• Encore une fois sur la question de Gramsci, de ses thèses ("société civile", "hégémonie culturelle" etc.) et de leur nécessaire évaluation par le mouvement communiste


    Question déjà abordée à plusieurs reprise sur ce site, notamment dans cet article en deux parties :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/gramsci-et-la-theorie-de-la-guerre-populaire-en-pays-capitaliste-tres--a114072346

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/gramsci-et-la-theorie-de-la-guerre-populaire-en-pays-capitaliste-tres--a114072464

    Ou encore, cette citation reprise dans un récent article fascisme-anti-politique :

    "Et l'on ne peut pas, puisque l'extrait du (n)PCI ci-dessus le cite, ne pas parler de Gramsci et de sa "société civile" ; Gramsci assistant, en fait, aux prémisses des prémisses de tout ce que nous sommes en train de voir, opposant "Orient" (incluant la Russie où venait de se dérouler la Révolution d'Octobre) et "Occident" comme on pourrait opposer "il y a 100 ans" et "aujourd'hui" (à noter qu'il ne voit pas l'État comme le "donjon" qu'entoure la "société civile", mais comme une première tranchée avancée derrière laquelle se cache celle-ci ; et c'est vrai que "l'Étaaaat" comme objectif final est lui aussi encore un autre fantasme anarchisant : le véritable "donjon", c'est le Pouvoir de la propriété privée des moyens de production).

    Pour Gramsci donc, gagner le pouvoir dans les sociétés capitalistes occidentales développées implique de gagner les mentalités, la culture, autant de "casemates" et de "tranchées avancées" qui défendent l'ordre bourgeois même lorsque l'appareil d'État s'effondre... Et nous donc, tout ce que nous avons vu jusqu'ici et allons voir par la suite consiste en dernière analyse en ce dispositif tel qu'il est aujourd'hui, au 21e siècle, et la façon dont la gauche anti- ou critique du capitalisme, ayant perdu toute notion de matérialisme, est devenue partie intégrante de cette "robuste chaîne de forteresses".

    P.S : Illitch = Lénine, pour brouiller la censure fasciste.

    "Le seul point est qu'Ilitch n'a pas eu le temps d'approfondir sa formule, même si l'on tient compte qu'il ne pouvait l'approfondir que théoriquement, alors que la tâche fondamentale était nationale, et exigeait qu'on reconnût le terrain et qu'on déterminât les éléments de tranchée et de forteresse représentés par les éléments de la société civile, etc. 

    En Orient, l'État étant tout, la société civile était primitive et gélatineuse ; en Occident, entre État et société civile, il y avait un juste rapport et dans un État branlant on découvrait aussitôt une robuste structure de la société civile. L'État n'était qu'une tranchée avancée, derrière laquelle se trouvait une robuste chaîne de forteresses et de casemates ; plus ou moins d'un État à l'autre, s'entend, mais c'est justement ce qui demandait une attentive reconnaissance de caractère national."

    Cahiers de Prison, Analyse de situation/Rapport de forces."

    [Les raisons de ces conditions, et de ces difficultés concrètes propres à l'Occident ayant peut-être été résumées on-ne-peut mieux ici par Mao Zedong :

    http://ekladata.com/m2ZvyhotBW-5-39bNwfYd4vBK-8.png

    "Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.
    Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit."
    ]

    Récemment un site d'un groupe maoïste des États-Unis a publié ceci (en anglais), qui est la reprise d'une discussion Facebook sur la question du grand penseur communiste italien, entre (d'après ce qui est dit) un maoïste US et un "sympathisant du PCM" de l’État français :

    https://rustbeltrevolution.tumblr.com/post/171910553740/gramsci-revolutionary-communist-or-social

    On voit donc bien que la question de l'évaluation de Gramsci, "Lénine de l'Occident" voire "précurseur du maoïsme et de la Guerre populaire prolongée" ou au contraire "père du révisionnisme de type eurocommuniste", est toujours brûlante dans le mouvement communiste international et principalement des pays occidentaux (puisque c'est à ces pays que ses théories, qui affirmaient explicitement ne pas être universelles, s'adressaient).

