• La "justice" est une valeur bourgeoise occidentale et universaliste impériale.

    Le Pouvoir, c'est la violence libératrice :

    "Dans la période de décolonisation, il est fait appel à la raison des colonisés. On leur propose des valeurs sûres, on leur explique abondamment que la décolonisation ne doit pas signifier régression, qu’il faut s’appuyer sur les valeurs expérimentées, solides, cotées. Or il se trouve que lorsqu’un colonisé entend un discours sur la culture occidentale, il sort sa machette ou du moins il s’assure qu’elle est à portée de sa main. La violence avec laquelle s’est affirmée la suprématie des valeurs blanches, l’agressivité qui a imprégné la confrontation victorieuse de ces valeurs avec les modes de vie ou de pensée des colonisés font que, par un juste retour des choses, le colonisé ricane quand on évoque devant lui ces valeurs. Dans le contexte colonial, le colon ne s’arrête dans son travail d’éreintement du colonisé que lorsque ce dernier a reconnu à haute et intelligible voix la suprématie des valeurs blanches. Dans la période de décolonisation, la masse colonisée se moque de ces mêmes valeurs, les insulte, les vomît à pleine gorge.

    Ce phénomène est d’ordinaire masqué parce que, pendant la période de décolonisation, certains intellectuels colonisés ont établi un dialogue avec la bourgeoisie du pays colonialiste. Pendant cette période, la population autochtone est perçue comme masse indistincte. Les quelques individualités indigènes que ces bourgeois colonialistes ont eu l’occasion de connaître çà et là ne pèsent pas suffisamment sur cette perception immédiate pour donner naissance à des nuances. Par contre, pendant la période de libération, la bourgeoisie colonialiste cherche avec fièvre le fameux dialogue sur les valeurs. La bourgeoisie colonialiste, quand elle enregistre l’impossibilité pour elle de maintenir sa domination sur les pays coloniaux, décide de mener un combat d’arrière-garde sur le terrain de la culture, des valeurs, des techniques, etc. Or, ce qu’il ne faut jamais perdre de vue c’est que l’immense majorité des peuples colonisés est imperméable à ces problèmes. Pour le peuple colonisé la valeur la plus essentielle, parce que la plus concrète, c’est d’abord la terre : la terre qui doit assurer le pain et, bien sûr, la dignité. Mais cette dignité n’a rien à voir avec la dignité de la « personne humaine ». Cette personne humaine idéale, il n’en a jamais entendu parler. Ce que le colonisé a vu sur son sol, c’est qu’on pouvait impunément l’arrêter, le frapper, l’affamer, et aucun professeur de morale jamais, aucun curé jamais, n’est venu recevoir les coups à sa place ni partager son pain avec lui. Pour le colonisé, être moraliste c’est, très concrètement, faire taire la morgue du colon, briser sa violence étalée, en un mot l’expulser carrément du panorama…

    Le colonisé, donc, découvre que sa vie, sa respiration, les battements de son cœur sont les mêmes que ceux du colon. Il découvre qu’une peau de colon ne vaut pas plus qu’une peau d’indigène. C’est dire que cette découverte introduit une secousse essentielle dans le monde. Toute l’assurance nouvelle et révolutionnaire du colonisé en découle. Si en effet, ma vie a le même poids que celle du colon, son regard ne me foudroie plus, ne m’immobilise plus, sa voix ne me pétrifie plus. Je ne me trouble plus en sa présence. Pratiquement, je l’emmerde. Non seulement sa présence ne me gêne plus, mais déjà je suis en train de lui préparer de telles embuscades qu’il n’aura bientôt d’autre issue que la fuite."

    Frantz Fanon

    Encore un qui n'aura pas été dépecé à coups de machette, sauce péruvienne, comme il se devait !

    Guatemala: mort de l'ancien dictateur et génocidaire Efrain Rios Montt

    Il est le symbole des plus noires années du Guatemala contemporain. L'ancien président et dictateur guatémaltèque Efrain Rios Montt est décédé dimanche 1er avril matin à l'âge de 91 ans, alors qu'il était jugé pour génocide après avoir échappé à une première condamnation en 2013. Arrivé au pouvoir par un coup d'État le 23 mars 1982, le dictateur avait été renversé par son ministre de la Défense, Oscar Mejía Victores, le 8 août 1983. Son bref passage au pouvoir est néanmoins considéré comme l'un des plus violents ayant marqué la guerre civile qui a ensanglanté le pays de 1960 à 1996 et fait plus de 200 000 morts et disparus.

    L'ancien dictateur guatémaltèque Efrain Rios Montt, accusé de génocide contre les populations indiennes du Guatemala, est mort dimanche à 91 ans à son domicile d'un infarctus. Après l’annonce de sa disparition, des dizaines de familles des victimes ont manifesté pour demander justice.

    « En fait, nous sommes vraiment désolés qu’il soit mort, a réagi Aura Elena Farfán, fondatrice de l'association Famdegua, l'association des familles des détenus et disparus du Guatemala, interrogée par la rédaction en langue espagnole de RFI. Nous ne voulions pas qu’il meure, non, nous voulions qu’il vive, même malade comme il était, pour qu’il puisse nous dire où, quand, comment, toutes ces atrocité se sont déroulées. Qu’il s’explique par exemple, au sujet des 226 hameaux dévastés, des 45 000 disparus guatemaltèques, tous ces gens qui ne sont plus là.

    Nous regrettons que ce que souhaitaient ses avocats soit finalement arrivé, c’est-à-dire qu’il est mort avant la fin de son procès, sans qu’il ait pu être jugé, dans l’impunité...»

    L'ex-militaire est mort alors qu'était en cours un nouveau procès pour génocide. Un procès à huis clos en raison de son état de santé, les médecins ayant diagnostiqué une démence sénile, qui lui aurait permis, en cas de condamnation, de purger sa peine à son domicile ou dans un centre d'accueil.

    Efrain Rios Montt avait été déjà condamné le 10 mai 2013 à 80 ans de prison pour génocide et crimes de guerre. Un jugement qui avait date avant que sa peine aie été annulée pour vices de procédure par la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, en janvier 2014. Jamais auparavant un chef d'Etat n'avait été jugé ou condamné par un tribunal national pour génocide

    Il était notamment accusé d'être responsable du massacre de 1 771 Mayas dans le département de Quiché (nord). En 1999 un rapport des Nations unies avait pointé le «génocide» commis au Guatemala, notamment entre 1978 et 1984 contre les populations indiennes : massacres de populations et villages rasés. Cette séquence est l'un des épisodes les plus noirs de la sale guerre qui a ensanglanté le pays de 1960 à 1996 et qui a fait au total 200 000 morts et disparus, toujours selon l'ONU.

    Arrivé au pouvoir par un coup d'État le 23 mars 1982, le dictateur avait été renversé par son ministre de la Défense, Oscar Mejía Victores, le 8 août 1983. Son passage au pouvoir, bien que bref, est considéré comme l'un des plus violents ayant marqué la sale guerre. Au nom de la contre-insurrection, soutenue par les Etats-Unis, le pouvoir avait mis en place une politique de répression systématique contre les communautés indigènes soupçonnées de soutenir les guérillas de gauche. « Vive le général Rios Montt qui nous a délivré des communistes! », c’est ainsi que ses proches lui ont rendu hommage, rapporte l’AFP.

    Efrain Rios Montt n'avait pas quitté la politique puisqu'il s'était présenté à l'élection présidentielle de 2003 après avoir fondé le Front républicain guatémaltèque (FRG, droite). La leader indienne Rigoberta Menchù, prix Nobel de la paix en 1992, un des symboles de la lutte pour la reconnaissance des droits des indiens et contre l'impunité des crimes commis au Guatemala, avait fait de la condamnation de Rios Montt un combat personnel.


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  • Ainsi donc, c'est la triste nouvelle du week-end, les troupes d'Erdogan et leurs alliés syriens sont entrés dans la ville kurde et y on planté leur drapeau : le-drapeau-turc-flotte-dans-la-ville-dafrin (site radicalement pro-turc).

    Manifestement, il n'a pas été trouvé d'accord avec le régime pour une intervention qui aurait bloqué (à moins d'oser le conflit entre armées régulières) l'invasion turque, soit qu'Assad (qui s'insurge mollement contre "l'occupation" et appelle au "retrait immédiat" gouvernement-syrien-condamne-occupation-retrait-immediat) n'ait pas voulu entendre parler des conditions d'autonomie régionale posées par les YPG/J, soit (ou les deux) que la Russie ait finalement accepté, ne serait-ce que temporairement et tactiquement, d'inclure la Turquie dans le plan de partage de la Syrie et de lui accorder une "zone de sécurité" au Nord-Ouest zone-erdogan-nord-ouest-syrie, c'est-à-dire le territoire revendiqué par Rojava situé à l'Ouest de l'Euphrate... syrie-vers-un-triple-protectorat [ce n'était donc pas, comme nous avons pu le penser à tort au début de l'offensive, Afrin contre Idleb mais Afrin contre la Ghouta et les autres enclaves rebelles en territoire dévolu au régime... mais bon ça ne change pas grand chose au fond de l'affaire].

    Et pourquoi pas d'ailleurs, étant donné que le conflit syrien, extrêmement meurtrier certes, est d'abord et avant tout une guerre de déplacement : pour éviter que les choses ne s'éternisent (déjà 7 ans que ça dure...), les différents camps offrent à leurs adversaires et à leurs soutiens civils une porte de sortie des zones de combat pour éviter une résistance acharnée. Et donc... la zone turque au Nord-Ouest pourrait ainsi devenir le "débarras" pour tous les rebelles plus ou moins "islamistes" (et leurs partisans) balayés par le régime des poches qu'il est en train de reprendre une par une. Le conflit pourrait ainsi se terminer plus rapidement que s'il s'agissait d'éradiquer purement et simplement toute la rébellion anti-Assad non-rojaviste, aussi bien des deux tiers de Syrie au Sud-Ouest de l'Euphrate dévolus au régime et à l'impérialisme russe, que du tiers au Nord-Est dévolu à l'Occident et contrôlé par les FDS.

    Puisque l'on parle de déplacements de population, comme une illustration parfaite de ce que nous sommes en train de dire, dans le district d'Afrin l'exode massif déjà commencé ces dernières semaines se poursuit en s'accélérant : evacuation-Afrin. Ce district (en tant que subdivision administrative syrienne) comptait 172.000 habitants en 2011 avant le conflit. Avec l'afflux massif de réfugiés, en tant que zone la plus calme et sécurisée du pays ces 7 dernières années, la population était montée à... 650.000. Et d'ici quelques jours, peut-être une semaine, il pourrait n'en rester... que 50.000 seulement ! Évidemment, l'essentiel du commandement et des troupes YPG/J s'en va aussi, toujours dans cette même logique de guerre de déplacement (forcément acceptée puisqu'il faut traverser la zone turque "Bouclier de l'Euphrate", à moins que ce ne soit la zone régime plus au Sud), en direction de Manbij et du Grand Rojava au Nord-Est.

    C'est donc le PIRE des scénarios que nous avions envisagés qui se réalise ; concrètement, la "moitié" du scénario que nous envisagions il y a 2 ou 3 ans lorsque nous soutenions avec intérêt Rojava : que l'armée turque vienne "sécuriser" le Nord de la Syrie et écraser l'expérience démocratique une fois que celle-ci aurait bien servi contre le Grand Monstre djihadiste, ce qui est donc en train de se passer, mais seulement à l'Ouest de l'Euphrate... ce qui est encore pire, car s'inscrivant dans un cynique plan de partage et une logique de "grand jeu" impérialiste dont la direction bourgeoise kurde s'est rendue totalement prisonnière (de façon encore plus éclatante en gardant une zone dans ce plan de partage, que si tout avait été anéanti).

    Le commandement politico-militaire PYD-YPG/J d'Afrin annonce une guerre de guérilla afrin-cauchemar-turquie ; ce qui serait très bien, c'est n'est pas nous qui allons dire le contraire : notre soutien à la résistance d'un territoire national envahi par une puissance étrangère oppresseuse est DE PRINCIPE et non-négociable ; les discussions dans la sphère idéologique, quant aux lanternes pour lesquelles d'aucuns voudraient faire passer certaines vessies dans un but anticommuniste de gaucho-contre-révolution préventive fasc-anti-pol-4e-part, sont un autre sujet. Déjà apparemment, alors que les civils ont été évacués, l'armée turque et ses alliés sont confrontés à un minage par explosifs des immeubles qui aurait déjà fait 200 morts ou blessés hors-de-combat dans leurs rangs.

    Bien sûr, les enjeux géopolitiques en arrière-plan ne peuvent pas être et ne sont pas perdus de vue ; pas plus que certaines questions opérationnelles concréto-concrètes : comment, par exemple, mener une Guerre du Peuple... sans peuple, celui-ci étant parti à l'exception de quelques dizaines de milliers de personnes ? Ou encore : comment mener une guérilla qui serait une violation d'un plan de partage et de sortie du conflit dont il n'y a pas à douter que les Occidentaux sont tout autant au courant et partie prenante que les Russes, et qui garantit en même temps l'existence et la stabilité de la "Fédération du Nord" conquise sur Daesh outre-Euphrate ? À moins que, comme nous l'avons aussi envisagé, cette "zone de sécurité" turque (qui représente, entre la zone "Bouclier de l'Euphrate" et le district d'Afrin désormais conquis, à peu près un département français) ne soit pensée pour être un bourbier pour Erdogan et conduire à sa mort politique en Turquie, ses successeurs amorçant dès leur arrivée au pouvoir un retrait qui reviendrait à ce qui était initialement convenu entre Öcalan et ses geôliers, à savoir un déplacement de la lutte armée kurde hors de Turquie vers le Nord de la Syrie (mais avec alors l'hypothèse que le régime d'Assad, totalement requinqué, ne reprenne immédiatement le contrôle du secteur).

    Le seul avenir pour cette terrible défaite, ce n'est pas comme (pathétiquement et pitoyablement) tous les gaucho-impérialistes bourgeois et "révolutionnaires" opportunistes* s'écrier "honte à" toute la liste de puissances impérialistes possibles, comme si les peuples avaient quoi que ce soit à attendre d'elles ; mais de la transformer en victoire par les leçons apprises : que TRÈS VITE, face à ce qui est de fait (nous l'avons déjà dit auparavant) un Traité irlandais de 1920 auquel l'opportunisme de la bourgeoisie a mené, émerge une "IRA" populaire-révolutionnaire kurde qui poursuive la lutte armée pour l'objectif premier d'autodétermination du Peuple kurde EN LIEN avec la révolution démocratique anti-impérialiste dans toute la région.

    Ce qui n'est possible qu'en défendant, renforçant et arborant, comme point de ralliement pour toute cette juste "dissidence", la ligne communiste révolutionnaire MAOÏSTE en la matière ; qui est notamment celle du TKP/ML authentique-légitime (non putschiste-opportuniste)... comme nous le faisons depuis maintenant des mois.

    Chute d'Afrin

    [* Au sujet de tout ce mouvement de soutien gauchiste occidental, encore un article qui a de quoi faire réfléchir... et frémir : quel-retour-en-france-pour-ces-volontaires-partis-combattre-aux-cotes-des-kurdes-de-syrie... les volontaires en Rojava "suivis de près", et pas que "suivis de près" : faisant clairement du renseignement pour certains !!]


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  • Question déjà abordée à plusieurs reprise sur ce site, notamment dans cet article en deux parties :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/gramsci-et-la-theorie-de-la-guerre-populaire-en-pays-capitaliste-tres--a114072346

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/gramsci-et-la-theorie-de-la-guerre-populaire-en-pays-capitaliste-tres--a114072464

    Ou encore, cette citation reprise dans un récent article fascisme-anti-politique :

    "Et l'on ne peut pas, puisque l'extrait du (n)PCI ci-dessus le cite, ne pas parler de Gramsci et de sa "société civile" ; Gramsci assistant, en fait, aux prémisses des prémisses de tout ce que nous sommes en train de voir, opposant "Orient" (incluant la Russie où venait de se dérouler la Révolution d'Octobre) et "Occident" comme on pourrait opposer "il y a 100 ans" et "aujourd'hui" (à noter qu'il ne voit pas l'État comme le "donjon" qu'entoure la "société civile", mais comme une première tranchée avancée derrière laquelle se cache celle-ci ; et c'est vrai que "l'Étaaaat" comme objectif final est lui aussi encore un autre fantasme anarchisant : le véritable "donjon", c'est le Pouvoir de la propriété privée des moyens de production).

    Pour Gramsci donc, gagner le pouvoir dans les sociétés capitalistes occidentales développées implique de gagner les mentalités, la culture, autant de "casemates" et de "tranchées avancées" qui défendent l'ordre bourgeois même lorsque l'appareil d'État s'effondre... Et nous donc, tout ce que nous avons vu jusqu'ici et allons voir par la suite consiste en dernière analyse en ce dispositif tel qu'il est aujourd'hui, au 21e siècle, et la façon dont la gauche anti- ou critique du capitalisme, ayant perdu toute notion de matérialisme, est devenue partie intégrante de cette "robuste chaîne de forteresses".

    P.S : Illitch = Lénine, pour brouiller la censure fasciste.

    "Le seul point est qu'Ilitch n'a pas eu le temps d'approfondir sa formule, même si l'on tient compte qu'il ne pouvait l'approfondir que théoriquement, alors que la tâche fondamentale était nationale, et exigeait qu'on reconnût le terrain et qu'on déterminât les éléments de tranchée et de forteresse représentés par les éléments de la société civile, etc. 

    En Orient, l'État étant tout, la société civile était primitive et gélatineuse ; en Occident, entre État et société civile, il y avait un juste rapport et dans un État branlant on découvrait aussitôt une robuste structure de la société civile. L'État n'était qu'une tranchée avancée, derrière laquelle se trouvait une robuste chaîne de forteresses et de casemates ; plus ou moins d'un État à l'autre, s'entend, mais c'est justement ce qui demandait une attentive reconnaissance de caractère national."

    Cahiers de Prison, Analyse de situation/Rapport de forces."

    [Les raisons de ces conditions, et de ces difficultés concrètes propres à l'Occident ayant peut-être été résumées on-ne-peut mieux ici par Mao Zedong :

    http://ekladata.com/m2ZvyhotBW-5-39bNwfYd4vBK-8.png

    "Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.
    Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit."
    ]

    Récemment un site d'un groupe maoïste des États-Unis a publié ceci (en anglais), qui est la reprise d'une discussion Facebook sur la question du grand penseur communiste italien, entre (d'après ce qui est dit) un maoïste US et un "sympathisant du PCM" de l’État français :

    https://rustbeltrevolution.tumblr.com/post/171910553740/gramsci-revolutionary-communist-or-social

    On voit donc bien que la question de l'évaluation de Gramsci, "Lénine de l'Occident" voire "précurseur du maoïsme et de la Guerre populaire prolongée" ou au contraire "père du révisionnisme de type eurocommuniste", est toujours brûlante dans le mouvement communiste international et principalement des pays occidentaux (puisque c'est à ces pays que ses théories, qui affirmaient explicitement ne pas être universelles, s'adressaient).

    EXTRAITS DE DISCUSSIONS RÉZOSOCIOS DE CES DERNIERS JOURS À CE SUJET

    [Gramsci précurseur du réformisme, de l'eurocommunisme etc. etc.]

    Il faut un peu arrêter avec ça, sérieux...

    Déjà Gramsci lui-même "réformiste", c'est ridicule pour ne pas dire honteux : si le Komintern l'a imposé contre Bordiga ("plus révolutionnaire que lui, tu mourrais"), il faudrait alors déjà admettre que le Komintern était réformiste ; ensuite, s'il en est à écrire Illitch au lieu de Lénine pour déjouer la censure, ça peut peut-être expliquer qu'il ne parle pas de Guerre populaire (le concept n'existait pas à son époque, de toute façon...) ou autres trucs dans le genre.

    Ensuite il a été repris par le réformisme togliattiste, en mode gagner l'hégémonie c'est gagner les élections ; mais il était aussi lu et très bien compris par des gens qui pratiquaient la "conquête réelle et pratique du pouvoir" dans les usines et les quartiers, dans les années 1970.

    En fait c'est toujours la même question de pouvoir penser, comprendre-expliquer-combattre la superstructure qui n'est pas hors du réel (si on croit ça, on va vite se rendre compte que non et c'est la grande déconvenue classique du gauchisme dogmatique...), c'est même une nécessité absolue en fait ; mais à condition de ne pas oublier la nécessaire prise et transformation révolutionnaire de l'infrastructure (sauf que si tu travailles pas sur la superstructure, déjà tu mobilises personne pour créer ce qu'on va appeler une "base rouge" de conquête réelle et pratique du pouvoir, et même si tu en mobilises 200 et que c'est suffisant, tu en as 2.000 qui vont agir contre, ta base rouge, et elle va être écrasée... c'est une dialecte indispensable entre les deux en fait).

    La lutte qui est la nôtre, c'est avancer sous le feu de casemates ennemies, et la "meilleure" aujourd'hui par rapport à l'époque de Gramsci, c'est que les premières que l'on rencontre sont "gauchistes" analyse-et-retrospective-historique-du-fascisme-anti-politique... On le voit dans notre expérience tous les jours : on part la fleur au fusil, "youhou on va aller aux masses et leur parler du Pouvoir et elles vont kiffer et nous rallier", mais à peine a-t-on fait un pas en ce sens qu'un nourri feu gauchiste s'abat sur nous ; et l'on se rend compte que ça va être beaucoup plus compliqué.

    "Gramsci fut un précurseur du réformisme dans le sens où la méthode eurocommuniste s'est développée en se fondant sur sa pensée. Gramsci rejetait la méthode insurrectionnelle, il prônait la conquête du pouvoir politique à tout prix, y compris celle de s'emparer disait-il, de l'appareil d’État bourgeois."

    Je ne vois pas tout à fait les choses comme ça. Il rejetait la méthode insurrectionnelle car il pensait que la société civile en Occident, contrairement à la Russie était trop forte pour ça. En gros, ce qui rejoint le caractère prolongé de la GPP, il fallait se construire la marge de manœuvre pour l'insurrection, que nous nous appellerions équilibre et passage à l'offensive stratégique.

    Le souci, c'est que cette marge de manœuvre n'est pas définie dans son œuvre inachevée. On ne sait pas exactement ce que signifie, pour lui, le moment où le Parti est prêt pour prendre le pouvoir. Ce qui a permis à Togliatti et aux eurocommunistes ensuite, de dire que ce moment est celui où le Parti fait 51% aux élections... Mais a-t-on seulement UNE citation de Gramsci qui parle de prise de pouvoir pacifique ?

    [Autre discussion, au sujet de l'article états-unien]

    Houlà... J'ai l'impression que A répond à B en se basant sur ce qu'il croit être des écrits de Gramsci, mais est en fait un texte du nPCI... qui a ses propres problèmes. C'est à dire qu'ils ont en quelque sorte restauré la violence pour la conquête de l'État (que le PCI de Togliatti et Berlinguer avait supprimée), MAIS après une très, très longue lutte légale, ce qui les a conduit à des choix politiques toujours plus hasardeux comme 'bordéliser' le système institutionnel à travers les populistes de Grillo... En gros ils sont comme leur nom l'indique le nouveau... PCI, mais le PCI des années 1950 !

    Mais des gens qui ont pratiqué toute la violence et l'illégalité que tu veux, dans les années 1970 hommage-prospero-gallinari, en rupture avec le PCI berlinguérien, se basaient aussi sur la guerre de position de Gramsci.

    En fait, il faudrait m'expliquer comment Gramsci peut être interprété dans le sens d'une longue lutte légale et non-violente alors qu'il n'y avait AUCUNE lutte légale possible à son époque, sous Mussolini, et que lui-même était en prison. Le truc contre les commandos, je le comprends moi aussi comme un truc contre l'aventurisme et le blanquisme. [Gramsci s'exprimait dans un contexte, concrètement sur les cendres des mouvements écrasés de 1919-21, où il y avait une véritable "psychose" de l'aventurisme dans l'Internationale communiste ; et ne nous mentons pas, il a été promu à la tête du PCI par l'Internationale (contre Bordiga) dans cet esprit de "chasse à l'aventurisme"... Mais est-ce que cet aventurisme aurait été "mieux" que ses positions ? Il est permis d'en douter : à ce stade, son seul bilan était la défaite et les fleuves de sang ouvrier et paysan.]

    Et Gonzalo qui cite l'Irlande... Oui bon, je l'ai fait aussi, c'est vrai que c'est l'exemple auquel on pense spontanément. Mais bon déjà dans les années 1980 ils n'étaient plus du tout dans le 'No Votar', en Irlande ; et ça n'a pas empêché la trahison et de faire des no go zones républicaines de pures réserves électorales pour le Sinn Féin... Comme quoi... le poisson pourrit par la tête quoi qu'il arrive [et peut-être que l'entrée de la société populaire catholique irlandaise dans la "société de consommation" à cette époque pourrait être envisagée, pensée comme arrière-plan possible de cette dérive et de cette victoire de la droite liquidatrice dans le mouvement républicain ; et que pour cela les concepts gramsciens de "société civile" et d'hégémonie culturelle peuvent être utiles, en tout cas plus que du francfortisme concluant à ce que "plus aucune révolution n'est possible"...].

    Concrètement, je pense comme le camarade B (je ne vois pas qui ça peut être) que Gramsci n'est pas à sacraliser mais est UTILE, oui, pour comprendre et faire la révolution dans nos pays. Il est possible d'en avoir une lecture révisionniste, mais aussi révolutionnaire.

    Lui opposer le Pérou de 1980 est de toute façon abscons, puisque Gramsci répondait précisément aux difficultés de transposer le modèle russe en Occident, et le Pérou sans société civile de 1980 était tout à fait similaire à la Russie et à "l'Orient" de Gramsci. Et je pense aussi, oui, que les groupes comme RGA et RGKC sont par certains aspects dans une démarche sectaire et aventuriste. [L'argument ter-teriste du "et toi tu fais quoi ?", "et toi tu fais rien !" etc. etc., "et tu critiques pour chercher des excuses à ton rien-faire", ne peut pas éternellement barrer la route à la nécessaire discussion sur la stratégie des groupes communistes révolutionnaires et la viabilité de cette stratégie, car c'est tout simplement de l'avenir de la révolution prolétarienne dans toute une région ou un pays qu'il est question.]

    Réponse de "Antonio Gramsci" lui-même (LOL) :

    Dans le passage sur "Analyses des situations. Rapports de forces", Antonio Gramsci dit : "Le troisième moment est celui du rapport des forces militaires, immédiatement décisif suivant le moment. (Le développement historique oscille continuellement entre le premier et le troisième moment, avec la médiation du second.) Mais dans ce troisième moment, ne sont pas non plus exclues les distinctions, et il n'est pas identifiable immédiatement sous une forme schématique, on peut, en lui aussi, distinguer deux degrés : un degré militaire au sens étroit du mot ou technique-militaire et un degré qu'on peut appeler politique-militaire."

    Il ajoute ensuite :

    "En tout cas, la rupture de l'équilibre des forces ne se fit pas sous l'effet de causes mécaniques immédiates d'appauvrissement du groupe social qui avait intérêt à rompre l'équilibre et le rompit en effet, mais elle se fit dans le cadre des conflits supérieurs au monde économique immédiat, qui se rattachent au « prestige » de classe (intérêts économiques à venir), à une exaspération du sentiment d'indépendance, d'autonomie et d'un désir du pouvoir. [...] On peut donc dire que tous ces éléments sont la manifestation concrète des fluctuations de conjoncture de l'ensemble des rapports sociaux de force, et que c'est sur la base de ces fluctuations de conjoncture que se fait le passage des rapports sociaux aux rapports politiques de forces qui trouvent leur point culminant dans le rapport militaire décisif".

    Il semble donc erroné de dire que Grasmci réfutait le côté "politico-militaire" comme il le dit, rappelant, en effet, Mao et "la politique guide le fusil". Il y a clairement, en effet, une forme embryonnaire de conception de la guerre populaire prolongée élaborée par Mao. Gramsci critique simplement les conceptions économistes ("accumulation des forces") et "insurrectionnalistes" de la révolution. Il affirme simplement que le rapport directement militaire de forces ne peut être gagné si, pour le dire en des termes contemporains, l'"opinion publique" n'est pas acquise.

    Là où on "trou" existe entre Mao et Gramsci, c'est : la lutte pour l'hégémonie culturelle se fait-elle pacifiquement via la SEULE agitation-propagande ou se fait-elle AUSSI dans la conquête politico-militaire de zones populaires ?

    Mais Grasmsci ce n'est pas Mao, et cela est normal : leurs situations historiques et leurs contexte nationaux ne sont pas similaires.

    Et donc pour conclure :

    Je pense que oui, il est aussi ridicule de le rejeter complètement que de faire de Gramsci un maoïste.

    Gramsci était un léniniste, de la génération de Lénine et toujours dans la conception accumulation de forces - insurrection au moment décisif des bolchéviks. Simplement, son sujet d'étude, c'était de se pencher sur pourquoi ce qui avait marché en Russie n'avait pas marché en Italie alors que "mathématiquement" ça aurait dû, la crise de système en 1919-21 (Biennio Rosso) étant tout à fait équivalente. Concrètement, pourquoi ça n'a pas "mathématiquement" donné le 2e pays socialiste de la planète, mais le premier pays fasciste. Pourquoi l'esprit petit-propriétaire, fut-ce de 4 casseroles en fer blanc, a triomphé.

    Et ça c'est quelque chose que nous devons absolument étudier nous aussi, surtout qu'imaginez un peu, à quel point l'Italie des années 1920 était 100 fois plus proche de la Russie de Lénine que nos sociétés occidentales actuelles !!

    Après peut-être, sans doute même, que Gramsci n'apporte rien en stratégie "militaire" étant donné qu'il était tout simplement léniniste, accumulation de forces - insurrection, point.

    [Blocus Paris] Le Jeuxvidéos.com des totos neuneus qui se croient super déconstruits en mettant 15 points ou tirets dans chaque mot, et super révolutionnaires en pétant deux abribus puis laissant les jackys de 50 balais se faire gazer, et après s'étonner que ces gens deviennent au mieux mélenchos au pire FN. Fut un temps on appelait ça des provocateurs lol... Et des métallos à larges mains venaient s'en charger.

    [Réponse d'un toto : gna gna gna ; et d'un camarade qui fait valoir qu'il ne faut pas tomber dans la logique "anti-casseurs" des réformistes justement]

    La provocation gauchiste est autant un sabotage de la mobilisation populaire que la trahison réformiste. C'est au contraire ces bases fondamentales qu'il faut réaffirmer. Une émeute de quartier est 100 fois plus violente que n'importe quelle casse toto, ils ne sont soi-disant "pas politisés" mais ça ressemble 100 fois plus à une guérilla urbaine, et non à un sabotage gauchiste.

    C'est une question de stratégie et tactique de base. Contrairement à un quartier, une manif n'est pas un terrain mieux maîtrisé par les contestataires que par l'ennemi, c'est en fait l'exact opposé.

    Une manif autorisée est un terrain totalement voulu et accepté par l'État qui l'autorise. Pour parler en termes debordiens, c'est un 'spectacle' de la 'liberté de contestation' en 'démocratie' bourgeoise, et la casse toto se veut en quelque sorte un 'contre-spectacle' du 'débordement' de ce cadre institutionnel.

    Une manif non-autorisée... Dès que 25 personnes sont réunies, c'est nassé direct et il n'y a plus qu'à prier pour que personne, 3 grammes de 8.6 dans chaque veine, ne 'déclenche' les molosses autour ; sans quoi on va tous en GAV voire en comparution immédiate pour un gain politique ZÉRO. Explique-moi en quoi c'est intelligent, et on en discutera cordialement comme on l'a toujours fait toi et moi.

    À partir du moment où une manif c'est ce terrain là, complètement contrôlé par l'ennemi, à quoi sert une surenchère 'spectacle' de violence ? À rien, sinon à nuire aux gens pour qui c'est le terrain adéquat au niveau de conscience et de combattivité. Et à les retourner contre toute violence révolutionnaire par principe, alors que "l'opinion" est le champ de bataille fondamental (et pour ça je défends bec et ongles Gramsci contre ceux qui le traitent de 'père de l'eurocommunisme').

    C'est fondamental parce que si on prend un mode d'action efficace, un terrain non contrôlé par l'ennemi, on peut prendre le contrôle d'une raffinerie par exemple, ou un barrage routier, ou donc une émeute de quartier. En même temps, la solution pourrait être très 'simple' pour l'ennemi : on canarde à balles réelles, on envoie un hélicoptère mitrailler, on tire au mortier... MAIS il y a l'opinion publique. Qui est donc un paramètre très important, et ce pourquoi l'État ne fait pas ça pour le moment. Donc tout ce qui ne fait pas progresser les consciences, mais les braque contre le débordement des cadres autorisés, est contre-productif et permettra un jour des massacres.

    "Le révolutionnaire méprise l'opinion publique. Il méprise et hait dans tous ses motifs et toutes ses manifestations la moralité sociale actuelle. À ses yeux il n'y a de moral que ce qui contribue au triomphe de la Révolution ; tout ce qui l'empêche est immoral." Netchaïev

    => Ouais bon lol ça c'est la profession de foi du gauchiste de base
    L'"opinion publique", bon certes ça ne veut un peu rien dire à moins de considérer que dans toutes les classes et tous les groupes sociaux on pense pareil... Mais l'opinion majoritaire de ta classe, ou de ta race sociale, déjà comme point de départ avant de chercher alliances ou neutralités bienveillantes dans d'autres groupes, c'est le champ de bataille fondamental (Gramsci). À partir de quoi effectivement aucune violence n'est contre-productive. Les propos de Netchaïev cités sont donc un peu une profession de foi de l'aventurisme minoritaire contre-productif.

    L'argument du Pérou est de toute façon, on l'a dit plus haut, plombé dès le départ pour la raison suivante :

    Nous avons sur bien des aspects, en dehors de toute considération idéologique, comparé la Guerre populaire du Pérou avec la guerre de libération algérienne gonzalo-pcp-guerre-populaire-perou, et ceci est encore un autre point commun : tout comme le PCP, le FLN a déclenché la guerre de libération (Toussaint 1954) lorsqu'il a considéré que c'était le moment, c'est-à-dire que lui était prêt... tout simplement parce que la société algérienne, elle, n'était pas et ne pouvait pas être plus "prête" en 1954 que 10 ans plus tôt ou 10 ans plus tard. Une société colonisée et déshumanisée est TOUJOURS prête, au moins pour une masse critique de 20-25% de la population, au soulèvement pour se libérer ; et ceci était le cas de la société algérienne de 1954 comme de la société indigène péruvienne de 1980. Tout ce qu'il faut, c'est qu'une force d'avant-garde qui elle, est vraiment prête pour cela, apparaisse et lui montre le chemin d'une possible victoire (car évidemment par contre, la société la plus opprimée du monde ne se soulève pas si la seule perspective est de se faire massacrer sans AUCUN espoir de victoire ; et il y a aussi une méfiance légitime et palpable envers les "nouveaux maîtres venant simplement remplacer les anciens", donc fondamentalement, la QUESTION DU POUVOIR : montrer que la lutte va donner au peuple le POUVOIR sur sa vie dont il a été privé jusque-là).

    Dans un sens, le (n)PCI ne dit lui-même pas autre chose en disant que les conditions objectives, dans n'importe quel pays du monde, sont "prêtes" depuis 100 ou 120 ans et que ce qui compte ce sont les "conditions subjectives" c'est-à-dire basiquement l'existence d'un Parti révolutionnaire dirigeant et coordonnant les luttes dans une perspective stratégique de prise révolutionnaire du pouvoir. Simplement ce Parti doit à ce moment-là, non dans la plus totale inaction, non par le seul Verbe bien sûr, mais avant de proclamer déclenchée une véritable lutte révolutionnaire qui ait UNE SEULE chance d'atteindre son but (le Pouvoir), se CONSTITUER une "masse critique" (ce que nous appelons, dans les articles cités tout en haut, l'"étape zéro") d'un tiers ou un quart ou au moins 20% de soutien populaire alors que dans un pays colonisé, l'on peut considérer que contre le colon cette "masse critique" est déjà disponible d'entrée de jeu (il faut "juste" que l'organisation révolutionnaire gagne sa confiance et lui donne ce dont le colon l'a privée pour la dominer : L'ESPOIR).

    C'est peut-être là, d'ailleurs, que les concepts "décoloniaux" et "antiracistes politiques" peuvent et doivent intervenir : comprendre que (et comment) les masses populaires d'Occident (du moins "de souche" nationale, ou euro-descendantes) ont été "construites" à travers les siècles, par rapport à la "moyenne" de la misère humaine mondiale, comme des "petites bourgeoisies" privilégiées servant de "glacis" protecteurs à leurs grands bourgeois, autrement dit aux Centres du Capital monopoliste mondial. Alors que pour les groupes états-uniens autour de l'article en anglais sus-cité, tout est "simple" : États-Unis = Pérou, il suffit d'assumer une pratique très combattive (qui effectivement inquiète l’État qui la réprime) pour avoir accompli la "rupture" avec le réformisme comme avec le "gauchisme de système" (qui blablate en cercles "safe" "déconstruits"), et il suffit de gagner les 8 ou 10 dollars de l'heure qui sont le salaire d'un prolo là-bas pour que tout soit "simple", il faut simplement "tenir compte" des oppressions "autres que de classe" (race, genre...) parce que (toujours la même sempiternelle rengaine) "ça nous divise". Peut-être que commencer par agir en véritables porteurs de valises pour les véritables NATIONS COLONISÉES que leur Nation américaine blanche OCCUPE et opprime (Aztlán, New Afrika, Nations indigènes) serait plus judicieux et "rupturiste"...

    Et c'est peut-être là, aussi, que réside la confusion : une confusion entre époque et territoire. Gramsci était un homme de l'époque, et un partisan de la stratégie insurrectionnelle léniniste... qui avait échoué partout sauf en Russie, où les bolchéviks avaient en quelque sorte mené une "Guerre populaire sans le savoir" (et après Octobre, des années de guerre pour sauver le Pouvoir rouge de Moscou-Petrograd, et encore deux décennies plus tard une guerre de 20 millions de mort-e-s, profondément populaire, pour sauver la "base rouge mondiale" URSS de l'anéantissement par le nazisme). Et donc, il réfléchissait sur le pourquoi du comment cette stratégie avait échoué en Occident, y compris dans un pays aussi "arriéré" que l'Italie... En quelque sorte, il y avait "Lénine pour l'Orient et Gramsci pour l'Occident" dans le cadre de la stratégie accumulation de forces - insurrection (courte phase proprement "militaire" décisive) de cette époque (années 1920). Puis est venu Mao et, donc, la stratégie de Guerre populaire prolongée vite reprise dans une grande quantité de pays du monde mais toujours d'"Orient" ou plutôt du "Sud global" (semi-coloniaux semi-féodaux), sachant que pour Mao comme pour la plupart des "repreneurs", comme tous les anti-maoïstes anti-UGPP aiment aujourd'hui à nous le rappeler, cette stratégie n'avait absolument pas une vocation universelle (pas vocation à s'appliquer en dehors de ces pays). C'est finalement Gonzalo, dans les années 1980, qui a affirmé l'universalité de la Guerre populaire (UGPP) comme stratégie de conquête du pouvoir par le prolétariat... MAIS, là encore, on est en droit de se demander si ses modalités d'application doivent et peuvent être strictement les mêmes en "Orient" et en "Occident" ; et donc s'il ne faudrait pas un nouveau Gramsci comme "Mao-Gonzalo de l'Occident". Et en tout cas, clairement, si l'ancien (le vrai) Gramsci peut être aussi simplement que cela proclamé "inutile" et "révisionniste" dans la perspective de réfléchir à cette problématique.

    [En clair et en gros, donc, le problème avec Gramsci qui a conduit ses thèses au révisionnisme éhonté du PCI de Berlinguer, c'est que celles-ci s'inscrivaient dans la logique accumulation de forces -> insurrection dite "Voie d'Octobre" (ne comprenant pas qu'en Russie les bolchéviks avaient mené une "Guerre populaire sans le savoir") ; logique qui a toujours et partout conduit au révisionnisme ; et non lesdites thèses en elles-mêmes comme quoi en Occident "c'est différent" et il faut pour faire la révolution mener une longue bataille d'hégémonie...

    Ce qu'il faut à présent, tout au contraire, c'est un (ou des) nouveau(x) Gramsci qui pensent, sur la base universellement admise de la Guerre populaire prolongée et non plus de la "Voie d'Octobre", les voies pour mener celle-ci en Occident et dans les pays industriels-urbanisés avancés en général ; pour enfin aller au-delà de l'acceptation de la stratégie de Guerre populaire comme pur slogan.

    À ce niveau, il serait donc pratiquement possible de dire que rejeter Gramsci de façon sectaire, refuser de construire sur la base de son travail un "maoïsme d'Occident" comme il a tenté de le faire pour le léninisme ; de la même manière que le maoïsme en général et pour l'"Orient" (monde semi-colonial) en particulier s'est construit sur la base du marxisme-léninisme... sans que personne ne rejette celui-ci au nom du révisionnisme dans lequel il a partout sombré (parce que ceci, désolés, n'a absolument pas été un phénomène uniquement "euro") ; c'est de la contre-révolution préventive. Car c'est accepter sur le principe l'universalité de la Guerre populaire, mais construire en pratique l'impossibilité de son application concrète en Occident. Point barre.]

    Encore une fois sur la question de Gramsci, de ses thèses ("société civile", "hégémonie culturelle" etc.) et de leur nécessaire évaluation par le mouvement communiste

    Encore une fois sur la question de Gramsci, de ses thèses ("société civile", "hégémonie culturelle" etc.) et de leur nécessaire évaluation par le mouvement communiste


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  • [Au sujet des djihadistes] Le pragmatisme tactique est en fait théorisé et institutionnalisé dans leur idéologie.

    Oui, pour eux on peut recevoir de l'aide de n'importe quel impérialisme, du sionisme même ! Du moment qu'on a bien clair à l'esprit qu'à la première occasion on se retournera contre eux.

    Mais en cela, en fin de compte... ils sont tout simplement plus marxistes que les marxistes !

    Car c'est aussi le principe qui normalement guide les marxistes. C'est le cœur de l'expérience de Mao en Chine, dans la guerre de résistance contre le Japon : peu importe de qui j'accepte des armes, de l'aide, ce qui compte (la politique au poste de commandement) c'est que j'aie bien clair à l'esprit (conception du monde) que je reste son ennemi et qu'un jour prochain je le combattrai.

    Durant tout le combat où il m'aide, je garde fermement mon indépendance, je ne me lie pas pieds et poings à lui ; et ensuite il redevient mon ennemi principal, je ne considère pas qu'il est devenu mon ami pour la vie, commençant à subordonner mon IDÉOLOGIE, mon PROGRAMME aux siens.

    Dès que possible, je lui file entre les doigts quoi...

    C'est ce qu'a fait Mao en Chine, ou encore Hô Chi Minh au Vietnam (soutenu par les Américains contre les Japonais pendant la guerre et même contre les Français pendant quelques temps, jusqu'en 1947 peut-être), ou dans un sens Castro et le Che vu que dans une certaine mesure les Américains voulaient la chute de Batista.

    Et c'est ce que n'ont pas fait ceux qui sont censés être la "gauche" en Syrie : Rojava.

    C'est ce qui est absolument terrible, car en termes de projet politique et de conception du monde, ce que veulent les djihadistes ne peut pas être ce que nous voulons ; c'est beaucoup trop différent, c'est capitaliste quoi qu'ils en disent etc., cela reproduit en un sens dans ses atrocités antipopulaires les affres de l'accumulation primitive capitaliste ; mais c'est, en attendant, un projet d'une INCOMPATIBILITÉ suffisante avec ceux de l'impérialisme pour que la coopération tactique (si jamais elle existe) ne dure jamais bien longtemps.

    Et pas celui de ceux qui sont à première vue "progressistes" et même "révolutionnaires"...

    La question n'est pas combien de milliers d'armes ces derniers ont reçu, ni même combien de conseillers sont venus les épauler, combien de missiles ont été tirés en appui aérien : la question est d'abord et avant tout que leur idéologie et leur programme sont occidentalo-compatibles.

    Tout simplement. Ils l'étaient pour combattre Daesh, ça ok, tout le monde a compris.

    Mais le problème est qu'ils le RESTENT bien au-delà de ça. Il n'y a pas de contradiction, insurmontable du moins, entre le projet politique de Rojava et les projets tant de l'impérialisme occidental que des Russes et du régime (d'ailleurs) dans leur lutte pour le repartage de la région.

    C'est pour ça qu'il n'y a pas rupture, du moins jamais totalement et avec les deux options possibles (Occident ou Russie-régime) à la fois.

    Il y avait incompatibilité totale entre la révolution démocratique de nouveau type, anti-impérialiste et ininterrompue vers le socialisme et le communisme, de Mao et les projets politiques de Washington et du Kuomintang.

    C'est pour ça qu'il y a eu rupture et révolution.

    [Quelqu'un] "Dans une lutte de libération nationale (ou même révolutionnaire) il n'y a pas de problème pour avoir de l'aide des impérialistes comme en Chine avec les yankees, le problème c'est de vendre le pays comme l'ont fait en Rojava les Kurdes en acceptant les bases militaires impérialistes. Lénine et l'URSS n'ont jamais accepté de bases impérialistes sur leurs territoires ni les Chinois."

    Oui, et à la base de ne pas se lier pieds et poings de cette façon ou d'une autre, il y a cette question fondamentale de la conception du monde.

    Et de la compatibilité ou pas des conceptions du monde et des projets politiques avec l'impérialisme.

    C'est-à-dire qu'on peut à la limite être con, et les laisser installer des bases d'où ensuite ils se retourneront contre nous et nous niqueront.

    Mais si MÊME ÇA n'arrive pas... c'est qu'il y a vraiment des questions à se poser.

    Ce n'est pas arrivé au Kurdistan barzano-talabaniste d'Irak ; et très franchement nous ne le voyons pas arriver non plus en Rojava, même si de temps en temps les Occidentaux laissent un os à ronger à Erdogan (et encore on l'a dit mille fois, c'est d'abord POUTINE qui a lâché Afrin, reste donc seulement Manbij et là ça a été longuement discuté et accordé avec les YPG qui étaient d'accord).

    Ça veut donc dire qu'il n'y a pas (contrairement à la Chine de Mao ou la Russie de Lénine) incompatibilité fondamentale entre le projet "révolutionnaire" d'un côté et les plans de l'impérialisme de l'autre... le moins que l'on puisse dire est que ça craint.

    Et aussi voire surtout que ça en dit long sur le modèle, la conception d'une révolution, de tous les gauchistes occidentaux qui croient en voir la réalisation concrète en Rojava...

