• Sur le capitalisme bureaucratique des pays dominés et le prétendu 'fascisme' de certains régimes réformistes bourgeois


    PCELa thèse du CAPITALISME BUREAUCRATIQUE dans les pays dominés (semi-féodaux et semi-coloniaux) est une thèse maoïste incontestable et incontestée, et personne parmi ceux que d’aucun-e-s qualifient de ‘centristes’ ne l’a jamais remise en question. Le PROBLÈME est l’utilisation qui en est faite, par certains groupes s’affirmant ‘maoïstes’, pour qualifier (abusivement) certains types de gouvernements du ‘tiers-monde’ de ‘fascistes’, car ils représenteraient (et ‘restructureraient’) ce capitalisme bureaucratique. Une thèse dangereuse, car rien n’est plus dangereux – pour des communistes – que de montrer du doigt le ‘fascisme’ là où il n’est pas ; et d’autant plus regrettable qu’elle est partagée par des gens conséquents, comme le mouvement maoïste brésilien autour d’A Nova Democracia, du MEPR, du CEBRASPO etc.


            chavez-castro-nazichav-fascfascistasfascismo-rojoVisuel du PC d’Équateur ‘Comité de Reconstruction’… et propagande anti-chaviste d’ultra-droite : où est la différence ?


    Cependant, une compréhension sérieuse de la thèse du capitalisme bureaucratique elle-même permet, très facilement, des démonter ces affirmations fumeuses et irresponsables.

    - Le capitalisme bureaucratique est une forme de 'capitalisme par en haut', étroitement associé à l'appareil d’État et appuyé sur le 'fond féodal' de la société d’un pays arriéré-dominé, qui émerge à un certain stade de pénétration des monopoles impérialistes dans le pays en question. Typiquement, en Chine où il a été caractérisé pour la première fois par Mao Zedong, ce fut sous le régime de Tchang Kaï-chek (1926-49) ; en Inde, sous Nehru (1947-64) ; en Iran, sous les Pahlavi (1925-79) ; dans la plupart des pays d'Amérique latine (sous divers régimes, souvent dits ‘développementistes’), entre les années 1920 et 1960 ; dans les pays arabes, sous les régimes ‘à la Nasser’ des années 1950-80 et – déjà – sous les régimes (souvent monarchiques) précédents, etc. etc. Visant la mobilisation de masse au service de la production, ce capitalisme bureaucratique se donne parfois des airs ‘nationalistes’ et ‘populistes’, d’autant plus qu’il apparaît souvent dans un contexte de lutte anticoloniale (ou plutôt, le contraire : la lutte anticoloniale se développe rapidement à cause de lui), et qu’il faut ‘donner le change’. Il revêt souvent un caractère MONOPOLISTE ou ‘oligopoliste’, car il apparaît à un stade où se renforce la division internationale du travail, et donc la spécialisation productive des pays dominés sur une ou quelques marchandises : pétrole ou gaz ici, tel ou tel métal là, production agro-alimentaire ou pierres précieuses, etc. Dans le cas précis (par exemple) du Pérou, ce processus est bien expliqué par le Parti communiste (maoïste) du pays ici : http://etoilerouge.chez-alice.fr/perou/pcpdemocratique.html

    ["1) C'est le capitalisme que l'impérialisme développe dans les pays arriérés et qui comprend les capitaux des grands propriétaires terriens, des grands banquiers et des magnats de la grande bourgeoisie. 2) Il exploite le prolétariat, la paysannerie et la petite bourgeoisie et limite la bourgeoisie moyenne. 3) Il passe par un processus qui fait que le capital bureaucratique se combine avec le pouvoir de l’État et devient capitalisme monopoliste étatique, compradore et féodal ; il en découle qu'en un premier moment il se développe comme grand capital monopoliste non étatique, et en un deuxième moment - quand il se combine avec le pouvoir d’État - il se développe comme capitalisme étatique" ; en d'autres termes, le capitalisme "moderne" et (en lien avec) la forme d’État bien spécifique qu'impulse l'impérialisme dans les pays dominés par lui, à un certain stade de "modernité" de cette domination (au 20e siècle). 

    Un peu plus loin dans le même texte, il est cependant expliqué que : "Le Président Gonzalo analyse le processus du capitalisme bureaucratique au Pérou de 1895 jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, premier moment de son développement au cours duquel, dans les années 1920, la bourgeoisie compradore assume le contrôle de l’État, déplace les propriétaires terriens tout en respectant leurs intérêts. Le deuxième moment, de la Seconde Guerre mondiale à 1980, est celui de l'élargissement du capitalisme bureaucratique au cours duquel une branche de la grande bourgeoisie devient bourgeoisie bureaucratique ; ceci se produit en 1939, lors du premier gouvernement de Prado quand l’État commence à participer au processus de l'économie. Cette participation, qui ira en augmentant, est due au fait que la grande bourgeoisie est incapable - par manque de capitaux - de développer le capitalisme bureaucratique. C'est ainsi que les deux factions de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique et la compradore, entrent en lutte. En 1968, la bourgeoisie bureaucratique prendra la direction de l’État à travers les forces armées et par le coup d’État du général Velasco provoquant une forte croissance de l'économie d’État. Ainsi par exemple, les entreprises de l’État passèrent de 18 à 180." => là, on rejoint l'idée d'une fraction bourgeoise-oligarchique (au sein du dit capitalisme bureaucratique) qui serait "intégrée" ou se confondrait (pratiquement) avec l'appareil d’État ; et n'hésitant en effet sans doute pas, tout comme les fractions bourgeoises étatistes-dirigistes dans les pays impérialistes, à se présenter comme "la gauche" ("la vision que le Président Gonzalo a du capitalisme bureaucratique est aussi très importante (...) en s'appuyant sur la différenciation qu'il a établi entre les deux factions de la grande bourgeoisie, la bureaucratique et la compradore, afin de ne se mettre à la remorque d'aucune des deux, problème qui mena notre Parti à une tactique erronée durant 30 années", un peu comme ici une lutte idéologique primordiale est de ne pas se mettre à la remorque de "la gauche")...

    (De manière plus synthétique, Gonzalo dans une interview au journal El Diario en 1988 : "Sur une base semi-féodale et sous la domination de l'impérialisme se développe une forme de capitalisme tardif, un capitalisme qui naît amarré à la féodalité et soumis à la domination impérialiste (...) le capitalisme bureaucratique se développe lié aux grands capitaux monopolistes qui contrôlent l'économie du pays ; capitaux formés, nous dit Mao, par ceux des grands propriétaires terriens, des grands bourgeois compradores et des grands banquiers, ainsi se forme le capitalisme bureaucratique (...) Ce capitalisme, arrivé à un moment déterminé de son évolution, se combine avec le Pouvoir d'État et utilise les moyens économiques de l'État comme levier ; de cette manière se forme une nouvelle fraction de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique".)

