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    1. C’en est donc fait : dans sa campagne interne contre François Fillon (le représentant de la droite post-gaulliste ‘’humaniste et sociale’’, ‘’modérée’’, bref la droite ‘’Chirac’’ des années 1990-2000), Jean-François Copé a rendu public son Manifeste pour une droite décomplexée. Il y aborde notamment la thématique du "racisme anti-blancs", sur laquelle nous nous étions déjà exprimés voici bientôt deux ans. SLP avait déjà pressenti, depuis un bon moment, que Copé serait le nouveau Sarkozy, celui qui prendrait le relais du ‘’à droite toute’’, de la crispation réactionnaire de la bourgeoisie imposée par la crise générale économique, politique, sociale et culturelle dans laquelle nous vivons depuis maintenant 40 ans : pousser la réaction ultra, le semi-fascisme au maximum en évitant le fascisme pur et simple – c'est-à-dire, l’arrivée au pouvoir du Front national. ‘’Éviter’’ étant un bien grand mot ; repousser l’échéance étant plus approprié. Car ce faisant, "l'accumulation quantitative de réaction" par la droite "décomplexée", tout en étant toujours en retard d'une longueur sur les nécessités de restructuration et de "reprise en main" que la crise générale pose devant la bourgeoisie, ne fait que creuser le lit de la déferlante fasciste qui gronde derrière elle (plus fort que jamais depuis les dernières élections).

    CopéSarkozy et Copé partagent un profil fortement similaire : milieu aisé de la banlieue ouest de Paris, proches des milieux d’affaire (comme avocats, Copé ayant un parcours plus complexe, passant notamment par l’ENA), esprit de ‘’gagnants’’, reagano-thatchériens à la française… Des réactionnaires ultras, ‘’décomplexés’’, mais refusant d’assumer le fascisme comme forme de gouvernement et d’organisation sociale.

    Pour Jean-François Copé, le ‘’frein’’ à cela est évident : son grand-père, Marcu Hirs Copelovici, était juif et a quitté la Roumanie en 1926 devant les persécutions antisémites de ce pays ; en 1943, la famille échappa de justesse à la rafle d’Aubusson… Il ne peut donc assumer le programme ‘’pur et simple’’ de l’extrême-droite, même celle qui dans ses préoccupations relèguerait le ‘’mondialo-sionisme’’ loin derrière la résistance à ‘’l’invasion islamique’’ ; et encore moins ses références. La même barrière se posait, sans doute, devant Nicolas Sarkozy. 

    11666 bigMais, depuis l’élection présidentielle et la défaite de l’UMP à celle-ci, Copé est tombé dans les griffes du même homme qui a tenté de faire de Sarkozy un semi-fasciste : le ‘’conseiller de l’ombre’’ des campagnes 2007 et 2012, le très maurassien Patrick Buisson, partisan de la ‘’convergence de toutes les droites’’ (y compris le FN), et d’une droite réactionnaire bourgeoise au discours ‘’clivant’’ face à la gauche (ou au ‘’centrisme mou’’ de la tradition rad’soc’ à la française)…

    Le ‘’cerveau’’ de la ‘’droite décomplexée’’ qui a conduit Sarkozy à l’Élysée en 2007, c’est lui : ne pas établir un ‘’cordon sanitaire’’ idéologique autour du Front national, mais au contraire chasser sur ses terres, en faisant valoir que son programme est juste mais que le FN n’est simplement pas le mieux habilité à le mettre en œuvre. 

    Il n’y a là nulle ‘’contradiction’’ entre deux bourgeoisies (‘’traditionnelle’’ et ‘’financière’’ ou ‘’impérialiste’’), mais simplement entre deux branches de la tradition réactionnaire hexagonale (et de la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie), ‘’remises au goût du jour’’ et susceptibles, si ce n’est déjà fait dans l’intention (le programme politique), de muter en fascisme, qui est moins une idéologie en tant que telle qu’une forme de gouvernement : l’abandon des ‘’formes’’ humanistes-libérales de la domination bourgeoise pour assumer des formes répressives terroristes, militaristes génocidaires etc., dans la mobilisation des masses populaires au service de ces plans de la frange la plus agressive de la bourgeoisie monopoliste.

    Si l’on laisse de côté les courants marginaux ultra-atlantistes, ‘’néo-conservateurs bleu-blanc-rouge’’ à la Del Valle, ou ‘’eurasistes’’ à la Bouchet, qui veulent arrimer la France et l’Europe à une grande puissance impérialiste (USA ou Russie) en niant les contradictions d’intérêts qui existent obligatoirement entre elles ; ces deux principaux courants sont :

    - le courant maurasso-pétainiste, dont une frange ultra tend à s’unifier dans l’Union de la Droite nationale (dans laquelle la ‘’Troisième voie’’ de Serge Ayoub cherche, certainement, à jouer le rôle ‘’populaire et social’’ du PPF de Doriot), tandis qu’une frange plus "modérée" (De Villiers) gravite autour de l’UMP, des électrons libres comme Buisson se font ‘’conseillers du prince’’, d’autres éléments évoluent dans la mouvance identitaire, ou national-catholique autour du Renouveaumillet 130 français etc. ; c’est, schématiquement et de manière non-absolue, la ‘’droite radicale’’ des ‘’notables de province’’ (et de la ‘’vieille France’’ hantant les hôtels particuliers de l’ouest parisien). On peut aussi rattacher à ce courant l’éditeur-polémiste Richard Millet, national-catholique occidentaliste et anticommuniste viscéral, ‘’ancien combattant’’ aux côtés des Phalanges libanaises, très ‘’terroir’’ (corrézien en l’occurrence) et ‘’défense de la langue française’’ ; qui a récemment fait le ‘’buzz’’ avec son Eloge littéraire d’Anders Breivik.

    - le courant ‘’césariste’’, tradition courant du bonapartisme au gaullisme, avec ses ‘’hommes providentiels’’ ayant ‘’une certaine idée de la France’’, en ‘’lien direct’’ plébiscitaire avec le peuple des petits propriétaires (de moyens de production ou de patrimoine personnel) ; c’est plutôt la ‘’droite radicale’’ de la bourgeoisie des grandes métropoles, des classes urbaines aisées mais aussi des paysans propriétaires (dans la tradition bonapartiste). Si l’on laisse de côté les gaullistes ‘’humanistes et sociaux’’ à la Fillon – totalement dans le champ de la démocratie bourgeoise – on les trouve à l’UMP, principalement dans le courant ‘’Droite populaire’’, dans le camp ‘’souverainiste’’ autour de Dupont-Aignan ou Asselineau, et bien sûr dans le lepénisme (Jean-Marie et Marine Le Pen) dirigeant le Front national (même si beaucoup de maurasso-pétainistes s’y retrouvent aussi, de même – en version plus ‘’modérée’’ ou simplement pragmatique – qu’à l’UMP). Mais dans la dimension de masse, c’est aujourd’hui clairement le Rassemblement Bleu Marine, autour du FN de Marine Le Pen, avec des souverainistes gaullistes (Paul-Marie Coûteaux) voire ex-chevènementistes (Florian Philippot), qui assume cette posture ‘’tribunicienne’’ et ‘’populaire’’ auréolée de références au gaullisme, à la ‘’grandeur’’ des années 1960, avant que ‘’tout foute le camp’’ avec le libéral-européisme giscardien puis le ‘’socialo-communisme’’ mitterrandien. Un paradoxe, tout de même, pour un mouvement formé à sa naissance pour moitié de vétérans de ‘’l’Algérie française’’ et pour l’autre de nostalgiques du régime de Vichy. Mais c’est toute la modernité du fascisme que de savoir remiser ces références dépassées ; et aujourd’hui, les éléments pétainistes/OAS irréductibles ont globalement quitté le FN, pour se retrouver plutôt du côté de l’UDN.

    Entre ces courants, nulle frontière imperméable bien sûr, les deux partageant la défense des mêmes intérêts (ceux de l’impérialisme et du capitalisme français) sur une ligne ‘’dure’’, la même haine de la révolution et même du réformisme bourgeois, et la même détermination à écraser les masses populaires si nécessaire.

    Mais il y a bien deux courants, avec des conceptions de la (construction bourgeoise) France, du monde et des stratégies sensiblement différentes, et qui tendent à s’affronter.

    L’un est plutôt pragmatique, cherchant à infiltrer et influencer la droite de gouvernement (comme Buisson) ou à développer ‘’l’implantation locale’’ d’élus ou de ‘’groupes d’influence’’, l’autre cherche le lien ‘’tribunicien’’ avec ‘’le peuple’’ sur un discours ‘’social’’. L’un est plutôt républicain centraliste, l’autre plutôt attaché aux ‘’mille terroirs’’ et aux ‘’petites patries’’ dans la ‘’grande’’. L’un assume mieux les ‘’partenariats’’ avec les puissances du moment (hier l’Allemagne nazie, aujourd’hui le bloc anglo-saxon ou le ‘’partenariat’’ européen avec l’Allemagne etc.), l’autre est très ombrageux de la ‘’grandeur de la France’’, qui ne doit pas forcément toujours faire "cavalier seul", mais toujours être guidée par ses seuls intérêts. Globalement, le maurasso-pétainisme penche plutôt vers l’occidentalisme (sans être totalement ‘’atlantiste’’, aligné sur les Anglo-saxons, ce qui n’est pas la même chose) et le ‘’césarisme’’ plutôt vers la vieille antienne gaulliste ‘’de l’Atlantique à l’Oural’’.

    Ceci est ‘’l’abscisse’’, l’’’ordonnée’’ étant le degré de terrorisme réactionnaire assumé contre les masses populaires (ou la frange de celles-ci qu’ils n’auront pas réussi à rallier à leur cause). Sur ce point l’UMP et ses satellites (CPNT, MPF) sont simplement plus ‘’modérés’’ et le FN (tout en assumant un discours plus ‘’social’’, en apparence plus sensible aux ‘’petites gens’’) plus radical. Et c’est là, aussi, que le bât blesse pour la bourgeoisie la plus réactionnaire, au regard des exigences que la crise met à l’ordre du jour, en termes de trouble croissant à l’ordre social ; et bientôt peut-être, de reprise en main autoritaire de l’économie et de l’organisation sociale toute entière, et d’affrontement aigu avec les autres puissances impérialistes (et les ‘’émergents’’ etc.).

     Il va désormais de soi que, dans la crise TERMINALE du capitalisme où nous sommes plongés depuis 2008 (et qui n’a pas encore, en France, donné toute sa ‘’puissance’’), JAMAIS PLUS la droite réactionnaire ‘’classique’’ ne sera en position de force face à l’extrême-droite fasciste – FN et ses épigones. Soit elle devient l’applicatrice ‘’autorisée’’ de son programme (c’est-à-dire, dans les faits, fasciste elle-même) ; soit elle disparaît.

     

    2. Quelle est la différence entre cette droite bourgeoise ultra-réactionnaire, ‘’décomplexée’’, que prétend incarner Copé, et le fascisme ?

    La droite ‘’décomplexée’’ représente la frange de la grande bourgeoisie qui veut faire payer au prolétariat et aux masses populaires le prix de la crise générale du capitalisme, de la chute vertigineuse de son taux de profit – raison d’être de tout bourgeois capitaliste ayant investi un capital dans une activité productive.

    Pour faire simple, quitte à être trivial, elle veut ‘’tirer sur la corde’’… en espérant qu’elle ne casse pas. Elle est aidée, en cela, par le ‘’dialogue social’’ avec les bureaucraties syndicales jaunes, éventuellement par un tissu politicien local ‘’de gauche’’, qui puisera dans les fonds de tiroirs pour ‘’faire du social’’, essayer d’atténuer un peu les effets les plus durs des ‘’mesures’’ décomplexées pour les masses… Elle se moque de cette ‘’gauche’’ bourgeoise (la bourgeoisie qui craint pour sa peau et évite de trop provoquer la colère populaire), qui n’a ‘’pas le courage’’ de ‘’prendre les mesures urgentes qui s’imposent’’ ; mais dans le fond, elle peut s’estimer heureuse de la soupape de sécurité que celle-ci représente, pour enfermer les masses dans le réformisme et les détourner de la révolution, jusqu’à accéder pour ‘’un petit tour’’ aux affaires, comme Blum en 1936, Mitterrand en 1981 et Hollande cette année. Dans la ‘’démocratie’’ qui n’est que répartition harmonieuse des rôles dans la dictature du Capital, la social-démocratie joue toujours un rôle essentiel, celui de faire ‘’passer la pilule’’.

    Cette droite ‘’décomplexée’’ au pouvoir, en alternance occasionnelle avec une social-démocratie ultra-‘’molle’’ (purement gestionnaire, sans la moindre ‘’audace’’ réformiste), correspond à ce que le PC maoïste de France appelle le ‘’fascisme moderne’’ : ce que nous avons en France depuis la première cohabitation de 1986-88, voire depuis la présidence Giscard ; en Italie depuis l’avènement de la ‘’2e République’’ au début des années 1990 ; en Grande-Bretagne depuis Thatcher (1979), aux États-Unis depuis l’ère Reagan des années 1980, en Allemagne depuis l’ère Kohl (1982-96), etc. (on notera que dans ces pays impérialistes plus ‘’compétitifs’’, la ‘’gauche’’ bourgeoise gestionnaire, beaucoup plus molle encore que notre PS, peut revenir au pouvoir pour d’assez longues périodes).

    Le fascisme, lui… intervient lorsque ‘’la corde a cassé’’. Les effets de la crise et des ‘’mesures’’ prises pour redresser le taux de profit ont rendu les masses populaires quasi ingouvernables. Une situation révolutionnaire est à l’ordre du jour – éventuellement, la ‘’gauche’’ réformiste de la bourgeoisie a tenu les rênes du gouvernement pendant un certain temps : République espagnole, Front populaire en France, Allende au Chili, radicaux (1958-62) ou ‘’printemps camporiste’’ (Hector Campora, 1973) en Argentine, etc. La classe bourgeoise va alors se ranger aux conceptions de sa frange la plus ‘’ultra’’ (grossie, par la situation, d’éléments ‘’radicalisés’’), qui va mobiliser les masses dans une insurrection du capitalisme contre sa propre crise : une politique volontariste, ‘’révolutionnaire’’, contre les symptômes de la crise générale en phase terminale : le ‘’désordre’’ (situation révolutionnaire en développement, agitation révolutionnaire par des organisations prolétariennes ou même simplement explosions populaires spontanées), la ‘’spéculation’’ et la ‘’finance’’ (qui sont des symptômes de la surproduction absolue de capital), la misère galopante par des ‘’mesures sociales’’ qu’il va falloir (rapidement) financer (nous verrons comment…) et les tensions internationales, les contradictions entre puissances impérialistes ou avec d’autres ‘’forces’’ agissant dans l’arène mondiale, qui s’aiguisent comme des lames de rasoir ; et cela veut dire la mobilisation chauvine dans une perspective de guerre impérialiste. Actuellement, ceci apparaît très nettement dans le cas de la Grèce, pays que la crise générale a rendu ingouvernable par sa "classe" politique traditionnelle soumise à la "Troïka" Commission européenne-BCE-FMI et confrontée à une résistance populaire sans précédent dans l'histoire récente du pays (hélas, privée d'une direction révolutionnaire à la hauteur des enjeux) ; avec l'émergence de l'Aube Dorée, parti assumant ouvertement la référence au nazisme et aux régimes fascistes du siècle dernier, disposant de relais solides dans l'appareil d'État (police, armée, "justice", clergé orthodoxe religion d'État etc.) et prenant de plus en plus en charge la sécurité publique, l'assistance aux plus pauvres etc. tout en se livrant aux pogroms d'immigrants et bien sûr... à l'action paramilitaire ultra-violente contre les "gauchistes".

    img 161211Le fascisme va tendre à synthétiser (quitte à ce que le résultat soit un peu ‘’bric-à-brac’’) les grandes traditions réactionnaires du pays, tout en se plaçant résolument ‘’dans l’air du temps’’ de la société actuelle et à la hauteur des défis (pour le capitalisme national) du moment et de l’avenir : entre tradition et modernité, les ‘’pieds’’ solidement ancrés dans la tradition et le regard tourné vers l’avenir. Au sens strict, le fascisme n’est pas une idéologie bien définie, et s’embarrassant encore moins de cohérence ; c’est une FORME DE GOUVERNEMENT de la société capitaliste : 1°/ dictature terroriste réactionnaire OUVERTE (contre les révolutionnaires, toutes les forces progressistes et même la bourgeoisie ‘’antifasciste’’ – libérale, démocrate-bourgeoise, réformiste modérée façon PS, ‘’centriste’’ à la Bayrou, ‘’humaniste et sociale’’ comme un Borloo voire un Fillon) ; 2°/ MOBILISATION DE MASSE au service des plans de leurs exploiteurs : contre-révolution, restructuration de l’organisation productive et sociale capitaliste (contre la crise générale économique, politique, sociale et culturelle que traverse le mode de production), et guerre impérialiste tous azimuts comme sortie de crise obligée (pillage, destruction de forces productives chez les puissances rivales, et restructuration mondiale du système). La droite réactionnaire ‘’classique’’, même ULTRA-réactionnaire dans les valeurs qu’elle assume, n’assume pas (ou faiblement) cet aspect mobilisateur de masse ; ce qui la distingue du fascisme (alors qu’elle peut assumer une ‘’pression’’ répressive très forte sur les masses populaires, comme dans la France de la "tourmente algérienne" 1956-62 ou de Raymond Marcellin 1968-74, l'Italie de la fin des années 1970 etc. - pour citer des exemples "au bord du fascisme").

    L’’’énergie’’ dégagée par les contradictions, qui s’aiguisent dans la société, va être mobilisée et utilisée au service des intérêts et des plans du Grand Capital – en tout cas, de sa fraction la plus agressive et réactionnaire.

    Pour résumer, là encore de manière triviale, ‘’la corde a cassé’’, la colère des masses devient incontrôlable et le fascisme va la canaliser en lui proposant un exutoire : ‘’il faut aller casser la gueule’’ à quelqu’un…

     

    3. Déjà dans les années 1970, au tout début de la crise que nous traversons actuellement (et qui n’a fait, depuis 2008, que franchir un nouveau cap), avec les ‘’chocs pétroliers’’ de 1973 et 1979, le dessinateur petit-bourgeois Reiser résumait on ne peut mieux cela : il croquait des ‘’français moyens’’ pour lesquels ‘’il suffit d’aller casser la gueule aux Arabes’’. Comment ne pas voir – abstraction faite de l’auteur, petit-bourgeois ‘’libertaire’’ et anticommuniste farouche – le caractère annonciateur de cette caricature ?

    Il y a des personnes, dans la ‘’gauche radicale’’ petite-bourgeoise (PG, LO) mais aussi chez les ‘’révolutionnaires’’, même prétendument ‘’maoïstes’’, pour nier l’islamophobie (et d’autres, malheureusement, pour y répondre en essentialisant l’islam : l’islam serait attaqué parce que islam, et non pour des raisons d’économie politique bien plus concrètes). Celle-ci est pourtant, sans être la seule, une mobilisation réactionnaire de masse essentielle de notre époque : simplement, un ‘’glissement sémantique’’ s’est opéré entre les ‘’Arabes’’ des années 1970 et ‘’l’islam’’ (généralement associé au ‘’terrorisme’’) d'aujourd’hui. Tout simplement parce qu’entre la confiscation de la révolution iranienne par les mollahs en 1979, et le 11 septembre 2001, la résistance nationale arabe et des pays de la ‘’région intermédiaire‘’ (qui recèle la grande majorité des ressources énergétiques de la planète ; on pourrait y ajouter la région Indonésie-Malaisie, également très riche en énergies fossiles et très majoritairement musulmane) a globalement abaissé le drapeau du nationalisme ‘’laïc’’ à la Nasser ou Mossadegh, pour hisser celui d’un nationalisme religieux, mettant en avant la religion islamique, avec Khomeiny ou Ben Laden et Zawahiri (et les talibans afghans, des éléments de la bourgeoisie pakistanaise, Omar el-Béchir et Hassan al-Tourabi au Soudan, etc. etc.).

    La crise générale du capitalisme, que nous traversons depuis les années 1970 (avec même des prémisses dès la fin des années 1960), a pour origine une SURPRODUCTION ABSOLUE DE CAPITAL. Mais cela, les bourgeois ne peuvent l’admettre, puisque cela prend sa source dans l’accumulation capitaliste elle-même et oblige, par conséquent, à remettre en cause le mode de production – et leur position en tant que classe. Ils vont donc s’attacher à des symptômes, particulièrement marquants, qui jalonnent la plongée du monde capitaliste dans la crise. Les ‘’chocs pétroliers’’ des années 1970 ont été parmi les tous premiers de la crise actuelle. Aujourd’hui encore, ils sont décrits par tous les ouvrages bourgeois d’histoire, d’économie etc. comme le point de départ de celle-ci. En réalité, ils reposaient sur une logique toute simple : la crise, déjà commencée (avec des conséquences comme notamment la mise en flottement du dollar, détaché de toute référence-or), aiguisait les contradictions entre les bourgeoisies impérialistes (d’Occident, du Japon, d’URSS) et les classes dominantes des pays producteurs de pétrole. Celles-ci ont tout simplement voulu… valoriser leur capital (leurs réserves d’or guerre du golfnoir) en augmentant les tarifs de la marchandise pétrole (pour cela, il suffit de faire jouer la rareté : extraire moins de pétrole, ou le garder en stock et ne pas le mettre sur le marché). Tout le reste (guerre du Kippour, etc.) n’a été qu’un prétexte.

    Cela, évidemment, a impacté durement les économies occidentales en augmentant les coûts de production, et de réalisation de la valeur (transport, acheminement de la marchandise). D'où, déjà, une certaine animosité et une volonté de ramener ces effrontés à la docilité, en leur "cassant la gueule" si nécessaire (par exemple, en lançant l'Irak contre l'Iran aux velléités nationalistes et expansionnistes de Khomeyni, permettant au passage d'affaiblir le premier, d'acheter sa docilité par l'indispensable soutien impérialiste à son effort de guerre, et d'engraisser le complexe militaro-industriel - français notamment - par de juteux contrats d'armement... puis, l'Irak se montrant à son tour indocile en envahissant le Koweït, il fut écrasé par une intervention impérialiste qui fit 100.000 morts et soumis à un embargo aux 500.000 victimes).

    Mais, d’autre part, cela a amené (par la vente de pétrole plus cher) une masse financière considérable dans les gros pays producteur (pays du Golfe, Iran etc.), un (nouveau) CAPITAL qu’il s’agit alors pour eux de valoriser, de faire fructifier – les classes dominantes ayant maintenant beaucoup plus de pétrodollars qu’il ne leur en faut pour simplement s’assurer une vie de luxe. D’où la tendance de ces pays à ‘’s’affirmer’’ sur la scène internationale, à mener une politique plus ‘’indépendante’’ voire, pour des États en tant que tels comme l’Iran, l’Irak de Saddam Hussein ou la Libye de Kadhafi dans les années 1980, ou encore pour des fractions de classes dominantes comme celles du Golfe (et/ou des éléments de l'appareil d’État, à l'image des services pakistanais qui ont appuyé les talibans afghans) qui financent le djihadisme, une politique agressive vis-à-vis des pays impérialistes et de leurs alliés : ils cherchent tout simplement des débouchés pour leurs capitaux, suraccumulés à travers la vente du pétrole (ou du gaz).

    Choses qu’évidemment, les puissances impérialistes (déjà en crise) ne peuvent tolérer. ‘’Casser la gueule aux Arabes’’ (leur faire la guerre, pour mettre fin à leurs tentations émancipatrices et contrôler leur pétrole aux meilleures conditions) n’est alors plus un propos de comptoir, mais une option très sérieuse des pays impérialistes pour se sortir (à court terme) de leur crise. Les propos de comptoir signifient simplement qu’une mobilisation réactionnaire de masse s’est opérée, dans le sens de cette option.

    caricature-islamophobe-eurabiaSi des actions militaires (‘’terroristes’’) frappent le sol des pays impérialistes, depuis les attentats de Paris en 1986 à ceux de Londres en 2006, en passant par une litanie sans fin (premier World Trade Center en 1993, Paris en 1995, Madrid en 2004) et bien sûr les actions spectaculaires du 11 septembre 2001 ; c’est évidemment encore pire (la sécurité intérieure est menacée).

    Si des pays impérialistes abritent d’importantes populations originaires de pays musulmans ; que celles-ci, ayant conscience de leur situation particulière d’opprimés au sein des classes populaires en général, refusent de ‘’s’assimiler’’, c'est-à-dire de se soumettre aux valeurs de la nation impérialiste ; qu’elles gardent un rapport de solidarité avec leurs pays d’origine, opprimés par l’impérialisme, et avec le ‘’monde musulman’’ en général (notamment les pays directement occupés : Palestine, Iraq, Afghanistan) ; alors nous voilà partis sur le thème de l’ennemi intérieur, bien au-delà de la réalité des quelques individus qui pourraient, au nom d’’’Al-Qaïda’’ et du salafisme (expression militaire de la frange ‘’radicale’’ des capitaux du Golfe) ou de l’Iran, ou par émulation solitaire (Mohamed Merah), commettre des attentats… En France, de plus, le thème de l’ennemi intérieur arabo-musulman a des racines culturelles plus anciennes encore (les opérations du FLN en métropole, pendant la guerre de libération algérienne). 

    Ainsi naît l’islamophobie, que seuls des aveugles pourraient nier aujourd’hui. Celle-ci n’est qu’un approfondissement, un élargissement (l’islam, c’est plus large et plus adéquat à la ‘’région intermédiaire’’ que ‘’les arabes’’) et un glissement sémantique (d’Arabes à ‘’musulmans’’, ou ‘’muzz’’ en jargon d’extrême-droite), du ‘’casser la gueule aux Arabes’’ de Reiser.

    Ceci dit, dans le bloc impérialiste ‘’européen’’ (autour de l’axe franco-allemand), et ceci dès les années 1960, des éléments fascistes minoritaires vont prendre le contre-pied de ce point de vue : le contrôle (impérialiste) de la ‘’région intermédiaire’’ passe selon eux par de bonnes relations avec la Russie (hier l’URSS), certes, mais aussi avec les nationalistes de la région, fussent-ils religieux (bien que les ‘’laïcs’’ à la Saddam Hussein, Assad, Kadhafi etc. aient longtemps eu leur préférence, mais ce nationalisme-là est largement révolu et il faut s’adapter…). Leur ennemi principal et absolu est le bloc impérialiste USA-Commonwealth-Israël. Ils tendront, à l’intérieur de leurs pays, à rechercher l’alliance avec des éléments réactionnaires arabo-musulmans ; et la ‘’cinquième colonne’’, à combattre, sera essentiellement pour eux les ‘’américano-sionistes’’… auxquels ils identifieront la quasi intégralité de la communauté juive. Ce courant sera aussi, évidemment, très fort en Russie impérialiste, bien que celle-ci subisse également (dans le Caucase et en Asie centrale, hier dans les Balkans) l'offensive du Capital suraccumulé du Golfe (l’Iran, lui, étant un pays allié). Mais là, "pas de problème" : pour les "eurasistes", les djihadistes s'en prenant à la Sainte Russie (ou à la Libye de Kadhafi, à la Syrie d'Assad et autres régimes réactionnaires qu'ils encensent) deviendront sans problèmes des "agents de la CIA et du Mossad", en vertu des liens entre les oligarchies pétrolières de Riyad et Doha et l'impérialisme "USraélien", comme si ces forces capitalistiques ne pouvaient avoir leur propre agenda autonome...

    IWMPC8359L’antisémitisme développé en France, à la ‘’Belle époque’’, par les nationalistes tels que l’Action française, visait les Juifs comme 1°/ incarnations de la ‘’finance’’ (surproduction de capital, qui avait déjà frappé : crise de 1873), 2°/ porteurs d’idées ‘’libérales’’, ‘’démocratiques’’ et même ‘’socialistes’’ (Marx en chef de file), faisant refleurir le spectre de la Commune, 3°/ liés (par la ‘’finance’’ et le libéralisme) aux puissances anglo-saxonnes rivales, 4°/ enfin, les Juifs de l’époque, essentiellement ashkénazes, portaient surtout des noms à consonnance germanique… suivez mon regard (ils comptaient quelques 500.000 ‘’coreligionnaires’’ dans l’Empire allemand).

    Pour l’antisémitisme allemand ayant conduit au nazisme, les Juifs incarnaient la ‘’finance’’/surproduction de capital, ainsi que la ‘’subversion’’ libérale et révolutionnaire de l’Allemagne chrétienne, conservatrice, attachée aux valeurs prussiennes etc. ; et se divisaient en deux catégories : une bourgeoisie libérale-démocrate et des classes populaires très ouvertes aux idées socialistes et communistes. Autrement dit, d’un côté les puissances ‘’libérales’’, les vainqueurs de 1918, et de l’autre l’URSS : l’étau qui broyait l’impérialisme allemand vaincu.

    Bref : il ne s’agit pas de faire là un cours de géopolitique, matière qui n’intéresse pas le prolétariat révolutionnaire, mais de bien montrer comment les mobilisations réactionnaires (fascistes) de masse, dirigées contre telle ou telle ‘’communauté’’ (généralement plus définie par les fascistes que réellement par elle-même…), sont le reflet et la conséquence de la mobilisation ‘’des cœurs et des esprits’’ contre telle ou telle partie du monde, elle-même conséquence de la nécessité pour l’impérialisme de sortir (par la guerre) de sa propre crise. Une porte de sortie qui est, en définitive, la seule qu’il peut envisager (la seule autre étant la révolution prolétarienne).

    Q5Voilà des choses qu’il est important de rappeler, à l’heure ou des ultra-gauchistes pseudo-‘’maoïstes’’, dans une nouvelle bouffée délirante, nient (encore et toujours) l’islamophobie comme mobilisation réactionnaire de masse, sous prétexte que l’islam recouvre des réalités très diverses (comme si ce n’était pas le cas du judaïsme, ou de la ‘’judéité’’ à l’époque de Maurras et Hitler ; et comme si ce qui comptait, dans une mobilisation réactionnaire fasciste, était la réalité et non ce que pensent les idéologues fascistes !), et en viennent à agiter… le ‘’péril qatari’’, à la manière des Identitaires parisiens, et à dénoncer les ‘’islamo-gauchistes’’ (en l’occurrence les ‘’anarchistes petit-bourgeois tiers-mondistes’’) qui en seraient les ‘’agents’’ (alors que pas une fois le texte dénoncé ne mentionne cet émirat du Golfe arabo-persique) !!! Certes l’émergence géopolitique du Qatar comme ‘’acteur’’ sur la scène internationale est une donnée importante à prendre en compte, pour comprendre le monde qui nous entoure ; mais pas un prétexte pour se joindre à une mobilisation réactionnaire chauvine (« ils sont en train de racheter la Fraaaaance !!! ») promue par l’extrême-droite – de plus, les salafistes sont surtout appuyés par la pétroligarchie saoudienne, le Qatar soutenant plutôt les organisations rattachées aux Frères musulmans (UOIF en Hexagone).

    Le Qatar, l’Arabie saoudite ou encore l’Iran (au Bahreïn notamment) ne font de toute façon que récupérer des mouvements populaires de contestation, ou des résistances nationales, qui existent déjà en tant que tel-le-s, de par les contradictions existant dans chaque pays, et existeraient de même sans leur intervention ; ils n’en sont nullement les initiateurs.

    La question pour les communistes n’est pas de savoir quel ‘’jeu’’ jouent l’Arabie, le Qatar ou encore l’Iran ; mais pourquoi, dans les contradictions qui secouent les pays arabes et majoritairement musulmans en général, CE NE SONT PAS LES COMMUNISTES, mais les forces politiques liées à ces trois pays qui prennent la tête des masses populaires en lutte – pour les conduire dans l’impasse que l’on sait. Comprendre… pour en tirer les conclusions et le plan général de travail qui s’impose ! 

     

    Servir le Peuple, pseudo-maoïste petit-bourgeois tiers-mondiste à la solde du Qatar.

     


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    imagen5En l'occurrence, la "VIe Assemblée" dont il est question dans cette déclaration était dominée par le trotskysme (elle finira par devenir la LCR locale). Mais que la déclaration d'Argala ne fait-elle pas terriblement écho, encore aujourd'hui, à la réaction de certains prétendus "maoïstes" lors du constat par ETA de sa défaite militaire l'an dernier ! L'on y retrouve, mis en cause, pratiquement les mêmes arguments en défense du "cadre national" (étatique bourgeois !!!) de la lutte des classes ; exception faite du rejet de la lutte armée au profit de son pendant : la fascination petite-bourgeoise pour celle-ci (dont Argala ne faisait pas du tout l'éloge, bien au contraire : "La lutte armée est désagréable. Elle ne plaît à personne, elle est dure. À cause d'elle on va en prison, en exil, on est torturé ; à cause d'elle on peut mourir, on se voit obligé de tuer, elle endurcit la personne, elle lui fait du mal. Mais la lutte armée est indispensable pour avancer").

    Voici donc ce que le grand dirigeant du MLN révolutionnaire basque répondait aux tenants de ces thèses, selon lesquelles les peuples en lutte pour leur libération devraient se soumettre (comme "supplétifs", finalement) à "l'avant-garde révolutionnaire" des Centres étatiques bourgeois :

    « Le groupe appelé VIe Assemblée défendait la vision selon laquelle l’oppression nationale dont souffrait le peuple basque était une conséquence historique de plus d’un développement social dont le moteur était la lutte des classes. Dans le processus de consolidation du mode de production capitaliste, les bourgeoisies des États espagnols et français, recherchant la domination des plus vastes marchés possibles, avaient séparé Euskadi en deux. En essayant d’homogénéiser leurs marchés respectifs, tant sur le plan juridique que linguistique, ils avaient détruit l’ancienne organisation juridique proprement basque et tenté de supprimer sa langue, en imposant les cultures françaises et espagnoles qui non seulement devenaient dominantes, mais de plus, les seules admises. Une fois que le mode de production capitaliste sera brisé et que les travailleurs français et espagnols- nouvelle classe hégémonique – n’auront plus aucun intérêt à maintenir l’oppression du Peuple basque, celle-ci disparaîtra automatiquement. Par conséquent, l’objectif fondamental consistait en le triomphe de la révolution socialiste au niveau des États français et espagnol. Pour y arriver le plus rapidement possible, il était nécessaire d’unir les travailleurs au niveau de ces deux États, car c’est à ce niveau que la lutte des classes se développe de façon significative. ETA avait toujours défendu l’indépendance d’Euskadi et, d’après la VIe Assemblée, cette revendication divisait les travailleurs basques. Il fallait donc l’abandonner et adopter une politique en faveur de l’autodétermination nationale, sans adopter une option concrète à son sujet. L’option indépendantiste était non seulement contre-révolutionnaire, car elle semait la division dans la classe ouvrière et freinait le processus révolutionnaire, mais en plus elle était petite-bourgeoise car elle représentait une tentative de la petite-bourgeoisie basque de devenir la classe dominante du nouvel État basque à créer. Tentative qui, par ailleurs, s’avérait bénigne étant donné le point où en était arrivé le processus de développement historique. L’option indépendantiste était alors réactionnaire. Très curieusement, coïncidant avec cette thèse, la lutte armée était considérée comme une méthode réservée aux élites, aux ambitions messianiques, qui tentait de se substituer à l’action des classes ouvrières. Elle ne représentait plus que l’expression d’une petite-bourgeoisie qui se débattait désespérément contre son inexorable marginalisation historique.

    Suivant ce schéma, et bien que cela n’ait jamais été dit, ETA ne représentait rien d’autre que la version antifranquiste, et pour cela radicale, de la politique petite-bourgeoise du PNV. En définitive elle n’était rien de plus qu’une organisation appelée à être assimilée par ce parti, une fois la démocratie politique atteinte, si cela était possible. […]

    Si j’étais d’accord avec leur analyse quant à l’origine de l’oppression du Peuple basque, je rejetais par contre totalement les conclusions qu’ils en tiraient. […] L’impérialisme espagnol n’était pas la seule cause de l’existence de l’option indépendantiste. Il y avait également l’incompréhension historique dont ont fait preuve les partis ouvriers espagnols à propos de la question basque. L’option indépendantiste était l’expression politique qui ne pouvait être menée à bien que par les couches populaires, sous la direction de la classe ouvrière. Elle seule est capable d’assumer, aujourd’hui, en Euskadi, avec toutes ses conséquences, la direction d’un processus d’une telle envergure. C’est précisément parce que la classe ouvrière a assumé la question basque que la renaissance nationale d’Euskadi a été possible. Mes relations postérieures, comme membre d’ETA, avec les représentants de divers partis ouvriers espagnols, n’ont servi qu’à confirmer cette vision. Ces partis ne comprenaient la question basque que comme un problème gênant qu’il fallait faire disparaître. Il me semblait toujours que l’unité de l’Espagne était pour eux quelque chose d’aussi sacré que pour la bourgeoisie. Ils n’arrivaient jamais à comprendre que le caractère national que revêtait la lutte des classes en Euskadi était un facteur révolutionnaire. Au contraire, pour eux, cela n’était qu’une note discordante dans le processus révolutionnaire espagnol qu’ils voulaient contrôler.

    Quant à la lutte armée, mon interprétation ne correspondait pas non plus à celle formulée par la VIe Assemblée. Le fait qu’elle soit pratiquée de façon minoritaire ne voulait absolument pas dire qu’elle exprimait les intérêts de la petite-bourgeoisie basque. Elle représentait seulement l’expression la plus radicale du mécontentement des couches populaires basques et, en particulier, de la classe ouvrière. L’identification de cette classe avec ceux qui la pratiquaient commença à apparaître de façon évidente à l’occasion du jugement de Burgos en décembre 1970. Depuis lors, elle n’a fait qu’augmenter. La lutte armée était le résultat de la convergence de l’oppression nationale et de l’exploitation de classe que les travailleurs basques – compris dans le sens le plus large – subissaient sous la dictature franquiste. La lutte armée ne freinait pas non plus le travail des organisations de masses à d’autres niveaux. Au contraire, parce qu’elle devenait le pire ennemi du régime espagnol, les autres formes de lutte devenaient les ennemis secondaires, pouvant plus facilement être admises par le franquisme. Elle provoquait bien sûr d’intenses vagues de répression dans les secteurs qui tentaient d’organiser les masses travailleuses patriotiques. Mais cela n’était pas dû à la lutte armée en elle-même, sinon à l’unité organique qui se produisait au sein d’ETA, entre ces secteurs et ceux qui étaient chargés de la lutte armée.

    La VIe Assemblée se déclarait internationaliste et qualifiait ETA de “nationaliste petite-bourgeoise”. Mais qu’est-ce que l’internationalisme prolétarien ? Être internationaliste exige-t-il des travailleurs d’une nation divisée et opprimée de renier leurs droits nationaux pour, ainsi, fraterniser avec ceux de la nation dominante ? À mon avis, non. L’internationalisme prolétarien signifie la solidarité de classe exprimée dans le soutien mutuel entre les travailleurs des différentes nations, unis dans un respect mutuel de leurs formes particulières d’identité nationale. […] L’évolution d’ETA, avec ses brusques sauts et déviations dans un sens et dans l’autre, ne faisait qu’exprimer la recherche de l’affirmation idéologique et politique de cette classe au sein d’une réalité occupée par des secteurs dont les intérêts lui étaient étrangers.

    euskadi komunistaLa scission de la VIe Assemblée fut décisive dans ce sens. Depuis lors, il ne s’agissait plus de savoir où l’on en était, mais de savoir comment il fallait se situer. Le fait qu’ETA, entendu comme phénomène politique plus que comme organisation, n’ait pas été capable jusqu’à une date très récente de commencer à organiser les travailleurs patriotes basques de façon cohérente, n’est pas dû, comme le prétendent certains, à son caractère petit-bourgeois, mais à son inexpérience politique. Ce qui est logique dans un secteur social qui, en Euskadi, venait de prendre conscience de son identité et qui avait encore tout à apprendre. Plus précisément, la prise de conscience de ce secteur social constitué par les travailleurs basques ayant une conscience nationale permettait de considérer Euskadi comme un cadre autonome pour la révolution socialiste qui devait forcément aller unie à la lutte de libération nationale, avec toutes ses conséquences face aux États espagnol, français et au monde. »

    La position du camarade Argala, assassiné à Angelu (Anglet) en 1978 par des éléments phalangistes épaulés par des anciens de l'OAS (et peut-être des néofascistes italiens), est de toute première importance dans l'élaboration de ce que SLP appelle la Libération révolutionnaire des Peuples (LRP). Ce concept a été en effet très largement  ébauché, principalement dans la seconde moitié du 20e siècle, par bon nombre de personnalités et de groupes révolutionnaires se rattachant pour la plupart au marxisme-léninisme anti-révisionniste de l'époque ; mais il n'a jamais été réellement synthétisé en tant que tel, comme apport essentiel à la théorie marxiste, et il a toujours été en butte aux "avant-gardes" révolutionnaires (plus ou moins autoproclamées) basées dans les Centres bourgeois...

    Le libérationisme populaire révolutionnaire, par opposition au nationalisme bourgeois (celui des bourgeois en contradiction trop forte avec le Centre comme le PNV basque ou la CiU catalane, ou un Patrick Le Lay - ancien patron de l'ultra-réactionnaire TF1 - qui peut se déclarer "breton, pas français" et "comme à l'étranger quand (il est) à Paris") ou petit-bourgeois (généralement, par la force des choses, teinté de "socialisme" ou de "marxisme"), repose sur une ligne idéologique très simple : il ne vise pas la constitution de nouveaux États ou "régions autonomes", ou encore "l'indépendance véritable" (de pays semi-colonisés) pour s'y constituer en nouvelle caste dirigeante de la bourgeoisie capitaliste (comme le FLN algérien ou le Fianna Fail irlandais, ou en version "autonome" le PNV, la CiU ou le FLNKS en Kanaky) ; il vise la destruction et la dissolution des grands États et des "prés carrés" impérialistes bourgeois en tant qu'appareils politico-militaires et idéologiques d'oppression et d'exploitation des masses, et l'établissement de nouvelles "relations sociales territoriales" sur une base démocratique-prolétarienne, égalitaire et fraternelle. L'idée d'une Europe "fédéraliste" des "régions et Peuples solidaires", parfois mise en avant par certains groupes, peut être considérée comme une compréhension "national-progressiste" petite-bourgeoise de cela ; mais une Europe SOCIALISTE des Peuples pourrait tout à fait être un échelon de fédération démocratique et fraternelle entre les masses populaires des différentes nations (sans la bourgeoisie), sous la direction révolutionnaire du prolétariat, enfin libérées des États/appareils politico-militaires du Capital ; la Commune populaire restant la cellule de base de la société, et le communisme universel l'objectif ultime.

    En ce qui concerne nos prétendus "maoïstes", après leurs délires chauvinards dignes du POI (disparus, depuis, comme par magie de leur site), ils ont bel et bien fini (à reculons) par se rallier à ce point de vue... puisqu'il déclarent, au sujet de la stratégie du Front national dans les zones périurbaines/"rurbaines" et les "bassins de relégation" prolétariens comme Hénin-Beaumont, que "le fascisme évolue dans une dynamique d'encerclement du centre par la périphérie ; ce qui est exactement la stratégie qui mène au pouvoir" ; autrement dit la position de Servir le Peuple depuis le début... En omettant tout de même de préciser que les masses prolétaires ou (re)prolétarisées auprès desquelles "cartonne" le FN sont plutôt celles du "Centre" ou, plus exactement, de la "colonne vertébrale" de la construction bourgeoise France, celles du "Y Seine-Rhin-Rhône" ; c'est-à-dire le prolétariat (prolétariat "blanc") qui refuse d'admettre sa position "privilégiée" par rapport à celui des territoires périphériques de l’État bourgeois... et bien sûr par rapport aux "minorités visibles" (les colonies intérieures) qu'il côtoie dans ses propres quartiers populaires. Même en Occitanie orientale (Provence, Côte d'Azur), où le vote FN est historiquement puissant, sa "centralité" électorale demeure la petite-bourgeoisie, la paysannerie propriétaire, les retraités aisés "héliotropes" et les anciens colons d'Afrique du Nord avec leurs descendants. La "centralité ouvrière" du vote FN n'est véritablement une réalité qu'au Nord de la Seine et sur la façade Est de l'Hexagone à partir de Lyon...


    VIVE LA LUTTE RÉVOLUTIONNAIRE DE LIBÉRATION DE TOUS LES PEUPLES, PRISONNIERS DES CONSTRUCTIONS POLITICO-MILITAIRES ÉTATIQUES ET IMPÉRIALES DE LA BOURGEOISIE !



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  • La question du cadre "national" (étatique bourgeois) des luttes révolutionnaires est en réalité une simple question de stratégie militaire de la révolution. Un État bourgeois est un appareil politico-militaire, administratif, juridique, idéologique et culturel ("gagner les cœurs et les esprits"), bref, un état-major de classe, celui de la bourgeoisie monopoliste (ou de l'oligarchie bureaucratique-compradore-foncière, dans les pays dominés, au service des monopoles du "Nord"). Chaque État bourgeois constitue en fait, en quelque sorte, un "front" de la Révolution prolétarienne mondiale. Pour lui faire face, les masses populaires doivent se placer sous la direction du prolétariat et de son état-major de classe à lui, le Parti... ou alors, d'un "état-major intégré" : c'est à dire que, dans tous les cas, les Partis et les masses populaires des nations constitutives de l’État bourgeois doivent coordonner leurs luttes en rejetant l'hégémonisme d'une nation sur les autres, mais de la manière la plus solide et méthodique possible. Face à un seul et unique État bourgeois, toutes les forces révolutionnaires des différentes nations doivent s'associer dans une seule et unique Guerre populaire, sans quoi la victoire n'est pas possible. Chaque lutte révolutionnaire de Libération du Peuple (LRP), plus la lutte révolutionnaire des masses de la nation "centrale", forme alors une "tranchée" du "front" face à l’État bourgeois.  

    Contrairement au nationalisme bourgeois, la Libération révolutionnaire du Peuple (LRP) ne peut atteindre ses objectifs CONTRE les autres masses populaires de l’État bourgeois. C'est-à-dire qu'elle ne peut, pour gagner l'émancipation des masses, laisser intact le Centre ; même dans l'éventualité où serait arrachée une "indépendance" juridique à celui-ci, comme pour l'Irlande des 26 comtés. Les structures de domination sont en effet si fortes, car séculaires, qu'elles persisteront toujours sous une forme "officieuse" ; sauf à passer sous la coupe d'un autre Centre impérialiste rival du premier (ainsi, l'Irlande des 26 comtés est entrée dans la zone euro, c'est-à-dire dans l'orbite franco-allemand, pour échapper à la tutelle britannique). Une colonie ULTRAMARINE (située sur un autre continent que la métropole) peut, à la rigueur et momentanément, s'en sortir par l'intégration régionale, la coopération avec les nations voisines du même continent (ce que tentent, par exemple, certaines îles anglophones des Caraïbes en s'intégrant à l'ALBA, à Petrocaribe etc.) ; mais c'est tout.

    Bien sûr, dans cette perspective, l'avant-garde prolétarienne du peuple "central" est investie d'une responsabilité particulièresoulignée par Lénine et les principes de l'Internationale communiste dès 1919 : celle, justement, de se dépouiller de ses attitudes de "petit dominant", exactement comme le prolétaire homme doit, dans chaque foyer, se dépouiller de sa position dominante vis-à-vis de la prolétaire femme et des enfants, ou comme le prolétaire "blanc" (au sens social), dans chaque quartier populaire, doit se dépouiller de sa position dominante vis-à-vis du prolétaire "de couleur" ; celle de refuser et rejeter les tentations hégémonistes (on pense notamment au parisianisme) ; de refuser de soumettre les luttes des autres masses prolétaires et populaires de l’État aux (prétendus) "intérêts" de "son" prolétariat national ou "régional". Aucun prolétaire n'a d'intérêt valable auquel soumettre les prolétaires d'autres nations, seul peut en avoir un aristocrate-ouvrier.

    La coordination des états-majors de la lutte prolétarienne devrait être d'autant plus aisé que, dans la nation "centrale", le prolétariat authentique est historiquement très largement composé de prolétaires originaires des nations périphériques et de l'Empire (colonial, néo-colonial, semi-colonial). 



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  • Au Comité Central,

    Parti Communiste du Népal - Maoïste.

    Camarades,

    Nous, Parti prolétarien du Purba Banglar / PBSP-Bangladesh, avons pris connaissance par votre Communiqué de Presse du 19 juin 2012 que vous avez rompu les relations avec les révisionnistes-opportunistes du PCNU et formé un nouveau Parti. Nous pensons qu'il s'agit d'un important et positif pas en avant pour raviver, redécouvrir et rétablir la ligne et l'héritage révolutionnaire des révolutionnaires du Népal.

    Le révisionnisme de la direction Prachanda-Bhattarai a causé un grand dommage à la cause révolutionnaire du Népal et du monde entier. Nous espérons que vous et votre Parti ferez tous les efforts pour rompre complètement avec le révisionnisme et rétablir la Révolution népalaise. Nous espérons que vous ferez tout ce qui est possible pour formuler une ligne politico-idéologique, une stratégie et un plan de travail corrects ; et que vous irez de l'avant dans la mise en œuvre de ces décisions. Et nous espérons, également, que vous formulerez et suivrez une ligne internationale correcte.

    Nous souhaitons votre succès à cet égard.

    Nous espérons plus de documents et d'autres informations régulièrement. Nous vous tiendrons absolument informés de nos commentaires et évaluations de vos décisions et de vos documents.

    Salutations communistes,

    Comité Central,

    PBSP (Bangladesh).

    9 juillet 2012.

    bangladesh-women-workers1

    nepal

    Unité des masses d'Asie du Sud contre l'impérialisme !

     


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  • basanta1-e1266650722953J'ai rédigé un article il y a environ 6 ans. Il avait pour titre "Les dimensions internationales de la Voie Prachanda". Cet article, publié dans la 10e édition de The Worker, organe du Parti en anglais, avait soulevé un débat dans le mouvement communiste international.

    Que la Voie Prachanda soit réellement un développement créatif du Marxisme-Léninisme-Maoïsme, ou une déviation de celui-ci, était la question en débat à cette époque. Étant donné le développement de la Guerre populaire par bonds, l'un après l'autre, ce n'était certes pas une tâche facile de prendre position contre celle-ci. Cependant, la plupart des Partis révolutionnaires ne l'assimilèrent pas, et furent plutôt d'avis qu'il s'agissait d'une déviation idéologique de la part du PCN (maoïste).

    La vague de la Voie Prachanda, censée être la synthèse de l'expérience de 5 ans de Guerre populaire rugissante, s'était étendue sur le monde entier. Cela n'avait rien d'anormal non plus. Le Parti avait défini la Voie Prachanda comme une série d'idées particulières générées par la Révolution népalaise. J'avais préparé cet article [sur la Voie Prachanda] tel que notre Parti, le Parti communiste du Népal (maoïste), la comprenait à cette époque. Sans surprise, Prachanda était très content de l'article.

    Après 6 ans aujourd'hui, j'écris à nouveau un bref article centré sur Prachanda. Il s'intitule "Les dimensions internationales du néo-révisionnisme de Prachanda". Certains lecteurs pourront penser que Basanta a raison, parce que Prachanda a pris un virage à 180° par rapport à ses anciennes positions MLM. D'autres diront que considérer Prachanda, qui voit le marxisme comme une science vivante et l'applique comme tel dans la pratique, comme un révisionniste, ne peut résulter que d'une pensée mécanique et dogmatique de la part de Basanta et ses amis. Le débat va évidemment surgir dans les jours à venir. Les révolutionnaires penseront que Basanta a raison ; mais les révisionnistes et les liquidationnistes penseront le contraire. Naturellement, Prachanda ne sera pas content de l'article cette fois-ci.

    Tout le monde est bien conscient qu'une intensive et extensive lutte entre deux lignes s'est déroulée, entre marxisme et révisionnisme de droite, au sein du Parti communiste unifié du Népal (maoïste), principalement au cours de 4 dernières années. Mais, dans les récents jours, le processus a connu un tournant et les révolutionnaires, se dissociant du Parti dirigé par Prachanda, ont fondé un nouveau Parti.

     En tant que membre de ce nouveau Parti, le Parti communiste du Népal - Maoïste, me voilà donc avec cet article. Nous n'avons pas encore synthétisé l'entière expérience acquise durant la période tumultueuse de la Guerre populaire et la période qui a suivi. Le Congrès du Parti, qui vient, le fera. Pour le moment, nous avons seulement pris une position préliminaire considérant que la Guerre populaire a définitivement amassé de nouvelles expériences, mais qu'il n'était pas correct à cette époque de les synthétiser sous la forme de la Voie Prachanda. La Convention nationale organisée le 15 juin 2012 a résumé également les forces et les faiblesses des révolutionnaires. Elle a conclu qu'il y avait trois sortes d'erreurs idéologiques : le fidéisme (foi aveugle dans la direction du Parti), le libéralisme et la métaphysique.

    Ces faiblesses se sont manifestées principalement sur la question de la synthèse idéologique, c'est-à-dire de la Voie Prachanda, et de la centralisation de la direction. D'autre part, la Convention a conclu unanimement que le terme approprié pour caractériser la dégénérescence idéologique et politique de Prachanda est néo-révisionnisme.

    Le néo-révisionnisme de Prachanda s'est manifesté sous des formes différentes de celles qu'a pris le révisionnisme par le passé, qui utilisait l'attaque contre les principes de base du marxisme de manière directe et franche. Comme, par exemple, Proudhon et Lassalle s'opposaient au socialisme scientifique avec l'argument que le processus de réformes continues et une stricte discipline dans la société bourgeoise pouvaient paver la voie du capitalisme vers le communisme. Bernstein concluait que les principes élémentaires du marxisme tels que la lutte des classes et la théorie de la plus-value étaient obsolètes. Khrouchtchev prenait position contre le rôle de la violence dans la révolution et la dictature du prolétariat sous la société socialiste. Liu Shaoqi et Deng Xiaoping rejetaient la théorie de la continuation de la révolution sous la dictature du prolétariat, mise en avant par Mao. 

    Ils mettaient l'accent unilatéralement sur le développement des forces productives, opposé au principe maoïste de "faire la révolution, promouvoir la production". Dans notre contexte, Prachanda ne s'est pas dressé ouvertement contre les concepts basiques du marxisme, comme ont pu le faire les dirigeants précités par le passé. Il a agi au nom d'un développement créatif du MLM.

    Quand la situation se développe à un niveau supérieur, les anciennes logiques ne sont plus suffisantes pour les partis politiques afin de soutenir leur nouvelle position. Cela est vrai non seulement pour les marxistes mais aussi pour les révisionnistes et d'autres partis de même. Mao disait que les révisionnistes sont les réactionnaires qui trompent le peuple sous le déguisement du marxisme. Donc, dans une nouvelle situation les révisionnistes doivent trouver de nouvelles logiques pour tromper les révolutionnaires. Prachanda comprend cela très bien. Ainsi, il a semé sans discontinuer les graines du révisionnisme sous le masque de l'application créative et du développement du MLM. Il ne s'est pas opposé directement à la dictature du prolétariat comme Khrouchtchev l'a fait. Mais, le développement du marxisme dont il se réclamait est en fait un développement du révisionnisme. De cette manière, le révisionnisme a remplacé le marxisme dans le Parti qu'il dirigeait. Le révisionnisme classique et moderne s'opposait ouvertement aux principes de base du marxisme, incluant le matérialisme dialectique et historique, la théorie de la lutte des classes, le rôle de la violence dans la révolution et la dictature du prolétariat, etc. etc. Le néo-révisionnisme fait la même chose en essence, mais sous le prétexte de s'opposer au dogmatisme, d'application créative du marxisme et d'originalité de la révolution. Liquider l'essence du marxisme au nom de son développement et de son application créative a été la principale caractéristique du néo-révisionnisme. De cette manière, les caractéristiques du néo-révisionnisme de Prachanda peuvent être énumérées comme suit.

    Prachanda a lentement attaqué sur l'universalité des contributions de Mao. Dans la foulée de l'unification du Parti avec l'Unity Center - Masal, le PCUN (Maoïste) a adopté le Marxisme-Léninisme-Maoïsme/ pensée Mao Zedong comme son principe guide. Arguant qu'il n'y a aucune différence à employer les deux terminologies, maoïsme ou pensée Mao Zedong, du moment qu'elles signifient l'une et l'autre l'universalité des apports de Mao. C'est en réalité une manoeuvre habile pour brouiller la différence entre maoïsme et pensée Mao, qui porte autant sur l'universalité que sur la particularité des apports de Mao. En agissant ainsi, il a affaibli le maoïsme dans le Parti, et le mouvement révolutionnaire également.

    Mao a dit que la lutte pour la production, la lutte de classe et l'expérimentation scientifique sont les trois sources de la connaissance. De plus, il a soutenu que le marxisme se développe suivant une spirale de la pratique à la théorie et de la théorie à la pratique. A l'inverse, Prachanda affirme que le marxisme est devenu un sujet de connaissance commune pour lui. Il l'a dit dans une réunion du Comité central il y a environ 5 ans. En disant cela, il a rejeté la théorie maoïste de la connaissance et bien sûr le maoïsme lui-même.

    Le marxisme considère qu'une chose est l'unité et la lutte de contraires, et que la lutte entre ces contraires permet à une chose de se transformer en une autre. Pourtant, Prachanda a mis en avant un concept conciliateur de "Fusion" de deux contraires qui va à l'encontre du principe marxiste. Ce n'est rien d'autre qu'une forme d'expression différente de "deux se combinent en un", et non "un se divise en deux". Au cours de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, Mao a durement critiqué "deux se combinent en un" comme une philosophie réactionnaire, servant les intérêts bourgeois. Mao dit que "un se divise en deux" est la loi de la dialectique.

    Prachanda dit que la situation mondiale a connu des changements considérables et que ces changements nécessitent le développement du MLM. Ceci est absolument correct. Mais étrangement, sous le prétexte de développement du marxisme, il a lancé des attaques contre les principes élémentaires du marxisme lui-même et ainsi, a développé le révisionnisme. D'un côté, il présente la République démocratique fédérale comme un synonyme de République de Nouvelle Démocratie, et de l'autre, il dit que pour empêcher la contre-révolution au 21e siècle il est nécessaire de développer la démocratie. Arrivé là, il était absolument clair que ces logiques étaient mises en avant pour paver la voie à l'assimilation du parlementarisme bourgeois par le Parti, et en conséquence renverser la révolution au nom de prévenir la contre-révolution. En réalité, le développement de la démocratie au 21e siècle a été un instrument pour remplacer la dictature démocratique ou prolétarienne par la dictature de la bourgeoisie.

    Prachanda a mis en avant un concept de non-nature de classe du Pouvoir d’État et la possibilité d'un développement pacifique de la révolution au Népal, au meeting élargi de Balaju en 2007. Il a tenté de justifier ses arguments par le fait que l'Armée népalaise et l'APL étaient maintenues inactives dans leurs cantonnements respectifs. Prachanda a cessé de dire cela après que les délégués à cette convention s'y soient fermement opposés.

