le-marxisme-et-la-question-nationale/

    "Beaucoup d’anti-communistes interprètent de travers la phrase du Manifeste communiste “Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut pas leur enlever ce qu’ils ne possèdent pas” (Le Manifeste du Parti Communiste - il y a beaucoup d’éditions disponibles, nous avons employé celle des Œuvres Choisies des Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 127).

    [Ce que cela signifie en réalité c'est que] Sous le capitalisme les ouvrier-e-s n’ont pas de patrie ni pouvoir ni moyens de production ni rien ; ils sont la classe opprimée et pour se libérer ils doivent “en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’élever à la condition de classe nationale, se constituer en nation”. Marx et Engels aspirent à des sociétés où la Nation ne s’identifie pas avec les castes gouvernantes ou avec des oligarchies puissantes, mais avec la classe travailleuse. Marx répète à nouveau cette idée centrale dans une autre des ses œuvres : “Le développement du prolétariat industriel dépend en règle générale du développement de la bourgeoisie industrielle. C’est seulement sous la domination de celle-ci qu’il accède à cette existence d’ampleur nationale qui lui permet d’ÉLEVER SA RÉVOLUTION À UNE HAUTEUR NATIONALE”  (Les luttes de classes en France de 1840 à 1850, éd. du Progrès, Moscou, 1979, p. 38).

    En abolissant le capitalisme exploiteur on abolit l’oppression nationale : “Dans la même mesure qu'est abolie l’exploitation d’un individu par un autre, sera abolie l’exploitation d’une nation par une autre. En même temps que l’antagonisme des classes à l’intérieur des nations, disparaîtra l’hostilité des nations entre elles”."

    Eh oui ! Les pseudo-gauchistes et vrais universalistes abstraits ne citent systématiquement de Marx que la première affirmation qui les arrange ; celle qui leur permet, en niant les réalités nationales des travailleurs, de nier le Peuple travailleur lui-même pour lui substituer leur magistère petit-bourgeois. La citation complète est en réalité : "Les ouvriers n'ont pas de patrie. On ne peut leur ôter ce qu'ils n'ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit d'abord conquérir le pouvoir politique, s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national ; mais ce n'est pas au sens bourgeois du mot." – exactement ce que nous venons de dire ci-dessus...

    Lire aussi : La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes, par G. Maj du (n)PCI]

    bandeau CC PCR-Òc

    2. Qu’est-ce qu’un pays/État impérialiste ? Quels pays/États sont-ils  impérialistes ou ne le sont pas ? Les ‘BRICS’ ou le petite et ambitieux Qatar, dont on nous rebat les oreilles en ce moment, sont-ils impérialistes ? Depuis que l’impérialisme a été caractérisé par Lénine, le débat agite le mouvement communiste.

    En réalité, il ne faut pas confondre deux choses. Un pays impérialiste est un pays qui se caractérise par l'exportation dominante de capitaux, c'est-à-dire, schématiquement, par la prépondérance des investissements directs à l'étranger (IDE 'sortants') sur les investissements étrangers dans le pays (IDE 'entrants', sachant qu'en quantité absolue ceux-ci sont très importants... dans les pays impérialistes justement). Ce n'est pas toujours évident à déterminer. Ainsi, nous avons tendance à penser que la Chine (+ Hong Kong), qui a toujours nettement plus d'IDE 'entrants' (195,7 milliards de $ en 2012) que 'sortants' (168,2 milliards), 'triche' à travers des 'écrans de fumée', des 'paradis fiscaux' ou encore la diaspora chinoise en Asie et dans le monde (qui immatricule éventuellement ses entreprises dans le pays d'accueil) pour rester 'non-impérialiste', afin (peut-être) de conserver la crédibilité interne et internationale du Parti pseudo-'communiste' ou peut-être pour ne pas trop IDE_out_stock_2009.JPGalarmer ses rivaux, les puissances impérialistes 'installées'. La Russie reçoit elle aussi toujours un peu plus (de l'ordre de 10 milliards de $) d'investissement étrangers que ce qu'elle investit à l'extérieur, sauf en 2012 où l'on parvient 'enfin' à l'équilibre (51 milliards et des brouettes entrant comme sortant) ; il convient pourtant de la considérer comme un pays impérialiste, mais affaibli depuis la défaite stratégique de l’URSS en 1989-91. Il en va d'ailleurs de même... pour le Royaume-Uni. Ces données sont aussi variables : ainsi en 2005 la Belgique est à peu près à l'équilibre entrant-sortant, en 2010 et 2011 en revanche elle est le 3e 'récepteur' mondial mais n'apparaît pas dans les 10 premiers investisseurs en 2010 et n'est que le 5e en 2011, et enfin elle n'est dans les 10 premiers ni de l'un ni de l'autre en 2012. Il faut donc sans doute regarder des périodes plus longues, de l'ordre de 10 ou 15 ans ; et tenir compte de l'influence mondiale d'un pays qui ne se 'résume' pas à la masse de capitaux exportés ('investissements').