    À partir d'une discussion FB, une bonne clarification sur la question de la CONCEPTION DU MONDE et de l'indépendance IDÉOLOGIQUE comme problème central de Rojava

    En complément (datant un petit peu, bon, presque 2 ans, ça va c'est pas d'Hérode non plus), cet entretien avec un éminent spécialiste des pays arabes et musulmans, quelqu'un de cette denrée rare aujourd'hui, comme dirait Taddéi, que sont les gens qui savent de quoi ils parlent quand ils parlent d'un sujet :


    L’islamisme est une réponse à l’overdose de présence occidentale

    FRANÇOIS BURGAT - JEUDI 17 NOVEMBRE 2016


    Denis Sieffert. Entretien avec François Burgat à propos de son livre “Comprendre l’Islam politique. Une trajectoire de recherche sur l’altérité islamiste 1973-2016”

    Auteur notamment d’un ouvrage de référence, L’Islamisme en face (LaDécouverte, 1995), François Burgat est l’un des plus éminents spécialistes du monde arabe. Il a vécu de nombreuses années à Damas, à Sanaa et à Beyrouth, où il fut directeur de l’Institut français du Proche-Orient. Nous l’avons rencontré à l’occasion de la parution de son dernier ouvrage, un livre qui va à contre-courant des discours dominants sur l’islam et l’islamisme. Burgat y épingle les tenants caricaturaux d’une laïcité mal comprise, ce tropisme français. Il donne aussi des clés de compréhension du conflit syrien, détruisant beaucoup de préjugés purement idéologiques qui conduisent une certaine gauche à nier l’autonomie de la révolution syrienne au nom de l’anti-impérialisme.

    Comment expliquez-vous ce surgissement relativement récent de ce que l’on appelle « islamisme » ?

    Cette  montée en visibilité de ce que je nomme le « lexique de la culture musulmane », je la considère  comme un moment, relativement banal, de la relation de cette région avec l’Occident. J’y vois une facette de la réponse à l’overdose de notre présence coloniale puis impérialiste dans le monde musulman. Le sous-titre de mon premier livre traitant de « L’ Islamisme au Maghreb » était « la voix du Sud ». J’y ai proposé une matrice analytique dont je ne me suis jamais départi depuis. Je considère que la mise à distance de l’Occident colonisateur s’est faite en trois temps : fin de l’occupation des territoires avec les indépendances ; déplacement, ensuite, sur le terrain économique de cette mise à distance, avec les nationalisations. Le troisième moment, la troisième facette, est la réponse à la déculturation. Car c’est au niveau de la culture que les ravages de la période coloniale ont été à mes yeux les moins immédiatement perceptibles mais aussi les plus profonds. L’hégémonie culturelle du colonisateur a en quelque sorte discrédité les marqueurs symboliques de la culture du vaincu, lui faisant perdre sa cohésion interne, la ravalant au rang du “folklore”. Ils ont perdu leur vocation à jouer dans la cour de l’expression de l’universel. Alors, qu’est-ce que l’islamisme ? Eh bien, c’est le reflux de ce moment de l’histoire. C’est pour cela que cet islamisme va avoir pour ses observateurs pressés une apparence de « retour en arrière ». C’est la reconnexion avec une culture qui n’est pas seulement religieuse, mais bien plus largement endogène, perçue comme héritée en droite ligne de ce qui précédait la rupture coloniale. Telle est ma matrice analytique : même si, face à un Occident plus déchristianisé que chrétien, la réaffirmation du sacré joue  sa part de la différence. le lexique « islamique » n’a pas comme première et certainement pas comme unique caractéristique d’être sacré.

    Peut-on dire qu’ « islamisme » est en fait un concept flottant ?    

    Oui ! Ce mot produit plus de bruit et de confusion que de lumière. L’islamisme relevant de l’usage d’un lexique et non d’une « grammaire », il ne détermine pas « un » comportement précis mais bien toute une gamme de comportements. L’interprétation de la référence religieuse laisse place ainsi à un très vaste spectre politique. Sous l’appellation d’ « islamiste », on trouve aujourd’hui à la fois Ghannouchi et Al-Baghdadi. Il y a dix ans, c’était déjà le cas avec le spectre allant des  talibans à Erbakan. Il y a toujours eu un très large spectre d’appropriation en politique d’un dogme religieux. Quiconque ignore cela sera enclin à penser qu’il suffirait de changer certaines sourates du Coran (la fameuse « réforme de l’islam » que l’Occident appelle de ses vœux) pour que, partout dans le monde, tout aille mieux. Terrible contresens.

    Pour quelles raisons les approches de la violence terroriste par l’islamologie sont-elles des impasses méthodologiques ?

    Parce que la vraie question devrait être de savoir pourquoi un individu, face à l’extrême diversité de l’offre religieuse, va choisir l’option « binaire », « clivante », « totalisante », conflictuelle, plutôt que de devenir soufi, mystique apolitique, ou encore adepte d’une quelconque théologie de la libération. Et la réponse à cette question n’est bien évidemment pas dans la nature d’un corpus religieux potentiellement réformable. Elle est contenue dans l’interaction des individus qui font ce choix avec leur environnement social et politique. Toutes les approches qui s’interdisent paresseusement de penser la part de responsabilité des non-musulmans dans la radicalisation d’une frange des musulmans constituent autant d’impasses méthodologiques. On mesure là l’inanité de nos politiques qui veulent « interdire le salafisme » et qui ce faisant ignorent totalement le rôle qu’ils jouent dans la fabrication de ses adeptes ! Pourquoi ne pas interdire aussi les inondations, ou les incendies, tout en continuant à ouvrir les vannes et à alimenter le feu ?     

    Comment expliquez-vous que la France, ou ceux qui parlent en son nom, aient une particulière propension à s’enfermer dans cette impasse analytique ?

    Si je devais aller au cœur du déficit français dans la compréhension de la dynamique islamiste, je dirais que nous ne parvenons pas à admettre que, chez les musulmans d’aujourd’hui, l’appartenance religieuse puisse, compte tenu de la permanence des rapports de domination Nord-Sud, jouer un rôle différent de celui qu’elle a joué dans notre itinéraire - où elle a été essentiellement un instrument de la mainmise du pouvoir monarchique. Lorsque Élisabeth Badinter demande : « Peut-elle être des nôtres, cette féministe (musulmane) qui ne critique pas sa religion, comme nous autres ? », elle répond passionnément « non ». Moi, je réponds « oui ». Pourvu que l’on fasse l’effort de comprendre qu’une femme musulmane fait partie d’un groupe qui lutte certes contre une culture méditerranéenne machiste parfois instrumentalisée par la religion, mais qui cherche aussi à se mettre à distance de la culture dominante occidentale. Et qui se sert pour cela, comme socle d’une identité « non-occidentale », de son appartenance musulmane.

    Historiquement, l’apparition contemporaine de «l’islamisme » dans le champ de vision français, c’est l’Algérie du début des années 1990… Il y a eu d’abord la révolution iranienne, en 1979. Puis, plus près de nous, il y a eu cette sorte de premier printemps arabe, l’Octobre 88 algérien. La protestation populaire avait déjà cédé la place à un acteur politique, le Front Islamique du Salut, immédiatement considéré à Paris comme illégitime, et que l’on a laissé réprimer avec une violence mais également une manipulation de la violence sans précédent. Cette manipulation a été  cachée aux Français. Ceux d’entre nous qui ont osé questionner l’origine réelle de la  violence dite seulement « islamiste » ont été immédiatement assimilés à autant d’”amis des égorgeurs”. Bourdieu est l’un de ceux qui ont essayé de proposer une vision plus exigeante. Assez rapidement, il a dénoncé les « intellectuels négatifs », BHL et autres, qui interdisaient à l’opinion de prendre la mesure de ce qui se tramait, mais sans grand succès. L’un de nos problèmes, très français, est notre incapacité à écouter d’autres interlocuteurs que ceux, très minoritaires, qui nous disent, dans la langue que l’on comprend, ce que l’on a envie d’entendre !

    Quelle lecture faites-vous aujourd’hui de la crise syrienne ?

    La crise syrienne s’est complexifiée parce que chacun des acteurs régionaux et internationaux qui s’y sont impliqués ont un agenda propre. Mais, dans cette complexité, il y a une certaine simplicité : ceux qui ont soutenu le régime l’ont fait avec efficacité, ceux qui ont soutenu l’opposition l’ont fait en ordre dispersé et avec une conviction qui a fondu comme neige au soleil. Pourquoi ? D’abord parce que les Occidentaux, au vu des premiers résultats électoraux en Tunisie et en Égypte, se sont sentis, malgré la modération d’Ennahda et de Morsi, participer à l’émergence de ces forces qu’ils abhorrent. Ensuite parce que la grande mobilisation populaire, le printemps syrien a accouché de deux révolutions « parasites » — le mot n’est pas ici péjoratif, la révolution kurde n’étant pas en tant que telle illégitime. Aux côtés de la demande kurde est apparue celle des djihadistes et de leur État islamique. Dès lors, ceux qui, au début, soutenaient la grande révolution se sont progressivement focalisés sur ces deux révolutions « parasites » : les  Turcs ne lisent plus la crise syrienne que par le prisme de l’irrédentisme kurde, les Occidentaux par celui de leur intérêt à protéger leur territoire contre les djihadistes.   

    C’est ce que vous appelez les ravages du « Daech d’abord » ?

    Oui. Après avoir expliqué à l’opposition syrienne qu’il n’était pas possible de l’armer  sérieusement, nous sommes entrés en guerre en... allégeant le fardeau militaire du régime, et donc en le renforçant, éloignant d’autant toute négociation sérieuse. La poussée djihadiste irako-syrienne a confisqué la visibilité du conflit central pour le contrôle de la « Syrie utile ». Et pourtant, c’est bien ce conflit-là qui fabrique ces réfugiés que nous craignons tant, et c’est lui qui nourrit la radicalisation, parce que si certains en viennent à rejoindre les groupes radicaux, c’est parce que les autres ont été largement abandonnés.

    L’un des arguments de cet abandon, c’est la porosité entre les rebelles non djihadistes et les djihadistes. Est-elle réelle ?

    Il y eu au mois d’août un moment révélateur de cette relation. Vingt-deux groupes, dont un bon nombre de ceux que nous considérons comme « fréquentables »  ont en toute connaissance de cause décidé de s’allier à ceux (notamment Fateh Al-Cham, ex-Al-Nosra, Ndlr) que l’on considère comme infréquentables. Mais les groupes dits « modérés » avaient-ils alors vraiment le choix ? Est-ce nous qui les avons aidés à briser le siège, à manger, à résister ? Focalisés sur « les islamistes », nos dirigeants ont été incapables de réaliser que la vraie différence à prendre en compte était celle qui sépare les groupes qui ont un agenda anti-occidental et ceux qui n’en ont pas. L’alliance militaire entre tous les groupes est conjoncturelle et tactique bien plus qu’idéologique. Elle ne préjuge pas de l’équilibre qui se créerait si les institutions redevenaient fonctionnelles et si les gens pouvaient s’exprimer librement.

    Le prisme de lecture israélo-palestinien ne conduit-il pas aussi à une incompréhension du conflit ?

    Oui, bien sûr. Certains anti-impérialistes “pavloviens” considèrent que Bachar Al-Assad est avant tout un membre du « front du refus ». Ils refusent pour cette raison de se solidariser avec une révolution soutenue (au moins sur le papier) par le premier ministre britannique, le président français, Obama, les monarchies pétrolières, etc. Ils ne peuvent pas concevoir que le Hezbollah, par exemple, puisse être dans le mauvais camp ! Ce faisant, ces révolutionnaires par procuration, le plus souvent très loin du terrain, dénient toute autonomie aux acteurs syriens, les réduisant au rang de marionnettes des Occidentaux, d’Israël ou des monarchies du Golfe. Ils refusent de voir dans la vaste mobilisation populaire qui a traversé la Syrie autre chose qu’un complot, un jeu d’influence entre puissances. Une vraie Bérézina de l’esprit.

    Vous avez un débat, que vous qualifiez de « confraternel », avec Olivier Roy. Pouvez-vous en dire un mot ? 

    La thèse de « l’islamisation de la radicalité » n’est pas entièrement contestable. J’accepte volontiers d’y voir l’un des facteurs adjuvants de la radicalisation. Mais  certainement pas son explication première ! Ce que je considère, certes confraternellement, comme  totalement inacceptable, c’est le présupposé sur lequel Roy construit sa thèse. Quand il affirme que les djihadistes ne sont pas des «  fous de Dieu », je le soutiens volontiers. Mais quand il leur dénie toute conscience politique, je ne puis absolument pas le suivre dans cette étrange direction ! Ses djihadistes ne sont en quelque sorte que des « fous sociaux », des « nihilistes », des « pieds nickelés », dont la révolte est supposée n’avoir aucun rapport avec les tensions qui traversent les relations du monde occidental avec le monde musulman. Contre toute évidence, ils les considère comme des invertébrés politiques qui ne subissent aucun rapport de domination, ne sont nullement touchés par les problèmes du monde musulman dont ils  ignorent tout du présent comme de l’histoire. « La colonisation ? Ils ne l’ont pas connue !» « Le conflit israélo-arabe ? Il n’a rien à voir ! » :  qui oserait employer un argument de ce type avec les Arméniens — « le génocide, ils ne l’ont pas connu » — ou à l’égard de la communauté juive — « vous n’étiez pas dans les camps, alors de quoi vous mêlez-vous ? »... C’est d’une exceptionnelle fragilité. En résumé, je considère que toutes les approches du phénomène djihadiste qui ne prennent pas en compte les effets multiples de la persistance des rapports de domination Nord-Sud sont construites sur de dangereux contresens méthodologiques.


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  • Nous ne savons pas si la pratique confirmera notre point de vue que les premières "casemates" dont nous allons essuyer le feu seront "de gauche"/"gauchistes" ; mais si tel est le cas, les bases théoriques sont désormais posées.

    Pour le moment, notre expérience, forcément partielle (comme toute expérience d'un individu, ou d'un petit groupe), est bien que :

    - si on est sur la voie de développer une Pensée révolutionnaire, les premières "casemates" dont on essuie le feu sont bel et bien "de gauche", y compris voire surtout "radicale" (on pourra dire, "gauchistes et menchéviques") ; ATTENTION nous ne parlons pas là que de "terrorisme intellectuel" en débat (de vive voix ou sur internet), mais aussi d'organiser un isolement des dérangeantes idées et de leurs porteurs qui peut aller jusqu'à la violence physique, ou à l'appel à l’État ou autre pouvoir (comme les tauliers de Facebook par exemple) pour museler l'"organe de presse" desdites idées (que Lénine définissait comme aussi important que la force militante de terrain) ;

    - si on est dans l'action, sur le "ter-ter", mais "dans les cadres" au sens de sans une Pensée révolutionnaire (ou avec ! mais dans ce cadre-là d'action concrète sur le terrain, et non dans le cadre précédent du travail politique pour développer une conception du monde et y rallier des gens), ce sera plutôt directement l’État, qui prend position autour avec ses "lignes à ne pas franchir" (séquestrer ou malmener un patron dans une lutte d'entreprise, balancer un projectile sur les flics ou casser des trucs en manif, refuser d'obtempérer quand un ordre de dispersion ou autre est donné), et frappe le cas échéant ;

    - les petits groupes activistes fascistes, d'extrême-droite, sont en fait plus dédiés à gagner du monde à leurs idées qu'à agir en quoi que ce soit contre quelque force "de gauche" (révolutionnaire ou pas) que ce soit : dans le pire des cas, ils pratiquent un micro-terrorisme contre les groupes antifascistes (souvent dans une espèce de "coup pour coup" réciproque, de confrontation viriliste où il faut "pour l'honneur" rendre les coups reçus), ou (ce qui est vraiment le pire) contre des gens qui ne pensent et ne font rien (de connu en tout cas) mais sont non-Blancs, LGBT ; afin de construire leur image de "nettoyeurs de la société" ; on retrouve d'ailleurs un peu les mêmes pratiques chez les "troupes de choc" de la police (BAC etc.) qui osons le dire, ont souvent parmi leurs membres la même conception fasciste du monde ; mais si ces forces policières sont et vont (hélas) partout, les groupuscules fascistes ne s'aventurent guère dans les quartiers où ils se feraient défoncer au bout de 10 minutes maximum ; ils se contentent de définir des secteurs (réduits) comme "leur territoire" et de s'y prendre (dès lors) à tout "gauchiste", non-Blanc, LGBT etc. qu'ils y croisent.

    Il est possible qu'une organisation de plusieurs milliers de membres n'ait pas le même constat d'expérience ; mais cela peut (peut-être) tout simplement vouloir dire qu'une organisation à un tel stade de développement a déjà VAINCU le gauchisme et le menchévisme, et donc ne les craint plus ; et que seule la Noire Réaction et l’État de la classe dominante ennemie méritent qu'elle s'en préoccupe.


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  • NON À L'OCCUPATION D'AFRIN, NON À LA GUERRE IMPÉRIALISTE EN SYRIE !

    Depuis le 20 janvier 2018, l'État turc d’Erdogan met en œuvre une violente offensive militaire à Afrin en Syrie. Cette attaque ne cesse de faire de très nombreuses victimes parmi la population, dont principalement des femmes et des enfants.

    L’objectif de cette opération, nommée cyniquement « Rameau d’Olivier », est double : l’État turc entend d’abord y chasser les forces kurdes des YPG, dans la continuité de sa sale guerre contre le peuple kurde en Turquie depuis 2015, et prendre le contrôle de cette région jusque-là autonome ; ensuite y constituer une solide base pour intervenir dans les affaires syriennes et gagner sa part dans le démantèlement du pays.

    Afin de légitimer cette attaque, Erdogan continue de jouer la carte nationaliste en invoquant la défense de ses frontières au nom d'une « Turquie menacée », où il muselle pourtant toute critique et toute opposition avec l'interdiction d'organisations démocratiques (politiques et syndicales), l'emprisonnement de milliers de fonctionnaires, avocats, journalistes, étudiants, enseignants…

    Le Collectif Ni Guerres, Ni État de Guerre dénonce cette offensive guerrière de l'État turc à Afrin.

    Cette offensive de l'État turc à Afrin s'inscrit aussi dans la guerre lancée par les puissances impérialistes (USA, France, Russie, etc.) en Syrie, en utilisant le prétexte de la guerre contre le « terrorisme ».

    Ces puissances défendent leurs intérêts et règlent leurs comptes sur le dos et contre les peuples de la région.

    Des milliers de soldats états-uniens sont sur place, ils forment et entraînent un corps d’armée de 30 000 hommes [bon là LOL "quelqu'un" a dû demander qu'on n'insiste "pas trop" là-dessus, mais ce corps d'armée est bien sûr les FDS autour des YPG/J kurdes]. Israël, qui occupe toujours le Golan syrien, a envoyé début janvier une escadrille de six avions effectuer une centaine de bombardements. Le 7 février, la coalition occidentale a bombardé la province de Deir ez-Zor [en appui aux FDS au sol].

    Depuis 2014, la France fait partie de la coalition occidentale dirigée par les USA, avec une quarantaine d’avions et des troupes au sol (forces spéciales, « instructeurs », canons Caesar), et des centaines de sorties de ses bombardiers contre des villes irakiennes (Mossoul, Fallujah) et syriennes (Manbij, Raqqa) [l'une et l'autre prises par les FDS].

    Le 9 novembre 2017, sur la base militaire française d'Abu Dhabi, Macron a réaffirmé "l'implication de la France dans la coalition, dans une zone de guerre essentielle pour nos intérêts".

    Le Collectif Ni Guerres, Ni État de Guerre milite pour le retrait des puissances impérialistes, à commencer par la France.

    6 mars 2018

    Pour tout contact : antiguerre16@gmail.com
    http://collectifantiguerre.org

    Collectif Ni Guerres, Ni État de Guerre sur Afrin et la Syrie


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  • À ce qu'il paraît, SLP serait "tiers-mondiste"... Bon, ça fait juste 7 ans qu'on a et tient et explique la même position :D mais c'est pas grave ; c'est bien d'avoir comme ça de temps en temps des occasions de refaire le point et reclarifier les choses.

    Le "tiers-mondisme", ce serait concrètement de considérer qu'il y a une guerre entre le "Sud global" (le monde semi-colonisé et semi-féodal) et les pays impérialistes ; et que les contradictions à l'intérieur de chacun de ces blocs sont finalement secondaires. Au fond, c'est une version du campisme ; qui consiste en règle générale à opposer l'Occident, Israël et les régimes serviles envers eux au "Sud" en effet, régimes "résistants" et peuples contre les régimes serviles, additionné de la Russie et de la Biélorussie (en gros).

    NOTRE VISION (qui n'est pas celle-là) est plutôt celle d'un boa constrictor :

    - les luttes du "Sud" semi-colonial semi-féodal, Guerres populaires communistes (comme en Inde) ou résistances anti-impérialistes qui n'ont pas ce caractère mais sont légitimes, et qui peuvent parfois en effet (sans perdre de vue les contradictions de classe) prendre la forme d'un soutien populaire à un régime "rebelle" contre l'impérialisme oppresseur principal de sa région du monde, portent/poussent :

    - les luttes des prolétariats immigrés du "Sud" dans les pays impérialistes (ou de colonies intérieures "historiques" comme les Noirs et les indigènes d'Amérique du Nord) ;

    - les luttes d'Europe du Sud (et aussi de l'Est, mais là 40 ans de faux "socialisme" révisionniste font que les peuples sont encore largement prisonniers des idées anti-révolutionnaires), ou encore d'Irlande ;

    - les luttes des nationalités (ou éventuellement "régionalités") blanches périphériques d'Europe de l'Ouest ou d'Amérique du Nord ;

    - qui elles-mêmes, portent/poussent les luttes des masses (plus aristocrates-ouvrières) des nationalités "centrales" (sachant qu'en général, sur les territoires de celles-ci, dans le Bassin parisien ou en Angleterre par exemple, les - très nombreux - prolos de chez prolos sont finalement rarement "de souche séculaire" : ils sont plutôt, aujourd'hui, en majorité issus de l'immigration de travail des nationalités et régions périphériques, puis d'Europe périphérique, et enfin extra-européenne ; un prolétariat multinational).

    Les anneaux de ce boa, chacun à sa place et chacun jouant son rôle poussé par les autres plus extérieurs, étranglent dans un processus prolongé le Pouvoir capitaliste des monopoles (basé à Paris, Londres, New York, dans les métropoles allemandes et de la "Dorsale" européenne etc.).

    C'est en ce sens que :

    - la contradiction FONDAMENTALE du capitalisme est celle entre caractère social de la production et propriété et appropriation privée (capitaliste) des moyens de production et de la richesse produite ;

    - MAIS nous disons que la contradiction MOTRICE est celle entre peuples dominés par l'impérialisme et bourgeoisies impérialistes et leurs régimes-laquais du "Sud" ; car c'est celle qui "pousse" en avant toutes les autres luttes sur la planète.

    VOILÀ...


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  • En lien avec TOUT CE QUE NOUS AVONS VU ET DIT au long de l’étude qui précède et que nous vous invitons à lire et relire (en suivant les liens vers les différentes parties) analyse-et-retrospective-historique-du-fascisme-anti-politique : les rojavistes d’Allemagne (apparemment liés au Congrès national kurde, soutiens de Rojava et du dirigeant du PYD Saleh Muslim) dénoncent l’"antisémitisme" des manifestations "musulmanes" contre la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État sioniste, "déferlement de haine contre le droit d’Israël à exister", et appellent ouvertementl’État à les réprimer ; dans le pur rôle de police politique dévolu à la "gauche" de contre-révolution préventive (d’ailleurs le président fédéral de la communauté cité, Ali Ertan Toprak, ne se fait même pas chier à être "de gauche" : il est élu CDU).

    On peut encore ajouter Saleh Muslim qui appelle les Kurdes d’Europe à "respecter les lois des pays hôtes", sans doute après une vague d’attaques contre des lieux culturels turcs en Allemagne… ah ben oui c’est sûr, la "radicalité" comme on l’a dit n’est pas forcément étrangère à la contre-révolution préventive, mais il y a des fois ou ce n’est pas le moment ! (surtout qu'il y a apparemment en ce moment, toujours sur ce même site "mine d'or", un gros militantisme pour la levée de l'interdiction légale du PKK en Allemagne, en mettant en avant bien sûr les "services rendus" à l'impérialisme en Syrie-Irak et la renonciation à la violence sur le sol allemand*... c'est marrant, plus on retourne le truc dans nos tête, plus les rapports entre cette "Communauté kurde d'Allemagne" néocoloniale-intérieure autoproclamée et le PKK nous font penser à ceux entre "Otegisuna" et l'organisation armée ETA dans la seconde moitié des années 2000 : oui notre Peuple est opprimé, oui la violence est d'abord une réponse à l'oppression... MAIS ce serait bien qu'ils arrêtent quand même, ça nuit à tout le Peuple par la répression que ça provoque et ça empêche une solution politique sous les bonnes auspices de la "communauté internationale" etc. etc. ; bref allons gaiement vers un Bildu kurde... au service du redécoupage impérialiste du Proche et Moyen Orient !).

    * Pour répondre à la question "Euh ouais, en quoi c'est mal ???" : nous pensons, et de plus en plus chaque fois que nous tournons un peu plus la question dans nos têtes, qu'une logique "il faut être légal" est précisément une logique MORTELLE.

    Il y a 1 000 associations, collectifs etc. qui peuvent être créés pour mener un travail politique légal et relativement au grand jour. Mais là, on parle du Parti, de l'organisation révolutionnaire en tant que telle. Et rechercher, pour celle-ci, la "reconnaissance" de la légalité bourgeoise, nous le disons tout net : ça ne peut pas mener à autre chose que l'abandon de toute identité révolutionnaire.

    C'est ce qu'il s'est passé au Pays Basque, d'ailleurs. Mener une campagne démocratique contre la Loi des Partis, ben oui, forcément : une loi fasciste c'est toujours l'occasion rêvée de montrer aux masses qu'un État "démocratique" est fasciste ("moderne"), et de mobiliser et gagner les cœurs et les esprits sur ce créneau. Mais se BATTRE, non pour le retrait pur et simple de cette loi, mais pour être re-légalisé DANS SON CADRE, eh bien le résultat ça s'appelle Sortu et Bildu.

    En Allemagne c'est pareil. L'Allemagne à des lois qu'elle a gardées de son époque de ligne de front de la guerre froide, en proie à un activisme piloté par l'Est ; et des lois d'interdiction de toute organisation "subversive" du "modèle de société démocratique" capitaliste. On peut militer CONTRE ces lois, c'est une chose. Mais viser à être légalisé DANS LEUR CADRE, cela ne peut conduire qu'à capituler toute identité révolutionnaire ; et c'est le chemin qu'a pris le PKK et ses organisations affiliées.


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  • (Introduction, première partie et plan général)

    La mise à mort de l'internationalisme prolétarien : humanitarisme, ONG, altermondialisme, "commerce équitable" etc.

    Alors certes il faut le dire : la gauche marxiste occidentale, et même dans une large mesure russe (il suffit de lire ces propos de Zinoviev, pourtant souvent cités en exemple... pour l'évolution positive qu'ils représentaient à l'époque : marxists.org zinoviev 1920), a TOUJOURS été blanche : paternaliste, civilisatrice... Ben oui, forcément, en Occident et en Russie c'est ce que les gens étaient, construits idéologiquement ainsi à travers des siècles de colonisation. Mais au fond... quelle importance cela avait-il alors que l'un après l'autre, après la déjà très périphérique Russie, et hormis l'Europe de l'Est sur les ruines de la défaite du nazisme, tous les pays à mener effectivement une révolution et à accéder au socialisme (ou à la démocratie populaire) s'avéraient être "du Tiers Monde", coloniaux ou semi-coloniaux, parce que c'est comme ça que ça marche (tel est le sens de déploiement de la révolution mondiale) ? Et sous la pression de cela (puisque ce n'est pas une question de bonne volonté "déconstruite"...), la tendance des choses était à l'évolution dans le bon sens : des Boudarel, des Iveton et des Maillot, des "porteurs de valises", des Barbara Kistler...

    Il y avait un internationalisme révolutionnaire prolétarien, consistant en des choses très basiques et simples : soutien aux pays socialistes (à condition bien sûr qu'ils le soient vraiment, aujourd'hui il n'y en a plus) ; soutien aux mouvements révolutionnaires visant à rendre leurs pays respectifs socialistes ; soutien aux peuples opprimés par l'impérialisme, colonisés etc. ; et éventuellement soutien à des gouvernements ou des mouvements de résistance, non-socialistes, en fonction de ce qu'ils font et servent en faisant ; contexte, rapport de force, affaiblissement des positions de l'impérialisme, service rendu (même inconsciemment) à la cause révolutionnaire des peuples.

    Sur les principes historiques de cet internationalisme, nous pouvons vous inviter à lire les quelques textes suivants :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/une-mise-au-point-necessaire-sur-nos-positions-internationalistes-et-a-a114102952

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/reflexions-sur-la-question-nationale-et-coloniale-site-mlm-neerlandais-a115092088

    http://anti-imperialiste.over-blog.org/article-a-propos-du-mouvement-de-solidarite-avec-la-palestine-et-du-hamas-124448377.html

    En face, il y avait l'impérialisme. Qui, jusqu'au milieu du 20e siècle, étendait puis maintenait ses Empires coloniaux au nom de la "civilisation", de l'infériorité "scientifiquement" théorisée des peuples soumis ; puis à partir de la Seconde Guerre mondiale, au nom de la lutte contre le communisme et tous ceux suspectés de la moindre sympathie envers lui, soit à coups d'interventions militaires directes, soit à coups de dictatures militaires "indigènes" sanglantes.

    Mais aujourd'hui, dans le dispositif contre-révolutionnaire total de la "Fin de l'Histoire", les choses ont changé... et c'est presque comme si l'impérialisme et la "gauche", censée le combattre mais faisant en réalité totalement partie du dispositif, avaient convergé et presque fusionné dans la même approche "rénovée", sur la base de l'hégémonie moraliste que nous avons vue.

    Avoir évoqué précédemment les "Nouveaux Philosophes" rejoint évidemment notre propos ici, puisqu'il va être question de quelque chose dont ceux-ci, en particulier BHL, se sont faits les champions de la propagande médiatique : l'intervention impérialiste humanitaire.

    Le sujet est suffisamment connu pour ne pas s'étendre dessus outre mesure. Concrètement : on n'envoie plus la Coloniale pour "civiliser les races inférieures" et "faire fleurir" les "tas de cendres" sur lesquels elles ont le toupet d'être assises, comme du temps de Jules Ferry ; ni pour combattre la "subversion communiste" comme durant la Guerre froide ; mais prétendument pour "sauver" ces braves peuples des griffes de "méchants", Chuck Norris étant trop occupé par la sécession du Texas pour s'en charger tout seul. Tous les régimes politiques du "Tiers Monde", semi-coloniaux semi-féodaux selon la terminologie scientifique qui est la nôtre, et dans une certaine mesure ceux d'Europe orientale sont quelque part "fascistes", despotiques et corrompus, pas la démocratie sociale scandinave quoi. Mais "subitement", l'un de ces dirigeants parmi 150 autres va être propulsé "nouveau Hitler", arbre cachant la forêt de tout le reste, pour justifier contre le pays une intervention militaire directe ou (ce qui revient au même, ou pire) une campagne de déstabilisation par de "vaillants défenseurs de la liberté" qui débouchera le plus souvent sur une guerre civile. En général, lorsque l'on ouvrira un peu les "dossiers" après coup, on se rendra compte qu'il était en fait "gênant", indocile ou ingrat vis-à-vis de l'impérialisme, ou lié à une puissance rivale de l'Occident... Et dans le pays, en attendant, le massacre et le chaos sont là.

    Mais ce n'est pas tout. Le colonialisme d'antan pouvait être résumé par la formule "le sabre (la force militaire) et le goupillon (l'évangélisation, les missions religieuses)" : là, nous venons de voir le sabre. Où est alors le goupillon ?

    Eh bien ce goupillon, puisque les interventions militaires, les politiques de la canonnière, sont désormais humanitaires, cela va être pareillement l'HUMANITARISME ; la mobilisation dans une approche purement humanitaire, "bons sentiments", de la résolution des conflits et autres problématiques (faim, pauvreté) issues de la domination impérialiste (semi-colonialisme) ou alors de la semi-féodalité (toujours, aujourd'hui, surdéterminée par l'impérialisme) des pays concernés.

    Tout ceci rejoint finalement la question superstructure-infrastructure que nous avons vue en première partie, débouchant sur le moralisme que nous avons vu en deuxième : on va s'attaquer à ce qui est finalement un phénomène superstructurel (dictateur sanglant, allez, même en imaginant que ce ne soit pas uniquement parce qu'il est anti-occidental ; islamisme "fasciste" égorgeur, massacre d'une minorité, situation de famine etc.), et considérer qu'il suffit de le remplacer par (ce qu'on considère comme) "la démocratiiiie" (plus ou moins radicale, supposément très radicale en Syrie du Nord) ; mais on ne va en aucun cas questionner, et encore moins s'attaquer à l'INFRASTRUCTURE semi-coloniale et semi-féodale qui est à la racine du problème, ce que seule une véritable Guerre populaire nationale-démocratique peut faire. Le simple fait que 95% des "haines ethniques" support de massacres et dictatures reposent sur une question agraire-foncière, par exemple...

    Ce n'est pas par "anti-impérialisme", puisqu'il soutenait par ailleurs Israël, que Foucault a pris parti pour la Révolution iranienne en 1979 ; mais uniquement parce que la superstructure consistant en l'autocratie du Shah ne correspondait plus à sa vision morale de l'acceptable "démocratique" (d'ailleurs l'Occident tout entier pensait un peu la même chose, c'est bien pour cela qu'il est tombé...) ; et ce sans bien sûr questionner le moins du monde l'infrastructure semi-coloniale semi-féodale du pays... ni l'éventualité qu'elle reste pratiquement inchangée sous la simple mutation de la superstructure en République islamique. D'ailleurs BHL (grand sioniste et anti-"islamiste" devant l'éternel) a, un peu de la même manière, soutenu la prise de pouvoir d'"islamistes" en Libye.

    Et Sartre, devant le despotisme corrompu des régimes de Saïgon et le génocide au napalm des forces US, soutenait la lutte des communistes vietnamiens ; mais ensuite, dès que ces derniers eurent pris le pouvoir et tentèrent, du moins, de mettre en place quelque chose qui ressemble à du socialisme, provoquant la fuite éperdue des partisans de la propriété privée et autres collabos du génocide impérialiste (boat people), il s'en alla pleurer la cause de ceux-ci devant Giscard, flanqué de Raymond Aron ; tout comme d'ailleurs... encore une fois Foucault, aux côtés de Kouchner (encore un !), qui dans cette interview de 1979 michel-foucault-1979 illustrait parfaitement ce raisonnement : "L’État ne doit pas exercer de droit inconditionnel de vie et de mort, tant sur son peuple que sur celui d’un autre pays. Refuser à l’État ce droit de vie et de mort revenait à s’opposer aux bombardements du Vietnam par les États-Unis et, de nos jours, cela revient à aider les réfugiés" – c'est toujours facile lorsque le propos commence par une exagération délirante : NON, l’État vietnamien n'exerçait pas un "droit de vie et de mort sur son peuple" (déformation grossière des faits et pathos moraliste) ; il réprimait des contre-révolutionnaires et éventuellement aussi, vainqueur donc "bête noire" de l'Occident, ravagé par la guerre et coupé de l'URSS par la Chine devenue son ennemie, il avait des difficultés économiques qui étaient aussi la cause de beaucoup de départs ; à la rigueur pouvait-on dire que sa conception révisionniste du "socialisme" (7 ans plus tard il assumerait totalement la voie capitaliste dans la foulée de Gorbatchev, avec le Đổi mới) était aussi une cause de ces problèmes, dans une vraie critique communiste de la chose... mais parler d'un "droit de vie et de mort" dans une veine "le Pouvoir c'est mal" totalement "anarcho"-ultra-démocrate et finalement libérale, et mettre cela sur le même plan que les massacres effroyables de la guerre contre-révolutionnaire yankee, c'est d'un n'importe quoi délirant qui illustre à lui seul tout ce que nous sommes en train de voir ici, préfigurant Bookchin et sa "conflictualité arabe" co-responsable de la tragédie palestinienne (cf. plus loin). Ceci le place en fait, clairement et totalement, au rang des pères fondateurs de l'actuelle logique "l'autodéfense oui, le POUVOIR non" (en somme, et en jargon maoïste : "vive l'éternelle défensive stratégique"...) qui est celle de toute l'aile "radicale" de ce nouvel "internationalisme" en carton et que l'on retrouve (nous y reviendrons) dans l'engouement pour les zapatistes du Chiapas (EZLN) hier comme dans celui pour Rojava aujourd'hui. 

    Mais c'est à partir des années 1980 (presque en parallèle avec l'antiracisme moral SOS, ou encore l'anti... "classisme" moral des Restos du Cœur) que les choses ont connu un développement spectaculaire-médiatique considérable avec les mobilisations contre la faim, le célèbre We are the World et ses séquelles francophones (l'Éthiopie de Renaud, Balavoine et sa tentative d'humanitarisation... du Paris-Dakar, "safari" néocolonial par excellence), la vogue de l'écologie et des peuples indigènes "premiers" etc. : on ne va plus "civiliser" (sous la forme de l'Évangile ou autre) des "inférieurs", mais care (prendre soin) de populations "malheureuses" dans une espèce de résurrection du rousseauiste "bon sauvage" (qui ne "fait pas de politique", c'est bien connu)... mais en réalité, TOUJOURS dans une optique aussi occidentalo-centrée et paternaliste, et le plus souvent... en totale conformité avec les intérêts de l'impérialisme en arrière-plan.

    La question (centrale) de la domination économique de l'impérialisme va être "résolue", elle aussi, toujours dans cette même vision morale que nous n'avons cessé de voir, par les "bons sentiments" (la bonne volonté "déconstruite", quelque part), avec pour exemple emblématique le commerce dit "équitable" (en général mâtiné de préoccupations "durables", bio, écologiques). Sauf que l'on se rend compte au bout de quelques années que ces productions "équitables" et bio... ruinent tout autant les pays producteurs que les productions "traditionnelles" destinées aux monopoles impérialistes, dont nous n'avons en fait là qu'une version "progressiste" et bien-pensante : quinoa-laliment-chouchou-hipsters-a-ruine-boliviens

    Tout ce mouvement idéologique colossal a culminé, en visibilité du moins (la non-visibilité pouvant venir, dans la vie, du fait que quelque chose est... partout, comme l'air, et comme l'est peut-être cette idéologie à présent), dans le mouvement "altermondialiste" des années 1995-2005 qu'il noyautait sous ses prétentions (encore une millième fois...) "radicales" et "contestataires" ; non sans critiques de la part des éléments plus "idéologiques", marxistes, libertaires ou autonomes qui y participaient aussi, mais sans que ceux-ci (encore une fois aussi...) ne se soient jamais réellement dégagés de son influence.

    Dans le "meilleur" des cas, ces ONG (nouveau mot-clé de la nouvelle époque) ont pu éventuellement se lier avec des gouvernements "de gauche" sud-américains, non pas "anti-impérialistes" (liés à la Russie et à la Chine, voire à l'Europe) mais battant en brèche l'impérialisme US hégémonique sur le continent  retour-situation-amerique-du-sud discussion-gauche-en-amerique-latine etats-bolivariens-notre-position ; mais s'inscrivant néanmoins,  eux aussi, dans le reflux général de la lutte révolutionnaire là-bas et, dans un sens, tournés contre celle-ci [lire par exemple ici le militant aymara Felipe Quispe au sujet du gouvernement Morales en Bolivie : felipe-quispe-le-dernier-mallku ; et encore faut-il préciser que le mouvement de Quispe lui-même peut être admiré par des "radicaux" d'esprit - finalement - ONGiste comme une sorte de "zapatisme (nous en parlerons plus bas) des Andes" - finalement - sympathique, contrairement aux "tarés staliniens fanatiques génocidaires" du "Sentier Lumineux"].

    On peut trouver cet "esprit ONG"... et sa mise en œuvre opérationnelle contre-révolutionnaire concrète, bien décrits ici :

    "Les ONG sont les Las Casas de notre époque.

    Les documents de 1990 de VP (intéressants du point de vue historique) soulignent l'implication de la social-démocratie (y compris "radicale") contre la Guerre populaire du Pérou via les ONG... http://ocml-vp.org/article1827.html

    Et ça ne me surprend pas vraiment. La fin des années 80 est en effet marquée par l'Amazonie-mania, avec Chico Mendes, Raoni, Sting et compagnie, Jéromine Pasteur, Cousteau qui va faire le pitre avec sa capote rouge sur sa tête de gland, Hulot (autre gland) sur son ULM aux frais de Rhône Poulenc (un des pires pollueurs de la planète LOL - "séquence... émotion !")... ET une mutation très importante de l'impérialisme qui est la fin du kaki des militaires exterminateurs, des soutanes des missionnaires et de l'odeur du napalm au petit matin, et le débarquement massif des ONG de bobos écolo-libéraux-libertaires, accompagnant éventuellement les "révolutions colorées" ou même parfois les tapis de bombes mais cette fois au nom de "nobles causes" (droits de l'homme, lutte contre la drogue, anti-"islamofascisme" etc.) ; ou parfois (pour les plus "à gauche") des processus réformistes y compris intéressants comme dans les pays de l'ALBA ; mais dans tous les cas, le containment de la lutte révolutionnaire authentique.

    Avec le problème suivant que, entre l'indigène comme objet à éradiquer pour faire place à la Marche du Progrès et de la Civilisation, et l'indigène comme objet sacralisé en mode bon sauvage, il y a un point commun essentiel qui est que l'indigène est toujours un objet (d'étude et de prise de position), et non un SUJET de son propre devenir historique.

    Et c'est vrai, ça m'a traversé l'esprit du coup, que ce remplacement des vieilles recettes par les ONG et le nouvel universalisme droit-de-l'hommiste - écolo - world music - bonsauvagiste a largement pu participer de cette hégémonie actuelle de l'anticommunisme "de gauche" qui, insignifiant et à la remorque de la droite à la grande époque de la Guerre froide, est désormais devenu la vraie Grande Muraille de Chine contre-révolutionnaire contemporaine.

    Et dans le cas particulier de l'Amérique latine, de ce discours aujourd'hui dominant qui fait des guérillas révolutionnaires (pas seulement le PCP) le "deuxième démon" face aux gouvernements établis de la classe possédante (aujourd'hui civils, en principe...), pour ce qui est notamment de piétiner Mère Nature et de faire la misère aux bons sauvages sacralisés – à l'exception de quelques trucs comme l'EZLN qui ont su garder un visage "sympathique"... synonyme de renoncement complet à la Question du Pouvoir.

    Exemple : il est malheureusement fort possible que 6.000 Ashaninkas, soit 10% de leur population, aient perdu la vie lors du conflit péruvien. Ce qui est déjà infiniment moins crédible, c'est d'attribuer la totalité de ces pertes au PCP (simple déduction logique de la puissance de feu respective de celui-ci et de l'armée régulière, dans la zone de guerre qu'était devenu l'endroit).

    Et surtout, ce qui est complètement passé à la trappe c'est que pendant que les ONG de bobos bonsauvagistes nous parlaient de ça (et déversaient leur propagande anticommuniste), le régime du nazillon Fujimori levait (en 1995) la sanctuarisation constitutionnelle de leurs territoires pour ouvrir la voie aux projets extractifs, déforestation, agriculture extensive et compagnie.

    Ce qui à pas si long terme (d'ici le milieu de ce siècle peut-être), signifie beaucoup plus sûrement la disparition totale de ce peuple indigène que n'importe quel conflit armé (soit ils se feront flinguer pour avoir résisté, soit ils crèveront de faim ou de maladies, alcoolisme, drogue etc., soit ils se dissoudront en tant que peuple dans les taudis des villes-champignons locales ou de Lima, les bordels et compagnie). Mais ça les ONGistes bobos ne vous le diront pas, ils s'en branlent pourvu qu'ils vous parlent des z'horribles communistes massacreurs de gentils z'indiens...

    Aujourd'hui, c'est fou les réticences qu'on rencontre à gauche (même radicale) sur la question du Pérou, très particulièrement du Pérou (les guérillas colombiennes peuvent encore être soutenues par la base populaire PCF/FI qui existe encore ici et là, et quelques trotskystes...), et je me suis donc fait cette réflexion de la corrélation avec l'ère des ONG.

    On peut pratiquement parler d'exact opposé avec l'engouement de ces dernières années pour les Kurdes... mais c'est sûr que quand la cause défendue a exactement le même ennemi que l'impérialisme de l'OTAN, forcément ça aide."

    [Lire aussi : http://ekladata.com/L-antangonisme-PCP-vs-ONG-et-Gauche-Unie-au-Perou.pdf]

    On ne saurait mieux dire les choses. L'on retrouve cette conception mêlant "bonsauvagisme" et contre-révolution jusqu'au cinéma, comme récemment avec le Wakanda du film Black Panther : un royaume africain protégé par des pouvoirs surnaturels, permettant d'exalter la fierté noire qui après tout, comme tout dans le capitalisme en phase terminale, est... un marché ; mais dans lequel les "méchants" sont... les anti-impérialistes, les "fanatiques" qui voudraient utiliser ces super-pouvoirs pour libérer l'Afrique et les Africains à travers le monde. CQFD (une bonne critique de cela ici : jai-un-probleme-avec-black-panther, ou encore Black-panther.jpg).

    Et de fait (c'est important à souligner), toutes ces ONG dont les exemples emblématiques ("généraux", non-spécialisés) sont Amnesty International, Human Right Watch, Open Society etc. ne sont pas strictement des "officines de la CIA" (bien que la NED, versant "humanitaire" et "démocratique"-"progressiste" de l'appareil d'État impérialiste US, se profile plus que régulièrement en arrière-plan), ou "du sionisme" sur la base de la judéité de George Soros (qui en finance un grand nombre). Amnesty a été fondée par un républicain irlandais de centre-gauche, Seán MacBride ; et Soros est un bourgeois "démocrate radical" souvent violemment attaqué par les ultras (du moins) israéliens (bon après, derrière ce côté "démocrate" il a tout de même en 1973 trempé dans les coulisses du coup d’État de Pinochet au Chili, en spéculant sur le cuivre première ressource du pays pour provoquer une grave crise économique...).

    [Concrètement : Soros a une fonction sur la planète et cette fonction n'est pas de soutenir des pouvoirs établis, ouvertement réactionnaires qui répriment le peuple, sauf peut-être quand il préparé le terrain à Pinochet au Chili en spéculant sur le cuivre ; mais de soudoyer et de là dévoyer, parasiter l'émancipation. Soros s'adresse à des gens qui gueulent et qui généralement ont des raisons légitimes de le faire, pour les ramener au service de l'ordre impérialiste.]

    Simplement, elles sont porteuses d'une conception du monde humaniste petite-bourgeoise socedem ou chrétienne qui ne comprend pas que "la violence" (qu'elles dénoncent) a un CONTENU de classe et au regard du Sens de l'Histoire. Mais ce faisant, elles participent bel et bien à l'"ONGisation" de la conception du monde de la "gauche" y compris radicale ; et l'impérialisme s'accommode parfaitement de ce brouillage des cartes et sait le mettre à son service. Leur influence s'étend TRÈS loin en direction de la "radicalité" militante, jusqu'à des personnes ou des groupes qui pourraient formellement les critiquer (comme par exemple les rojavistes, qui sont de fait d'ores et déjà engagés dans l'association avec une "révolution colorée" en Turquie : turquie-kurdistan-elections-anticipees voila-ca-y-est erdogan-fasciste).

