• Turquie/Kurdistan : élections anticipées, l'heure de vérité approche


    Comme nous l'avons dit à plusieurs reprise, le conflit syrien, dans lequel la Turquie "néo-ottomaniste" d'Erdogan s'est impliquée dès le début, s'achemine vers une solution en forme de tripartition syrie-vers-un-triple-protectorat dans laquelle cette dernière et les forces "rebelles" qu'elle appuie obtiennent une petite partie au Nord-Ouest du pays, les secteurs d'Idleb, d'Afrin et du Shahba (zone "Bouclier de l'Euphrate" déjà contrôlée depuis début 2017) ; territoire faisant office de "réceptacle" pour les rebelles chassés du reste du pays par le régime et ses alliés (Russie et Iran) ou par les FDS autour des YPG/J kurdes, soutenues par l'OTAN. http://ekladata.com/yGNf1hpAoU82NvLNb3pbDVF6WSg.png

    Tel est le sens du sacrifice (principalement par les Russes et le régime, qui avaient les moyens d'intervention les plus directs, même si la coalition occidentale a bien sûr agi en accord) du district d'Afrin, concrètement "échangé" avec Erdogan afin de donner forme à cette zone turco-rebelle continue, contre le "nettoyage" des dernières poches de rébellion ailleurs.

    Une possibilité que nous avions alors évoquée, c'était aussi que cette "concession" faite à Erdogan ait un caractère "piégé" : qu'elle vise, en clair, un enlisement de l'armée turque dans le territoire occupé (qu'elle est encore loin de contrôler totalement, et dans lequel la guérilla kurde a immédiatement commencé) ; afin de pouvoir user et finalement "tuer" politiquement le maître d'Ankara qui perdrait alors les élections prévues pour novembre 2019.

    Car notre conviction clarifications-sur-quelques-points (lire aussi ici) est que l'impérialisme occidental a au Proche et Moyen Orient un "ordre des priorités" et que, l'"hydre" de l'"État islamique" désormais écrasée (enfin, pas totalement non plus, en laissant "juste ce qu'il faut" pour justifier une présence militaire à durée indéterminée...) et les forces "de l'ombre" appuyant le djihadisme dans la Péninsule arabique, reprises en main par le coup de force du prince Mohammed bin Salmane, il cherche désormais, pour pouvoir aller "sereinement" au combat géopolitique de longue haleine contre l'axe Russie-Iran, à se débarrasser d'Erdogan et de sa politique "néo-ottomane" d'utilisation maximale de la marge de manœuvre du capitalisme semi-colonisé turc.

    Ce n'était pas improbable... et tellement pas improbable, que c'est peut-être ce qui a donné à Erdogan l'idée d'avancer la date des élections de près d'un an et demi, les fixant au 24 juin prochain, afin de surfer sur l'"état de grâce" de la "victoire" à Afrin plutôt que de se débattre dans les affres d'un bourbier :

    http://www.lefigaro.fr/international/erdogan-convoque-des-elections-anticipees

    L'autre motivation à cela étant, selon toute vraisemblance, d'écarter du scrutin sa seule rivale sérieuse au poste présidentiel : Meral Akşener.

    Une figure politique souvent comparée ici (dans la presse libérale-"progressiste") à... Marine Le Pen ; mais qui en réalité, venant de la droite demirelienne des années 1990 (ayant même effectué un passage éclair de 9 mois au Ministère de la Défense) et certes passée pendant plus de 15 ans (2001-2016) par le MHP ("Loups Gris", parti ultra-nationaliste traditionnellement considéré comme l'extrême-droite turque), a rompu avec celui-ci, reprochant à ses nouveaux dirigeants leur alliance inconditionnelle avec Erdogan, et est désormais en train de tenter et peut-être de réussir une véritable opération à la Macron (qu'il lui arrive d'ailleurs parfois de citer en exemple !).

