• ... et pas une de plus.

    L'article sera bref : tout le monde a suivi les résultats des 'premières élections libres' après la chute de l'autocrate Ben Ali. Avec 41% et 90 sièges (sur 217) promis, les z'islamiiiiiistes d'Ennahda ('Renaissance') seront la principale force du nouveau 'paysage' politique. Il va de soi, et cela commence déjà à s'exprimer un peu partout sur la toile, qu'à l'extrême-droite fasciste il va s'en trouver pour claironner "voilà le résultat !" ; Marine Le Pen ayant d'ailleurs été très claire là dessus : "(Ben Ali, Kadhafi, Moubarak etc.) c'était des dictateurs, certes, mais laïcs"... Mais ce n'est pas tout, comme d'habitude : il s'en trouve également à 'gauche' qui, après avoir célébré la 'Révolution du Jasmin' et même inauguré des 'rues Mohamed Bouazizi', commencent presque à regretter le sublime mouvement populaire et la chute du tyran, sur l'air de 'tout ça pour ça ?'. Et d'espérer, presque, un 'sursaut', que 'quelque chose' se produise pour conjurer l'horrible 'scénario iranien'. Quelque chose comme... quoi ? Comme le coup d’État militaire de 1992 en Algérie, début d'une décennie de massacres ? Social-impérialisme, incapable de considérer les peuples arabes et de culture musulmane comme 'majeurs', quand tu nous tiens... On rappellera que le RCD de Ben Ali, comme le PND de Moubarak, furent membres jusqu'à leur chute de... l'Internationale socialiste, sans que cela ne gène d'aucune manière les hiérarques 'roses' d'Europe.

    Et puis, bien sûr, il y a des 'communistes' qui considèrent que 'tout ça, c'est parce qu'il n'y a pas de Parti', et donc... il fallait garder Ben Ali ? On ne voit guère d'autre option. Mais, au juste, les exploité-e-s, les affamé-e-s qui se sont levé-e-s 'comme d'un seul homme' ou ‘comme d'une seule femme’ après le suicide atroce de Mohamed Bouazizi, avant de faire 'boule de neige' dans tout le pays et d'acculer le tyran à la fuite... attendaient-ils/elles leur avis éclairé, à ces 'communistes' ? Évidemment que non. Il y a eu un 'fait divers', affreux, le suicide par le feu d'un jeune homme de 26 ans, et les gens ont considéré que 'ce n'était plus possible'. Toute la colère accumulée depuis un quart de siècle (et même plus) a explosé. Bien heureux le 'Parti', quel qu'il soit, qui saurait ‘contrôler' cela. Ce sont les masses qui font l'histoire.

    Les masses se lèvent, balayant des tyrans que l'on croyait indéboulonnables (comme le tsar en Russie)... Et, ensuite, un éventuel Parti intervient pour décider de 'réforme ou révolution', de construire un avenir nouveau ou 'tout changer pour que rien ne change'. Mais c'est tout.

    Effectivement, ce résultat était totalement prévisible. Il va falloir admettre une chose une fois pour toutes. La spontanéité des masses, on le sait, n'est jamais révolutionnaire. En Occident, elle est réformiste, pour des conquêtes économiques et 'aller au bout' de la démocratie bourgeoise ; avec une tendance prononcée (en situation de crise) au social-chauvinisme. Dans les pays arabes, elle est 'islamiste', point. Disons plus exactement que, dans tous les pays dominés par l'impérialisme, elle est un mélange d'aspirations à l'indépendance nationale et à la justice sociale. En Amérique latine, c'est un puissant nationalisme contre le gringo, et une aspiration à la 'justice sociale' d'inspiration chrétienne. Elle a récemment trouvé à 's'incarner' dans le bolivarisme. Dans les pays arabes, cela a pu être le national-populisme 'moderniste', le 'kémalisme arabe' de Nasser, de Boumediene ou de Bourguiba. Mais le nassérisme, le boumedienisme et le bourguibisme n'existent plus. Les années ont passé et leur nature s'est révélée : le nassérisme a engendré Sadate puis Moubarak, le FLN algérien a donné la junte actuelle, le bourguibisme a donné Ben Ali. Alors, elle s'incarne dans cet 'islam politique' (c'est le terme là-bas) qui peut finalement se résumer très simplement : à toutes les questions de masse, toutes les aspirations à l'indépendance nationale (contre l'impérialisme) et à la justice sociale (contre la hogra), une seule réponse : "il faut revenir à l'islam" ; ou, plus exactement, il faut revenir à AVANT la domination impérialiste. N'était-on pas 'si bien' ?

    Telle est la spontanéité des masses et, lorsque le mouvement communiste est encore faible comme il l'est au Maghreb arabo-amazigh (bien qu'existant, et SLP salue ici tous les camarades du Maroc, de Tunisie etc.), il n'y a rien d'autre à attendre d'une élection bourgeoise pour une Assemblée bourgeoise.

    L'autre grande force qui émerge de ces élections du week-end dernier, c'est (pour faire court) la social-démocratie : 30 sièges pour le Congrès pour la République (CPR), 'nationaliste de gauche' de Moncef Marzouki ; 21 pour 'Ettakatol' (social-démocrate) ; 17 pour le Parti démocrate progressiste (social-libéral, très lié (dit-on) à l'impérialisme, en particulier US) ; 5 pour le Pôle démocrate moderniste du Mouvement Ettajdid, ancien... PC tunisien. Ou encore, 1 siège pour le Mouvement démocrate socialiste. Soit 74 sièges pour la social-démocratie (allant de l'équivalent de Hollande à l'équivalent de Mélenchon). Les marxistes-léninistes 'albanais' du PCOT ('frères' du PCOF) récolteraient 3 sièges, selon une estimation constante ; il y aurait également un ou deux sièges pour le Mouvement des patriotes démocrates, qui se réclame 'marxiste et panarabe'.

    À noter les scores de listes considérées comme 'néo-benalistes', 'émanations du RCD' : la Pétition populaire d'un mystérieux milliardaire basé à Londres (19 sièges), L'Initiative (5) ou encore Afek Tounes (4). C'est ce que représentent les partisans de l'ancien régime ; ceci dit, Ennahda aurait aussi, dit-on, recyclé beaucoup de 'petits RCDistes'. Les 'libéraux' du Parti libéral maghrébin et de l'Union patriotique libre ont un siège chacun.

    [Il y a, toutefois, une chose à souligner ABSOLUMENT : les "90%" de participation avancés par les médias bourgeois sont en réalité "90%" des INSCRITS. Sur les 7,5 millions de Tunisien-ne-s en âge de voter, seul-e-s un peu plus de 4 millions étaient inscrit-e-s sur les listes, soit à peine un peu plus de la moitié ! En définitive, par rapport au corps électoral de 7,5 millions, la participation est de 48% et non 90%. Tous les résultats ci-dessus sont donc à relativiser à cette aune.]

    En fait, comme pour l'Amérique latine, mais avec un phénomène de longue poussée puis d'explosion soudaine, ce que montrent les résultats de cette élection, c'est l'émergence de nouvelles couches bourgeoises longtemps écrasées sous la botte de l'appareil politico-économique RCDiste. Car, si celui-ci a écrasé la Tunisie sous une botte de fer, il l'a également considérablement développée, il a développé les forces productives, à travers notamment les 'mannes' du tourisme et de la sous-traitance.

    On peut globalement dire que :
    - la social-démocratie représente plutôt (et traduit l'influence sur les masses de) la nouvelle couche intellectuelle, 'tertiaire' et urbaine ;
    - Ennahdha, bien que sa direction soit composée de hauts diplômés, universitaires et professions libérales, représente plutôt la nouvelle couche industrieuse, 'industrielle et commerciale' : des bourgeois pas forcément très éduqués, mais 'entrepreneurs'. Et, là encore, leur influence sur les masses, de préférence dans les régions reculées et les zones déshéritées.

    Au niveau de l'électorat de masse, le clivage est peut-être (comme on l'a lu ici et là) un clivage côte/arrière-pays, mais plutôt, plus certainement, un clivage de formation scolaire, de diplôme. L'électorat nahdaoui a probablement, sous réserve d'enquête, un niveau de diplôme moins élevé et un taux d'analphabétisme supérieur, un accès plus limité à internet, à la presse etc. que l'électorat social-démocrate. La jeunesse diplômée sans emploi ni avenir, qui joue un rôle moteur et essentiel dans les processus en cours, a probablement voté social-démocrate ou PCOT. Mais l'électorat d'Ennahda, ce sont les pauvres entre les pauvres. Les communistes ne doivent jamais perdre de vue cela.

    Est-ce que ce 'triomphe' (avec 41%, c'est un peu exagéré : ils ne peuvent pas gouverner seuls) des 'islamistes' pourrait représenter, pour la Tunisie, le risque du FASCISME ?

    Et bien, si l'on considère le fascisme non comme une idéologie précise, mais comme un mode de gouvernement, c'est à dire, dans un pays comme la Tunisie, une dictature réactionnaire terroriste au service de l'impérialisme, tentant de mobiliser une partie des masses contre une autre, alors... assurément, oui. Comme en Iran. Et exactement... comme Ben Ali et son RCD, "laïc", "défenseur des femmes" et membre, comme on l'a dit, de l'Internationale socialiste.

    Cela pourrait... ou pas. Ou pas, si l'impérialisme et la classe dominante locale ont d'autres plans, comme par exemple d'enfermer les masses dans une 'réforme démocratique' de façade. Un plan qui, avec les scores de la social-démocratie, semble être une 'proposition stratégique' sérieuse d'une partie de la nouvelle bourgeoisie tunisienne aux tuteurs impérialistes.

    Dans ce cas, Ennahda, ce ne sera pas la mollarchie iranienne mais... l'AKP turc (dont ils se réclament, d'ailleurs). Il est d'ailleurs à noter que l'AKP, en Turquie, représente aussi ces nouvelles couches bourgeoises qui se sont formées dans le dernier quart du 20e siècle, dans le pays comme dans la diaspora. Une nouvelle bourgeoisie plus anatolienne (même 'migrée' à Istanbul ou en Europe), moins 'bosphorienne' et 'égéenne'. Moins européanisée, d'où l'attachement à la culture islamique mise en avant par l'AKP. D'où, aussi, l'"ouverture" apparente (en mode libéral, bourgeois) vers les minorités arabe ou kurde, laze ou alévi, l'ouverture (toute limitée) sur les questions de langue, d'affirmation culturelle. D'où, enfin, le "néo-ottomanisme", la politique étrangère tournée vers l'Orient, débouché capitaliste 'naturel' pour cette nouvelle bourgeoisie. L’État profond, lui, avec notamment le Conseil des Forces Armées, restant kémaliste fasciste kaypakkaya-kemalisme.pdf et tourné vers l'Occident - l'AKP, histoire de 'ne pas faire de vagues', lui laisse 'carte blanche' sur le dossier kurde, par exemple.

    Ennahda, ce pourrait donc être un conservatisme démocrate-bourgeois bon teint, une manière de démocratie-chrétienne musulmane, en Große Koalition avec la social-démocratie (c’est déjà en discussion, avec le CPR et Ettakatol en tout cas). Gérant tranquillou, sous couvert de "le peuple tunisien s'est exprimé", les intérêts de l'oligarchie compradore-bureaucratique-foncière et de l'impérialisme ; avec ce qu'il faut de démocratie de façade et ce qu'il faut de répression contre les ‘partageux’. Et, peut-être, une pointe de nationalisme bourgeois du 21e siècle, de ce nouveau Bandung de notre époque : le classique discours sur les 'relations Sud-Sud', le rapprochement avec les 'émergents' etc. (et, bien sûr, l’hostilité diplomatique à Israël).

    Pour les masses exploitées de Tunisie et pour les révolutionnaires, qui continuent quotidiennement la lutte, rien donc de fondamentalement changé, dans la misère et l'exploitation, par rapport à l'ère Ben Ali, sinon... peut-être une légère marge de manœuvre en plus, dont il faudra voir comment l'utiliser à bon escient. Et si c'est le fascisme, parce que le maintien des intérêts dominants l'exige, alors ce sera le fascisme EXACTEMENT COMME ça l'était sous Ben Ali, et comme ça aurait pu l'être sous une coalition "libérale/social-démocrate/ex-RCDiste" des 60% de non-Ennahda, ou encore sous une "reprise en main" militaire à l’algérienne.

    Ce que veut dire SLP, c'est que ce à quoi il faut absolument tordre le cou ; c'est cette idée que "Voilà, on a tout gagné : on a les islamistes" ; et que, finalement, il valait mieux que les masses restent bien tranquilles chez elles, l'échine courbée, et gardent Ben Ali. Idée que l'on retrouve de l'extrême-droite jusqu'aux gauchistes (dont c'est la caractéristique, de toute façon, d'être sur des positions de droite voire d'extrême-droite), en passant par la 'gauche coloniale' qui ne parvient décidément pas à considérer les peuples arabes comme des peuples majeurs.

    POUR LES COMMUNISTES, il n'y a que DEUX QUESTIONS à se poser, et pas trois :
    - à quelles BONNES QUESTIONS le vote populaire, prolétaire et paysan pauvre pour Ennahda (c'est-à-dire : pour 'revenir à l'islam') est-il une MAUVAISE RÉPONSE ;
    ET
    - quelles sont les BONNES RÉPONSES, les réponses MARXISTES, à ces questions ?

    C'est seulement en se posant ces questions, et en y répondant correctement, qu'un GRAND MOUVEMENT COMMUNISTE pourra se construire et se développer en Tunisie [Il y a, pour le moment, deux petites organisations maoïstes, peut-être en voie d'unification].

    Au temps de la Révolution bolchévique, le bolchévik tatar Mirzayet Soltan-Galiev le disait déjà clairement : ce que les masses musulmanes voient dans les 'prophéties coraniques', dans la promesse de 'royaume du Mahdi', c'est finalement leur profonde (et humaine) aspiration au communisme. Ceci est également valable pour le 'royaume du Christ' des chrétiens ou le 'retour du Messie' des juifs.

    Dans les masses exploitées, affamées et opprimées de la Terre entière, la soif de communisme est là. AUX COMMUNISTES DE JOUER !

    maghreb-manif

     


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  • Bon résumé des camarades de Feu de Prairie :

    Mayotte brûle

    Treizième jour de manifestation à Mayotte, avec des grèves et de très nombreux barrages routiers.

    Contre la vie chère, contre les prix indécents des denrées de base (principalement la nourriture), la population se mobilise et affronte l’état colonial, ses gendarmes, ses réseaux de distribution.

    La lutte du peuple est violemment réprimée: une fillette de 9 ans (!) a été touchée d’un tir de flashball au visage. Les gendarmes devaient sans doute se sentir terriblement menacés…

    Les affrontements ont été particulièrement significations à Kaweni, banlieue ouvrière de Mamouzdou et gigantesque bidonville où la population vit dans des conditions de pauvreté extrême et où l’insalubrité fait des ravages.

    Les propositions de l’état et des patrons de la grande distribution ont été jugées très insuffisantes par l’intersyndicale qui va poursuivre son combat.

    Face à la misère, on a raison de se révolter : seule la lutte paie !

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    Un article publié par l'UGTG :

    La révolution des « mabawas » à Mayotte

    « Mabawas » : c’est ainsi qu’on appelle, à Mayotte, les ailes de poulet. Elles font partie des produits de première nécessité (avec la farine, le riz, le sucre, le lait, les tomates, le gaz et le sable …). Et elles sont devenues le symbole du vigoureux mouvement social contre la vie chère déclenché il y a une dizaine de jours dans cette île de l’archipel des Comores, au sud-ouest de l’océan Indien, devenue le 31 mars dernier le cent-unième département français d’outre-mer.

    Grève quasi générale, depuis le 27 septembre, presque tous les jours, manifestations, barrages, et parfois même blocage de l’accès à l’aéroport, sous le slogan « Mabawas nachouké ! » (ailes de poulet moins chères !). Pas de victimes jusqu’ici, mais des jets de pierre, quelques voitures incendiées, des gaz lacrymogènes, et des interpellations. La gendarmerie mobile – composée en grande majorité de fonctionnaires européens, bardés de leurs protections noires en écailles, très Robocop, comme dans l’Hexagone – a même sorti quelques blindés, pour faire sauter les obstacles. Trois pelotons sont arrivés en renfort de La Réunion.

    « Débordements inacceptables », lance la ministre de l’outre-mer, Mme. Marie-Luc Penchard, qui invoque « la sécurité des personnes », ajoutant, sur un ton alarmiste : « Personne ne peut souhaiter une issue dramatique à ce conflit ». Tandis que François Hollande, un des candidats socialistes à l’investiture pour l’élection présidentielle, appelle le gouvernement – qui devrait être « instruit par l’expérience de la grave crise antillaise de 2009 » [1] – à ne « pas laisser pourrir la situation ». Le LKP guadeloupéen a de son côté apporté son « soutien à la mobilisation des travailleurs et du peuple de Mayotte ».

    Mais l’État ne se sent pas directement concerné par ce conflit social, rappelant simplement les grands chantiers engagés depuis la « départementalisation » : santé, formation, accès à Internet, et à partir de janvier prochain l’application du Revenu de solidarité active (RSA) – traditionnel instrument « d’arrosage » outre-mer, qui devrait calmer certaines ardeurs (mais aussi enfoncer un peu plus l’île dans l’assistance, comme c’est déjà le cas aux Antilles et à la Réunion).

    L’intersyndicale (CGT-Ma, Cisma-CFDT, Solidarité mahorais et le Collectif des citoyens perdus) associée à des associations de consommateurs (Ascoma, Afoc) se plaint d’un manque de concurrence qui tire les tarifs vers le haut, et demande au patronat des grandes surfaces, ainsi qu’aux services de l’Etat et du département un engagement écrit sur une baisse des prix des produits de base, et notamment des cartons de découpe de volailles vendus presque deux fois plus cher que dans l’Hexagone, des bouteilles de gaz trois fois plus coûteuses, etc.

    L’aile dure du mouvement cherche à bloquer les ronds-points de circulation, et à fermer d’autorité les magasins qui ne se joignent pas spontanément à la grève. De plus en plus de ménagères participent aux manifestations, qui rassemblent régulièrement plusieurs milliers de personnes.

    Le président du conseil général, contraint par les syndicalistes à sortir de sa réserve, se désole des pertes de recettes consécutives aux baisses de droits de douane intervenues depuis 2010 sur les produits de première nécessité – soit autant d’argent qui ne pourra être réinjecté – et attribue « le mal-être plus profond » à la délinquance actuelle, « avec son lot de vols, viols, d’émergence de jeunes bandes ». [2]

    Les Mahorais – qui seraient 200 000 dans une île qui a grandi trop vite, à l’abri de la France, et de plus en plus coupée de son environnement naturel (Comores, Madagascar), avec un taux record de reconduites de sans-papiers à la frontière – découvrent que le statut départemental (qu’ils n’avaient cessé de réclamer) n’amène pas automatiquement l’égalité, la solidarité, ni une manne de crédits. Et qu’il continuera d’attirer les Comoriens d’Anjouan ou d’autres îles, pour qui Mayotte – même en butte à la cherté de la vie – reste un îlot de prospérité au milieu d’un océan de misère.

    Par Philippe Leymarie, jeudi 6 octobre 2011

    Source : Le Monde Diplomatique

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    Dans toutes les dernières colonies directes, la solidarité ! Solidarité de Gwadloup :

    Communiqué n°3 du LKP en soutien aux travailleurs & au Peuple mahorais : Non au Mépris ! Mayotte - Gwadloup Menm Konba !!!

    Cliquez sur la photo pour la visualiser dans sa taille originale.

    COMMUNIQUE DE PRESSE

    En soutien aux Travailleurs et au Peuple de MAYOTTE

    LKP condamne fermement et sans réserve la féroce répression qui frappe les femmes, les hommes, les jeunes qui osent lever la tête pour dire NON à la pwofitasyon ; pwofitasyon organisée avec l’entière approbation de l’État Français.

    Ce schéma, nous le connaissons bien car c’est le même en Guadeloupe : la mainmise sur l’économie par deux ou trois familles ou groupes qui pillent et spolient en toute impunité.

    LKP tient le MEDEF et l’État français, singulièrement Marie-Luce PENCHARD comme responsables de la dégradation de la situation à MAYOTTE. Tout comme en Guadeloupe, au lieu de négocier et de faire de réelles propositions, l’État colonial a fait le choix du mépris, de l’arrogance et préfère lancer les forces de répression pour « mater » les travailleurs et le peuple de MAYOTTE qui demandent respect, dignité et justice sociale.

    Tout comme en Guadeloupe, le refus de la négociation, le désengagement, le non respect des accords ne peuvent que renforcer le mécontentement.

    LKP adresse son soutien militant aux travailleurs et au Peuple de MAYOTTE en lutte contre la pwofitasyon.

    NON AU MÉPRIS ! MAYOTTE – GWADLOUP MENM KONBA !

    ANSANM NOU KA LITÉ, ANSAMN NOU KÉ GANNYÉ !

    Pou LIYANNAJ KONT PWOFITASYON

    Elie DOMOTA

    Lapwent, 09 Òktob 2011

     

    Et de Réunion :

    Soulèvement populaire à Mayotte : Jeunes Réunionnais, refusez de tirer sur les jeunes Mahorais !

    Ils étaient nombreux ceux qui ont salué positivement les révoltes des jeunes en Tunisie, Égypte, Yémen, Syrie… Parmi eux, il y avait le Président de la République française, Nicolas Sarkozy, qui poussa le soutien aux manifestants libyens jusqu’à utiliser les forces armées françaises contre le pouvoir en place. De manière générique, ils appellent cette effervescence populaire « le printemps arabe ». Cet encouragement n’est pas sans répercussion.

    Les jeunes de Mayotte manifestent depuis 2 semaines contre la vie chère et pour plus d’emplois. Ils dénoncent les circuits de distribution des marchandises qui conduisent à l’affichage des prix exorbitants. Ils comparent les prix par rapport à La Réunion et en France. Ils demandent la transparence sur les prix et le versement de revenus sociaux pour permettre à la population de faire face aux besoins quotidiens.

    Le gouvernement et Nicolas Sarkozy sont pris au piège de leur propre jeu médiatique. Maintenant, ils ont commencé par dénoncer les manifestants et ils ont envoyé les forces de répressions pour mâter les rebelles. Les moyens militaires sont venus de France et de La Réunion. L’Histoire se répète : la Réunion est utilisée comme base de fournitures de moyens militaires à l’encontre des jeunes Mahorais. Cela nous ramène à 1947, lorsque notre île a servi de réservoir militaire et de support logistique pour écraser une manifestation malgache qui s’est conclue par 100.000 morts et 5.000 arrestations. Certains manifestants furent même condamnés à mort.

    Le gouvernement aura beaucoup de mal à expliquer qu’on dépense des centaines de millions pour accompagner la révolte dans les pays arabes et qu’on réprime celle de Mayotte. Il est urgent de donner satisfaction aux manifestants dont les revendications sont tout à fait légitimes. La Réunion ne doit pas servir de base arrière à la répression. Les jeunes Réunionnais ne doivent pas être utilisés pour tirer sur les jeunes Mahorais et servir des intérêts réactionnaires de Nicolas Sarkozy, un Président de la République totalement inconséquent.

    J.B.

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    LKP : L’État français assassine à Mayotte !

     

    Sur le site du PCmF :

    Nous publions en solidarité avec la lutte populaire à Mayotte le communiqué du LKP dénonçant l'assassinat d'un manifestant par les flics.

    PC maoïste de France

    http://cache.20minutes.fr/img/photos/20mn/2011-10/2011-10-19/article_mayotte.jpgU.G.T.G 

    UNION GÉNÉRALE DES TRAVAILLEURS DE GUADELOUPE

     
    Rue Paul Lacavé – 97110 POINTE-A-PITRE 
    TEL : 05.90.83.10.07 - FAX : 05.90.89.08.70
     E-mail : ugtg@ugtg.org - ugtg@wanadoo.fr

    Website : htpp://ugtg.org
    Web gallery : http://photos.ugtg.org/
    Vidéo Web : http://dailymotion.com/UGTG
     
    Liyannaj Kont Pwofitasyon
    Communiqué de presse
    L’Etat Français assassine à MAYOTTE
     
    Un homme de 39 ans est mort ce mercredi 19 octobre 2011 suite à un tir de flashball à bout portant. Le préfet prétend qu’il s’agit d’une crise cardiaque.
     
    LKP condamne la farouche répression qui frappe les Travailleurs et le Peuple Mahorais, mobilisés contre la vie chère, contre le mépris, pour la dignité et le respect.
     
    Face aux revendications légitimes des Travailleurs et du Peuple, le pouvoir colonial a fait le choix de tuer et cela après qu’un jeune de 9 ans ait perdu un œil suite à un tir volontaire d’un gendarme.
     
    Cette pratique est constante dans les colonies et nous rappelle à nous Guadeloupéens, les nombreux morts qui jalonnent notre histoire : Mai 1802 : plus de 10 000 victimes ; Février 1910 : 4 morts ; Février 1925 : 6 morts ; Février 1931 : 1 mort ; Février 1952 : 4 morts (dont une femme enceinte) ; Mai 1967 : Plus de 100 morts. Et 1985, et 2009, …..
     
    Et pendant ce temps, le Président français, Nicolas Sarkozy si prompt à rappeler à l’ordre le gouvernement turc sur le génocide arménien, assassine encore de nos jours dans les colonies et ne reconnait toujours pas tous les massacres de l’État français perpétrés contre les travailleurs et le Peuple de ces pays.
     
    L’attitude du Préfet, l’arrogance et le mépris de la Ministre des colonies et le black out médiatique organisé expriment clairement la volonté de l’état français de soumettre, par la terreur, les Travailleurs et le Peuple mahorais. Domination économique, domination culturelle et répression féroce pour anéantir toutes velléités de contestation. Il faut mater les indigènes.
     
    LKP réaffirme son soutien fraternel et militant aux Travailleurs et au Peuple de Mayotte et invite les Guadeloupéens à se rassembler ce
     
    VENDREDI 21 OCTOBRE 2011 à 19 Heures
    devant le Palais de la Mutualité
    en solidarité avec les Travailleurs et le Peuple de Mayotte.
     
    MAYOTTE – GWADLOUP MENM KONBA,
    ANSANM NOU KA LITÉ, ANSAMN NOU KÉ GANNYÉ,
     
    Pou LIYANNAJ KONT PWOFITASYON
     
    Elie DOMOTA
     
    Lapwent, 19 Òktob 2011
     
     
     
    ********************************************************************

    Mayotte. La police coloniale française a tué

    FKNG! dénonce ce crime et soutient la juste lutte du Peuple maorais !

    Insurrection à Mayotte contre le coût de la vie (automne 2011)

    Gwadloup. Colonie française. Jeudi 20 octobre 2011.

    Le scénario est chaque fois identique. Les colonisés qu’ils soient Martiniquais, Guyanais, Guadeloupéens, Kanaks ou Maorais, paient toujours prix fort quand ils s’opposent au système capitaliste colonialiste français.

    Mercredi 19 octobre à Mamoudzou, Elanziz Ali Madi Saïd alias «Babazi», 39 ans a été la première victime du puissant mouvement social contre la pwofitasyon déclenché par le Peuple maorais. Une fois de plus, la seule réponse du pouvoir français face à de justes revendications c’est la répression.

    Chez nous dans les Caraïbes, les grèves et manifestations réprimées dans le sang par l’armée coloniale française sont encore dans toutes les mémoires.

    14 février 1952 dans la ville du Moule (Guadeloupe) pendant une grève de travailleurs de l’industrie sucrière, l’armée tire sur la foule pacifique : 6 morts.

    27 mai 1967 à Pointe à Pitre (Guadeloupe), les légionnaires français sur ordre du Ministre des Colonies en accord avec le patronat décident de réprimer dans le sang une grève des ouvriers du bâtiment : près d’une centaine de morts et des dizaines de blessés.

    13 mai 1971 à Fort de France (Martinique), le lycéen Gérard Nouvet est froidement abattu par les militaires français pendant de la visite du Ministre des Colonies de l’époque, Pierre Messmer.

    14 février 1974 à Chalvet (Martinique), 2 travailleurs sont assassinés pendant la longue grève des ouvriers de la banane.

    18 février 2009 à Pointe à Pitre, Jacques Bino syndicaliste CGTG et militant du LKP est mystérieusement abattu.

    Cette fois c’est à Mamoudzou, qu’un manifestant est assassiné par l’armée coloniale. Ce n’est pas un hasard, les colonialistes français utilisent toujours la violence militaire pour tenter de casser les mouvements de protestations dans les dernières colonies.

    FKNG!, organisation patriotique guadeloupéenne, dénonce avec la plus grande fermeté ce nouveau crime colonial.

    FKNG! accuse le pouvoir français et sa ministre des colonies d’avoir joué le pourrissement, plutôt que de satisfaire aux justes revendications des Maorais.

    FKNG! soutient sans réserve les justes revendications des Maorais et les incite à la vigilance, car comme pour Eloi Machoro en 1985 en Kanaky, ce crime peut être le prélude d’autres …

    FKNG! dénonce l’hypocrisie de ML Penchard, qui fait mine de s’apitoyer sur la mort de « Babazi » alors que son Préfet et ses fonctionnaires ont montré leur incapacité à satisfaire aux revendications des Maorais.

    FKNG! souhaite que les Maorais amplifient leur mouvement, car leur combat est juste et rejoint ceux de tous les exploités des dernières colonies françaises contre la pwofitasyon !

    Vive la juste lutte du Peuple maorais !

    Danik Ibrahim Zandwonis

    Direction Nationale FKNG!

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  • Il y a 50 ans, le massacre ordonné par le préfet de l'entité francouille MAURICE PAPON faisait entre 150 et 300 mort-e-s à Paris. S'inscrivant bien sûr dans le contexte des "évènements" de la Guerre de Libération algérienne, le 17 Octobre sanglant (pire massacre de prolétaires, dans la capitale de l'Hexagone bleu-blanc-rouge, depuis la Commune !) marque aussi, pour Servir le Peuple, l'acte de naissance de l'Empire colonial intérieur : les populations "importées" pour leur force de travail depuis les jeunes ex- (et néo-)colonies, parfois au moyen de véritables "sergents recruteurs" de Bouygues, Renault etc. ; parquées alors dans les bidonvilles et bientôt dans les cités-ghettos HLM, et se voyant appliquer en métropole même des méthodes d'administration et de contrôle directement inspirées (en les modernisant) du colonialisme. Une situation d'oppression particulière appelant une auto-organisation particulière, en lien indissociable, dialectique, avec la révolution prolétarienne hexagonale et mondiale. Situation qui peut aussi expliquer (même si ce n'est pas le seul facteur) le sentiment de fraternité éprouvé vis-à-vis de la Palestine, même si l'oppression y est, disons, "un cran au dessus" (mais bien sûr, il y aura toujours des gens pour mettre cela sur le dos de "l'antisémitisme culturel des banlieues islamo-fascistes").

    C'est cette continuité que l'article des Indigènes de la République, ci-dessous, ne manque pas de souligner en prenant pour exemple la "chasse aux racailles" lancée en 2007 par Sarkozy à Villiers-le-Bel.

    Continuité frappante, aussi, bien sûr, à travers la figure de Papon, emblème de l'administration francouille "vichysto-résistante" de l'époque : le déporteur de Juifs (et tss-tsss pas de "c'était l'Occupatioooon" : Papon sévissait certes à Bordeaux, occupée dès 1940, mais ses comparses raflèrent 11.000 Juifs en août 1942 en zone "libre" - Lyon etc. - sans le moindre uniforme allemand à l'horizon !) devenu massacreur de Maghrébins après s'être rallié au "Général Micro" de 1940. Passerelle entre fascisme d'hier et d'aujourd'hui, de Barrès (d'ailleurs célébré par... Sarkozy en 2007 !) aux "apéros" anti-musulmans et autres "marches des cochons"... Un esprit vichyste toujours bien vivant aujourd'hui, comme peuvent en témoigner Rroms et autres sans-papiers. Quand elle vous le dit, Marine, que la fRance est éternelle !!! 

    Article du PIR :  

    17 octobre 1961 : notre mémoire ne se brade pas !


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    L’année 2011 marque le 50e anniversaire d’une date funeste : le massacre du 17 octobre 1961. Ce jour là, des manifestants (femmes, hommes et enfants) marchaient pacifiquement, à l’appel du FLN, pour dénoncer le couvre-feu discriminatoire dont ils étaient victimes et la dure répression qu’ils subissaient alors.

    Même s’il a fallu pour ce faire attendre quarante années, la plaque commémorative inaugurée en 2001 sur le pont Saint-Michel par le maire de Paris a constitué un premier pas dans la reconnaissance officielle de ce crime. Cette avancée est le fruit du travail de nombreuses générations d’immigrés et de leurs enfants, et perpétué notamment par le collectif « 17 octobre 61 » qui, cette année encore, se mobilise pour que soient pleinement reconnues les responsabilités de l’État français dans ce massacre.

    Un arc de forces de plus en plus large se prononce en faveur de cette revendication. Il faut s’en réjouir. Mais, il est nécessaire également de s’interroger sur les conditions et les ambiguïtés de ce grand ralliement.

    « Ni vengeance, ni repentance », voilà en effet le credo final de l’appel signé par nombre de personnalités et relayé par Mediapart pour la « reconnaissance officielle de la tragédie du 17 octobre 1961 à Paris ». Pour ses rédacteurs, c’est la « justice de la vérité » et la « réconciliation des peuples » qui motivent leur initiative.

    Si l’on s’accorde sur la nécessité d’une reconnaissance du crime par l’État français, qu’est-ce qui est au juste mis en cause sous les termes de « vengeance » et de « repentance » ? Les initiateurs de cet appel craignent-ils que les anciens colonisés et leurs descendants aillent « trop loin », qu’ils et elles fassent preuve de « ressentiment » ou de « haine » ? Même si ces craintes ne sont pas forcément partagées par tous les signataires, cette mise en garde (« Ni vengeance, ni repentance ») est au moins un gage que cette revendication sera portée par des mains supposées responsables. Des mains dont les intentions seraient claires, et qui sauraient, elles, les expliciter face aux sommations récentes pour « en finir avec la repentance coloniale ». Des sommations comme celles énoncées par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Toulon (début 2007), qui nous demandait, à propos des colons d’hier, « de quel droit jugez-vous », « de quel droit demandez-vous aux fils de se repentir des fautes de leurs pères, que souvent leurs pères n’ont commises que dans votre imagination ? » Le Président de la République nous a ainsi prévenus : « si la France a une dette morale, c’est d’abord envers eux ». Pour contrer cette injonction et ce renversement des torts, un débat responsable impliquerait notamment de reconnaître la légitimité du ressentiment des anciens colonisés et de leurs descendants. Nous n’exigeons pas de chaque Français qu’ils se « repente » mais de l’État qu’il reconnaisse ses crimes comme nous exigeons de lui des excuses officielles ainsi que l’inscription dans les programmes scolaires des crimes coloniaux. Les mises en garde de l’appel parrainé par Mediapart sont donc au mieux inappropriées, au pire insultantes.

    La « soirée de fraternité » qui a médiatisé l’appel de Mediapart a aussi été l’occasion de donner une tribune à David Assouline, sénateur, secrétaire national à la communication et la mobilisation du Parti socialiste, et acteur de l’équipe de campagne de Martine Aubry. À ce titre, et à l’aune des prochaines élections présidentielles, il est clair que sa présence et sa prise de parole n’ont rien d’hasardeux. Il est pour le moins particulièrement optimiste d’attendre du Parti socialiste qu’il se saisisse de l’occasion pour entreprendre la reconnaissance de sa propre implication dans les exactions coloniales et sa collaboration dans la consolidation de l’État raciste. L’histoire de ce parti en est indissociable. Souvenons-nous de François Mitterrand, qui en 1954, alors ministre de l’Intérieur, parlait d’ « abjecte rébellion algérienne », de sa « volonté de maintenir l’Algérie dans la République Française » ainsi que celle d’« employer tous les moyens pour préserver la France » : c’est bien lui qui n’admettait pas « de négociations avec les ennemis de la patrie » car « avec eux, la seule négociation, c’est la guerre, la guerre totale jusqu’à leur élimination. » C’est aussi le gouvernement du socialiste Guy Mollet qui, ayant obtenu des « pouvoirs spéciaux », donna pleins pouvoirs à l’armée qui en disposa de la manière que l’on sait en Algérie (tortures à échelle de masse, quadrillage de la population, etc.). Cette politique se poursuit aujourd’hui dans l’implication de ce parti dans toutes les politiques impériales de l’État français, sans négliger son soutien à la colonisation de la Palestine.

    Le rôle des collectifs engagés autour de la mémoire du 17 octobre 1961 n’est pas de livrer cet engagement sur un plateau au Parti socialiste qui feint de se montrer tout disposé à entendre nos revendications alors que des échéances électorales de premier ordre l’attendent.

    La mémoire de cette histoire n’est pas à brader, elle doit être une force vive pour façonner nos luttes d’aujourd’hui et pour comprendre les défis auxquels nous faisons face. Se contenter de mettre l’accent sur la responsabilité exclusive du préfet Maurice Papon constitue, par exemple, un obstacle à la prise en considération de l’implication des plus hauts niveaux de l’appareil d’État dans le crime du 17 octobre.

    Notre travail consiste à faire le lien entre cet événement et le racisme qui organise notre société contemporaine, et notamment avec la perpétuation de violences policières systématisées. Pour exemple, on relève souvent que c’est la petite phrase de Papon (« Pour un coup donné, nous en porterons dix ») qui a donné l’élan suffisant aux agents de la police française et à ses supplétifs pour déchaîner une violence hors du commun qu’ils savaient « autorisée ». Mais aujourd’hui, combien de petites phrases pour déchaîner l’appareil policier ou judiciaire à l’encontre des descendants de colonisés ?

    Deux jours après les révoltes de Villiers-le-Bel, le 29 novembre 2007, Nicolas Sarkozy déclarait devant des policiers et les gendarmes réunis au ministère de la Défense : « Mettez les moyens que vous voulez (...), ça ne peut pas rester impuni, c’est une priorité absolue. » Ces moyens ont notamment consisté en une distribution massive de tracts proposant la rémunération de témoignages anonymes. Il ne faut pas non plus oublier l’extraordinaire descente de CRS, de membres du Raid comme de la police judiciaire, tous en tenues anti-émeutes, qui ont pénétré les immeubles des habitants du quartier, armés de béliers pour défoncer les portes. Aujourd’hui, on parle de probables subornations de témoins. Ces déploiements d’exception ont conduit à l’arrestation de cinq présumés coupables dont le procès en appel est aujourd’hui en cours.

    Garder en mémoire le massacre organisé du 17 octobre 1961, c’est ne pas cesser de remettre en cause le caractère colonial, racial et impérialiste de l’État français.

    Parti des Indigènes de la République, Le 16 octobre 2011.

     

    Article aussi de Rebellyon, avec lien vers des documents d'époque :

    La rafle du 17 octobre (documents d’archives)

    Le 17 octo­bre 1961, en plus du mas­sa­cre per­pé­tré dans les rues de Paris, la Préfecture de police a pla­ni­fié l’incar­cé­ra­tion d’au moins 11 538 per­son­nes d’ori­gine algé­rienne – et 12 520 au plus, en recou­pant dif­fé­ren­tes sour­ces docu­men­tai­res de l’admi­nis­tra­tion. Des per­son­nes entas­sées durant plu­sieurs jours au Stade Coubertin, au Palais des sports de la porte de Versailles, dans le hall du Palais des expo­si­tions, et dans deux cen­tres poli­ciers du 3e arron­dis­se­ment et du quar­tier de l’Opéra.

    Dans ces lieux, selon des témoi­gna­ges concor­dants, plu­sieurs d’entre elles ont été vic­ti­mes d’exé­cu­tions som­mai­res – on estime qu’au moins 200 per­son­nes d’ori­gine algé­rienne ont péri dans la nuit du 17 octo­bre. Des notes confi­den­tiel­les de la Préfecture de police de Paris, alors diri­gée par Maurice Papon, et datées du 18 octo­bre 1961 à 6h30 du matin, comp­ta­bi­lise cette hor­reur. Les per­son­nes arrê­tées sont réper­to­riées par la police sous l’acro­nyme “FMA”, pour Français musul­mans d’Algérie.

    La suite à lire sur : http://owni.fr/2011/10/14/la-rafle-du-17-octobre-1961


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    Médine 17 octobre 1961 par Zindef93

     

    Déclarations communistes pour le cinquantenaire du massacre

    PCmF :

    17 octobre 1961-2011 : Honneur à celles et ceux qui sont tombés
    pour la Justice et la Liberté !


    Le 17 octobre 1961, après la décision du préfet de Paris Maurice Papon d’établir un couvre-feu discriminatoire contre les ressortissants algériens (enfants, femmes, hommes), le Front de Libération Nationale décide d’appeler à une manifestation pacifique de protestation. Bien entendu cette manifestation est interdite.

    De nombreux travailleurs algériens et leurs familles vivent à cette époque dans des bidonvilles, dans une misère indescriptible, avec seulement quelques points d’eau. Les hivers sont très froids à cette époque, le sol est gelé, et seuls des chauffages rudimentaires permettent de faire cuire la nourriture, se laver. L’éclairage est fait de bric et de broc.

    Le bidonville le plus peuplé est celui de Nanterre. C’est de là que vont partir des milliers d’Algériens en cortège vers le centre de Paris où doit se dérouler la manifestation. Le chemin est long.

    Le courage et la détermination des manifestations malgré la fatigue de la journée de travail exercé dans des métiers pénibles et dangereux comme la chaîne à l’usine, le bâtiment, le nettoyage, etc.
     
    Arrivé à hauteur du Pont de Neuilly, un immense barrage de police est déployé. Il bloque la manifestation et attaque le cortège pacifique avec une violence incroyable. Les manifestants sont frappés à coups de crosse de fusil, tirés à vue, frappés à coups de matraque, et pour finir, nombre d’entre eux, ensanglantés, morts, évanouis, sont jetés par-dessus le pont de la Seine où ils se noient dans l’eau glacée.

    Les autres manifestants ou ceux partis d’autres endroits sont raflés par milliers le jour même et les jours suivants, matraqués, jetés comme des chiens dans les paniers à salade. Sur le pont St Michel, les manifestants sont encerclés et tabassés, jetés dans la Seine. Au cinéma Rex où est prévu le regroupement pour démarrer la manifestation, la police tire sur la foule. C’est la grande rafle, comme celle menée par la police parisienne de nuit contre les Juifs qui furent concentrés au Vél’ d’Hiv puis remisés à Beaune la Rolande en attendant leur départ parqués pire que des bêtes dans des wagons à bestiaux scellés, jusque dans les camps de la mort, où ils seront exterminés. À cette époque, Maurice Papon, fonctionnaire scrupuleux au service de l’État fasciste et collaborationniste de Vichy, signait sans état d’âme à Bordeaux l’arrestation de centaines de Juifs qui finiront gazés à Auschwitz.

    De nombreux personnages criminels, tortionnaires du type Papon et autres ont été déclarés irresponsables, n’ayant fait qu’obéir, d’autres furent blanchis comme Bousquet dont Mitterrand est resté l’ami malgré ses turpitudes. La plupart n’ont encourus que de courtes peines, certains furent ignorés, voir aidés à se cacher ou à s’enfuir pour servir contre le communisme, les travailleurs, les mouvements de libération nationale comme le FLN, en Amérique du Sud, en Afrique, en Asie, etc.

    Le 17 octobre 1961, le fascisme, le racisme a montré son visage au grand jour. Ce n’était pas un « incident » passager. La bête immonde tenue en laisse par la classe dominante et son appareil d’État  est en réserve. Aujourd’hui même il faut être vigilant. Une forme de « fascisme moderne » se fait jour au moyen de l’appareil d’État, car ces idées ne sont pas véhiculées que par l’extrême-droite, les groupes fascistes ou néonazis. La montée de cette forme nouvelle peut se développer en utilisant les vieilles méthodes du passé comme le racisme pour diviser les travailleurs. Les conciliateurs et réformistes, en faisant croire que l’on peut dompter le système, le mettre au service de l’homme, paralysent la volonté de la majorité de notre peuple en semant les illusions.

    Nous devons rester vigilants, nous organiser pour que les crimes et horreurs du passé ne soient de nouveau utilisés par la classe dominante pour conserver ce système pourrissant qui porte en lui la guerre comme l’orage porte la tempête.

    Pour en finir avec l’horreur capitaliste ce système, il ne suffit pas de renverser un dictateur ou changer de gouvernement. Les fantastiques révoltes populaires arabes qui sont un pas en avant montrent leurs limites actuelles. Sans direction, sans parti révolutionnaire, la bourgeoisie peut reprendre en main l’appareil d’État en repeignant simplement la façade.

