• (Histoire) 1919 : massacre raciste et anti-syndical dans l'Arkansas


    Lire ici :

    L'histoire oubliée d'un lynchage de masse dans l'Arkansas


    Il ne s'agit pas là de "n'importe quel" lynchage raciste commis aux États-Unis durant la période allant de la fin de la Guerre de Sécession jusqu'aux années 1960 ; lynchages qui auraient fait autour de 4.000 victimes au total (chiffres largement basés sur les rapports officiels, de police notamment, et donc très certainement sous-estimés). En effet, les quelques 237 Afro-Américains massacrés ces jours-là dans l'Arkansas l'ont été pour avoir voulu s'organiser contre leur exploitation de paysans pauvres (métayers) en formant un syndicat.

    Ces faits ont donc l'immense intérêt de montrer que :

    1°/ Le racisme n'est pas une simple "haine" de "beaufs" imbéciles et inéduqués détestant "ceux qui sont différents", ou une "peur de l'autre" qui serait "instinctive à l'être humain" comme veulent nous le faire croire les antiracistes idéalistes. Il est une superstructure idéologique du colonialisme extérieur mais aussi intérieur (comme typiquement celui qui frappe les Noirs, les Latinos ou les Premières Nations indigènes aux États-Unis, mais aussi les descendants de l'immigration coloniale en Europe) ; et ce colonialisme extérieur mais aussi intérieur, contrairement à ce que peut (encore une fois) déblatérer le 'p''c''mlm' (tout à son "anti-tiers-mondisme"), est absolument structurel et fondamental pour l'accumulation et la reproduction capitaliste. Car OUI, messieurs du 'p''c''mlm', non seulement les ouvriers du Bangladesh ou du Mexique (dans le cadre d'une véritable division internationale du travail que pouvait déjà entrevoir Lénine en 1916) mais aussi les prolétaires "non-blancs" d'Europe ou d'Amérique du Nord sont beaucoup plus exploités que les travailleurs blancs de ces deux mêmes continents ; leurs seuls salaires rapportés à la valeur marchande produite suffisant à le démontrer ! Il n'y aurait d'ores et déjà plus de capitalisme sur Terre si cette surexploitation sur des critères "raciaux" (mais d'autres critères existent aussi dans d'autres pays, comme les critères de "caste" ou de confession religieuse en Inde) n'existait pas*. Rosa Luxemburg avait certes tort d'affirmer que ces populations sont "hors capitalisme" : une fois conquises (ou capturées comme les esclaves africains) et soumises, elles sont bien sûr totalement dans le système capitaliste ; mais elles le sont dans une position d'"infériorité", de "sous-humanité" institutionnalisée sans laquelle la reproduction du Capital serait extrêmement difficile - Marx lui-même ne dissocie pas et présente même comme indissociable le colonialisme de l'accumulation première du Capital, et de sa reproduction par la suite (Le Capital Livre I, 8e section "L'accumulation primitive", chap. 31 "Genèse du capitaliste industriel").

    Les assassins racistes de l'Arkansas n'étaient pas mûs par la "bêtise" et la "haine", mais bel et bien par la "nécessité" que cette masse productrice afro-descendante certes plus esclave (depuis 1865) mais néanmoins infériorisée et surexploitée ne s'organise pas pour ses droits, ce qui aurait mis en péril le système capitaliste US tout entier - système sur lequel reposait même pour les plus modestes des lyncheurs leur privilège social de "Blancs". Bien sûr, énormément de lynchages ont également été perpétrés de manière "spontanée" (mais toujours avec la bénédiction des autorités, comme l'explique bien l'activiste Brooke Reynolds dans l'essai Policing Race) par la population blanche suite à des affaires présumées de vol, viol etc. supposément commis par des Noirs, mais il s'agissait alors - si l'on peut dire - d'"épiphénomènes" de la défense structurelle du privilège blanc. Encore récemment, et bien que dans des proportions de gravité nettement moindres, on a clairement vu comment l'hystérie anti-musulmane et anti-"pas Charlie" pouvait être mise au service de la répression des travailleurs issus des "minorités visibles", qui sont évidemment les plus exploités du prolétariat hexagonal et dont la bourgeoisie redoute le plus l'organisation et la lutte.