    Sa nouvelle formation, le "Bon Parti" (Iyi Parti), se positionne en effet en dépit des origines politiques de sa dirigeante au CENTRE de l'échiquier politique turc : nationaliste... comme tout le monde l'est ou est (du moins) censé l'être ; "laïc" et revendiquant l'héritage kémaliste, mais sans fanatisme contre l'islam majoritaire de la population ; à la fois libéral et "social" ; revendiquant également de reprendre la démarche (abandonnée depuis une dizaine d'années) de rapprochement avec l'Union européenne ; et cherchant, surtout, à fédérer absolument TOUTE l'opposition à Erdogan qui s'est développée ces dernières années, depuis la "gauche" kémaliste (CHP) voire... "progressiste" HDP (nous y reviendrons) jusqu'aux "islamistes" rivaux de l'AKP (Saadet Partisi, gülenistes traqués depuis la vraie-fausse-on-sait-pas-trop tentative de coup d’État de juillet 2016 - en réalité, terme fourre-tout et épouvantail des partisans d'Erdogan pour désigner les islamo-conservateurs pro-occidentaux et europhiles - etc.), en passant par la base MHP hostile à la ligne pro-AKP de l'actuelle direction, voire... les électeurs déçus de l'AKP lui-même.

    http://www.liberation.fr/face-a-erdogan-le-faucon-meral-aksener-vole-vers-le-centre

    Une ligne et une démarche, donc, qui la feraient infiniment plus ressembler à l'opération "En Marche" d'Emmanuel Macron et qui placeraient plutôt dans le rôle de Le Pen (hormis le fait d'être actuellement au pouvoir), de cible du "tout sauf" piège-à-cons... Erdogan et son alliance AKP-MHP.

    Ou alors que l'on pourrait rapprocher (aussi) du nouveau parti Ciutadans-Ciudadanos dans l’État espagnol, connu pour son positionnement en première ligne contre le processus d'indépendance catalan et dont le leader-fondateur Albert Rivera aurait lui aussi des origines politiques... passablement droitières, et aurait fait avec intelligence tactique mouvement vers le centre social-libéral et européiste.

    Un "Bon Parti" d'Akşener, donc, que des élections avancées au 24 juin prochain auraient eu pour effet... d'empêcher de s'y présenter, faute de remplir la condition de 6 mois d'existence légale comme parti politique ; condition qui n'aurait été remplie que... le 28. On reconnaît là le côté farceur caustique de ce bon vieil Erdo !

    MAIS il existe une autre condition, alternative, permettant d'échapper à la première : avoir un groupe d'au moins 20 députés à la Grande Assemblée Nationale. Ce qui vient, à présent, d'être offert au jeune mouvement par le ralliement in extremis... de 15 députés kémalistes CHP : turquie-le-bon-parti-de-meral-aksener-autorise-a-participer-aux-elections-anticipees. 15 députés sur... 134 issus des élections de novembre 2015 (1 sur 9), ce qui en dépit de l'opposition de façade du parti kémaliste historique à l'outsider "surgie de nulle part", montre on-ne-peut-plus clairement un "feu vert" donné au plus haut niveau [oui, c'est confirmé ici en fin d'article : turquie-presidentielle-2018] ; alors que le n°1 du parti, Kemal Kiliçdaroglu, a par ailleurs déclaré que "la manœuvre d'Erdogan échouera, la nation turque n'en peut plus, l'année 2018 sera celle de la démocratie".

    La "machine" semble donc bel et bien, envers et contre toutes les manœuvres du "néo-sultan"... EN MARCHE ! Ce dernier pourra peut-être, à la rigueur, conserver son fauteuil présidentiel à l'arrachée ; mais dans la tournure prise par les choses et en dépit de toutes les fraudes qu'il ne manquera pas d'y avoir, il semble difficile d'envisager qu'il obtienne une majorité parlementaire (et difficile, aussi, qu'il obtienne le même consensus pour immédiatement dissoudre et faire re-voter qu'en 2015, lorsqu'il s'agissait de faire barrage au seul HDP pro-kurde) ; ce qui dans le système présidentiel qu'il vient lui-même d'instaurer, ne pourra que conduire au blocage politique et à brève échéance d'un an ou un an et demi, à de nouvelles élections ; n'ayant donc fait que retarder un peu l'échéance.