    EXTRAITS DE DISCUSSIONS RÉZOSOCIOS DE CES DERNIERS JOURS À CE SUJET

    [Gramsci précurseur du réformisme, de l'eurocommunisme etc. etc.]

    Il faut un peu arrêter avec ça, sérieux...

    Déjà Gramsci lui-même "réformiste", c'est ridicule pour ne pas dire honteux : si le Komintern l'a imposé contre Bordiga ("plus révolutionnaire que lui, tu mourrais"), il faudrait alors déjà admettre que le Komintern était réformiste ; ensuite, s'il en est à écrire Illitch au lieu de Lénine pour déjouer la censure, ça peut peut-être expliquer qu'il ne parle pas de Guerre populaire (le concept n'existait pas à son époque, de toute façon...) ou autres trucs dans le genre.

    Ensuite il a été repris par le réformisme togliattiste, en mode gagner l'hégémonie c'est gagner les élections ; mais il était aussi lu et très bien compris par des gens qui pratiquaient la "conquête réelle et pratique du pouvoir" dans les usines et les quartiers, dans les années 1970.

    En fait c'est toujours la même question de pouvoir penser, comprendre-expliquer-combattre la superstructure qui n'est pas hors du réel (si on croit ça, on va vite se rendre compte que non et c'est la grande déconvenue classique du gauchisme dogmatique...), c'est même une nécessité absolue en fait ; mais à condition de ne pas oublier la nécessaire prise et transformation révolutionnaire de l'infrastructure (sauf que si tu travailles pas sur la superstructure, déjà tu mobilises personne pour créer ce qu'on va appeler une "base rouge" de conquête réelle et pratique du pouvoir, et même si tu en mobilises 200 et que c'est suffisant, tu en as 2.000 qui vont agir contre, ta base rouge, et elle va être écrasée... c'est une dialecte indispensable entre les deux en fait).

    La lutte qui est la nôtre, c'est avancer sous le feu de casemates ennemies, et la "meilleure" aujourd'hui par rapport à l'époque de Gramsci, c'est que les premières que l'on rencontre sont "gauchistes" analyse-et-retrospective-historique-du-fascisme-anti-politique... On le voit dans notre expérience tous les jours : on part la fleur au fusil, "youhou on va aller aux masses et leur parler du Pouvoir et elles vont kiffer et nous rallier", mais à peine a-t-on fait un pas en ce sens qu'un nourri feu gauchiste s'abat sur nous ; et l'on se rend compte que ça va être beaucoup plus compliqué.

    "Gramsci fut un précurseur du réformisme dans le sens où la méthode eurocommuniste s'est développée en se fondant sur sa pensée. Gramsci rejetait la méthode insurrectionnelle, il prônait la conquête du pouvoir politique à tout prix, y compris celle de s'emparer disait-il, de l'appareil d’État bourgeois."

    Je ne vois pas tout à fait les choses comme ça. Il rejetait la méthode insurrectionnelle car il pensait que la société civile en Occident, contrairement à la Russie était trop forte pour ça. En gros, ce qui rejoint le caractère prolongé de la GPP, il fallait se construire la marge de manœuvre pour l'insurrection, que nous nous appellerions équilibre et passage à l'offensive stratégique.

    Le souci, c'est que cette marge de manœuvre n'est pas définie dans son œuvre inachevée. On ne sait pas exactement ce que signifie, pour lui, le moment où le Parti est prêt pour prendre le pouvoir. Ce qui a permis à Togliatti et aux eurocommunistes ensuite, de dire que ce moment est celui où le Parti fait 51% aux élections... Mais a-t-on seulement UNE citation de Gramsci qui parle de prise de pouvoir pacifique ?