    En fait, histoire de dire à quel point - tout de même - la définition de cette notion de capitalisme/ bourgeoisie bureaucratique est mouvante, nous pourrions citer expliquée ici la définition qu'en donnent les maoïstes d’Équateur (PCE - Comité de Reconstruction) : la bourgeoisie bureaucratique est en fait une sorte d'état social... transitoire par lequel (cités en exemple) "de hauts gradés militaires", "des hauts fonctionnaires" ou encore "des politiciens sociaux-démocrates" vont en quelque sorte "squatter" le "vieil État" pour, "une fois accumulé un capital considérable" de cette manière... devenir des bourgeois compradores, "comme déjà Lucio (Guttiérez, colonel chef de file de la destitution du président Mahuad en 2000, puis président à son tour de 2003 à 2005 et s'étant révélé à ce poste bien de droite et "néolibéral"...) avant eux". On voit donc bien qu'en dépit des références citées dans l’œuvre de Mao (sur la Chine du Kuomintang) ou du PCP des années 1970 (cf. ci-dessus), la définition reste relativement floue : on en dégage dans les grandes lignes l'idée d'une bourgeoisie liée ou partie prenante de l'appareil d’État qu'elle utilise pour s'enrichir, éventuellement en le modernisant lorsqu'il est trop archaïque et inadapté pour cela (ou trop au service... de la "vieille" oligarchie) ; comme l'on pourrait dire, et nous avons déjà eu l'occasion de le dire, que la "gauche" bourgeoise en Occident est souvent (bien que comptant des représentants de toutes les "sortes" de bourgeoisie) plutôt majoritairement liée à la bourgeoisie d’État ; là encore hauts fonctionnaires, énarques, cadres supérieurs et dirigeants d'entreprises publiques (semi-publiques aujourd'hui), etc. etc.

    Ou alors, si l'on veut être beaucoup moins conventionnel, pour ne pas dire apocryphe, mais en même temps beaucoup plus compréhensible par rapport à ce que cela veut généralement dire :

    - Les compradores, ce sont les laquais de base, les purs commis de l'impérialisme dans un pays. Les Bongo au Gabon, voilà.

    - La bourgeoisie bureaucratique, ce sont plutôt des gens qui à la base sont des "révolutionnaires" nationalistes bourgeois ; mais dans un contexte où la domination impérialiste rend la révolution bourgeoise impossible. Typiquement, le Kuomintang en Chine : ça a été un parti révolutionnaire au départ. Ou encore, le kémalisme en Turquie. Mais cela peut aussi s'appliquer au Destour de Bourguiba en Tunisie, au FLN algérien, au MNR bolivien ou au PRI mexicain, au nassérisme ou au baathisme arabes, ou encore à des démarches modernisatrices comme celle des Pahlavi en Iran... comme à leurs successeurs de la "révolution islamique" ; bref, à une liste interminable de cas de figure.

    Sauf que comme, on l'a dit, une véritable révolution bourgeoise est impossible sous la domination de l'impérialisme, ces forces finissent tôt ou tard par retomber dans la dépendance et devenir eux aussi des intermédiaires de celui-ci ; sous cette forme, donc, "bureaucratique". En ce sens, il est effectivement possible de dire que quelque part le castrisme, à Cuba, est retombé dans la dépendance et devenu une bourgeoisie bureaucratique au service de l'URSS, etc.

    De fait, le caractère révolutionnaire bourgeois échoué (car impossible) de ces processus rejoint la nécessité impérialiste de modernisation de la production à son service (une certaine "arriération" étant, souvent, ce qui a provoqué le mécontentement...). Mais dans cette compréhension des choses, il faudrait donc alors établir une distinction entre lorsque ces régimes bureaucratiques sont "consolidés" comme nouveaux intermédiaires de l'impérialisme (fût-ce un impérialisme rival de celui dont ils se sont initialement libérés), et lorsqu'ils ne le sont pas encore ; en tout cas, lorsqu'ils sont encore dans la phase où ils jouent un rôle positif pour la condition des masses du pays, et assez souvent dans ces circonstances, peuvent être la cible de contre-attaques féroces de leur ancien maître et de ses alliés ; offensives impérialistes contre lesquelles ils doivent être fermement défendus.]

    - Dès lors, il y a une bourgeoisie/oligarchie/‘caste’ bureaucratique (cela dépend du niveau des forces productives du pays).

    - MAIS, aucune classe (comme l'explique brillamment le Manifeste Programme du (n)PCI) n'étant 'imperméable', 'insensible' au mouvement des autres, il va FORCÉMENT, à un moment donné, émerger dans cette bourgeoisie bureaucratique, comme d'ailleurs dans les autres classes possédantes (compradore, latifundiste et bourgeoisie nationale), une 'GAUCHE', une fraction pensant qu'il faut 'tout changer pour que l'essentiel ne change pas', qu'il faut faire des réformes, des concessions pour sauver l'essentiel - sa position dominante. Cela existe de la même manière dans 04mad-mayo998les pays impérialistes, et cela s'appelle du RÉFORMISME, pas du fascisme. Ce phénomène est favorisé par les périodes de développement des forces productives qui font émerger, dans tous les 'secteurs' (bureaucratique, comprador, propriétaire terrien et 'national') de 'nouvelles couches', des 'modernes' comprenant qu'il n'est plus possible de gouverner les masses 'comme avant'.

    - Souvent, dans des pays structurellement soumis au capital impérialiste étranger, mener cette politique de réformes/concessions peut impliquer de CHANGER D'ALIGNEMENT géopolitique,de 'changer de bloc' ou de puissance tutélaire (typiquement, des États-Unis vers l'URSS pendant la Guerre froide), ou de 'diversifier' ses 'partenaires'/tuteurs pour essayer d'en 'dégager' un peu d'autonomie. Globalement, toute puissance impérialiste (ou expansionniste régionale) sera ravie de nuire ainsi à ses concurrentes, même si elle n'y est pas 'gagnante' au sens sonnant et trébuchant (exemple type : l'URSS avec Cuba, ou plus près de nous la Russie, la Chine et dans une certaine mesure l'Europe avec le Venezuela : "Ce qui est l’essence même de l’impérialisme, c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires - non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie" - Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme).