    2°/ Le fascisme peut tout à fait exister sous les apparences ("au sommet") de la démocratie parlementaire ; laquelle règne aux États-Unis sans interruption depuis l'indépendance en 1776. Il ne s'est pas agi là d'une "explosion" pogromiste "spontanée" ni même d'une opération d'une "société secrète" de type Ku Klux Klan, mais bien d'une expédition punitive conduite par le shérif du comté en personne ! Ce type de violences perpétrées par les autorités locales contre l'organisation des travailleurs noirs ou latinos, mais aussi contre les syndicalistes blancs un peu trop radicaux était monnaie courante à cette époque et durant toute la première moitié du 20e siècle ; les grands propriétaires terriens et industriels ayant par ailleurs leurs propres milices d'hommes de main totalement validées par les autorités en question. La bourgeoisie états-unienne vivait alors dans la "peur du rouge" (Red scare) après des évènements qui avaient vu, par exemple, le syndicat révolutionnaire IWW (Industrial Workers of the World) instaurer un véritable "soviet" à Seattle (Nord-Ouest) pendant quelques jours de février 1919. Il n'en reste pas moins que plus de 200 mort-e-s pour une tentative d'organisation de syndicat, voilà qui ne ferait nullement rougir un quelconque régime "totalitaire" ou autre "horrible dictature". Nous soulignerons aussi (avant d'être accusés d'"anti-américanisme") que ce genre de pratique fasciste sous le masque de la "démocratie" n'est pas du tout une exclusivité des États-Unis mais concerne potentiellement toutes les pseudo-"démocraties" occidentales.

    (Histoire) 1919 : massacre raciste... et anti-syndical dans l'Arkansas

    * L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    [Attention cependant : la surexploitation, vouée à dégager un profit maximal sur investissement (surprofit), intègre aussi des considérations de productivité du travail, de développement technologique (augmentant la productivité) ainsi que d'établissement de situations de monopole (réduction radicale voire élimination pure et simple de la concurrence : quoi de mieux pour les affaires ?). Ceci peut entraîner des situations paradoxales : ainsi par exemple, on imagine difficilement plus surexploités que les esclaves africains des colonies européennes en Amérique ; puisqu'il suffisait souvent de les maintenir en vie quelques années pour tripler ou quadrupler l'investissement représenté par leur achat ("gagner leur tête" disait-on à l'époque). Sauf que voilà : 1°/ comme déjà dans l'Antiquité, la productivité de personnes privées de toute liberté et non-rémunérées pour leur travail s'avérait finalement médiocre comparée à celle d'un travailleur libre, 2°/ pour ces mêmes raisons de productivité, ainsi que pour de simples raisons de sécurité, il était difficile voire impossible de concentrer des centaines et des centaines voire des milliers d'esclaves sur une même plantation (ce qui gênait donc la concentration du travail, et allait contre la constitution de monopoles), 3°/ cette méthode productive était difficile pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre en dehors du secteur agricole (certes indispensable à l'économie mais dont la valeur ajoutée, même en agriculture extensive, reste somme toute modeste), dans l'industrie en plein essor notamment, 4°/ elle était incompatible avec le progrès technologique (mécanisation de l'agriculture), voué de toute façon à la faire disparaître, 5°/ les esclaves, qui représentaient le tiers de la population dans le Sud des États-Unis et 80% ou plus dans les Caraïbes, ne pouvaient pas (cf. ce que nous avons dit plus haut) représenter un marché (débouché commercial pour la production) de manière significative. Ce sont toutes ces raisons (et l'on pourrait encore sans doute en citer d'autres), et non des considérations d'"humanité", qui ont amené au 19e siècle les bourgeoisies européennes et américaines à pencher majoritairement en faveur de l'abolition de l'esclavage, bien que celui-ci représentât (à première vue) la forme d'exploitation la plus totale (et donc le profit maximal tiré de la force de travail) que l'on puisse imaginer. Si l'on adopte une vision "arithmétique" de la définition marxiste "classique" de la surexploitation, les paradoxes ne manquent de toute façon pas : les travailleurs les plus exploités pourraient ainsi bien être, par exemple... les footballeurs, si l'on mettait en perspective leurs (multimillionnaires) revenus annuels avec ce qu'ils rapportent à leurs clubs. C'est pourquoi une vision plus "humaine", basée sur la notion de reproduction des conditions d'existence, nous a semblé plus appropriée.]

     


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