    En fait, ce n'était autre qu'une forme raffinée de "l’État du peuple entier" et de la "transition pacifique" proposées par Khrouchtchev. Insurrection et révolution dans les décisions et exercice parlementaire en implémentation, c'est à dire révolution en paroles et réforme en pratique, ont été ses caractéristiques.

    Dans tous les meetings de Chunwang à Palungtar en passant par Kharipati, a été soulevée la question de l'insurrection populaire et de la nécessité de construire quatre bases pour accomplir celle-ci. Cependant, mis à part pour tromper les révolutionnaires, il n'a jamais mis l'accent sur la construction de ces quatre bases pour préparer l'insurrection. Sa spécialité a été de ne pas mener sérieusement les préparatifs lorsqu'il était temps, et de plaider pour des réformes au final, sous le prétexte que les préparations nécessaires n'étaient pas complètes.

    Les communistes révolutionnaires suivent les principes de l'internationalisme prolétarien. A l'époque de la préparation, du lancement et de la poursuite de la grande Guerre populaire au Népal, Prachanda déployait beaucoup d'emphase sur les tâches internationales du Parti. Mais à présent, l'internationalisme prolétarien est devenu un gros os en travers de sa gorge. Il parle parfois du MRI et du PC d'Inde (CPI) maoïste pour tromper les révolutionnaires au sein de son Parti. Dans le document déposé avant le dernier meeting élargi, organisé par le groupe néo-révisionniste dirigé par Prachanda, il a écrit une phrase disant "Pour le développement du mouvement communiste international (...) il est nécessaire de continuer à maintenir des relations avec les Partis et les groupes révolutionnaires dans et en dehors du MRI, de manière planifiée".

    Mais, tout au contraire, il a travaillé dur pour satisfaire l'impérialisme et l'expansionnisme [indien] en critiquement durement le MRI et le CPI (maoïste). Non seulement cela, mais il a adressé une lettre de condoléances, conjointement avec un représentant du Comité central, pour plaire à ses maîtres en Inde lorsque Jyoti Basu, un leader du CPI (marxiste) révisionniste et ex-ministre en chef du Bengale occidental, est mort. De l'autre côté, Prachanda n'a pas osé émettre même une déclaration lorsque les classes dominantes indiennes ont tué le camarade Azad, ou le porte-parole et camarade Kishenji, membre du Politburo du CPI(maoist). Ainsi, non pas les camarades Azad et Kishenji, mais Jyoti Basu et Manmohan Singh [premier ministre indien] sont devenus les camarades internationaux fraternels de Prachanda.

    Le groupe Prachanda-Baburam [Bhattarai] apparaît désormais sous une forme légèrement différente, dans le contexte de maintenir la ligne et l'organisation. Les révisionnistes par le passé commençaient, en général, par construire premièrement une ligne réformiste, et ensuite transformer la totalité du Parti pour l'ajuster à celle-ci. Mais la spécialité de ce groupe est de continuer à dire que l'insurrection populaire est la voie de la révolution pour tromper les masses, et créer une telle situation dans le Parti qu'il ne peut y avoir d'insurrection du tout. Une des manières dont ils s'y sont pris pour servir cet objectif, a été de faire du Parti une foule de bénis oui-oui, d'anarchistes et de mauvais éléments ne pouvant conduire la révolution...

    Lgtang2-28Prachanda a dévié de la théorie basique de la révolution de nouvelle démocratie. Il a défini la révolution de nouvelle démocratie comme s'accomplissant en deux étapes - d'abord contre le féodalisme et ensuite contre l'impérialisme. En réalité, ceci ne correspond pas aux caractéristiques de l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne. 

    Au cours de la révolution de nouvelle démocratie, il y a parfois une menace majeure pour la démocratie, et parfois pour la souveraineté nationale, et la forme de la lutte est organisée pour répondre à la menace considérée. Mais cela ne signifie pas qu'il y ait deux étapes de la révolution ; l'une contre le féodalisme et l'autre contre l'impérialisme. Le féodalisme et l'impérialisme sont inséparablement interconnectés l'un à l'autre et le pouvoir d’État dans un tel pays représente simultanément les intérêts des deux. C'est la caractéristique de l'époque de l'impérialisme et de la révolution prolétarienne. Donc, détruire le pouvoir étatique réactionnaire qui représente les intérêts à la fois du féodalisme et de l'impérialisme et construire un nouveau pouvoir à sa place est la première étape vers la révolution de nouvelle démocratie dans un pays semi-féodal et semi-colonial. Prachanda et sa clique se sont considérablement éloignés de cette réalité. 

    Dans un certain contexte, il a dit que la fin de la monarchie est une sorte d'accomplissement de la révolution de nouvelle démocratie au Népal. Ceci est complètement faux. Dans une interview, il dit : "À présent, nous arrivons à la conclusion que la tâche restante de la nouvelle démocratie (dont une partie a été accomplie) et la stratégie de la révolution socialiste ont convergé en une seule. La tâche restante de la nouvelle démocratie et la tâche d'accomplir la révolution socialiste à travers l'insurrection populaire et l'insurrection armée ont convergé en une seule stratégie, plutôt que d'accomplir la révolution de nouvelle démocratie à une étape et la révolution socialiste dans une autre". 

    La citation qui précède signifie que la révolution de nouvelle démocratie a été accomplie au Népal. Ceci n'est pas en accord avec ce que le MLM dit de la révolution de nouvelle démocratie, qui est accomplie lorsqu'il a été mis fin à la féodalité et à l'impérialisme. La monarchie a été abolie au Népal mais ceci n'a apporté aucun changement fondamental au féodalisme et au mode de production féodal. Les agents de l'expansionnisme indien dominent le pouvoir d’État. L'indépendance nationale est en grave danger. Le pays va vers la sikkimisation. Alors, dans une telle situation, comment la révolution de nouvelle démocratie peut-elle avoir été accomplie au Népal ? La révolution de nouvelle démocratie signifie-t-elle seulement la république, le fédéralisme et le sécularisme ? Est-ce qu'un pouvoir populaire anti-féodal et anti-impérialiste a été établi au Népal ? Certainement pas. Sa position, selon laquelle la révolution de nouvelle démocratie a été accomplie pour l'essentiel et que la révolution socialiste est la prochaine tâche entre nos mains, n'est autre qu'une escroquerie néo-révisionniste mise en avant pour confondre le peuple et resté incrusté dans la république démocratique bourgeoise avec la bénédiction de l'impérialisme et de l'expansionnisme indien. C'est en fait un exemple détestable de trahison envers le peuple népalais et la nation de la part de Prachanda. 

    Mao a dit que le Parti, l'Armée et le Front uni étaient les "trois épées magiques" de la révolution. Il disait : "Un Parti bien discipliné, armé de la théorie marxiste-léniniste, utilisant la méthode de l'auto-critique et lié aux masses du peuple, une Armée sous la direction d'un tel Parti, et un Front uni de toutes les classes et groupes révolutionnaires sous la direction d'un tel Parti ; telles sont les trois principales épées avec lesquelles nous avons défait l'ennemi". Mao a mis ici en évidence le nœud du problème en identifiant l'urgence du Parti, de l'Armée et du Front uni pour mener la révolution à la victoire.  

    Est-ce que le PCUN(M) ressemble au Parti auquel Mao fait référence dans cette citation ? Non, pas du tout.

    La manière dont Prachanda a travaillé idéologiquement et politiquement pour relâcher la force de la révolution dans le Parti a été mentionnée précédemment. De surcroît, il a ouvert la porte à l'embourgeoisement du Parti en recueillant une foule de bureaucrates dans les plus hauts comités et d'anarchistes et de bénis oui-oui dans les plus bas. Les comités du Parti sont devenus si corpulents et lourds qu'ils n'étaient un environnement encourageant ni pour la discussion, la critique et l'auto-critique, ni pour la pratique collective. Cela a créé une situation telle que le système de décision collective et responsabilité individuelle a été remplacé par un système de décision individuelle et responsabilité collective. Maintenant, plus personne ne peut être dupe du fait qu'il s'agissait d'un plan pour graduellement désorienter les cadres de la ligne et de la conduite communiste et ainsi transformer le Parti communiste en un Parti bourgeois. C'est le caractère néo-révisionniste de Prachanda qui a affaibli la force idéologique et embourgeoisé le Parti au moyen de mauvaises méthodes d'organisation. Prachanda, de cette manière, a liquidé le caractère révolutionnaire du Parti dans tous les aspects de l'idéologie, de la politique et de l'organisation.

    Prachanda a conduit l'Armée populaire de libération du Népal, qui avait été construite sur le concept "le peuple n'a rien sans l'Armée du peuple", à capituler devant l'Armée népalaise. Il dit que c'est une intégration. L'APL qui avait été organisée pour accomplir la révolution de nouvelle démocratie au Népal, exercer la dictature démocratique sur les ennemis de classe après celle-ci et prévenir la contre-révolution tout au long de la construction du socialisme, a été dissoute au nom de l'intégration. C'est un pas en arrière, contre-révolutionnaire, pour plaire à l'impérialisme et à l'expansionnisme et cordialement ouvrir la voie de la réconciliation avec leurs agents. Prachanda a dit que c'était un pas courageux pour bâtir la paix au Népal. Quel est cet argument ridicule ? Mentir aussi a ses limites. Il est difficile de trouver de tels exemples de capitulation de classe et nationale, et de trahison éhontée dans l'histoire du mouvement communiste international.

    Une autre arme importante pour la révolution est le Front uni formé sous la direction du Parti révolutionnaire. Quel type de forces doit être impliqué dans ce Front uni est décidé par la contradiction principale dans la société du moment ; et il est construit sous la direction du Parti du prolétariat en incorporant toutes les forces en contradiction avec l'ennemi principal. Le Parti dirigé par Prachanda a analysé que la contradiction entre la bourgeoisie bureaucratique et compradore, les féodaux et leur maître expansionniste indien d'un côté, et le peuple népalais tout entier de l'autre était la contradiction principale dans la société népalaise. Mais il n'a pris aucune initiative pour construire un Front uni de toutes les forces patriotiques, républicaines, progressistes, de gauche et révolutionnaires, sous la direction du Parti du prolétariat, contre l'alliance réactionnaire précitée. Au contraire, il s'est mis à genoux devant les réactionnaires et leur a livré les réalisations de la révolution qui restaient. Comment cet acte peut-il être qualifié autrement que de soumission nue à la réaction domestique et étrangère ?

    Au début du 21e siècle, le prolétariat mondial a eu une haute considération pour Prachanda comme son émancipateur et les voyous impérialistes l'ont dénoncé comme leur fossoyeur. C'était un motif de gloire et de fierté pour le prolétariat mondial. A présent il est dans une course folle pour devenir exactement le contraire. C'est un motif de douleur pour le peuple opprimé du Népal et le monde tout autant. Néanmoins, ce ne sont pas les sentiments mais la ligne idéologique et politique et l'avant-garde du prolétariat qui guident les masses laborieuses vers la révolution.

    Donc, le plus tôt le néo-révisionnisme de Prachanda sera démasqué et défait, le plus vite le prolétariat mondial pourra ré-établir le MLM dans le MCI et libérer les peuples opprimés du joug de l'impérialisme. Les révolutionnaires n'ont pas d'autre alternative. Affaiblir la lutte idéologique et politique contre le néo-révisionnisme revient à le nourrir. Donc, la nécessité urgente aujourd'hui est d'intensifier la lutte idéologique et politique contre toutes les formes de révisionnisme et le néo-révisionnisme de Prachanda en particulier. C'est la tâche suprême des révolutionnaires au Népal comme dans le monde. Que chacun de nous s'y emploie.

    10 Août 2012

    En aparté, et suivant la considération que la lutte de lignes n'est pas terminée au Népal, et que le nouveau PCN-Maoïste va et doit être le théâtre de nouveaux affrontements idéologiques entre ligne révolutionnaire et lignes bourgeoises et petites-bourgeoises, SLP serait d'avis qu'un tandem entre Basanta (le théoricien) et Biplab (le débatteur et homme d'action) pourrait être "l'attelage" parfait pour emmener la ligne révolutionnaire vers la victoire...

    À noter que le texte est toutefois assez évasif sur la problématique néo-bourgeoise (les aspirations concréto-concrètes, derrière le verbiage révisionniste, à se faire une place dans la classe dominante du pays ; ce qui peut potentiellement être le but de Prachanda depuis la fondation du Parti en 1994 !) ; et celle de la jefatura, modèle de direction imposé au Pérou par Gonzalo, avec un leader incontesté dont la "pensée" revêt un caractère de "parole d'évangile"... On relèvera d'ailleurs, au niveau international, que les tenants de la ligne gaucho-sectaire ignorent superbement de tels textes (comme précédemment celui de Biplab), qui sont pourtant des autocritiques fondamentales de la part des maoïstes révolutionnaires népalais, tout simplement parce que l'analyse développée pointe du doigt le problème fondamental : la jefatura, l'autorité idéologique incontestée de Prachanda sur le Parti, qui lui a permis d'étaler sa merde révisionniste (au service de ses plans de carrière néo-bourgeois) sans que ne s'élève de contestation, excepté de "figures" importantes comme Kiran (qui était le dirigeant n°1 de "l'ancêtre" du PCN(m)). Jefatura que les dogmato-gauchistes défendent bien sûr bec et ongles (ils ne conçoivent pas la révolution s'ils n'en sont pas les "guides éclairés") ; alors qu'elle est la cause du revers catastrophique du Pérou (décapitation ultra-facile du Parti ; facilité à faire passer dans les masses révolutionnaires l'imposture des "lettres de paix", "incontestables" car émanant - soi-disant - de Gonzalo, etc.).

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  • Si l'Amérique latine a connu de nombreuses dictatures, militaires voire parfois civiles (elle n'a, à vrai dire, jamais connu la démocratie bourgeoise au sens propre, sinon dans de courtes expériences comme Allende au Chili, et depuis autour de l'an 2000 dans quelques pays comme le Brésil, l'Argentine etc.) ; notamment dans la période 1945-85 (voire 1990 en Amérique centrale), dans la triple préoccupation d'écraser le mouvement révolutionnaire, de lutter contre l'influence social-impérialiste soviétique et d'asseoir la tutelle semi-coloniale US face à des bourgeoisies (beaucoup plus fortes qu'en Afrique, par exemple) tentées par l'émancipation et l'"émergence" ; les dictatures argentines de 1966-73 et (surtout) 1976-83 furent de loin les plus féroces, mettant en place une répression et une élimination systématique des forces populaires progressistes et révolutionnaires (en même temps que d'imposer le "néolibéralisme" des Chicago Boys avec le sinistre Martínez de Hoz), comparables à l'Espagne de Franco en plus méthodique et organisé, inspirées en particulier des méthodes élaborées lors de la guerre d'indépendance algérienne et diffusées sur le continent américain par Roger Trinquier ou Paul Aussaresses. Une histoire tragique dont Servir le Peuple est parmi les rares médias maoïstes à se faire l'écho, et qui fait profondément partie de son identité politique.

    Il faut bien dire qu'à l'époque, le pays était en proie à une effervescence révolutionnaire incontrôlable, expliquant, pour "calmer le jeu", l'intermède du retour du - très populaire - général Perón en 1973, auquel sa veuve Isabel succèdera de 1974 à 1976. Mais, justement, cette effervescence avait le malheur d'être prisonnière d'une particularité argentine : la question de Perón et du péronisme.

    Les débats sur le péronisme ont secoué le mouvement communiste argentin et international pendant toute la seconde moitié du 20e siècle et jusqu'à nos jours, alors que la réalité est pourtant très simple : pays très particulier d'Amérique latine, l'Argentine a la particularité d'avoir sa classe dominante (bourgeoisie et propriété terrienne) traversée par un clivage depuis les origines (l'indépendance en 1810-16), clivage donnant deux droites réactionnaires, dont le péronisme et l'anti-péronisme du siècle dernier ne furent que la réactivation. D'un côté, la région de Buenos Aires (et le Grand Sud colonisé par elle à la fin du 19e siècle), grand port ouvert sur le monde, mais paradoxalement siège d'une bourgeoisie aspirant à faire de l'Argentine une nation capitaliste moderne et indépendante, parlant d'égal à égal avec les puissances européennes et nord-américaines ; de l'autre, la bourgeoisie et (surtout) la grande propriété agraire des provinces intérieures du Nord (l'Amérique latine classique), assumant la soumission à l'impérialisme (principalement britannique jusqu'aux années 1930-40, puis principalement US) pour exporter sa production. Au 19e siècle (1829-53), cette contradiction s'incarna dans l'affrontement entre l'homme fort de Buenos Aires et premier conquérant du Sud, Juan Manuel de Rosas, et celui des provinces de l'intérieur, le gouverneur d'Entre Rios, Justo José de Urquiza.

    Et au 20e siècle, elle s'exprima dans l'affrontement entre le péronisme et son adversaire, tout autant sinon plus réactionnaire, partisan ouvert de la tutelle semi-coloniale US, incarné dans ce que l'on peut appeler le "parti militaire" qui mènera trois coups d’État suivis de dictatures réactionnaires sanglantes (1955-58, 1966-73 et 1976-83). La réactivation de cette "guerre des deux droites" fut, en réalité, causée par la crise mondiale de 1929, qui ruina l'économie agro-exportatrice de l'intérieur et vit se mettre en place, durant une première période de dictature militaire (la "décennie infâme" 1930-43), une politique volontariste et industrialiste de modernisation du pays (générant un vaste prolétariat ouvrier non conscientisé, qui sera le terreau électoral du péronisme).

    Cette "guerre des deux droites", des années 1940 aux années 1980 (et encore, dans une certaine mesure, jusqu'aujourd'hui), va totalement polariser la vie politique du pays, de l'extrême-droite jusqu'à... la gauche populaire progressiste et révolutionnaire, au moment même où les conditions objectives mondiales étaient les plus favorables à la révolution prolétarienne. Ainsi, le PCA et le PSA seront toujours farouchement anti-péronistes (avec toutefois des dissidences : Borlenghi du PS ou Puiggrós du PC, qui rallient Perón), quitte à soutenir (plus ou moins "avec critiques") les régimes militaires jusqu'à leur "aggiornamento" après la dernière dictature (il était temps...). Le mouvement trotskyste se divisera, lui aussi, entre adversaires résolus de Perón (rejoignant le PCA et le PSA dans le "Front démocratique") et partisans de sa politique développant, selon eux, la classe ouvrière et donc les "conditions objectives" de la révolution. La figure emblématique du trotskysme argentin, Nahuel Moreno, tentera de concilier ces deux tendances, avant de pencher nettement vers l'anti-péronisme puis d'osciller entre les deux camps. La principale scission anti-révisionniste et pro-chinoise du PCA, le PCR (1968), sera quant à elle très clairement pro-péroniste, y voyant un mouvement "bourgeois national", "tiers-mondiste" et "indépendant des deux superpuissances", dans une vision totalement "théorie des trois mondes" rappelant, par certains aspects, l'attitude du PCMLF envers le gaullisme ; alors même que ses militants étaient décimés par la Triple A (Alliance Anticommuniste d'Argentine, escadron de la mort péroniste de droite) au même titre que toutes les forces révolutionnaires. Il y aura de surcroît, dès les années 1950 et surtout 1960, toute une gauche radicale péroniste (Jeunesses péronistes et "organisations combattantes" comme les FAR ou les Montoneros) drainant des éléments qui, ailleurs, auraient été marxistes, montrant (douloureusement) l'influence néfaste du "mythe" Perón sur les masses populaires et la jeunesse. [Dans un souci de précision, on évoquera brièvement, dans le camp bourgeois, un troisième larron : l'Union civique radicale (UCR), née dans les années 1890 et dirigeant le pays de 1916 à 1930. Très proche du radicalisme BBR (encore aujourd'hui avec le PRG), peu intéressée par le débat entre nationalisme et compradorisme assumé, l'UCR était surtout tournée vers la société argentine elle-même, qu'elle voulait "moderniser" dans une vision positiviste et paternaliste franc-maçonne. Néanmoins, à la fin des années 1950, elle finira par éclater entre un courant pro-Perón (Frondizi élu en 1958 avec les voix péronistes et qui les laissera participer aux élections en 1962... se voyant immédiatement renversé par les militaires) et un courant anti-péroniste (Illia qui prend sa suite en 1963, mais finit lui aussi par légaliser le péronisme et se fait renverser en 1966). Depuis la grande crise économique et la situation insurrectionnelle de 2001-2002, elle se divise pareillement entre un courant qui soutient les époux Kirchner et un courant qui s'y oppose.]

    En définitive, DEUX organisations conséquentes (seulement) sauront se placer au-delà de ce débat pourri : le Parti communiste marxiste-léniniste (PCML), autre scission anti-révisionniste du PC (mais aujourd'hui son héritier, le Parti de la Libération (PL), soutient à fond le gouvernement Kirchner, que le PCR a au moins le mérite d'affronter sans concessions) ; et le PRT-ERP.

    Celui-ci est fréquemment, et de manière simpliste, présenté comme une organisation "trotskyste". La réalité est beaucoup plus complexe, comme le montre cette très intéressante étude que SLP vous invite à lire en digérant après le dîner (il serait difficile de résumer 98 pages en un article ici...) : http://jeremyrubenstein.files.wordpress.com/2011/10/une-histoire-du-prt.pdf

    erp.jpgEn réalité, le PRT est né en 1965 de la fusion de deux forces révolutionnaires dans le Nord-Ouest argentin (région de Tucumán, Salta, Santiago del Estero) : le Front révolutionnaire indoaméricaniste populaire (FRIP) des frères Santucho, d'où seront issus les principaux cadres, mouvement nationaliste progressiste à forte tendance indigéniste, recherchant un "socialisme adapté à la réalité latino-américaine" ("indo-américaine") et ayant évolué vers le marxisme dans la première moitié des années 1960, sous l'influence des écrits de Mariátegui et des révolutions chinoise, vietnamienne et surtout cubaine ; et Palabra Obrera, l'élément trotskyste, de Nahuel Moreno... mais celui-ci démissionnera dès 1968, refusant l'orientation vers la lutte armée (avec la formation de l'ERP, Armée révolutionnaire du Peuple), pour former le PRT "La Verdad" (emmenant donc, avec lui, l'élément trotskyste "pur et dur"). Un refus de la lutte armée bien typique du trotskysme, à une époque où même un social-démocrate comme Allende (sous la pression de la base, bien entendu) pouvait dire que "la lutte révolutionnaire armée constitue la voie fondamentale de la révolution en Amérique latine". [Une opinion à laquelle, bien entendu, souscrit totalement SLP, même encore aujourd'hui, car même si la population urbaine s'est considérablement accrue par rapport à la population rurale (phénomène déjà à l'oeuvre dans les années 1960-70) et même si l'économie latifundiaire a évolué vers la plantation/ferme agro-industrielle, la classe dominante et les structures fondamentales de domination n'ont pas changé (moderniser n'est pas changer) et de toute manière, la Guerre populaire est la stratégie révolutionnaire universelle et contient forcément un aspect de lutte armée.]

    À partir de là, et alors que de puissants mouvements populaires (Cordobazo, Rosariazo) secouent la dictature fasciste de la (sans rire...) "Révolution argentine" (1966-73), le PRT-ERP, dans la pratique comme dans l'idéologie, s'éloigne de plus en plus du trotskysme, jusqu'à rompre officiellement avec la IVe Internationale (Secrétariat Unifié), alors dominée par la figure de Pierre Frank, en août 1973 (document en castillan). Dès lors, les références assumées seront, outre les bolchéviks et la Révolution russe de 1917-22, Mao Zedong, Hô Chi Minh et la guerre populaire vietnamienne, Che Guevara et la révolution cubaine, Mariátegui etc. etc.

    C'est que, outre ses composantes originelles, le PRT-ERP comptera aussi un important et influent noyau MAOÏSTE, qui infléchira fortement sa ligne ; ainsi, dans le document du IVe Congrès "La seule voie vers le pouvoir ouvrier et le socialisme" (1968), on peut lire : "Aujourd'hui, la tâche principale des marxistes révolutionnaires est de fusionner les apports du trotskysme et du maoïsme dans une unité supérieure, qui signifiera un plein retour au léninisme", belle marque de cette influence, alors que nous sommes juste après le départ de Moreno et encore fort loin de la rupture officielle avec la "IV". Vers la même époque, tout en utilisant la "IV" comme "caisse de résonnance" internationale, le PRT défendait l'idée d'une nouvelle Internationale communiste qui serait basée sur les PC cubain, vietnamien, chinois et albanais... CQFD. Ce seront peut-être, quelque part, les communistes révolutionnaires les plus conséquents d'Argentine à cette époque - le PCR, on l'a dit, évoluant sur une ligne ouvriéro-économiste et pro-péroniste trois-mondiste déplorable, pour laquelle il n'a effectué à ce jour aucune autocritique...

    Sa rupture avec le trotskysme consommée, le PRT se lancera à fond dans la lutte armée révolutionnaire contre le régime "constitutionnel" réactionnaire de Perón lui-même puis de sa veuve Isabel, avec en arrière-plan "l'éminence grise" fasciste José López Rega, "patron" de la Triple A ; tout en se préparant à l'éventualité du "pire", c'est à dire d'une nouvelle dictature militaire exterminatrice (qui surviendra effectivement en mars 1976 : 30.000 "disparus" (desaparecidos), 15.000 fusillés, 9.000 prisonniers politiques et 1,5 million d'exilés pour 30 millions d'habitants). Après avoir publié l'une des critiques les plus conséquentes (à ce jour) du "justicialisme" et de son général-leader populiste (voir ici en castillan), il appellera les péronistes de gauche sincères à rompre avec leurs illusions d'un Perón "prisonnier" de l'ultra-droite et à se joindre au mouvement révolutionnaire authentique - non sans un certain succès puisqu'en mars 1974, un certain nombre de personnes sincèrement progressistes trompées par Perón (notamment dans les Jeunesses et les organisations combattantes péronistes) scissionneront pour former le "Parti péroniste authentique". En 1973-74 existera brièvement un Front anti-impérialiste pour le socialisme, regroupant autour du PRT diverses forces de la gauche révolutionnaire (PCML, MIR-Praxis de l'intellectuel marxiste Silvio Frondizi et d'autres organisations ML, trotskystes ou "socialistes révolutionnaires") ainsi que des secteurs péronistes de gauche "déçus" par le retour aux affaires de leur "héros" (Front révolutionnaire péroniste du 17 Octobre, Peronismo de Base). Sera également constituée une "Coordination révolutionnaire" avec d'autres organisations armées des pays voisins  : MIR chilien, ELN bolivienne et Tupamaros uruguayens.

    De solides bases d'appui seront établies dans le Nord-Ouest, d'où le Parti était issu et où il était profondément ancré dans la réalité populaire. Mais, faute d'une stratégie militaire suffisamment élaborée, elles seront écrasées par l'offensive contre-révolutionnaire déchaînée en 1975 par Isabel Perón et conduite par le sinistre général Bussi (opération Independencia), calquée sur les méthodes de quadrillage de la guerre d'Algérie... Le document PDF en lien ci-dessus donne un assez bon éclairage des erreurs ayant conduit à cette défaite (foquisme en pratique tout en le rejetant en paroles, militarisme, obsession de la guérilla rurale - Tucumán - au détriment de la lutte urbaine, etc.). C'est finalement l'Armée (ERP) qui a pris le dessus sur le Parti (PRT) et le Front ("anti-impérialiste pour le socialisme"), ce qui constitue une déviation militariste. Exactement la même chose qui s'est produite avec ETA (militaire) - vis à vis du parti HASI (jusqu'en 1992) et du Front (Alternative KAS, Herri Batasuna) - ou avec les GRAPO vis à vis du PCE(r) ; tandis que d'autres organisations communistes combattantes européennes (Brigades rouges, CCC) fusionnaient carrément le tout dans un seul et unique appareil... Seule une application correcte du marxisme-léninisme-maoïsme, avec le principe clair des "trois épées" Parti-Armée-Front sous la direction du Parti, permet d'éviter une telle déviation.

    L'année suivante, les militaires ayant destitué Isabel Perón n'auront plus qu'à "finir le travail", abattant notamment Mario Roberto Santucho (le secrétaire général) et 5 autres cadres dans une fusillade le 19 juillet 1976.

    che-y-santuchoPour en revenir à notre in memoriam, donc, la lutte armée déclenchée dès la fin des années 60 par le PRT-ERP et les péronistes de gauche avait conduit un grand nombre d'entre eux en prison. En août 1972, 25 d'entre eux s'évadèrent avec l'objectif de gagner le Chili de l'Unité populaire, et de là Cuba. Mais une poignée seulement (6), dont Santucho, y parvint ; les autres, repris, seront sauvagement assassinés à la mitrailleuse, montrant là le visage infâme de la réaction argentine et de la réaction mondiale en général. Dans la conscience populaire révolutionnaire d'Argentine, le 22 août 1972 reste donc gravé comme un jour de martyre et d'heroicidad, comparable au 19 juin 1986 dans l'histoire révolutionnaire du Pérou.

    Source

    Le 15 août 1972, durant le gouvernement dictatorial du géneral Alejandro Agustín Lanusse, 25 prisonniers politiques appartenant au PRT-ERP (Parti Révolutionnaire des Travailleurs - Armée Révolutionnaire du Peuple), aux FAR (Forces Armées Révolutionnaires) et aux Montoneros, s'échappèrent du pénitencier de Rawson dans la province de Chubut. Six d'entre eux parvinrent à gagner le Chili de Salvador Allende. Dix-neuf ne réussirent pas à parvenir à l'avion. Ils se livrèrent après qu'on leur eut accordé des garanties pour leur intégrité physique. Le 22 août, les 19 prisonniers furent lâchement fusillés par des rafales de mitrailleuse dans la base navale Almirante Zar. Trois d'entre eux survécurent pour raconter l'histoire que nous récupérons aujourd'hui, pour maintenir vive la mémoire, pour ne pas oublier, ni pardonner.

    asesinados trelewLes fusillés :

    Carlos Alberto Astudillo (FAR), Rubén Pedro Bonet (PRT-ERP), Eduardo Adolfo Capello (PRT-ERP), Mario Emilio Delfino (PRT-ERP), Alberto Carlos del Rey (PRT-ERP), Alfredo Elías Kohon (FAR), Clarisa Rosa Lea Place (PRT-ERP), Susana Graciela Lesgart de Yofre (MONTONEROS), José Ricardo Mena (PRT-ERP), Miguel Ángel Polti (PRT-ERP), Mariano Pujadas (MONTONEROS), María Angélica Sabelli (FAR), Ana María Villareal de Santucho (PRT-ERP), Humberto Segundo Suarez (PRT-ERP), Humberto Adrián Toschi (PRT-ERP), Jorge Alejandro Ulla (PRT-ERP),

    Les survivants :

    Maria Antonia Berger (MONTONEROS), Alberto Miguel Camps (FAR), Ricardo René Haidar (MONTONEROS)

    Six camarades réussirent à fuir le 15 août, gagnant le Chili puis Cuba :

    Roberto Quieto. (FAR), Marcos Osatinsky. (FAR), Domingo Mena, (PRT-ERP), Mario Roberto Santucho, (PRT-ERP), Enrique Gorriarán Merlo. (PRT-ERP), Fernando Vaca Narvaja. (MONTONEROS),

    Les prisonniers de Rawson n'étaient pas seuls. Nombre de voisins de la cité s'offrirent comme mandataires des prisonniers et formèrent l'Assemblée du Peuple. Ils furent eux aussi victimes de la répression d’État quelques mois après l'évasion : le gouvernement national ordonna de nombreuses violations de domiciles et de commerces et finit par arrêter 15 personnes qui furent transférées à la prison de Devoto.

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    Une affiche d'une modération exemplaire : c'est évidemment 12 balles dans la peau que méritent les assassins fascistes (encore vivants) des années noires de la "guerre sale". Quatre murs, c'est déjà trois de trop !

    Il y a 40 ans en Argentine : les martyrs de Trelew


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  • David Rovics est un folksinger radical états-unien, de la région de New York. Bien qu'il manifeste un intérêt certain pour la cause irlandaise, il n'est nullement originaire d'Irlande mais d'ascendance ashkénaze. Il est membre de l'Industrial Workers of the World (IWW), le syndicat révolutionnaire historique en Amérique du Nord. 

    Militant anti-militariste (évidemment) convaincu, il va ici beaucoup plus loin : l'histoire qu'il nous conte est celle d'hommes qui, il y a plus d'un siècle et demi, n'ont pas seulement déserté l'armée US mais rallié les rangs adverses, ceux d'une petite nation misérable, envahie et assassinée par un ennemi puissant et assoiffé de ses richesses : le Mexique.

    Le Bataillon Saint-Patrick, los San Patricios au Mexique où ils sont des héros nationaux, étaient des immigrants essentiellement irlandais, mais aussi allemands ou encore polonais, enrôlés dans l'armée dès leur arrivée aux États-Unis (c'était souvent le seul emploi immédiatement disponible et la promesse d'obtenir la nationalité) et qui confrontés aux exactions d'une guerre de conquête (visant à s'approprier tout le Nord du Mexique, actuel Sud-Ouest des États-Unis, pour y étendre les plantations esclavagistes) firent le choix de la justice et de la solidarité, désertèrent et rallièrent l'armée mexicaine, participant à toutes les grandes batailles (hélas perdues) de ce conflit (1846-47) qui marquera profondément la conscience collective mexicaine et les relations, jusqu'aujourd'hui, avec le voisin impérialiste du Nord.

    Ils donnèrent là un des tous premiers et plus resplendissants exemples, bien que non-conscientisé (ou plutôt conscientisé comme "solidarité d'opprimés catholiques"), d'internationalisme populaire... Car certes, l'époque des révolutions bourgeoises avait elle aussi connu ses internationalistes (La Fayette, Thomas Paine ou Anacharsis Cloots, l'Irlandais William Brown "père de la Marine" argentine ou Garibaldi aux côtés des libéraux d'Uruguay) ; mais là pour la première fois il s'agissait de gens du peuple, de va-nu-pieds, d'ouvriers et de paysans.

    À cette époque, non seulement le socialisme scientifique n'existait pas encore (le Manifeste ne fut rédigé qu'en 1848) mais voici ce que pouvait écrire Engels au sujet de cette guerre quelques années plus tard (1849) : "Comment se fait-il qu'entre ces deux républiques qui, conformément à la théorie morale, devraient être « fraternelles » et « fédérées », comment se fait-il qu'une guerre ait éclaté au sujet du Texas ? Comment se fait-il que la « volonté souveraine » du peuple américain, appuyée sur la vaillance des volontaires américains, ait déplacé à quelques centaines de lieues plus au Sud les frontières tracées par la nature « pour des nécessités géographiques, commerciales et stratégiques » ? Et Bakounine reprochera-t-il aux Américains une « guerre de conquête » qui porte, certes, un rude coup à sa théorie fondée sur la « justice et l'humanité », mais qui fut menée purement et simplement dans l'intérêt de la civilisation  ? Ou bien est-ce un malheur que la splendide Californie soit arrachée aux Mexicains paresseux qui ne savaient qu'en faire  ? Est-ce un malheur que les énergiques Yankees, en exploitant rapidement les mines d'or qu'elle recèle augmentent les moyens monétaires, qu'ils concentrent en peu d'années sur cette rive éloignée de l'Océan Pacifique une population dense et un commerce étendu, qu'ils fondent de grandes villes, qu'ils créent de nouvelles liaisons maritimes, qu'ils établissent une voie ferrée de New York à San Francisco, qu'ils ouvrent vraiment pour la première fois l'Océan Pacifique à la civilisation et que, pour la troisième fois dans l'histoire, ils donnent au commerce mondial une nouvelle direction  ? L'« indépendance » de quelques Californiens et Texans espagnols peut en souffrir, la « justice » et autres principes moraux peuvent être violés ça et là, mais qu'est-ce en regard de faits si importants pour l'histoire du monde  ?" CQFD. Bien sûr, son opinion comme celle de Marx évoluera grandement par la suite à ce sujet (voir déjà ici en 1858 sur l'Algérie et puis bien sûr aussi sur la question irlandaise qui sera un matériau central de cette évolution, Marx et Engels vivant en Angleterre). Mais à l'époque, le fait est que les fondateurs du socialisme scientifique accueillaient favorablement les guerres "civilisatrices"... 

    Les San Patricios, eux, n'avaient aucune conscience socialiste d'aucune sorte. Ils étaient de bons paysans catholiques qui avaient fui leur pays misérable, affamé et écrasé sous la botte britannique (ou russe pour les Polonais, ou des dernières monarchies absolues d'Europe pour les Allemands et les Autrichiens), et avaient gagné le "pays de la liberté". Là, faute de travail (c'était déjà la crise !), ils s'engagèrent dans l'US Army où ils furent en butte à toutes les discriminations et tous les mauvais traitements en tant que néo-arrivants et, de surcroît, "papistes" dans une Amérique dominée par les Anglo-saxons protestants (WASP). Entraînés dans une guerre visant à offrir de nouveaux territoires aux esclavagistes du Sud, ils furent témoins des massacres, des pillages, des viols, des incendies de villages contre une population elle aussi misérable et affamée, mal protégée par une armée dont la désorganisation deviendra proverbiale... Les Mexicains se trouvant également être catholiques et les troupes yankees perpétrant également de nombreux pillages et destructions de biens d'Église, meurtres de prêtres et viols de religieuses, le "déclic" se fit : ils firent le lien avec leur propre oppression subie dans l'armée (et, au delà, dans leur Irlande natale occupée) et ils choisirent de déserter pour combattre aux côtés du Mexique agressé. 

    Voilà encore une illustration de ce que dit inlassablement Servir le Peuple depuis des années : la conscience révolutionnaire a besoin d'une théorie scientifique pour vaincre, mais pas pour exister ni pour faire de très belles choses ; l'oppression engendre objectivement la résistance et la solidarité entre les opprimés ; et cela alors même que parfois, comme le montre l'exemple d'Engels, les théoriciens scientifiques de la révolution sont complètement à côté de la plaque ! Bien entendu, pour des générations, ces hommes furent autant des héros au Mexique (où on leur rend encore hommage tous les 12 septembre, date de leur exécution pour trahison) qu'ils furent haïs aux États-Unis, où leur engagement sera présenté comme une "trahison papiste" d'hommes "fidèles à Rome et non à la bannière étoilée". Étant donné qu'ils ne se définissaient pas comme "socialistes" ni comme "révolutionnaires" et étaient effectivement profondément catholiques, il ne serait d'ailleurs pas surprenant d'entendre le même discours, aujourd'hui, de la part de prétendus "révolutionnaires"...

    On soulignera, en passant, qu'aux côtés des San Patricios combattirent également d'importants bataillons de Noirs qui avaient fui l'esclavage des plantations du Texas, le Mexique ayant quant à lui aboli l'esclavage peu après son indépendance (cette abolition sera d'ailleurs la cause de la sécession des colons anglo-saxons du Texas, en 1836, sécession elle-même en partie à l'origine de la guerre de 1846).

    Des hommes, finalement, COMME IL Y EN A PEU, loin du "patriotisme" béat au pas-de-l'oie mais aussi du pacifisme bêlant et pleurnichard des "bonnes consciences" : des opprimés qui tournèrent leurs fusils contre leurs oppresseurs et se rangèrent du côté d'autres opprimés, contre l'abomination impérialiste. Dans l'État français on peut citer à ce titre l'exemple de Georges Boudarel, "soldat idéologique" (professeur) de l'impérialisme bleu-blanc-rouge, communiste et insoumis à l'"appel sous les drapeaux" en Indochine, qui rallia le Viêt-Minh : 40 ans plus tard, des associations d'anciens militaires d'extrême-droite le traîneront en justice sous la pire des accusations, celle de "crimes contre l'humanité" (ces crimes qu'eux-même auront gaiement perpétrés en Indochine, en Afrique du Nord, à Madagascar etc.). Ou encore celui de l'aspirant (communiste) Henri Maillot, qui déserta pour rejoindre le FLN pendant la guerre de libération algérienne et qui sera capturé, torturé puis sommairement assassiné par l'armée colonialiste.

    Quant aux héroïques San Patricios, eux, eh bien les tyrans, les esclavagistes de "nègres" et autres massacreurs de "peaux-rouges" et de "graisseux" mexicains, en violation de toutes les lois de la guerre (puisqu'ils étaient officiellement des prisonniers ennemis), les firent pendre haut et court au moment précis où la bannière étoilée de la "destinée manifeste" (à opprimer tout un continent) était hissée sur la forteresse de Chapultepec... Que bêlent les moutons, les héros du peuple sont immortels.

    Laissons maintenant David Rovics nous raconter cette magnifique histoire : 

     
     

    0703leahy09My name is John Riley
    I'll have your ear only a while
    I left my dear home in Ireland
    It was death, starvation or exile
    And when I got to America
    It was my duty to go
    Enter the Army and slog across Texas
    To join in the war against Mexico

    It was there in the pueblos and hillsides
    That I saw the mistake I had made
    Part of a conquering army
    With the morals of a bayonet blade
    So in the midst of these poor, dying Catholics
    Screaming children, the burning stench of it all
    Myself and two hundred Irishmen
    Decided to rise to the call

    From Dublin City to San Diego
    We witnessed freedom denied
    So we formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side,
    We formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side

    We marched 'neath the green flag of Saint Patrick
    Emblazoned with "Erin Go Bragh"
    Bright with the harp and the shamrock
    And "Libertad para Mexicana"
    Just fifty years after Wolftone
    Five thousand miles away
    The Yanks called us a Legion of Strangers
    And they can talk as they may

    But from Dublin City to San Diego
    We witnessed freedom denied
    So we formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side,
    We formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side

    We fought them in Matamoroshttp://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/6/60/Sanpatricioshang.jpg
    While their volunteers were raping the nuns
    In Monterey and Cerro Gordo
    We fought on as Ireland's sons
    We were the red-headed fighters for freedom
    Amidst these brown-skinned women and men
    Side by side we fought against tyranny
    And I daresay we'd do it again

    From Dublin City to San Diego
    We witnessed freedom denied
    So we formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side,
    We formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side

    We fought them in five major battles
    Churobusco was the last
    Overwhelmed by the cannons from Boston
    We fell after each mortar blast
    Most of us died on that hillside
    In the service of the Mexican state
    So far from our occupied homeland
    We were heroes and victims of fate

    From Dublin City to San Diego
    We witnessed freedom denied
    So we formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side

    From Dublin City to San Diego
    We witnessed freedom denied
    So we formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side,
    We formed the Saint Patrick Battalion
    And we fought on the Mexican side

    F-IE2

     

     

     


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  • Les délires ultra-gauchistes sont pulvérisés... 

    9 mois à peine après la trahison totale et définitive de la ligne "accordiste" et républicaine bourgeoise Prachanda-Bhattarai, un soleil rouge semble se lever à nouveau sur le pays himalayen. Alors que la "vieille garde" de "centre-gauche" (Kiran, Gaurav) avance encore ses échafaudages "consensualistes" et interclassistes ("Table ronde de tous les partis, avec les travailleurs et les paysans, les dalits et les minorités, les femmes et tous les opprimés" etc.), défendant "l'esprit de 2006 trahi par Prachanda et Bhattarai" ; le texte suivant, publié dans Red Front (nouvel organe de la ligne révolutionnaire en réorganisation dans le PCNU-M), parle clairement de balayer la ligne révisionniste pourrie et de mener la Révolution népalaise à son objectif premier, abandonné en 2006 : le Pouvoir populaire. 

    Netra Bikram Chand 'Biplab' émergerait-il comme le MAO ZEDONG DE L'HIMALAYA ? Il dégage, en tout cas, la jeunesse, la fraîcheur, la vision claire et précise, la détermination et l'optimisme révolutionnaire du jeune "Timonier" lorsque celui-ci, autour de 1930, reprît en main le Parti communiste chinois à la dérive, après la terrible déroute de 1927 et la faillite de la stratégie recommandée par l'IC...

    QUE L'ESPOIR UNE NOUVELLE FOIS SE LÈVE ! VIVE LA GUERRE POPULAIRE JUSQU'AU COMMUNISME !


    Source 

    Le Défi pour la Révolution au Népal - Netra Bikram Chand 'Biplab'


    imager.php La direction de Baburam Bhatterai et Prachanda, dans la Révolution népalaise, s’est à présent désintégrée. Elle a montré l’émergence, à nouveau, de politiques droitistes et réactionnaires dans l’histoire du Népal. 

    La situation est devenue difficile, car leur direction a abandonné l’objectif d’une République populaire fédérale.

    Mais, parce que la ligne prolétarienne dans le Parti est forte, le Parti n’a pas été endommagé et, même si nous faisons face à des problèmes temporaires, notre Révolution est sauve.

    La principale tâche des révolutionnaires à présent est de relancer le mouvement en avant vers la victoire. 

    Il nous faut évaluer la manière dont Prachanda et Bhatterai ont dilué et corrompu notre ligne politique, et avancer une solution claire basée sur les points suivants :

    1. Le Programme d’Assemblée Constituante 

    L’objectif de la Guerre populaire était une République populaire. Après 6 ans de Guerre populaire (GP), le Parti tint son Second Congrès et Prachanda déclara que l’appel à une Assemblée constituante (AC) était une tactique tournée vers l’objectif stratégique d’une République [populaire]. Dans cette même réunion, le débat s’engagea sur comment le premier pouvait s’accorder avec le second. Prachanda développa que l’établissement d’une AC validerait la GP.

    Mais à présent, l’AC n’est pas un instrument pour mettre en œuvre notre programme, mais bien au contraire une arme contre celui-ci. Ceci prouve que la ligne capitulationniste de Prachanda et Bhatterai a été cultivée sous couvert de l’appel à la Constituante, et que la GP a été utilisée comme un mécanisme pour entrer dans les institutions parlementaires de manière opportuniste et réformiste. 

    Il y a eu deux faits marquants dans ce Second Congrès du Parti : premièrement Bhatterai a accepté la ‘Voie Prachanda’ ; et deuxièmement la rencontre de Prachanda et Bhatterai, avec Delhi en arrière-plan, a conduit à l’appel à l’AC. 

    Tous les dirigeants et les cadres savaient que Bhatterai était opposé à une direction centralisée, lors du 4e Plénum du Parti en 1998, disant que cela conduirait à l’autocratie et à la contre-révolution. 

    Les proches de Prachanda disaient que cela allait contre le principe communiste de centralisme démocratique, et que c’était du déviationnisme de droite. Notre Second Congrès mit fin au débat, la direction centralisée s’inscrivant dans l’idéologie du Parti avec la Voie Prachanda, qui devint, après trois mois de discussions, l’idéologie et la ligne du Parti. 

    Il est ironique que Bhatterai acceptât ceci, et devint son principal porte-parole. Nos Partis communistes frères, dans le monde, n’étaient pas d’accord avec cela [la Voie Prachanda]. Si nous analysons ces évènements en profondeur, nous réalisons en fait que Prachanda a persuadé Bhatterai d’accepter la ‘Voie Prachanda’, en échange de sa propre acceptation de la voie parlementaire… 

    Un autre point intéressant est que la revendication d’une AC, d’une table ronde et d’un gouvernement d’union soit apparue si soudainement au Second Congrès. Si nous demandions pourquoi il en avait été ainsi, Prachanda répondait intelligemment que c’était pour donner une légitimité à la GP. 

    Nous savons à présent que l’appel à une Assemblée constituante avait fait l’objet d’un accord entre Bhatterai et le gouvernement indien, six mois avant le Congrès. 

    2. Étape et sous-étape dans la Révolution 

    Lorsque le Parti s’accorda sur l’AC, Bhatterai proposa une théorie des ‘étapes et sous-étapes’, à laquelle des camarades s’opposèrent initialement, mais qui peu à peu prit racine. Prachanda ne la critiqua jamais officiellement, mais dit à plusieurs occasions dans des réunions du Parti qu’elle était ‘bourgeoise et droitiste’. Bhatterai lui-même n’employa jamais le terme de ‘démocratie bourgeoise’ jusqu’à la prise de pouvoir directe du roi Gyanendra, et la dissolution du Parlement en 2004. Mais il est maintenant prouvé que les ‘étapes’ de la révolution proposées par Bhatterai visaient à fusionner la GP avec la démocratie bourgeoise. 

    3. Développement institutionnel de la Démocratie Républicaine 

    Le Plénum de Chunwang, en 2005, déclara la tactique de démocratie républicaine en faisant alliance avec les partis réactionnaires. Cette tactique était entendue comme un mouvement temporaire pour paver la voie à une République populaire. Prachanda déclara clairement dans un document du Parti, que le Parti transformerait cette étape en RP, que les partis du statu quo essaieraient d’établir un capitalisme bourgeois et qu’à ce moment-là, la Révolution montrerait sa détermination. Tout le Parti était d’accord avec cela mais, après le soulèvement populaire (Andolan) de 2006 et la chute de Gyanendra, Bhatterai commença à utiliser le terme de ‘démocratie républicaine’. Nos cadres du Parti n’avaient jamais discuté en détail les implications du développement institutionnel de ce projet. Ce terme impliquait clairement qu’il s’agissait d’un État en faveur du peuple, mais pas du but stratégique du Parti. Cela n’était pas propice pour un pays semi-féodal, néocolonial comme le Népal, où les structures sociales sont restées les mêmes.

    Il a toujours été admis, dans le Parti, que la démocratie républicaine était une tactique transitoire vers une République populaire et rien d’autre. Notre stratégie restait tournée vers cette dernière. Mais le concept de développement institutionnel de Bhatterai a eu pour effet de geler cette transition, et de renforcer la démocratie capitaliste bourgeoise. Cela ne peut pas être l’objectif ultime d’un Parti communiste, et il est capitulationniste d’abandonner la révolution pour changer les structures économiques et sociales et les caractéristiques capitalistes générales de l’État. 

    4. Paix et Constitution 

    À présent Prachanda et Bhatterai sont focalisés sur la paix et la Constitution, comme si tout le reste était illusion. 

    Ils veulent une Constitution bourgeoise et critiquent ceux qui veulent un règlement révolutionnaire pour la paix et la constitution. Le fait est que nous ne voulons pas une Constitution de caractère bourgeois, mais au contraire une Constitution qui garantisse les droits des paysans, des travailleurs, des janjatis, des dalits, des femmes et de l’Armée populaire. Rien de cela n’est mentionné dans les propositions qu’ils ont avancées. 

    Oui, nous avons besoin de paix et d’une Constitution, mais qui soient clairement définies. Ce que nous avons aujourd’hui pose la question de ‘comment pouvons nous apporter une véritable paix ?’ à ce pays, et ‘pourquoi avons-nous combattu dans la Guerre populaire’ ? Ce sont les questions sur lesquelles nous devons nous concentrer. Nous avions un type de paix et de constitution avant la GP mais, dans notre analyse, celui-ci n’était pas en faveur du peuple – bien au contraire. C’était un système qui ne reflétait pas les intérêts du peuple, mais seulement ceux des classes bourgeoise et féodale retranchées. Par conséquent, la grande Guerre populaire fut lancée et une paix et une Constitution en faveur du peuple furent mises en avant. Mais maintenant, ils essayent de reconstruire le système comme il était avant, et c’est inacceptable. Un système élaboré pour fonctionner en faveur de ceux qui étaient la classe dominante auparavant. Cela crée la nécessité de lutter pour un règlement favorable au peuple. 

    5. Démocratie républicaine 

    La ligne politique de Prachanda et Bhatterai les a enfermés dans les limites de la démocratie républicaine bourgeoise. Les raisons qu’ils donnent à cela sont les difficultés pour les révolutionnaires, étant donné le rapport de force national et international. Ce n’est pas vrai ; et le fait est que cela les a conduits à une position droitiste et opportuniste. 

    Ce sont les mêmes personnes qui déclaraient que le précédent système démocratique bourgeois était réactionnaire, et qui dirigeaient la GP pour y mettre fin. Il est clair que les démocrates bourgeois favorisent le capitalisme et nous ferions erreur si nous croyions que ce système bénéficie à notre peuple. Ce sont ces mêmes personnes qui disaient que nous devions accomplir notre révolution et instaurer une République populaire, qui disent aujourd'hui que c’est une aspiration ‘ultra-gauchiste’ et ‘dogmatique’ allant à l’encontre d’une paix durable. Maintenant, leurs activités de collecte des noms des leaders révolutionnaires dans les districts et les villages montrent qu’ils ne sont pas seulement droitistes et capitulationnistes, mais fascistes. Nous savons que l'aboutissement final d’une démocratie capitaliste à l’époque impérialiste est le fascisme, et il apparaît que Prachanda et Bhatterai, en défendant et en mettant en œuvre ce système, travaillent à un tel dénouement. 

    En résumé 

    Le Parti maoïste qui a initié la Guerre populaire, qui a organisé et administré les zones libérées et l’Armée populaire, était devenu le centre de la révolution internationale mais Prachanda et Bhatterai ont vendu ceci à Delhi, au Nepali Congress, à l’UML et aux forces de la réaction en annonçant la fin de la GP, le démantèlement des institutions de Double Pouvoir comme les Tribunaux populaires, les communes et l’APL. Sous leur direction, la Révolution népalaise s’effondre. Comment cela a-t-il pu arriver ? Pour répondre à cette question, nous devons revenir au point, durant la GP, où ils ont introduit l’AC et les ‘tables rondes’ comme deux étapes de la lutte, plan dont l'aboutissement logique était l’établissement d’une démocratie républicaine bourgeoise. Pour faire court, nous pouvons dire que leur agenda fut consolidé lorsque Prachanda a assimilé l’idéologie et la ligne de Bhatterai. 

    Responsabilités révolutionnaires 

    Leur trahison de la Révolution népalaise a ouvert une crise mais n’est pas fatale pour la révolution, nous pouvons et devons relever le défi. Nous avons par conséquent des devoirs et devons sans délai assumer nos responsabilités en nous concentrant sur les quatre points suivants : 

    1) Protéger notre idéologie révolutionnaire 

    Ils attaquent à présent le marxisme-léninisme-maoïsme, en l’utilisant pour affirmer que les conditions objectives spécifiques du Népal obligent la révolution à acquérir des caractéristiques capitalistes bourgeoises, et qu’elle ne peut pas être un modèle pour la révolution mondiale. Les communistes, en bref, doivent accepter une démocratie multipartiste dans un État bourgeois capitaliste. Pour cela, toutes nos structures de double pouvoir ont été démantelées, dissoutes et perturbées. Nous devons nous lever contre la dilution de notre pratique révolutionnaire. Nous devons contre-attaquer cette idéologie qui bloque la Révolution en établissant la démocratie bourgeoise et en renforçant le capitalisme. Il ne fait aucun doute qu’à présent la social-démocratie reflète la crise du capitalisme. 

    2) Formation de Centres révolutionnaires 

    Démanteler la direction de Prachanda et Bhatterai va laisser un vide que les révolutionnaires doivent combler. Ils sont déjà des révisionnistes de droite, quelle que soit la rhétorique ‘révolutionnaire’ qu’ils utilisent, et ceci est devenu un problème majeur devant notre Révolution.

    La Lutte entre Deux Lignes dans le Parti a jeté les fondations d’une direction révolutionnaire, mais formellement Prachanda est toujours le leader du Parti, ce qui leur rend plus facile [à la droite] de mettre en œuvre leur programme révisionniste de droite, et rend plus difficile de mettre en œuvre un programme révolutionnaire. Si nous voulons résoudre ce problème, nous devons poser la question d’une direction révolutionnaire.

    Nous savons fort bien que la direction doit correspondre à notre idéologie, sans quoi nous ne pourrons pas accomplir la révolution. Si nous avons l’idéologie et la stratégie appropriée sans la direction qui va avec, rien n’avancera.

    Il est communément admis, dans le Parti, que jusqu’à présent la situation a été favorable pour une révolution au Népal, particulièrement parce qu'il y a un désir brûlant de changement fondamental parmi les plus marginalisés. Mais Prachanda et Bhatterai ne se sont pas montrés préparés à représenter et organiser une telle éventualité.

    Ils ne sont pas prêts à prendre le ‘risque’ d’une révolution. Donc, en pratique, il n’est pas si difficile pour nous de rompre avec cette attitude timorée et d'aller de l’avant avec audace. 

    3) État populaire alternatif 

    Seul un État populaire peut apporter une alternative pour les droits et la libération du peuple. Le capitalisme parlementaire ne peut remplir ces tâches, mais à présent, Prachanda et Bhatterai sont les porte-paroles de cette politique. Ils disent qu’il n’y a pas d’autre voie que la démocratie bourgeoise, et montrent bien combien leur pensée est devenue droitiste et capitulationniste. Ceci engendre des difficultés pour le peuple et nous devons protester contre cela.

    Les structures de double pouvoir établies pour servir le peuple pendant la GP ont été intelligemment, graduellement et injustement détruites par Prachanda. Au service de ce but, Prachanda a rhétoriquement brandi le slogan de la révolution urbaine et beaucoup de sincères révolutionnaires l’ont cru, alors que l’agenda réel était de mener le Parti vers le parlementarisme bourgeois.

    En fait, en dernière analyse, ceci est devenu contre-productif pour Prachanda.

    Il y a maintenant de nouvelles opportunités pour réunifier le mouvement et la démocratie populaire. Dans la comédie de l’AC, l’attitude de renforcer la démocratie parlementaire est devenue prévalente. Les droits du peuple devaient être éradiqués et l’on devait s’agenouiller devant les puissances internationales de l’impérialisme, ce qui a inspiré une puissante résistance populaire contre cette tendance. 

    4) Lutte révolutionnaire 

    Sans lutte, l’ancien ne peut mourir et le nouveau naître ; et tant que le système parlementaire est là nous devons diriger nos efforts contre lui. Après les élections pour la Constituante, nous n’avons pas essayé de réorganiser notre révolution. Les slogans les plus extrêmes de Prachanda n’étaient faits que pour leurrer les révolutionnaires.

    Il y a des problèmes pour les fermiers et les paysans avec la restitution, par Prachanda, des terres expropriées aux zamindars (seigneurs féodaux). Il y a des problèmes pour les travailleurs, mais Prachanda et Bhatterai envisagent de leur retirer le droit de faire grève. Lorsque nous parlons de nos problèmes de souveraineté nationale, ils signent toujours plus de traités inégaux.

    Ils ne prennent aucune responsabilité vis-à-vis des problèmes quotidiens affrontés par les gens ordinaires. Et ils critiquent les révolutionnaires comme ‘ultra-gauchistes’ pour soulever ces questions. Ces exemples prouvent qu’ils se préparent à interdire toute lutte future mais la ligne révolutionnaire est forte dans le pays et le peuple la soutient. Il n’y a pas d’autre alternative pour nous que de réorganiser les forces révolutionnaires dans les jours et les mois qui viennent. 

    Conclusion 

    L’axe Prachanda-Bhatterai est d’ores et déjà discrédité au sein de la Révolution népalaise. C’est la réalité, car ils ont prouvé tout au long des six dernières années être des agents de la démocratie parlementaire bourgeoise. Ceci s’est exprimé dans le démembrement des structures populaires de double pouvoir, comme dans leur corruption financière personnelle. C’est une preuve de plus que l’agenda de Bhatterai, de sous-étape révolutionnaire, et l’adoption par Prachanda de ce stratagème, a conduit à leur abandon du communisme révolutionnaire pour la démocratie capitaliste bourgeoise. 