    Recep Tayyip Erdogan n'est pas notre ami politique. Nous l'avons dit et redit sur ce site, et avons finalement synthétisé tout cela dans cet article : qu-est-ce-que-l-akp ; nature de classe du mouvement dont il est issu (qui remonte aux années 1960), évolutions une fois au pouvoir et en particulier depuis 2011-2012, etc. etc.

    Mais nous avons toujours aussi, chaque fois que la question s'est posée dans le mouvement communiste, attiré l'attention sur le danger MORTEL porté par toute une opposition contre lui, et les dangers d'une ligne politique opportuniste à ce sujet : par exemple ici turquie-iran-kurdistan-israel-qu-en-est-il à l'époque de l'attaque israélienne contre le Mavi Marmara ; ou encore ici honneur-communiste-a-ibrahim-kaypakkaya (première note de bas de page) lors du Mouvement de Taksim Gezi en 2013, reprenant les inquiétudes qui pouvaient être exprimées ici pas-lislamisme-que-manifestants-turcs-rejettent-cest-néolibéralisme.

    La classe que représente l'AKP d'Erdogan (qui le dit lui-même haut et fort), c'est d'abord et avant tout une bourgeoisie (lire ici) "turque noire" Turcs-Noirs (karatürk), provinciale ou issue des migrations des campagnes vers les grands centres urbains (ou vers l'Europe... où l'immigration turque est peut-être le véritable bastion du mouvement !) ; la Turquie "profonde" et "arriérée", "pas civilisée", "religieuse" (même si ce n'est pas un critère exclusif) ; par opposition aux "Turcs blancs" (beyaz türkler) de-quoi-les-beyaz-turk-sont-ils-le-nom qui sont la bourgeoisie turque urbaine et éduquée, "moderne" et séculière, occidentalisée et regardant vers l'Europe (d'ailleurs souvent issue des "rapatriés" - muhacir - des Balkans à l'issue des guerres balkaniques et de la Première Guerre mondiale)... autrement dit la base historique du kémalisme, ainsi que des directions de la droite demirelienne (Parti de la Justice, de la Juste Voie etc.) et dans une certaine mesure de l'ultra-nationalisme MHP, tous deux en charge de l'"encadrement" des masses "noires" par l'élite "blanche" (ce avec quoi Necmettin Erbakan avait rompu dans les années 1960, donnant naissance au mouvement dont est issu l'AKP).

    Autrement dit, les maîtres historiques du pays depuis la fondation de la République (1920-23) voire la "révolution" jeune-turque (1908) kaypakkaya-kemalisme.pdf. Sans surprise, Meral Akşener (tout sauf une nouvelle venue sur la scène politique, en réalité), née à Izmit tout près d'Istanbul dans une famille venue des Balkans, est une beyaz par excellence.

    Et des maîtres historiques... aux mains tâchées de quel sang, depuis celui des Arméniens et autres minorités (1915-23) sous le régime des Jeunes-Turcs (Comité Union & Progrès) et les débuts du kémalisme, non pas "au nom de l'islam" comme le prétendent aujourd'hui des bouffons, mais bien de la construction d'un État moderne en mode jacobino-bonapartiste (sous l'égide du franc-maçon Talaat) ; des Kurdes de Cheikh Saïd (1924-25), alors... religieux et monarchistes ; des Alévis et rescapés arméniens du Dersim (1937-38) ; jusqu'à celui des héros révolutionnaires comme Ibrahim Kaypakkaya, atrocement torturés et massacrés sous le régime militaire de 1971, des milliers de victimes du "Pinochet turc" Kenan Evren (finalement jugé et condamné... en 2014, sous Erdogan !) dans les années 1980 ; et encore celles, honteusement passées sous silence dans tout l'Occident, de la "junte civile" DSP-MHP(!)-ANAP de 1999-2002, après le "coup d’État postmoderne" de 1997 contre... les "islamistes" pré-AKP victorieux aux élections en 1996, sur une ligne "tout sauf les islamistes, les rouges et les Kurdes" et sous la direction du "socialiste" Ecevit.