    Un pays récurrent dans les 10 premiers 'receveurs' comme dans les 'investisseurs', en revanche, ce sont... les îles Vierges britanniques (petite colonie semi-autonome des Caraïbes), qui comptent environ... 60.000 habitant-e-s. C'est très clairement un 'paradis fiscal', un 'pays-banque' et un 'pavillon de complaisance' pour grands capitaux. Nous avons là un exemple très clair du genre de choses qui 'faussent' l'étude des données brutes.

    Mais il faut aussi tenir compte, nous l'avons souvent dit, du distinguo entre impérialisme comme état de fait concret et comme PROGRAMME POLITIQUE, comme volonté politique agissante : la politique visant à devenir un État impérialiste, ce qui par contre caractérise sans problème la Russie post-soviétique (redevenir, dans ce cas) et la Chine ; ou de manière plus soft power (moins visiblement agressive) le Brésil, l'Inde voire l'Afrique du Sud.

    usine-renault-Tanger-Maroc.jpgIl y a des pays qui sont globalement 'à l'équilibre' ou sans guère beaucoup plus d'investissements étrangers par décennie que d'investissements à l'extérieur : nous avons cité la Belgique, nous pourrions ajouter l'Italie ou l’État espagnol (porté par les capitalismes basque, catalan, asturien et cantabre) : nous pouvons parler là de 'petits impérialismes', qui sont dans un rapport de subordination, de 'vassalité' avec les grands (USA, Grande-Bretagne, Allemagne, 'France').

    C'est peut-être aussi le cas, en Asie, de la Corée du Sud, qui est dans un rapport de vassalité très net vis-à-vis des USA (mais c'est aussi le cas... du Japon). Les 'grands vaincus' de 1945, Allemagne et Japon, sont très rapidement et clairement redevenus des pays impérialistes de premier rang en termes capitalistiques, mais leur défaite leur interdit toute capacité militaire autonome et leur impose un lien de subordination diplomatique aux États-Unis (que l'Allemagne a toutefois rompu, en s'appuyant sur la France dans la construction impérialiste UE).

    Un autre indice peut être la balance commerciale : un État très fortement exportateur a de grandes chances d'être un pays semi-colonisé (sa population, pauvre, consomme peu mais en revanche produit beaucoup pour les monopoles et les sociétés de consommateurs du 'Nord'), tandis qu'un État fortement importateur va souvent être impérialiste (ses monopoles 'importent' ce qu'ils sous-traitent ou pillent dans les semi-colonies). Mais des États impérialistes qui ont gardé une industrie de pointe en leur sein même vont tout de même rester fortement exportateurs (Allemagne, Japon), d'autant que l'on compte en valeur monétaire et que leurs produits... valent cher.

    En revanche, il y a des pays qui ne sont selon nous clairement pas impérialistes, où la masse des capitaux investis est écrasante par rapport aux capitaux sortants ; mais qui sont malgré tout des pays avancés, industrialisés, qui ne sont pas caractérisés par la semi-féodalité et le capitalisme bureaucratique dans une économie à dominante agricole et extractive (primaire) vouée à l'exportation, qui ne sont pas plongés dans une grande misère, avec un problème de la terre (celui-ci peut toutefois encore exister même dans des pays très avancés, comme la Grande-Bretagne !) et des masses urbaines formant une 'plèbe informelle' etc. etc. C'est par exemple le cas de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande (Nord occupé comme 'République d'Éire') ou des nouveaux membres de 2010sl'UE depuis 2004 ('pays de l'Est', Malte, Chypre). Dans ces pays, il est possible de dire que de par le niveau des forces productives et la morphologie socio-économique, la révolution a vocation à être immédiatement ou quasi-immédiatement socialiste.