    L’alignement droitier dans le Parti doit être la cible des révolutionnaires, et ceci en accord avec les principes du MLM. Il doit être transformé et réintégré dans les forces révolutionnaires, ou éliminé. Après avoir identifié la tendance droitiste/réformiste dans le Parti, il n’en restera plus pour longtemps. 

    Il y a une alternative logique au système capitaliste parlementaire et c’est la République populaire qui abordera et résoudra les problèmes du peuple. Ceci sera accompli par les communistes et les démocrates patriotes, se donnant une direction en faveur d’une paix permanente et du développement et de la prospérité du pays. 

    Il n’y a pas d’autre voie et c’est une nécessité pour le centre révolutionnaire d’établir une République populaire. Nous devons accepter cette vérité et mettre en œuvre cette stratégie. C’est la responsabilité première des révolutionnaires et de ceux qui veulent mener la Révolution népalaise vers de nouveaux sommets.

    Lgtang2-28

    Il faudrait être fou, ou aveugle, pour ne pas voir la RUPTURE et le SAUT QUALITATIF que constitue cet article. Jusqu'à présent (et depuis 2008-2009 à vrai dire), la "gauche" du Parti (Kiran, Gaurav, Badal etc.), c'était la défense de "l'esprit de 2006", de "l'esprit de Chunwang", de l'objectif quasi-stratégique de "Paix et Constitution", objectif que Prachanda et Bhattarai auraient "trahi". SLP, parmi d'autres, avait bien sûr appuyé ces prises de position, car il était positif que des responsables importants se dressent contre la liquidation totale et définitive du Parti, plutôt qu'il n'y ait rien. Mais pour la première fois, ici, l'article de Biplab ose dire que "l'on nous a fait avaler des couleuvres", depuis le 2d Congrès du Parti (2002) en passant par Chunwang (2005), avec la prétendue "tactique" d'Assemblée constituante, d'alliance et d'"étape" républicaine avec les partis bourgeois, etc. C'est toute cette prétendue "tactique" suivie depuis 10 ans, ainsi que la "synthèse idéologique" de la "Voie Prachanda", qui est clairement rejetée.

    Mieux : Biplab met ici nettement en évidence la logique NÉO-BOURGEOISE qui sous-tend tout ce cirque... C'est ce qui rendait les "critiques" de 2006 incompréhensibles : "Prachanda a dit ceci", "Prachanda a dit cela", "il rejette Staline" (houlala ! graaaaaave !!!), etc. ; mais à aucun moment, n'était posée la question de la base matérielle de cette pensée liquidatrice. Ceci est, au contraire, parfaitement exposé ici : sous couvert d'une "tactique", que tout cela aurait très bien pu être, et qui a servi à la faire "avaler" aux militants, une petite clique avait pour objectif stratégique l'instauration d'une République parlementaire bourgeoise, où elle pourrait se vautrer dans les ors du pouvoir. Une petite clique qui n'a, en définitive, mené la Guerre populaire que pour négocier sa place dans l'oligarchie. Bien évidemment, des milliers de paysans, de prolétaires et de cadres sincères du Parti l'ont menée pour une toute autre chose : la liberté, le pain, la dignité pour tou-te-s, la justice, l'émancipation humaine ; bref, la République populaire, qui mènerait le peuple du Népal de l'ordre semi-colonial semi-féodal vers le communisme. C'est entre leurs mains que repose désormais l'avenir de la Révolution, la poursuite du long chemin d'émancipation des masses népalaises. 

    À présent que la rupture idéologique avec l'escroquerie "accordiste" est consommée sur le papier, il reste à définir une stratégie adaptée pour la reprise de la lutte. Car dans le même temps, le ciel s'assombrit terriblement ! Prachanda et Bhattarai étaient la "carte" de l'oligarchie tant qu'ils "tenaient" le mouvement de masse (ces 40% de la population qui ont voté maoïste en 2008) et le Parti. Si une direction révolutionnaire émerge et qu'ils ne peuvent l'empêcher, alors leur heure a sonné... et vient celle, peut-être, d'une "solution chilienne" (Pinochet 1973) ! Les tenants de la ligne révolutionnaire au Népal doivent absolument éviter les erreurs fatales comme celle d'une stratégie exclusivement insurrectionnelle urbaine, qui ne les mènerait qu'au même massacre que les communistes chinois en 1927. Ils doivent, d'ores et déjà, se préparer à la Longue Marche et au Yenan, au repli tactique du flambeau révolutionnaire vers la sécurité des zones montagneuses... Au niveau de la pensée, avec l'article de Biplab, la Guerre populaire vient de renaître (qu'importe si lui-même revenait sur ses propos, ou ne les assumait pas : son article est le marqueur d'une réalité, d'un sentiment présent dans les masses avancées du pays). Mais cela, la classe dominante ne va pas tarder à le comprendre, et il faut à tout prix éviter qu'elle n'écrase le bourgeon à la naissance !


    [NDLR : moins de deux semaines après cet article était officialisée la scission de l'aile gauche de l'U'c'PN-'m' (Kiran, Gaurav, Badal, Basanta et bien sûr Biplab) et la formation d'un nouveau Parti communiste maoïste du Népal. Voici ci-dessous un article qui lui est consacré.]

    Publié le 16/08 dans Correo Vermello - Source

    Selon des informations de la presse népalaise, le PCN-maoïste présidé par le camarade Kiran a effectué un bilan de son développement et de son influence, affirmant que plus de 65% des cadres et des militants ayant participé à la Guerre populaire ont intégré le nouveau Parti.

    Ce bilan a été réalisé par le Bureau politique dans une réunion mercredi dernier. Au cours de la même réunion, il a été estimé que le développement de l'organisation est dû au fait qu'elle se trouve toujours plus enracinée dans les masses populaires et leurs véritables problèmes. De la même manière, la réunion a conclu qu'il y avait deux raisons principales à l'attraction toujours plus grande pour le nouveau Parti. La première est que la position des leaders au niveau étatique et de district a été relativement claire, révolutionnaire et qu'ils ont contribué beaucoup à la Guerre populaire.

    La seconde est que le Parti continue à porter de l'avant la ligne de Guerre populaire que le PCNU(M) de Prachanda a abandonnée, dans le Parti comme à l'Assemblée constituante. Le nouveau Parti maoïste PCN-m a développé les thèmes de la souveraineté nationale, du fédéralisme, la question de l'éducation inclusive et du système électoral proportionnel. Quasiment tous les responsables des organisations de masses sœurs se sont unis au nouveau Parti. De même, la réunion est venue à la conclusion que les comités de Tharuwan, Newa et Magar étaient les plus forts entre les 13 commissions organisées au niveau étatique.

    Il est certain, cependant, que le grand nombre de questions en suspens (la stratégie à suivre et les tâches immédiates, le rapport à la Chine dans la défense de la souveraineté nationale (la stratégie à suivre et les tâches immédiates, le rapport à la Chine dans la défense de la souveraineté nationale - la "jouer" tactiquement contre l'Inde ou en faire une véritable alliée "progressiste", l'évaluation des Accords de 2006 - mauvais en eux-mêmes, position de Biplab, ou simplement "trahis"... - etc. etc.) appelle de nouvelles et intenses luttes de lignes... et c'est bien normal : tel est, depuis toujours, le processus dialectique de l'émancipation révolutionnaire humaine ; un se divisant perpétuellement en deux !


    LA RÉVOLUTION NÉPALAISE VIVRA ET VAINCRA !

     

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  • Matérialisme dialectique et matérialisme historique

    Cet article publié il y a peu donne un aperçu des principales notions du matérialisme dialectique et de la "dialectique matérialiste de l'histoire", avec des liens renvoyant vers des documents explicitant ces notions : La "négation de la négation" et le maoïsme 

    On peut se référer aussi au texte de référence de Staline : Matérialisme dialectique et matérialisme historique. 

    Ou encore cet exposé assez clair et précis (de communistes suisses) : Le matérialisme dialectique.

    Servir le Peuple a également donné un exposé du processus dialectique de la révolution prolétarienne dans les deux articles suivants :
    -
    Sur le processus révolutionnaire
    - Sur le processus révolutionnaire (2) : vers le communisme

    Engels.jpgLa conception matérialiste dialectique/historique de SLP repose sur l'idée que l'histoire humaine, comme tout phénomène vivant, progresse par des "cycles", des processus complexes de négation de l'ordre social existant qui ne se referment, cependant, pas "à la case départ" mais à un niveau supérieur. Chaque "grand cycle" se subdivisant en "petits cycles" qui en sont les étapes, chacun rapprochant de l'objectif final de l'humanité qui est le communisme. Le point de rupture de chaque "grand cycle" étant le moment où le rapport de force entre les deux classes principales formant l'"unité sociale des contraires" (l'unité des contraires qu'est la société) s'inverse ; où la classe dominée principale devient la classe dominante. Ainsi, si l'on prend l'espace géographique appelé "France" : la négation de l'ordre social féodal par le capitalisme commence avec le mouvement communaliste du Moyen-Âge (12e-13e siècles) et s'achève, pour ainsi dire, dans le "capitalisme triomphant" de la fin du 19e siècle, symbolisé par exemple par l'Exposition universelle de 1889 à Paris ; ou peut-être carrément au 20e siècle, lorsque le capitalisme a finalement englobé toute la société, tous les rapports sociaux. Son "point de rupture" est la Révolution de 1789 : lorsque la bourgeoisie est devenue la classe dirigeante de l’État. Mais la Renaissance et son "humanisme", le siècle des Guerres de Religion puis l'absolutisme sur lequel celui-ci débouche (et où la monarchie se fait objectivement l'alliée du développement capitaliste), ou encore les révolutions de 1830 et 1848, ou enfin la "révolution républicaine" de 1870-1905 (négation des dernières traces féodales, dont le pouvoir de l’Église) sont des "petits cycles" de ce "grand cycle". Avec les luttes ouvrières du 19e siècle (en 1848 notamment, lorsque le mouvement ouvrier rompt définitivement avec le mouvement démocratique bourgeois) commence le "grand cycle" de la Révolution prolétarienne, de la négation du capitalisme pour instaurer, cette fois-ci, le communisme. Mais la négation capitaliste de la féodalité a elle-même rapproché l'humanité du communisme, en développant le caractère social de la production (en grands collectifs de travail) et une société basée sur la connaissance scientifique, la technologie etc.

    Cette vision rejette la vision "étapiste mécanique" des processus historiques, qui a été celle des mencheviks mais aussi, malheureusement, de beaucoup de ML (il faut d'abord une révolution démocratique bourgeoise, puis on fera une révolution socialiste, etc.) ; mais aussi la vision d'un processus révolutionnaire "linéaire et sans accroc", qui est celle de certains trotskystes (la "révolution permanente") mais aussi de certains "maoïstes", pour lesquels à la première embûche, "tout est fini", "les carottes sont cuites"... NON, messieurs les doctes "gardiens" de la "science MLM", au Népal "tout" n'est pas fini ! Au Népal, il y a eu un CYCLE (1990-2010), un "petit" cycle du grand processus qui est celui de la libération démocratique et anti-impérialiste des masses travailleuses. Comme la période 1911-27 a été un cycle du même processus en Chine. Aujourd'hui, le "bloc" Prachanda-Bhattarai a rejoint l'UML et d'autres groupes "marxistes" révisionnistes dans le camp de la Réaction, de l'oligarchie et de Lgtang2-28l'impérialisme, comme le Kuomintang chinois en 1927 ; mais cela ne veut nullement dire que "tout est fini" ! Un nouveau cycle s'ouvre (le rejet de l'état de fait actuel est déjà puissant dans les masses), un nouveau Parti révolutionnaire émergera, et il mènera cette fois-ci les masses populaires opprimées, sous la conduite du prolétariat, au pouvoir... 

    Réforme et Révolution

    L'histoire des sociétés humaines est un phénomène dont la force motrice est la lutte des classes : la contradiction déterminante (à chaque époque) entre une classe dominante et une classe dominée principale, dirigeante dans la lutte contre la dominante (car il y a, toujours, plusieurs classes dominées). Sous la féodalité, étaient dominées et opprimées la bourgeoisie, la paysannerie (plus ou moins riche ou pauvre) et les ancêtres de la classe ouvrière (compagnons etc.) ; mais la classe dirigeante de la lutte contre les féodaux était la bourgeoisie, ainsi qu'une certaine paysannerie aisée (fermiers etc.). Sous le capitalisme, au stade des monopoles, toutes les classes (même une certaine "moyenne bourgeoisie" : patrons de PME etc.) sont d'une certaine manière "dominées" par la bourgeoisie monopoliste ; néanmoins, la seule classe révolutionnaire jusqu'au bout est le prolétariat.

    Dans cette lutte entre classes, ce qui anime chaque classe en présence est, en définitive, la reproduction de ses conditions d'existence. Sachant que l'espèce humaine est douée d'intelligence, et ne se limite donc pas à des motivations communes à tous les animaux (se nourrir etc.), mais a aussi des motivations spécifiquement humaines : la connaissance et la compréhension du monde qui l'entoure (culture), le divertissement et autres plaisirs qui ne sont pas strictement nécessaires à la survie (mais le sont à l'équilibre mental), etc.

    Globalement, "parallèlement" (en quelque sorte) à cette contradiction entre classe dominante et classes dominées, la contradiction motrice de chaque mode de production est qu'il développe les forces productives (qui ne cessent jamais de se développer, contrairement à l'affirmation de Trotsky dans le "Programme de transition"), que ce développement génère des besoins, des aspirations, un "seuil minimum de satisfaction/tolérance" dans l'existence, et en définitive une conscience collective ; et qu'en fin de compte les rapports de production et l'ensemble des rapports sociaux (y compris non-liés au procès de production), bref l'organisation sociale créée par la classe dominante se retrouve obsolète, dépassée. Comme si un adolescent en pleine croissance avait les mêmes vêtements qu'à 12 ans : il est évident que ceux-ci craqueraient de toute part.

    Cela amène parfois à dire, "parallèlement" à la contradiction de classe bourgeoisie monopoliste / prolétariat, que la contradiction motrice du capitalisme est celle entre le caractère social de la production (en grands collectifs de travail, permettant un grand développement des forces productives) et la propriété privée des moyens de production (qui permet l'accaparement capitaliste de la plus-value, fait de la force de travail une marchandise et sous-tend toutes les relations humaines et l'organisation sociale). Dans la féodalité, c'était la contradiction entre la propriété utile du bourgeois et du paysan sur ses moyens de production, et la propriété éminente du seigneur qui lui permettait de s'accaparer une partie de la production (en taxes, "taille", péages etc.) ou carrément une partie de la force de travail, Paysans5gratuitement (corvées) ; d'où l'expression "taillable et corvéable". Au début de la féodalité, cette propriété éminente était justifiée par la protection du roturier par le seigneur, contre les guerres incessantes, invasions ou crises alimentaires ; mais il est clair qu'au 15e ou 16e siècle elle était devenue complètement inutile et parasitaire, permettant uniquement aux aristocrates et aux religieux de vivre grassement sans travailler, en entravant le développement de la production et de l'échange (commerce).

    C'est la même chose pour le capitalisme : au début, la nécessité de rentabiliser son capital a donné une impulsion colossale au développement de la production, de la science, des techniques, des échanges ; mais aujourd'hui, la propriété capitaliste des moyens de production permet surtout à une classe de rentiers (actionnaires, dirigeants sociaux, banquiers etc.) de vivre parasitairement en ne travaillant pas ou peu (uniquement pour assurer la survie de leur affaire) tandis que des millions de gens se lèvent le cul à 5 heures du matin embouteillage-sur-le-peripherique_940x705.jpgpour gagner 1000 € par mois (ici) ou carrément 200 ou 300 € (ailleurs). Et le développement des forces productives développe parallèlement la conscience, dans les masses, de mériter mieux que cette vie-là. Cette conscience se heurte aux rapports de production (patron/salariés, cadres/exécutants) et à l'ensemble des relations sociales découlant de la propriété privée des moyens de production (et de l'accaparement capitaliste de la plus-value) : elle entre en lutte et, en s'organisant pour agir, devient une force matérielle.

    À partir de là, le mouvement réel de la lutte a deux débouchés possibles :

    => soit la classe principale des classes dominées (ici, le prolétariat) renverse la classe dominante, sa propriété des moyens de production et son État, qu'elle remplace par sa propre propriété (collective dans le cas du prolétariat) et son propre État : c'est la révolution, on change de classe dominante et de mode de production (progressivement, les rapports de production et tous les rapports sociaux capitalistes sont abolis et remplacés par des rapports collectivistes, égalitaires, solidaires, amenant au communisme) ;

    => soit la classe dominante s'adapte et réussit à améliorer l'organisation sociale, pour la faire "coller" (ou presque) au niveau des forces productives et au niveau de conscience engendré : c'est une réforme, un processus réformiste. C'est le cas des grandes réformes de la Libération (reprenant celles de 1936, abolies par Vichy, et en ajoutant d'autres). Ou encore, les réformes sociales post-Grenelle (1968) et de 1981-82, couplées aux réformes politiques et "sociétales" entre (globalement) 1975 et 1985 (sous Giscard et "Mitterrand I").

    Dans le langage politique courant, la partie de la bourgeoisie qui "milite" pour cette nécessaire adaptation est appelée la GAUCHE (plus ou moins modérée ou "radicale"). La partie qui y résiste, plus ou moins fort, est la DROITE (plus ou moins modérée ou réactionnaire). Il s'agit d'une contradiction au sein de la classe dominante (comme peut l'être la concurrence entre entreprises au quotidien), elle peut parfois prendre un caractère très aigu (par exemple la droite éliminant physiquement la gauche, comme au Chili en 1973), mais c'est une contradiction secondaire : elle n'est pas motrice en tant que telle de l'histoire ; elle est subordonnée, déterminée par la contradiction bourgeoisie/prolétariat, caractère social de la production/propriété privée des moyens.

    Le mouvement réel de la lutte des classes ne se déroule pas de manière linéaire, "en ligne droite" : il a des cycles, des fluctuations ; comme parallèlement le développement des forces productives par le capitalisme a des cycles, des fluctuations. Le capitalisme, par sa nature même, traverse des CRISES.

    Certaines sont des crises cycliques de surproduction de marchandise (excès de l'offre par rapport à la capacité d'absorption de la demande). Ces crises sont généralement temporaires : le capitalisme "fait le ménage tout seul", par la "sélection naturelle", les faillites suffisent à réajuster l'offre avec la demande. Depuis le 20e siècle et jusqu'à nos jours, l'intervention de l’État, avec divers "amortisseurs", suffit à en limiter les conséquences humaines (chômage et tout ce qui en découle).

    Mais d'autres, beaucoup plus graves et longues, sont les crises de SURPRODUCTION ABSOLUE DE CAPITAL. Il y a trop de Capital (C) accumulé, on ne sait plus qu'en faire ; le réinjecter dans la production ne donne pas un profit (P) supérieur (ou alors, très faiblement) et, donc, un taux de profit (P/C) inférieur à ce qu'il était avant (P/C', avec un C' < C et un P inchangé ou presque)... Le taux de profit s'effondre.

    Ce sont des crises terribles, qui s'étalent sur plusieurs dizaines d'années. Elles ne touchent pas seulement l'économie (le secteur productif), mais l'ensemble de la société et des rapports sociaux : ce sont des crises économiques, politiques, sociales et morales (culturelles).

    Ces crises sont : celle (relativement courte) qu'a traversé le monde capitaliste dans les années 1870-80 ; celle qui a dominé la première moitié du 20e siècle (avec les deux guerres mondiales) [après réflexion, nous pensons que l'on peut regrouper ces deux premières en une seule première crise générale du capitalisme 1870-1945, ayant simplement connu une "accalmie" entre 1895 et 1914] ; et celle toujours en cours, qui dure depuis les années 1970.

    Pour ces crises, il n'existe que deux voies de sortie :

    => une refonte complète et planétaire de l'organisation productive et sociale capitaliste, pour déboucher sur un "monde neuf" où peut reprendre l'accumulation du capital. C'est un processus terriblement douloureux pour les masses de l'humanité, qui passe par des guerres locales ou mondiales exterminatrices, des destructions colossales de forces productives, des régimes fascistes qui balayent tous les acquis humanistes et démocratiques des révolutions bourgeoises, une tendance du Capital (monopoliste) à modeler toute la société à son image et selon ses intérêts. Cette réorganisation de l'organisation sociale peut prendre la forme de grandes concessions démocratiques et économiques aux masses populaires : c'est ce que l'on appelle la social-démocratie. Mais alors, le pays concerné se transforme en "cité grecque" qui a besoin, pour son confort de vie et sa prospérité, d'une masse 10 fois plus nombreuse de "hilotes" ou d'"esclaves"... Cette foule "esclave", il va la trouver dans les pays dominés par l'impérialisme (Lénine abordait déjà la question dans son ouvrage de 1916...). Le fascisme, lui aussi, ne peut assurer le niveau de vie qu'il veut offrir aux masses (sans l'aspect démocratique) qu'à travers la conquête et le pillage. Au final, les guerres sur lesquelles débouchent obligatoirement ces tentatives débouchent elles-mêmes sur un monde reconfiguré. La crise de 1873 fut résolue, assez rapidement, par le partage du monde entre grands pays capitalistes (Conférence de Berlin en 1885 etc.), l'exploration et la colonisation de régions jusque là "vierges" (c'est-à-dire encore dans la société primitive ou féodale) etc. etc. Ce fut l'entrée totale et définitive dans l'époque de l'impérialisme (l'exportation de capitaux devenant principale sur l'exportation de marchandise). Mais une fois le monde partagé, comme l'explique bien Lénine dans 1914-18.jpgL'Impérialisme, il ne restait plus que le repartage ; donc la GUERRE MONDIALE. C'est donc par les deux guerres mondiales, et des dizaines d'autres "petits" conflits localisés entre 1898 et 1945 (guerre hispano-US, guerre des Boers, guerre russo-japonaise, guerres balkaniques, guerres gréco-turques, guerre du Chaco, guerre sino-japonaise, guerre d’Éthiopie et même guerre d'Espagne, qui fut aussi une lutte d'influence entre italo-allemands et franco-anglais) que se résolut la grande crise générale du capitalisme. Elle déboucha sur un repartage des zones d'influence, l'émergence d'une superpuissance (les États-Unis) dont les autres impérialismes devinrent des "vassaux" (plus ou moins fidèles ou turbulents) ; superpuissance contrebalancée uniquement (jusqu'en 1990) par l'URSS, mais celle-ci devint progressivement une puissance impérialiste comme les autres ; la fin des grands Empires coloniaux (et leur remplacement par une domination indirecte) ; la transformation des pays impérialistes et avancés (Europe de l'Ouest, Amérique du Nord, Japon et Asie-Pacifique, Australie etc.) en sociétés de consommateurs ; et surtout, l'inclusion (progressivement, jusqu'à la fin du siècle) de la quasi-totalité de l'humanité dans les rapports de production capitalistes (dominés par les monopoles européens, anglo-saxons et japonais), donnant lieu à une nouvelle division internationale du travail. La dernière crise, commencée dans les années 1970, est entrée depuis le milieu des années 2000 dans sa phase terminale ; et l'on ignore comment elle se terminera.

    OU ALORS

    => la révolution prolétarienne ; l'abolition du mode de production capitaliste et l'instauration de rapports sociaux transitoires ("socialistes") vers le communisme. En plus de la crise elle-même (effondrement du taux de profit), le fait que la révolution soit à l'ordre du jour renforce la férocité des dominants, leurs massacres et guerres d'extermination, et la nécessité d'une réorganisation totale des rapports sociaux.

    La crise générale de la première moitié du 20e siècle déboucha sur une PREMIÈRE VAGUE de révolutions prolétariennes, qui couvrirent au milieu du siècle jusqu’à 1/3 de la population mondiale. Mais, pour de multiples raisons, les "cadres" de ces États révolutionnaires se muèrent en néo-bourgeoisie et rétablirent le capitalisme. Le vague "mourut" dans les années 1975-90. Aujourd'hui, avec la nouvelle crise générale, une DEUXIÈME vague de révolutions prolétariennes se lève dans le monde. On peut dire que la Guerre populaire au Pérou (1980-93) a été la "passerelle" entre la première et la deuxième vague ; laquelle a ensuite pris son essor avec la Guerre populaire au Népal (1996-2006), la reprise de Guerre populaire aux Philippines (fin des années 1990) et maintenant en Inde.

    En résumé :

    Gdes-conquetes-sociales-PC-36-.jpg> Réforme = adaptation des rapports de production et de l'ensemble de l'organisation sociale, par des mesures politiques ("droits", "libertés" etc.) et économiques (augmentation des salaires, diminution du temps de travail, congés payés, salaire minimum etc.), au niveau de conscience de masse induit par le niveau des forces productives. L'ensemble de ces mesures a un coût élevé. Elles sont permises par l'exploitation accrue des pays dominés, de leurs ressources et de leur force de travail. En temps de crise, elles sont intenables et conduisent à la guerre. Dans les pays dominés, elles peuvent être permises par une certaine réappropriation du produit national (comme au Venezuela avec Chavez) mais mènent au conflit avec l'impérialisme (et au renversement des réformistes, ou à leur "retour dans le rang"). Dans les pays "émergents", elles peuvent être permises par le fait que les pays impérialistes en crise vont y transférer la production pour essayer de maintenir le taux de profit (coût du travail moindre), permettant une forte croissance du PIB (cependant, cela restera très limité : dans chacun des B-R-I-C-S, la pauvreté relative du prolétariat par rapport aux classes favorisées reste terrible - idem dans les "dragons" et "tigres" asiatiques, les pays du Golfe etc.).

    Dans les pays impérialistes, la première grande crise générale du capitalisme a liquidé les forces politiques bourgeoises traditionnelles, "conservateurs", "libéraux" ou "radicaux", et polarisé la politique bourgeoise autour de la social-démocratie bourgeoise (symbolisée par Keynes, le New Deal, le Front populaire, la Suède) et du fascisme. Après 1945, le fascisme (de temps de crise et de guerre) a été remplacé en période de paix et de croissance par un "social-conservatisme" plus ou moins autoritaire (gaullisme, "système DC" en Italie, "système PLD" au Japon, "système CDU-CSU" en Allemagne etc. ; recyclant les vieux personnels fascistes - pétainistes en France - voire carrément les programmes - le programme du gaullisme était totalement repris des Croix-de-Feu des années 1930).

    Dans la nouvelle crise générale (depuis les années 1970), l'option social-démocrate/keynésienne semble se réduire comme une peau de chagrin (et ses forces politiques avec). Les deux partis qui (en général) polarisent la vie politique bourgeoise glissent inexorablement vers la droite, dans la liquidation des conquêtes démocratiques et sociales, le contrôle et la répression "préventive" des masses populaires ; tandis que les forces fascistes (parfois rebaptisées "droites populistes") ressurgissent en force.

    > Révolution = renversement de la classe dominante et de tout l'ordre social existant ; négation du mode de production et des rapports sociaux capitalistes ; affirmation d'un mode de production et de rapports sociaux communistes ; dans une phase de transition appelée SOCIALISME. Organisés démocratiquement, les prolétaires et les autres classes populaires autour d'eux exproprient et lenin1917s'emparent des moyens de production ; ils détruisent le vieil État bourgeois (n'en laissant pas "pierre sur pierre") avec toutes ses institutions, son organisation administrative, ses "relations sociales entre territoires" etc. ; et fondent leur propre État sur ces nouvelles bases.

    Un grand débat, dans le mouvement communiste, depuis les origines (en tout cas, depuis le début du 20e siècle), consiste en l'analyse des "réformes" : lorsque le "système" de domination capitaliste, sous la pression de la lutte du prolétariat et des classes populaires comme de sa propre crise, est amené à se réorganiser ainsi, a-t-on avancé ou reculé par rapport à l'objectif (conquête du pouvoir) ? Beaucoup pensent que l'on a reculé, que le système de domination capitaliste est renforcé, "plus fort que jamais"... C'est une thèse erronée, pessimiste et anti-dialectique. Aucun "cycle", aucun "processus" de négation du capitalisme par le prolétariat (par le caractère social de la production) ne "ramène en arrière". La défaite est éclatante en apparence : on n'a pas réussi à renverser la classe dominante / conquérir le pouvoir ; les consciences sont "endormies" par les concessions accordées... Mais c'est une défaite temporaire. Ne serait-ce que parce que les concessions accordées vont créer un "niveau de conscience supérieur" : une conception d'une "vie digne", des attentes et des aspirations, des notions d'"acceptable" et d'"inacceptable" plus élevées, plus avancées vers le socialisme et le communisme. Et lorsque, sous l'effet d'une nouvelle crise (brusque chute du taux de profit), la bourgeoisie va tenter de "reprendre de la main droite ce qu'elle a accordé de la main gauche", elle va se heurter à une nouvelle résistance acharnée du prolétariat et des masses, qui peut déboucher sur une situation d'ingouvernabilité, une situation révolutionnaire, si les communistes savent la conscientiser et l'organiser dans la durée. C'est ce que l'on voit en Grèce, où il greek-riots-2n'y a malheureusement pas de Parti communiste à la hauteur des enjeux (car la prise du pouvoir serait possible), mais où le pays entier est en feu. Le capitalisme, aujourd'hui en France, se donnerait beaucoup d'air en ramenant les masses populaires à leur condition de 1920 ou 1930 (48 heures de travail par semaine, pas de congés, pas de protection sociale etc.)... mais ce n'est pas possible sans provoquer une situation d'ingouvernabilité du pays, sans compter que cela impacterait la consommation (qui ne pourrait plus absorber l'offre) ; et c'est une contradiction intenable.

    Si, aujourd'hui, la remise en cause du "modèle social" dans les pays impérialistes ("grand chantier" des bourgeoisies depuis les années 1980) ne débouche pas sur une situation révolutionnaire, c'est en raison de la faiblesse du mouvement communiste et (partant de là) du mouvement ouvrier/populaire organisé en général. C'est parce que (cf. ci-dessous) beaucoup préfèrent regarder les places à prendre au niveau électoral (ou bureaucratique-syndical) tandis que d'autres préfèrent se regarder le nombril en s'imaginant être Lénine réincarné, plutôt que de reconstruire un mouvement communiste digne de ce nom. Partant de là, les travailleurs luttent pour sauver ce qu'ils peuvent, sous la conduite de partis et syndicats réformistes (chargés de négocier le "moindre mal" avec la bourgeoisie) toujours plus tirés vers la droite. Prière, donc, de ne pas faire porter le chapeau de sa propre incompétence, aux conquêtes que les masses en lutte ont (malgré tout) réussi à arracher au siècle dernier...

    Le Parti révolutionnaire

    partisans.jpgLe Parti révolutionnaire communiste, guidé par la conception communiste du monde et la stratégie révolutionnaire adaptée à la situation concrète (élaborées à la lumière de la science marxiste de notre époque : le marxisme-léninisme-maoïsme) ; est l'avant-garde la plus consciente et organisée de la seule classe révolutionnaire jusqu'au bout : le prolétariat.

    Le Parti ne descend pas du ciel, apporté par le "génie" de quelques cercles "éclairés" : il naît, se forge et grandit dans le mouvement réel de la lutte des classes au quotidien, dans la résistance quotidienne (pas seulement lors de "grands mouvements" médiatisés) du prolétariat et des classes populaires opprimé-e-s contre l'oppression de la classe dominante ; car "là où il y a oppression, il y a résistance", tel est le mouvement dialectique de toutes les luttes entre classes sous tous les modes de production ; et "le marxisme comporte de multiples principes, mais ils peuvent tous se ramener en dernière analyse à une seule phrase : on a raison de se révolter contre les réactionnaires" (Mao).

    Ainsi, du mouvement dialectique de résistance (du prolétariat) contre l'oppression (capitaliste), naît la conscience de classe (d'être opprimé en tant que classe), la volonté d'en finir avec "ce qui cause nos misères", et la nécessité de s'organiser et d'agir pour cela. Lorsque la conscience s'organise pour agir, elle devient une force matérielle. Ensuite, dans le mouvement réel de la lutte, de la résistance à l'oppression, différents degrés de conscience (des problèmes et des buts) et d'organisation se détachent au sein des masses...

    pce---cartell.jpgAinsi naît une avant-garde à la conscience (de la situation et des objectifs, du problème - le capitalisme - et de sa solution - son renversement révolutionnaire) et à l'organisation plus avancée, et qui, en forgeant encore dans la science marxiste ET dans la pratique sa conception du monde et sa stratégie révolutionnaire, devient le Parti ; et agrège alors autour d'elle toutes les luttes des opprimé-e-s et des exploité-e-s dans la grande lutte pour le renversement de la domination : la GUERRE POPULAIRE.

    Ce phénomène, appelé le Parti, est, il faut le dire, beaucoup plus rare en réalité qu'en apparence. Il ne suffit pas de se dire "Parti" pour l'être ; il ne suffit pas de se dire communiste pour être communiste. C'est malheureusement ce que de nombreux-ses jeunes (ou moins jeunes) prolétaires, venus frapper à telle ou telle porte sur laquelle est écrit "communiste", expérimentent tous les jours.

    Sur l'ensemble du mouvement se déclarant "communiste", pris au sens le plus large (incluant les anarcho-communistes ou les communistes libertaires), que pouvons nous distinguer ?

    Nous pouvons dire, en dernière analyse, qu'il existe deux sortes de personnes se proclamant "communistes" ou plus largement "révolutionnaires" :

    - les vrais révolutionnaires, qui correspondent à la définition du Parti donnée plus haut, sont les personnes à la conscience forgée dans le mouvement réel oppression/résistance, qui se donnent pour but de SERVIR LE PEUPLE (les masses du prolétariat et des autres classes populaires opprimées), d'en  élever la conscience et l'organisation jusqu'à leur permettre de balayer la cause de leurs souffrances :  la classe dominante - en ce qui nous concerne, les capitalistes (et leurs cadres supérieurs et dirigeants, leurs politiciens, leur appareil d’État, leurs serviteurs blackpanther bébé sertlepeupleidéologiques, leurs agents de répression etc.). Pour être plus précis : le Parti est l'élément moteur et directeur de ces forces révolutionnaires, car il possède la meilleure conception révolutionnaire du monde et la meilleure stratégie pour la victoire ; toutes deux forgées dans la lutte réelle de classe, à la lumière de la science marxiste. Le Parti ne peut donc être que les révolutionnaires armés de la science marxiste la plus élaborée de notre époque, qui est le marxisme-léninisme-maoïsme.

    - et puis, il y a les personnes qui ne mènent la lutte révolutionnaire que pour ELLES-MÊMES, pour s'auto-satisfaire. Chez un grand nombre de personnes, existe une divergence entre l'importance qu'elles se donnent à elles-mêmes et l'importance que leur offre la société capitaliste en son sein. Ces personnes vont donc affronter le capitalisme, afin d'essayer de "conquérir" l'importance sociale qu'elles estiment mériter. Ce serait une grave déformation du marxisme que de considérer que l'être humain est motivé uniquement par des considérations matérielles : bien sûr, le rôle de "dirigeants révolutionnaires" dans lequel se voient certain-e-s n'est sans doute pas exempt d'avantages matériels ; mais la reconnaissance par les autres, la satisfaction que l'on a de soi, la "vibration existentielle" d'être sur le pavois sont également des moteurs importants du comportement humain.

    À partir de là, ces personnes se subdivisent en deux catégories :

    > Les personnes qui, dans le mouvement réel de la lutte, s'aperçoivent qu'une simple réforme de la société capitaliste actuelle, une simple mise à niveau de l'organisation sociale avec les forces productives et la conscience engendrée peut suffire à satisfaire leurs ambitions. Ces personnes sont les OPPORTUNISTES, elles sont la direction réformiste d'une grande partie du mouvement ouvrier/prolétaire/populaire organisé. D'autres (de culture suffisamment réactionnaire) peuvent devenir des cadres fascistes.

    44569466 prachanda body apLeur "base" va être constituée par les larges masses dans lesquelles domine le sentiment possibiliste : l'idée que, lorsque l'on souffre (de la misère, de l'exploitation, de l'oppression en tout genre etc.), il vaut mieux améliorer sa condition "un peu, tout de suite" que d'espérer en une révolution que l'on ne verra peut-être jamais de son vivant. Bien sûr, les communistes ne s'opposent pas à la conquête d'améliorations immédiates pour la vie des masses (sachant que la bourgeoisie cherchera tôt ou tard à les reprendre "de la main droite", et que ce sera l'occasion de nouveaux affrontements de classes). Mais les réformistes sont ceux qui font des ces conquêtes immédiates la fin en soi de leur militantisme. Les opportunistes (ceux qui se cherchent une place, un strapontin dans une politique réformiste de la bourgeoisie) et leurs troupes possibilistes forment le réformisme.

    En définitive, ils vont se placer, et placer leurs troupes, sous l'hégémonie idéologique et culturelle de la gauche réformiste bourgeoise : la frange de la bourgeoisie qui considère que pour se maintenir il faut faire des concessions (démocratiques et sociales) aux masses, essayer de mettre les rapports sociaux en adéquation avec la conscience collective engendrée, dans les masses, par le niveau des forces productives. C'est le destin qu'ont connu, pratiquement sans exception, tous les Partis communistes issus de la IIIe Internationale, à partir d'une interprétation erronée du Front populaire antifasciste dans les années 1930, et du triomphe du révisionnisme dans les années 1950. Dans l’État bourgeois "France", le dernier aboutissement de ceci est le Front de Gauche.

    > Les personnes pour qui même une réforme importante de l'organisation sociale n'offrirait pas de "place" conforme à l'importance qu'elles se donnent. Elles sont donc condamnées à la "surenchère" révolutionnaire. Ce sont ceux que l'on appelle les "gauchistes", les "dogmato-sectaires" et autres gourous "ultra-maximalistes", "plus rouge que moi tu meurs". Plusieurs choses les caractérisent. D'abord le sentiment de frustration qui les anime, confinant à la névrose, les pousse à une grande agitation, une Kakashi_Rouge2.jpggrande surenchère "radicale", à l'impatience, à ne pas se satisfaire devant la "lenteur", la "timidité" apparente du mouvement réel, qui ne trouve par conséquent jamais grâce à leurs yeux.

    Ensuite, ils ne peuvent tolérer aucun mouvement réel qu'ils ne dirigent pas (c'est à dire aucun tout court). Forcément, si un tel mouvement se transformait en situation révolutionnaire, ils n'en seraient pas les glorieux dirigeants ! Ainsi, s'ils peuvent parfois fantasmer sur telle ou telle cause lointaine et/ou ancienne (la Guerre populaire au Pérou, l'Autonomie italienne), ils rejetteront et vomiront toujours sur les avancées du mouvement réel se déroulant à leur porte (en Europe, ou juste au Sud de la Méditerranée). Une autre caractéristique est que leurs rapports avec les autres forces révolutionnaires ne sont pas sur le registre du "débat franc et ouvert" et du "voyons ce que nous pouvons faire ensemble", mais de la concurrence de boutiquier et de l'attaque, du crachat systématique.

    Enfin, à la frustration causée par le capitalisme lui-même s'ajoute celle du rejet qu'ils suscitent, instinctivement, dans les masses populaires. Celle-ci débouche sur l'aigreur et sur le repli sectaire, considérant que si tout le monde les rejette c'est qu'ils ont raison contre tout le monde.

    Leurs "troupes" sont ce que l'on peut appeler les "petit-e-s névrosé-e-s occidentaux-ales" : cette frustration existentielle dont nous venons de parler touche en effet - aussi - de nombreuses personnes du prolétariat et des classes populaires. Face au "néant" apparent de l'existence, beaucoup de ces personnes sont tentées de "vivre leur vie comme un jeu de rôle" : comment résister à l'attrait d'un groupe, qui vous propose (rien de moins !) que d'être les nouveaux bolchéviks !?

    Parfois, les groupes ne survivent pas à leur leader "charismatique". Parfois, cependant, ils sont auto-reproductifs (il se trouve toujours de nouveaux "cadres éclairés" pour remplacer les anciens) et peuvent même atteindre une certaine taille, comme certaines organisations trotskystes bien connues.

    Il arrive également, assez souvent, que ces groupes "lâchent l'affaire" après un certain temps et versent dans le réformisme (si la bourgeoisie sait leur proposer des strapontins).

    Dans tous les cas, ils sont (heureusement) infiniment moins nombreux que les opportunistes et leurs troupes possibilistes...

    Malheureusement, les organisations, le mouvement communiste et le mouvement ouvrier/populaire en général peuvent être complètement prisonniers de ce "dialogue du berger et de la bergère" entre opportunistes et sectaires, entre ceux que parviennent à capter les opportunistes et les disciples des gourous gaucho-sectaires. Lorsque les uns passent sous la coupe de la gauche réformiste bourgeoise et que les autres, en réaction, se replient sur le dogme et le sectarisme ; il est clair que la classe dominante a remporté une grande victoire. Ainsi l'explique le (nuovo)PCI dans son Manifeste Programme : "Ils [la gauche réformiste bourgeoise] ne sont un danger pour notre cause que dans la seule mesure où ils réussissent à influencer la conduite du Parti communiste [on pourrait dire : du mouvement communiste en général], à alimenter dans nos rangs l'opportunisme et le révisionnisme par émulation, timidité idéologique ou corruption, ou le sectarisme et le dogmatisme par réaction défensive : en somme, dans la mesure où ils parviennent à agir sur nos contradictions internes."    

    D'une manière générale, les forces ouvertement réformistes ou gauchistes sont incapables de mener à bien la révolution, d'assurer la prise du pouvoir par le prolétariat.

    Pour autant, lorsque le Parti accomplit cette tâche, et remplace l’État du Capital par l’État révolutionnaire du prolétariat, il emmène automatiquement avec lui des contradictions importantes du capitalisme et de la société de classe en général : dirigeants/dirigés, cadres/exécutants, etc. C'est sur la base de ces contradictions que peut se reformer, à tout moment, une nouvelle bourgeoisie qui ramènera le pays sur la voie du capitalisme. Contre cela, c'est un enseignement essentiel du maoïsme, de nouvelles révolutions devront avoir lieu.

    MAIS, sans Parti, il n'est pas possible de conduire le mouvement réel de la lutte de classe jusqu'au renversement de la classe dominante. Tout au plus obtiendra-t-on une grande réforme de l'organisation sociale, qui tentera de mettre les rapports de production et l'ensemble des rapports sociaux, l'organisation sociale, "à la hauteur" du niveau des forces productives et de la "conscience de masse" qu'il engendre (aspirations des masses, notion de "ce qui est acceptable" et ce qui ne l'est pas, etc.), afin d'abaisser le niveau de contestation. Telle est la limite du spontanéisme, qui considère qu'un mouvement social suffisamment massif et déterminé peut suffire à renverser la classe dominante. Lénine nous a enseigné, sur la base de l'expérience concrète, que "les masses sont spontanément trade-unionistes" (c'est-à-dire réformistes, se contentant de petites améliorations immédiates de leurs conditions de vie, et rentrant dans leurs chaumières une fois satisfaction obtenue). Seul le Parti rend possible de maintenir la conscience et l'organisation du prolétariat dans la durée, dans un processus prolongé.

    lenineToutefois, l'erreur inverse serait le "partidisme", la croyance élitiste en la "supériorité" du Parti, considérer que le Parti a "toujours raison", y compris contre les masses. Comme nous l'enseigne (là encore) Lénine : "Une des plus grandes erreurs des communistes (comme généralement de tous les révolutionnaires qui ont accompli victorieusement le début d'un grande révolution), c'est l'idée qu'une révolution peut-être faite par les révolutionnaires seuls.
    Au contraire, tout travail révolutionnaire sérieux nécessite, pour son succès, la compréhension et la traduction en actes de l'idée que les révolutionnaires sont seulement capables de jouer le rôle d'avant-garde de la classe vraiment dynamique et avancée.
    Une avant-garde ne remplit sa tâche d'avant garde qu'en se montrant capable d'éviter le divorce d'avec les masses qu'elle mène et quand elle est vraiment capable de mener toute la masse en avant. Sans une alliance avec les non-communistes dans les domaines les plus divers, il ne peut être question d'une œuvre constructive communiste couronnée de succès.
    "

    Ou encore, comme disait Mao Zedong : "Les masses sont les véritables héros, alors que nous-mêmes, nous sommes souvent d'une naïveté ridicule. Faute de comprendre cela, il nous sera impossible d'acquérir les connaissances même les plus élémentaires".

    Être révolutionnaire, être communiste, être marxiste

    Être révolutionnaire est une conscience qui se développe, chez les individus, dans le mouvement dialectique entre l'oppression de la classe dominante et la résistance des classes exploitées, en particulier la plus exploitée, qui dans le capitalisme est le prolétariat. Être révolutionnaire est un sentiment "viscéral", qui "vient des tripes" ; il vient du fait que l'espèce humaine est une espèce sociale qui, à l'origine, est programmée pour ne pas être insensible à la souffrance de ses semblables - en plus d'avoir, comme tout être vivant, le souci individuel d'assurer sa propre existence matérielle.

    che cigareLa meilleure définition en a été donnée par Ernesto "Che" Guevara de la Serna qui, bien que de famille bourgeoise, se rangea dans le camp de la Révolution prolétarienne mondiale et y fit don de sa vie : "Surtout, soyez toujours capables de ressentir au plus profond de votre cœur n'importe quelle injustice commise contre n'importe qui, où que ce soit dans le monde. C'est la plus belle qualité d'un révolutionnaire".

    Ceci est le prérequis : si l'on n'est pas un révolutionnaire, on ne peut pas être un communiste, encore moins un marxiste. On peut avoir "toujours une citation au coin de la bouche", connaître par cœur ses "classiques", on n'en reste pas moins qu'un phraseur. Exemple : on peut regretter que des forces réactionnaires et/ou pro-impérialistes aient pris la direction des masses populaires en Libye et en Syrie. Pour autant, ne ressentir aucune émotion, aucune révolte lorsque Kadhafi et Assad font massacrer les masses populaires, car, après tout, "Marx a expliqué que la fonction de l’État, c'est de maintenir par la violence la domination d'une classe", ce n'est pas être marxiste ni communiste. Car on n'est pas un révolutionnaire.

    Être communiste, c'est avoir déjà une vision précise de ce que l'on veut à la place de la société actuelle : une société sans classes et sans exploitation, sans oppression, où "le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous", "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". Ce terme regroupe les communistes marxistes et les communistes libertaires. Les marxistes considèrent que l'instauration du communisme sera le fruit d'un long processus de négation du capitalisme, par la lutte révolutionnaire prolongée (Guerre populaire) puis par la transition socialiste : un long processus de liquidation des rapports de production, de tous les rapports sociaux et de la culture capitaliste, et de remplacement par des rapports et une culture communiste. Les libertaires et les anarcho-communistes considèrent qu'il est possible de renverser la classe dominante "d'un coup", par une "grève générale insurrectionnelle" se transformant en "Grand Soir" ; et d'instaurer immédiatement le communisme.

    Enfin, être marxiste, c'est être armé d'une théorie scientifique élaborée, permettant d'avoir une compréhension scientifique du monde et du pays dans lequel on vit, et d'élaborer une stratégie révolutionnaire adaptée, se déclinant en tactiques correctes dans les différentes étapes du processus révolutionnaire. Le meilleur exposé de cela est peut-être dans ces mots du "radical" anglais Bertrand Russell, au sujet de Lénine : "Dans les révolutions, on relève habituellement trois groupes d'hommes : ceux qui animent la révolution parce qu'ils ont un tempérament anarchique et turbulent ; ceux que les souffrances personnelles ont rendu amers ; puis il y a ceux qui ont une conception définie d'une société différente de celle qui existe, ce qui, si la révolution triomphe, leur permet de travailler à la création d'un monde stable, en accord avec leurs conceptions. Lénine appartenait à ce troisième type d'hommes, le plus rare, mais aussi, de loin, le plus utile".

    En somme, ce qui définit un marxiste, c'est la scientificité de sa démarche. En presque 170 ans d'existence (depuis les années 1840), la théorie scientifique marxiste a avancé par bonds, toujours sur la base de l'expérience pratique du mouvement réel et de l'analyse concrète de la situation concrète. Marx et Engels (et d'autres encore, mais essentiellement eux) ont élaboré la théorie marxiste, dont l'ouvrage phare est bien sûr Le Capital. Au début du 20e siècle, pourtant, cette théorie se révéla insuffisante, car nous étions entrés dans l'ère de l'impérialisme, des monopoles, du capitalisme réactionnaire sur toute la ligne, et les dirigeants socialistes d'alors, impuissants à comprendre la réalité qui les entourait, en mao-zedong-1.jpgétaient venus à rejeter les thèses mêmes du marxisme (nécessité d'une révolution au profit d'une "évolution pacifique, réformiste" vers le socialisme etc.). En comprenant ce passage de l'humanité à l'ère impérialiste, Lénine enrichit la compréhension scientifique marxiste du monde : son apport deviendra le marxisme-léninisme et sera mis en pratique par les dirigeants communistes des années 1920-30-40, tels que Staline, Dimitrov, Gramsci, Hô Chi Minh, Mariategui etc. Mais ce n'était pas encore suffisant : après la Seconde Guerre impérialiste mondiale, le capitalisme connut un nouveau cycle d'accumulation, la révolution prolétarienne ne parvint toujours pas à gagner les pays impérialistes d'Europe de l'Ouest, les révolutions nationalistes bourgeoises dans les colonies et les semi-colonies maintinrent ces pays dans les griffes de l'impérialisme ; et, surtout, une nouvelle bourgeoisie prit le pouvoir en URSS et, véritables capitalistes d’État, ramenèrent celle-ci vers le capitalisme pur et simple (processus achevé en 1990). Face à tout cela, Mao Zedong en Chine et d'autres à travers le monde après lui (Mazumdar en Inde, Sison aux Philippines, Kaypakkaya en Turquie, Gonzalo au Pérou, d'autres en Italie etc. etc.) enrichirent encore la théorie pour aboutir au marxisme-léninisme-maoïsme, qui est le marxisme révolutionnaire de notre époque.

    Le Che, que l'on a cité plus haut, était assurément un communiste, de formation marxiste-léniniste. Mais sa démarche manqua de scientificité, elle fut imprégnée d'idéalisme et de volontarisme ; il crut que l'on pourrait répéter indéfiniment la prise de pouvoir très rapide réalisée à Cuba (dans des conditions très particulières), et ces erreurs finirent par lui coûter la vie. Ceci est une illustration de l'importance de la scientificité dans la direction du processus révolutionnaire.

    Pour autant, la science marxiste (socialisme scientifique) ne doit pas devenir un dogme. Comme toute science, elle est un phénomène vivant, appelée à se développer encore et encore dans l'analyse concrète de la situation et dans la pratique ; c'est une science JEUNE (un siècle et demi) qui a encore devant elle mille et une situations concrètes qui n'ont pas été affrontées et analysées à ce jour. Dans l'Anti-Dühring, Engels appelait à faire preuve de la plus grande prudence, dans la prétention à la vérité scientifique absolue : même dans les sciences exactes et, a fortiori, dans les sciences humaines, nous devons être méfiants à l'égard de nos connaissances, car "nous sommes encore plutôt au début de l'histoire de l'humanité et que les générations qui nous corrigeront doivent être bien plus nombreuses que celles dont nous sommes en cas de corriger la connaissance, - assez souvent avec bien du mépris". Si Engels avait une grande sympathie pour les théories de Darwin, il affirmait ainsi que "la théorie de l'évolution elle-même est encore très jeune et on ne saurait donc douter que la recherche future ne doive modifier très sensiblement les idées actuelles, voire les idées strictement darwiniennes, sur le processus de l'évolution des espèces"... Le marxisme étant une science, il en va de même pour le marxisme. On l'oublie souvent mais Galilée ne fut pas jugé (et Giordano Bruno brûlé !) en vertu d'obscures superstitions ne reposant sur rien, mais au contraire en vertu d'une théorie parée de toute la scientificité de son époque : le "système de Ptolémée" ; d'un astronome gréco-égyptien du 2e siècle après Jésus-Christ qui considérait que la Terre était le centre de l'Univers et que la Lune, le Soleil et tous les astres et la voûte céleste tournaient autour... ce qui est effectivement la première impression que l'on a si l'on observe l'Univers depuis la Terre ! On voit bien que la connaissance humaine est vivante et évolutive, et que les "vérités" les plus "établies" peuvent être complètement à côté de la réalité. Il en va de même avec la compréhension de l'évolution des sociétés humaines qu'est le marxisme.

    Mao a dit et répété, dans ses travaux sur la dialectique, que dans toute chose la stabilité, l'immuabilité, la "finitude" étaient l'exception, forcément momentanées, tandis que le mouvement, l'évolution, l'élaboration DANS LA LUTTE étaient la norme. Il en va donc nécessairement de même pour la science marxiste, dont le caractère "parfait" et "fini" ("tout est dit") est forcément exceptionnel et momentané et dont l'état normal est l'évolution et l'élaboration permanente à travers les enseignements de l'expérience concrète, la confrontation "fraternelle, franche et ouverte" entre idées justes et idées fausses, la lutte plus ou moins antagonique (aussi antagonique que nécessaire !) contre les positions liquidatrices opportunistes ou gauchistes, etc. etc.

    C'est ainsi que pour nous le marxisme, le léninisme et le maoïsme donnent les noms de personnalités particulièrement marquantes (Marx, Lénine et Mao) à des ÉTAPES, des JALONS du développement de la science révolutionnaire du prolétariat (socialisme scientifique) sans que cela ne signifie en aucun cas que la pensée et la pratique concrète de ces personnalités aient été exemptes de toute erreur, totalement infaillibles et qu'elles soient insusceptibles de critique (surtout avec le recul historique), comme l'explique fort bien cet excellent article maoïste canadien dont nous partageons totalement le point de vue : Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Mao.

    Un communiste doit donc d'abord, avant tout et en toutes circonstances PENSER AVEC SA TÊTE - en s'appuyant, certes, sur ce que les 170 années d'expérience antérieure ont apporté comme enseignements et "outils" universels et intemporels de compréhension des choses ; "outils" synthétisés par les "grands auteurs" (les fameux "classiques") et notamment leurs trois grands "jalons" Marx, Lénine et Mao, mais se trouvant (dans l’œuvre de ces "classiques") au milieu de propos parfois erronés, ou (beaucoup plus souvent) justes mais intransposables en dehors du contexte (lieu et époque) de l'auteur, etc. etc.

    Rien n'est plus insupportable que ces "communistes" se drapant dans la "scientificité" alors qu'ils ne font que réciter un dogme... Cela renvoie à ces personnes étudiée plus haut, qui ne cherchent pas à SERVIR LE PEUPLE (et donc à donner au marxisme la meilleure compréhension du monde possible) mais à satisfaire leur égo en se posant en "Gardiens du Temple".

    Attention cependant : il y a aussi, toujours pour satisfaire leur égo, des gens qui prétendront au contraire "repenser" ou "dépasser" le marxisme. Des exemples récents sont Toni Negri, ou encore Bob Avakian (du PCR-USA) avec sa "nouvelle synthèse". Mais, dans ce cas, le rapprochement avec des théories révisionnistes passées permet assez facilement de les démasquer ; ainsi que leur pratique (chercher la reconnaissance des médias et des intellectuels bourgeois ; ou carrément devenir un notable bourgeois dans toute sa splendeur, comme Prachanda). La pratique est souvent bien plus parlante que les discours théoriques en ce qui concerne les motivations de tel ou tel "génial leader"... Là encore (cf. plus haut), le résultat pratique de ces "révisions" du marxisme est de placer le prolétariat organisé sous la coupe de la "gauche" de la classe dominante.

    [À lire aussi à ce sujet, passionnant, cet entretien-débat de 1977 entre Charles Bettelheim, l'ex-GP Robert Linhart et deux membres de la revue Communisme, dans lequel s'expriment leurs différents points de vue et analyses, autrement dit un peu tous les nécessaires "pour" et "contre" pour réfléchir à la question : http://ekladata.com/Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf]

    L’État révolutionnaire, le socialisme

    revolution-culturelle.jpgIl faut reconnaître que les expériences révolutionnaires du siècle dernier ont été soumises à des attaques et des manœuvres d'encerclement contre-révolutionnaires féroces. Pour autant, une grande limite de la conception communiste du monde, au 20e siècle, est sans doute de n'avoir pas assez saisi la vocation de l’État révolutionnaire (et du Parti à sa tête) à viser son propre dépérissement. Même en Chine, la Révolution culturelle, plus exaltante expérience révolutionnaire du siècle, a finalement donné lieu à une "reprise en main" (1969-71) sous le prétexte d'éviter le "chaos"... Les partisans de la ligne d'une Révolution culturelle comme "mobilisation de masse contre la clique révisionniste" l'emportèrent sur les partisans d'une Révolution culturelle comme négation gigantesque et sans précédent de tous les vieux rapports sociaux, les vieilles habitudes, mentalités et pratiques bourgeoises et féodales qui traversaient la société chinoise millénaire, et formaient le terreau matériel, concret, des idées révisionnistes (les partisans de cette deuxième vision des choses étaient essentiellement la "Bande des Quatre", autour de Jiang Qing, l'épouse de Mao).

    C'est sur cette limite de la conception communiste du monde que purent s'infiltrer ou se former (c'est la condition matérielle qui détermine la conscience...) des éléments néo-bourgeois, ne voyant la société socialiste ou "démocratique populaire" que comme le moyen d'être "importants", d'être des "cadres", de "diriger", et au final de prospérer en "dignitaires" sur l'accaparement d'une fraction (toujours plus importante) de la richesse produite par les travailleurs.

    Le problème, en réalité, est que le socialisme ne doit pas être vu comme un mode de production en tant que tel. Le socialisme, pour SLP, est un processus de négation du mode de production et des rapports sociaux capitalistes, et d'affirmation de la propriété collective (démocratique) des moyens de production et de rapports sociaux communistes : "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins". Un processus qu'il est facilement possible, à son début (dans les 40, voire 50 premières années) d'inverser ; et dans lequel, d'une manière générale, c'est reculer que d'être stationnaire.

    brejnev_honecker.jpgLe révisionnisme, justement, désigne (dans les pays socialistes ou de "démocratie populaire") cette inversion du processus ; une liquidation graduelle de la propriété collective-démocratique et des rapports sociaux collectivistes déjà institués, un renforcement des rapports de production et des rapports sociaux capitalistes persistants (notamment sous la forme d'un capitalisme d’État), puis carrément une remise en vigueur des formes de propriété et de production capitalistes abolies - pour finir, comme en URSS en 1991-92, par une "mise à la découpe" de la propriété (formelle, non-démocratique) d’État, constituant d'immenses monopoles attribués à des "oligarques".

    Ce processus est permis par une dynamique insuffisante de la ligne rouge révolutionnaire, qui empêche les "sauts qualitatifs" nécessaires pour transformer la société (hier capitaliste et/ou féodale) en société égalitaire communiste, empêche la "relance" régulière du processus socialiste de négation du capitalisme et d'affirmation du communisme ; et permet, au final, aux néo-bourgeois de s'affirmer à la tête du Parti et de l’État, ramenant la société vers le capitalisme. Certes, ce processus ne ramène jamais au point de départ (1917 en Russie et dans les autres ex-Républiques, 1949 en Chine) : en général, il a permis une formidable modernisation du pays, une "révolution" industrielle, technologique et scientifique, l'anéantissement total des formes sociales féodales etc. Mais ce qui, à son terme, est au pouvoir, correspond à la définition marxiste d'une bourgeoisie (que ce soit en Russie - où le capitalisme est "officiellement" rétabli - ou en Chine, au Vietnam etc.).