    C'est ce qui s'est produit au Venezuela : en 1998, le vieux système puntofijiste, qui gérait le capitalisme bureaucratique depuis 40 ans, était usé jusqu’à la corde et à bout de souffle, incapable de faire face à l’agitation populaire (situation assez proche, finalement, de celle du Chili en 1970). Une fraction ‘pragmatique’ de l’oligarchie dominante a alors effectué un ‘repli tactique’ et ‘ouvert les portes’ à un petit lieutenant-colonel, un zambo (métis) d’origine paysanne modeste… condamné quelques années auparavant pour tentative de coup d’État ‘de gauche’, et donnant (alors) de sérieux gages de modération (un discours, globalement, 'à la Lula'). La suite des évènements est suffisamment connue pour ne pas la retracer ici, pour la centième fois, dans les détails : ‘emballement’ des concessions sociales et démocratiques pour pouvoir ‘chevaucher’ et maîtriser l’agitation des masses, et (l’un se nourrissant de l’autre) contre-attaques rageuses de la vieille oligarchie (la DROITE de la grande bourgeoisie bureaucratique), principalement concentrée dans le monopole pétrolier PDVSA et dans la Fedecamaras (Medef local), avec sa presse aux ordres, contre ‘l’intrus’ ; ceci débouchant sur la tentative de coup d’État d’avril 2002 (le ‘Parisot’ local prenant le pouvoir), soutenue par l’administration Bush de Washington et déjouée par la mobilisation des masses ; radicalisation encore plus grande de Chavez et de ses partisans contre l’oligarchie (qui poursuit le bras-de-fer jusqu’encore aujourd’hui), l’impérialisme US et ses proches alliés (notamment la Colombie voisine) ; proclamation du ‘socialisme du 21e siècle’ ; tissage d’alliances avec tout ce que la planète compte d’hostile ou de rétif à l’hégémonie US (Russie, Chine, Iran, bourgeoisie arabe antisioniste, Syrie, Libye, guérillas colombiennes, fractions des bourgeoisies européennes etc.) ; mobilisation et (tenant compte de la tragédie chilienne de 1973) tentative d’armement des masses contre les menées de la droite, etc. etc.

    Depuis, cependant, faute… d’être une véritable révolution, le ‘processus’ s’est essoufflé, la condition des masses s’est dégradée et le soutien populaire à Chavez (face aux ‘candidats uniques’ du vieux puntofijisme, présentés à chaque élection) s’est effrité (son successeur, Maduro, ne l’a emporté que d’une très courte tête) ; le bloc impérialiste US et l’oligarchie locale ont un peu ‘lâché l’affaire’ et ‘jouent le pourrissement’ ; un rapprochement s’est amorcé avec le (totalement fasciste, pour le coup !) voisin colombien et des militants révolutionnaires réfugiés au Venezuela ont été livrés (après que Chavez se soit fait ‘choper’ pour son soutien aux guérillas, avec la saisie de l’ordinateur d’un dirigeant guérillero tué dans une opération militaire) ; une partie des cadres du ‘chavisme’ a formé une nouvelle caste privilégiée et exploiteuse, la ‘boli-bourgeoisie’. En Bolivie et en Équateur, ce sont carrément des présidents qui ont ‘valsé’ à la chaîne devant les explosions de colère des masses (ingouvernabilité totale), ouvrant à un ‘vieux’ syndicaliste paysan indigène et à un économiste ‘de gauche’ inconnu les portes du pouvoir ; les évènements ont ensuite suivi un déroulement assez similaire. Ailleurs, les oligarchies ont du ‘ouvrir les portes’ à des leaders plus 2 Caracas 1 de Mayo 2009modérés, mais néanmoins réformistes. En réalité, l’Amérique latine a ‘vomi’ la ‘potion’ ‘néolibérale’ qui lui a été administrée dans les années 1980-90 par la domination impérialiste US, après (et déjà pendant) les grandes dictatures / guerres d’extermination des années 1960-80. Aujourd’hui, même les opposants aux régimes ‘bolivariens’ se veulent ‘sociaux-libéraux’, ‘proches d’un Lula’, pour un ‘capitalisme intégrant le facteur humain’ ; tandis que les régimes en question se sont eux-mêmes considérablement recentrés’, ‘face aux réalités’. Le capitalisme bureaucratique de ces pays s’est, oui, dans un sens, ‘restructuré’. Pour autant, dans l’enthousiasme de la ‘rupture’ et la résistance aux menées réactionnaires, les masses ont écrit une page d’histoire qui ne s’effacera pas, elles ont été à une école de révolution . Quelque part, pour dire les choses clairement : Chavez himself, son idéologie, ses amitiés internationales, ses élucubrations dominicales de 14 heures non-stop, on s’en brosse le cul ! Ce qui nous intéresse, ce sont les masses vénézuéliennes, et celles-ci ont démontré, le 13 avril 2002, que les masses font et peuvent tout : déjouer un coup d’État made in US en Amérique latine, c’était tout simplement du jamais vu ! Si les PC d’Équateur ‘Sol Rojo’ et ‘Comité de Reconstruction’ peuvent aujourd’hui trouver un certain écho dans les masses, c’est en ‘capitalisant’ sur la déception envers le social-libéralisme (de fait) du gouvernement Correa, et parce que les masses ont été (pendant toutes les années 2000) à cette ‘école’… Cela aurait été tout simplement impossible il y a encore 15 ou 20 ans ; d’ailleurs, à cette époque, les membres actuels du ‘Sol Rojo’ étaient dans le mouvement ‘alfariste’, équivalent local du bolivarisme !