    Ceux qui sont morts il y a 50 ans pour la justice et la liberté, pour un monde meilleur, sous les coups des « chiens de garde » de la classe dominante, nous regardent. Nous avons le devoir de poursuivre leur combat pour la justice et la liberté.
       

    Parti Communiste maoïste de France                Paris le 17 octobre 2011

     


     Coup pour Coup :

    ... construisons la Résistance !

    Nous reproduisons ci-dessous le tract du collectif Coup Pour Coup 87 autour du 17 octobre 1961. 

    Il y a tout juste 50 ans, le 17 octobre 1961 la police française réprimait sauvagement une manifestation d’algérien(ne)s dans les rues de Paris. Ce sont des centaines de personnes, battues à mort, mitraillées ou jetées dans la Seine qui ont péri ce jour-là… Avec la complicité silencieuse d’une bonne partie de la classe politique.

    Et aujourd’hui ?

    La répression frappe les travailleur(e)s sans-papiers ou les populations Roms, comme nous avons pu le voir le 31 août dernier où un camp de Roms situé à Saint Denis a été dévasté, les autorités ont parqué et séparé les hommes des femmes et enfants pour ensuite les expulser du département.

    Les ministres de la République désignent toujours l’étranger ou le « musulman » comme un ennemi ou une menace… Les contrôles au faciès ont toujours lieu et parfois un jeune «des cités » y laisse la vie.

    Au présent ou au passé, le pouvoir a toujours entretenu le racisme pour nous diviser et pour masquer son véritable rôle : organiser notre exploitation ici et le pillage d’une bonne partie de la planète.

    Ceux qui ont colonisé l’Algérie sont aussi ceux qui ont ensuite remis la main sur ses richesses, ceux qui pillent l’Afrique et qui imposent la loi de leurs armes en Afghanistan ou en Irak. L’impérialisme a deux visages : celui d’une misère toujours plus grande pour les travailleur(e)s et pour les peuples, celui de profits toujours plus colossaux pour la classe capitaliste.

    Si l’on fait mine de s’opposer : c’est la répression qui frappe impitoyablement

    Qui sait que le militant pro-palestinien Georges Ibrahim Abdallah entre cette semaine dans sa 28e année de détention en France? Libérable depuis 1999, après sept demandes présentées par ses avocats, les juges refusent toujours de le laisser sortir de prison.

    Son crime : représenter une soi-disant menace pour les intérêts français au Liban, comme l’ont écrit les services secrets français. Georges Ibrahim Abdallah représente le courant communiste et révolutionnaire au sein de la lutte pour la libération de la Palestine, il défend l’idée d’un seul État laïc où juifs, arabes vivraient en paix : c’est certainement cela la menace que craint la France, la menace qui effraie les impérialistes !

    Cette menace c’est la solidarité de classe qui unit tous les exploité(e)s quelle que soit leur origine contre leurs exploiteur(e)s.


    Rendre hommage à celles et ceux qui sont mort(e)s le 17 octobre 1961 c’est combattre l’impérialisme aujourd’hui.

    Organisons la solidarité internationale !

    Liberté pour tous et toutes les prisonnier(e)s politiques révolutionnaires !

     


    Voie Prolétarienne :

    Le 17 octobre 1961, à Paris, le FLN organise une manifestation pacifique contre le couvre-feu imposé aux Algériens depuis le 5 octobre. Elle est durement réprimée par la police qui procède à 15.000 arrestations et se déchaîne contre les Algériens faisant plus de 200 morts.

    1961, un tournant dans la guerre

    Le 8 janvier 1961, par référendum, 75 % des électeurs, las de la guerre, se prononcent pour l’autodétermination en Algérie. En février, les partisans d’une Algérie française créent l’Organisation de l’armée secrète (OAS) qui engage des campagnes de meurtres et d’attentats avec l’espoir d’empêcher l’indépendance. En Algérie, fin avril, des généraux se soulèvent. Ce putsch est un échec. Mais l’action de l’OAS va s’amplifier, en France et en Algérie, contre tous les partisans de l’indépendance de l’Algérie.

    La bourgeoisie accepte l’indépendance, par nécessité et intérêt, mais elle tente de l’imposer à des conditions inacceptables pour le FLN. Elle veut séparer de l’Algérie le Sahara où l’on a trouvé du pétrole. Les négociations engagées en mai avec le FLN échouent en juillet sur cette question. La bourgeoisie va alors combattre le FLN, plus que l’OAS, pour l’affaiblir et imposer à la table des négociations le MNA. En France, les militants FLN sont assassinés par la police et les harkis. Ils ripostent en tuant des policiers. Le 5 octobre, le couvre-feu est imposé aux Algériens à partir de 20 heures.

    Le mouvement ouvrier et le PCF face à l’indépendance du peuple algérien

    Sur l’indépendance de l’Algérie, le PCF a toujours été prudent. Jusqu’en 1956, il la conçoit dans une Union française. Puis, il s’y résout comme étant la seule issue conforme aux intérêts de la France. Le droit à l’indépendance est absent de ses mots-d’ordre. Il veut la Paix en Algérie par la négociation. Au nom de l’action de masse comme seule juste, il refuse son soutien au FLN.

    Ses militants arrêtés pour avoir aidé le FLN sont exclus. Début 1956, il n’hésite pas, voulant une alliance avec le PS, à voter les pouvoirs spéciaux demandés par un gouvernement de gauche qui permettent à celui-ci de renforcer l’effort de guerre et la répression en Algérie. Légaliste, il rejette l’insoumission et la désertion des soldats. Dans les usines, certains communistes soutiennent pourtant leurs camarades algériens. Quelques jeunes militants refusent de servir dans l’armée, comme Alban Liechti ou le fils de Raymond Guyot dirigeant du Parti. Mais ces cas sont isolés.

    La modération du PCF ne paie pas. Avant 1961, ses mobilisations pour la Paix en Algérie ont peu d’écho dans les usines. Les arguments chauvins sur l’intérêt de la France n’amènent pas les ouvriers à soutenir l’indépendance, même s’ils sont contre la guerre. Beaucoup d’ouvriers ont des fils à l’armée. Les Algériens sont pour eux « ceux contre qui on se bat ». En interne, le PCF constate la force des idées colonialistes parmi les travailleurs. Mais plutôt que de les combattre, il s’y adapte pour conserver son influence de masse.

    Le PCF et le 17 octobre.

    Dans les semaines qui précédent le 17 octobre, dans de nombreuses entreprises, la CGT dénonce les rafles d’ouvriers qui disparaissent des ateliers. De son côté, sachant que la manifestation sera réprimée, le FLN demande à des progressistes d’y participer pour témoigner ensuite des actes de la police. Le PCF invité à s’y associer ne répond pas.

    Le 17 au soir, les radios de la Police affirment faussement que des policiers ont été tués. Cela va les déchaîner contre les Algériens dont des centaines seront tabassés à mort et jetés à la Seine. Le bilan de police : 2 morts et des milliers d’arrestations. Le 18, l’Humanité dénonce les violences et sous-entend qu’il y a plus de victimes. Mais, le journal dit ne pas pouvoir tout écrire de crainte d’être censuré. Le bureau politique du PCF « dénonce les sanglants événements » et la CGT appelle à organiser des « protestations et des actions de masse ». Mais les actions à la base sont rares et très minoritaires. Les travailleurs français ne bougent pas pour défendre « leurs frères de classe algériens », comme les y appelle pourtant un tract du PCF à Renault.

    De novembre à février 1962, les travailleurs français se mobilisent contre les assassins de l’OAS qui multiplient les attentats. Ceux-ci attaquent des locaux de la CGT et des progressistes. Il y a des tués. Le 8 février la répression policière d’une manifestation contre l’OAS fait 8 morts, au métro Charonne. Tous militants communistes. Le lendemain, la grève générale de protestation est suivie par 2 millions de travailleurs. Le 13 février, les usines débrayent et plus de 500.000 personnes participent à l’enterrement des victimes.

    L’actualité du 17 octobre

    Pendant ces années de guerre, une fracture a partagé la classe ouvrière. Pour la majorité des ouvriers français seuls sont frères de classe d’autres Français, et pour eux compte plus la défense de la démocratie contre le fascisme que celle de la libération des peuples du joug impérialiste. Cette fracture, le PCF et la CGT ont essayé, vainement, de l’effacer en mettant en avant l’argument économiste les intérêts communs des ouvriers face à leur patron.

    Par chauvinisme (l’indépendance est conforme à l’intérêt de la France), par légalisme (pas de soutien au FLN), pour rester un parti de masse (préserver les positions acquises dans l’État), le PCF a trahi un internationalisme et une solidarité de classe qu’il affirmait en parole. Au contraire, un parti d’avant-garde doit savoir aller à contre-courant des idées dominantes dans la classe ouvrière, en faisant valoir les intérêts du prolétariat international et des peuples dominés, quitte à se couper, momentanément, de beaucoup de travailleurs ou à s’exposer à la répression.

    Gilles Fabre

    À lire aussi
      50 ans après, toujours les mêmes combats !
    Et sur le blog ouvalacgt :
      17 octobre 1961 : mémoire et politique
      17 octobre 1961 : les réactions de la CGT à l’époque

     


     Feu de Prairie :

    Le 17 octobre 1961, entre 20 000 et 30 000 algériens et algériennes défilent dans Paris pour protester contre le couvre-feu et plus généralement pour réclamer l’indépendance de l’Algérie.

    La manifestation a lieu dans un contexte extrêmement tendu. La situation est arrivée au point de non-retour, trois quarts des français sont favorables à l’indépendance de l’Algérie, le putsch des généraux a lamentablement échoué. Mais d’un autre côté l’Organisation Armée Secrète, ne pouvant accepter cette défaite, s’enfonce toujours plus loin dans la barbarie avec la complicité de la police française.

    Paris est donc un lieu d’affrontement entre le FLN et l’OAS, et donc un enjeu politique majeur.

    La manifestation pacifique du 17 octobre met la police sur les dents : commandée par le collabo Maurice Papon, elle se prépare à réprimer durement le rassemblement.

    Face à une population de tous âges, hommes et femmes, vieux et enfants, venant largement des bidonvilles, souvent ouvrière, les flics déploieront une violence incroyable : il y aura 15 000 arrestations et plusieurs centaines de morts, dont plusieurs jetés à la Seine à partir des ponts.

    Ce 17 octobre ne doit donc jamais être oublié. C’est une journée de deuil qui doit rappeler éternellement le courage de la résistance algérienne et la barbarie de l’état français. Pour que les morts ne soient pas tombés en vain il n’y a qu’une seule chose à faire : poursuivre la lutte contre l’impérialisme et le racisme.

    Source: feu de prairie


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    Un excellent documentaire sur ces évènements (durée 1h30) :

     

     


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  • Il y a quelque chose que SLP a parfois évoqué, mais jamais exposé aussi catégoriquement en ces termes : le "p""c""mlm" et la mouvance internationale gravitant autour sont le TROTSKYSME de notre époque (le trotskysme "historique", lui, ayant globalement rejoint la social-démocratie). Pour certains, c'est même quasi explicite : quand une organisation de Colombie prône, pour ce pays, une révolution purement ouvrière, socialiste, à travers... la Grève Politique de Masse ; alors que l'on a là un pays semi-colonial type, archi-écrasé par l'impérialisme US (qui en a fait la "clé de voûte" de sa domination continentale), avec de très importantes masses rurales et des ruraux déplacés (par la pauvreté ou la violence) vers les bidonvilles des grandes aires urbaines ; quel autre nom cela peut-il porter ? [Ici, toutefois, il s’agit peut-être de déviation sincère de cette organisation, contrairement à ses acolytes, nous y reviendrons].

    Au niveau international, ce débat, cette caractérisation et cette dénonciation n'a toutefois que peu d'importance, les organisations concernées étant marginales dans leurs pays respectifs. En revanche, elle en a en "France", historiquement et culturellement terre de l'ultra-radicalisme intellectuel, et de la fascination d'une frange schizophrène du prolétariat et de la petite bourgeoisie déclassée pour ce radicalisme, cette "intransigeance", ce "no compromise" affiché.

    Qu'on se comprenne bien : cela ne veut pas dire qu'ils ont tort sur tout. Servir le Peuple ne raisonne pas en ces termes, que tout ce qui n'est pas à 100% dans sa vision des choses est 100% mauvais. En particulier, cela ne veut pas dire qu'ils ont tort sur les constats. Ce serait justement une grave erreur que de nier la réalité pour combattre l'analyse erronée de celle-ci. Le trotskysme ne repose pas sur des constats faux, sur des "élucubrations".

    Lorsque Trotsky, mais aussi les autres gauchistes, bordiguistes ou "germano-hollandais", disaient qu'une nouvelle bourgeoisie (même s'ils parlaient plutôt de "bureaucratie") était en formation dans la jeune URSS, c'est quelque chose qu'on ne peut évidemment pas nier (même s'il y a sans doute des "ML" et même des "maos" pour le nier, et penser que le "mal" s'est abattu du ciel le jour où l'on a commencé à cracher sur la tombe de "saint" Staline). C'est cette nouvelle bourgeoisie qui, "libérée" par la mort d'un Staline aux "purges" imprévisibles et fatales, a pu se consolider avec Khrouchtchev (mais l'aurait pu aussi avec Beria) et entamer l'instauration d'un capitalisme d’État, puis la restauration du capitalisme tout court (Gorbatchev). Lorsque Trotsky disait que les directives de l'IC au Parti communiste de Chine étaient gravement erronées, et aux conséquences funestes, évidemment que les faits lui ont donné raison, ce ne sont pas les communistes chinois de Mao qui allaient dire le contraire ! Et les maoïstes de l’État turc sont les premiers à dire que les directives de l'IC au PC turc de l'époque, l'analyse du kémalisme etc. étaient complètement fausses. Lorsque Trotsky et les trotskystes (et bordiguistes etc.) mettaient en garde contre la politique des Fronts populaires, on a effectivement vu que ceux-ci (en Europe) ont eu une interprétation de droite, amenant une soumission du mouvement communiste à la gauche bourgeoise : les trotskystes peuvent donc se targuer d'avoir "vu juste".

    Mais le problème n'est pas là ! Le problème, ce n'est pas le constat des dysfonctionnements et des erreurs (parfois très graves) du premier État révolutionnaire du prolétariat et de la première Internationale communiste autour de lui. Le problème, ce sont les conclusions, les analyses qui en sont tirées, systématisées en théorie (d'où découle une pratique) erronée. La théorie selon laquelle le socialisme n'était pas possible dans un seul pays arriéré et encerclé, que la Révolution soviétique était, finalement, "condamnée" dès lors que la révolution avait échoué en Allemagne... La théorie selon laquelle il ne fallait pas faire les Fronts populaires, ni de Fronts d'une manière générale, mais au contraire "entrer" dans les luttes syndicales réformistes (voire les organisations politiques social-démocrates) pour les "pousser en avant" et ensuite "fractionner" quand "la collaboration de classe, la direction social-traître, est démasquée", puis rompre pour lancer la révolution prolétarienne, la grève générale etc., formant un "nouveau Parti bolchévik" (ceci "dans l'idéal" : en pratique, les trotskystes ne rompent qu'en emportant 3 tondus rencontrés à la buvette... on a en fait là une tentative mécanique de reproduire la formation du Parti bolchévik à partir du PSDOR).

    Si l'on revient, maintenant, à nos nouveaux trotskystes, on peut voir exactement la même chose. Dire que les thèses de Prachanda étaient révisionnistes était parfaitement vrai, dire qu'elles "mèneraient à la catastrophe"... nous y sommes. Si l'on reste à la surface des choses, nos nouveaux trotskystes avaient donc "vu juste", "avant tout le monde", et encore "sous les crachats, le boycott, les attaques de toute part" avec ça... Quand nos nouveaux trotskystes disent que la situation au Pays Basque (de la gauche abertzale) est extrêmement délétère et préoccupante, qu'elle ressemble au chemin suivi par les républicains irlandais "provisoires" dans les années 1990 : qui va dire le contraire ? (et la dérive risque encore d'empirer, "confortée" par les récents "succès électoraux"). Quand l'UOCmlm dit que les guérillas marxistes de Colombie ont dérivé vers le révisionnisme armé et parfois des pratiques mafieuses, devenant dans certaines zones un véritable "fléau" de plus pour les masses, en concurrence avec l’État et ses fonctionnaires corrompus, les caciques locaux, les grands propriétaires, les milices d'extrême-droite et le crime organisé, c'est malheureusement la vérité...Et ainsi de suite.

    Le problème, encore une fois, n'est pas là ! Le problème, ce sont les conclusions, érigées ensuite en théories, qui en sont tirées et mises en pratique.

    Du Népal, est tirée la conclusion universelle qu'il faut rejeter "toute souplesse idéologique, stratégique et tactique avec le marxisme-léninisme-maoïsme"... Autrement dit, il ne faut pas faire la révolution, car faire la révolution, mener à son terme la Guerre populaire qui ne se réduit pas à une lutte armée, c'est faire preuve de tactique, c'est avoir une application créative, dans la situation concrète, de la théorie révolutionnaire  ; et c'est ce que le Parti bolchévik, le PC de Chine, le PC du Vietnam, le PC de Grèce, le PC d'Espagne etc. ont fait tout au long de leur histoire, lorsqu'ils étaient révolutionnaires. Cela reviendrait à dire que, PUISQUE la tactique des Fronts populaires et la tactique d'alliance avec des forces bourgeoises "antifascistes" pendant la Résistance ont conduit au thorézisme, au togliattisme etc., il faut refuser toute tactique de ce type, et même toute tactique en général.

    De la même manière, le Mouvement Anti-Impérialiste (MAI) de l’État espagnol prône ainsi "la dénonciation de toute étape intermédiaire", comme par exemple "le programme de IIIe République" en Espagne, qualifié de "réforme politique du vieil État". Gauchisme trotskyste typique, auquel Servir le Peuple répond que la poussée révolutionnaire des masses, si elle ne permet pas immédiatement un "Octobre rouge" 1917, et si elle n'est pas écrasée par la Réaction, peut très bien déboucher sur une "réforme du vieil État" (de l'organisation sociale) de ce type, sous la forme d'un "gouvernement réformiste d'urgence", et que ceci est une étape, oui, 100 fois oui, que les communistes peuvent et doivent utiliser à leur profit pour repartir de l'avant dans la Guerre populaire vers le communisme [d'autant que le réformisme, on y reviendra, contrairement au 20e siècle, est aujourd'hui condamné au-delà du court terme : soit il est renversé par la révolution prolétarienne, soit il l'est par la contre-offensive réactionnaire]. Les réformes de l'organisation sociale capitaliste ne sont "la mort" du mouvement révolutionnaire que si les communistes le veulent bien, et une "excellente" attitude à adopter pour cela est justement de tourner le dos au mouvement réel des masses et de s'enfermer dans l'imprécation sectaire. Les trotskystes de notre époque, comme leurs prédécesseurs historiques, font vraiment la révolution sur la Lune, c'est vraiment le qualificatif qui convient...

    L'analyse correcte, c'est qu'ont émergé dans le PC maoïste du Népal des néo-bourgeois, voire des bourgeois tout court : comme le fait remarquer un camarade indien, les dirigeants "maoïstes" prachandistes ou du clan Bhattarai sont des brahmanes, la caste supérieure du sous-continent indien, très peu sont issus des classes laborieuses. Ces gens ont à un moment donné liquidé la Guerre populaire révolutionnaire, seul moyen de mettre le Peuple au pouvoir, pour s'y mettre... eux, se faire une place au soleil dans une République parlementaire bourgeoise. Mais ceci a des ressorts (culturels et de classe) qu'il est impossible aux gauchistes d'analyser, puisque... ce sont les mêmes que les leurs ! Alors, le révisionnisme réside dans le fait d'avoir "déclaré" ceci ou cela, qui est "thorézien", "trotskyste", "boukharinien", "trois-mondiste" etc. etc. (chercher à "piéger l'opportunisme au détour d'une formule", disait Lénine) : la conséquence devient la cause.

    De la même manière, toujours le MAI parle de "facilité avec laquelle le révisionnisme se travestit et adopte de nouvelles formes sous les habits du maoïsme" : c'est exactement le même idéalisme. Le révisionnisme serait un "esprit" flottant dans les airs et "s'emparant" d'organisations communistes y compris maoïstes. Ils ne comprennent pas que le révisionnisme est l'expression idéologique d'une réalité matérielle ; réalité qui est que le Parti est un instrument aussi indispensable qu'imparfait et que non seulement s'y infiltrent, mais s'y forment, par son fonctionnement même, des éléments qui "font la révolution" non pas pour SERVIR LE PEUPLE, mais pour se servir eux-mêmes, parfois dans l'idée d'intégrer un État bourgeois "réformé" par les luttes qu'ils auront menées, mais parfois dans l'idée claire de renverser la bourgeoisie pour la remplacer par les "cadres révolutionnaires" qu'ils considèrent être. Et l'ultra-radicalisme, l'ultra-maximalisme dogmato-sectaire gauchiste n'est qu'un révisionnisme "de gauche", expression des opportunistes ratés !

    Dans tous les cas, la réalité est que le PC maoïste du Népal et la Guerre populaire sont aujourd'hui en grande déroute en raison de tares remontant aux origines, au début des années 1990, en pleine "fin de l'Histoire" : l'idéologie communiste n'était alors pas "au top de sa forme" et de grands compromis ont été faits dans un souci de "massification" du mouvement révolutionnaire : remplacer Kiran par Prachanda à la tête du Mashal (ancêtre du PCNm), accueillir la "clique Bhattarai" dans le nouveau Parti, centrer l'objectif de la GP sur le renversement de la monarchie et la convocation d'une Constituante, puis finalement rechercher l'alliance des partis bourgeois, etc. Il n'empêche que la Guerre populaire au Népal a le mérite impérissable d'avoir existé (alors que les gauchistes ici ne font rien), et qu'elle a amené la lutte de classe dans ce pays à un niveau supérieur, bien supérieur à ce qu'il était au début des années 90. Il n'empêche que des erreurs "frontistes" du même ordre ont été faites par les communistes chinois, amenant à la catastrophe de 1927 : cela a-t-il définitivement hypothéqué l'avenir du mouvement communiste en Chine ? Cela aurait pu... mais (l'histoire est là) cela n'a pas été. La Révolution chinoise a au contraire illuminé la seconde moitié du 20e siècle. Au Népal, "tout" est peut-être effectivement fini... ou pas.

    Au Pays Basque, la conclusion tirée et d'en appeler à la "centralité ouvrière" et de jeter aux orties la lutte de libération nationale ("cela va exiger des déchirements profonds, dont le symbole sera de remplacer le drapeau basque par le drapeau rouge"). Voilà une conclusion typiquement, 100% trotskyste. Au contraire, Servir le Peuple oppose qu'il faut élever le niveau théorique du mouvement communiste en Europe, qu'il faut une théorie qui UNISSE luttes de classe et luttes de libération nationale dans une même Guerre populaire, et cette théorie c'est l'encerclement du Centre par la Périphérie, véritable universalité de la Guerre populaire. Les régions "périphériques" marginalisées, où se mêlent une petite paysannerie et petite bourgeoisie paupérisée avec une très importante classe ouvrière rurale et des petites villes, sont les "campagnes" de l'Europe, et les "nations sans État" sont dans cette situation [de la même manière, les banlieues-ghettos sont les "campagnes" des grandes métropoles économiques, etc. : l'encerclement du Centre par la Périphérie se fait "en cercles concentriques"].

    Pour l'idée (exposée plus haut) qu'il faudrait, en Colombie, revenir aussi à la "centralité ouvrière" et prôner une révolution socialiste par la Grève Politique de Masse, cela se passe de commentaires... Trotskysme à 300%. Qu'on nous explique la différence avec les thèses morénistes (trotskystes)... Ils nous expliquent certes que c'est "tactique et non stratégique" (ah ? on pourrait donc faire preuve de souplesse tactique avec le MLM ? on n'y comprend plus rien !), mais en pratique cela ne change rien : l'objectif reste une révolution socialiste, purement ouvrière, niant le rôle fondamental de la paysannerie et autres couches semi- ou non-prolétariennes dans ce pays. On peut simplement espérer qu'il s'agisse là d'une dérive gauchiste sincère, car le mouvement communiste colombien a réellement une histoire tragique : entre répression sauvage (par un État fasciste, "clé de voûte" de l'impérialisme US dans la région), trahisons opportunistes, tendances néo-bourgeoises prononcées (indissociable de l'émergence permanente de nouvelles couches dans cette partie du monde) et dérives mafieuses (de "com'zones" guérilleros) ; un mouvement maoïste jamais très important (prédominance du guévarisme ; un groupe, l'EPL, est resté minoritaire parmi les guérillas marxistes et devenu "pro-albanais" à la fin des années 1970, de très petits groupes depuis), etc. On pourrait, dans ce cas, plutôt parler de nouveau bordiguisme (le trotskysme sincère, sans le côté néo-bourgeois affirmé, les manigances, les fumisteries idéologiques etc.). Sur le Népal, l’UOC-mlm rejette l’appui à la ‘fraction rouge’ (terme, il est vrai, mal trouvé !), mais il s’agit peut-être d’un arrêt sincère à l’apparence (les grandes limites idéologiques de ces personnes – Kiran, Basanta, Badal etc. – qui donnent l’impression qu’elles ne ‘rejettent pas’ le révisionnisme de Prachanda), sans voir l’essence, oubliant que un se divise en deux mais que… pour l’instant (hormis deux petits groupes, assez sectaires), le PCNU-M ne s’est pas encore divisé ! Un Parti révisionniste voit toujours le ‘split’ d’une ligne anti-révisionniste, quel que soit le temps que cela prend : dans notre État bourgeois ‘France’, Thorez déversait la pire merde révisionniste depuis les années 1930, et c’est seulement dans les années 60 que les anti-révisionnistes ont dit "ce n’est plus possible, on s’en va" ! De même en Italie (où Togliatti était aux commandes depuis 1938) : dans le genre tardif, on peut difficilement faire mieux ! Et pourtant : c’est de là que sont nées des expériences lumineuses comme l’UJCml et la Gauche Prolétarienne, que le ‘p’’c’’mlm’ se plaît à mettre en avant ces derniers temps, tout en déplorant leur ‘populisme’ (c’est que l’UJCml et la GP, eux, étaient un minimum dans les masses…). Incompréhension, en définitive, du fait que dans un processus réel de masse, la ‘notion temps’ n’est pas du tout la même que dans un processus ‘en chambre’… La réalité quasi certaine, c’est que le ‘bloc’ des Kiran, Badal etc. n’envisage pas de scissionner avec un effectif ridicule derrière eux. La ‘scissionite’, c’est justement un truc de trotskystes ! (même si le droit de tendance est le principe proclamé…)

    En parlant de scissionite, il en va de même, et encore pire, avec l'attitude du collectif "Haine de Classe" de l’État espagnol qui, au nom de "refuser la conciliation avec le révisionnisme" et de sa "plus profonde haine de classe" pour les "conciliateurs", ne trouve rien de mieux que de diviser la solidarité avec la Guerre populaire en Inde dans l’État espagnol (et la solidarité castillanophone dans son ensemble) : pur trotskysme à 800%. Les Comités de solidarité avec la Guerre populaire en Inde sont, en quelque sorte, le "Front international" des maoïstes indiens, dont la direction relève quelque part d'eux et d'eux seuls. C'est à eux, ou du moins à leur Front révolutionnaire démocratique, que revient en définitive de décider quels soutiens ils jugent "opportunistes" ou pas. Certainement pas à un groupuscule du fin fond de l’Europe. En l'occurrence, c'est avec le PCm d'Italie, le PCm de France, le PCR du Canada etc. que les maoïstes indiens ont signé une Déclaration du 1er Mai cette année, mais voyez-vous... le PC d'Inde maoïste (avec 20.000 combattant-e-s rouges et près de 45 ans d'expérience révolutionnaire) ne serait rien de moins que… manipulé (!) par le PCm d'Italie, qui doit compter tout au plus quelques centaines de militant-e-s ! Tout ce verbiage "ultra-radical", de toute façon, ne rime strictement à rien. Le PC d'Inde (maoïste) a rejeté, dès le début et sans appel, la "tactique" des Accords de Paix. C'est une des raisons pour lesquelles il n'a pas fusionné avec le CPI(ML) Naxalbari, sur la position duquel (disons-le en toute sincérité) se serait plutôt retrouvé SLP à l'époque : oui à la tactique des Accords (pour acculer les partis bourgeois dans leurs contradictions), gare aux tentations réformistes, gare aux "balles enrobées de sucre". Il apparaît aujourd'hui que c'est plutôt le CPI(m) qui avait raison. Mais voilà : le CPI(m) est du côté des "signataires du 1er Mai", pour la reconstruction d'une Internationale communiste maoïste, et non du côté des néo-trotskystes. Le CPI(m) ne rejette pas par principe toute tactique ; il soutient résolument l'existence de révolutionnaires au sein du PCNU-M et les appelle à agir d'une manière ou d'une autre (en scissionnant, en rectifiant le Parti, peu importe), tout simplement parce que cela est scientifique. Même si le 'bloc' Kiran-Badal-Basanta-Gaurav-Biplab etc. est dans une position "centriste" entre le CPI(m) et le 'bloc' Prachanda-Bhattarai, les camarades d'Inde appliquent le principe maoïste qui est d'isoler la droite et gagner le centre. 

    Globalement, si l’on regarde la situation du mouvement communiste international, que voit-on ? Prenons un exemple. L’année 2011 aura vu des évènements d’une importance considérable. Les grandes révoltes des peuples arabes auront remis au poste de commandement le principe marxiste que LES MASSES FONT L’HISTOIRE – même s’il leur faut un PARTI pour faire la révolution. Inévitablement, s’est produit ce qui était inévitable : lorsque les révoltes arabes ont atteint des pays considérés jusque là comme "résistants à l’Empire", c’est à dire dont les classes (voire castes) dominantes roulaient des mécaniques devant l’Occident et Israël, on a vu ressurgir le bon vieux campisme : l’idée que ces révoltes étaient illégitimes, n’avaient pas la moindre base matérielle valable, et ne pouvaient être que des "manœuvres" impérialistes pour "mettre la main" sur ces pays. Ce débat n’a pas seulement traversé un certain forum communiste francophone, opposant les révolutionnaires… et les progressistes un minimum humanistes aux rebuts de l’ultra-révisionnisme à la Marchais, et autres défenseurs d’André Gerin. Il a également frappé… la principale organisation internationale anti-impérialiste, marxiste-léniniste et maoïste, à savoir l’ILPS (Ligue Internationale des Peuples en Lutte). La direction de celle-ci, emmenée par les Philippins autour de José Maria Sison, a défendu les positions campistes ; tandis qu’une autre ligne, avec à sa tête les maoïstes du Front révolutionnaire démocratique d’Inde (G.N. Saibaba) les a combattues et a été expulsée. Il ne reste qu’à espérer que cette divergence n’ait pas atteint un niveau d’antagonisme irréversible, et qu’elle puisse encore se résoudre par la critique franche et ouverte et l’autocritique, la vérification et la rectification. Mais, quoi qu’il en soit, le débat sur le campisme est un débat fondamental pour l’élaboration de la conception communiste du monde : est-ce que sont les masses qui font l’histoire ; ou est-ce que ce sont les "petites nations" contre les grandes ; ou encore, est-ce que les masses peuvent avoir "à leur côté" des castes dominantes "rebelles" aux impérialistes occidentaux, quand bien même ces dernières… oppriment et massacrent les masses du Peuple dans leurs pays ???

    Or, dans ce débat, quelle est la position des nouveaux trotskystes ? C’est simple :

    1°/ Ils l’ignorent et n’en parlent même pas ;

    2°/ Ils concentrent leurs attaques, au nom de la "conciliation méprisable avec le révisionnisme prachandiste", contre les organisations… amies du PC d’Inde (maoïste) et celui-ci lui-même (qui se seraient "mis hors de toute identité révolutionnaire" ( !)), au moment même où les maoïstes indiens mènent (dans une large mesure) cette lutte idéologique contre le campisme ;

    3°/ Ils se retrouvent dans la pratique (le ‘p’’c’’mlm’ en tout cas) sur la position des campistes, dénonçant les légitimes révoltes comme une conspiration impérialiste et un ramassis d’islamo-fascistes (comme si, quand bien même manœuvres impérialistes et forces islamistes il y aurait, celles-ci n’avaient pas un terreau OBJECTIF de révolte légitime contre le clan au pouvoir)…

    On a là l’illustration parfaite de tout ce qui précède, et de la position et du rôle de ces groupuscules dans le mouvement communiste international : TROTSKYSME, TROTSKYSME, TROTSKYSME pur et simple.

    Il y a, cependant, une différence fondamentale entre ces trotskystes de notre époque et le trotskysme historique. Ceux-ci diront bien sûr, toujours idéalistes, "idéologistes", que cette différence tient à l'idéologie, LEUR idéologie qui n'a "rien à voir" avec le trotskysme, comme si l'idéologie tombait du ciel, était une "révélation" divine.

    La réalité, c'est que cette différence tient à la capacité réformiste de la bourgeoisie à l'époque du "trotskysme historique" (les années 30, puis l'après-guerre). A cette époque, celle de la crise de 1929 puis de la reconstruction après-guerre, la bourgeoisie monopoliste mondiale avait encore une capacité de réformer l'organisation sociale pour la mettre au niveau des forces productives et de la masse de Capital ; capacité synthétisée économiquement (bien sûr) par John Maynard Keynes : ce sont les fameuses thèses du "soutien (à l'accumulation capitaliste) par la consommation" ; de transformer, par une "politique sociale généreuse", les sociétés de producteurs en sociétés de consommateurs. Ces thèses s'opposant à "l'autre réformisme" : le fascisme... Bien sûr, cette "relance" ne pouvait passer que par la guerre impérialiste mondiale, un repartage général du monde impérialiste et un "grand ménage" de Capital et de forces productives excédentaires : c'est ce qui s'est passé et les tenants du keynésianismes, en tête desquels les États-Unis de Roosevelt, n'y sont pas allé avec le dos de la cuiller ; cependant, à la différence du fascisme, ils n'assumaient pas aussi ouvertement cette nécessité et toute la culture militariste, chauvine, colonialiste, barbare allant avec. La réalité est en fait que, dans la crise générale du capitalisme des années 20-30, se sont affrontées trois "voies de sortie" : la révolution prolétarienne (incarnée alors par l'URSS), la "réforme" fasciste et la réforme keynésienne. On retrouve là, d'ailleurs, très nettement les "trois camps" de la guerre impérialiste mondiale qui va du milieu des années 30 à 1945.

    La social-démocratie était donc, dans les années 1930 et encore plus après la guerre, une force montante. C'est ainsi que les trotskystes (mais pas les bordiguistes et autres gauchistes, "dieu" les en garde !) ont pu développer, dans la 2e moitié des années 30, l'idée d'"entrisme" : intégrer cette force montante, cette dynamique réformiste, perçue comme "l'expression non-stalinienne de la révolution mondiale", et la "pousser en avant", "au maximum", jusqu'à "la rupture" : lorsqu'il n'y aurait "plus de réformes possible sinon la révolution", on aurait alors ceux qui veulent maintenir le capitalisme et ceux qui veulent le renverser, les "marxistes révolutionnaires" trotskystes prenant la tête des seconds pour lancer la "grève générale révolutionnaire" etc. Il faut bien souligner que cette stratégie n'est nullement celle de tous les trotskystes, et que les débats sont vifs sur le fait que Trotsky lui-même l'ait réellement prônée (en tout cas en ces termes). Mais, quoi qu'il en soit, la pratique a existé. Elle se résume, en dernière analyse, à une incompréhension fondamentale du réformisme bourgeois à l'époque de l'impérialisme, et en particulier de ce réformisme bourgeois là : bien sûr que ce réformisme captait, à une très large échelle, les masses ouvrières et travailleuse que les limites de la conception du monde des marxistes-léninistes ne leur avaient pas permis de capter. Mais il n'était pas qu'un réformisme bourgeois "de défense", "de survie", l'expression d'une bourgeoisie acculée, lâchant tout ce qu'elle peut pour sauver l'essentiel. Ceci était bien sûr un aspect : sans poussée révolutionnaire mondiale des masses, sans l'existence de la "menace" (pour la bourgeoisie) soviétique, il n'y aurait pas eu toutes ces concessions de la classe dominante. Mais un autre aspect (en raison duquel la théorie trotskyste ne pouvait pas marcher), c'est que ce réformisme reposait sur une théorie cohérente, économique (Keynes), et praticable : mener une politique sociale d’État généreuse (ce que les États n'avaient jamais, ou très peu pratiqué jusqu'alors) pour relancer l'accumulation capitaliste en transformant les sociétés occidentales (pays impérialistes) en sociétés de consommateurs (les sociétés de producteurs se déplaçant dans les pays fraîchement "décolonisés" et néo-colonisés). Il faut noter, pour être justes, que cette incompréhension a aussi frappé les "staliniens", dans la pratique des Fronts populaires, ce qui a souvent conduit à une soumission des mouvements communistes nationaux à la gauche bourgeoise.

    Aujourd'hui, il est facile de voir que ce n'est plus du tout le cas. Les capacités réformistes de la bourgeoisie sont nulles ou presque. Les États sont surendettés, et ils sont surendettés parce qu’ils ont, justement, multiplié depuis les années 1970 (début de la nouvelle crise) les "amortisseurs sociaux" pour "soutenir la demande" : emploi public, subvention à l'emploi privé, aides sociales de toute sorte [les États qui ont rejeté cela, en premier lieu les États-Unis et la Grande-Bretagne, ont quant à eux laissé la demande reposer sur le crédit (et la protection sociale sur l'assurance privée et les fonds de pension), et ce sont les organismes de crédit et d'"assurance sociale" qui s'effondrent]. Depuis les années 1980 (environ), la social-démocratie est donc une force descendante, déclinante : elle ne gagne les élections, en général, que par accident ou par un ras-le-bol général après une longue période de droite, et en jouant "toujours plus au centre", toujours plus vers la "droite modérée" (comme Blair en Grande-Bretagne ou Schröder en Allemagne, Obama aux États-Unis et peut-être l'an prochain le PS en France). Les trotskystes qui l'avaient intégrée (ou soutenue, en tout cas) pendant sa phase ascendante, on rompu avec cette "dérive social-libérale" pour... finalement "garder le temple", être les derniers gardiens de la social-démocratie de "rupture avec le capitalisme", celle de Mitterrand en 1974 et 1981. Il n'y a bel et bien plus de réforme possible sinon la révolution, mais la "grève générale" qui mettrait la "rupture anticapitaliste" à l'ordre du jour ne vient jamais, bien évidemment.

    Il n'est donc pas faux de dire qu'aujourd'hui il n'y a plus de "voie keynésienne", "réformiste", pour sortir de la crise générale du capitalisme : l'alternative se réduit finalement à la révolution prolétarienne ou le fascisme et la guerre. La social-démocratie et, maintenant, même le "social-libéralisme" (modèle blairiste) s'effondrent en crédibilité et électoralement : après 10 ans de droite dure, dans une situation de crise économique et sociale totale, il n'est même pas acquis que le PS gagne en 2012 ! Pour faire court : si c'est le très centriste Hollande, peut-être ; mais si c'est "la Dame des 35 heures", il est probable que non. Il en va de même, d'ailleurs, pour la "droite humaniste et sociale" héritière du "gaullisme social", de la démocratie-chrétienne et du radical-socialisme, effondrement symbolisé par la déconfiture de Bayrou et le récent forfait de Borloo. Bref : la voie "réformiste démocratique" bourgeoise est bouchée. DONC, la base matérielle de l'idéologie trotskyste dans son rapport avec la social-démocratie a disparu. 

    Nos nouveaux trotskystes ne peuvent donc pas aller exercer leurs talents de ce côté-là. Ce n'est pas une question de "pureté idéologique" qui, telle la grâce du Saint Esprit, les aurait touchés.

    Il reste même suffisamment de petites sectes trotskystes pour assurer la fonction (merveilleuse s'il en est) d'intégrer les fronts de lutte syndicalo-réformistes pour les faire éclater (lorsqu'ils estiment que "la collaboration de classe est démasquée" et que, donc, "les conditions sont mûres"), ce qui leur permet éventuellement de gagner un ou deux militants.

    Ils sont donc condamnés à végéter dans l'aspect uniquement gauchiste du trotskysme : "l'attente critique" (tout le monde, y compris les plus grands, peut dire des conneries : celle-ci est une des plus grosses de Gramsci), regarder passer le mouvement réel en ne faisant que le critiquer, le couvrir d'ordure, en se proclamant "seuls détenteurs de la vérité" et en attendant la "révolution prolétarienne parfaite". Et bien sûr, aligner les théories généralisantes plus erronées les unes que les autres.

    Leur essence de classe, elle, on l'a dit mille fois, est la même : ultra-radicalisme petit-bourgeois intellectuel, petite-bourgeoisie intellectuelle dont la réussite sociale n'est (à son goût) pas à la hauteur du "génie", qui veut donc renverser cette "société capitaliste de merde" et se rêve en "cadres" du rouge futur socialiste... On y retrouve, finalement, la rage et la bave aux lèvres de Trotsky devant la "bureaucratie" de l'URSS "stalinienne" : il aurait aimé, ni plus ni moins, être à leur place (il avait d'ailleurs commencé, pendant la Guerre civile, une très sérieuse résistible ascension...). Leur "scénario révolutionnaire" ressemble finalement, quelque part, à une chute de l'Empire romain avec eux dans le rôle de l'Église : le monde va "s'effondrer" dans la décadence, la barbarie, la guerre civile et impérialiste, le "fracas des armes" (révoltes populaires armées), tout cela "c'est l'actualité en France d'ici 30 ou 40 ans" ; et eux se poseront alors en "Parti de la Science et de la Civilisation". Enfin bon... Heureusement que la société humaine, aujourd'hui, a tout autrement prise sur son destin qu'au 5e siècle de notre ère !

    Il est courant de se prendre au visage, par ces gens, l'épithète de "trotskyste" : mais c'est, en réalité, outre la schizophrénie occidentale qui consiste à reprocher aux autres ce que l'on est, qu'ils se contentent d'assimiler le trotskysme à l'entrisme dans la social-démocratie (pratique du trotskysme en crise : à la fin des années 30 face aux Fronts populaires et à la répression en URSS, en Espagne et dans les PC "staliniens" ; ou encore l'OCI des années 70, complètement isolée dans le mouvement révolutionnaire de l'époque, "entrant" au PS) ; et au devenir social-démocrate des vieilles organisations trotskystes depuis les années 1980. Ils refusent de voir l'essence profonde du trotskysme qui est le gauchisme réactionnaire petit-bourgeois... le même que le leur.

    Non, cela n'a rien à voir avec le trotskysme que de soutenir l'aile gauche du PCNU-M, même si entre la trahison Prachanda-Bhattarai et nous, celle-ci revient à un "centre-gauche" : Mao explique justement que le rôle des révolutionnaires, face aux révisio-réformistes, est de gagner le centre ! Il n'y a rien de trotskyste à considérer qu'un coup d’État fasciste ou une guerre civile réactionnaire contre un gouvernement bourgeois "de gauche" en Amérique latine n'est "pas vraiment" une bonne chose, ni une chose que les communistes peuvent accepter ; c'est au contraire totalement marxiste, même si là-bas les vieux PC révisionnistes et les "vieux maos" des années 1960 répètent à l'infini les erreurs de soumission à la gauche bourgeoise des Fronts populaires des années 1930...

    Considérer que même dans les Partis révisionnistes il y a une gauche que les communistes peuvent tirer vers eux n'a rien à voir avec reconnaître le droit de tendance trotskyste ; considérer qu'il faut agréger à la base, autour des communistes, tous les prolétaires, même sous influence réformiste face aux offensives réactionnaires et au fascisme (sans se soumettre aux directions réformistes) n'a rien à voir avec de l'entrisme : c'est tout simplement la pratique du FRONT UNI, qui est la base du travail révolutionnaire des maoïstes [avec d'autant plus de potentiel, il faut le dire, qu'il y a aujourd'hui beaucoup d'électeurs et de sympathisants mais plus d'organisations réformistes de masse en termes de militants (encadrés idéologiquement)].

    En conclusion, et en dernière analyse, les choses peuvent se résumer ainsi : NOUS SOMMES IL Y A CENT ANS, à un niveau supérieur. Nous ne sommes nullement, comme le prétendent les gauchistes, dans "l'offensive stratégique de la révolution mondiale" (la période 1917-1945 aurait été la "défensive stratégique", et la période 1945-76 "l'équilibre stratégique"). Nous sommes, tout au contraire, au tout début d'une nouvelle vague révolutionnaire. Nous sommes dans la position des "marxistes révolutionnaires" de 1911, à la différence près de l'expérience accumulée depuis cette date.