    Face à cela, la solution, ébauchée par les maoïstes dans les années 1960, est ce qu'ils appelaient de "nouvelles révolutions" : une relance par les masses (et non par des "purges" internes au Parti) de la "marche au communisme", de la transformation révolutionnaire, socialiste, de la société en une société communiste (collectiviste, démocratique, égalitaire, où "le libre développement de chacun est la condition du libre développement de tous").

    L'encerclement du Centre par les Périphéries

    Ce n'est pas un "substitut" à la lutte des classes, qui serait remplacée par une "lutte du Centre et des Périphéries". Il s'agit du "sens d'où le vent souffle", du sens de déploiement de la Révolution prolétarienne mondiale.

    Et pour savoir d'où le vent souffle, pas besoin d'un présentateur météo (don't need a weatherman to know which way the wind blows): il suffit d'ouvrir les yeux.

    Il suffit d'ouvrir les yeux pour voir qu'il souffle de l'Inde et de l'Asie du Sud, des Philippines, de l’État turc ; des révoltes populaires qui ont secoué les pays arabes et se poursuivent ; de celles qui éclatent à leur tour en Afrique (dernièrement au Sénégal) contre l'ordre néo-colonial ; de la Palestine qui résiste encore et encore sous la botte des héritiers fascistes de Jabotinsky ; de l'Amérique latine où les gouvernement "de gauche" parviennent de moins en moins à contenir les aspirations des peuples à la justice et à la dignité ; et il souffle en direction de la "forteresse Europe" et de la "citadelle yanqui" qui tirent les ficelles de l'exploitation.

    En Europe même, il souffle de la Grèce en feu, il se lève d'Italie, de l’État espagnol, du Portugal et d'Irlande, et bientôt sans doute d'Europe de l'Est ; vers l'axe impérialiste franco-allemand et leurs marionnettes de la BCE et de la Commission de Bruxelles. Dans chaque pays, il se lève de ces territoires déshérités, relégués et "tiers-mondisés", du Mezzogiorno et des corons du Nord, de Marseille et de Glasgow, du Borinage wallon et de Sardaigne, vers les capitales politiques et économiques. Dans chaque grande métropole, il se lève des quartiers populaires, des ghettos de relégation du prolétariat, vers les centres bourgeois où brillent les néons et les vitrines du capitalisme.

    zone tempêtesCe n'est pas de la théorie pour le plaisir de la théorie ; c'est un constat de fait, objectif. Le même constat de fait que celui de Mao, dans les années 1930, lorsqu'il arriva à la conclusion que la guerre révolutionnaire devait naître et grandir dans les campagnes écrasées par la misère, par les féodaux et les bureaucrates à la solde de l'impérialisme ; pour encercler et étrangler les villes, forteresses du pouvoir, et enfin y faire leur jonction avec la classe ouvrière pour l'assaut final...

    La réalité est que le capitalisme (devenu monopoliste, impérialiste) s'appuie sur des Centres, où se concentrent non seulement la richesse mais aussi le POUVOIR, politique, économique et culturel ; généralement là d'où est partie la "révolution" et le développement capitaliste. À partir de là, le capitalisme a "rayonné" progressivement, par cercles concentriques, en "aménageant" toujours le territoire et en pliant toujours la société à ses intérêts, à SON objectif existentiel : l'accumulation du capital. Ce phénomène s'est amplifié au 20e siècle, lorsque la haute bourgeoisie, devenue monopoliste, a voulu modeler toute la société à son image.

    Ainsi, en cercles concentriques, le capitalisme a pénétré et déstructuré les vieilles sociétés paysannes et mercantiles (voire primitives, outre-mer) et créé des Périphéries où se concentrent l'exploitation, l'oppression et l'aliénation.

    À la périphérie des grandes métropoles économiques se trouvent les quartiers populaires, les ghettos pour prolétaires. Dans les pays impérialistes s'y concentre la force de travail importée des ex- et néo-colonies, et ces ghettos font parfois l'objet d'un véritable "traitement colonial intérieur" par les autorités. Dans les pays dominés, pauvres ou "émergents", ce sont les fameux "bidonvilles", "slums", "favelas", "townships", "barriadas" etc.

    Dans chaque pays (impérialiste comme dominé ou "émergent") se trouvent des régions périphériques (pas forcément au sens géographique : c'est une image) où se concentrent le taux de pauvreté et de chômage, les "déciles inférieurs de revenus", l'espérance de vie au dessous de la moyenne, l'illettrisme et/ou la faible qualification, le manque d'infrastructures et de services publics, etc.

    Enfin, au niveau mondial, il y a évidemment les pays "développés" et les pays "en développement", le "tiers-monde" ; pour les marxistes, il y a des pays impérialistes (ou "dépendants" mais hautement avancés, comme la Corée du Sud, Taïwan ou les pays du Golfe) et des pays dominés, exploités et affamés. Telle est la répartition mondiale des richesses par l'impérialisme. Ces pays du "tiers-monde" (possessions directes des États impérialistes ou pseudo-"indépendants" mais sous contrôle de fait) ont envoyé, depuis le milieu du siècle dernier surtout, de la force de travail (travailleurs immigrés) vers les pays impérialistes, ce qui a formé des "colonies intérieures" qui sont en quelque sorte les "ambassadeurs" du "tiers-monde" au "cœur du monstre" impérialiste.

    Tout cela a formé des cercles concentriques et, dans l'idéologie qui sert de ciment à tout cela, une "hiérarchie" des peuples. À partir de là (c'est capital de le souligner), rien n'est plus facile pour le capitalisme-impérialisme que de dresser les cercles les plus proches du Centre contre les cercles plus éloignés, afin d'assurer sa domination sur l'ensemble. L'Occitanie, par exemple, n'est pas aussi uniformément lepéniste qu'on le dit ; de fait on y trouve les plus hauts scores FN d'Hexagone mais aussi les plus bas ; pour autant le racisme envers les "non-blancs", les personnes issues des colonies et des semi-colonies, est bel et bien présent. Cela permet à l'Occitan de se sentir "français" par opposition aux Arabes et aux Noirs, et donc d'entrer dans cette prison mentale qu'est la "francité" tricolore...

    À présent, "la balle revient à l'envoyeur" et c'est des Périphéries vers les Centres que se déploie la négation du système capitaliste et impérialiste sur la planète.

    GPP IndeAu niveau planétaire, dans la division internationale du travail qui s'est mise en place au cours du 20e siècle impérialiste, il est évident (sauf pour un aveugle, ou celui qui ne veut pas voir) que les masses les plus exploitées et opprimées se trouvent dans les pays du "tiers-monde" : Afrique, Asie, Océanie et Amérique latine. Les luttes révolutionnaires des masses de ces continents vont donc encercler et étrangler les métropoles impérialistes (Europe de l'Ouest, Amérique du Nord, Japon, Australie etc.), dans lesquelles va grandir à son tour la conscience et la lutte de classe. 

    Ensuite, dans chaque pays, les communistes travaillant à la Guerre populaire doivent déterminer  quelles sont les "villes" et les "campagnes". Dans les pays dominés et arriérés, ou même "émergents" comme l'Inde ou le Brésil ou l'Afrique du Sud, ou "jeunes impérialismes" comme la Russie et la Chine, c'est généralement assez évident. En Chine, les "villes" sont les gratte-ciels de Pékin, Shangaï, Canton, Shenzen etc. ; en Russie, Moscou et Saint-Pétersbourg : dans ces pays la classe ouvrière est très clairement la force principale, et les "campagnes" sont les bassins ouvriers géants comme Chongqing, Chengdu et la Mandchourie en Chine, ou l'Oural en Russie. En Inde, les grands centres sont Bombay ou Delhi ; au Brésil, Rio ou São Paulo ; en Afrique du Sud, Johannesbug et Le Cap. Dans chacun de ces pays, les luttes ouvrières et paysannes doivent se combiner et c'est aux communistes de définir les tâches de chacune. En Inde, les luttes paysannes, des sans-terres et du prolétariat rural (et des populations "premières") ont été définies comme principales par les maoïstes, qui déploient en même temps un important travail de mobilisation et d'organisation en direction de la classe ouvrière des grands centres industriels.

    Dans les pays impérialistes (ou, en tout cas, hautement industrialisés et avancés), c'est également aux communistes de définir, dans chaque cadre étatique bourgeois (Italie comme État espagnol, Royaume-Uni comme État français), quelles sont les "campagnes". Il est évident qu'avec 5 à 10% de paysans, même s'ils sont généralement très pauvres et doivent être défendus (contre les géants de la distribution et leurs centrales d'achats, les banques et leurs prêts hypothécaires etc.), la question paysanne ne peut être que corollaire : la force motrice est le prolétariat, la classe ouvrière et les autres salariés pauvres (30% de la population touche moins de 1200 € par mois, 50% moins de 1500€) qui sont ses alliés naturels.

    oc-antifa1.gifPour Servir le Peuple, l’État bourgeois "France" a la particularité (historique) d'avoir une importante industrie rurale, des "bassins ouvriers" et autres "vallées industrielles" de "province" entourés (et étroitement imbriquées) de campagnes à la petite agriculture peu rentable, qui sont des zones particulièrement reléguées ; situées au Nord, Nord-Est, Ouest ou Sud de l'entité étatique. Ceci recoupant parfois une question nationale (occitane, bretonne, picarde/ch'ti, lorraine, basque, corse, arpitane (Alpes du Nord) etc.), ou en tout cas d'"identité culturelle populaire forte" ; c'est même quasi-systématique, car la "France" est quelque part l’État d'une bourgeoisie (bleu-blanc-rouge) dominant plusieurs peuples. Ces questions démocratiques nationales, ou ces sentiments culturels populaires forts, sont un point d'appui important pour la mobilisation révolutionnaire, en plus de l'oppression de classe proprement dite (rapports de production) : nombre de prolétaires ont le souvenir d'un-e grand-père/mère puni-e à l'école "républicaine" pour avoir "parlé patois", par exemple. La culture populaire d'entraide, de solidarité, de coopération est également une base d'appui forte pour une culture révolutionnaire, en comparaison avec l'individualisme des grandes métropoles. Dans certains secteurs, comme le Limousin ou d'autres parties d'Occitanie, le Nord/Picardie ou encore l'Allier, malgré la faillite du vieux PC, il peut rester une empreinte de culture communiste (associée, par exemple, au souvenir de la Résistance antifasciste) qui peut être également une solide base d'appui.

    breizh gwenhadu komunourEnsuite, il y a les ghettos urbains, où la question de classe recoupe celle des colonies intérieures : la force de travail importée d'Afrique, du Maghreb, d'Anatolie, des Caraïbes ou d'ailleurs, notamment durant les "Trente Glorieuses", et qui se voit reléguée dans des cités-ghettos et appliquer un traitement de type colonial, de véritable "territoire occupé".

    Ce sont les deux "campagnes" essentielles du "bateau France" dans lequel nous sommes tou-te-s embarqué-e-s, de l’État bourgeois dans lequel nous vivons. Le racisme, qui se traduit par un fort vote FN dans les zones "ouvrières semi-rurales" (à dominante "blanche"), est notamment une arme de la classe dominante pour les diviser. Le rôle du Parti est de relier, de coordonner ces "Périphéries" pour les faire étrangler les Centres (régionaux et parisien) comme les anneaux d'un serpent !

    En définitive, et pour résumer, on peut dire que :

    - dans chaque grande région, la "métropole" locale est encerclée, d'abord par ses quartiers-ghettos urbains, puis par les zones de relégation (poches de misère/précarité, exploitation, oppression) alentour ;

    - dans chaque État, les régions "pauvres" (où se concentrent la relégation, l'exploitation et l'oppression, les "problèmes sociaux" comme disent les bourgeois) encerclent les régions "riches" (où il fait "mieux vivre") ; dans certaines régions ceci se couple à une question nationale. Ce raisonnement peut être élargi à l'échelle d'un continent relativement "intégré" comme l'Amérique du Nord ou l'Europe : en Europe, il n'est pas difficile de voir que les pays méditerranéens sont particulièrement écrasés et "à la pointe" de la lutte de classe ;

    - au niveau mondial ; les pays dominés, écrasés, affamés par l'impérialisme encerclent les pays impérialistes.

    euskal herria drapeaurougeLe NIVEAU de la lutte de classe, d'antagonisme révolutionnaire assumé, va crescendo du premier cas au troisième (sauf, peut-être, dans les colonies intérieures des ghettos urbains occidentaux, où le niveau pourrait être supérieur au "deuxième cercle" (régions "pauvres") même dans les régions "riches" (comme l'Île-de-France ou Rhône-Alpes) ; mais c'est parce que ces "colonies intérieures" se rattachent, quelque part, au "troisième cercle").

    L'étau des 3 "cercles" se resserre concentriquement pour étrangler les "Centres", les "donjons" du capital impérialiste.

    Rappelons que Lénine disait, de la révolution prolétarienne, qu'elle ne devait "pas laisser pierre sur pierre" du vieil appareil d’État bourgeois. On pourrait étendre ce raisonnement à l'ensemble de la superstructure, des institutions et des "normes" écrites et non-écrites de l'organisation sociale capitaliste : la révolution doit renverser totalement l'ordre existant. Et, dans cette organisation sociale réactionnaire, il y a notamment l'organisation territoriale de la construction étatique bourgeoise ; avec ses zones concentrant la richesse, le pouvoir, la culture, les infrastructures, le "bien-vivre" ; et celles concentrant la pauvreté, l'exploitation, l'oppression, le désert culturel et l'absence de services, le mal-être existentiel (toxico-dépendances, suicides) ; en plus de la négation des cultures nationales ou "populaires régionales" !

    big provence flagDans cette optique, Servir le Peuple est d'avis que, comme en URSS (ni plus ni moins), le nouveau Parti   communiste révolutionnaire "de France" devra, en réalité, fédérer plusieurs Partis communistes nationaux. Tout comme le PCbUS était composé d'un PC de Russie, d'un PC d'Ukraine, d'un PC de Géorgie etc., notre futur PC révolutionnaire du prolétariat devra être composé d'un PC d'Occitanie, un PC de Bretagne (Strollad Komunour Vreizh), un PC d'Elsass, un PC de Corse, un PC d'Ipar Euskal Herria, etc. etc.

    Sur le fascisme

    Les thèses fondamentales de Servir le Peuple sur le fascisme sont que :

    1 - En opposition aux thèses de Zeev Sternhell, qui met en avant un fascisme "venant de la gauche anti-libérale" en se basant sur quelques cas célèbres mais minoritaires (Mussolini, Otto Strasser, Georges Valois, Doriot) ; SLP défend les thèses de Gossweiler et Robert Soucy (pour le fascisme français) : le fascisme s'inscrit clairement dans le prolongement de la tradition de droite réactionnaire bourgeoise (avec laquelle il présente une différence de degré - dans la brutalité assumée - plus que de nature). Le terme de "national-socialisme" (en Allemagne) ne doit pas porter à confusion : il ne fait que reprendre, pratiquement mot pour mot, le nom d'un parti réactionnaire de la fin du 19e siècle, le Nationalsoziale Partei  de Friedrich Naumann et Helmut von Gerlach, scission du Deutschkonservative Partei du pasteur Stöcker, parti ultra-conservateur à tendance "sociale" (prônant une "politique sociale monarchiste et chrétienne") et profondément antisémite (les Juifs incarnant à la fois le libéralisme politique bourgeois et le mouvement socialiste, le premier "ouvrant les portes" - dans la tradition politique fasciste - au second). L'antisémitisme "marqueur identitaire" (s'il en est) de l'idéologie nazie était donc déjà agité et diffusé depuis l'époque de Bismarck par la droite ultra-conservatrice luthérienne (contre une communauté juive qui avait connu une ascension sociale spectaculaire), tandis qu'à la même époque le mouvement socialiste d'August Bebel lui assénait la sentence définitive de "socialisme des imbéciles"... Tous les leaders de la prétendue "gauche" du NSDAP (Goebbels, Röhm, Gregor Strasser etc.) avaient fait partie des "corps-francs" (Freikorps), milices d'extrême-droite qui écrasèrent la Révolution allemande de 1918-20, et ne faisaient que prôner ce "socialisme" petit-bourgeois réactionnaire allemand. De même le fascisme italien de Mussolini s'inspirait-il essentiellement des thèses d'Enrico Corradini, politicien nationaliste plutôt monarchiste et conservateur dont le concept de "nation prolétaire" visait à "hisser" l'Italie au rang de puissance impérialiste "respectée" par les "nations ploutocrates" (les grandes puissances de l'époque : France, Grande-Bretagne, États-Unis etc.) en se faisant une "place au soleil" dans le partage impérialiste du monde (le concept fut plus ou moins développé lors de l'entrée en guerre contre l'Empire ottoman en 1912, guerre dans laquelle Rome conquis la Libye).

    Et contrairement (encore et toujours) aux thèses sternhelliennes, le fascisme n'est nullement une idéologie "anti-Lumières" (qui unirait par là droite réactionnaire ultra et gauche anti-libérale) mais bel et bien le pur prolongement de ce que l'on peut qualifier d'"aile droite" du mouvement philosophique du 18e siècle (Voltaire, Frédéric II de Prusse, Rivarol, Burke, Napoléon pour qui l'admiration des fascistes est à-peu-près générale etc.).

    2 - (en lien avec ce qui précède) Le fascisme n'est pas l'expression d'une "autre classe" que la classe dominante (une "bourgeoisie financière/impérialiste" qui s'opposerait à une "bourgeoisie traditionnelle/industrielle", par exemple) : pour tout léniniste ou prétendu tel (y compris les trotskystes !), la seule et unique classe dirigeante depuis la fin du 19e siècle est la bourgeoisie monopoliste. Le fascisme n'est en rien une "alternative révolutionnaire" à la révolution prolétarienne, comme si les masses avaient deux "voies" révolutionnaires devant elles, l'une rouge et l'autre brune. Le fascisme est l'expression de la frange la plus réactionnaire de la classe dominante, dont les rangs grossissent en temps de crise (effondrement du taux de profit, guerre impérialiste et révolution à l'ordre du jour), et qui s'oppose aux courants "moins réactionnaires", "libéraux" ou encore "sociaux-humanistes".

    3 - Le fascisme est une idéologie composite et mouvante, difficile à caractériser par son discours, qui permettrait parfois de classer une grande partie des progressistes et même des marxistes comme "fascistes" (les fascistes reprenant des thèmes sociaux sur l'air des "petits" contre les "gros") : le fascisme doit être avant tout identifié par son programme de gouvernement, qui est une dictature terroriste ouverte de la classe dominante contre les masses prolétaires et populaires (même si cette dictature peut commencer "soft"), et généralement un militarisme chauvin poussant à la guerre impérialiste (même si ce discours peut parfois se camoufler : ainsi les fascistes américains des années 1930 étaient "neutralistes", tout en soutenant en sous-main l'effort de guerre et de propagande nazi ; les fascistes français étaient "pacifistes" pour ne pas favoriser le Front populaire contre Hitler et Mussolini...).

    mussolini.jpgLe fascisme s'inscrit en réalité totalement dans la tradition idéologique la plus réactionnaire, conservatrice autoritaire éventuellement à tendance "sociale", des différents pays ; tout en étant en même temps profondément "moderne", car la crise générale du capitalisme (surproduction absolue de capital) exige une restructuration complète de l'organisation sociale capitaliste (à l'intérieur comme au niveau "impérial").

    Sa réorganisation totale de la société (économique, politique, culturelle), visant notamment à faire des métropoles impérialistes des sociétés de "producteurs-consommateurs" assises sur les surprofits de l'exploitation impérialiste, se différencie du keynésianisme en ce que pour Keynes (militant du Parti libéral britannique) cette réorganisation est indissociable du libéralisme politique (uniquement dans la métropole impérialiste, bien entendu). Le fascisme (et le conservatisme autoritaire fascisant à la Henry Ford), au contraire, prône un encadrement répressif et idéologique "dur" des masses populaires.

    C'est pourquoi le modèle social-démocrate, social-libéral ou "humaniste social" keynésien est plutôt adapté en période de prospérité (lorsque la guerre impérialiste mondiale a permis de relancer l'accumulation, de résoudre la surproduction de capital) alors que le modèle fasciste est plutôt lié à la crise générale, et à ses nécessités de guerre et de lutte contre-révolutionnaire. En période d'accumulation (de "forte croissance") le fascisme cède le pas à un "social-conservatisme autoritaire" de type gaulliste, "régime DC" en Italie ou "franquisme final" (des années 1960-70) dans l’État espagnol.

    Finalement, dans la réorganisation sociale du capitalisme au 20e siècle, en sociétés de "citoyens producteurs-consommateurs", la démocratie social-libérale keynésienne est "Athènes" et le fascisme "Sparte" ; mais dans les deux cas, il faut la masse esclave autour de la "cité grecque" impérialiste (ce seront les peuples du "tiers-monde", massivement intégrés dans la chaîne de production capitaliste mondiale, et soumis à des régimes "gardes-chiourme" sanguinaires).

    grand_messe_nazie.jpgDans tous les cas, le fascisme n'est jamais ni "anticapitaliste" ni "révolutionnaire". L'"anticapitalisme" dont il peut parfois se parer, par un discours contre la "banque" ou la "finance", contre les "gros", les "nantis" et autres "élites" (surtout intellectuelles), se situe dans le prolongement de deux traditions ultra-réactionnaires du 19e siècle, déjà décrites et dénoncées par Marx et Engels :

    - le "socialisme" féodal et clérical, dénonçant le capitalisme... car celui-ci a remis en cause la position sociale de l'aristocratie et du clergé (il dénonce alors un "monde sans valeurs", "tout pour l'argent", alors que l’Église et la noblesse d'autrefois "protégeaient les faibles") ;

    - le "socialisme" petit-bourgeois, "socialisme" de la petite et moyenne bourgeoisie (ou paysannerie) écrasée par le Grand Capital, regrettant l'époque "protectrice" des corporations.

    L'un comme l'autre tendent bien sûr à l'antisémitisme ; l'irruption des Juifs dans l'économie nationale (avec leur émancipation par les révolutions bourgeoises) étant pour eux indissociable et emblématique des "malheurs de l'époque", d'un monde qui "fout le camp" avec la disparition de la société immuable des privilèges et des corporations... [Cet antisémitisme ne peut plus être aussi explicite aujourd'hui, mais les mêmes ressorts apparaissent en filigrane dans la dénonciation des "élites mondialistes", de l'"hyper-classe" et des "lobbies" etc.]

    Ces deux courants fusionnent (en Allemagne, comme en France ou en Italie) entre 1870 et 1910, à l'époque de la "deuxième révolution industrielle" et de l'entrée dans l'impérialisme, en un "conservatisme social autoritaire" qui pourfend aussi bien le libéralisme politique bourgeois (parlementarisme, franc-maçonnerie, république radicale en France etc.) que les idées socialistes.

    PUIS, avec la crise générale du capitalisme, cette composante idéologique du fascisme rejoint les intérêts de la bourgeoisie impérialiste la plus réactionnaire. En effet :

    - la dénonciation de "la banque", des "financiers", de l'"hyper-classe" etc. (toujours avec "le Juif" en filigrane) rejoint l'"insurrection" du Grand Capital contre sa propre crise générale, qui est une surproduction absolue de capital ; elle rejoint la nécessité d'une "caporalisation" de l'économie capitaliste et d'une réorganisation complète de la société pour fonder une nouvelle base d'accumulation, pour lutter contre cette surproduction absolue ;

    - la dénonciation du libéralisme politique bourgeois, de la bourgeoisie "décadente" (bourgeois libéraux, démocrates, hédonistes, "complaisants" envers le marxisme) et des "élites" intellectuelles, du parlementarisme, rejoint les nécessités d'un régime politique "fort", autoritaire, pour mener cette réorganisation et contrer efficacement la poussée révolutionnaire des masses populaires ;

    - le discours viril, chauvin, exaltant les valeurs militaires et "spartiates", méprisant la "décadence", la "faiblesse" et la "mignardise", rejoint les nécessités de mobilisation de masse pour la guerre impérialiste, la contre-révolution et la réorganisation totale (économique, politique, culturelle) de la société ;

    - enfin, bien sûr, cet "anticapitalisme" réactionnaire est profondément hostile au mouvement socialiste/communiste et au prolétariat organisé en général ; il rejoint donc les nécessités d'une lutte contre-révolutionnaire sans pitié.

    Bien sûr, la bourgeoisie monopoliste la plus réactionnaire va "modeler" le mouvement fasciste selon ses intérêts, et donc limiter les expressions les plus "radicales" de cet héritage "anticapitaliste" féodal et petit-bourgeois : c'est le sens du "virage à droite" de Mussolini fin 1919 et de sa rupture avec les Arditi et autres éléments "révolutionnaires", ou de l'élimination des SA en Allemagne (1934).

    Bossi_pugnoR400_4ott10.jpgEn fin de compte, on peut dire que le fascisme est une insurrection de la bourgeoisie capitaliste contre sa propre crise (par surproduction absolue de capital), crise qui fait s'effondrer le taux de profit et met la révolution prolétarienne à l'ordre du jour ; exigeant une restructuration complète de l'organisation sociale, la guerre impérialiste pour le repartage du monde et la militarisation contre-révolutionnaire de la société : la dictature terroriste ouverte conduite par la frange la plus réactionnaire, chauvine et militariste des monopoles. En période de crise générale, c'est ce "pôle" le plus réactionnaire de la classe dominante qui exerce sa force d'attraction sur l'ensemble de celle-ci, attirant à lui la droite conservatrice "traditionnelle" et même des éléments de la "gauche" bourgeoise, comme les néo-socialistes de Déat (ou aujourd'hui des gens comme Gerin ou certains éléments de "Riposte laïque"). Cette force d'attraction est encore plus forte aujourd'hui que lors de la crise des années 1930, car l'option keynésienne (alliant politique sociale généreuse et libéralisme politique dans les métropoles impérialistes) ne semble à présent plus viable.

    À l'inverse, en période d'accumulation/croissance, ce sera plutôt la "gauche" social-libérale et réformiste de la grande bourgeoisie qui exercera sa force d'attraction sur l'ensemble de la classe dominante, la "droite" bourgeoise devenant alors essentiellement un conservatisme paternaliste à coloration "sociale" ("association Capital-Travail" etc.).

    Une autre thèse fondamentale de Servir le Peuple est qu'il ne faut pas attendre le fascisme dans les mêmes habits que ceux des années 1930. Certains mouvements, en Hongrie notamment, reprennent effectivement (et ouvertement) les uniformes de l'époque ; mais celui qui, au 21e siècle, attend de voir des défilés en chemises noires ou brunes pour dire "voilà le fascisme", risque de ne le voir... que lorsqu'il aura un pistolet derrière la nuque ! Peut-être justement qu'au siècle dernier, le problème a été que les marxistes et les progressistes n'ont réalisé l'existence du fascisme que lorsque celui-ci s'est manifesté sous la forme de milices paramilitaires.Jobbiks-Hungarian-Guard-a-001.jpg

    Aujourd'hui, avec l'expérience du passé, les communistes et les progressistes peuvent être plus attentifs au glissement réactionnaire général de la classe dominante et des ses représentants politiques, glissement qui pousse en avant (y compris de manière non-voulue et non-contrôlée, pour les éléments les plus extrémistes de type néo-nazi ou Breivik) la frange ultra-violente et paramilitaire du fascisme.

    Des facteurs nouveaux entrent aussi en ligne de compte. Ainsi, nous sommes aujourd'hui dans une "société de consommateurs" alors que, dans les années 1920-30, il s'agissait justement de construire celle-ci (chose rendue possible après-guerre par une nouvelle division internationale du travail, en "déplaçant" l'exploitation la plus dure vers les pays dominés du "tiers-monde" - comme pouvait déjà l'entrevoir Lénine dans son ouvrage de référence en 1916) ; de même, pour lutter contre la chute du taux de profit, existe à présent une "marge" sur le "coût du travail" : celle des conquêtes sociales arrachées par les luttes (et accordées par la bourgeoisie pour "conjurer" des luttes plus dures encore), qui dans les années 1930 n'existaient pas (ou si peu) et que la classe dominante s'efforce (depuis les années 1980) de reprendre au prolétariat et aux travailleurs en général ; ceci est une composante nouvelle (et essentielle !) du glissement réactionnaire général. Le mouvement ouvrier organisé n'a plus, dans ce contexte, la force et la combativité de l'entre-deux-guerres ; il a été happé par l'effondrement (dans le révisionnisme puis la restauration capitaliste ouverte) des expériences révolutionnaires du 20e siècle. Cette combinaison entre effondrement du mouvement communiste, de la "menace" communiste mondiale pour la bourgeoisie et du mouvement ouvrier organisé en général (y compris réformiste) ; crise générale du capitalisme entraînant la liquidation par la bourgeoisie des concessions du passé ; et "répression permanente de basse intensité" contre la résistance des masses populaires à cette paupérisation ; forme ce que le PCmF et le PCm d'Italie (Proletari Comunisti) appellent le fascisme moderne. Cette thèse peut-être débattue et critiquée ; elle a cependant le mérite de poser la question du fascisme à notre époque, des éléments nouveaux qui différencient notre 21e siècle des années 1920-30 du siècle dernier, et de mettre en garde contre l’"attente" du fascisme dans les "mêmes habits" qu’à l’époque d’Hitler et Mussolini. Elle évite de tomber dans le schématisme qui, comme l'expliquait Dimitrov, "désarme la classe ouvrière contre son pire ennemi".

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  • Les tueries du 19 mars dernier, à Toulouse et Montauban, faisant 7 morts ; et particulièrement celle de l'école juive toulousaine Ozar Hatorah, faisant 4 morts (et un blessé grave) dont 3 enfants, ont saisi d'horreur les masses populaires de l'Hexagone. Les innocents assassinés avaient pour nom Arieh et Gabriel Sandler (5 et 4 ans), leur papa Jonathan (30 ans), et Myriam Monsonego (7 ans).

    Ces faits ont particulièrement choqué les masses de la terre qui en a reçu le sang : l'Occitanie. En effet, la région toulousaine a une longue et profonde tradition progressiste et antifasciste, issue du "Midi rouge" de la 3e République bourgeoise, ainsi qu'à travers l'exil politique de l’État espagnol, de l'Italie mussolinienne ou encore d'Amérique latine dans les années 1970. Dans les années 1930-45, l'Occitanie a accueilli des milliers de personnes juives d'Europe de l'Est, d'Allemagne/Autriche ou encore d'Alsace-Moselle annexée, fuyant les pogroms puis la terreur nazie. Puis, dans les années 1960, des milliers d'autres venant du Maghreb, chassées de leur terre millénaire par un nationalisme bourgeois étroit et excluant, "copié-collé" des États modernes annihilateurs européens ; les mêmes cliques qui pillent et vendent à l'impérialisme ces pays depuis 50 ans.

    Mais surtout, au Moyen-âge (12e/13e siècle), l'Occitanie fut littéralement l'Al-Andalus du nord des Pyrénées : une terre d'humanisme et de tolérance, de culture et de civilisation, d'où rayonnait la Renaissance médiévale. Un héritage profondément ancré dans la conscience populaire... Les plus grands érudits d'Europe et de Méditerranée, comme Abraham ibn Ezra, se retrouvaient dans les Écoles de Narbonne, de Béziers, d'Avignon ou de Montpellier (qui allaient former la plus vieille université de l'Hexagone). Cet accueil fait aux Juifs, aux musulmans d'Andalousie et bien sûr aux Cathares allait d'ailleurs être la cause principale de la Croisade contre les Albigeois menée par Simon de Montfort et la liquidation de l'Occitanie, vite suivie de l'expulsion des Juifs (en 1310 de Toulouse, une petite communauté subsistant dans le Comtat (Vaucluse) sous administration papale, puis il y aura les communautés séfarades de Bordeaux et Bayonne), fut réellement un acte fondateur de l’État français moderne - comme la liquidation d'Al-Andalus, par ailleurs, fut l'acte fondateur de l’État espagnol. Partout en Europe, les Juifs (comme les musulmans - "mauresques" - et autres "hérétiques" - cathares, vaudois, hussites etc.) furent les victimes expiatoires de la formations de ces États modernes ; car il symbolisaient les lumières humanistes et universalistes de la "Renaissance médiévale" face à l'obscurantisme des Églises nationales, des monarques et des grands féodaux, dont le symbole est bien sûr l'Inquisition d'un Bernard Gui ou Thomas de Torquemada...

    Telle est la racine la plus profonde de l'antisémitisme européen. À la même époque, dans les pays musulmans, les Juifs soumis au statut de "gens du Livre" ne subissaient pas de persécutions de masse particulières.

    Et telle est aussi la base de notre position sur la question : l'histoire de l'antisémitisme en Occitanie se confond avec celle de la conquête, de la domination "française" et de la francisation des esprits (y compris chez de prétendus "occitanistes" tels Charles Maurras ou Louis Alibert) ; l'antisémitisme est - en un mot - ÉTRANGER à la culture populaire occitane (cf. le nombre de "villages des Justes" dans le "Midi", les villages entiers de "passeurs" ayant sauvé des milliers de vies dans les Pyrénées etc. etc.) et n'est ni ne sera JAMAIS toléré par nous sur notre sol ; les Juifs seront CHEZ EUX en Occitanie libre et socialiste de demain, et ce dans toute leur judéité (sans injonction assimilationniste).

    Finalement, après deux jours de traque acharnée, l'identité de l'assassin a enfin été révélée : Mohamed Merah, de la minorité maghrébine arabo-amazighe d'Hexagone, se revendiquant "djihadiste" et membre d'Al-Qaïda...

    Un fait notable est que, pendant les 36 heures où le tueur n'était pas encore identifié, la grande majorité des commentateurs médiatiques COMME des masses populaires pensait qu'il s'agissait d'un fasciste "blanc" néo-nazi (et non d'un "Breivik", car Anders Behring Breivik était "occidentaliste" et pro-Israël). Il va de soi que, si l'horreur aurait été la même, la signification en aurait été considérablement différente : les militaires visés l'auraient été en tant que représentants des minorités, d'une armée "pas assez blanche" et non en tant que corps d'élite impérialiste occupant (notamment) l'Afghanistan ; et les personnes juives auraient été visées en tant que "cosmopolites sans racines, ennemis des nations" et non en tant qu'"incarnation" (absurde et criminelle) de l'occupation sioniste au Machrek arabe - et aussi, comme ne cessent de le rabâcher les politicards bourgeois (mettant par là des milliers de vies en danger), des "valeurs de la République"...

    Mais surtout, voilà qui en dit long (s'il était nécessaire) sur le caractère ultra-réactionnaire de l'idéologie salafiste animant Mohamed Merah. Tout comme les assassinats de masse commis pendant le "nettoyage" ethnique sioniste de la Palestine, en 1947-49, n'avaient rien à envier aux assassinats de type Oradour-sur-Glane commis par les armées nazies en Europe occupée : et pourtant, certains de leurs auteurs venaient de perdre toute leur famille dans la Shoah ! Car si là où il y a oppression il y a résistance, il y a révolte, toute révolte n'est pas forcément progressiste en elle-même, et peut même être franchement réactionnaire. Elle n'a alors qu'une seule vertu : celle de CONTRE-EXEMPLE absolu de ce qu'il ne faut PAS faire...

    Pour autant, si le sentiment d'horreur devant le massacre, en particulier d'enfants innocents, est la première réaction humaine bien naturelle, la démarche scientifique marxiste impose d'aller plus loin : il faut rechercher qui a armé le bras de l'assassin, quel mouvement dialectique l'a conduit de "jeune difficile de banlieue" à tueur froid et sanguinaire. Sans quoi, on tombera dans l'explication idéaliste qui fleurit déjà sur le web fasciste et fascisant : "c'est dans la nature de l'islam" patati patata ; ou celle, non moins idéaliste, de nos ultra-gauchistes de "Voie lactée" : "anticapitalisme romantique" etc. etc.

    Dans le cas de Breivik, l'explication était simple : la construction idéologique animant la tuerie était le prolongement DIRECT de la  récente (15-20 ans) mais puissante idéologie de "droite populiste", "occidentaliste", pro-Israël, xénophobe et anti-musulmane qui fleurit partout en Europe et tend à supplanter le vieux fascisme "old school". Autrement dit : le massacre sanguinaire d'Oslo (10 fois plus de mort-e-s qu'à Toulouse !) était dans un lien DIRECT, de cause à effet avec la petite musique que distillent, depuis des années, non seulement un parti comme le FN (ou le MPF de De Villiers, ou les Identitaires, ou l'UDC en Suisse, ou Wilders aux Pays-Bas, ou la Ligue du Nord en Italie) mais aussi un Guéant ou ses amis de la "Droite populaire" et de la "Droite libre", un Gerin ou un Raoult, un Rioufol ou un Millières, un Philippe Val ou un Redeker (à "gauche"), ou encore des officines comme Riposte Laïque ou Résistance Républicaine...

    Dans le cas de Mohamed Merah, c'était au contraire une RÉACTION (réactionnaire) à ce discours et aux guerres impérialistes que (finalement) il accompagne à travers le monde, en Irak ou en Afghanistan, en Palestine ou au Liban. Bref, Mohamed Merah c'est l'EFFET BOOMERANG du discours (et des actes !) anti-musulman. Mais voilà : le boomerang est un outil imprécis, et bien souvent il ne retombe pas directement sur son envoyeur...

    En l’occurrence, bien qu'appartenant à un corps d'élite particulièrement meurtrier de l'armé impérialiste et sans rentrer dans le discours trotskyste des "prolétaires en uniforme", les militaires visés étaient des troufions de base, gagnant vraisemblablement autour de 1500€ par mois (hors 'OpEx') et non des décideurs des guerres impérialistes BBR sévissant à travers le monde (et qu'ils sont payés pour mener). Quant aux enfants juifs... c'est évidemment l'horreur, l'effroi, l'abasourdissement qui frappent n'importe quelle conscience humaine devant un tel acte et, sous prétexte de "venger les petits palestiniens", le PIRE "service" qui pouvait être"rendu" au Machrek arabe occupé. Car des enfants n'ont, bien évidemment, aucune conscience politique formée, sinon éventuellement dans l'imitation de leurs parents. S'en prendre à des enfants, c'est bien clairement considérer une population (ici, les Juifs) comme organiquement mauvaise en tant que telle.

    Mais voilà : sans que cela ne justifie ni ne valide quoi que ce soit, il faut bien COMPRENDRE que sans l'oppression quotidienne, permanente et diffuse de l'islam en Occident, comme religion d'une partie considérable du prolétariat et d'un prolétariat "ambassadeur" du "tiers-monde" opprimé, il est peu probable que les minorités maghrébine arabo-amazigh, sahélienne ou encore anatoliennes (turque ou kurde) des quartiers populaires auraient engendré un Mohamed Merah, comme hier un Khaled Kelkal et un Karim Koussa, un gang de Roubaix ou même un Youssouf Fofana (même si les motivations, ici, étaient essentiellement crapuleuses : c'est seulement depuis son arrestation que Fofana se revendique "moudjahid"). Dans le cas de Mohamed Merah, à l'école Ozar Hatorah, le "monstre" engendré par l'oppression s'est abattu tel un boomerang fou sur des têtes particulièrement innocentes de cette oppression.

    Mohamed Merah, donc, on l'a dit, et bien que menant une vie assez "dissolue" (d'où l'incompréhension des personnes le connaissant), se revendiquait de l'idéologie salafiste. Étudions un instant cette idéologie, question que SLP avait déjà abordée à l'occasion de la mort d'Oussama Ben Laden.

    Qu'est ce que le salafisme ? Le salafisme, qui s'est développé dans le monde arabo-musulman au long du 20e siècle, est ce que l'on peut appeler une idéologie "anti-impérialiste réactionnaire".

    En pénétrant, à partir du 19e siècle, dans les pays à majorité musulmane (depuis le Maroc et le Sénégal jusqu'à l'Indo-Malaisie), le capitalisme impérialiste occidental a profondément bouleversé, déstructuré ces société traditionnelles. Des sociétés de type féodal et, en tant que telles, oppressives, notamment pour les femmes, les jeunes et les personnes en bas de l'échelle sociale ; mais néanmoins, des sociétés cohérentes et équilibrées. La déstructuration sociale causée par l'irruption de l'impérialisme est comparable, finalement, au bouleversement produit par la "révolution industrielle" en Europe, au 19e siècle.

    Dès lors, deux voies s'ouvraient devant les masses :

    - analyser de manière conséquente, c'est à dire marxiste, l'étape historique de l'impérialisme ; et la dépasser par la libération révolutionnaire anti-impérialiste ;

    OU
    - regarder vers "le temps d'avant", la "splendeur" révolue, un passé idéalisé. Pour les salafistes "purs et durs", ce passé idéalisé est celui des "4 premiers califes de l'islam", successeurs du prophète Mohamed. Mais, pour les masses en général, ce peut être globalement "avant la venue des infidèles", ou des périodes historiques "brillantes" comme le califat de Bagdad ou l'époque de Salah-ed-Din (Saladin) au Machrek ; Al-Andalus, les royaumes almohades et almoravides au Maghreb ; l'Empire moghol en Inde-Pakistan ; les sultanats d'Indonésie-Malaisie, etc. ; toutes civilisations bien plus avancées que l'Europe à la même époque.

    Dès lors, les masses passent sous la coupe des vieilles classes nationales, "bousculées" et "contrariées" par l'irruption impérialiste : la vieille féodalité des cheikhs, imams et autres oulémas, ou encore la bourgeoisie mercantile des souks et des bazars (dans ce cas, le fondamentalisme religieux s'apparente à un calvinisme musulman de caractère social-corporatiste). Tel est le salafisme : les salaf désignent les compagnons du prophète, au 7e siècle, dont la société basée sur la parole divine (Coran) est jugée "idéale".

    Par la suite, dans les années 1980, un autre phénomène est intervenu. Les pays de la péninsule arabique sont devenus le Centre d'une très importante concentration de Capital. Mais tous ces pétro-milliards, qui s'expriment dans des réalisation titanesques comme le Burj Khalifa (gratte-ciel de 1000 mètres de haut à Dubaï !), n'ont qu'une seule base d'accumulation : les ressources hydrocarbures, qui se tariront un jour. C'est ainsi qu'une frange particulièrement agressive de ce Grand Capital va chercher à se constituer une base d'accumulation plus large et plus solide : de "vrais" pays (et non des tas de sable) avec une industrie et une agriculture, des ressources naturelles et de la force de travail, pour y investir leurs milliards et les faire fructifier. Dans la culture religieuse féodale qui les imprègne, la "solution politique" à ce problème a été rapidement toute trouvée : "restaurer le Califat", un grand Empire réunissant tous les musulmans depuis l'Afrique de l'Ouest jusqu'au Sud des Philippines... Dès lors, ce Grand Capital a commencé à appuyer les forces salafistes organisées, "modérées-pragmatiques" comme les organisations de type Frères musulmans ou combattantes comme les djihadistes, afin de libérer les terres d'islam des "mécréants" vendus aux "Croisés et aux Juifs" (les oligarques "interface" de l'impérialisme) et d'en faire leurs terrains d'investissement.

    Parfois, en outre, en fonction des pays déstabilisés par ces forces, ces intérêts peuvent rejoindre ceux de certaines puissances impérialistes contre leurs rivaux : d'abord le "monde libre" contre les Soviétiques en Afghanistan, puis les salafistes tchétchènes utilisés par les Occidentaux contre les Russes dans le Caucase ou encore les salafistes libyens et syriens contre les "BRICSiens" Kadhafi et Assad ; mais aussi (tout le monde le sait) les islamistes du FIS par les impérialistes US contre l'impérialisme BBR en Algérie ; ou aujourd'hui les islamistes soudanais, somaliens ou d'AQMI par l'impérialisme émergent chinois contre les intérêts occidentaux en Afrique... D'autre part, lorsque la "révolution islamique" khomeyniste a triomphé en Iran (version chiite du salafisme), elle a très rapidement cherché à s'exporter pour briser son encerclement. Or, non seulement le Liban et l'Irak mais aussi les pays du Golfe comptent de très importantes communautés chiites... Il importait donc d'opposer, à ces menées iraniennes, une autre mobilisation de masse, religieuse également, mais sunnite. Cependant, et le 11-Septembre en est l'exemple absolu, toutes ces manœuvres peuvent se retourner soudainement et spectaculairement contre leurs auteurs.

    Il va de soi que Mohamed Merah n'avait aucun lien ni d'organisation ni financier avec tout cela. Mais voilà : à partir du moment où le "label" Al-Qaïda existe, comme "unité spirituelle" entre des groupes très éloignés dans l'espace et très différents, il est facile à n'importe quel élément du peuple "paumé" et écorché vif de s'en emparer pour cracher sa haine et sa révolte individualiste et réactionnaire, éventuellement par des tueries aveugles. On a là un autre point commun avec le néo-nazisme, qui n'a pas d'organisation centralisée mais est plus un "label" que peuvent s'attribuer aussi bien des petits groupes affinitaires que des "loups solitaires" isolés...

    Cette idéologie salafiste a parmi ses composantes essentielles une très forte haine des Juifs. Il faut bien préciser ici qu'il ne s'agit pas d'antisémitisme (à base raciale) mais bien d'anti-JUDAÏSME, à base de sectarisme religieux (l'on peut ainsi trouver des Juifs convertis à l'islam dans les rangs du djihad). Le Coran comporte des mots très durs envers les Juifs, qui étaient des adversaires importants des premiers musulmans dans la péninsule arabique, au 7e siècle ; il reprend en outre le discours chrétien sur la responsabilité des Juifs dans la mort du prophète Issa (Jésus).

    Aujourd'hui, sur la base des exactions sionistes au Machrek, les Juifs sont systématiquement associés aux "Croisés" (= l'impérialisme) dans le rôle de l'ennemi juré ; pour certains courants, ils sont même "derrière" : ce sont eux qui "poussent" en avant les "Croisés". Il est d'ailleurs très significatif que Mohamed Merah ait visé des Juifs particulièrement "visibles" : une école religieuse orthodoxe, un professeur avec grand chapeau et papillotes ; alors que l'antisémitisme nazi vise plutôt les Juifs intégrés et "cachés", qu'il s'évertue à "démasquer". Les Juifs sont néanmoins, pour le salafisme, associés en tant que tels à la "Croisade" et au projet colonial israélien, et non pas seulement lorsqu'ils soutiennent activement l'idéologie sioniste : il est "dans leur nature" d'être les ennemis de l'islam et ils n'ont d'autre "échappatoire" que la conversion à celui-ci... ou la mort. Évidemment, le salafisme est totalement incapable de comprendre un certain sionisme "affectif" des masses populaires juives comme une contradiction au sein du peuple, à résoudre démocratiquement par le travail politique... Au contraire, sa haine en bloc envers les Juifs renforce le sentiment sioniste dans les masses, et le sentiment d'être la cible d'un "antisémitisme éternel".

    Et, pour avoir un caractère différent de l'antisémitisme nazi, la haine salafiste des Juifs peut en être non moins barbare, comme le montrent les faits de Toulouse ou encore l'assassinat atroce du coopérant Nick Berg en Irak, il y a quelques années : le "groupe Zarkaoui" d'"Al-Qaïda en Mésopotamie" l'avait lentement égorgé jusqu'à la séparation complète de la tête, simplement parce qu'il était juif... Il est évident qu'une telle barbarie ne peut pas du tout servir la cause de la libération arabe, et que le projet de société qu'elle traduit ne peut être qu'affreusement obscurantiste et anti-populaire.

    Enfin, un dernier point doit être abordé et SLP assumera ici pleinement l'étiquette de "complotiste", comme après tout... les communistes cantabres d'Odio de Clase, grands copains de "Voie-Lactée.fr" sur la question népalaise : c'est la question de l'inscription de ces événements dans une STRATÉGIE DE LA TENSION. Servir le Peuple n'a jamais été "grand fan" des théories du complot, mais enfin, il y a un moment où "trop de coïncidence tue la coïncidence"... Les interrogations jaillissent jusqu'au cœur même de l'appareil répressif d'État (le fondateur du GIGN himself etc.).

    Car Mohamed Merah était connu des services de renseignement, fiché et surveillé par la DCRI depuis des années, après avoir effectué plusieurs séjours au Pakistan et en Afghanistan. Il était carrément interdit de vol aux États-Unis, pour ses présumées accointances terroristes. On se demande, dès lors, comment il a réussi à se procurer tranquillement des armes de gros calibre, puis à se promener pendant deux semaines, tuant des militaires d'élite de l'armée impérialiste bleu-blanc-rouge, avant de finir par les enfants juifs d'Ozar Hatorah ; rentrant chez sa mère après chaque action ; sans être le moins du monde appréhendé.

    Et puis bien sûr sa mort, alors qu'il y avait mille moyens de le neutraliser vivant, comme Sarkozy et Guéant eux-mêmes le demandaient : gaz paralysants, 'souricière' à l'extérieur etc. Abattu d'une balle en pleine tête alors qu'il "sautait par sa fenêtre" : un tir d'une précision incroyable pour ne pas dire "pas crédible", digne du sniper allemand de "Stalingrad" ! Le tout, à un mois de l'élection présidentielle ; et l'on voit subitement les courbes se resserrer entre Sarkozy et Hollande, le discours de Marine Le Pen renforcé, de nouvelles lois scélérates sur la navigation internet proposées (sous lesquelles pourrait bien tomber SLP, pour son soutien aux "terroristes" des mouvements basque ou irlandais, des guérillas latino-américaines, des maoïstes indiens, philippins ou turcs, etc.). Il ne s'agit d'accuser personne ; l'émotion de Sarkozy (notamment) ne semblait pas feinte (mais est-il autre chose, lui-même, qu'une marionnette du "petit théâtre de la politique bourgeoise" ?) ; ni les commanditaires ni les mobiles d'une telle manipulation n'apparaissent évidents... Mais voilà : il y a de quoi se poser des questions, désolés.

    Les masses populaires savent bien que derrière nos hommes et femmes politiques, qui sont la "vitrine" de la dictature bourgeoise, il y a des FORCES, celles du Grand Capital, de "l’État profond" militaro-sécuritaire, des réseaux françafricains ou "françarabes" ; des forces viscéralement hostiles au "socialo-communisme" (même 100% bourgeois) que semblent promettre, pour 5 ans, les sondages de Hollande et Mélenchon. Des forces obscures (oui !) qui ne reculent devant aucun crime, pas même la mort de "nos chers soldats" ni même celle d'enfants, dès lors qu'il s'agit de leurs intérêts. Les masses populaires savent cela ; elles ne sont pas dupes. Mohamed Merah, jeune homme ne portant ni barbe ni tunique salafiste, sortant en boîte de nuit, volant des voitures pour faire des rodéos, mais attiré "sentimentalement" par le djihad, a-t-il rencontré quelqu'un lui ayant dit "c'est la présidentielle, c'est le moment de passer à l'action" ? Quel a été le rôle de son frère, qui semble beaucoup plus impliqué dans l'idéologie et l'activisme salafiste ? Ce sont là des questions auxquelles il aurait eu à répondre lors de son procès... mais, quel heureux hasard, il n'y en aura pas !

    En conclusion, QUI A TENU L'ARME DU CRIME plus sûrement que Mohamed Merah lui-même ?

    1°/ D'abord, le terreau : celui de la haine, de la stigmatisation et des "petites phrases" islamophobes qui fleurissent depuis plus de 20 ans et particulièrement depuis 2001, y compris dans des milieux prétendument "de gauche" ; et qui heurtent des sentiments populaires profonds, même chez des gens peu "observants" dans leur vie quotidienne ;

    2°/ Ensuite, l'idéologie : le salafisme entretenu par des oligarques grand-capitalistes du Golfe, avec leur projet de "Califat", d'"Empire" musulman où investir leurs pétro-milliards ; une idéologie dont, maintenant, toute personne du peuple "paumée" peut facilement s'emparer pour justifier un "défoulement" barbare ;

    3°/ Enfin, à un mois des présidentielles, la thèse d'une manipulation de type "stratégie de la tension" ne peut pas être écartée totalement ; à moins de vivre dans le monde des bisounours...

    Mais toutes ces barbaries du capitalisme pourrissant, en crise terminale, vont inexorablement sur leur fin. En Occitanie comme ailleurs, la CLASSE DE DEMAIN, le prolétariat, balayera les États modernes produits de l'absolutisme et du capitalisme. Alors renaîtra Al-Andalus, à un niveau mondial et supérieur : une Terre entière de paix et de civilisation, de lumière et de Fraternité humaine entre les êtres et entre les peuples ; une Humanité unie, sans exploitation de classe ni oppressions entre les nations : le COMMUNISME !


    http://media.melty.fr/media_aggregate-808239-ajust_614/fusillade-toulouse-mohamed-merah-assaut-raid.jpgLe RAID cernant le domicile de Mohamed Merah à Toulouse

     


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  • L'article qui suit n'est pas d'un auteur communiste ; mais il présente néanmoins un exposé très bien documenté et une analyse de classe (finalement) intéressante de la naissance de l'antisémitisme moderne (à l'époque capitaliste) en Allemagne. Une analyse qui montre bien que le nazisme exterminateur n'est nullement tombé du ciel ; contre la thèse qu'il serait une "crise de folie" ou un "envoûtement" collectif dans le contexte terrible de la crise de 1929... Au contraire, on voit bien comment l'antisémitisme nazi est clairement le prolongement de l'idéologie réactionnaire (à la fois antilibérale - au sens de libéralisme politique - et antisocialiste) qui a sous-tendu la formation de l'Allemagne, entre 1870 et 1900, d’État bourgeois fraîchement unifié à puissance impérialiste mondiale.

    Une idéologie, également, nullement "anticapitaliste", mais au contraire totalement bourgeoise et petite-bourgeoise ; et nullement "révolutionnaire", mais au contraire impulsée au plus haut sommet de l’État (Bismarck, puis l'empereur Guillaume II lui-même...). Elle naît, en définitive, de "l'immigration intérieure" (couplée à une véritable immigration étrangère, aussi) des Juifs, émancipés (entre 1847 et 1869) des restrictions féodales qui pesaient sur eux et faisant "irruption" dans la société capitaliste allemande, aussi bien en tant qu'entrepreneurs, commerçants ou banquiers qu'en tant que travailleurs (vendeurs de force de travail), les uns se heurtant à leurs concurrents capitalistes, les autres aux autres vendeurs de force de travail. C'est que l'ascension sociale, il faut le dire, est fulgurante, favorisée par la Haskala - souvent traduite par "Lumières juives" - qui est en fait une logique moderniste et ultra-intégrationniste comparable à l'"Islam de la République" aujourd'hui : si en 1815 (époque où la Réaction balaye les rares acquis de l'époque napoléonienne et où éclatent des pogroms meurtriers) seulement 25% des Juifs relèvent des classes moyennes, les autres vivant généralement dans une grande pauvreté, ils sont 50% en 1848 et 80% en 1868 (au terme du processus d'émancipation civique), très nombreux dans les professions intellectuelles et libérales, dans les administrations (du moment que les restrictions sont levées) ou à la tête d'entreprises, avec un niveau de vie moyen supérieur à la population générale allemande (dans le même temps leur nombre s'accroît considérablement, de peut-être 150 ou 200.000 à plus de 600.000 en 1914). Très vite les Juifs d'Allemagne n'ont plus grand chose de commun avec ces Ostjuden d'Autriche-Hongrie ou de l'Empire russe, pauvres, "arriérés" et ne parlant que le yiddish, qu'ils n'accueilleront d'ailleurs pas forcément à bras ouverts lorsque ceux-ci commenceront à immigrer dans les années 1910 (environ 80.000 en 1919). Le ressentiment, que le socialiste August Bebel qualifiera du fameux "socialisme des imbéciles", est donc considérable alors que comme partout ailleurs, mais de manière encore plus rapide et brutale, les grandes masses de la paysannerie et de la petite bourgeoisie sont jetées dans les taudis du prolétariat, la communauté villageoise traditionnelle et "solidaire" disparaissant presque totalement en un siècle : il est absolument impossible de comprendre l'antisémitisme nazi si l'on fait l'impasse sur ce "choc de modernité" radical subi par la société allemande entre 1815 et 1914, "choc" particulièrement "verticaliste" (impulsé "d'en haut", par les monarchies régnantes), volontariste et autoritaire dont les "idées nouvelles" se confondent, dans les esprits, avec la dure occupation française du début du siècle ET avec l'émancipation et l'ascension sociale fulgurante des Juifs.

    L'aristocratie (mutée en capitalisme agraire), quant à elle, associe irrémédiablement cette émancipation à la mort de la vieille société féodale, chrétienne, où "chacun était à sa place"... Or le nouvel Empire allemand de 1871, de par les conditions de sa naissance, a dû laisser à cette aristocratie une large place dans l'appareil d'État.

    Ce sentiment antijuif sera considérablement renforcé par la crise mondiale de 1873 et ses terribles conséquences (faillites entrepreneuriales, chômage) ; et il ne tardera pas, alors, à s'emparer la grande bourgeoisie la plus réactionnaire (associée à l'aristocratie capitaliste agraire), comme instrument de lutte anti-démocratique, anti-progressiste et anti-socialiste ; ce qui ne fera que se renforcer - pour ne pas dire exploser - après la situation révolutionnaire de 1918-20, alors que les directions révolutionnaires comptaient un grand nombre de Juifs (Rosa Luxemburg à Berlin, Eisner en Bavière, sans oublier la direction bolchévique russe, "à l'origine de tout").

    C'est LÀ que l'on en vient d'ailleurs au dernier, mais INDISPENSABLE élément du "déclic" exterminateur ayant conduit à la "Solution Finale" : l'association de la communauté juive à la "subversion" (démocratique radicale, socialiste/communiste) de l'ordre social établi (ainsi qu'à "l'ennemi" étranger dans une situation de lutte inter-impérialiste sur-aiguisée par la crise). SEUL CELA, et non le simple "socialisme des imbéciles" imprégnant des masses populaires broyées par la modernité industrielle capitaliste, peut déboucher sur une politique de massacre à grande échelle - a fortiori sur un génocide planifié. Il est évident qu'une chose telle que la Shoah, même si elle n'était pas forcément "programmée" dès 1933, même si elle n'est peut-être pas dissociable du contexte de guerre (et de guerre que l'Allemagne se voyait perdre), n'a EN AUCUN CAS pu être mise en œuvre par un "petit comité" nazi "dans le dos" de tout le monde (comme l'imagerie impérialiste occidentale de la Shoah, souhaitant - forcément - ménager la bourgeoisie allemande et les autres bourgeoisies européennes impliquées après-guerre, l'a souvent dépeinte) : elle a FORCÉMENT été voulue, ou du moins acceptée comme une "nécessité désagréable", par au moins une frange conséquente des bourgeoisies concernées (allemande-autrichienne, BBR, belge etc.) ; elle n'a pu, en d'autres mots, être qu'une politique du POUVOIR (capitaliste, étatique) et non un "simple" "pogrom géant" relevant du "socialisme des imbéciles" populaire, ce "socialisme" fut-il cristallisé en un gigantesque parti (le NSDAP) ayant pris le pouvoir.