    EN AUCUN CAS CELA NE PEUT ÊTRE QUALIFIÉ DE FASCISME : le fascisme ne peut se caractériser que par UN SEUL critère fondamental, celui de la DICTATURE TERRORISTE OUVERTE contre tout mouvement organisé, révolutionnaire ou même réformiste, des masses populaires exploitées ; ceci associé à une certaine MOBILISATION d'une partie des masses ('peuple de droite', 'patriotes', 'honnêtes gens', 'majorité silencieuse' etc. etc.) contre ledit mouvement, ce qui distingue le fascisme de la dictature réactionnaire 'classique' (dans les pays dominés cependant, cette mobilisation revêt souvent un caractère clientéliste ou ethnique/tribal/régionaliste/confessionnel, plus qu'idéologique à proprement parler). Dans les pays impérialistes, il se rattache à la fraction la plus réactionnaire de la bourgeoisie monopoliste et, dans les pays dominés, à la fraction la plus réactionnaire (et soumise à l'impérialisme) des trois classes dominantes (oligarchies bureaucratique, compradore et terrienne) et, à travers celle-ci, à la fraction la plus agressive des monopoles du pays/bloc impérialiste de tutelle. À ceux qui qualifient le réformisme 'bolivarien' de 'fasciste', la première réponse devrait être "où sont les milliers de mort-e-s et de disparu-e-s des 'fascistes' Chavez, Morales etc. ?", comme au Chili sous Pinochet, en Argentine sous Videla, au Guatemala sous les juntes de 1978-85, etc. etc. De même, 'nier la lutte des classes' au profit de prétendus 'peuple' (aux contours flous), 'citoyenneté' ou 'intérêt général' ne peut suffire à qualifier le fascisme, car le réformisme bourgeois, le 'rooseveltisme' et autres 'keynésianismes' c'est typiquement cela, et cela n'est pas le fascisme (confusionnisme dénoncé par Dimitrov dès 1935). Même le gaullisme, totalement sur cette ligne corporatiste d''association Capital-Travail', pour ne pas avoir régné dans une période de crise générale, ne peut pas être réellement qualifié de fascisme...

    Le critère d'une 'politique sociale audacieuse' mais non-communiste ('corporatisme' blablabla) pour qualifier les 'bolivarismes' de 'fascismes' ne tient, en fait et de toute façon, pas une seconde la route devant la plus petite analyse d'économie politique : Hitler 'améliorait' la vie des masses allemandes... en spoliant les Juifs et en pillant les autres pays européens envahis l'un après l'autre. Même, à vrai dire, les social-démocraties et autres 'keynésianismes' d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord (à partir des années 1930 et surtout entre 1945 et les années 1980) reposaient entièrement sur les surprofits de l'exploitation impérialiste féroce des pays du 'tiers-monde' (tout comme le 'progrès social' mussolinien reposait sur la colonisation de la Libye, de l'Afrique de l'Est etc.). Chavez, Morales ou Correa, eux, améliorent la condition des masses en arrachant à l'impérialisme un peu de ce qu'il aimerait bien piller dans leurs pays (ce qui peut alors être discuté est la répartition de cette part 'arrachée')... Pas besoin d'être un grand génie du marxisme pour comprendre la différence ! Et si les fascismes européens des années 1930-40 firent (en effet) souvent passer leurs pays de l'ère du 'laisser faire, laisser passer' à celle de l'interventionnisme étatique, les dictatures terroristes ouvertes qui ensanglantèrent l'Amérique latine entre les années 1960 et 1980 se caractérisèrent plutôt par la mise en place de ce que l'on appellera 'néolibéralisme'...

    Une autre chose encore est que dans les États plurinationaux et à minorités opprimées, tels que l'État espagnol ou encore l'État turc, le fascisme se caractérise plutôt en principe par la négation de cette plurinationalité et de ces minorités et par la répression brutale de leurs expressions politiques ; car il vise l'unification forcée des masses autour de l'État-"nation" de la classe dominante et de ce qui est considéré comme le "corps légitime" de celui-ci. Or en Bolivie ou encore en Équateur, c'est exactement le contraire qui s'est produit : les Peuples et les langues indigènes ont vu leur reconnaissance inscrite dans la Constitution après cinq siècles de colonisation européenne ! Où est donc le "fascisme" là-dedans ??

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    Les néofascistes italiens de Casa Pound saluent la mémoire de Chavez… sauf que ce dernier n’était pas tout à fait du même avis : "Les fascistes ne sont pas des êtres humains, un serpent est plus humain qu’un fasciste"...

    Il serait certes tentant (et si simple…) de se contenter d’ânonner dogmatiquement que "le stade impérialiste (du capitalisme) c’est la réaction sur toute la ligne", et que la classe dominante (monopoliste ici, capitaliste bureaucratique là-bas) est intégralement, en bloc, ‘réactionnaire sur toute la ligne’… mais cela n’est pas vrai, ce n’est pas la réalité. AUCUNE classe n’est ‘imperméable’ à l’influence des autres (ne serait-ce que pour ‘prendre en compte’ leurs mouvements dans son intérêt) ; et, si les classes populaires subissent à pleins tubes l’influence de la classe dominante, cette dernière ‘subit’ aussi, directement ou indirectement, l’influence du ‘mouvement ouvrier’. C’est ainsi qu’émerge en son sein une ‘gauche’, qui va chercher à ‘contenir’ celui-ci ‘dans les limites de l’acceptable’ par des concessions (et va, généralement, chercher à se revendiquer de la période où la bourgeoisie jouait encore un certain rôle de progrès humain ; c’est ainsi que la gauche bourgeoise sud-américaine va se revendiquer de Bolivar ou de l’équatorien Alfaro, la gauche BBR des ‘Lumières’ ou du ‘Hugo républicain’ d’après le coup d’État bonapartiste, etc. etc.). Ce n’est en aucun cas une alliée, sinon de circonstances… exceptionnelles (lutte contre le fascisme, occupation étrangère etc.) ; mais c’est un ‘facteur’, un ‘paramètre’ de la réalité sociale qui nous entoure et de notre lutte au sein de celle-ci, paramètre que les communistes ne peuvent ignorer. La ‘gauche’ bourgeoise est matériellement incapable d’initier un début de commencement de processus révolutionnaire, de conduire les masses exploitées vers leur émancipation ; elle a, au contraire, uniquement vocation à ‘contenir’ leur mouvement dans les limites de l’‘acceptable’ et à trahir les espoirs populaires placés en elle ; mais elle est l’expression des contradictions internes à la classe dominante, dont une lutte révolutionnaire conséquente doit savoir tenir compte. Son arrivée au pouvoir exprime, plutôt qu’un besoin de ‘restructuration’ du système capitaliste (idée répandue dans le mouvement communiste ; mais cela, la droite s’en charge très bien, du gaullisme des années 1960 aux ‘thatchériens’ des années 1980-90 !), un repli tactique de la bourgeoisie face à une agitation sociale importante, ou, en tout cas, une crainte des dominants face aux ‘cris du peuple’ (mais des mouvements ou des ‘cris’ qu’ils pensent encore pouvoir conjurer par quelques concessions et réformettes – avant de revenir en force). Mais ce 'repli' des dominants, même s'il prépare un tel ‘retour en force’, même s’il n’est jamais une œuvre de philanthropie, ouvre forcément (mathématiquement) un espace, des 'perspectives', des 'marges de manœuvre' pour le 'mouvement social' des masses opprimées, que les révolutionnaires doivent savoir mettre à profit afin d'en faire, pour les masses, une école de communisme - telle a été l'analyse, profondément CORRECTE, de l'UOC-mlm de Colombie réagissant à la mort de Chavez.