    [Autre discussion, au sujet de l'article états-unien]

    Houlà... J'ai l'impression que A répond à B en se basant sur ce qu'il croit être des écrits de Gramsci, mais est en fait un texte du nPCI... qui a ses propres problèmes. C'est à dire qu'ils ont en quelque sorte restauré la violence pour la conquête de l'État (que le PCI de Togliatti et Berlinguer avait supprimée), MAIS après une très, très longue lutte légale, ce qui les a conduit à des choix politiques toujours plus hasardeux comme 'bordéliser' le système institutionnel à travers les populistes de Grillo... En gros ils sont comme leur nom l'indique le nouveau... PCI, mais le PCI des années 1950 !

    Mais des gens qui ont pratiqué toute la violence et l'illégalité que tu veux, dans les années 1970 hommage-prospero-gallinari, en rupture avec le PCI berlinguérien, se basaient aussi sur la guerre de position de Gramsci.

    En fait, il faudrait m'expliquer comment Gramsci peut être interprété dans le sens d'une longue lutte légale et non-violente alors qu'il n'y avait AUCUNE lutte légale possible à son époque, sous Mussolini, et que lui-même était en prison. Le truc contre les commandos, je le comprends moi aussi comme un truc contre l'aventurisme et le blanquisme. [Gramsci s'exprimait dans un contexte, concrètement sur les cendres des mouvements écrasés de 1919-21, où il y avait une véritable "psychose" de l'aventurisme dans l'Internationale communiste ; et ne nous mentons pas, il a été promu à la tête du PCI par l'Internationale (contre Bordiga) dans cet esprit de "chasse à l'aventurisme"... Mais est-ce que cet aventurisme aurait été "mieux" que ses positions ? Il est permis d'en douter : à ce stade, son seul bilan était la défaite et les fleuves de sang ouvrier et paysan.]

    Et Gonzalo qui cite l'Irlande... Oui bon, je l'ai fait aussi, c'est vrai que c'est l'exemple auquel on pense spontanément. Mais bon déjà dans les années 1980 ils n'étaient plus du tout dans le 'No Votar', en Irlande ; et ça n'a pas empêché la trahison et de faire des no go zones républicaines de pures réserves électorales pour le Sinn Féin... Comme quoi... le poisson pourrit par la tête quoi qu'il arrive [et peut-être que l'entrée de la société populaire catholique irlandaise dans la "société de consommation" à cette époque pourrait être envisagée, pensée comme arrière-plan possible de cette dérive et de cette victoire de la droite liquidatrice dans le mouvement républicain ; et que pour cela les concepts gramsciens de "société civile" et d'hégémonie culturelle peuvent être utiles, en tout cas plus que du francfortisme concluant à ce que "plus aucune révolution n'est possible"...].

    Concrètement, je pense comme le camarade B (je ne vois pas qui ça peut être) que Gramsci n'est pas à sacraliser mais est UTILE, oui, pour comprendre et faire la révolution dans nos pays. Il est possible d'en avoir une lecture révisionniste, mais aussi révolutionnaire.

    Lui opposer le Pérou de 1980 est de toute façon abscons, puisque Gramsci répondait précisément aux difficultés de transposer le modèle russe en Occident, et le Pérou sans société civile de 1980 était tout à fait similaire à la Russie et à "l'Orient" de Gramsci. Et je pense aussi, oui, que les groupes comme RGA et RGKC sont par certains aspects dans une démarche sectaire et aventuriste. [L'argument ter-teriste du "et toi tu fais quoi ?", "et toi tu fais rien !" etc. etc., "et tu critiques pour chercher des excuses à ton rien-faire", ne peut pas éternellement barrer la route à la nécessaire discussion sur la stratégie des groupes communistes révolutionnaires et la viabilité de cette stratégie, car c'est tout simplement de l'avenir de la révolution prolétarienne dans toute une région ou un pays qu'il est question.]