    Tout ceci est à mettre en parallèle avec ce que nous avons vu en première partie : la présentation de la défaite du mouvement communiste, dans les années 1980-90, non comme une victoire arrogante des forces et des idéologies de droite, mais comme une soi-disant défaite de toutes les idéologies révolutionnaires comme réactionnaires ; ceci se traduisant, sur le terrain des luttes anti-impérialistes du "Tiers Monde", par l'"invitation" des forces révolutionnaires étrillées à la table de "processus de paix" en vue de leur intégration dans le "système" et le consensus de la "Fin de l'Histoire". Certaines, devenues social-démocrates, finiront même par accéder pour un temps au pouvoir, comme le FMLN salvadorien (on pourrait aussi citer l'exemple le plus évident : l'ANC en Afrique du Sud, chargé depuis 1994 d'être la "façade" politique du pays tandis que les colons blancs conservent le pouvoir économique). Dans certains cas comme la Colombie, certes, l'obstruction des forces de droite (liées à la propriété foncière, essentiellement) a pu rendre le "processus" plus compliqué.

    Ainsi les choses ont-elles été "réglées", avec en toile de fond ce nouvel "internationalisme" humanitaire et moral faisant de la "démocratie" et des bons sentiments sa ligne directrice.

    Au bout de ce sabre, donc, et de ce goupillon l'un et l'autre "humanitaires" et dégoulinants de bons sentiments, se trouve encore un dernier phénomène apparu dans les années 1990 : la justice pénale internationale, d'abord avec des tribunaux particuliers pour des "dossiers" bien précis (Yougoslavie, Rwanda, Libéria et Sierra-Leone), puis avec la Cour pénale internationale, inaugurée en 2002 et surnommée depuis le "tribunal pour dirigeants africains en disgrâce"... Des juridictions chargées de punir les génocides et autres crimes contre l'humanité, c'est-à-dire, dans la terminologie qui s'est développée à partir de 1945, le nom donné à la mort de beaucoup de gens dont les responsables ne sont pas dans les bonnes grâces de la "communauté internationale" ou d'une majorité de celle-ci ; ou dit plus simplement encore, les tribunaux devant lesquels atterrissent les "tyrans", les dirigeants indociles ou gênants, cibles des "opérations de police" impérialistes. Avec l'émergence d'un dernier et ultime problème qui est que les procès judiciaires, en principe, sont faits pour que les gens parlent... et ça, ça peut se révéler "problématique" ; si bien que de plus en plus de ces inculpés ont tendance à mourir "subitement" et fort étrangement avant que lesdits procès ne se tiennent.

    Ne parlons même pas, au-delà de ces "Satans ordinaires", des "Satans suprêmes" "islamistes", qui loin de tant de formalisme terminent purement et simplement à Guantanamo ou autres prisons secrètes de la CIA (bon, paraît-il que ça n'existe plus, mais des trucs dans le même style...), ou dans des centres de torture et de liquidation "sous-traitée" aux régimes arabes réactionnaires (la Syrie "anti-impérialiste" était l'une de ces destinations avant la guerre civile...), et maintenant pourquoi pas devant la justice de Rojava "super démocratique super progressiste t'as vu" moi-ce-que-je-vois ; dans le "meilleur" des cas devant la justice ordinaire des pays occidentaux... mais avec là encore toujours le même "souci" : les procès sont faits pour que les accusés parlent, et ceux-là, d'accusés, pourraient être amenés à raconter des choses peu reluisantes ; ou pourquoi pas, à s'en servir de tribune pour faire le procès de ce qui les a conduits à se "radicaliser" (comme on dit) ; et cela, les oreilles "démocratiques" occidentales ne sauraient le souffrir ; si bien que l'on a tendance à observer, au regard du nombre d'attentats sur le sol occidental ces dernières années, une forme de rareté des auteurs conduits devant les tribunaux et non simplement abattus après leurs actes ; et de même sur le front proche-oriental, où les consignes d'extermination pure et simple peuvent émaner aussi bien des états-majors bourgeois tant-mieux-si-les-jihadistes-sont-tues-dit-la-ministre-des-armees... que du vieux routard "internationaliste" Gérard Chaliand, qui a trouvé dans la cause kurde son espèce de baroud d'honneur ("ils veulent la mort, donnons-leur ce qu'ils veulent" ; et dans la foulée il nous fait même une petite crise de "on ne peut plus rien dire" presque finkielkrautienne, LOL !).

    Évidemment, pour des types (des "monstres") pareils, qui va se soucier humanitairement et "progressistement" du moindre respect du droit bourgeois le plus élémentaire ? Personne...

    En dehors (cela va de soi) des puissances impérialistes occidentales elles-mêmes, ou encore russe et chinoise, un État auteur d'innombrables crimes et violations du "droit international" qui ne se retrouvera jamais devant la CPI (il n'a de toute façon pas voté sa reconnaissance... condition pour pouvoir comparaître devant !), c'est bien sûr l'État colonial sioniste d'Israël. Nous avions promis précédemment d'y revenir ; allons-y donc.

    Nous avons donc un État qui est en quelque sorte une colonie collective des impérialismes occidentaux, peuplé de colons juifs amenés là du monde entier et qui ont... littéralement expulsé le peuple qui y vivait, le Peuple palestinien, de sa terre ; soumettant ceux qui restent à un régime d'apartheid, des vexations et des violences meurtrières permanentes afin de combattre leur résistance certes, mais aussi et surtout de les pousser petit à petit à partir à leur tour.

    Et cet État, ce régime ne s'est pourtant, bien que forcé "vite fait" dans les années 1990 à "tendre la main" et faire quelques maigres concessions au Peuple spolié, jamais vu condamner par l'impérialisme de la "Fin de l'Histoire" aux poubelles de celle-ci, à disparaître comme l'apartheid sud-africain ou les juntes militaires sud-américaines ; et surtout, plus important encore au regard de toute notre démonstration ici, est et demeure un sujet militant "compliqué" aux yeux de la gauche même la plus "radicale" qui soit ; un dossier "indémerdable", dans lequel il faudrait perpétuellement faire "très attention", en particulier à "l'antisémitisme" bien sûr mais aussi au "soutien à des forces obscurantistes", et ce dans le "meilleur" des cas, c'est-à-dire quand le simple fait de militer sur ce "dossier" n'est pas en soi et d'entrée de jeu de l'"islamo-gauchisme antisémite".

    Il existe bien sûr des associations, des collectifs, des ONG (oui !) qui militent dessus... souvent timidement, presque en s'excusant de le faire ; mais de manière générale, les Palestiniens semblent désespérément exclus de la liste des "bons sauvages" du nouvel "internationalisme" humanitaire-moral ; sans même parler, bien sûr, de l'hypothèse d'aller prendre les armes à leurs côtés, comme au Rojava dont nous allons parler plus loin.

    C'est que contrairement au Parti national de l'apartheid sud-africain, issu d'un mouvement de saboteurs pro-nazis de l'effort de guerre de l'Empire britannique pendant la Seconde Guerre mondiale, et à ce titre "toléré" par la suite, comme d'autres mouvements et régimes fascistes, dans le strict cadre de la Guerre froide ; le sionisme et l'État d'Israël trouvent leur origine... à "gauche", concrètement, dans toute la "gauche" anti-léniniste d'avant-guerre (à l'exception du Bund), "socialiste", "marxiste" et même "anarchiste". Une "gauche" anticommuniste... qui est devenue ce que nous avons vu tout au long de cette étude : une "aile" fondamentale du dispositif de contre-révolution préventive.

    Une question que nous avons pu, d'une certaine manière, aborder dans cet article : le-sionisme-fils-de-france (il y a, encore une fois dans la colonne de gauche, toute un compil' d'autres articles de 2014 sur le sujet, sinon ici sionisme-gaza-ete-2014) ; ou sur laquelle on peut encore une fois laisser la parole à Houria Bouteldja :

    "Je crois qu’après la Seconde Guerre mondiale et la succession de défaites françaises face à la révolution anticoloniale et progressivement et de manière accélérée dans les années 1980, l’État-nation a donné aux Juifs deux missions cardinales :
    – Devenir la bonne conscience blanche et faire de la Shoah une nouvelle « religion civile » en la dépouillant de toute historicité. La commémoration de la Shoah devient en quelque sorte un solde de tout compte. L’État paie sa dette aux Juifs et se rachète une probité morale
    [concrètement : par rapport à ses propres crimes coloniaux et impérialistes, et par rapport à son attitude face aux fascismes entre les deux guerres et sa propre collaboration sous l'Occupation]. (...)
    – Devenir les porte-paroles de l’Occident ou plus exactement ses goumiers notamment par le biais d’un autre État-nation colonial : Israël, qui, lui, a pour mission de garantir les intérêts occidentaux dans le monde [autrement dit : une "solution" à l'épineux "problème national" juif, né en même temps que les États-nations en Europe, qui a consisté après la défaite de la "solution" génocidaire hitlérienne à leur assigner un "double patriotisme", envers leur État-nation occidental de résidence ET envers la "colonie collective" occidentale au Proche-Orient qu'est Israël]."

    Il n'y a pas à chercher plus loin la raison pour laquelle la question du sionisme et de la Palestine est toujours soi-disant "complexe" et agit en révélateur dans la "gauche" hexagonale et occidentale même la plus "radicale", comme c'était déjà le cas dans les années 1960-70 avec Sartre ou Foucault.

    À côté de cela, il existe par ailleurs tout un ensemble de militantismes pour la Palestine que l'on peut qualifier de "problématiques" : timoré (acceptant une solution à deux États, donc le fait colonial sioniste), paternaliste, sélectif ("choisissant" les forces de la résistance qui lui plaisent, alors qu'un Palestinien qui prie 5 fois par jour n'est pas moins opprimé qu'un Palestinien athée et marxiste, et n'a pas moins "raison de se révolter") ; ou encore revenant en dernière analyse aux positions du sionisme "très z'à gauche" dit binationaliste (concept bien expliqué dans la dernière partie de cet article) ; et enfin bien sûr, le plus tristement connu, antisémite et faisant d'Israël ce que d'autres font du nazisme et/ou des "affreux dictateurs" d'aujourd'hui, un arbre qui cache la forêt de tous les autres crimes impérialistes.

    Ou alors, affirmant un soutien de principe à la cause, parfois même sans "tri" entre ses forces militantes (l'on dira peut-être, alors, qu'on ne "discute pas les choix de lutte des opprimés"), mais en évitant au maximum d'aborder le sujet dans son expression publique (médias internet etc.), même lorsque c'est concrètement inévitable comme lors d'une grande offensive sioniste comme celle de l'été 2014 ; en vous expliquant en aparté que la situation est "indémerdable" ; et ce, pour parfois partir ensuite dans des tirades de "soutien privilégié" à tels ou telles ("les queers et féministes palestinien.ne.s" par exemple), voire, carrément, disserter au calme à ce sujet avec des sionards "de gauche" en train d'expliquer tranquillement qu'entre la "démocratie bourgeoise" israélienne et l'"obscurantisme" de la résistance leur choix est fait : ekladata.com-png...

    Alors pourtant que, selon nous, en dehors des Guerres populaires communistes proprement dites (dont là, seuls les initiés de chez initiés parlent, c'est clair…), la Palestine est probablement la PLUS IMPORTANTE de toutes les luttes qui se déroulent actuellement dans le monde ; la dernière, probablement, ligne de front DIRECTE entre le monde impérialiste et les peuples et nations opprimées le-probleme-avec-la-palestine. Mais une fois qu'on a dit cela, il est vrai que n'apparaît en fait que plus évidente la réponse à la question de "pourquoi" c'est si "compliqué"

    [Et face à cela, face au sionisme et aux autres formes d'intervention impérialiste dans la "Région intermédiaire" qui s'étend du Maghreb à l'Asie centrale, il y a la Nation arabe et les autres pays musulmans de ladite région (Iran, Turquie, Pakistan etc.) ; et à ce sujet nous ne pouvons que vous inviter à lire ce brillant texte (traduit) du palestinien Joseph Massad, magistral dans son exposition au grand jour du gigantesque dispositif "libéral"-"progressiste", rejoint en masse depuis 1990 par toute une gauche "communiste" et "socialiste" en perdition, d'agents de la domination et des invasions impérialistes au sein même de ces pays (agents responsables, de la sorte... de plusieurs millions de victimes, soit infiniment plus que les affreux "régimes tyranniques" et les z'horribles z'"islamiiiiistes" réunis) : hypotheses.org.

    Comme nous avons pu l'écrire par le passé sur ce site, "L'enseignement (de Gonzalo est) aussi que dans les pays semi-coloniaux semi-féodaux, "droite" et "gauche" ne veulent au fond rien dire et qu'il faut combattre dans le mouvement communiste l'opportunisme à ce sujet. (...) Cet enseignement est notamment FONDAMENTAL pour, loin de l'Amérique latine, analyser la situation dans les pays arabes et plus largement musulmans de la "Région intermédiaire" (de l'Afrique du Nord à l'Asie centrale en passant par le Proche et Moyen Orient) ; le capitalisme bureaucratique et même comprador (privé) y étant généralement, sauf dans la Péninsule arabique et le Golfe, foncièrement associé au "modernisme" et à la "sécularisation", à l'adoption des "valeurs" occidentales, donc "de gauche" dans une lecture ainsi simpliste ; tandis que la bourgeoisie nationale "conservatrice" vis-à-vis des valeurs de l'islam, voire "obscurantiste", y serait "naturellement" classifiée à "droite" : là encore, ce dont il faut se souvenir est en fait un principe de base du marxisme, à savoir que ce qui compte est L'ANALYSE DE CLASSE des phénomènes et des forces politiques et non des notions subjectives et idéalistes telles que "gauche" et "droite", "progressiste" ou "réactionnaire" etc. etc., sous peine de tomber dans l'opportunisme le plus total comme les innombrables "marxistes" ou "socialistes" égyptiens qui ont soutenu le coup d’État fasciste de Sissi en 2013."]

    Et tout ce que nous venons de voir, tout ce nouvel "internationalisme" humanitaire "progressiste" anti-politique, a finalement trouvé en quelque sorte son aboutissement dans une grande cause de ces dernières années ; une cause qui donne l'occasion, encore une fois, de montrer que ce n'est pas une question de "radicalité" puisqu'en l'occurrence des gens ont fait ce qui ne s'était plus fait depuis Barbara Kistler (précédée de peu des trotskystes de la LCR au Nicaragua) : prendre les armes ; mais qui représente aussi peut-être une occasion historique de démasquer enfin tout cela : il s'agit bien entendu de Rojava.

    Sur ce sujet, nous nous sommes déjà longuement exprimés et nous nous contenterons donc de vous inviter à parcourir notre recension d'articles sur ce thème : sur-la-question-de-rojava ; avec peut-être une importance particulière à accorder à celui-ci : la-question-de-rojava-est-devenue-un-enjeu-ideologique-international et puis à lire aussi absolument, l'excellent rojava-encore-un-article-interessant

    Pour faire court : on a un conflit en Syrie qui est en train de déboucher sur un plan de partage 2/3-1/3 entre l'axe Russie-Iran-régime et l'Occident ; et le tiers dévolu à l'Occident... est concrètement le territoire contrôlé au sol par les "Forces démocratiques syriennes" constituées autour des forces kurdes (YPG et YPJ), baptisé désormais "Fédération de Syrie du Nord" ; MAIS C'EST PAS GRAVE.

    Et ce "pas grave" est en train de devenir une ligne de démarcation fondamentale entre le mouvement communiste révolutionnaire et la "gauche radicale" prisonnière (quand elle n'est pas agente consciente) du dispositif de contre-révolution préventive ; pratiquement l'équivalent du clivage de la fin des années 1910 entre bolchévisme léniniste et menchévisme ou kautskysme, libération révolutionnaire des peuples et "droit des peuples" bourgeois "de gauche" etc.

    Sur le plan idéologique, nous avions encore dans les années 1990 une cause détestée ou au mieux "ignorée", hors des milieux anti-impérialistes marxistes-léninistes, lorsque l'idéologie qui "enrobait" ce qui était et demeure un nationalisme petit et moyen-bourgeois kurde était (précisément) un "marxisme-léninisme anti-impérialiste" plus ou moins lié à l'URSS et au régime syrien, tout ce camp anti-occidental de la Guerre froide au Proche et Moyen Orient ; puis ignorée, purement et simplement, sauf des "vétérans" de la période antérieure, entre l'arrestation d'Öcalan (1999) et le début du conflit syrien, et surtout le surgissement des "hydres" djihadistes dans celui-ci... et puis d'un coup, subitement, la voilà devenue la coqueluche de toute la "gauche radicale" occidentale. C'est qu'entre temps, pendant la période de captivité d'Öcalan, l'idéologie du Parti dirigeant de la lutte, le PKK, a profondément muté : aux orties le vieux "marxisme-léninisme" condamné par la "Fin de l'Histoire", voici le "confédéralisme démocratique" inspiré des théories d'un écolo-libertaire kibboutzophile US, Murray Bookchin.

    Sur ce point nous nous sommes déjà longuement exprimés (par exemple : sur-le-confederalisme-democratique-et-la-quest), et nous vous proposons donc plutôt le (selon nous) meilleur "résumé critique" qui existe à ce jour, celui de l'OCML-VP : ocml-vp.org/article1637.html

    Un élément fondamental dans cette idéologie, en lien avec la "mise à mort de l'internationalisme prolétarien" que nous étudions ici, c'est que l'impérialisme, finalement, "ce n'est pas très important" : "Il ne reconnaît, semble-t-il, aucun aspect positif aux mouvements de libération nationale des peuples (...) affirmant même que les nations ne sont que des constructions dans nos têtes qui n’existent pas objectivement. L’impérialisme est quasiment absent de sa grille de lecture. Il n’agirait qu’à la marge, de manière très secondaire. Il s’agit, là encore, d’un point de vue anarchiste dogmatique. Pour Öcalan, l’impérialisme n’est pas le principal problème des peuples de la région."

    L'impérialisme... fondamental dans la compréhension des conflits là-bas depuis plus d'un siècle ne serait donc qu'un facteur "secondaire" ; et le problème... finalement, ce seraient "les méchants", "l'oppression", intimement liée au nationalisme ("ce serait le développement de son sentiment national qui aurait affaibli et divisé le peuple arabe ; ce serait l’essor du nationalisme arménien qui, en provoquant en retour l’essor du nationalisme turc, serait in fine à l’origine du génocide" !!) ainsi qu'à la domination masculine. Quand les hommes (et les femmes) vivront d'amour, il n'y aura plus de misère, les soldats seront troubadours etc. etc. Un raisonnement dans la droite ligne de tout ce que nous venons de voir ; avec pour conséquence logique une "tendance à renvoyer dos à dos les uns et les autres" et à "confondre le nationalisme de la nation opprimée avec celui de la nation oppresseuse" (tendance également très présente dans la prose de Bookchin)... et donc, on l'a dit, l'admiration béate de toute la "gauche radicale" de contre-révolution préventive post-Guerre froide.

    Une grande cause "radicale", donc, de cette vision humanitaire et morale de l'internationalisme ; d'autant plus que l'ennemi est ici le Grand Satan "terroriste" et "islamo-fasciste" de tout le monde blanc occidental et donc par conséquent, l'objectif militaire est strictement le même que celui de l'impérialisme, occidental comme russe d'ailleurs.

    Parmi les références idéologiques d'Öcalan (et de Bookchin), il y en a une assez ouvertement revendiquée qui fait le lien avec tout ce qui a été vu précédemment : les zapatistes du Chiapas (EZLN), bien connus de celles et ceux qui ont frayé avec l'altermondialisme et écouté Manu Chao à la fin du siècle dernier.

    L'article de VP cité plus haut en parle, et expose le problème d'une manière suffisamment claire pour que nous nous contentions encore une fois de la reprendre :

    "Quelle est la réalité du zapatisme ? En fait, l’État mexicain tolère ces territoires autonomes dans la mesure où, aujourd’hui, ils ne sont pas une menace contre l’ordre établi. Sous prétexte de laisser faire l’auto-organisation du peuple, qu’il n’est pas possible de faire la révolution à la place des autres (ce qui est juste dans l’absolu), les zapatistes se désintéressent de la construction d’un mouvement révolutionnaire dans l’ensemble du Mexique, alors même que le peuple y traverse aujourd’hui une période terrible. L’EZLN reste dans ses montagnes, maintenant sa force armée uniquement comme structure d’autodéfense face aux agressions de la police et de l’armée mexicaine. Les zapatistes ne veulent pas renverser l’État mexicain, et c’est pour cela que celui-ci les laisse tranquilles. La « coexistence pacifique » avec les classes dominantes est effectivement possible, mais uniquement si on a renoncé à les abattre." [Lire également ici zapatisme.pdf avec la critique, très intéressante elle aussi, des maoïstes canadiens du PCR] 

    Alors certes, les zapatistes n'ont pas fait de leurs caracoles (communautés) des bases militaires impérialistes. Et certes, qui a lu Mariátegui sait que la question indigène dans les Amériques est foncièrement et en dernière analyse une question de la terre ; que cette question n'a évidemment pas disparu au Mexique et donc que les communautés, zapatistes ou autres, sont toujours "en lutte", parfois jusqu'à l'accrochage armé. Mais il n'y en a pas moins là, fondamentalement, le "chaînon manquant" entre Rojava et cet "esprit ONG" fut-il "radical" qui a remplacé l'internationalisme révolutionnaire ; un "chaînon", apparu au milieu des années 1990, dont on peut dire concrètement qu'il est apparu totalement tourné contre la Guerre populaire au Pérou et toutes les guérillas marxistes du continent, alors défaites et, pour certaines, engagées dans des "processus de paix" liquidateurs.

    L'intérêt de cette cause "sacrée" de Rojava, pour notre démonstration, apparaît peut-être encore plus nettement si on la met en perspective avec un autre "dossier brûlant" de ces dernières années : celui de l'Ukraine et du Donbass (recension d'articles de l'époque ici : ukraine-donbass-2014-2015).

    Au Donbass (sous les assauts et les bombes de véritables admirateurs d'Hitler pilotés par l'impérialisme US, anglais, français, allemand etc.), il n'y avait, nous a-t-on suffisamment dit et redit, "que des fachos".

    Et il est vrai qu'il faut se rendre à l'évidence : au niveau franchouillard, dans le volontariat combattant, il n'y avait effectivement que cela ; et chez les porte-paroles de la solidarité, plus ou moins aussi ; ou en tout cas des poutinolâtres d'un très haut degré de confusionnisme. Pour trouver des gens se revendiquant un minimum du communisme et de l'antifascisme, il fallait éventuellement regarder du côté des volontaire espagnols ou italiens (et encore, non sans une bonne dose de confusionnisme également). S'agissant des forces locales, hormis Borotba et quelques éléments du vieux PC révisionniste... idem ; beaucoup plus, là encore, de soviéto-nostalgie que de réel esprit communiste. Et en arrière-plan, bien sûr, l'impérialisme russe défendant son pré carré.

    Et au Rojava, alors ? Eh bien, à en croire les témoignages directs de volontaires eux-mêmes, le volontariat international regorge finalement bien plus de purs droitards ou fachos que de révolutionnaires ou d'antifascistes. D'autres parleront d'une minorité, et de "beaucoup d'anciens militaires, sans plus"... mais comment peut-on donc être un ancien militaire de troupes de choc d'une armée impérialiste, "sans plus" ?? En arrière-plan... l'impérialisme occidental (et russe, via le régime qui "soutient sans soutenir"). Et au niveau des porte-paroles, il faut se payer (partagées tranquilou par toute la "gauche radicale") des tribunes comme celle de l'infâme Céline Pina (du Printemps républicain) dans le Figaro entre-l-islamiste-erdogan-et-les-kurdes-d-afrin-la-france-doit-choisir, tandis que l'islamophobie la plus crasse suinte toujours plus par tous les pores du discours d'un Lebrujah pour-le-coup-une-source-absolument-inattaquable-par-no ou d'un Perrot ("les armées de l'islaaaam" baaah oouuuuh !).

    Mais c'est pas grave... La cause est "progressiste" (conforme, contrairement au Donbass ou à la Palestine, aux canons gauchistes occidentaux du "progressisme"), tous ces gens sont "de gauche", et l'ennemi (djihadistes, Erdogan, ou Assad qui n'est d'ailleurs pas vraiment un "ennemi" mais cela, allez leur faire comprendre...) est la "barbarie" incarnée. Et surtout, n'allons pas oublier le plus important : on est du côté du manche, celui soutenu par l'impérialisme occidental. À la limite (indépassable de la mauvaise foi), on pourra s’amuser à dire que ces gens "ne représentent qu'eux-mêmes" ; le problème, malheureusement, c'est que l'on n'entend et ne lit qu'eux, y compris dans les partages des "radicaux" sur les réseaux sociaux ; et si l'on donne la parole à des "premiers concernés" par excellence, les cadres du PKK, il est difficile d'y voir autre chose qu'un étalage d'opportunisme le plus absolu sur le thème d'à quel impérialisme se lier plutôt qu'un autre : orientxxi.info/les-kurdes-pieges-par-l-escalade-militaire-en-syrie  (avec un passage magistral, rejoignant toutes nos analyses sur la situation dans la région, ici : "Par rapport à nos hésitations de fin 2017, l’axe de Washington paraît à présent le plus sûr pour les Kurdes. Certes, la Russie reste un partenaire potentiel, mais Poutine a plusieurs scénarios à sa disposition pour maintenir durablement sa présence au Proche-Orient. Les Kurdes ne sont pour lui qu’une carte à jouer parmi de nombreux autres. Alors que de leur côté, les Américains et le reste des Occidentaux ne pourront rester à terme en Syrie sans ménager et soutenir les forces kurdes. Et puis si l’Iran est bien la cible ultime de Trump, les Kurdes du PKK pourront être des alliés pour à la fois affaiblir Erdoğan en Turquie et fragiliser l’Iran par la guérilla du PJAK" !!!) ; quand ce ne sont pas carrément des déclarations ouvertement pro-sionistes et appelant à la police politique islamophobe en ce sens screenshot.png !).

    100% "progressisme", 0% politique... C'est ainsi qu'après des décennies de "ni-ni" comme position de principe hégémonique à l'extrême-gauche (hors les milieux marxistes-léninistes campistes), pour la première fois on prend position, et même dans plusieurs centaines de cas les ARMES pour un camp... qui se trouve être celui des plans impérialistes de l'Occident, contre des forces (concrètement, l'axe Erdogan-Golfe-"islamistes") qui "perturbent" ces plans et font obstacle sur le chemin de l'objectif, visé à la plus brève échéance possible, d'une nouvelle "guerre froide" claire et nette avec la Russie et l'Iran pour le contrôle de la région.

    "Erdogan bombarde Efrin, c'est l'humanité qu'on assassine"... "Assad massacre la Ghouta, l'OTAN a dévasté Raqqa, ah ben zut là ça marche pas !" ; LOL !

    À un moment donné, il faut dire stop ; et c'est ce que, après avoir nous-mêmes "marché" un temps dans la combine, devant la légitimité (d'abord) de l'autodéfense kurde à l'époque de Kobané et ce qui pouvait sembler (en apparence) "intéressant" dans l'expérience, nous avons commencé à faire l'an dernier.

    Voilà, nous pensons avoir fait le tour...

    [On pourrait encore parler, et puis après on arrête parce que ce sont probablement 10 à 12 000 points que nous avons oublié d'aborder dans cette étude et les rajouts n'en finiraient pas, de l'idéologie des "premiers concernés" centrale et fondamentale dans le néo-gauchisme postmo-moraliste que nous avons vu en parties 2 et 3 ; qui rejoint le "bonsauvagisme" humanitaire vu ci-dessus et... peut absolument tout justifier, y compris des interventions militaires "humanitaires"-massacres puisque dans les faits (pas dans le monde merveilleux du fertile cerveau des postmos...), il encore plus difficile à des gens directement concernés par une tragédie (un conflit notamment) de s'extraire de l'affect, du sentiment d'urgence etc. et d'avoir sur celle-ci une position politique scientifiquement juste ("objective") que ça ne l'est... à nous et à notre regard déformé par le "formatage" de notre position objective d'Occidentaux !

    On en a ici un exemple avec cette personne d'origine syrienne (de la mouvance Lundi.am), en faveur de la rébellion (dont nous avons dit dès le début soulevement-2011-syrie toute la légitimité mais aussi le risque, devenu par la suite tragique réalité, de récupération par les menées anti-Assad et anti-iraniennes de l'Occident, avant que ce dernier, devant tant d'"islamisme" incontrôlable, ne finisse par se rabattre sur la carte kurde...) : ekladata.com/5qS3xjpfehh5fVo9lex-2e4.jpg ; mais fondamentalement, l'on pourrait trouver dans le pays comme à l'étranger tout autant de Syrien-ne-s en faveur d'Assad et des interventions iranienne et russe, sur les mêmes bases affectives (souvent communautaires etc.) ; tandis que les Kurdes et la grande majorité des chrétiens du Nord sont évidemment pro-Rojava...

    En vérité, cette manipulation de la "voix" et de l'"opinion des premiers concernés" en faveur de l'interventionnisme impérialiste (quel qu'il soit et sous quelque déguisement que ce soit) aurait déjà pu nous frapper il y a quelques années en arrière... lorsqu'au Mali, la population agitait gaiement ses petits drapeaux tricolores mali serval.jpg pour saluer l'intervention impérialiste française "Serval" contre les "islamiiiiistes" intervention-mali – mais à cette époque, sur ce dossier, cet argument avait surtout été celui de la "gauche" bourgeoise autour du PS ; la "gauche radicale" étant globalement sur une position ni-"islamistes"-ni-intervention, et non dans le choix généralisé d'un camp que l'on observe sur la Syrie depuis 4 ou 5 ans.]

    Lire aussi : sur-la-question-de-l-imperialisme-progressiste

    [Bon après, si nous avons vu tout au long de ce chapitre essentiellement le cas d'un "progressisme au service de l'Empire" d'esprit plutôt social-démocrate ou gauchiste ultra-démocrate, postmodernoïde-intersec et connecté en dernière analyse avec le macronisme (ou l'obamisme) ; il convient tout de même aussi de rappeler l'existence assez "large" de tout un... pseudo "anti-impérialisme" impérialiste qui va systématiquement présenter toute déstabilisation, par un mécontentement populaire légitime, d'un régime dans lequel "une certaine idée de la France" a des intérêts, comme une pure (concrètement) "révolution de couleur CIA-NED-Soros".

    On peut en trouver une illustration particulièrement frappante ici par exemple : « Le Hirak en Algérie, entre spontanéité et manip par Dominique Delawarde - Institut Frantz Fanon.pdf » ; article trouvé sur le site d'un "Institut Frantz Fanon" qui semble manifestement avoir été victime d'un putsch interne et avoir bien mal tourné ; un article, donc, où l'on a l'impression d'entendre la rengaine tant de fois entendue dans les milieux militants, essentiellement du côté de ceux que d'aucuns qualifieraient de "stals purs et durs"... mais qui se trouve, pour le coup, avoir pour auteur un général en retraite de "l’état major interarmées de planification opérationnelle" de l'armée française, rien que ça (!), avec une "bonne tête" à être bien de droite ; rappelant à notre "bon souvenir" comment cet angle d'attaque intellectuelle contre les luttes des peuples va se connecter quant à lui au "social-bonapartisme" bourgeois de type Chevènement (ou Mélenchon) et... aux discours de la droite de la droite, Front National ou "vieux (ou "jeunes-vieux"...) gaullistes" à la Dupont-Aignan, Mariani ou Didier Julia ; en passant par l'ancien... préfet (rien que ça, là encore) Bruno Guigue, la mouvance "néo-keynésienne" Nouvelle Donne avec "Les-Crises" d'Olivier Berruyer ; bref, procède totalement du Système (une "certaine idée de la France" disions-nous) avec lequel il se présente en "dissidence".

    Le genre de daube auquel on peut opposer, pour bien en mesurer toute l'écrasante nullité, l'analyse étayée, étudiée et "fine" d'un intellectuel démocratique (pas marxiste, encore moins maoïste !) comme Mohamed Bensaada : oumma.com/la-francalgerie-survivra-t-elle-au-printemps-algerien ; en l'occurrence ancien directeur de l'Institut Frantz Fanon en question (c'est pour cela que nous disons qu'il y a de toute évidence eu un putsch...).

    Ce genre de manœuvres consistant à "impérialiser" (qualifier de manœuvre et d'agents de l'impérialisme, et attention, pas "l'impérialisme russe" ou "chinois" ou "iranien" de certains gauchistes-postmos, non, le gros grand vilain impérialisme occidental !) quelque chose qui vient en réalité, au contraire, heurter et déstabiliser "nos" intérêts impérialistes (français en l'occurrence, comme dans le texte-exemple avec le régime algérien, ou belges - ce sont souvent les mêmes) ; particulièrement répandu dans les "analyses" au sujet des soulèvements populaires arabes depuis 2011 jusqu'à nos jour ; va éventuellement se retrouver un peu (parfois) dans la mouvance pro-Rojava avec la tentative de peindre en "bras armés de l'impérialisme" les forces islamistes du conflit syrien, ou plus souvent la Turquie (certes toujours officiellement membre de l'OTAN, ça aide) d'Erdogan (comme si on parlait des juntes militaires kémalistes totalement alignées des années 1970 ou 80... sans prétendre bien sûr qu'il soit devenu "anti-impérialiste" stricto sensu pour autant !) ; afin bien sûr de pouvoir présenter sa Cause sacrée comme "anti-impérialiste", avec ici tout l'effet comique d'être ceux qui se battent effectivement, concréto-concrètement, photos à l'appui, aux côté de blindés arborant fièrement la bannière étoilée US !]

    **********

    CONCLUSIONS

    Globalement, "à la louche", sur la base de plus de 10 ans d'expérience politique in real life comme online (le online n'est pas à mépriser ici, car les gens y ont tendance à plus se "lâcher" alors que sur le ter-ter ils gardent des choses pour eux), nous dirions qu'environ UN TIERS des "gauchistes" sont des AGENTS purs et simples, à considérer comme conscients, du dispositif de contre-révolution préventive ; autour de 5%, droits et conséquents, révolutionnaires au "potentiel immédiat", lui échappent presque totalement ; et donc, par soustraction, une soixantaine de % sont partagés entre son influence et celle des idées authentiquement révolutionnaires.

    Un gauchiste sur trois, ultra-"radical" plus ou moins postmodernoïde (en tout cas ultra-moral), dogmatique idéologique ou dogmatique mouvementiste (pince à trois doigts), est à considérer comme L'ENNEMI ; non pas "principal" mais immédiat, le premier que nous rencontrons dans notre travail politique, l'État bourgeois et les expressions politiques ouvertement pro-capitalistes ou fascistes n'étant que la deuxième ligne de défense du "Système" ; et leurs idées et influences sont à combattre comme ennemies dans les deux tiers restants.

    Il y a les masses populaires qui sont en colère face à la crise, et la dégradation continue de leur "petit-embourgeoisement" consumériste qu'elle induit. Il y a le Front National (ou le soralisme pour les non-Blancs) ; mais celui-ci ne peut pas à lui seul absorber tout ce ras-le-bol, ses valeurs "iconoclastes" dans un sens réactionnaire l'en empêchent. Alors, pour ce "résidu" obligatoire, il y a le "radical-socialisme un peu plus socialiste (quand même) que radical" de Mélenchon. On peut considérer les "marxistes-léninistes" anti-"mutation" ouvertement socedem du PCF (Hue-Buffet-Laurent) comme ses satellites, ainsi que dans une certaine mesure les trotskystes de type lambertiste ou LO et les anars orthodoxes style CNT-AIT ; oscillant en permanence entre dogmatisme idéologique et mouvementisme ; d'ailleurs on peut en voir certains le rejoindre (Mélenchon) dans la plus totale "contradiction" apparente (mais seulement apparente...) avec une vie entière de militantisme, anti-jacobin par exemple. Mais cela n'est pas encore suffisant pour tout absorber. Alors il y a le "gauchisme" postmo-moraliste et "esthétisant", "libéral-libertaire" (finalement), que l'on peut faire commencer (version "réaliste") dans l'orbite des Verts voire du PS tendance Hamon, et aller jusqu'à Julien Coupat ; étalant sur le "marché" politique une "radicalité" contestataire en réalité ENTIÈREMENT TOURNÉE contre le matérialisme et la révolution.

    SEULEMENT AINSI le dispositif est total ; et au milieu trône le Pouvoir, la force de gouvernement, aujourd'hui Macron, hier Hollande et Valls et avant-hier Sarkozy, l'"extrême-centre" qui "gère" avec tous ces réceptacles-voies de garage à ras-le-bol dans l'intérêt (de plus en plus assumé) du Capital.

    Il y a le maoïsme, ou même simplement un marxisme-léninisme un minimum conséquent comme celui du PCRF (ex-URCF, à ne pas confondre avec le PRCF) ou (dans un autre style) de VP, ou de certains courants dans les gauches révolutionnaires des Peuples niés par l'État centraliste (y compris bien sûr la "Nation" indigène intérieure), qui se développent mais dans une lutte constante pour s'arracher à ces influences mortelles, omniprésentes autour d'eux et jusque chez leurs nouvelles recrues, et à la tentation tout aussi mortelle de ne pas croiser le fer pour préserver leur "tranquillité".

    Pour sortir de ce piège infernal... c'est possible (en plus d'être nécessaire), mais ce sera fastidieux. Il n'y a pas de solution "magique", de formule incantatoire qui fonctionne.

    "La pratiiiique" : oui, bien sûr, c'est absolument fondamental. Aucune idée ne peut transformer le monde si elle ne se traduit pas en action. Mais la pratique... tout le monde en a une, ou du moins de quoi le prétendre ! Les fascistes ont une pratique, à ce jeu-là. Parfois, nous avons coutume de le dire, il y a des gens qui n'ont aucune pratique et... heureusement, vu leurs positions politiques (nous pensons par exemple aux Matérialistes.com).

    "Le Partiiii" : oui, évidemment. Tous les gens de tradition un minimum léniniste, dont nous, affirment cette nécessité. Mais encore ; mais comment ? La question ici, tout au long de cette étude, a justement été celle d'un dispositif y compris et même surtout gauchiste "radical", entièrement dédié à EMPÊCHER que ce Parti voie le jour. Une fois que l'on a dit qu'il "faut le Parti", état-major révolutionnaire du prolétariat et de tous les opprimés, pour en finir avec le gauchisme contre-révolutionnaire de merde, la question de comment le créer reste donc entière.

    "L'action", entendue comme l'action "musclée", violente, n'est comme on l'a vu pas non plus le critère ni la formule magique, puisqu'elle peut tout à fait exister de façon "esthétique"-"spectaculaire" dans une ultra-radicalité en réalité contre-révolutionnaire.

    Non, ce qu'il faut, c'est d'abord et avant tout REMETTRE LA POLITIQUE AU POSTE DE COMMANDEMENT. C'est opposer à ce "fascisme de l'anti-politique", oui, nous l'assumons, un "fascisme rouge", puisqu'ils sont nombreux à vouloir l'appeler ainsi, de cette remise au poste de commandement. Tel est le champ de bataille dans l'immédiat.

    Ce qu'il faut c'est une PENSÉE RÉVOLUTIONNAIRE MATÉRIALISTE totale du pays que nous voulons "révolutionner", qui soit capable de montrer aux masses le chemin du POUVOIR hors duquel tout est illusion ; qui permette de se lier à elles telles qu'elles sont et non telles qu'elles "devraient être" dans une vision "religieuse"-moraliste du militantisme ; et qui puisse ainsi briser cet anneau de fer contre-révolutionnaire "gauchiste" et ensuite petit à petit tous les autres ; ce qui implique, bien entendu, de définir et ensuite traiter comme L'ENNEMI ce qui doit l'être, les idées... et leurs activistes. 

    C'est ainsi, à cette condition, que nous pourrons DÉMOLIR LES VIEUX MURS ayant-l'air-neufs et DÉPLOYER L'AURORE !

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    Une réflexion "à chaud", en lien avec tout ce qui vient d'être dit dans cette étude (si cela peut aider, par un exemple concret, à comprendre ce que nous dénonçons...) :

    Analyse et rétrospective historique du FASCISME ANTI-POLITIQUE - 4e partie et conclusions

    Analyse et rétrospective historique du FASCISME ANTI-POLITIQUE - 4e partie et conclusions


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  • (Introduction, première partie et plan général) 

    Le "progressisme" au service de l'Ordre  

    Il y a un peu plus de 70 ans, un vieux connard anglais, gras et répugnant comme un verrat du Lancashire, "grand vainqueur" du nazisme... mais responsable (délibérément) de quelques 6 millions de morts dans le Nord-Est de l'Inde (morts qui, vivants, auraient été susceptibles d'accueillir les Japonais à bras ouverts, lire ici : famine-bengale-genocide-anglais), lançait que "les fascistes de demain se diront antifascistes" (sachant manifestement de quoi il parlait, puisqu'il venait lui-même de perpétrer un génocide de dimensions fascistes tout en combattant les puissances de l'Axe...). 

    Bon, en réalité, ce serait un fake (peut-être l'un des premiers de l'histoire !). Churchill, puisque c'est de lui qu'il s'agit, n'aurait jamais dit cela. À la rigueur, ces propos auraient pu avoir été tenus par un populiste américain, un temps gouverneur de Louisiane, Huey Long. Et quand bien même il l'aurait dit, ce ne serait évidemment que de la pure merde réactionnaire, probablement dirigée contre les socialistes et les communistes (les "antifascistes" du propos) en ces débuts de Guerre froide. 

    Mais il n'empêche... que fake ou pas, aujourd'hui, chaque jour qui passe semble donner raison à ces propos. 

    Pas qu'aujourd'hui d'ailleurs : le régime gaulliste (1958-74) autoritaire et corporatiste au service du Capital, massacreur d'Algériens dans les djebel comme sur les bords de Seine, de Guadeloupéens et de Camerounais, était bien un régime issu de la "France libre" et de la Résistance.

    L'Italie démocrate-chrétienne aux 25.000 prisonniers politiques, était régie par sa "Constitution antifasciste" d'après-guerre [puisque l'on parle de l'Italie de cette époque, des années 1970, c'est peut-être l'occasion de placer ici un petit Pasolini, dont les réflexions d'alors rejoignent fortement tout ce que nous sommes en train de dire dans cette longue étude : Pasolini-fascisme-moderne.pdf Pasolini-force-passé.pdf].

    L'Allemagne "suicidant" la Bande à Baader était dirigée par le social-démocrate Helmut Schmidt et avait également inscrit dans ses lois fondamentales la répudiation de la "folie" nazie qui l'avait conduite au désastre 30 ans plus tôt. 

    À ce niveau-là, il est important de relever que l’État français occupe une place particulière et à part, car en fait, tout cela n'est pas pour lui totalement nouveau : s'il a connu un intense mouvement fasciste, et même peut-être le premier mouvement préfigurant le fascisme (l'Action Française et plus largement la droite nationaliste et antisémite de l'époque de Dreyfus), il n'a connu un réel régime fasciste que dans le contexte de catastrophe de la défaite et de l'occupation nazie de 1940 ; et de 1900 à 1940, à quelques rares parenthèses près, c'est ce qui était à l'époque la "gauche" qui l'a gouverné... et qui a de fait évité l'instauration d'un régime fasciste, en se chargeant de la mobilisation de masse pour 1°/ la guerre impérialiste, 2°/ le maintien du taux de profit du capitalisme en crise et 3°/ le refus de la révolution prolétarienne que requérait l'époque. Et encore après la Seconde Guerre mondiale, l'anticommunisme des débuts de la Guerre froide a été pris en charge par des gouvernements "de gauche" (avec notamment les sinistres figures de Jules Moch et Guy Mollet). Alors certes, cette idéologie républicaine "de gauche" dans laquelle baignait l'époque avait de quoi apparaître totalement réac vue de ce que sont les critères de la "gauche" aujourd'hui (patriotardisme militariste omniprésent, racisme et colonialisme assumés, antisémitisme "modéré" toujours sous-jacent, peine de mort à tout-va, bagne de Cayenne, femmes pratiquement dernières en Europe à ne pas avoir le droit de vote et être considérées mineures à vie – elles ont pu élire Hitler en Allemagne, mais pas le Front populaire en France ! – etc. etc.). Mai 68 a fait passer le message ; et un grand ravalement de façade a été nécessaire dans les années 1970 et 80. Mais, donc, le "progressisme au service de l'Ordre" n'est pas un phénomène totalement nouveau en Hexagone.

    Il serait même, presque, possible de dire dans une certaine mesure que notre bonne vieille France a ni plus ni moins qu'inventé, avec les "exagérations révolutionnaires" de la Terreur (1793-94)... le concept même de gauchisme réactionnaire, de discours ultra-gauche derrière lequel toujours, au bout du compte, on trouve la Finance – lire ici, c'est édifiant : Exageration-revolutionnaire-et-Bande-Noire.pdf

    Mais les choses ont encore gagné en ampleur depuis. 

    Car qui, aujourd'hui, s'affirme "fasciste" ? C'est encore (hélas) assez fréquent en Italie, avant de préciser aussitôt dans la foulée que "ça n'a rien à voir avec le nazisme", et que Mussolini a "certes commis des erreurs". Mais en dehors de ce pays... personne, ou presque. La droite de la droite affirme combattre... le "fascisme islamique", l'"occupation étrangère" immigrée, et bien sûr le "fascisme de gauche" sous lequel "on ne peut plus rien dire". La référence à De Gaulle est omniprésente dans ses rangs, et les auto-dénominations consacrées sont "patriotes" ou à la rigueur "nationalistes" (seuls quelques groupuscules marginaux s'assumant "nationaux-socialistes"). Les Identitaires du Dauphiné s'intitulent "Maquisards" et rendent régulièrement hommage à la Résistance du Vercors. Pour la mouvance Soral, c'est le "fascisme" de "l'axe américano-sioniste", la "vraie extrême-droite atlantiste et ultra-libérale". Tout le monde est "antifasciste" !! Et lorsque vous vous direz "antifascistes" face à ces "antifascistes"-là, ils vous répondront bien sûr que c'est vous les vrais fascistes (et les "collabos" : de la "racaille", de l'"occupation islamiste" etc.), qui se prétendent antifascistes... comme l'avait (soi-disant) prophétisé Churchill. 

    En Catalogne, le néofranquisme espagnoliste du Parti Populaire de Rajoy et, surtout, de son nouvel avatar Ciudadanos/Ciutadans met en œuvre ses mesures d'exception etat-francais-aura-desormais-frontiere-avec-le-fascisme contre l'aspiration populaire à l'indépendance au nom de la "démocratie", du "vivre-ensemble", du "multiculturalisme" et de "l'ouverture sur l'Europe et le monde" : des valeurs tout ce qu'il y a de plus "progressistes", et qui font forcément et automatiquement (en miroir) de leurs adversaires des "fascistes". Innombrables sont d'ailleurs les gauchistes, en République française "une et indivisible" mais aussi dans la Péninsule, qui marchent dans la combine... 

    Bien sûr, tout cela pourrait aisément être évité en rendant à l'antifascisme ses lettres de noblesse politiques : antifascisme-a135798346 ; mais bon... on en est loin. 

