• Rappel encore une fois nécessaire...


    Daesh n'est pas une "création de l'impérialisme", "de la CIA et du Mossad" comme il arrive encore de le lire régulièrement (et probablement pas, non plus, "d'Assad pour se donner le beau rôle", comme peut le soutenir un petit courant pro-ASL et... pro-sioniste dans la gauchisterie hexagonale).

    Daesh est une force politico-militaire ENDOGÈNE qui résulte de la conjonction d'intérêts entre une élite irakienne arabe sunnite, anciennement pro-Saddam (l'Armée baasiste de la Naqhsbandiyya d'Ezzat Ibrahim al-Douri en a même été une proche alliée dans les opérations irakiennes de 2014, avant de rompre et de commencer à l'affronter), et des multimilliardaires voire des secteurs d’État "profond" de la Péninsule arabique et du Machrek (y compris probablement de Turquie). Cette conjonction d'intérêts a levé une armée de mercenaires sur la base du mécontentement local (Irak central contre l'occupation impérialiste puis le pouvoir chiite, Euphrate syrien contre Assad) et de l'idéalisme réactionnaire de jeunes musulmans (de naissance ou convertis) autour du monde, appelés dans une démarche rappelant le sionisme à "rejoindre le territoire du vrai islam". C'est la raison pour laquelle des manœuvres telles que l'abdication surprise de l'émir du Qatar en 2013, ou l'actuelle révolution de palais de "MBS" (prince Mohammed bin Salman) en Arabie saoudite, sont en réalité des manœuvres de reprise en main de ces pays par l'impérialisme occidental et Israël, qui ne sont donc en rien "derrière Daesh" mais cherchent au contraire à faire réprimer ses soutiens financiers.

    Le problème, qui exclut un soutien au nom de l'"anti-impérialisme", c'est que ces forces sont réactionnaires au possible (déjà à la base, et encore plus dans le projet qu'elles se sont données), et que leur projet est "impérial" : conquérir un territoire pour que les "investisseurs" dans l'opération puissent y faire fructifier leurs capitaux suraccumulés.

    C'est pour cela que la comparaison la plus pertinente que nous ayons trouvée, c'est en version "mini" et non-étatique ("para"-étatique) celle avec le Japon shōwa des années 1930 et de la Seconde Guerre mondiale : une démarche (étatique pour le coup) expansionniste, impériale, ultra-réactionnaire, criminelle barbare, pour établir une "Sphère de coprospérité asiatique" visant comme le "Califat" à créer une base d'accumulation et un circuit économique totalement indépendants du Centre occidental de l'économie planétaire (avec par contre à sa tête un État capitaliste "officiel", le Japon, et non des financiers privés et "occultes") ; MAIS également appuyée, "surfant" sur un très réel ressentiment anticolonial contre l'Occident en Asie-Pacifique (de fait, c'est en centaines de milliers de combattants que se compteront les forces armées collaboratrices du Japon à cette époque, que ce soient l'Armée indienne libre de Subhas Chandra Bose, l'Armée nationale birmane d'Aung San, les Défenseurs de la Patrie en Indonésie, les Volontaires Takasago à Taïwan etc. (et plus "incroyable" et méconnu encore, de nombreux "soldats japonais restants" s'engageront après la guerre dans les mouvements de libération, notamment le Viêt Minh !) [et l'on pourrait même aller plus loin encore, dans le trigger Godwin, et parler de l'engagement aux côtés de l'Allemagne nazie des nationalistes irakiens de Rachid al-Gaylani par exemple, ou d'Algériens comme le colonel Mohammedi futur commandant de premier rang de l'ALN, sans oublier bien sûr des Palestiniens comme le mufti al-Husseni... tous engagés dans ce qui est aujourd'hui le "Nom du Mal", en réaction à l'impérialisme britannique ou français !].

    Un projet finalement anéanti militairement en 1945... mais sans pour autant que ses vainqueurs impérialistes occidentaux ne fassent bien long feu dans le coin : dans les 10 années qui suivirent, toutes les colonies et semi-colonies d'Asie obtiendront leur indépendance (un certain nombre avec des régimes pas totalement serviles) ; la Chine, le Vietnam et la Corée du Nord deviendront communistes, etc.

    C'est là tout le bien que l'on puisse souhaiter à la grande région du Machrek, maintenant que la "barbarie" de Daesh y a été vaincue et balayée !!