    Car voilà : contrairement à la grande majorité des marxistes-léniniste (maoïstes ou non), nous pensons que ce n'est pas le caractère impérialiste ou pas d'un pays qui détermine le caractère socialiste ou 'démocratique de nouveau type' de la révolution, mais le niveau de ses forces productives et (mais c'est en lien) l'importance de la semi-féodalité dans l'organisation sociale (l'impérialisme s'en est généralement accommodé et l'a maintenue, ou l'a modernisée en capitalisme bureaucratique). Selon nous, pour prendre un exemple emblématique, le Pays Basque souffre d'une oppression nationale : dans l’État espagnol, il est un 'pilier' économique mais il est, de manière pour ainsi dire 'parasitaire', sous la botte politico-militaire de Madrid (Castille) ; tandis que dans l’État français il s'inscrit (comme l'Occitanie, le Roussillon catalan et la Corse) dans le cadre plus large de la 'question méridionale'. Pour autant, de par le niveau des forces productives, la révolution au Pays Basque ne comporte QU'UNE SEULE tâche démocratique : l'autodétermination, la dé-périphérisation, la LIBÉRATION des chaînes 'espagnoles' et 'françaises'. Ce qui est en quelque sorte 'instantané' puisque soit la révolution assure cela, soit ce n'est PAS une révolution. Par la suite, toutes les tâches sont socialistes (mais découlent de cette condition préliminaire, car pas de socialisme digne de ce nom envisageable sans briser le cadre étatique bourgeois et la 'périphérisation' dans ce cadre). Il en va exactement de même en Occitanie.

    Il existe encore d'autres situations particulières, comme celles de ces pays qui, comme le Brésil, l'Argentine voire le Mexique, l'Afrique du Sud, l'Inde voire la Malaisie ou l'Indonésie, la Turquie ou l'Iran, ne sont (clairement) pas impérialistes au niveau mondial... mais si l'on 'réduit' le 'champ de vision' à leur région du monde (Amérique latine, Afrique, Asie du Sud, Proche/Moyen-Orient etc.), on s'aperçoit qu'ils le 'sont' : ils exportent beaucoup plus de capitaux vers les pays de la région qu'ils n'en reçoivent d'eux. On peut parler d'expansionnismes régionaux... Il s'y pose souvent la question d'un déséquilibre entre une région (celle des Détroits en Turquie, le Sud-Est au Brésil, la Plata en Argentine etc.) au niveau de vie 'européen', avec toutefois des ghettos de relégation populaire très importants autour des grandes villes (les favelas au Brésil, les townships issus de l'apartheid en Afrique du Sud), et un hinterland où c'est clairement le 'tiers-monde'.

    dubai.jpgIl y a aussi des pays, généralement minuscules (on peut parler de 'cités-États'...) qui, comme les monarchies du Golfe ou le Bruneï (ou encore les États de Malaisie), reposent sur des 'mines d'or' (d'or noir en l'occurrence), ce qui apporte à leur caste féodale une fortune considérable : dans les pays du Golfe, c'est pratiquement toute la population autochtone (bédouine) qui est devenue richissime, et s'est entourée d'une main d’œuvre de serviteurs venue des pays arabes pauvres, d'Iran, d'Asie du Sud ou du Sud-Est, d'Afrique etc. À un moment donné, pour ces Bédouins devenus milliardaires (ou millionnaires pour les plus 'pauvres' !), va se poser la question de réinvestir tout cet argent, très largement supérieur au nécessaire pour une vie de luxe ; d'autant plus que la source de ces revenus (le pétrole, le gaz) va un jour se tarir... C'est la fameuse et aujourd'hui récurrente 'question du Qatar' (qui n'est que le plus emblématique de ces pays, car cette politique y est portée par l’État lui-même). Mais c’est aussi sur la base d’une telle manne pétrolière qu’a pu se baser la volonté d’émergence internationale du Venezuela, laquelle s’est combinée avec la ‘satisfaction’-canalisation des mouvements sociaux qui agitaient le pays à la fin du siècle dernier pour endosser le costume rouge du ‘socialisme bolivarien’.