    La victoire (programmée selon nous) de Meral Akşener, c'est en dernière analyse le RETOUR DE CELA, le RETOUR EN FORCE DE LA BOURGEOISIE BEYAZ ; couplé à un réalignement pro-impérialiste (occidental) total de l’État turc, signant la fin des agendas régionaux "divergents" et perturbateurs.

    Mais VOUS ALLEZ VOIR que, si cela arrive, pour toute une gauche occidentale y compris radicale, finalement Charlie (fut-elle soi-disant critique de l'"esprit"), ce sera bel et bien le "retour de la démocratie" comme le proclame pré-triomphalement le leader du CHP kémalo-fasciste...

    Bien évidemment, conformément à leur ligne depuis 2014 au moins, les putschistes opportunistes critiqués par nos camarades du Comité central légitime ("putsché") du TKP/ML, flanqués de leurs acolytes du HBDH à commencer par le PKK, et bien entendu encouragés et applaudis par leurs soutiens gaucho-impérialistes occidentaux de l'Internationale anticommuniste néo-menchévique ICOR & co, vont appeler à un vote massif pour le parti "progressiste" HDP ; éventuellement à la condition (lolilolesque) que celui-ci ne passe pas trop ouvertement d'alliances trop honteuses, avec le CHP voire directement avec Akşener (tout ceci étant actuellement... en pourparlers !) ; mais en sachant pertinemment qu'au second tour (qu'il y aura selon toute vraisemblance, difficile d'envisager de battre Erdogan dès le premier), de manière claire comme Hamon ou plus "cryptée" comme Mélenchon, ce parti réformiste appellera à coup sûr à un report "tout sauf Erdogan" de ses voix...

    Contre la dictature fasciste karatürk mise progressivement en place par Erdogan ces dernières années... le retour à la dictature fasciste beyaz telle qu'elle a prévalu de 1922 à 2002 : BRAVO !!

    Et encore une fois de plus hélas, comme cela a trop souvent été le cas notamment avec les Alévis, la "gauche" et le "progressisme" en Turquie (aujourd'hui, donc, avec le HDP) sous la forme d'un "axe" beyaz-minorités, PAR-DESSUS les karatürkler... alors que de toute évidence, AUCUNE révolution démocratique n'est possible dans ce pays à moins de réussir à FORGER UN "BLOC HISTORIQUE" entre (masses populaires des) nationalités/minorités opprimées et ces fameux "Turcs noirs", arrachant ceux-ci à leur rôle (pour l'immense majorité hélas) d'exécuteurs de basses œuvres de l’État fasciste (la droite qui a, par contre, historiquement consisté en un "axe" ou plutôt un instrument de contrôle beyaz sur eux...), et à leur ultra-nationalisme en mode "syndrome de Sèvres" (alors que peut-être dans leur majorité, ils sont eux-mêmes souvent issus de minorités turquisées entre le 19e et le 20e siècle ; lazes par exemple comme Erdogan qui le reconnaît lui-même). Mais bon, en même temps... ils sont tellement d'une "obéissance servile" ces gens-là, que voulez-vous faire !

    Pourtant, comme l'expliquait un de leurs militants dans une entrevue accordée à l'OCML-VP, la participation des putschistes opportunistes pro-HBDH à la campagne pour le NON au référendum constitutionnel de 2017 (sur la présidentialisation du régime) ; participation déjà totalement opportuniste à nos yeux et à ceux de nos camarades maoïstes à travers le monde ; avait été motivée par cette idée d'aller à la rencontre de la "Turquie noire" (sans toutefois formuler la chose ainsi) itw-tikko-rojava.png, cette Turquie turque-sunnite "profonde" à l'"esprit cimenté par le nationalisme et la religion" (boouuuh ça fait peur)... Un an après, on peut voir le résultat !!