    Et dans les milieux "de gauche"... on combat le fascisme d'extrême-droite, bien sûr, mais aussi bien souvent... le "fascisme rouge" des "néo-staliniens", "confusionnistes", "rouges-bruns", "antisémites" etc. etc. 

    Eh oui... Car là encore, cette fusion que nous avons vue de la "gauche" (anticommuniste et même anti-"communiste" révisionniste, puisque le communisme authentique comme révisionniste a été mis en déroute) dans le dispositif total de contre-révolution préventive post-"Fin de l'Histoire" a conduit celle-ci à devenir partie intégrante, voire presque "actionnaire majoritaire" des basses besognes de "police politique" et de "maintien de l'ordre" intellectuel. 

    Nous avons dit précédemment que le grand principe de la contre-révolution préventive "démocratique", c'est qu'"on peut penser ce qu'on veut, ce qui est interdit c'est d'agir". Mais bon, cela vaut pour la répression au strict sens pénal (et c'est d'ailleurs de moins en moins vrai : depuis une grosse dizaine d'années, les propos qualifiés par exemple d'"injures" à un responsable politique, ou d'"incitation à" quelque chose de "mal" sont de plus en plus réprimés). Il est bien évident que non, "on ne pense" pas "ce qu'on veut"' ; ou en tout cas, "on pense ce qu'on veut" tant que l'on reste dans les clous du "système" (du dispositif idéologique). L'émergence d'une vraie Pensée politique de "rupture" révolutionnaire (ou ne serait-ce... qu'un retour aux principes élémentaires du mouvement communiste des années 1920-30, ou du mouvement anticolonial/anti-impérialiste des années 1950-60-70), il faut l'empêcher à tout prix, l'écraser dans l’œuf, car une fois entrée en contact avec le mouvement (pour le moment désordonné, en "pilotage automatique") des masses en colère, plus rien (pas même la répression pénale, ou alors une vraiment très très grosse) ne pourra l'arrêter. 

    À défaut de répression pénale, réservée aux actes qui violent le Code du même nom, ce "barrage" s'exercera donc par le terrorisme intellectuel... et celui-ci est, manifestement, devenu aujourd'hui bien plus une spécialité de la "gauche" que de la droite (extrême ou pas), plutôt chargée de tenir fermement dans les mailles de son filet les masses populaires totalement coupées de la "gauche" et, par la grâce de celle-ci même, des idées révolutionnaires. 

    Ce terrorisme intellectuel peut pratiquement constituer, parfois, un appel à l'agression physique de ceux qui en sont la cible – mais là pour le coup, voyez-vous, ce franchissement de la "ligne rouge" du droit pénal ne suscitera aucune répression judiciaire, ce qui est logique puisqu'il est justement censé se substituer à elle. Et nul besoin de nervis fascistes : le "milieu" gauchiste, convaincu que vous êtes des pourritures, s'en chargera parfaitement lui-même !!

    Là encore, ce n'est pas une question de "radicalité" (en opposition à une gauche "bourgeoise") : celle-ci au contraire, côtoyant, entourant les foyers de possible émergence d'une Pensée politique révolutionnaire, est plutôt en réalité la première ligne de "casques" et de "matraques" que cette Pensée doit percer ! 

    En fait, ce qui est fascinant depuis que Macron est au pouvoir (élu ouvertement par certains comme "moindre mal" face à Le Pen, et par d'autres discréto sans le dire, ou pourquoi pas "au nom de" et "par solidarité" avec un "étranger privé du droit de vote" lolilol-portnawak.png...), c'est combien... il semble mettre en œuvre légalement tout ce pour quoi a milité toute une "gauche" y compris "radicale" depuis une quinzaine d'années. À un moment donné, il devient difficile de croire au hasard. 

    Poursuite de la criminalisation du mouvement pro-palestinien BDS (Boycott-Désinvestissement-Sanctions) en tant qu'"appel à la discrimination antisémite", déjà bien à l’œuvre sous Hollande-Valls et lancée sous Sarko par Alliot-Marie, mais qui semble monter encore en puissance depuis la rencontre Macron-Nétanyahou à l'occasion des commémorations du Vel d'Hiv (juillet 2017). Ce rejet de BDS est tout sauf un phénomène rare dans la "gauche" la plus "radicale" qui soit, à moins qu'il ne soit remplacé par un silence "gêné" sur la question. Les attitudes et les "débats" de l'été 2014, lorsque Gaza était (une fois encore) sous les bombes et que se levait face à cela, ici en Hexagone, une gigantesque (peut-être la plus gigantesque depuis les années 1980) mobilisation de la "Nation indigène" colonisée intérieure ; soit directement lorsque l'on prenait position pour le Peuple palestinien et ces mobilisations, soit (de la part de gens supposément communistes et anti-impérialistes) lorsque le ton montait avec les premiers connards en question ; sont encore bien gravés dans nos mémoires, nous vous inquiétez pas... 

    Ou encore, tout dernièrement, la proposition de loi criminalisant les fake news, dans la veine des campagnes de toute une "gauche" même "radicale" depuis des années contre le "confusionnisme" et le "conspirationnisme" ; terrorisme intellectuel que nous avons pu aborder dans cet article : conspirationnisme-et-chasse-aux-conspis (après l'analyse de l'impasse politique que représente le "conspirationnisme" lui-même) ; avec pour médias emblématiques Conspiracy Watch (Rudy Reichstadt, socedem pour ne pas dire socelib), Confusionnisme.info (Ornella Guyet, "gauche radicale") ou Mondialisme.org (Yves Coleman, ultra-gauche) mais loin de s'y réduire – la liste complète serait kilométrique. Bien sûr, inutile de préciser que cette loi n'a sans doute pas prévu de s'en prendre aux mensonges, déformations et dissimulations... d’État, cela va de soi. 

    Tout ceci reflète, ou plutôt se situe dans le prolongement d'un axe central du terrorisme intellectuel de "gauche" depuis le début des années 2000 : tout ce qui tourne autour de l'accusation d'"antisémitisme" ou de "confusionnisme"-"complotisme" (ou pourquoi pas d'"anticapitalisme romantique", avec la mise en avant du "spécialiste du fascisme"... et sioniste "de gauche" revendiqué Zeev Sternhell, ou encore du tout aussi sioniste sous-produit de l’École de Francfort - Wertkritik - Moishe Postone). 

    Cet axe, cependant, est depuis quelques années dans une dynamique de déclin. Trop de mensonges et de dissimulations d’État révélées, notamment par WikiLeaks (quoi que l'on pense de la personnalité et des idées de son fondateur), ont battu en brèche l'idée qu'il ne faudrait jamais se poser de questions sur ce que veulent bien nous dire ceux qui nous gouvernent. 

    L'équation fallacieuse "antisionisme"="antisémitisme" a elle aussi perdu en puissance sous les coups du militantisme politique démontrant son caractère mensonger éhonté ; desservie aussi (sans doute) par son accompagnement d'un pro-israélisme trop tonitruant (nous y reviendrons plus loin), alors que les gouvernements et le centre de gravité politique en Israël sont de plus en plus manifestement d'extrême-droite (et que même Sternhell le dit, LOL) : elle a perdu en fait, non pas son mojo comme Austin Powers mais son trigger, élément clé, "magique" du terrorisme intellectuel "progressiste" et de sa stratégie de shock and awe post-véritaire, qui permet que lorsqu'on est accusé de quelque chose on est automatiquement ce dont on est accusé et les gens ne se posent pas de questions. Elle avait en fait besoin, pour exister, de s'incarner physiquement comme réalité dans des sacs à merde effectivement antisionistes et antisémites, les principaux dans ce rôle étant le duo Dieudonné-Soral (il y a aussi dans la colonne de gauche de ce site toute une compil' d'articles à ce sujet) ; mais ces derniers sont eux-mêmes en déclin, tant auprès de la gauche anti-impérialiste (potentiellement révolutionnaire) qui depuis des années ne mord plus à l'hameçon (sauf l'OCF, qui a depuis soutenu Asselineau à la présidentielle LOL) que de l'extrême-droite qui a compris que ce qui "marche" est exactement le contraire de ce qu'ils lui proposent (plus d'islamophobie et moins d'antisémitisme...), ou encore des jeunes musulmans ("cibles") exaspérés par le racisme qui, lorsqu'ils ne rejoignent pas des trucs corrects, préfèrent de toute façon le salafisme pur et dur (beaucoup plus cohérent, et sunnite alors que la géopolitique soralienne est plutôt pro-chiite) ; écrasés sous les révélations d'hypocrisie, de magouilles et malversations, de comportements décadents sur fond de propos racistes,  lâchés par tout leur sillage de suiveurs de la "grande époque" etc. etc.

    Mais comme le dispositif est complexe et savant, il se renouvelle en permanence. Par exemple, avec le "progressisme au service de l'Ordre" sur le thème du sexisme et/ou de l'homophobie. 

    Cela, non plus, ne date pas d'hier : en 2004, il y avait déjà eu la loi raciste contre le port du foulard islamique dans les établissements scolaires ; sur un fond d'ambiance plus "féministe" (Fourest était déjà en première ligne) que les premières affaires de la fin des années 1980 (plus axées "laïcité" et "valeurs de la République") ; et dont il faut rappeler le militantisme d'extrême-gauche des profs à l'initiative du "débat" y ayant conduit, comme Pierre-François Grond de la LCR (futur NPA), chose dont la plupart de ces militants ne se vantent plus guère aujourd'hui... 

    Mais il y a depuis l'avènement de Macron une accélération, sous l'égide très "société civile" de la nomination de la blogueuse féministe Marlène Schiappa au poste de Secrétaire d’État à l’Égalité hommes-femmes – niveau contre-révolution préventive avec le sourire et tout en "progressisme" et "modernité", il fallait bien ces deux-là pour faire la paire ! 

    Avec par exemple, dans le prolongement d'un développement exponentiel (et souvent parfaitement justifié) des dénonciations de harcèlement ou de (même micro) agressions, culminant dans le mouvement #MeToo-#BalanceTonPorc dont le caractère ambivalent est bien exposé ici : ben-ecoutez.html, la loi de pénalisation du harcèlement de rue... évidemment dans l'arrière-pensée "par les racailles de cité" (il n'y a "qu'eux" qui font cela, non ?) ; d'ailleurs pour le coup même Marsault, militant d'extrême-droite connu pour ses caricatures de social justice warriors postmos qui ont pu lui valoir un certain succès jusqu'à gauche, s'est fendu d'un strip où son musculeux héros éclate la tête d'un "wesh" harceleur ; ou encore, stupéfiante de double standard, l'affaire Tariq Ramadan.

    On pourra peut-être ouvrir ici une petite parenthèse, en lien avec la marchandisation de tous les rapports sociaux dans la "société de consommation" terminale que nous avons précédemment évoquée ; puisque la "féministe médiatique" Caroline De Haas (fondatrice d'"Osez le Féminisme !", longtemps PS tendance Hamon puis directrice de campagne de Cécile Duflot à la primaire écologiste, candidate P'c'F-EELV-Nouvelle Donne aux législatives de 2017 à Paris) s'est illustrée dans ce contexte #BalanceTonPorc par une "brillante" proposition face aux problèmes du harcèlement et des agressions : aller "chercher l'amour"... sur des sites de rencontre en ligne, tels que Meetic ou Tinder, qui sont... des machines à fric. Un phénomène qui a connu un développement exponentiel ces 10-15 dernières années, et qu'il n'est pas possible de ne pas mettre en miroir avec une société où, comme aux États-Unis actuellement, plus d'un quart des hommes de moins de 30 ans considèrent qu'inviter une femme rencontrée au hasard de l'espace public à prendre un verre pour faire connaissance constitue déjà une agression ; et semble-t-il, une proportion similaire de femmes françaises de la même génération partagerait le même avis. Jusqu'au jour où l'on se rendra compte que les comportements de sagouins peuvent être tout aussi violents online (où l'on peut toujours, certes, bloquer la personne mais bon...) ; que les rencontres online, bien obligées à un moment donné de se concrétiser in real life, peuvent elles aussi se révéler très dangereuses et très mal finir ; et là, on est curieux d'avance de voir ce que les De Haas du moment trouveront à nous dire... Fin de la parenthèse. 

    Alors bien sûr, lorsque c'est à ce point flagrant, lorsque d'un côté on verbalise le "wesh mad'moiselle" des "racailles" dans la rue, et que l'on jette au cachot préventif un prédicateur musulman "controversé" sans la moindre des conditions requises par la loi pour ce faire ; tandis que de l'autre on ovationne un parlementaire de la majorité visé par des accusations du même acabit ; la "radicalité" s'en rend quand même un peu compte et conteste (c'est son métier...) – encore que sur l'affaire Ramadan, de fait première application judiciaire radicale du "renversement de la charge de la preuve" en la matière (accusatrice crue sur parole, c'est à l'accusé de prouver son innocence) appelé par la gauche radicale postmo-intersec depuis des années, et "observatoire" de comment cette revendication abracadabrante se fracasse sur le mur de la réalité et des masses (en l'occurrence populaires immigrées musulmanes), la "contestation" soit loin d'être aussi simple et unanime : feminismes-blancs-et-non-blancs-bilan-affaire-ramadan (Houria Bouteldja)... 

    Il n'en reste pas moins qu'elle n'est (toujours) absolument pas extérieure à ce "progressisme" anti-politique mis au service de l'Ordre, dont elle ne fait que constater parfois horrifiée et "indignée" (même pas toujours...) la récupération et la mise en œuvre par le Pouvoir bourgeois. 

    Car l'erreur serait là encore de penser que le problème se résume à un "fémonationalisme" ou un "homonationalisme" au droitisme flagrant, comme celui de Caroline Fourest ; ou même à un vieux dogmatisme "laïco-féministe" marxiste ou libertaire à la Pierre-François Grond. Encore une fois, dans le champ du débat intellectuel, la plus grande "radicalité" peut tout à fait masquer ici un rôle de police politique anti-matérialiste, comme cela est de plus en plus visiblement le cas des démarches dites "intersectionnelles" ; "intersectionnalité" partie comme on le sait des femmes impliquées dans la lutte de libération noire aux États-Unis (enfin, quand même déjà pas mal sur les décombres du reflux de cette lutte), mais qui peine aujourd'hui à recouvrir une autre réalité que celle brillamment décrite par Houria Bouteldja ici : race-classe-et-genre-une-nouvelle-divinite-a-trois-tetes ; ou par Norman Ajari dans cet autre papier la-faillite-du-materialisme-abstrait ["Force est de reconnaître, aussi désolant que soit ce constat, qu’une part significative du discours intersectionnel français est formellement semblable à l’universalisme républicain (bien que leurs contenus diffèrent). Il cherche à consacrer la supériorité morale de celles et ceux qui le prônent, en les confortant dans l’illusion d’une légitimité sans borne. Articuler à tous propos la classe, la sexualité, le genre et la race, c’est s’assurer d’avoir son mot à dire sur tout, et d’être rarement contredit. Jack of all trades, master of none, le prêcheur intersectionnel répondra « classe » ou « genre » quand on lui parlera race, et vice versa, installant son petit universalisme par accumulation de points de vue, où son avis seul sera pleinement légitime."].

    [BREF EN SUBSTANCE, pour synthétiser à l'extrême : il y a une gauche (de contre-révolution préventive) "réac" qui va brandir ses "valeurs universelles" et ses grands principes moraux pour faire taire les réflexions et les luttes qui bousculent ses petits conforts intellectuels, enveloppe de leurs petites positions de pouvoir ou places au râtelier du système ; mais il y a aussi, pour bien prendre les révolutionnaires à revers et en tenaille, un gauchisme postmoderne "intersectionnel"-"articulateur", "déconstruit" qui va les "dissoudre" dans une critique et une attaque tous azimuts contre toutes les positions de pouvoir (réelles ou largement fantasmées), façon "feu d'artifice" partant dans tous les sens, dans un piétinement de type semi-anarchiste de toute conception matérialiste des priorités (hiérarchie des contradictions) et de manière finalement toute aussi morale et à l'arrivée, liquidatrice. À ce sujet, nous ne pouvons que vous inviter à lire : ajari-intersec-articulation.png - bouteldja-race-classe-genre-nouvelle-divinite-a-trois-tetes - yousfi-postmo-deconstruc-intersec.pdf]

    Nous l'assumons : parmi les "trucs un peu connus" (c'est-à-dire pas comme nous), le SEUL qui arbore à ce jour ce que nous qualifierions de Pensée politique rupturiste, certes sur une problématique bien ciblée (la situation des masses populaires "indigènes intérieures" immigrées de l'Empire néocolonial) mais non sans multiples passerelles vers une approche politique globale du "Système France" ; représentant par conséquent une menace existentielle pour ledit Système s'il venait à fusionner avec le mouvement des masses (ce dont il a pour le moment pu être empêché) ; c'est le PIR. 

    Ce n'est pas LA Pensée-Guide pour la révolution dans l’État français ; mais si cette Pensée-Guide se construit disons avec des "pierres", c'est là qu'il y en a le plus gros "tas" ; les plus grosses caisses de munitions politiques à ce jour contre l'idéologie républicaine bourgeoise qui est le blindage que nous devons percer pour faire la révolution – et ensuite LOL peut-être qu'en deuxième position il y a SLP, mais en mode "pas connu". 

    Du coup, il est "intéressant" d'observer ce qu'ils se prennent dans la gueule pour leur faire fermer : c'est là un "échantillon" fascinant de tous les ressorts, toutes les techniques, tous les angles d'attaques possibles et imaginables (et jamais épuisés...) du terrorisme intellectuel anti-politique ; et ce, de fait, totalement dévolu à la "gauche" (y compris la plus "radicale"), la droite ne faisant que reprendre les arguments et se frotter les mains. 

    Il y a eu la vogue "antisémitisme", "ce sont des Soral soft". Et puis, face à la perte de crédibilité de cet argumentaire, comme de celui (pur et simple) du "racisme à l'envers" (de plus en plus de gens comprenant la notion de pouvoir qu'implique le racisme, et donc l'impossibilité du "racisme anti-blancs"), ça a été la vogue "homophobie" ou "sexisme"-"anti-féminisme" qui se poursuit à ce jour. Là-dessus, face à des positions (quand même) très argumentées à ce sujet lorsqu'on se donne la peine de les lire en entier, ont poussé les procès en "mauvaise articulation classe-race-genre" et "non-intersectionnalité" que nous avons précédemment évoqués (et auxquels ils ont répondu... en démolissant politiquement ces notions par les textes que nous avons cités). Avec une dernière salve en date du début de l'affaire Ramadan (octobre-novembre dernier). 

    Et puis il y a eu à partir du début de l'année dernière l'offensive "terteriste" : ils étaient "homophobes", "sexistes", "islamistes" et "antisémites", donc en un mot comme les "racailles" des quartiers ; les voilà maintenant trop "bourgeois"-"intellectuels", et "coupés" desdits quartiers. La meilleure étant sans doute que cette offensive a mis à contribution des "anciens du MIB" (Mouvement de l'Immigration et de Banlieues)... qui se mangeaient, au début des années 2000, les mêmes accusations de "racailles islamistes virilistes antisémites" (et parfois de "trop politiques pour la jeunesse des quartiers qui s'en fout"). 

    Ou encore, à partir du milieu de l'année dernière, la démarche d'attiser purement et simplement les contradictions inter-indigènes, en l'occurrence Arabes/Noirs, sur le thème (dont tout le monde semble avoir oublié la spécialité négationniste de droite qu'il était il y a encore 15 ans, pour tenter de minimiser le crime contre l'humanité de la Traite coloniale européenne) de l'esclavagisme arabe-musulman et de la négrophobie qui en découlerait aujourd'hui dans ces paysréalité historique et problématique actuelle bien réelle, mais bien sûr impossible à placer correctement dans la hiérarchie des Pouvoirs (donc des problèmes) lorsqu'on est anti-politique. 

    Et pour les gens pas connus, comme nous, essayer d'établir des parallèles entre cet arsenal que nous venons de voir et ce que nous rencontrons dans notre propre expérience politique (face au "milieu" gauchiste), les manœuvres pour nous faire taire, nous discréditer et nous isoler, est toujours saisissant. Pour ne pas dire que c'est du pareil au même... Dans le microcosme où, même si nous voulons nous en arracher, nous sommes et avec lequel nous sommes obligés de traiter en permanence, nous pouvons retrouver à peu près tous les mêmes angles d'attaque. 

    Dans les "tirs de barrage" contre l'émergence d'un mouvement et d'une Pensée maoïste, le passage de la "mode antisémitisme" à la "mode patriarcat" est presque entièrement retrouvable dans le "passage de témoin" entre les campagnes destructives du 'p''c''mlm' (aujourd'hui lesmatérialistes.com et totalement réac) et celles de Futur Rouge et affiliés. 

    Tout est bon dès lors que l'on peut discréditer ou simplement pinailler, et TUER LA POLITIQUE (et sa matrice obligée, le débat de fond) dans l’œuf. 

    La "gauche radicale" apparaît concrètement comme une espèce d'organisme auto-immune contre le "virus" de la politique révolutionnaire : "insultés" par celle-ci, "silenciés" par le matérialisme, "incapacités" par une démarche réellement scientifique ; haineux de l'effort intellectuel requis et préférant se poser en défenseurs des "totems" profanés ; se surajoutant à cela les "paralysés" par la crainte de l'"embrouille toxique" et de croiser le fer des idées justes avec les idées fausses, du matérialisme avec l'opportunisme, bref de la lutte de lignes ; tout finit toujours par s'entre-neutraliser. Si l'on ne veut vraiment pas se casser la tête à "argumenter" (avec des arguments de merde de toute façon), on se contentera de dire en mode plébéien que c'est "imbitable", "bac+23", et rideau. 

    À quoi bon, pour l’État, investir des moyens, payer des fonctionnaires pour surveiller et arrêter, et ensuite nourrir en taule, une telle non-menace ? Il peut se contenter paisiblement de faire respecter la loi, c'est-à-dire de punir les éventuelles atteintes aux propriétés ou aux personnes. Et pour financer cette armée de mercenaires "radicaux", nul besoin de fonds secrets : si votre analyse politique, brillante, jette une lumière crue sur leur propre nullité, assouvir leur jalousie suffira à les rémunérer. 

    Pour digresser sur un dernier sujet, cette fusion totale de la "gauche" dans le dispositif de contre-révolution préventive est peut-être ce qui explique que désormais, les forces de gouvernement de celui-ci sont idéalement du "centre", voire de "centre-centre-gauche" (en soulignant encore une fois ici l'expérience française en la matière, celle de la IIIe et même de la IVe République) ; permettant d'y rallier aisément la "gauche", au moment crucial des élections, sous le prétexte de "barrer la route" non seulement à l'extrême-droite mais aussi à la droite conservatrice "dure" (ce qui "ratisse" donc un peu moins largement peut-être, mais dans encore plus de cas). 

    C'est bien sûr le cas typique de Macron et sa "République en Marche" dans l’État français. Mais même dans le mal dé-franquisé État espagnol, le Parti populaire (PP) en perte de vitesse (déjà rayé de la carte dans la nationalité opprimée la plus remuante en ce moment, la Catalogne) comme son alter ego le P's''o'E sont en train de céder la place à une formation du même acabit (et d'origine catalane), Ciudadanos (ici le parcours et les idées de son fondateur, Albert Rivera, et ici Ciudadanos Ligne_politique de fait c'est parfois presque... postmoderne : "faire en sorte que ni l'origine ethnique, ni la langue, ni le sexe, ni la condition économique de l’individu ne détermine de privilège"). En Italie, il y a eu Renzi. Ni "gauches" réformistes keynésiennes "archaïques", ni droites conservatrices national-étatistes et rances, nous avons là des "centres" promettant de gérer le capitalisme "dans le réalisme" tout en chantant l'"ouverture sur le monde" et sa "modernité" (contrairement donc au "repli nationaliste étroit" catalan...), antiracistes morales, "sans hostilité de principe" aux droits LGBT, "sensibles" à la question environnementale, mettant en avant la parité hommes-femmes et la jeunesse (et le "renouvellement") dans le personnel politique, etc. etc. : hormis le rapport au Grand Capital (ici détendu et favorable, présentant le contraire comme de l'"archaïsme idéologique"), le décalage avec tout ce que nous venons de dire au sujet de la "gauche" "progressiste" morale nous semble absolument... imperceptible ; tout juste peut-être avec un peu plus de "réalisme" (qu'il "faut" pour gouverner). 

    De toute façon, au niveau d'anti-politique atteint, "gauche", "droite" et "centre" ne peuvent plus être que des notions totalement subjectives fonction de chaque contexte culturel national. Aux Pays-Bas, personne même à la droite de la droite n'est contre le mariage homosexuel ou l'avortement ; tandis que Poutine qui passe ici pour d'extrême-droite (et voit effectivement le FN se reconnaître dans ses positions politiques) se positionne en Russie au... centre voire au centre-gauche de "sa" société, et que si Nétanyahou règne en Israël, c'est qu'il y passe de plus en plus pour un centriste (on pourrait encore citer de même toute une ribambelle de dirigeants, comme Erdogan en Turquie ou sa possible successeuse, Meral Akşener, parfois qualifiée de "Marine Le Pen" ici mais dont la démarche politique est en réalité un savant positionnement au centre de la société turque meral-aksener-vole-vers-le-centre).

    De leur côté, les oppositions "de gauche" à ces forces, version vieux réformisme keynésien, semblent avoir évolué sur le modèle de l'autre grande nouveauté politique de ces dernières années, qui vient d'arriver en tête aux élections dans son pays : le "Mouvement 5 Étoiles" italien. C'est le cas typique de la France Insoumise de Mélenchon ou de Podemos dans l’État espagnol : des organisations technofluides, en mode "démocratie directe" internétique qui assure en réalité un plébiscite permanent à un leader charismatique qui fait ce qu'il veut et garde ou vire qui il a envie ; et à l'arrivée, au nom d'"écouter le peuple", de plus en plus poreuses à des positions droitières (notamment en matière d'immigration, mais pas que). 

    On laissera encore d'un autre côté le cas grec de Syriza, relevant plutôt d'un "macronisme de gauche" (leader jeune et fringant) pour faire finalement, une fois au pouvoir, du macronisme... tout court. 

    Pour Laclau et Mouffe, idéologues mélenchonistes, l'heure n'est de toute façon plus au clivage "droite"/"gauche" mais à "ceux d'en haut" vs "ceux d'en bas"... et dans les deux cas, on peut donc piocher à "gauche" et à "droite" (ici au sens originel historique : ce qui est réactionnaire et ce qui est émancipateur) au gré du "vent" électoral. 

    [Il est presque possible de dire, en un sens, qu'il s'agit là de la nouvelle forme d'opportunisme social-démocrate de notre époque : l'"hypothèse social-démocrate" est morte car, comme on l'a déjà dit précédemment, elle est désormais un réformisme sans réformes (le capitalisme actuel ne peut plus connaître les grandes réformes de structure qu'appelait celui de la crise de 1929, et qui seront menées dans les années 1930 à 1960) ; si bien que l'opportunisme politique (opportunisme "droitier", pas gauchiste) qui surfe sur le mouvement réel des masses populaires et leur soif de changement radical ne peut plus s'exprimer sous cette forme. Il le fait donc, désormais, sous cette nouvelle forme laclau-mouffienne de "ni droite ni gauche, en bas vs en haut, peuple vs élites !" qui ouvre effectivement jusqu'à la possibilité de convergences avec l'extrême-droite, étant donné que l'on peut considérer le M5S italien, loin d'en être une "dégénérescence", comme au contraire sa mise en œuvre la plus "aboutie".]

    Tout se reconfigure et fusionne en permanence, dans un dispositif toujours plus verrouillé de conservation du Pouvoir par la classe capitaliste, dont seule la "percée" d'une Pensée politique révolutionnaire et d'un Plan Général de Travail pour la mettre en œuvre pourra un jour nous extraire.

    [Encore un truc fascinant ! Dans la TOTALE CONTINUITÉ du néo-"progressisme" postmo-intersec que nous venons de voir, Marlène Schiappa (encore elle) schiappa.jpg, dont on ne mesure sans doute pas assez combien elle est un personnage CLÉ du dispositif macronien, est elle aussi sur la ligne anti-politique du "libre choix" (flottant complètement dans les airs, alors que toutes ces questions sont éminemment politiques) en matière de port ou non du voile islamique et de tenue vestimentaire des femmes en général ; question longuement abordée ici : punchlines-politiquement-incorrectes

    Mais là, attention hein, avec GROS BÂTON en perspective pour les choix qui ne seraient pas "libres" ! Ce dont seront forcément juges... les autorités, vu que si l'on consulte les concernées, dans 90% des cas la réponse ne sera ni "c'est mon libre choix" ni "je suis contrainte et forcée" mais "c'est la volonté de Dieu"... 

    En fait, avec Schiappa, les postmos-intersecs sont DÉJÀ au pouvoir. Sauf que, comme le FN avec Collomb et hier Valls ou Sarkozy, ils ne s'en rendent pas compte. Ce qui permet de garder les apparences du pluralisme "démocratique"... En attendant, nos "progressistes" de régime pourront se dédier à œuvrer consciencieusement à "l'année de la libération" en Turquie, par exemple ! turquie-kurdistan-elections-anticipees]

    [Et hop (décidément...), encore un "encart" important par rapport à la genèse de ce monde dans lequel on vit, ou plutôt de cette gauche y compris "radicale" si impuissante à le changer qu'elle en est presque devenue, devant les flics et les fascistes, la principale garante de la stabilité : les concepts (appelons-les par leur nom : sociaux-démocrates pseudo-"radicaux", et fondamentalement progressistes au service de l'ordre) d'empowerment et de community organizing.

    Concept largement mobilisé de nos jours dans la lutte pour (à peu près) toutes les "minorités" ; concept de "minorités" sur lequel il a (déjà) pu être écrit quelque part que :

    Les mots ont un sens SCIENTIFIQUE… Et pas celui que quelques postmos paumés veulent s’amuser à leur donner.

    Et « minorité » fait partie de ces mots. Déjà à la base, dans le lexique matérialiste, une minorité c’est national et rien d’autre*.

    (* j'ai là voulu faire court, mais bien évidemment : OU CONFESSIONNEL, si les gens sont une même nation sur les critères de langue etc. et que c'est la religion qui va servir à délimiter le groupe social opprimé, surexploité, soumis à un "spatial fix permanent")

    Ça n’a jamais été employé pour les classes par exemple, et pour cause : si une classe est minoritaire, c’est à peu près sûr qu’elle domine. Le discours de lutte des classes ça a toujours été de s’en PRENDRE à une minorité (oh la pôv petite minorité…), celle des exploiteurs.

    Une minorité nationale c’est quand on n'est pas dans le schéma classique d’une nation qui « fait bloc » sur son territoire national… et qui peut tout à fait comme ça être opprimée, colonisée etc. (ça n’a RIEN À VOIR) ; mais de petites enclaves nationalitaires éparpillées, ou carrément des individus dispersés sans véritable territoire défini (des immigrés par exemple, même si souvent ils vont avoir leurs quartiers attitrés), au milieu d’une nation plus grande qui forcément va tendre à dominer, qui contrôle l’État etc.

    Ce qui forcément va amener un traitement politique différent, puisque la solution ne peut pas être tout simplement la libération (par séparation politique, indépendance) de la nation opprimée. Voilà pourquoi à une époque on a commencé à parler des minorités nationales.

    Et au demeurant ce n’est en aucun cas synonyme d’être opprimé, puisqu’il arrive dans X cas que l’oppresseur, colon etc. soit en minorité dans le pays, comme les Blancs en Afrique du Sud, au Maghreb hier, ou encore en Kanaky (les Kanaks sont minoritaires mais les Blancs aussi, au milieu il y a des travailleurs immigrés océaniens ou asiatiques). Oh les pôv petites minorités ! D’ailleurs quand ça commence à tourner au vinaigre, ils nous font des trémolos sur ce registre, et qui oserait contester le « ressenti » de ces « premiers concernés » ? Pour réclamer leurs « droits », ou leur petit bout de territoire qu’ils ont au départ à 100% volé, leur Volkstaat (la Province Sud en Kanaky)…

    Bref, une minorité nationale entendue au sens scientifique peut tout à fait être le groupe social oppresseur sur un territoire donné.

    Ou alors, ne pas être exactement le « corps légitime de la nation » mais pas non plus opprimée ; comme en effet, si je vais en Angleterre, pays des Anglais, j’y ferai partie d’une minorité nationale étrangère, la communauté française qui à moins que j’aie loupé un gros épisode n’est pas majoritaire là-bas ; je ne pourrai pas voter pour les gens qui votent les lois auxquelles je devrai obéir, mais bon, mon « oppression » s’arrêtera là…

    Quant à parler de minorités dans le domaine du genre, c’est beaucoup plus récent et si ça fait évidemment sens pour les homosexuel.le.s et les trans, ça n’en fait bien sûr strictement aucun pour les femmes, qui sont plus nombreuses que les hommes. Mais qui pour autant, sont opprimées par le patriarcat ; montrant encore que ça n’a rien à voir.

    La confusions qui a pu s’installer à ce sujet, c’est que les luttes féministes ont souvent dénoncé la « minorisation » des femmes. Sauf que « minorisation » se rattache ici au statut JURIDIQUE de MINEURS, comme les mineurs de moins de 18 ans quoi. Ne pas pouvoir voter par exemple. Ou disposer librement de son argent. Ce qu’on appelait la « minorité à vie ».

    Bref. On pourra m’opposer toute la littérature qu’on voudra, mais ce sera de la littérature postmoderne.

    Faire de « minorités » le synonyme de « groupes opprimés » c’est de la novlangue postmoderne, et c’est antiscientifique. Normal puisque le postmodernisme a pour seule vocation depuis 40 ans d’assassiner le matérialisme scientifique et politique.

    Parler de « minorité » ça sert tout bonnement, dans le postmodernisme toujours égal à lui-même, à évacuer la Question du Pouvoir qui se cache derrière l’oppression.

    Si cette terminologie erronée s'est développée, c'est pour une bonne et simple raison : c'est parce que dans la logique anglo-saxonne qui sous-tend l'affaire, "minorité" est le terme qui va automatiquement de pair avec affirmative action, empowerment, conquête économiste de "droits" et de "visibilité" (jusqu'à la Maison Blanche, de fait... pour la belle jambe que ça fasse aux Afghans, Pakistanais des zones tribales, Libyens, Syriens et Irakiens etc.).

    Autrement dit tout ce qui s'est érigé comme dispositif réformiste anti-révolutionnaire sur les ruines des mouvements révolutionnaires de libération nationale/raciale anéantis par COINTELPRO.

    C'est ça la réalité historique de cette équation antiscientifique "minorité" = "groupe social opprimé". Une montée en puissance parallèle à celle de ce dispositif.

    (Je rajouterai ici en annexe, car il est tout simplement grandiose, ce passage de Sadri Khiari que le camarade Mehdi Meftah a porté à ma connaissance :

    « La domination coloniale n’a été qu’une parenthèse, nous dit-on, qui fait partie de l’histoire. Vous n’existez pas comme races dominées, dont les actions produisent un rapport de forces, mais comme une foison de minorités et de « catégories sociales » ayant des attentes très singulières, propres à chacune d’entre elles.

    Si, du côté de l’État et des forces politiques gouvernementales, ce dire relève le plus souvent de la plus parfaite hypocrisie, du côté des forces blanches antiracistes la cécité républicaine aboutit à la même conclusion: il n’existe pas de conflit de races mais des causes particulières, plus ou moins légitimes, aux différentes communautés ou aux différents groupes sociaux, sans rapports les unes avec les autres. Les plus sympathiques d’entre eux, du moins ceux qui ne réduisent pas tout à la question socio-économique, nous proposent une stupide « convergence des minorités », comme si le clivage politique opposait, à une majorité « normée », des minorités « hors normes ».

    Vouloir faire de nos luttes une simple dimension d’un des autres clivages qui traversent la société constitue l’une des armes qui sont employées – naïvement ou cyniquement, peu importe – par les forces blanches pour nous interdire de percevoir l’unité de la condition de colonisé et la convergence fondamentale de nos dynamiques de résistance.

    Elle interdit de penser la Puissance indigène. Chaque groupe indigène, convaincu de mener la lutte tout seul, autour de ses seuls objectifs, devient aveugle à la réalité raciale d’ensemble dont il fait partie ; il ne peut évaluer les rapports de forces et sa propre puissance qu’à partir de sa situation exclusive, petite minorité nationale, culturelle ou «territoriale », noyée parmi un million d’autres minorités, en apparence tout aussi impuissantes.

    En appréhendant nos luttes dans une perspective postcoloniale et raciale, une autre réalité apparaît, en l’occurrence l’unité profonde de la logique sociale et politique de ces luttes, le fait que le mouvement d’ensemble de ces résistances procède d’une même logique d’opposition à la domination blanche et constitue une totalité : la Puissance politique indigène. »

    Sadri Khiari

    Et puis pourquoi ne pas citer tout simplement... le grand Malcolm X : « étant donné que les opprimés constituent la majorité et non la minorité sur cette terre, nous serons à même d’envisager notre problème en majorité capable de revendiquer et non plus en minorité réduite à la mendicité » !!!)

    Ces concepts d'empowerment et de community organizing sont intrinsèquement liés à leur initiateur, Saul Alinsky.

    Sur lequel (si l'on se donne la peine d'aller consulter son article Wikipédia dédié) on peut lire que :

    "Il participe à la fondation d'un grand nombre d'organisations aux États-Unis. Il s'inspire du syndicalisme grâce à sa proximité avec le célèbre syndicaliste américain John L. Lewis, président du Congress of Industrial Organizations"... le CIO, hem hem. Gros, gros syndicat américain de régime au service de la lutte anticommuniste pendant la Guerre froide (ici, il fournira des fonds pour lancer FO contre la CGT).

    Mais surtout : "Il entretiendra une amitié avec le philosophe français Jacques Maritain." (...) "Saul Alinsky entretiendra une longue correspondance avec le philosophe français Jacques Maritain du début des années 1940 jusqu'au début des années 1970."

    Maritain, ça ne vous dit rien ? Comme source d'inspiration, véritable philosophe de chevet en fait, de quelqu'un de bien connu en ce moment ?

    Maritain est, tout simplement, une source d'inspiration majeure du "progressisme" d'Emmanuel Macron.

    En plus qu'Alinsky l'ait été directement pour Barack Obama, entre autres.

    Mais pas que, cela dit : "En 2017, la méthode Alinsky est mise à l'honneur lors de l'université d'été de la France insoumise, qui y voit un moyen de ramener à la politique les quartiers populaires largement abstentionnistes"... pour quoi faire, sinon les soutenir et voter pour eux, et capituler toute autonomie politique dans la lutte contre le colonialisme intérieur, au profit d'une resucée du mitterrandisme de 1981 ?

    Selon Alinsky lui-même, "Le Prince fut écrit par Machiavel pour les nantis, pour leur permettre de conserver le pouvoir. Rules for Radicals (son principal ouvrage) est écrit pour ceux qui n'ont rien, pour leur permettre de prendre le pouvoir aux nantis."

    Voilà qui peut sembler de prime abord plaisant... sauf que "ceux qui n'ont rien" ne l'ont pas attendu pour avoir des méthodes de "prise de pouvoir aux nantis". Les gens qui inventent l'eau tiède comme ça, c'est toujours à prendre avec des pincettes. Quelle nouveauté "révolutionnaire" sont-ils censés apporter après des centaines de révolutionnaires (pas seulement un certain Vladimir Illitch) à travers le monde durant des siècles avant eux ?

    À une époque où, bizarrement, des Black Panthers, des Carmichael, des César Chávez et des Robert F. Williams "organizaient" très bien leur "community" sans besoin de ses lumières...

    De fait, oui, César Chávez a travaillé à une époque (dans un premier temps) avec Alinsky revue-vie-sociale-2012-2-page-111.htm, mais il "rompra avec lui au début des années 60 car celui-ci n’était pas d’accord pour que l’organisation se transforme en syndicat des travailleurs agricoles. Chavez fonda donc ce syndicat. Il sera célèbre pour avoir organisé un boycott du raisin aux États-Unis afin d’obtenir qu’on cesse d’employer des pesticides dangereux."

    Waouh ! Donc "organizer" oui, mais pas pour que ça se transforme en organisation concrète de lutte !! Bravo !

    Quant au sous-titre de "Rules for Radicals", c'est "Manuel pragmatique pour radicaux RÉALISTES"...

    Tout cela ne sent, en fait, pas bon du tout.

    Et pour cause : il n'y a guère besoin de plus d'évidences pour voir que nous sommes là face à un dispositif fondamental de désarmement et de liquidation des luttes ; ces grandes luttes des années 1960 dans le contexte desquelles il a émergé, et sur les ruines du reflux desquelles il a ensuite fleuri, entre "intersectionnalité" à sa gauche et "affirmative action" à sa droite. C'est POUR CELA (dès l'après-guerre en fait, dans le contexte de la Guerre froide) que le concept a été lancé et poussé en avant, et pas pour autre chose.

    Ce n'est pas, encore une fois, un concept "intéressant et utile à la base" qui aurait "mal tourné", mais bien une arme "progressiste au service de l'ordre" de destruction massive des luttes, qui doit être combattue.]

    [Autre exemple de gauchisme de contre-révolution préventive (par une personne très certainement sincère, mais sous catastrophique influence de ces idéologies à la con) : "la violence révolutionnaire (indispensable à la révolution...), c'est viriliste"...

    Analyse et rétrospective historique du FASCISME ANTI-POLITIQUE - 4e partie et conclusions

    ...]

    À suivre : La mise à mort de l'internationalisme prolétarien


    2 commentaires

  • (Première partie)

    Une dose de moraline... et ça repart !

    Ici l'exemple emblématique, le plus connu, se situe dans le champ de la lutte antiraciste (c'est-à-dire, en réalité, du prolongement en métropole impérialiste de la lutte anti-impérialiste et anticoloniale). Il s'agit bien sûr, alors que pour la troisième fois en un quart de siècle (après les années de la Fédération de France du FLN, écrasée dans le sang du 17 octobre 1961, puis le Mouvement des Travailleurs Arabes - MTA - ou encore les luttes des foyers au début des années 1970, plantés par les gauchistes bourgeois partis rejoindre Libé) les masses prolétaires de l'immigration coloniale se levaient avec la Marche pour l'Égalité de 1983 (dans le prolongement d'années d'émeutes et de luttes locales), de la formidable entreprise de récupération qu'a été SOS Racisme et toute la mobilisation médiatico-intellectuelle, à coups de chansons de Balavoine et autres, développée autour à l'époque.

    Principalement pilotée par le PS (et en particulier les anciens gauchistes des années 1970, comme l'ex-LCR Julien Dray, qui l'avaient rejoint), cette récupération-"canalisation" d'une menace EXISTENTIELLE pour le "Système France" (la prise de conscience et le soulèvement du prolétariat le plus profond, en lien direct avec l'Empire néocolonial), est devenue l'emblème de l'antiracisme dit moral que l'on a coutume d'opposer à l'antiracisme politique.

    Mais attention ! Il ne faut pas commettre l'erreur de croire que ce phénomène 1°/ se limite à ce champ politique en particulier : il les touche tous, toutes les luttes contre toutes les oppressions "autres que de classe", puis de proche en proche la lutte de classe elle-même, ramenée à un populisme anti-"World Company" (problème du capitalisme = "avidité", problème moral) dans lequel se sont des années durant illustrés les Guignols de Canal+ (la chaîne capitaliste "progressiste" par excellence) et aujourd'hui un François Ruffin (et dès la même époque de SOS, on peut citer évidemment les Restos du Cœur de Coluche ou encore la remise au goût du jour, avec film etc. de l'abbé Pierre, autre personnage récurrent du populisme social des Guignols d'ailleurs) ; tandis qu'en même temps qu'ils déversaient le stigmate "islamiste" et "caillera" sur les quartiers de l'immigration coloniale, les Charlie Hebdo et compagnie marquaient au fer rouge de celui de "beauf attardé-réac qui vote FN" le prolétariat blanc ; et 2°/ qu'il se réduit à une manœuvre aussi flagrante de captation électorale au profit de la "gauche" bourgeoise PS, dernière (sans doute) en Europe à être arrivée au pouvoir sur un programme de "rupture avec le capitalisme", mais totalement ralliée deux ans plus tard (1983, à l'époque même de la Marche) à la "Fin de l'Histoire" néolibérale : encore une fois, ce n'est pas une question de radicalité et la "gauche" morale peut tout à fait être (même ultra) "radicale".

    C'est de manière générale que la nouvelle "gauche", y compris la plus radicale, exerce sa fonction de contre-révolution préventive en déployant une machinerie intellectuelle "religieuse", MORALE et non matérialiste et politique – et déchaîne sa haine contre ceux qui le sont.

    Une bonne illustration, qui n'a cessé de prendre de l'ampleur depuis (disons) le début de ce siècle, est ce qui est décrit dans cet article que nous avions partagé il y a quelques mois : deconstruction-de-la-deconstruction-un-point-de-vue-antiraciste

    L'auteur, militant de l'antiracisme politique, y aborde principalement le problème du point de vue du fléau de sa diffusion dans ce milieu ; mais précise bien que le raisonnement est applicable à tous les champs de lutte contre toutes les oppressions. Il s'agit d'un problème que nous avons déjà effleuré plus haut, puisqu'il s'agit de l'idéologie de la DÉCONSTRUCTION : à l'origine, chez Derrida et d'autres, une déconstruction des discours ; autrement dit une réflexion critique sur les superstructures (formulation verbale de l'idéologie) de la domination (capitaliste ou autre), ce qui en soi est très bien ; mais qui est devenue au fil du temps une idéologie de la "déconstruction" des individus (ce qui est une absurdité), une injonction moraliste à ce que chaque personne "déconstruise" sa propre "construction sociale", en d'autres termes toute sa socialisation depuis la prime enfance en fonction de sa position (de classe, de genre, de race sociale etc.) dans la société. 

    C'est absurde et ridicule, ça n'a de réel but (comme finalement tous les gauchismes...) que de produire une "élite militante", en l'occurrence celles et ceux qui se verront délivrer, ou pourquoi pas s'auto-délivreront le brevet de "déconstruit-e-s", mais surtout, cela a le mérite d'illustrer dans une version très "radicale" (et microcosmique) comment toute la vision du monde et de la lutte pour sa transformation, chez cette "gauche" uniquement et entièrement dédiée à tuer dans l’œuf la politique matérialiste, baigne dans cette espèce de soma que l'on appellera moraline.

    Plus rien n'est RÉELLEMENT pensé de façon structurelle et "macro", en termes de grandes divisions du travail et de contradictions entre "privilégiés" et "défavorisés" de ces divisions, certes, mais surtout de lutte de celles et ceux qui en souffrent contre celles et ceux qui les établissent. Nous disons "réellement" car s'il y a souvent négation pure et simple de ces grandes structures macro-économiques et macro-politiques, il y a peut-être encore plus souvent reconnaissance formelle de celles-ci : "oui blabla", "je saiiiiis" que le racisme provient de ceci et le patriarcat de cela, et comment fonctionne le capitalisme (à ce stade on s'est déjà généralement fait taxer de "splaining" ou de "capacitisme" ou de "silenciement")... Sauf que la théorie n'est rien sans la pratique.