    La contre-révolution en Chine, la faillite du révisionnisme dans le "bloc soviétique", la défaite de la Guerre populaire au Pérou après celle (20 ans plus tôt) de la "voie cubaine", ont été l'équivalent pour le mouvement communiste de l'écrasement de la Commune de Paris en 1871, pour le mouvement socialiste d'alors. Dans les années 1980 à 2000, comme dans les années 1880-1900, c'est le "possibilisme" qui a dominé : l'idée de se "contenter du possible", d'arracher aux exploiteurs ce qu'il est possible de leur arracher ; pire même : sauver ce qui peut l'être des conquêtes du siècle écoulé (à la fin du 19e siècle il y avait des conquêtes à faire, aujourd'hui il y a des conquêtes à sauver)... Des milliers de "nouveaux Guesde", refusant à l'origine ces orientations réformistes, ont fini par s'y rallier : PCOF, Lutte Ouvrière etc. Malheureusement, c'est sur ces terres possibilistes que se trouve dans l'immense majorité la classe, le prolétariat ; car telle est sa spontanéité. Tels Moïse, nous devons les faire sortir de cette "Égypte" réformiste. Et puis, de "l'autre côté" en apparence, il y a les "maximalistes" de tout poil, que Lénine dénonçait en 1920 mais qui existaient bien avant : les représentants de la petite-bourgeoisie (souvent intellectuelle) "prise de rage" devant les freins que le capitalisme (en crise) met à l'ascension sociale qu'ils "méritent". Mais, là encore, il y a aussi des prolétaires sincères, qui réagissent par le repli sectaire et dogmatique aux compromissions éhontées des leaders opportunistes (les "chasseurs de strapontins" municipaux, parlementaires, voire ministériels). Ceux-là sont ce que Lénine disait de Rosa Luxembourg : des aigles pouvant voler plus bas que les poules ; mais les poules opportunistes, possibilistes, social-démocrates ou social-chauvines ne s'élèveront bien sûr jamais à la hauteur de ces aigles, en termes de maîtrise scientifique du marxisme.

    Entre ces deux abîmes, les marxistes révolutionnaires de notre époque, les MAOÏSTES, doivent patiemment tracer le chemin de la nouvelle révolution prolétarienne mondiale...

     

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    * NOTONS BIEN TOUTEFOIS que si les positions "gauchistes réactionnaires" que nous avons dénoncées dans cet article sont classiquement qualifiées de "trotskystes" par les marxistes-léninistes et les maoïstes, Trotsky lui-même a pu tenir parfois des propos extrêmement proches... de notre position, et notamment au sujet d'un régime beaucoup plus clairement fasciste (l'Italie de Mussolini était sa référence explicite) que ceux de l'ALBA aujourd'hui : « Il règne aujourd’hui au Brésil un régime semi-fasciste qu’aucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, l’Angleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. Je vous le demande : de quel côté serait la classe ouvrière ? Je répondrai pour ma part que, dans ce cas, je serais du côté du Brésil "fasciste" contre l’Angleterre "démocratique". Pourquoi ? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce n’est pas de démocratie ou de fascisme qu’il s’agirait. Si l’Angleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, et enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil l’emportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de l’Angleterre porterait en même temps un coup à l’impérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais. Réellement, il faut n’avoir rien dans la tête pour réduire les antagonismes mondiaux et les conflits militaires à la lutte entre fascisme et démocratie. Il faut apprendre à distinguer sous tous leurs masques les exploiteurs, les esclavagistes et les voleurs ! » (La lutte anti-impérialiste, entretien avec le syndicaliste argentin Fossa, 1938) [ceci sans toutefois perdre de vue, comme on peut le voir, son idée de primauté des grands centres capitalistes-impérialistes dans le "déploiement" de la vague révolutionnaire mondiale (il est bien clair que ce sont les possibilités révolutionnaires en Angleterre qui l'intéressent en premier lieu dans son exemple) ; conception qui fait partie de ce que nous récusons fermement dans le trotskysme].


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  • En parcourant, notamment, un Forum communiste de langue castillane, Servir le Peuple a fini par "mettre le doigt" sur le "problème" qui l'oppose à l'analyse des marxistes-léninistes-maoïstes latino-américains vis-à-vis des "gauches" réformistes bourgeoises qui ont fleuri sur le continent depuis 1998.

    En réalité, il semble que les camarades maoïstes des Amériques fassent une confusion entre :

    - les différentes branches de la classe dominante dans ces pays (compradore, bureaucratique et terrateniente),

    ET

    - les différences de conception du monde au sein même de la classe dominante en question, formant une "droite" ("modérée" ou "ultra", sans parler des fascistes) et une "gauche" (elle aussi "modérée" ou "radicale").

    "Droite" et "gauche" au sein de la classe dominante sont réduites à une simple opposition entre la bourgeoisie bureaucratique d'un côté, et la bourgeoisie compradore (plus les grands propriétaires terriens) de l'autre. Ceci est extrêmement réducteur et simpliste, et conduit les MLM latino-américains à des analyses erronées des situations ou à des "positions de principe" déconnectées du mouvement réel des masses.  Ils se privent, finalement, d'exploiter et de tirer profit des contradictions de la classe dominante.

    Il y a dans tout un courant du MLM une tendance à "l'économie politique déterministe", à rechercher une "froide" base matérielle, un "type" de capitalisme derrière chaque courant politique de la bourgeoisie. Ceci échoue généralement à "rendre" toute la complexité du réel. Ce courant de pensée s'exprime, par exemple, dans l'entité "France", par l'idée qu'il y aurait une "bourgeoisie industrielle" derrière les courants "atlantistes" de la politicaille bourgeoise, et une bourgeoisie "financière" derrière les courants plutôt "souverainistes", anti-américains de la même... Mais Lénine nous enseigne pourtant, dès 1916, que depuis la fin du 19e siècle (probablement les années 1860 du Second Empire en France) l'impérialisme, stade suprême du capitalisme, consiste justement en la fusion du capital industriel et du capital bancaire en un capital financier qui constitue les monopoles.

    Ne serait-il donc pas plus simple (et moins anti-léniniste) de considérer qu'il n'y a en France qu'un seul Grand Capital monopoliste, mais que :

    1°/ il y a des monopolistes dont la base d'accumulation est intimement liée à de bonnes et "loyales" relations avec l'impérialisme US, et qui sont "fondamentalement atlantistes" ; généralement dans le cadre d'un partenariat ouest-européen solide, mais parfois dans un grand euro-scepticisme (De Villiers) ;

    2°/ il y a des monopolistes dont la base d'accumulation est profondément en contradiction avec la superpuissance impérialiste US, et qui sont "fondamentalement atlantophobes" ; là encore, certains peuvent être pour une "Europe forte" face aux US (Chirac, Villepin), d'autres pour le "cavalier seul", "l'indépendance" et la "grandeur de la France" restaurées (Dupont-Aignan, et bien sûr le FN) ;

    3°/ ces courants sont eux-mêmes traversés par le clivage entre droite et "gauche" bourgeoise, c'est à dire (pour la faire courte) entre réactionnaires assumés (politique du bâton) et "modérés" voire "réformistes" (qui pensent qu'il faut user de la carotte vis-à-vis de la "vile multitude"). Ainsi divisé en quatre, l'"échiquier" politique bourgeois rejoint dans la superstructure, le "ciel des idées" si l'on peut dire, les "quatre traditions" issues de la révolution bourgeoise française : bonapartistes et orléanistes (droite) ; jacobins et girondins (gauche). Vous les aurez bien sûr reconnus : les "bonapartistes" sont les "gaullistes", partagés entre "Europe forte" et "cavalier seul", mais plutôt hostiles à l'hégémonie US ; les "orléanistes" sont les giscardo-balladuro-sarkozystes, plutôt atlantophiles et "reagano-thatchériens" ; les "jacobins" sont les "républicains" et "souverainistes" de gauche ; les girondins, les sociaux-libéraux européistes et non-hostiles à un Washington "bleu" (démocrate).

    4°/ MAIS, entre ces 4 "pôles", la grande majorité du Capital monopoliste n'est "fondamentalement" rien du tout, et "tend" majoritairement vers l'un ou l'autre "pôle" en fonction de la situation objective, nationale et mondiale du moment (besoin de carotte ou besoin de bâton ; besoin de contenir le géant US ou besoin de son alliance contre une autre menace...). Se décide, ainsi, de la majorité parlementaire, du gouvernement et de ses orientations...

    Le fascisme, lui, "mixe" un peu tout cela, pouvant dire tout et son contraire ; "jacobin" face aux aspirations libérationistes des peuples et "provincialiste" girondin devant la "France des mille terroirs" (contre la "gauche intello-mondialiste parisienne"), "gaulliste social" (bonapartiste) devant les travailleurs et "reagano-thatchérien" devant les patrons de PME : il n'est pas une idéologie cohérente, mais une forme de gouvernement (dictature terroriste ouverte en lieu et place de la "démocratie" libérale bourgeoise). Il survient quand la bourgeoisie estime majoritairement qu'elle n'a pas d'autre solution.

     

    Pour revenir à notre sujet, l'Amérique latine, quelle est la situation ? Comme dans tous les pays dominés, la situation est semi-coloniale semi-féodale - bien que toutefois, l'aspect semi-féodal ait beaucoup reculé ces 30 dernières années, au profit de l'agro-business.

     

    On peut dire que les pays dominés sont marqués par trois contradictions fondamentales : 

     

    -> la contradiction fondamentale du capitalisme : Capital/Travail, caractère social de la production contre appropriation privée (capitaliste) de la richesse produite (et propriété privée des moyens de production, à la base).

     

    -> la contradiction fondamentale de la féodalité, entre propriété utile du producteur sur ses moyens de production et sa production elle-même, et propriété éminente de l'autorité féodale : c'est l'oppression des grands propriétaires terriens sur les petits paysans (qui "louent", finalement, la terre) ; mais aussi la tendance des "caciques" et autres potentats locaux à "rançonner" les producteurs (paysans ou petits entrepreneurs), le clientélisme etc.

     

    -> enfin, il y a une contradiction spécifique : celle entre le caractère national de la production et la (sur-)appropriation impérialiste (étrangère) d'une grande partie de la richesse produite. 

     

    Il y a ainsi une classe dominante qu'on peut séparer en trois branches

     

    -> la bourgeoisie compradore, qui est l'intermédiaire privé des monopoles impérialistes,

     

    -> la bourgeoisie bureaucratique, c'est à dire les individus qui prospèrent au sein de l'appareil d'Etat, l'administration, l'Armée ; et sont dans un sens l'intermédiaire public de l'impérialisme,

     

    [En fait, histoire de dire à quel point - tout de même - la définition de cette notion de capitalisme/bourgeoisie bureaucratique est mouvante, nous pourrions citer expliquée ici la définition qu'en donnent les maoïstes d’Équateur (PCE - Comité de Reconstruction) : la bourgeoisie bureaucratique est en fait une sorte d'état social... transitoire par lequel (cités en exemple) "de hauts gradés militaires", "des hauts fonctionnaires" ou encore "des politiciens sociaux-démocrates" vont en quelque sorte "squatter" le "vieil État" pour, "une fois accumulé un capital considérable" de cette manière... devenir des bourgeois compradores, "comme déjà Lucio (Guttiérez, colonel chef de file de la destitution du président Mahuad en 2000, puis président à son tour de 2003 à 2005 et s'étant révélé à ce poste bien de droite et "néolibéral"...) avant eux". On voit donc bien qu'en dépit des références citées dans l’œuvre de Mao (sur la Chine du Kuomintang) ou du PCP des années 1970 (cf. ci-dessous), la définition reste relativement floue : on en dégage dans les grandes lignes l'idée d'une bourgeoisie liée ou partie prenante de l'appareil d’État qu'elle utilise pour s'enrichir, éventuellement en le modernisant lorsqu'il est trop archaïque et inadapté pour cela (ou trop au service... de la "vieille" oligarchie) ; comme l'on pourrait dire, et nous avons déjà eu l'occasion de le dire, que la "gauche" bourgeoise en Occident est souvent (bien que comptant des représentants de toutes les "sortes" de bourgeoisie) plutôt majoritairement liée à la bourgeoisie d’État ; là encore hauts fonctionnaires, énarques, cadres supérieurs et dirigeants d'entreprises publiques (semi-publiques aujourd'hui), etc. etc.

     

    La définition qu'en donne, quant à lui, le Parti communiste du Pérou dans sa Ligne Politique Générale définie à son 1er Congrès (1988), et qui devrait (en principe) faire autorité, est que : "1) C'est le capitalisme que l'impérialisme développe dans les pays arriérés et qui comprend les capitaux des grands propriétaires terriens, des grands banquiers et des magnats de la grande bourgeoisie. 2) Il exploite le prolétariat, la paysannerie et la petite bourgeoisie et limite la bourgeoisie moyenne. 3) Il passe par un processus qui fait que le capital bureaucratique se combine avec le pouvoir de l’État et devient capitalisme monopoliste étatique, compradore et féodal ; il en découle qu'en un premier moment il se développe comme grand capital monopoliste non étatique, et en un deuxième moment - quand il se combine avec le pouvoir d’État - il se développe comme capitalisme étatique" ; en d'autres termes, le capitalisme "moderne" et (en lien avec) la forme d’État bien spécifique qu'impulse l'impérialisme dans les pays dominés par lui, à un certain stade de "modernité" de cette domination (au 20e siècle).

     

    Un peu plus loin dans le même texte, il est cependant expliqué que : "Le Président Gonzalo analyse le processus du capitalisme bureaucratique au Pérou de 1895 jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, premier moment de son développement au cours duquel, dans les années 1920, la bourgeoisie compradore assume le contrôle de l’État, déplace les propriétaires terriens tout en respectant leurs intérêts. Le deuxième moment, de la Seconde Guerre mondiale à 1980, est celui de l'élargissement du capitalisme bureaucratique au cours duquel une branche de la grande bourgeoisie devient bourgeoisie bureaucratique ; ceci se produit en 1939, lors du premier gouvernement de Prado quand l’État commence à participer au processus de l'économie. Cette participation, qui ira en augmentant, est due au fait que la grande bourgeoisie est incapable - par manque de capitaux - de développer le capitalisme bureaucratique. C'est ainsi que les deux factions de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique et la compradore, entrent en lutte. En 1968, la bourgeoisie bureaucratique prendra la direction de l’État à travers les forces armées et par le coup d’État du général Velasco provoquant une forte croissance de l'économie d’État. Ainsi par exemple, les entreprises de l’État passèrent de 18 à 180." => là, on rejoint l'idée d'une fraction bourgeoise-oligarchique (au sein du dit capitalisme bureaucratique) qui serait "intégrée" ou se confondrait (pratiquement) avec l'appareil d’État ; et n'hésitant en effet sans doute pas, tout comme les fractions bourgeoises étatistes-dirigistes dans les pays impérialistes, à se présenter comme "la gauche" ("la vision que le Président Gonzalo a du capitalisme bureaucratique est aussi très importante (...) en s'appuyant sur la différenciation qu'il a établi entre les deux factions de la grande bourgeoisie, la bureaucratique et la compradore, afin de ne se mettre à la remorque d'aucune des deux, problème qui mena notre Parti à une tactique erronée durant 30 années", un peu comme ici une lutte idéologique primordiale est de ne pas se mettre à la remorque de "la gauche")...

     

    (De manière plus synthétique, Gonzalo dans une interview au journal El Diario en 1988 : "Sur une base semi-féodale et sous la domination de l'impérialisme se développe une forme de capitalisme tardif, un capitalisme qui naît amarré à la féodalité et soumis à la domination impérialiste (...) le capitalisme bureaucratique se développe lié aux grands capitaux monopolistes qui contrôlent l'économie du pays ; capitaux formés, nous dit Mao, par ceux des grands propriétaires terriens, des grands bourgeois compradores et des grands banquiers, ainsi se forme le capitalisme bureaucratique (...) Ce capitalisme, arrivé à un moment déterminé de son évolution, se combine avec le Pouvoir d'État et utilise les moyens économiques de l'État comme levier ; de cette manière se forme une nouvelle fraction de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique".)

     

    Ou alors, si l'on veut être beaucoup moins conventionnel, pour ne pas dire apocryphe, mais en même temps beaucoup plus compréhensible par rapport à ce que cela veut généralement dire :

    - Les compradores, ce sont les laquais de base, les purs commis de l'impérialisme dans un pays. Les Bongo au Gabon, voilà.

    - La bourgeoisie bureaucratique, ce sont plutôt des gens qui à la base sont des "révolutionnaires" nationalistes bourgeois ; mais dans un contexte où la domination impérialiste rend la révolution bourgeoise impossible. Typiquement, le Kuomintang en Chine : ça a été un parti révolutionnaire au départ. Ou encore, le kémalisme en Turquie. Mais cela peut aussi s'appliquer au Destour de Bourguiba en Tunisie, au FLN algérien, au MNR bolivien ou au PRI mexicain, au nassérisme ou au baathisme arabes, ou encore à des démarches modernisatrices comme celle des Pahlavi en Iran... comme à leurs successeurs de la "révolution islamique" ; bref, à une liste interminable de cas de figure.

    Sauf que comme, on l'a dit, une véritable révolution bourgeoise est impossible sous la domination de l'impérialisme, ces forces finissent tôt ou tard par retomber dans la dépendance et devenir eux aussi des intermédiaires de celui-ci ; sous cette forme, donc, "bureaucratique". En ce sens, il est effectivement possible de dire que quelque part le castrisme, à Cuba, est retombé dans la dépendance et devenu une bourgeoisie bureaucratique au service de l'URSS, etc.

    De fait, le caractère révolutionnaire bourgeois échoué (car impossible) de ces processus rejoint la nécessité impérialiste de modernisation de la production à son service (une certaine "arriération" étant, souvent, ce qui a provoqué le mécontentement...). Mais dans cette compréhension des choses, il faudrait donc alors établir une distinction entre lorsque ces régimes bureaucratiques sont "consolidés" comme nouveaux intermédiaires de l'impérialisme (fût-ce un impérialisme rival de celui dont ils se sont initialement libérés), et lorsqu'ils ne le sont pas encore ; en tout cas, lorsqu'ils sont encore dans la phase où ils jouent un rôle positif pour la condition des masses du pays, et assez souvent dans ces circonstances, peuvent être la cible de contre-attaques féroces de leur ancien maître et de ses alliés ; offensives impérialistes contre lesquelles ils doivent être fermement défendus.]

    -> enfin, la grande propriété terrienne : terratenientes, gamonales, latifundistes, hacenderos... Elle tend à évoluer vers l'agro-business ("salarisation" des paysan-ne-s exploité-e-s). 

     

    [Sur tous ces points, lire ici : http://etoilerouge.chez-alice.fr/perou/pcpdemocratique.html]

    Il est évident que ces trois branches ne vont pas sans frictions entre elles... Mais voilà : les MLM du continent sud-américain identifient complètement la "gauche", en tout cas le réformisme bourgeois, avec la bourgeoisie bureaucratique. La contradiction se résumerait à l'opposition de celle-ci aux compradores et aux propriétaires terriens.

    Il n'est bien sûr pas interdit, ni complètement idiot, de déceler des "colonnes vertébrales" de classe derrière les camps politiques bourgeois. Dans l’État "France", on sait bien que la "colonne vertébrale" idéologique et électorale de la "gauche" (PS et alliés) est la bourgeoisie d’État (les fameux "énarques" et autres hauts-fonctionnaires, les magistrats, ou encore les milieux universitaires, de la recherche etc.) entraînant derrière elle le salariat public (fonctionnaires et entreprises à capital étatique). C'est tout à fait normal : nonobstant un certain étatisme et dirigisme bonaparto-gaulliste, c'est historiquement la social-démocratie qui est favorable à un "État fort", "régulateur", représentant "l'intérêt général", dirigiste vis-à-vis de l'économie. Il est donc normal que la bourgeoisie d’État et le salariat public s'y retrouvent politiquement (ce qui ne les empêche pas d'avoir souvent des conceptions totalement réacs sur les autres questions !). En Amérique latine, il n'y a pas de raison qu'il en soit autrement, surtout que la culture jacobino-bonapartiste française y est très vive, en concurrence avec la culture politique anglo-saxonne. Si le réformisme bourgeois implique de nombreuses nationalisations "patriotiques", un État fort et dirigiste "contre la domination étrangère" ; si le leader, issu de l'Armée, entend bien sûr choyer celle-ci, il est logique que toutes ces forces bourgeoises bureaucratiques se retrouvent derrière ce réformisme.

    Mais les MLM sud-américains font complètement l'impasse sur ce qui fonde principalement le clivage droite/gauche dans une classe dominante. Ils font complètement l'impasse sur l'aspect purement politique, superstructurel des contradictions au sein de la bourgeoisie.

    Le clivage droite/gauche dans une classe dominante repose principalement sur deux choses :

    1°/ La bourgeoisie influence idéologiquement (ce n'est pas un scoop...) le prolétariat et les classes populaires (on peut même dire qu'elle les aliène totalement) ; mais l'inverse est également vrai. Pour Gramsci, la "muraille de classe" n'est pas infranchissable, par aucune idéologie. La bourgeoisie, la classe dominante, peut donc voir certains de ses éléments influencés par la pensée propre aux classes laborieuses, surtout si celle-ci est "arriérée", non-révolutionnaire (mais réformiste, ultra-démocratique). Évidemment, les gens de classe aisée adhérant totalement à l'idéologie révolutionnaire du prolétariat, et y consacrant leur vie (comme le Che), sont très rares. Mais, abstraction faite de l'avant-garde révolutionnaire (armée d'une théorie scientifique), les masses travailleuses sont spontanément réformistes. Cela, des bourgeois peuvent très bien l'accueillir et y adhérer.

    2°/ L'autre facteur, intimement lié au premier, c'est la question de comment la bourgeoisie essaye de préserver sa position. C'est la question de la carotte ou du bâton. Pour les partisans du bâton, quand se lève une contestation, il suffit de l'écraser, de la réprimer. Inconvénient : si l'on n'écrase pas la contestation "sur le coup", on décuple sa rage et sa force... D'autres sont donc partisans de "lâcher du lest" sur certaines revendications des exploité-e-s/opprimé-e-s, afin de faire taire la contestation tout en conservant confortablement leur position de classe. La base matérielle de ces deux camps ? C'est, tout simplement, la situation concrète (générale comme de chacun-e-s).  En réalité, les réformistes et les réactionnaires (ou carrément les fascistes, partisans de la dictature terroriste ouverte) "de conviction" sont, tous réunis, une minorité de la classe dominante (ceux qui "font de la politique", notamment). La grande masse des autres va se déterminer en fonction des circonstances : a-t-on (que ce soit individuellement ou en général) quelque chose (au moins !) à concéder, ou pas ? Là est notamment le distinguo entre période de "croissance" (d'accumulation) et période de crise. Et puis, lorsqu'il y a mouvement de masse, contestation, lutte de classe ouverte : quel est le rapport de force ? Peut-on écraser le mouvement "comme une mouche" ? Vaut-il mieux l'amadouer avec des réformes ? Ou alors, même les réformes ne serviraient à rien et il faut envisager la guerre civile ? [Le fascisme pourrait alors être qualifié de "guerre civile préventive", combinant savamment mobilisation populiste-réactionnaire, mesures sociales et répression féroce : il n'existe pas vraiment d'idéologie fasciste, le fascisme est avant tout une forme de gouvernement - définie par Dimitrov : dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du capital financier (ou de leurs "chiens de garde" dans les pays dominés)].

    En élargissant encore les choses, on peut dire que le capitalisme, même s'il devient toujours plus un frein au développement des forces productives, les développe quand même (exemple : pendant les "Trente glorieuses"). Ce développement des forces productives élève le niveau de la "conscience sociale", des conceptions et des aspirations des masses, de l'idée (en gros) qu'elles se font (spontanément) d'une "bonne" société. Pour maintenir sa position sociale et son mode de production, la bourgeoisie doit s'adapter. Elle doit mettre la superstructure (système juridique écrit et non-écrit des relations sociales, depuis la Constitution jusqu'aux "usages sociaux" non-écrits) en adéquation, au niveau de ces forces productives et de la conscience de masse engendrée.

    Dans un sens, donc, on peut dire aussi que la "gauche" bourgeoise, le réformisme ou "progressisme" bourgeois, ce sont les bourgeois "plus avancés" (pour une multitude de raisons matérielles individuelles) dans la compréhension de cette nécessité d'adapter l'organisation sociale. Les "réacs" sont ceux qui ne vont pas vouloir bousculer leurs habitudes et leur vision du monde ; ou alors, ceux qui pensent qu'en "donnant la main", on va "leur prendre le bras".

    Bien sûr, tout cela se déroule au milieu de grands mouvements de masse. Typiquement, comme l'a déjà expliqué SLP dans l'article "Sur le processus révolutionnaire", il y a deux sortes de "situation révolutionnaire" : 1°/ quand l'organisation sociale est archaïque par rapport au niveau des forces productives et à la "conscience collective" engendrée, ET 2°/ quand, après une période d'accumulation capitaliste et d'élévation constante du niveau de vie, la crise fait s'effondrer celui-ci. Parfois, évidemment, les deux facteurs se combinent (puisque l'accumulation capitaliste, précédant la crise, développe les forces productives et la conscience collective qui va avec). C'est ce qui s'est produit pour la "dernière vague" de "réformismes" en Amérique latine, durement touchée par la "crise asiatique" de 1997 (qui s'est propagée à tous les "pays émergents" comme le Brésil, l'Argentine, le Chili, le Mexique, et de là à tout le continent) : l'archaïsme de l'organisation sociale et l'effondrement du niveau de vie se sont combinés.

    À cela s'ajoute, dans les pays dominés, une "particularité" : c'est (on l'a dit) la contradiction entre caractère national de la production et caractère impérialiste de l'appropriation de la richesse produite ; et l'existence d’une bourgeoisie nationale. C'est à dire une bourgeoisie qui, tout en vivant de la force de travail du pays, ne sert pas d'intermédiaire à l'appropriation impérialiste de la richesse (ou le fait, mais avec dégoût, comme le prolétaire va offrir chaque jour sa force de travail au patron ; et souhaite mettre fin à cette situation). On y rattache les intellectuels à son service (et non au service des intermédiaires de l'impérialisme). Cette classe produit une idéologie que l'on pourrait qualifier de "révolutionnaire bourgeoise patriotique". Cette idéologie, pas plus qu'une autre, ne s'arrête aux "frontières" de classe : elle influence bien sûr (énormément) le prolétariat et la paysannerie pauvre, "semi-prolétaire" ; mais elle arrive aussi aux oreilles de la frange "moderniste" de l'oligarchie dominante. Celle-ci l'accueille d'autant mieux, que cette idéologie ne s'intéresse pas (ou peu) à la contradiction Capital/Travail, tout juste éventuellement à la question de la terre pour les paysans (si l'on prend la terre comme moyen de production, donc capital) ; et qu'elle-même a ses ‘petites’ frictions avec les impérialistes étrangers dont elle est l'intermédiaire. C'est, d'ailleurs, dans cette bourgeoisie nationale au sens large (intellectuels comme Correa ou Garcia Linera, paysans moyens comme Evo Morales, militaires de moyen rang comme Chavez) que le "gauche" dominante recrute les forces et les dirigeants politiques du "changement", chargés de mettre en œuvre les réformes modernisatrices. La "gauche" que nous observons en Amérique latine, depuis la toute fin du siècle dernier, est donc un "mariage" de ce "patriotisme progressiste" bourgeois-national, et des "modernistes" des trois branches de la classe dominante. Ceci n'est comparable à rien d'existant dans les pays impérialistes (ni la moyenne bourgeoisie, ni la petite, ni la "classe moyenne intellectuelle"), puisqu'il n'y existe pas de contradiction entre production nationale et appropriation impérialiste étrangère. 

    Tout ce qui précède éclaire, donc, ce qu'est la "gauche" en Amérique latine. 

    En réalité, plus que de bourgeoisie bureaucratique, ou "nationale" comme le proclameront des courants "maoïsants" tels que le PCR d'Argentine, l'émergence de ces "gauches" ou de ces "national-progressismes" est plutôt liée à l'émergence de nouvelles couches bourgeoises, qui peuvent être aussi bien bureaucratiques que nationales, compradores ou agraires, dans les différents cycles d'accumulation qu'a connu le continent. On peut distinguer 3 vagues :

    -> La vague des années 1930 à 50 [avant elle, il y a déjà eu des "révolutions libérales" en Équateur (1895-1912) et au Mexique (1910-29), la "révolution radicale" en Argentine (1890-1930) etc.]  est liée au grand développement capitaliste du continent dans la première moitié du 20e siècle, notamment en restant à l'écart des deux guerres mondiales (et en devenant le grenier et l'atelier de l'Europe durant celles-ci). Elle est incarnée par le justicialisme de Perón en Argentine (1946-1955), le gétulisme (Getulio Vargas) au Brésil qui domine toute la période de 1930 à 1955, le cardenisme au Mexique (1934-40) ou encore le MNR en Bolivie, qui s'appuiera sur un grand mouvement populaire pour arriver au pouvoir en 1952. On peut aussi citer l'APRA au Pérou (mais celle-ci n'arrivera jamais au pouvoir à cette époque). Toutes ces forces ont la caractéristique d'avoir des dirigeants plutôt grands bourgeois. Ce sont des idéologies populistes, nationalistes, souvent fascinées (au début en tout cas) par les régimes fascistes européens (souvent l'Italie, mais parfois aussi l'Allemagne nazie) - à l'exception notable du Mexique de Cardenas, résolument antifasciste et soutien de la République espagnole ; et absolument pétries de contradictions. Ces contradictions sont symbolisées de manière maximale par le suicide (en 1954) de Vargas, revenu au pouvoir en 1951 sur une ligne plus "social-démocrate". Dans les années 1930, son "État nouveau" était ouvertement inspiré du fascisme européen, avant de se retourner en 1942 et d'entrer en guerre aux côtés des Alliés. Perón, lui, sera renversé après 10 ans de pouvoir par la frange national-catholique conservatrice de l'oligarchie. Le MNR bolivien, après avoir trahi les aspirations populaires de la "Révolution" de 1952, sera renversé par un coup d'Etat  en 1964 (il reviendra aux affaires dans les années 1980-2003, mais comme emblème du "néo-libéralisme" ; c'est aujourd'hui le parti le plus détesté du pays).

    Dans un contexte de mouvement communiste fort (la révolution soviétique battant son plein), ces forces bourgeoises "modernistes" sont également profondément anticommunistes. Le contexte est également un contexte de mutation entre la traditionnelle (depuis le 19e siècle) domination britannique ("pénétrant" plutôt par la côte Atlantique : Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay), et la nouvelle tutelle totale de l'impérialisme US ("pénétrant" plutôt par le Pacifique et la région Caraïbe). D'ailleurs, la seule véritable manifestation de la "guerre impérialiste mondiale de 30 ans" (1914-1945), sur le continent, fut la Guerre du Chaco entre Bolivie et Paraguay (1932-35), opposant en réalité monopoles pétroliers US (Bolivie) et britanniques (Paraguay). Les vétérans de cette guerre sont d'ailleurs à l'origine du MNR en Bolivie.

    Certes, on l'a dit, ces courants "populistes", "justicialistes" et autres "nationalistes révolutionnaires" affichaient des sympathies marquées pour l'Axe nazi-fasciste... Mais ces sympathies étaient aussi celles de tout un Capital monopoliste US, bien évidemment le plus anti-européen, le plus en concurrence avec les monopoles anglais et français (la droite isolationniste, anticommuniste et pro-nazie de Ford, Lindbergh, Hearst etc.). Bien sûr, une fois la mainmise américaine totalement installée, les "populistes" seront dégagés par des coups d’État militaires conservateurs. Dans cette situation complexe, les PC cèderont souvent au browderisme, c'est à dire à l'alliance avec l'impérialisme US "démocratique", "allié de l'URSS" et "vainqueur du nazi-fascisme", contre les "populistes". C'est la "grande catastrophe historique" du marxisme-léninisme latino-américain. La seule grande figure communiste de cette époque est Mariátegui (mais il est mort en 1930...).

    -> La deuxième vague est celle des caudillos militaires "de gauche" des années 1960-70 : les "figures de proue" sont ici essentiellement des hauts gradés de l'Armée. Ce sont les généraux Velasco Alvarado au Pérou (1968-75), contre lequel se construira le PCP maoïste de Gonzalo, Juan José Torres en Bolivie (1970-71, rapidement renversé par le fasciste Banzer), Omar Torrijos au Panama (1968-81) ou encore les "nassériens" d’Équateur sous la conduite de Guillermo Rodriguez Lara (1972-76). En "version civile", il y a évidemment Allende au Chili (1970-73) et le "retour" du couple Perón en Argentine (1973-76). Il y a bien sûr eu un certain développement capitaliste dans les années 1950-60 ; mais cette vague est surtout liée à la concurrence continentale entre l'impérialisme US et le social-impérialisme soviétique, appuyé sur Cuba. Elle est liée, soit à la volonté des Soviétiques d'imposer des dirigeants pro-Kremlin mais en même temps non-communistes et réformistes, antirévolutionnaires (afin que, sans mobilisation de masse, ceux-ci soient complètement à la botte de Moscou), soit, au contraire, à une volonté de "non-alignement", d'échapper à la "logique des blocs", chez une partie de la classe dominante locale (Argentine de Perón, Panama de Torrijos). Là encore, les PC alignés sur l'URSS sombrèrent complètement, soit dans l'appui aveugle au réformisme pour être ensuite laminés par la contre-offensive d'ultra-droite pro-US (Chili, Bolivie), soit dans l'opposition (à nouveau) au "populisme" allant jusqu'au soutien... au coup d’État (PC d'Argentine). De leur côté, les autres forces (pro-chinoises, trotskistes, "guévaristes" etc.) du mouvement révolutionnaire ne surent pas dépasser les limites de leur conception du monde, et subirent elles aussi durement les dictatures réactionnaires terroristes de la contre-offensive US (Plan Condor).

    -> Enfin, la troisième vague est directement issue du "néo-libéralisme", grande offensive mais aussi grande modernisation capitaliste, entraînant une profonde mutation des sociétés (très forte urbanisation de la population notamment, fort recul de la féodalité dans les campagnes - au profit de l'agro-capitalisme - etc.). A ce "néo-libéralisme" a succédé une grande crise économique à partir de 1997 ("crise asiatique"). C'est la vague des Chavez, Morales et Correa qu'on ne présente plus, ou, en version "modérée", "social-libérale", Lula au Brésil, les Kirchner en Argentine, le Frente Amplio en Uruguay, Fernando Lugo au Paraguay etc. "Bourgeois nationaux", ils arrivent au pouvoir après de grandes explosions sociales (Bolivie, Équateur, Argentine) ou des périodes de grande agitation (Brésil avec les Sans-terres, décennie suivant le Caracazo au Venezuela).

    À chaque fois (avec le bémol évoqué pour les années 70), l'analyse la plus probablement juste de la situation est l'émergence de couches nouvelles dans toutes les élites sociales (armée de métier, administration et secteur public, capitalisme comprador intermédiaire entre la richesse nationale et les monopoles impérialistes, capitalisme à base d'accumulation nationale, production agricole, milieux intellectuels) ; couches nouvelles aspirant à une "modernisation" ou un "changement", autrement dit à la mise à niveau de l'organisation sociale avec les forces productives. Mais bien sûr pas, en aucun cas, à une révolution (propriété des moyens de production par les travailleurs eux-mêmes, organisés sous la direction d'un Parti du prolétariat). Dans ce sens de mise à niveau de l'organisation sociale avec les forces productives, on peut parler de réformistes, si l'on s'enlève de l'esprit l'analogie entre un réformiste et un social-démocrate d'Europe du Nord...

    Il faut souligner, car c'est souvent oublié, que quand la droite réactionnaire mène sa contre-offensive (militaire ou "civile"), elle ne revient pas (ou peu) sur cette mise à niveau : elle "ramène l'ordre", écrase l'agitation "radicale" et/ou révolutionnaire, mais ne revient pas en arrière sur les "modernisations".

    Face à cela, on l'a dit, les forces communistes n'ont pas vraiment brillé par leur analyse concrète de la situation concrète, hormis le Parti communiste du Pérou (mais non sans erreurs gauchistes). La réalité, c'est que dans ces situations tout est une question de rapport de force, et surtout de force idéologique, c'est à dire de justesse de la conception du monde et de l'analyse concrète de la situation et de ses potentialités, base de l'hégémonie culturelle. D'un côté, il y a le prolétariat et ses (généralement multiples) organisations communistes. De l'autre, il y a la classe dominante, en l'occurrence divisée entre une droite conservatrice ou réactionnaire et une "gauche" modernisatrice. Au milieu, il y a toutes les forces intermédiaires (paysans, petits et moyens bourgeois nationaux, travailleurs intellectuels), potentiellement progressistes (celles qui ne sont pas aliénées politiquement par la classe dominante).

    À partir de là, SOIT les communistes (avec un Parti ayant une conception correcte du monde et de la situation) jouent des contradictions de la classe dominante (exprimées par l'existence de ces "réformistes-modernistes") et en profitent, pour se renforcer quantitativement et surtout qualitativement, et gagner les forces intermédiaires ; SOIT c'est la "gauche", les "modernistes-réformistes" de la classe dominante, qui gagnent les forces intermédiaires et jouent sur les contradictions des communistes, pour faire triompher parmi eux des conceptions gravement erronées qui les conduisent au fiasco. Cela n'a nul besoin d'un plan concerté et "pensé" de la classe dominante : c'est automatique si aucune organisation communiste n'analyse correctement la situation concrète. Alors, les unes se jetteront dans les bras des "modernistes", des "réformistes", et seront balayées par la contre-offensive réactionnaire (communistes chiliens en 1973) ou entraînées dans la dérive vers la droite des "réformistes" eux-mêmes (actuellement PC révisionnistes de Bolivie, Équateur etc.) ; les autres, faisant des "réformistes" l'ennemi principal, s'allieront de fait avec les forces réactionnaires "dures" (PC argentin contre Perón, MPD actuellement en Équateur ou "Bandera Roja" au Venezuela en 2002 - tous deux "albanais") ; ou encore s'isoleront dans le sectarisme et finalement l'inaction, sans aucune base de masse, etc. 

    Globalement, si l'on synthétise les attitudes vis-à-vis des régimes "de gauche" actuels :

    -> les "révisio-soviétiques" (liés à l'URSS jusqu'en 1991) soutiennent globalement les "processus de changement", "avec des critiques" mais bien maigres... Ils sont SUIVISTES vis-à-vis du mouvement de masse qui a engendré ces gouvernements (en poussant la classe dominante à mettre l'organisation sociale au niveau de la conscience de masse). Ils ne travaillent pas à le porter à un niveau supérieur, révolutionnaire (ni de nouvelle démocratie, ni "populaire anti-impérialiste" : rien du tout). Ils sont rejoints sur ce positionnement par les trotskistes de type "Alan Woods" (Tendance Marxiste Internationale) et "Secrétariat Unifié" (comme notre ex-LCR) ; les représentants brésiliens de ce dernier siégeaient même au gouvernement de Lula, au début.

    -> les "albanais" sont plutôt dans l'opposition frontale, quitte a faire quasi sciemment le jeu de la droite réactionnaire. Le cas le plus édifiant est "Bandera Roja" au Venezuela (exclue pour cela de l'Internationale "albanaise"), mais il y a eu aussi l'attitude du MPD/PCMLE lors du soulèvement policier (fomenté par la droite de Gutiérrez) contre Correa en Équateur. Ils sont plus ou moins rejoints sur cette position par les trotskistes de type moréniste (courant très fort sur le continent).

    -> les "vieux maos" (issus de l'anti-révisionnisme prochinois, scissions des PC révisionnistes à la fin des années 60) rejoignent, globalement, la position des "soviétiques"... Le PCR d'Argentine soutient "critiquement" Chavez et ses alliés de l'ALBA. En revanche, il est plutôt en pointe dans la dénonciation du "système K" (Kirchner). Tout un paradoxe que l'Argentine, car le Parti de la Libération, ex-PC-ML (sorte de "marxisme-léninisme-guévarisme", en lien avec le PTB etc.), soutient quant à lui le "système K" ; alors qu'il avait une position plutôt correcte sur le "retour de Perón" (1973-76), véritable "entracte" entre deux dictatures militaires sauvages ; tandis que le PCR avait lui une position complètement foireuse ! Certains vont en revanche beaucoup plus loin : le PC-mlm de Bolivie a des ministres au gouvernement du MAS, et maintient son soutien envers et contre toutes les mesures réactionnaires ; pire, il serait directement impliqué dans la récente arrestation/extradition de 4 militant-e-s maoïstes d'origine péruvienne. Si c'était avéré, on serait alors dans les tréfonds de la social-trahison...

    Les MLM du continent, globalement, n'ont jamais versé dans l'une ou l'autre de ces dérives extrêmes. Il faut le dire en toute honnêteté. On compte parmi eux l'UOCmlm, le PCE "Sol Rojo" (Équateur), le PC Populaire d'Argentine, et "dieu" sait combien SLP peut être en désaccord total avec ces organisations : sur le Népal (où le PCE-SR en vient à l'insulte et à la menace contre les "centristes" qui, au lieu d'enterrer le Parti maoïste, s'efforcent d'appuyer sa succession) ; sur les guérillas révisionnistes qui seraient "l'équivalent" de l’État fasciste en Colombie (comment une force mourante pourrait-elle, déjà pour commencer, être l'équivalent d'un fascisme d’État en pleine vigueur ?) ; etc. L'UOCmlm est même d'un atypisme théorique total : ils prônent pour la Colombie la révolution socialiste par la Grève Politique de Masse ! Néanmoins, leur pratique n'a jamais versé dans l'ignoble ou la naïveté totale, et il faut le souligner.

    Pour autant, ils ont adopté un "ni-ni" sectaire, dogmatique et finalement stérile qui les a conduit à s'isoler du mouvement réel. La caractérisation des "bolivarismes" comme "le fascisme latino-américain", qui serait opposé à une "droite compradore" (?), est complètement à côté de la plaque et impliquerait, logiquement, que ces régimes soient l'ennemi principal. En Bolivie, le FRP-MLM a au moins une caractérisation correcte : "réformisme du MAS" et "fascisme de la Media Luna" (région "basse" du pays, avec pour capitale Santa Cruz). C'est très important du point de vue (Dimitrov) de l'identification correcte du fascisme par les communistes et le prolétariat. Mais il lance un "ni-ni" à un moment (juillet 2008) où la guerre civile réactionnaire menaçait. Était-ce vraiment la meilleure position à adopter ? La meilleure ligne de masse ? N'aurait-il pas mieux valu, même si c'était "pour rien" (la guerre civile n'a finalement pas eu lieu), s'inspirer à ce moment-là de la ligne du PC d'Espagne en 1936 ? 

    Servir le Peuple a donné sa position sur la question : Retour sur la situation en Amérique du Sud
    Sans la prétention d'une analyse parfaite de la situation (la connaissant un peu, mais n'étant pas sur place), la ligne à suivre est posée de manière simple : être toujours DANS LE CAMP DU PEUPLE (le prolétariat, les paysans pauvres, les indigènes, tou-te-s les exploité-e-s et opprimé-e-s), toujours à ses côtés. Prêts à organiser des milices de résistance populaire contre un coup d’État réactionnaire à la Pinochet ; mais tout aussi prêt à riposter à la première mesure antipopulaire et social-traître des réformistes. De cette manière, élever qualitativement le "mouvement social" en mouvement populaire révolutionnaire autour du Parti et de son Front uni ; et être prêts à riposter aussi bien face à une contre-offensive réactionnaire (putschiste ou... par les urnes, ou encore une "révolution colorée") que face à un pourrissement et un dévoilement réactionnaire ouvert des réformistes. Ceci permettant peut-être, si le travail politique a été suffisant, de transformer cette riposte populaire en Guerre populaire, finissant par instaurer la Nouvelle démocratie.

    Il ne suffit pas de clamer "ni-ni, no votar !, Guerre populaire". La Guerre populaire doit d'abord être conçue, c'est à dire qu'il faut une idée très précise de son contenu, de sa stratégie guidant ses tactiques, dans les conditions concrètes du pays considéré. Ensuite, elle se construit par un lent et patient travail de masse, elle ne se proclame pas, ne s'incante pas, ne se "décrète" pas... 

    Pour conclure, il y a aussi des forces "inclassables" (dans une des précédentes catégories) : Parti communiste Sol Rojo de Bolivie (positions et analyses intéressantes, se réclamant du MLM et de Neptal Viris, un révolutionnaire des années 70) ; Jeunesse Marxiste Révolutionnaire de Cali (Colombie, maoïste) ; et récemment une "Fraccion Roja" (ML "maoïsante") qui s'est formée en Bolivie contre les "siamois du révisionnisme", le PC bolivien et le PC-"mlm", et contre le réformisme de plus en plus ouvertement social-traître du MAS...