    Réponse de "Antonio Gramsci" lui-même (LOL) :

    Dans le passage sur "Analyses des situations. Rapports de forces", Antonio Gramsci dit : "Le troisième moment est celui du rapport des forces militaires, immédiatement décisif suivant le moment. (Le développement historique oscille continuellement entre le premier et le troisième moment, avec la médiation du second.) Mais dans ce troisième moment, ne sont pas non plus exclues les distinctions, et il n'est pas identifiable immédiatement sous une forme schématique, on peut, en lui aussi, distinguer deux degrés : un degré militaire au sens étroit du mot ou technique-militaire et un degré qu'on peut appeler politique-militaire."

    Il ajoute ensuite :

    "En tout cas, la rupture de l'équilibre des forces ne se fit pas sous l'effet de causes mécaniques immédiates d'appauvrissement du groupe social qui avait intérêt à rompre l'équilibre et le rompit en effet, mais elle se fit dans le cadre des conflits supérieurs au monde économique immédiat, qui se rattachent au « prestige » de classe (intérêts économiques à venir), à une exaspération du sentiment d'indépendance, d'autonomie et d'un désir du pouvoir. [...] On peut donc dire que tous ces éléments sont la manifestation concrète des fluctuations de conjoncture de l'ensemble des rapports sociaux de force, et que c'est sur la base de ces fluctuations de conjoncture que se fait le passage des rapports sociaux aux rapports politiques de forces qui trouvent leur point culminant dans le rapport militaire décisif".

    Il semble donc erroné de dire que Grasmci réfutait le côté "politico-militaire" comme il le dit, rappelant, en effet, Mao et "la politique guide le fusil". Il y a clairement, en effet, une forme embryonnaire de conception de la guerre populaire prolongée élaborée par Mao. Gramsci critique simplement les conceptions économistes ("accumulation des forces") et "insurrectionnalistes" de la révolution. Il affirme simplement que le rapport directement militaire de forces ne peut être gagné si, pour le dire en des termes contemporains, l'"opinion publique" n'est pas acquise.

    Là où on "trou" existe entre Mao et Gramsci, c'est : la lutte pour l'hégémonie culturelle se fait-elle pacifiquement via la SEULE agitation-propagande ou se fait-elle AUSSI dans la conquête politico-militaire de zones populaires ?

    Mais Grasmsci ce n'est pas Mao, et cela est normal : leurs situations historiques et leurs contexte nationaux ne sont pas similaires.

    Et donc pour conclure :

    Je pense que oui, il est aussi ridicule de le rejeter complètement que de faire de Gramsci un maoïste.

    Gramsci était un léniniste, de la génération de Lénine et toujours dans la conception accumulation de forces - insurrection au moment décisif des bolchéviks. Simplement, son sujet d'étude, c'était de se pencher sur pourquoi ce qui avait marché en Russie n'avait pas marché en Italie alors que "mathématiquement" ça aurait dû, la crise de système en 1919-21 (Biennio Rosso) étant tout à fait équivalente. Concrètement, pourquoi ça n'a pas "mathématiquement" donné le 2e pays socialiste de la planète, mais le premier pays fasciste. Pourquoi l'esprit petit-propriétaire, fut-ce de 4 casseroles en fer blanc, a triomphé.

    Et ça c'est quelque chose que nous devons absolument étudier nous aussi, surtout qu'imaginez un peu, à quel point l'Italie des années 1920 était 100 fois plus proche de la Russie de Lénine que nos sociétés occidentales actuelles !!

    Après peut-être, sans doute même, que Gramsci n'apporte rien en stratégie "militaire" étant donné qu'il était tout simplement léniniste, accumulation de forces - insurrection, point.

    [Blocus Paris] Le Jeuxvidéos.com des totos neuneus qui se croient super déconstruits en mettant 15 points ou tirets dans chaque mot, et super révolutionnaires en pétant deux abribus puis laissant les jackys de 50 balais se faire gazer, et après s'étonner que ces gens deviennent au mieux mélenchos au pire FN. Fut un temps on appelait ça des provocateurs lol... Et des métallos à larges mains venaient s'en charger.