    Nous tiendrons également à mettre au clair, face au gauchisme occidental toujours en quête de "Blancs d'honneur" à soutenir dans la région (pour ce qui est des motivations des populations locales, notre approche est évidemment différente), que :

    - les Kurdes de Rojava (YPG/YPJ, PYD branche locale du PKK) sont des forces auprès desquelles, certes, on peut comprendre que des communistes se soient engagés contre la violence réactionnaire de Daesh et des "rebelles" syriens mercenaires d'Erdogan ; mais également des forces qui derrière le folklore révolutionnaire "prêt-à-consommer" qu'elles mettent en avant, se sont considérablement éloignées idéologiquement de leurs positions révolutionnaires (marxistes-léninistes) originelles des années 1970-80-90 ; et qui ayant agrégé autour d'elles, dans les "Forces démocratiques syriennes" (FDS), tout ce que l'opposition armée à Assad comptait de "potable" c'est-à-dire de non-salafiste, sont devenues de fait LES forces du bloc impérialiste occidental dans la guerre de repartage de la Syrie ;

    - Assad, héritier dynastique de son père à la tête de l'oligarchie clanique qui dirige la Syrie depuis 1970, et marionnette locale de l'impérialisme russe ayant succédé au social-impérialisme soviétique, est un boucher fasciste qui reste responsable malgré les exactions sans nom de Daesh de la majorité des victimes du conflit ; ainsi par exemple, en dehors même des centaines de milliers de victimes des combats (bombardements d'artillerie ou par hélicoptères), ce sont quelques 13 000 prisonniers qui auraient été pendus ces 6 dernières années dans la sinistre prison de Saydnaya, littéralement à la chaîne... Mais il y a encore des personnes pour le soutenir et ce y compris à gauche, y compris même parmi des soutiens de Rojava qui vont vous expliquer que si on n'a pas la chance de vivre au pays merveilleux des YPG/YPJ, alors à tout prendre il vaut mieux vivre en zone Assad...

    Oui, nous avons nous-mêmes pu dire ici (en commentaires) "souhaiter sa victoire dans les zones dont les FDS ne s'empareront pas"... mais dans une perspective humanitaire et non politique : parce que c'est de toute façon déjà une certitude acquise, et parce que, toute autre possibilité étant de toute façon inexistante, c'est (un partage de la Syrie entre ses forces et les FDS) ce qui fermera le plus vite possible les vannes de sang qui se déversent depuis 2011 ; et qui (politiquement cette fois) permettra au plus vite de "tout reprendre à zéro". Mais croyez-nous bien, qu'en être à devoir souhaiter une telle chose nous fait l'effet de nous couper un bras !

    "Blancs d'honneurs" de la gauchisterie plus ou moins postmodernoïde, vs "Blanc d'honneur" de la droite radicale islamophobe et de la "gauche" mélencho-chevènementiste ; nous c'est simple, c'est sans nous !

    *********************

    BREF, EN RÉSUMÉ :

    Armée mercenaire d'intérêts oligarchiques privés et para- (ou "profondo-") étatiques de la Péninsule arabique et du monde musulman en général, Daesh est comparable à une sorte de mini-Japon de la Seconde Guerre mondiale : expansionniste brutal, meurtrier, "fasciste" si l'on veut par ses agissements antipopulaires, mais SURFANT sur un réel sentiment anti-occidental (et anti-russe) des populations ; comme l'Empire du Soleil Levant l'avait fait en Extrême Orient (se gagnant même comme collaborateurs une fraction, en fait l'ex-fraction non-anticommuniste des nationalistes chinois, pays qu'il a pourtant le plus martyrisé entre tous !).

    Servir le Peuple ne soutient pas ce "surfeur" ; mais en revanche ne nie pas et oui, SOUTIENT la "vague" sur laquelle il surfe ; et refuse que l'on nie que c'est ELLE et bien elle qui est visée à travers lui, Y COMPRIS sous les couleurs "progressistes" du rojavisme (si Daesh ne surfait pas sur cette vague, mais sur celle des intérêts des monopoles impérialistes, il serait "bombardé" par l'OTAN et la Russie... de financements, d'armes, et probablement d'ores et déjà le nouvel État en Syrie et en Irak !).

    [Au sujet des théories complotistes sur le djihadisme :

    "Je dirais que ce que font certaines (en tout cas) forces djihadistes comme Daesh n'est pas joli joli, et certainement pas un projet de société que l'on peut défendre ; maintenant, je pense qu'il y a surtout une forme... d'amertume, en fait, à voir de telles forces capables de ce dont la gauche est incapable depuis des années, dans les pays du Sud et a fortiori en Occident : prendre possession d'un vaste territoire à la face du monde entier qui leur est hostile, et y bâtir un État "en rupture" radicale avec l'ordre existant, même si cette rupture est ultra réactionnaire.

    De cela la gauche n'est depuis longtemps plus capable, ah si pardon : en Rojava... avec l'appui aérien des bombardiers de l'OTAN.

    Du coup, "verts" de voir des ultra réacs en être capables, on préfère s'inventer que tout est voulu et manigancé, qu'ils ont "en réalité" le soutien de la CIA et du Mossad..."]


  • Commentaires

    1
    Pascal
    Samedi 2 Décembre 2017 à 14:19
    Pas une création de l'impérialisme, Daesh ? Certes le lascar ne prétend pas être un révolutionnaire prolétarien internationaliste :
    http://www.afrique-asie.fr/le-general-americain-wesley-clark-daesh-est-une-creation-israelienne/
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