    Voilà où nous en sommes. Conformément à ce que nous avons pu dire et répéter au long d'articles entiers, au début du prochain été si "tout va bien", sinon d'ici un an ou deux dans le "pire" des cas, le Centre anticommuniste néo-menchévik international (ICORiens et apparentés, désireux en tout genre de montrer que "le matérialisme MLM ça ne sert pas à grand chose", postmodernoïdes "intersecs" et "déconstruits" de contre-révolution préventive, ennemis à bave écumante du "gonzalisme", libertaires en quête éperdue d'une "nouvelle Catalogne 1936" qui ferait pourtant rougir de honte la CNT-FAI) ; celui qui a fait de Rojava sa cause sacrée et (par voie de conséquence) du HBDH son armée sur le terrain ; aura œuvré (dans la soi-disante "guerre mondiale totale" hbdh.png qu'est la situation régionale selon sa "brillante" analyse, afin de justifier tous ses opportunismes) au renversement d'un fascisme qui ne lui plaît pas, celui d'Erdogan*par un fascisme qui le dérange moins, celui de Meral Akşener (à ce stade, il est peu ou prou possible de dire que personne dans la mouvance communiste révolutionnaire hormis Servir le Peuple ne semble s'être réellement intéressé à ce "phénomène" politique, ni avoir produit une analyse de ce qu'il peut signifier).

    Un fascisme qui réintègrera totalement ce pays-CLÉ (au carrefour du Moyen Orient, du Caucase et de l'Europe, de la Méditerranée orientale et de la Mer Noire) dans le giron de l'impérialisme occidental dont il s'était peut-être trrrèèès légèrement, mais déjà trop dans le contexte actuel, écarté ; mais attention hein, tout cela avec le soutien "de la gauche", des "progressistes", et pour la glorieuse cause de la "démocratie" et de la "laïcité" !

    Enfin bon... au moins aura-t-on échappé à ce qu'ils nous sortent, comme certains de leurs soutiens gauchistes ici DX65R3c.png, qu'ils vont voter "pour le compte" d'un étranger qui n'a pas le droit de vote (quoique, avec les réfugiés syriens qui se comptent par centaines de milliers dans le Sud, on ne sait jamais !).

    Un fascisme dont, en attendant, les masses populaires ouvrières et paysannes et les nationalités opprimées ne subiront pas moins, et même probablement PLUS le talon de fer. Enfin... ou pas, car si le HDP est bien sage et apporte bien gentiment son soutien au "tout sauf Erdogan" et à "l'année (du retour) de la démocratie", il pourrait peut-être bien se voir récompensé... par un rôle de Fatah ou de FARC-majo dans des "accords de paix" qui feraient d'Akşener (car il faut pour cela, on l'a dit, être un-e "leader des durs" et non un "intrus" politique condamné à la surenchère comme Erdogan) la Yitzhak Rabin ou la Juan Manuel Santos de la question nationale kurde, la "Dame de Fer" d'un retrait turc du Nord syrien et d'une "concession" des collectivités locales du "Sud-Est anatolien" au parti réformiste dont l'existence légale serait "sanctuarisée" (les municipalités qu'il a gagnées aux élections de 2014 sont actuellement toutes ou presque sous tutelle). Tout le monde serait content, n'est-ce pas merveilleux !!