    Voilà qui fait penser, finalement, au discours anti-immigrés d'aujourd'hui : fondé sur le sentiment de concurrence ressenti aussi bien par les salariés que par les petits entrepreneurs ou commerçants ; associant l'immigré à "l'ennemi intérieur" depuis la guerre d'indépendance algérienne jusqu'à notre monde post-11-Septembre en passant par les attentats de 1986 et 1995 ; permettant de viser, à travers l'immigration, ses "complices socialo-communistes" ; il mute finalement en véritable théorie du complot : "Eurabia", un "djihad sournois" démographique et culturel, financé par l'argent du Qatar et autres pétro-monarchies (alors que le pétrole et ses pays producteurs, à tort ou à raison, sont vus comme au "cœur du problème" de la crise actuelle) et favorisé par les "mondialistes" qui veulent "détruire les nations", les États-Unis qui veulent anéantir la vieille Europe et bien sûr les "gauchistes immigrationnistes", "collabos des collabos"...

    À noter que cette analyse, portant sur l'Allemagne, est totalement transposable à l'entité francouille (où les Juifs ont été émancipés en 1791), à quelques détails près : l'aristocratie, catholique et non protestante, n'a pas muté en agro-capitalisme mais en une classe de rente foncière (plus faible) ; et l'idéologie intégratrice des Lumières, plus forte qu'en Allemagne, amènera une distinction précoce (dès la 1ère Guerre mondiale) entre "Juifs français, patriotes, enracinés, anciens combattants, de droite" et "cosmopolites sans racines, anti-France", souvent démocrates radicaux ou "rouges" (distinction qui sera omniprésente dans la politique anti-juive de Vichy) ; le nombre et la situation des Juifs en Allemagne, que nous avons vu, fait aussi associer dans l'esprit de Maurras et Drumont la "juiverie" à ce pays, alors ennemi juré... Tandis qu'en Allemagne, qui se voit depuis le Moyen-Âge comme le "fer de lance de l'Occident contre l'Asie" (vision transposée dans le plan impérialiste nazi pour l'Europe de l'Est), le caractère "asiatique", "khazar" des Juifs sera nettement plus mis en avant et le caractère "biologique" de l'antisémitisme triomphera au 20e siècle - ici apparaît la dernière "filiation" de l'antisémitisme allemand pangermaniste et nazi : tout simplement celle de l'idéologie coloniale européenne depuis le 16e siècle, où des peuples entiers sont réduits en esclavage mais où aussi, parfois, l'on fait "place nette" lorsqu'une population n'est pas considérée comme exploitable mais comme une espèce animale nuisible à détruire ; idéologie que la nazisme a finalement appliquée À L'EUROPE MÊME ce qui, comme le rappellent certains intellectuels anticolonialistes (Aimé Césaire, Frantz Fanon), a fait "tout drôle" aux Européens et explique le traumatisme que représentent le nazisme, la Shoah et la Seconde Guerre mondiale dans leur mémoire collective. 


    2.2 - Nationalisme, théorie des races, antisémitisme : l'antisémitisme dans l'empire de Bismarck
     


    C’est ici le moment d’aborder la question de l’antisémitisme. Ce phénomène n’est nullement nouveau. Partout et à toutes les époques de l’histoire, les Juifs ont été persécutés, expulsés et assassinés. Tantôt on invoquait l’argument religieux, tantôt la fonction spoliatrice des Juifs ou encore leur qualité d’étrangers. Il n’est pas de notre tâche d’écrire cette histoire. Ce qui nous intéresse ici est le tournant qu’a pris le mouvement antisémite à la fin du siècle dernier en Allemagne.

    À partir de 1870, l’antisémitisme s’est revivifié en Allemagne et a pris des formes tout à fait nouvelles. C’est ce pays qui le premier a organisé politiquement l’antisémitisme.[54] Des partis se formèrent, ayant pour seul but de combattre les Juifs. Les véritables origines du NSDAP, où l’élément antisémite joue un grand rôle, se situent à la jonction de ces courants politiques et du racisme biologique esquissé ci-dessus. Un historien du national-socialisme à même pu dire : « On ne peut comprendre l’histoire de ce parti que par l’esprit antisémite qui a influencé pendant presque 30 ans la politique intérieure de l’Empire allemand ».[55] Nous croyons donc utile de raconter brièvement les origines et l’évolution de cet antisémitisme. Nous essayerons en même temps d‘en expliquer les véritables mobiles.

    La révolution française, en jetant à bas les privilèges féodaux et en émancipant le Tiers État par la proclamation de l’égalité entre tous les hommes, avait inséré les Juifs dans le reste de la nation. Ceux-ci devenaient citoyens au même titre que les Français. Peu à peu leur sort s’améliora aussi dans d’autres pays économiquement avancés, comme la Hollande et l’Angleterre. En Allemagne, cependant, l’industrialisation capitaliste se développa lentement et la féodalité subsista encore plusieurs décennies après sa chute dans les pays plus évolués d’Europe occidentale. Mais une fois en marche, l’évolution capitaliste ne pouvait s’arrêter en chemin.

    Les privilèges dynastiques et féodaux qui empêchent ce développement sont foulés aux pieds et remplacés par la libre concurrence. Les capitalistes ont besoin de capitaux et de force de travail pour l’extension de leur entreprises. On ne pouvait exclure plus longtemps les Juifs de cette évolution. Comme le dit Kautsky : « Plus la concurrence est grande entre les fournisseurs de crédit, plus l’industrie en profite. »[56] Vis-à-vis de ces nécessités économiques, l’inégalité politique dans laquelle se trouvaient les Juifs était devenue par trop intenable. En 1847, après beaucoup de tergiversations, la Diète prussienne donna aux Juifs des droits égaux à ceux des citoyens chrétiens. Si en théorie les Juifs avaient ainsi obtenu l’égalité, ils restaient dans la pratique soumis à des mesures d’exception. Malgré cette loi, un Juif ne pouvait pas devenir juge, ni officier dans l’armée. En 1869 une loi, soutenue par le Premier ministre Bismarck, supprima ces dernières restrictions. Dans la classe féodale, cependant, ces mesures ne firent pas disparaître l’antisémitisme. Tout au contraire, il s’y revivifia. Quand les classes inférieures montent dans les classes supérieures, elles rencontrent des sentiments de répulsion et d’hostilité, surtout quand elles menacent l’existence de celles-ci, le phénomène est connu.[57] Ce n’est pas le sang étranger, mais le succès du sang étranger qui a fait naître le problème juif (Olda Olberg – Nationalsozialismus, p. 33). Ainsi le professeur Sulzbach montre que l’ascension des nègres est considérée aux États-Unis comme une perversité, tandis que les descendants des peaux-rouges occupent des fonctions élevées et jouissent de l’estime générale.[58]

    L’opposition des « Junkers » prussiens à l’avancement des Juifs, tout en étant vive, demeurait inorganisée. Elle consistait surtout en intrigues sournoises pour bloquer l’ascension de cette nouvelle couche sociale. L’antisémitisme se constitua en mouvement politique au moment où la petite-bourgeoisie commença à embrasser ce type d’idées.

    La crise violente, qui atteignit l’Allemagne après la guerre de 1870 contre la France, frappa surtout la petite-bourgeoisie. Favorisée par l’abondance de l’or français résultant du paiement de l’indemnité de guerre, l’économie allemande connut un incomparable essor qui dura jusqu’en 1873. Les succès sur les champs de bataille et la fondation de l’Empire, joints à cette prospérité économique, avaient réveillé dans la bourgeoisie allemande des espoirs illimités. La spéculation se propagea et on crut à un progrès indéfini. Mais l’évolution de l’industrialisation avait, pour la première fois dans l’histoire, déplacé le foyer de la crise, de la France et de l’Angleterre, vers l’Allemagne et les États-Unis.[59] En mai 1873, éclata un krach général. Les faillites se multiplièrent et toutes les classes furent cruellement touchées par ce formidable bouleversement économique. La panique fut générale dans ce pays qui n’avait jamais connu une pareille crise et la bourgeoisie vit brusquement fondre ses espoirs. On chercha les causes et on trouva le Juif. La colère de tous ceux qui avaient perdu leur capital par la spéculation se dirigea contre les banquiers juifs dont certains s’étaient maintenus. Ce courant de haine se manifesta chez les artisans et les petits boutiquiers qui se virent menacés dans leur existence par la concurrence des grands magasins, fréquemment entre les mains des Juifs. Sans doute y eut-il des Juifs qui avaient souffert par la crise, tout comme certains chrétiens en avaient tiré profit. Mais ce n'étaient pas eux qui retenaient l’attention. On retenait seulement « Monsieur Kohn » qui, vingt ans auparavant, avait immigré sordide et crasseux en Allemagne et qui, maintenant, participait à la pompe resplendissante de l’Empire.

    La presse commença à travailler. Bismarck, qui s’était engagé dans les opérations financières avec des banquiers juifs, fut soupçonné d’avoir favorisé ces derniers et fut attaqué par des journaux conservateurs (Kreuz-Zeitung). En général ces idées se limitèrent à un milieu assez restreint qui n’entretenait guère de contacts avec la petite-bourgeoisie. Il appartint à Adolf Stöcker, le prédicateur de la Cour impériale de Guillaume 1er, d’opérer l’union de ce milieu conservateur avec les grandes masses de la classe moyenne et ainsi de propager les idées antisémites dans de larges couches de la population. Vers 1880, il fonda un parti – appelé dans ses débuts Christlich-soziale Arbeiterpartei (parti chrétien social ouvrier) – par lequel il entendait combattre le matérialisme de la social-démocratie et résoudre le problème social par le recours à la charité.

    Peu à peu, le parti se transforma. Après avoir été dissoute par Bismarck, la social-démocratie avait disparu de la scène politique. Resté seul, sans adversaire politique, Stöcker continua cependant son agitation. Devant l’insuccès qu’il rencontra dans la classe ouvrière, il dirigea son attention principalement sur la petite-bourgeoisie. Le nom du parti fut alors changé : on laissa tomber le qualificatif « ouvrier ». Stöcker découvrit que la cause de l’esprit matérialiste et mammoniste, résidait dans le Juif. La boucle est fermée. Un parti ouvrier utopique a donné naissance à un parti petit-bourgeois et antisémite, soucieux d’instaurer un soi-disant capitalisme chrétien. Il est impossible d’insister ici sur les pérégrinations de celui-ci. Wawrzinek a étudié l’origine et les changements de ce parti dans un excellent ouvrage.[60] Nous nous contenterons d’en résumer l’essentiel.

    Bismarck qui, personnellement, se méfiait de Stöcker, n’interdit pas sa propagande et même la considérait d’un bon œil. Les milieux possédants craignaient l’influence grandissante de la social-démocratie qui, au début de son existence, entretenait une agitation violente. Ils voyaient dans l’antisémitisme un moyen pour détourner l’attention de la lutte des classes. Bien qu’il réprouvât les exigences sociales sur lesquelles Stöcker voulait fonder le capitalisme chrétien, Bismarck voyait également dans son antisémitisme une arme qui pouvait être employée dans la lutte contre le socialisme.[61] Or, ce mouvement ne se bornait pas à cette fonction de soupape de sécurité contre les tendances anti-capitalistes. La propagande antisémite avait sa dynamique propre. À Berlin, des Juifs furent molestés. Dans certaines provinces de Prusse, des Juifs s’étaient établis en grand nombre et faisaient concurrence aux ouvriers et commerçants chrétiens. Parmi ces derniers, Stöcker avait trouvé un terrain propice. En Poméranie et dans la Prusse occidentale la persécution commençait. Des synagogues furent incendiées (Neustettin). Le mythe du crime rituel refit surface. Bismarck refusait toujours d’intervenir. Des journaux antisémites surgirent de tous côtés. Des congrès antisémites furent organisés. L’héritier de la couronne, le futur empereur Frédéric III s’opposait bien à l’antisémitisme, mais il ne régna que cent jours. Dans un premier temps, son successeur, l’empereur Guillaume II, se révélât un fidèle ami de Stöcker. Toutefois, par la suite, l’influence de celui-ci sur l’empereur s’affaiblit. Il est possible que les milieux financiers d’Angleterre et des États-Unis, avec lesquels l’Allemagne était contrainte de traiter, n’aient pas été étrangers à cette évolution. Stöcker fut poussé à démissionner de sa charge de prédicateur de la Cour. Son parti se divisa. Sous la direction de Friedrich Naumann, les éléments les plus radicaux formèrent un nouveau parti, le « National Sozialverein », qui fut absorbé en 1909 par la « Freisinnige Vereinigung ».

    L’antisémitisme atteignit son apogée en 1889. La majorité de la petite-bourgeoisie était alors mobilisée sous le drapeau des partis antisémites. En 1892, le grand parti conservateur inséra encore dans son programme, connu sous le nom de « Tivoliprogramm », certaines revendications antisémites. Mais, au fur et à mesure que la situation économique s’améliorait, les conservateurs perdaient des voix. La bourgeoisie commença à oublier les catastrophes de « la période de la fondation ». Les ouvriers, quant à eux, étaient toujours restés en dehors de ce courant.

    À ce moment précis, toutefois, apparaît un facteur tout à fait nouveau. L’antisémitisme avait jusqu’alors masqué les intérêts économiques qui le guidaient derrière des motivations religieuses. Le programme de Tivoli exprime encore très bien cette tendance quand il énonce qu’il veut éliminer les influences destructrices des Juifs en instaurant une autorité chrétienne pour le peuple allemand chrétien et en exigeant des instituteurs chrétiens pour un système scolaire chrétien. Avec l’amélioration de la situation économique, cet appel à la religion perdait de sa force. Qui plus est, les Juifs pouvaient se dérober facilement à cet antisémitisme religieux par la conversion.

    L’apparition de la théorie des races donnera à l’antisémitisme nouveau une justification idéologique ainsi qu’un regain de vigueur. Déjà, en 1880, avait paru un livre dont le titre indiquait cette nouvelle orientation.[62] Ce livre constitue un document historique car il contient, de manière plus ou moins développée, toutes les idées et tous les arguments qui sont à la base de l’antisémitisme hitlérien. Le Dr Dühring reproche aux Juifs leur influence dans la presse et les finances, leur pénétration dans les professions libérales. Selon lui, cela prouve leur esprit corrompu, leur égoïsme et leur désir de dominer les autres peuples. Il en arrive ainsi à conclure qu’ils sont une race inférieure : « La physiologie et la biologie ne sont pas encore assez avancées pour émettre des jugements sur les fonctions organiques : les sécrétions, le sang, les nerfs, les muscles ; mais par l’observation, on peut déterminer la valeur des personnes et des peuples entiers d’après leurs actions. »[63] Il serait intéressant de rapprocher les écrits nationaux-socialistes de cet ouvrage et de comparer les arguments : même critique et même conclusions. Il existe cependant une différence : le racisme de Dühring se dirige exclusivement contre les Juifs. Ceux-ci sont inférieurs à tous les autres peuples qui ne peuvent être sauvés de la judaïsation que par l’exclusion des Juifs de la politique, de la jurisprudence, de la finance, de la presse de l’enseignement, etc. Pour être efficaces, ces principes d’exclusion doivent se baser sur la race et non sur la religion, qui permettrait toujours aux Juifs d’éluder ces mesures par le baptême. Les mariages mixtes sont une honte pour le peuple supérieur et doivent être légalement défendus.

    Le parallélisme est frappant. Si le Dr Dühring n’établit pas de hiérarchie entre les autres peuples, il adresse tout de même un avertissement significatif à la France et à l’Angleterre qui se laissent gouverner par les Juifs comme Crémieux, Gambetta et Disraëli. À l’Allemagne incombe la tâche d’inaugurer la politique antisémite qui affranchira les peuples d’une domination insupportable. Voici l’essentiel de ce livre qui connut un assez grand succès. Il a influencé de nombreux auteurs antisémites et a directement contribué à la multiplication de leurs ouvrages. Par la suite, ce courant d’idées convergera avec les théories esquissées ci-dessus pour fournir une base unifiée à tout l’antisémitisme futur. 

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    http://pmcdn.priceminister.com/photo/Soucy-Robert-Fascisme-Francais-1933-1939-Mouvements-Antidemocratiques-Livre-894528574_ML.jpgRobert Soucy se démarque des vues de nombreux chercheurs français selon lesquelles les organisations fascistes de la France de la fin des années 1930 furent « marginales », que le « vrai fascisme » ne peut être défini que comme la synthèse du nationalisme et du socialisme (« ni droite, ni gauche »), et que l'une des raisons pour lesquelles les Croix de Feu/Parti social français (CF/PSF) du colonel François de La Rocque ne peuvent être considérés comme fascistes est qu'elles étaient socialement trop conservatrices. Soucy reconnait que certains mouvements fascistes français, tels que le Front commun de Gaston Bergery et les néo-socialistes de Marcel Déat ont été – ne fût-ce que pour de courtes périodes – plus de gauche que de droite, mais il soutient que les plus grands mouvements fascistes français (le Faisceau de Georges Valois, les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, Solidarité française de François Coty, le Parti populaire français de Jacques Doriot et les CF/PSF du colonel de La Rocque) ont été d'ardents défenseurs du conservatisme social et des intérêts économiques de la grande bourgeoisie. Soucy soutient que les hommes de gauche qui ont rejoint ces mouvements ont rapidement abandonné leurs convictions de gauche, que les objectifs de ces fascismes (y compris ceux du mouvement de Doriot après 1937) allaient du conservatisme social à la réaction, que leurs principaux bailleurs de fonds étaient issus du monde de l'entreprise (La Rocque et Doriot touchaient tous deux des fonds du Comité des forges), et que, exception faite du PPF de Doriot avant 1937, aucun de ces mouvements ne jouissait de soutien significatif de la classe ouvrière1. Soucy fait valoir que trop d'historiens ont pris pour argent comptant la rhétorique « socialiste », ou le double langage de certains de ces mouvements, en oubliant la façon dont celle-ci a pu être contredite à maintes reprises par leurs positions touchant aux questions sociale, économique et politique. Comme l'un de leurs précurseurs, le cercle Proudhon, qui honorait moins le premier Proudhon de « la propriété, c'est le vol » que le second, beaucoup plus conservateur, ces organisations étaient beaucoup plus nationalistes que socialistes.

    Robert Soucy souligne que tous les conservateurs français des années 1920 et 1930, en particulier les membres de l'Alliance démocratique et du Parti démocratique populaire des années 1930, n'ont pas subi l'attrait du fascisme, mais il considère les fascismes français les plus aboutis de l'époque, ceux comptant le plus grand nombre d'adhérents, comme des « variantes » ou des « extensions » du conservatisme social en crise, comme autant de mouvements à avoir bénéficié de la réaction de la droite à la victoire du cartel des Gauches en 1924 et du Front populaire en 1936. Il soutient notamment que les Croix de Feu/Parti social français, le plus grand mouvement de la droite française en 1937, avec un nombre d'adhérents supérieur à celui des partis communiste et socialiste réunis, ont constitué l'une de ces variantes fascistes. Soucy décrit plusieurs caractéristiques partagées par les CF/PSF avec les autres fascismes européens de l'époque et il élabore une définition également à multiples facettes du fascisme lui-même.

    Là où Robert Paxton et Philippe Burrin ont décrit certains conservateurs des classes supérieures à avoir soutenu le fascisme comme « alliés » ou « complices » du fascisme, mais non comme fascistes eux-mêmes, Soucy fait valoir que cet « essentialisme sélectif » évite aux membres des élites traditionnelles, mais non à ceux au-dessous eux, d'être considérés comme fascistes. Pour Soucy, les différences entre conservateurs autoritaires non-fascistes et conservateurs autoritaires fascistes étaient souvent plus une question de gradation et de tactiques que d'essences fixes ou irréconciliables. Par comparaison avec les conservateurs autoritaires non-fascistes, les fascistes affichaient une haine plus virulente de la « décadence », un désir plus nettement marqué d'engendrer un grand nombre d'« hommes nouveaux », un plus grand recours à la jeunesse – la « virilité » étant érigée en idéal –, et le caractère plus farouche de leur nationalisme. La démonologie pratiquée par les fascistes, qui accusaient plus durement les communistes, les socialistes, les francs-maçons, les internationalistes, ainsi que – mais pas toujours – les Juifs, de la plupart des maux de la nation, était également plus virulente que celle de nombre de conservateurs. Le goût pour la répression de ces éléments « antipatriotiques » était beaucoup plus marqué chez les fascistes, qui étaient également plus disposés à s'engager dans des activités paramilitaires et qui voulaient appliquer les valeurs militaires de discipline, d'obéissance, d'anti-hédonisme, etc. à l'ensemble de la société. Alors que les conservateurs traditionnels se méfiaient du populisme, fût-il d'extrême-droite, les fascistes ambitionnaient de mobiliser « les masses ». Ce faisant, les fascistes faisaient écho à un idéal également encouragé par d'autres conservateurs, à savoir l'insignifiance des différences matérielles entre classes sociales par rapport aux valeurs « spirituelles » et à l'unité de la nation. Les fascistes français exhortaient leurs adhérents à revitaliser « l'esprit des tranchées » de la Première Guerre mondiale, lorsque travailleurs et bourgeois, paysans et aristocrates avaient combattu côte à côte les ennemis de la nation. Soucy soutient que le mouvement de La Rocque présentait, à divers moments, toutes ces caractéristiques.

    Soucy estime que, dans les années 1930, plus les conservateurs autoritaires non-fascistes français (et même conservateurs précédemment démocratiques) s'estimaient menacés par la gauche, plus ils étaient sensibles aux sirènes du fascisme. Aucune attaque sérieuse contre les élites traditionnelles ou de leurs intérêts économiques n'était (du moins en temps de paix) exigée des conservateurs sociaux qui optaient pour l'alternative fasciste. Un thème récurrent dans les écrits des fascistes français de Valois, Taittinger et Coty à La Rocque, Bucard et Doriot (ainsi que de Mussolini à Hitler), était que la conciliation – sur une base conservatrice – entre les classes devait se substituer aux luttes de classe (en particulier les grèves ouvrières). Dans un certain nombre de cas durant la Grande Dépression, les intérêts communs entre fascistes et conservateurs non-fascistes ont effacé des divergences pour les remplacer par une « fusion » accompagnée d'une interpénétration idéologique dans les deux sens.

    Pour Soucy, la rhétorique « anti-bourgeoise » d'intellectuels fascistes, comme Robert Brasillach ou Pierre Drieu La Rochelle, faisait référence aux bourgeois « décadents », c'est-à-dire les bourgeois libéraux, démocratiques, hédonistes, complaisants envers le marxisme, non les bourgeois « virils »2. En réponse au Front populaire, de nombreux anciens fascistes et d'autres qui étaient contre-révolutionnaires, catholiques, traditionalistes et réactionnaires, rejoignirent le PSF de La Rocque. Un grand nombre de conservateurs précédemment démocrates, qui avaient regardé La Rocque avec répugnance avant 1936, furent dès lors prêts à passer sur ses nombreuses déclarations antidémocratiques et ses menaces paramilitaires de renverser le gouvernement par la force des deux années précédentes. Lorsque le nouveau gouvernement du Front populaire interdit les CF à l'été 1936, La Rocque les remplaça par le PSF, affirmant qu'il était maintenant un politicien démocrate ; cette conversion supposée fut vite oubliée en 1941 lorsque La Rocque devient un fervent partisan du régime de Vichy. Soucy fait remarquer aux historiens qui affirment que les discours « démocratiques » de La Rocque dans les années 1936 à 1940 prouvent qu'il n'était pas fasciste (et que ceux qui l'ont soutenu, y compris d'anciens membres des CF, l'ont également cru), que La Rocque n'a pas été le seul fasciste de l'époque à avoir tenté de parvenir au pouvoir par la voie démocratique, dès lors que les chances de succès d'un coup d'État paramilitaire s'avéraient irréalistes : tel était le choix qu'avait effectué par Hitler, après l'échec du putsch de Munich en 1923, il a accédé légalement au pouvoir une décennie plus tard.

    Soucy affirme que la « fluidité » de l'idéologie et des tactiques fascistes constitue un défi pour les historiens qui insistent pour imposer des taxonomies statiques à une idéologie fasciste en mouvement. Le fascisme italien donne un exemple majeur de cette fluidité lorsque Mussolini, d'abord socialiste, effectua un virage à droite brutal, après l'énorme défaite subie par son mouvement du Fascio national « syndicaliste » aux élections de 1919. Soucy critique également les définitions du fascisme qui exigent que les fascistes, pour être considérés comme tels, se soient comportés, avant leur arrivée au pouvoir, exactement de la même façon « totalitaire » qu'après leur arrivée au pouvoir. Soucy considère que trop d'historiens ont eu tendance à exonérer les CF/PSF en définissant le fascisme de façon ahistorique et en prenant pour argent comptant la rhétorique « démocratique » de La Rocque après l'interdiction des CF en 1936.

    Soucy est également en désaccord avec les historiens qui dépeignent La Rocque comme trop « modéré » pour être fasciste, et comme quelqu'un qui croyait en la « légalité républicaine », qui désapprouvait la violence politique, qui était un vrai démocrate, et qui était, de surcroît, opposé à l'antisémitisme. Soucy cite diverses déclarations de La Rocque qui contredisent ces interprétations, parmi lesquelles : en 1935, La Rocque condamnait « les modérés » devenus, selon lui la proie du « compromis et de l'hésitation3 », appelant les Français à se dresser contre la menace de la révolution communiste et de « son alliée sordide la révolution »3. En 1941, il rappela à ses lecteurs « combien de fois, jadis, n’avons-nous pas condamné les « modérés » 4? » « Ce sont gens de mignardise. Ce sont gens de mollesse5. » Parvenu, au cours de l'hiver 1935-36, à la conclusion que les circonstances n'étaient pas favorables à un coup paramilitaire, La Rocque choisit de briguer l'accès au pouvoir par les voies électorales, bien qu'il ait, à cette époque, déclaré à ses troupes que « La seule idée de briguer un mandat me donne des nausées : c’est une question de tempérament6. » « L’hitlérisme, a-t-il rappelé, est devenu une force politique prépondérante seulement le jour où, en 1930, il a fait entrer cent sept des siens au Reichstag7. »

    Soucy indique également que La Roque félicita, en 1933, les membres des CF qui se livrèrent, de 1931 à 1933, à de « nombreux » assauts contre les réunions pacifistes. Il en dirigea d'ailleurs une lui-même en 1933. En 1934, il commandait, à partir de son « poste de commande » à quelques rues de la Chambre des députés, la participation (de façon « disciplinée ») de ses troupes aux émeutes « fascistes » du 6 février 1934 qui se soldèrent par la démission de Daladier et la chute de son gouvernement du Cartel des gauches le lendemain. En octobre 1936, trois mois après la création du PSF « démocratique », quelque 15 000 à 20 000 militants du PSF affrontèrent violemment des militants communistes lors d'un meeting du PCF au Parc des Princes. Trente policiers furent blessés dans les affrontements. Un mois plus tard, La Roque décrivait la violence de ses partisans au Parc des Princes comme une « levée en masse » spontanée, qui avait contenu « l'arrivée au pouvoir d'un complot communiste8. »

    Bien que La Rocque se soit, comme Mussolini au cours de sa première décennie au pouvoir, opposé à l'antisémitisme biologique et qu'il ait défendu les juifs assimilés, en particulier ceux de droite, dont Kaplan, le rabbin de Paris et les anciens combattants de 14-18, La Roque s'est, après 1936, laissé aller de plus en plus à un antisémitisme culturel et politique ciblant les immigrants juifs, en particulier, ceux du Front populaire. En 1940, il dénonce la « purulence juive9 » soutenue par les « complots9 » francs-maçons et, en 1941, il accuse les immigrants juifs d'avoir sapé la « moralité9 » et la « santé9 » de la nation et – de nouveau avec les francs-maçons – d'avoir contribué aux « vices mortels9 » de la France. En 1941, il exhorta Vichy à entreprendre, avec « une résolution impitoyable9 », l'« extirpation intégrale des éléments contaminés9 » de la société française.

    Soucy remet également en cause l'argument selon lequel le mouvement de La Rocque n'était pas fasciste parce qu'il était une forme de « catholicisme social patriotique », c'est-à-dire trop nationaliste et trop catholique pour être fasciste. Pour Soucy, on pourrait appliquer la même description à la faction dominante du Partito Nazionale Fascista (PNF) de Mussolini après la signature des accords du Latran réconciliant le régime fasciste et le Vatican en 1929. Non seulement le grand nombre de catholiques qui affluèrent au PNF après 1929 laissèrent leur marque sur l'idéologie fasciste en Italie, mais Pie XI remercia Mussolini d'avoir mis en œuvre le « catholicisme social » prôné par l’encyclique Rerum novarum. De même, tous les fascistes n'étaient pas non plus « modernistes » esthétiques. Les historiens qui supposent que le fascisme et le catholicisme (en particulier de droite) sont comme l'huile et l'eau ignorent que, pendant les années 1930, un bon nombre de « fusions » eurent lieu, y compris l'existence d'importantes mouvements fascistes catholiques en Espagne, au Portugal, en Pologne, en Autriche, en Hongrie, en Croatie, en Bolivie, en Argentine, au Chili et au Brésil. Soucy affirme que, même si de nombreux catholiques ont rejeté le fascisme au cours de l'entre-deux-guerres (il note, par exemple, que plus de protestants que de catholiques ont soutenu le nazisme en Allemagne dans les élections de juillet 1932, 38% contre 16%), des catholiques comme Valois, Taittinger, Coty, Bucard et de La Rocque ont bien été les porte-parole d'une forme française de fascisme, dont les origines intellectuelles en France remontent aux années 188010.

    Soucy récuse également l'hypothèse selon laquelle La Rocque n'était pas fasciste parce qu'il était très nationaliste et très opposé à une invasion de la France par l'Allemagne dans les années 1930. Il fait remarquer que La Rocque était loin d'être le seul fasciste européen de l'époque à être très nationaliste. La plupart d'entre eux, y compris Hitler et Mussolini, l'étaient et aucun ne voulait voir son pays conquis par une autre nation, fût-elle fasciste. Ceci n'a toutefois pas empêché de La Rocque d'écrire en 1934 que le Duce est un « génie11. » et que « l'admiration que mérite Mussolini est incontestable11 ». Tant dans les années 1930 qu'en 1941, La Rocque demandait à la France de s'engager dans une « solidarité continentale » (non un assujettissement) avec l'Italie fasciste. En 1941, il a également soutenu la « collaboration continentale » avec l'Allemagne nazie à la condition que la France soit traitée en partenaire égale. C'est quand il est parvenu à la conclusion, au début de 1942, que celle-ci n'allait pas se produire et que la guerre commençait à tourner au désavantage des Allemands, qu'il a formé son propre réseau de Résistance, avant d'être arrêté par la Gestapo et de passer le reste de la guerre dans les prisons allemandes. La Rocque est d'ailleurs loin d'avoir été le seul fasciste français à rejoindre la Résistance. Pour Soucy, cet engagement prouve que La Rocque était un fasciste français ultranationaliste.

     


    Robert Soucy, né le 25 juin 1933 à Topeka, est un historien américain.

    Il est surtout connu pour ses travaux sur le fascisme français qui portent, en particulier, sur les intellectuels et les écrivains appartenant à cette mouvance. 

    Ses thèses ne font pas l’unanimité auprès de certains fascistologues qui mettent en question le rapprochement qu’il fait entre Maurice Barrès et le fascisme. Ses travaux ont été remis en question notamment par les historiens Zeev Sternhell, Michel Winock et Serge Berstein. Soucy a répondu à ces critiques dans deux ouvrages. Dans ses deux derniers livres, Soucy se concentre beaucoup plus sur les mouvements fascistes que sur les intellectuels fascistes, en s’appuyant amplement sur les rapports de la police française de l’époque.

    Dans son livre Fascismes français ? 1933-1939 : mouvements antidémocratiques, il présente une version révisée et augmentée de l’édition américaine française French Fascism, the Second Wave, 1933-1938, avec un chapitre sur les intellectuels fascistes français Bertrand de Jouvenel, Pierre Drieu La Rochelle, Robert Brasillach et Louis-Ferdinand Céline.

     

    Une analyse dans laquelle peut se retrouver à 99% Servir le Peuple.

    Pour comparaison, voici la thèse de Zeev Sternhell, que SLP rejette globalement, comme thèse se posant en défense du libéralisme bourgeois contre lequel "les extrêmes se rejoignent" (puisqu'il est dit, explicitement, que c'est sa tradition "anti-libérale" qui fait de la France la "matrice" du fascisme) :

    L’historien Zeev Sternhell a renouvelé l’approche du fascisme français exposant que la France est le vrai berceau du fascisme, même si celui-ci n'est pas arrivé au pouvoir avant 1940. Zeev Sternhell expose que l’idéologie fasciste est née en France de la rencontre intervenue peu avant la Première Guerre mondiale d’un nationalisme anti-républicain (Action française) et du syndicalisme révolutionnaire (Georges Sorel), au sein notamment du Cercle Proudhon de Georges Valois. Pour Zeev Sternhell, la France est même une terre propice au fascisme compte tenu d’une forte tradition anti-libérale prônant une société organique (anti-individualisme, anti-parlementarisme). Cependant, le fascisme ne saurait se confondre avec l’ancienne idéologie contre-révolutionnaire. Le fascisme étant un mouvement propre à l’ère de masse du XXe siècle, il naît de la fusion du nationalisme, d’éléments d’extrême droite et d’éléments de gauche (Mussolini en Italie ; Georges Valois, Marcel Déat et Jacques Doriot en France ; Goebbels en Allemagne, etc.).

    Dans Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France, Zeev Sternhell étend ainsi le terme fasciste aux néo-socialistes, planistes, technocrates, voire certains personnalistes des années 1930 (tous groupes que l’on peut regrouper sous l’appellation large de non-conformistes des années 1930, en reprenant le titre d'un ouvrage de Jean-Louis Loubet del Bayle.) Cette extension du terme « fasciste » est contestée par la majorité des historiens français, sur le fond et pour sa méthode, qui amalgame des textes détachés de leur contexte logique et chronologique, tout en donnant à ce qu'il appelle le « fascisme » des caractéristiques qui ne lui sont pas habituellement associées.

    En fait, les années 1920 et encore plus 1930 ont été marqués par un intense bouillonnement idéologique. Au sein de tous les partis, des hommes réfléchissent à des solutions nouvelles. À gauche (SFIO et même PCF) pour renouveler la vieille pratique guesdiste au profit d’un socialisme réformiste qui n’avait jamais auparavant été théorisé. À droite pour dépasser le libéralisme parlementaire alors que la Troisième République ne parvient pas à se réformer pour gagner en stabilité (voir la tentative avortée du président Gaston Doumergue pour renforcer les institutions en 1934).

    Des hommes de tous bords ont pu échanger des idées nouvelles au sein de multiples groupes de réflexions (X-Crise, etc.) et revues (Nouveaux cahiers, Plans, etc.). Ces hommes rentrent, pour Zeev Sternhell, dans le cadre large du fascisme pour les raisons suivantes :

    • Dans leur quête de nouveauté, ils envisagent de nouvelles solutions non libérales et antiparlementaires et regardent même parfois explicitement du côté des régimes fascistes qui paraissent alors jeunes et modernes. Plutôt que de « fascisme » au sens plein, on peut souvent parler pour ces hommes de « tentation fasciste » ou de « séduction fasciste », du moins tant que l’intérêt ne dure pas.
    • Au sein de ces groupes et revues, les futurs résistants travaillent avec les futurs vichystes ou collaborateurs, avec les mêmes mots et les mêmes idées. La distinction entre fascistes et non-fascistes n’est souvent possible qu’après 1940. C’est alors que se fait le choix décisif : profiter de la chute de la République pour imposer ses idées alors qu'il y a place pour des expériences nouvelles (ceux-là tomberont dans le régime de Vichy et la collaboration), ou donner priorité (par patriotisme ou par républicanisme) à la Libération du pays avant de le réformer (ceux-là seront résistants, puis mèneront les grandes réformes des Quatrième République et Cinquième République). L’attitude sous l’occupation reste le juge de paix entre fascistes et non fascistes qui ne doit pas faire oublier les convergences de projets avant-guerre.


    Le cas de Georges Valois est mis en exergue, mais c'est évacuer un peu vite qu'il fut UN cas au milieu de centaines de milliers de "SR" qui, eux, tout en ayant des théories erronées (anti-Parti), combattirent vaillamment la montée du fascisme, le régime de Vichy et l'occupation nazie jusqu'en 1945... De la même manière que, si Mussolini venait du socialisme italien, des dizaines de milliers de socialistes combattirent vaillamment contre sa montée au pouvoir (1919-22), et tout au long de son régime jusqu'en 1945.

    Et Doriot, lui, n'était-il pas issu du "PCF révolutionnaire des années 30-40" que célèbrent les partisans "maoïstes" de Sternhell ?

    En réalité, le "Faisceau" de Valois, financé par des grands capitalistes comme François Coty, semble avoir été une tentative "mécanique" de copier le modèle fasciste italien, jusque dans le leader venu du mouvement socialiste... Une "greffe" qui ne prit pas, et le mouvement s'effondra après 2 ans et demi d'existence. Valois (on omet souvent de le dire) tentera de revenir vers la social-démocratie (mais la SFIO, en raison de son passif, ne l'acceptera plus dans ses rangs).

    À noter que le fait que Robert Soucy soit américain est évidemment d'une grande importance, face à toute une "école française" incarnée notamment par René Rémond, cherchant à nier qu'il y ait jamais eu un véritable fascisme en France, pour faire de Vichy et de ses crimes une simple conséquence accidentelle de l'invasion allemande... Le discours, en somme, de Vichy "nul et non avenu" tenu par les gaullistes en 1944, prétendant couper la "Révolution nationale" de tout le background de l'extrême-droite et de l'ultra-conservatisme BBR des années 1920-30... background dont beaucoup étaient eux-mêmes issus !


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    Voir aussi :

    Enjeux - La Rocque et le fascisme français

    Réponse à Michel Winock - par Robert Soucy

     


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  • Autant prévenir : l'article qui suit va être COMPLEXE. Lecteurs, lectrices, il va falloir faire l'effort de suivre. Nous allons en effet toucher là au CŒUR, aux tréfonds de la théorie marxiste ; le matérialisme dialectique.

    Pour certain-e-s, cela pourrait même sembler être de la "théologie sur la Lune"... MAIS, pourtant, cette réflexion théorique est d'une extrême importance : vous allez découvrir pourquoi dans ce qui suit. 

    Si l'on veut résumer à l'extrême : le matérialisme dialectique est la théorie scientifique qui sous-tend toute la pensée marxiste. Classiquement, de l’œuvre théorique de Marx et Engels, ressortent 3 lois essentielles du matérialisme dialectique. Ce sont :

    1- Première et principale (les autres ne font qu'en découler), la loi de la contradiction ; dite aussi "de l'unité relative des contraires". C'est le principe qui veut que toute chose, tout phénomène, soit déterminé par une contradiction principale. Avant que cette contradiction existe, le phénomène n'existait pas. Si la contradiction disparaît, le phénomène disparaît sous sa forme actuelle ; c'est à dire qu'il se transforme en quelque chose d'autre, qui sera déterminé par une nouvelle contradiction principale. La chose / phénomène a aussi des contradictions secondaires, qui ne sont pas "sans importance" (chacune est susceptible de devenir un jour principale !), mais sont subordonnées à la contradiction principale, déterminées par elle. Les deux principaux aspects en contradiction forment un tout, une unité (par exemple, une société), mais sont en LUTTE et cette lutte est ABSOLUE, déterminante, jusqu'à devenir antagonique et transformer la chose/phénomène en "autre chose". L'unité est seulement relative (on parle donc d'"unité relative des contraires").

    2- La loi de la transformation de la quantité en qualité et inversement. Pour faire simple : l'évolution des choses et des phénomènes procède par accumulation quantitative, qui entraîne à un moment donné un saut qualitatif vers "autre chose". Attention cependant : cela ne doit pas mener (et a trop souvent mené) à des raisonnements mécanistes. Ainsi, durant la construction socialiste en URSS, on avait tendance à considérer que "développer la production", "accroître les forces productives" etc., sous la dictature du prolétariat, suffirait à conduire (en quelques générations) au communisme. De la même façon, il était considéré par les social-démocrates de la IIe Internationale (Bernstein etc.) que la simple accumulation de conquêtes démocratiques et sociales suffirait, un jour, à produire le "saut" de l'humanité dans le socialisme, sans le processus révolutionnaire (luttes violentes, guerre civile, dictature du prolétariat) décrit par Marx...

    3- Enfin, la loi de la négation de la négation ; que nous allons étudier plus loin.

    Le fond du débat est que, pour bon nombre de maoïstes, Mao aurait rejeté la loi de la "négation de la négation" (et, également, la loi de la quantité/qualité : en fait, toute autre loi que la contradiction). Mais d'autres (comme nous allons le voir) contestent la réalité de cette prise de position. D'autres, encore, affirment que Mao a simplement subordonné la transformation quantité/qualité et la "négation de la négation" à l'"unité relative des contraires"... ce qui est certes vrai, et que cautionne totalement Servir le Peuple ; mais était déjà le cas chez Marx, Engels, Lénine et tous leurs contemporains marxistes ! [En réalité, les 3 lois décrivent des caractères différents du mouvement dialectique des choses : l'unité relative des contraires en est le moteur, la transformation de la quantité en qualité en est la "mécanique", et la "négation de la négation" en est l'aspect extérieur (pour un observateur externe) ; nous y reviendrons plus loin.]

    mao-zedong-1.jpgLa question de la "négation de la négation" n'a jamais fait l'objet d'un ouvrage spécifique de Mao. Mao a rédigé un ouvrage de référence sur le matérialisme dialectique : De la contradiction (1937), ainsi qu'un essai en 1938, Le Matérialisme dialectique.

    Il y fait, très clairement, de la contradiction la loi déterminante de la dialectique ; de fait, cette loi sous-tendra toute son œuvre théorique. Mais on n'y voit nul rejet, explicite, des autres lois posées par Marx et (surtout) Engels. Pas plus que dans un autre ouvrage... Les Notes de "De la contradiction" comportent même plusieurs références à l'Anti-Dühring d'Engels (cf. ci-dessous), chapitre 12 "Quantité et qualité", sans que nulle part dans cet ouvrage Mao ne conteste cette loi-là. Le Matérialisme dialectique contiendrait même [mais il est impossible de trouver la source sur internet, il n'est que très incomplet ici] une énumération des "lois fondamentales" du matérialisme, telles qu'exposées ci-dessus : loi de l'unité des contraires, loi de la transformation de la qualité en quantité et inversement, loi de la négation de la négation [Mao Zedong ji, Vol. 6, p. 300 ; Mao Zedong ji bujuan, Vol. 5, p. 237]. En 1938, donc...

    Le rejet explicite de la "négation de la négation" (et, en fait, de toute autre chose que la loi de la contradiction) aurait, d'après les sources qui l'évoquent, été formulé en 1964 "entre la poire et le fromage", au cours d'une discussion très informelle avec quelques responsables du Parti (Kang Sheng, Chen Boda, Lu Ping...). Cette conversation est notamment rapportée par un certain Stuart Schram, dans son ouvrage Mao Zedong Unrehearsed (qu'on pourrait traduire par "Mao Zedong apocryphe" ou "Mao Zedong 'off'")... Vous pouvez trouver cette citation en français ici, page 19 ; et en anglais dans le document en lien plus bas, page 3.

    La réalité et (plus encore) l'exactitude des propos tenus sont donc sujettes à caution, puisque ces propos n'apparaissent nulle part dans ses Œuvres choisies. Mais partons du principe de leur réalité et de leur exactitude, et voyons ce qui a/aurait précisément été dit.

    Ce qu'aurait en réalité dit Mao, c'est : "L'unité des contraires est la loi la plus fondamentale. La transformation de la quantité en qualité et inversement, n'est que l'unité des contraires "qualité" et "quantité". Il n'existe rien de tel que la "négation de la négation". Affirmation, négation, affirmation, négation... dans le développement de toute chose, chaque maillon de la chaîne des évènements est à la fois une affirmation et une négation. La société esclavagiste niait la société primitive mais, en revanche, vis-à-vis de la société féodale elle constituait une affirmation. La société féodale constituait une négation de la société esclavagiste mais était en revanche une affirmation vis-à-vis de la société capitaliste. Le capitalisme était la négation de la société féodale mais, en revanche, l'affirmation vis-à-vis de la société socialiste...".

    Ce que Mao semble vouloir dire par là, c'est que toute chose qui en nie une autre est en même temps une affirmation, affirmation (en fin de compte) d'elle-même face à ce qui vient (à son tour) la nier... Bref, rien de plus ni de moins que la pure et simple logique. Mais, si la féodalité est la négation de l'esclavagisme, lorsque le capitalisme vient à son tour nier la féodalité, il nie la négation de l'esclavagisme : c'est bien une négation de la négation. Ce que semble viser ici Mao, c'est plus le terme employé ("négation de la négation") qui semble selon lui porter à confusion - évoquant un "retour à la case départ" et non le passage à un stade supérieur de la matière - que la substance, le signifié du terme [en tant que Chinois, insister sur cette notion de (non) "retour à la case départ" était sans doute particulièrement important car c'est ce qui distingue la dialectique marxiste du taoïsme].

    Dans ce document en anglais sont énumérées un nombre considérable d'occasions, depuis les années 1930 jusqu'aux années 1960, dans lesquelles Mao met en avant soit explicitement (nommément) soit implicitement (comme, finalement, dans ce qui précède) la négation de la négation.

    En réalité, que nous dit la théorie de la négation de la négation ? Il faut bien comprendre, ici, que par "négation" on entend le fait de "faire disparaître", "supprimer", "abolir" ; ou "affronter jusqu'à détruire" (dans une contradiction antagonique) ; ou encore "rejeter dans les poubelles de l'histoire" (lorsqu'il est question d'un processus historique).

    http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/b/b5/Friedrich_Engels_HD.jpg/170px-Friedrich_Engels_HD.jpgL'image la plus connue est celle donnée par Engels dans l'Anti-Dühring : celle du grain de blé  qui donne une plante, disparaissant lui-même (nié), puis la plante, disparaissant (niée) à son tour, donne un épi, soit plusieurs dizaines de grains de blé. Ainsi, par un processus de négation de la négation (la plante nie le grain puis est niée elle-même), le grain de départ s'est multiplié par plusieurs dizaines. Ainsi, on est revenu au stade de la graine, mais "à un niveau supérieur" (des dizaines de graines).

    Bien sûr, toutes les plantes ne fonctionnent pas comme cela, et certaines vivent plusieurs années (voire des siècles) en donnant des graines ou des fruits tous les ans... Mais l'idée était de donner une image simple et claire. C'est la même chose (pour prendre un autre exemple) lorsque l'on marche : chaque jambe effectue un mouvement de flexion, puis d'extension, chaque extension nie la flexion qui précède et inversement, et chaque pas de la jambe droite nie le pas précédent de la jambe gauche. Pourtant, comme vous pouvez le constater tous les jours, on ne fait pas du surplace : on avance.

    Ce que veut exprimer Engels (qui en vient, ensuite, à l'exemple de l'esclavagisme, de la féodalité et du capitalisme), c'est que les sociétés humaines (comme toutes les choses et le phénomènes de la nature) avancent EN SPIRALE, par CYCLES, par des PROCESSUS qui débutent et s'achèvent (comme la plante de blé germe, grandit, fane et meurt) ; mais qui ne ramènent pas la communauté humaine au "point de départ" : ils l'amènent À UN NIVEAU SUPÉRIEUR (de forces productives, de conditions de vie, de culture, de civilisation)...

    Et, ce qu'explique le marxisme, c'est que le MOTEUR de ces processus, dans toute chose, c'est la CONTRADICTION, c'est "l'unité relative des contraires", c'est l'unité et la LUTTE des contraires ; l'unité étant relative et la lutte étant ABSOLUE. Dans les sociétés humaines, le moteur de tout processus d'évolution est la LUTTE DES CLASSES. La société est une unité formée de contraires : une CLASSE DOMINANTE, et des classes dominées, mais parmi lesquelles il y a UNE classe principale dans son affrontement avec la classe dominante. Cet affrontement, cette LUTTE entre les classes fait l'histoire de la société en question.

    http://s4.e-monsite.com/2011/05/30/01/resize_550_550//sans-culotte-copie-1.jpgDans la féodalité, la classe dominante est l'aristocratie (flanquée du clergé) et la classe principale qui l'affronte (et dirige les masses à l'affronter) est la bourgeoisie. À partir du moment où la bourgeoisie s'affirme en tant que classe (avec la Réforme et l'humanisme, puis les Lumières), on rentre dans le processus de négation de la féodalité et d'affirmation (d'abord contre la féodalité, ce qu'oublie de dire Mao !) du capitalisme. La Révolution bourgeoise (comme 1789 en France) marque le moment où l'unité des contraires s'inverse : le moment où la bourgeoisie DEVIENT la classe dominante et où l'aristocratie perd cette position (elle disparaît alors, en moins d’un siècle, pratiquement en tant que classe ; sa contradiction avec la bourgeoisie devient secondaire ; la contradiction bourgeoisie/prolétariat devient motrice de l’histoire). Au terme de ce processus (qui débouche sur la Révolution industrielle, toutes les avancées scientifiques et technologiques du 19e siècle et nous amène pratiquement au début du 20e), il va sans dire que l'humanité (dans son ensemble, jusqu'aux classes les plus opprimées !) a grandement progressé depuis l'époque de l'Inquisition et des Guerres de Religion ! En terme de productivité du travail, de connaissances scientifiques et technologiques, tout ceci se répercutant sur la vie quotidienne des masses, leur bien-être, leur accès aux activités spécifiquement humaines (culture etc.).

    Mais, à un moment donné, le capitalisme a fait son temps : ce qu'il apporte, ou a apporté à l'humanité, ne vaut plus le prix qu'il lui coûte... À partir du moment où le prolétariat s'affirme en tant que classe, avec le SOCIALISME SCIENTIFIQUE (marxisme), commence le processus de NÉGATION DU CAPITALISME.

    Le SOCIALISME n'est pas exactement, comme le dit Mao, la "négation du capitalisme". Penser cela est sans doute une grande limite de la conception marxiste-léniniste au 20e siècle. Il serait plus exact de dire que le socialisme est le processus de négation du capitalisme et d'affirmation du communisme, à partir du moment où le prolétariat a renversé la bourgeoisie et l'a remplacée comme classe dominante (la phase précédente du processus de négation/affirmation, lorsque le prolétariat n'a pas encore pris le pouvoir, est la GUERRE POPULAIRE).

    Prenons, puisqu'on en a beaucoup parlé ces derniers temps, l'exemple du Népal. Ce petit pays a, finalement, l'"avantage" d'avoir connu une évolution rapide (en moins de 3 siècles) qui donne un aperçu en "modèle réduit" d'une série d'affirmations-négations, qui dans d'autres pays ont pu s'étaler sur 1000 ans, 1500 ans ou plus.

    Au début du 18e siècle, le Népal n'était encore, pratiquement dans chaque vallée, qu'un ensemble de royaumes féodaux archaïques (avec, globalement, une caste dominante, une famille principale en son sein, et une masse paysanne servile) ; guerroyant entre eux. Au terme de ces guerres incessantes, le royaume de Gorkha finit par unifier le pays dans ses frontières actuelles, en 1768. À cette époque, toutefois, ce genre d'unification était généralement éphémère et, effectivement, le royaume commençait déjà à se désintégrer au début du 19e siècle ; lorsque sa destinée rencontra celle de l'EMPIRE BRITANNIQUE DES INDES. Celui-ci permit à l’État monarchique népalais de se consolider, et de se maintenir jusqu'à nos jours (après 1947, la tutelle britannique fut remplacée par celle de l'Inde "indépendante"). Ce processus, nous sommes tous d'accord, a donc consisté en une négation de la féodalité archaïque ; et en l'affirmation d'un État moderne, le Népal que nous connaissons actuellement. En termes de forces productives, de développement économique, de connaissance scientifique et technique, de diffusion de la connaissance, il a conduit le Népal à un niveau bien supérieur à celui du 18e siècle, époque des petits royaumes archaïques.

    Mais justement, dans ce processus, s'était formée une bourgeoisie, flanquée d'une classe intellectuelle (celle à qui s'était diffusée la connaissance, à son niveau mondial d'alors). Et celle-ci débuta, au milieu du 20e siècle, un processus de négation de l’État monarchique et de ses tuteurs impérialistes. Elle constitua des partis "libéraux", comme le Congrès népalais ; des éléments plus avancés, toutefois, s'emparant des idées marxistes qui étaient très fortes, dans le monde, entre les années 1950 et 1970 (ce gens constituent aujourd'hui, globalement, des partis comme l'UML).

    Le maoïsme nous enseigne que, dans les pays actuellement dominés par l'impérialisme, il n'y a plus d'étape bourgeoise, d'étape capitaliste "nationale indépendante" possible entre la situation actuelle (domination du Capital étranger à travers ses intermédiaires locaux, restes de féodalité, bourgeoisie bureaucratique de "gardes-chiourme", absence totale de démocratie bourgeoise telle que conçue en Occident) et la révolution prolétarienne : si une révolution se veut "bourgeoise", elle ne sera qu'une réforme du vieil État légué par l'impérialisme ; c'est la prise de pouvoir par le prolétariat qui permet l'accomplissement des tâches démocratiques bourgeoises, et qui "embraye" ensuite immédiatement sur les tâches socialistes, les tâches de transition vers le communisme.

    C'est un principe absolu, mais, justement, on imagine l'ampleur et la complexité d'un tel processus de luttes ! Il va donc de soi que celui-ci ne peut avancer que par cycles, "en spirale". Chaque "cycle" se refermant à un point plus avancé, pour les masses, sur le chemin de l'émancipation démocratique, du socialisme et du communisme. Et, à chaque cycle qui se referme, une grande partie de ce qui a fait (hier) partie du nouveau, de la lutte pour l'émancipation, se retrouve désormais dans le camp de l'ancien, de la réaction, de ce qui "empêche d'aller de l'avant". Ces éléments sont alors niés par les forces qui, elles, continuent d'aller de l'avant vers l'émancipation humaine.

    Entre 1950 et 1990, la lutte au Népal fut principalement dirigée contre le caractère absolutiste de la monarchie. Cette lutte s'acheva en 1990 par l'instauration d'un régime parlementaire. Fin d'un premier cycle. Les forces qui s'étaient limitées à cet objectif, comme le Congrès (rallié rapidement par l'UML et d'autres forces "marxistes"), cessèrent alors de faire partie du nouveau, pour se retrouver dans le camp de l'ordre établi, que d'autres continuaient à combattre. Après avoir nié l'absolutisme au profit de la monarchie parlementaire, elles furent alors niées à leur tour, comme composantes de celle-ci, par les forces souhaitant l'abolition pure et simple de la monarchie et l'instauration d'une république démocratique.

    La force dirigeante de ce combat, souhaitant même (en principe) une République démocratique populaire, vous l'aurez reconnue : c'était le PC maoïste de Prachanda. Mais celui-ci abandonna peu à peu ses objectifs initiaux, pour se replier sur les mots d'ordre d'"abolition de la monarchie et élection d'une Constituante". Ce qui fut fait (respectivement) en 2006 et 2008. Dès lors (après quelques valse-hésitations), on peut considérer que l'année dernière, en 2011, un deuxième cycle de la longue marche des masses népalaises vers l'émancipation (démocratique, socialiste puis communiste de manière ininterrompue) s'est refermé. Désormais, aux côtés de ceux qui s'étaient contentés d'une monarchie parlementaire (et ralliés à la République in extremis, contraints et forcés, pour sauver leur peau), il y a une grosse aile droite du Parti maoïste qui se contente (comme soi-disant "étape") de la République parlementaire bourgeoise actuelle, et une petite aile gauche qui doit (sans plus attendre) choisir son camp. Ceux qui composent aujourd'hui ce régime républicain bourgeois, et ceux qui feront le choix de le rallier demain, sont et seront dès à présent niés par les forces qui dirigeront le dernier cycle du processus : la nouvelle Guerre populaire qui ne peut plus, désormais, viser autre chose que la prise du pouvoir par le prolétariat et ses alliés paysans, indépendants pauvres, intellectuels progressistes, bref les masses populaires...

    Cette négation (de la négation qu'avait été, en 1994, la fondation du PCN(m) et le lancement deux ans plus tard de la Guerre populaire !) pourra prendre la forme d'une scission des éléments révolutionnaires de l'actuel PCNU, ou de la formation totalement externe d'un nouveau Parti... nous verrons bien.

    Quoi qu'il en soit, irait-on affirmer que le cycle qui se referme (par la capitulation d'une majorité du Parti de 1994, dont son leadership), se referme "à la case départ" ? Soyons sérieux ! La nepalconscience révolutionnaire, la combattivité, la culture d'organisation (pour se libérer des chaînes de l'exploitation) sont aujourd'hui à un niveau bien supérieur et bien plus vaste (dans tout le pays, et non les seules grandes villes) qu'au début des années 1990, il y a 20 ans !

    Ces "petits" cycles (à l'échelle historique... 40 ans et 20 ans tout de même !) sont en quelque sorte des "sous-cycles" d'un grand processus, commencé vers le milieu du siècle dernier, lorsque le Népal fut totalement entré dans le "monde moderne" : le processus de négation de l'état de fait de l'époque (qui perdure encore de nos jours...), l'état de fait semi-colonial semi-féodal. Le moteur de ce processus, dans son entier comme dans chacun de ses cycles, est toujours le même : c'est la contradiction, la LUTTE entre les masses exploitées, opprimées, affamées ; et leurs affameurs, qui sont la grande bourgeoisie oligarchique locale, le Capital impérialiste (directement ou par l'intermédiaire de l'Inde) et la féodalité rurale. Ce processus s'achèvera au COMMUNISME (car tel est, à notre époque, le seul destin commun à toute l'humanité) : la phase précédant la prise de pouvoir des masses populaires sous la direction du prolétariat est la GUERRE POPULAIRE ; la phase suivant cette prise de pouvoir (dans le cas du Népal) est la NOUVELLE DÉMOCRATIE et le SOCIALISME (sous lesquels il y aura encore de grandes luttes, de grandes conflagrations sociales contre les partisans d'un rétablissement du capitalisme à leur profit).

    Si l'on prend maintenant (puisqu'il est, au départ, question de Mao) l'exemple de la Chine... Nous n'allons pas, bien sûr, revenir ici sur des millénaires de civilisation chinoise. Nous dirons simplement que, au travers de ces millénaires, la civilisation chinoise a connu des cycles entrecoupés de périodes de décadence, de décomposition, qui ne l'ont toutefois jamais ramenée "à la case départ", à un niveau de développement inférieur à celui du début du cycle. Tout le monde a entendu parler du très haut niveau technologique et scientifique de la Chine comparativement à l'Europe de l'an 1000, par exemple.

    Néanmoins, la dernière période de décadence, à partir du 17e siècle, se traduisit d'abord par la prise de pouvoir d'une dynastie "périphérique" (les Qing mandchous), puis par l'installation d'une DOMINATION OCCIDENTALE. Celle-ci se consolida, globalement, au milieu du 19e siècle, dans les années 1840-60. Après quelques guerres, la dynastie Qing se fit l'alliée des impérialistes. Le capitalisme occidental, ses marchandises, puis ses capitaux pénétrèrent ainsi dans le vieil Empire du Milieu : ce fut la négation de la Chine millénaire.