    general franco la clauLe fascisme, lui, est une toute autre chose : c’est l’expression et l’arme de l’aile extrême-droite, de la fraction réactionnaire ultra des classes possédantes, pour une guerre TOTALE contre tout mouvement organisé (même réformiste) des classes populaires ; même s’il va souvent (dans un souci de mobilisation de masse, sa caractéristique) reprendre aussi à son compte des revendications jugées ‘acceptables’ des ‘petites gens’, sur un mode paternaliste (le problème est que les ‘petites gens’, tel qu’il l’entend, englobent tant d’intérêts de classe immédiats contradictoires qu’il est impossible de les satisfaire tous, et au final tout le monde est perdant, sauf la fraction la plus réactionnaire de la classe dominante). Il va chercher, pour mobiliser, à détourner la colère d’une partie des masses contre les plus opprimés qu’elles (ultra-prolétaires qualifiés de ‘canaille’ hier et de ‘racaille’ aujourd’hui, prolétaires étrangers ou d’origine étrangère, travailleurs organisés qualifiés de ‘rouges’, ‘assistés’, ‘drogués’ etc. etc.), mais aussi contre de chimériques ‘mondialisme’, ‘capitalisme sauvage’ (vieille rengaine bourgeoise, partagée par la ‘gauche’, du ‘capitalisme à visage humain’), ‘finance cosmopolite’ etc. etc., visant généralement, à travers ces mots, les fractions de la classe dominante jugées trop ‘modérées’ et ‘laxistes’. L'objectif visé ici (certes inatteignable, mais néanmoins visé), c'est, pour tout 'mouvement social' organisé, une marge de manœuvre zéro. Une question fondamentale, pour permettre de répondre à beaucoup de choses, peut en définitive être celle-ci : est-ce que la situation considérée FAVORISE objectivement l’émergence d’une conscience, d’une organisation et d’une ‘radicalité’ des classes populaires (comme c’est le cas, selon nous, au Venezuela ou en Bolivie, en tout cas cela l'a été dans les premiers temps – cela s’est peut-être ‘tassé’ depuis) ; ou est-ce qu’elle tend, au contraire, à leur écrasement sans pitié (comme en Iran dans les années suivant la prise de pouvoir de Khomeyni, pour prendre volontairement l’exemple de régimes alliés des précédents) ?? Pour nous, la première situation est ce qu’il convient de qualifier de régime/’processus’/situation ‘progressiste’ ; la seconde est du fascisme, ou assimilable au fascisme.

    Les classes intermédiaires, elles (petite-bourgeoisie entrepreneuriale, salariat moyen, paysannerie relativement aisée, professions libérales, intellectuels divers etc., et bourgeoisie nationale dans les pays dominés), vont généralement se scinder entre partisans d’une ‘démocratie radicale’, d’une ‘démocratie réelle’, qui vont en dernière analyse converger dans le réformisme ; et individualistes-égoïstes réactionnaires, accrochés à leur petit patrimoine et leur ‘petite position’ comme des singes à leur branche, et qui vont converger dans la mobilisation réactionnaire de masse (en clair : voter Sarko/Copé ou Le Pen). En l’absence de Parti révolutionnaire de classe, comme centre d’agrégation de la mobilisation révolutionnaire, le prolétariat et les classes populaires ‘assimilées’ (petits employés, paysans et indépendants pauvres, etc.) vont généralement ‘suivre’ l’un ou l’autre de ces courants, car ces ‘classes moyennes’ exercent une grande influence sur eux (ils/elles sont perçu-e-s comme ‘le/la cousin-e’ ou ‘le fils/la fille du voisin’ qui a ‘réussi’).  

    dimitrovLe ‘premier cercle’ de la mobilisation révolutionnaire de masse, la première ‘terre de mission’ des communistes révolutionnaires, ce sont précisément ces prolétaires-et-assimilé(e)s qui sont sous l’influence des ‘classes moyennes’ ‘progressistes’/’démocratiques-radicales’, elles-mêmes se plaçant sous la direction de la ‘gauche’ bourgeoise. C’est tout le sens de la démarche de Front populaire à la base impulsée par l’Internationale communiste dès 1934 ; c’est tout le sens de bien distinguer réformisme bourgeois et fascisme ; et c’est tout le sens de la dénonciation, par Dimitrov, du ‘schématisme’. Cela est totalement valable dans les pays dominés par l’impérialisme.

    Mais, pour le ‘p’’c’’mlm’ et ses (de plus en plus rares) amis internationaux, il va en être tout autrement. Dans nos pays impérialistes/avancés, les attaques vont se concentrer sur les révolutionnaires non-maoïstes (personne n’étant réellement maoïste sauf eux, de toute façon…) et les personnes progressistes du peuple, qualifié-e-s (non-exhaustivement) de ‘social-démocrates’, ‘libéraux-libertaires’, ‘révisionnistes’ et ‘nationalistes-révolutionnaires’/’SA’/’fascistes’ en puissance, ‘frères jumeaux’ et fourriers du fascisme, etc. etc. Pour dire les choses clairement, il n’y a pas 36 manières pour des communistes de faire triompher le fascisme, il n’y en a qu’une seule et c’est celle-là : agir ouvertement et consciemment comme force de répulsion sur les masses progressistes (le ‘peuple de gauche’), et non comme force d’attraction vers la conception communiste-révolutionnaire du monde. Et dans les pays dominés, semi-coloniaux semi-féodaux, vont être qualifiés de ‘fascistes’ non pas des régimes laquais de l’impérialisme, massacrant et torturant des milliers de personnes (à la Pinochet ou Videla, Rios Montt ou Mobutu, Suharto ou Ferdinand Marcos, Bokassa ou Hassan II), mais précisément des régimes qui ‘s’agitent’ et ‘défient’ un petit peu l’impérialisme (en tout cas l’impérialisme occidental), et tentent d’apporter quelques petites avancées de bien-être aux masses laborieuses. Ceux-là et aucuns autres : il ne s’agit même pas de dire qu’‘au nom de la thèse du capitalisme bureaucratique’, ‘tous les pays semi-coloniaux sont fascistes’ (ce qui serait simplificateur mais au moins cohérent). Ils ont, toutefois, ‘une tête de turc au-dessus’ de ces régimes – là encore, en parfaite cohérence avec la pensée dominante impérialiste : les ‘islamistes’… C’est ainsi que, lorsque le régime baathiste syrien se contente d’opprimer 300x168 188654 syrie-soupcons-de-crimes-contre-‘tranquillement’ ses masses populaires, tout en appuyant objectivement la résistance libanaise et palestinienne contre Israël, il est ‘fasciste’… mais lorsqu’il se met à massacrer, avec la plus extrême barbarie, des milliers de personnes ; et que semble menacer l’instauration d’un ‘émirat djihadiste’ incontrôlable aux portes de l’entité sioniste, tout d’un coup leur ‘anti-impérialisme’ se réveille ! Comme c’est étrange… En revanche, au Mali, il n’est plus du tout question d’anti-impérialisme (alors même que de très nombreux/euses militant-e-s démocratiques de ce pays rejettent l’intervention BBR, tout en vomissant les djihadistes) : tout ce que ‘Voie Lactée’ trouve à dire, c’est que "la France est obligée de faire le nettoyage anti-islamistes armés à la place de cet État d'une faiblesse toute bureaucratique, empêtré dans ses contradictions"… !!!