    SAUF QUE l’État turc et ses masses populaires seraient en attendant, "progressistement" ou pas, totalement ressoudés à l'impérialisme des monopoles euro-occidentaux (après élimination du "divergent"-"émergentiste" comme cela s'est déjà effectué au Brésil, en Argentine, en Équateur, bientôt au Venezuela etc.) ; et d'autre part, comme nous le rappelle l'excellentissime T. Derbent ("Clausewitz et la Guerre populaire") : "(il ne faut pas) perdre de vue le plan de guerre révolutionnaire, car au regard de celui-ci 'l'effet de ciseaux', pour pénible qu'il soit à l'échelon tactique, est précieux à l'échelon stratégique : c'est précisément de cette manière que l'ennemi s'installe en position d'assiégé et retire ses tentacules du corps social. À voir les choses tactiquement, le policier le plus dangereux est celui des unités d'interception (dans le genre de la BAC, ou des unités de voltigeurs comme au temps de Pasqua par exemple) ; (mais) à voir les choses stratégiquement, le policier le plus dangereux est celui des unités d'îlotage (la "police de proximité" quoi)"... Autrement dit (traduit dans notre cas d'espèce turco-kurde) : la fuite en avant répressive d'Erdogan est "pénible à l'échelon tactique" (c'est le moins que l'on puisse dire) pour les révolutionnaires et les militant-e-s de libération nationale qui la subissent, mais elle est le signe d'un Pouvoir qui "s'installe en position d'assiégé" (plus que jamais depuis la "tentative de coup d’État güleniste" de 2016, qui pourrait d'ailleurs bien, du coup, être effectivement une manœuvre contre lui dans cette optique) ; tandis que des "accords de paix" avec les Kurdes (et le "peuple de gauche") par l'entremise du HDP (et indirectement... du HBDH), comme ceux que nous avons évoqués plus haut, seraient l'équivalent de l'installation d'une "police (politique) d'îlotage", d'un tentacule planté au plus profond du corps social, qui pourrait avoir (potentiellement) pour effet de laminer pour des DÉCENNIES l'idéologie et le mouvement révolutionnaire en Turquie et au Kurdistan !!

    Voilà qui, s'il le fallait, viendrait encore une fois illustrer à la perfection tout ce que Servir le Peuple a pu dire dans cette longue étude sur le dispositif actuel de contre-révolution préventive et le rôle de la "gauche" même "radicale" et du "progressisme" dans celui-ci analyse-et-retrospective-historique-du-fascisme-anti-politique, que nous vous invitons à lire et relire ; tout particulièrement dans les parties consacrées au "progressisme au service de l'Ordre" et à la "mise à mort de l'internationalisme prolétarien" au profit d'un "antifascisme planétaire anti-méchants", humanitaro-progressiste ONGisant...

    [MàJ importante depuis : dans le cas où Akşener serait "empêchée" de se présenter, ou accepterait de (tactiquement) "céder la politesse" pour cette fois, le bloc "tout sauf Erdogan" envisagerait aussi une candidature de l'ex-président Abdullah Gül, toujours membre de l'AKP mais (depuis plusieurs années déjà) critique virulent de la politique d'Erdogan... Celui-ci est parfois réputé être un "güleniste", ce qui est en réalité un terme fourre-tout et épouvantail des partisans d'Erdogan pour désigner les islamo-conservateurs pro-occidentaux et favorables sinon à l'adhésion, du moins à de bonnes relations avec l'Union européenne. Il apparaît ainsi, de fait, que "coup monté" (thèse à laquelle beaucoup d'experts ne croient pas) ou véritable tentative de renversement d'Erdogan, ou, comme nous avons pu l'envisager plus haut, véritable opération exogène non pas pour réussir mais pour pousser celui-ci à "s'installer en position d'assiégé", le putsch militaire manqué de juillet 2016 a conduit à l'éviction massive d'officiers beyaz ou en tout cas "connus pour leur inclination atlantique" au profit d'autres, plus kara et "eurasistes", en faveur d'un "axe continental Ankara-Moscou-Pékin" (chose à laquelle Gül s'est là aussi fermement opposé)... Voilà qui montre encore que (à des années-lumière des analyses simplistissimes de nos gauchistes occidentaux, qui ont découvert les vertus du "grand méchant fascisme" et donc de l'"antifascisme" et des "Stalingrad" rojava-encore-un-article-interessant à des milliers de kilomètres pendant que les Identitaires chassent le migrant à leurs portes...) beaucoup de choses se jouent sur ce terrain-là, avec la constitution toujours plus claire d'un bloc "kémalo-nostalgiques"-"gülenistes" (les "islamistes" pro-occidentaux et europhiles regroupés par Erdogan sous cet épithète), appuyé sur les déçus du MHP ("Loups Gris") voire de l'AKP lui-même... et la "gauche" (HDP) comme axe beyaz "progressistes" - nationalités/minorités opprimées ; afin d'opérer un retour complet de l’État turc dans le giron impérialiste occidental.