    Et en pratique... "on sait", peut-être, qu'il y a telle et telle grande division structurelle du travail, au service d'une accumulation capitaliste, mais on ne fait que s'attaquer encore et toujours à des comportements inter-individuels ; exactement comme cet antiracisme moral SOS à la solde du PS vendu au néolibéralisme que l'on se plaît tant à dénoncer ; on est et demeure dans un "anti-oppressionisme" MORAL, que la question de classe finit elle-même par rejoindre pour s'y engloutir (il ne faut pas être "classiste", "capacitiste", "montrer du mépris social" etc. etc.). On croit que les comportements sociaux, et les conceptions du monde qu'induisent les différentes positions dans les divisions du travail ne sont qu'une affaire de "bonne" ou "mauvaise" volonté des individus ; et non de mécanismes économiques d'exploitation qu'il faut d'abord comprendre, et ensuite combattre pour pouvoir éventuellement influencer la défection d'individus du "mauvais bord" de la division : bien sûr que des hommes peuvent lutter contre le sexisme, et des Blancs occidentaux contre le racisme et le colonialisme (en fait, jusque-là, c'est de leur intérêt à long terme), et même (c'est le plus difficile, en fait) des bourgeois comme Che Guevara pour le socialisme... mais cela, c'est le produit de la lutte révolutionnaire des exploités.

    Le Che ne s'est pas "déconstruit" : il a vu des luttes, il a vu leur dynamique de croissance, et sous leur pression (pas parce qu'on lui aurait expliqué comment être safe avec les pauvres) il a trahi sa classe (elle-même pas totalement dominante, en tant que bourgeoisie d'un pays dominé par l'impérialisme), pour les rejoindre les armes à la main. Et c'est tout ce que les exploités, les affamés qu'il a ainsi servi lui demandaient (lire : Che-revolutionnaire-pas-deconstruit.pdf). Et dans les favelas du Brésil, encerclées de blindés et régulièrement investies par des escouades de flics surarmés pour y faire un carton, on ne pense pas à "déconstruire" son passé d'esclave ni on n'espère que l'élite au teint clair dans ses citadelles fortifiées ne se "déconstruise" non plus : on veut le POUVOIR, et le fusil pour l'obtenir.

    Il faut encore une fois ici remettre les choses en perspective, avec la façon dont l'association Capital-Travail des Trente Glorieuses a visé à "petit-embourgeoiser" les masses des pays impérialistes sur le dos des pays dominés, et y a effectivement développé une "classe moyenne" numériquement beaucoup plus nombreuse que dans ces derniers pays ; avant que la crise ne vienne battre tout cela en brèche : telle est la base matérielle et la centralité de classe (c'est-à-dire que même si l'on n'appartient pas à une classe, elle est le "modèle" et on veut la rejoindre et la servir) de tout ce dispositif de "gauche" contre-révolutionnaire en général, et de ces approches moralistes et individualistes en particulier. Cela peut tout à fait concerner d'authentiques opprimés de classe, de genre, et même de race – ces opprimés-là au sein des sociétés occidentales n'étant pas, comme l'explique (encore une fois) Houria Bouteldja, exactement la même chose que les habitants des pays dominés par l'impérialisme ["Indigènes de la République, nous le sommes en France, en Europe, en Occident. Pour le Tiers Monde, nous sommes blancs" - "Les Blancs, les Juifs et Nous", p. 118].

    Toute cette idéologie de la "déconstruction", du safe (défense d'une "zone de confort" individuelle) comme unique (et pathétique) perspective "révolutionnaire" d'émancipation ; dans une société où tous les rapports sociaux sont de plus en plus soumis à une logique marchande...

    Mais au fond c'est tout à fait normal, car nous baignons complètement dedans. TOUT dans le contexte idéologique de "Fin de l'Histoire" et de "mort des idéologies", par tous les canaux de communication et d'information possibles, concourt à nous montrer les rapports sociaux "injustes" ("problématiques" diraient d'autres, LOL !) comme une simple affaire de "rencontre" entre la "détermination à se faire reconnaître" de leurs victimes et la "bonne volonté" des "méchants oppresseurs" pour être résolus. Il n'y a qu'à allumer sa télé : depuis 40 ans c'est comme ça ! Et c'est tout de même ballot : s'il y a bien un "formatage" intellectuel, une "aliénation", en un mot une construction... que l'on n'a pas pensé à "déconstruire", c'est bien celle-là !

    Exploitation capitaliste, racisme, patriarcat : "checker ses privilèges" et les "remettre en question". Question écologique : "éco-responsabilité" de chacun(e). Et tout est à l'avenant.

    En face (car il faut toujours un "en face" pour que le dispositif, qui fonctionne en tenaille, soit complet), il reste des gens qui refusent sur le principe ce moralisme individualiste "déconstruit" et cette vision "atomisée" des intérêts en lutte... mais qui pour la plupart, se cramponnent au dogmatisme ;  qui est lui aussi une "politique"-religion et une arme contre l'émergence d'une pensée matérialiste réellement politique. En général, à l'arrivée, ces gens seront sur des positions réactionnaires de refus de principe des vraies questions qui se posent ; et en définitive... pas vraiment étrangers à la "politique identitaire" qu'ils dénoncent, dès lors que telle ou telle "identité" (la leur ou une autre) les arrange pour "argumenter" en faveur de leur dogme, et contre ce à quoi ils refusent (par paresse intellectuelle) de se confronter politiquement.

    "Ouvrier" (mais sans montrer sa fiche de paye...) ou "précaire" : c'est bien une identité sociale. Le "terterisme", éloge du "ter-ter" du terrain – et des "besogneux" qui sont dessus, contre les "intellectuels" : c'est encore une identité sociale... censée donner raison en lieu et place de la LIGNE POLITIQUE, traitée comme il se doit dans le matérialisme : étude, enquête, discussion sur le fond  de ce qui est exprimé, confrontation à la pratique etc.

    Donc c'est "identitaire"... Et au service, comme le reste, du refus de penser politiquement les choses dans une perspective révolutionnaire. D'ailleurs, quand on dit dogmatisme, on pense spontanément à des gens complètement focalisés sur leurs "classiques" marxistes (ou ce qu'ils en ont compris...) et refusant torrents de citations à l'appui de dévier d'un pouce de leurs idées arrêtées qu'ils croient confortées par leurs Textes sacrés ; mais cela peut être aussi (autre, ou plutôt deux autres exemples en tête...) un "dogme anti-dogme", anti-idéologique (totalement, pour le coup, dans l'acceptation de la "Fin de l'Histoire" et de son "l'idéologie ça ne sert à rien" !), mouvementiste, populiste, "syndicaliste révolutionnaire"... au nom, là encore, d'un anti-intellectualisme "identitaire non-intellectuel" par exemple.

    Gauchisme des mille identités et points de vue en quête de safitude, dogmatisme "idéologique" fossilisé et dogmatisme anti-idéologique mouvementiste : c'est peut-être l'image d'une pince à trois doigts qui viendrait en fait à l'esprit, plutôt qu'une tenaille classique... Mais la minute d'après, on se dira sans doute qu'on est encore loin d'avoir embrassé tout le panorama d'un dispositif aussi complexe (et encore, on n'a parlé jusqu'à maintenant que de ce qui siège à la gauche de son Jupiter actuel !).

    Pendant ce temps-là, évidemment, devant une telle chape de plomb sur l'émergence de la moindre pensée politique révolutionnaire d'ensemble pour le combattre, le capitalisme version néolibérale dort sur ses deux oreilles. Mais d'ailleurs, est-il lui-même si étranger, si antagonique à cette moraline hégémonique dans la gauche censée s'opposer à lui ? Rien n'est moins sûr...

    Contrairement à ce que l'on a tendance à croire, savamment entretenu (justement) par le populisme (moral) anti-"World Company", et en dépit des déclarations malheureuses de quelques électrons libres comme quoi "il y a bien une lutte des classes, et ce sont les riches qui sont en train de la gagner" (Warren Buffett), le néolibéralisme n'est pas une idéologie de mépris ouvert des travailleurs et des pauvres, qui prônerait comme Adolphe Thiers au 19e siècle le seul droit pour la "vile populace" de "bosser et souffrir en silence". C'est, au contraire, une idéologie qui reproche au dirigisme des décennies antérieures de favoriser la pauvreté par ses "freins bureaucratiques" à la création de richesse. Pour le néolibéralisme, il faut "dans l'intérêt de tous et toutes" et en particulier des plus pauvres et exclus, laisser une économie capitaliste libérée de ses "entraves" créer des emplois et de la richesse qui bénéficiera à tout le monde ; dans le "dialogue" avec des partenaires sociaux "responsables", voire... la "démocratie directe", "participative" (tiens tiens !), où les salariés de l'entreprise votent par référendum (en court-circuitant les "syndicalistes qui ne font que du business idéologique") les mesures qui sont "de leur intérêt" pour conserver leurs emplois et une bonne rémunération. TOUT ce qui est fait de "néolibéral" depuis 30 ou 40 ans, l'est TOUJOURS (soi-disant) "dans l'intérêt de tous et surtout des plus faibles" et non dans celui affiché des employeurs, auxquels il est par ailleurs recommandé d'être dans cette logique d'"intérêt général" et non d'"avidité" égoïste et cupide et de spéculation. Le néolibéralisme est, en réalité et pas moins que le keynésianisme, un CORPORATISME : il est, en fait, (présenté comme) la nécessaire "adaptation" de l'association Capital-Travail hier keynésienne à la nouvelle situation de crise

    C'est ainsi, donc, qu'il n'est en réalité nullement incompatible ni antagonique avec la nouvelle "gauche" morale de contre-révolution préventive : il se veut au contraire totalement "moral" et "capitalisme à visage humain", contrairement à ce qu'essayent de faire croire les "anti-libéraux" (en clair : les "attardés" de la vision keynésienne de l'association Capital-Travail), voire les "anticapitalistes" anti-politiques qui ne peuvent que de cette manière justifier leur propre existence politique d'opposition... morale à lui, et leur vacuité scientifique.

    Comme on l'a vu avec Amartya Sen, dont les "solutions" anti-pauvreté étaient tout à fait susceptibles de séduire des milieux "alternatifs" limite ZADeux, et qui se révèle aujourd'hui être une source d'inspiration de Macron, les passerelles sont bien plus larges et les fossés bien plus étroits qu'on ne pourrait le penser de prime abord. Mais cela n'a rien d'étonnant, puisque cette soi-disante "opposition de gauche" au Grand Capital fait en réalité totalement partie de son dispositif de domination post-Guerre froide...

    Mais ce n'est pas encore là le pire. Nous allons maintenant voir comment ce moralisme "religieux" anti-politique, peut et va (souvent) se mettre directement au service d'une espèce de maintien de l'ordre, d'une véritable police politique dans le champ du débat intellectuel ; là où doit forcément émerger d'abord (et menace en permanence de le faire) la Pensée révolutionnaire pour que la révolution puisse être à l'ordre du jour.

    À suivre : Le "progressisme" au service de l'Ordre


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  • Nous avons déjà abordé, séparément et de manière éparpillée, ce sujet et nous allons maintenant tenter de le "compiler" en une analyse et rétrospective cohérente. C'est complexe et ce sera LONG, les points à aborder sont nombreux, aussi allons-nous essayer d'être le plus pédagogiques possible. 

    La clé essentielle de tout ce que nous allons voir, est exposée dans cet article c-est-donc-marrant-d-etre-devenu-resolument-gonzaliste ; de manière assez concise pour que nous en reproduisions la plus grande partie ci-après :

    "Nous en sommes en effet venus, à travers les réflexions de Gonzalo sur le fascisme, à l'idée que finalement le dualisme démocratie bourgeoise / fascisme n'existe en fait PLUS. Ni l'un ni l'autre n'existent plus (en Occident).

    À la rigueur, des mouvements à proprement parler fascistes existent là où ils relèvent la tête après s'être faits défoncer et fermer leurs sales gueules par les communistes (devenus certes ensuite révisionnistes) pendant 45 ans : en Europe de l'Est. Ou dans un pays encore économiquement arriéré comme la Grèce. 

    Mais nos sociétés occidentales sont passées en quelque sorte à travers la "lessiveuse" de l'ère des fascismes (des années 1920 aux années 1970 au plus tard), puis de la Guerre froide avec le fascisme en arrière-plan (réseau Gladio etc.), pour déboucher à l'époque qui est la nôtre sur un dispositif total de contre-révolution préventive qui ne nécessite plus d'être modernisé radicalement par un fascisme "spectaculaire-révolutionnaire". Si un "tour de vis" répressif est nécessaire, il sera tranquillement effectué par l’État sans besoin d'un changement spectaculaire de régime.  

    Concrètement : il n'y a pas besoin que le FN (par exemple) prenne le pouvoir et organise des défilés aux flambeaux de chemises bleues marines, sous le regard de la Führer (du samedi soir ?) trônant sur une tribune monumentale. Le PS ou les Républicains, ou la République En Marche (encore mieux car "prenant le bon à droite et à gauche") peuvent tranquillement mettre en œuvre toutes les mesures "fascistes" nécessaires au Capital, tout en conservant les formes de la "démocratie" bourgeoise et de l'"État de droit" parlementaire. 

    Et il est même possible de dire que ce dispositif... une grande partie de la "gauche radicale" en FAIT PARTIE. Une grande partie de la "gauche radicale" n'est pas, ce n'est pas exactement le propos, "l'ennemi principal" (qui stratégiquement, à long terme, est la bourgeoisie impérialiste, qui ne s'embarrassera plus d'apparences "de gauche" lorsque confrontée à un véritable mouvement révolutionnaire), mais disons le premier (car le plus proche) "anneau de fer" qui empêche l'éclosion d'un mouvement révolutionnaire véritable (armé d'une Pensée totale pour comprendre et donc abattre le système), et qu'il faut donc briser." 

    L'idée est donc la suivante : il y a le fascisme des livres d'histoire de collège-lycée, le fascisme du 20e siècle, qui a correspondu à un moment historique qui était celui pour le capitalisme de surmonter sa première crise générale (1870-1945), dans un contexte marqué par deux guerres mondiales aux dizaines de millions de victimes (après la deuxième de ces guerres, un certain nombre de tels régimes ont pu encore exister dans des pays dominés, dans le contexte anticommuniste de la Guerre froide, mais plus dans les pays impérialistes) ; crise générale que d'autres pays ont d'ailleurs surmontée sans recourir à de tels régimes (force est de constater, comme une constante historique, que tous les pays ayant connu des régimes à proprement parler fascistes étaient des pays de révolution bourgeoise passablement tardive - postérieure à 1850 - et encore marqués par une forte féodalité) mais à travers des programmes économiques... totalement similaires, voire directement repris à des "agitations" fascistes comme celle des années 1930 dans l’État français, mais sans entrer dans la même démarche "totalitaire" et ultra-répressive voire génocidaire, en tout cas pas de manière "spectaculaire" (aux États-Unis, les milices patronales de la "Grande Peur rouge" puis de la Grande Dépression, connues des lecteurs de Steinbeck ; le Ku Klux Klan et les lynchages de Noirs, souvent politiques – pour les empêcher de s'organiser politiquement ; ont-elles et ils tué beaucoup moins que les Chemises noires italiennes au début des années 1920 ? rien n'est moins sûr, mais le "spectacle" politique restait celui d'une démocratie parlementaire bipartite).

    Une restructuration du système capitaliste, pour surmonter sa terrible crise d'alors, sous le sceau de ce que l'on pourra appeler une association Capital-Travail ; ou dans les mots (par exemple) d'un grand admirateur de ces régimes fascistes qu'était le général argentin Juan Domingo Perón : "Le fascisme italien a conduit les organisations populaires à une participation effective dans la vie nationale qu'elles n'avaient jamais connues auparavant. Avant l'accession de Mussolini au pouvoir, il y avait la nation d'un côté, et les travailleurs de l'autre ; et les seconds n'avaient strictement aucune implication dans la première. (...) Je me suis alors dit que ceci devait être la forme politique du futur, c'est-à-dire la véritable démocratie populaire, la véritable démocratie sociale." 

    [Une "association" cependant, dans cet esprit de "sacrifice" et de "mobilisation générale" pour "redresser l'économie" après les années noires de la crise de 1929, loin d'être toujours paradisiaque pour les travailleurs même les plus "aryens" qui soient (à mettre en parallèle avec l'actuelle politique néolibérale d'"efforts" demandés aux travailleurs pour "maintenir la compétitivité" et "sauver le modèle social" etc. etc.) : Lacroix-Riz-analyse-historique-du-fascisme-allemand.pdf... Mais néanmoins bien réelle et, comme l'expose bien ce document, VOULUE par les plus hautes institutions financières des pays concernés et internationales de l'époque (les ancêtres de nos actuels FMI, BCE etc.) !]

    Ensuite, il y a donc eu la période de relative prospérité économique des années 1950-60-70 et (en Occident) d'"unité" corporatiste Capital-Travail, le plus souvent sur le dos des pays dominés par l'impérialisme ("délocalisation" vers le Sud de la condition prolétarienne la plus dure, qui y a remplacé la servitude coloniale), pour déboucher sur les "sociétés de consommation" dont on peut situer l'apogée dans les années 1970. Mais encore ensuite, à partir de ces mêmes années 1970, nouvelle crise générale du capitalisme et dégradation de ces sociétés, de leur niveau de vie et de leur pouvoir d'achat, ce qui évidemment pose un problème (une société de consommation... ça marche quand les gens consomment et peuvent consommer !!).

    Et c'est là que se situe le GRAND PARADOXE : cet apogée (en gros, 1965-1980) de la société de consommation issue de l'"association Capital-Travail" des théories (mais chut, faut pas le dire !) fascistes d'entre-deux-guerres a AUSSI été l'époque de la dernière grande mobilisation révolutionnaire de masse en Occident ; souvent en rupture avec les mouvements communistes historiques qui siégeaient parmi les vainqueurs du fascisme génocidaire et "spectacle" hitlérien et s'étaient institutionnalisés. Ces mouvements ont été défaits, parfois par une répression impressionnante dans les pays les plus "inattendus"... comme l'Italie "démocratique", "libérée du fascisme" en 1945, et où un Parti "communiste" qui "savait se tenir" était légal et faisait 35% aux élections, dirigeait des villes et des régions etc. ; mais qui comptait... plus de 20.000 prisonniers politiques à la fin des années 1970. Mais depuis que règne la crise, on n'observe pas la tendance générale à la lutte révolutionnaire qui "devrait" normalement aller de pair.

    C'est ce phénomène qui va être au cœur de notre étude : ce dispositif contre-révolutionnaire préventif qui empêche de "coller" l'une à l'autre ces deux réalités, crise générale du capitalisme et développement d'un mouvement révolutionnaire, que l'on croyait "indissociables" ; dispositif que l'on peut appeler "fascisme anti-politique" et dont on peut situer la naissance autour des années 1980, ou plus globalement dans le dernier quart du siècle dernier (1975-2000).

    [Non sans lien par ailleurs avec la période d'agitation révolutionnaire antérieure et sa répression, d'ailleurs l'un de ces réprimés, le communiste révolutionnaire italien Renato Curcio, a pu par exemple nous fournir une intéressante ébauche d'analyse de cette nouvelle ère avec sa théorie de la "métropole comme usine totale" : Gouttes_Sol_Cite_Spectres_2.pdf... Mais voilà : reconnaître une certaine validité à ses constats sur notre époque ne signifie pas (loin de là) partager toutes les conclusions politiques qu'il en tire !

    Nous ne rentrerons pas dans les - assez fastidieux pour le lecteur "profane" - détails ici ; à la limite, voici un extrait de Derbent qui explique pas trop mal les choses : ClausewitzBR.pdf... "tous les rapports sociaux sont devenus guerre" et il n'y a plus de politique, voilà qui a d'ailleurs de quoi nous faire furieusement penser à notre "cher" gauchisme postmoderne identity politics actuel ; en tant que réalité de ce vers quoi le capitalisme "postmoderne" a amené les rapports sociaux, donnant sa base matérielle à cette peste idéologique ; mais aussi en tant que nécessité pour nous d'affronter cette situation pour restaurer la politique !

    (Ici, le texte complet publié par nos "vieux amis" des Matérialistes.com est introduit par une critique somme toute assez juste et intéressante des positions développées : http://ekladata.com/LM-gouttes-de-soleil-spectres.pdf)

    Il est intéressant de s'y attarder deux minutes car cela illustre bien tout ce qui va être notre propos dans cette longue étude : Curcio veut avec ce texte "penser" un "nouvel anti-économisme" de la fin du 20e siècle, une domination capitaliste qui ne serait pas (moins que jamais) "cantonnée" dans "l'État" au sens régalien et "le Patron" "seigneur en son entreprise". Il analyse, ce faisant, la société dans laquelle nous vivons depuis les années 1960-70 (et encore aujourd'hui) comme une société où tous les rapports sociaux sont (plus que jamais) "marchandisés", "capitalisés" et donc "lutte", "guerre". Très bien !  Il décrit là très justement notre société occidentale postmoderne consumériste et atomisée, ultra-individualiste... Mais le problème c'est qu'il s'enferme dans ce juste constat et s'interdit de penser son dépassement dialectique. Tous les rapports sociaux sont quelque part marchands donc "lutte", "guerre" ; alors soit ! Qu'ils soient guerre... et il n'y a plus de POLITIQUE. Il y a eu un assassinat de la politique ; et constatant cela, il ne propose pas (dialectiquement) comme lutte première de la RESSUSCITER.

    Ceci en raison, comme l'explique bien Derbent, d'une définition erronée de la politique comme "art de la médiation des contradictions", c'est à dire la politique d'"ordre établi" (de "gestion" de l'ordre social tel qu'il est... gestion effectivement rendue de plus en plus impossible par la crise terminale des métropoles capitalistes-impérialistes) ; oubliant la définition de la politique révolutionnaire (celle qu'il faut de toute urgence ressusciter) qui est le dépassement dialectique desdites contradictions (ou alors oui, c'est bien l'"art de la médiation des contradictions" mais un "art" de classe, d'une classe dominante "médiatrice" donnée pour une période historique donnée, et qui à un moment donné se retrouve dans l'incapacité historique de continuer à assurer cette "médiation" - ce qui est peut-être le problème de notre époque en effet - et doit donc être renversée et remplacée par une autre, aujourd'hui la bourgeoisie par le prolétariat, enfin bref ça revient au même)...

    Tout ceci n'étant finalement rien de plus qu'une version "belliqueuse" de la théorie du pouvoir d'une autre figure intellectuelle sur laquelle nous reviendrons plusieurs fois dans cette étude : Michel Foucault (ici en anglais) avec sa théorie du pouvoir "partout", immiscé dans toutes les relations sociales et finalement "nulle part" au sens où toute tentative de comprendre-identifier le Pouvoir majuscule, le "principe organisateur" qui sous-tend dans la société tous ces rapports de pouvoir entre un dominant et un dominé, ne pourrait être en définitive qu'un "métarécit", un "grand mot illusoire" tel que "Lumières", "Progrès" ou "Révolution", à vocation forcément "totalitaire".

    En s'enfermant dans cette logique, on peut donc effectivement dire que Curcio prend place parmi les "pères" idéologiques d'un certain postmodernisme "de combat" (une bonne critique matérialiste de cela ici) (il a, pour sa part, officiellement renoncé peu après ce texte à la lutte armée, il faut dire, vous imaginez un peu le carnage avec une telle logique en armes ?) ; ou encore du totoïsme de type Tiqqun que nous connaissons aujourd'hui : tout est lutte, la vie sociale entière est lutte (et nous ne disons pas, en effet, qu'un quelconque rapport-aspect de la vie sociale devrait échapper à la critique politique révolutionnaire), mais faute de poser la QUESTION DU POUVOIR (cette étude, vous le verrez, nous ramènera souvent à ce point clé), du "principe organisateur" (selon les mots de Louisa Yousfi) qui fait de chacun de ces rapports sociaux une domination, la "lutte" part dans tous les sens, ne va nulle part et s'épuise, demeurant quel que soit son niveau de violence (casser des "symboles" de la domination, attaquer physiquement des oppresseurs) inoffensive pour le système qui s'auto-reproduit sans cesse.

    Il est donc en cela doublement intéressant à citer comme référence dans cette étude : comme analyse très intéressante, à base d'économie politique marxiste, de notre société actuelle "base" de tout ce que nous allons décrire ; mais aussi comme exemple d'"enfermement" dans ce paradigme ("schizo-métropolitain" selon ses mots) et de dérive idéologique "matrice" de l'aile ultra-gauche de ce fascisme anti-politique que nous dénonçons.]

    [On peut peut-être aussi, ici, citer encore, en un temps (1977) de littérale genèse de notre époque "post-moderne", le grand maoïste Robert Linhart : Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf

    "Personnellement, je pense que Mai 68 a vu un double mouvement : une tentative d’expression prolétarienne de la classe ouvrière accablée par le chômage et les difficiles conditions de vie que lui imposait le gaullisme ; et une irruption qui a pris le devant de la scène, de la petite bourgeoisie intellectuelle avide de transformer la société d’une certaine façon et d’y prendre des positions de pouvoir. Et je pense que Mai 68 a effectivement contribué à un renouvellement massif de la participation de la petite bourgeoisie au système de pouvoir du capitalisme. Cela s’est fait entre autres par l’intermédiaire des praticiens des soi-disant « sciences humaines », le développement du quadrillage psychiatrique, psychanalytique, psychologique, sociologique, pédagogique ; par la formation permanente, l’urbanisme, la production culturelle… « L’imagination au pouvoir » : ce mot d’ordre concentrait la revendication d’une petite bourgeoisie refoulée par la forme de domination bourgeoise en place, et qui a obtenu de participer au remodelage de cette forme de domination. (...)

    Au début des années 1960, il était évident que la France était un pays impérialiste, mais la conscience qu’en avaient les gens, ça crevait les yeux. Il y avait toute une génération qui sortait de la guerre d’Algérie, qui avait vécu Massu, la torture. De plus, le conflit entre l’impérialisme et les peuples révolutionnaires du monde s’incarnait d’une façon exemplaire au Vietnam. Il y avait là une certaine évidence.

    Aujourd’hui, la France est évidemment un pays impérialiste, mais la conscience qu’en ont les gens, et en particulier les intellectuels, est beaucoup plus faible. La France est en ce moment en train de mettre à sac le Gabon, le Maroc, l’Amazonie, le Mato Grosso : c’est la plus-value drainée par les investissements français dans le monde entier qui permet à la bourgeoisie française de restructurer son industrie et gérer un énorme chômage sans avoir encore provoqué une explosion sociale [L’IMPÉRIALISME au cœur fondamental de l'"association Capital-Travail", de l'achat corporatiste des masses par les dominants ; d'autant plus important, si l'on en revient à Curcio, que les efforts désespérés de celui-ci pour "repenser" la révolution sociale dans la "schizo-métropole usine totale" semblaient de fait totalement déconnectés... de la lutte anti-impérialiste dans la "périphérie" semi-coloniale mondiale, dont il est désormais une évidence factuelle - après toutes les expériences révolutionnaires du siècle dernier - qu'elle est le "moteur" de la révolution mondiale qui seul peut "pousser" les luttes jusqu'au pouvoir au cœur de la "métropole"].

    Tous ces mécanismes, ce sont les mêmes qu’auparavant, mais on les connaît moins, et on s’en scandalise moins.

    Alors, il se passe que les idéologues qui sont toujours prêts à tourner comme des girouettes et à se rallier au vent dominant, sont en train de le faire. En 1965-66, ils étaient du côté du marxisme parce qu’il y avait toute une crise de l’idéologie bourgeoise, et la protestation humanitaire contre les guerres coloniales. Mais aujourd’hui, la situation est beaucoup plus complexe et quoique les mécanismes objectifs soient profondément les mêmes, la bourgeoisie maîtrise beaucoup mieux l’image de ses formes de domination et a su utiliser la restauration du capitalisme en URSS pour en faire un épouvantail anticommuniste. La tension idéologique est donc plus dure et il est bien plus difficile d’avoir une position marxiste aujourd’hui."]

    [Et puis, puisqu'il a été question d'Italie et de toute cette époque... osons peut-être un petit Pasolini :

    « Si l’on observe bien la réalité, et surtout si l’on sait lire dans les objets, le paysage, l’urbanisme et surtout les hommes, on voit que les résultats de cette insouciante société de consommation sont les résultats d’une dictature, d’un fascisme pur et simple. Dans le film de Naldini, on voit que les jeunes étaient encadrés et en uniforme… Mais il y a une différence : en ce temps-là, ces jeunes, à peine enlevaient-ils leurs uniformes et reprenaient-ils la route vers leur village et leurs champs qu’ils redevenaient les Italiens de 50 ou 100 ans auparavant, comme avant le fascisme. Le fascisme avait en réalité fait d’eux des guignols, des serviteurs, peut-être en partie convaincus, mais il ne les avait pas vraiment atteints dans le fond de l’âme, dans leur façon d’être. En revanche, le nouveau fascisme, la société de consommation, a profondément transformé les jeunes ; elle les a touchés dans ce qu’ils ont d’intime, elle leur a donné d’autres sentiments, d’autres façons de penser, de vivre, d’autres modèles culturels. Il ne s’agit plus, comme à l’époque mussolinienne, d’un enrégimentement superficiel, scénographique, mais d’un enrégimentement réel, qui a volé et changé leur âme. Ce qui signifie, en définitive, que cette “civilisation de consommation” est une civilisation dictatoriale. En somme, si le mot de “fascisme” signifie violence du pouvoir, la “société de consommation” a bien réalisé le fascisme. » (...) « Le fascisme, je tiens à le répéter, n’a pas même, au fond, été capable d’égratigner l’âme du peuple italien, tandis que le nouveau fascisme, grâce aux nouveaux moyens de communication et d’information (surtout, justement, la télévision), l’a non seulement égratignée, mais encore lacérée, violée, souillée à jamais… » (...) « Aucun centralisme fasciste n’est parvenu à faire ce qu’a fait le centralisme de la société de consommation. Le fascisme proposait un modèle réactionnaire et monumental, mais qui restait lettre morte. Les différentes cultures particulières (paysannes, sous-prolétariennes, ouvrières) continuaient imperturbablement à s’identifier à leurs modèles, car la répression se limitait à obtenir leur adhésion en paroles. De nos jours, au contraire, l’adhésion aux modèles imposés par le centre est totale et inconditionnée. On renie les véritables modèles culturels. L’abjuration est accomplie. On peut donc affirmer que la "tolérance" de l’idéologie hédoniste voulue par le nouveau pouvoir est la pire des répressions de toute l’histoire humaine. » (...) « Sous couvert de démocratie, de pluralité, de tolérance et de bien-être, les autorités politiques, inféodées aux pouvoirs marchands, ont édifié un système totalitaire sans nul autre pareil »Pasolini-fascisme-moderne.pdf Pasolini-force-passé.pdf – mais en réalité, il n'y a pas une telle opposition entre les deux comme il semble vouloir le décrire : le "fascisme de consommation" dont il parle est tout simplement L'ABOUTISSEMENT d'un processus dont la grande "révolution" modernisatrice du fascisme mussolinien a été (en Italie) le point de départ.

    Et puis, plus fort encore (et propos de sa part restés relativement connus) : « Il existe aujourd’hui une forme d’antifascisme archéologique qui est en somme un bon prétexte pour se décerner un brevet d’antifascisme réel. Il s’agit d’un antifascisme facile, qui a pour objet et objectif un fascisme archaïque qui n’existe plus et qui n’existera plus jamais. (…) Voilà pourquoi une bonne partie de l’antifascisme d’aujourd’hui, ou du moins de ce que l’on appelle antifascisme, est soit naïf et stupide, soit prétextuel et de mauvaise foi  ; en effet, il combat ou fait semblant de combattre un phénomène mort et enterré, archéologique, qui ne peut plus faire peur à personne. C’est, en somme, un antifascisme de tout confort et de tout repos » ; et ils (les gauchistes, les antifas) « utilisent contre le néo-capitalisme des armes qui portent en réalité sa marque de fabrique et qui ne sont destinées qu’à renforcer sa propre hégémonie », ils « croient briser le cercle et ne font que le renforcer »...]

    "Fascisme" ou "dictature de l'anti-politique" car c'est bien là ce dont il s'agit : non plus, comme le fascisme et globalement l'anticommunisme "à l'ancienne", opposer une vision politique à une autre vision politique, et une mobilisation de masse à une autre sur la base de ces visions antagoniques ; mais DÉPOLITISER les masses... tout simplement, pour que rien de "bien dangereux", pas de dangereuse guerre civile à l'ordre du jour, ne vienne perturber le consensus de gestion de l'économie de marché en crise et de maintien le plus possible, face à cette crise, de la vitale "association Capital-Travail" ("équilibre" désormais impossible entre la nécessité capitaliste d'augmenter le taux de profit et celle d'un pouvoir d'achat des masses travailleuses pour que fonctionne la "société de consommation").

    Tel est ; et non le "spectacle" fasciste à l'ancienne des livres d'histoire que d'aucuns semblent encore s'obstiner à attendre pour le combattre, et à traquer dans un militantisme (Gabriac & co) groupusculaire ; le Talon de Fer sous lequel nous vivons actuellement et dont il nous faut avant tout nous extraire.

    D'ailleurs même les extrême-droites, les "droites radicales populistes", que l'on peut à la rigueur continuer à considérer comme les forces politiques bourgeoises les plus dangereuses par les mesures ultra-policières, racistes, antipopulaires et antisociales qu'elles promettent (et qui se distinguent par ailleurs du "consensus néolibéral" par leur ligne économique protectionniste et géopolitique anti-atlantiste - encore que pas toujours...), sont foncièrement anti-politiques : où sont les hordes de Chemises noires ou brunes tenant la rue et y organisant une véritable contre-société, en opposant au projet révolutionnaire communiste une véritable vision du monde ? Il n'y en a pas, tout simplement, ou presque ; les quelques centres intellectuels et activistes dans ce cas, comme Casapound, sont extrêmement marginaux. L'électeur de base de ces forces, il est dans son fauteuil, devant sa télé, à avaler la propagande (du "système" lui-même !) autour de l'"insécurité" tout en se forgeant une conviction de "tous pourris et incompétents" (en même temps, devant la dégradation constante des conditions d'existence, il y a de quoi...), et en se crispant sur les "valeurs d'il y a encore 30 ou 40 ans" (cela fait, en fait, 30 ou 40 ans que ces supposées valeurs sont celles "d'il y a 30 ou 40 ans"...) face au "progressisme" et à l'injonction d'"évoluer" hégémoniques.

    Il en va d'ailleurs exactement de même des courants plus "rupturistes" et "anti-système" comme celui d'Alain Soral : des geeks devant leurs ordinateurs. Même ceux qui, trollant gaiement les fils de commentaires internétiques sur tout et n'importe quel sujet d'actualité, se croient ainsi investis "grands intellectuels" sont en réalité d'un niveau proche du zéro absolu (mais ce qui est inquiétant, c'est que parfois... moins qu'à gauche !). Cela n'a rien, pas l'ombre, de quelque chose de politique au sens des Faisceaux italiens ou des SA allemands. Et Sarkozy, dont nous avons beaucoup eu l'occasion aux débuts de ce blog de nous interroger sur la nature politique de-quoi-sarkozy-est-il-le-nom, avait quant à lui totalement calqué son style sur celui de Silvio Berlusconi en Italie : encore une autre "splendide" illustration de la "politique" anti-politique télévisée...

    "Mort des idéologies" (... enfin, surtout du matérialisme communiste !) ; vive la "démocratie" et le "progressisme" !

    Alors bon d'abord, pour comprendre ce vaste (immense) sujet, il faut certes comprendre le contexte qui est celui de la prétendue "Fin de l'Histoire". Il faut comprendre la grande différence qu'il y a avec la deuxième (et plus aiguë) phase de la première crise générale du capitalisme, celle qui englobe les deux premières guerres mondiales et leur entre-deux : cette époque, celle des fascismes, était aussi et surtout celle de l'essor extraordinaire de la lutte révolutionnaire communiste, de la révolution prolétarienne mondiale, à partir d'Octobre 1917. C'est aussi, voire surtout cela qui explique le fascisme d'ancien type, spectaculaire et violent ; le fascisme tel que le langage courant le conçoit.

    Au contraire, le développement de la nouvelle crise générale du capitalisme (à partir des années 1970) est allé de pair avec l'essoufflement et l'échec des expériences révolutionnaires nées de cette vague précédente ; ou plutôt des capitalismes d’État révisionnistes à l'appareil de lutte (initialement) contre la Réaction mis au service de l'engraissement et des privilèges, du maintien et de la reproduction par cooptation d'une caste néo-bourgeoise (très majoritairement reconvertie depuis dans les "affaires"...) née du triomphe à leur tête de la voie liquidatrice des objectifs révolutionnaires (communistes) initiaux ; et dans les autres pays, ceux où les communistes n'étaient pas au pouvoir, de la transformation des Partis historiques en forces réformistes, "aiguillons de gauche" pro-travailleurs de l'"association Capital-Travail".

    De fait, dès la mort de Mao en Chine (et même dès les dernières années de sa vie), les forces politiques qui derrière lui combattaient cette voie liquidatrice révisionniste (principalement portée par l'URSS et les Partis alignés sur elle) n'ont elles-mêmes plus consisté qu'en une guéguerre contre les révisionnistes... ou simplement entre elles, sans apporter véritablement à la Pensée communiste l'enrichissement nécessaire pour sortir de ce cycle infernal ; donc finalement un révisionnisme elles aussi ; et au milieu des années 1980 tout était terminé (et le retour en force du trotskysme, à la faveur de l'effondrement des régimes "staliniens" en 1989, n'a lui non plus mené nulle part).

    Cet enrichissement nécessaire, nous sommes maoïstes parce que nous pensons que c'est le marxisme-léninisme-maoïsme, qui n'est pas "la pensée de Mao" mais une SYNTHÈSE opérée dans les années 1980 à partir des apports de Mao et de nombreux autres penseurs communistes anti-révisionnistes des années 1960 et 70, qui est en mesure de (commencer à) l'apporter ; à la condition (selon nous, "identitaire" pour Servir le Peuple depuis ses premiers articles) de ne pas devenir un néo-dogmatisme autosuffisant mais de savoir s'ouvrir et prendre autour de lui des réflexions théoriques extérieures qui isolément ne sont pas des "dépassements" et encore moins des "substituts" au marxisme, mais qui travaillées et synthétisées à la lumière du matérialisme dialectique (du marxisme-léninisme-maoïsme, actuellement) peuvent contribuer plus qu'utilement à cet enrichissement. Mais bref... Nous aurons l'occasion d'y revenir et ce n'est pas le sujet central ici.

    Donc évidemment il y a eu cette faillite intellectuelle, culturelle, morale (de voir des gens se réclamant "des travailleurs", et promettant une société sans classes, devenir des "princes rouges" nantis) qui a totalement discrédité les idées marxistes en général aux yeux des masses dans le monde entier. Cependant, s'il est important de pointer du doigt cette responsabilité, il n'est pas possible de l'incriminer à elle seule. Ce serait même en fait, aujourd'hui, combattre des moulins à vent : fondamental dans l'encadrement et la "canalisation" des masses à l'époque de la grande agitation révolutionnaires des années 1960-70, tout ce courant politique n'existe plus désormais. Qui se réclame encore, aujourd'hui, d'un "marxisme-léninisme" à la Brejnev ou Marchais ? Le travail politique sur internet (forums de discussion, aujourd'hui réseaux sociaux), outil de communication dont il faut savoir profiter, présente en contrepartie le défaut d'être un miroir déformant : en réalité, ces courants (autour du "Cercle Henri Barbusse" par exemple) ne représentent RIEN, surtout mis en perspective avec le potentiel qu'ils devraient avoir – les centaines de milliers de personnes qui ont... milité sous cette idéologie au PCF ou à la CGT dans les années 1970, et sont encore en vie, ou leurs enfants qui ont "grandi dedans"...

    Le révisionnisme porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle (ses capitalismes d’État se sont tout simplement pris de plein fouet la crise mondiale dans la poire, et n'y ont pas survécu...), mais tout est dialectique et le terrain a aussi été préparé en face, dès une grosse dizaine d'années avant la Chute du Mur ; et c'est surtout le résultat de cette préparation qui est ce dans quoi nous baignons à l'heure actuelle et que nous devons combattre.

    L'idée "de génie" au moment de cet effondrement des capitalismes d’État révisionnistes, déjà préparée depuis 10 ou 15 ans auparavant, a concrètement consisté à ne pas présenter, en dépit des milliers d'idéologues et d'activistes conservateurs ou même fascistes "recyclés" mis à contribution, cette victoire du "monde libre" anticommuniste comme la victoire d'une idéologie sur une autre, mais comme la défaite des idéologies en général (parce que "les idéologies", en fait, "voilà le Mal" !). On a d'ailleurs pu voir très concrètement comment dès les années 1980 tous ces régimes fascistes ou en tout cas d'ultra-droite, de terreur blanche, juntes militaires ou autres, y compris l'abominable régime d'apartheid sud-africain d'inspiration nazie (le Parti national était issu d'un mouvement pro-nazi, saboteur de l'effort de guerre pro-britannique pendant la Seconde Guerre mondiale...), utilisés pour le containment durant la Guerre froide, ont été précipitamment remisés aux oubliettes une fois la victoire assurée.

    Tout le monde a entendu parler des "Nouveaux Philosophes" (qui par leur niveau intellectuel littéralement discount, au regard de ce titre de "philosophes", sont déjà en eux-mêmes tout le programme en résumé...). Tout le monde (ou à peu près) connaît également leur origine politique à gauche, voire à l'extrême-gauche, parfois dans le "maoïsme" superficiel gravitant autour du Sartre période Cause du Peuple, ou alors le trotskysme, ou le PSU – en vérité d'ailleurs, même à cela ils auront servi dans le dispositif contre-révolutionnaire préventif actuel : incarner physiquement le pseudo-argument "gauchiste aujourd'hui, chien de garde du système demain". Certes, aujourd'hui, à part (pour quelques-uns comme BHL) à la droite de la droite, plus personne ne les considère "de gauche" (pas plus que leurs équivalents les néoconservateurs anglo-saxons) ; la plupart, s'affichant avec Sarkozy et consorts, ne s'en réclament d'ailleurs même plus ; et certains comme Finkielkraut ou Bruckner sont même directement assumés par la droite radicale. L'eau, il faut le dire, a coulé sous les ponts. Mais ils n'en sont pas moins l'illustration centrale de ce qu'il s'est passé : le rôle, le devenir de la gauche anticommuniste dans le processus.

    La gauche anticommuniste a toujours existé. Lénine a littéralement construit le marxisme-léninisme dans le combat contre le réformisme et le révisionnisme de premier type, celui de Bernstein ou des "austro-marxistes", des menchéviks et même d'un homme qui très longtemps, jusqu'à la Première Guerre mondiale, avait semblé incarner la défense des principes révolutionnaires du marxisme, Karl Kautsky. Ensuite de quoi, après le succès de la Révolution bolchévique, il a également produit un ouvrage phare contre le gauchisme, qui se charge de faire échouer les révolutions en décidant d'ignorer délibérément leurs conditions concrètes au nom de la "pureté". Le dispositif était donc, si l'on peut dire, déjà là.

    Mais les choses étaient néanmoins différentes. "Sociaux-traîtres", "vendus" ou "provocateurs-saboteurs aventuristes", ces gens n'en faisaient pas moins partie (et c'était tout le problème) du mouvement ouvrier. D'ailleurs... il existait un mouvement ouvrier. Les réformistes ne faisaient pas que proposer des réformes : ils pouvaient, s'ils arrivaient au pouvoir, ou exerçaient suffisamment de pression sur lui, en apporter effectivement aux masses populaires laborieuses. Si les Partis de l'Internationale de 1919 sont pour la plupart, à partir des années 1930 et surtout de 1945, devenus réformistes, c'est que cette possibilité (pour maintenir leur existence politique !) existait.

    Aujourd'hui (en Occident), entre tertiarisation de l'économie, atomisation de la production en minuscules collectifs, "petit-embourgeoisement" des décennies de "société de consommation" ayant anéanti toute culture prolétarienne, et pour ainsi dire impossibilité matérielle (pris dans le coût de la vie et l'absence d'autosuffisance) d'assumer plus d'un jour de grève par mois, le mouvement ouvrier est laminé. La crise capitaliste généralisée des années 1920-30 offrait une porte de sortie par les réformes : la fameuse "association Capital-Travail" (encore une fois), l'"intéressement" des travailleurs à la bonne marche de l'économie, qui semblait avoir fait défaut auparavant, "causant" l'infâme lutte des classes. Mais la nouvelle crise, depuis les années 1970... est précisément une crise de cette "association" ! Le réformisme est donc devenu un réformisme sans réformes (tout juste capable de "sauver" un peu celles du passé, ou de les démolir le "moins douloureusement" possible pour les masses).

    Et parallèlement donc, dans la continuité des "Nouveaux Philosophes", la gauche anticommuniste (désormais totalement hégémonique à gauche) est devenue un élément pur et simple du dispositif de contre-révolution préventive.

    Un élément central de l'anéantissement du matérialisme dialectique, et de toute vision POLITIQUE du monde, sous le triomphe du "progressisme" : concept qui ne mange pas de pain... puisque tout le monde peut s'en réclamer, et notamment en premier lieu les (néo-)libéraux économiques, y compris version thatchérienne de droite, pourfendant les "conservatismes", les "archaïsmes" et les "privilèges corporatistes". Le "néolibéralisme" est presque d'ailleurs devenu lui-même un terme fourre-tout, interdisant la finesse d'analyse requise par la situation : Macron, par exemple, est un "néolibéral"... oui, mais encore ? En fait, si l'on s'y penche, sa pensée puise entre autres dans un certain christianisme... "social" (Ricœur) et économiquement dans la "théorie du ruissellement" et (rejoignant un peu celle-ci) le "libéralisme égalitaire", ce dernier porté notamment par l'économiste indien Amartya Sen qui, avec ses idées de "micro-crédit" censées assurer une véritable "égalité des chances" au départ (mais évidemment pas des réussites à l'arrivée... mais voyez-vous, ensuite la richesse "ruisselle" et "crée de la richesse", donc ça va !), a pu connaître à l'époque de son Prix Nobel (1998) un certain engouement dans les milieux... altermondialistes "équitables" (a priori "anti-néolibéraux") ! L'on voit bien ici comment, à coups de "progressisme", tout se rejoint !!

    Pour conclure sur cette question de la "Nouvelle Philosophie", nous pourrons citer ce petit article paru récemment et hautement instructif sur la matrice de celle-ci dans, outre l'orbite de l'"École de Francfort" (Marcuse, Adorno etc.), la mouvance post-structuraliste autrement nommée postmoderne des années 1970, dont la figure centrale était Michel Foucault : edward-said-sur-sa-rencontre-avec-sartre-beauvoir-et-foucault

    Pour revenir encore une fois au thème du militantisme internet... eh bien, nous pouvons vous dire que le partage de ce texte sur les réseaux sociaux fait perdre des amis, sans pour le coup le moindre argument à opposer à l'évidence de ce cinglant témoignage d'une icône sur 3 autres.