    Il y a en Grèce une organisation ‘maoïste’, l’OAKKE, qui assume elle aussi des positions pour le moins ‘étranges’ : à contre-courant de toute la gauche radicale et révolutionnaire de ce pays, elle considère que l’impérialisme russe est actuellement la principale menace pour l’humanité, le ‘nouveau 3e Reich’ de notre époque, à la tête d’un ‘axe néo-nazi’ avec la Chine, l’Iran etc. (et donc forcément l’ALBA sud-américaine) ; et que les forces qui dénoncent principalement l’impérialisme nord-américain et ouest-européen sont ses alliés objectifs. Si l’OAKKE ‘dénonce’ les ‘excès’ et le ‘chauvinisme’ de la politique israélienne, elle revendique néanmoins pour l’État sioniste le ‘droit de se défendre’ (!!!) contre les ‘islamo-nazis’ de la résistance palestinienne, du Hezbollah et d’Iran, qui sont des ‘pièces maîtresses’ de cet axe. Militer contre les crimes sionistes, appeler à la ‘destruction d’Israël’ (c’est-à-dire à la fin de l’apartheid, de l’État ethnique ‘juif’, pour une Palestine démocratique et égalitaire), c’est participer d’une théorie du ‘complot juif pour la domination mondiale’, également au  service de ce ‘nouveau Reich’ russo-irano-chinois (voir un florilège de leurs délires ici)… Dans la mêmeisraeldemo veine, mais encore plus ‘hardcore’, il y a les ‘anti-deutsch’ d’Allemagne : s'appuyant de manière ‘fondamentaliste’ sur les tout premiers écrits de Marx et Engels, l’impérialisme occidental est pour eux, ‘objectivement’, un ‘progrès’ là où il passe, une ‘condition nécessaire’ à la révolution prolétarienne : il faut donc soutenir ses interventions contre les régimes ‘despotiques’ en Irak, en Afghanistan etc., il faut soutenir l’apartheid sioniste en Palestine sans quoi l’on est ‘antisémite’, etc. etc. Le ‘p’’c’’mlm’ et ses comparses internationaux (notamment ses pitoyables appendices de la Belgique universitaire, elle-même lamentable excroissance de la ‘France’ intello-parisienne) sont, globalement, exactement sur cette ligne ; mais ils sont plus intelligents, et donc plus 'subtils'. Et leur obsession de l’‘islamisme’ sunnite va éventuellement les amener, le cas échéant, à soutenir comme ‘moindre mal’ un régime (pourtant ‘fasciste’) de ‘l’axe néo-nazi’ Russie-Chine-Iran, comme la Libye ou la Syrie (enfin, dans le cas de la Libye, l’Iran avait dans un premier temps salué le ‘réveil islamique’ du peuple, alors…).

    Sur ce point d’ailleurs, peut-on ajouter au passage, la thèse du capitalisme bureaucratique permet SEULE de comprendre le phénomène politique communément appelé 'islamisme'. Dans les pays de la 'région intermédiaire' à majorité musulmane (du Sahel à l'Indonésie en passant par le Maghreb, le Machrek, l'Iran, l'Asie centrale et le sous-continent indien) ;

    tantaoui1°/ les RÉGIMES, qu’ils soient 'républicains laïcs' ou 'monarchiques de droit divin', représentent le capitalisme bureaucratique, le capitalisme 'par en haut' impulsé par et au service de l'impérialisme sur la société. L'institution militaire y joue souvent un rôle central, et elle est (conformément à la thèse du capitalisme bureaucratique) une émanation directe de la féodalité, notamment de la féodalité tribale du 'pays profond' (en Égypte, par exemple, elle est l’héritière des Mamelouks qui dirigeaient le pays sous la tutelle ottomane, et le ‘pilier’ de l'État moderne depuis sa naissance avec Mehmet Ali).