    Ensuite, qu'a-t-on eu ? Dans un premier temps, des révoltes populaires spontanées, sans forcément de projet politique bien établi, parfois d'inspiration mystique (comme les Tai'ping), et souvent appuyées par des éléments féodaux hostiles à l'intrusion occidentale. La dernière en date fut celle des Poings de Justice, vers 1900. C'est à cette même époque que commença à se constituer un nationalisme bourgeois, partisan d'une République bourgeoise qui abolirait la dynastie des Qing et, en même temps, libérerait le pays de la mainmise occidentale. Celui-ci se concrétisa dans le parti du KUOMINTANG.

    Ce fut la révolution Xinhai, la révolution bourgeoise de Sun Yat-sen, et l'instauration de la République de Chine en 1911-12. Mais la contre-révolution, appuyée par les impérialistes et les partisans de la monarchie défunte, veillait au grain : le général Yuan Shikai renversa et exila Sun Yat-sen, puis se proclama... empereur, mais mourut l'année suivante ; et la Chine se désagrégea en territoires de "seigneurs de la guerre" (chacun appuyé par une ou plusieurs puissances impérialistes).

    Le Kuomintang, avec son Armée Nationale Révolutionnaire, se lança alors à la reconquête du pays sur les "seigneurs de la guerre", dans les années 1920. Reconquête à laquelle participa le Parti communiste (fondé en 1921), aux côtés du Kuomintang... eh oui ! On connaît des "maoïstes" qui seraient bien incapables de comprendre pourquoi, dans la Chine de Mao (et encore aujourd'hui, mais c'est une autre histoire^^), on élevait des statues à Sun Yat-sen et on lui vouait une grande vénération, alors qu'il avait fondé le parti... renversé par Mao en 1949 !!!

    http://www.chine-informations.com/images/upload2/Communists_enter_Beijing_28194929.jpgC'est tout simplement que le GRAND processus de négation de l'ordre des choses "semi-féodal semi-colonial" qui régnait en Chine au début du 20e siècle (un Empire millénaire pourrissant, passé sous domination impérialiste étrangère) ; avec, pour contradiction motrice, la contradiction masses populaires / impérialisme + serviteurs locaux ; s'est lui-même composé de plusieurs cycles (*) : le cycle des "révoltes spontanées et mystiques" (des Tai'ping aux "Boxers") ;  le cycle 1911-27, durant lequel la bourgeoisie Kuomintang était objectivement du côté des masses ; et le cycle 1927-49 où, malgré l'intermède du "Front uni" contre les Japonais, le KMT était globalement (mis à part une petite fraction ralliée au PC) du côté de l'impérialisme et de ses agents locaux (tels de nouveaux Qing)... En rompant avec le KMT (par la force des choses, après les massacres de 1927...) et en engageant bientôt la Guerre populaire, le PC de Chine a nié la République de Chine du KMT, pour affirmer la République populaire. Et même après 1949, la lutte des classes se poursuivant sous la dictature du prolétariat, il y eut d'autres cycles : le "cycle de la démocratie nouvelle" s'achevant par la mise en retrait de Mao au début des années 60 (et un "premier triomphe révisionniste"), puis le "cycle de la Révolution culturelle" 1966-76, de loin la plus exaltante expérience révolutionnaire du 20e siècle...

    En fait, si l'on essaye de décrypter la pensée de Mao, ce qu'il semble avoir voulu dire, c'est que la "négation de la négation" ne signifie pas un "retour à la case départ" : c'est pourquoi il tient à souligner que toute négation est en même temps une affirmation. En somme : nier ne veut pas dire annuler. La négation de la négation ne signifie pas N + (-N) = 0.

    Si l'on reprend l'exemple des modes de production, la négation de la féodalité, "négation de la négation" de l'esclavagisme, signifie le capitalisme, pas le retour à l'esclavagisme ! Et, dans le processus de la Révolution chinoise, la négation du "cycle KMT" ne signifie pas le retour aux Qing, mais la Guerre populaire avec la Démocratie Nouvelle au bout !

    Voilà ce que feraient bien (et l'on revient ici à l'exemple du Népal) de méditer certains "maoïstes"... Mais non : ils préfèrent affirmer que "la négation de la négation n'existe pas", car c'est pour eux le moyen de renier toute notion de tactique, toute notion d'étape, de "cycle" dans un processus révolutionnaire prolongé.

    Mais, allez-vous nous dire, la révolution chinoise a finalement été vaincue ! Deng Xiaoping n'a-t-il pas rétabli le capitalisme ? La Chine n'est-elle pas aujourd'hui le pays le plus capitaliste au monde ? C'est vrai... Mais, sur tous les plans, entre la condition des masses chinoises aujourd'hui et en 1900 ou 1920, y a-t-il photo ? Soyons sérieux... Malgré les inégalités intolérables qui se sont réinstallées, la main du progrès est clairement passée par là. La Chine n'est plus un pays arriéré, féodal et dominé par l'impérialisme : c'est un pays hautement développé, sans doute impérialiste, ce qui signifie que la révolution doit désormais être SOCIALISTE (il n'y a plus de féodalité ni de domination étrangère à éliminer). Au niveau universel, la lutte du prolétariat a gagné un apport considérable à sa théorie scientifique : le maoïsme. Armé du maoïsme, le mouvement révolutionnaire est maintenant plus fort qu'il ne l'a jamais été.

    Bref... La défaite de la révolution chinoise s'inscrit dans un contexte mondial, celui du reflux de la première vague de révolutions prolétariennes. Le processus de la révolution prolétarienne, commencé au 19e siècle, a culminé (globalement) entre 1917 et 1976, mais, dans le dernier quart du 20e siècle, on peut dire qu'un cycle s'est refermé. POUR AUTANT, NI pour la Chine NI pour le monde dans son ensemble, les choses ne sont (et ne seront jamais) comme avant la révolution chinoise, et comme avant ce cycle de révolutions qui va des années 1910 aux années 1970. Sur la route du communisme, la Chine a reculé par rapport à 1970, mais n'est pas revenue en 1910, 1920, ni même 1945 ! Le Népal a reculé, sans aucun doute, par rapport à la veille de la chute de la monarchie, en 2005-2006, quand seule Katmandou échappait au Pouvoir rouge ; mais il n'est pas revenu au début des années 90 (encore moins à avant 1990)... La fin d'un cycle ramène au-dessous de son point culminant, mais jamais au point de départ.

    En définitive, toute la question de l'activité des communistes, de la justesse de la ligne suivie, est la question d'à quel point (de la "marche vers le communisme") va nous "déposer" le cycle de luttes de classe dont nous sommes partie prenante. On en revient à ce qui était expliqué ici, dans l'article "Sur le processus révolutionnaire" : soit on change de classe dominante, donc de mode de production, et c'est une révolution ; soit on reste dans le même mode de production, mais on a une mise à niveau de l'organisation sociale avec le niveau des forces productives (et de la "conscience collective engendrée"), et c'est une réforme. En France il n'y a pas eu, à ce jour, de révolution socialiste. Il y a eu, après la Libération, des réformes, une mise à niveau de l'organisation sociale (ainsi que, dans une moindre mesure, dans les années 70-80, suite à l'"effervescence" post-68). Il n'y a pas eu de révolution, de prise du pouvoir par la classe ouvrière, parce qu'aucune organisation révolutionnaire n'a suivi une ligne correcte, suffisante. Pour autant, celui qui irait dire que ces cycles de luttes du 20e siècle, que le PC révolutionnaire des années 20-30-40 ou encore le mouvement de Mai 68 n'ont "servi à rien" ; que nous sommes "plus éloignés du communisme qu'auparavant" ; serait volontiers invité à remonter le temps et à aller passer quelques jours dans un coron du Nord en 1910...

    Au Népal, le "cycle maoïste" des années 1990-2000 a amené à l'abolition de la monarchie et à une république parlementaire "démocratique" bourgeoise, sans remettre en cause la domination impérialiste et l’oligarchie locale, et très partiellement seulement la féodalité. Bien sûr, si le PCN(m) avait eu une meilleure compréhension du marxisme-léninisme-maoïsme, ce "cycle" aurait pu "déposer" directement le peuple népalais dans une République populaire, une république "démocratique bourgeoise de nouveau type", avec au pouvoir le prolétariat et ses alliés paysans, petits-bourgeois aux conditions de vie prolétariennes etc. Il y aurait eu une révolution et non une réforme. Mais les communistes ne sont pas là pour "refaire l'histoire" avec des "si"... Leur rôle serait plutôt de rechercher, en tirant les leçons de l'expérience, les moyens de lancer un nouveau cycle qui, cette fois-ci, amènera le prolétariat népalais au pouvoir.

    Aujourd'hui, nous sommes entrés dans la NOUVELLE VAGUE DE LA RÉVOLUTION MONDIALE. Dans les dernières décennies du siècle dernier, les limites de la compréhension du monde (entre autres, de la compréhension de tout ce qui précède...), par les communistes, ont conduit la totalité des États révolutionnaires, socialistes ou de démocratie populaire, qui s'étaient construits, à disparaître. Mais, à présent, la dynamique est à nouveau ascendante. Peut se poser, bien sûr, la question des souffrances que l'humanité aura à traverser (et c'est une question que les communistes doivent prendre en compte : une de leurs tâches est, justement, d'essayer de limiter autant que possible ces souffrances). Tel est le sens du mot d'ordre "socialisme ou barbarie". Mais, c'est une certitude, la fin de ce siècle verra une humanité bien plus proche du communisme qu'elle ne l'est aujourd'hui !

    EN RÉSUMÉ :

    - Le rejet, par Mao, de la "négation de la négation", semble être plus un rejet du TERME, que de la substance de celui-ci (ce que Marx et Engels entendaient par ce terme). Dans son histoire, le PC de Chine a très fréquemment fonctionné par "négation de la négation" : négation du "premier Front uni" (contre les seigneurs de guerre) en 1927, négation du Front antijaponais en 1946, négation de la "démocratie bourgeoise de nouveau type" par le Grand Bond en 1958 et la Révolution culturelle en 1966 (pour avancer dans le socialisme, vers le communisme). Mais il est vrai que le terme peut prêter à confusion : laisser entendre que, par la "négation de la négation", on revient "à la case départ". C'est bien entendu faux. Il vaut mieux parler de "cycles", de "processus" qui amènent la société humaine, l'organisation sociale, la reproduction des conditions d'existence, la civilisation, à un niveau supérieur.

    - Mao affirme que la "négation de la négation" est, dans tous les cas, subordonnée à la loi de la contradiction. C'est exact : on peut dire, plus clairement, que la "négation de la négation" est l'apparence vue de l'extérieur, le rythme que prend l'évolution de la société humaine (et le mouvement dialectique de toute chose en général) ; tandis que la loi de la contradiction, l'"unité relative des contraires" (unité et lutte, principalement lutte) en est la FORCE MOTRICE (dans la société humaine, c'est la lutte des classes).

    - Sous ce point de vue, il y a de GRANDS cycles, qui font passer l'humanité d'une classe dominante, d'un mode de production et d'un type de société à un autre (par exemple : de la féodalité au capitalisme, ou bien sûr du capitalisme au communisme) ; et des petits cycles qui sont les subdivisions du grand. Chacun amenant l'humanité plus près de son but (négation de la féodalité par le capitalisme, négation du capitalisme par le communisme), l'évènement déterminant étant bien sûr le changement de classe dominante aux commandes de l’État. Les petits cycles qui échouent à accomplir ce changement, débouchent sur une réforme de l'organisation sociale (dans le cadre du même mode de production). Le rôle des communistes, dans les luttes présentes qu'ils vivent, est bien sûr de faire en sorte qu'il n'en soit pas ainsi, mais qu'il y ait bien prise de pouvoir par le prolétariat. Si cela échoue, ils doivent faire en sorte que cet objectif soit beaucoup plus proche qu'il ne l'était au début du cycle (c'est le cas au Népal : l'objectif est beaucoup plus proche qu'il ne l'était en 1990 ; toutefois, il aurait pu y avoir prise du pouvoir par le prolétariat, et c'est ce qui est douloureux à supporter pour beaucoup de communistes à travers le monde).

    - Cette distinction entre "grands" et "petits" cycles recoupe, finalement, la distinction stratégie/tactique. La stratégie des communistes, c'est la négation du capitalisme par le communisme, essentiellement en deux phases : la GUERRE POPULAIRE jusqu'à la prise du pouvoir par le prolétariat (dans un pays donné) ; le SOCIALISME (ou la démocratie nouvelle puis le socialisme) ensuite. Au sein de ce grand processus prolongé (très long), chaque période historique immédiate a ses grands affrontements de classe, ses grandes luttes contre la classe dominante (puis, sous le socialisme, contre la restauration capitaliste, les anciens et néo-bourgeois), avec leurs flux et reflux. Dans chacune de ces périodes historiques, les communistes déterminent leurs TACTIQUES, avec pour objectif, à l'issue de chaque cycle, de rapprocher au maximum le prolétariat, et les masses populaires derrière lui, de leur objectif (conquête du pouvoir, puis communisme)**.

    Il est donc parfaitement logique que les prétendus "maoïstes" (ultragauchistes petits-bourgeois) qui veulent nier toute idée d'étape, de flux et de reflux, de tactique, afin de satisfaire leurs fantasmes "puristes" d'intellectuels, affirment que Mao a rejeté la théorie de la "négation de la négation". Pour eux, le Parti est une "Lumière" qui descend du ciel sur les masses, produit de leur "Génie éclairé" ; et non l'avant-garde (la plus consciente et organisée) des exploité-e-s, qui se forge dans le mouvement réel de la lutte de classe, avec ses avancées et ses reculs, avec ses cycles... Si "tout n'est pas parfait" dès le départ, alors "tout est foutu" : il va sans dire que l'histoire du PC de Chine suffit, à elle seule, à démentir une telle conception.

    - Une "question-piège" pourrait alors être posée : comment se fait-il, comment s'est-il fait (au siècle dernier), qu'il ait pu y avoir restauration capitaliste (en URSS et Europe de l'Est, en Chine, au Vietnam, à Cuba : partout) ; autrement dit, négation du socialisme par le capitalisme ? Comment le socialisme peut-il être nié par le capitalisme ? Ne doit-il pas l'être (logiquement) par le communisme ?

    Eh bien, c'est tout simplement (et c'est peut-être là une grande limite de la compréhension communiste au 20e siècle) que la négation du capitalisme n'est pas le socialisme, mais le COMMUNISME : le socialisme est le processus de cette négation, après la conquête du pouvoir par le prolétariat (avant, c'est la Guerre populaire). Un processus qui, lui aussi, avance par cycles ; chaque cycle amenant la société plus près du communisme qu'à son commencement. Mais, à ses débuts, le Pouvoir prolétarien est fragile, surtout si nous sommes dans la première vague de révolutions prolétariennes de l'histoire humaine (pas ou peu d'expérience antérieure, donc) et surtout si (justement) il y a une mauvaise compréhension de ce qu'est le socialisme. Il peut donc être défait, non seulement par la Réaction extérieure et les vieilles classes déchues, mais (grand acquis du maoïsme) par la néo-bourgeoisie se formant au sein même du Parti et de l’État révolutionnaire. En URSS, le "cycle révolutionnaire bolchévik" a amené le prolétariat au pouvoir et culminé avec le lancement de la collectivisation (vers 1930), mais le Pouvoir prolétarien a commencé à se déliter, processus achevé à la fin des années 50. En Chine, la Révolution maoïste a mis les ouvriers et les paysans pauvres au pouvoir, a culminé dans la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, mais s'est aussi délitée et la contre-révolution a triomphé à la fin des années 70.

    Ces processus ont amené (comme toujours) les masses populaires plus près du communisme qu'au départ, mais les ont ramenées dans le capitalisme, après que le prolétariat ait été au pouvoir pendant une certaine période. Au final (de ce qui reste aujourd'hui, ce qui n'a pas été détruit), seules auront été accomplies les tâches révolutionnaires bourgeoises, dans des pays encore arriérés et féodaux : cela aura été la révolution industrielle de la Russie et de la Chine, en définitive. Pour autant, les masses populaires chinoises, les masses populaires russes (et ukrainiennes, etc.) sont objectivement plus près du communisme qu'elles ne l'étaient sous Tchang Kaï-chek et Nicolas II. Si l'on prend l'exemple de la révolution bourgeoise en France : la Restauration de 1815 a-t-elle ramené la société au Moyen-Âge, ou même sous Louis XIV ou Louis XV ? Bien sûr que non... Elle n'aura été qu'un recul (temporaire) dans le processus bourgeois de négation de la féodalité et d'affirmation du capitalisme (et du système politique parlementaire-libéral). Quelques "ultras" monarchistes auront simplement tenté de ramener le capitalisme au 18e siècle : un capitalisme "encadré" par une bureaucratie féodale (noblesse d'office), vivant sur son dos en parasite... Mais sans succès (la révolution bourgeoise reprendra le dessus en 1830 et 1848).

    De la même manière, le rétablissement du capitalisme, dans tous les pays engagés sur la voie socialiste au 20e siècle, n'est qu'un recul temporaire (dû aux limites de la compréhension du monde, des mécanismes de la transition vers le communisme etc.). En prenant appui sur l'expérience passée, la nouvelle vague de la révolution mondiale saura éviter le rétablissement du capitalisme, la prise de pouvoir par une néo-bourgeoisie, dans les pays où le prolétariat aura conquis le pouvoir : elle saura dans ces pays (et, à terme, dans le monde entier !) poursuivre la négation socialiste du capitalisme jusqu'au communisme !

     


    [(*) Ainsi que l'expose Mao, justement, dans De la contradiction, chapitre 3 "Le caractère spécifique de la contradiction" : "Bien que la nature de la contradiction fondamentale du processus pris dans son ensemble, c'est-à-dire le caractère de révolution démocratique anti-impérialiste et antiféodale du processus (l'autre aspect de la contradiction étant le caractère semi-colonial et semi-féodal du pays), n'eût subi aucun changement, on vit se produire au cours de cette longue période des événements aussi importants que la défaite de la Révolution de 1911 et l'établissement du pouvoir des seigneurs de guerre du Peiyang, la création du premier front uni national et la révolution de 1924-1927, la rupture du front uni et le passage de la bourgeoisie dans le camp de la contre-révolution, les conflits entre les nouveaux seigneurs de guerre, la Guerre révolutionnaire agraire (19), la création du second front uni national et la Guerre de Résistance contre le Japon - autant d'étapes de développement en l'espace de vingt et quelques années."]

    [(**) Le "destin" communiste de l'humanité est inéluctable. La valeur d'un Parti communiste se mesure à combien, dans le mouvement réel auquel il participe (n'est pas un Parti communiste un Parti qui n'y participe pas...), il réussit à avancer les masses de son pays vers cet objectif. Combien chaque cycle se referme loin, ou au contraire ridiculement près, de son point de départ : élever (beaucoup ou peu) la conscience et l'organisation révolutionnaire dans les masses (dans l'objectif de la conquête du pouvoir), conquérir ou non le pouvoir, réussir (lorsqu'il est conquis) à le conserver ou au contraire laisser le capitalisme se rétablir dans les rapports sociaux, puis à la tête de l’État, etc. Une grande question, qui traverse le mouvement communiste depuis longtemps, étant : l'humanité peut-elle avoir un autre avenir que le communisme ? On pense notamment à une régression vers la barbarie... Servir le Peuple ne le croit pas, il ne croit pas à ces scénarios post-apocalyptique de cinéma, à la "Mad Max". Le slogan "socialisme ou barbarie", parfois mis en avant par SLP, fait simplement référence au niveau de souffrances que l'humanité devra traverser d'ici à la chute du capitalisme, niveau que les communistes doivent se donner pour objectif, même si cela semble "impossible", de rendre minimal. "Socialisme ou barbarie" signifie que le plus vite, et le plus largement nous ferons triompher le socialisme sur la Terre, le plus nous pourrons éviter à l'humanité, ou limiter dans l'espace et dans la durée, les souffrances des crises (comme en Grèce), des guerres exterminatrices (comme en Afrique centrale ou en Irak), du fascisme et autres dictatures terroristes réactionnaires (comme celles qui écrasent les peuples arabes, de nombreux peuples d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine etc.). Mais l'humanité s'ouvrira, quoi qu'il arrive, la voie vers le communisme. La seule "variable" consiste en les souffrances qu'il faudra endurer pour y parvenir. L'humanité actuelle ne peut régresser à un niveau pré-capitaliste, encore moins archaïque ou primitif. Ainsi, les "invasions barbares" et les "âges obscurs" (du 5e-6e siècles de notre ère) sont très largement un mythe de la bourgeoisie (qui célébrait l'Antiquité gréco-romaine, et voyait dans les féodaux les descendants des "barbares") : c'est l'Empire romain qui était décadent, et cette décadence s'est simplement poursuivie avant que ne se "stabilise" la féodalité (vers le règne de Charlemagne) ; en aucun cas la civilisation n'a régressé au niveau (par exemple) de la Gaule pré-romaine ; et la Méditerranée (avec les Byzantins, l'Espagne wisigothique, puis les Arabes) a même gardé un très haut niveau de civilisation (au 8e siècle, de l'Espagne à l'Irak, la civilisation arabe dépassait déjà largement la civilisation romaine antique). Ce processus de "négation" de l'Antiquité par la féodalité court globalement du 3e au 8e siècle de notre ère. Tout au plus, la brutalité et les dévastations des "invasions" (mais aussi, déjà, des guerres civiles du Bas-Empire romain décadent) sont les équivalentes des grandes dévastations guerrières que le capitalisme inflige à l'humanité depuis plus d'un siècle ; mais l'humanité euro-méditerranéenne s'est néanmoins frayée un chemin vers un niveau de civilisation supérieur, celui du califat de Bagdad et d'Al-Andalus, de l'Occitanie, de l'Italie et de la Flandre des 12e-15e siècle, etc. Il en sera de même pour la négation du capitalisme par le communisme !] 


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  • 1. Ces derniers jours, la résistance populaire en Grèce a encore atteint des sommets, encore franchi un cran dans l'affrontement avec le Capital et son État. Un État désormais incarné par un gouvernement "technique" ouvertement fantoche, marionnette de l'UE et sa BCE, créature de l'axe impérialiste franco-allemand.

    La Grèce est en effet, et cela apparaît ici clairement, un pays capitaliste dépendant, "avancé mais dominé", comme peuvent l'être l'Argentine ou la Corée du Sud : le mode de production capitaliste y est très clairement dominant (bien que des forces féodales y soient encore importantes, comme l’Église orthodoxe, plus grand propriétaire foncier du pays et jusqu'à récemment exemptée de taxes et d'impôts...), mais les capitaux étrangers (principalement des "grands" pays d'Europe : France, Allemagne, Italie...) y sont archi-dominants dans ladite production. Jusqu’aux années 1970, la Grèce était un pays ultra-arriéré, sous protectorat US de fait (anglais jusqu'en 1940), pour le contrôle géostratégique de la Méditerranée orientale ; ce qui se traduisit notamment par la terrible dictature des Colonels (1967-74). Mais après la chute de celle-ci (suite à des contradictions nationalistes avec l’État turc, autre allié régional de premier plan de l'impérialisme US), une "démocratie" bourgeoise aux mains de quelques "dynasties" politiques (les Papandréou, Karamanlis...) fut instaurée et la Grèce fut progressivement intégrée à l'UE (1981), comme "champ d'investissement" et débouché commercial pour les impérialistes français, allemands, anglais, italiens, d'Europe du Nord etc. (les nord-américains gardant de solides positions). Comme le furent à la même époque l’Espagne et le Portugal, et quelques années plus tard, les pays d'Europe de l'Est "libérés" du "socialisme réel" révisionniste.

    La bourgeoisie locale revêt un caractère oligarchique (voire bureaucratique-féodal, comme on l'a vu avec l’Église) caractéristique d'un pays non-impérialiste. Néanmoins, celle-ci, "les yeux plus gros que le ventre", a voulu "singer" les "grands frères" ouest-européens et "moyenniser" les masses populaires (par l'emploi public, l'aide sociale), pour en faire un grand marché intérieur (ce sur quoi ne crachaient pas non plus, sur le moment, les monopoles étrangers). Mais cela était complètement artificiel, et ne pouvait PAS tenir au regard de la base d'accumulation et des ressources de la bourgeoisie grecque. L’État se révéla finalement, à la fin des années 2000, surendetté à quelques 120% du PIB national ; et voilà l'effondrement où nous sommes, avec des masses populaires ravalées (bientôt) au niveau de vie du Proche-Orient ou de l'Afrique du Nord, voire pire. Un crash économique et social qui rappelle, furieusement, celui de l'Argentine en 2001-2002 (ou encore, à la fin des années 90, celui des "dragons" est-asiatiques).

    Une anecdote terrible : des paysans, venus en solidarité distribuer (à prix coûtant voire gratuitement) leurs produits aux masses des villes en lutte, ont vu se ruer sur leurs stands des milliers de personnes qui commencent à ne plus manger à leur faim !

    Les services vitaux (eau, électricité) sont coupés à des millions de personnes, des millions encore sont en impayés de loyers et menacées d'expulsion, ou se privent de soins médicaux. Des travailleurs jetés à la rue, des petits entrepreneurs ruinés se suicident par le feu, comme dans les pays arabes. La prostitution, dans une société très patriarcale où les femmes dépendent souvent des hommes économiquement, est en explosion.

    Comment s'étonner, alors, du déchaînement de rage prolétaire et populaire qui a explosé à travers tout le pays le week-end dernier ? Malheureusement, comme bien des fois auparavant, l'explosion risque de retomber comme un soufflé. Car il n'y a pas, dans ce pays, d'avant-garde organisée du mouvement qui soit susceptible de structurer, orienter et surtout MAINTENIR la lutte de masse dans la durée, de manière prolongée, jusqu'au renversement de la classe dominante. On remerciera, au passage, une certaine misérable petite "avant-garde autoproclamée" de nous faire remarquer cette absence, dont les communistes conséquents sont bien conscients depuis le début de la "crise grecque" ; et, surtout, de ne rien proposer comme perspective (comme d'habitude : toujours que critiquer).

    Il faut être bien clairs sur une chose : les masses populaires grecques, dans leurs souffrances comme dans leur insurrection et leur refus de la fatalité, sont HÉROÏQUES et ne méritent que notre respect, et rien d'autre. Ce n'est pas du côté de Servir le Peuple que l'on déversera sur elles des tombereaux de mépris et d'aigres vomissures, comme le font (fidèles à eux-mêmes) les "jefaturas" aussi éclairées qu'autoproclamées de Voie Lactée : "aucune culture communiste" (dans le pays de la plus héroïque guerre antifasciste d'Europe, 1940-49 !), "chauvinisme" (alors que la Grèce, on l'a dit, est un pays dépendant : il est donc normal que des sentiments nationaux se greffent sur la question sociale ; et ces sentiments peuvent même être utilisés tactiquement, maintenant qu'il y a un gouvernement ouvertement fantoche de Paris et Berlin !), etc. etc. La meilleure, c'est quand même lorsqu'ils disent que "dans un émeute du 1er Mai à Berlin, on arrive au même résultat (que dans la nuit d'émeute de dimanche dernier), avec seulement quelques milliers de personnes" ; autrement dit, les mobilisé-e-s de Grèce seraient des "couilles molles" : voilà une analyse qui sent bon le "concours de bites" et guère l'"anti-virilisme" pourtant sans cesse proclamé. Et, de surcroît, c'est complètement faux : il n'y pas "quelques milliers" de manifestant-e-s à Berlin le 1er Mai, mais des centaines de milliers (des partis, syndicats etc.) ; ce qu'il y a, ce sont quelques milliers de black et red blocks ; et c'était exactement la même chose en Grèce le week-end dernier : des centaines de milliers de manifestant-e-s, mais seulement quelques milliers allant "au fight" à Athènes et quelques centaines dans les autres villes, l'immense majorité restant dominée par le légalisme de type KKE ou SYRIZA - et c'est bien là TOUT LE PROBLÈME. Mais, pour nos avant-gardes autoproclamées, le problème serait que... les manifestant-e-s ne se sont pas fait-e-s tirer dessus comme des lapins (ce qui démontrerait que "l’État maîtrise le processus") ! Fidèles à eux-mêmes, on vous dit...

    2. Le problème en Grèce, donc, est là. Ce n'est pas, comme diraient les trotskystes, un simple "problème de directions" bureaucratiques et réformistes, qu'il suffirait de mettre face à des revendications "débordant automatiquement le cadre du capitalisme" (ce que les trotskystes s'échinent à faire depuis 70 ans). Les directions traîtres, bureaucratiques, néo-bourgeoises (la bureaucratie syndicale est effectivement un gros problème en Grèce, peut-être l’équivalent de l'Argentine...) s'appuient évidemment sur une culture politique qu'elles ont injecté dans les masses, et qui leur donne une base populaire.

    Quelles sont, en Grèce, les organisations se réclamant du communisme ?

    - Il y a d'abord le "célèbre" KKE, avec sa jeunesse (KNE) et son syndicat "de lutte", le PAME. Le bloc KKE/KNE/PAME est réellement massif, il compte plusieurs centaines de milliers de militant-e-s (et pèse entre 8 et 10% aux élections). Par rapport à beaucoup de P"c" européens issus du défunt Komintern (sans même parler de ceux devenus explicitement soc'dem', comme l'ancien PCI), son discours apparaît à beaucoup d'égards "radical". Certes, la banderole "Peoples of Europe, rise up !" hissée sur le Parthénon est devenue célèbre... Mais c'est un Parti qui joue le rôle, pour faire court, du couple PCF/CGT de l'époque Marchais, au temps de "Raymond (Marcellin) la Matraque" : c'est un défenseur des institutions et de l’État bourgeois, sous un discours "souverainiste" (social-chauvin) selon lequel tous les problèmes viennent de Bruxelles. Depuis 1973 (déjà, à l'époque des Colonels !), lors de la célèbre insurrection de l’École polytechnique d'Athènes, il est connu pour son rôle de défenseur politique, et parfois PHYSIQUE du Pouvoir : tout antagonisme de classe assumé est pour lui de la "provocation fasciste" ! Ses jeunesses KNE sont surnommées "KNAT" par les anarchistes, par contraction-jeu-de-mot avec les MAT qui sont les unités de police anti-émeute ; et son mot d'ordre actuel est que la révolution grecque se fera "sans casser une seule vitrine" : autant dire que ça va aller loin... Malheureusement, la grande majorité de la classe ouvrière et du petit emploi public sont sous sa coupe.

    - Il y a la coalition dite "SYRIZA" (Coalition de la Gauche radicale), constituée autour des soc-dem's de Synapsismos (SYN), issus de l'eurocommunisme des années 1980. Ses résultats électoraux tournent autour de 5%. On y trouve divers groupes "alternatifs", "écologistes de gauche", trotskystes "modérés", mais aussi, dans une participation "critique", une organisation se réclamant de Mao Zedong : le KOE. C'est une organisation assez importante, qui compterait un gros millier de militant-e-s (soit, rapporté à la population grecque, l'équivalent de Lutte Ouvrière ici). Malheureusement, dans sa pratique, elle est un peu l'équivalent de la LCR des années 1990-2000... Sa position vis-à-vis du mouvement "indigné" de Syntagma (assez radical, par rapport à la moyenne "indignée" en Europe) était suiviste, droitière : ne surtout pas venir "perturber" le mouvement avec des mots d'ordre marxistes révolutionnaires, "dogmatiques" selon eux, etc. Au final les déclarations de l'"Assemblée de Syntagma" étaient plus radicales, plus révolutionnaires que les positions de l'organisation elle-même !

    - Une dernière coalition a vu le jour en 2009 : ANT.AR.SY.A, acronyme de "Front de la Gauche anticapitaliste", en grec "Coordination de la Gauche anticapitaliste pour le Renversement" (le mot grec "antarsya" signifie "soulèvement", "révolte", "mutinerie"). Elle est en grande partie issue de l'ancien "Front de la Gauche radicale" (MERA). Là aussi, la coalition regroupe essentiellement des formations trotskystes (OKDE-Spartakos, SEK "frère" de SWP), de "gauche anticapitaliste", des Jeunesses issues du KKE (sorties lorsque celui-ci, à la fin des années 1980, alla jusqu'à faire alliance avec la droite réactionnaire de Karamanlis !) ; mais aussi une organisation "pensée Mao Zedong", l'EKKE (Mouvement Communiste Révolutionnaire de Grèce). Nous n'avons pas plus d'informations sur celle-ci, hormis cette courte présentation en anglais. La coalition a fait une (petite) percée aux élections locales de 2010, avec 1,8%.

    Globalement, l'idée qui sous-tend les deux "coalitions" ci-dessus, avec des alliances qui peuvent paraître, ici, tellement contre-nature (des "maos" avec des trotskystes et des "anticapitalistes" divers), c'est l'idée qu'avant d'envisager tout processus révolutionnaire, il faut reconstituer en Grèce une "vraie gauche", "populaire, radicale, anticapitaliste", "en rupture" avec le système politique dominé par deux partis-familles (PASOK-Papandréou et ND-Karamanlis) et le KKE dénoncé comme leur "caution de gauche". Ceci reflète bien l'ampleur du traumatisme des communistes grecs, le vide béant laissé par la trahison du KKE dans les années 1950 (la direction révolutionnaire, réfugiée en URSS, fut liquidée sur ordre de Moscou), trahison qui laissa les masses désarmées face aux sanglants Colonels, et à la république oligarchique qui leur succéda...

    Mais c'est prendre les choses totalement à l'envers : c'est en construisant, en développant, en perfectionnant le Parti que l'on agrège, développe et renforce autour de lui le Front populaire anticapitaliste ; et non l'inverse (le renforcement du Front qui développe le Parti).

    En dehors de ces coalitions se trouve également un KKE(ml), issu de la rupture antirévisionniste "historique" (années 60), qui se réclame lui aussi de Mao Zedong. Il fait cavalier seul depuis le début des années 2000. Il se présente également aux élections, avec des résultats extrêmement faibles (de l'ordre de quelques milliers de voix). Il est peu probable, quoi qu'il en soit, qu'il ait réussi à surmonter les limites qui ont conduit le marxisme-léninisme, en Grèce comme ailleurs, à la faillite révisionniste (la première des années 1950-60 (khrouchtchévisme) ; comme la deuxième, de la plupart des "antirévisionnistes" des années 1960, à partir des années 1980).

    Il y a encore cette découverte "marrante" (et récente) : l'OAKKE. Fondée au milieu des années 1980, issue d'un certain "atlanto-trois-mondisme" de ces années-là, elle est tout simplement l'équivalent (en peut-être plus "franc du collier") de ce qu'était ici le 'p''c''mlm' en 2008-2010 : l'ennemi principal pour l'humanité d'aujourd'hui est l'impérialisme russe (!), héritier du social-impérialisme soviétique, équivalent au 21e siècle du IIIe Reich nazi ; et ceux qui dénoncent et combattent les impérialistes ouest-européens, nord-américains ou encore les crimes colonialistes du sionisme sont ses alliés objectifs (voir un florilège de leurs délires ici). CQFD...

    Et puis, enfin, il y a le "BLOC" ANARCHISTE. Si l'on peut parler d'un "bloc"... Car, si le mouvement anarcho-communiste et libertaire est d'une ampleur inégalée en Europe, il est divisé, groupusculo-sectaire, les groupes n'ayant aucune coordination (autre que très formelle), voire étant parfois rivaux entre eux. Ceci se surajoute à la limite historique (et éternelle) de l'anarchisme : penser que l'on peut "nier", "dissoudre" l’État, refuser son renversement et son remplacement par un État révolutionnaire du prolétariat, bref, le non-dépassement total des limites de la Commune de Paris, du mouvement révolutionnaire du 19e siècle... l'incompréhension que "HORMIS LE POUVOIR, TOUT EST ILLUSION" !

    Les "black-blocks" hellènes sont une véritable armée qui pourrait, sur une lutte prolongée de plusieurs années, balayer le vieil État pourri et ses maîtres impérialistes de Paris, Berlin et Bruxelles... Mais ils ne prendront jamais le pouvoir (pour instaurer le communisme dont ils se réclament), puisqu'ils... ne le veulent pas !

    Parallèlement, existent quelques groupes menant la lutte armée, correspondant à la définition (et à toutes les limites) des "minorités agissantes" et de la "théorie de la suppléance" : Lutte Révolutionnaire est actuellement le plus connu ; l'historique "17-Novembre" a été démantelé en 2002.

    3. On voit donc toute l'ampleur du problème en Grèce... Le pays s'enfonce inexorablement dans une "re-tiers-mondisation" ; tandis qu'au vu du panorama ci-dessus, la décantation permettant l'émergence d'un Parti révolutionnaire du prolétariat (et, de là, d'un Front anticapitaliste autour de lui) pourrait prendre des années, voire une décennie... Car il ne suffit pas de "balayer les directions pourries" comme le pensent les trotskystes : il faut d'abord qu'une avant-garde émerge, se fasse reconnaître par la frange avancée du prolétariat, puis, seulement, commence à arracher les larges masses à l'emprise néfaste des réformistes, des révisionnistes, des partis bourgeois (pour lesquels il y a bien des millions de gens qui votent !) sans parler des fascistes, qui commencent à monter en puissance. Et les conceptions d'aucune organisation marxiste-léniniste, "pensée Mao" ou maoïste ne semblent pour le moment à la hauteur...

    Il faut dire aussi, sans doute, que le mouvement révolutionnaire en Grèce souffre d'une terrible tare : si le pays, en effet, fut avant-guerre surtout un protectorat britannique (et US ensuite), l'influence intellectuelle y est largement FRANÇAISE : autrement dit, amour du dogme et de la phrase intellectuelle, certitude de "détenir LA Vérité" et tendance au génie autoproclamé, faible propension à l'autocritique etc. etc. Ceci côtoyant une forte culture syndicalo-réformiste et légaliste (ce qui tombe bien : comme la bourgeoisie argentine, la bourgeoisie grecque a besoin d'un fort encadrement bureaucratique-syndical des masses laborieuses), à laquelle "réagit" un anarchisme décomposé ; tandis que le trotskysme (mécaniste cartésien) pense qu'il suffit de mettre les "directions" face à des revendications "débordant automatiquement le cadre du capitalisme" pour les "démasquer" et lancer les masses "à l'assaut du Palais d'Hiver", "comme en 17" !

    POUR AUTANT, non seulement CE SONT LES MASSES QUI FONT L'HISTOIRE et elles méritent notre respect (et non notre "regret" qu'elles ne se soient pas faites trouer la peau, parce qu'une "vraie révolution", vous comprenez, "faut que ça saigne" !) ; mais c'est de leur MOUVEMENT RÉEL, celui de la lutte de classe, que naît et émerge l'avant-garde la plus consciente et organisée, le PARTI. Et pas "d'en haut", des sphères "éclairées" de quelques petits-bourgeois intellectuels déclassés, cherchant dans la révolution l'importance existentielle que leur (très haute) estime d'eux-mêmes, bien au-dessus de la réalité, ne rencontre pas dans la société actuelle ; puants d'arrogance et de prétention ; "Parti" autoproclamé de la "Science" et de "l'Intelligence"... qui croit que Michel Aflaq, chrétien syrien et fondateur du Baas laïc, est (tenez-vous bien) un fondamentaliste musulman !

    Les communistes, non seulement se tiennent fermement et indéfectiblement aux côtés des masses dans leurs souffrances et leurs luttes, où que ce soit sur la Terre (cosmopolitisme pour nos "lumières éclairées") ; mais ont une FOI ABSOLUE dans celles-ci et dans leur capacité à trouver la voie et les instruments (dont l'avant-garde) de leur émancipation. "Les masses sont la lumière même du monde... elles sont la fibre, la palpitation inépuisable de l'histoire ; quand elles parlent tout tremble, l'ordre chancelle, les cimes les plus hautes s'abaissent, les étoiles prennent une autre direction, parce que les masses font et peuvent tout", disait le grand dirigeant communiste Gonzalo, dont ces imposteurs aiment à vernir leur mascarade de "MLM". Avant de préciser "le Parti les dirige" ; et c'est tout ce que nos "génies" entendent et qui les intéresse : "diriger" les masses et la révolution parce qu'ils n'ont pas réussi (eh oui, la vie est dure !) à trouver leur place "brillante" dans le capitalisme... Mais voilà, le Parti est l'émanation des masses et de leurs luttes réelles ; les masses le reconnaissent et lui donnent en quelque sorte "mandat" de les organiser et de les diriger ; alors que, gageons que tout ce qu'elles donneront à nos "avant-gardes autoproclamées" (ceux-là comme d'autres de leur acabit), c'est une bonne volée de caillasse ou pourquoi pas de plomb !

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    Sur le site de La Cause du Peuple, une chronologie des évènements de dimanche dernier : Grèce : Résumé chronologique des événements du 12 février

     


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    Face à moultes prises de position de l'année écoulée, sur les révoltes populaires dans les pays arabes, les indignad@s et autres occupyers, les luttes de libération nationale etc. :

    "Supposer qu'une révolution sociale est pensable sans une révolte des petites nationalités dans les colonies et en Europe, sans des explosions révolutionnaires de la petite bourgeoisie avec tous ses préjugés, sans le mouvement des masses prolétariennes et semi-prolétariennes inconscientes contre l'oppression de la noblesse, des églises, des monarchies et des nations étrangères - supposer cela serait ABJURER la révolution sociale. C’est s’imaginer qu’une armée prendra position en un lieu donné et dira “Nous sommes pour le socialisme”, et qu’une autre, en un autre lieu, dira “Nous sommes pour l’impérialisme”, et que ce sera alors la révolution sociale ! C’est seulement en procédant de ce point de vue pédantesque et ridicule qu’on pouvait qualifier injurieusement de “putsch” l’insurrection irlandaise.

    Quiconque attend une révolution sociale “pure” ne vivra jamais assez longtemps pour la voir. Il n’est qu’un révolutionnaire en paroles qui ne comprend rien à ce qu’est une véritable révolution. (...)

    La révolution socialiste en Europe ne peut être autre chose que l’explosion de la lutte de masse des opprimés et mécontents de toute espèce. Des éléments de la petite bourgeoisie et des ouvriers arriérés y participeront inévitablement – sans cette participation, la lutte de masse n’est pas possible, aucune révolution n’est possible – et, tout aussi inévitablement, ils apporteront au mouvement leurs préjugés, leurs fantaisies réactionnaires, leurs faiblesses et leurs erreurs. Mais, objectivement, ils s’attaqueront au capital, et l’avant-garde consciente de la révolution, le prolétariat avancé, qui exprimera cette vérité objective d’une lutte de masse disparate, discordante, bigarrée, à première vue sans unité, pourra l’unir et l’orienter, conquérir le pouvoir, s’emparer des banques, exproprier les trusts haïs de tous (bien que pour des raisons différentes !) et réaliser d’autres mesures dictatoriales dont l’ensemble aura pour résultat le renversement de la bourgeoisie et la victoire du socialisme, laquelle ne “s’épurera” pas d’emblée, tant s’en faut, des scories petites-bourgeoises."

    Lénine, Bilan d'une discussion sur le droit des nations à disposer d'elles-mêmes, chap.10 "L'insurrection irlandaise de 1916", Œuvres vol. 22

    Voir aussi : Lénine : La révolution socialiste en Europe... ("Democracia Real Ya" & Cie)

    À méditer...


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  • Dans le mouvement communiste a été de toute part et à répétition soutenue la thèse que les réformistes et la gauche bourgeoise en général sont les pires ennemis du mouvement communiste (104). Ces thèses sont substantiellement erronées et affaiblissent politiquement le mouvement communiste. Les réformistes et la gauche bourgeoise sont les propagateurs de l'influence de la bourgeoisie dans les rangs du mouvement communiste. Ils ne sont un danger pour notre cause que dans la seule mesure où ils réussissent à influencer la conduite du Parti communiste, à alimenter dans nos rangs l'opportunisme et le révisionnisme par émulation, timidité idéologique ou corruption, ou le sectarisme et le dogmatisme par réaction défensive : en somme, dans la mesure où ils parviennent à agir sur nos contradictions internes.

    Il n'y a un danger pour nous que dans la mesure où l'indépendance idéologique, politique et d'organisation du Parti communiste vis-à-vis de la bourgeoisie est encore incertaine. Si au contraire le Parti communiste réussit à bien défendre ses rangs de l'influence de la bourgeoisie (en d’autres mots : si la gauche du Parti traite de manière juste les contradictions internes au Parti et mène de manière juste la lutte entre deux lignes à l'intérieur du Parti), il peut et doit utiliser les réformistes et la gauche bourgeoise en général soit pour élargir son travail de masse et pour mobiliser les secteurs des masses populaires les plus soumis à la bourgeoisie et donc les plus réfractaires à l'action directe du Parti, soit pour affaiblir la bourgeoisie en élargissant ses contradictions internes, dont les réformistes et la gauche bourgeoise sont l’expression. 

    (Note 104) : Sur cet argument, voir À propos de l'expérience historique de la dictature du prolétariat (1956), dans les Œuvres de Mao Zedong (Edition Rapporti Sociali) volume 13 :

    "Par exemple, Staline avance cette formule que dans les diverses périodes révolutionnaires, le coup principal doit être porté de façon à isoler les forces politiques et sociales intermédiaires de l'époque.

    Nous devons examiner cette formule de Staline d'un point de vue critique, marxiste et en tenant compte des circonstances. Dans certaines circonstances, il peut être correct d'isoler de telles forces, mais il n'est pas correct de les isoler quelles que soient les circonstances. Notre expérience nous apprend que dans une révolution, le coup principal doit être porté à l'ennemi principal de façon à l'isoler.

    Quant aux forces intermédiaires, nous devons adopter à leur égard la politique de nous unir avec elles et en même temps de lutter contre elles, de façon pour le moins à les neutraliser ; et, si les circonstances le permettent, nous devons nous efforcer de les faire passer de cette position de neutralité à une position d'alliance avec nous, afin que cela contribue au développement de la révolution. Mais il fut une époque, celle des dix années de guerre civile, de 1927 à 1936, où certains de nos camarades n'ont fait qu'appliquer mécaniquement cette formule de Staline à la révolution chinoise, et ont dirigé leur principale attaque contre les forces intermédiaires en considérant celles-ci comme notre plus dangereux ennemi. Il s'ensuivit qu'au lieu d'isoler notre véritable ennemi, nous nous sommes isolés nous-mêmes. Nous nous sommes infligé des pertes à nous-mêmes et avons fait le jeu du véritable ennemi.
    C'est en se référant à cette erreur de dogmatisme que, dans le but de vaincre les agresseurs japonais, le Comité central du Parti communiste chinois, pendant la Guerre contre les envahisseurs japonais, posa le principe que nous devions "développer les forces progressistes, rallier les forces intermédiaires, et isoler les jusqu'au boutistes".

    Les forces progressistes en question étaient celles des ouvriers, des paysans, des intellectuels révolutionnaires, conduites par le Parti communiste chinois, ou susceptibles de subir son influence. Les forces intermédiaires étaient la bourgeoisie nationale, divers partis et groupements démocratiques et des démocrates sans parti. Les jusqu'au-boutistes comprenaient les forces compradores et féodales, avec Tchang Kaï-chek à leur tête, qui n'opposaient qu'une résistance passive aux envahisseurs japonais et qui menaient une lutte active contre les communistes. L'expérience, née de la pratique, a démontré que cette politique du Parti communiste chinois répondait aux circonstances dans lesquelles se déroulait la révolution chinoise et était la bonne.

    Il en est toujours ainsi : le dogmatisme n'est goûté que de ceux qui ont l'esprit paresseux. Loin d'être d'une utilité quelconque, il fait un mal incalculable à la révolution, au peuple et au marxisme-léninisme. Pour élever la conscience politique des masses populaires, pour stimuler leur dynamisme créateur, et pour hâter le rapide développement du travail pratique et théorique, il convient maintenant encore de détruire le respect superstitieux pour les dogmes."

    Il faut toutefois rappeler que dans son œuvre de direction du mouvement communiste, Staline alla lui-même de multiples fois contre sa propre thèse erronée. Au cours de la première vague de la révolution prolétarienne, le mouvement communiste utilisa dans la pratique, dans plus d’une phase et occasion, les réformistes et la gauche bourgeoise en faveur du mouvement communiste : il suffit de penser à la ligne du Front populaire antifasciste (1935). L'absence d'une orientation consciente, générale et juste produisit toutefois des incertitudes et des embardées dans l'application : unité sans lutte et lutte sans unité.

    Manifeste Programme du (nouveau) Parti communiste italien, Chap. 3 partie 3.1 "Les leçons que nous avons tirées de l'expérience de la révolution prolétarienne" (et note 104) 

    Ce qui précède pourrait aisément s'appliquer, au jour d'aujourd'hui, à diverses forces de gauche "radicale", "antilibérale", "alter" et autres forces "petites-bourgeoises" de type "indigné-e-s", "occupy" etc. (du moment, bien sûr, qu'elles sont réellement progressistes et pas vautrées dans un populisme républicard à la Mélenchon, Gerin et compagnie) ! 

     

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  • Une question intéressante est soulevée sur la question de "lignes et tendances". Pour SLP, on l'a dit, les 'tendances' sont un 'droit' trotskiste mais n'ont pas d'existence réelle : en aucun cas, même dans les partis bourgeois, les points de vue ne cohabitent dans la joie et la bonne humeur, et il y a toujours un point de vue, une 'tendance', un 'courant' dominant.

    La question est posée de "peut-on considérer qu'il y aurait une lutte de lignes dans un parti comme le PCF ?". C'est une très bonne question... Et bien, la réponse est OUI : l'existence de lignes dans toute organisation politique humaine, comme reflet de la lutte des classes dans la société, est scientifique et valable partout. La seule question est L'IMPORTANCE que cela a.

    Dans le PCF, il y a des réformistes/progressistes plus ou moins sincères et des pourris, des sociaux-traîtres larbins de la bourgeoisie, des néo-bourgeois (on pense notamment aux caciques locaux du 'communisme municipal'). Il y a des réformistes/progressistes plus ou moins optimistes, radicaux, combattifs ; et d'autres plus ou moins pessimistes, timorés, 'possibilistes'. C'est tout simplement l'influence contradictoire des deux 'pôles' de la lutte des classes, constitués par la bourgeoisie réactionnaire et le prolétariat révolutionnaire, qui s'exprime parmi ces hommes et ces femmes organisé-e-s pour agir dans la Cité (définition de la politique).

    On pourrait même aller plus loin, et dire qu'au PS il y a des plus 'sociaux' (à la Montebourg, Hamon, Emmanuelli) et des plus 'libéraux' ('hollandais', 'strauss-kahniens', Valls) en économie, des plus 'laxistes' et des plus 'sécuritaires' sur la répression des classes populaires... À l'UMP, il y a les 'humanistes et sociaux' à la Borloo et la 'Droite populaire/iste' de Luca et Mariani, qui flirte avec le FN. Mais là, on va dire, ce sont des contradictions qui n'intéressent que très secondairement le prolétariat et son avant-garde communiste. La lutte des classes qui s'exprime là, ce n'est pas tellement l'influence contradictoire de deux classes (comme dans les partis petits-bourgeois), mais plutôt la manière dont la bourgeoisie va sauver sa peau (par le 'social' et le 'dialogue', ou par le capitalisme et la répression à outrance, par la 'carotte' ou par le 'bâton'). Il ne faut pas oublier, au demeurant, que les 'politiciens' eux-mêmes sont généralement des petits ou moyens bourgeois (fonctionnaires, avocats et médecins, etc.). Rares sont les grands capitalistes (comme un Olivier Dassault) qui 'font' de la politique. Du coup, ils sont soumis aux injonctions du Grand Capital, tout en ayant la préoccupation de sauver leur propre position face au prolétariat, position encore plus précaire que celle des 'milliardaires du CAC40'...

    Mais enfin, tout cela n'intéresse le prolétariat que dans un seul sens : à quelle sauce il va être mangé. Et cela n'intéresse les communistes que pour leur 'plan d'action' des 5 ans à venir : la bourgeoisie va-t-elle jouer sur du 'social' et de la collaboration de classe, ou plutôt de la répression et de la liquidation tous azimuts des concessions du passé ? La question du FN et de l'extrême-droite (et de la 'FNisation' de l'UMP et même du PS) est bien sûr très importante : c'est celle du passage de la bourgeoisie à la dictature terroriste ouverte, qui change totalement la manière d'agir des communistes, les conditions de la lutte.

    Mais disons que, toutes ces contradictions s'exercent dans un 'champ politique de classe' qui n'est pas celui du prolétariat, mais de la bourgeoisie, et qui, donc, est secondaire. À l'époque des Fronts populaires, entre 1935 et le triomphe total du révisionnisme au milieu des années 1950, il est clair que le mouvement communiste international a accordé sans doute trop d'importance à ces contradictions inter-bourgeoises (ainsi qu'inter-impérialistes), arrivant presque à considérer (en caricaturant un peu) qu'il y avait de 'bons' partis bourgeois et de 'bons' impérialismes (c'était clairement la position d'Earl Browder, du CP-USA)...

    Revenons au PCF. S'agit-il d'un parti bourgeois ? Et bien, on peut dire aujourd'hui que la réponse est oui. Depuis plus de 50 ans, sa soumission idéologique et politique à la "gauche" bourgeoise (SFIO de Mollet, PS de Mitterrand, puis 'gauche socialiste' du PS dans les années 1990-2000, et enfin PG de Mélenchon) en a fait un parti assurément bourgeois. Mais un parti bourgeois d'un genre très particulier. C'est un parti qui s'intitule encore 'communiste', et il est certain que des gens adhèrent sincèrement à cet intitulé ; tandis que d'autres, l'ayant intégré à une époque où il n'était 'que' révisionniste, et où le mot 'communiste' avait encore une grande signification sur la planète, y restent attachés sentimentalement.

    En un mot : c'est un parti qui revient à ce qu'était, pour les camarades de Politzer et Tillon, la SFIO de Léon Blum. Un parti bourgeois, mais qui emprisonne encore une part significative de la classe prolétarienne. Dans ce sens, ses 'mouvements internes' sont plus intéressants et significatifs pour les communistes que ceux des partis petits-bourgeois (LO, NPA, POI, URCF, PRCF, Cercles communistes, PCOF), qui sont beaucoup plus réduits (en caractère de masse), beaucoup plus 'resserrés' socialement sur la petite-bourgeoisie intellectuelle (surtout enseignante), les petits employés/fonctionnaires et l'aristocratie ouvrière, ou encore les étudiants (NPA surtout) ; et beaucoup plus 'verrouillés' idéologiquement (sectarisme, question de survie quand l'idéologie ne tient pas la route). La seule chose qui peut finalement être intéressante chez ces derniers, ce sont les 'mouvements de sortie' (comme au NPA, passé de 9000 adhérents à moins de 4000).

    Au PCF, en revanche, les 'mouvements de la base' sont assez représentatifs du niveau de conscience 'moyen' (pas le plus avancé) du prolétariat, et les 'mouvements du sommet' (désormais quasiment délégué à Mélenchon) sont bien représentatifs de la manière dont la 'gauche' bourgeoise tente de 'tenir' le prolétariat, de contenir la 'poussée' de sa conscience, ou de la détourner (par exemple dans la xénophobie, cf. Gerin) ; et... des difficultés qu'elle rencontre dans cette tâche (qui est historiquement la sienne) !

    Ceci dit, tout cela n'est pas décisif - c'est le mot qui convient. Clairement : il y a au PCF, sans le moindre doute, des progressistes sincères, des anticapitalistes insuffisamment marxistes, aux conceptions limitées, des révolutionnaires potentiels ; des gens qui ont vu le mot 'communiste' (oh ! de la lumière !) et sont rentré-e-s ; mais leur lutte contre la ligne bourgeoise réformiste dominante ne peut pas être décisive EN SOI. Elle ne peut l'être, qu'en se connectant à un mouvement communiste révolutionnaire qui, désormais (et depuis plus de 40 ans), est intégralement extérieur au PCF. C'est le triomphe de la ligne révolutionnaire dans celui-ci (contre l'opportunisme, les tendances possibilistes ; et le dogmato-sectarisme) qui est décisive.

    L'époque où la lutte de lignes au sein du PCF avait un caractère décisif pour le prolétariat de cette entité bourgeoise, la France, c'était, globalement, entre sa création en 1920 et le début des années 1960.

    Durant les années 1920, le PCF-SFIC souffrait de ses 'tares originelles', d'être issu de la majorité d'une SFIO où... les marxistes révolutionnaires étaient peu nombreux. Le Parti devait donc élaborer sa ligne révolutionnaire alors même qu'il était créé (il n'a pas été créé sur une ligne pré-établie, d'ailleurs, aucun Parti ne l'a jamais vraiment été). Ce fut chaotique mais, vers 1930, on pouvait penser que les choses étaient 'éclaircies' et que la 'bolchévisation' pouvait commencer. Mais, dès 1934, l'application de la ligne de Front populaire (pas erronée en elle-même, plutôt imprécise) amena une tendance très forte à la soumission idéologique du Parti vis-à-vis de la 'gauche' bourgeoise. Une tendance au populisme ('Peuple de France !'), à se penser 'dans le prolongement' du 'pic radical' de la révolution bourgeoise (1793-94) ; à renoncer à l'anticolonialisme et à l'anti-impérialisme, 8e condition d'adhésion à l'Internationale communiste, d'une importance CAPITALE puisque Marx parlait déjà, en son temps, de 'secret de l'impuissance' du prolétariat du pays colonisateur. Une tendance, plus généralement, au pragmatisme sans principes, comme quand Duclos négociait la reparution de l'Humanité avec les autorités nazies d'occupation... À partir de là, la lutte des éléments un minimum léninistes s'engagea contre ces tendances révisionnistes toujours grandissantes, et ne s'acheva que... au début des années 1960, presque concomitamment avec la mort de Thorez (1964), quand les léninistes quittent alors le Parti (pour former le PCMLF, l'UJCml qui engendrera la GP etc., d'autres - malheureusement - rejoignant toutefois le trotskisme pour former la LCR). Elle s'acheva, donc, quand les léninistes, les marxistes révolutionnaires, n'eurent plus d'autre solution que de quitter le Parti. C'est à partir de là, en réalité, qu'on peut considérer le PCF comme intégralement révisionniste et au service de la bourgeoisie, un parti BOURGEOIS dont il n'y a plus rien à tirer, L'AVENIR du mouvement communiste et de la révolution prolétarienne dans l'espace géographique 'France' se jouant désormais EN DEHORS. Et pourtant, le Parti était pourrissant depuis près de 30 ans, et à vrai dire assez foireux depuis sa fondation en 1920 !

    Si l'on prend l'exemple du Népal, peut-on alors qualifier le PCNU-M de Parti intégralement révisionniste, dont les luttes internes ne sont d'aucun intérêt pour les communistes d'Asie du Sud et la révolution mondiale ? Alors que le prachandisme a commencé à sévir il n'y a pas 10 ans ? Soyons sérieux...