    Sartre, le "compagnon de route" de tous les combats révolutionnaires jusqu'aux maos de la Gauche prolétarienne, préfaceur mythique - même - des Damnés de la Terre de Fanon, que la plume d'Houria Bouteldja du PIR (que nous tenons et assumons tenir pour l'une des rares figures actuelles de cette POLITIQUE que nous voulons remettre au poste de commandement, nous y reviendrons) avait déjà "fusillé" intellectuellement pour son incapacité à se positionner clairement contre l’État colonial sioniste ; et donc maintenant en prime... Foucault, à travers le témoignage postérieur (post-mortem, en fait) de Deleuze quant à une position pro-sioniste similaire. Foucault qui a très largement parrainé et "lancé" les "Nouveaux Philosophes" (notamment BHL), aujourd'hui au cœur de l'hégémonie intellectuelle "démocratique" néolibérale ; mais qui également, non seulement était mais RESTE (comme d'ailleurs Sartre) une figure intellectuelle de la gauche RADICALE et même ultra-radicale, déjà ici, et de façon totale dans les pays anglo-saxons où il n'a pas été confronté au contrepoids des philosophies "marxistes-thorézistes othodoxes-un-peu-réac" à la Bourdieu ou Clouscard (avant que les sous-produits de sa pensée outre-Atlantique nous reviennent... en boomerang ici). 

    Et Beauvoir, l'icône féministe et même d'un féminisme plutôt anti-bourgeois (une bonne citation d'elle circulait dernièrement à ce sujet), qui donc sous les yeux de Saïd préfigure littéralement la croisade "féministe" contre le voile islamique, la persécution islamophobe de ses porteuses au nom du "progressisme" anti-patriarcal... On a en fait l'impression, dans ce témoignage, de voir la préfiguration de tout ce que nous connaissons aujourd'hui en matière de "dispositif contre-révolutionnaire progressiste postmoderne". Jusque dans le faux antiracisme/anticolonialisme ; avec donc les positions siono-complaisantes de Sartre, auxquelles on pourra éventuellement objecter que "la vieillesse est un naufrage" ou encore que de telles positions n'étaient pas non plus une anomalie totale dans la gauche péri-communiste de sa génération (avec le traumatisme de la Shoah, l'illusion de "socialisme" que pouvait donner Israël – plus encore que Rojava aujourd'hui LOL ! – et le soutien des démocraties populaires à sa création en 1947) ; mais aussi et surtout de Foucault, nettement plus jeune... et qui de l'autre main, s'était illustré par son soutien à la République islamique de Khomeyni en Iran ! Au regard de notre propre expérience (retour du général vers le particulier...), il n'est pas possible de ne pas voir en cela un reflet de ce genre de positions de pseudo-"alliés blancs" de l'antiracisme politique (ou encore ici, et ici plus largement un groupuscule qui incarne, cristallise toute cette fakerie gauchiste). Nous avons déjà longuement parlé sur ce site, et reviendrons plus loin sur ce rôle de "révélateur" que joue souvent la question d'Israël et de la Palestine.

    S'il est utile de le préciser (apparemment, ça l'est toujours) : il n'est pas "mal" de s'intéresser aux superstructures (et à leur relative autonomie) du capitalisme et de l'impérialisme. Ce n'est pas anti-matérialiste ; ces superstructures n'étant pas "extérieures" à la matière. Le fait que Saïd, justement, ou encore Shari'ati s'intéressent à l'aspect culturel de la domination impérialiste sur les pays musulmans, et aux "discours" qui l'accompagnent dans les pays impérialistes ; ou Fanon à la psychologie induite chez les indigènes par la colonisation ; ne leur fait pas perdre de vue une seconde (comment le pourraient-ils, tant elle est marquée dans leur chair !) l'infrastructure économique et politique de celle-ci. Nous employons ici le terme "spectacle" emprunté à Guy Debord (société-du-spectacle), parce que nous pensons que le "spectacle" comme superstructure par laquelle un ordre social se maintient et se reproduit est une réalité ; mais nous ne souscrivons évidemment pas à la daube idéologique anticommuniste qu'est le situationnisme, et au contraire chaque paragraphe de cette étude est une invitation à ne pas s'arrêter au "spectacle" et à aller regarder l'infrastructure derrière. Le camarade indien Ajith (ici, article hostile de bolosses réacs) reconnaît l'apport possible du postmodernisme à la Pensée communiste, si l'on sait s'emparer des questions qu'il soulève pour y répondre à la lumière du matérialisme marxiste.

    Le problème, c'est de ne plus voir que la superstructure et de penser qu'il suffit de la détruire (par la "critique") pour que la révolution soit finalement un problème réglé ; quand il ne s'agit pas carrément de laisser entendre (comme l'"École de Francfort" brièvement mentionnée plus haut) qu'elle serait devenue "invincible" et donc que la révolution n'est plus possible, ou alors qu'il faudrait la "repenser" d'une façon qui la rend concrètement impossible ; alors que c'est tout le contraire : il faut, oui, comprendre la superstructure et la critiquer-démasquer pour pouvoir mobiliser dans la révolution ("désaliéner" les masses, si l'on veut), mais c'est uniquement à partir de l'infrastructure, de la révolution dans celle-ci que la superstructure de maintien-reproduction de l'oppression disparaîtra.

    Le risque, devenu totalement et tragiquement réalité, c'est donc de basculer de cette critique des superstructures dans le subjectivisme et l'idéalisme ; de ne plus voir qu'elles et de déboucher au final dans cet élément central du dispositif que nous allons voir plus loin : le remplacement de la politique par le MORALISME.

    Alors certes aujourd'hui, on n'a pas vraiment l'impression que le "gauchisme" est hégémonique intellectuellement. C'est plutôt la Réaction la plus noire, fut-elle portée par des "gauchistes" repentis et/ou au nom de valeurs "de gauche" comme le féminisme ou la laïcité, qui semble l'être. Elle se déverse en torrents dans tous les médias. La génération née après 1990, en étude d'ensemble (pas votre impression personnelle sur les réseaux sociaux, où l'on ne parle vite qu'à ceux qui pensent comme nous), est réputée être la plus réac depuis 1945. Mais pourtant, la clé est là. La clé de cette hégémonie intellectuelle réactionnaire réside dans le fait que "la gauche" est devenue toute entière un dispositif tourné contre l'éclosion d'une véritable Pensée révolutionnaire, pour mener la révolution dans chaque pays donné et (évidemment) combattre les idées de droite (et arracher les réformistes sincères au réformisme "sans réformes").

    C'est cela qui nous fait dire (citation de l'article plus haut) que "la gauche" est, sinon "l'ennemi principal", du moins le premier anneau de fer à briser ; comme le PIR peut dire que ("parce que l'alliée privilégiée") "elle est l'adversaire première" ; et ce y compris (voire surtout) la gauche RADICALE – car ce n'est pas une question de "radicalité" (apparente) des positions et des pratiques.

    Il y a (donc) un "progressisme", un "ultra-démocratisme" qui a remplacé le matérialisme scientifique révolutionnaire, et qui chaque jour se dédie à en étouffer la renaissance. Et ce "progressisme" peut tout à fait être "radical" : il y a des gens qui ne sont (en apparence) pas du tout favorables au "néolibéralisme", ni aux "Nouveaux Philosophes", et même leurs ennemis "jurés" ; qui sont résolument en "guerre" contre "ce monde", "LEUR monde". Qui peuvent, éventuellement, enfiler une cagoule et aller casser des vitrines de banques ; et qui parfois, pour cela, se font choper par les flics et finissent en taule (autre principe de la contre-révolution préventive contemporaine : on a le droit de penser tout ce qu'on veut, ce qui est interdit c'est d'agir). Sous les appels (bien sûr) à la solidarité. Mais pourtant, de ce "progressisme", ils en font partie ; ces gauchistes qui "utilisent contre le néo-capitalisme des armes qui portent en réalité sa marque de fabrique, et qui ne sont destinées qu’à renforcer son hégémonie" (encore une fois Pasolini...). Car il n'y a pas de rupture possible avec tant qu'il n'y a pas, et même que toute l'activité "radicale" est tournée contre, l'émergence d'une véritable Pensée révolutionnaire POLITIQUE.

    Cet ultra-démocratisme, que qualifier d'"anarchiste" serait faire insulte aux monuments d'anarchisme POLITIQUE que pouvaient être Nestor Makhno ou la CNT-FAI des années 1930 dans l’État espagnol, imprègne absolument toute la "radicalité" même la plus ultra. Il y a un (petit) renouveau du marxisme, et même du marxisme-léninisme et du maoïsme : la Guerre populaire a été écrasée au Pérou, dans le pire bain de sang qu'ait connu l'Amérique latine après 1985 (et de façon... tout à fait "démocratique", sans junte de caudillos à galons), mais ensuite il y a eu l'expérience du Népal (certes trahie depuis, mais qui n'en a pas moins existé), la reprise de la lutte aux Philippines, la Guerre populaire en Inde qui progresse (certes péniblement), les organisations de Turquie qui ont pas mal souffert dans leur pays mais sont actives dans la diaspora en Europe et assurent une bonne propagande, tout cela "portant" un revival ; il y a les Partis révisionnistes historiques qui jettent le masque à terre, assument le réformisme et des gens sincères qui réagissent face à cela, etc. bref ; mais tout ce renouveau, c'est le constat auquel nous en sommes rendus, a les plus grandes difficultés à s'extraire de l'hégémonie "progressiste" ambiante, et à commencer à penser politiquement la révolution dans les pays occidentaux. À moins de, en réaction à cet "anarcho-gauchisme"... se crisper sur le dogmatisme (trotskyste, marxiste-léniniste "stalinien", ou même parfois "maoïste") le plus fossilisé, folklorique et au final ridicule (et généralement tout aussi internétique, comme le bien connu "Jo Staline"/"Abel Kelen" ici ou encore, outre-Atlantique, le mouvement des "Red Guards" critique-d-une-position-terriblement-erronee).

    En fait, marxisme ou pas (ou pourquoi pas "marxisme critique"... ou autre), il semble presque impossible de s'extraire de ce qui ressemble à un savant nœud coulant (vous savez, quand plus on s'agite plus ça serre) : nous avons sous les yeux un MICROCOSME (le mot est presque devenu un lieu commun... y compris et même surtout en son propre sein), un petit milieu en vase clos, coupé des masses populaires qui baignent dans l'hégémonie réac, et plus les gens se radicalisent dans leurs postures, plus ils s'en coupent.

    La "radicalité" n'est donc pas la solution... Elle est même, en fait, encore plus le problème ; car comme nous l'avons dit, le réformisme est aujourd'hui sans réformes... donc finalement pas un danger à long terme, avec ses "phénomènes" qui ne "gonflent" que par vases communicants (Mélenchon en 2017 avec la faillite du PS, par exemple) pour se dégonfler aussitôt ; inversant en quelque sorte le schéma de l'époque de Lénine (où c'était clairement le problème principal, et le gauchisme un épiphénomène marginal) : c'est sous la "radicalité" gauchiste qu'étouffe aujourd'hui, en réalité, le plus l'éclosion d'une Pensée matérialiste des problèmes et le retour de la Politique majuscule (alors que le réformisme sans réformes devrait plutôt en être un engrais).

    [Pour citer, au sujet de tout ce qui vient d'être dit, le (n)PCI ; en précisant encore une fois que nous ne partageons pas (plus) les conclusions qu'il tire de ses propres raisonnements et sa stratégie en pratique (c'est expliqué dans l'article) :

    "Gramsci dit que la révolution comme insurrection fonctionne pour la bourgeoisie de la Révolution Française (1789) jusqu’au moment où la classe ouvrière surgit comme nouvelle classe révolutionnaire (1848). Passée cette date, la bourgeoisie cesse d’être une classe révolutionnaire en lutte contre le clergé et les nobles, et se met en état de guerre contre la classe ouvrière. La guerre contre la classe ouvrière, la bourgeoisie la prépare minutieusement et techniquement en temps de paix, avec quantité de tranchées et fortifications dans la structure massive des démocraties modernes, tant comme organisations étatiques que comme ensemble des relations dans la vie civile.

    Cette structure massive des démocraties modernes est le régime de contre-révolution préventive. La révolution ‘pousse’, c’est un mouvement objectif, et la bourgeoisie construit un appareil fignolé dans ses moindres détails pour contrer la volonté et la nécessité de participation et d’auto-gouvernement des masse populaires, contre le moindre délégué syndical non asservi, contre le centre social autogéré, contre un Mouvement Cinq Étoiles [de Beppe Grillo] qui n’accepte pas les normes préétablies pour participer au petit théâtre de la lutte politique bourgeoise, et surtout contre la plus grande expression d’autonomie et d’indépendance de la classe ouvrière et des masses populaires, le Parti communiste. Cet appareil est précisément la contre-révolution préventive, appliquée dans les pays impérialistes. Contre cet appareil, la stratégie des communistes est la Guerre populaire révolutionnaire de longue durée, par laquelle l'accumulation de forces et la conquête de nouveaux territoires (l'expansion de l’hégémonie sur les masses populaires aux dépens de la bourgeoisie) sont un travail tout aussi minutieux, qui pas à pas amène à l’affrontement militaire proprement dit."]

    [Et l'on ne peut pas, puisque l'extrait du (n)PCI ci-dessus le cite, ne pas parler de Gramsci et de sa "société civile" ; Gramsci assistant, en fait, aux prémisses des prémisses de tout ce que nous sommes en train de voir, opposant "Orient" (incluant la Russie où venait de se dérouler la Révolution d'Octobre) et "Occident" comme on pourrait opposer "il y a 100 ans" et "aujourd'hui" (à noter qu'il ne voit pas l'État comme le "donjon" qu'entoure la "société civile", mais comme une première tranchée avancée derrière laquelle se cache celle-ci ; et c'est vrai que "l'Étaaaat" comme objectif final est lui aussi encore un autre fantasme anarchisant : le véritable "donjon", c'est le Pouvoir de la propriété privée des moyens de production).

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/encore-une-fois-sur-la-question-de-gramsci-de-ses-theses-societe-civil-a139371192

    Pour Gramsci donc, gagner le pouvoir dans les sociétés capitalistes occidentales développées implique de gagner les mentalités, la culture, autant de "casemates" et de "tranchées avancées" qui défendent l'ordre bourgeois même lorsque l'appareil d'État s'effondre... Et nous donc, tout ce que nous avons vu jusqu'ici et allons voir par la suite consiste en dernière analyse en ce dispositif tel qu'il est aujourd'hui, au 21e siècle, et la façon dont la gauche anti- ou critique du capitalisme, ayant perdu toute notion de matérialisme, est devenue partie intégrante de cette "robuste chaîne de forteresses".

    P.S : Illitch = Lénine, pour brouiller la censure fasciste.

    "Le seul point est qu'Ilitch n'a pas eu le temps d'approfondir sa formule, même si l'on tient compte qu'il ne pouvait l'approfondir que théoriquement, alors que la tâche fondamentale était nationale, et exigeait qu'on reconnût le terrain et qu'on déterminât les éléments de tranchée et de forteresse représentés par les éléments de la société civile, etc. 

    En Orient, l'État étant tout, la société civile était primitive et gélatineuse ; en Occident, entre État et société civile, il y avait un juste rapport et dans un État branlant on découvrait aussitôt une robuste structure de la société civile. L'État n'était qu'une tranchée avancée, derrière laquelle se trouvait une robuste chaîne de forteresses et de casemates ; plus ou moins d'un État à l'autre, s'entend, mais c'est justement ce qui demandait une attentive reconnaissance de caractère national."

    Cahiers de Prison, Analyse de situation/Rapport de forces.

    La lutte qui est la nôtre, c'est avancer sous le feu de casemates ennemies ; et la "meilleure" aujourd'hui par rapport à l'époque de Gramsci, c'est que les premières que l'on rencontre sont "gauchistes"... On le voit dans notre expérience de tous les jours : on part la fleur au fusil, "youhou on va aller aux masses et leur parler du Pouvoir et elles vont kiffer et nous rallier", mais à peine a-t-on fait un pas en ce sens qu'un nourri feu gauchiste s'abat sur nous ; et l'on se rend compte que ça va être beaucoup plus compliqué !]

    À suivre :

    Une dose de moraline... et ça repart !

    Le "progressisme" au service de l'Ordre 

    La mise à mort de l'internationalisme prolétarien : humanitarisme, ONG, altermondialisme, "commerce équitable" etc. – et conclusions


    À lire aussi pour bien comprendre :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/a-premiere-vue-l-affirmation-de-gonzalo-a135628314

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/c-est-donc-marrant-d-etre-devenu-resolument-gonzaliste-a135659298

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/en-fin-de-compte-sur-la-question-du-fascisme-a145044372

    CONCRÈTEMENT, en Occident :

    - le capitalisme connaît une première grave crise, une première phase de sa première crise générale dans les années 1870-80, dont il sort par le partage impérialiste total de la planète ;

    - MAIS ceci ne fait que conduire à la guerre impérialiste totale (tout un tas de petits conflits qui culminent dans la Première Guerre mondiale), et surtout à une deuxième phase de la première crise générale, encore plus terrible, qui culmine en 1929 et dans la Grande Dépression qui suit : il surmonte cela, comme nous venons de le voir, par les fascismes ou alors les politiques keynésiennes ;

    - MAIS l'"économie sociale de marché" (et la société de consommation) sur laquelle cela débouche montre elle aussi ses limites avec la nouvelle crise générale qui éclate dans les années 1970 : là, les politiques interventionnistes antérieures sont "diagnostiquées" comme "le problème" et l'on s'achemine vers des politiques économiques dites "néolibérales", tout en gardant les sociétés fermement encadrées dans un dispositif de contre-révolution préventive totale ; avec comme épiphénomène de la crise et "groupe de pression", à la fois think tank et "épouvantail" pour mener les pires politiques réactionnaires au nom de la "démocratie", la "montée" des "populismes" d'extrême-droite...

    Dans les pays semi-coloniaux, "indépendants" dès l'entre-deux-guerres ou accédant à l'"indépendance" après la Seconde, le capitalisme bureaucratique au service de l'impérialisme se met d'abord en place à travers le même type de politiques dirigistes-étatistes que les fascismes et les keynésianismes occidentaux des mêmes années 1920 à 1970 ; puis à partir de 1975-80, au plus tard après la chute du bloc soviétique auquel certains étaient liés, s'impose là aussi le "néolibéralisme", parfois (assez souvent) associé au début à une "contre-subversion" ultra-violente ; avant le retour ici et là (années 2000) de gouvernements "de gauche" (Venezuela etc.)... ou même pas, "challengeant" l'impérialisme occidental hégémonique en se liant à la Russie et/ou à la Chine, au "nouveau tiers-mondisme" des "BRICS" etc., sans cependant faire en termes de "rupture" avec le capitalisme et l'impérialisme ne serait-ce que du Salvador Allende ; et la tendance des dernières années semble montrer une dynamique de "reprise en main" occidentale de tout cela (déstabilisation et quasi-capitulation de la "révolution" au Venezuela, liquidation par le successeur de Correa en Équateur, chute du PT de Lula-Dilma par un "coup d’État légal" au Brésil et du kirchnerisme par défaite électorale en Argentine ; renversement de Mugabe au Zimbabwe et maintenant démission de Zuma en Afrique du Sud ; dégagement électoral programmé d'Erdogan en Turquie, qui n'a d'ailleurs même pas mené de politique vraiment anti-occidentale et encore moins anti-"néolibérale", pas plus qu'Assad entre 2000 et 2011 d'ailleurs ; sans même parler de la "réorganisation de palais" en Arabie saoudite ; le tout dans une ambiance en développement de "nouvelle Guerre froide" contre la Russie et l'Iran).

    [Encore des réflexions intéressantes en commentaire FB :

    "Dimitrov a désigné comme fasciste l'aile terroriste ouverte (selon ses propres mots), terroriste anticommuniste (c'était ce qui l'intéressait), de tout un ensemble de régimes (sans exception dans le monde, en fait, sauf les pays socialistes et les démocraties populaires bien sûr !) entre les années 1920 et 1960 grosso modo, qui ont traduit politiquement l'entrée dans l'ère des monopoles, économiquement antérieure de quelques décennies (disons un demi-siècle)... Et qui ont abouti à l'État capitaliste monopoliste (ou bureaucratique-comprador néocolonial) tel que nous le connaissons et qui perdure aujourd'hui, mais désormais au service du néolibéralisme et non plus de l'"association Capital-Travail" des Trente Glorieuses (ou du "développement" dans le Tiers Monde).

    Donc oui, quelque part tous les régimes de la planète aujourd'hui sont "plus ou moins fascistes".

    Quant à la question du Front populaire et avec qui, on n'est pas non plus forcément obligés de retomber dans ce même "coup de barre" sans doute excessif, torsion du bâton dans l'autre sens après les excès inverses de la "3e période" (qui n'était d'ailleurs pas, non plus, la caricature de sectarisme buté et sans aucun tort des socedems de leur côté, qu'en font les anticommunistes de gauche et les trotskos aujourd'hui).

    Surtout maintenant avec l'absorption totale de la social-démocratie dans le système "fasciste moderne" justement. Une social-démocratie qui ne fait plus du tout partie du mouvement ouvrier, alors qu'encore un peu quand même en 1935."]

    [Ou encore (bien expliqué) :

    "Le fascisme était une phase que DEVAIT traverser le monde capitaliste pour se restructurer dans le contexte de crise générale caractérisée par les deux guerres mondiales puis la Guerre froide, les krachs financiers comme celui de 1929, la montée des luttes sociales avec le succès à travers le monde de révolutions socialistes.

    Dans les États les plus faibles ou affaiblis, il a pris des formes "totalitaires" de parti unique, militarisation de la société et terreur blanche ouverte. Ailleurs, il a pu rester un bismarckisme conservant les formes de la démocratie parlementaire. Dans les États "indépendants" (de plus en plus nombreux) du "Tiers Monde", mise en place du capitalisme bureaucratique par des régimes autoritaires "modernistes" (que ce soit le kémalisme turc ou les Pahlavi iraniens).

    Là où le mouvement ouvrier était assez puissant, et en même temps pas trop radical, prêt au dialogue, on a à la rigueur eu à la place la social-démocratie, le travaillisme etc. ; ou une forme de partage du pouvoir entre une telle gauche et une droite jamais loin des tentations fascisantes (on pourrait qualifier ainsi la France des Trente Glorieuses).

    Mais dans tous les cas, ce qui était commun était l'imposition du règne total du Capital financier.

    Depuis les années 1970 et surtout 80, ce règne total a pris le virage d'une nouvelle restructuration, face à une nouvelle crise, qui est ce qu'on appelle le néolibéralisme.

    Cette phase se caractérise, de par le recul du mouvement ouvrier et la disparition du camp socialiste, à la fois par le rejet des politiques sociales-démocrates ou keynésiennes, et par l'absence (globalement) de formes "totalitaires" terroristes ouvertes.

    C'est ce qu'on appelle le Fascisme Moderne."]

    Et puis aussi, même si pas vraiment de notre bord politique (plutôt humaniste bourgeois presque proto-hippie)... et en fait non lol, ce n'est même pas de lui, c'est un fake ou plutôt une prosopée (procédé littéraire consistant à faire parler un mort) ; mais non moins édifiant et bon résumé de tout ce que nous venons de voir et dire sur ce fascisme moderne dans lequel nous baignons (pratiquement sans même nous en rendre compte) :

    Analyse et rétrospective historique du FASCISME ANTI-POLITIQUE (1ère partie)

    Une petite vidéo qui passe en revue pas trop mal tous les mécanismes de contre-révolution préventive que nous avons vus ici et allons voir dans les parties suivantes (certes parfois sous un angle philosophique assez "pointu" pas forcément accessible à tout le monde) :


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  • http://information.tv5monde.com/en-continu/afrique-du-sud-revision-de-la-constitution-pour-exproprier-les-terres-sans-compensation

    "Le Parlement sud-africain a donné mardi le coup d'envoi d'une réforme de la Constitution pour autoriser l'expropriation sans compensation des terres agricoles au profit de la majorité noire, un sujet très sensible qui agite la vie politique du pays.

    Ce texte était défendu par le bouillant chef des Combattants pour la liberté économique (EFF, gauche radicale), Julius Malema.

    "Le temps de la réconciliation est fini. L'heure de la justice a sonné", a lancé M. Malema dans l'hémicycle, "nous ne cherchons pas la vengeance (...) nous voulons retrouver notre dignité".

    Comme le reste de l'économie, l'agriculture reste largement aux mains des Blancs, qui détiennent 73% des terres contre 85% à la fin du régime raciste, selon une récente étude."

    Vous allez voir que l'impérialisme va les démolir économiquement et les faire crever la bouche ouverte comme au Zimbabwe*.

    Il faut vraiment espérer (toujours sur la base de l'expérience zimbabwéenne) que le PLUS HAUT ESPRIT DÉMOCRATIQUE préside à cette glorieuse réappropriation de la terre nationale colonisée ; car les impérialistes joueront sur TOUTES les contradictions et toutes les injustices dans la redistribution qui pourront exister.

    En attendant, au delà du caractère éminemment juste de cette mesure, la perspective de voir l'Afrique du Sud, première puissance économique du continent, seul pays africain du G20 et des "émergents" BRICS et par ailleurs souvent "gendarme" continental (en "force d'interposition" dans de nombreux conflits... généralement pour "garder un œil" sur les intérêts des grands monopoles extractifs nationaux - De Beers etc.), devenir un "État paria" de la "communauté internationale", ne fait que renforcer la tendance générale à la guerre mondiale dans le contexte de crise générale terminale du capitalisme, qui est également tendance générale à la révolution


    [* beteo.blog4ever.com/manoeuvres-contre-mugabe

    "Seulement, en 1997, suite à une puissante vague de grèves, Mugabe mit fin aux privatisations et rétablit les subventions d'État, défiant les diktats du FMI. Les prêts internationaux furent brutalement réduits. Pris à la gorge, des paysans pauvres se mirent à occuper certaines des riches fermes européennes qui continuaient à exploiter les terres les plus fertiles depuis l'indépendance, en 1980. 

    En 2000, tentant de rétablir un prestige fortement érodé, Mugabe transforma ces occupations en politique officielle. Mais pour les leaders impérialistes, c'était franchir le Rubicon : la sacro-sainte propriété capitaliste avait été violée et Mugabe devrait payer pour cela. 

    Deux ans plus tard, Bush ajouta le Zimbabwe à sa liste d'États « voyous » et l'ère des sanctions économiques commença, gelant une partie des avoirs du pays dans les banques occidentales et tarissant ses sources de devises. C'est cela, bien plus que le parasitisme du régime (qui n'était pas nouveau), qui entraîna la catastrophe économique qui suivit.

    L'inflation atteignit en février de cette année un taux annuel astronomique de 100 580 %. La monnaie locale perdit toute valeur. Ceux qui n'avaient rien à troquer contre de la nourriture furent condamnés à la charité ou la famine. 30 à 40 % des 12,3 millions d'habitants du pays fuirent la faim dans les pays voisins. Et dans un pays qui avait été relativement riche par rapport à bien d'autres, l'espérance de vie tomba à 35 ans, la plus basse en Afrique." (Signé... Lutte Ouvrière ! Donc pour le coup, l'argument de "gros staliniens campistes", on aura fait mieux et on repassera...)]

    L'Histoire semble s'accélérer en Afrique du Sud...

    L'Histoire semble s'accélérer en Afrique du Sud...


    4 commentaires

  • Les camarades d'Amérique du Sud (Brésil, Équateur etc.) et des Philippines sont des militants révolutionnaires communistes, maoïstes, qui évoluent et luttent dans des conditions spécifiques, particulières, différentes les unes des autres ; et qui ne doivent ou devraient à notre avis pas, à partir de ces conditions spécifiques et particulières, essayer de définir et dicter une "voie" mondiale pour la révolution maoïste.

    Telle est et a été de tout temps notre position sur ce sujet, ce concept de "Parti grand frère" dans le mouvement communiste international, au regard de l'expérience historique de ce mouvement.

    On a bien vu ce que cela a donné avec l'URSS, déjà avec un certain nombre de préconisations erronées du temps de Staline (en particulier vis-à-vis du Parti communiste de Chine !), et surtout par la suite avec l'ultra-majorité des Partis de la planète ne voyant pas et/ou suivant docilement la contre-révolution de Khrouchtchev au nom de la "fidélité à la Patrie des Travailleurs" ; et encore après cela, les perroquets de Pékin style PCMLF ça n'a guère été mieux, avec par ailleurs les mêmes conséquences catastrophiques lorsque la contre-révolution triompha là-bas aussi (1976 et déjà gros problèmes dès 1972).

    Cela n'enlève en rien le respect et les salutations que l'on doit à des Partis de camarades en train de mener ou ayant accompli une grande et héroïque révolution, comme en leur temps le Parti communiste bolchévik d'URSS, le Parti communiste de Chine ou celui du Vietnam, le Parti communiste du Pérou, et aujourd'hui le Parti communiste d'Inde maoïste, le Parti communiste des Philippines, le TKP/ML en Turquie et au Kurdistan, et bien sûr les camarades du Brésil (qui mènent déjà de grandes luttes dans les campagnes).

    Mais cela ne doit en aucun cas basculer dans le suivisme du côté des autres organisations communistes de par le monde ; et du côté de ces grands Partis, dans la prétention à définir non pas des grands principes théoriques universels (cela oui, c'est possible !) mais des "voies" CONCRÈTES pour mener la révolution dans n'importe quel pays du monde, aux conditions très éloignées des leurs.

    Alors bien sûr, des gens dont la mauvaise foi déborde par les narines et les oreilles pourraient peut-être tenter de nous sortir que nous serions "chauvins", ou pourquoi pas "des Blancs qui refusent la direction de non-Blancs"...

    C'est évidemment totalement ridicule lorsque l'on connaît nos positions (enfin, plutôt notre constat de réalité...) comme quoi la révolution dans les pays impérialistes, industrialisés, "avancés", n'aura lieu que forcément "portée" par une vague révolutionnaire partie (déjà partie, avec l'Inde etc.) du "Tiers Monde" ; comme cela a déjà été le cas au 20e siècle avec le pays très à la périphérie du "monde civilisé" qu'était la Russie, avant que la Chine et des expériences totalement du "Tiers Monde" ne prennent le relais.

    D'autre part, c'est donc un fait que les grands Partis dans une période de tendance générale à la révolution mondiale, ceux qui pourraient le plus crédiblement prétendre à une hégémonie, sont des Partis de la périphérie du monde capitaliste-impérialiste ; mais notre opposition de principe à ce que nous venons de voir s'adresse sur le principe tout autant (voire plus !) aux Partis et organisations du "Nord" et à des comportements du "Nord" vers le "Sud", tout comme "Nord-Nord" (comme par exemple les prétentions d'un certain groupe local, pour le coup pas vraiment à dominante colonisée-intérieure, à l'échelle de l'Amérique du Nord...) ou encore "Sud-Sud".

    Car l'on pourrait aussi, en fait, tourner la chose dans l'autre sens : le fait pour une organisation du "Nord", (en règle générale) moins avancée dans sa lutte révolutionnaire, de se REPOSER sur l’œuvre théorique, les directives et préconisations d'une organisation du "Sud" (actuelle ou du passé) plus grande et avancée, plutôt que de s'atteler au travail de titan absolument INDISPENSABLE d'élaborer une Pensée-Guide et un Plan Général de Travail pour SON pays. Vu ainsi... c'est vrai que ça évoque plus une chaise à porteurs qu'autre chose !

    En substance :

    1°/ Il est toujours flatteur, pour un Parti, d'être considéré comme un modèle par des gens tout autour du monde, à des milliers de kilomètres de son pays.

    2°/ Il est pareillement flatteur, pour des groupes tout autour du monde, de se voir ainsi "adoubés", reconnus par un Parti dont la pratique ressemble à quelque chose... contrairement, bien souvent, à la leur ; et de s'entendre dire que cette "sainte onction", signifiant en elle-même qu'ils ont la "ligne juste", leur garantit de rencontrer eux aussi le succès un jour ou l'autre...

    => Voilà concrètement le schéma néfaste dans lequel les choses, très vite, s'enferment.

    Et que l'on ne nous fasse pas non plus dire ce que nous n'avons pas dit : si un Parti n'importe où dans le monde s'engage sur la voie de la LIQUIDATION, il peut évidemment être critiqué et ne peut pas s'abriter de la critique sous prétexte qu'elle serait "illégitime", "coupée de la réalité" en venant de l'étranger plus ou moins lointain. Nous parlons bien ici de liquidation, c'est-à-dire qu'il y a, sur la base de l'expérience historique, une liste de critères qui permettent d'évaluer ainsi la situation dans un pays donné, même à des milliers de kilomètres de distance.

    Pour parler du sujet dont il est question dans cet article, nous laissons volontairement de côté ces cas bien particuliers (le dernier en date a été le Népal). Ce dont nous voulons parler ici, c'est du cas où rien ou alors fort peu d'éléments objectifs permettent d'envisager une telle situation ; mais où simplement un Parti ou groupement international de Partis voudrait, au sein de l'ensemble des Partis et organisations dont rien ne permet objectivement de douter du caractère révolutionnaire, affirmer une "voie" et des conceptions "mondialement" correctes sur la base de son expérience particulière, avec effectivement le risque que ceux qui ne suivent pas cette "voie correcte" soient arbitrairement déclarés "non-révolutionnaires".

    Cas extrême qui serait particulièrement injuste ; mais même sans en arriver là, de manière générale, nous pensons que cette quête de faire triompher une "voie" définie pour le monde entier est une déviation à éviter avec vigilance, car une déperdition des énergies dans des pratiques (que sans citer personne nous constatons parfois, ou dont nous avons vent...) qui sont une perte de temps y compris voire surtout pour le Parti "aspirant grand frère" qui s'y livre ; au détriment de la tâche essentielle qui est de construire la révolution dans son propre pays ; ce qui n'empêche certes pas non plus d'avancer ensemble mondialement dans la critique et l'autocritique et les enseignements des expériences des uns et des autres (et si une révolution triomphe réellement dans un pays, alors la question de la défense par le mouvement international de ce pays passé à l'étape supérieure de la marche vers le communisme est encore un autre sujet).

    **********************

    En dernière analyse, on peut dire que le MLM c'est la somme de 3 grands ensembles de lois UNIVERSELLES :

    - les lois du matérialisme dialectique (Marx et Engels) ; peut-être un peu longues à dégager des scories de la pensée "universaliste" européenne du 19e siècle, mais pas plus "strictement européennes" et "importées" voire "coloniales" ailleurs que le fait que la Terre tourne sur elle-même en 24 heures et autour du Soleil en 365 jours ;

    - les lois de comment faire la révolution (Lénine, avec l'importance de Gramsci encore-une-fois-sur-la-question-de-gramsci pour les pays d'Occident "où le capitalisme - pour citer Mao - a une histoire vieille de 250 voire 300 ans" et où "l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et infiltrée partout") ;

    - les lois de comment parvenir au communisme à travers le socialisme (Mao, en plus d'avoir apporté la théorie de la Guerre populaire, d'une lutte prolongée aux lois de "comment faire la révolution").

    Point barre. En dehors de cela, aucune vision ni "gonzaliste" ni "sisonienne" ni rien ne peut avoir de prétention universelle ; toutes émergent de PAYS aux conditions CONCRÈTES bien précises et deviennent erronées à mesure que les conditions s'éloignent de celles de ces pays.

    Pour en finir avec les histoires de "controverse Amérique du Sud vs Philippines"

    Pour en finir avec les histoires de "controverse Amérique du Sud vs Philippines"


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  • La stratégie de pourrissement voulue par l’État néofranquiste, avec sa mise en application de l'article 155 (fasciste) de la Constitution, est en train de porter ses fruits avec l'aide de la politicaillerie politicienne du camp indépendantiste bourgeois lui-même, exposée au grand jour dans la laborieuse investiture d'un exécutif suite aux élections de fin décembre, qui auront finalement été un coup de maître du régime de Rajoy en dépit de leur apparence première de défaite pour lui et son parti. Il est d'ailleurs notable de relever que si l'identité politique de centre-droit de Carles Puigdemont et de son courant a été l'argument "massue" de tous les jacobins et les espagnolistes "de gauche" au cours des derniers mois, c'est à l'heure actuelle de... la "gauche", des socedems d'ERC (dont les principaux dirigeants sont certes emprisonnés) que proviennent les pires coups fourrés et les pires illustrations de l'impossibilité pour la bourgeoisie de mener à bien un tel processus historique avec la rigueur qu'il exige. Comme quoi l'analyse des marxistes doit bel et bien et toujours être DE CLASSE, et non fondée sur des catégories politiques artificielles et subjectives telles que "droite" ou "gauche".

    Cette analyse a été menée par les camarades occitanistes révolutionnaires de NÒS : quelques-reflexion-sur-le-processus-catalan

    Le pourrissement, donc, fait son effet et un récent sondage vient d'annoncer que 54% des Catalans ne voudraient plus de l'indépendance :

    http://www.equinoxmagazine.fr/2018/02/23/sondage-catalans-independance-catalogne/

    Parallèlement et pour information, Anna Gabriel, l'une des principales dirigeantes du secteur populaire, révolutionnaire et déterminé de la lutte pour l'indépendance (au cœur de la radicalisation et du débordement des atermoiements bourgeois dont nous avons parlé continuite-et-rupture-en-catalogne), est à son tour poursuivie pour "sédition", menacée de 30 ans de prison et en exil en Suisse :

    https://www.letemps.ch/suisse/anna-gabriel-separatiste-frontieres

    Nouvelles de Catalogne :


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  • (et par dérivation, de toutes les oppressions de genre puisque l'homophobie et la transphobie ne sont rien d'autre qu'un rejet de la non-conformité aux "rôles" et "rangs" associés à cette division...)

    La réponse spontanée de tout marxiste serait en principe "la division sexuelle du travail". Une division très ancienne, remontant aux temps préhistoriques, et fondée sur des critères BIOLOGIQUES (force physique, impossibilité pour les hommes de certaines tâches comme donner naissance et allaiter les enfants en bas âge, etc.).

    MAIS VOILÀ, cette réponse est en réalité inexacte. Car si cette division se fonde sur des critères biologiques, de force physique etc., alors la logique voudrait que chaque progrès technologique réduisant sa pertinence (en supprimant la nécessité d'aptitudes physiques particulières) la fasse reculer, et qu'au jour d'aujourd'hui elle ait pratiquement disparu. Or ce n'est pas le cas, bien au contraire.

    La réponse nous est en fait fournie par les camarades féministes maoïstes du Canada :

    "La surexploitation des femmes n’est pas causée par la division sexuelle du travail (les femmes historiquement, se sont concentrées sur les tâches liées à la reproduction et à l’entretien des enfants et de la famille). Cette division sexuelle du travail, même si elle y joue un rôle important, n’est pas dans l’absolu, une source d’oppression pour les femmes. Si on accordait la même valeur à ce travail (comme c’était le cas dans les sociétés primitives, avant l’apparition de la propriété privée, de la famille patriarcale et des classes sociales) qu’au travail dans la production, tous les salaires seraient plus ou moins égaux ; toute tâche « utile » à la société et à sa reproduction serait valorisée de la même façon."

    Eh oui... La division sexuelle originelle joue un rôle important certes, un rôle premier en ayant décidé de la répartition des tâches ; mais elle n'est pas l'explication principale du problème aujourd'hui : celle-ci, avant même de discuter (car on le peut) de la pertinence actuelle de la répartition, réside avant tout dans la VALEUR (ou plutôt l'absence de valeur) attribuée aux tâches qui sont en l'occurrence celles principalement dévolues aux femmes, à savoir, les tâches de l'économie domestique dites de reproduction gratuite de la force de travail ("nourrir-blanchir", s'occuper des enfants etc.).

    Dans une société d'économie totalement naturelle, comme celle de la préhistoire où la division s'est établie (mais l'économie naturelle n'a totalement disparu d'Occident qu'au 19e siècle, et existe encore dans beaucoup d'endroits du monde), les tâches sont distinctes mais COMPLÉMENTAIRES, absolument nécessaires les unes aux autres ; si bien que sur cette seule base, il n'y a pas en réalité de véritable statut d'infériorité des tâches de la femme, et donc de la femme elle-même.

    Ce qui engendre cette infériorisation, c'est le développement de l'économie marchande et l'"expulsion" de ces tâches de la valeur (marchande) reconnue dans cette économie, "réservée" aux seules tâches productives des hommes.

    Une économie marchande qui commence à émerger à la fin de la préhistoire, avec l'entrée dans l'âge des métaux (la forge, grande activité qu'au nom de la force physique vont alors par exemple se réserver les hommes : la production d'outils de valeur, alors que la production d'outillage en bois, pierre, os etc., complémentaire de l'activité de chasse, était à l'origine une tâche féminine...) ; mais qui devient TOTALE et subsume ("englobe", "pénètre") toute la vie sociale avec le triomphe du CAPITALISME, entre le 16e et le 18e siècle en Europe et aux 19e-20e siècles dans le monde entier.

    Pour les féministes marxistes comme Silvia Federici (principale référence en la matière), cette expulsion totale des activités féminines de la sphère de la valeur est notamment ce qui accompagne et explique la gigantesque campagne de persécution des femmes en Europe (ainsi que dans certaines colonies au dehors) entre la fin du 15e et le 18e siècle, connue sous le nom de chasse aux sorcières (parallèlement bien sûr à d'autres facteurs comme l'écrasement de la transmission - principalement féminine - des cultures populaires nationales, au Pays Basque comme ailleurs, dans le cadre de la construction des États modernes négateurs ; le besoin de bras pour la production, car le grand paradoxe est qu'aucun autre système n'a non plus autant jeté les femmes - en position surexploitée - dans la production de marchandises que celui-ci, en les arrachant donc à leurs activités spécialisées complémentaires ; bref, de manière générale la destruction de ce communisme primitif qui survivait encore très largement, sous la "ponction" ponctuelle de l'autorité féodale, dans les masses populaires à 95% paysannes du Moyen Âge) :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/il-y-a-530-ans-le-malleus-maleficarum-breviaire-capitalo-patriarcal-de-a114065394

    Depuis lors, le progrès technologique ininterrompu fruit du capitalisme lui-même a donc certes retiré peu à peu toute pertinence au partage (complémentaire) préhistorique des tâches ; mais le fait que les tâches de "soin" de la force (ou future force : les enfants) de travail, et non de production directe de marchandise par cette force, ne se voient reconnaître aucune valeur par la société fait que les hommes, qui n'y sont pas historiquement "habitués", ne les acceptent qu'à contrecœur ; tandis que les femmes, elles, qui plus que jamais travaillent tout autant que les hommes dans la production marchande (et généralement dans des fonctions plus subalternes et moins bien payées, ainsi sont-elles rarement chef dans la restauration alors que la cuisine est la première tâche domestique qu'on leur attribue "naturellement"...), les voient tout simplement se SURAJOUTER à leur activité professionnelle...

    L'oppression et l'infériorisation sociale des femmes, loin d'être quelque chose de "moyenâgeux" (époque où certes, l'association de la force physique à la production qui "rapporte" privilégiait déjà les hommes, mais l'idée de complémentarité et de nécessité sociale absolue des tâches féminines restait dominante), a en réalité connu son "pic" dans la société de capitalisme triomphant du 19e et début 20e siècle ; avant de reculer un petit peu sous la pression du mouvement d'émancipation associé au mouvement révolutionnaire anticapitaliste ; mais aujourd'hui, les choses consistent finalement en une "bataille" pour la répartition des tâches non-valorisées économiquement dont personne (en plus de son dur labeur salarié) ne veut, les "externaliser" étant dans certains cas possible mais réservé aux moyens économiques des familles bourgeoises ("LA condition féminine" n'existant donc pas, tant elle varie selon les classes) ; en sus de problématiques nouvelles ("patriarcat 2.0") liées à la mutation du capitalisme monopoliste en société de consommation (marchandisation du corps des femmes comme "produit" à acquérir par les hommes via tout un tas de dépenses faisant tourner l'économie, nouveau rôle des femmes comme "accompagnatrices" des enfants "consommateurs-rois" dans la consommation, femmes élevant seules leurs enfants car l'homme a "acheté" une vie sexuelle mais pas les responsabilités de soutien de famille, etc. etc.).

    De ce fait (un camarade nous parlait de cela récemment), il n'est pas surprenant de rencontrer non seulement un salafiste radical prônant (cela n'a en fait rien de surprenant) un rôle purement domestique de la femme, refusant qu'elle travaille et pratiquement qu'elle sorte du foyer etc., mais surtout, des femmes acceptant et rejoignant ce mode de vie : celui-ci leur apparaît, tout simplement, préférable à la condition féminine occidentale de ce début de 21e siècle, à la fois esclave salariée comme les hommes, objet sexuel sur un "marché de la séduction" ET chargée des tâches ni valorisées ni rémunérées de la reproduction de la force de travail...

    La solution à cette problématique réside donc avant tout, comme nous le disent les camarades maoïstes du Québec, dans une nouvelle société où toute tâche « utile » à la société et à sa reproduction serait valorisée de la même façon.

    Quelle est la source de l'oppression des femmes ?

    Quelle est la source de l'oppression des femmes ?


    En annexe, DEUX TEXTES FONDAMENTAUX des mêmes camarades canadiennes :

    (Source : http://www.pcr-rcp.ca/fr/4567)

    ANNEXE 1: Sur le FFPR et l’oppression des femmes

    L’analyse de l’oppression spécifique des femmes est traversée historiquement par deux courants conceptuels irréconciliables dans la théorie comme dans la pratique: le courant matérialiste et le courant post-moderne (queer). Ces deux courants n’identifient pas la même contradiction sociale à l’origine de l’oppression des femmes: les matérialistes mettent en lumière la contradiction entre les hommes et les femmes, alors que les féministes queer envisagent une contradiction entre les individus qui performent le genre de façon normative et les individus qui performent le genre de façon transgressive.

    Le féminisme prolétarien est un cadre théorique et pratique matérialiste. Toutefois, en tant que marxistes, les féministes prolétariennes n’abordent pas l’oppression des femmes d’après la même grille d’analyse que celle utilisée par les féministes matérialistes radicales, lesquelles conçoivent la contradiction homme/femme comme un rapport entre une classe exploitée et une classe exploiteuse. Au contraire, les féministes prolétariennes estiment que l’oppression des femmes ne profite pas aux hommes dans leur ensemble, mais plutôt à la classe dominante, et que la contradiction homme/femme est subordonnée à la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie.

    Le Front féministe prolétarien (FFPR) adopte une conception féministe prolétarienne de l’oppression vécue par les femmes. L’existence de ce petit mouvement, généré par le Parti communiste révolutionnaire (PCR), repose sur la ferme conviction que la prise du pouvoir par la classe ouvrière ne peut se produire sans la participation et le leadership des femmes, qui en composent la majorité, et que la libération des femmes est indissociable de la révolution socialiste.

    Ces thèses seront élaborées dans l’argumentaire ci-dessous. D’abord, les conceptions féministes matérialistes radicales seront opposées aux conceptions post-modernes (queer). Ensuite, le féminisme matérialiste prolétarien – qui, étant matérialiste, rejette lui aussi les conceptions queer – se distinguera du féminisme matérialiste radical. Enfin, une fois les fondements théoriques du féminisme prolétarien exposés, la raison d’être et les tâches du FFPR seront rappelées.