    2°/ les 'islamistes', eux, sont l'expression politique du 'capitalisme par en bas', le capitalisme (et la bourgeoisie) qui émerge 'spontanément' des 'entrailles' de la vie sociale (où les gens produisent et vendent, bref font du bizness, et certains deviennent riches et d'autres pas...), et se heurte au capitalisme bureaucratique impulsé 'd'en haut' par les régimes. Contrairement, en effet, à ce capitalisme bureaucratique-comprador "d'en haut", le capitalisme "spontané" "d'en bas" ne va pas permettre au surproduit (plus-value "sur-accaparée") de "remonter" correctement jusqu'aux monopoles impérialistes - qui vont donc le combattre en conséquence, dans leur perspective de domination totale des économies du "Sud". Ceci est par exemple assez bien expliqué (avec des ‘mots’ non-maoïstes, bordiguistes en l’occurrence) dans cet article sur la Syrie, son régime baasiste et son opposition ‘islamiste’. Les courants de type Frères musulmans représentent une morsibourgeoisie plus 'prospère', plus 'installée' et éduquée, politiquement plus 'pragmatique', se faisant parfois 'démocrate-musulmane' sur le modèle de l'AKP turc ; tandis que les salafistes, eux, représentent une petite et moyenne bourgeoisie (commerçants, artisans, ‘économie informelle’) plus 'rustre' et inculte, plus agressive et 'possédée' par sa mission divine, des 'Savonarole de l'islam' pour ainsi dire. Une bourgeoisie nationale, en réalité, mais ce terme a souvent été accolé automatiquement, par les léninistes, à 'progressiste' (la bourgeoisie nationale serait ‘forcément’ progressiste), alors que personne (ni Lénine, ni le Che, ni Mao : personne) n'a jamais dit cela : en l'occurrence, ce n'est PAS DU TOUT le cas ; les pays musulmans ont en effet une LONGUE histoire de capitalisme (remontant au Moyen-Âge, comme en Europe, mais il a été surpassé et finalement dominé par le capitalisme européen à partir de la 'découverte' des Amériques), et donc une bourgeoisie ANCIENNE, consciente ('pour soi') de ses intérêts, avec une 136354 le-president-du-mouvement-islamiste-ennahda-rached-gconception du monde 'achevée', cohérente et solide, particulièrement imperméable à l'idéologie révolutionnaire du prolétariat (alors que les bourgeoisies nationales africaines ou sud-américaines, par exemple, y sont beaucoup plus perméables, se faisant généralement 'démocrates' et social-réformistes). Il est totalement erroné de voir dans ces ‘islamistes’ des ‘créatures de l’impérialisme’, qui seraient là pour ‘justifier’ la domination et les interventions impérialistes sur ces pays (comme si l’impérialisme en avait besoin !) ; ou encore des ‘agents’ de l’impérialisme qui lui auraient ‘échappé’ (des alliances de circonstances ont pu avoir lieu, au temps de la Guerre froide, contre des régimes ‘républicains laïcs’ souvent pro-soviétiques, ou encore récemment contre Kadhafi et en ce moment même Assad ; mais les ‘islamistes’ sont des ‘pragmatiques par nature’ qui nouent et rompent les alliances comme ils changent de chemise, qui savent ‘attendre leur heure’, et la ‘géopolitique’ US est culturellement à courte vue) ; de même qu’il est totalement erroné d’y voir des ‘révolutionnaires de libération nationale’, une ‘forme musulmane de théologie de la libération’ (s’il existe de tels courants, ils sont très minoritaires), etc. etc.

    [À lire aussi sur le sujet, très intéressant pour s'y "retrouver" et arrêter de tout confondre (tragédie de l'extrême-gauche occidentale en la matière...), un excellent dossier publié en 2017 sur Investig'Action : 

    http://ekladata.com/5lOBWb7wr6Au53wxq2o8UWJX6M4/Islamisme-Lalieu-Hassan.pdf

    Ou encore (avec d'autres liens encore dans les articles mêmes) :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/conception-du-monde-rebondissement-discussion-fb-sur-un-texte-du-pc-ma-a182055290

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/encore-une-fois-sur-la-question-de-l-islamisme-a145777528

    (n)PCI - La révolution démocratique anti-impérialiste dans les pays arabes et musulmans

    Et puis, trotskyste et donc avec les défauts que l'on pourra lui trouver de par cette idéologie ; mais enfin néanmoins, du bon trotskysme (comme il y a le bon et le mauvais cholestérol !) ; le fameux texte de Chris Harman (du SWP britannique) qui devrait vraiment, à notre sens, avoir toute sa place dans la conception communiste du monde de notre époque (et qui n'est, sans doute, pas pour rien honni de tous ceux - des "libertaires" aux ML voire "maoïstes" dogmatos en passant par les trotskystes de type LO - qui peinent à cacher sous un maquillage anticapitaliste leur profonde islamophobie "barbus de Saint Foooons"...) : « Chris Harman - Le prophète et le prolétariat (1994).pdf »

    Dans une veine finalement assez proche, il y a d'ailleurs le maoïste indien Ajith : resistance-islamique-la-contradiction-principale-et-la-guerre-contre-l-a136656668]

    Les ‘islamistes’ sont des ‘créatures’ de l’impérialisme, oui… mais au sens de conséquences, de RÉACTION à la pénétration impérialiste dans ces pays, au stade capitaliste-bureaucratique. Une réaction inévitable du corps social, de type ‘réflexe du genou’… mais une réaction ‘passéiste’, ‘antimoderne’, tournée vers le passé idéalisé d’avant l’intrusion occidentale ou, carrément, des ‘4 premiers califes’ succédant à Mohamed (632-661 de l’ère chrétienne…) ; ou alors une contestation ‘radicale’ petite-bourgeoise de type ‘Savonarole musulman’, mêlant ultra-libéralisme boutiquier en économie (avec un peu de redistribution par la zakât, aumône obligatoire au bénéfice des plus démunis et troisième ‘pilier’ de l'islam), ‘républicanisme’ égalitaire des pères de famille en politique, et ultra-puritanisme culturel et salafmoral. Sauf que nous sommes à l’époque de la révolution prolétarienne ; et que de telles conceptions ne peuvent donc être, aujourd’hui, que 100% réactionnaires… et au final, perdantes. 'Démonisées' depuis une trentaine d'années (globalement, depuis la 'révolution' confisquée iranienne de 1979) sous le vocable d''islamisme', ce type de réactions 'antimodernes' à la pénétration impérialiste sont en fait aussi anciennes que celle-ci : il suffit de penser à l'insurrection du Mahdi au Soudan, dans les années 1880 (qui reste une référence pour le régime 'islamiste' actuel) ; quant aux révoltes algériennes contre la colonisation française, au 19e siècle, elles n'étaient sans doute pas moins 'islamistes' et 'djihadistes' (contre les 'infidèles', pour un gouvernement basé sur la charia) que ce que l'on observe actuellement. Simplement, elles ont été 'occultées', entre les années 1940 et 1970, par un puissant mouvement communiste et par les nationalismes bourgeois à façade 'progressiste', qui ont depuis considérablement reculé. Il n'est toutefois pas possible, pour ces forces, de parler de fascisme néocolonial au sens strict, puisqu'elles ne se rattachent pas à la fraction la plus réactionnaire et soumise à l'impérialisme d'une oligarchie BUREAUCRATIQUE – comme Ben Ali en Tunisie après la 'mise à la retraite' de Bourguiba, le régime de Moubarak en Égypte, le régime Baas irakien après les coups d'État de 1963 et 1968, le régime du shah d'Iran après l'éviction de Mossadegh, le régime de Mobutu au 'Zaïre' ou de Suharto en Indonésie, etc., ou même des régimes à façade 'socialiste' comme celui de la droite du Baas syrien après le coup d'État d'Assad contre Jedid, de la droite du PCT avec Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, de Boumediene puis Chadli en Algérie etc. etc. (dans ces derniers cas, souvent pour le compte du social-impérialisme soviétique, généralement associé... à l'impérialisme BBR de l'ancienne métropole coloniale ! - 'Françafrique', 'politique arabe'...).