    En réalité, ce qu'il faut retenir, c'est que le principal a un moment donné pour la révolution 'locale' et mondiale est la lutte de lignes entre communistes : en l'état actuel des choses, entre prétendants au rôle d'avant-garde de la révolution prolétarienne dans l’État "France". Ce qui est principal, ce qui est SIGNIFICATIF, c'est la lutte où se joue L'AVENIR.

    Pour le moment, la réalité est qu'il n'y a PAS de Parti révolutionnaire du prolétariat, mais un certain nombre de groupes, d'organisations, qui se sont données pour tâche de le construire (certaines se proclamant déjà 'Parti', d'autres pas) : PCmF, OCML-VP, ROC-ML, 'p''c''mlm'... Et ces organisations sont en quête d'adhésion prolétarienne à leur ligne ; en quelque sorte, du 'mandat' du prolétariat (en tout cas, du prolétariat avancé) pour constituer son avant-garde et conduire la révolution. C'est une quête extrêmement difficile, incomparable avec celle d'un mandat électoral bourgeois... Il ne s'agit pas de viser 'la quantité à tout prix' et de faire de la démagogie, du populisme, car alors on aura beaucoup de monde avec soi, mais on n'arrivera à rien. Mais il ne s'agit pas non plus de s'imaginer que moins on est nombreux, plus on a raison, plus on a tracé de 'lignes de démarcation entre l'ennemi et nous' [Mao énonce ici, dans cette fameuse phrase, quelque chose qui tombe sous le sens : si des gens vous attaquent, voire veulent vous casser la gueule, c'est que vous avez forcément adopté des positions clivantes... le problème, c'est qu'il reste à savoir de QUEL CÔTÉ ("bon" ou "mauvais", idées justes ou idées fausses, communiste ou opportuniste ou petit gauchiste à la con) de la ligne de démarcation en question vous vous trouvez !]... À un moment donné, si l'on est dans une dynamique d'isolement, il faut se poser des questions. On pourrait dire, quelque part, qu'une organisation dans une 'bonne' dynamique est une organisation qui, en plus de rencontrer la sympathie de la classe dans les actions ou manifestations auxquelles elle participe, voit ses positions reprises par les autres et même par les organisations petites-bourgeoises (en 'édulcoré' et 'sans citer la source')...

    Ce n'est pas une 'compétition' pour le fun, mais qui engage l'avenir de l'humanité. C'est, aussi, une 'compétition' dans laquelle les partis petits-bourgeois, et même le PCF, participent indirectement : si aucune 'avant-garde' ne parvient à convaincre, les 'consciences émergentes' du prolétariat se tourneront vers ces 'valeurs sûres'...

    La quadrature du cercle est donc celle-ci : 1°/ il ne s'agit pas d'avoir du monde pour aller nulle part, 2°/ il ne s'agit pas d'avoir la conception révolutionnaire la plus juste qui soit, mais personne avec soi, personne de 'réceptif'.

    Et la clé de cette quadrature du cercle... c'est la lutte de lignes. La lutte de lignes permettant de construire la CONCEPTION COMMUNISTE DU MONDE qui, seule, peut agréger le prolétariat autour du Parti révolutionnaire et le mener à la victoire. Le principe est que nous sommes entre communistes, et qu'en principe, cette lutte de lignes est non-antagonique. Elle consiste à démêler, dans nos conceptions, les écheveaux du nouveau et de l'ancien ; des idées justes et des idées fausses ; des conceptions prolétariennes tournées vers l'avenir, vers le communisme, et des conceptions sous influence de la bourgeoisie. Sa méthode est le débat franc et ouvert entre camarades, la critique et l'autocritique, la vérification des idées et la rectification des erreurs.

    Mais parfois, cette lutte, même en commençant toute fraternelle et pleine de camaraderie, amène à démasquer des connards, des gens qui, pour simplifier à l'extrême, sont là pour EUX-MÊMES et non pour le prolétariat et l'humanité. Ou des gens assez cons (paumés idéologiquement) pour les suivre, ce qui revient au même. Peu importe quelles sont leurs motivations, qu'elles soient très concrètes (ascension sociale, qui ne pourrait se faire dans la société telle qu'elle est et impliquerait un 'changement radical'), ou plus 'psychologiques', 'immatérielles' (auto-satisfaction, sentiment d'importance, ou amertume existentielle, névrose de 'petit occidental' etc.) : là encore le résultat est le même. Si l'on est pas là pour SERVIR LE PEUPLE, on n'est pas un révolutionnaire. Donc, a fortiori, pas un marxiste et encore moins un maoïste.

    SLP a été maintes fois confronté à ces gens-là et, en définitive, leur psychologie est finalement très reconnaissable. Démasqués, ils se réfugieront dans le sectarisme et le dogmatisme 'excommunicateur' (généralement, toujours une citation au coin de la bouche), et la mauvaise foi ; ou alors, pour ceux qui en ont la possibilité (souplesse d'esprit, pragmatisme, intelligence pratique, compétences), ils iront voir (si on y est) du côté du réformisme bourgeois.

    Tel est le schéma, en tout cas, pour un mouvement communiste très petit comme le nôtre actuellement.

    Bien entendu, si le mouvement communiste est beaucoup plus large, beaucoup plus massif, alors la lutte de lignes se joue 'en grand' : les traîtres collaborationnistes de classe peuvent déployer leur démagogie en direction de la spontanéité réformiste, possibiliste des prolétaires (et autres classes laborieuses) moins avancé-e-s ; tandis que les 'gourous' gauchistes peuvent jouer de leur côté sur l'impatience et la fascination pour la 'radicalité', la confusion idéologique ou encore les névroses qui existent chez un bon nombre de prolétaires et personnes du peuple.

    Il faut bien comprendre, bien avoir à l'esprit, que cette lutte de ligne dans le mouvement communiste n'y est nullement limitée par quelque 'champ magnétique'. Elle a, au contraire, une dimension 'explosive' ou 'implosive'...

    Le principe de la lutte de lignes, on l'a dit, c'est un débat franc, ouvert et CONSTRUCTIF, qui permet de dégager les idées justes et de les rassembler et synthétiser en conception communiste, prolétarienne, révolutionnaire du monde. Et ensuite, bien sûr, d'imposer ces idées justes et de balayer les idées fausses, dont les tenants doivent être convaincus... ou alors, empêchés de nuire.

    Pourtant, des fois, ça ne marche pas. Pourquoi ? Tout simplement, parce que les communistes ne sont pas des demi-dieux vivant sur une lointaine planète, mais des hommes et des femmes vivants sur la Terre capitaliste. Parce qu'ils et elles ont leurs limites d'êtres humains, individuelles et collectives. Parce que la science marxiste a ses limites... de science. Il y a les petits sectarismes des uns, s'accrochant à des idées fausses... mais aussi, parfois, 'défendant' ainsi des idées justes, et les condamnant en réalité (comme l'idée qu'il ne fallait pas faire les Accords de 2006 au Népal : JUSTE, mais condamnée par le sectarisme de ses 'défenseurs' !). Il y a les grands libéralismes des autres : recherche du compromis, refus de trancher, de reconnaître et de condamner le faux. On ne se pose parfois pas les bonnes questions (les questions cruciales ; on se concentre sur des sujets secondaires). Parfois, on n'y trouve pas les bonnes réponses. Parfois, on les trouve, mais on ne sait pas les faire prévaloir sur les mauvaises... etc.

    Dans ce cas, le mouvement communiste 'implose' et s'atomise. Les dogmato-sectaires s'enferment dans leur sectarisme et y pourrissent (souvent de manière très réactionnaire en pratique), mais en captant toujours à eux des éléments fascinés par leur posture 'sans compromis'. Les 'droitiers' (prisonniers des conceptions bourgeoises et petites-bourgeoises) rejoignent les partis petits-bourgeois, ou carrément les partis de 'gauche' bourgeoise (type PCF, aujourd'hui Front de Gauche). D'une manière générale, le prolétaire qui a avant tout son intérêt personnel et immédiat à défendre va se tourner vers les 'valeurs sûres', permettant 'd'agir en grand', même si c'est réformiste et toujours plus inefficace : 'gauche' bourgeoise, syndicats...

    Immédiatement, dans tous les partis sans distinction de classe, c'est la droite qui va en sortir renforcée. Ce sont les conceptions petites-bourgeoises les plus 'possibilistes' molles, ou social-populistes, qui triompheront dans les partis petits-bourgeois. Dans la 'gauche' bourgeoise et les syndicats, ce seront les tendances les plus modérées, les partisans du 'consensus', de "l'intérêt général". La bourgeoisie réactionnaire n'aura plus aucun obstacle devant elle, liquidant même ce que les luttes, la 'pression' prolétaire, l'avaient obligée à concéder (surtout que la crise lui impose cette nécessité, par ailleurs) : la 'droite de gouvernement' se 'lâche', c'est la fameuse 'droite décomplexée' qui s'affiche depuis les anées 90, au détriment des "humanistes sociaux", répandant (conjointement avec le FN) son 'hégémonie intellectuelle' sur les masses.

    Les fascistes seront renforcés, eux aussi... comme pseudo-alternative 'révolutionnaire', finalement plus crédible que la 'gauche' bourgeoise et petite-bourgeoise. Mais, finalement, la bourgeoisie n'aura même pas vraiment besoin d'eux, de ces 'têtes brûlées' au pouvoir... Nul besoin de dictature terroriste ouverte pour lutter contre la chute du taux de profit (y compris par la guerre impérialiste) et une menace révolutionnaire... qui n'existe pas : le 'consensus mou' suffit, alliant 'dialogue social' et répression de basse intensité contre les révolutionnaires et les masses 'rebelles', à hauteur de la menace (faible) qu'ils et elles représentent. C'est, finalement, ce que les camarades du PCmF appellent 'fascisme moderne'.

    Tout cela, c'est, finalement... la situation qui prévaut chez nous depuis les années 1980. Jusque, disons, au milieu des années 2000 en tout cas (depuis, ça évolue). Le paysage politique que nous avons, que nous avions à 100% au début de la dernière décennie, c'est tout simplement le résultat ultime d'une 'implosion' du mouvement communiste par défaite, décimation, effondrement de la ligne révolutionnaire prolétarienne.

    Si, par contre, la conception communiste du monde se construit, se développe et s'impose... Alors, elle ISOLE les dogmato-sectaires. Elle pousse les réformistes à rejoindre la 'maison-mère', mais sans emporter grand-monde avec eux. Elle franchit les frontières du mouvement communiste. Elle va 'exciter', 'agiter' les troupes sincères des partis petits-bourgeois et de la 'gauche' bourgeoise, comme le gros PCF, ainsi que des syndicats. La vie des bourgeois (et de leurs agents) chargés de 'tenir' ces troupes cesse d'être un long fleuve tranquille. Ils se retrouvent peu à peu isolés. Dans les partis strictement bourgeois, les contradictions s'aiguisent, les camps se polarisent. Le 'consensus mou' éclate ; les 'réformistes', les 'lâcheurs de miettes' d'un côté, et les 'exterminateurs' de l'autre, se renforcent. L'option fasciste est clairement envisagée, et le fascisme prend clairement un caractère mussolinien ou hitlérien : une tentative de synthèse entre 'carotte' ('réformisme' populiste réservé aux 'bons' citoyens, impliquant d'exclure - et donc de définir - des 'ennemis intérieurs'), 'bâton' (dictature terroriste ouverte) et lutte contre la crise, contre la chute tendancielle du taux de profit et la surproduction absolue ('trop-plein' mondial) de Capital, ce qui implique (ainsi que le financement des 'réformes' sociales populistes) la GUERRE IMPÉRIALISTE à outrance.

    MAIS, même si ce tableau peut sembler éminemment plus sombre que celui du 'consensus mou', il a un avantage : les communistes, armé-e-s de leur conception du monde, peuvent COMBATTRE cela, et même le combattre VICTORIEUSEMENT, jusqu'à une grande victoire comme en 1945, et même plus grande encore. Ils peuvent empêcher les fascistes de se présenter en fausse alternative 'révolutionnaire', en tout cas les gêner fortement dans cette manœuvre. Ils peuvent CONTRE-MOBILISER les masses contre la tendance au fascisme et à la guerre. Dans le 'consensus mou', il n'y a pas de dictature terroriste ouverte et généralisée... parce qu'il n'y a personne (ou très peu de monde) à persécuter de la sorte. En revanche, depuis les années 70 il y a la crise et, depuis les années 80, des attaques permanentes contre les moyens matériels d'existence des masses populaires... et personne pour s'y opposer efficacement.

    Il y a la crise, et donc IL Y A LA GUERRE : rampante, quasi-secrète, mais généralisée et permanente ; et personne pour s'y opposer, sans nul besoin d'une dictature terroriste intérieure. Les guerres de l'impérialisme (et leurs conséquences), par interventions directes ou guerres 'entre sauvages' fomentées, ont pourtant fait (probablement) plus de 15 millions de morts en 20 ans, dont plus de la moitié en Afrique (et plus d'un million en Irak, des dizaines de milliers en Afghanistan etc.). Quand à la misère en elle même (si l'on laisse de côté les conflits armés et la répression), entre la sous-alimentation, la maladie (qu'on pense simplement au SIDA en Afrique...), les toxicomanies, les suicides (des milliers de paysans surendettés en Inde, mais aussi des centaines de travailleurs 'au bout du rouleau' en France !), les violences entre prolétaires... combien fait-elle de victimes par an ? Probablement des millions...

    Alors, à tout bien réfléchir... vaut-il mieux une ligne révolutionnaire prolétarienne FORTE, ou faible ?

    À l'heure actuelle, 'ce qui était n'est plus, mais ce qui sera n'est pas encore'. Nous sommes à la croisée des chemins. La 'Fin de l'Histoire', ère de 'paix', de 'démocratie' et de 'progrès' dans le cadre 'indépassable' du capitalisme, promise au début des années 1990, est révolue. Mais, à cela, le facteur déterminant est que la crise a franchi un nouveau cap, une nouvelle étape dans la gravité. La pression qui s'accroît, ainsi, sur les masses populaires mondiales, suscite des RÉSISTANCES de plus en plus fortes, des explosions colossales comme cette année dans les pays arabes. Mais ces résistances ne sont sous direction communiste que dans quelques pays : l'Inde, l'Asie du Sud globalement, les Philippines, l'Anatolie, quelques pays d'Amérique latine...

    Pour l'instant, le renouveau réel mais faible du mouvement communiste international n'est pas le facteur déterminant des évènements à travers le monde. Lorsque, dans de nombreux pays, les forces communistes auront retrouvé la force décrite plus haut, alors ça le sera. Nous changerons complètement d'époque.

    Si cela ne se produit pas... nous n'avons pas d'exemple historique. La crise que nous traversons est sans précédent depuis celle de 1929. Mais, à l'époque, le mouvement communiste était fort. On ne sait donc pas à quoi ressemblerait une crise comme celle de 1929, et ses conséquences (misère de masse, fuite en avant réactionnaire, guerre), sans mouvement communiste important et sans (selon SLP) 'l'option keynésienne' de surcroît (option de créer un 'État-providence', qui précédemment n'existait pas, afin de 'relancer' l'accumulation capitaliste par la création d'un vaste marché intérieur, d'une vaste demande 'populaire'). On ne sait pas... peut-être, en définitive, parce que ce n'est pas possible ! Parfois, ce que le cerveau humain ne conçoit pas... ne peut pas exister, tout simplement.

    Les communistes sont convaincus de l'inéluctabilité du communisme. Les communistes sont convaincus que 'là où il y a oppression, il y a résistance' ; et que le monde ne peut pas continuer à s'enfoncer ainsi dans la crise, c'est à dire la misère, la barbarie, la guerre, la destruction écologique, sans que les masses se révoltent (et c'est d'ailleurs déjà le cas : nous avons la preuve de cette affirmation). Et les communistes sont convaincus que, dans toutes ces révoltes, une partie des masses atteindra le stade de la conscience communiste, et entraînera le reste derrière elle dans la RÉVOLUTION MONDIALE !


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  • [Sur le concept de mode de production "tributaire" (dit aussi "asiatique") mobilisé dans le texte : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mode_de_production_asiatique]

    Ou encore (clair et concis...) :


    Et, à lire absolument aussi, la FONDAMENTALE réflexion de matérialisme historique développée sur cette base :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/sur-une-controverse-de-definitions-entre-marxisme-et-decolonialisme-a157559122

    [Concernant la classification du monde, par Amin, en Centres, semi-périphéries et périphéries :

    - Les Centres, semi-périphéries et périphéries sont des réalités à la fois territoriales et sociales ; sur la base du concept d'introversion/extraversion.

    - Les Centres sont les populations, sises dans des territoires, qui "pompent" (en quelque sorte) ; les périphéries celles qui sont "pompées" ; et les semi-périphéries celles qui sont d'un côté pompées mais bénéficient aussi d'un pompage.

    - Les Centres, ce sont les "métropoles mondialisées-connectées" petites bourgeoises occidentales (et japonaises, + quelques centres hors Occident, en Russie, en Chine, à la limite les oligarchies de chez oligarchie du Sud comme "centres relais"...).

    - La "semi-périphérie centrale", ce sont les masses populaires blanches ; c'est à dire effectivement presque tout le monde en Europe de l'Est et du Sud, mais aussi les masses les plus reléguées d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord. Ceci inclut la plus grande partie des peuples à question nationale d'Europe. On peut aussi y adjoindre, sans doute, une grande partie du Nord-Est asiatique.

    - La "semi-périphérie périphérique", ce sont les masses "indigènes" non-blanches du Nord global.

    - Enfin, la périphérie mondiale proprement dite c'est tout le reste : les 3/4 de l'humanité qui vivent en régime "semi-colonial semi-féodal".]


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  • La thèse développée par SLP, aussi bien dans son article La Question nationale au 21e siècle que dans les Considérations diverses : un (gros) pavé sur la Question nationale..., appelle une clarification afin d'éviter 'préventivement' toute confusion et donc tout 'procès' basé sur une fausse interprétation du concept.

    Au préalable, il est important de rappeler que cette thèse :

    1°/ est une 'piste de réflexion', qu'elle est peut-être erronée en tant que telle ou (plus probablement) imparfaite ; et que SLP, contrairement à 'd'autres', n'a pas la prétention de détenir la vérité ;

    2°/ est 'maximaliste', 'gauchiste' dans le sens où la conscience réelle de masse est actuellement bien en-deçà ; ou plutôt, ce qui serait gauchiste, serait d'en faire une ligne de démarcation absolue à l'heure actuelle.

    Ensuite, la confusion très importante à dissiper, c'est que l'encerclement des Centres par les Périphéries n'est pas une substitution de ceux-ci aux classes et à leur lutte. Il n'y a pas une 'lutte de la Périphérie contre le Centre' remplaçant la lutte des classes. Dans toutes les Périphéries et tous les Centres, il y a une bourgeoisie dominante (éventuellement aussi des féodaux dans le 'tiers-monde') et un prolétariat (parfois allié à une paysannerie pauvre et aux 'indépendants' pauvres) ; et ces deux 'pôles' idéologiques, de la Révolution et de la Réaction, s'affrontent avec les forces que chacun aura gagné à lui.

    Simplement, l'encerclement du Centre par la Périphérie est le SENS DE DÉPLOIEMENT de cette lutte de classe. Autrement dit, le NIVEAU DE LA LUTTE DE CLASSE, le niveau d'antagonisme et, en définitive, le niveau d'avancement vers le communisme, est d'autant plus élevé que l'on s'éloigne des 'Centres' du capitalisme monopoliste mondial*. Il est important de souligner aussi, ici, qu'il ne faut pas chercher à tout prix à matérialiser géographiquement le 'Centre'. Le Centre, c'est là où se trouve et décide, là où vit et sévit la classe dominante. Typiquement, on pourrait dire que son symbole sont les tours des quartiers d'affaires qui s'élèvent à des centaines de mètres vers le ciel... Mais il ne faut pas avoir une vision romantique du Centre (pensant qu’on pourrait simplement ‘faire sauter les tours’, par exemple, comme dans le film Fight Club…) ; celui-ci a avant tout une caractérisation scientifique, en termes de rapports d'exploitation et de domination.

    Il n'y a donc là AUCUNE NÉGATION DE LA LUTTE DES CLASSES, mais simplement une analyse de 'là d'où souffle le vent' (et de pourquoi il souffle dans cette direction).

    Ce que SLP assume, en revanche, c'est que cette théorie nie la France ; ou plutôt, non : elle la reconnaît comme l'objectif principal et absolu à détruire. La France est pour SLP un appareil politico-militaire et idéologico-culturel d'oppression des masses ; l'expression administrative, répressive et idéologique de la classe exploiteuse et oppresseuse de cette centaine de départements (de métropole et d'outre-mer), mais aussi de dizaines de néo-colonies (d’Afrique et d’ailleurs). SLP, on l'a dit, est conscient que c'est une prise de conscience qui sera longue et qui ne doit pas devenir une ligne de démarcation dans l'immédiat. Mais très sérieusement, alors que nous approchons du 11-Novembre, quand on y réfléchit, la France, qu'est-ce d'autre que CELA** : 

                               Clarification sur l'encerclement du 'Centre' par la 'Périphérie'

    Il y a chez certain-e-s une contradiction ahurissante, quand on peut lire un jour que 'la France a fait son temps', qu'il n'y a 'qu'un drapeau, le drapeau rouge', et le lendemain, que des gens (comme SLP...) 'nient la lutte des classes en France en niant la France', sont à la fois 'cosmopolites' et 'identitaires de gauche', etc. etc. Ahurissant, ou plutôt... pas du tout : car rien là de bien neuf que la vieille conception trotskiste à la Lambert, qui va dénoncer comme 'identitaire', 'nationaliste petit-bourgeois' etc. toute expression d’une culture populaire et de refus d'une domination nationale, d'une négation culturelle (minorités) ou d'une quelconque 'inégalité territoriale' ; clamant alors que 'le seul drapeau de la classe ouvrière est le rouge'  ; puis défendre la construction monarcho-bonapartiste 'France' (sur une ligne quasi jacobine à la Chevènement et compagnie), sous prétexte de 'cadre national de la lutte de classe'...

    Cette thèse des Centres et des Périphéries a été essentiellement développée par le passé par le grand théoricien économique marxiste-léniniste (anti-révisionniste pro-chinois en son temps) Samir Amin, qui n'est certes pas "parfait", et avec qui l'on peut avoir plus d'un désaccord voire même trouver plus d'une position complètement pourrie ; mais qui n'en reste pas moins, de notre point de vue, l'une des grandes productions intellectuelles de la deuxième moitié du 20e siècle qui ont contribué à enrichir le marxisme-léninisme et à en faire aujourd'hui une compréhension du monde bien plus avancée que ce qu'elle était à la mort de Lénine ou dans les années suivantes, méritant que l'on parle désormais de maoïsme.

    [Un exemple des - passionnantes - thèses d'Amin ici : Samir-Amin-developpement-inegal-et-question-nationale.pdf ; lire aussi : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/sur-une-controverse-de-definitions-entre-marxisme-et-decolonialisme-a157559122]

    Pour SLP, les Périphéries sont concentriques et ne sont pas antagoniques entre elles (pas d'elles mêmes en tout cas : elles sont éventuellement opposées par la classe dominante, qui va piller l'Afrique pour assurer le 'petit confort' des classes populaires en France, mais ce n'est pas une opposition naturelle). La seule chose qui les distingue, c'est le niveau de conscience et de lutte révolutionnaire.

    Le point le plus élevé de cette conscience et de cette lutte, que cela nous plaise ou non, est éminemment dans les pays dominés, les pays du 'tiers-monde'. C'est le sens de la Guerre populaire menée en Inde et aux Philippines, et à moindre intensité au Pérou et dans l’État turc ; mais aussi de dizaines de guérillas populaires d'inspiration plus ou moins marxiste en Amérique latine (EPR au Mexique etc.), de résistances populaires anti-impérialistes (éventuellement sous un drapeau religieux) comme en Palestine, en Irak et en Afghanistan, ou d'autres moins connues comme celle de l'Irian Jaya (Papouasie indonésienne) ou du Delta du Niger ; de gigantesques mouvements populaires comme les Sans-Terres au Brésil et autres mouvements paysans de toutes les Amériques, les piqueteros en Argentine, toutes sortes de mouvements des classes populaires pauvres en Afrique du Sud, et bien sûr les immenses mouvements arabes de cette année. Lorsqu'il y a un Parti assumant la ligne révolutionnaire (c'est à dire maoïste), alors il y a Guerre populaire. Dans les autres cas, il y a 'mouvement', 'résistance', 'guérilla armée' : on peut dire que la Guerre populaire est à 'l'étape zéro'.

    La Guerre populaire en Inde est assurément la plus importante du monde, succédant à celle du Népal après son interruption (et finalement sa trahison). L'Inde pourrait bien un jour, comme l'avait annoncé Mao Zedong il y a plus de 60 ans, être le nouveau Soleil Rouge qui se lève sur le monde, après la Russie soviétique et la Chine populaire. Cela confirme tellement la thèse de SLP, dirait-on, qu'il se trouve maintenant même des 'maoïstes' pour critiquer cette lutte révolutionnaire héroïque.

    Par la 'morphologie' de son organisation économique et sociale, l'Inde, comme la Chine de Mao, est TYPIQUEMENT un pays d'encerclement des villes par les campagnes. Cela ne signifie NULLEMENT que la classe ouvrière, le prolétariat des villes, ne joue aucun rôle dans la Guerre populaire. JAMAIS Mao (pour la Chine) ni aucun maoïste (pour où que ce soit) n'a affirmé une telle chose ; que la Ville ou le Centre ne joue aucun rôle sinon passif, 'attendant' l'Armée rouge venant des campagnes. Et les maoïstes indiens pas plus que les autres. Depuis de nombreuses années maintenant, ils ont établi des passerelles avec le mouvement ouvrier et populaire dans les grandes villes, et parviennent à organiser de gigantesques bandh (grandes grèves et manifestations). À travers leur Front révolutionnaire, ils s'efforcent aussi d'agréger les forces démocratiques de la petite-bourgeoisie, de la petite classe moyenne qui s'est développée depuis quelques décennies, parfois issue des 'basses castes' de l'ancienne organisation sociale féodale. MAIS VOILÀ, il ne faut pas se faire d'illusions, il faut se faire une raison, que cela nous plaise où non : le niveau de lutte ouvrière et populaire dans les grands centres urbains grandira à mesure que grandira la Guerre populaire dans les campagnes reculées et les zones 'aborigènes', comme 'phare' de toutes les luttes du pays (de classe, de caste, de libération nationale...). Un des pays du monde où la lutte révolutionnaire est au plus haut est l'Inde ; et l'endroit du pays où cette lutte est la plus 'haute' est le 'corridor rouge', que cela nous plaise ou non. Tel est le constat, et le constat s'impose préalablement à toute analyse scientifique de la réalité, qui ne peut que découler du constat. De plus, dire que les Naxalites se 'moquent' (pratiquement) de la classe ouvrière, c'est nier le très important prolétariat rural ainsi qu'un important semi-prolétariat des campagnes (des paysans ayant une petite terre, mais très insuffisante pour les faire vivre : ils vendent donc, une partie de l'année, leur force de travail au centre industriel le plus proche, à la mine, la plantation agro-capitaliste ou l'exploitation forestière voisine). Le salariat, depuis 30-40 ans, a très largement pénétré dans les campagnes indiennes, comme dans toutes les 'campagnes' du monde.

    Et tout ce processus, de plus, sera TRÈS LONG. Il est aussi grotesque que délirant d'affirmer que 'les prochains mois, la prochaine année' seront décisifs : cela revient tout simplement à affirmer que, lorsque le PC et l'Armée rouge de Chine ont entamé leur retraite stratégique dans la célébrissime 'Longue Marche', 'tout était fini'... C'est totalement anti-scientifique.

    Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'une prochaine étape CAPITALE pour l'extension de la Guerre populaire en Inde, sera son extension aux slums, les immenses bidonvilles des mégalopoles (à commencer par Calcutta, la 2e du pays et la plus accessible aux maoïstes) ; slums où s'entassent les masses chassées des campagnes par la misère et l'agro-business, qui se 'réfugient' en quelque sorte (à la fois politiquement et économiquement) à la PÉRIPHÉRIE (encore une fois !) des grands centres urbains, et y survivent comme elles peuvent... Les bases rouges de la Guerre populaire seraient alors aux portes des villes. Mais il va de soi que les maoïstes indiens n'ont pas attendu SLP, ni qui que ce soit pour y penser !

    Ailleurs qu'en Inde, ce sont d'autres 'campagnes', d'autres Périphéries qui encerclent d'autres Centres. En Europe, toujours plus 'intégrée' économiquement (même si les contradictions et la concurrence, entre États et entre monopoles, est toujours bien présente), c'est au Sud (État espagnol, Italie, Portugal, Grèce), dans une certaine mesure à l'Ouest (Irlande, Écosse, Pays de Galle etc.) ainsi qu'à l'Est (malgré un certain discrédit de l'idée révolutionnaire à cause du révisionnisme ; et une certaine nostalgie du révisionnisme y faisant face) que se trouve la 'Périphérie' où le niveau des luttes, sans pouvoir être comparé à l'Inde ni même aux pays arabes, est le plus élevé. Elle entoure un 'Centre' autour d'un axe allant de l'Italie du Nord au Sud de l'Angleterre ; ou, pourrait-on dire, entre une ligne Trieste-Hambourg et une ligne Marseille-Le Havre. Dans l’État français lui-même, sans préjudice ni irrespect pour aucune lutte ni militant-e héroïque où qu'elle se trouve, on trouvera un niveau de conscience et de lutte de classe plus élevé et plus répandu au Sud et à l'Ouest, par rapport à la population, que dans le Grand Paris ou le Grand Lyon. On trouvera également un bon niveau le long de la frontière Nord, du Pas-de-Calais à la Moselle en passant par les Ardennes ; sans toutefois perdre de vue l'importance historique et culturelle de la social-démocratie dans le Nord-Pas-de-Calais (comme d'ailleurs en Wallonie voisine) ; et d'une certaine droite ouvrière dans le Nord-Est, qui se traduit aujourd'hui par un fort vote FN.

    Globalement, il faut bien faire ce constat, le prolétariat ouvrier (si l'on fait bien la distinction avec l'aristocratie ouvrière) se trouve désormais moins dans les grandes métropoles économiques que dans des zones qu'on peut qualifier de semi-rurales : des 'vallées' ou des 'bassins' industriels entourés de zones agricoles ou naturelles. Ce n'est pas 'nouveau', cette industrie rurale est même une constante historique du capitalisme français. Mais aujourd'hui, si elle est peut-être numériquement plus nombreuse, la classe ouvrière l'est proportionnellement moins dans les grandes métropoles, qui se sont largement tertiarisées. Elle est de surcroît plus aristocratisée, sauf bien sûr les colonies intérieures (que la bourgeoisie ostracise en encourageant le racisme) ; et tout cela joue sur sa culture politique. Et les nouvelles 'classes tertiaires' trustent de manière très importante le 'milieu militant', 'radical' mais aussi syndical, avec une proportion toujours croissante de militants fonctionnaires ou travailleurs intellectuels par rapport aux militants organisés ouvriers et prolétaires, et même aristocrates-ouvriers...

    Dans les zones semi-rurales, au contraire, la condition ouvrière est objectivement très prolétarienne, d'une pauvreté parfois effroyable, qui fait parler les petits-bourgeois 'charitables' de 'quart-monde'... Subjectivement, les choses sont malheureusement moins évidentes. Parfois, on trouve une tradition locale de droite ouvrière (liée à l’imbrication avec une ruralité conservatrice); mais, d'une manière générale, la conscience et le niveau de lutte de classe souffrent d'un 'repli métropolitain' et d'un abandon par le 'milieu militant', non seulement révolutionnaire (ou prétendu tel...) mais aussi 'réformiste radical'. Le Front National, lui, ne s'y trompe pas et étend ses tentacules (surtout au Nord, à l'Est et au Sud-Est). Pour autant, lors d'un plan social ou de toute autre saloperie patronale, on verra s'exprimer une combattivité admirable et nettement supérieure à celle d'une grande métropole (où simplement, parfois, la perspective de retrouver un emploi avant la fin de droits et les minima sociaux apparaîtra plus probable...). Dans ces bassins ouvriers 'relégués' et périphériques, la fermeture de 'l'usine du coin' a souvent des conséquences catastrophique et irrémédiables, même pour ceux et celles qui n'y travaillent pas : c’est la condamnation sans appel au 'quart-monde'.

    À la périphérie des grandes métropoles se trouvent encore d'autres zones de relégations, les GHETTOS URBAINS, où se concentre la population la plus objectivement prolétarienne et, de manière sur-représentée, les minorités national-culturelles des colonies intérieures. Là, avec la désindustrialisation des grandes métropoles, et particulièrement chez les jeunes (parfois 50% au chômage), ce n'est pas tant le bleu de travail qui règne, que le 'tenir les murs'. Les vieilles cultures populaires locales se mêlent aux cultures nationales des colonies intérieures, et à la culture des ghettos new-afrikans d'Amérique du Nord (qui s'est 'mondialisée' avec le hip-hop). On peut dire que le Grand Paris, le Grand Lyon ou encore Marseille sont quelque part des 'nations multiculturelles' en formation, des métropoles multiculturelles préfigurant la société internationale communiste de demain.

    Malheureusement (c'est la contradiction fondamentale dans le champ de la culture et de la conscience politique), c'est aussi là que le Centre est culturellement et politiquement le plus fort (c'est moins vrai pour Marseille : la classe dominante 'niche' plutôt à Aix)...

    On voit bien là autant de Périphéries que seul un Parti organisé au niveau de l’État bourgeois peut coordonner dans leurs luttes, pour détruire ce dernier en étranglant lentement le Centre. Sans cela, la classe dominante parviendra évidemment à dresser les consciences et les luttes les unes contre les autres, à transformer en contradictions au sein du peuple la contradiction NORMALE qui oppose les masses à son règne pourrissant. Mais ce Parti devra correctement saisir le 'sens du vent'. Au 20e siècle, le PCF mythifiant '1793' rêvait encore d'une révolution dont le centre serait Paris ; et les trotskystes et même les anarcho-syndicalistes ne voyaient pas les choses différemment. Aujourd'hui, des 'maoïstes' semblent leur emboîter le pas...

    Dans tout ce processus de lutte révolutionnaire, mettre en avant la CULTURE POPULAIRE contre la culture académique de la 'France des Siècles' est évidemment un aspect parmi d'autres de la lutte, mais un aspect ESSENTIEL pour, justement, sortir de l'économisme (la lutte uniquement 'contre les patrons').

    Parfois, cette culture populaire a un caractère NATIONAL (principalement par l'existence d'une langue).

    C'est le cas au PAYS BASQUE, où la bourgeoisie tant espagnoliste que 'basquiste' et les néo-bourgeois en herbe du réformisme abertzale 'célèbrent' la 'fin d'ETA'. La 'dérive' d'ETA, nous dit-on, remonterait aux années 1970 : c'est là que prendrait source leur 'identitarisme de gauche'... Étrange ! Pour qui connaît l'histoire populaire et révolutionnaire du Sud des Pyrénées, on retiendrait plutôt que les années 1975-85 marquent l'apogée du Mouvement de Libération Nationale Basque (MLNV). C'est en effet l'époque où le MLNV (avec, à sa tête, ETA) cesse d'être seulement antifasciste pour devenir révolutionnaire ; en étant une des rares organisations (avec le PCE(r), les GRAPO etc.) à rejeter le 'ravalement de façade démocratique' de Juan Carlos de Bourbon ; et en restant convaincu que l’État profond restait inchangé par rapport au franquisme. Il faut songer au naufrage total du PC 'historique' à cette époque (et dès les années 60, en vérité) ; tandis que sa scission 'orthodoxe' de 1984, le PCPE, gardera la ligne de '3e République' mais sur une pratique totalement syndicalo-réformiste ; ne comprenant pas que si l'on pouvait désormais, peut-être, mener une certaine activité 'au grand jour' et qu'il fallait en profiter, le juan-carlisme n'était nullement une 'étape intermédiaire' à ‘mener à son terme’ en abolissant la monarchie, mais le nouveau visage ('moderne') d'un État inchangé. Quant aux expressions de la bourgeoisie 'basquiste' (PNV), catalaniste (CiU) etc., elles tombèrent complètement le masque en se ralliant à la 'Réforme' et en devenant la déclinaison locale de l’État espagnol. C'est donc, en outre, à ce moment-là que le MLNV devient majoritairement progressiste, alors que jusqu'à la mort de Franco, y était encore majoritaire le 'peuple PNV' tenu par un nationalisme bourgeois de droite, conservateur, clérical, 'JEL' (acronyme de 'Dieu et les vieilles lois'). Le prolétariat et les classes populaires basques avaient en outre fusionné avec l'importante immigration (tout au long du franquisme) venue du reste de la péninsule : les personnes portant là-bas le nom du père ET de la mère, il est fréquent que les militant-e-s de cette gauche abertzale portent un nom basque ET un nom 'espagnol'. Ethnique, quasi racialiste, le nationalisme PNV était donc là aussi dépassé par l'histoire (et condamné à n'être plus que ce qu'il était : un parti bourgeois).

    Ce qui est vrai, en revanche, c'est qu'ETA et la gauche du MLNV n'avaient pas bien compris la nature de l’État espagnol... Mais à vrai dire, pas moins bien que le PC basque dans sa déclaration fondatrice de 1935 (que met en avant Voie Lactée) ! L’État espagnol est en effet décrit comme un État 'impérialiste' et 'colonisant' les Peuples basque, catalan, galicien, canarien etc. Une erreur en apparence 'légère', mais en définitive fondamentale, dont ressort cette impression de 'racisme anti-espagnol' que donnera parfois le mouvement ; et dont pourront se repaître tous les social-démocrates 'à la botte', lecteurs d'El Pais et électeurs du félipisme et du zapaterisme... Ce qui fera le jeu, aussi, des partisans abertzale de 'l'abandon de la violence' et de la 'solution politique' : la violence révolutionnaire étant, selon eux, à l'origine de ce 'malentendu'.

    En effet, le moins que l'on puisse dire, c'est que le Pays Basque 'colonisé' était, en fait... la 2e région de la péninsule en termes de développement économique et de niveau de vie, après la Catalogne ! Difficilement argumentable...

    L'analyse correcte (ou y tendant) de l’État espagnol, et bien... c'est celle que SLP a transposée à l’État français. Notons que ces deux États sont les plus vastes, en superficie, d'Europe hors Russie. L’Espagne est un ensemble de peuples que Charles Quint, avec une poésie certaine, disait unis pour l'accomplissement de destinées universelles. En réalité, unis par un mariage féodal (Isabelle de Castille et Ferdinand d'Aragon), ainsi que quelques conquêtes (Andalousie en 1492, Navarre en 1512, Canaries), et mis au service de la lignée issue de ce mariage (et de sa Cour) dans l'accomplissement, en effet, de leurs fantasmes d'Empire mondial. Dans le cadre de cet État monarchique s'est alors développée une bourgeoisie espagnole qui a pris le pouvoir au 19e siècle, en s'appuyant sur les militaires libéraux entourant la reine Isabelle II. Cette bourgeoisie fusionnait les différentes bourgeoisies du royaume (celle du Pays Basque côtier, des ports de la côte Nord et des mines des Asturies, de Madrid, de Barcelone et Valence, de Séville et du Bas Guadalquivir 'débouché des Amériques', etc.). Ici et là (à vrai dire, surtout en Euskadi et en Catalunya), une bourgeoisie particulièrement dynamique a pu développer un sentiment anti-centraliste, ressentant la Castille et l'Aragon comme 'parasitaires' (effectivement bien moins développés d'un point de vue capitaliste : les bourgeois basques et catalans pouvaient avoir l'impression que l'aristocratie et la haute bourgeoisie de l'intérieur 'profitaient' de leur travail). Au niveau féodal et clérical, il y eut aussi des résistances à l'abolition de la Generalitat catalane (en 1714) et des fueros basques au 19e siècle. Curieusement, avec la Galice (parlant une langue proche du portugais, mais alors très conservatrice et immédiatement franquiste en 1936), ces zones de nationalisme bourgeois fort sont les seules 'nations opprimées' par 'l'impérialisme espagnol' que retient le document de 1935 (avec bien sûr les colonies du Maroc)...

    Pourtant, la réalité semble bien être qu'il y a TOUJOURS EU (en tenant compte, bien sûr, de l'importante immigration intérieure... mais aucun peuple n'est 'biologique' !) au moins 10 peuples : Catalans, Basques, Galiciens, Asturiens, Cantabres, Canariens, Castillans, Aragonais, Andalous... nous sommes déjà à 9. Et UNE bourgeoisie ESPAGNOLE, avec ici et là une bourgeoisie 'régionaliste' en contradiction trop forte avec les autres (moins dynamiques économiquement, en général) et souhaitant son autonomie économique, politique, fiscale etc. Quant à ‘l’impérialisme espagnol’, il n’est sans doute une réalité qu’à partir des années 1960-70, ce qui est aussi le sens de la ‘Réforme’ juan-carliste.

    Auparavant, l’Espagne semblait plutôt, vis-à-vis de la France, dans la situation du Portugal vis-à-vis de l’Empire britannique : un ‘vieil Empire colonial’ sous tutelle et ‘relais’ de l’Empire tricolore. Et s’il est devenu impérialiste… c’est grâce au dynamisme des capitalismes basque, catalan, de la côte Nord etc. ! D’où tout l’intérêt d’intégrer les bourgeoisies ‘régionalistes’ à travers le système des ‘autonomies’ ;  en ‘gérant’ la contradiction de la bourgeoisie espagnoliste (ultra-majoritaire partout ailleurs) avec elles : "nous avons besoin de votre dynamisme… mais vous avez besoin de nos flics, de notre justice, et peut-être un jour de notre Armée, pour tenir vos prolétaires !".

    Il faut voir aussi la SIGNIFICATION POLITIQUE de cela : dans l’État espagnol, l'idéologie qui serait celle des Identitaires, du Vlaams Blok ou de la Ligue du Nord est rarissime et extrêmement isolée (bien qu'elle se développe un peu en Catalogne, mais se veut autonomiste 'culturaliste' et rejette l'indépendance). Généralement, si l'on déborde (dans une conversation...) de la question nationale sur les autres questions du vaste monde, ce qui est espagnoliste est RÉACTIONNAIRE (y compris chez certains 'communistes', à l'idéologie proche d'André Gerin ou du POI), ce qui est autonomiste (ou favorable aux autonomies comme le PSOE 'national') est de 'droite modérée' ou de 'centre-gauche' bourgeois... et ce qui assume la position ci-dessus exposée est clairement progressiste (comme la 'gauche abertzale') ou clairement RÉVOLUTIONNAIRE, assumant l'antagonisme contre le capitalisme et les institutions comme bien peu l'assument dans l’État français.

    N'avoir pas compris cela est sans doute, après le militarisme, l'autre grande erreur d'ETA et du 'socialisme révolutionnaire de libération nationale' basque. Mais ce n'est sans doute pas l'erreur que va lui reprocher 'Voie lactée', qui lui reprocherait au contraire de n'avoir pas été la 'branche basque' d’un PC révolutionnaire espagnol, qui aurait ensuite 'reconnu' les 'droits nationaux démocratiques' des basques (et des catalans etc.), de manière octroyée et presque opportuniste, limite profonde de la conception ML du monde au 20e siècle, que nos 'maoïstes' semblent bien en peine de dépasser... Il est d'ailleurs cocasse que leurs grands potes d'Odio de Clase, bien que s'exprimant exclusivement en castillan (alors que le Comité 'Manolo Bello', galicien, publie à 50% dans cette langue), se veuillent un 'blog révolutionnaire CANTABRE'... bouh, ‘identitaires de gauche’ va !

    Enfin, une dernière 'considération' pourrait peut-être porter, justement, sur les Identitaires - au moment où 'identitaire de gauche' a quitté la sphère CNT-AIT pour devenir un nom d'oiseau à la mode, semble-t-il. Qu'en est-il de cette idéologie ? Et bien, les Identitaires sont tout simplement les fascistes qui ont le mieux saisi l'air de leur temps. Et qui, plutôt que de tenter tous seuls, en étant relativement peu nombreux, d'imposer leur vision, ont pris le parti de pousser le FN (caisse de résonance autrement plus grosse !) à... leur courir après ! Ils ont tout simplement compris, contre un fascisme trop ouvertement BBR, nationaliste étroit façon 3e République, l'attachement spontané des masses populaires à... leur culture populaire ; et le ridicule qu'il y avait à  prôner, à l’heure de l’Europe et des ‘Etats-continents’, un nationalisme étroit anti-européen, anti-allemand etc. (ce qui les rattache en plus à un vieux rêve 'France-Allemagne-Russie' de l'impérialisme français, une 'Grande Europe forte' contre à la fois les États-Unis et les 'émergents', en premier lieu la Chine).

    Mais voilà :

    1°/ leur défense des cultures populaires est ethniciste, 'biologique', 'organique' : ce n'est en rien la définition scientifique, matérialiste historique de ce qui fonde une culture populaire régionale, ou à caractère national. Pour eux, la 'patrie charnelle' telle qu'ils l'appellent est ORGANIQUE et plonge ses racines jusqu'aux peuples gaulois dont ils aiment d'ailleurs prendre les noms ('Arvernes' en Auvergne, 'Allobroges' en Savoie). Elle peut absorber 'à petite dose' de nouveaux arrivants 'civilisationnellement compatibles' (autrement dit, Européens chrétiens) et tolérer des Juifs 'patriotes' (à la Zemmour) ou 'identitaires’, 'enracinés' et pas 'diasporiques', 'luttant contre l'islamisation' comme la LDJ ; mais c'est tout. Ils ne vont, bien sûr, jamais reconnaître l'influence méditerranéenne et ARABE qui marque l'Occitanie, revendiquant au contraire la 'Recounquista' du Moyen-Âge contre les implantations arabo-berbères. Dans les grandes métropoles comme Paris, Lyon ou Marseille, ils vont bien sûr rejeter le multiculturalisme, qui préfigure le communisme universel.

    2°/ Dans tous les cas, particulièrement dans les grandes métropoles contre le multiculturalisme, mais à vrai dire PARTOUT, la culture 'populaire' qu'ils vont revendiquer est figée (normal, puisque 'organique') et, finalement, digne du pire folklore pour touristes. Normal : leur essence de classe est petite-bourgeoise et ils sont incapables de voir la culture populaire comme un phénomène vivant. Ce qui en est arrivé jusqu'à saouler les nationalistes bretons très à droite d'Adsav, qui ont fini par rejeter la direction du 'Bloc' (toujours intéressant à relever, les contradictions au sein du fascisme...).

    3°/ Ils ne rejettent pas la 'France des Siècles' ; ils l'assument au contraire totalement, comme 'patrie historique' (à côté de la 'patrie charnelle' locale et de la 'patrie civilisationnelle' européenne). Autrement dit (et c'est là qu'ils ne sont en rien des 'libérationnistes nationaux' même bourgeois, mais des RABATTEURS de la bourgeoisie impérialiste BBR), ils assument la construction nationale bourgeoise 'France' dans tous ses crimes, non seulement (bien sûr) coloniaux mais aussi intérieurs : écrasement du peuple occitan depuis la Croisade des Albigeois jusqu'aux Camisards, écrasement du peuple breton depuis le mariage féodal d'Anne de Bretagne jusqu'aux guerres de Chouans en passant par les Bonnets rouges, bûchers des 'sorcières' basques etc. ; tout cela jusqu'aux tranchées de 14-18 où tous périrent côte à côte, avec les soldats des colonies (Maghrébins, Antillais, 'Sénégalais'), dans une gigantesque apothéose de barbarie impérialiste... Ils 'assument' bien sûr 'toute l'histoire' du sombre 20e siècle : le 'bouclier' maurassien Pétain (lui aussi très 'terroir' et 'régionaliste'... mais auteur de nos actuelles régions administratives complètement basées sur la 'zone d'attraction' d'une métropole capitaliste, donc les intérêts des monopoles) comme 'l'épée' De Gaulle et son régime 'keynésien Croix-de-Feu', construisant la 'société de consommateurs' BBR sur la sueur et le sang de la Françafrique (génocide du Cameroun etc.). Ils assument et... tant mieux ! Les lignes de démarcation sont claires ; et il n'y a que des petits-bourgeois gauchistes pour voir des 'identitaires de gauche' partout et finir... 'jacobins rouges'.

    4°/ Bien entendu, dernier point et le plus important, leur 'patrie charnelle' est aussi biologique et 'organique' qu'interclassiste : elle célèbre les notables 'couleur locale' et respecte, on l'a dit, la bourgeoisie francouille de la 'patrie historique', et même les autres bourgeoisies impérialistes de la 'patrie civilisationnelle'  européenne (qu'ils espèrent alliées) ; tant que celles-ci ne sont pas 'mondialistes' (c'est à dire démocrates, universalo-humanistes, de 'gauche' ou de 'droite modérée' bourgeoise). Ils ne sont bien sûr nullement anticapitalistes, mais pour un capitalisme 'populaire', 'relocalisé' et 'démondialisé' : d'autres organisations fascistes font même bien plus semblant de l'être qu’eux. BREF, ils n'assument aucun antagonisme que ce soit avec le Capital et son État ; mais s'efforcent simplement de... détourner celui-ci, dans un sens réactionnaire. Ce qui pourrait éventuellement 'prendre' dans les bassins ouvriers semi-ruraux dont on a parlé... mais là est leur dernière limite : leur implantation est essentiellement dans les villes d'une certaine taille, à population étudiante. Les idéologues sont généralement des petits bourgeois intellectuels, piliers des 'corpos' de Droit, Médecine ou Pharma, adeptes de la ‘faluche’ etc. La jeunesse prolétaire 'blanche' des 'quart-mondes' semi-ruraux tombe, généralement, bien plus souvent dans les bras de groupes néo-nazis montés par des ex-militaires en retraite, qui 'doublent' les Identitaires sur le terrain de la radicalité 'antimondialiste', populiste sociale, ultra-chauvine et barbare ('défoulant' la rancœur de classe accumulée sur les minorités, les homosexuel-le-s, les 'faibles'...plutôt que sur les exploiteurs). 

     


    [* Un fait remarquable, à l'appui de cette théorie du déploiement Périphérie->Centre de la lutte des classes, est que la naissance et les grands développements de la théorie révolutionnaire du prolétariat sont toujours survenus dans des pays "à la marge" de l'économie capitaliste mondiale, des pays que gagnait à peine la capitalisation de l'économie, l'absorption de l'activité productive et des rapports sociaux par le capital : l'Allemagne du milieu du 19e siècle (Marx et Engels), l'Empire russe du début du 20e (Lénine), la Chine des années 1930-40 (Mao), puis l'Inde, l’État turc ou le Pérou des années 1960 et 70 (Mazumdar, Kaypakkaya, Gonzalo), etc. etc. Ceux qui rejettent cette théorie du déploiement Périphérie->Centre devraient, sans doute, être capables de nous expliquer pourquoi la théorie révolutionnaire du prolétariat n'est pas née en Angleterre, qui était alors (de loin) le pays industriellement le plus avancé de la planète. Peut-être que les mots limpides de Mao lui-même devraient suffire à éclairer leurs esprits embrumés :
    "Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.
    Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit."
    - Mao Zedong, "Notes de lecture sur le Manuel d'économie politique de l'Union soviétique" (1960)...
    Le même raisonnement peut évidemment s'appliquer entre les différentes régions - les Centres et les Périphéries - d'un même État.

    [** Réflexions "précisantes" ultérieures (2019) sur ce point :

    "La France" n'est certes pas une nation au sens scientifique marxiste du terme (Lénine-Staline, Kaypakkaya etc.). Elle est un État (pseudo-"nation") qui dans ses vastes frontières en comprend (au sens scientifique) plusieurs (sans même parler de l'outre-mer) : Bretagne, Corse, Savoie, Alsace, "Grande" Occitanie avec ses "petites nations" provençale, gasconne, auvergnate etc., Pays Basque... À la rigueur peut-on parler d'une "Nation française" réelle dans un certain Bassin parisien, aux contours mal définis (faut-il y inclure les Ch'tis annexés plus tard que les Antilles ? la Lorraine de langue d'oïl, annexée 3 ans avant la Corse ? la Bourgogne, ou encore la Normandie qui ont des identités tout de même bien marquées ?).

    Ce qu'est "la France", c'est le cadre géographique d'un PROJET POLITIQUE.

    "La France" c'est, sur un territoire géographique défini, celui de l'Hexagone :

    - Un "pacte", une union de BOURGEOISIES sous la conduite (sans équivoque) de celle de Paris ; dans un projet politique capitaliste et impérialiste.

    - Un ensemble de PEUPLES dans le "même bateau" depuis des siècles ; et qui dans ce cadre étatique commun, face à un ennemi commun (pouvoir central réactionnaire et/ou envahisseur), peuvent éventuellement s'engager dans un combat émancipateur commun : 1789 (et années suivantes), 1848, 1870-71, le Front populaire et la Résistance-Libération, Mai 68 et les années suivantes, etc. ; "Ma France" de Jean Ferrat, quoi.

    La "Nation française" peut donc ici (et seulement) prendre forme dans un sens renanien, comme il peut y avoir une "Nation suisse" qui compte en réalité 4 nationalités réelles (romande arpitane, alémanique, tessinoise et rhéto-romanche) ; mais pas dans un sens scientifique marxiste et léniniste.

    Ces deux aspects ont été en contradiction apparente dès les évènements politiques des années 1790.

    Dans le second aspect, elle peut demeurer encore aujourd'hui un signifiant positif ; et amener à prendre avec recul, par exemple, les marées de drapeaux tricolores du mouvement des Gilets Jaunes (à partir de novembre 2018, encore en cours en juin 2019) ; dans le cadre duquel ceux-ci ne sont pas à voir uniquement comme une marque d'aliénation (d'"arrimage" à la bourgeoisie) mais aussi dans leur signification révolutionnaire ("refaire 1789", "couper la tête au roi Jupiter-Macron"...), sachant que (aussi) les drapeaux "régionaux" y fleurissent comme dans aucun autre mouvement social : tel est, peut-être, le "prix à payer" pour un mouvement (finalement) beaucoup moins isolé au sein de la population hexagonale que celui de Mai 68.

    En somme : avant 1789, "la France" était une pure addition de "colonies" parisiennes sous l'autorité de la Couronne ; et depuis, elle est en quelque sorte une contradiction permanente entre 1/ la continuation de cet Empire parisien sous la forme d'un État bourgeois, technocratie au service du Grand Capital, et 2/ une nation renanienne dont l'idéal-ciment... est précisément la lutte commune, "tous dans le même bateau", contre cet État bourgeois technocratique continuateur de la monarchie ; symbolique qu'il faut savoir saisir dans les drapeaux bleus-blancs-rouges "1789iens" des Gilets Jaunes.

    Le souverainisme, le vote populiste-BBR pour le Front National ou (au mieux) Mélenchon, est quelque chose qui part de ce patriotisme populaire "français" du deuxième aspect, de ses aspirations à la fois sociales et d'"économie morale" ("la gauche radicale n’arrive pas à rompre avec son matérialisme froid qui l’empêche de comprendre le besoin d’histoire, d’identité, de spiritualité et de dignité des classes populaires blanches ; une dignité qui ne soit pas seulement la dignité de consommer. Les prolos français qui ont voté pour Sarkozy ou Le Pen n’attendent pas seulement d’eux qu’ils augmentent leurs salaires : ils votent pour des « valeurs », quoi qu’on puisse penser de ces valeurs ; et à des valeurs on n’oppose pas 1500 euros mais d’autres valeurs, on oppose de la politique et de la culture. La question de la dignité est une porte d’entrée trop négligée. Cette dignité bafouée a su trouver auprès de ceux qu’on appelle les « petits blancs » en France ou encore les « white trash » aux États-Unis une voix souterraine pour s’exprimer, c’est l’identité. L'identité comme revers vicieux de la dignité blanche, et qui sous cette forme n’a trouvé comme traduction politique que le vote FN, puisque ces petits blancs sont « trop pauvres pour intéresser la droite, trop blancs pour intéresser la gauche » pour reprendre la formule d’Aymeric Patricot" (...) "Ce mépris n’est pas seulement un mythe entretenu par l’extrême-droite. Il est au cœur de la dévitalisation d'une gauche satisfaite d’elle-même qui donnant d’une main des leçons d’antiracisme moral aux petits blancs, apprenait de l’autre l’intégration républicaine aux immigrés", avec pour résultat "à ces deux extrémités, deux camps qui se regardent en chien de faïence, et une expérience commune : la négation de dignité" - H. Bouteldja) ; d'une soif (en définitive) de POUVOIR des masses ; pour tomber dans les griffes du premier aspect, ou du moins, de la fraction la plus "seule contre tous" de ce "pacte" bourgeois tricolore.

    Lire aussi : http://servirlepeuple.eklablog.com/feu-sur-les-jacobinards-ou-plutot-les-bonapartistes-de-gauche-et-autre-a156409988]

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    ENFIN BREF, tout cela pour dire que, les gens semblant par nature durs de la comprenette dans les milieux gauchistes, il est aussi possible de formuler les choses en des termes simples : ce que nous voulons, en lieu et place de l’État bourgeois français tel qu'il est, c'est une Union soviétique (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) d'Hexagone... Point.

    D'Hexagone, ou pourquoi pas d'Europe ; en tout cas, des parties de l'Europe qui seraient dans un premier temps libérées du capitalisme par la révolution ; bref – ce genre de question se posera directement en son temps dans la réalité de la lutte, nous n'en sommes pas là.

    Tout simplement parce que le renversement du capitalisme DEVRA signifier, ne PEUT PAS signifier autre chose, que soit brisée l'organisation politico-économique des territoires en Centres financiers d'accumulation capitaliste et Périphéries plus ou moins, mais toujours, reléguées et "pompées" (lire à ce sujet : reflexions-a-partir-de-samir-amin - bouamama-basques-algeriens-colonisation-int-ext) ; organisation intrinsèque à la Modernité capitaliste et qui de fait, aussi longtemps qu'existent ces "hiérarchies géographiques" entre pays, régions d'un pays, etc., "bloque" en réalité tout déploiement d'une lutte des classes "pure", possédants vs exploités.

    Par conséquent, la voie de la raison matérialiste dans la situation concrète de notre époque, c'est d'aller vers... ce qu'était l'URSS (dans sa conception initiale léniniste) : de grands "États-continents" confédérauxmulticulturelsmultilinguistiques et inclusifs (en plus, bien sûr, d'être résolument anticapitalistes).

    Car lorsque l'on critique le "tribalisme" des Catalans, Basques, Bretons, Corses ou autres, et cela peut parfois avoir sa part de vérité, l'on a tout de même tendance à oublier, en tout premier lieu, que les États européens existants ne sont ni plus ni moins que des "tribalismes qui ont réussi" : des régions qui en ont conquis d'autres, pour finir par proclamer ces ensembles de conquêtes des "États-nations", lancés à leur tour dans des affrontements "tribaux" avec les ensembles voisins ; tout cela sous un modèle centraliste uniculturelunilinguistique et exclusif.