    A) Féminisme matérialiste radical VS féminisme queer

    1. Les féministes matérialistes radicales comme les féministes queer rejettent la «différence des sexes» reposant sur l’essentialisme biologique. En effet, la science a démontré que les comportements humains échappent au déterminisme biologique, tant au niveau neurologique qu’au niveau hormonal.[1]

    2. Les féministes matérialistes radicales analysent le sexe comme étant une construction sociale à l’instar des féministes queer. Par contre, ces dernières introduisent la notion de genre, une construction sociale hétéronormée qui se superpose au sexe et, par le fait même, le supplante dans leur analyse. D’après leur compréhension, le genre est choisi individuellement et librement, soit en acceptant la norme binaire, soit en la transgressant volontairement. C’est donc dire qu’être homme, femme, ou encore appartenir à un groupe de genre n’entrant pas dans cette division binaire, relève du libre arbitre.

    3. Au contraire, les féministes matérialistes radicales estiment qu’être une femme ou être un homme est le résultat d’une inculcation faite tout au long de la vie qu’on appelle socialisation.

    4. Pour les féministes matérialistes radicales, cette socialisation est le produit d’un rapport social de sexe, à l’intérieur duquel la classe des hommes exploite la classe des femmes. Cette exploitation est induite par l’existence du patriarcat, entendu comme un mode de production.

    5. Pour les féministes queer, ce qui détermine l’identité du genre, c’est sa performativité, c’est-à-dire, la pratique répétée des normes du genre. Le genre n’est pas le produit d’un rapport social, mais plutôt d’un rapport de pouvoir. En effet, dans le paradigme post-moderne, le pouvoir n’est pas concentré dans une classe sociale ou encore dans l’appareil d’État de cette classe. Il est plutôt réparti de façon diffuse à travers toutes les institutions et les individus qui composent la société. Le pouvoir est ce qui à la fois produit et réprime les sujets. Par exemple, la famille hétéronormative est une unité de pouvoir qui produit généralement des hommes et des femmes appeléEs à entretenir des relations hétérosexuelles, et qui emprisonne ces individus dans des rôles de genre masculins et féminins rigides. Par contre, ces individus sont à leur tour des unités de pouvoir qui décident de se conformer à la norme ou de la subvertir, d’en transgresser les règles, et ce, afin de transcender la répression de leur propre subjectivité. C’est ce qu’on appelle l’agentivité, ou la pratique de soi. Pour les féministes queer, c’est l’étude de la norme qui permet aux individus d’avoir une performance normative ou transgressive du genre, quelle que soit la socialisation à laquelle ils et elles ont été exposéEs.

    6. C’est ainsi que les féministes queer placent la contradiction entre la performance normative du genre (femmes et homme cisgenres, femmes et hommes hétérosexuelLEs) et la performance transgressive du genre (femmes et hommes transgenres, queers, femmes et hommes homosexuelLEs, bisexuelLEs, pansexuelLEs, personnes non-binaires, «gender neutrals», «gender fluid», berdaches, drags, etc.)

    7. Pour les féministes matérialistes radicales, la contradiction se situe plutôt entre deux groupes sociaux séparés et hiérarchisés qu’on appelle homme et femme. La perpétuation de la domination masculine est causée par un ordre socialement construit. Elles considèrent que la division homme/femme s’est établie sur la base de la différence anatomique des organes sexuels perçus à la naissance et des fonctions reproductives (biologiques et sociales) distinctes qui leur sont systématiquement associées. Le corps est construit par le monde social comme une réalité sexuée qui trouverait sa justification idéologique «dans l’ordre naturel des choses».

    8. Les féministes matérialistes radiales considèrent que le travail est l’objet principal de la différentiation des sexes et leur hiérarchisation. En effet, c’est le travail domestique qui constitue la base économique et sociale de l’oppression patriarcale des femmes. La division sexuelle du travail organise la répartition des richesses et des statuts sociaux en faveur des hommes. Par exemple, le travail domestique assigné aux femmes est disqualifié comparativement au travail salarié.

    9. Pour les féministes queer, le travail n’est pas l’objet principal de la question de l’oppression des femmes, ou plutôt, des personnes opprimées par le genre. C’est la sexualité qui est déterminante, la sexualité englobant ici la construction d’identités de genre, indissociables de l’orientation et des pratiques sexuelles. La domination masculine, comme rapport social de sexe, est alors remplacée par la prescription hétéronormative comme rapport sexuel de pouvoir. En ce sens, pour les féministes queer, l’hétéronormativité entraîne la suppression des similitudes naturelles entre les individus désignéEs comme hommes ou femmes et force la répression chez les hommes de leurs traits «féminins» et chez les femmes, de leurs traits «masculins», ces traits (physiques ou comportementaux) correspondant à l’idée qu’on se fait de ce qu’est la masculinité et la féminité.

    10. À l’opposé, les féministes matérialistes radicales, lorsqu’elles se penchent sur la question de la sexualité, l’analysent encore dans le prisme de la division sexuelle du travail. Les relations sexuelles sont conçues comme un travail fourni par les femmes et approprié par les hommes. La féminité inculquée, comme expression de la vulnérabilité et de la soumission des femmes, sert à combler les désirs sexuels des hommes. En ce qui a trait à l’hétéronormativité, elle découle de la division sexuelle du travail qui assigne des tâches différentes aux hommes et aux femmes et qui les veut «naturellement complémentaires».

    11. Alors que les féministes matérialistes radicales veulent abolir les rôles sexués, établis d’après une binarité socialement construite, les féministes queer privilégient la multiplication de catégories de personnes n’entrant pas dans les normes de genre, et donc la perpétuation de la différenciation qui sous-tend inévitablement une hiérarchisation.

    12. Les féministes matérialistes radicales ne s’attardent pas au discours philosophique portant sur la subjectivation, mais plutôt à l’observation des pratiques sociales et des conditions matérielles dans lesquelles évoluent les femmes.

    13. Pour les féministes queer, il suffit de s’autodéfinir et d’avoir une activité incessamment performée en correspondance avec cette auto-identification pour renverser la norme du genre. C’est une approche individualiste.

    14. Au contraire, pour les féministes matérialistes radicales, la classe des femmes doit mener collectivement une lutte politique acharnée contre la classe des hommes.

    B) Féminisme matérialiste prolétarien VS féminisme matérialiste radical

    1- Les points de convergence

    15. Le féminisme prolétarien, comme le féminisme radical, rejette la théorie queer parce que celle-ci découle du postmodernisme. Son articulation avec le matérialisme ne peut s’opérer sans une tension parce qu’elle est intrinsèquement idéaliste. Les approches matérialistes et postmodernes sont donc, à plusieurs égards, antagoniques. La perspective théorique queer est étrangère au marxisme et est appelée à le demeurer car elle est bourgeoise.

    16. Le féminisme prolétarien, comme le féminisme radical, identifie une contradiction entre les hommes et les femmes, et rejette l’idée d’une contradiction entre les individus ayant une performance normative et les individus ayant une performance transgressive du genre. Comme le féminisme radical, le féminisme prolétarien conçoit le sexe comme une construction sociale. Cette dernière est générée par une socialisation différentiée et hiérarchisée entre les hommes et les femmes. La socialisation est établie en fonction de l’apparence des organes génitaux observés à la naissance.

    17. Le féminisme prolétarien, tout comme le féminisme radical, s’intéresse au travail comme étant à la racine de l’oppression des femmes.

    18. Finalement, le féminisme prolétarien, comme le féminisme radical, poursuit l’objectif de l’abolition des rôles sexués, contrairement au féminisme queer qui, par libéralisme, appelle à la multiplication des identités de genre et à la liberté individuelle de choisir la sienne ici et maintenant.

    2- Les points de divergence

    19. L’analyse féministe radicale, dans son ensemble, n’est pas compatible avec le marxisme, parce qu’elle conçoit la société actuelle comme étant patriarcale, c’est-à-dire comme étant contrôlée par les hommes dans leur ensemble, ou du moins, comme étant gérée dans l’intérêt de l’ensemble des hommes. Au contraire, le féminisme prolétarien soutient que l’oppression des femmes, aussi importante soit-elle, ne profite pas aux hommes dans leur ensemble, mais à la bourgeoisie. Si la domination masculine dans la société est indéniable, il est erroné de prétendre que tous les hommes détiennent le pouvoir.

    20. Le marxisme analyse le mode de production capitaliste du point de vue des intérêts matériels des différentes classes. Les féministes matérialistes radicales ont voulu donner une base matérialiste, calquée sur le marxisme, à la théorie du patriarcat en prétendant qu’il existe un mode de production domestique. Toutes les femmes, quelle que soit leur appartenance de classe, constitueraient une classe sociale unique dont le travail domestique serait spolié par la classe des hommes.

    21. Les féministes prolétariennes estiment que les rapports entre les hommes et les femmes ne peuvent pas être considérés comme étant analogues aux rapports entre les capitalistes et les travailleurEs. L’exploitation et l’oppression sont deux phénomènes de nature différente. Le travail domestique fait par les femmes prolétariennes ne permet pas à leurs compagnons prolétariens d’accumuler du capital. Dans le travail salarié, chaque minute gagnée par les travailleurEs est une minute perdue pour les profits des capitalistes. Dans le travail domestique, les hommes n’exigent pas des femmes plus de préparation de repas et plus de lessives dès qu’elles ont la possibilité physique d’en faire davantage. Dans le travail salarié, les machines qui pourraient améliorer le sort des prolétaires, mais qui ne servent pas à augmenter les profits, ne sont pas introduites. Dans le travail domestique, l’introduction des machines et des produits nouveaux, qui améliorent les conditions de vie des femmes, n’est pas combattue par les hommes. Le temps passé à l’éducation et aux soins des enfants n’est pas un travail dont profitent les hommes prolétariens; l’absence d’un homme ne réduit pas la charge de travail des innombrables femmes monoparentales qui élèvent seules leurs enfants. C’est le capitalisme qui impose, par la privatisation de ce travail, de longues heures éreintantes aux femmes. Ceux qui profitent du travail domestique des femmes sont les mêmes qui profitent du travail en général : les capitalistes. Ce travail de reproduction leur permet d’avoir des travailleurEs nourriEs, blanchiEs et en santé, prêtEs à se mettre au travail chaque jour. Les capitalistes ne socialisent pas tout le travail de reproduction car cela nuirait à leurs profits en entraînant des coûts considérables. Pour faciliter la reproduction de la force de travail, la bourgeoisie a conservé une institution préexistante, la famille – au sein de laquelle les femmes étaient considérées comme inférieures – tout en la transformant et en la subordonnant à ses rapports de production. C’est ainsi que le sexisme se reproduit au sein de la société actuelle et génère les inégalités entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui a trait au partage des tâches domestiques.

    22. Certaines féministes radicales n’analysent pas séparément les rapports de classe et les rapports sociaux de sexe. Elles analysent tout de même conjointement l’intérêt individuel de chaque homme à se faire servir à la maison par une femme et l’intérêt collectif qu’a la classe dominante à perpétuer la division sexuelle du travail – qui assigne aux femmes la majeure partie des tâches domestiques et leur prolongement dans le monde salarial.

    23. Pour les féministes prolétariennes, le travail domestique ne représente pas un antagonisme d’intérêts entre les hommes et les femmes de la classe ouvrière. Être moins exploité que les femmes ne signifie pas les exploiter. Les hommes prolétariens n’ont pas un intérêt matériel dans le maintien de la privatisation du travail reproductif. Ils ne perdraient rien avec la socialisation de ce travail.

    24. Les féministes radicales affirment que le mode de production patriarcal serait aussi structurant socialement, sinon plus, que le mode de production capitaliste. Les féministes prolétariennes, en tant que marxistes, considèrent que cette analyse est erronée.

    25. En effet, peut-on dire que la famille, siège du travail domestique, a le même poids historique, politique et économique que le marché capitaliste? Le marché et l’accumulation du capital ont fait et refait tous les aspects du monde dans lequel nous vivons; ont causé les guerres et les famines, transformé littéralement le paysage, créé les villes, détruit et recréé des monarchies, des dictatures, des démocraties; créé les conditions pour l’entrée en masse des femmes dans le travail industriel; créé l’éducation et les universités. La famille n’a pas eu ce rôle dynamique et progressiste-en-même-temps-que-destructeur dans l’histoire du monde. Il s’agit plutôt d’une institution qui contribue fortement à la survie du capitalisme, sans pour autant constituer une de ses raisons d’être. L’organisation et la réalisation des tâches domestiques dépendent de l’existence préalable de la production industrielle, de ses produits et de son impact sur la division du travail. Quand les besoins de l’accumulation capitaliste changent, de grandes transformations peuvent avoir lieu dans la famille, tandis que l’inverse n’est pas vrai. L’économie capitaliste en expansion a besoin de la main-d‘œuvre féminine – et voilà que des millions de femmes rejoignent à nouveau la force du travail. Le capitalisme a besoin d’une main-d’œuvre plus formée? – Les enfants iront touTEs à l’école au lieu d’aller à l’usine. Dans des périodes de crise, c’est encore plus frappant. En temps de paix, l’idéologie bourgeoise déclare que le foyer familial est le seul endroit où l’on peut développer des êtres humains équilibrés. Arrive une guerre mondiale et les capitalistes envoient les hommes par millions dans les champs de la mort et les femmes par millions à l’usine pour remplacer le travail des ouvriers hommes. Le cadre familial comme mode de vie est détruit jusqu’à la fin de la guerre. Bref, le capitalisme a besoin de la famille, mais la famille lui est, en dernière instance, subordonnée.[2]

    26. Le féminisme prolétarien, contrairement au féminisme radical, analyse la contradiction homme/femme comme une contradiction secondaire non-antagonique, une contradiction au sein du peuple. Le féminisme prolétarien considère que la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie est la contradiction sociale principale. L’oppression des femmes est subordonnée à la lutte des classes.

    27. Contrairement aux féministes radicales, les féministes prolétariennes considèrent donc qu’il n’y a pas d’unité possible entre les femmes prolétariennes et les femmes bourgeoises, mais qu’il y en a une entre les femmes prolétariennes et les hommes prolétariens, malgré la persistance de comportements sexistes au sein du peuple. C’est dans l’intérêt des hommes prolétariens de participer au combat contre le sexisme et l’oppression des femmes. Dans tous les pays, les femmes constituent une partie importante des travailleurEs. L’idée même que les prolétaires puissent prendre le pouvoir et laisser en place l’oppression des femmes est un non-sens. Cette idée suggère que des millions de travailleuses, s’étant engagées dans une lutte sans merci pour renverser la bourgeoisie – lutte entraînant toutes les transformations de la conscience qui surgissent de ce genre d’expérience – décideraient par la suite de maintenir l’oppression des femmes. Une prise du pouvoir par les travailleurEs, si la majorité du prolétariat est ignorée, n’en est pas une. Cela ne signifie pas qu’après la prise du pouvoir, les préjugés sexistes millénaires et le mépris envers les femmes disparaîtront d’un coup. Cela signifie seulement que l’élimination de la base matérielle de l’oppression, jumelée avec la conscience révolutionnaire de millions de femmes et d’hommes, affaiblira cette oppression qui entamera son dépérissement rapide jusqu’à son élimination.[3]

    C) Pour un petit-mouvement féministe prolétarien

    28. Le FFPR a été constitué sur la base de la reconnaissance de l’existence objective d’une contradiction entre les hommes et les femmes, ainsi que sur la nécessité 1) d’organiser les femmes prolétariennes pour faire la révolution, et 2) de combattre le sexisme dès maintenant pour qu’il se forme une alliance véritable entre les hommes et les femmes du prolétariat.

    29. Le fait que le FFPR s’adresse aux femmes – le groupe opprimé qui justifie son existence – ne reproduit pas l’oppression de minorités elles aussi opprimées, qu’il s’agisse de catégories qui ont une existence matérielle dans la société (homosexuelLEs, personnes trans, personnes racisées, etc.), ou qu’il s’agisse de catégories strictement idéologiques, comme celles avancées par les queer. Le fait de n’utiliser que le mot «femmes» dans le chapitre 8 du programme du PCR et dans le Manifeste pour un féminisme prolétarien n’est en rien problématique. Il n’y a pas lieu d’ajouter des expressions provenant du féminisme queer telles que «personnes opprimées par le genre», «personnes non-binaires» ou encore «non-hommes». Cela trahirait la mission du FFPR. En effet, le féminisme queer occulte l’oppression des femmes. Il prétend qu’en changeant les mots et les idées, on change le monde matériel, niant que les rôles sexués continuent d’exister objectivement. Le féminisme queer, en faisant la promotion de l’agentivité, en vient à effacer la nécessité de la lutte collective pour l’émancipation des femmes prolétariennes.

    30. Les féministes prolétariennes reconnaissent l’existence objective des personnes trans, mais comprennent leur situation comme étant déterminée par la contradiction homme/femme, et non par une contradiction imaginaire entre normativité et transgression du genre. La socialisation sexuée génère des rôles sexués à travers tous les appareils idéologiques de la société bourgeoise. Cependant, cette socialisation ne s’effectue pas de façon homogène et uniforme pour tous les individus, étant donné que la pression des différents environnements sociaux n’est pas la même partout. Les personnes trans ne transgressent pas ou ne subvertissent pas le genre ou les rôles sexués; ils et elles changent de camp tout simplement. Notons que les hommes sont aussi soumis aux impératifs des rôles associés au sexe dominant qu’on leur a assigné à la naissance. Cela peut entraîner un malaise important qui pourrait expliquer la transsexualité des hommes, les amenant à s’exposer aux violences sexistes que subissent les femmes.

    31. L’oppression des personnes trans par les femmes soi-disant cisgenres[4] est une invention divisive de la bourgeoisie. Même une femme qui serait en parfaite correspondance avec les rôles sexués féminins serait une femme dominée qui n’aurait pas choisi son sexe, mais à qui la société lui en aurait assigné un qui la maintiendrait en position d’infériorité. Ceci dit, il n’y a pas de femmes ni d’hommes en parfaite correspondance avec les rôles sexués qui incombent à leur sexe puisque le sexe est construit socialement.

    32. C’est donc dire que le FFPR prend en compte l’oppression que vivent les personnes trans et les personnes homosexuelles, tout en concevant ces oppressions comme découlant de la contradiction entre les hommes et les femmes. L’homophobie et la transphobie sont des prolongements du sexisme.

    33. Le FFPR affirme que les organisations révolutionnaires et les hommes révolutionnaires doivent aussi agir contre les effets de l’oppression des femmes dans la vie quotidienne ou organisationnelle.

    34. Pour conclure, le FFPR milite en faveur de l’affranchissement de la sexualisation des corps et des rôles sexués qui en découlent. La société communiste sans classes sera marquée par l’égalité réelle entre les individus qui ne seront plus placés dans des catégories de sexe et qui pourront exprimer leurs préférences librement.

    35. Le PCR, en tant qu’avant-garde communiste, accorde aux mouvements de lutte des femmes prolétaires (contre l’exploitation sexuelle, le sexisme, etc.) un soutien sans failles, mais inscrit dans un travail politique visant à rendre ces mouvements conscients de leur cadre naturel – la lutte des classes – et, donc, à les qualifier vers la lutte révolutionnaire.[5] Quelle doit être l’attitude de l’avant-garde communiste vis-à-vis du féminisme bourgeois et petit-bourgeois, du féminisme queer et du féminisme radical? Une critique sans concession de leur caractère anti-prolétarien.

    Des camarades militantes du FFPR-Montréal

    NOTES:

    [1] Nous nous basons sur les écrits de théoricien(ne)s tel(le)s que Catherine Vidal, Joëlle Wiels, Gaïd Le Maner-Idrissi, Pascal Picq, I.E. Sommer et al, K.M. Bishop et D. Walhsten, S.J. Gould, D. Benoît-Browaeys, etc.

    [2] Extrait tiré presque intégralement du texte «Vivons-nous dans une société patriarcale? À qui profite l’oppression?» par John Mullen.

    [3] Idem.

    [4] D’après le féminisme queer, les personnes cisgenres sont celles dont l’identité de genre correspond au genre qui leur a été assigné à la naissance en fonction de l’apparence de leurs organes génitaux. Autrement dit, il s’agit de la grande majorité des individus.

    [5] Extrait tiré presque intégralement du texte «La Flèche et la cible» par le Collectif des prisonnièrEs des Cellules communistes combattantes (CCC).

    * * *

    ANNEXE 2 : Sur la prostitution

    1. Nous tenons à un féminisme prolétarien, c’est-à-dire, un féminisme qui s’intéresse à la libération des femmes qui ne possèdent pas de moyens de production et qui n’ont d’autre choix que de vendre leur force de travail pour survivre. Ce féminisme s’inscrit en opposition avec un féminisme bourgeois qui sert les intérêts de la classe dominante.

    2. Le féminisme prolétarien repose sur un cadre d’analyse matérialiste. Le matérialisme philosophique a été employé chez les féministes de 2ième vague pour analyser ce qu’elles ont nommé les «rapports sociaux de sexe». Toutefois, le féminisme prolétarien rejette les conceptions féministes radicales selon lesquelles il existerait un mode de production patriarcal. Il défend plutôt que le mode de production capitaliste, aujourd’hui dominant, est fait de rapports sociaux de production qui font en sorte que la bourgeoisie profite de l’oppression des femmes.

    3. Sur la question de la prostitution, le prohibitionnisme apparaît chez les féministes de 1ière vague, les égalitaristes. L’égalitarisme est un féminisme qui répond aux besoins des femmes bourgeoises. Il condamne la prostitution et les prostituées pour des considérations morales et hygiéniques.

    4. L’abolitionnisme, de son côté, apparaît chez les féministes matérialistes. Celles-ci examinent la prostitution dans le prisme de l’exploitation économique et sexuelle des femmes.

    5. La position pro travail du sexe (pro TDS), ou encore réglementariste, apparaît plus tard dans la littérature féministe. Il s’agit d’une position qui est souvent défendue par les féministes de 3ième vague, ou queer, au nom du droit à l’autodétermination des individus (agentivité).

    6. En tant que féministes prolétariennes, nous considérons que la position pro TDS ne répond pas aux femmes prolétaires touchées quotidiennement par l’exploitation économique et sexuelle. Pour sa part, la position abolitionniste la plus répandue, bien qu’elle soit matérialiste, comporte aussi des failles que le féminisme prolétarien se doit de corriger.

    7. Dans un premier temps, la position pro TDS, ou réglementariste, est problématique parce qu’elle refuse de voir la prostitution comme étant structurée par le sexisme. C’est une position libérale, empreinte d’idéologie bourgeoise, faisant la promotion de la liberté individuelle de marchander ce qu’on veut.

    8. En effet, les pro TDS considèrent à tort que les femmes qui vivent de la prostitution vendent un service sexuel et donc, disposent librement de leur corps. Or, les femmes qui vivent de la prostitution louent plutôt le droit de disposer de leur corps à des clients.

    9. La prostitution n’est pas la vente ordinaire de la force de travail; il ne s’agit pas de l’exploitation du travail d’une personne, mais de l’exploitation absolue d’une personne. La prostitution n’est pas la vente et la consommation de services sexuels: ce qui est vendu et consommé, c’est le rapport de domination direct sur une personne. C’est cette domination qui est la valeur d’usage de la marchandise-prostituée, tandis que pour le travail salarié en général, la domination est plutôt une condition qui permet l’exploitation de la force de travail. Ce que met en scène et en marché l’industrie du sexe, c’est non seulement les corps sexués, mais aussi, et surtout, la violence sexiste. La prostitution est l’expression la plus complète de cette violence.

    10. Considérer que la prostitution est un travail comme un autre, c’est renforcer l’idée voulant que la sexualité soit une tâche, celle de répondre à la sexualité-besoin de l’homme. Le matérialisme nous enseigne que les hommes et les femmes sont soumisES à une socialisation différenciée et hiérarchisée. Cette socialisation fait en sorte que les hommes conçoivent leur sexualité comme une nécessité, une chose qui leur est due. Les personnes qui entrent dans un rapport sexuel avec eux sont donc vouées à répondre à un besoin soi-disant «naturel» – qui est plutôt un besoin construit socialement. En contrepartie, la socialisation des femmes les amène à concevoir leur sexualité comme étant une réponse au désir irrépressible des hommes, et donc comme le devoir de les satisfaire. Dans la satisfaction qu’elles peuvent procurer, les femmes sont poussées à mesurer leur valeur en tant que personnes. La position pro TDS participe à la reproduction de ces inégalités, et donc bafoue l’épanouissement sexuel des femmes.

    11. Ajoutons que le libre consentement, condition essentielle de la sexualité, n’est pas le propre d’une relation marchande prostitutionnelle. En effet, quand la subsistance de la femme dépend de son achat par l’homme, ce qui est le cas des femmes prostituées prolétariennes qui constituent la majorité des personnes prostituées, il n’y a pas de mutualité dans le choix des partenaires et dans le choix des actes posés dans la relation. On ne peut donc pas parler de sexualité, mais plutôt d’un viol institutionnalisé.

    12. De plus, en tant que marxistes, on ne peut faire autrement que de dénoncer le libéralisme de la position pro TDS qui invisibilise l’exploitation – voire la surexploitation – des femmes issues des couches les plus vulnérables du prolétariat (racisées, mères, immigrantes, autochtones, sous-éduquées, mineures, toxicomanes, non-qualifiées, etc.) par des bourgeois qui tirent des profits faramineux de l’industrie du sexe, et qui en bénéficient aussi en tant que clients-prostitueurs. Il est donc intéressant de se demander à qui profite la régularisation de la prostitution.

    13. En tant qu’internationalistes, nous nous devons d’analyser le phénomène de la prostitution en prenant aussi en considération la façon dont elle est vécue dans les pays dominés. Comme nos camarades maoïstes indiens, népalais et philippins, nous dénonçons avec véhémence l’industrie du sexe internationale caractérisée par le tourisme sexuel ainsi que la traite des femmes et des enfants. Cette industrie profite largement de l’appauvrissement des populations de ces pays ; elle est une composante essentielle de l’impérialisme.

    14. Dans un deuxième temps, si nous nous dressons contre le réglementarisme des pro TDS, nous n’adhérons pas non plus complètement à la position abolitionniste la plus répandue. Bien que nous endossions l’analyse globalement juste selon laquelle la prostitution n’est pas un travail comme un autre, nous nous opposons aux solutions avancées par les abolitionnistes. En effet, ces solutions sont bourgeoises parce qu’elles visent à mettre un terme à l’exploitation sexuelle du corps des femmes par l’instauration de réformes législatives appliquées par les forces de l’ordre et appuyées par des politiciens bourgeois : la criminalisation des clients et des proxénètes. Pourtant, nous savons que le système judiciaire n’est qu’au service des capitalistes, que la police n’est nulle autre que le bras armé de la classe dominante et que nous vivons sous la dictature de la bourgeoisie. Nous savons que la collaboration de classes ne répond pas au besoin des femmes prolétariennes. Une fraction de la bourgeoisie a un intérêt direct dans le maintien du système prostitutionnel. Surtout, la bourgeoisie dans son ensemble a intérêt à ce que perdurent les conditions matérielles qui jettent une partie des femmes du prolétariat dans la prostitution.

    15. En tant que marxistes-léninistes-maoïstes, nous avons pour objectif de répondre aux besoins matériels du prolétariat. Il ne suffit pas de criminaliser les pimps et les clients pour libérer les femmes prolétaires de la prostitution. Il faut aussi, et surtout, transformer complètement les conditions matérielles d’existence des femmes de sorte qu’elles n’aient plus besoin de se vendre pour satisfaire leurs besoins vitaux.

    16. Nous rejetons donc les positions abolitionnistes qui refusent de reconnaître la nécessité de faire la révolution communiste pour libérer pleinement les femmes prolétariennes. Pour être conséquent, l’abolitionnisme devrait mener à des positions révolutionnaires, puisque le capitalisme entretient la pauvreté et l’oppression spécifique des femmes (ainsi que d’autres formes d’oppression spécifiques) dont se nourrit la prostitution. Sous le capitalisme, les conditions matérielles qui engendrent la prostitution vont perdurer.

    17. Dans notre perspective d’anéantissement de la bourgeoisie et de pouvoir populaire, la prostitution sera inévitablement abolie. Effectivement, la transition socialiste, ce sera l’abolition progressive de tous les rapports marchands. Les gens pourront répondre à leurs besoins sans avoir à vendre leur force de travail, et encore moins leur corps sexué et leur soumission. Dans la société communiste, sans classes sociales et sans exploitation, tout le monde pourra activement et dignement contribuer à la production et sera assuré de voir l’ensemble de ses besoins comblés. C’est donc dire qu’il ne restera qu’une sexualité dans le cadre de la libre association entre des personnes qui s’apprécient et qui se respectent mutuellement.

    18. Bien entendu, avant d’en arriver là, il faudra livrer plusieurs batailles pour se débarrasser des contradictions au sein du peuple qui risquent de subsister après la prise du pouvoir, entre autres, la contradiction entre les femmes et les hommes, déterminante dans la prostitution. Il faudra mener une lutte acharnée contre le sexisme hérité de millénaires d’oppression.

    19. Certaines militantes pro TDS invectivent toutes camarades ayant une position abolitionniste en prétendant qu’elles dénigrent et rejettent les travailleuses du sexe. Il n’en n’est rien chez les féministes prolétariennes. Nous nous solidarisons avec les femmes prostituées prolétariennes au même titre que les communistes se battent avec et pour les travailleurEs tout en dénonçant leur exploitation et leurs exploiteurs.

    20. Ces militantes pro TDS accusent souvent les abolitionnistes de faire de la stigmatisation par les mots. Nous choisissons sciemment d’employer les expressions «prostitution» et «femmes prostituées» parce qu’elles décrivent une réalité objective. Au contraire, celles et ceux qui emploient les expressions «travail du sexe» et «travailleuses du sexe» ont la prétention de changer la réalité en changeant le vocabulaire, alors qu’il n’en est rien. De plus, ces expressions véhiculent l’idée que la prostitution est un travail comme un autre.

    21. Les syndicats de travailleuses du sexe ne peuvent pas faire de réel travail syndical, car la prostitution ne repose pas uniquement sur un contrat de travail entre la prostituée et le proxénète, mais aussi sur un non-contrat entre la prostituée et le prostitueur: la vente de soi et, par extension, de la pleine disposition de quelqu’un d’autre sur soi.

    22. Le syndicalisme, en matière de prostitution, impliquerait: a) la reconnaissance de la prostitution comme étant un travail comme un autre, b) la négociation du prix de vente de la force de travail des prostituées avec des membres du crime organisé, ce qui nécessiterait un pouvoir de coercition qui ne sera atteint que pendant la GPP, c) la capacité de contracter avec l’ensemble des clients une entente sur les «services sexuels» rendus, ce qui est impraticable, et ce qui entrerait en contradiction avec la nature même de la prostitution, soit l’achat de la domination.

    23. Les «syndicats» existants, comme Stella à Montréal, sont en fait des organes qui essaient d’imposer une direction politique libérale sur les femmes prolétariennes, de même que certaines organisations abolitionnistes tentent d’instaurer une hégémonie politique réformiste en la matière.

    24. Nous souhaitons plutôt travailler à ce que le Front féministe prolétarien révolutionnaire (FFPR), continue, dans son discours et dans sa pratique, à rassembler les prolétaires et à exercer une direction politique révolutionnaire sur le mouvement de libération des femmes, et ce, tout en supportant les revendications justes des femmes prostituées et en les aidant à s’organiser pour renverser la bourgeoisie et mettre fin au sexisme.

    Adopté par la cellule de Montréal.

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    TRÈS INTÉRESSANT AUSSI... bien que ruant pas mal dans les brancards de tout un féminisme radical-révolutionnaire occidental contemporain, bref pas vraiment super safe pour ne pas dire trigger (LOL !), un texte qui nous vient du mouvement maoïste du Brésil :

    https://medium.com/@yatahaze/dois-caminhos-o-feminismo-ou-a-luta-feminina-revolucion%C3%A1ria-306d4858d1e2

    Deux voies : le féminisme ou la lutte révolutionnaire des femmes


    Note de l'auteur : Le texte qui suit est une analyse historique de l'apparition et du développement du féminisme comme mouvement démocratique, de ses scissions, de sa situation actuelle dans notre pays [le Brésil] et de quelles sont les solutions pour les femmes.

    Introduction

    Pour une meilleure compréhension du féminisme et de sa nature, il importe de repasser succinctement en revue, de la manière la plus synthétique possible, le développement du monde moderne depuis le 19e siècle jusqu'à nos jours. Commençons.

    [Nous préciserons ici en préambule que nous ne partageons pas exactement une vision aussi "schématique" de l'histoire mondiale ; néanmoins, ce "schématisme" a peut-être pour avantage de faciliter la compréhension, le fond de l'idée restant tout à fait juste.]

    Nous savons que la bourgeoise s'établit au pouvoir, initie sa période historique et de là instaure le capitalisme en Europe avec les révolutions bourgeoises, les principales étant la Révolution anglaise (1640-88) et la Révolution française (1789). [C'est là le principal point avec lequel nous sommes en désaccord : lorsque les révolutions bourgeoises surviennent, le capitalisme se développe déjà en Europe depuis plusieurs siècles ; l’État monarchique moderne qui émerge à partir des 13e-14e siècles et devient absolutiste entre le 16e et le 18e fait partie de ce processus de développement du capitalisme ; les révolutions bourgeoises interviennent à un stade de capitalisme déjà largement développé et permettent avant tout la "révolution industrielle" ; néanmoins c'est là un bémol secondaire, on comprend où le texte veut en venir.]

    La révolution bourgeoise a consisté en un grand mouvement (dans la majorité des cas militaire, dans tous les cas culturel, social, politique, économique etc.) dans lequel la bourgeoisie a dirigé l'ensemble du peuple contre l'aristocratie, le clergé et la grande propriété de la terre entre les 17e et 19e siècles ; mouvement également connu comme la “révolution démocratique”. [Nous savons en réalité que dans les faits (lorsqu'on lit par exemple Marx sur l'accumulation primitive) la bourgeoisie au cours de son processus d'instauration du capitalisme a déchaîné bien plus de violence contre les masses populaires de producteurs que contre ses rivaux de l'aristocratie et du clergé ; et sur le plan idéologique, en quelque sorte, a sécrété en permanence de l'humanisme pour aussitôt le piétiner ; néanmoins il est vrai que la lutte pour le pouvoir, donc la lutte principale et historiquement motrice, l'opposait aux classes féodales.]

    Ces grands mouvements jetèrent à bas (par la violence révolutionnaire dans la majorité des cas) les classes féodales aristocratiques européennes ; les paysans prirent le contrôle des terres des grands propriétaires [là encore, pas si simple en réalité... surtout si l'on pense aux Îles Britanniques] et renversèrent ainsi le pouvoir de la noblesse et du clergé. À partir de là se structura donc l’État bourgeois, basé sur la propriété capitaliste, avec la grande industrie et une agriculture capitaliste. Ces révolutions bourgeoises ou démocratiques ne se produisirent pas dans le monde entier, mais uniquement dans les pays d'Europe (Allemagne, Angleterre, France, Italie etc.) et aux États-Unis, au Canada, au Japon etc.

    Avec le développement du capitalisme dans ces pays post-révolution démocratique [comme conséquence de la "révolution" industrielle, que ces révolutions bourgeoises avaient vocation à permettre] commencèrent inévitablement à apparaître les monopoles, c'est à dire des groupes accumulant du capital et absorbant un certain nombre d'entreprises, mettant fin à l'ère du capitalisme de libre concurrence et initiant le processus qui devait culminer dans l'impérialisme.

    Il faut rappeler ici que dans les pays d'Asie (à l'exception du Japon), d'Afrique et d'Amérique latine il n'y a pas eu de telles révolutions bourgeoises ou démocratiques. Ici le capitalisme ne s'est pas mis en place pour le compte d'une bourgeoisie locale qui aurait pu grandir, accumuler un grand capital national, devenir politiquement puissante et renverser les forces féodales. Au contraire, dans ces pays le capitalisme a été implanté par l'impérialisme, c'est à dire par la bourgeoisie de pays étrangers, et se caractérise par un capitalisme bureaucratique [en gros, un peu l'équivalent du "mercantilisme" de Colbert sous l'Ancien Régime...], ce qui signifie que ce capitalisme a été "plaqué" sur des bases féodales qui n'ont pas été éliminées comme il aurait fallu, comme cela a été fait dans les pays passés par des révolutions démocratiques. Un exemple simple des bases semi-féodales de nos pays du Tiers Monde est l'existence de la grande propriété terrienne, toujours bien présente et puissante de nos jours.

    Toute cette explication introductive peut sembler hors-sujet pour aborder la question du féminisme (que peut bien avoir à voir le féminisme avec le ‘capitalisme bureaucratique’, ‘l'impérialisme’ ou encore la ‘révolution bourgeoise’ etc. ?) ; mais il va en réalité apparaître clairement ci-après que cette question, apparemment sans rapport, fait toute la différence dans l'analyse.

    Le féminisme et son essence : la bourgeoisie révolutionnaire

    Le féminisme a vu le jour comme mouvement de la bourgeoisie révolutionnaire du 19e siècle [certes, s'il est utile de le préciser, non sans frictions avec la bourgeoisie masculine...] cherchant à transformer les bases culturelles-idéologiques de la société (la superstructure), à modifier les rapports sociaux hérités des vieilles bases du féodalisme déjà vaincu. Jusqu'au 19e siècle, la bourgeoisie jouait encore [au service de ses intérêts] un rôle révolutionnaire de destruction des classes féodales et de libération des forces productives ; cependant, elle passait petit à petit et toujours plus dans le camp de la contre-révolution tandis que se consolidait l'impérialisme (20e siècle), phase décadente et de décomposition du capitalisme, et que le prolétariat surgissait comme nouvelle force sociale de caractère révolutionnaire [il faudrait préciser ici : le prolétariat mondial, avec les peuples colonisés ou dominés par l'impérialisme, en rappelant que jusque-là, en dehors de quelques avancées certes notables comme l'abolition de l'esclavage (mais sous la pression de quelles luttes, aussi !), le rôle relativement émancipateur de la bourgeoisie a surtout concerné les peuples blancs occidentaux].

    À l'époque de l'impérialisme (dans laquelle nous nous trouvons encore aujourd'hui), la bourgeoisie est intégralement passée dans le camp de la contre-révolution et perd son essence révolutionnaire, craignant le progrès de la civilisation humaine par crainte de l'ascension du prolétariat. Par conséquent, tous les mouvements et les mots d'ordre apparaissant à son initiative et dirigés par elle seront également voués à se retrouver soit dans le camp réactionnaire, soit dans celui de l'inconséquence politique et de la vacillation. Et de fait, tous les mouvements antérieurement surgis sous la direction de la bourgeoisie (encore) révolutionnaire, devenue entre temps réactionnaire, se révèleront désormais incapables d'aborder correctement la réalité et de proposer une solution solide aux problèmes qu'ils prétendent résoudre.

    L'agenda féministe à ses débuts comprenait essentiellement la lutte pour le droit de vote des femmes [obtenu en général plus ou moins tardivement au cours du 20e siècle], la liberté financière synonyme de droit au travail, le droit à l'avortement et l'accès aux moyens de contraception, en sus du droit à la santé, à l'éducation et autres services qui leur étaient auparavant interdits ou restreints. Ces mots d'ordres se levaient face au poids des conceptions féodales qui pesaient encore sur les femmes. Le féminisme n'était pas un mouvement isolé, et nous ne pourrions en avoir qu'une analyse extrêmement superficielle si nous le considérions comme une fin en soi, sans voir qu'il s'inscrivait dans le grand mouvement général de la bourgeoisie pour balayer les bases culturelles et idéologiques du féodalisme en Europe [ou pourrait-on peut-être plutôt dire, les bases issues de l'accumulation primitive et de la mise en place de la Modernité capitaliste, car il apparaît souvent à l'étude que c'est à cette époque, entre le 14e et le 17e siècle, qu'appartiennent les pires oppressions à l'encontre des femmes comme par exemple les chasses aux sorcières – de fait et de manière générale, ce que l'on entend communément par "féodal" ou "moyenâgeux", "obscurantiste" etc. et contre quoi les Lumières et la révolution "démocratique" bourgeoise se sont dressées n'est pas la féodalité proprement dite d'autour de l'An 1000 ; système tributaire finalement cohérent dans lequel l'unité et non la lutte des fonctions sociales était principale, et de toute façon déjà (au 18e siècle) totalement laminé sous les assauts conjoints du développement du capitalisme, de l'absolutisme et dans une certaine mesure des luttes populaires ; mais bien plutôt les affres hideuses de la période historique d'émergence du capitalisme dans les entraves d'une féodalité résiduelle et "zombie", historiquement dépassée et réactionnaire sur toute la ligne, à son "stade suprême" comme peut l'être le stade des monopoles pour le capitalisme : c'est cela que la révolution bourgeoise, c'est à dire la bourgeoisie se débarrassant de ces entraves pour atteindre sa "plénitude", a en réalité affronté...].

    Mais le féminisme ne concernait pas toutes les femmes de la même manière : il était un mouvement qui servait les femmes de chaque classe en accord avec les intérêts de celle-ci ; bien que, en Europe, il prétendait rassembler et unir toutes les femmes.

    Prenons un exemple : dans l'Europe du 19e siècle, le féminisme demandait la liberté et l'indépendance financière vis à vis du mari. Mais cette revendication signifiait en réalité deux choses très différentes pour deux groupes différents de femmes : pour la femme bourgeoise, elle signifiait le droit d'avoir et d'accumuler du capital indépendamment du mari ; tandis que pour la femme prolétaire, elle ne signifiait que le droit de prendre place sur une chaîne de production industrielle. Ce qui représentait, certes, un progrès par rapport au pur travail servile domestique ; mais servait aussi principalement la bourgeoisie, qui trouvait dans les femmes un nouveau contingent de main d’œuvre à exploiter [et même surexploiter].

    Avant d'entrer dans l'ère des monopoles et de l'impérialisme, les revendications des femmes  —  non seulement des femmes bourgeoises, mais de toutes les classes, dès lors que la bourgeoisie jouait un rôle émancipateur —  étaient les mêmes : droit de vote, fin de l'autorité absolue du mari etc. ; et le mouvement féministe, bien que dirigé par la bourgeoisie, regroupait les intérêts des femmes de toutes les classes jusqu'à la fin du 19e siècle. Ceci reflétait en fait la réalité générale de la lutte des classes de l'époque : l'époque de l'offensive de la révolution démocratique où les intérêts de toutes les classes (bourgeoisie révolutionnaire, petite bourgeoisie, paysans et prolétariat naissant) étaient en substance les mêmes pour abattre le féodalisme et l'aristocratie, imposer un nouveau régime social ‘démocratique’ etc. Le mouvement féministe, de la même manière, unissait toutes les femmes dans un intérêt également commun : abattre les traditions féodales dans la culture et la vie sociale, conquérir leur place dans une société démocratique bourgeoise (qui était alors, à défaut d'une autre, la forme la plus avancée de société).

    C'est ainsi que le féminisme doit être compris comme mouvement particulier dans le grand mouvement général de la bourgeoisie européenne-occidentale pour détruire les rapports sociaux hérités de la vieille féodalité. Et, de ce fait, il a réellement joué à cette époque (en Europe-Occident) un rôle révolutionnaire démocratique d'anéantissement de ces rapports féodaux.

    Le passage de la bourgeoisie à la contre-révolution et ses conséquences sur le féminisme

    Dans les pays comme la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les États-Unis, l'Italie et les autres pays d'Europe ou d'Amérique, anglo-saxons etc. (outre le Japon), où la bourgeoisie avait consolidé la révolution démocratique et détruit le féodalisme, le féminisme a bien rempli son rôle : détruire totalement les bases culturelles féodales dans les rapports sociaux aux femmes, et avancer dans les tâches démocratiques aussi loin qu'il l'a pu (c'est à dire aussi loin que la bourgeoisie le lui a permis...).

    [Ou pour parler concréto-concrètement, et énoncer ce qui devrait être une évidence matérialiste : le féminisme "c'est du chocolat" comme dirait Houria Bouteldja, c'est "un luxe" au sens où il ne peut comme mouvement se développer réellement que dans une société en voie rapide de libération du besoin, et triompher que dans une société libérée de celui-ci ; ce qui a pu en partie (du moins) être le cas sous la direction de la bourgeoisie dans les sociétés capitalistes des pays occidentaux ; mais ne peut désormais pas l'être, comme nous allons le voir dans la suite du texte, dans les pays dominés par l'impérialisme en dehors d'une révolution démocratique anti-impérialiste (de "nouvelle démocratie") ininterrompue vers le socialisme et le communisme (et ses tâches inaccomplies en Occident même, en particulier pour les femmes des classes populaires, ne peuvent également être parachevées que dans le socialisme).]

    Lorsque apparaît et se consolide définitivement l'impérialisme, et que la bourgeoisie passe totalement dans le camp de la contre-révolution, s'opposant à tout progrès humain de peur que le prolétariat ne prenne le pouvoir, le féminisme lui aussi connaît une mutation essentielle. Les bases sociales qui le dirigeaient, c'est à dire la bourgeoisie, passent totalement dans le camp de la régression et il subit une scission : d'un côté, le féminisme bourgeois, de l'autre, les revendications des femmes prolétaires¹, auxquelles échoit désormais la responsabilité de poursuivre sur la voie du progrès de la condition féminine.

    Du côté du féminisme bourgeois se font alors jour toute une série de dénaturations logiques et politiques des revendications, d'où surgissent les plus bizarres interprétations et propositions comme par exemple le concept de “lutte des sexes” visant objectivement à opposer les femmes et les hommes d'une même classe ; autrement dit un féminisme jouant un rôle ouvertement réactionnaire au service de sa classe, la bourgeoisie [l'on pourrait encore ajouter ici : le féminisme mis au service d'un impérialisme "progressiste"-"néo-civilisateur" en direction des pays dominés ou de leurs représentants dans les métropoles impérialistes (alors que dans plus d'un cas, auparavant, c'est l'impérialisme occidental lui-même qui a imposé ses normes patriarcales dans des sociétés qui les ignoraient...) ; imbu de la "supériorité" de la "civilisation" occidentale et fomentant la "lutte des sexes" au sein des peuples contre leur nécessité prioritaire de combattre et abattre la domination impérialiste].

    Tandis que, du côté du prolétariat, se reprend tout doucement la marche pour rendre à la lutte féminine son caractère émancipateur, pointant du doigt la bourgeoisie comme la classe réactionnaire qui empêche le progrès de la civilisation humaine et, de là, la complète émancipation des femmes ; posant la nécessité de le renverser et d'instaurer le Pouvoir du prolétariat pour faire à nouveau avancer la condition féminine — tout comme le fit la bourgeoisie révolutionnaire sous le féodalisme.