    [Réponse d'un toto : gna gna gna ; et d'un camarade qui fait valoir qu'il ne faut pas tomber dans la logique "anti-casseurs" des réformistes justement]

    La provocation gauchiste est autant un sabotage de la mobilisation populaire que la trahison réformiste. C'est au contraire ces bases fondamentales qu'il faut réaffirmer. Une émeute de quartier est 100 fois plus violente que n'importe quelle casse toto, ils ne sont soi-disant "pas politisés" mais ça ressemble 100 fois plus à une guérilla urbaine, et non à un sabotage gauchiste.

    C'est une question de stratégie et tactique de base. Contrairement à un quartier, une manif n'est pas un terrain mieux maîtrisé par les contestataires que par l'ennemi, c'est en fait l'exact opposé.

    Une manif autorisée est un terrain totalement voulu et accepté par l'État qui l'autorise. Pour parler en termes debordiens, c'est un 'spectacle' de la 'liberté de contestation' en 'démocratie' bourgeoise, et la casse toto se veut en quelque sorte un 'contre-spectacle' du 'débordement' de ce cadre institutionnel.

    Une manif non-autorisée... Dès que 25 personnes sont réunies, c'est nassé direct et il n'y a plus qu'à prier pour que personne, 3 grammes de 8.6 dans chaque veine, ne 'déclenche' les molosses autour ; sans quoi on va tous en GAV voire en comparution immédiate pour un gain politique ZÉRO. Explique-moi en quoi c'est intelligent, et on en discutera cordialement comme on l'a toujours fait toi et moi.

    À partir du moment où une manif c'est ce terrain là, complètement contrôlé par l'ennemi, à quoi sert une surenchère 'spectacle' de violence ? À rien, sinon à nuire aux gens pour qui c'est le terrain adéquat au niveau de conscience et de combattivité. Et à les retourner contre toute violence révolutionnaire par principe, alors que "l'opinion" est le champ de bataille fondamental (et pour ça je défends bec et ongles Gramsci contre ceux qui le traitent de 'père de l'eurocommunisme').

    C'est fondamental parce que si on prend un mode d'action efficace, un terrain non contrôlé par l'ennemi, on peut prendre le contrôle d'une raffinerie par exemple, ou un barrage routier, ou donc une émeute de quartier. En même temps, la solution pourrait être très 'simple' pour l'ennemi : on canarde à balles réelles, on envoie un hélicoptère mitrailler, on tire au mortier... MAIS il y a l'opinion publique. Qui est donc un paramètre très important, et ce pourquoi l'État ne fait pas ça pour le moment. Donc tout ce qui ne fait pas progresser les consciences, mais les braque contre le débordement des cadres autorisés, est contre-productif et permettra un jour des massacres.

    "Le révolutionnaire méprise l'opinion publique. Il méprise et hait dans tous ses motifs et toutes ses manifestations la moralité sociale actuelle. À ses yeux il n'y a de moral que ce qui contribue au triomphe de la Révolution ; tout ce qui l'empêche est immoral." Netchaïev

    => Ouais bon lol ça c'est la profession de foi du gauchiste de base
    L'"opinion publique", bon certes ça ne veut un peu rien dire à moins de considérer que dans toutes les classes et tous les groupes sociaux on pense pareil... Mais l'opinion majoritaire de ta classe, ou de ta race sociale, déjà comme point de départ avant de chercher alliances ou neutralités bienveillantes dans d'autres groupes, c'est le champ de bataille fondamental (Gramsci). À partir de quoi effectivement aucune violence n'est contre-productive. Les propos de Netchaïev cités sont donc un peu une profession de foi de l'aventurisme minoritaire contre-productif.