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  • Par Indra Mohan Sigdel ‘Basanta’ (sur The Next Front)

    http://thenextfront.com/wp-content/uploads/2011/10/BASANTA1-150x150.jpgLe mouvement communiste international a traversé jusqu'à aujourd'hui 162 années depuis que le Manifeste Communiste a été publié en 1848. Un bilan détaillé de ces 162 ans d'histoire des Partis communistes à travers le monde suffirait à remplir quelques gros volumes... Il est très difficile de condenser un aussi vaste sujet en un article de deux ou trois pages. Nous nous centrerons donc principalement sur des questions comme : que signifie une lutte entre deux lignes dans un Parti communiste, où est comment a été son expression centrale dans l'histoire du mouvement communiste, pour une brève discussion dans cet article. Et, un effort sera fait pour dévoiler le contenu de l'actuelle lutte entre deux lignes dans notre Parti et expliquer en quoi elle n'est pas différente dans son contenu de toutes les luttes entre deux lignes menées dans le mouvement communiste international jusqu'à aujourd'hui.

    Une lutte entre deux lignes est une lutte politique et idéologique, qui se déroule entre une ligne marxiste et une ligne non-marxiste, c'est à dire bourgeoise, dans un Parti communiste. En d'autres mots, la lutte entre deux lignes est par essence une lutte entre deux voies, dans laquelle les uns s'efforcent de maintenir fermement le marxisme comme visant à aller vers l'établissement du communisme, et les autres définissent le marxisme comme accepter le besoin de réforme partielle dans le statu quo. La lutte de classe existe tant que les classes existent dans une société et elle se reflète dans la lutte idéologique au sein du Parti communiste. C'est la vie d'un Parti communiste. La base philosophique d'un Parti communiste est le marxisme. Et, comme le marxisme est une science en développement, le marxisme actuel est le marxisme-léninisme-maoïsme.

    Il y a un grand nombre de Partis communistes dans chaque pays, et chacun proclame d'être authentiquement marxiste. Dans notre pays aussi, un très grand nombre de Partis existent à ce jour. Il s'agit d'être bien clair sur le fait que tel ou tel soit marxiste ou pas, et sur quel sont ses critères pour être marxiste, nonobstant le fait de proclamer l'être. Le marxisme est une compréhension globale, et il a trois composantes. La première est la philosophie : c'est le matérialisme dialectique et historique. La seconde est le socialisme scientifique et la troisième est l'économie politique. La philosophie marxiste apporte une direction idéologique à la révolution prolétarienne. Le socialisme scientifique est le système politique de transition qui guide le processus entier de transformation du capitalisme en communisme. Enfin, l'économie politique marxiste commande d'établir un mode de production socialisé à la place du capitalisme, afin de faire de chaque travailleur le propriétaire de son travail. Ce sont les questions fondamentales du marxisme. Dévier d'un seul de ces aspects, c'est prendre la voie du réformisme. Pour un réformiste, il est facile d'attaquer sur la méthodologie, mais il n'est pas autant facile d'attaquer sur les principes. Cela ne veut pas dire que les représentants bourgeois n'attaquent pas la philosophie marxiste. Actuellement, les révisionnistes attaquent principalement sur la lutte violente, qui joue un rôle essentiel pour établir un système socialiste, et la dictature du prolétariat, qui est nécessaire pour le défendre et le développer.

    Lénine, dans l'Etat et la Révolution, écrit : "Il est souvent dit et écrit que le point principal dans la théorie de Marx est la lutte des classes. Mais c'est faux. Et cette fausse notion aboutit très souvent à une altération opportuniste du marxisme et à sa falsification dans un esprit acceptable pour la bourgeoisie. Quant à la théorie de la lutte des classes, elle n'a pas été créée par Marx, mais par la bourgeoisie avant Marx et, en général, elle est acceptable pour la bourgeoisie. Ceux qui reconnaissent seulement la lutte des classes ne sont pas encore des marxistes ; ils peuvent toujours se trouver dans les limites de la pensée  et  de la politique bourgeoise. Limiter le marxisme à la théorie  de la lutte des classes signifie tronquer le marxisme, le déformant, le réduisant à quelque chose acceptable pour la bourgeoisie. Seul est marxiste celui-qui prolonge l'identification de la lutte des classes à l'identification de la dictature du prolétariat. C'est ce qui constitue la distinction la plus profonde entre le marxiste et l'ordinaire petit (aussi bien que grand) bourgeois. C'est la pierre de touche sur laquelle la compréhension réelle et l'identification de marxisme doit être évaluée".

     

    La lutte entre deux lignes dans le mouvement communiste international s'est manifestée sous de différentes formes, mais en dernière analyse, elle est centrée sur la question de soit avancer sur la voie de la révolution ininterrompue sous la dictature du prolétariat, soit suivre le chemin de la réconciliation de classe.

    En dehors de l'attaque révisionniste contre la dictature du prolétariat, nous avons également des attaques vigoureuses contre deux autres composants du marxisme. Sur l'unité et la lutte des contraires, le marxisme enseigne que la lutte est absolue et l'unité relative. Les révisionnistes ont attaqué sur cette notion. Au temps de la Révolution culturelle, un intellectuel chinois, Yang Hsien Chen, a mis en avant une conception éclectique de "deux se combinent en un" en opposition à la conception dialectique de "un se divise en deux". Ceci se pose contre la conception matérialiste dialectique que l'unité entre deux contraires est relative et la lutte entre eux est absolue. Le Parti communiste de Chine dirigé par Mao s'opposa fermement à cela. Il affirma que c'était la voie vers la collaboration de classe en lieu et place de la lutte des classes et de la dictature du prolétariat. En réalité, le principe selon lequel la l'unité entre deux contraires est absolue et la lutte est relative était la racine idéologique derrière la contre-révolution en Chine.

     

    Lorsque nous regardons en arrière, nous voyons que cette lutte a eu lieu dans le mouvement communiste népalais aussi. Au Congrès d'Unité de 1992, Ruplal Viswakarma a défendu la thèse que l'unité est absolue et la lutte est relative. Là où cette conception l'a amené aujourd'hui, est clair pour tout le monde. Héritage de cela, la conception de notre leadership selon laquelle la libération du Népal et du peuple népalais réside dans la fusion du matérialisme et de l'idéalisme l'a maintenant conduit à désarmer l'Armée populaire en remettant les clés des containers d'armes à la Réaction. En plus de cela, le Premier ministre maoïste (Bhattarai NDLR) a maintenant ordonné à la police de restituer les terres aux grands propriétaires, en les reprenant aux sans-terres et aux paysans pauvres qui les ont occupées, avec l'aide de l'Armée populaire, quand la Guerre populaire avançait. Ce ne serait pas une surprise si notre leadership, qui déclare aujourd'hui "martyrs" ces gens qui sont tombés des deux côtés pendant la Guerre, déclare demain "criminels" ces camarades révolutionnaires et disciplinés à qui il ordonnait de mener des actions contre l'ennemi de classe hier... Une idée selon laquelle nous devons travailler amicalement avec la classe dominante indienne pour défendre la souveraineté nationale du Népal est en train de devenir dominante dans notre Parti. C'est de la capitulation nationale. Et tout cela est une expression de la collaboration de classe et sa base idéologique est l'éclectisme. La lutte entre deux lignes, qui se déroule dans notre Parti, est à son paroxysme aujourd'hui.

    L'usage de la force joue un rôle essentiel dans le transfert du pouvoir étatique d'une classe à une autre. C'est le premier point que Marx nous a enseigné sur comment prendre le pouvoir. Le second point est qu'un système de transition, qui existe pour une longue période entre capitalisme et communisme, est le socialisme et il s'exprime sous la forme de la dictature du prolétariat. Mais les révisionnistes à travers le monde ont toujours attaqué l'essence même du marxisme. Leur cible, de Kautsky à Bernstein et de Khrouchtchev à Deng Xiaoping, a été d'attaquer la théorie de la violence révolutionnaire et de la dictature du prolétariat, et les révisionnistes aujourd'hui font la même chose. Khrouchtchev a attaqué l'usage de la force au nom de la transition pacifique et la dictature du prolétariat au nom de l'Etat "du peuple entier". Durant le grand débat des années 70, Mao n'a pas seulement lutté idéologiquement contre le révisionnisme khrouchtcheviste, mais a aussi déclaré que la lutte des classes existe tout au long de la période du socialisme. Ceci est connu comme la théorie de la révolution ininterrompue.

    Tout comme les révisionnistes d'autres pays, les révisionnistes du Népal se sont aussi opposés au rôle essentiel de la violence pour faire la révolution, et à la dictature du prolétariat. Dans l'histoire du mouvement communiste au Népal, le révisionnisme a formellement son origine dans l'appel de Manmohan au Roi en 1957, dans lequel il dit qu'il propagera le socialisme pacifiquement. La lutte de classe révolutionnaire qui a commencé sous la forme de la Rébellion de Jhapa en 1972 a maintenant amené à une démocratie multipartite, après que le premier PCN (ML) ait adopté formellement le révisionnisme khrouchtchéviste, la ligne de transitions pacifique comme leur ligne. Le peuple népalais a été  témoin que la grande Guerre populaire, initiée en février 1996, a amené de grands changements dans la société népalaise. Mais le peuple népalais n'a pas aujourd'hui le pouvoir populaire que 10 ans de Guerre populaire avaient établi. Les gouvernements populaires locaux ont été dissous. Les armes qui avaient été acquises par le sacrifice de dizaines de milliers de vaillant-e-s fils et filles du peuple népalais ont été rangés dans des containers et leur clés ont maintenant été remises entre les mains des réactionnaires. L'Armée populaire construite soi-disant pour prévenir la contre-révolution et amener le peuple népalais au communisme est maintenant au seuil de la liquidation, au nom de l'"intégration" et de la "réhabilitation". Cela a amené le peuple népalais dans la situation dont Mao disait : "sans l'Armée le peuple n'a rien". Ce n'est pas qu'une question technique liée aux clés des containers, mais une question théorique. Cela montre comment le rôle de l'Armée populaire, mandataire du prolétariat pour prendre le pouvoir et poursuivre la révolution sous sa dictature, est nié. C'est du capitulationnisme de classe ouvert...

     

    La lutte entre deux lignes au sein du Parti Communiste Unifié du Népal (maoïste) est maintenant centrée sur la question de maintenir l'Armée populaire avec ses armes et de l'intégrer pour former une armée nationale, ou de la reconvertir en gardes forestiers en la désarmant ; lutter pour établir la Nouvelle démocratie et le socialisme à travers la République populaire fédérale et lutter pour l'indépendance nationale ou s'agenouiller devant l'expansionnisme indien. Notre direction a capitulé devant l'ennemi en désarmant l'Armée populaire, et a violé le document de la réunion du Comité central à Paris Height (2009). Dans ce document il est dit : "l'intégration de l'Armée et l'agenda de réhabilitation doivent être menés simultanément. Nous devons rester d'une totale vigilance contre les menées réactionnaires pour affaiblir et désarmer notre Parti, en intégrant et réhabilitant l'Armée populaire avant que la Constitution ne soit écrite". Sous cet éclairage, bien que différent dans la forme, le contenu de la lutte entre deux lignes qui se déroule dans notre Parti en ce moment n'est pas différent de celui de la lutte entre marxisme et révisionnisme qui a eu lieu dans la mouvement communiste international par le passé.

    Le programme économique des révolutionnaires communistes est de mettre fin à la propriété privée des moyens de production, et établir à sa place des rapports de productions socialisés. Cela résout la contradiction entre Capital et Travail qui existe dans la société capitaliste. Cependant, les agents bourgeois, qui pénètrent dans un Parti communiste, attaquent le mode de production socialiste et insistent sur le développement des forces productives. Le 8e Congrès du Parti communiste de Chine avait mis l'accent sur la nécessité de développer les forces productives, en disant que la contradiction entre les nécessités matérielles croissantes des masses populaires et le retard des forces productives était la contradiction principale en Chine. Les mots de Deng Xiaoping, "peu importe qu'un chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape des souris", dévoilent que l'objectif était le développement du capitalisme. Au temps de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne, les révolutionnaires de Chine ont au contraire adopté pour politique de donner la priorité aux rapports de production socialisés, se basant sur le slogan : "Faire la révolution, promouvoir la production".

    Sous la direction du prolétariat, le peuple népalais a participé à de grands mouvements de masse et à la grande Guerre populaire de 10 ans entre 1996 et 2006, en donnant un exemple éclatant de sacrifice. Dans ce processus, la monarchie féodale centralisée, qui a dirigé le Népal durant 240 ans, a pris fin. Certains leaders de notre Parti, qui considèrent cela comme l'accomplissement de la révolution politique, ont parlé d'aller à partir de là vers la transformation économique [NDLR : très proche de l'analyse de SLP]. Ceci est totalement erroné. Même si la monarchie a été abolie, le Népal est toujours un pays semi-féodal et semi-colonial. La "révolution" économique, que l'on dit pouvoir mener sur ce type de base socio-économique, ne saurait être que la croissance du capitalisme comprador et bureaucratique, pas du capitalisme national. Ce genre de développement économique ne peut rien faire d'autre qu'engraisser une poignée de bourgeois compradores et appauvrir le pays et le peuple tout entier. Par conséquent, la lutte entre deux lignes en cours dans notre Parti est centrée sur la lutte pour établir une République populaire fédérale afin de paver la voie au développement du capital national et ainsi créer bâtir les fondations de l'économie socialiste, ou, au contraire, introduire dans le jeu le capital financier des pays impérialistes, dans le statu quo, et ce faisant engraisser la bourgeoisie compradore.

    L'analyse qui précède clarifie que la lutte entre deux lignes se poursuit continuellement dans un Parti communiste, sur les contenus de la philosophie marxiste, du socialisme scientifique et de l'économie politique. Ceci vaut également pour notre Parti. Dans l'objectif de renforcer la base économique socialiste, le pouvoir prolétarien poursuit la révolution sous la dictature du prolétariat, sur la base du marxisme, et ce processus pave la voie vers le communisme. Les révisionnistes attaquent parfois le contenu de la philosophie marxiste, parfois sur la dictature du prolétariat et parfois sur l'essence de l'économie socialiste. La lutte entre deux lignes en cours dans notre Parti n'est pas éloignée de cela. Afin de vaincre le révisionnisme de droite et unir le Parti sur la base idéologique du marxisme-léninisme-maoïsme, un révolutionnaire maoïste doit défendre le matérialisme historique et dialectique, la révolution ininterrompue sous la dictature du prolétariat et l'économie socialiste. C'est la tâche historique de tout révolutionnaire au Népal d'accomplir la révolution de nouvelle démocratie et paver la voie vers le socialisme.

    25 septembre 2011

     

    Citation : "prétendre refaire l'histoire en inventant une lutte de lignes au Népal n'a pas de sens".

     

    CQFD... No comment.

     

    On pourrait répéter pour la 101e fois que le "centrisme" N'EXISTE PAS, que le "centrisme" ne pourrait être que "libéralisme", "compréhension" et conciliation envers les thèses et les agissements du bloc Prachanda-Bhattarai et que cela n'existe nulle part ; que l'affirmation de l'existence d'une lutte de lignes et d'une ligne "rouge", révolutionnaire (même "limitée" dans ses conceptions), comme on en a la preuve sous les yeux, n'est en rien du centrisme... mais le problème, c'est que cela ne peut pas être dit plus clairement que ça l'a déjà été. Le problème, c'est que les ultra-gauchistes ne veulent rien entendre, car leur but (éternel, historique) n'est pas de sauver la révolution au Népal, mais de la SABOTER et de saboter (d'ailleurs) toute la nouvelle vague révolutionnaire mondiale. D’ailleurs, ces gens ignorent leur propre (prétendue) idéologie : Mao a toujours dit qu’il fallait gagner le centre, les forces intermédiaires, pour isoler la droite ; et non qu’il fallait "écraser le centre"… 

     

    Il n'est donc plus la peine de discuter. Tout ce qu'il y a à faire, c'est de distinguer éventuellement les gauchistes sincères (comme peut-être l'UOC-mlm) du reste, et de dénoncer les autres pour ce qu'ils sont (des néo-bourgeois en puissance, préférant la posture "intransigeante" à la posture conciliatrice et "vibrant" dans leur radicalisme affiché), afin que les masses s'en souviennent et ne tombent pas dans le panneau de leur ultra-radicalisme de façade. Pour cela, il y a les colonnes de Servir le Peuple...

     


    votre commentaire

  • Il n'est jamais de trop de la rappeler. C'est une autre ligne de démarcation absolue (comme la GRCP, etc.) entre les maoïstes et les ‘‘pseudos’’ (sans même parler des hoxhistes et autres ‘‘révisionnistes orthodoxes’’ de tout poil). Qui ne reconnaît pas cette critique, ce dépassement par la gauche du "stalinisme" (marxisme-léninisme appliqué par le PCbUS et le Komintern puis le Kominform de 1922 à 1953) qu’a été le maoïsme, non seulement en paroles mais en pratique, n'est pas réellement maoïste.

    Il s'agit d'un article des rédactions du Renmin Ribao et du Hongqi, « Sur la question de Staline - À propos de la lettre ouverte du Comité central du P.C.U.S. (II) » (13 septembre 1963), compilé dans Débat sur la ligne générale du mouvement communiste international (1963-1964), Beijing, Éditions en langues étrangères, 1965, p. 123-148.

    Ce texte est réputé avoir été écrit par Mao lui-même, ou tout au moins sous sa supervision.

    mao-zedong-1.jpg« Le PCC a toujours estimé qu'il faut faire une analyse complète, objective et scientifique des mérites et des erreurs de Staline, en recourant à la méthode du matérialisme historique et en représentant l'histoire telle qu'elle est, et non pas répudier Staline de façon totale, subjective et grossière, en recourant à la méthode de l'idéalisme historique, en déformant et en altérant à plaisir l'histoire.

    « Le PCC a toujours considéré que Staline a commis un certain nombre d'erreurs qui ont une source soit idéologique soit sociale et historique. La critique des erreurs de Staline, celles qui effectivement furent commises par lui et non pas celles qu'on lui attribue sans aucun fondement, est chose nécessaire lorsqu'elle est faite à partir d'une position et par des méthodes correctes. Mais nous avons toujours été contre la critique de Staline lorsqu'elle est faite d'une façon incorrecte, c'est-à-dire à partir d'une position et par des méthodes erronées. » (...)

    « Il est vrai que tout en accomplissant des exploits méritoires en faveur du peuple soviétique et du mouvement communiste international, le grand marxiste-léniniste et révolutionnaire prolétarien que fut Staline commit aussi des erreurs. Des erreurs de Staline, certaines sont des erreurs de principe, d'autres furent commises dans le travail pratique ; certaines auraient pu être évitées tandis que d'autres étaient difficilement évitables en l'absence de tout précédent dans la dictature du prolétariat auquel on pût se référer.

    « Dans certains problèmes, la méthode de pensée de Staline s'écarta du matérialisme dialectique pour tomber dans la métaphysique et le subjectivisme, et, de ce fait, il lui arriva parfois de s'écarter de la réalité et de se détacher des masses. Dans les luttes menées au sein du Parti comme en dehors, il confondit, à certains moments et dans certains problèmes, les deux catégories de contradictions de nature différente - contradictions entre l'ennemi et nous, et contradictions au sein du peuple - de même que les méthodes différentes pour la solution de ces deux catégories de contradictions. Le travail de liquidation de la contre-révolution, entrepris sous sa direction, permit de châtier à juste titre nombre d'éléments contre-révolutionnaires qui devaient l'être ; cependant, des gens honnêtes furent aussi injustement condamnés, et ainsi il commit l'erreur d'élargir le cadre de la répression en 1937 et 1938. Dans les organisations du Parti et les organismes de l'État, Staline ne fit pas une application pleine et entière du centralisme démocratique du prolétariat ou y contrevint partiellement. Dans les rapports entre partis frères et entre pays frères, il commit aussi des erreurs. Par ailleurs, il formula, au sein du mouvement communiste international, certains conseils erronés. Toutes ces erreurs ont causé des dommages à l'Union soviétique et au mouvement communiste international. »

    Mais il y a encore plus "hardcore", car écrit justement "à chaud" dans la foulée du XXe Congrès avec tout ce que les communistes chinois avaient "sur le cœur", AVANT que la réalité des intentions de Khrouchtchev ne soit démasquée et que la lutte contre cette liquidation du marxisme-léninisme le plus élémentaire ne devienne PRIORITAIRE : il y a les deux grands "classiques" du maoïsme que sont À propos de l'expérience historique de la dictature du prolétariat (avril 1956) et, 20 mois plus tard (décembre 1957), Encore une fois sur l'expérience historique de la dictature du prolétariat.

    Deux textes qui, cela va de soi, sont honteusement occultés par tous ceux qui font du maoïsme le prétexte à un pignolage malsain (presque sadico-anal) sur la figure du "Petit Père des Peuples" : d'aucuns diront que le PCC et Mao à sa tête ont "cédé aux sirènes" révisionnistes avant de se "ressaisir" ("Le 20e congrès du PCUS, en 1956, prit le PCC par surprise, et au départ les positions du PCC furent en défense de Staline mais avec une certaine équivoque" - lesmaterialistes.com)  ; d'autres (Hoxha en tête) que c'est bien la preuve du "révisionnisme" de Mao, etc. etc.

    Voici quelques extraits (accrochez-vous, ça n'y va pas avec le dos de la cuillère) :

    [ATTENTION toutefois avec ces textes de 1956-57, qui restent en partie sous l'influence du XXe Congrès dont les communistes chinois n'avaient peut-être pas encore à ce moment-là pris toute la mesure de l'entreprise contre-révolutionnaire, et qui tendent peut-être, si l'on lit par exemple Grover Furr, à attribuer à la personne de Staline des dérives criminelles qui pourraient en réalité surtout avoir été le fait de "factieux"... futurs "déstalinisateurs", à commencer par Khrouchtchev lui-même ! Les positions qui vont suivre pourraient ainsi, en cela, presque faire penser à Babeuf lorsque celui-ci défonçait Robespierre (Du système de dépopulation etc.) sous l'influence de Fouché (qui peut pratiquement être considéré comme le Khrouchtchev français de Thermidor...) ; avant de se raviser comme chacun-e le sait, et comme se raviseront rapidement eux aussi Mao et ses camarades vis-à-vis du khrouchtchévisme. Ces textes gardent néanmoins dans tous les cas le mérite de montrer que les communistes chinois n'avaient pas et n'ont jamais eu pour ligne une défense, un "justifie-tout" inconditionnel de "ce qu'il s'est passé en URSS" sous la direction de Staline, quelle qu'ait été l'ampleur du rôle réel de celui-ci dans cela.]

    Aux dirigeants des Partis communistes et des États socialistes incombe la responsabilité de réduire au minimum le nombre de leurs erreurs, d'empêcher autant que possible certaines erreurs graves de se produire, de veiller à tirer les enseignements des erreurs isolées, partielles et passagères et de faire tous leurs efforts pour que celles-ci ne dégénèrent pas en erreurs d'envergure nationale ou de longue durée.

    Pour cela, tout dirigeant doit être extrêmement modeste et prudent, être en liaison étroite avec les masses, les consulter en toutes matières, procéder à des enquêtes et à des examens réitérés sur la situation réelle et se livrer constamment à la critique et à l'autocritique conformément aux circonstances et dans la mesure qui convient.

    C'est précisément parce que Staline n'a pas agi ainsi qu'il a commis dans la dernière période de sa vie certaines erreurs graves dans son travail, en tant que principal dirigeant du Parti et de l’État. Il devint infatué de lui-même, manqua de circonspection, et l'on vit apparaître dans son esprit le subjectivisme et la tendance à se contenter de vues partielles. Il prit des décisions erronées sur certaines questions importantes, ce qui aboutit à des conséquences très fâcheuses. (...)

    Après la mort de Lénine, Staline, en tant que dirigeant principal du Parti et de l’État, a appliqué et développé de façon créatrice le marxisme-léninisme. Dans la lutte pour la défense de l'héritage du léninisme contre ses ennemis – les trotskistes, les zinoviévistes et autres agents de la bourgeoisie – Staline a traduit la volonté du peuple et s'est avéré un combattant éminent du marxisme-léninisme.

    300px-Bundesarchiv Bild 183-R77767, Berlin, Rotarmisten UntSi Staline a gagné le soutien du peuple soviétique et a joué un important rôle historique, c'est avant tout parce qu'il a défendu, avec les autres dirigeants du Parti communiste de l'Union Soviétique, la ligne de Lénine relative à l'industrialisation du pays des soviets et à la collectivisation de l'agriculture. Le Parti communiste de l'Union Soviétique, en mettant à exécution cette ligne, a fait triompher le socialisme dans son pays et a créé les conditions pour la victoire de l'Union Soviétique dans la guerre contre Hitler. Toutes ces victoires remportées par le peuple soviétique sont en harmonie avec les intérêts de la classe ouvrière du monde entier et de toute l'humanité progressiste, c'est pourquoi le nom de Staline jouissait, tout naturellement, d'une immense gloire dans le monde.

    Cependant, quand Staline eut acquis un grand prestige auprès du peuple, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'Union Soviétique, en appliquant correctement la ligne léniniste, il eut le tort d'exagérer son propre rôle et opposa son autorité personnelle à la direction collective. Il s'ensuivit que certaines de ses actions sont allées à rencontre des conceptions fondamentales du marxisme-léninisme qu'il avait lui-même propagées. D'un côté, il reconnaissait que les masses populaires sont les créateurs de l'histoire, que le Parti doit rester constamment en liaison étroite avec les masses, développer la démocratie en son sein ainsi que l'autocritique et la critique venant de bas en haut ; mais d'un autre côté, il acceptait et encourageait le culte de la personnalité et prenait des décisions personnelles arbitraires. Ainsi est apparue chez Staline dans la dernière période de sa vie un divorce entre la théorie et la pratique sur cette question.

    Le marxisme-léninisme reconnaît que les personnalités dirigeantes jouent un grand rôle dans l'histoire. Le peuple et son Parti ont besoin de personnalités d'avant-garde capables de représenter les intérêts et la volonté du peuple, de se placer au premier rang de sa lutte historique et de le guider. Nier le rôle de l'individu, le rôle des hommes d'avant-garde et des guides serait totalement erroné.

    Mais tout dirigeant du Parti ou de l’État, du moment qu'il se place au-dessus du Parti et des masses au lieu de rester au milieu d'eux, qu'il se sépare des masses, cesse d'avoir une vue complète et pénétrante des affaires de l’État.

    Dans de telles conditions, même un homme aussi éminent que Staline est amené inévitablement à prendre sur des questions importantes des décisions erronées et non conformes à la réalité. Staline, ayant omis de tirer les leçons de fautes isolées, partielles, passagères concernant certains problèmes, n'a pu éviter qu'elles deviennent de graves erreurs affectant toute la nation et pour une longue période. Durant la dernière partie de sa vie, de plus en plus Staline s'est complu à ce culte de la personnalité ; il a enfreint les principes du centralisme démocratique du Parti et celui de combiner la direction collective avec la responsabilité individuelle.

    Cela l'a conduit à commettre quelques erreurs graves telles que celles-ci : il a donné trop d'ampleur au problème de la répression des contre-révolutionnaires ; il n'a pas fait preuve de la vigilance nécessaire à la veille de la guerre antifasciste ; il n'a pas accordé toute l'attention voulue à un plus large développement de l'agriculture et au bien-être matériel des paysans ; il a donné certains conseils erronés concernant le mouvement communiste international et, en particulier, il a pris une décision erronée sur la question de la Yougoslavie.

    À propos de toutes ces questions, Staline s'est montré subjectif, a eu des vues partielles et s'est séparé de la réalité objective et des masses. [À propos de l'expérience historique de la DDP]

    Et dans l'opus suivant : 

    stalineStaline a eu de grands mérites quant aux progrès réalisés en Union Soviétique et quant au développement du mouvement communiste international. Dans l'article intitulé À propos de l'expérience historique de la dictature du prolétariat, nous écrivions : "Après la mort de Lénine, Staline, en tant que dirigeant principal du Parti et de l’État, a appliqué et développé de façon créatrice le marxisme-léninisme. (...)

    Si Staline a gagné le soutien du peuple soviétique et a joué un important rôle historique, c'est avant tout parce qu'il a défendu, avec les autres dirigeants du Parti communiste de l'Union Soviétique, la ligne de Lénine relative à l'industrialisation du pays des Soviets et à la collectivisation de l'agriculture. Le Parti communiste de l'Union Soviétique, en mettant à exécution cette ligne, a fait triompher le socialisme dans son pays et a créé les conditions pour la victoire de l'Union Soviétique dans la guerre contre Hitler. Toutes ces victoires remportées par le peuple soviétique sont en harmonie avec les intérêts de la classe ouvrière du monde entier et de toute l'humanité progressiste, c'est pourquoi le nom de Staline jouissait tout naturellement d'une immense gloire dans le monde."

    Mais Staline a commis un certain nombre de graves erreurs tant dans la politique intérieure que dans la politique extérieure de l'Union Soviétique.

    Ses méthodes de travail, faussées par l'arbitraire, ont jusqu'à un certain point porté atteinte au principe du centralisme démocratique dans la vie du Parti et dans le régime étatique de l'Union Soviétique, et partiellement enfreint la légalité socialiste.

    Étant donné que dans maints domaines, Staline s'était singulièrement détaché des masses et prenait de sa propre autorité des décisions sur de nombreuses questions politiques importantes, il devait inévitablement commettre de graves erreurs. Ces erreurs se sont surtout manifestées en ce qui concerne la liquidation de la contre-révolution et les rapports avec certains pays. Pour ce qui est de la liquidation de la contre-révolution, Staline a châtié de nombreux contre-révolutionnaires qu'il fallait châtier et il s'est acquitté pour l'essentiel des tâches qui se posaient sur ce front ; mais par ailleurs, il a accusé gratuitement de nombreux communistes loyaux et de bons citoyens, ce qui a amené de graves préjudices.

    Pour ce qui est des rapports avec les pays frères et les Partis frères, Staline est resté dans l'ensemble sur les positions de l'internationalisme ; il a aidé dans leur lutte les peuples des différents pays et contribué au développement du camp socialiste. Mais en réglant certains problèmes concrets, il a manifesté une tendance au chauvinisme de grande nation et il n'a pas eu assez le sens de l'égalité ; il pouvait d'autant moins être question qu'il éduquât la grande masse des cadres dans un esprit de modestie ; parfois même il intervenait indûment dans les affaires intérieures de certains pays frères et de certains Partis frères, ce qui a eu maintes conséquences graves.

    Comment expliquer les graves erreurs commises par Staline ?  Quel rapport y a-t-il entre ces erreurs et le système socialiste de l'Union Soviétique ?

    La science de la dialectique marxiste-léniniste nous enseigne que toute forme de rapports de production et la superstructure, apparue sur la base de ces rapports de production, naissent, se développent et disparaissent.

    Quand les forces productives ont atteint un certain stade de développement, les anciens rapports de production cessent de correspondre pour l'essentiel à l'état de ces forces ; quand la base économique a atteint un certain stade de développement, l'ancienne superstructure cesse pour l'essentiel de correspondre à cette base ; alors des changements de nature fondamentale interviennent inévitablement, et qui cherche à s'opposer à ces changements est balayé par l'Histoire.

    Cette loi s'applique, sous des formes différentes, à toutes les sociétés. Elle est donc valable également pour la société socialiste actuelle et pour la société communiste de demain.

    Les erreurs de Staline étaient-elles dues au fait qu'en Union Soviétique les systèmes économique et politique socialistes étaient périmés, qu'ils avaient cessé de correspondre aux exigences du développement de l'U.R.S.S ?

    Évidemment, non. La société socialiste de l'Union Soviétique est encore jeune, elle a moins de quarante ans d'existence. L'essor rapide de l'économie soviétique montre que le système économique de l'Union Soviétique correspond pour l'essentiel au développement des forces productives et que le système politique de l'Union Soviétique correspond également pour l'essentiel aux exigences de la base économique. Les erreurs de Staline ne découlent nullement du système socialiste ; pour rectifier ces erreurs, il n'est certes pas besoin de « rectifier »  le système socialiste.

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    La bourgeoisie occidentale tente d'utiliser les erreurs de Staline pour prouver les « erreurs » du système socialiste. Cela est dénué de tout fondement. Il en est également qui essayent d'expliquer les erreurs de Staline par le fait que dans les pays socialistes l’État gère l'économie, et qui estiment que si le gouvernement dirige l'activité économique, il devient inévitablement un « appareil bureaucratique » faisant obstacle au développement des forces du socialisme.

    Cela n'est pas plus convaincant. Nul ne peut nier que l'immense essor économique de l'U.R.S.S résulte précisément du fait que l’État des travailleurs assure la direction planifiée de l'activité économique, alors que les principales erreurs de Staline ont très peu de rapport avec les défauts du fonctionnement de l'appareil d’État dans la direction des affaires économiques.

    Mais même lorsque le système fondamental répond aux besoins, il existe certaines contradictions entre les rapports de production et les forces productives, entre la superstructure et la base économique. Ces contradictions se traduisent par des défauts dans certains chaînons des systèmes économique et politique. S'il n'est pas besoin pour résoudre ces contradictions de recourir à des transformations radicales, il n'en est pas moins nécessaire de procéder à des réajustements en temps utile.

    Peut-on garantir que des erreurs ne se produiront pas s'il y a un système fondamental correspondant aux besoins, et si les contradictions de caractère courant existant dans ce système sont réglées (en termes dialectiques, ce sont des contradictions qui se trouvent au stade des « modifications quantitatives ») ?

    La question n'est pas si simple. Le système a une importance déterminante, mais n'est pas quelque chose de tout-puissant en soi. Aussi bon que soit un système, il ne garantit pas contre les graves erreurs qui peuvent être commises dans le travail.

    Quand un système juste a été établi, l'essentiel est de savoir l'appliquer correctement, d'avoir une ligne politique juste, d'adopter des méthodes et un style de travail justes. Sans quoi, même avec un système juste, on peut commettre de graves erreurs, et même on peut se servir d'un bon appareil d’État pour faire du mauvais travail.

    Il faut régler ces questions par l'accumulation de l'expérience et la vérification dans la pratique ; il est impossible de les régler du jour au lendemain. De plus, la situation change sans cesse ; au moment où l'on résout de vieilles questions, il en surgit de nouvelles, et il ne peut y avoir de solution valable une fois pour toutes.

    Rien d'étonnant dès lors si, dans les pays socialistes où une base solide a pourtant été créée, certains maillons des rapports de production et de la superstructure accusent encore des défauts, si l'on constate encore des déviations d'une espèce ou d'une autre dans les lignes politiques, dans les méthodes et dans le style de travail du Parti et de l’État.

    Dans les pays socialistes, la tâche du Parti et de l’État consiste, en s'appuyant sur les masses et la collectivité, à réajuster en temps utile les différents maillons des systèmes économique et politique, à déceler et à corriger à temps les erreurs dans le travail. Il va sans dire que les vues subjectives des dirigeants du Parti et de l’État ne peuvent jamais être à cent pour cent conformes à la réalité objective.

    Aussi certaines erreurs de caractère isolé, partiel et passager dans leur travail seront elles inévitables. Quant aux erreurs sérieuses, de longue durée et de portée nationale, elles peuvent être prévenues à condition que l'on s'en tienne rigoureusement à la science du matérialisme dialectique marxiste-léniniste et qu'on la développe énergiquement ; à condition que l'on observe sans défaillance les principes du centralisme démocratique dans le Parti et dans l’État, et que l'on s'appuie vraiment sur les masses.

    Stalin1Certaines erreurs commises par Staline durant la dernière période de sa vie ont dégénéré en erreurs graves, de longue durée et de portée nationale, et n'ont pu être rectifiées en temps utile parce que, dans une certaine mesure et jusqu'à un certain point, il s'était isolé des masses et de la collectivité ; parce qu'il avait dérogé aux principes du centralisme démocratique du Parti et de l’État.

    Une certaine dérogation aux principes du centralisme démocratique dans le Parti et dans l’État s'explique par des conditions historiques et sociales : en matière de direction de l’État, le Parti manquait encore d'expérience ; le nouveau régime n'était pas encore suffisamment consolidé pour résister à toutes les influences des temps anciens (le processus du renforcement d'un nouveau régime et de la disparition des influences anciennes n'est pas rectiligne, souvent aux tournants de l'histoire, il prend la forme de mouvements ondulatoires et d'oscillations) ; la tension de la lutte à l'intérieur et à l'extérieur du pays a eu pour effet de limiter le développement de certains aspects de la démocratie, etc.

    Néanmoins, à elles seules, ces conditions objectives ne suffisent pas pour que la possibilité de commettre des erreurs devienne une réalité. Dans des conditions beaucoup plus complexes et difficiles que celles où Staline s'est  trouvé, Lénine n'a pas commis d'erreurs analogues à celles de Staline. Ici, le facteur décisif est l'état de l'esprit de l'homme. Pendant la dernière période de sa vie, des victoires en séries et les panégyriques dont il a été l'objet ont tourné la tête à Staline. Dans sa façon de penser, il s'est écarté partiellement mais gravement du matérialisme dialectique pour tomber dans le subjectivisme.

    Il commença à avoir une foi aveugle en sa propre sagesse et en sa propre autorité ; il se refusait à se livrer à des recherches et à l'étude sérieuse à l'égard de situations complexes, ou à prêter une oreille attentive à l'opinion de ses camarades comme à la voix des masses.

    En conséquence, certaines thèses et mesures politiques adoptées par lui allaient souvent à l'encontre de la réalité objective ; il s'est souvent obstiné à faire appliquer pendant un long laps de temps ces mesures erronées, et n'a pu rectifier ses erreurs en temps utile. 

    S'ensuit un passage presque touchant de naïveté envers les intentions du XXe Congrès et de Khrouchtchev, illusions dont Mao et les communistes chinois reviendront heureusement bien assez tôt ; mais qui se conclut tout de même sur ces SEMI-MISES EN GARDE, montrant bien le malaise diffus qui régnait déjà dans les rangs communistes internationaux : 

    Il est absolument évident que ces erreurs n'étant pas de courte durée ne peuvent être entièrement corrigées en un jour. Cela demandera des efforts pendant une période relativement longue et un minutieux travail d'éducation idéologique. Nous sommes convaincus que le grand Parti communiste de l'Union Soviétique, qui a déjà surmonté d'innombrables difficultés, saura surmonter ces difficultés et atteindre son objectif.

    La lutte qu'il mène pour rectifier les erreurs commises ne peut naturellement avoir l'appui de la bourgeoisie et de l'aile droite de la social-démocratie occidentale.

    Profitant de l'occasion pour essayer d'estomper ce qu'il y avait de juste dans l'activité de Staline, d'estomper les immenses réalisations qui furent obtenues par l'Union Soviétique et le camp socialiste tout entier, semer la confusion et provoquer la scission dans les rangs communistes, elles s'obstinent à appeler la réparation des erreurs commises par Staline « déstalinisation » et à la présenter comme une lutte entre des soi-disant « antistaliniens » et  des « staliniens ». Leur malveillance est ici évidente.

    Mao et Che GuevaraMalheureusement, certains communistes se répandent également en propos de ce genre. Nous estimons que de pareils propos, tenus par des communistes, sont des plus pernicieux.

    Chacun sait que la vie de Staline, malgré certaines graves erreurs qu'il a commises dans la dernière période, est la vie d'un grand révolutionnaire marxiste-léniniste. (...)

    Aussi devons-nous, quand nous faisons le point de l'idéologie et de l'activité de Staline dans son ensemble, en voir à la fois les côtés positifs et négatif, les mérites et les erreurs. À considérer la question sous tous ses aspects, si l'on veut absolument parler de « stalinisme », on ne peut que dire ceci : le « stalinisme » c'est avant tout le communisme, le marxisme-léninisme. Tel est son aspect fondamental.

    Mais surtout, on va trouver cette affirmation FONDAMENTALE qui est à la base même de toute la pensée et la pratique maoïste :

    Il est naïf de croire qu'il ne peut plus exister de contradictions dans une société socialiste. Nier l'existence des contradictions, c'est nier la dialectique. Dans les diverses sociétés, les contradictions diffèrent de nature et ainsi diffèrent les moyens de les résoudre. Mais le développement d'une société se poursuit toujours au milieu de contradictions incessantes.

    La société socialiste se développe également au sein de la contradiction entre les forces productives et les rapports de production. Dans une société socialiste ou communiste, des innovations techniques et des transformations dans le système social continueront forcément à se produire. S'il en était autrement, le développement de la société en arriverait au point mort et la société ne pourrait plus progresser.

    Cette compréhension de la contradiction sous le socialisme est ce qui deviendra en pratique la RÉVOLUTION CULTURELLE, fondement de l'identité politique et intérêt même du maoïsme (qui n'en a aucun s'il s'agit simplement d'être "anti-XXe Congrès").

    On peut trouver encore une autre position fondamentale sur laquelle se base toute notre activité à Servir le Peuple ; le rejet du dogmatisme comme du révisionnisme :

    Une des graves conséquences des erreurs de Staline fut l'extension du dogmatisme. Parallèlement à la critique des erreurs de Staline, les Partis communistes de tous les pays ont engagé la lutte pour triompher du dogmatisme dans leurs rangs. Cette lutte est absolument indispensable. Mais en s'engageant sur la voie d'une répudiation totale de Staline et en arborant le mot d'ordre erroné de la lutte contre le « stalinisme », un certain nombre de communistes ont contribué au développement d'un courant idéologique qui tend à réviser le marxisme-léninisme.

    Ce courant révisionniste facilite incontestablement l'attaque menée par l'impérialisme contre le mouvement communiste, et l'impérialisme utilise en effet activement ce courant. Tout en combattant résolument le dogmatisme, nous devons combattre non moins résolument le révisionnisme. (...)

    Les dogmatiques ne comprennent pas que la vérité universelle du marxisme-léninisme ne peut se manifester concrètement et jouer un rôle dans la vie réelle qu'en s'appuyant sur des particularités nationales données. Ils ne veulent pas se livrer à une étude sérieuse des particularités sociales et historiques de leur propre pays, de leur propre nation ; ils ne veulent pas appliquer de façon concrète la vérité universelle du marxisme-léninisme en tenant compte de ces particularités. Aussi sont-ils incapables de conduire la cause du prolétariat à la victoire. (...)

    Dans l'histoire du Parti communiste chinois, de 1931 à 1934, il y eut des dogmatiques qui niaient les particularités de la Chine et copiaient mécaniquement certaines expériences de l'Union Soviétique, ce qui fit que les forces révolutionnaires connurent dans notre pays de sérieux revers. Ces revers ont été une grande leçon pour notre Parti.

    Dans la période qui va de la Conférence de Tsouenyi en 1935 au VIIe Congrès national du Parti tenu en 1945, notre Parti en a complètement terminé avec cette ligne dogmatique extrêmement nuisible ; il a rallié tous ses membres, y compris les camarades qui avaient commis des erreurs ; il a développé les forces du peuple et assuré ainsi la victoire de la révolution. Si nous avions agi différemment, la victoire aurait été impossible.

    C'est seulement parce que nous avons triomphé de la ligne du dogmatisme qu'il est devenu possible pour notre Parti, quand il s'agit de tirer des leçons de l'expérience de l'Union Soviétique et des autres pays frères, de commettre relativement moins d'erreurs.

    Mais la lutte contre le dogmatisme n'a rien de commun avec la tolérance envers le révisionnisme. Le marxisme-léninisme reconnaît que le mouvement communiste, dans les différents pays, possède nécessairement ses particularités nationales ; mais cela ne signifie nullement que ce mouvement, dans les différents pays, peut ne pas avoir de points communs fondamentaux, qu'il peut s'écarter de la vérité universelle du marxisme-léninisme.

    Dans l'actuel mouvement contre le dogmatisme, chez nous comme à l'étranger, il en est qui, sous prétexte de lutter contre une copie aveugle de l'expérience soviétique, nient la portée internationale de ce qu'il y a d'essentiel dans l'expérience de l'Union Soviétique, et qui sous prétexte de développer le marxisme-léninisme de façon créatrice, nient l'importance de la vérité universelle du marxisme-léninisme.

    revolution-culturelleEh oui, toute la quadrature du cercle pour les communistes conséquents c'est cela : ne pas répondre au dogmatisme par le révisionnisme, ce qu'avait typiquement fait Tito (ou ses émules hongrois) à l'époque des textes par exemple ; mais ne pas répondre non plus au révisionnisme par le dogmatisme (il est également possible de répondre au révisionnisme par le révisionnisme - "eurocommunisme" par exemple - et au dogmatisme par le dogmatisme, mais bref) .