    MàJ finale 02/05 : cette hypothèse de candidature Gül est finalement abandonnée ex-president-abdullah-gul-ne-sera-pas-candidat, refusée par l'intéressé lui-même et sa proverbiale (apparemment) horreur du risque ; Akşener refusant de son côté de renoncer à se présenter. Toute l'analyse développée dans le paragraphe ci-dessus reste néanmoins largement valide ; elle est profondément ce que nous croyons au sujet de ce processus électoral en Turquie et, par conséquent, de l'attitude de l'Internationale opportuniste rojav-HDPiste à son endroit.

    Le CHP par contre a de son côté finalement désigné candidat un "dur" anti-Erdogan, Muharrem Ince, qui apparaît désormais dans les enquêtes d'opinion Opinion polling Turkish general election mieux placé au premier comme au second tour qu'Akşener, qui pourrait donc dans cette configuration terminer Première ministre dans le cadre d'un accord aux législatives par exemple. Enfin bon, de toute façon, quel que soit le candidat, le résultat final s'annonce tellement serré que le scénario certain est celui d'une contestation post-électorale évoluant vers la "révolution colorée" et peut-être vers la guerre civile...]

    [Encore une preuve de cette révolution colorée qui vient, et que nos gaucho-impérialistes s'apprêtent à soutenir des deux mains et des deux pieds, l’HITLÉRISATION (un grand classique) d'Erdogan par le magazine Le Point, destiné à un public d'esprit disons juppéiste ou précressien, "soutien critique de droite à Macron" : franz-olivier-giesbert/erdogan-est-il-un-nouvel-hitler-26-05-2018-2221499_70.php]

    Turquie/Kurdistan : élections anticipées, l'heure de vérité approche

    * Sur ce point, si l'on veut résumer à l'extrême :

    - Si on est gonzaliste, Erdogan est un fasciste parce qu'il est à la tête d'un État semi-colonial fasciste, qu'il a pris pour le faire fonctionner à son propre compte et celui de son parti et de sa classe, la bourgeoisie karaturque, ce qui ne marche pas comme ça. Mais c'est aussi ce que l'on pourrait dire de Chavez et maintenant Maduro au Venezuela, qui ont été les représentants du même type de classe, une bourgeoisie "vénézuélienne noire" en quelque sorte (des "culs terreux parvenus", par opposition à l'oligarchie "historique").

    - Si on est dimitrovien... c'est plus compliqué, moins catégorique. Il est difficile de dire en quoi Erdogan serait plus une pure courroie de transmission (répressive terroriste) des monopoles impérialistes que Kirchner ou Correa (qui ont eux aussi dans une certaine mesure été autocrates et corrompus, accumulé les saloperies et même les répressions ; s'il y avait eu un colossal soulèvement dans une région entière, on aurait demandé à voir !). Erdogan c'est, surtout depuis le début des années 2010, une fuite en avant dans l'autocratie en mode "nouveau sultan", et depuis 2015 la relance de la guerre "antiterroriste" au Bakur (mais plus violente que dans les années 1980-90 ? pas sûr... même si certains quartiers de certaines villes ressemblent en effet à des champs de bataille syriens) et une répression politique tous azimuts. Mais c'est aussi celui qui, entre 2012 et 2014, a fait juger pour ses crimes Kenan Evren, le "Pinochet turc" des années 1980, complètement dans le dispositif de domination impérialiste celui-là. À la rigueur, on peut dire qu'il est quand même globalement resté "dans les clous" et que l'"indépendance" qu'il a donnée à la Turquie ne compense pas les aspects réactionnaires et antipopulaires de son régime, surtout ces 5 dernières années. Ou encore que son ottomanisme, appuyé sur des milices réactionnaires en Syrie, ressemble finalement à un modèle réduit, "petit-impérialiste" régional, du Japon fasciste shōwa des années 1930-45 en Asie [de même que son grand allié objectif en Syrie, du moins de 2014 jusqu'à ce qu'il se fasse trop taper sur les doigts en 2016 : Daesh, dont la violence réactionnaire est indescriptible... mais qui est financé par des fortunes privées ou à la limite des éléments d'"État profond" du monde arabe (ou de Turquie...) ; éléments que par exemple, en Arabie, le prince MBS est désormais chargé de combattre ; pas par des monopoles impérialistes ; et qui prend directement racine dans la résistance de l'Irak sunnite contre l'occupation impérialiste 2003-2011 et ses fantoches, martyre et résistance de l'Irak central qui sont bel et bien un paramètre incontournable pour comprendre le phénomène - comme à vrai dire le martyre et la résistance anticoloniale en Asie du Sud-Est l'étaient aussi, dans la facilité avec laquelle le Japon l'a conquise et occupée en étant souvent, dans un premier temps, accueilli à bras ouverts...]. 