    tours-petronas.jpgD'autres pays, comme Singapour mais aussi l'émirat de Dubaï, jouent un rôle de 'plaques tournantes' et de concentrations de capitaux de toute la région (que les grands capitalistes considèrent, peut-être, 'peu en sécurité' dans leurs propres pays). En Extrême-Orient, lorsque ce n'est pas le pétrole (Malaisie, Bruneï), ces 'places fortes' capitalistes sont souvent héritées de la Guerre froide, où elles faisaient face aux États révolutionnaires (Chine, Vietnam, Corée du Nord), accueillaient leurs émigrés bourgeois etc. À la fin du siècle dernier, deux d'entre elles (Macao et Hong Kong) ont fini par rejoindre avec un 'statut spécial' la Chine 'populaire', désormais totalement capitaliste, qu'elles ont 'boostées' de leurs capitaux.

    En Europe même existent également de petits États, que l'on peut qualifier de 'résidus' de l'organisation politique pré-moderne, ayant survécu par divers aléas historiques, et qui jouent ce rôle de concentrations capitalistiques et de 'paradis fiscaux' (devenant, du coup, des 'investisseurs' impérialistes complètement disproportionnés à leur poids démographique et économique réel) : Liechtenstein, Andorre, Monaco, îles anglo-normandes (Jersey, Guenersey) ou encore île de Man, qui ne font pas partie du Royaume-Uni, Luxembourg (au 19e siècle le Bénélux faillit former un seul et même État sous la couronne néerlandaise, mais le clivage protestants/catholiques et la sécession belge le firent capoter) et bien sûr, les cantons suisses. 'Coffres' à capitaux pour les bourgeoisies des grands pays voisins, ils ont leur rôle dans le système impérialiste européen et mondial ; et comme dans les cités-États arabes ou asiatiques, le seul véritable prolétariat y est généralement la main d’œuvre étrangère, immigrés ou travailleurs frontaliers des États voisins (à Monaco, les rares autochtones - 20% - sont cependant généralement les classes populaires).

    Pour en revenir à une problématique abordée plus haut (et en point 1), le très particulier cas ‘espagnol’ repose en fait sur un ‘deal’, un donnant-donnant : l’État espagnol ne serait PAS impérialiste sans les ‘communautés autonomes’ du Nord (Catalogne, Pays Basque, Cantabrie avec son Banco Santander, Asturies) ; mais celles-ci, indépendantes, seraient des pays impérialistes de rang très mineur, de l’ordre du Danemark, de la Norvège, de l’Autriche ou de la Belgique – l’État espagnol leur offre donc ce ‘poids’ sur la scène internationale qu’elles n’auraient pas autrement. D’autant que dans les (très importantes) institutions européennes, ce n’est pas le PIB ni le PNB qui compte, mais simplement la population. Or l’État espagnol compte quelques 47 millions d’habitant-e-s (5e population donc ‘poids’ politique dans l’Union), tandis que la Catalogne n’en compte que 7,5 millions, le total Vascongadas + Navarre (Pays Basque ‘espagnol’) 2,8 millions, les Asturies un peu plus d’un million et la Cantabrie… moins de 600.000 (c’est pratiquement la cité-État de Santander). Autant dire que le calcul est vite fait. Même en Catalogne, où la bourgeoisie ressent le plus durement le ‘parasitisme’ de Madrid, il existe un fort courant hostile à la sécession, ne souhaitant pas se retrouver un pays impérialiste au rang du Danemark plutôt que de ‘profiter’ du relatif ‘poids’ international de l’‘Espagne’, 5e pays de l’UE, ‘invité’ permanent du G20 etc. Ce courant pourrait bien l’emporter en cas de référendum d’indépendance (comme il l’a systématiquement emporté au Québec, en 1980 comme en 1995 d’une très courte tête – le Québec indépendant n’aurait certainement pas fait partie du G8, contrairement au Canada).

     


    [1] Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/quelques-verites-sur-la-revolution-bourgeoise  


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