    Alors bien sûr, comme on l'a dit, il y en a qui vont hurler et se perdre en explications foireuses, "oui mais non, en fait c'est que" blablabli blablabla... Mais en fait c'est que rien du tout. En fait c'est que le Parti communiste chinois a produit DEUX LONGS ARTICLES, en avril 1956 et décembre 195720 mois d'écart l'un de l'autre !), où il fait PLUS QU'ADMETTRE que l'on puisse critiquer Staline et sa politique menée pendant près de 30 ans - en fait, il reprend carrément bon nombre de critiques émises au XXe Congrès, dans un contexte où (11 ans après la Victoire antifasciste) l'image de l'URSS (et donc du socialisme) dans le monde s'est dégradée, notamment  face à sa politique dans les "pays frères" d'Europe de l'Est ("purges" de communistes et combattants antifascistes historiques, soulèvements réprimés etc.) ; tout en reconnaissant ses mérites et ses grandes réussites (à commencer par la victoire sur le nazi-fascisme, thème qui revient souvent) et en mettant subtilement ("à la chinoise") en garde contre la tentation de "jeter le bébé marxiste-léniniste avec l'eau du bain", tentation qui se confirmera dans les années suivantes. Rectifier les erreurs, dépasser les limites de conception/compréhension du monde, oui ; liquider les principes élémentaires du marxisme et du léninisme NON (d'où l'affirmation récurrente que "Staline a été un grand marxiste-léniniste" aussitôt après l'avoir sèchement critiqué, ce qui donne au texte une impression d'incohérence).

    La tonalité est d'ailleurs strictement la même (en plus bref) dans l'article de 1963, alors même (donc) que la guerre ouverte contre le khrouchtchévisme est déclarée depuis au moins trois ans. Ce sont strictement les mêmes mérites et erreurs qui reviennent, la position du PCCh n'a pas changé d'un iota : Staline a eu de grands mérites mais il a aussi commis de graves erreurs (pour ne pas dire fautes) ; Khrouchtchev et plus tard Brejnev ne sont pas tombés du ciel, avant de pourfendre Staline ils ont même été ses plus zélés serviteurs ; et de tels monstres n’ont pas pu être engendrés par un système aussi ‘‘parfait’’ que le décrivent les cerveaux malades hoxhistes ou autres et les prétendus ‘‘maoïstes’’ qui n’ont RIEN COMPRIS À RIEN (les hoxhistes, au moins, sont cohérents : ils rejettent Mao, point !).

    Même en 1968, le PCCh et Mao n'auront pas sur le "Printemps de Prague" une position différente de celle sur la Hongrie ou la Yougoslavie en 1956 : ils dénonceront l'attitude SOCIAL-IMPÉRIALISTE (terme apparu entre-temps) de Moscou, sans pour autant défendre les thèses (finalement titistes et "eurocommunistes") de Dubcek. Ils diront simplement que les questions posées au socialisme en Tchécoslovaquie doivent être réglées par les Tchécoslovaques eux-mêmes ; et que nous ne sommes pas dans un monde merveilleux où l'on hurle à "l'ingéreeeence" lorsque les impérialistes US interviennent contre un gouvernement démocratique à Saint-Domingue, mais où il serait "normal" que l'URSS envahisse un "pays frère". Il n'y a pas "deux poids deux mesures" selon qu'un État se veuille capitaliste ou "socialiste", il y a tout simplement des pratiques politiques et géopolitiques qui sont socialistes et d'autres qui ne le sont pas. Si les pratiques ne sont pas socialistes, c'est que l'État ne l'est pas ou est en passe de ne plus l'être, que les intérêts du prolétariat et du peuple ont été confisqués, que ce n'est pas le Peuple qui est au pouvoir. La position maoïste n’a tout simplement jamais changé sur ce point…

    On peut ajouter enfin que, comme Mao et les communistes chinois rappellent régulièrement que le marxisme-léninisme doit s'adapter aux particularités de chaque pays, le(s) révisionnisme(s) comme le dogmato-stalinisme ont aussi leur réalité particulière différente selon l'endroit : dans l'État français, c'est souvent un "prétexte" au jacobinisme "rouge" et à une vision très "dirigiste" (par une minorité "éclairée") des choses par exemple.

    Le reproche que l'on pourrait faire à tout cela, c'est de vouloir visiblement "éviter de tomber" dans le trotskysme ou le titisme (ou de prêter le flanc à de telles accusations) et donc d'être très axé sur "Staline a commis" telle et telle erreur, et évasif sur la BASE MATÉRIELLE de ces erreurs, sur ce qui a "poussé" la pensée et (consécutivement) l'action de Staline vers cela : des rapports sociaux restés fondamentalement marqués par le tsarisme (capitalisme au stade monarchique absolutiste de son développement) ; le fait que la Russie de 1917 (comme la Chine des années 1930-40) n'avait pas connu de réelle "révolution" bourgeoise (processus comparable à 1789-1870 en "France") et donc, que devant les masses en mouvement pour le "changement" il y avait DEUX VOIES ; le fait que la voie socialiste l'ait apparemment emporté grâce à Lénine, mais que les aspirations à ce que les choses en restent finalement à une "révolution" industrielle de type bourgeois étaient omniprésentes, etc. etc. ; et (donc) en définitive la RECONSTITUTION dans l'appareil même du Parti et de l’État (encadrant la production) d'une couche privilégiée, d'une nouvelle bourgeoisie. Cette critique-là sera en fait menée EN PRATIQUE par les maoïstes : ce sera la Grande Révolution culturelle prolétarienne (GRCP).

    Être maoïste c'est donc RECONNAÎTRE, COMPRENDRE et CRITIQUER les erreurs de "Staline" (au sens de "direction soviétique entre les années 1920 et 1950"), qui ne sont pas des petites "bourdes" occasionnelles de-ci de-là mais de véritables problèmes de compréhension erronée de la dialectique, des lois de la transition socialiste, bref de CONCEPTION DU MONDE, et qui pouvaient peut-être permettre des réussites (comme l'industrialisation du pays, ou la victoire contre le nazisme) mais pas LA réussite de l'expérience. Il est tout simplement INCOMPATIBLE de se dire "maoïste" et d'être un admirateur béat et un défenseur envers et contre tout de "Staline" (au sens précisé ci-dessus) ; à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'une espèce de fascination malsaine pour l'aspect militariste, autoritaire-policier et répressif de l'URSS de l'époque (en somme, pour la caricature bourgeoise du "stalinisme" plus que pour sa réalité).

    Toutes ces conceptions sont ce qui guide notre démarche politique révolutionnaire jour après jour.

    zone tempêtes

    Dans le même registre de "critique maoïste de l'expérience soviétique" notamment sous la direction de Staline, et bien que nous ne soyons pas à 100% sur cette ligne (mais bien plus sur celle du PCR Canada), il peut être intéressant de relire ces brochures de l'OCML-VP du début des années 1980 :

    La théorie des forces productives à la base du révisionnisme moderne (1980)

    Sur l’État de dictature du prolétariat (1982)

    Sur la transition du capitalisme au communisme (1984)


    [À lire aussi à ce sujet, passionnant, cet entretien-débat de 1977 entre Charles Bettelheim, l'ex-GP Robert Linhart et deux membres de la revue Communisme, dans lequel s'expriment leurs différents points de vue et analyses, autrement dit un peu tous les nécessaires "pour" et "contre" pour réfléchir à la question : http://ekladata.com/Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf]


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  • Les articles suivants ont été rédigés dans la foulée des évènements survenus entre août et septembre 2011 au Népal.

    Comme vous le savez certainement, ce pays a connu entre 1996 et 2006 une grande et héroïque Guerre populaire (qui était même pour ainsi dire la seule au monde - Guerre populaire signifiant dirigée par des maoïstes, exit donc les FARC de Colombie etc. – à ses débuts ; avant que cela ne "reparte" aux Philippines, puis en Inde etc.). Mais en 2006, alors que l’Armée populaire maoïste contrôlait de fait 80% du pays et encerclait la capitale Katmandou, un soulèvement populaire éclatait à l’intérieur de celle-ci et mettait fin à la monarchie autocratique locale vieille de plus de trois siècles (dès lors retranchée sans pouvoir dans son palais en attendant son abolition officielle deux ans plus tard).

    Le Parti communiste du Népal (maoïste) [CPN(m)] s’est alors engagé avec les partis bourgeois (Nepali Congress) et révisionnistes (UML) dans la voie d’"accords de paix", d’une cessation des combats et d’un processus de "transition" vers une république parlementaire qui a immédiatement soulevé une immense controverse dans le mouvement communiste international, les uns y voyant une "trêve tactique" parfaitement défendable, d’autres le début d’un cours "inquiétant" des choses (critiques en ce sens émergeant très tôt des maoïstes indiens, notamment), d’autres encore une "trahison absolue" venant supposément "prouver" que toute manœuvre tactique d’un Parti révolutionnaire signifie sa liquidation. Les années suivantes donnèrent lieu à des évènements – à vrai dire – historiquement surréalistes, avec le leader maoïste de la Guerre populaire Prachanda accédant au poste de Premier ministre (2008) dans un régime parlementaire le plus bourgeois qui soit avant d’en être éjecté un an plus par un coup de force du Président de la (toute nouvelle) République, appelant dès lors à (et affirmant mener les préparatifs d’) un "grand soulèvement populaire" devant porter le "coup final" à l’ancien régime et porter définitivement les forces révolutionnaires au pouvoir… mais sans cesse reporté, etc. etc.

    Finalement donc, fin août 2011, survint l’épilogue de ces 5 années d’étrange "flottement" avec la nomination à la tête du gouvernement du "droitiste sans fard" de toujours du CPN(m), Baburam Bhattarai… et l’annonce de toute une série de mesures signant la liquidation ouverte de la lutte révolutionnaire : remise des clés des containers où le Parti avait consigné ses armes en 2006 sous la supervision de l’ONU (mais en gardant, donc, les clés), fusion-liquidation de l’Armée populaire (jusque-là cantonnée sans armes) dans l’armée réactionnaire "nationale", finalisation de la restitution aux grands propriétaires fonciers des terres confisquées et occupées durant la Guerre populaire (c’était déjà une clause de 2006, dont l’application avait pu "traîner en longueur" ici et là), rapprochement ouvert avec l’État indien qui exerce depuis les années 1950 (pour le compte de l’impérialisme) un protectorat de fait sur le petit royaume himalayen, etc. etc. ; Prachanda dans tout cela (que nous avions pu prendre de manière erronée pour un "centriste" et un "hésitant" au cours des années précédentes) tombant alors le masque et révélant ouvertement sa nature d’opportuniste, de nouvel oligarque et de traître (réunions secrètes avec les services de renseignement indiens etc.).

    La polémique qui s’était quelque peu "endormie" depuis 2006-2007 se ralluma alors avec vigueur, une petite clique internationale autour de pseudo-"maoïstes" bien connus (ultra-gauchistes et dogmato-sectaires alors, devenus ouvertement réactionnaires depuis) bondissant sur la situation pour claironner et éructer "avoir eu raison depuis le début" et utiliser cette "victoire" de leurs analyses comme l’"excipient" idéal pour faire passer toute la "pilule" de leur conception pourrie du monde, de la lutte révolutionnaire et du socialisme/communisme (caractère pourri démontré, répétons-le encore une fois, par leur point de chute ultra-réactionnaire final quelques années plus tard) ; attitude que nous avons fini par qualifier de trotskysme de notre époque pour son caractère délibérément destructif ; ceci alors que d’autres avaient passé toutes ces années en "prise directe" avec la situation d'un maoïsme népalais "homme malade" du MCI (comme chancelant au seuil de ce qui pouvait être la "première révolution communiste du 21e siècle"), informant les masses populaires du monde des avancées et des reculs, des dérives, des luttes de lignes internes et des "portes de sortie" possibles pour les authentiques révolutionnaires de là-bas.

    Tout cela nous a amenés à sortir de notre silence et de la relative attitude – disons-le – de "spectateurs" observée jusque-là, nous contentant de relayer les "dépêches" de divers sites francophones ou anglophones sans réelle analyse, pour nous plonger dans la réflexion et la controverse et apporter notre "petite pierre" à l’édifice de la CONCEPTION COMMUNISTE DU MONDE. Nous n’avons pas peur de dire que des "lignes directrices" très importantes dans notre manière de voir les choses ont vu le jour à cette époque.

    Les articles ci-dessous sont dans l’ordre déchronologique (du dernier – dans le temps – au premier).


    "Red Star" : sur la lutte contre le révisionnisme au Népal


    Sur le site Revolution in South Asia a été publié cet article, ainsi que d'autres, du blog RedStarNepal.com. The Red Star est historiquement l'organe de presse du PC du Népal maoïste [devenu PCNU(m)] mais, jusqu'à présent, il n'avait pas de site internet. Et, bien qu'ouvrant ses colonnes à toutes les lignes (ou "tendances", selon certains) dans un esprit de libéralisme, il semblait plutôt aux mains de la ligne de Prachanda (longtemps "centre louvoyant" du Parti - un coup de barre à droite, un coup de barre à gauche - mais en réalité droite masquée, vraisemblablement la ligne qualifiée de "révisionniste" par le présent article). Mais voilà qu'est né (manifestement fin juin, les plus vieux articles sont du 22/06) ce site intitulé "Red Star", qui semble plutôt refléter la ligne de la "gauche" du Parti, des cadres fortement opposés au cours actuel du tandem Prachanda-Bhattarai. Il ne s'agit pas d'en tirer des conclusions hâtives, mais simplement de constater le fait...

    SLP précise que cet article comporte des phrases incompréhensibles, traduites telles quelles, tant pis...


    Combattre le révisionnisme dans le PCNU-Maoïste 


    Katmandou, 25 septembre.

    Dans la lutte interne au PCNU-Maoïste au Népal, des idées toujours nouvelles et le modèle de la lutte entre deux lignes ont été développés dans le cours de la lutte. De nombreux analystes politiques et autres ont dit que le Parti se divisait et que l'intérêt des réactionnaires serait satisfait.

    Cependant, le combat a développé ses procédures historiquement avancées pour la lutte interne (?). Le Parti a déjà développé quelques idées en créant un authentique forum de discussion et des rassemblements et interactions séparées par les différentes factions idéologiques. C'est le dernier développement, car le révisionnisme et le réformisme ont pris corps au cours de l'exercice du Pouvoir populaire aux niveaux locaux et régionaux de la nation. Nous sommes dans la situation où nous devons évaluer l'histoire du Pouvoir populaire, son exercice, et l'émergence du révisionnisme et du réformisme dans le monde. L'exercice concret a été mis en application au Népal. Le Parti, le PCNU-M, a été divisé en trois factions idéologiques : révolutionnaire, révisionniste (probablement Prachanda NDLR) et réformiste (probablement Bhattarai).

    À présent tout le Parti est dans une intense lutte interne. Il n'est toujours pas décidé qui va gagner. Néanmoins, la ligne révolutionnaire est offensive et combat avec l'aide du peuple, de ses soutiens, de toutes les bonnes volontés et d'une solide équipe à travers tout le pays.


    NDLR : Ce communiqué est une des dernières nouvelles que nous ayons du Népal (il y a 4 jours) ; et elle a l'avantage d'être interne au Parti. Certes, on est très loin des "canons" du maoïsme. On voit là toutes les limites de la gauche révolutionnaire dans le PCNU-M, qui permettent justement à la droite de s'imposer ; et les effets ravageurs de l'esprit de libéralisme entre les lignes qui a dominé le Parti pendant les 5 années de "lutte révolutionnaire légale", "par le Parlement, la rue et le gouvernement" (Sadan, Sadak, Sarkar). Pour autant, que la révolution au Népal ne soit pas liquidée (ou qu'il y ait au moins une résistance à cela, jetant les bases d'un nouveau cycle) regarde non seulement les masses populaires du Népal, mais les révolutionnaires et les masses populaires de toute l'Asie du Sud, de toutes les nations opprimées et, finalement, du monde entier. Il faut donc appuyer de tout notre soutien internationaliste les forces qui s'opposent à la liquidation, car, avec toutes leurs limites, elles sont le germe du renouveau.

    C'est l'occasion pour SLP de présenter son analyse de la situation à la lumière d'un profond réexamen. Ou plutôt d'un "examen" tout court car, à vrai dire, la question du Népal n'avait pas fait l'objet d'une analyse propre à Servir le Peuple. C'est là une entorse au principe directeur de ce média révolutionnaire : "penser avec sa tête", quitte à être totalement hétérodoxe, ne pas s'aligner "bêtement" sur une position internationale. Or, jusqu'à présent, il y a surtout eu de l'information, grâce au grand travail internationaliste de collecte d'info d'un site comme Revolution in South Asia, de collecte et de traduction par les camarades de Nouveau Népal ; assortie de quelques réflexions "à chaud", mais jamais de véritable analyse.

    Il est évident que SLP ne pouvait pas s'aligner sur la ligne gaucho-dogmatique : celle-ci revient à nier l'idée même de tactique ; l'idée même de négociations et d'accords tactiques avec une partie de l'ennemi contre une autre (ennemi principal du moment) ; l'idée que les marxistes doivent "penser avec leur tête" selon la situation concrète, que tout n'a pas été dit et écrit entre le Manifeste de Marx et Engels et l'arrestation de Gonzalo ; l'idée que la Guerre populaire ne se réduit pas à une guérilla armée (ce que récusait déjà Mao) ; l'idée (dans la situation concrète) que dans un contexte où se préparait (puis se déroulait) un grand mouvement populaire contre la dictature royale, donner l'assaut militaire sur Katmandou aurait été une idiotie qui aurait coupé les maoïstes d'une grande partie des masses... Toutes choses étrangères aux conceptions de SLP, pour qui la révolution est quelque chose de plus sérieux et compliqué qu'un wargame en chambre [Nota : cette ligne a désormais le mérite d'être assumée clairement ici : "Cela, c'est clairement la « gauche » dans le mouvement maoïste international. Elle se caractérise par un refus de toute souplesse idéologique, tactique ou stratégique dans le marxisme-léninisme-maoïsme"].

    L'idée (partagée aussi par des gens "bien") que lorsque l'on a atteint un rapport de force donné (on pouvait parler d'équilibre stratégique avancé au Népal début 2006), "temporiser" signifie "toujours" reculer est profondément erronée - pour être exact, profondément mécaniste : c'est faire l'impasse sur la part de VOLONTÉ de la direction du Parti (autrement dit et en dernière analyse, sur la ligne dirigeante de celui-ci) de non seulement "temporiser", mais de ne JAMAIS repasser d'aucune manière à l'offensive au sens révolutionnaire du terme. Lorsque les communistes d'Hô Chi Minh ont accepté la partition du Vietnam en 1954, que le Nord devienne communiste mais que le Sud reste sous la coupe de l'impérialisme (ainsi que le Laos et le Cambodge), ils ont bien temporisé non ? [Mais voilà (et c'est ce qui est déterminant) : l'intention de libérer tout le Vietnam et toute l'ancienne "Indochine" n'a jamais cessé d'être claire et totale... La demi-décennie suivante a été consacrée aux préparatifs (et au renforcement du Nord comme "base rouge"), puis la guérilla a été peu à peu activée dans le Sud (et encouragée au Laos et au Cambodge). On connaît la suite, jusqu'à la glorieuse prise de Saïgon en 1975 - 21 ans après les Accords de Genève qui avaient entériné la partition. C'est donc cette volonté (ou pas) de la direction maoïste de repasser un jour ou l'autre à l'offensive qui devait être questionnée au Népal ; et non le fait de "temporiser" et de s'asseoir à une table de négociations.]

    Mais ce n'était pas une raison pour se contenter de diffuser "bêtement" de l'information assortie de quelques commentaires, sans étude approfondie. Surtout à mesure que grandissaient les interrogations, devant les "tergiversations" du leadership maoïste ; comme par exemple lorsque le Président (Nepali Congress) de la République a fait son coup de force contre Prachanda, refusant (anticonstitutionnellement) le limogeage d'un général réactionnaire : les partis bourgeois étaient alors clairement démasqués, c'était le moment de repasser à l'offensive, et de terminer la révolution. Donc, libre à chacun-e de voir là une autocritique, mais ce n'est pas suffisant : une autocritique n'a de sens que si on la rectifie en pratique.

    Que ressort-il de ce réexamen ? Et bien, il en ressort qu'il faut revenir au principe fondamental maoïste : "la politique au poste de commandement", "c'est l'idéologie qui commande au fusil". Cela rejoint d'ailleurs la critique ci-dessus des gaucho-dogmatiques, qui donnent souvent l'impression d'une sacralisation du fusil. Enfin, pas de tout ce qui porte un fusil (ils analysent les FARC ou encore l'EZLN comme réformisme armé, à raison), mais disons "du fusil maoïste" : maoïste + fusil = révolutionnaire. Plus de fusil = révisionnisme. C'est franchement simpliste.

    Tout cela pour dire, qu'il faut se poser la question de quelle idéologie, quelle vision politique et quels objectifs ont "empoigné le fusil" au Népal en 1996.

    Là, on s'aperçoit que le PCN(m) est né en 1994 d'une fusion de plusieurs Partis marxistes, qui constituaient grosso modo le United National People's Movement ; "3e pôle" (le plus à gauche) du mouvement populaire ayant arraché un Parlement à la monarchie absolutiste, en 1990. Dans le cadre de ce mouvement populaire, et dans les années qui ont suivi, le futur PCN(m) (essentiellement PCN Mashal) a donc mené une lutte d'agitation de masse "classique" et légale. Comme le soulignait Prachanda en 2006, il a eu des représentants au Parlement, fait l'expérience du parlementarisme et du travail (contre la monarchie) avec les partis bourgeois. C'est là une différence fondamentale avec le mouvement ML, puis MLM d'Inde, qui s'est toujours construit dans la guérilla et l'action clandestine, dans l'hostilité de tous les autres partis dont celui-là même dont il est... issu, le PCI "marxiste" (révisionniste ultra).

    En 1994, le PCN(m) voit le jour. Il fait le constat que "tout a changé pour que rien ne change", et prépare la Guerre populaire qui sera déclenchée le 13 février 1996. Oui, mais dans quel objectif ?

    C'est là que l'on peut légitimement se demander si la Guerre populaire a bien été lancée pour une nouvelle démocratie (démocratie par et pour le Peuple, rejet de la tutelle indienne, mais impliquant dans l'infrastructure la liquidation de la féodalité et - au moins - du grand capitalisme lié à l'impérialisme)... ou bien, si elle a été lancée pour l'abolition de la monarchie (République) et la convocation d'une Constituante (pour une nouvelle Constitution "populaire"), éventuellement agrémentée d'un certain nationalisme face à l'Inde, d'un certain fédéralisme par rapport à la grande diversité ethnique du pays, et d'une "réforme agraire scientifique" dont le contenu resterait à déterminer.

    Cela renvoie au récent article théorique Sur le processus révolutionnaire :

    - La Guerre populaire a-t-elle été déclenchée pour changer la forme de gouvernement, la superstructure juridique et un certain nombre de relations sociales archaïques (vis-à-vis des femmes, des basses castes, des minorités ethniques), c'est à dire en définitive une réforme radicale ?

    OU

    - A-t-elle été déclenchée pour le changement de mode de production (en tout cas liquidation de la féodalité et du grand capitalisme interface de l'impérialisme, de la mainmise indienne etc.) : révolution de nouvelle démocratie ?

    Ou encore, la question peut se poser de la manière suivante :

    - la voie bolchévique, c'est à dire maoïste : UNE SEULE Guerre populaire accomplissant les tâches démocratiques puis, sans interruption, jetant les bases de la transition socialiste vers le communisme ;

    OU

    - le voie menchévique : une Guerre populaire pour l'abolition des rapports sociaux les plus archaïques, une démocratie bourgeoise "moderne", des "droits démocratiques pour tou-te-s", et ensuite on verra... ? [Sauf que la classe dominante reste en place, qu'elle n'aura de cesse de reconstruire sa position ébranlée, et de reprendre les concessions accordées !]

    Pour Servir le Peuple, le "revisionnage de tout le film" depuis le début amène à la conclusion que, de manière principale, c'est l'option "République et Constituante" qui a empoigné le fusil au Népal en 1996. SLP ne va pas se faire des amis, mais ce n'est pas nouveau. Le PCN(m) n'a pas pu muter en Parti révisionniste entre 2000 et 2005 : à cette époque, la Guerre populaire avançait triomphante, remportait victoire sur victoire (militaire), contrôlant au bout du compte 80% du pays. Ce n'est pas sur ce terreau que fleurit habituellement le révisionnisme (qui fleurit plutôt sur l'"impossibilité immédiate" de la révolution). C'est donc aux origines qu'il faut revenir : dès le début, la Guerre populaire au Népal a été menée pour l'instauration d'une République (abolition de la monarchie) et la convocation d'une Assemblée constituante pour une "Constitution du Peuple", tout ceci étant conçu comme une "étape indispensable".

    Et ça l'était : comme on l'a déjà dit, la monarchie des Rana était la clé de voûte du système de domination au Népal, rien ne pouvait se faire sans son abolition. Bien sûr, il était possible de mener cette tâche et les suivantes de manière ininterrompue, dans UNE SEULE et même guerre ; mais ce n'est (majoritairement) pas cette conception qui a déclenché la Guerre populaire en 1996 : c'était donc "difficile". La Guerre populaire de 1996-2006 ne pouvait donc être qu'une première Guerre populaire, appelant inévitablement une deuxième.

    C'est désormais celle-ci qui est à l'ordre du jour. Quand ? Avec qui ? L'avenir le dira ; la divination n'est pas dans les dons de SLP.

    Pour faciliter la compréhension des lecteurs/lectrices, un petit tour d'horizon de "qui est qui" dans le PCNU-M :

    - "Biplab" semble représenter ce qu'il y a de plus à "gauche" (de connu, en tout cas). Il critique la "révolution dans la superstructure" (changement de la forme de gouvernement) qu'ont voulu faire Prachanda et Bhattarai. Il évoque clairement la scission : "même si nous n'y allons pas ensemble (avec les réformistes NDLR), la révolution populaire ira jusqu'au bout".

    - Mohan Baidya "Kiran" est un représentant de la gauche, sans doute le plus "important" (il a dirigé le Mashal, prédécesseur du PCN(m), à ses débuts). Mais il semble très "buros", ses méthodes de lutte de lignes sont très bureaucratiques, procédurières : "notes de désaccord", appels à "clarifier" ou "rectifier". Il se caractérise également par un discours très souverainiste vis-à-vis de l'Inde, contre la "sikkimisation" du Népal (annexion pure et simple, comme le royaume du Sikkim en 1975 : il est peu probable que l'Inde aille jusque-là, mais il est clair qu'elle épaule totalement la Réaction locale).

    - CP Gajurel "Gaurav" semble plutôt de "centre-gauche". Il attend de l'actuel gouvernement Bhattarai qu'il "mène le processus de paix et la rédaction de la Constitution à son terme". Mais, dans le même temps, il dénonce la "perte de lien" du Parti avec les masses, et veut relancer le Pouvoir populaire à travers un "Conseil National Populaire Unifié", une sorte de "contre-pouvoir", mais la stratégie est globalement peu lisible. De ses interviews ressort une certaine surprise face aux évènements actuels, qu'il a néanmoins dénoncés vigoureusement.

    - Autre dirigeant important, "Badal" : d'après ce commentaire sur Southasiarev, il envisagerait clairement un "nouveau Parti, une nouvelle Armée populaire et un gouvernement parallèle"...

    Prachanda et Bhattarai, on ne les présente plus. Qu'a-t-il bien pu se passer avec eux ? Et bien, c'est ce que SLP répète inlassablement : outil indispensable à la révolution, le Parti est aussi porteur par nature d'individus qui ne "font la révolution" que pour accéder au "rôle dirigeant" qu'ils estiment leur revenir... Certains vont jusqu'à la révolution (renversement de la classe dominante), mais d'autres (beaucoup), voyant la classe dominante prête à les accueillir en son sein, s'engouffrent dans l'opportunité (on les appelle donc : les opportunistes). Comme on l'a dit, Prachanda et Bhattarai n'ont sans doute déclenché la Guerre populaire en 1996 que pour des objectifs "républicains" et, en 2005, avec la rupture entre le roi et les partis bourgeois, cette "opportunité" s'est ouverte. Ensuite, ils ont mangé au râtelier de la classe dominante, et acquis la conscience de classe qui va avec (c'est la situation matérielle qui détermine la pensée, doit-on le rappeler ?), sachant qu'à la base, ce sont déjà des bourgeois (Bhattarai est un universitaire renommé). Quand aux gauchistes (qui, historiquement, sont "la réponse du berger à la bergère" opportuniste, qu'ils renforcent objectivement), ils ne sont pas faits d'un bois bien différent… Moins brillants peut-être selon les critères dominants : les opportunistes, finalement, réussissent là où ils échouent. C'est la raison pour laquelle, "pris de rage" comme disait Lénine, ils adoptent une posture "ultra-radicale", s'étranglent, éructent... mais c'est au fond la même culture politique et de classe. Face aux opportunistes, les gauchistes se voient tout simplement dans un miroir déformant.


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    Questions-réponses sur la situation au Népal


    Pour aborder un sujet aussi complexe, et important pour le mouvement communiste international, peut-être ne vaut-il rien de mieux qu'un système de questions-réponses...

    Voici donc :


    1. Quels sont les défis à l'ordre du jour pour les maoïstes népalais ? Quels sont les limites, les obstacles ? 

    Les défis ? LE défi, plutôt, est désormais énorme et inévitable. Le PCI(ML) Naxalbari (communiqué traduit récemment ici) parle de "lever le drapeau de la rébellion ouverte contre le quartier-général révisionniste". On ne saurait mieux résumer. Que les révolutionnaires, dans le Parti, soient une majorité ou 10%, la question n'est pas là. La question, au regard des faits et au regard de l'histoire du MCI, est qu'ils ne peuvent plus cohabiter avec Bhattarai, Prachanda et leurs partisans. Il n'est plus possible de mener une lutte de lignes "franche et ouverte", "en toute camaraderie", comme cela s'est fait ces dernières années (mais depuis près d'un an, le ton commençait à monter...). À la rigueur, une dernière lutte interne, de manière très antagonique, peut permettre de "compter ses forces". Mais c'est tout.

    Le PCI(ML) Naxalbari dit que "la première chose qu'ont fait les révisionnistes, c'est de transformer le Parti en forum de discussion inopérant", et c'est malheureusement vrai. Mais aujourd'hui, les révisionnistes en question ne respectent même plus ces règles. Leurs agissements se passent des décisions du Parti. 

    Mais on vient là à LA limite : les moyens, quantitatifs et SURTOUT qualitatifs de lancer ce qu'il faut bien appeler une nouvelle révolution... Ne nous berçons pas d'illusions dans l'immédiat. Comme on vient de le dire, les révisionnistes ont "englué le Parti dans le miel" d'un débat "soft", d'un grand "libéralisme" entre les lignes (globalement trois : la gauche Kiran-Gaurav-Biplab, le centre Prachanda et la droite Bhattarai). Il y a vraiment de quoi questionner la "profondeur" du maoïsme dans le Parti népalais. On a toujours eu l'impression, ces dernières années, d'un débat extrêmement mou, extrêmement interne aussi (laissant à l'écart une grande partie des militant-e-s, et a fortiori le mouvement organisé ouvrier, paysan etc.), avec une recherche permanente du consensus. Alors que les occasions de repasser à l'offensive ont été nombreuses, aussi bien quand Prachanda s'est retrouvé Premier ministre que (surtout !) quand il a démissionné après un coup de force du Président ; ce fonctionnement a toujours laissé la situation "au milieu du gué", à coup de "ne pas se précipiter", "voyons quelles proposition les partis bourgeois peuvent encore accepter", "ils vont bien finir par tomber le masque et nous déclencherons la révolte populaire" etc. Dans la conception maoïste du Parti, quand l'enjeu n'est ni plus ni moins que révolution... ou pas révolution, la lutte de lignes est autrement plus antagonique, il ne peut pas y avoir de consensus, seulement un gagnant et un perdant !

    Tout cela, et je pense que le PCI(ML) le résume assez bien, a amolli la gauche révolutionnaire dans le Parti, "décapité sa force idéologique". C'est assez net, dans les interviews, chez les "vieux" (Kiran, Gaurav) ; les jeunes comme Biplab semblent plus déterminés. Ce dernier, avec un sens très "mao népalais" de la périphrase, va jusqu'à dire que "même si nous ne pouvons pas continuer ensemble, la révolution populaire ira jusqu'au bout" : il est le seul, à ce jour, à sous-entendre la scission. Reste à savoir ce que représente, pour lui, le "bout" de la révolution populaire...

    On a vraiment l'impression d'une grande peur de la rupture (sauf ci-dessus chez Biplab). Il faudrait, c'est très important, savoir combien de militant-e-s et sympathisant-e-s chaque ligne a derrière elle. On peut craindre que s'il y en a trop peu, Kiran et Gaurav n'osent pas la scission minoritaire...

    On voit là un principe essentiel du marxisme-léninisme-maoïsme : ce sont les faiblesses, les limites (dans la conception et dans la pratique) de la GAUCHE révolutionnaire qui permettent le triomphe du révisionnisme, pas la force du révisionnisme lui-même.


    2. Peut-on dire que "nous n'avons rien vu venir" ?

    Non. Pas du tout. Dès 2006, dès 2005 même, quand a germé l'idée d'accord avec les partis bourgeois alors que le roi avait instauré sa dictature personnelle (avec l'Armée royale), l'inquiétude s'est exprimée, l'alerte a été donnée. La "fracture" dans le "MMI" ("mouvement maoïste international") a en réalité porté sur la question d'une critique constructive... ou pas. Pour SLP, mais aussi pour beaucoup d'organisations (SLP n'est pas une organisation), il a été considéré que rejeter immédiatement le PCN(m) tout entier, "de la base au sommet", de "l'extrême-droite" type Bhattarai à l'extrême-gauche type Biplab, dans le 9e cercle de l'Enfer révisionniste ne servirait en rien 1°/ ni les véritables maoïstes révolutionnaires de ce pays, dans le PCN(m) ou en dehors, dans leur résistance à la dérive réformiste, 2°/ ni les masses exploitées du Népal dans leur long chemin d'émancipation, 3°/ ni le Mouvement Communiste International. Bien sûr cela a été qualifié de "centrisme", d'"opportunisme", de "prachandisme" voire de "trotskisme" par les "non-constructifs"... Dont on aimerait bien aujourd'hui, tout à leur "triomphe" d'avoir eu raison, qu'ils nous expliquent en quoi leur attitude a été plus utile, et à la révolution au Népal et au MCI.

    Il faut préciser aussi que, le PCN(m) étant alors membre du MRI et du CCOMPSA, beaucoup de critiques, de demandes d'explications, de rappels "à la raison" se sont faits "en interne" à ces coordinations internationales, et les documents n'ont été rendus publics que beaucoup plus tard. On peut se risquer à dire que la critique violente et ouverte, publique dès le départ, a plutôt été le fait de groupes se sentant "à l'écart" du MRI. D'ailleurs, il a été un temps reproché au RCP-USA (qui "domine" le MRI) d'avoir influencé le PCN(m), avec ses thèses (qui sont effectivement) révisionnistes. Mais ensuite, le RCP-USA a rendu publique une très dure (et précoce) critique du PCN(m)…

    Pour ce qui est d'une juste appréciation de la situation, en temps réel, par les communistes étrangers, il y a plusieurs obstacles majeurs :

    - L'information : elle arrive au compte-goutte. Ce problème m'a été plusieurs fois mentionné, notamment par le Comité de Solidarité Franco-Népalais.

    - De plus, elle provient souvent de la presse BOURGEOISE locale (Himalayan Times, Republica, Nepal Telegraph), qui décrit surtout... ce qu'elle veut bien voir. Le Red Star, l'organe du Parti lui-même, semble quant à lui rapidement tombé aux mains de la droite (avec des publicités pour des voitures japonaises etc.), ce qui est effectivement un sérieux problème quand on connaît l'importance de l'organe de presse dans la conception léniniste. Ceci dit, récemment, des organes de la "gauche révolutionnaire" ont vu le jour sur internet, comme The Next Front.

    - Au niveau des communiqués, des interviews de différents dirigeants... Il faut comprendre une chose : les Népalais, culturellement, sont pudiques et réservés. Leurs déclarations sont donc des sommets de périphrase, d'implicite... il faut vraiment lire entre les lignes. C'est très frappant, quand on étudie en comparaison les déclarations de maoïstes sud-américains, où tout le bestiaire ("rats", "chiens" etc.) y passe pour désigner l'adversaire "déviationniste". Tout cela pour dire qu'il est difficile de savoir où en est l'intensité des affrontements au sein du Parti, les "plans d'action" des uns et des autres.

    - Et puis, on y revient, il y a un certain "culte" de l'interne. Tout a tendance à se régler en interne, dans des réunions entre cadres, et bien sûr nous n'avons les informations qu'une fois que les décisions sont prises, et même déjà en application. Toujours le même problème du manque de mobilisation des masses, au moins des masses "militantes" (communistes, sympathisantes, syndicalistes ouvrières, paysannes et étudiantes), dans la lutte de lignes. Ce n'est pas (que) de l'avenir du Parti qu'il est question, mais du Peuple népalais : il ne peut pas rester éternellement spectateur ! C'est un grand enseignement du maoïsme qui n'est pas appliqué là... Là encore, on peut se poser des questions.


    3. La dérive bourgeoise au Népal est aujourd'hui manifeste, mais, à quand peut-on en faire remonter les racines ?

    C'est une très, très vaste question... Si l'on compare, par exemple, avec l'Inde : les marxistes-léninistes, puis maoïstes indiens se sont toujours construits dans la lutte et la clandestinité. Au cœur de la jungle ou au fin fond des grandes villes, traqués comme du gibier, ils n'ont jamais eu accès à "l'espace démocratique" bourgeois de la "plus grande démocratie du monde"... Quand bien même la plupart des leaders sont des intellectuels de la classe moyenne. Le PC maoïste du Népal, lui, s'est formé en 1994 de la réunion de plusieurs petits partis... parlementaires. Ils avaient participé au jeu parlementaire arraché à la monarchie, par un mouvement populaire, en 1990 (ils avaient bien sûr participé à ce mouvement populaire). Le Parti s'est formé, pour lancer la Guerre populaire deux ans plus tard, sur le constat que la monarchie parlementaire était un vaste foutage de gueule, que "tout avait changé pour que rien ne change" ; constat juste, évidemment. Mais c'est une différence de culture politique énorme.

    Ensuite, quels étaient les buts de la Guerre populaire ? Je me souviens d’une chose avec certitude. C'était fin 2002 ou début 2003, peu avant le début de la guerre en Irak, et à cette époque, j'ai lu quelque part (peut-être dans "Partisan", ou pas, je ne sais plus) qu'il y avait au Népal une guérilla maoïste, et qu'ils luttaient pour l'abolition de la monarchie et la convocation d'une Assemblée constituante. Je suis absolument certain de l'époque. C'était, donc, bien avant Chunwang (novembre 2005), bien avant l'alliance de 2006 avec les "Sept partis" bourgeois, bien avant que (partant de là) tout le monde se mette à hurler à la "trahison" des maos népalais. On peut donc légitimement se demander si, pour au moins une partie du PCN(m) (en tout cas du leadership), la guerre n'a pas été menée, de A à Z, uniquement pour l'instauration d'une République. Prachanda aurait alors parlé de "tactique" parce qu'il pensait à ce moment-là que les "Sept partis" trahiraient l'accord, qu'ils n’accepteraient pas l'abolition de la monarchie et la convocation d'une Constituante, et qu’alors la guerre reprendrait (les maoïstes conservaient les clés des containers d'armes). Mais si l'on arrivait à une République et à un accord sur une Constitution démocratique et fédéraliste, alors... C'est, franchement, quelque chose de très possible. Bien sûr, il y avait sûrement aussi (et il y a sûrement toujours) des éléments menant la Guerre populaire... pour les objectifs d'une Guerre populaire, à savoir la Démocratie Nouvelle.

    Mais voilà. Le ver était dans le fruit. Pourquoi, alors, n’avoir rien dit à l'époque ? Il faut être cohérent et aller au bout de sa logique… Les organisations qui ont commencé, dès le début 2006 voire la fin 2005, à hurler au "révisionnisme", aux "nouveaux Thorez" etc. avaient jusque-là célébré, chanté les louanges de la Guerre populaire au Népal avec une grandiloquence...


    4. Mais alors, on nous l'a faite à l'envers depuis le début ? Nous avons soutenu 10 ans, 15 ans parfois, une mascarade ? Il n'y a rien eu de positif au Népal ?

    Il ne faut pas raisonner comme cela. L'histoire avance en spirale. BIEN SÛR, il faut être absolument clairs là-dessus : il était 100% possible de faire la révolution de démocratie nouvelle, entre 2006 et maintenant. Il était 100% possible, conservant en main les clés des stocks d’armes, d’instituer une situation de DOUBLE POUVOIR (bourgeois réactionnaire, à la rigueur ‘réformiste’, et populaire révolutionnaire) et à la première occasion, par exemple lors du ‘coup de force’ présidentiel contre Prachanda en 2009, de démasquer la classe dominante et la dégager… Malheureusement, les conceptions révolutionnaires à même de faire cela, par leurs faiblesses et leurs erreurs, ont laissé prévaloir les conceptions réformistes, de conciliation avec l’oligarchie. Mais concentrons-nous maintenant sur ce qui est, et non sur ce qui aurait pu être.

    Il faut déjà bien avoir en tête la situation politique, économique et sociale au Népal avant la Guerre populaire. Plaçons-nous en 1989. Politiquement, une monarchie absolue. Comme ici sous l'Ancien régime. Les villes, en peut-être moins surpeuplées : comme en Inde. Tout le monde a vu des reportages là-dessus. Une grande misère côtoyant une grande opulence des nobles, des castes supérieures, des grands bourgeois, le tout dans des rapports sociaux féodaux, où certains "ne se donnent la peine que de naître". Dans les campagnes... le Moyen-Âge. L’État, les infrastructures de base, n'y arrivaient généralement pas. La seule autorité était celle du grand propriétaire local, exerçant une "crainte révérencielle" sur les paysans misérables.

    Dès les années 70, mais surtout à la fin des années 80, il y a eu un grand mouvement "démocratique bourgeois" (seulement dans les villes), pour arracher à la monarchie un Parlement et, au moins, une vie politique... du 20e siècle. Ce qui a été obtenu en 1990. Fin d'un premier cycle. Mais ensuite, le changement politique a été très cosmétique, rien ou presque n'a changé dans les rapports sociaux, et évidemment rien au niveau socio-économique. Donc, constitution du PCN(m), Guerre populaire (1996-2006), nouveau mouvement démocratique (2006), chute de la monarchie, et voilà la République parlementaire bourgeoise que nous avons à présent.

    Tout cela, va-t-on dire, c'est dans la superstructure, ce sont des changements de forme de gouvernement ! En effet. Sur le plan socio-économique, pas grand chose n'a changé, le Népal est toujours dans les 9 "pays moins avancés" (selon les critères de l'ONU) d'Asie. Comme le dit Biplab, "on ne fait pas la révolution à partir de la superstructure", on ne change pas la nature de classe de l’État en changeant simplement la forme des institutions.

    Mais un grand principe du maoïsme, c'est aussi "la politique au poste de commandement". C'est compliqué à comprendre, mais il faut faire l'effort. À un moment donné, pour faire court, un certain système politique est la "clé de voûte" de l'ordre social existant. Il faut le faire sauter. Par exemple, qui imaginerait la Révolution russe sans, d’abord, la chute du Tsar ? Il y a d'abord eu la chute du Tsar, ENSUITE le pouvoir des soviets et la Révolution d'Octobre, et ENSUITE l'instauration d'une économie socialiste. Bien sûr, tout cela est allé très vite, ce qui n'est pas le cas au Népal.

    Inversement, dans le socialisme, transition du capitalisme au communisme, la clé de voûte, c’est le Parti (d’où la citation de Mao : "la politique au poste de commandement"). Si le Parti cesse d’être communiste, de vouloir le communisme, le capitalisme sera rétabli : la bourgeoisie, la contre-révolution mondiale, sait où elle doit taper…

    Au Népal, la clé de voûte, c'était la monarchie. La même classe dominante est toujours au pouvoir, elle tient l'économie, les moyens de production. Sa représentation est essentiellement le Nepali Congress (ensuite, elle s'appuie sur les réformistes de l'UML et bien sûr... du PC maoïste, désormais "unifié" après absorption d'un petit parti révisionniste). Mais elle est ébranlée. Elle a perdu sa clé de voûte. De 1990 à 2005, les partis bourgeois comme le NC et l'UML ont participé au parlementarisme, ont eu des Premiers ministres, sans jamais remettre en cause la monarchie. Même quand le roi (Gyanendra) a instauré sa dictature personnelle, même au plus fort du "Mouvement populaire II" au printemps 2006, même dans les accords qui ont suivi (sous l'égide indienne) il n'a pas été question d'abolir la monarchie. Le mot d'ordre de "République" a germé courant 2006, pour déboucher sur l'Accord de novembre avec les maoïstes. Tout cela, c'est la pression de la Guerre populaire, et de comment sauver sa peau, comment être du "bon côté de la barricade" (la barricade étant alors entre les maoïstes et la dictature monarchique). Les partis bourgeois (et la classe dominante qu'ils représentent) ont sauvé leur peau. Mais affaiblis.