    Mais ce qui est sûr en tout cas, c'est qu'il n'est pas fasciste simplement parce qu'il ne nous plaît pas et qu'on lui préfère autre chose, comme Rojava par exemple. Dans le même raisonnement gauchiste Charlie qui peut conduire à caractériser le Hamas comme "fasciste"... et à lui préférer la "démocratie bourgeoise" israélienne A2wiouiM.png !!


    Et puis en forme d'instant LOL, si les trolls pro-Erdogan sont des instruments de mesure fiables du stress de ce dernier, voilà quelque chose qui serait de nature à confirmer notre analyse que ça sent le sapin : http://ekladata.com/C-Vk4SA9DFKQiTWlrU0Mzdptyzg.png (supprimé dans l'article lui-même mais apparaît encore en "empreinte" dans les recherches Google)...

    [Par ailleurs, un truc important à comprendre c'est que comme dans tout mouvement politique, il y a très probablement une lutte de lignes dans le PKK (et, par répercussion, dans le HBDH). En l'occurrence entre plutôt une "vieille garde" (Riza Altun etc.), ligne à laquelle se rattachent les déclarations pro-Rojava voire pro-HDP de Leila Khaled ou de Georges Abdallah, ou encore de l'ILPS, favorable à un maximum d'alliance "fédérale" avec le régime en mode bloc "anti-impérialiste" "comme au bon vieux temps de la Bekaa", d'un côté ; et de l'autre une "jeune garde" (Bêcan B., mais aussi Saleh Muslim et très probablement... Öcalan ou plutôt "Öcabookchin" lui-même) qui ne voit pas le souci d'une alliance "progressiste" avec les "démocraties" (occidentales) contre le "fascisme" local (Erdogan comme Assad ou les djihadistes).

    Le problème de la ligne "vieille garde" étant... que ses perspectives ont été anéanties à Afrin, puisque le premier qui pouvait mettre fin à l'opération en un quart d'heure, c'était Poutine (dont le régime syrien est devenu une pure courroie de transmission, plus que jamais du temps d'Assad père et de l'URSS) ; mais il a préféré ménager Erdogan et lui concéder, en échange du "nettoyage" des dernières poches rebelles en zone régime, ce territoire désormais continu Idleb-Afrin-Shahba au Nord-Ouest où sont et seront justement "entreposés" les rebelles pro-turcs vaincus. Ce qui laisse, mécaniquement, le champ libre à la ligne "jeune garde" ; évidemment la préférée (et pour cause) des états-majors impérialistes occidentaux et de "nos" gauches bourgeoises et gauchistes de campus.

    Et donc, pour ce qui nous intéresse ici, si la première ligne (désormais au point mort) est elle aussi très hostile à Erdogan et partage la même tendance à réduire le fascisme de l’État turc à sa seule personne, le triomphe de la seconde, largement plus dénuée de principes, fait bien entendu l'affaire de la manœuvre en cours (à travers le HDP) que nous avons décrite.]


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