    Le féminisme dans le Tiers Monde  —  au Brésil

    Le féminisme est apparu ici aussi comme une idée, une pensée de la bourgeoisie à la fin du 19e siècle, époque de la bourgeoisie révolutionnaire. Cependant, dans un pays comme le Brésil du 19e siècle où s'imposait déjà la domination étrangère (en lien avec l'explosion de l'industrie en Angleterre principalement), la bourgeoisie nationale² demeurait très faible économiquement du fait de ne pas parvenir à soutenir la concurrence du capital étranger, et de ce fait était également politiquement très faible, autrement dit, trop fragile et impuissante pour mener à bien une véritable révolution démocratique. Cette impuissance la conduisit à tomber dans l'inconséquence politique, notamment entre autres au niveau de l'organisation des femmes à l'époque de la révolution démocratique bourgeoise. De sorte que, pour autant que le féminisme ait pu apparaître et porter des propositions progressistes à l'époque, il ne pouvait de toute façon pas se développer à un niveau lui permettant d'organiser toutes les femmes, de par la faiblesse de la classe lui ayant donné le jour, à savoir la bourgeoisie nationale.

    Le féminisme au Brésil put gagner un peu en force au siècle suivant, à partir de 1920, justement à l'époque où la révolution démocratique comme tendance était la plus latente dans la société brésilienne ; époque marquée par la grève générale de 1917 et la fondation du Parti communiste en 1922.

    Les mots d'ordre du féminisme au Brésil, à cette époque d'apogée de la révolution démocratique comme tendance, étaient globalement les mêmes que ceux du féminisme de la bourgeoisie révolutionnaire en Europe au 19e siècle : liberté de travailler sans l'autorisation du mari, indépendance financière, droit de vote etc.

    Mais la faiblesse de la bourgeoisie nationale à l'époque de l'impérialisme ne permit pas au féminisme de descendre sur le terrain des classes populaires et de se lier à elles : il ne fut pas capable d'organiser et de mobiliser les femmes ouvrières et paysannes, laissant de côté, par exemple, les femmes noires qui étaient les premières victimes des traditions féodales-esclavagistes ; il ne réussit même pas à mobiliser un nombre conséquent de femmes de la petite bourgeoisie ; et de même que pour toute la révolution démocratique au Brésil, il ne pourra finalement accomplir ses tâches historiques de rupture avec les traditions et les bases semi-féodales du pays.

    Toutefois, bien que la révolution démocratique n'ait pu être menée à terme au Brésil, beaucoup de revendications féministes de la bourgeoisie ont pu être satisfaites sous le régime de Getúlio Vargas  —  qui fut celui de la consolidation et de l'approfondissement du capitalisme bureaucratique, encore assis sur une grande part des bases semi-féodales que la bourgeoisie nationale (et au niveau des femmes, le féminisme) n'avait pas pu détruire ou briser.

    Capitalisme bureaucratique et scission du féminisme brésilien

    Getúlio Vargas arrive au pouvoir au Brésil et met en œuvre une restructuration du vieil État : tout en conservant intactes la structure latifundiaire de la propriété agricole et la soumission à l'impérialisme (anglais, yankee et flirtant avec l'Allemagne nazie...), il consolide le capitalisme bureaucratique³ et l'ascension de la fraction bureaucratique de la grande bourgeoisie vers l'hégémonie dans l’État [ces notions un peu compliquées sont rapidement expliquées ici : capitalisme-bureaucratique-pays-domines]. Ce fait, ajouté à une toujours plus grande pénétration impérialiste dans le pays (fruit de la Seconde Guerre mondiale) et à la croissance du prolétariat (déjà doté de son Parti communiste), conduit à la scission du féminisme au Brésil comme conséquence du passage complet de la bourgeoisie dans le camp de la contre-révolution (dans le cas de la bourgeoisie nationale, le camp de l'inconséquence politique irréversible).

    Le féminisme, qui avant que le capitalisme bureaucratique ne se consolide avait dans toutes les classes les mêmes revendications (la conclusion des tâches démocratiques pour les femmes : suffrage universel, droit au travail etc., bien qu'incapable d'y parvenir en pratique), en vient donc à son tour à se diviser entre classes.

    Deux principaux secteurs porteront alors les mots d'ordre de la question féminine : les mouvements féministes bourgeois, avec leurs conceptions excluant la nécessité du Pouvoir et concevant l'oppression des femmes de façon isolée de toute le reste de l'ordre social ; et le mouvement féminin lié au prolétariat, qui conçoit le problème des femmes comme une manifestation particulière de l'ordre social et comprend que, comme autrefois la bourgeoisie européenne (alors révolutionnaire) face aux classes féodales, apportant de grands progrès à la condition féminine, pour faire progresser plus avant et définitivement l'émancipation il faut impérativement établir un nouveau régime de la classe révolutionnaire de notre époque, le prolétariat.

    Telle est la différence substantielle entre ces deux secteurs.

    Le féminisme au Brésil aujourd'hui

    Comme nous avons pu le voir, lorsque la bourgeoisie passe intégralement du côté de la contre-révolution, et que le féminisme connaît sa scission, échoit alors au prolétariat la mission d'avancer les changements démocratiques y compris sur la question des femmes (intégrer les femmes dans la production, détruire les traditions féodales de possession de la femme par l'homme etc.), au travers d'une analyse scientifique de la société et en proposant une véritable rupture avec le vieil ordre des choses ; tandis que la bourgeoisie, de son côté, tombe dans la plus totale vacillation politique, et montre sa complète incapacité à diriger le processus démocratique en étalant ses théories “philosophiques” abracadabrantes qui en pratique ne font qu'empêcher le progrès de la condition féminine.

    En pratique, tout progrès et toute conquête quant à la condition féminine ne sera plus possible que dans le cadre d'une grande lutte commune contre deux ennemis pernicieux, qui doivent être regardés comme les deux faces d'une même pièce : les vieilles classes dominantes avec leur vieil État, leur vieille société etc. (en d'autres termes, on parle là de la lutte pour la révolution...) ; et les idées du féminisme bourgeois. Ce dernier n'est ni plus ni moins que la tentative de la bourgeoisie de diriger le mouvement des femmes, et l'histoire a déjà prouvé que cette classe n'était pas capable (aujourd'hui moins que jamais) de faire avancer la condition féminine au Brésil.

    L'“erreur” de permettre à la bourgeoisie d'avancer ses positions dans le mouvement des femmes provient du fait que, si elle est incapable (comme nous l'avons vu) d'apporter une réelle solution aux problèmes féminins, elle parvient néanmoins à se faufiler dans les failles de la confusion idéologique et de l'opportunisme, qui ne font qu'alourdir et ralentir le mouvement.

    Les théories mises en avant par le féminisme bourgeois ne servent, consciemment ou inconsciemment, qu'à inverser les priorités et retarder la compréhension correcte de la réalité. Comme le disait déjà le grand Lénine, dans un échange avec la communiste allemande Clara Zetkin :

    “Où conduit, en fin de compte, cet examen insuffisant et non-marxiste de la question ? À la chose suivante : que les problèmes de genre et matrimoniaux ne soient pas vus comme une partie de la question sociale principale, sinon qu'au contraire, la grande question sociale apparaisse comme un pur appendice du problème de genre. La question fondamentale est reléguée au second plan, comme question secondaire. Ceci ne porte pas seulement préjudice à la clarté de la question, mais obscurcit la pensée en général, la conscience de classe des ouvrières.” (LÉNINE, “Lénine et le Mouvement des Femmes”, de Clara Zetkin).

    Conclusion

    Ainsi, lorsque nous cherchons à comprendre le féminisme par-delà d'une vision superficielle comme mouvement en soi, nous parvenons à comprendre chaque virgule de sa pratique actuelle et chaque centimètre de sa nature de classe : il est apparu comme idée de la bourgeoisie pour balayer les traditions féodales en Europe ; il s'est vu imposer un coup d'arrêt par la bourgeoisie elle-même lorsque celle-ci est passée intégralement dans le camp de la contre-révolution ; et il a alors connu un processus de scission entre la bourgeoisie et le prolétariat, ce dernier seul pouvant aujourd'hui poursuivre les avancées quant à la condition féminine en instaurant son Pouvoir.

    Au Brésil, il est apparu comme idée révolutionnaire démocratique de la bourgeoisie nationale, qui n'a cependant pas été en capacité de mener à bien la révolution démocratique et, dans le champ du féminisme en particulier, d'organiser les femmes des classes populaires et de leur apporter des progrès sérieux ; si bien qu'il a fini par scissionner dans le cadre de la consolidation du capitalisme bureaucratique, la bourgeoisie devenant alors réellement et irréversiblement incapable d'aborder sérieusement le problème et de lui apporter une solution, tandis que le prolétariat hérite de le mission de poursuivre le progrès et d'organiser les femmes des classes populaires (ouvrières et paysannes, en particulier les femmes de couleur qui sont les plus opprimées, ainsi que les étudiantes et intellectuelles honnêtes qui se placent du côté du peuple) jusqu'à leur complète émancipation.

    C'est ainsi que, dans le féminisme, les choses se présentent et elles ne seront modifiées que par une révolution ; de même que les réformes démocratiques pour les femmes en Europe n'ont pu être mises en œuvre que par la révolution démocratique bourgeoise. Pour cette raison, résoudre complètement la question des femmes au Brésil signifie lutter pour la révolution démocratique de nouveau type dirigée par un authentique Parti communiste, qui éliminera les traditions féodales opprimant les femmes (aujourd'hui, principalement les femmes des classes populaires), construira le socialisme et marchera vers le communisme au travers d'une succession de révolutions culturelles, balayant les résidus d'idées bourgeoises qui oppriment également les femmes.

    Nous voulons bien clarifier ici que, par cette conclusion, nous ne voulons pas dire que par exemple les communistes devraient “laisser de côté” la question féminine ou “attendre la révolution” pour prendre des mesures contre les vieilles conduites abusives et caractéristiques de l'ennemi de classe (agressions, humiliations etc.) ; au contraire, le communiste est un agent moral et doit être un exemple, il est par conséquent logique qu'il doive rompre avec ces pratiques caractéristiques de la vieille culture et les combattre chez ses camarades proches en dénonçant quelle classe elles servent.


    Notes

    ¹ “Revendications des femmes prolétaires” équivaut à ce que certains appellent, de manière erronée selon nous, “féminisme prolétarien révolutionnaire” etc. Il n'y a actuellement pas de consensus dans le mouvement communiste quant à l'utilisation du terme “féminisme” pour qualifier les revendications des communistes sur la question des femmes : certains utilisent l'adjectif “prolétarien” pour le différencier du féminisme bourgeois, tandis que d'autres rejettent le terme même de “féminisme” considérant qu'il désigne en tant que tel une conception bourgeoise du problème féminin. Pour notre part, ayant analysé l'histoire du concept, nous tendons à partager la position du grand Lénine et des communistes révolutionnaires du 20e siècle :

    “Cela me semble important pour notre travail actuel d'agitation et de propagande, si nous voulons prétendre convertir ce travail en action et en une lutte couronnée de succès. Les thèses doivent laisser extrêmement clair que ce n'est qu'à travers le communisme que se réalisera la véritable émancipation des femmes. Il faut absolument insister sur les liens qui existent entre la position sociale et la position humaine des femmes : ceci permettra de tracer une ligne de démarcation claire et indélébile entre notre politique et le féminisme.” (…) “Nous avons besoin d'organismes appropriés pour mener le travail politique révolutionnaire parmi les femmes. Ceci n'est pas du féminisme : c'est le chemin pratique, révolutionnaire.”(LÉNINE, “Lénine et le Mouvement des Femmes”, de Clara Zetkin).

    ² “Il est très important de souligner encore ici la distinction conceptuelle entre bourgeoisie bureaucratique et bourgeoisie nationale, la première étant la grande bourgeoisie locale liée à la grande propriété agraire et à l'impérialisme, composée de deux fractions essentielles, la bureaucratique et la compradore, tandis que la seconde est la bourgeoisie moyenne et véritablement nationale. Bourgeoisie nationale ou moyenne, dont le double caractère est déterminé par sa condition opprimée par l'impérialisme et la grande bourgeoisie à son service, d'un côté, et en même temps bourgeoise, exploiteuse de force de travail de l'autre. Sa faiblesse économique dûe à son oppression par les monopoles étrangers et nationaux, en sus de sa crainte naturelle envers la révolution prolétarienne, en fait une classe vacillante, inconséquente et totalement incapable de réaliser pleinement la révolution démocratique (sur la question agraire ou la question nationale notamment) que nécessitent nos pays dominés, et que seule peut aujourd'hui mener à bien la révolution populaire.” (‘La fin de l'histoire de la démocratie bourgeoise et l'époque de la démocratie populaire’, prof. Fausto Arruda, publié dans le journal A Nova Democracia nº 3)

    ³ Le capitalisme bureaucratique est un type de capitalisme qui naît imposé par la domination impérialiste et non d'une véritable révolution démocratique nationale, se consolidant sur la base de rapports sociaux féodaux. Cela signifie que c'est un capitalisme subordonné aux intérêts d'une ou plusieurs puissances impérialistes, et contraire à la pleine indépendance nationale.

    Source originale :

    https://serviraopovo.wordpress.com/2016/01/28/dois-caminhos-o-feminismo-ou-a-luta-feminina-revolucionaria/ (mais article apparemment supprimé depuis...)

    [L'on peut peut-être tenter le "rapide" résumé suivant, qui intègre dans la restitution du propos des camarades brésiliens les quelques divergences que nous pouvons avoir avec leur lecture historique :

    Le féminisme est un mouvement qui s’est inscrit dans cette séquence historique très particulière qu’a été la dite révolution bourgeoise, avec ses (plus ou moins fortes selon les pays) poussées démocratiques ; depuis le 18e siècle des "Lumières" jusqu'au début du 20e voire, pour certaines "répercussions", jusqu'au milieu voire aux grands "progrès" des années 60-70 de celui-ci (mais il vaut tout de même la peine, aussi, de lire Pasolini sur cette époque de "libération" et l'entrée dans le "fascisme moderne" qu'elle a aussi pu représenter).

    Un mouvement ayant pour but (et ayant effectivement dans une certaine mesure réussi au final) de rendre meilleure qu’en l’an 1000 ou 1200 une condition féminine qui valait ce qu’elle valait à ces dates mais surtout, avait entre disons 1400 et 1750 terriblement empiré ; l’accumulation capitaliste dans l’utérus d’un cadavre, celui de la féodalité européenne à son "stade suprême" absolutiste, ayant objectivement conduit à la rendre PIRE qu’avant aussi bien pour les femmes de l’élite que pour celles du peuple, particulièrement victimes de la guerre contre les masses qu’a représenté la dite accumulation, les évictions de paysans et rafles de miséreux, la construction et la consolidation des États modernes au détriment des nationalités réelles (sans parler du colonialisme), ou encore le développement manufacturier-industriel où elles étaient jetées comme robots producteurs inférieurs aux hommes, etc. etc. (voir plus haut le lien vers l'article sur les chasses aux sorcières).

    En tant que tel, ce mouvement ne pouvait 1°/ qu’avoir les limites intrinsèques à tout mouvement démocratique bourgeois, avant que la bourgeoisie n’entre carrément à son tour dans son "stade suprême" (à partir de la fin du 19e ) où elle devient totalement incapable d’être la force dirigeante de "poussées démocratiques" telles qu’observées au siècle précédent (une certaine petite-bourgeoisie "de gauche", ou les "traîtres" réformistes du mouvement ouvrier pouvant cependant peut-être prendre le relais pour quelques décennies encore), et 2°/ que jouer un rôle de figuration hors de l’Occident capitaliste développé, c’est-à-dire, dans les pays colonisés ou semi-colonisés maintenus sous une forme hybride de capitalisme arriéré et de féodalité tyrannique pourrie, au service des puissances impérialistes dominantes.

    Nous sommes donc entrés dans une nouvelle séquence historique où, de fait, le progrès le plus radical de la condition féminine, l’émancipation pure et simple des femmes, ne peut plus être le fruit d’un quelconque "féminisme" intrinsèquement bourgeois, mais découlera "naturellement" de la libération SOCIALISTE (et anti-impérialiste dans les pays dominés) de l’humanité entière, comme "volet féminin" de celle-ci.

    Car il faut oser, oui, oser sortir de la terreur intellectuelle postmoderne qui règne depuis 30 ans ou plus sur ce sujet, à coups de « et qu’est-ce qui nous prouve que vot’ socialisme il mettra ‘comme par magie’ fin au patriarcat » (ce que personne n'a jamais dit, mais il en créera les véritables conditions, ça oui), si ce n’est pas carrément « ouais mon œil », et « en attendant votre révolution qui n’arrive jamais, on fait quoi ? ».

    Il faut oser, à nouveau, affirmer et réaffirmer que les PIRES souffrances humaines qui soient ; et osons le dire aussi, il y a pire que d’être une femme en Occident et même en bien des endroits du Sud global : être un enfant qui meurt de faim en Afrique par exemple ; que ces souffrances, donc, n’ont qu’une seule solution, la révolution.

    Sortir de ce pseudo-urgentisme qui ne conduit en fin de compte jamais qu’à une forme ou une autre de charity business – pour les enfants d’Afrique, Bob Geldof, Renaud ou Balavoine ; pour les femmes, les grandes "mobilisations" médiatiques régulières de type #MeToo...

    Sortir de ce fascisme idéologique postmoderne de mort de toute pensée et perspective révolutionnaire, dans lequel nous croupissons sans même nous en rendre compte ; pour réaffirmer la nécessité historique d’un long et dur processus dans lequel tomberont peut-être des millions de martyrs, et exploseront dans la nuit les châteaux lits de l’oppresseur, pour que puisse triompher le droit au bonheur de milliards d’autres individus, dans le rire de leurs enfants et de toutes les générations futures !]

    À lire aussi :

    Un entretien excellent (par rapport au féminisme petit-bourgeois, au postmodernisme etc.) : Elaine Brown, ex-présidente du BPP

    ****************************************************************************************

    Voilà là des questions pour le moins intéressantes qui sont soulevées... Car en vérité, si l'on regarde un peu (par exemple) les positions de trois grandes figures révolutionnaires féminines que le mouvement féministe, parfois à leur époque et (plus ou moins "radical") aujourd'hui, a pu tenter d'annexer, quelles sont-elles ?

    Alexandra Kollontaï :

    « Comme beaucoup de socialistes ou de communistes, Alexandra Kollontaï condamne le féminisme de son époque, le considérant comme « bourgeois », puisqu'il détourne la lutte des classes en affirmant qu'il n'y a pas qu'une domination économique, mais aussi une domination des genres. Mais elle travaille cependant à l'émancipation des femmes dans le combat communiste ; elle déclare ainsi : "La dictature du prolétariat ne peut être réalisée et maintenue qu’avec la participation énergique et active des travailleuses". »

    Clara Zetkin :

    « Clara Eißner naît fille d'un instituteur, Gottfried Eißner, et de la féministe Joséphine Vitale (…) Clara rentre à l'institut Von Streyber pour l'éducation des femmes, ce qui lui donne accès à l'une des plus hautes éducations qu'une jeune femme pouvait obtenir à l'époque, l'accès aux universités étant encore impossible aux femmes à l'époque. Elle eut notamment comme enseignante l'éducatrice et féministe Auguste Schmidt. Elle fréquente les mouvements féministes, participant aux discussions de l'Allgemeiner Deutscher Frauenverein (Association générale des femmes allemandes) »

    « Elle s'éloigne de sa famille et du féminisme bourgeois et adhère la même année au SAP, ancêtre du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) »

    « En Suisse, elle influence par son opposition au féminisme bourgeois l'Union suisse des ouvrières, qui n'adhère pas à l'Alliance des sociétés féminines suisses »

    « En effet, les socialistes sont encore divisés sur la question du travail des femmes : sa massification est accusée de faire baisser les salaires, et certains socialistes ont encore une vision conservatrice de la place "naturelle" de la femme au foyer, comme le défendaient les partisans de Proudhon lors de la Première Internationale.

    Son discours à Paris plaide pour une émancipation de la femme en deux temps, le premier étant l'accès au travail :

    "Libérée de sa dépendance économique vis-à-vis de l'homme, la femme [qui travaille] est passée sous la domination économique du capitaliste. D'esclave de son mari, elle est devenue l'esclave de son employeur. Elle n'avait fait que changer de maître. Elle a toutefois gagné au change : sur le plan économique, elle n'est plus un être inférieur subordonné à son mari, elle est son égale."

    Elle contrecarre les arguments contre le travail des femmes, dont elle attribue les conséquences néfastes au système capitaliste.

    Enfin, elle fustige le féminisme bourgeois (comme de tradition chez les marxistes de l'époque) dont elle considère que les priorités (accès aux études supérieures, droit de vote des femmes...) ne sont pas celles des travailleuses :

    "Les pays dans lesquels existe le suffrage dit universel, libre et direct, nous montrent qu'en réalité il ne vaut pas grand-chose. Le droit de vote sans liberté économique n'est ni plus ni moins qu'un chèque sans provision. Si l'émancipation sociale dépendait des droits politiques, la question sociale n'existerait pas dans les pays où est institué le suffrage universel. L'émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s'émancipera du capital." »

    Louise Michel :

    « Cet article s’attache donc à montrer comment, dans ce contexte, Louise Michel a été construite comme une figure féministe, alors même qu’elle refuse de se définir comme telle. »

    https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2017-2-page-18.htm

    « En effet, Louise Michel ne se considère pas comme féministe. Elle refuse, dans une perspective anarchiste, la revendication du droit de vote des femmes, central dans les mouvements féministes de cette fin du XIXe siècle.

    Ses prises de position dans la presse sur le sujet sont assez claires.

    Dans une interview en 1893, elle répond à un collaborateur de La Presse :

    "Que pensez-vous des revendications politiques féminines ?

    – Aberration. La femme ne doit pas réclamer sa place parmi les oppresseurs, son seul devoir est de la tenir dans la révolte."

    Dix ans plus tard, sa position est identique, et elle déclare dans La Presse en 1904, soit un peu moins d’un an avant sa mort : "On a souvent répété que j’étais féministe. Je ne suis pas féministe. Pourquoi réclamer, en effet, pour les femmes des droits politiques puisque, dans l’anarchie future, il n’y aura plus de gouvernement, plus d’autorité ?" »

    CQFD...


    1 commentaire

  • Nous serions tentés de dire que non. 

    La nostalgie mélenchonienne d'un on-sait-plus-trop-quand où "c'était mieux" socialement, est un anticapitalisme romantique. Dans une large mesure, l'anarchisme, le zadisme, l'altermondialisme sont des anticapitalismes romantiques. Même la volonté de "créer son propre emploi" et peut-être "devenir riche" ainsi (au cœur de l'idéologie Macron) est une forme d'anticapitalisme romantique, en tout cas de volonté de revenir à un capitalisme "originel" où "tout était possible", avant que la "bureaucratie" au service des "installés" ne verrouille tout.

    Tout ce qui n'est pas matérialiste, scientifique, est un anticapitalisme romantique. 

    Le fascisme devrait donc peut-être se limiter à désigner la portion de l'anticapitalisme romantique captée par le capitalisme dans une mobilisation réactionnaire de masse pour surmonter sa propre crise.

    Et donc du coup, est-ce que les islamismes, qui ont sans le moindre doute cette dimension anticapitaliste romantique (quelque part, une sorte de longue chouannerie -  qui va bientôt fêter son centenaire - face à la "modernité" impérialiste...), seraient "semblables" aux fascismes mais "hors du contexte de pays impérialistes" ? 

    Il est sans doute possible de le dire, MAIS "hors du contexte de pays impérialistes" est justement ce qui fait toute la différence... Ou plutôt, en fait, va s'appliquer la même règle : sera, en un sens, "fasciste" ce qui sera mis par l'impérialisme à son service ; ou au service d'un projet expansionniste comme le "Califat" de Daesh ou le nouvel Empire ottoman d'Erdogan. Mais clairement, pas ce qui est une résistance "anticapitaliste romantique" nationale CONTRE l'impérialisme (c'est là que se situe toute la différence).

    Il est de toute façon impossible d'être dans un combat nationaliste bourgeois ("laïc" ou religieux, mais non-communiste) sans merci, et encore moins dans une démarche expansionniste comme la Turquie ottomaniste d'Erdogan ou le "Califat" de Daesh, sans présenter d'évidents caractères qualifiables de "fascistes" et notamment "anticapitalistes romantiques", anti-individualistes, de soumission sacrificielle de l'individu à la communauté (nationale ou religieuse), sans parler de la violence antipopulaire. De toute façon, pour la majorité de la gaugauche occidentale, si l'objectif est communiste, alors ce ne sera pas fasciste mais "stalinien"... Ou alors il faut délibérément organiser un "spectacle-emballage" dans le but explicite de plaire à cette gauche, et ça s'appelle le PKK-PYD-YPG/J (ou l'EZLN). 

    Le problème est de toute façon toujours le même, à savoir d'avoir une lecture non pas "religieuse" (faite de totems et tabous, basée sur l'apparence et non l'essence) mais POLITIQUE (d'ÉCONOMIE POLITIQUE) des choses : classes en présence, analyse de classe du phénomène considéré, analyse de classe de ce qu'il affronte, rapports de force, contexte actuel et historique, etc.

    Lire aussi : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/en-gros-a130231220


    2 commentaires

  • Une simple publication sur Facebook, comme ça, sans prétention aucune, au sujet d'un dealer d'une favela brésilienne qui a enlevé deux infirmières (qui auraient été bien traitées) pour les obliger à vacciner les enfants contre la fièvre jaune, a suscité une tempête de commentaires indignés.

    Un mal pour un bien : cela aura été l'occasion d'aborder en profondeur ce problème qui, si il touche toutes les classes (les jeunes cadres dynamiques ne sont pas en reste), est particulièrement prégnant dans les quartiers populaires.

    Alors déjà, il semble que les choses n'aient pas été bien comprises, ou comprises de travers dès le départ.

    Bon, il y en a un par exemple, en mode délire total comme d'habitude : "défendre LES dealers comme progressistes"... non mais LOL ! Il est question d'UN mec qui a fait UN truc, dans UN article qui ne cherche aucunement  à dire "le leader de la révolution brésilienne est né".

    Ensuite, plus globalement, l'impression qui se dégage est celle d'un grand malentendu : l'impression que les gens voient une réponse ("c'est ça qu'il faut faire"), là où il n'y a que des questions.

    Un camarade, d'ailleurs, pose (indirectement) une de ces questions de manière (déjà) beaucoup plus intéressante :

    "Des dealer qui se prennent pour des Robins des Bois à la sauce Pablo Escobar y en a toujours eu et y en aura toujours. Si tu veux  développer ton influence, ton réseau, et pouvoir vivre ailleurs que terré dans une cave il faut se développer sur certains endroit et avoir un certain soutien populaire. Ce gars là ça en fait pas moins que c'est une saloperie et que pour l'instant ça reste une saloperie de dealer et c'est pas du tout ça qu'on doit mettre en avant en tant que révolutionnaire. Le fait de 'pas avoir le  choix' c'est de la connerie. On à toujours le choix de choisir de pas empoisonner sa classe, d'autant plus qu'au Brésil il y a un Parti puissant."

    Bon, apparemment le gars dont il est question n'est pas non plus Pablo Escobar. Mais voilà, c'est justement là une question que cet article a vocation à poser : pourquoi en Amérique latine les narco-trafiquants sont-ils vus comme des dieux, et pas ou moins les révolutionnaires (au Brésil oui il y a un Parti puissant mais il est encore loin d'être partout, on parle de 8,5 millions de km², 210 millions d'habitants).

    Tout simplement parce que le fait est que, POUR SERVIR LES INTÉRÊTS que décrit bien le camarade, ils servent le peuple. Pour en empoisonner une partie derrière (encore qu'il y a longtemps eu une politique de ne vendre qu'aux pays du Nord, rien a 'su gente', mais bon c'est fini)... Mais ils le servent. Pendant que la gauche petite bourgeoise occidentale (et locale) fait la leçon et s'offusque.

    SLP a parlé en son temps du massacre d'Ayotzinapa au Mexique, et a donc eu l'occasion d'aborder cette question des cartels criminels (qui avaient en l'occurrence été "embauchés" par le président municipal local pour le sale boulot) : feroce-repression-contre-des-etudiants-au-mexique-l-etat-bourgeois-sem

    Nous y avions, concrètement, caractérisé le narcotrafic dans ces pays comme finalement, un peu comme l'islamisme dans les pays musulmans (objet d'une autre grande "guerre contre" planétaire !), une expression du capitalisme "d'en bas", naissant spontanément dans les "entrailles" de la vie sociale populaire (où les gens produisent et vendent, bref font du bizness et certains deviennent riches et d'autres pas...). Il y a un capitalisme "d'en haut", monopolisé par une oligarchie bureaucratique-compradore héréditaire et impulsé par et au service de l'impérialisme ; mais au sein des masses populaires (à peu près livrées à elles-mêmes par l’État) il y a aussi une vie sociale qui généralement produit des échanges marchands, en mode système D, petit commerce de proximité etc.

    Des petits bourgeois, ou carrément des prolos, des prolétaires "informels" issus de la paysannerie pauvre émigrée et entassée dans les grandes villes (par exemple), "bloqués" par le système oligarchique et clientéliste dans leurs rêves d'une vie de palace, se lancent alors parfois dans un commerce illégal qui peut se révéler juteux... Et certains peuvent, là-dedans, aller très très loin. 

    Mais voilà, ce "capitalisme d'en bas" "empêche le surproduit (plus-value "sur-accaparée") de remonter correctement jusqu'aux monopoles impérialistes - qui le combattent donc en conséquence, dans leur perspective de domination totale des économies du Sud".

    En Amérique latine s'est développée dans les années 1970-80 une logique que l'on pourrait résumer ainsi : trafiquer illégalement la production locale de drogues, en particulier la cocaïne, exclusivement (à l'époque) à l'export vers l'Amérique du Nord ou l'Europe ; grand principe des narcos de la "vieille école". Contrairement aux idées reçues, la marchandise d'Escobar n’inondait pas vraiment les rues colombiennes ; étant de toute façon inaccessible à la bourse des prolétaires locaux. Les gamins des rues buvaient, fumaient de l'herbe (trouvable partout, même pas un trafic au niveau local) ou sniffaient de la colle. L'idée était concrètement "que les Gringos s'en foutent plein les narines et moi, avec leur fric, d'abord je vais devenir plus riche que la moitié des pays du monde, et ensuite je vais construire pour les gamins pauvres des écoles, des stades de foot, des hôpitaux etc. etc. bref tout ce que ceux qui sont nés avec l'or dans la bouche ne font pas".

    Mais bon... Tout ceci n'est bien sûr pas resté plus de 25 minutes un tel tableau idéal et "Robin des Bois". Capitalism is capitalism et petit à petit, pour développer le marché (nature même du capitalisme) il a fallu en ouvrir un local, de marché, et donc droguer avec de la came de merde (financièrement accessible) son propre peuple pauvre, tout en continuant à lui faire des écoles et des stades de foot. Sachant aussi que les "Gringos" (ou les Européens) ne sont pas un bloc, mais des classes sociales différentes, des prolétaires, des minorités raciales opprimées, et si la cocaïne est en principe plutôt une drogue de riches, elle est très vite rentrée dans la composition du crack, véritable fléau populaire. La nécessité de toujours plus de marchandise va (forcément) pousser à une surexploitation de type esclavagiste des paysans producteurs de coca. Et puis, que ce soit pour se "faire" ou pour (ensuite) défendre une fortune de plusieurs millions voire milliards de dollars, face à la concurrence ou aux "mauvais payeurs", aux adversaires de l'illégalité etc., il est difficile de ne pas déployer dans tous les cas une terrible violence antipopulaire. "Les gauchistes", qui n'ont "rien compris à la vraie vie" et veulent "prendre aux gens ce qu'ils ont gagné à la force du poignet", c'est "hors de question" d'en entendre parler : on va les combattre sans pitié... etc. etc.

    Comme nous le disions dans l'article précédemment cité, "ces forces expression du "capitalisme d'en bas" ne sont nullement "subversives" et encore moins "progressistes" : elles se caractérisent généralement par une grande barbarie dans leurs pratiques quotidiennes et dès que le vent de la révolte populaire se lève, elles ont systématiquement tendance à "faire bloc" avec la classe dominante "d'en haut" pour l'écraser. Cela ne date pas d'hier : il suffit de penser au rôle des fameuses triades dans la répression-massacre des communistes en Chine, en 1927".

    Au bout d'un moment donc, ou plutôt très vite, on a affaire à des forces jouant un rôle politique fondamentalement réactionnaire. Mais cette contradiction initiale entre "le gars qui s'est fait tout seul à partir de rien" et redistribue (un peu) aux pauvres en mode "Robin des Bois", et l'oligarchie bureaucratique-compradore semi-coloniale qui a priori ne laisse aucune chance à ceux qui (comme dans la chanson de Goldman) ne sont "pas bien nés", est ce qui explique le soutien populaire (nécessaire à l'activité, comme l'explique bien le camarade) dont bénéficient ces individus, et ce à tous les niveaux, pas seulement les parrains des parrains à la Escobar mais aussi les "petits bonnets" de quartier.

    Certains courants opportunistes de gauche, généralement postmodernoïdes, célèbrent les activités "populaires informelles" et autres "marginalités", ce qui est évidemment de la merde à leur mesure ; mais les matérialistes, eux, n'en doivent pas moins comprendre les choses ainsi pour pouvoir les traiter dans un esprit de LIGNE DE MASSE ; et non pas tomber en mode matérialiste-point-com dans les solutions "définitives" du type "tous une balle dans la tête", dans la même veine que "les putes en camp de travail" ou "les Roms de toute façon c'est qu'une grande mafia".

    La question de la drogue est complexe du point de vue communiste authentiquement matérialiste, caractérisé par "l'analyse concrète de la situation concrète". Des Partis ont très souvent en effet, dans des conditions (bien précises) données, eu à affronter les dealers de drogue (mais pas sûr, notamment dans le cas du BPP, que ce ne soient pas les dealers qui aient déclaré la guerre en premier...). Mais au Philippines, Duterte a lancé une guerre d'extermination contre les "dealers" (ceux qu'il juge tel) et le CPP s'y est opposé, disant que c'est pas comme ça qu'on règle le problème. Ajith aussi a parlé de la "guerre contre la drogue'', comme de la "guerre contre le terrorisme", comme d'une guerre contre le peuple. Aux États-Unis, des mouvements noirs qui se réclament du BPP le disent aussi d'ailleurs.

    [À la fin de l'été dernier donc, conformément à ses promesses électorales et à sa politique dans la ville dont il était précédemment maire, le nouveau président philippin Rodrigo Duterte a donné l'ordre (à la police... et à tout "bon citoyen") de littéralement tirer à vue sur tout "dealer" de drogue dans tout le pays. Au bout d'un mois l'on comptait déjà plus de 1 000 morts, soit plus d'exécutions extrajudiciaire qu'en 9 ans de présidence de la très fasciste Gloria Arroyo.

    Cela a été l'occasion, pour le Parti communiste (CPP) et les grandes organisations démocratiques comme le NDFP (lié au CPP) ou Karapatan, de livrer la position suivante : la "guerre contre la drogue" de Duterte est antipopulaire et antidémocratique, une guerre contre le peuple, qui ne fait que massacrer les consommateurs et petits revendeurs eux-mêmes consommateurs et laisse tranquille les gros bonnets liés au pouvoir politique et à l'oligarchie économique ; la seule façon de mener efficacement la guerre contre la drogue étant (pour le CPP) de "mobiliser les masses du peuple dans la révolution sociale", ou (pour Karapatan) de "défendre les droits économiques et sociaux élémentaires du peuple", fournir "des emplois stables aux salaires dignes", "l'accès gratuit à la santé et à l'éducation ainsi qu'à la terre cultivable", afin que la population "répudie la consommation ou le trafic de drogues".

    http://bulatlat.com/main/2016/08/24/rights-groups-dutertes-war-drugs-stop-killings/

    https://www.rappler.com/nation/142967-cpp-duterte-war-drugs-anti-people-undemocratic]

    La question de la drogue pose aussi et surtout la question du désespoir prolétarien, qui pousse à une consommation morbide. Aucune substance n'est "mauvaise" en soi, la plupart sont utilisées en pharmacie (d'ailleurs les médocs sont peut-être la drogue n°1). L'État est le plus gros dealer, d'une substance potentiellement pire que les 3/4 des autres : l'alcool. Potentiellement pire, mais que l'on peut aussi consommer en toute modération. Bref...

    "Le choix", non on ne l'a pas toujours, notamment quand on est soi-même tombé dedans et qu'on deale pour pouvoir acheter (les gros bonnets ont pour principe de ne jamais consommer eux-mêmes, d'ailleurs). C'est le cas typique des milliers de victimes de Duterte aux Philippines, et de la "guerre contre la drogue" dans tous les pays où elle se déchaîne.

    Bref, c'est complexe. Le problème étant le désespoir, l'espoir est donc l'ennemi du trafic de drogue ; donc effectivement les vendeurs irréductibles n'aiment pas l'espoir, donc n'aiment pas le BPP, le DHKP-C, les républicains irlandais et tous les révolutionnaires ; l'affrontement étant par conséquent tôt ou tard inéluctable. Ceci sans même parler du cas d'introduction VOLONTAIRE de drogue par l'État et d'utilisation des dealers comme mouchards (ghettos raciaux US, Italie, Irlande, Pays Basque), qui peut expliquer les volées de plomb aussi.

    [En Europe à partir des années 1970 il y a eu l'héroïne : cela, il est documenté aujourd'hui que ça a été COMPLÈTEMENT organisé par les États, les services spéciaux et les stay behind anti-"subversifs" ; en se fournissant chez les "guérillas" anticommunistes d'Asie du Sud-Est ou la Maffya turque (liée aux Loups Gris).]

    Mais encore faut-il que la révolution soit à l'ordre de jour, pour que l'on puisse observer, en plus d'un (probable) recul de la consommation populaire, qui des vendeurs et revendeurs s'y rallie ou préfère au contraire rester englué dans le business, et donc la combattre et être combattu par elle.

    Et dans tous les cas, ce n'est pas une affaire d'approche moralisatrice et incantatoire. Le mouvement communiste a aussi toujours combattu les Ligues de Vertu bourgeoises (contre l'alcoolisme, auquel il s'opposait pourtant lui aussi), pour la bonne et simple raison qu'elles prétendaient combattre le "mal" sans s'en prendre à ses causes sociales. Et "suffit d'tous les buter", ça s'appelle Duterte et le mouvement maoïste des Philippines s'y est opposé.

    Finalement la meilleure réponse, en forme de question, pourrait être : est-ce que le Parti peut faire ce genre de choses, servir le peuple en "Robin des Bois" ; et donc les retirer des mains des narcos pour ne leur laisser que le narcotrafic qui sera combattu ?

    Au Brésil la réponse est qu'il y a des maoïstes qui servent le peuple, oui, mais ils sont hélas encore loin d'être partout (et s'implanter dans les favelas pose par ailleurs le problème d'affronter les gangs).

    [Ils sont surtout implantés dans le Sud-Ouest subamazonien du pays. À Rio, mégalopole de 15 millions d'habitants, ils sont hélas encore loin d'être hégémoniques. Surtout dans les favelas qui sont sous le contrôle des gangs malheureusement, dont certains proviennent... de guérillas de gauche qui ont dégénéré, comme le Comando Vermelho (vermelho = rouge...). Ce sont ceux-ci qui sont l'État dans ces quartiers, hélas. D'ailleurs, au Pérou le PCP organisait l'implantation de NOUVEAUX quartiers de migrants ruraux. Dans les quartiers déjà surgis de terre (c'est comme ça là-bas, les gens arrivent sur un terrain non construit et s'installent) depuis longtemps, c'était sûrement moins simple : il devait déjà y avoir des parrains locaux qui verrouillaient tout. C'est pour cela que les maos brésiliens travaillent surtout "à la source" : avec les paysans sans terre qui luttent encore pour la terre et ne sont pas encore allés s'entasser à Rio ou São Paulo. Parce que là-bas c'est déjà plus compliqué.]

    Et puis une autre question, comme on l'a dit aussi, est celle de la contradiction qui traverse chaque individu entre l'arriéré-aliéné et l'avancé-révolutionnaire ; moteur de sa transformation individuelle. Ali la Pointe, proxénète qui devient cadre du FLN. Alors bon après, si on veut s'amuser on peut faire un dossier matérialiste-point-com de 16 articles pour expliquer que le FLN c'était bourgeois et tout pourri...

    Les 3/4 des Black Panthers, au moins, avaient un passé de lumpen parfois lourd.

    Kevin "Rashid" Johnson du New Afrikan Black Panther Party (NABPP) est en taule depuis le début des années 1990 pour... avoir été un dealer de drogue.

    Il n'est peut-être pas le nec plus ultra idéologique MLM... Mais il offre une autre perspective à la population carcérale US (1% de la population, 5% des minorités noire et latine...) que de rester dans les mêmes gangs et se filer des coups de brosse à dent taillée pendant la promenade. MAIS en fait, au début des 90s il aurait fallu le buter... CQFD.

    Et puis enfin pour finir, ça nous saoûle ce côté born again de certains dans la nécessaire lutte révolutionnaire contre les aliénations toxiques.

    Oui, nous assumons ce terme qui, bien au delà de quelques personnes en particulier, désigne à la perfection ces gens qui trouvent dans un dogme politique (comme religieux pour d'autres) une espèce de rédemption et d'expiation des problèmes qu'ils ont eu et des erreurs qu'ils ont faites dans la vie (sans même parler des cas littéralement psychiatriques). Et cassent les couilles aux autres... Et derrière, attention, on ne peut pas plus critiquer LEUR lecture de leur idéologie (maoïste ou autre), que la lecture de l'islam d'un takfiri !

    Il y a de cela dans BEAUCOUP de gens et ça pompe l'air, voilà. Nous disons dogme "politique" mais en fait c'est un oxymore : le dogmatisme à un tel niveau est ANTI-politique. Les positions réacs, antipopulaires arrivent toujours plus tôt que tard.

    Sur la question des drogues, vendre a une part de déterminisme social ET comme dit le camarade une part de choix... Mais à ce moment-là, consommer aussi, plonger complètement dedans aussi, ou alors qu'on nous explique la différence. À partir de là, s'en sortir c'est très bien ! Grâce à un engagement politique révolutionnaire, encore mieux !! Mais on peut alors, au moins, faire un peu le canard... Et pas le Père la Morale, quand lorsqu'on parle à un alcoolo ou un tox, on parle à soi quelques années en arrière.

    Sur la question de la drogue, du trafic, des dealers etc.


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  • #Syrie : le martyre de la Ghouta et le triomphe programmé d'Assad

    Certes, mais il y a les désirs et il y a la réalité.

    Nous ne désirons pas la victoire d'Assad, elle nous fait même horreur, mais c'est la réalité de ce qui est en train de se passer.

    Au moins, pourra-t-on dire, après une dernière vague de répression la guerre sera finie, et reprendra la hagra ordinaire...

    La révolution syrienne devra repartir de zéro, et ce qui comptera surtout d'où nous sommes, en Occident, sera de mettre chacun devant ses responsabilités.

    Ceux qui auront fait du boucher leur Blanc d'honneur par haine des z'horribles z'islamistes ; les BHLoïdes qui auront dévoyé la révolution en mercenariat des Saoud et d'Erdogan avant (généralement) de se rendre compte avec horreur de ce qu'ils avaient fait et de basculer kurdolâtres ; et enfin et surtout les rojavites qui nous auront fait tout un foin avec leur "3e voie progressiste", à laquelle nous-mêmes avons cru un bon bout de temps ; qui auront même incité de gens à aller MOURIR là-bas pour un idéal "communiste" et/ou "libertaire", pour qu'à l'arrivée... ce qui n'est pas devenu la part yankee du gâteau (si tant est que les Yankees restent) revienne tout simplement dans le giron du régime fasciste.

    On pourra se consoler en se disant que le régime ne pourra certainement plus régner comme avant, car tout cela aura été une école de lutte et d'auto-organisation pour le peuple – et à ce jeu là, les zones dites "ASL" n'auront pas été moins intéressantes que les zones Rojava tant encensées.

    #Syrie : le martyre de la Ghouta et le triomphe programmé d'Assad

    C'EST un conflit Nord-Sud car d'une part c'est l'Israël de Moscou (depuis déjà le régime pro-soviétique du père), d'autre part il ne faut pas se leurrer, TOUS les États profonds impérialistes occidentaux ont fait d'Assad leur Blanc d'honneur dès que la connotation islamique (en fait... simplement SYRIENNE, ARABE, pas venue d'une autre planète !) de la rébellion est apparue clairement, c'est-à-dire pratiquement dès le début.

    Ils ont étudié quelques possibles changements de régime au sein même du sérail (Rifaat el-Assad, Manaf Tlass) puis ont laissé tomber. S'ils avaient vraiment eu Assad dans le collimateur, ç'aurait été réglé en quelques semaines comme Kadhafi.

    Au final ils ont regroupé les quelques composantes "potables" de l'opposition autour de leurs nouveaux protégés kurdes, et fin de l'histoire, en forme de plan de partage de part et d'autre de l'Euphrate. En Rojava, des gens sont MORTS pour le communisme libertaire... pour qu'au final ce qui ne relève pas du protectorat impérialiste occidental au Nord-Est de l'Euphrate, revienne tout simplement au régime (qui sans tarder écrasera ceux qui oseront lui parler de "confédéralisme démocratique" façon Chine 1927). Misère ! 

    Mais bon... Il faut avoir à l'esprit qu'il y aura eu dans ce terrible conflit au demi-million de victimes deux histoires celle des seigneurs de guerre, des milices au service de telle ou telle puissance impérialiste ou régionale, des reconnus "acteurs" par la "communauté internationale" (que ce soit pour les inviter à la table des négociations ou pour les écraser, peu importe)... et puis, "cachée dessous", celle des MASSES ; les masses qui font et peuvent tout et FONT RÉELLEMENT L'HISTOIRE ; qui durant 7 ans se seront auto-organisées pour la survie et le maximum de bien-être et de liberté démocratique possible, en Rojava certes... mais pas moins dans les zones insurgées "ASL" ou même vaguement contrôlées par le régime ; et c'est cette histoire, cette école de lutte révolutionnaire qui, nous le verrons dans les décennies à venir, fera à long terme l'Histoire avec un grand H. 

    Même la présence communiste, marxiste-léniniste et maoïste aux côtés de Rojava aura été utile, au-delà de la protection des populations qui se justifiait au début, comme point de départ d'une gigantesque campagne mondiale de clarification de notre compréhension communiste du monde sur tout un ensemble de points – ce qui n'est jamais vraiment possible sans se confronter au réel immédiat, à l'Histoire qu'il s'agit de faire sans l'avoir déclenchée, ni en maîtriser depuis un quartier général toute la complexité.


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    Quelques réflexions sur le processus catalan


    Le processus d'indépendance du Principat est dans l'impasse. D'un côté nous avons un État espagnol qui ne veut rien lâcher, une Europe qui ne veut pas créer un précédent ; et de l'autre nous avons les représentants du Peuple catalan qui sont comme paralysés. Malgré les mobilisations de masse de la société civile, la situation risque de s'enfoncer dans un statu quo démobilisateur. Tout cela désarme les masses et crée un sentiment de gâchis énorme.

    Lire la suite >>> nosinfo.org/789-quelques-reflexion-sur-le-processus-catalan

    Sur la Catalogne


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