    Même sur le plan socio-économique, n'exagérons pas le "rien". Il y a eu des terres confisquées pendant la Guerre populaire et distribuées aux paysans (il est maintenant question de leur reprendre : comme cela va-t-il se passer ?). Dans les villes, c'est toujours le capitalisme bureaucratique et la sous-traitance de l'Inde (elle-même sous-traitante du monde), mais il y a eu, pendant la Guerre populaire et dans tout le processus jusqu'à maintenant, de grandes grèves générales politiques, de grandes mobilisations etc. Les maoïstes avaient réussi à infiltrer les villes, les syndicats... Et depuis 2006, ils ont eu quartier libre bien sûr.

    Donc voilà : il est totalement ABSURDE de dire que "tout a été liquidé", qu'on en serait revenu à la situation de 1990-94. Quantitativement et qualitativement, la lutte de classe, la lutte pour l'émancipation des classes exploitées, est à un niveau bien supérieur. Fin d'un deuxième cycle.

    Et début d'un troisième ! Celui-ci pourra être extrêmement prolongé, peut-être des décennies... Pour commencer, il faut un nouveau Parti révolutionnaire, car maintenant, à l’ordre du jour, c'est la Révolution de Nouvelle Démocratie ou rien. Cela renvoie à la première question.

    Ensuite, l'histoire peut aussi s'accélérer, notamment en cas de grands succès de la Guerre populaire en Inde. La tutelle indienne est l'autre "clé de voûte" de l'ordre social au Népal. C'était d'ailleurs un autre grand "objectif" de la Guerre populaire : l'indépendance nationale "véritable" ; et celui qui a d'ailleurs été le plus trahi, quand on voit l'attitude du gouvernement Bhattarai en ce moment. Bhattarai est un ami déclaré du gouvernement de New Delhi.

    Dans ce cas, les choses pourraient aller beaucoup plus vite que prévu, on pourrait voir les forces révolutionnaires du Népal se reconstituer sur le modèle de leurs voisins indiens, tandis que les difficultés du gouvernement indien rendraient intenable la position de la classe dominante et des partis bourgeois népalais, qui n'ont désormais plus que cette "clé de voûte" là... Politique-fiction.

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    En manière de conclusion sur la situation au Népal et ses répercussions dans le Mouvement communiste international


    Il ne s'agira pas, ici, de revenir sur les évènements en cours au Népal (d'où ne parvient, à l'heure actuelle, que peu d'information), mais plutôt de s'intéresser aux implications de ces évènements, et de tout le "parcours" du mouvement maoïste népalais depuis 2006, pour les masses exploitées du Népal et aussi pour le Mouvement Communiste International. Car le "cycle" qui se referme est riche d'enseignements, rappelle (aussi) quelques fondamentaux, et DOIT POSER des distinguos et des lignes de démarcations claires. En particulier, tout un courant gaucho-dogmatique international, se réclamant du maoïsme, a dès le début (2005-2006) considéré la situation "pliée" au Népal, et absolument plus digne d'intérêt… tant mieux pour nous, quelque part. Mais voilà qu'il revient à présent à la charge, au lieu de savourer silencieusement sa "victoire" comme les gauchistes savent si bien le faire, quand leurs "prophéties" de "révolution trahie" se réalisent…


    1. Sur l'assimilation ignominieuse des (vrais) maoïstes au trotskysme (par les pseudo-maoïstes gaucho-dogmatiques)

    Depuis la fin de la Guerre populaire népalaise (2006), sur une "capitulation" pour certains, le débat sur la situation a fait rage dans le mouvement maoïste international. Un certain nombre d'organisations rejetant clairement et sans appel le PC maoïste du Népal dans les "poubelles" du révisionnisme et de l'histoire ; d'autres considérant que s'y jouait obligatoirement une lutte de ligne, qu'il y aurait toujours des éléments pour s'opposer (le cas échéant, ça l'est aujourd'hui) à la capitulation, et que le DEVOIR des maoïstes dans le monde était de soutenir les révolutionnaires au Népal, d'avoir toujours un œil attentif sur les processus réels, de ne pas déclarer "mort-née et enterrée" du jour au lendemain la première (potentielle) révolution du 21e siècle. Se voyant, par là, qualifiés de "centristes" dans le meilleur des cas, ou carrément d'"opportunistes"... Le débat a pu présenter des arguments sérieux, pointant parfois à juste titre les illusions des "centristes", illusions qui se révèlent clairement aujourd'hui ; mais il a pu aussi prendre une tournure absolument lamentable, à l'image du sectarisme qui anime certaines "avant-gardes autoproclamées". C'est encore une fois le cas dans un document publié par des tenants de la ligne gaucho-dogmatique, qui aligne les inexactitudes, les contre-vérités, et finalement une vision totalement métaphysique des lignes dans un Parti et de leur lutte... 

    Cela commence (mais on ne fera pas ici un mémoire de "trotskologie") sur une  confusion entre le "droit de tendance" trotskiste et l'"entrisme" dont la théorie est contenue dans le "Programme de transition". C'est inexact et cela renvoie au problème de "connaître l'ennemi". Ce sont deux choses différentes. Le droit de tendance peut être invoqué à l'appui de l'entrisme, certes, mais ce dernier repose principalement sur un (premier) constat d'échec du trotskysme : les PC étant (à l'époque du "Programme") devenus "staliniens", il n'était plus possible (pour les trotskistes) d'y opérer ; il fallait donc "repartir à zéro" et revenir dans les organisations de la social-démocratie (où le droit de tendance est absolu), "comme le POSDR", pour en constituer la "tendance marxiste révolutionnaire" et, à partir de là, reconstituer un nouveau "parti bolchévik". Ce qui est une négation de la nature de la social-démocratie sous l'impérialisme, donc du léninisme. L'enseignement de Lénine est justement qu'à l'époque impérialiste, il n'est pas possible à des communistes révolutionnaires d'opérer au sein d'un parti réformiste : c'est la raison pour laquelle, à partir de 1912, les bolchéviks et les menchéviks forment deux organisations totalement distinctes. Mais bref.

    Le "droit de tendance", lui, n'est pas vraiment une invention trotskiste, mais plutôt un emprunt au "marxisme antiautoritaire" (c’est à dire anti-léniniste) petit-bourgeois, ainsi qu'au conseillisme (qui nie la nécessité du Parti : "tout par les conseils de travailleurs"). Il part du principe que la conception léniniste du Parti (qui a ses limites et que l'on peut repenser, ne soyons pas aveugles) est "autoritaire", "centraliste", "bureaucratique" ; que tout le monde "ne peut pas penser la même chose" et "doit pouvoir s'exprimer". Les trotskistes l'ont adopté pour contester le centralisme du PCbUS, qui les mettait à chaque Congrès en écrasante minorité (de l'ordre de 5% des délégués).

    Le problème du "droit de tendance", c'est essentiellement que :

    1°/ c’est une conception idéaliste, selon laquelle les tendances existent "comme ça", "parce qu'elles le veulent bien", parce que c'est "la liberté d'opinion" (mais bien sûr, on ne peut pas tolérer des réactionnaires dans l'organisation révolutionnaire : donc, où fixer la "limite" ?). Pour les maoïstes, au contraire, les lignes ne sont pas l'expression de la fantaisie des un-e-s et des autres : elles sont le reflet, dans le Parti, des conceptions de classe et de la lutte des classes existant dans la société. Gramsci expliquait déjà, dans les années 20-30, que les classes ne sont pas séparées idéologiquement par des murailles imperméables : les conceptions bourgeoises (qui pourra le nier ?) influencent le prolétariat, mais parfois même les bourgeois "s'ouvrent" (pour sauver leur position) à des conceptions prolétariennes, accordent des "concessions", adoptent une posture "humaniste et sociale" (sans pouvoir toutefois, en tant que classe, aller au-delà : aucune classe ne se "liquide" elle-même).

    2°/ (conséquence de ce qui précède), les "tendances" se VALENT et ont "le droit" d'exister, aucune n'a raison ni tort a priori, elles coexistent pacifiquement et de leur "débat démocratique" naît la position juste à adopter sur le moment. Les trotskystes n'ont souvent que le mot d'"unité" à la bouche (et cela influence, aujourd'hui, des "staliniens"), mais généralement, cela débouche sur une pratique et des résultats réformistes : une partie des trotskystes s'en contente alors (car "les conditions n'étaient pas réunies" pour la fameuse "grève générale révolutionnaire"), l'autre hurle à la "trahison réformiste" et fait scission...

    Pour les maoïstes, au contraire, les lignes existent objectivement (pas par "liberté d'opinion"), et elles reflètent la lutte des classes et des conceptions dans la société, la lutte entre l'ancien et le nouveau, car le Parti est DANS la société, pas dans le ciel des idées. La "droite" (opportuniste, conciliatrice de classes) représente l'influence des conceptions bourgeoises dans le Parti ; la "gauche" représente les conceptions révolutionnaires du prolétariat ; le "centre" représente ceux/celles qui "s'arrêtent à mi-chemin" (souvent par sacralisation de "l'unité des communistes"). La gauche représente le nouveau et la droite l’ancien. À cela s’ajoute la contradiction entre idées justes et idées fausses dans la recherche de la "vérité", de la conception juste du monde. Et la lutte entre les lignes est le moteur de la vie du Parti*. La ligne qui prévaudra décidera si celui-ci va vers la révolution, le socialisme et le communisme ; ou vers le révisionnisme et le réformisme bourgeois (comme "aile gauche" de celui-ci), ou la restauration capitaliste (dans les pays déjà engagés sur la voie du socialisme).

    C'est une différence fondamentale, mais c'est la seule ; il n'y a pas besoin de partir dans un salmigondis métaphysique imbitable comme quoi la "ligne rouge" représente "la vie" et "l'insurrection de la matière", la ligne "noire" représente "la mort" etc. Mais, à vrai dire, même dire cela est inexact. Il n'y a pas de "différence" entre "ligne" et "tendance" : ce sont deux compréhensions de la même chose, mais l'une est petite-bourgeoise, idéaliste et donc erronée. En réalité, les "tendances" N'EXISTENT PAS. Il n'y a que des lignes, qui sont la compréhension JUSTE de cette réalité qu'est l'existence d'opinions différentes dans le Parti révolutionnaire. Ces positions différentes sont des lignes, l'une est juste et les autres fausses, et c'est la ligne juste qui doit l'emporter. Ce qui, parfois, n'est pas le cas, mais nous y reviendrons. Quant au "fractionnisme", il n’est tout simplement que le "retour en force" de la réalité : que les "tendances" sont des lignes, qu’elles sont des positions de classe, des idées justes et des idées fausses, et qu’elles ne sont pas conciliables. La prise de conscience est aussi brutale que cela a été nié, et s’exprime sous forme de "fractions". Un Parti qui a, au contraire, correctement compris le caractère moteur de la lutte de lignes, peut par contre y faire face jusqu’à un certain niveau d’antagonisme.

    En fait, il existe une seule assimilation des "lignes" et des "tendances", de la conception trotskiste (ou "marxiste antiautoritaire") et maoïste du même phénomène : c'est celle des "dogmato-révisionnistes" (type "albanais"), pour qui le Parti doit être "monolithique", imperméable à la lutte entre conceptions de classe dans la société ; le "mal" ne peut venir que de l'extérieur (qui infiltre ses "agents" dans le Parti) ; et toute remise en cause de cela est une "hérésie" absolue. Par ailleurs, le "droit de tendance" trotskiste n'a pas de réelle existence en pratique : il n'y a pas plus monolithique et sectaire qu'une organisation trotskiste "orthodoxe".

    Finalement, l'impression qui se dégage de cette critique gauchiste, c'est que l'histoire en mouvement est un fleuve dans lequel les individus humains se laissent complètement balloter. Les un-e-s représentent le nouveau, les autres l'ancien (et sont condamnés à disparaître, à être liquidés). Il n'y a pas de choix, pas d'évolution possible, pas de dialectique de la "matière humaine". Les maoïstes du Népal, qui auraient eu le tort de "ne pas subir une véritable guerre d'extermination" (ignoble !), sont 100% révisionnistes, il n'y a parmi eux que des "tendances" (pas de lignes) ; ils appartiennent définitivement à l'"ancien". Au milieu de tout cela surnage une poignée d'élus, le "Parti de la Science", qui pourrait, si l'on comprend bien, choisir le sens du courant qui le porte. "Objectivisme" total : l'objectivité de l'existence des lignes est portée à une extrémité gauchiste, où les individus qui composent le Parti n'ont aucun choix, aucun libre-arbitre (dans les limites de "l’empreinte de classe" bien sûr**) pour faire partie de la révolution ou de sa trahison...

    La Guerre populaire, autrement dit la révolution prolétarienne (socialiste ou de démocratie nouvelle selon les pays), est définie comme une "insurrection de la matière" : pas faux, mais simplificateur, "matérialiste métaphysique" et déterministe au possible. La révolution prolétarienne est une insurrection du NIVEAU DES FORCES PRODUCTIVES et de la "CONSCIENCE DE MASSE" générée, contre le mode de production et les relations sociales (juridiques, morales etc.) qu'il induit. À mesure que le temps s'écoule, le niveau des forces productives est en contradiction de plus en plus aiguë et insoutenable avec le mode de production, mais, en définitive, c'est la "conscience collective" générée et sa "pointe avancée", l'idéologie révolutionnaire, qui sont déterminantes. Il y a des "situations objectives" plus favorables que d'autres à la révolution mais, depuis le début du 20e siècle, ce sont les conditions SUBJECTIVES de la révolution prolétarienne qui sont déterminantes (et font souvent défaut). La "matière" ne "s'insurge" pas toute seule. Ce sont les idées, la pensée humaine qu'elle engendre qui font la révolution (et aussi la contre-révolution, idée engendrée par la propriété capitaliste qui fait aussi partie de la matière !). Cette notion d'"insurrection de la matière" dégage un déterminisme "matérialiste" total, qu'on retrouve dans l'idée que "le capitalisme ne pense pas" (c'est bien connu, le capitalisme ce n'est pas des gens, les bourgeois, qui réfléchissent "à l'occasion" sur les moyens de conserver leur position de classe !).

    Mais, parallèlement, surgit parfois au détour du raisonnement un subjectivisme total : ainsi, l'esprit maléfique des trotskystes pourrait donner une réalité aux "tendances", lesquelles N'EXISTENT PAS sinon dans leur compréhension extrêmement petite-bourgeoise du Parti.


    2. DONC, dire qu'il n'existe pas de lignes dans le PC maoïste du Népal est anti-scientifique.

    Ce qui est vrai, en revanche, c'est que la ligne "rouge", la ligne révolutionnaire dans un Parti, peut être défaite. Et, dans la défaite, elle peut aussi dégénérer, se "droitiser" (c'est souvent le cas). Les causes de la défaite de la ligne rouge, qui a été très fréquente au 20e siècle (dans les PC français, italien, soviétique, à vrai dire tous les PC de la première vague révolutionnaire mondiale !), sont à rechercher D'ABORD à l'intérieur de la "ligne rouge" elle-même : c'est la thèse fondamentale du primat des causes internes. Ce n'est pas que "les autres" (révisionnistes, bourgeoisie, impérialisme mondial) ont été "plus forts", mais que les révolutionnaires eux-mêmes étaient limités dans leur conception du monde, du Parti, dans leur stratégie et leurs méthodes pour lutter contre le révisionnisme (= les conceptions bourgeoises au sein du Parti). Stratégie erronée ou (carrément) absente, insuffisance ou absence de mobilisation de masse derrière la ligne révolutionnaire... etc.

    Ce qu'il est (donc) possible de dire, c'est qu'en l'état actuel (2011) des choses, pour les raisons qui précèdent, les révolutionnaires maoïstes (les vrais) du PC népalais ont subi une lourde défaite. Une défaite dont ils ne se relèveront pas avec des "marches aux flambeaux" et autres mobilisations pacifiques, car aujourd'hui, avec le gouvernement Bhattarai et ceux qui, dans le Parti, l'appuient (y compris Prachanda lui-même), ce n'est plus la voie pacifique qui s'impose. Il se peut que les révolutionnaires sincères (Kiran, Gaurav, Biplab etc.) ne le comprennent pas, ou s'y refusent, car il est toujours terrible d'affronter de manière antagonique des gens aux côtés desquels on a lutté pendant des années, parfois toute une vie. Dans ce cas, la révolution démocratique au Népal est MORTE... dans l'immédiat. Car (et c'est là un autre principe maoïste absolu) "ce n'est qu'un détour" !


    3. Quelle est l'analyse correcte sur la situation au Népal ? 

    Nous y arrivons donc. Précision importante : ce qui va suivre n'est pas la position des organisations de la dite "Déclaration du 1er Mai 2011", au rang desquelles le PC maoïste de France, accusées par les ultragauchistes de "soutenir avec des critiques" la ligne et les agissements de Prachanda, ce qui est une autre contre-vérité absolue***. Cette position est celle de SLP et uniquement SLP.

    Pour SLP, donc, il n'y a pas "rien eu" au Népal ces 15 dernières années, et l'on est nullement "revenu à zéro".

    En 2006, les maoïstes du Népal contrôlaient 80% du pays et encerclaient la vallée de Katmandou (la capitale), qu’ils pouvaient d’ailleurs couper complètement du reste du pays (blocage des routes). La prise militaire de la ville (par les maoïstes) était-elle alors possible ? C’est un vaste débat… Elle n'était sans doute pas impossible du fait de l'Armée royale (le moral à terre, parfois plus payée depuis des mois). En revanche, se déroulait dans la capitale un grand mouvement populaire démocratique (bien qu'à direction (100%) bourgeoise) contre la dictature personnelle du roi appuyée sur l’Armée. Dans ce contexte, l’assaut révolutionnaire sur Katmandou aurait-il été judicieux ? Question à jamais sans réponse. La question n’a pas beaucoup eu le temps de se poser, et le fait est que le mouvement populaire a devancé la prise de Katmandou par les maoïstes, conduisant l’autocrate Gyanendra à se retirer dans son palais. Plusieurs mois avant d’être paraphé en bas d’une feuille, l’accord "tactique" des maoïstes avec les partis bourgeois était scellé de facto.

    Globalement, Servir le Peuple tend vers la position des maoïstes du sous-continent indien, membres du CCOMPSA (conférence sous-continentale des organisations maoïstes) comme le PCI(ML) "Naxalbari" : dans la situation objective de 2006, négocier et "composer" avec les partis bourgeois pro-républicains (certains de la dernière heure, mais bon…) n'était pas en soi une marque de révisionnisme le plus infâme, putrescent et tous les épithètes qu'on voudra. Les communistes chinois, dans leur Guerre populaire, ont plus d'une fois "composé" avec les nationalistes du Kuomintang, qui les ont pourtant massacrés en 1927. Pour autant, un certain nombre de positionnements, de la part de la direction népalaise, étaient déjà clairement source de préoccupation ; des "niches à déviation de droite" comme dit le PCI "Naxalbari". C'est bien sûr sur ces niches que sont tombés à bras raccourcis les gaucho-dogmatiques, pour décréter le PCN(m) entièrement et définitivement révisionniste, l'isolant internationalement, ce qui renforce TOUJOURS la droite.

    Ce qui est certain, en revanche, c'est que la "tactique" qui a alors été suivie a été pensée et menée de manière complètement droitière, en partie "grâce" au fait que les principaux chefs de file de la gauche révolutionnaire (Kiran et Gaurav) étaient absents, emprisonnés en Inde. Ont alors prévalu les éternels arguments (car la nouveauté, dans ce qui s'est passé, il faut vraiment la chercher…) : les "conditions pas réunies", l'ennemi "trop puissant", la "conjoncture mondiale défavorable". Autant de faits qu'il ne s'agit pas de nier (quand ils sont réels...), mais qui servent TOUJOURS de prétexte aux éléments (du Parti) les plus imprégnés de conceptions bourgeoises, pour renoncer à l'objectif révolutionnaire et pour se vautrer dans le réformisme (y compris en prétendant que "c'est temporaire").

    Qu'aurait-il fallu faire ? Difficile de prétendre le savoir à des milliers de kilomètres de distance, mais on peut s'inspirer de l'expérience historique du MCI. On peut penser que, dans les conditions spécifiques du Népal, la situation ressemblait un peu à la Russie en 1917 ; qu'il aurait alors fallu 1°/ garder un "minimum vital" d'armes (autrement dit ne pas céder, même si c'était en "loucedé", à l'exigence qui était MANIFESTEMENT celle de la bourgeoisie la plus réactionnaire du pays, type Nepali Congress), 2°/ (surtout) développer et consolider le DOUBLE POUVOIR, le pouvoir rouge des conseils révolutionnaires ouvriers et paysans, contre le pouvoir "démocratique" bourgeois, ce qui a été la condition de la Révolution d'Octobre (qui n'a nullement été un "coup d’État" d'une poignée de bolchéviks !). Comme l'ont montré les élections de 2008 (auxquelles il n'aurait peut-être pas fallu participer, mais le fait est que...), les maoïstes avaient l'appui de 40% de la population, ce qui est absolument considérable, bien au-delà du nécessaire pour une dualité totale du pouvoir dans un pays...

    Avec des armes et un Pouvoir populaire de Nouvelle Démocratie consolidé, il aurait ensuite été possible de repasser à l'offensive, dès que les partis bourgeois auraient révélé leur intention de n'offrir ni la "véritable démocratie", ni la terre ni (donc) le pain aux masses populaires. Mais ce n'est pas ce qui a été fait... Bien au contraire : le "compromis" de 2006 avec les partis bourgeois républicains ("subitement" devenus républicains pour certains) a impliqué la remise et le stockage des armes sous supervision de l'ONU, et la dissolution des organes de Pouvoir populaire établis jusque là. On ne va pas refaire l'histoire...

    La réalité actuelle au Népal est, donc, que la forme du gouvernement a changé (on est passé d'une monarchie très autoritaire à une République bourgeoise) mais que la nature de classe de l’État est restée la même : c'est toujours l’État de la classe dominante, de la bourgeoisie compradore, des propriétaires terriens féodaux, des bureaucrates...

    Mais voilà ! À force de focaliser sur la distinction (correcte) entre "forme du gouvernement" et "nature de classe de l’État", les gauchistes finissent par perdre de vue la force dynamique EXTRAORDINAIRE que possède, pour les masses, la chute d'une "forme de gouvernement" qu'on pensait ancestrale et indéboulonnable.

    La chute du Tsar, en Russie, a été la chute d'une "forme de gouvernement" : sans la révolution bolchévique, il n'y aurait pas eu de changement dans la nature de classe de l’État. Et pourtant, soyons très clairs : sans Février, pas de Révolution d'Octobre. Février 1917 a été deux choses : 1°/ la chute du Tsar comme clé de voûte de la classe dominante ; celle-ci aurait pu y survivre, mais SANS la chute de cette clé de voûte, elle n'aurait jamais pu être renversée ; 2°/ une "force matérielle subjective" immense : la prise de conscience, par les masses, qu'elles "font et peuvent tout". On peut dire exactement la même chose de la chute d'un Ben Ali ou d'un Moubarak, même si, en l'absence d'un Parti révolutionnaire, il n'y aura pas de véritable révolution (renversement de la classe dominante) d'ici 6 mois ou 1 an dans ces pays… On peut même étendre le raisonnement à une période historique beaucoup plus longue : en Chine, sans 1911 (révolution "républicaine" bourgeoise contre l'Empire millénaire), pas de 1949.

    Donc, au Népal, il n'y a pas "rien" eu, même si le verre peut paraître "aux 3/4 vide". La monarchie pluriséculaire a été renversée, par le Peuple et seulement par lui, pas par les partis bourgeois qui, à l'origine, n'avaient même pas pour mot d'ordre la République. Elle était la clé de voûte de la classe dominante, et celle-ci est profondément ébranlée : pour être extrêmement clair, ce sont les révisio-réformistes à la Bhattarai et les fadaises "néo-marxistes" à la Prachanda qui lui sauvent la mise. Les masses populaires, à travers une héroïque Guerre populaire, ont pris conscience d'elles-mêmes et de leur rôle historique. Aux élections de 2008, 40% d'entre elles se sont reconnues dans le maoïsme qui, comme toute idéologie révolutionnaire, était bien sûr déclaré "mort et enterré" au début des années 1990. Les terres expropriées au cours de la Guerre populaire n'ont pas été remises aux anciens propriétaires : c'est aujourd'hui qu'il en est question, mais depuis 5 voire 10 ans les paysans pauvres les occupent et les travaillent, et ce ne sera pas "un plan sans accroc". Qui pourrait prétendre qu'il n'y a "rien eu", qu'on est "revenu à zéro" ?

    Non, dans la longue (et sinueuse) marche des masses prolétaires et paysannes népalaises vers leur émancipation, tout ce qui précède a été une étape de franchie. Pour être exact (car l'histoire avance en spirale, non pas en ligne droite), un CYCLE s'achève. Appelons-le le "cycle prachandiste" (1994-2011). Le précédent cycle fut le "cycle démocratique bourgeois" qui, culminant dans le Mouvement populaire de 1990, amena la monarchie à accepter une forme parlementaire et un "jeu politique" bourgeois. Aujourd'hui, ce "cycle prachandiste" est terminé. La lutte d'émancipation du Peuple népalais est à un point beaucoup plus bas que celui atteint (disons) en 2005, quand la Guerre populaire népalaise battait son plein et faisait vibrer les communistes révolutionnaires du monde entier. Mais est-elle au même niveau qu'en 1994, quand s'est constitué le PC maoïste ? Absolument pas : elle est beaucoup plus HAUT.

    À présent, sur cette base, un nouveau cycle commence. Le nouvel ennemi se nomme République parlementaire bourgeoise ; et non seulement Bhattarai (droitiste de toujours, même au plus fort de la Guerre populaire), mais Prachanda lui-même en font partie. Exactement comme hier, pendant la Guerre populaire, l'ennemi était la monarchie parlementaire dont faisaient partie le Nepali Congress et l'UML... qui avaient, pourtant, lutté avec le Peuple contre l'absolutisme jusqu'en 1990 ! Bien entendu, ce nouveau cycle devra avoir une avant-garde. Il est désormais clair qu’elle ne pourra naître que d’une rupture nette (organisationnelle) avec la ligne de Bhattarai et Prachanda (avec l’apport, éventuellement, de forces d’ores et déjà extérieures au Parti).

    Et tout ce qui précède est valable pour le Mouvement communiste international dans son ensemble, dont les maoïstes népalais ne sont qu'une petite partie, mais qui agit sur le reste comme le reste agit sur elle. Pour le MCI, il y a un "avant" et un "après" ce qui s'est déroulé au Népal depuis le milieu des années 90, et l'on ne se trouve nullement au même point qu'à cette époque. Au niveau du sous-continent indien, c'est même une évidence que seul un imbécile pourrait nier ; et le développement des forces révolutionnaires dans le sous-continent ne pourra pas ne pas renforcer les forces révolutionnaires au Népal (dialectiquement).


    4. Conclusions 

    Si l'on résume les enseignements AUTANT de l'expérience concrète au Népal que de la polémique qui secoue, à son sujet, le MCI depuis 5 ans : 

    1°/ L'idée qu'il n'y a pas de lignes dans un Parti communiste est anti-scientifique. Dans tout Parti communiste il y a des lignes, reflets des différentes conceptions de classe dans la société. Dans le camp du prolétariat organisé s’affrontent des positions plus ou moins influencées par la bourgeoisie ("pas du tout" est-il possible ?), ou prolétariennes. La lutte entre lignes est un processus extrêmement prolongé, qui ne cesse à vrai dire jamais entre la constitution du Parti et, soit la fin de sa nécessité (fin de la transition socialiste, communisme), soit sa transformation totale en Parti bourgeois, ce qui peut prendre des dizaines d’années. En revanche, à un moment donné, il est certain que tout ce qu’il reste à faire aux révolutionnaires est de réunir le maximum de militant-e-s derrière eux et… partir (former une nouvelle organisation). C’est très certainement le cas au Népal : les prochains mois et les prochaines années le démontreront. 

    2°/ La révolution échoue parce que la ligne révolutionnaire est vaincue et supplantée par les opportunistes, les révisionnistes qui sont en définitive des réformistes. L'accouchement du nouveau est par nature difficile (ce dont ne semblent pas du tout avoir conscience certain-e-s communistes ou proclamé-e-s tel-le-s). La ligne révolutionnaire de gauche est vaincue principalement par ses faiblesses internes, et non par des facteurs externes, par la "force" de l'ennemi et de l'ancien. Elle est vaincue par les limites de ses conceptions, et de sa stratégie pour les faire prévaloir et mobiliser les masses sur cette base. Peut être considéré comme facteur interne, le soutien des révolutionnaires communistes à travers le monde : le mouvement communiste international forme un tout, les maoïstes népalais (par exemple) n'en sont qu'une petite 'section locale'. Toute lutte de ligne dans un pays (on l'a bien vu !) s'étend au niveau international : la ligne de gauche a (normalement…) l'appui de la gauche révolutionnaire mondiale, les opportunistes ont l'appui des opportunistes partout dans le monde. Ce soutien peut jouer un rôle très important. La négation de l'existence d'une "ligne rouge" dans le PC maoïste népalais, interdisant (par définition) de soutenir celle-ci, peut être considérée comme une grande limite, erreur et faiblesse de la gauche révolutionnaire du MCI sur les évènements du Népal. 

    3°/ Quoi qu'il en soit, "ce n'est qu'un détour". Les conditions étaient réunies au Népal pour mener à terme la révolution de Nouvelle démocratie (démocratique ininterrompue vers le socialisme et le communisme). Elle n'a pas eu lieu uniquement car, dans le Parti, les erreurs et les faiblesses de la ligne révolutionnaire ont laissé prévaloir les conceptions réformistes de Bhattarai et Prachanda (dans ce dernier cas, sous un masque "tactique"). Mais la roue de l'histoire a tourné. En aucun cas, les masses exploitées du Népal, dans leur perspective d'émancipation, n'en sont revenues au même niveau qu'avant la Guerre populaire. Il n'est nullement question ici de "réformes" qui auraient "amélioré leur condition" (il n'y en a eu pratiquement aucune, l'activité politique s'est concentrée sur la "Constitution", les terres confisquées et données aux paysans l'ont été par la Guerre populaire) ; mais de conscience et d'expérience (de lutte) révolutionnaire, de conscience d'elles-mêmes et de leurs possibilités. Tout ceci est à un niveau bien supérieur à Katmandou même, et sans comparaison dans les campagnes (que le mouvement antimonarchique de 1990, essentiellement urbain, n'avait pas concernées).
    Le Népal a changé. Il faut pourfendre le pessimisme gauchiste (fruit du purisme, du "tout ou rien"), qui veut que quand le verre n'est pas à 100% plein, il est à 100% vide... Il est important de souligner ici que le pessimisme est vraiment le principal fléau qui ronge le mouvement communiste international, depuis au moins les années 80. Il est la source du réformisme, de la conviction qu'il n'est pas possible de faire la révolution, mais seulement d'arracher des "concessions", voire de "sauver ce qui peut l'être" (comme le "modèle social" français de 1945). Mais il est aussi la source du gauchisme, qui est finalement l'incapacité à concevoir le caractère prolongé de la lutte, les détours, les échecs (comme au Népal) et les impossibilités immédiates (aucune organisation communiste arabe ne peut, par exemple, accomplir la révolution démocratique dans son pays en l'état actuel de ses forces, pour autant il n’y a pas "rien" !) ; bref, tous les évènements qui ne procurent pas, au petit-bourgeois "radical", l'"excitation" d'une Guerre populaire impeccable et toute tracée... Dès qu'un évènement ne correspond pas à la "pureté" d'une Guerre populaire avançant inexorable et invincible vers le Pouvoir, alors "tout est fini", "les carottes sont cuites". Il faudrait expliquer, au demeurant, en quoi la situation au Pérou serait un "détour", et pas la situation au Népal ; alors que le mouvement maoïste du Pérou a été beaucoup plus profondément laminé (dans les années 1990 et jusqu’à tout récemment) que celui du Népal depuis 2006, par la ligne opportuniste de droite (LOD) mais aussi par des erreurs de gauche
    Il en va STRICTEMENT de même pour le mouvement communiste international : en aucun cas, il ne se retrouve revenu au même point qu'en 1994. Ne serait-ce que par les enseignements de cette expérience... Mais aussi parce que le "front de la Fin de l'Histoire" a été brisé ; qu'un Parti communiste, maoïste, s'est approché du pouvoir comme jamais depuis des décennies (avant de faillir par le renoncement de sa direction, comme, pourrait-on presque dire, "prise de vertige" devant cette perspective et les nouveaux défis qu'elle aurait ouvert...). 

    4°/ Il est juste et nécessaire de dénoncer la stratégie de Prachanda (car c'en est bien une, et nullement une tactique), au regard de sa FAILLITE DANS LA PRATIQUE. Une base fondamentale du marxisme est que toute théorie, conception, stratégie (et tactique) se vérifie dans la pratique. En l'occurrence, de toute manière, il n'y a rien eu d'autre au Népal que la mutation d'une prétendue "tactique" (de "Front démocratique" contre la dictature militaro-royale), en l'éternelle stratégie de la "voie parlementaire vers la révolution". Rien que de bien "classique", donc.

    Mais il faut ABSOLUMENT refuser, car CATASTROPHIQUE pour l'avenir du MCI, que cette juste dénonciation se transforme :

    - en refus de toute tactique ;

    - en refus de toute application créative du marxisme révolutionnaire de notre époque (le marxisme-léninisme-maoïsme) à la situation concrète dans un pays et à un moment donné.

    Le marxisme est une science jeune (160 ans) et ne peut prétendre faire face, sans "penser avec sa tête", à toutes les situations possibles et imaginables : il ne sera probablement une science complète qu'à la veille du communisme. "Le MLM est scientifique, il ne souffre ni le doute ni la critique" est une position inacceptable pour un marxiste. MAIS, bien entendu, toute tactique adoptée, toute stratégie "adaptée" à la situation concrète, ne se valide que dans la pratique. En prétendant donner à sa "nouvelle voie révolutionnaire" une valeur... universelle (rien que ça !), sans la moindre vérification dans la pratique (bien au contraire), Prachanda n'a pas agi en marxiste (et donc, sa théorie pouvait difficilement l'être).

    Pour autant, si l’on prend la Guerre populaire en Chine (1927-49), ou encore au Vietnam (1945-75), elle a connu une multitude de détours, tactiques et "pauses" qui en feraient sûrement hurler beaucoup au "révisionnisme" aujourd’hui. À noter, aussi, que si l'on défend (et SLP la défend) la tactique des Fronts populaires imposée par l'IC dans les années 1930 (même si l'on peut critiquer, dans beaucoup de pays, une tendance droitière de soumission à la "gauche bourgeoise") ; il faut aller au bout du raisonnement et expliquer en quoi proposer un "Front démocratique" aux partis bourgeois contre une dictature autocratique et militaire serait révisionniste.

    Le problème au Népal n'est pas là ! Le problème, c'est le resurgissement du "vieux spectre" de la "voie démocratique", du passage pacifique et "ininterrompu" d'une réforme démocratique bourgeoise de l’État à une révolution socialiste ou de nouvelle démocratie ; l'idée que l'on peut passer "tranquillement" d’un changement de  forme de gouvernement à un changement de nature de classe de l’État (ce que Biplab appelle "croire qu'on peut faire la révolution à partir de la superstructure").
    5°/ Le débat avec les attaques gauchistes sur la situation au Népal est, à présent, définitivement clos. Laissons-les "savourer" leur "victoire" qui, au final, en est réellement une : car le gauchisme n'a jamais eu d'autre fonction que de nourrir dialectiquement la droite réformiste-opportuniste pour, ensuite, "triompher" lorsque celle-ci triomphe, "comme cela était prévu depuis le départ".

    À l'exact opposé, de leur côté, des dizaines de maoïstes de tous les pays sont allés au Népal, ont "mis les mains dans le cambouis" au cœur du processus réel, avec les tous petits moyens du mouvement communiste international actuel, pour témoigner de leur solidarité internationaliste aux révolutionnaires de ce pays et (juste ça, mais déjà ça) les faire connaître et faire connaître leur lutte, y compris leur lutte de lignes, aux communistes du monde entier. Risquant parfois leur peau, car la situation depuis 2006 a souvent été très tendue...

    À présent, le danger principal sur la question du Népal, dans le MCI, va venir surtout de la DROITE, sous deux formes :

    -> ceux/celles qui soutiendront le gouvernement Bhattarai comme "communiste", comme un "modèle" à l'appui de leur réformisme, de leur "socialisme du 21e siècle" petit-bourgeois ;

    -> ceux/celles qui vont profiter de l'occasion pour déchaîner leurs attaques contre le maoïsme, comme quoi celui-ci serait finalement "incapable" d'apporter autre chose aux Peuples que la démocratie bourgeoise et/ou le "capitalisme à la chinoise", serait finalement antimarxiste, etc.

    Le mouvement communiste a suffisamment d'histoire derrière lui, pour en être certains à 100%. Et puis, allait-on oublier, il y aura bien sûr toutes les attaques anarchistes et semi-anarchistes comme quoi "de toute façon, les marxistes, les léninistes, ne veulent que le pouvoir" et le Népal en serait "encore une fois la preuve". Certes, effectivement, il y a aujourd'hui dans le Parti népalais des éléments, à commencer par Bhattarai et Prachanda, qui n'agissent plus que pour le pouvoir, pour un poste de ministre ou de Premier ministre dans une République bourgeoise d'exploitation. Mais c'est là une des contradictions les plus profondes de la révolution prolétarienne : sans avant-garde organisée, sans PARTI, pas de révolution ; mais en même temps, le Parti, par sa nature même, est un "nid" et un instrument pour des individus qui ne "feraient la révolution" que pour obtenir des postes de pouvoir et des privilèges... C'est d'ailleurs ce qui unit "culturellement", en définitive, opportunistes de droite et dogmato-gauchistes : le fait qu'ils puissent, par exemple, se retrouver pour défendre Kadhafi ou Assad contre leurs peuples, est révélateur d'une "psychologie" parfaitement partagée. C'est pourquoi un enseignement fondamental du maoïsme est, justement, que la transition d'une société réactionnaire (capitaliste, semi-féodale etc.…) vers le communisme n'est pas l'affaire d'UNE révolution (prise de pouvoir par un PC) puis d'un simple "développement socialiste des forces productives" ; mais bien de plusieurs révolutions représentant chacune un saut qualitatif ; en définitive, une SUCCESSION DE CYCLES.

    Les maoïstes qui ont soutenu la révolution et les révolutionnaires népalais doivent maintenant, pour leur part, tirer les leçons de l'expérience, apprendre de leurs erreurs et illusions car, soyons clairs, il y en a évidemment eu. Ils n'ont clairement pas été à la hauteur de la tâche, immense, de sauver (aider les maoïstes locaux à sauver) la révolution ; mais ils ont fait ce qu'il y avait à faire. Ou alors, que les gaucho-dogmatiques démontrent que leur ligne de conduite a été plus utile aux masses du Népal et au MCI...

    Quant aux "principaux" intéressés, ceux dont la "voie originale" n'aura finalement été qu'un "socialisme du 21e siècle" antimarxiste et un "chavisme himalayen" : et bien, ils auront apporté leur "petite pierre" à l'émancipation locale et mondiale des masses dans le sens exposé en 3° ; mais ils ont à présent choisi leur camp et ce n'est pas le nôtre, celui de la révolution mondiale. Exactement comme leurs pareils latino-américains : on observe réellement là une tendance mondiale, la tendance à l'effondrement de tous les "substituts" à la voie révolutionnaire communiste, qui s'étaient imposés face à la faiblesse mondiale du mouvement communiste. Un effondrement qui ouvre d'immenses perspectives, annonçant un nouvel élan pour les masses exploitées du Monde, vers leur émancipation.


    Le combat continue, le communisme est inéluctable.

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    [* À ce sujet, lire absolument le très bon exposé du Nouveau PCI : La Huitième ligne de démarcation (chap. 5 La lutte entre deux lignes dans le Parti). Extrait : "Nous communistes nous sommes favorable à la liberté de critique. Tandis que nous sommes opposés à ce que dans le Parti des conceptions et des lignes contradictoires cohabitent et coexistent pacifiquement, sans s’affronter. Donc pas de coexistence de conceptions et de lignes contradictoires, pas d’indifférence aux conceptions : si “chacun pense ce qu’il veut”, il fera aussi ce qu’il veut et il n’y aura aucune discipline organisationnelle. Au contraire, lutte ouverte entre conceptions divergentes pour arriver à l'unité sur les positions révolutionnaires les plus avancées et les plus justes. Le Parti doit promouvoir la confrontation, le débat et la vérification. Une direction qui étouffe les contradictions, qui les craint, qui ne favorise pas le débat et la vérification n'est pas une bonne direction. Mais les contradictions d'idées ne sont pas seulement un moyen pour rechercher la vérité. Elles sont aussi l’expression d'intérêts contradictoires. Les divergences de conceptions et de lignes dans le Parti ne sont pas seulement le résultat de la progression des connaissances (contradiction entre vérité et faux) et du développement de nouvelles situations (contradiction entre nouveau et ancien, entre avancé et arriéré). Elles sont aussi le résultat de la lutte entre la classe ouvrière qui avance vers le socialisme et la bourgeoisie qui cherche à perpétuer le plus longtemps possible son vieux monde. Elles sont le reflet des intérêts antagonistes des deux classes en lutte pour le pouvoir. Les idées sont une arme dans la lutte. Une fois devenues patrimoine des masses, les idées deviennent une forces matérielle qui transforme le monde. Une orientation erronée emmène le Parti communiste à sa défaite. Une orientation juste le mène à la victoire." Et puis, on peut aussi se référer à ce document... de nos "chers" détracteurs eux-mêmes !]

    [** "Dans la société de classes, chaque homme occupe une position de classe déterminée et il n'existe aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe" (Mao Zedong, De la pratique, Œuvres choisies) : c’est vrai, mais cela ne doit pas déboucher sur un déterminisme de classe. La ‘science’ c’est bien, la réalité c’est mieux. La réalité, c’est que dans la société il y a d’un côté le prolétariat révolutionnaire, conscient et organisé, avec ses ‘intellectuels organiques’ (Gramsci) qui est le ‘pôle’ du nouveau ; et de l’autre la grande bourgeoisie capitaliste avec ses intellectuels-laquais, de commande, qui est le ‘pôle’ de l’ancien. Et entre ces deux ‘pôles’, les conceptions progressistes/révolutionnaires et réactionnaires s’affrontent dans les masses populaires (90% de la population) y compris l’immense majorité du prolétariat ! Elles s’affrontent jusqu’au sein même de chaque individu, traversé de conceptions contradictoires. La ‘victoire’ du nouveau sur l’ancien chez un individu dépendra évidemment de sa position de classe (en définitive : "qu’ai-je à perdre... ou à gagner (!) à la révolution ?"), mais aussi de la force relative de chaque ‘pôle’ de conceptions (hégémonie intellectuelle, toujours Gramsci) et de multiples facteurs du parcours, du vécu personnel du chaque individu… Et surtout, cette victoire n’est jamais irréversible ! C’est ce qu’il faut comprendre par ‘libre-arbitre’ (car à un moment donné, sans la volonté de l’individu ‘paramétrée’ par tous ces facteurs, rien ne peut se faire…). L'on pourrait même aller plus loin, jusqu'à dire que le nouveau et l'ancien ressortent d'encore plus objectif que cela, qu'ils ne 'naissent' d'aucun cerveau humain ni 'cerveau collectif' de groupe ou de classe : ils naissent à travers des cerveaux humains, (d'un côté) du caractère social de la production, avec tous les rapports sociaux que celui-ci sous-tend, et (de l'autre) de la propriété privée de moyens de production et de l'appropriation privée (inégalitaire) du produit (avec là encore tous les rapports sociaux sous-tendus). Entre ces deux 'pôles', il y a des facteurs déterminants comme, bien sûr, la position dans les rapports de production (si ces rapports deviennent égalitaire, qu'ai-je à y perdre, qu'ai-je à y gagner ?) et dans les autres rapports sociaux (homme ou femme ou homosexuel-le dans une société patriarcale, 'blanc' ou 'de couleur' dans une société 'racialisée') ; mais personne n'est 'prédéterminé', 'prédestiné' diraient les calvinistes, ni à sa naissance ni à aucun instant de son existence, de finir sa vie dans l'un ou l'autre camp. Un communiste comme Doriot n'a-t-il pas fini en pro-nazi ultra ? Le vaincu de Stalingrad, von Paulus, ne termina-t-il pas... au service de la RDA socialiste ? À chaque instant, des milliers de facteurs, 'impulsés' par l'activité contradictoire des deux 'pôles', 'bombardent' l'individu et déterminent son comportement à l'instant d'après !]