    L'argument du Pérou est de toute façon, on l'a dit plus haut, plombé dès le départ pour la raison suivante :

    Nous avons sur bien des aspects, en dehors de toute considération idéologique, comparé la Guerre populaire du Pérou avec la guerre de libération algérienne gonzalo-pcp-guerre-populaire-perou, et ceci est encore un autre point commun : tout comme le PCP, le FLN a déclenché la guerre de libération (Toussaint 1954) lorsqu'il a considéré que c'était le moment, c'est-à-dire que lui était prêt... tout simplement parce que la société algérienne, elle, n'était pas et ne pouvait pas être plus "prête" en 1954 que 10 ans plus tôt ou 10 ans plus tard. Une société colonisée et déshumanisée est TOUJOURS prête, au moins pour une masse critique de 20-25% de la population, au soulèvement pour se libérer ; et ceci était le cas de la société algérienne de 1954 comme de la société indigène péruvienne de 1980. Tout ce qu'il faut, c'est qu'une force d'avant-garde qui elle, est vraiment prête pour cela, apparaisse et lui montre le chemin d'une possible victoire (car évidemment par contre, la société la plus opprimée du monde ne se soulève pas si la seule perspective est de se faire massacrer sans AUCUN espoir de victoire ; et il y a aussi une méfiance légitime et palpable envers les "nouveaux maîtres venant simplement remplacer les anciens", donc fondamentalement, la QUESTION DU POUVOIR : montrer que la lutte va donner au peuple le POUVOIR sur sa vie dont il a été privé jusque-là).

    Dans un sens, le (n)PCI ne dit lui-même pas autre chose en disant que les conditions objectives, dans n'importe quel pays du monde, sont "prêtes" depuis 100 ou 120 ans et que ce qui compte ce sont les "conditions subjectives" c'est-à-dire basiquement l'existence d'un Parti révolutionnaire dirigeant et coordonnant les luttes dans une perspective stratégique de prise révolutionnaire du pouvoir. Simplement ce Parti doit à ce moment-là, non dans la plus totale inaction, non par le seul Verbe bien sûr, mais avant de proclamer déclenchée une véritable lutte révolutionnaire qui ait UNE SEULE chance d'atteindre son but (le Pouvoir), se CONSTITUER une "masse critique" (ce que nous appelons, dans les articles cités tout en haut, l'"étape zéro") d'un tiers ou un quart ou au moins 20% de soutien populaire alors que dans un pays colonisé, l'on peut considérer que contre le colon cette "masse critique" est déjà disponible d'entrée de jeu (il faut "juste" que l'organisation révolutionnaire gagne sa confiance et lui donne ce dont le colon l'a privée pour la dominer : L'ESPOIR).

    C'est peut-être là, d'ailleurs, que les concepts "décoloniaux" et "antiracistes politiques" peuvent et doivent intervenir : comprendre que (et comment) les masses populaires d'Occident (du moins "de souche" nationale, ou euro-descendantes) ont été "construites" à travers les siècles, par rapport à la "moyenne" de la misère humaine mondiale, comme des "petites bourgeoisies" privilégiées servant de "glacis" protecteurs à leurs grands bourgeois, autrement dit aux Centres du Capital monopoliste mondial. Alors que pour les groupes états-uniens autour de l'article en anglais sus-cité, tout est "simple" : États-Unis = Pérou, il suffit d'assumer une pratique très combattive (qui effectivement inquiète l’État qui la réprime) pour avoir accompli la "rupture" avec le réformisme comme avec le "gauchisme de système" (qui blablate en cercles "safe" "déconstruits"), et il suffit de gagner les 8 ou 10 dollars de l'heure qui sont le salaire d'un prolo là-bas pour que tout soit "simple", il faut simplement "tenir compte" des oppressions "autres que de classe" (race, genre...) parce que (toujours la même sempiternelle rengaine) "ça nous divise". Peut-être que commencer par agir en véritables porteurs de valises pour les véritables NATIONS COLONISÉES que leur Nation américaine blanche OCCUPE et opprime (Aztlán, New Afrika, Nations indigènes) serait plus judicieux et "rupturiste"...