    Que ces forces soient 'anticapitalistes romantiques', si l'on entend par là 'passéistes', 'idéalisant un passé mythique' (car 'anticapitalistes', elles ne le sont nullement !), c'est indéniable... mais voilà : le fascisme, pour les marxistes, ne se définit pas par une idée (comme 'anticapitalisme romantique', par exemple) ; ceci est de l'idéalisme. Le fascisme répond à une définition MATÉRIALISTE, comme EXPRESSION D'UNE CLASSE ou (plutôt) d'une fraction de classe : la bourgeoisie monopoliste la plus réactionnaire dans les pays impérialistes, et ses représentants-agents-valets locaux, l'oligarchie bureaucratique-compradore-terrienne la plus réactionnaire, dans les pays dominés.

    moncef marzouki3°/ Pour ce qui est des autres classes possédantes, les courants 'libéraux-démocrates', 'libéraux-conservateurs' et 'occidentalophiles' représentent plutôt la bourgeoisie compradore classique ; les 'conservateurs religieux de régime' (type 'oulémas', à ne surtout pas confondre avec les 'islamistes') expriment le 'fond féodal' et arriéré de la société ; et les 'démocrates' et la 'gauche' sont les représentants de la bourgeoisie nationale de type urbaine-éduquée (professions libérales, enseignants et universitaires, intellectuels divers etc.). Les masses populaires laborieuses, en l’absence de Parti révolutionnaire authentique, sont amenées (en fonction, souvent, de leur situation géographique – ville, campagne ou bidonvilles de ‘paysans dépaysannés’ – ou de leur ‘capital intellectuel’ – niveau d’éducation) à suivre l’une ou l’autre de ces tendances ; hormis le soutien idéologique aux régimes (le soutien clientéliste/tribal, lui, est omniprésent), qui existe un peu dans les monarchies (légitimité historique et ‘divine’) et pratiquement pas du tout (en tout cas plus) dans les républiques – celles-ci n’ont, de toute façon, pas vraiment d’idéologie, sinon ‘Longue vie au raïs’ et ‘Mort à ces salauds de sionistes qui occupent Al-Qods’ (mais que l’on ne se risquera pas à aller attaquer…).

    hamas-qatar4°/ Dans certains pays ayant accumulé de grandes masses de capitaux à travers l’exportation de leur production nationale (notamment pétrolière ou gazière), comme l’Arabie saoudite (qui ‘protectoralise’ de fait les autres émirats du Golfe), le Qatar (seul à ne pas être ainsi ‘protectoralisé’), l’Iran ou encore le Pakistan ou la Turquie, l’oligarchie bureaucratique ou une fraction de celle-ci, ou encore des oligarques ‘à titre privé’, cherchant à exporter les capitaux sur-accumulés, peuvent commencer depuis quelques dizaines d’années à mener une politique ‘expansionniste’ relativement ‘autonome’ de l’impérialisme dominant (généralement occidental, sauf pour l’Iran), voire en contradiction avec celui-ci. Ces politiques vont généralement s’appuyer, dans les différents pays, sur des forces ‘islamistes’ : Frères musulmans (dont le Hamas palestinien) pour le Qatar, qui en héberge de nombreux militants depuis les années 1950, ou encore pour l'AKP turc ; salafistes pour l’Arabie saoudite et les oligarques des autres émirats du Golfe ; ‘radicaux’ chiites mais aussi, parfois, sunnites – Jihad islamique palestinien – pour l’Iran, etc. Des capitaux oligarchiques privés du Golfe et de toute la région arabe (parfois sous forme d''ONG') alimentent la 'nébuleuse Al-Qaïda'.

    ali-khamenei-with-the-sepah-pasdaran-marching-iranEn Iran, nous avons l'exemple-type d'une partie de la classe bureaucratique (armée, administration, cadres supérieurs de monopoles productifs etc.) de l'ancien régime (Pahlavi) qui est 'passée' au service de la nouvelle 'république islamique' ; et d'une fraction de la bourgeoisie nationale (le bāzār) et du clergé 'contestataire' qui s'est muée en nouvelle caste bureaucratique, au travers notamment de la gigantesque armée/entreprise des Gardiens de la Révolution (Pasdaran) ; en 'réalignant' les allégeances impérialistes (globalement : "tout sauf les USA et leurs satellites", alors que le shah Pahlavi était farouchement pro-US ; il y a à présent une fraction pro-européenne autour d'Hachemi Rafsandjani et Mir Hossein Moussavi et une fraction pro-russe et pro-chinoise autour du 'guide' Khamenei et du président Ahmadinejad) et en développant une politique de 'trublion' régional.

    Le même phénomène s’est, très certainement, reproduit en Égypte ou encore en Tunisie après les récentes ‘révolutions’, une part conséquente de l’appareil bureaucratique voyant dans les Frères musulmans locaux un ‘moindre mal’ (préservant leurs privilèges) ; sans même parler de la Libye où, devant la perte de contrôle de la situation par Kadhafi, les ‘rats’ ont ‘quitté le navire’ en masse et rallié la rébellion (précipitant, devant la présence d’‘hommes sûrs’ et connus, l’intervention occidentale).

    Car dans tous les cas, socialement conservatrice voire réactionnaire (donc opposée aux classes populaires et à leurs revendications économiques et démocratiques), la bourgeoisie nationale 'islamiste', si elle arrive au pouvoir, est vouée à se transformer très rapidement en nouvelle caste bureaucratique au service de l'impérialisme (éventuellement, d'un impérialisme rival du précédent 'suzerain'), et/ou d'une politique expansionniste régionale comme désormais celle de l'Iran ou encore de la Turquie AKP, de l'Arabie saoudite ou du Qatar. C’est ainsi que cette fraction de la bourgeoisie nationale assouvit ses appétits frustrés de classe (quant aux autres… eh bien ils restent ‘bourgeois nationaux’ et râlent contre les ‘nouveaux oligarques’ ; c’est ainsi qu’Ahmadinejad a été élu en Iran en 2005)… L'on peut voir cela, chaque jour qui passe, là où les 'islamistes' sont arrivés au pouvoir depuis les grandes révoltes de 2011 : en Tunisie, en Égypte, en Libye, sans parler de la violente oppression imposée par les jihadistes aux masses populaires du Nord du Mali ; ou encore des milices chiites pro-iraniennes et des salafistes sunnites 'pro-Golfe' qui s'entre-tuent et égorgent la population aujourd'hui en Syrie, comme hier en Irak…

    may-day-amman

    Telle est la seule compréhension authentiquement marxiste, dialectique, de la thèse fondamentale sur le capitalisme bureaucratique.


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