    [*** Dès la réunion de Chunwang (2005), prélude aux Accords de 2006, toutes les organisations (alors existantes) de la dite "Déclaration du 1er Mai 2011" ont exprimé leurs critiques, leurs inquiétudes et leur perplexité envers la ligne (du PCN-m) d'alliance antimonarchique avec les partis "démocratiques" bourgeois. Elles ont toutefois préféré appuyer les forces réellement révolutionnaires du Népal, à l'intérieur du PC maoïste voire à l'extérieur, plutôt que de "trasher" le Parti dans son ensemble. Les "centristes" et "opportunistes" (pour les gaucho-dogmatiques) doivent sortir de la position d’accusés : c’est à ceux/celles qui ont adopté la ligne gauchiste de démontrer qu'elle a mieux servi le Peuple népalais, le mouvement révolutionnaire de ce pays et le Mouvement Communiste international ! Un simple constat de fait, qui s'impose, est que la liquidation a été longue et chaotique (5 ans), alors qu'elle aurait été possible dès le début (avançant de 5 ans le "triomphe" des ultragauchistes).]

     


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  •  1ère partie

    Passons maintenant à l'étape suivante : la transition depuis l'ordre social renversé (capitaliste, semi-colonial semi-féodal...) vers le communisme. Une fois que la classe dominante a été chassée du pouvoir d’État, la lutte se poursuit, si l'on peut dire, "à fronts renversés".
    Car la lutte des classes se poursuit. À vrai dire, elle ne cessera réellement que sous le COMMUNISME, lorsque toutes les classes auront définitivement disparu, lorsqu'auront disparu toutes les "fonctions sociales", toutes les divisions du travail pouvant potentiellement constituer des classes (tout être humain sera alors totalement polyvalent, à la fois intellectuel et manuel, à la fois savant, ingénieur, technicien, artiste et ouvrier...). C'est là le grand enseignement des premières expériences socialistes, au siècle dernier.

    À ce sujet, il faut lire absolument :

    - Nicola P. (nouveau PCI), La Huitième Ligne de Démarcation, chap. 3 La lutte de classe dans la société socialiste ;

    - l'article du PCR Canada pour le 50e anniversaire de la Révolution chinoise (extrêmement instructif sur la lutte des classes dans la Chine populaire de Mao, jusqu'à sa mort et à la restauration capitaliste qui a suivi) ;

    - le texte du TKP/ML : On ne peut pas être communiste sans défendre le maoïsme ; qui aborde également de manière très intéressante la question de la transition socialiste, sur la base des expériences du 20e siècle (on est alors en pleine "Fin de l'Histoire", au début des années 1990).

    - la revue Cause du Communisme de l'OCML-VP, n°1 et 2 (datant du début des années 1980).

    Ce qu'il faut bien comprendre et intégrer, et qui est une grande leçon du 20e siècle, c'est que le socialisme est bien une transition, un mouvement historique de la société humaine vers le communisme. Il n'est pas vraiment, en lui-même, un mode de production ni un ordre social strictement défini de manière figée.

    C'est une période historique qui peut s'étendre sur plusieurs générations, voire plusieurs siècles, dans laquelle un se divise perpétuellement en deux : les forces qui veulent avancer vers le communisme ; et celles qui veulent retourner au capitalisme, ou simplement s'arrêter là où l'on est, mais là aussi, cela revient à retourner en arrière : "c'est reculer que d'être stationnaire". Ces forces doivent être soit convaincues (la contradiction peut être non-antagonique, au sein du peuple), par le débat démocratique franc et ouvert, l'expérience pratique et la vérification ; soit neutralisées ; soit mises hors d'état de nuire (partisans de la restauration capitaliste ou du statu quo devenant ennemis du peuple).
    La réalité, et c'est le grand apport du maoïsme à la théorie scientifique du prolétariat, c'est qu'il faudra d'autres révolutions, de nouvelles révolutions contre les forces qui, à chaque moment crucial de la transition, au moment d'effectuer un saut qualitatif, voudront revenir en arrière. L'expérience concrète de cela est la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP, 1966-76), qui est le fondement pratique du maoïsme et non une simple "lutte anti-révisionniste" comme voudraient le faire croire les dogmato-ossifiés (en affrontant le révisionnisme, Mao n'a pas fait que cela : il a dépassé qualitativement le marxisme-léninisme de Lénine et Staline). On ne peut pas être maoïste sans défendre (et comprendre !) la gigantesque signification historique de la GRCP. C'est une ligne de démarcation absolue (il y a, par ailleurs, des groupuscules qui disent s'en réclamer mais qui n'y ont strictement rien compris ; ils n'en font là encore - au final - qu'un "anti-khrouchtchévisme", un "stalinisme radical"). La meilleure compréhension de cette expérience historique, en langue française, est celle du PCR Canada (cf. ci-dessus). 

    D'où viennent ces forces qui veulent revenir en arrière, liquider la révolution ? Là encore, la réponse est un grand apport scientifique du maoïsme. Le marxisme-léninisme de Lénine/Staline considérait que la superstructure présente (les idées, les rapports juridiques écrits et les normes non-écrites, les "normes culturelles interhumaines") ne pouvait que ressortir automatiquement de l'infrastructure présente (le mode de production). Donc, si l'économie entière avait été socialisée, s'il ne restait "plus de classes" (dixit Staline en 1935) puisque plus de propriété privée (capitaliste) des moyens de productions, alors très rapidement une nouvelle culture, de nouvelles relations sociales, se formeraient sur cette base, et se développeraient à mesure que l'on développerait les FORCES PRODUCTIVES. Les seules forces contre-révolutionnaires ne pouvaient qu'être soit des éléments des anciennes classes dominantes complotant et sabotant contre la révolution, soit des agents de la Réaction mondiale (des pays étrangers anticommunistes).

    Mais la réalité a démenti cette idée fausse. La réalité, c'est que c'est au sein même du Parti et de l'appareil administratif (notamment répressif), parmi les plus zélés "serviteurs" de la révolution soviétique, que s'est développée une caste de privilégié-e-s, d'"experts", de "techniciens", de "spécialistes" qui, dès la disparition (au tournant du siècle) de la "vieille garde" qui avait combattu le tsarisme, dont Staline lui-même (1953), a remis l'URSS sur la voie du capitalisme. Alors que des milliers d'"ennemis du peuple" avaient été fusillés (notamment en 1937-38, en confondant souvent contradictions au sein du peuple et contradictions avec l'ennemi, ce que Mao critiquera), c'est du cœur même du Parti qu'ont surgi les liquidateurs !!! Staline lui-même en prendra conscience peu avant sa mort... mais il était trop tard ; sa proclamation, dès 1934, de la "fin de la bourgeoisie et de la lutte des classes en URSS", suivie des "purges" frénétiques contre les "agents contre-révolutionnaires" (1937-38), puis des nécessités "patriotiques" de la résistance face à l'invasion nazie, n'ayant pas été pour rien dans le développement fulgurant du phénomène.

    Le maoïsme a totalement dépassé par la gauche ces conceptions erronées. Bien sûr, la Réaction extérieure est un facteur important : les Chinois étaient bien placés pour le savoir, eux qui avaient contre eux à la fois l'Occident impérialiste (à la tête duquel les USA) et le révisionnisme soviétique... Chacun appuyant à sa manière la contre-révolution dans le pays. De même pour les résidus des anciennes classes exploiteuses. Mais voilà, Mao a aussi compris que l'ancienne infrastructure, les anciens modes et rapports de productions (capitalistes et féodaux) avaient produit des idées, des conceptions qui continuaient à "flotter dans l'air" pendant parfois plusieurs générations, comme la fumée lorsqu'on éteint un feu. Qui n'a pas entendu, dans ses conversations au quotidien, "mais de toute façon, le communisme, ça ne peut pas marcher, il y en aura toujours pour se mettre au-dessus des autres, c'est la nature humaine" ? Et bien, c'est exactement de cela qu'il s'agit (dans une vision idéaliste, où il y aurait une "nature humaine" transcendante et immuable). Ces conceptions anciennes, lorsqu'elles se matérialisent dans des individus agissants qui se regroupent pour agir, deviennent une force matérielle qui va ralentir, arrêter, voire inverser la transition vers le communisme. C'est là l'aspect principal de la contre-révolution sous la transition socialiste (primat des causes internes), et c'est ce qui s'est produit en URSS. La matérialisation la plus redoutable, et déterminante, est la matérialisation de ces conceptions contre-révolutionnaires au sein du Parti et surtout à sa tête : car le Parti est la "clé de voûte" de la transition socialiste vers le communisme ; s'il "saute" en changeant de nature (devenant réactionnaire), tout s'effondre, on revient en arrière. D'où le mot d'ordre maoïste "Feu sur le Quartier Général !" : les ennemis les plus dangereux, pour l'avenir communiste des masses populaires, sont ceux qui se nichent au sommet même du Parti.

    Il ne suffit donc pas que le Parti révolutionnaire du prolétariat renverse l'ancienne classe dominante et dirige l'État. Même, comme le préconise Lénine, en détruisant profondément l'État de l'ancienne classe dominante et en construisant le sien à la place. Il ne suffit pas de placer toute l'économie, jusqu'à la plus petite baraque à sandwiches, sous la propriété de cet État du prolétariat et de son Parti ; et ensuite, tranquillement, de "développer les forces productives" ; pour que se construise une "civilisation socialiste" puis "communiste". Il faudra de nouvelles révolutions. Pour ainsi dire, chaque "grand bond en avant" vers une société communiste, débarrassée de toute division du travail et inégalité, devra passer par une élimination, de tout poste à responsabilité, des adversaires de cette progression (c'est sans doute ce qui a fait défaut au "Grand Bond" en Chine, vraisemblablement saboté par les néo-bourgeois).

    SLP ajouterait que ce type d'individus (les néo-bourgeois) peut déjà s'entrevoir en puissance dans les organisations révolutionnaires (ou prétendues telles) bien avant la conquête du pouvoir, dans la lutte révolutionnaire pour celle-ci. On retrouve cette engeance aussi bien chez les opportunistes de droite (prêts à tous les compromis avec la "gauche" de la bourgeoisie) que chez les "maximalistes ultra-radicaux" dogmatiques et/ou aventuristes, qui se rêvent en "grands leaders". Cela dit, lorsqu'elle est trop "ouverte" avant la révolution, cette tendance échoue à l'accomplir : les opportunistes vont s'échouer sur les bancs parlementaires ou les strapontins ministériels (indemnités coquettes à la clé) ; les "ultra-radicaux" (ne voyant pas la révolution "parfaite", c'est à dire sous leur guidance lumineuse, arriver) se reconvertissent quant à eux de diverses manières, dont l'ancienne cupule dirigeante de la Gauche prolétarienne présente un éventail à peu près complet... En revanche, des éléments plus "discrets" peuvent parvenir à se faufiler jusqu'au renversement de la bourgeoisie, pour ensuite prendre sa place (donnant hélas raison à la boutade de Coluche : "le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, le communisme c'est le contraire"...). Et puis, tout simplement, il y a des individus "sains" à la base, qui mutent en se retrouvant à des postes de responsabilité procurant un certain confort matériel et un "sentiment d'importance" : les vieilles conceptions s'imprègnent en eux, sous la forme d'un "et pourquoi pas devenir des bourgeois... tout simplement ?" ; et deviennent ainsi une force matérielle de la contre-révolution. Car malheureusement, la révolution n'a pas de baguette magique, et ne peut pas supprimer en quelques jours ni en quelques années toute division sociale héritée de siècles et de siècles de société de classe : entre intellectuels et manuels, décideurs et exécutants, dirigeants et dirigés. 

    Comment faire alors ? Et bien, heureusement, l'expérience (y compris négative) du mouvement communiste et des premières révolutions prolétariennes au 20e siècle permet, si on la systématise à un niveau scientifique, de développer des méthodes de lutte efficaces contre cela.

    On peut ainsi lancer des pistes de réflexions vers un renforcement du pouvoir des conseils de travailleurs/euses, au niveau des unités productives comme des zones d'habitation ; être extrêmement vigilant-e-s sur le caractère impératif du mandat et sa révocabilité à tout moment... Ceci d'autant plus facilement que le prolétariat et les masses travailleuses, au niveau mondial, ont vu leur niveau de conscience s'élever considérablement (en même temps que le niveau des forces productives, des moyens d'information et de communication etc.) depuis l'époque léniniste. Les bolchéviks d'URSS, ne l'oublions pas, "guidaient" vers le socialisme et le communisme des masses paysannes ou sorties récemment des campagnes, largement analphabètes, imprégnées de superstitions religieuses, de culture féodale etc.

    Ces pratiques peuvent, doivent d’ailleurs être mises en œuvre dès à présent, alors que nous sommes encore loin de notre premier (essentiel, mais seulement premier…) objectif : la conquête du pouvoir. Culture égalitariste intransigeante dans l’organisation ; "génie du collectif" contre chefs de file charismatiques qui s’imposent "tranquillement" appuyés sur la passivité des autres ; rejet du bureaucratisme ou (pire encore) du "gourouïsme", etc.

    Un grand enseignement de la Révolution chinoise, en particulier de la Révolution culturelle, est que la division entre dirigeants et dirigés, entre "sachants" et "exécutants", doit être combattue sans relâche et de manière permanente. Les "cadres" doivent devenir "experts et rouges", s'élever politiquement et culturellement par la participation physique au travail productif, "mettre les mains dans le cambouis", SERVIR LE PEUPLE ; tandis que, de leur côté, les travailleurs productifs (ouvriers, paysans et autres travailleurs manuels et "petites mains") doivent avoir l'accès le plus large, dans une politique volontariste, au connaissances scientifiques, techniques, économiques et bien sûr politiques (qui fondent le Parti et que celui-ci ne doit pas garder pour lui, comme "capital" d'une élite...).

    Une idée-force qui émerge aussi, en particulier depuis la fin des années 1980 (dans un contexte de bilan de l’expérience révolutionnaire communiste au 20e siècle), notamment dans le texte du TKP/ML mais aussi dans le Manifeste du (nouveau) PCI, c’est que le Parti ne doit pas prétendre à une direction "totale" ("totalitaire", diraient les anticommunistes) de la société durant la transition socialiste ; perdant une énergie considérable à traiter d’absolument toutes les questions, ce qui conduit au bureaucratisme et au technocratisme. Il ne doit pas faire la révolution par en haut. Il doit, plutôt, être un instrument et une "force stimulante" de la mobilisation des masses dans la transformation (socialiste) de la société de classes en société communiste. Il doit mobiliser les masses dans ce qui est, il ne faut pas l’oublier, LEUR destinée. Les communistes ne doivent jamais oublier que ce sont les masses qui font l’histoire. Voici ce que dit notamment le TKP/ML : "Si une ligne n'amène pas une société au communisme, si elle n'amène pas à avoir la capacité de résoudre les contradictions existantes en faveur des travailleurs, si elle ne minimise pas le besoin de l'État et du Parti afin que les travailleurs deviennent les maîtres, et si elle n'est pas capable de distribuer le pouvoir dans la société sur la route vers le communisme, alors il y a un problème. Être au pouvoir est un instrument pour mobiliser les masses travailleuses vers le communisme. Ici l'importance de la question de la "révolution socialiste" devient plus apparente. Le pouvoir prolétaire n'est pas le monopole du Parti, il est la force guidant par la gestion de la direction du Parti, et c'est le soutien de ce pouvoir par les masses travailleuses. Les travailleurs ne peuvent pas être privés du contrôle de la société, du droit à se révolter contre l'injustice, quel qu'en soit le prétexte ; ils ne peuvent pas être privés de leur droit à la continuation de la révolution".

    Ou encore : "La direction ne peut pas être vue comme supérieure aux autres, la direction est la capacité à être l'instrument qui amène la révolution, elle doit être au service des masses et transformer celles-ci en direction. Ce n'est jamais malgré les masses ; la direction doit satisfaire l'attraction des masses dans la lutte politique".

    Là réside, peut-être, le SECRET de la grande défaite stratégique mondiale subie dans le dernier quart du 20e siècle. NULLE PART le capitalisme n’a été restauré autrement que par une volonté venant de l’intérieur du Parti, des contre-révolutionnaires ayant pris sa direction : c’est le premier primat des causes internes ; c’est de la faillite du Parti, dans la voie de la révolution, que vient toujours la restauration. Mais au sein même du Parti, il y a un deuxième primat des causes internes : ce sont les faiblesses de la gauche, de la ligne rouge, tournée vers le communisme, qui permettent la victoire de la droite, la ligne noire tournée vers le capitalisme, les néo-bourgeois. Et cette faiblesse a sans doute sa source première dans le défaut, ou l’insuffisance de mobilisation révolutionnaire des masses… 

    Tout ceci, que cela soit bien précisé, n’est seulement que des PISTES ; mais qui méritent qu’on y réfléchisse, afin de renforcer pour l’avenir le mouvement communiste et sa mission émancipatrice pour l’humanité entière…


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    Sur le même sujet, et bien que nous ne soyons pas à 100% sur cette ligne, il peut être intéressant de relire ces brochures de l'OCML-VP du début des années 1980 :

    La théorie des forces productives à la base du révisionnisme moderne (1980)

    Sur l’État de dictature du prolétariat (1982)

    Sur la transition du capitalisme au communisme (1984)

     


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  • Cette étude théorique porte sur les mécanismes et le processus par lesquels les masses exploitées, au cœur et à la tête desquelles le prolétariat et son avant-garde organisée, le Parti, se lancent "à l’assaut du ciel" vers une société sans classes ni exploitation, le communisme. Elle vise, encore une fois, à élever de manière pédagogique le niveau de conscience communiste dans les masses, et à servir la construction du Parti révolutionnaire dont celles-ci ont (de plus en plus désespérément) besoin. 

    Pour commencer, penchons nous sur la question la plus importante : comment naît, comment se construit un processus révolutionnaire ? Si l'on entend, ici, par processus révolutionnaire le chemin qui mène de la première "prise de conscience" par les exploité-e-s de leur condition, à la fin de toute exploitation, la société COMMUNISTE... Est-ce le produit d'une idée, de la "force d'une conviction collective" ? Ou est-ce, au contraire, le produit de la réalité matérielle, qui a un moment "doit" passer à un niveau supérieur : une "insurrection de la matière" ?

    Et bien, c'est les deux et aucun des deux (seuls) en même temps. La matière et "l'idée" sont dans une relation DIALECTIQUE, un "ping-pong" où la réalité matérielle engendre une "idée" qui va ensuite "prendre corps" matériellement, créant une réalité matérielle nouvelle. 

    A la base est la matière (matérialisme). A la base est la réalité matérielle. Toute réalité est traversée, et mue (animée, en mouvement), par un ensemble de contradictions ; mais l'une de ces contradictions est toujours fondamentale. Dans la réalité matérielle que l'on nomme "capitalisme", la contradiction fondamentale est celle entre 1/ le caractère social de la production, le caractère social des forces productives et le niveau atteint par celles-ci et 2/ l'appropriation privée, capitaliste, de la valeur (la richesse, si l'on préfère) créée par la production. Cette appropriation privée est source d'une concurrence (entre entreprises, entre États bourgeois) qui crée, au niveau mondial, un ordre des choses chaotique.

    Dans les pays dits "dominés" (c'est la définition la plus simple et la plus englobante), la situation est plus compliquée, et se juxtaposent plusieurs grandes contradictions : 1. dans l'essentiel de ces pays subsistent encore des rapports sociaux marqués par la féodalité (bien que très différents - sauf peut-être dans quelques régions particulièrement reculées - de l'Europe du Moyen Âge ; plutôt semblables - en fait - aux 18e-19e siècles : on parle de semi-féodalité).  Il y a donc la contradiction fondamentale de la féodalité, entre propriété utile des moyens de production (par le producteur) et propriété éminente (par l'autorité "supérieure"). Mohamed Bouazizi, le martyr de Sidi Bouzid, n'était pas un ouvrier salarié : il était vendeur de légumes à son propre compte. Il a été victime d'une tentative policière de prélever un "impôt" de type féodal sur son activité, sous peine de confiscation de toute sa marchandise et son matériel. On a là un exemple des rapports sociaux semi-féodaux en Tunisie. 2. il y a bien sûr une économie capitaliste, et donc la contradiction fondamentale du capitalisme. 3. il y a la domination impérialiste, et donc une contradiction fondamentale entre le caractère national de la production et la (sur-)appropriation impérialiste (étrangère) de la richesse produite. L'un des plus grands débats, dans le mouvement communiste, a été de savoir laquelle de ces trois contradiction était la principale. La réponse la plus probable est que cela dépend des endroits (pas seulement des pays : des endroits) et des moments... Seule la révolution de nouvelle démocratie (populaire - démocratique - anti-impérialiste), sous l'avant-garde du Parti du prolétariat, peut résoudre les trois contradictions à la fois... sans quoi, aucune n'est réellement résolue. Car les trois sont intimement liées. 

    D'une manière générale, le capitalisme, comme tout mode de production, génère un certain niveau de FORCES PRODUCTIVES. Celui-ci génère à son tour une "conscience collective" dans les masses populaires, qui correspond à ce niveau. Cette conscience collective va se heurter au mode de production ou plutôt, aux RAPPORTS SOCIAUX qu'il induit, selon sa conception du monde, et qui sont généralement "en retard". Le meilleur exemple est ce qui s'est produit dans les pays occidentaux entre 1965 et 1980, avec une gigantesque "agitation sociale et démocratique", principalement de la jeune génération (née vers 1945-50), contre des rapports sociaux qui restaient "pré-1945". Il n'y a pas eu de renversement révolutionnaire du capitalisme car celui-ci a réussi à s'adapter, à se moderniser (nous y reviendrons). L'autre situation étant bien sûr que le capitalisme, en crise généralisée, ne parvienne plus à apporter aux masses les conditions minimales nécessaires à leur existence. Comme cela survient généralement après une grande élévation du niveau des forces productives, du niveau de vie et de la conscience liée, la situation peut devenir explosive (mais aussi être "captée", détournée dans la mobilisation réactionnaire de masse : le fascisme ; nous y reviendrons). 

    De la situation matérielle, donc, naît la pensée. Du capitalisme, comme de tout mode de production fondé sur l'exploitation, naît d'abord "l'idée révolutionnaire" : l'idée d'en finir avec "ce qui cause nos misères". Celle-ci se matérialise dans un mouvement de masse contre l'ordre existant. Mais, spontanément, ce mouvement de masse ne peut pas aller au-delà du réformisme, d'arracher des "conquêtes" démocratiques et sociales (comme celles qui ont permis au capitalisme de s'adapter face au mouvement de masse de 1965-80).

    Cependant, dans le feu du mouvement de masse, chez une partie des individus qui le composent, naît "l'idée communiste". C'est un saut qualitatif gigantesque : on ne sait plus seulement CONTRE quoi on lutte, mais POUR quoi. Cette partie des masses populaires est très majoritairement constituée par le prolétariat : celui-ci est la seule classe révolutionnaire jusqu'au bout, car il n'a "rien à perdre que ses chaînes" ; d'autre part, il est au cœur du caractère social de la production et a donc une idée très précise de ce POUR quoi il lutte : le SOCIALISME.

    Cette "idée communiste" se matérialise dans le PARTI, qui lui donne un caractère SCIENTIFIQUE. 

    Instrument de la science communiste sur la matière, le Parti va alors mener une longue lutte pour renverser la classe dominante et, de là, transformer la réalité matérielle capitaliste en réalité COMMUNISTE, à travers un long processus qui est le SOCIALISME.

    Voyons maintenant quels types de "chemins" peut prendre ce processus révolutionnaire vers le communisme. 

    La première étape est  le renversement de la classe dominante. Mais pour commencer, il faut établir une distinction claire entre changement de la forme de gouvernement (en définitive : réforme), et renversement de la classe dominante (révolution). Dans notre État bourgeois, la France, la classe dominante est la même depuis 1789 : la bourgeoisie. Celle-ci existait bien avant (depuis le 12e voire le 11e siècle), s'était ménagée un "espace vital" assez conséquent, mais n'était pas la classe dominante, car pesait sur elle la propriété éminente féodale. Celle-ci fut supprimée dans la nuit du 4 août 1789 (abolition des privilèges). Depuis, de nombreuses formes de gouvernement se sont succédées, mais l'État comme instrument de classe est toujours celui consolidé par Napoléon autour de 1800. Il s'est simplement adapté, au fil du temps, au niveau des forces productives par une sorte de "va-et-vient" entre mouvement de masse (pour mettre les rapports sociaux au niveau des forces productives et de la conscience engendrée) et contre-offensive réactionnaire (pour maintenir la position de la classe dominante). Lorsque seule la forme de gouvernement change, c'est une réforme, pas une révolution. Ce serait le cas, par exemple, si Mélenchon devenait le "premier Président de la VIe République" (comme il dit le souhaiter). Celui-ci s'inspire d'ailleurs de Chavez, Evo Morales ou Rafael Correa, qui ont opéré une importante réforme de la superstructure gouvernementale au Venezuela, en Bolivie et en Équateur (pays dominés), suite à d'importants mouvements de masse. 

    Maintenant que cette distinction est claire, concentrons-nous sur le seul renversement de la classe dominante capitaliste. Quelles peuvent en être les formes ?

    Il ne sera pas possible d'en faire une liste exhaustive, mais seulement de se baser sur la (courte) période historique du mouvement communiste international : 160 ans.

    Donc, dans l'histoire du mouvement communiste, quelles formes a (ou aurait) pu prendre le renversement de la classe dominante par le prolétariat et son Parti ?

    Il est évident que le processus a toujours été prolongé, à travers de nombreuses situation différentes, des avancées et des reculs, parfois de lourds revers : d'où l'enseignement maoïste de la Guerre populaire prolongée, du caractère de très longue durée de la lutte révolutionnaire. Mais concentrons-nous sur le moment précis où la classe dominante a été renversée, et où le prolétariat a conquis le pouvoir. On pourrait citer 4 grandes situations : 

    - L'assaut frontal. La forme de gouvernement est ultra-réactionnaire, archaïque, dépassée. Elle est totalement en retard sur le niveau des forces productives, parfois sur le mode de production lui-même (quand, par exemple, le capitalisme a émergé dans un pays précédemment féodal). Un mouvement de masse se lève pour mettre la forme de gouvernement et les rapports sociaux en général au niveau des forces productives et de la conscience engendrée. Mais, "une fois n'est pas coutume", il y a un Parti révolutionnaire communiste. Il n'y a pas seulement "l'idée révolutionnaire", mais aussi "l'idée communiste", qui s'est matérialisée de manière scientifique dans un Parti. La forme de gouvernement archaïque et honnie tombe. La classe dominante met en place un "gouvernement de sauvetage", qui promet bien sûr des réformes, mais le Parti met son renversement à l'ordre du jour, mobilise les masses, et le renverse.

    Tout le monde aura bien sûr reconnu la situation de la Russie en 1917.

    - La contre-offensive réactionnaire après une période réformiste. Face à la "poussée" des masses, la classe dominante a changé la forme de gouvernement et fait de grandes concessions. C'est son "aile gauche" qui gouverne. Mais la "poussée" se poursuit, et l'"aile droite" siffle l'heure du "retour à l'ordre" : elle lance une contre-offensive réactionnaire pour balayer "l'aile gauche" du pouvoir, et écraser le mouvement de masse. Elle peut réussir "d'un coup sec" (comme au Chili en 1973), mais aussi ne pas réussir tout de suite et s'ensuit une situation de guerre civile. Le mouvement de masse et "l'aile gauche" de la classe dominante vont résister côte-à-côte à l'offensive réactionnaire. S'il n'y a pas de Parti, soit la Réaction triomphe, soit "l'aile gauche" résiste (en s'appuyant sur le mouvement de masse) et gagne, mais à son seul bénéfice (Venezuela 2002). Mais s'il y a un Parti, celui-ci peut prendre la direction SUBJECTIVE de la résistance et écraser la contre-offensive réactionnaire. Dès lors, sa victoire se transforme en révolution. L'aile gauche de la classe dominante n'est plus qu'un appendice, au sein du Front uni, qui suit le mouvement car ses individus veulent rester en vie : elle n'est plus la classe dominante.

    Cela ne s'est jamais produit. Mais l'on reconnaîtra ce qui aurait pu se passer dans l'État espagnol, avec la Guerre civile (1936-39). Malheureusement, trop d'erreurs ont été commises (lutte sur deux fronts des trotskistes et de certains anarchistes, soumission trop importante des "staliniens" et d'autres anarchistes à l'aile gauche de la classe dominante, guerre conventionnelle et non Guerre populaire). 

    - La guerre impérialiste et le fascisme. Le capitalisme est en crise profonde, générale. Surproduction de capital, surproduction de marchandise, surproduction de forces productives : le taux de profit s'effondre. Pour s'en sortir, il doit faire "place nette" : c'est la GUERRE IMPÉRIALISTE MONDIALE. Depuis qu'il n'y a plus de terres inconnues, les puissances impérialistes ont toujours lutté entre elles pour le repartage du monde : des ressources, de la force de travail, des marchés. Mais là, il ne s'agit plus seulement de cela : il s'agit de guerre d'extermination. Il s'agit de détruire, chez les rivaux impérialistes (et dans leur Empire), du capital, des forces productives et notamment... de la force de travail humaine. C'est la grande barbarie qu'a connu l'humanité entre 1914 et 1945, avec les deux guerres mondiales et des dizaines de guerres moins connues ; et qui a permis le nouveau cycle d'accumulation 1945-75. Mais depuis la fin de celui-ci, la tendance a repris et s'est accélérée depuis les années 1990. Et entre les deux, il y a eu toutes les guerres à caractère contre-révolutionnaire (Corée, Indochine et Vietnam, Algérie, colonies portugaises etc.), d'ailleurs les guerres contre-révolutionnaires n'ont pas cessé entre la Révolution soviétique et la "Fin de l'Histoire" proclamée au début des années 90 : bref, tout le 20e siècle n'est qu'une longue guerre d'extermination pour l'humanité... et les 11 premières années du 21e siècle aussi.

    Dans ce contexte se mettent en place des régimes qui ne sont pas seulement ultra-réactionnaires, mais MOBILISENT LES MASSES dans la Réaction et la guerre impérialiste ; ils ne sont pas archaïques, mais au contraire d'une grande modernité : ce sont les régimes FASCISTES. Ils parviennent, dans des buts réactionnaires sur toute la ligne, à "capter" le niveau de conscience de masse induit par le niveau des forces productives. On peut voir ainsi des bourgeoisies impérialistes se faire passer pour... "anticapitalistes" (Allemagne nazie) ou "anti-impérialistes" (bourgeoisie du Japon... impérial, bourgeoisie chinoise ou russe aujourd'hui). Le massacre et le pillage de pays entiers deviennent... des "guerres pour la liberté et la démocratie" (régime Bush-Cheney). Leur très grand sens de la modernité permet cette imposture.

    Mais malgré cette mobilisation réactionnaire de masse, les souffrances endurées par les populations engendrent tôt ou tard une résistance. Le Parti communiste, lorsqu'il existe et qu'il est suffisamment fort, peut en prendre la tête. Il va alors agir de toutes les manières possibles, très différentes : résistance contre l'oppression impérialiste (ou la colonisation directe) dans les pays dominés, résistance contre une occupation étrangère dans le cadre de la guerre impérialiste, etc. Très fréquemment il va devoir travailler avec des forces bourgeoises qu'il devra soumettre à sa direction, ou se préparer à affronter dès "l'ennemi commun" vaincu... Lorsque la ligne suivie est correcte, la résistance à ce qui est - en définitive - la "manifestation locale" de la guerre impérialiste mondiale se transforme en révolution.

    C'est ainsi qu'ont eu lieu, finalement, toute les grandes révolutions du 20e siècle. Déjà la Révolution russe, précédemment citée, avait eu lieu dans le contexte de la Première Guerre impérialiste mondiale (qui avait décuplé les souffrances des masses). La guerre impérialiste nazie en Europe a amené des Partis communistes au pouvoir dans toute la moitié Est du continent (même s'ils sombrèrent rapidement dans le révisionnisme, le "capitalisme d'État"). En Grèce cela ne fut empêché que de peu, au prix de grands massacres. En Italie et en France, cela fut empêché par le révisionnisme des PC. La guerre impérialiste japonaise en Asie a permis, dès la défaite du Japon ou dans les quelques années qui ont suivi, des révolutions démocratiques-populaires au Vietnam et dans toute la péninsule indochinoise (elles seront achevées en 1975), en Corée, et bien sûr en Chine. Le PC chinois était déjà né dans le grand chaos de la Chine des années 1920, divisée entre "seigneurs de la guerre" soutenus par les puissances impérialistes concurrentes. La Guerre populaire a surgi face à la guerre d'extermination contre-révolutionnaire de Tchang Kaï-chek, soutenu par les mêmes impérialistes. 

    - Enfin, le "pourrissement réactionnaire" d'une "forme de gouvernement" réformiste, de "l'aile gauche" de la classe dominante. La "gauche" réformiste de la bourgeoisie est au pouvoir. Elle a surmonté toutes les contre-offensives de la droite réactionnaire, légales ou illégales, toutes les déstabilisations. Attention : nous parlons bien ici d'une véritable "gauche" réformiste bourgeoise, pas d'une "droite modérée" à la Mitterrand ou Jospin, Blair ou Schröder ou Clinton, dont la classe dominante dans son ensemble s'accommode très bien, parfois pendant des décennies (comme en Suède).

    Mais voilà : la bourgeoisie "progressiste" ne le reste jamais très longtemps ; la nature de classe est principale et elle finit toujours par reprendre le dessus. L'exemple-type (et contemporain) est celui de Chavez au Venezuela (lui même étant un "bourgeois national", mais on parle bien sûr de ses "conseillers", ses "experts"). Il en va de même pour ses alter-egos, Morales en Bolivie ou Correa en Équateur.

    Une révolution dans ce cas de figure n'a jamais eu lieu, il n'y a pas d'exemple historique. Le Parti "révolutionnaire institutionnel" mexicain, après Cardenas (exemple type de "l'aile gauche" de la classe dominante), a pu pourrir pendant... 60 ans, avant d'être remplacé... par la droite conservatrice dure. Ce qui fait souvent dire aux communistes que le réformisme social bourgeois est, finalement, le pire obstacle à la révolution. Faut-il pour autant s'y résigner ? Les communistes ne devraient-ils pas, plutôt, se pencher sur la question de la stratégie à adopter dans cette situation ? Une situation finalement comparable à la deuxième, la contre-offensive réactionnaire, sauf que celle-ci se fait de l'intérieur du parti bourgeois réformiste au pouvoir, et non de l'extérieur : ce n'est pas la droite qui renverse la gauche, mais la gauche qui DEVIENT de droite. L'idée que, face à cette droitisation d'une "gauche" bourgeoise (généralement, on l'a dit, portée au pouvoir par un mouvement de masse), le prolétariat et les classes populaires sont "désarmées", "démobilisées", doit être relativisée : on le voit bien en Bolivie et en Équateur, où face à des mesures gouvernementales de plus en plus réactionnaires, les masses résistent. Au Venezuela, l'extradition par Chavez d'un militant progressiste vers la Colombie fasciste a soulevé une grande indignation. On peut encore faire le parallèle avec la trahison réformiste de la direction "maoïste" au Népal. Il serait bien que les communistes aient une stratégie de mobilisation de masse et de conquête du pouvoir dans ces cas-là !

    En l'état actuel des choses, si l'on prend l'exemple du "Gouvernement de Bloc Populaire" prôné par le (n)PCI, la stratégie est totalement basée sur l'hypothèse d'une (rapide) contre-offensive réactionnaire (-> guerre civile -> révolution socialiste). Si le GBP lui-même "pourrit" et devient réactionnaire, rien n'est prévu... 

    Passons maintenant à l'étape suivante : la transition depuis l'ordre social renversé (capitaliste, semi-colonial semi-féodal...) vers le communisme. Une fois que la classe dominante a été chassée du pouvoir d’État, la lutte se poursuit, si l'on peut dire, "à fronts renversés".

    SUITE>>>

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  • NDLR : Pour de multiples raisons, le PC d’Inde (ML) "Naxalbari" n’a pas intégré le PC d’Inde (maoïste) lors de sa constitution. Il soutient néanmoins la Guerre populaire conduite en Inde par ce dernier. Il est signataire, avec 9 autres organisations (dont le PC d’Inde maoïste), d’une Déclaration internationale pour le 1er Mai 2011.


    Sur la situation actuelle au Népal et le défi posé aux maoïstes

    Source

    La participation au processus d’Assemblée Constituante et au gouvernement au Népal a été utilisée par la direction du PCUN (maoïste) pour liquider la nature révolutionnaire du Parti et l’entraîner dans le marécage du parlementarisme. Depuis un certain temps maintenant, cela est la manifestation politique concrète du révisionnisme, de la sortie du chemin de la Révolution de Nouvelle Démocratie de la part du Parti. Les choses ont maintenant pris une nouvelle dimension avec la récente nomination du Dr. Baburam Bhattarrai au poste de Premier ministre du Népal, à travers un accord avec les partis madheshi, agents reconnus des expansionnistes indiens. Suivant un scénario déjà écrit par les réactionnaires et approuvé par la direction du PCUN (maoïste), le nouveau gouvernement a promptement remis les clefs des stocks d’armes de l'Armée Populaire de Libération (PLA). Sévèrement vidée de ses qualités de combat par les politiques suivies par la direction du PCUN (maoïste), elle se prépare maintenant à être éliminée formellement, pour en finir avec le dernier (et l'un des plus importants) accomplissement des 10 années de Guerre Populaire. Ainsi le peuple ne pourra plus compter sur rien et sera livré à nouveau sans ressource aux loups réactionnaires.

    10 années de guerre héroïque des masses et leurs immenses sacrifices ont donné au petit PCN (maoïste) une renommée et une reconnaissance internationales. Hier armure brillante et naissante dans l'histoire glorieuse du mouvement communiste international, ce Parti est désormais réduit à être ‘juste un autre petit parti politique’, négociant sans scrupule pour un petit espace sur le banc des classes dirigeantes. Aujourd'hui, les chefs mêmes de cette organisation exploitent les sacrifices et les peines des masses révolutionnaires pour quelques postes ministériels et la reconnaissance des expansionnistes indiens, au service des impérialistes. Chaque mesure prise par eux est censée prouver à leurs aakkas (maîtres) qu’ils sont véritablement décidés à abandonner la voie de la révolution.

    Quand les communistes changent de couleur et se décomposent, la puanteur est de loin la pire qui soit. Le slogan de ‘servir les masses’ est converti en ‘servir les maîtres impérialistes-expansionnistes’. Tandis que la nature de classe du Parti change, il acquiert le ‘statut de plus favorisé’ de la part des classes dirigeantes. Le voile de la moralité bourgeoise minimale est également levé. La dégénérescence sans scrupule, la soif de biens de consommation et de luxe remplacent la vie communiste simple, l'amour-propre révolutionnaire et la modestie. Les révisionnistes sont les graines des réactionnaires et des serviteurs des impérialistes dans les rangs révolutionnaires. En un rien de temps ils infectent l'organisation entière, décapitent sa force idéologique et la dépouillent de tout son éclat révolutionnaire. La première chose qu'ils font pour liquider une organisation révolutionnaire est d’apporter le libéralisme au lieu de positions idéologiques fermes et claires. Ils détestent les principes léninistes du Parti et convertissent l'organisation en forum de discussion ouvert et inopérant. La conspiration et les manipulations deviennent la marque de fabrique du fonctionnement. Tout cela peut maintenant être observé au sein du PCUN (maoïste).

    Les maoïstes avaient gagné l'avantage stratégique au cours des 10 années de Guerre Populaire, qui avait libéré de vastes régions du pays et établi le Pouvoir populaire. L’avancée de la révolution a intensifié la crise au sein des classes dominantes et poussé leurs mentors impérialistes et expansionnistes dans l’ornière. Ceci posa le contexte pour les Accords de Paix de 2006 et le soulèvement de masse qui ont par la suite mené à la fin de la monarchie détestée de Gyanendra. Le Parti maoïste a été propulsé dans une position unique de leadership national, gagnant un large soutien pour mettre la révolution à l’ordre du jour. Mais au lieu d'utiliser ces facteurs favorables et d'appliquer la tactique appropriée à l'accomplissement de ces aspirations populaires, la direction a dévié des tâches stratégiques de la révolution. Les racines idéologiques et politiques de cette déviation, y compris les différentes tendances contenues autour de la ‘tactique de paix’, sont déjà une question de lutte idéologique dans le mouvement maoïste népalais et international. Les vues de notre Parti sur cette question, y compris la correspondance avec la direction du PCUN (maoïste), peuvent être consultées dans le ‘Naxalbari’ n°3 (http://www.thenaxalbari.blogspot.com).

    Cette lutte idéologique doit certainement être approfondie, le plus important étant qu'elle le soit par les maoïstes népalais eux-mêmes. Mais la tâche immédiate des maoïstes et des masses révolutionnaires au Népal est de lever le drapeau de la rébellion ouverte contre le quartier-général révisionniste et de lancer ainsi la reconstruction du Parti sur des bases pleinement marxiste-léniniste-maoïstes, fermement unis aux masses. Ils doivent s’arracher du marais révisionniste de l'Assemblée Constituante politicienne et reprendre le chemin de la révolution. L'héritage révolutionnaire des maoïstes au Népal, profondément enrichi par la Guerre Populaire héroïque qu’ils ont mené et les sacrifices glorieux faits par des milliers de fils et filles vaillants du Népal, avec la solidarité illimitée des peuples partout dans le monde pour la révolution népalaise, fournissent le socle de base pour relever ce défi. Comme appelé dans la résolution politique du CCOMPOSA, « les Peuples du monde entier regardent vers les maoïstes du Népal pour briser toute conspiration locale et externe et pour avancer avec détermination vers l'accomplissement de la Révolution de nouvelle démocratie ».

    Porte-parole, Krantipriya,

    6 septembre 2011

    Lgtang2-28

    NDLR : les camarades du PCmF, à qui la traduction a été envoyée, y ont apporté des corrections. C'est désormais leur version qui est ci-dessus. Un grand merci à eux !

     


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  • nepal_f_0402_-_maoist_rebel.jpg

    Le Parti Communiste du Népal (Maoïste) a mené une guerre populaire durant 10 ans, de 1996 à 2006, étendant la zone d’influence du Parti sur 80% du territoire.

    En 2006, suite à une alliance avec les 7 partis d’opposition, le Parti est entré dans la légalité, a cessé la lutte armée, a accepté le confinement de ses armes sous le contrôle de l’ONU. Le parti a remporté les élections avec 40% des suffrages exprimés. Prachanda a alors accédé au poste de premier ministre à la tête d’un gouvernement comprenant des membres des partis bourgeois, y compris les féodaux et les pro-impérialistes et le parti révisionniste (UML), un gouvernement d’Union nationale.

    Dans ces conditions, il était quasiment impossible de mettre sur pied une véritable démocratie pour le peuple, de procéder à une réforme agraire. Malgré cela le Parti avait et a peut-être encore une possibilité de mobilisation importante.

    Une nouvelle Constitution devait être mise sur pied, mais de reculade en reculade des partis alliés au PCN(M), devenu entretemps le Parti Communiste Unifié du Népal (Maoïste), la Constitution n’a toujours pas été promulguée. Prachanda, dans l’impasse, a dû démissionner après que le Président de la République ait maintenu à la tête de l’armée le général Katawal. Des membres du Parti continuent à siéger au parlement.

    Au sein du Parti, la thèse mise en avant est que la Révolution au Népal comporte plusieurs phases : la guerre populaire, la lutte parlementaire et l’arrêt de la guerre populaire, la préparation des masses pour l’insurrection.

    Il y a une différence qui s’est révélée dans la pratique. Ce qui était présentée comme une tactique pour réaliser les conditions de l’Insurrection est devenue une stratégie pour l’instauration de la Démocratie Nouvelle dans les conditions du XXIème siècle suivant « la voie Prachanda », et ceci présenté comme généralisable pour tous les pays et conseillé à tous les partis, sans la moindre preuve de la validité de cette théorie, bien au contraire.

    De reculade en reculade, différentes tendances et orientations sont apparues au sein du PCUN(M). Une des lignes est pour l’instauration d’une république démocratique parlementaire de type bourgeois ; une autre, centriste, défend la stratégie de mobilisation des masses tout en la coordonnant avec la lutte parlementaire mais aussi par la direction de l’appareil d’Etat. Celle-ci a fait faillite à ce que nous pouvons observer. Une autre affirme vouloir faire avancer la révolution en donnant priorité à la mobilisation des masses et en voulant transformer le parti de l’intérieur. Cela parait extrêmement difficile à l’heure actuelle.