    Et c'est peut-être là, aussi, que réside la confusion : une confusion entre époque et territoire. Gramsci était un homme de l'époque, et un partisan de la stratégie insurrectionnelle léniniste... qui avait échoué partout sauf en Russie, où les bolchéviks avaient en quelque sorte mené une "Guerre populaire sans le savoir" (et après Octobre, des années de guerre pour sauver le Pouvoir rouge de Moscou-Petrograd, et encore deux décennies plus tard une guerre de 20 millions de mort-e-s, profondément populaire, pour sauver la "base rouge mondiale" URSS de l'anéantissement par le nazisme). Et donc, il réfléchissait sur le pourquoi du comment cette stratégie avait échoué en Occident, y compris dans un pays aussi "arriéré" que l'Italie... En quelque sorte, il y avait "Lénine pour l'Orient et Gramsci pour l'Occident" dans le cadre de la stratégie accumulation de forces - insurrection (courte phase proprement "militaire" décisive) de cette époque (années 1920). Puis est venu Mao et, donc, la stratégie de Guerre populaire prolongée vite reprise dans une grande quantité de pays du monde mais toujours d'"Orient" ou plutôt du "Sud global" (semi-coloniaux semi-féodaux), sachant que pour Mao comme pour la plupart des "repreneurs", comme tous les anti-maoïstes anti-UGPP aiment aujourd'hui à nous le rappeler, cette stratégie n'avait absolument pas une vocation universelle (pas vocation à s'appliquer en dehors de ces pays). C'est finalement Gonzalo, dans les années 1980, qui a affirmé l'universalité de la Guerre populaire (UGPP) comme stratégie de conquête du pouvoir par le prolétariat... MAIS, là encore, on est en droit de se demander si ses modalités d'application doivent et peuvent être strictement les mêmes en "Orient" et en "Occident" ; et donc s'il ne faudrait pas un nouveau Gramsci comme "Mao-Gonzalo de l'Occident". Et en tout cas, clairement, si l'ancien (le vrai) Gramsci peut être aussi simplement que cela proclamé "inutile" et "révisionniste" dans la perspective de réfléchir à cette problématique.

    [En clair et en gros, donc, le problème avec Gramsci qui a conduit ses thèses au révisionnisme éhonté du PCI de Berlinguer, c'est que celles-ci s'inscrivaient dans la logique accumulation de forces -> insurrection dite "Voie d'Octobre" (ne comprenant pas qu'en Russie les bolchéviks avaient mené une "Guerre populaire sans le savoir") ; logique qui a toujours et partout conduit au révisionnisme ; et non lesdites thèses en elles-mêmes comme quoi en Occident "c'est différent" et il faut pour faire la révolution mener une longue bataille d'hégémonie...

    Ce qu'il faut à présent, tout au contraire, c'est un (ou des) nouveau(x) Gramsci qui pensent, sur la base universellement admise de la Guerre populaire prolongée et non plus de la "Voie d'Octobre", les voies pour mener celle-ci en Occident et dans les pays industriels-urbanisés avancés en général ; pour enfin aller au-delà de l'acceptation de la stratégie de Guerre populaire comme pur slogan.

    À ce niveau, il serait donc pratiquement possible de dire que rejeter Gramsci de façon sectaire, refuser de construire sur la base de son travail un "maoïsme d'Occident" comme il a tenté de le faire pour le léninisme ; de la même manière que le maoïsme en général et pour l'"Orient" (monde semi-colonial) en particulier s'est construit sur la base du marxisme-léninisme... sans que personne ne rejette celui-ci au nom du révisionnisme dans lequel il a partout sombré (parce que ceci, désolés, n'a absolument pas été un phénomène uniquement "euro") ; c'est de la contre-révolution préventive. Car c'est accepter sur le principe l'universalité de la Guerre populaire, mais construire en pratique l'impossibilité de son application concrète en Occident. Point barre.]

    Encore une fois sur la question de Gramsci, de ses thèses ("société civile", "hégémonie culturelle" etc.) et de leur nécessaire évaluation par le mouvement communiste

    Encore une fois sur la question de Gramsci, de ses thèses ("société civile", "hégémonie culturelle" etc.) et de leur nécessaire évaluation par le mouvement communiste


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