    Quant aux grands États-continents capitalistes qui existent déjà, comme les États-Unis ou le Canada, la Russie ou l'Inde, certes ils sont officiellement fédéraux, seul moyen pour eux de s'assurer une certaine stabilité et de n'avoir pas déjà explosé ; mais ce fédéralisme n'en reste pas moins très largement factice, "cache-sexe" d'une domination féroce sur tout un ensemble de groupes humains (Noirs, Latinos et Nations indigènes en Amérique du Nord, Caucasiens, Peuples sibériens et autres non-russes en Russie, Kashmiris, Tamouls, Adivasis "tribaux" et autres non-hindoustanis, musulmans et basses castes en Inde) ; tandis que de son côté l'Union Européenne est une tentative, précisément pour faire face à ces puissances concurrentes, de bâtir un tel super-État continental bourgeois et technocratique autour et au service des "pôles" de Paris et de la vallée du Rhin (Ouest de l'Allemagne, Bénélux), dominant et écrasant le reste comme l'avait fait auparavant chaque État membre avec ses "provinces" (rendant certes cocasse lorsque les "souverainistes" desdits États se plaignent de cette domination...) : il va de soi, bien entendu, que ces "modèles"-là d’États-"continents" ne sont pas les nôtres et sont au contraire résolument à combattre et détruire.

    Voilà donc : à partir de là, ce programme qui est le nôtre, vous pouvez le vomir ; mais au moins saurez-vous clairement sur quoi se déversent vos vomissures...

    "Il faut rappeler aujourd'hui que ce passage [d'une adresse de 1850 à la Ligue des Communistes, qui défendait le centralisme étatique le plus rigoureux] repose sur un malentendu.

    À ce moment-là il était admis – grâce aux faussaires libéraux et bonapartistes de l'histoire – que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la Grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l'ennemi extérieur.

    Mais c'est actuellement un fait connu que pendant toute la Révolution, jusqu'au 18 Brumaire*, l'administration totale du département, de l'arrondissement et des communes se composait d'autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’État, jouissaient d'une liberté complète ; que cette administration autonome provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique (bon là, claire idéalisation des États-Unis avec oubli de la question coloniale-raciale, mais bref), devint précisément le levier le plus puissant de la révolution ; et cela à un point tel que Napoléon immédiatement après son coup d’État du 18 Brumaire, s'empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours et qui fut donc, dès le début, un instrument de réaction**".

    F. Engels dans une note sous le texte réédité, 1885

    [* En réalité Thermidor, voire sa "préparation" dès 1793 par les "représentants en mission" (dont la plupart sont restés de triste mémoire) et la loi du 14 frimaire an II à l'initiative principalement des futurs thermidoriens Billaud-Varenne et Barère, tandis que sur le plan linguistique était promulgué une semaine avant le coup d’État réactionnaire, à l'initiative nullement "de Robespierre" mais de Merlin de Douai (futur thermidorien qui mourra tranquillement en 1838 après avoir été "entre autres" Président du Directoire puis comte d'Empire...), le décret du 2 thermidor an II sur des arguments complètement hallucinants.]

    [** En réalité et pour être exact, c'est dès le Directoire que des "commissaires du gouvernement" dans chaque département préfigurent les préfets napoléoniens.]

    [Si on lit par exemple ce document : décentralisation-nord-1789-1793 ; il apparaît nettement que c'est décembre 1793 (frimaire an II) qui marque un point de rupture fondamental : l'écrasement (pas d'autre mot) de la "révolution provinciale", auquel ne manquera plus alors que celui de la révolution parisienne, consommé avec Thermidor... Les procureurs syndics départementaux, magistrats élus chargés de veiller à l'exécution des lois (sortes d'équivalents des sheriffs nord-américains), deviennent des fonctionnaires nommés ; les conseils généraux sont supprimés et les directoires (exécutifs des départements) voient leurs compétences sévèrement amputées ; etc. etc. La France républicaine abandonne alors définitivement la voie de devenir une "grande Suisse" démocratique et décentralisée, d'exercice local permanent de la souveraineté populaire...]

    Et LÉNINE dans L'État et la Révolution (1917) reprend d'ailleurs ces mêmes propos (légèrement déformés ou propos similaires tenus ailleurs) :

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère


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  • 1. Le 'dossier' de la 'capitulation' au Pays Basque dure depuis déjà un certain temps : presque deux ans, presque l'âge de SLP. Et SLP fait partie des médias révolutionnaires francophones qui ont suivi le 'dossier' de très près. Suivi, comme toujours, dans l'esprit qui est le sien : ANALYSER le problème, dans toute sa complexité (refus de l'emporte-pièce) ; puis se demander COMMENT, CONCRÈTEMENT, sortir de ce merdier (en refusant le "y'a qu'à - faut qu'on").

    Le 'dossier' connaît ces jours-ci un nouveau rebondissement... ou plutôt son aboutissement inéluctable : l'annonce de la 'capitulation' d'ETA, de son 'abandon définitif de la lutte armée'.

    Il va de soi (allumez votre télé ce soir pour voir...) que le 'coup de tonnerre' médiatique est total. Mais laissons de côté les 'coups de tonnerre' médiatiques, et regardons les FAITS. Tout ce que nous observons, on l'a dit, n'est en effet que 'l'officialisation' de ce qui est une réalité depuis plusieurs années.

    L'annonce de l'organisation fait suite à la tenue, à DONOSTIA ('San Sebastian' pour les touristes), d'une 'conférence' appelant (une nouvelle fois) l'organisation à "abandonner définitivement la violence".

    Il s'agissait d'une conférence des réformistes de la gauche abertzale (qui n'a d'ailleurs jamais été que cela, réformiste, mais autrefois 'radicale' et 'sans concession'), pour appeler l'organisation armée à 'déposer les armes'.

    ETA est en 'cessez-le-feu permanent' depuis maintenant plus d'un an (sept. 2010). Derniers rebondissements en date (le mois dernier) : l'annonce par les prisonniers gudariak (combattants d'ETA) de leur ralliement au 'processus de Gernika' (renoncement à l'action violente par la gauche abertzale) ; et l’auto-dissolution de groupe 'Ekin' considéré par la justice espagnole (ça vaut ce que ça vaut...) comme 'l'appareil politique' de l'organisation. Et puis, le 'coup de tonnerre' d'hier... Mais ETA a-t-elle 'capitulé' ? Tout dépend de ce que l'on entend par capituler. Entend-on renoncer, abandonner, TRAHIR alors que la lutte avance victorieuse ? Ou entend-on prendre acte d'une défaite militaire totale (comme en Italie dans les années 80, etc.) ? Dans le premier sens, qui est celui où l'entendent les gauchistes... NON. ETA n'a pas 'capitulé'  et... ne 'négociera' probablement jamais ! Tout simplement, parce que... ETA n''existe plus', en tout cas, plus comme il faudrait exister pour 'négocier' quoi que ce soit. La 'trêve illimitée' d'ETA, puis l'annonce hier de l'arrêt définitif de toute activité, ce n'est tout simplement rien d'autre qu'une prise d'acte de l'absence TOTALE de capacités militaires opérationnelles. Depuis maintenant plusieurs années, ETA n'a plus mené d'action d'envergure. Ses seuls coups de feu, pratiquement, ont été tirés dans le contexte de la 'traque' franco-espagnole, pour échapper à l'arrestation... La réalité d'ETA aujourd'hui, ce sont quelques dizaines de gudariak clandestins qui se terrent. Nullement une force armée de plusieurs milliers d'hommes et de femmes, 'tenant' des quartiers entiers comme l'IRA Provisoire et l'INLA, en Irlande du Nord, dans les années 1990. Il n'y a rien qui puisse être 'négocié' avec l’État espagnol, ni sa déclinaison 'autonome' basque. Quant à celui-ci, son seul dessein, proclamé haut et fort, est de 'punir les derniers assassins encore en liberté', et bien sûr leurs 'complices' (y compris au niveau transnational, comme on a pu le voir avec Aurore Martin). Il en va de sa crédibilité, qui est celle d'un État impérialiste faible, ne 'contrôlant' pas ses masses populaires.

    Cette 'négociation', et 'intégration' dans un Pays Basque 'démocratisé', est en revanche la stratégie de la gauche abertzale. Celle-ci a amorcé depuis 2010, y compris depuis les prisons (où croupit notamment le leader Otegi), sa 'mutation' légaliste et électoraliste (qui s'est traduite par un 'joli' 22% aux dernières municipales). Elle voudrait 'intégrer' une Communauté autonome basque et une Communauté forale de Navarre (peut-être un jour réunifiées...) 'rénovées' par un grand 'processus démocratique'.

    Dans cette optique, ETA est une 'épine dans le pied' qu'elle voudrait s'enlever, et c'est le sens de la dernière conférence. Mais l'on voit mal comment ceci serait réalisable : les derniers gudariak en cavale ne vont pas se livrer pieds et poings liés à des dizaines d'années de prison. Il faudrait une loi d'amnistie, que l’État espagnol ne votera JAMAIS (il faudrait se renseigner pour savoir comment se vote une telle loi en Espagne... mais si c'est plus qu'une majorité de 50% + 1, c'est mort). On l'a dit, il en va de sa crédibilité.

    Et même pour la gauche réformiste abertzale, les perspectives sont minces, et la poursuite de la répression en témoigne. L’État espagnol est un pays impérialiste. Mais s'il l'est, contrairement au Portugal ou à la Grèce (par exemple), cela repose entièrement sur les dynamiques capitalismes basque, catalan au sens large (Catalogne, Valence, Baléares), cantabre et asturien, etc. Ce n'est pas la Meseta castillane, avec la métropole madrilène au milieu, qui pourrait à elle seule assurer à l’État espagnol le statut de pays impérialiste, dont l'exportation de capitaux est la caractéristique principale.

    Quant à la bourgeoisie 'basquiste' (il y a au Pays Basque une bourgeoisie espagnoliste, soutenant le PP et/ou le PSOE, mais aussi une bourgeoisie 'basquiste' incarnée par le PNV, comme il y a une bourgeoisie 'catalaniste' CiU, 'galiciste', 'andalousiste' etc.), son rapport avec l’État espagnol (et la bourgeoisie espagnoliste) est "d'unité et lutte" : elle lui livre un bras de fer permanent pour arracher le maximum de prérogatives nationales bourgeoises (indépendance fiscale, relations internationales sans passer par Madrid, revendications culturelles et linguistiques) ; mais, en même temps, elle en a BESOIN pour assurer sa position de classe, car elle ne 'règne' pas sur des masses rurales conservatrices de type Castille-Léon, mais sur un important et bouillonnant prolétariat... Vis-à-vis des bourgeoisies basque, catalane etc., "l'Espagne" joue finalement le même rôle que la Russie dans l'Europe de la Sainte-Alliance : une immense armée de réserve contre-révolutionnaire, permettant d'opposer les 'ruraux conservateurs' de l'immense Meseta ou de la vallée de l’Èbre (Aragon, Sud-Navarre, Rioja) au prolétariat révolutionnaire d'Euskadi, de Catalogne, du Grand Madrid, de Santander et d'Oviedo-Gijon, de La Corogne et de Séville, etc. [pour illustrer ce propos, l'on peut par exemple regarder la carte de provenance des guardias civiles par province (nombre d'individus devenus gardes civils pour 1.000 naissances)]. Unité et lutte, donc, mais dans la 'question basque' (comme dans toutes les questions nationales ibériques) cette contradiction est secondaire : l'unité est principale.

    La très probable réalité, donc, c'est que la 'main tendue' de la gauche réformiste abertzale est vouée à se coincer très douloureusement les doigts dans la porte que l’État de Madrid, le PP et le PS basques, mais aussi le PNV, lui claqueront au nez. L’État espagnol et SES bourgeoisies, espagnolistes de toutes les nations et 'basquiste', 'catalaniste' et compagnie, ne PEUT PAS se permettre ce que pouvait se permettre l'Empire britannique vis-à-vis de l'Irlande et du Provo Sinn Féin de Gerry Adams et Martin McGuiness.

    Mais, au lieu d'avoir cette analyse concrète de la situation concrète, 'on' nous dit que le problème d'ETA et du mouvement abertzale c'est, finalement, d'avoir été... 'nationalistes', 'identitaires de gauche' et pas 'communistes', pas 'prolétariens'… 'Identitaire' : un terme absolument NON-NEUTRE (étant donné qu'une organisation fasciste porte ce nom en Hexagone) et marotte de tous les gauchistes (à la 'p''c''mlm', Gauche communiste, CNT-AIT...), et qui, 9 fois sur 10, ne recouvre aucune réalité sinon celle que fabrique leur petite imagination. L'impression qui se dégage du propos, finalement, c'est que tout aurait été pour le mieux si, suivant fidèlement la 'conception communiste de Lénine-Staline', ETA s'était transformée en 'branche basque' du Parti communiste d'Espagne (reconstitué) [PCE(r)] et des GRAPO... Dans le même état d'esprit, on pourrait aussi dire que les Black Panthers "n'avaient qu'à" (après tout !) se constituer en 'branche noire' du New Communist Movement US de l'époque (Haywood etc.). Autrement dit (encore une fois, toujours le même problème...), c'est à "l'expression populaire" de résistance à une oppression de 'reconnaître' la légitimité et la 'guidance' du Parti, ou alors... de disparaître de la circulation ; et non au Parti de gagner à lui ces expressions de résistance populaire, de gagner sa légitimité de masse dans la pratique.

    C'est bien sûr tout simplement ridicule. ETA était (et se définissait explicitement comme) une organisation révolutionnaire socialiste de libération nationale basque. Le nationalisme au Pays Basque, c'est le PNV (et ses micro-scissions de 'droite' comme de 'gauche'). Ensuite, ETA n'a fait que suivre, avec un "différé" d'une grosse vingtaine d'années, le même chemin que bien d'autres organisations révolutionnaires armées... NULLEMENT 'nationales', TOTALEMENT internationalistes prolétariennes, totalement dans les principes du marxisme-léninisme et fidèles à la 'centralité ouvrière' : que ce soient les Brigades Rouges ou Lotta Continua puis Prima Linea en Italie, le PCE(r) et les GRAPO dans l’État espagnol, le 17-Novembre en Grèce, (un peu plus tard) les CCC en Belgique, etc.

    ETA, nous dit-on (SLP n'était pas au courant, mais SLP ne sait pas tout et surtout, ne prétend pas tout savoir), se serait brouillé avec le PCE(r) et les GRAPO, leur aurait "tourné le dos". Mais le PCE(r) et les GRAPO, au juste, où en sont-ils ? Exactement au même point... sinon pire. Tous et toutes en prison, ou terré-e-s pour y échapper, et totalement inactifs. Pourtant, peu d'organisations communistes combattantes auront porté aussi haut les principes du marxisme-léninisme de Lénine, Staline et Mao, la 'centralité ouvrière' et l'internationalisme prolétarien !

    En réalité, ETA a été happée comme les autres par un phénomène de reflux général frappant les organisations combattantes de ce type. Ce phénomène est essentiellement la somme de DEUX FACTEURS :

    1- ETA est née (1959), a adopté le 'marxisme révolutionnaire' (1966) et a connu son apogée (années 1970, début 80), comme les BR, comme le 17-Novembre, comme les GRAPO, comme l'IRA provisoire et l'INLA (Irlande), comme le FPLP et le FDLP, et on en passe ; à un moment où le mouvement révolutionnaire mondial était FORT. Mais la contre-révolution en Chine et la faillite du 'socialisme' capitaliste d’État en URSS lui ont porté un coup qui ne pouvait être que très dur. Peu importe que certaines organisations aient été profondément ancrées dans la réalité prolétaire et populaire d'un territoire donné (BR, ETA, IRA et INLA), d'autres moins (CCC, GRAPO), d'autres peu voire presque pas (Action Directe). ETA, comme les autres, a dans ce sens fait partie des derniers de la première vague révolutionnaire mondiale, et non des premiers de la nouvelle vague. Comme le républicanisme combattant irlandais, elle a simplement été portée quelques années de plus, passant le 'cap fatidique' de la fin des années 80, par la question nationale. Ceci est vrai. Mais aussi vrai qu'il est faux de dire que ces organisations ont 'tourné le dos à tout internationalisme' : elles sont au contraire d'un internationalisme total, et l'on trouve difficilement autant d'internationalisme dans les masses que dans les mouvements populaires qu'elles 'incarnent' (gauche abertzale basque et gauche républicaine irlandaise).

    2- Erreurs militaristes. Quel que soit le degré d''internationalisme prolétarien' et de 'centralité ouvrière' de toutes ces organisations, elles se sont enfermées dans la clandestinité armée et se sont coupées des masses prolétaires et populaires. Si l'on revient à l'exemple des GRAPO, absolument emblématique, ceci est très clair : les GRAPO n'ont pas sous-estimé le fascisme espagnoliste, ils n'ont pas été "pas assez clandestins". Aucune organisation n'a été démantelée parce que nous serions "dans le monde de 1984", dans une "société de contrôle total", où "l’État policier" serait pratiquement invincible. Elles l'ont au contraire été parce que, après avoir dénoncé 'l’État fasciste', elles se sont lancées et... enfermées dans la clandestinité armée et ont complètement négligé le travail révolutionnaire de masse, pas forcément 'au grand jour', mais au moins 'au clair-obscur'. Ceci est valable pour ETA, toutefois, cette dernière avait délégué ce travail à la gauche abertzale. Mais celle-ci s'est enfermée, de son côté, dans une pratique réformiste et les idées, à leur tour, sont devenues réformistes ; car la pratique est la réalité matérielle, et les idées sont le produit de celle-ci.

    Donc, après avoir assumé assez longtemps un 'socialisme démocratique de combat', 'radical', le mouvement abertzale a finalement rejoint une ligne légaliste-électoraliste. Lorsque l'on mène l'enquête sur place ou auprès de gens de là-bas (parler ou écrire c'est bien, enquêter c'est mieux), ce qui ressort comme base de masse à ce processus c'est la lassitude, l'impression de beaucoup endurer (répression, illégalisation, arrestations, violences des flics, proches emprisonnés à des centaines de kilomètres) pour un objectif qui ne semble pas se rapprocher, mais au contraire s'éloigner... À côté de cela, il y a les presoak (prisonniers : au final... la grande majorité des combattants d'ETA !), emmurés depuis parfois des dizaines d'années (la mort n'est peut-être guère pire...), et qui aimeraient, comme tout le monde, retrouver un jour la liberté. Or, la perspective que ce soit par une libération révolutionnaire d'Euskal Herria semble (ce qui ne veut pas dire 'est' !) de moins en moins probable. Et puis il y a certainement, comme toujours dans le réformisme, des pourris, des aspirants néo-bourgeois qui, la voie de la libération nationale semblant bouchée, en essayent tout simplement une autre. Il est important de bien distinguer ces trois catégories, et surtout la dernière des deux premières. On l'a dit, c'est comme pour les gauchistes, les trotskistes modernes : il faut bien distinguer les petits chefaillons qui se rêvent en 'guides' de la révolution et en 'cadres' du rouge lendemain (comme ils ne sont pas là pour servir le peuple, tout ce qui échappe à leur vision des choses est mauvais) ; et les prolétairEs 'paumé-e-s' attiré-e-s par la 'radicalité' qu'ils affichent.

    3- Enfin, une troisième raison fondamentale c'est que toutes ces organisations n'ont pas dépassé les limites théoriques de la révolution mondiale au XXe siècle. ETA a été, finalement, guévariste. D'autres ont été semi-anarchistes (Action Directe). D'autres encore ont été totalement fidèles au marxisme-léninisme de Lénine-Staline. À l'arrivée... aucune différence, le résultat est le même.

    Donc voilà : dérive réformiste, légaliste. Mais attention ! Dérive légaliste ne veut pas dire qu'il faut refuser par principe tout travail légal, ou à la lisière (de plus en plus mouvante, avec le mouvement de fond réactionnaire) de la légalité ('au clair-obscur'). Il faut bien définir la situation au Pays Basque : d'un côté, il y avait ETA, qui menait uniquement des actions militaires contre l’État espagnol. De l'autre, il y avait la gauche abertzale constituée par Batasuna et ses syndicats, organisations de masse etc. Il faut bien se figurer que la pratique de ce mouvement, dans une très large mesure, était totalement syndicalo-réformiste : grandes manifs, grèves etc. Une frange étant plus sur l'autonomie à l'italienne, les squats autogérés etc. Cependant, ce mouvement abertzale refusait de condamner les actions d'ETA, considérant qu'elles ne faisaient que "répondre à la violence de l’État, du capitalisme, de l'espagnolisme contre le Peuple et la culture basque" etc. Finalement, sur le principe le concept était bon : marcher sur ses deux jambes, travail légal et travail illégal. Le problème, c'est que l'écart entre les deux jambes était beaucoup trop grand : militarisme d'un côté ; syndicalo-réformisme de l'autre. D'où des contradictions rapidement intenables. Pour prendre un exemple, très concret, le mouvement autour de Batasuna pouvait parfois avoir l'impression que 'beaucoup de gens' étaient attirés par leur 'socialisme démocratique de combat', mais que la 'violence d'ETA' leur 'posait un problème'... Et puis voilà qu'en 2003, arrive l'illégalisation. Il devient illégal, non seulement de soutenir, mais de ne pas condamner la lutte armée. Un mouvement représentant, d'après les résultats électoraux, entre 15 et 20% des masses populaires, se retrouva donc condamné à la clandestinité, toute activité visible étant passible de prison (un cas unique, mais peut-être précurseur, en Europe). 15 à 20%, c'est énorme : c'est pratiquement la 'masse critique' pour faire une révolution, et il faut bien se dire qu'en refusant catégoriquement toute 'violence', la 'gauche radicale' hexagonale ne dépasse pas (tout confondu : NPA, LO, PC/JC/UEC, CGT, SUD, 'sortis du PCF années 90' etc.) 8 ou 9% dans les masses populaires... À partir de là, de l'illégalisation, UN ne pouvait que se diviser en DEUX : les partisans d'assumer l'illégalité et l'antagonisme qu'elle porte ; et les partisans de s'enlever du pied l''épine' de la 'non-condamnation' de la violence (c'est un constat, pas une leçon de morale). Et le constat, c'est que les seconds l'ont finalement emporté.

    Pour autant, 'tout' est-il fini ? Rien n'est moins sûr. Il y a dans le mouvement abertzale, on l'a dit, le courant qui s'apparente à l'autonomie italienne. Celui-ci est souvent relié à la kale borroka, la 'bataille de rues' quasi hebdomadaire avec les forces de l'ordre, notamment la féroce police 'autonome' basque, la Ertzaintza. Longtemps, c'est d'ailleurs de là que venaient les jeunes recrues d'ETA. Aux dernières élections (municipales), la stratégie des légalistes semble avoir payé : 22% des votant-e-s (mais combien de 'c'est déjà ça', combien de 'faute de mieux' ?). Mais, depuis septembre, à Bilbao, l'expulsion du Kukutza, une gaztetxea ('maison des jeunes', squat autogéré, comparable à un centre social italien) a donné lieu à une résistance populaire admirable : voir ici et ici. Isolé-e-s, les 'illégaux' ? Il semble que l'argument des légalistes-électoralistes-"solution-démocratistes" ait ici du plomb dans l'aile...

    Et puis, il faut se rappeler quelque chose : après l'illégalisation, en 2004, Batasuna (qui ne pouvait donc se présenter) avait appelé à voter pour une petite formation communiste, EHAK. 12,5% du peuple basque avait répondu à l'appel... nullement rebuté par les affiches mettant en avant, sans ambiguïté, le visage de Lénine, la faucille et le marteau, etc. Quand on pense qu'ici, en 'Hexagone intérieur', PCF et NPA abandonnent toute imagerie communiste au profit - par exemple - d'un pathétique mégaphone, car cela 'rebuterait les gens'... et n'arrivent pas (sans alliances) à réunir 5% des suffrages ! Si 'l'abandon de la ligne rouge internationaliste' pour une ligne 'identitaire de gauche' mène à cela, on aimerait bien que cela arrive tous les jours de ce côté-ci de l'Adour ! Dans quel minuscule morceau de 'France' imaginerait-on autant de gens capables de voter pour une liste mettant en avant Lénine, la faucille et le marteau - quand bien même la 'profession de foi' serait ensuite 'réformiste radicale' ?

    Et puis, alors que les gauchistes se réveillent tous les 36 du mois, à chaque 'cran' franchi dans la dérive réformiste abertzale, pour hurler à la 'capitulation', IL Y A DES ANNÉES que tout un mouvement révolutionnaire abertzale, marxistes comme Kimetz mais aussi libertaires, débat, réfléchit, dénonce et LUTTE (sur le terrain) CONTRE cette dérive. Ceci est bien sûr totalement ignoré des gauchistes, comme d'ailleurs la même chose au Népal etc.

    Il y a un potentiel colossal au Pays Basque. Il suffit, pour le voir, d'arrêter de vitupérer contre l'ancien qui ne fait... que faire l'ancien (avec, on le concèdera, plus d'écho médiatique), qui ne fait que mourir, et regarder du côté du NOUVEAU, des premiers de demain. Le nouveau, finalement, se dépouille de l'ancien comme le serpent fait sa mue. Ce n'est pas une question de 'sans le Parti, il n'y a rien' : sans les masses, c'est le Parti qui n'est rien. Et c'est au Parti de démontrer aux masses qu'il est leur avant-garde, non aux masses de le 'reconnaître' comme tel ou de disparaître de sa vue...

    En Irlande, la capitulation de l'IRA et du Sinn Féin par la main d'Adams et McGuiness s'inscrivait en plein dans un contexte de Fin de l'Histoire, de Mort des Idéologies. Comme la capitulation de l'ANC en Azanie, de l'OLP en Palestine, des guérillas marxistes en Amérique centrale... Au Pays Basque aujourd'hui, la tentative des réformistes, en plus de se heurter à une fin de non-recevoir espagnoliste (cf. plus haut), semble en complet décalage avec la réalité partout en Europe : une crise sans précédent depuis les années 1930, et des résistances populaires éclatant partout, en Grèce, dans l’État espagnol, à Rome dernièrement, en Irlande, en Angleterre, dans les usines, dans les quartiers populaires, dans les écoles et les facs. Un décalage trop irréel pour que la chose soit... probable, finalement !

    2. Il y a un potentiel colossal au Pays Basque, pour une raison que SLP a déjà et profondément expliquée.

    La réalité de la Révolution prolétarienne mondiale, pour la faire courte, simple et imagée : c'est une insurrection des 'civilisé-e-s' contre leurs 'civilisateurs'.

    Le rôle historique du capitalisme, c'est d'avoir permis (d'abord au niveau de l'Europe, puis au niveau mondial) un développement des forces productives, des sciences, des techniques et de la culture sans précédent dans l'histoire de l'humanité.

    Des historiens ont pu dire que "les paysans et les artisans français du XVe siècle (soit 99% de la population, donc la société) n'étaient guère différents de ceux de Dioclétien", un empereur romain de vers l'an... 300. C'est peut-être un peu exagéré, mais l'idée y est.

    Les juges de Galilée, eux, au début du 17e siècle, défendaient contre l'astronome le système de Claudius Ptolémée, un scientifique gréco-égyptien du... IIe siècle. Et les médecins dont se moquait Molière n'étaient sans doute pas, non plus, bien différents de leurs prédécesseurs de la fin de l'Empire romain.

    Autant dire que, depuis le XVe ou le XVIIe siècle, l'eau a coulé sous les ponts ; et ce progrès sans précédent de la connaissance et de l'activité humaine n'a qu'une seule base matérielle, c'est le capitalisme.

    Mais, le moins que l'on puisse dire, c'est que le capitalisme n'a jamais fait d'omelettes sans casser des œufs... Il suffit de penser à la colonisation des Amériques, au génocide 'lent' des Amérindiens et à la plus grande déportation de masse de l'histoire, celle des Africain-e-s. Puis aux conquêtes coloniales plus tardives, du 19e siècle (Algérie, Indochine, Afrique subsaharienne). En Europe même, la construction des États modernes fut jalonnée d'épisodes épouvantables pour les populations : paysans anglais jetés sur les routes par les enclosures et... pendus pour vagabondage sous Henri VIII, guerres de religions ou entre dynastes, famines sous Louis XIV en France, écrasement des cultures populaires séculaires aboutissant aux 'grandes unifications culturelles' de la fin 19e-début 20e siècle, masses paysannes transformées en masses ouvrières par la Révolution industrielle, dans les conditions de vie décrites par Dickens, Hugo ou Zola ; et enfin les deux guerres mondiales impérialistes... qui permirent aussi, il faut le dire, de 'relancer' la machine et les forces productives, et d'apporter une nouvelle vague de progrès techniques et scientifiques (la conquête de l'espace est le plus symbolique), et de développement culturel.

    C'est ici un point sur lequel il nous faut - puisque l'occasion nous en est donnée - en finir avec un certain marxisme 'vulgaire' (choses que Marx et Engels, au stade de l'enfance du marxisme, ont pu mal dire en des termes parfois très choquants pour nos consciences révolutionnaires du 21e siècle ; mais qui ont surtout été encore plus mal comprises par un certain nombre d'imbéciles ultérieurs se croyant doctes). Pour être clairs, c'est là une illustration absolument parfaite de la négation de la négation : l'histoire avance en spirale vers le communisme inéluctable ; et elle avance vers ce point de mire y compris en faisant beaucoup de mal aux masses populaires (ce qu'elle ne peut que faire, à vrai dire, lorsque le processus n'est pas dirigé par le prolétariat...). En d'autres termes, si l'on veut jeter sur les choses un regard parfaitement froid et 'clinique' : avoir arraché les masses populaires d'Europe (puis du monde entier avec l'impérialisme) à tout moyen de production et de subsistance autre que la vente de leur force de travail (processus souvent accompagné par la formation de grands États modernes en annexant des territoires et leurs populations), pour en faire des prolétaires... a OBJECTIVEMENT rapproché celles-ci du communisme, quelle que soit l'horreur qui a pu accompagner le processus. Et si l'on voulait pousser encore plus loin dans l'horreur 'clinique' : avoir arraché des millions d'Africain-e-s à leur paisible vie communautaire-primitive pour les mettre en esclavage dans les Amériques ou l'Océan Indien... les a OBJECTIVEMENT rapprochés (ainsi que leur descendance) du communisme ; et la colonisation qui a suivi dans leurs pays d'origine, et dans d'autres encore, a également rapproché ces derniers du communisme. L'extermination des trois quarts de la population indigène des Amériques (sociétés communautaires-primitives ou 'asiatiques') a elle aussi objectivement rapproché les rares survivants (et leurs descendants) du communisme. À vrai dire, même le passage de la société communautaire-primitive ou "tribale" aux sociétés esclavagistes de l'Antiquité rapprochait en son temps les populations concernées du communisme ! Ce sont là des constats objectifs de faits... mais qui ne signifient nullement une défense morale de ces processus et de la violence qui les a accompagnés ; processus dont le résultat est précisément l'ordre capitaliste mondial que nous combattons aujourd'hui !!!

    Alors aujourd'hui, à mesure que le capitalisme apporte de moins en moins de progrès à l'humanité par rapport à l'oppression imposée par le maintien de son taux de profit, oppression elle-même de moins en moins supportée du fait de l'élévation de la 'conscience humaine', de plus en plus de gens sur la Terre disent, en substance : "merci le capitalisme, mais... au revoir".

    Et ce sentiment a aujourd'hui une dimension plus mondiale que jamais, du fait qu'avec la "3e révolution industrielle" (celle qui a suivi la Deuxième guerre mondiale), ce sont désormais, sans doute, quelques 90% de l'espèce humaine qui sont impliqués de près ou de loin dans la production capitaliste dominée par les monopoles de la "Triade" (Europe/Amérique du Nord/Japon), de Russie et maintenant de Chine. Ce ne sont sans doute pas plus de 10% de l'humanité qui vivent encore "hors du monde", comme aiment à dire les anthropologues, d'une économie traditionnelle de subsistance, soit comme les Européens du Moyen-Âge, soit de manière communiste primitive, paléolithique ou néolithique... Et encore : il n'y a en réalité plus aucun peuple, ou presque plus, qui n'ait aucun contact avec le monde extérieur capitaliste.

    Entre les deux guerres mondiales impérialistes, la proportion n'était pas exactement "inverse", mais enfin... Les continents africain, asiatique et américain au sud du Rio Grande étaient avant tout des réservoirs de matière première (caoutchouc, bois, métaux, pierres précieuses, déjà un peu les hydrocarbures...) et de productions agricoles 'exotiques' (donc de luxe), comme le cacao ou le café, employant évidemment (au besoin par la réquisition autoritaire) de la main d’œuvre locale. Mais, malgré cela, tout au plus 20%, à la rigueur 30% de l'humanité était impliquée dans la grande chaîne de production (et de consommation !) du capitalisme mondial.

    La petite production mercantiliste, proto-capitaliste, artisanale/manufacturière et marchande "autocentrée" (destinée en principe à la "place" marchande locale, même si des "routes" commerciales pouvaient se développer comme dans l'aire arabo-islamique, l'Océan indien ou la Mer de Chine, ou le long du Rhin et dans la Baltique au Moyen-Âge), production qui existait encore au début du XXe siècle depuis le Maroc jusqu'à la Chine et au Japon, à la manière de l'axe Italie-Flandre dans l'Europe du XIIIe ou XIVe siècle, a quant à elle pratiquement disparu de ces pays.

    Bref, au XXe siècle, le capitalisme a réellement fini de dominer le monde (un processus commencé 5 siècles plus tôt). Et, en même temps, il n'a jamais suscité autant de résistance. Il en suscite même beaucoup plus, si l'on se place à l'échelle-monde (à vrai dire, quelle autre nous intéresse ?) qu'il n'en suscitait il y a un siècle. Et beaucoup plus en tant que tel (et non sous la forme d'une résistance à la pénétration étrangère, comme les peuples arabes tout au long des 19e et 20e siècles, les Chinois pendant la Révolte des Boxers etc.).

    En définitive : le capitalisme s'est étendu à la planète entière depuis ses "Centres" européens (puis nord-américain, japonais, australo-néo-zélandais), depuis le XVe siècle jusqu'à la fin du XXe. Il a étendu, dans un rapport "d'unité et lutte", ses bienfaits et ses terribles maux. La proportion des bienfaits et des maux (qui ont toujours été terribles) n'a cessé de s'inverser tout au long de ce processus ; et les maux ont été de plus en plus mal ressentis et acceptés à mesure que les bienfaits élevaient la conscience humaine, la culture, les aspirations des masses etc. Ce processus est à son aboutissement aujourd'hui : les bienfaits du capitalisme sont répandus sur toute la planète... mais ne sont rien à côté des maux qu'il provoque, sur toute la planète également.

    Alors les Périphéries, les ensembles humains que le capitalisme a progressivement englobé tout au long de ces 5 siècles (d'abord les régions "arriérées" d'Europe dans la formation des 'États modernes' ; puis les peuples d'Afrique, d'Asie et des Amériques), armés de la conscience humaine engendrée par les bienfaits, s'insurgent contre les maux et les 'Centres' qui les portent (en concentrant le POUVOIR politique, économique et culturel)*.

    C'est en cela que Servir le Peuple définit le mouvement général de la Révolution mondiale comme un encerclement des Centres par les Périphéries.

    La première (et la plus grande) Périphérie à laquelle on pense, c'est évidemment l'ensemble des pays dominés, des semi- et néo-colonies, les Trois Continents de la Zone des Tempêtes... Celle-ci encercle les Centres que sont l'Europe de l'Ouest, l'Amérique du Nord, l''Asie-Pacifique' (Japon, Corée du Sud, Taïwan, Chine côtière), Moscou et Saint-Pétersbourg, l'Australie/Nouvelle-Zélande, et les "centres-relais" comme Israël, Johannesbourg en Azanie, Rio de Janeiro et São Paulo au Brésil, Singapour en Asie du Sud-Est, Bombay et New Delhi en Inde etc.

    Dans les grandes métropoles, les quartiers populaires, pauvres, encerclent bien sûr les centres du pouvoir. Dans les pays impérialistes, ces quartiers populaires concentrent de plus les 'colonies intérieures', c'est à dire la force de travail (et ses descendants) importée de l'Empire pour les besoins du capitalisme, et ghettoïsée là : Noirs et Hispaniques aux États-Unis (en l'occurrence, le Sud esclavagiste était déjà une situation coloniale intérieure aux frontières US, tout comme la colonisation des territoires annexés sur le Mexique, ensuite de quoi la main d’œuvre Afro-américaine et Chicana a migré vers les grandes métropoles, ce à quoi s'ajoutent les populations de l'Empire : Latino-Américains, Portoricains, Philippins, Caribéens etc.) ; ou Maghrébins, Anatoliens, Antillais et Africains en France, etc.

    Mais ce n'est pas tout : dans chaque État bourgeois que le capitalisme a bâti (éventuellement en symbiose, quelques siècles durant, avec l'absolutisme), celui-ci s'est déployé d'un Centre vers une Périphérie qu'il a, en quelque sorte, soumise, pliée à son 'nouvel ordre des choses'.

    [Pour citer Kaypakkaya au sujet de l'oppression nationale en Turquie : "Quel est l'objectif de l'oppression nationale ? Cet objectif, de manière très générale, est de maîtriser la richesse matérielle de tous les marchés du pays sans avoir de rivaux, pour gagner de nouveaux privilèges, étendre les limites des privilèges actuels et s’en servir. Dans ce but, la bourgeoisie et les propriétaires issus de la nation dominante, afin de conserver les frontières politiques du pays font d’énormes efforts pour empêcher par tous les moyens les régions dans lesquelles vivent plusieurs nationalités de se séparer du pays. Dans les mots du camarade Staline : “Qui dominera le marché ?” [par exemple ici en Hexagone : la bourgeoisie du Bassin de la Seine ou occitane, lyonnaise, de Flandre-Artois, ou encore anglo-normande ? les foires de Champagne ou du Languedoc ? etc.]. C’est l’essence de la question. (...) L’oppression des travailleurs des peuples minoritaires acquiert de cette manière une double qualité : premièrement il y a l’oppression de classe utilisée contre les travailleurs afin d’exploiter et d’éradiquer la lutte de classe ; deuxièmement, il y a l’oppression nationale mise en œuvre pour les objectifs mentionnés plus haut contre toutes les classes des nations et des nationalités minoritaires. Les communistes font la distinction entre ces deux formes d’oppression parce que, par exemple, tandis que les bourgeois kurdes et les petits propriétaires s’opposent à la seconde forme d’oppression, ils supportent la première. En ce qui nous concerne, nous sommes opposés aux deux formes d’oppression. Afin d’éradiquer l’oppression nationale, nous supportons la lutte de la bourgeoisie kurde et des petits propriétaires, mais, d’un autre côté, nous devons nous battre contre eux pour mettre un terme à l’oppression de classe" ; Kaypakkaya qui nous explique également de manière fondamentale que "les nations n'apparaissent pas lorsque le capitalisme a atteint le stade ultime de son développement, mais à ce que l'on peut appeler l’aube du capitalisme. Lorsque le capitalisme pénètre dans un pays et y unifie les marchés dans une certaine mesure, les communautés qui possèdent les autres caractéristiques (énoncées dans "La Question Nationale" de Staline NDLR) sont alors considérées comme formant une nation. Si tel n’était pas le cas, il faudrait alors considérer que toutes les communautés stables situées dans des pays arriérés, des régions où le développement du capitalisme reste encore limité, ne sont pas des nations. Jusque dans les années 1940, il existait encore en Chine un fort morcellement féodal. Dans cette logique, il aurait alors fallu dénier l'existence de nations en Chine à cette époque."]

    Aujourd'hui, celle-ci s'insurge contre le Centre : tous les bienfaits du capitalisme, apportés depuis celui-ci, ont été tirés ; il ne plus y en avoir qu'un seul : c'est sa disparition. Dans cette Périphérie, se trouvent notamment les Peuples en Lutte, les nationalités opprimées : corses, basques, occitans, sardes, irlandais, bretons, écossais etc. Mais, quelque part, sans avoir un caractère national aussi marqué (par l'histoire), TOUT est une Périphérie.

    3. Maximaliste, peut-être, car en avance sur le mouvement réel, mais profondément convaincu de cela, SLP avance la thèse de l'entité France, "l'entité BBR". Dans l’État espagnol, les choses sont finalement déjà claires : parmi la pointe avancée des masses prolétariennes (en termes d'assumer l'antagonisme), il y a un mouvement de libération... castillan. Il est considéré là-bas qu'il n'y a pas une Castille qui opprime des Basques, des Catalans etc. ; il y a une BOURGEOISIE ESPAGNOLE (avec ses appendices 'basquistes', 'catalanistes' etc.) et DES PEUPLES.

    SLP en est simplement arrivé à la conclusion qu'il en va de même dans l’État dénommé "France". Cet État a été créé, entre le 13e et le 19e siècle, d'abord en symbiose avec la monarchie des Capet, par la bourgeoisie. Une bourgeoisie française s'est formée par la fusion, dans un même intérêt puis une même culture, sous la direction d'une avant-garde parisienne (et globalement du tiers Nord du royaume), des bourgeoisies qui existaient dans et autour des grandes 'places' de la fin du Moyen-Âge. Cette bourgeoisie est française, même si elle peut démagogiquement adopter une 'couleur locale', comme un Gaudin ou un Frêche avec leur gros accent. Elle a sa culture qui se décline en 'Siècles' : le Siècle de la Renaissance, le Grand Siècle du classicisme de Louis XIII et Louis XIV, de Corneille et Racine, le Siècle (bien sûr) des Lumières, de Voltaire et Rousseau, et de la Révolution bourgeoise ; puis le Siècle de Victor Hugo, de Balzac, de Flaubert... Elle a sa langue : le Français de l'Académie, que personne ne parle dans la rue de tous les jours, dans les quartiers populaires. Mais y a-t-il un PEUPLE FRANÇAIS ? Et si oui, depuis quand ? Sous l'Ancien Régime, assurément non. Depuis la Révolution ? Pour les bienfaits du capitalisme et de sa révolution bourgeoise, peut-être. Mais les méfaits n'ont pas été minces non plus et, même lorsque la bourgeoisie et ses guerres étaient révolutionnaires, beaucoup de gens n'étaient pas prêts à aller se faire trouer la peau pour elles... La 'levée en masse' de 300.000 hommes, en 1793, est directement à l'origine du soulèvement de la Vendée et de la Bretagne. Beaucoup de communistes trouvent aujourd'hui 'normale' la répression qui s'ensuivit, mais oublient que le 'premier communiste', Gracchus Babeuf, n'était pas tout à fait de cet avis.

    En réalité, il ne semble pas y avoir eu de véritable conscience d'être français avant tout ... jusqu'à la IIIe République, avec son école de Jules Ferry. C'est à dire l'entrée dans l'impérialisme, stade où la bourgeoisie est devenue réactionnaire sur toute la ligne et cherche à modeler toute la société à son image. Depuis lors, on a été 'français', en effet... mais surtout pour bosser et (depuis les années 60) consommer comme des cons (en payant la TVA et en s'emprisonnant dans les crédits). Pour aller à l'école apprendre à aimer nos maîtres, nos exploiteurs, mais à se moquer de notre frère de classe qui ne comprend rien à ce que dit le professeur, parle bizarrement et en plus s'appelle Mohamed. Et puis, jusqu'aux années 60 en tout cas, pour aller se faire hacher ou gazer dans les tranchées, dans le meilleur des cas être quitte pour un séjour au stalag, puis massacrer des pauvres gens qui ne demandaient rien d'autre qu'un pays à eux, comme la France, tiens, par exemple. Bref : 'être', se DIRE français, aimer la France, son drapeau et sa Marseillaise, n'est-ce pas finalement... être aliéné ? Que l'on soit à Quimperlé ou dans le 18e arrondissement de Paris, au demeurant...

    Mais même tout cela n'a jamais été sans résistance... et, depuis les années 1960, les mouvements culturels populaires renaissent de partout : en Bretagne et en Corse, en Occitanie et au Pays Basque, mais aussi en Picardie, dans le Nord, en Alsace, en Savoie, partout.

    Si l'on regarde les révoltes qui ont jalonné tout le processus capitaliste : sous l'Ancien Régime, leur caractère 'régional' était indéniable. Seule la bourgeoisie (de la grande à la petite) a réussi à se mobiliser à l'échelle du royaume, pour renverser les Capet. Mais les Lustucrus étaient une révolte du Nord, les Bonnets rouges une révolte bretonne, les Croquants une révolte ouest-occitane, les Camisards une guerre de partisans languedocienne. Puis, sous le pouvoir direct de la bourgeoisie : les Canuts étaient une révolte lyonnaise. 1830, 1848 et la Commune de 1871 étaient des soulèvements parisiens, d'ailleurs écrasés en s'appuyant sur la province. Les grandes grèves du Nord (1891), avec le massacre de Fourmies, c'était les grandes grèves du Nord. La lutte des Penn-sardines (1924) n'a guère fait tâche d'huile au-delà de la pointe du Finistère. La Révolte du Midi (1907) était languedocienne et l'est restée. [Il peut être intéressant à ce titre de jeter un œil à cette carte des "rébellions collectives contre les forces de l'ordre" (autrement dit des émeutes populaires) par canton entre 1800 et 1859, soit au plus fort de la "révolution" industrielle...]

    Il n'y a finalement que 3 exemples de mouvement populaire à l'échelle de l’État bourgeois : 1936, la Résistance et la Libération, et Mai 68 (et ses suites). C'est à dire, dans les 3 cas, lorsque la QUESTION DU POUVOIR était posée (dans les 2 premiers cas par un grand Parti, dans le dernier par plusieurs petits). La question du renversement de l’État bourgeois, en effet, ne pouvait se poser qu'à l'échelle de celui-ci.

    Cela dit, l'option 'jacobine' adoptée par le PCF d'alors n'est jamais allée sans frictions : les déboires de Georges Guingouin sont là pour le rappeler. Coupée de la réalité concrète, la direction 'nationale' lui ordonnait un assaut suicidaire sur Limoges qu'il refusa, ce qui lui sera reproché des années durant, jusqu'à son exclusion en 1952. Et, n'en déplaise aux pourfendeurs de 'patois de culs-terreux avec leurs curés' (bouffer du curé, c'est bien connu, c'est plus facile que de bouffer du bourgeois), les maquis FTP de Bretagne parlaient breton et gallo (dont Marcel Cachin, directeur de l'Humanité et lui-même bretonnant, disait que c'était "la langue des ouvriers et des paysans de Bretagne"). Les maquis corses parlaient corse et les maquis occitans, occitan. Les dérailleurs de trains du Nord parlaient ch'ti ; c'est pour sa connaissance du castillan et du catalan qu'André Marty, natif de Perpignan, est envoyé superviser les Brigades internationales en "Espagne" en 1936 ; et c'est bien "POUR LA CORSE (et non "pour la France") et le Parti" que déclare mourir le résistant communiste Jean/Ghjuvan Nicoli dans sa lettre d'adieu, avant d'être massacré par les fascistes italiens qui occupaient l'île. Telle était la réalité, que tant les gaullistes que la gauche républicaine jacobine (SFIO etc.) et le PCF réécriront par la suite en une "démonstration imparable d'attachement à la République une et indivisible" (toute affirmation des Peuples étant quant à elle réduite à d'affreux collabos fascistes style Bezen PerrotLouis Alibert ou Petru Rocca - ces "noms du Mal régionaliste identitaire pétaino-nazi" pour la propagande jacobinarde post-1945...).

    Les communistes de l'entre-deux-guerres n'étaient en fait pas tous ni aussi totalement fermés à ces questions que le PCF a pu l'être par la suite : nous avons cité Cachin le défenseur de la langue bretonne et Guingouin affirmant la réalité locale de son Limousin face aux décisions de Paris (il proclamera même en 1982 que "les Limousins, les Occitans, refusant le miroir déformant qu'on leur offre, doivent retrouver leur patrimoine historique"...) ; l'on pourrait encore évoquer le soutien des années 1920 à l'autodétermination de l'Alsace (dont il n'est jamais trop de rappeler que la réannexion à la France s'était faite sur le cadavre... d'un début de révolution prolétarienne), jusqu'en 1929 en tout cas - le Parti rompt alors avec sa fédération alsacienne qui de fil en aiguille... atterrira dans les bras du nazisme (bravooo !!!).

    Pour SLP, il y a donc DES peuples. Il y a DES prolétariats mais, qu'on se comprenne bien, et ceci est valable pour la planète entière, leurs intérêts sont et seront toujours les mêmes, en tout cas indissociables, et antagoniques avec la bourgeoisie même la plus 'terroir' qui soit ["Le travailleur socialiste d'un autre pays est un révolutionnaire ami, de même que le capitaliste de mon propre pays est un ennemi naturel" disait Connolly]. Et puis il y a UN État bourgeois. Dont on ne peut poser la question du renversement qu'à son niveau. Là est l'équation à résoudre.

    Pour SLP, le Parti qu'il faut construire doit être un instrument pour COORDONNER les luttes révolutionnaires, pour le communisme, du prolétariat et des masses de tous les Peuples, tout en favorisant le fait que chaque lutte se mène pleinement dans la réalité concrète. Et en étant toujours vigilants à l'hégémonisme qui a parfois entaché le mouvement communiste au 20e siècle, qu'il soit parisien... ou pas, d'ailleurs !

    DES PEUPLES donc, DES prolétaires, unis pour renverser l’État d'une bourgeoisie et refonder, alors, toutes les relations sociales et notamment les RELATIONS TERRITORIALES, qui sont aujourd'hui empreintes d'une profonde inégalité, résultante d'un État qui s'est construit pendant des siècles uniquement en fonction des intérêts de (allez) 10% de la population. Une 'refonte' qui implique (sans s'y limiter !) une réappropriation et une affirmation des cultures populaires, contre la fRance académique, la fRance des 'Siècles' (car évidemment, en 'souterrain', chaque peuple et chaque territoire a construit sa propre culture populaire, richissime !).

    Maximaliste, donc, peut-être. Mais quelle conception des choses peut prétendre ASSUMER AUTANT l'antagonisme et la nécessaire DESTRUCTION DE L’ÉTAT ('ne pas laisser pierre sur pierre'), mise en avant par Lénine ? Et d'ailleurs, dans la pratique, QUI, quel 'milieu militant', assume autant l'antagonisme avec l’État, concrètement et non depuis un site internet, que la jeunesse 'radicale' abertzale basque, la jeunesse républicaine irlandaise de Belfast et Derry, la jeunesse rouge du Mezzogiorno italien annexé par le Nord en 1860, et même la gauche révolutionnaire (marxiste/anarchiste) bretonne, occitane (Libertat), corse (Scelta Para) ? Qui, donc, sinon ceux et celles qui assument un début de commencement de ce qui est expliqué ci-dessus ? Et qui, du haut d'un non-militantisme assumé et revendiqué, peut se permettre de faire la leçon à ces gens-là ?

    Finalement, pour ceux qui ont toujours une citation de Lénine au coin de la bouche, quoi de bien différent de ce qu'ont fait les bolchéviks ? Ont-ils créé une Union des Républiques Socialistes RUSSES ? Ou même DE RUSSIE ? Non, ils ont créé 15 grandes républiques socialistes et des centaines de petites, et les ont unies, contre le monde impérialiste, dans une Union des Républiques Socialistes SOVIÉTIQUES. Le terme, qui veut dire 'des Conseils' (ouvriers et paysans), a fini par désigner la nationalité de cette construction étatique... Qu'ensuite, le fait que la Révolution ait d'abord eu lieu en Russie se soit transformé en hégémonisme russe sur les autres Peuples de l'ancien Empire des tsars, c'est une autre histoire... que l'on n'est pas obligé de répéter !

    Mais les Peuples, LE PEUPLE, c'est à dire les masses populaires dont on sait bien que l'immense majorité (sur)vit avec moins de 1500€ par mois et plus d'un tiers avec moins de 1200€, les petits 'Lénines super-révolutionnaires prolétariens' n'en ont strictement rien à foutre. Ils préfèrent, devant des masses décidément récalcitrantes à leur idéologie, fantasmer une 'classe ouvrière révolutionnaire' qui, telle qu'ils la fantasment, telle qu'ils l'idéalisent, N'EXISTE PAS et n'existera jamais ; et devra donc être substituée (dans sa dictature) par 'le Parti'... c'est à dire eux. On se souvient qu'ils ont déjà, en 2005-2006, fantasmé de la même manière sur la jeunesse prolétaire des 'quartiers' ; pour aujourd'hui la vomir et ne plus y voir que 'patriarcat', 'culture anti-bolosse', 'racisme anti-blancs', 'islamo-fascisme' et 'voyoucratie'... CQFD.


               big provence flageuskadi komunistaoccitania roja
               Strollad komunour breizhirlande fightsandalucialibre
                charrue-etoilee.jpgbandera-corsa.jpgesteladanormal.jpg


    Etc...



    * Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.

    Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit.
    Mao Zedong, "Notes de lecture sur le Manuel d'économie politique de l'Union soviétique" (1960). Le même raisonnement peut évidemment s'appliquer entre les différentes régions - les Centres et les Périphéries - d'un même État.

    Lire aussi absolument sur tout ça : La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes, par G. Maj du (n)PCI

    ******************************************************

    ENFIN BREF, tout cela pour dire que, les gens semblant par nature durs de la comprenette dans les milieux gauchistes, il est aussi possible de formuler les choses en des termes simples : ce que nous voulons, en lieu et place de l’État bourgeois français tel qu'il est, c'est une Union soviétique (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) d'Hexagone... Point.

    D'Hexagone, ou pourquoi pas d'Europe ; en tout cas, des parties de l'Europe qui seraient dans un premier temps libérées du capitalisme par la révolution ; bref – ce genre de question se posera directement en son temps dans la réalité de la lutte, nous n'en sommes pas là.

    Tout simplement parce que le renversement du capitalisme DEVRA signifier, ne PEUT PAS signifier autre chose, que soit brisée l'organisation politico-économique des territoires en Centres financiers d'accumulation capitaliste et Périphéries plus ou moins, mais toujours, reléguées et "pompées" (lire à ce sujet : reflexions-a-partir-de-samir-amin - bouamama-basques-algeriens-colonisation-int-ext) ; organisation intrinsèque à la Modernité capitaliste et qui de fait, aussi longtemps qu'existent ces "hiérarchies géographiques" entre pays, régions d'un pays, etc., "bloque" en réalité tout déploiement d'une lutte des classes "pure", possédants vs exploités.

    Par conséquent, la voie de la raison matérialiste dans la situation concrète de notre époque, c'est d'aller vers... ce qu'était l'URSS (dans sa conception initiale léniniste) : de grands "États-continents" confédéraux, multiculturels, multilinguistiques et inclusifs (en plus, bien sûr, d'être résolument anticapitalistes).

    Car lorsque l'on critique le "tribalisme" des Catalans, Basques, Bretons, Corses ou autres, et cela peut parfois avoir sa part de vérité, l'on a tout de même tendance à oublier, en tout premier lieu, que les États européens existants ne sont ni plus ni moins que des "tribalismes qui ont réussi" : des régions qui en ont conquis d'autres, pour finir par proclamer ces ensembles de conquêtes des "États-nations", lancés à leur tour dans des affrontements "tribaux" avec les ensembles voisins ; tout cela sous un modèle centraliste uniculturel, unilinguistique et exclusif.

    Quant aux grands États-continents capitalistes qui existent déjà, comme les États-Unis ou le Canada, la Russie ou l'Inde, certes ils sont officiellement fédéraux, seul moyen pour eux de s'assurer une certaine stabilité et de n'avoir pas déjà explosé ; mais ce fédéralisme n'en reste pas moins très largement factice, "cache-sexe" d'une domination féroce sur tout un ensemble de groupes humains (Noirs, Latinos et Nations indigènes en Amérique du Nord, Caucasiens, Peuples sibériens et autres non-russes en Russie, Kashmiris, Tamouls, Adivasis "tribaux" et autres non-hindoustanis, musulmans et basses castes en Inde) ; tandis que de son côté l'Union Européenne est une tentative, précisément pour faire face à ces puissances concurrentes, de bâtir un tel super-État continental bourgeois et technocratique autour et au service des "pôles" de Paris et de la vallée du Rhin (Ouest de l'Allemagne, Bénélux), dominant et écrasant le reste comme l'avait fait auparavant chaque État membre avec ses "provinces" (rendant certes cocasse lorsque les "souverainistes" desdits États se plaignent de cette domination...) : il va de soi, bien entendu, que ces "modèles"-là d’États-"continents" ne sont pas les nôtres et sont au contraire résolument à combattre et détruire.

    Voilà donc : à partir de là, ce programme qui est le nôtre, vous pouvez le vomir ; mais au moins saurez-vous clairement sur quoi se déversent vos vomissures...

    "Il faut rappeler aujourd'hui que ce passage [d'une adresse de 1850 à la Ligue des Communistes, qui défendait le centralisme étatique le plus rigoureux] repose sur un malentendu.

    À ce moment-là il était admis – grâce aux faussaires libéraux et bonapartistes de l'histoire – que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la Grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l'ennemi extérieur.

    Mais c'est actuellement un fait connu que pendant toute la Révolution, jusqu'au 18 Brumaire*, l'administration totale du département, de l'arrondissement et des communes se composait d'autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’État, jouissaient d'une liberté complète ; que cette administration autonome provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique (bon là, claire idéalisation des États-Unis avec oubli de la question coloniale-raciale, mais bref), devint précisément le levier le plus puissant de la révolution ; et cela à un point tel que Napoléon immédiatement après son coup d’État du 18 Brumaire, s'empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours et qui fut donc, dès le début, un instrument de réaction**".

    F. Engels dans une note sous le texte réédité, 1885

    [* En réalité Thermidor, voire sa "préparation" dès 1793 par les "représentants en mission" (dont la plupart sont restés de triste mémoire) et la loi du 14 frimaire an II à l'initiative principalement des futurs thermidoriens Billaud-Varenne et Barère, tandis que sur le plan linguistique était promulgué une semaine avant le coup d’État réactionnaire, à l'initiative nullement "de Robespierre" mais de Merlin de Douai (futur thermidorien qui mourra tranquillement en 1838 après avoir été "entre autres" Président du Directoire puis comte d'Empire...), le décret du 2 thermidor an II sur des arguments complètement hallucinants.]

    [** En réalité et pour être exact, c'est dès le Directoire que des "commissaires du gouvernement" dans chaque département préfigurent les préfets napoléoniens.]

    [Si on lit par exemple ce document : décentralisation-nord-1789-1793 ; il apparaît nettement que c'est décembre 1793 (frimaire an II) qui marque un point de rupture fondamental : l'écrasement (pas d'autre mot) de la "révolution provinciale", auquel ne manquera plus alors que celui de la révolution parisienne, consommé avec Thermidor... Les procureurs syndics départementaux, magistrats élus chargés de veiller à l'exécution des lois (sortes d'équivalents des sheriffs nord-américains), deviennent des fonctionnaires nommés ; les conseils généraux sont supprimés et les directoires (exécutifs des départements) voient leurs compétences sévèrement amputées ; etc. etc. La France républicaine abandonne alors définitivement la voie de devenir une "grande Suisse" démocratique et décentralisée, d'exercice local permanent de la souveraineté populaire...]

    Et LÉNINE dans L'État et la Révolution (1917) reprend d'ailleurs ces mêmes propos (légèrement déformés ou propos similaires tenus ailleurs) :

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère


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