    Dans l’esprit de maintenir l’unité du Parti se côtoient des positions droitières, centristes et révolutionnaires. Pour maintenir l’Unité à tout prix et poursuivre la ligne qui a conduit à la situation de blocage, de paralysie actuelle, et pour reconquérir le poste de premier ministre, une réunion du Comité Central a suggéré de choisir comme candidat pour le poste de premier ministre un représentant de la tendance prônant la démocratie de type bourgeoise.

    Le problème qui se pose avec insistance est que la nomination d’un premier ministre du PCNU(M) va aller de pair avec la dissolution de l’Armée Populaire, la remise des armes et l’intégration d’une partie dans l’Armée nationale et sous la direction du haut-commandement issu de l’ancienne Armée royale. Autrement dit, c’est la liquidation de l’APL, le désarmement complet.

    Dans ces conditions, il y a deux options :

    1. La reddition complète, l’abandon total de la perspective de l’insurrection. Cela fait cinq ans que le Parti est engagé dans ces transactions, sans une avancée significative pour résoudre la question du « pouvoir ». Que pensent les masses de tout cela ? Elles sont dans l’expectative pour le mieux, dans la désillusion pour le pire.

    2. La reprise du combat révolutionnaire, qui suppose une mobilisation des masses. « Un se divise en deux » et non « Deux sont unis en un ». Il faut choisir. La ligne droitière doit être dénoncée devant les masses, la seule façon c’est en revenir aux masses, car se sont les masses qui font l’histoire, et en même temps qui la subissent quand leurs dirigeants adoptent des positions erronées, vacillantes ou liquidatrices, révisionnistes.

    Le meilleur soutien que doivent apporter les maoïstes dans le monde, c’est de se tenir fermement pour la 2ème option, c’est de le dire clairement aux camarades qui veulent vraiment mener la révolution à son terme et affirmer nos positions. La solution qui sera adoptée et surtout mise en œuvre au Népal concerne le mouvement communiste dans son ensemble et pas seulement les communistes népalais. Critiquer les positions erronées, les tactiques inadéquates adoptées, dévoiler les liquidateurs et les révisionnistes, etc., c’est le meilleur soutien que nous pouvons apporter aux positions relativement correctes, aux camarades qui veulent poursuivre la lutte pour la révolution au Népal. Il y a des maoïstes au Népal qui luttent pour la révolution et nous devons les soutenir face aux liquidateurs !

    Note et précisions : Ce texte a été écrit quelques jours avant l’élection de Bhattarai au poste de premier ministre. La situation s’est depuis clarifiée et les liquidateurs ont dévoilé au grand jour leur vraie nature de classe.  Si Bhattarai est arrivé premier ministre, c’est grâce à un accord passé entre Bhattarai et Prachanda d’un côté et les partis Madhesis de l’autre. Il est de notoriété publique que les partis Madhesis sont les représentants des intérêts de l’Inde au Népal. Mais ce qui est le plus troublant est le contenu de cet accord. Un des points mentionne la création d’une « république démocratique inclusive ». C’est le contraire de la ligne du Parti de la « république populaire fédérale ». L’accord prévoit également la création d’une unité séparée dans l’Armée Népalaise pour 10 000 Madhesis au moment même où l’APL est désarmée et que les plans pour l’intégration sont de les placer sous commandement de l’Armée Népalaise. Mais encore, peu après avoir liquidé l’APL en rendant les armes, le gouvernement dirigé par Bhattarai a ordonné aux administrations régionales de procéder à la remise de toutes les propriétés saisies par les maoïstes durant la Guerre Populaire. Que va-t-il rester aux masses ? Mais les liquidateurs font face et Hari Gyawali, responsable maoïste de la région Kochila a affirmé : « Nous avons obtenu ces terres en échange du sang. Nous ne pouvons rendre les terres tant qu’une réforme agraire révolutionnaire n’est pas mise en place. » « Le gouvernement fera face à la confrontation s’il utilise des moyens coercitifs. » « Les squatteurs, les Kamaiyas [ex-serfs] et les familles des martyrs utilisent ces terres. Nous ne rendrons pas  les terres aux propriétaires tant qu’une réforme agraire révolutionnaire n’est pas mise en place. » De même la gauche du Parti organise ses propres meetings de formation à travers tout le pays. La situation pourrait virer à l’affrontement ouvert. En tout cas, le Comité Central doit se réunir le 30 septembre. D’ici là, regardons de près la situation au Népal, elle risque d’évoluer rapidement.

    PC maoïste de France 


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  • Article publié par le CSRI et Feu de Prairie :

    Inde : les maoïstes progressent, construisent des hôpitaux

    Publié sur South Asia Rev

    Cet article est tiré du journal indien The Hindustan Times. Une fois n’est pas coutume, les maoïstes y sont plutôt félicités pour leur action en faveur du peuple. Mais il faut noter que, contrairement à ce qu’affirme l’article, il ne s’agit pas d’un « changement de visage » mais bien la stratégie à long terme des maoïstes d’Inde.

    La main invisible maoïste de retour au Bengale

    par Snigdhendu Bhattacharya

    10 septembre 2011- Du symbole de la terreur et de la subjugation, les maoïstes visent désormais un changement de perception. Ou bien c’est ce qu’il semble, du moins dans leurs bastions dans la région de Jangalmahal au Bengale.
    Dans les régions dominées par les maoïste du Midnapore Occidental, à environ 130-150 km de Calcutta, et que l’Hindustan Times a visité récemment, les rebelles ont non seulement récupéré le terrain perdu, mais gèrent également des centres de santé et des écoles, construisent des digues et entretiennent les routes et les étangs.
    Alors que le gouvernement de Mamata Banerjee tente d’amorcer le dialogue, les rebelles se concentrent sur le développement.

    Trois organisations – Santrash Durnity O Samrajyobadi Agrason Birodhi Ganatantrik Mancha (SDSABGM), Nari Izzat Bachao Comittee (NIBC) et Chhatra Samaj (SC) – sont à la pointe du travail de développement que les maoïstes ont entrepris dans ces régions.

    Le gouvernement reconnaît tacitement le développement. « Ils (les rebelles) ne nous ont pas encore empêchés de réaliser des projets de développement. Mais, dans certains domaines, nous avons trouvé que les gens refusent de travailler sur nos projets alors qu’ils ont travaillé sur les soi-disant initiatives populaires », a déclaré Sukumar Hansda, ministre du développement de la région ouest.

    « En l’absence complète d’administration civile, nous sommes forcés de prendre nos affaires en main, » affirme le président du NIBC Jyotsna Mahato à l’Hindustan Times dans la région d’Aguimoni dépendant du poste de police de Jhargram.

    Le SDSABGM et le NIBC gèrent pas moins de 20 centres de santé à Lalgarh, Jhargram, Gopiballavpur, Nayagram, Salboni, Belpahari et Binpur, tous des bastions maoïstes.

    Des médecins chirurgiens visitent les centres de santé parallèles au moins une fois par semaine.

    La redevance est seulement de 5Rps. Et pour ceux qui ne peuvent même pas se permettre ce prix, les soins sont gratuits.

    Le Samaj Chhatra gèrent environ 25 centres éducatifs pour jeunes enfants, dans lesquels les jeunes locaux éduqués enseignent gratuitement.

    Il y a un an, une «initiative populaire» a vu un remblai – Veri-Bandh – se construire sur la rivière Kansabati à Bandorboni. Les ouvriers volontaires des villages voisins ont construit le tronçon de 1,5 km en seulement 23 jours.

    « Le plus l’administration essaie de bloquer ces initiatives, le plus il sera facile d’exposer son véritable caractère devant le public», a déclaré un local du village de Kurashole de la région du poste de police Jhargram, nous quittant sur un Lal Salaam (la façon dont les rebelles saluent [salut rouge]).

    Seul le temps dira si les nouvelles installations sont juste un autre changement de visage pour les rebelles afin d’éviter d’être repérés ou si c’est le signal d’une transformation réelle.

    Telle est la Guerre populaire, telle est l'action révolutionnaire communiste : SERVIR LE PEUPLE, et dans la moindre parcelle de territoire arrachée à l'ancien, commencer à construire le NOUVEAU.


    VIVE LA GUERRE POPULAIRE !

     

    GPP Inde


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  • Cette année 2011 aura vu l'éclatement au grand jour de la dérive réactionnaire des régimes "bolivariens" en Amérique du Sud. La "chape de plomb" faite de crainte (envers une culture répressive d'État toujours présente), de révérence envers les avancées (bien réelles) pour les masses et d'espoir envers un "redressement de situation", ne parvient plus à contenir la réalité des faits. Au Venezuela, après la "déclaration d'amour" de Chavez envers non seulement Kadhafi et Assad, mais TOUS les gouvernements réactionnaires arabes, l'arrestation et l'extradition vers la Colombie fasciste du journaliste de gauche Joaquin Pérez Becerra, suivie de celle du "chanteur des FARC" Julian Conrado, a fait grand bruit ; mais en réalité, cela faisait plus de 2 ans que les extraditions se succédaient, de militants ELN (surtout) et FARC vers la Colombie, ou de militant-e-s basques vers l'État espagnol. La Bolivie de Morales, après l'explosion de colère sociale contre les prix du carburant au début de l'année, lui a maintenant emboîté le pas en livrant 4 militant-e-s révolutionnaires (William Antonio Minaya, Hugo Walter Minaya, José Antonio Cantoral Benavides et Blanca Riveros Alarcón) à "sa" Colombie à lui, le Pérou de l'ex-"liquidateur" anti-subversif Ollanta Humala. L’Équateur de Correa ne peut, quant à lui, plus faire mystère de sa collaboration active avec l'armée fasciste colombienne, dans la traque et l'extermination des guérilleros FARC et ELN. Parallèlement, tous piétinent allégrement leurs proclamations contre les "multinationales" et pour la "défense de la Terre-Mère" en bradant les ressources naturelles, notamment le poumon amazonien de l’humanité, aux intérêts capitalistes, éventuellement sous couvert d’entreprises "à majorité étatique" et "patriotiques" : ainsi le projet de "Loi sur l’Eau" et de concessions aux "multinationales" en Amazonie équatorienne, provoquant un soulèvement indigène (shuar) brutalement réprimé (le leader est toujours emprisonné) ; tandis qu’en Bolivie on peut citer l’affaire de l’exploitation du lithium dans le salar d’Uyuni (convoité notamment par Bolloré !) et, en ce moment même, le projet de construction d’une grande autoroute à travers un territoire amazonien préservé…

    Tout cela est absolument désolant, lorsque l'on sait la signification révolutionnaire de l'Amérique latine pour tou-te-s celles et ceux qui luttent contre le capitalisme et l'impérialisme à travers le monde.

    Les raisons, SLP les a déjà évoquées à plusieurs reprises : le "socialisme bolivarien" n'a jamais été autre chose qu'un réformisme bourgeois redistributif. Par rapport à la misère des masses là-bas, il a représenté un progrès réel. Mais ce réformisme redistributif n'a pas, ne POUVAIT pas résister à la crise mondiale du capitalisme, car pour qu'il y ait redistribution il faut des profits élevés et même, surtout, des surprofits ; or la crise du capitalisme c'est l'effondrement du taux de profit et donc des surprofits. Ceci entraîne alors un effritement de l'appui populaire, qui ne laisse alors pas d'autre solution que de perdre les élections (voire essuyer un coup d'État contre l'éventuel "désordre"), ou de se rallier et/ou rechercher l'appui de la droite au niveau national et continental, et de l’impérialisme au niveau international... Dans des conditions différentes (d'un pays impérialiste), c'est exactement ce qui se produirait, ici, si le PS et ses alliés de la gauche bourgeoise parvenaient au pouvoir ; ce que ne manquent pas de souligner les idéologues de la droite bourgeoise. La seule "redistribution" des richesses possible face à la chute tendancielle du taux de profit, c'est évidemment l'expropriation du Capital et l'abolition de l'appropriation capitaliste de la richesse produite par le Travail !  

    Il est cependant intéressant de revenir, "à froid" si l'on peut dire, sur la nature de ces régimes et leur dérive depuis 2-3 ans.

    Pour SLP, ce qui a toujours été dit, c'est que ces régimes ont été le produit d'une poussée révolutionnaire de masse et que c'est celle-ci qui doit retenir l'attention, et non les gouvernants, "progressistes" ou non, en eux-mêmes.

    Certes, on pourra rétorquer que dans les pays arabes, il y a eu aussi d'immenses mouvements de masse, et que rien n'a changé, que même si les tyrans honnis ont dû parfois démissionner et partir, il n'y a pas eu de "révolutions". C'est vrai ; mais il faut aussi souligner que, "situation géopolitique" oblige, les régimes réactionnaires arabes étaient beaucoup plus "verrouillés" que les régimes "néolibéraux" sud-américains dans les années 90-début 2000. À cette époque, les oligarchies locales comme l'impérialisme de tutelle (US) avaient "la confiance" et la marge de manœuvre des masses populaires organisées était beaucoup plus importante. La crise qui a frappé leur "modèle" économique made in FMI, à la fin des années 90 - début des années 2000, les a pris de court ; et si les mouvements de masse furent moins larges et intenses que ceux qui ont secoué les pays arabes, ils ont conduit à une bien plus importante désorganisation de l'État oligarchique comprador-bureaucratique-terrateniente [en tout cas au Venezuela, en Bolivie et en Équateur* : les autres "victoires" comme au Nicaragua, au Salvador ou au Honduras, sont plus un effet "d’onde de choc" sans nécessairement de mouvement de masse important].

    Maintenant, que dire de la qualification de « révolutions » pour ces régimes bolivariens ?

    Rappelons tout d’abord le processus que suit la révolution à notre époque, la révolution prolétarienne : révolution politique => révolution économique => révolution culturelle, révolution dans les rapports sociaux. Le capitalisme et la bourgeoisie ont pu se développer dans le cadre de l’absolutisme, stade suprême du féodalisme (ceci dit, la véritable révolution économique bourgeoise, la révolution industrielle, n’a été rendue possible que par la révolution politique – et a fortiori, la révolution culturelle bourgeoise, l’imposition de sa culture comme culture dominante). En revanche, instaurer le socialisme ou même, là où c’est à l’ordre du jour, liquider la "chape" féodale qui pèse sur la production toute entière, impose aujourd’hui au prolétariat de prendre d’assaut et détruire la superstructure-État de la classe dominante, et de la remplacer par une superstructure révolutionnaire. Sans pouvoir du prolétariat, il n’est pas possible d’instaurer le socialisme.

    Qu’en a-t-il été au Venezuela, en Bolivie ou en Équateur ? Et bien, c’est une réalité que la superstructure étatique qui prévalait depuis plusieurs décennies a fait plus que vaciller. On voit mal comment qualifier autrement un président qui s’enfuit en hélicoptère vers l’aéroport et de là vers les États-Unis (Bolivie), le dégageage de deux présidents en 5 ans (Équateur) ou l’incapacité, par les deux partis qui "verrouillaient" le pays depuis 40 ans, d’empêcher l’élection d’un militaire populiste "de gauche" condamné pour… mutinerie 5 ans auparavant (Venezuela) ! 

    Dans chacun des cas, le mouvement populaire de contestation, le "mouvement social" pour reprendre les mots de l’idéologue du "processus" bolivien, Alvaro Garcia Linera, a créé l’ingouvernabilité du pays par la "classe politique" traditionnelle. Au Venezuela, on dira qu’il y a eu un lent effritement pendant 10 ans, permettant le "passage en fraude" de Chavez puis, après la "reprise en main" ratée d’avril 2002, une pulvérisation totale.

    Les tenants du vieux système ont en quelque sorte "déserté" les lieux de pouvoir (ou un grand nombre…) et le "mouvement social" s’y est engouffré, dans le sillage d’outsiders politiques de longue date. Il ne faut pas se mentir : ce "mouvement social" a réellement créé un rapport de force qu’il serait vain et grotesque de vouloir comparer à quoi que ce soit en Europe depuis des décennies, voire depuis 1945 (où par contre, il était supérieur, car il y avait alors des Partis communistes de masse). Il est bon d’avoir cela à l’esprit, avant de se lancer dans toute critique salonarde des limites de ce mouvement.

    Quel a alors été le problème ? Et bien, en dernière analyse, c’est un problème de conception politique, de conception du monde. Et ce problème a très peu été abordé dans le mouvement international se réclamant du communisme.

    On s’est beaucoup échiné à définir et à dénoncer la nature de classe (militaires petit-bourgeois, paysans moyens, intellectuels bourgeois) et idéologique ("réformisme", "populisme", "social-fascisme") des chefs de file des "processus", mais le problème résidait fondamentalement DANS le "mouvement social" lui-même.

    Il n’y a pas eu dans ce "mouvement social" de véritable conception politique révolutionnaire, concentrée et systématisée par une (ou même plusieurs) organisation(s), permettant de conquérir TOTALEMENT le pouvoir politique et, de là (et seulement de là), pouvoir envisager la transformation socialiste de l’économie et des rapports sociaux.

    La plupart des organisations de masse ne reconnaissaient même pas le marxisme, voire le rejetaient ouvertement, comme "trop matérialiste" ou au contraire comme "idéaliste, utopique", ou encore comme "eurocentriste"… Plus petites, il y avait de nombreuses organisations et même des Partis (comme le PC du Venezuela) se réclamant du communisme, mais aux conceptions très limitées, qui n’ont finalement fait que du suivisme "critique" vis-à-vis des forces réformistes. D’autres forces, par ailleurs, dont malheureusement beaucoup se réclamant du maoïsme, ont adopté une posture sectaire, refusant de reconnaître quoi que ce soit de positif aux évènements et se coupant ainsi des masses et de leur mouvement réel. 

    Pour renverser le pouvoir des classes dominantes, il faut au moins (même s’il n’est pas interdit, bien au contraire, de penser avec sa tête…) avoir étudié le léninisme, puisque celui-ci, ayant présidé à la première révolution prolétarienne réussie de l'histoire, est la science de la conquête du pouvoir par les exploité-e-s.

    Les bourgeoisies nationales réformistes ont donc été  laissées en roue libre. Avec les limites de la conception communiste au 20e siècle, les nouvelles bourgeoisies émergeaient au sein des expériences socialistes (ou démocratiques-populaires) en l’espace de 20 ou 30 ans. Quant aux forces nationalistes bourgeoises "progressistes", qu'il s'agisse des différents "socialismes arabes", ou "socialismes africains" ou des forces latino-américaines de type APRA, MNR bolivien, PRI mexicain, justicialisme argentin etc., entre écrasement militaire par les forces ultra-réactionnaires pro-impérialistes et "droitisation" interne, l'évolution vers le stade de laquais assumés de l'impérialisme se faisait sur des séquences historiques à peu près du même ordre. Mais ici, les nouvelles oligarchies "endogènes" se sont formées au sein des "processus de changement" en à peine quelques années… rejoignant les anciennes, qui n’avaient jamais disparu !

    Pour autant, fallait-il accepter la liquidation réactionnaire de ces "processus", entendus comme rapports de force établis par le "mouvement social" des masses populaires contre l'impérialisme et ses valets compradores ; comme FAIT POPULAIRE BOLIVARIEN ? Évidemment que non ! 

    Pour SLP, il a toujours été clair que la tranchée populaire conquise par les luttes de masse (sans déboucher hélas sur une véritable révolution) au Venezuela, en Bolivie et ailleurs allait devoir faire face à deux grandes menaces :

    - la contre-offensive réactionnaire de l'oligarchie (compradore-bureaucratique-terrateniente) et de l'impérialisme de tutelle (US) ;

    - la trahison des réformistes nationaux-bourgeois.

    Cela a toujours été une évidence. Mais encore fallait-il savoir prendre chaque chose en son temps, savoir à quel moment et contre quel ennemi principal lutter !

    En 2008-2009, la situation semblait se stabiliser au Venezuela, mais le coup d’État au Honduras, ou encore les menaces de guerre civile et le massacre d’une soixantaine de paysans pro-Morales en Bolivie, semblaient laisser entrevoir un NOUVEAU PLAN CONDOR continental. À ce moment-là, considérer qu’il fallait lutter à la fois contre l’"ultradroite" (comme on dit sur le continent) et contre les réformistes bourgeois, voire PLUS contre les seconds que contre les premiers (!), était absolument CRIMINEL. Aujourd’hui, en revanche, la situation se pose autrement. Car le nouveau Plan Condor, en réalité, ne faisait que se profiler : il est désormais bel et bien là, sous nos yeux. Simplement, à présent, Chavez, Morales et Correa en FONT PARTIE, ils ont intégré le dispositif !

    Et soyons sûrs qu’au Pérou, Ollanta Humala, à qui l’oligarchie vient finalement d’ouvrir les portes de la présidence, y aura toute sa place, poursuivant le « Plan Pérou », véritable « Plan Colombie II » de l’impérialisme contre les groupes de guérilla maoïstes. 

    La position de SLP n’a donc pas "changé", car elle n’a toujours fait que reposer sur un seul principe absolu : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP. Quand le Nouveau Plan Condor continental visait également les gouvernements réformistes, défendre la tranchée populaire conquise par les luttes impliquait de défendre également ces gouvernements (sans s’aveugler pour autant sur leur nature). Que cela plaise ou non, c’était la seule ligne juste. Mais si, maintenant, ces gouvernements ont intégré le Nouveau Plan Condor contre les masses populaires et les forces révolutionnaires, alors bien sûr ils doivent être combattus au même titre que les gouvernements ouvertement d’ultradroite !

    Pour mieux faire comprendre cette ligne, SLP a fréquemment utilisé la comparaison avec la République bourgeoise espagnole (1931-39). Si, quand l’Allemagne nazie était devenue (après 1933) le "Centre" de la Réaction en Europe, défendre la vie et la liberté de millions de personnes impliquait de défendre le gouvernement bourgeois de gauche en Espagne (ou même en France : le Front populaire), alors il fallait le faire, point ; il en était ainsi et pas autrement. En revanche, il n’y avait aucune raison de soutenir un gouvernement aligné sur Berlin : il fallait au contraire le combattre. Or, aujourd’hui, la Colombie de Santos-Uribe est le Centre de la Réaction continentale, avec derrière elle les forces les plus noires de l’impérialisme US, et voilà que Chavez s’allie avec ! Il n’y a donc plus aucune raison de le soutenir en aucune manière.

    Puisque l’on est sur la République bourgeoise espagnole : il est très possible que si elle avait été victorieuse du franquisme, elle aurait pu suivre la même évolution réactionnaire que le Mexique PRIste, qui fut d’ailleurs son grand allié avec l’URSS ; rompant avec les révolutionnaires (communistes et anarcho-syndicalistes) sur un grand « merci de votre soutien camarades ! »… Exactement comme le PRI mexicain, après Cardenas, a évolué vers la droite, à l’ombre de l’impérialisme US (nouveau "Centre" de la Réaction mondiale), jusqu’au massacre des manifestant-e-s à Mexico en 1968. Eh bien, dans ce cas, il est évident que les communistes et tous les révolutionnaires, après l’avoir défendue contre les fascistes, auraient dû la combattre sans pitié ! Encore un exemple (de "politique-fiction", cette fois-ci) pour illustrer la ligne à suivre vis-à-vis de Chavez et consorts : victorieux des manœuvres réactionnaires de l’oligarchie, Chavez a ensuite évolué vers la droite jusqu’à rejoindre le camp des ennemis du peuple ; il fallait le défendre contre ces manœuvres, il faut désormais le combattre sans faiblir… 

    Pour conclure, voyons ce que disait Dimitrov au milieu des années 1930 : « Or, il subsiste encore maintenant des vestiges de l'attitude schématique à l'égard du fascisme. N'est-ce pas une manifestation de cette attitude schématique, que l'affirmation de certains communistes assurant que l' « ère nouvelle » de Roosevelt représente une forme encore plus nette, plus aiguë de l'évolution de la bourgeoisie vers le fascisme que, par exemple, le « gouvernement national » d'Angleterre ? Il faut être aveuglé par une dose considérable de schématisme pour ne pas voir que ce sont justement les cercles les plus réactionnaires du Capital financier américain en train d'attaquer Roosevelt, qui représentent, avant tout, la force qui stimule et organise le mouvement fasciste aux États-Unis. Ne pas voir le fascisme réel prendre naissance aux États-Unis sous les phrases hypocrites de ces cercles en faveur de la « défense des droits démocratiques des citoyens américains », c'est désorienter la classe ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi. »

    Il parle ici, certes, d'un pays impérialiste, les États-Unis, ce qui est sensiblement différent, mais pas tellement pour le sujet qui nous intéresse : savoir bien identifier où se trouve le fascisme. Comme pour Roosevelt aux États-Unis dans les années 1930, c'était bien du côté de ceux qui s'attaquaient à Chavez ou Evo Morales au nom de la "société civile", de ceux qui ont renversé Manuel Zelaya au nom de la "constitutionnalité", que se trouvait la menace fasciste. Les masses populaires de ces pays n'ont jamais eu le moindre doute là-dessus !

    La seule chose qu'a toujours refusé Servir le Peuple, refus qui a pu lui être reproché d’une manière extrêmement violente et sectaire, c'est de qualifier ces régimes "bolivariens" de fascistes (ce qui impliquait, automatiquement, qu'ils soient l'ennemi principal à abattre, car entre le fascisme et le conservatisme bourgeois, il n'y a pas photo !). Tandis que de leur côté, bien sûr, tous les révisionnistes thorézo-brejnéviens, rabatteurs de Mélenchon et du PS, pourfendaient comme "trotsko-maoïste" toute critique marxiste scientifique de ces mêmes régimes...

    Non, il n'y a pas, derrière le béret rouge de Chavez, l'hydre du fascisme... Mais seulement le réformisme bourgeois qui, lorsqu'il ne perd pas la partie  avant  face à la droite, finit simplement par révéler petit à petit sa nature de classe réactionnaire, face à la soif de révolution grandissante des masses. Le terme de "social-fascisme" peut uniquement s'appliquer, à la rigueur, lorsque la social-démocratie a été "chargée" par la bourgeoisie de la liquidation d'une révolution (comme en Allemagne, après l'écrasement des spartakistes) ; ou lorsqu'une contre-révolution a eu lieu au sein même du socialisme (URSS, Chine) tout en conservant les apparences de celui-ci.

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    [ * - Au Venezuela, la "nouvelle ère" post-1989 s'ouvre par la répression-massacre du Caracazo (soulèvement populaire contre l'augmentation du prix des transports), au moins aussi brutale que celle du "Printemps de Pékin" (entre 300 et plusieurs milliers de victimes), mais largement ignorée par les grands médias internationaux. S'ensuit une période de grande agitation sociale et d'ingouvernabilité politique par les deux partis (Action démocratique et Copei) qui se partageaient le pouvoir depuis 1958. Celle-ci voit notamment la tentative de coup d'État "patriotique" de Chavez en 1992, sa libération comme "concession" au mouvement populaire en 1994, puis son élection "surprise" fin 1998. Mais c'est l'échec de la tentative de renversement contre lui, en avril 2002, qui marque vraiment le rapport de force conquis par les masses contre les classes dominantes. 

    - En Bolivie : d'abord la "guerre de l'eau" de Cochabamba en 2000, contre la privatisation du service de l'eau (amenant à l'abandon du projet), puis un mouvement des policiers réprimés par l'armée (avec bien sûr des affrontements armés entre les deux forces) et enfin la "guerre du gaz" de septembre-octobre 2003, contre le pillage des ressources gazières par les monopoles impérialistes, qui fait plus de 80 mort-e-s et voit la démission et la fuite du président Sanchez de Lozada ("Goni el Gringo"), remplacé par son vice-président, ce qui ouvre la voie à l'élection du syndicaliste Evo Morales fin 2005. 

    - En Équateur, la colonne vertébrale du mouvement de masse a été les puissantes organisations populaires indigènes, comme la CONAIE. En janvier 2000, un mouvement contre la dollarisation (remplacement de la monnaie nationale par le dollar US) entraîna la chute du président Jamil Mahuad et, après un intérim vice-présidentiel, l’élection de Lucio Gutiérrez (2003), un militaire rallié à la révolte de 2000. Mais celui-ci fit à son tour allégeance à l’impérialisme, se proclamant « meilleur ami de Bush dans la région », et fut à son tour renversé en 2005 suite à de nouvelles mobilisations. Les élections de novembre 2006 voient finalement l’élection de Rafael Correa, un économiste "humaniste et chrétien de gauche" selon ses propres mots, qui annonce une "révolution citoyenne".]


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    (Autre article, de février 2011 quant à lui)


    Les "antifas" ultra-gauchistes sont décidément incorrigibles ! Au beau milieu d'un article, globalement pas inintéressant, sur les passerelles entre une "certaine gauche" et l'extrême-droite fasciste, voilà qu'ils placent encore une fois une tirade sur les "social-fascismes sud-américains", une tirade digne... paradoxe suprême pour un article anti-soc'-dem' : digne d'un article de Libé ou d'une tribune de BHL... Ni plus ni moins. Voyez donc par vous-mêmes :

    Les leaders « populaires », de Lulà à Morales et Chavez, portés par le mouvement de classe, après avoir pacifié les organisations ouvrières principales, ont entériné la collaboration avec l’impérialisme européen et américain pour Lulà, avec des régimes islamistes fascistes pour Chavez et d’autres. Leur rôle actuel est le combat perpétuel contre le combat révolutionnaire des masses, répression meurtrière du mouvement des sans-terre, tentatives d’écrasement des grèves contre la montée du prix des matières premières par Moralès. Ces régimes évoluent tous vers une main mise durable et autoritaire qui tend à se substituer à la démocratie de façade mise en place au départ.

    L’ensemble de ces régimes présente de manière de plus en plus accentuée au fil du temps des caractéristiques fascistes classiques, notamment une dimension antisémite, mais aussi un patriotisme exacerbé, la défense de la famille patriarcale traditionnelle, la répression des mouvements des minorités (??? en Équateur peut-être ? ou la "minorité" camba de Bolivie ?), le recours à des références religieuses ou messianiques (ça s'appelle la théologie de la libération : et alors ?).

    Dans ce type de régime, la clique au pouvoir développe d’ailleurs toujours les mêmes traits

    1./  Culte du chef, exaltation du dépassement individuel ; (???)

    2./ Culte de la nation et non de la race.

    3./ Soumission à l'économie de marché (pour tout ou partie de la population) et renforcement du corporatisme ;

    4./ Fonctionnement en parti unique non démocratique qui de confond avec l'appareil d’État (État total) ;

    5./ Désignation des boucs-émissaires (États étrangers, grandes familles de la finance...) (ah d'accord, dans un pays dominé et surexploité on n'a plus le droit de dénoncer l'impérialisme et l'oligarchie compradore...)

    6./ Refus de l'intellectualisation et de la culture (dite bourgeoise, n’admet pas la contradiction)

    7./ Recherche de conquêtes territoriales ou d'hégémonie hors frontière. ??????????


    Bref, les t-shirts rouges des rassemblements pro-Chavez sont les chemises noires de notre époque...

    C'est là une incapacité totale à voir les choses de manière dialectique.

    Les gouvernements "populaires", "bolivariens", "socialistes du 21e siècle" et autres "révolutions citoyennes" ne sont CERTES PAS des POUVOIRS POPULAIRES, la dictature démocratique et anti-impérialiste des 4 CLASSES (ouvrière, paysanne, petite-bourgeoise et bourgeoise nationale progressiste) sous la direction du Parti du prolétariat. Mais ces gouvernements ne font pas des compromis : ils SONT des compromis en eux-mêmes. Des compromis entre la classe dominante et le Peuple exploité, non pas gentiment accordés par la première, mais arrachés à elle par les seconds, par les LUTTES. Et ensuite ? Ensuite, tout est question de rapport de force, en un mot de dialectique.

    Bien sûr, les classes exploiteuses peuvent reprendre le dessus, reprendre le contrôle des institutions et de la politique gouvernementale. C'est ce qui s'est passé, ces dernières années, en Équateur, mais il faut dire que le président Rafael Correa n'est pas issu du mouvement populaire qui a précédé son élection (comme le syndicaliste paysan Morales, ou le sous-officier putschiste "de gauche" Chavez), mais bien des mêmes sphères de pouvoir que ledit mouvement combattait...

    Pour autant, ce n'est pas toujours le cas. En Bolivie, par exemple, il n'y a pas de Parti révolutionnaire (laissons de côté les groupuscules autoproclamés), cependant la classe ouvrière (des usines, des mines et des champs) est assez fortement organisée, dans les syndicats et les comités populaires de quartier. Elle s'est fortement structurée, en particulier, dans la résistance à l'offensive impérialiste dite "néolibérale" entre les années 80 et 2000. Et ainsi, lorsque le gouvernement "de gauche", incapable de faire face à la crise capitaliste mondiale, s'est retrouvé à devoir augmenter les prix de tous les produits de première nécessité, il s'est heurté à la résistance des masses populaires, et cette résistance n'a pas (ceci est totalement faux !) été brutalement noyée dans le sang : le gouvernement a dû reculer, essaye de manœuvrer, montrant que s'il est impuissant face à la conjoncture économique mondiale, il craint encore plus des masses populaires qui n'ont pas baissé la garde, ne se sont pas démobilisées ni démoralisées.

    C'est CE RAPPORT DE FORCE, uniquement mais totalement, que défend et a toujours défendu Servir le Peuple. Rien d'autre, mais rien de moins. Car SANS CE RAPPORT, toute proclamation du "Parti" du haut d'une chaire (généralement universitaire) n'est que fumisterie intellectuelle.

    Sans l'effervescence sociale qui régnait dans les campagnes du Pérou, après les espoirs et l'échec d'une suite de gouvernements (militaires) "de gauche", JAMAIS le professeur d'université Abimael Guzmán, dit Gonzalo, n'aurait pu déclencher la moindre Guerre populaire que ce soit. Voilà, par avance, la réponse à l'inévitable réplique : "Mais pour le rapport de force, il faut conquérir le pouvoir, sans le pouvoir tout est illusion, et pour cela il faut le Parti !".

    Oui, pour la (vraie) révolution, pour la prise de pouvoir (demain) des exploité-e-s d'aujourd'hui, il faut le Parti guidé par le marxisme de notre époque, le marxisme-léninisme-maoïsme. Mais pour l'instant, il n'existe pas et l'autoproclamer 15 fois n'y changera rien : le Parti ne peut prendre la direction que de masses populaires à la conscience révolutionnaire suffisamment développée. Cette conscience ne s'attend pas, bien entendu, les doigts de pied en éventail : les révolutionnaires, l'avant-garde du prolétariat, peuvent et doivent travailler à son développement. Mais pour cela, il faut prendre les masses telles qu'elles sont, avec leurs illusions réformistes, et les guider dans leur(s) rupture(s) avec ces illusions ; et non les prendre de manière aristocratique à coups de grandes déclarations de principes. La Guerre populaire au Pérou, c'était le résultat de 10 ANS de travail préalable, par des jeunes étudiants et intellectuels d'Ayacucho qui ont su aller aux masses, se fondre avec elles et y mener le travail révolutionnaire !!!

    De même en Inde : les maoïstes n'ont pas déclenché leur Guerre populaire en 2004 "comme ça" ; il y a eu auparavant (dans une lutte commencée en 1967) également 10 ou 15 ans de travail politique auprès des masses, dans un contexte de résistance virulente (paysanne, communautaire-traditionnelle...) contre l'offensive impérialiste "néolibérale". 

    Peut-on considérer éternellement, quand on se dit communiste, que les masses ne comprennent rien ? Non, bien sûr, et si les masses sont attirées par ces mouvements "bolivariens", comme par les organisations de résistance islamique au Proche-Orient (également citées), il y a une raison ! La raison, c'est que ces mouvements ont à un moment donné rompu le front de la Fin de l'Histoire : ce monde merveilleux chanté par Fukuyama, de l'impérialisme-roi sans la moindre remise en cause populaire, avec sa "mort du communisme" (chute du Mur), sa "mort de la libération arabe" (Oslo), sa "mort" de la libération africaine (fin de l'apartheid, élection de Mandela) et autres "règlements pacifiques" 100% au bénéfice de l'impérialisme. Quant aux drapeaux vert du Hamas et jaune du Hezbollah, ils sont tout simplement les drapeaux dont s'est emparée, le drapeau rouge étant en berne, la résistance populaire au Machrek ! Bien sûr, tout cela devra être dépassé, et l'on peut dire aujourd'hui que l'heure a sonné. Mais celui qui ne comprend pas ça, ne peut que donner des leçons du haut de sa chaire aristocratique ! 

    En tout cas, avec ces gouvernements "socialistes bolivariens" qui sont EN EUX-MÊMES un compromis avec les masses travailleuses exploitées, on est BIEN LOIN du fascisme qui est TOUT sauf un tel compromis... À la décharge de nos "red antifas", c'est également l'analyse erronée de bon nombre des "partis" ou "pré-partis" gauchistes intellectuels latinos précédemment évoqués. Mais depuis longtemps, la position de cette mouvance "antifa" est claire : le fascisme est un phénomène de gauche, voire d'extrême-gauche (sauf eux bien sûr). Encore mieux que les sectes trotskystes : là où le trotskyste qui n'est pas d'accord avec les deux autres (3 trotskystes = une scission) les qualifiera de "staliniens", eux qualifieront toute l'extrême-gauche sauf eux de pré-fasciste... De là aux "rouges-bruns-verts" d'une certaine propagande...

    Certes, il est historiquement vrai que le fascisme d'origine (italien) a puisé dans la gauche radicale : Mussolini venait du Parti socialiste (de son aile gauche, même) et beaucoup de syndicalistes révolutionnaires, de socialistes voire d'anarcho-syndicalistes ont pu se reconnaître dans son premier programme de 1919, républicain, anti-Église, anti-bourgeois et pour le partage de la terre... Mais deux ans plus tard, le Parti fasciste était une milice patronale et la plupart des primo-adhérents, venus de la gauche, étaient sur les barricades des Arditi del Popolo contre les Chemises noires. Cela, il ne faudrait pas oublier de le dire... Le nazisme, quant à lui, n'a AUCUNE FILIATION avec la tradition de la gauche allemande ; il s'inscrit clairement dans l'héritage du pangermanisme, du militarisme prussien, de l'antisémitisme petit-bourgeois philistin impulsé dès la fin du 19e siècle par la droite ultra-conservatrice luthérienne (tandis qu'à la même époque le mouvement socialiste d'August Bebel lui assénait la sentence définitive de "socialisme des imbéciles"...), du nietzschéisme, du "socialisme" féodal bismarckien et des milices anticommunistes Freikorps et Stahlhelm. 

    ENFIN, BIEN SÛR que Mélenchon et compagnie soutiennent avec sympathie les "bolivarismes" latinos ou encore Cuba. De même qu'ils sont des rabatteurs de travailleurs pour la "gauche" de la bourgeoisie monopoliste, ils sont des rabatteurs de bourgeois nationaux rebelles vers l'impérialisme, le leur, l'impérialisme BBR, en jouant de la "tradition révolutionnaire de la France" ("être français, c'est être révolutionnaire" dixit Cantonna, devenu l'idole de cette "gauche" avec ces mots). Une Françafrique sauce Mélenchon ramènerait ainsi certainement un Gbagbo dans le giron, et plus largement toutes les cliques de garde-chiourmes attirées par la "Chinafrique" (Mélenchon représente d'ailleurs la bourgeoisie BBR qui pense qu'il faut s'entendre avec la Chine, et non aller à la confrontation). Il pourrait faire profiter l'impérialisme BBR de la perte de vitesse US en Amérique latine, etc. Cela s'est toujours fait ! De Gaulle (avec son aura de résistant "antifasciste") n'essayait-il pas, à une époque, de jouer la Chine contre (à la fois) les USA et l'URSS ? Fallait-il alors qualifier la Chine révolutionnaire de Mao de... "social-fasciste" ??? Et ici, ce n'est même pas la question, puisqu'il n'est nullement question de soutien aux gouvernements mais au rapport de force créé par les masses (dont les gouvernements ne sont qu'une résultante).

    Le problème, et là où il faut être vigilants (nous les révolutionnaires), c'est que ces "soutiens" renforcent toujours la droite dans le camp qu'ils appuient. Comme pendant la guerre antifasciste d'Espagne : il est, en effet, FAUX de dire que la "gauche" bourgeoise SFIO-radicale hexagonale n'a pas soutenu la République d'outre-Pyrénées ; mais ce qui est vrai c'est qu'elle a renforcé la droite dans le camp républicain, notamment en faveur d'une guerre conventionnelle (contre les troupes d'élite de Franco !), et elle a mené celui-ci à la défaite (les Brigades internationales communistes n'ont pas pu contrebalancer cette influence). Si demain, quel que soit le pourrissement droitier de la "gauche" au pouvoir, une agression impérialiste ou une guerre civile réactionnaire frappe le Venezuela ou même l’Équateur, les SEULS VRAIS communistes seront ceux qui appelleront à des Brigades internationales. Les autres pourront aller dans les poubelles de l'histoire ! 

    Quant à l'extrême-droite, elle peut parfois "admirer" ces gouvernements, sur l'air de "eux, ils osent être patriotes !". Mais le moins que l'on puisse dire, et il suffit d'aller sur Fdesouche pour s'en convaincre, c'est que ça crisse à la base... Dans le soutien à ces leaders tiers-mondistes "basanés", point trop n'en faut !


    http://s2.lemde.fr/image/2010/12/28/600x300/1458611_3_d07e_a-la-paz-en-bolivie-des-manifestations-contre.jpg
    Colère populaire en Bolivie, contre la hausse des prix. Les masses n'ont rien perdu de leur combattivité !

     

    Construire l'ingouvernabilité pour la bourgeoisie, même planquée derrière un gouvernement petit-bourgeois "socialiste" !

    Obliger la petite-bourgeoisie "de gauche" à choisir son camp !

    Construire les Organisations Populaires et le Parti qui les mènera à la Victoire !

    Les masses font l'Histoire !

    LE POUVOIR AU PEUPLE !

     


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  • Un excellent texte qui résume à la perfection toute notre vision radicalement anti-dogmatique des choses !

    Source originale : moufawad-paul.blogspot.fr/marxism-beyond-marx-leninism-beyond (l'auteur s'exprime à la première personne)

    Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de MaoEn tant que communiste défendant la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste-maoïste, il est important d'insister sur le fait que chaque fois que je me définis comme "maoïste" (ce qui m'arrive souvent lorsque je suis empêtré dans des controverses théoriques), ce que j'entends par "maoïsme" est quelque chose qui va bien au-delà de Mao en tant que personne. De la même manière, je crois en un léninisme "au-dessus" de Lénine et en un marxisme "au-dessus" de Karl Marx. Tout simplement parce que je considère le marxisme comme une science vivante et non comme un ensemble de textes religieux codifiés par des prophètes géniaux dont les mots et les actions sont les sacro-saintes représentations de quelque "divine" loi de l'histoire.

    De même que beaucoup de trotskystes voient Trotsky comme un prophète (et eux-mêmes comme les gardiens d'une théorie "pure" née après la Révolution d'Octobre), il y aussi beaucoup de maoïstes autoproclamés qui imaginent Mao comme une sorte de génie surhumain incapable d'erreur. Plutôt que de voir le nom comme une simple dénomination de la théorie, ils ont tendance à faire de la personne la théorie et de la théorie la personne. Du coup, chaque fois que les actions de la personne dont la théorie porte le nom sont critiquées, il y a comme un réaction-réflexe pour tenter de justifier à tout prix ces actions : puisque la théorie et la personne ne font qu'un, assumer la première requiert la défense inconditionnelle de la seconde.

    Une pensée communiste critique doit pourtant comprendre que les noms [Marx, Lénine, Mao] ne sont rien de plus que des marqueurs, des "jalons" de sauts théoriques importants nommés ainsi uniquement pour indiquer que ces théoriciens ont produit des analyses concrètes de la situation concrète de valeur universelle ; analyses qui ont développé la science révolutionnaire à un niveau supérieur. De manière similaire, lorsque nous parlons de physique einsteinienne aujourd'hui [dans les pays anglo-saxons manifestement, car dans les pays francophones l'on parle de physique relativiste], nous ne parlons pas d'Einstein en tant que personne ni d'une science limitée uniquement aux théories et aux recherches d'Einstein : il y a une théorie einsteinienne au-delà d'Einstein, avec des physiciens qui ont travaillé dans le cadre de ce paradigme et qui ont développé la science dans le cadre théorique conceptualisé par Einstein, certains corrigeant même parfois des erreurs mathématiques.

    Les communistes critiques, par conséquent, ne doutent pas que Marx ait pu se tromper sur certaines choses à l'intérieur du cadre théorique qu'il a conceptualisé : c'est l'horizon théorique qu'il a ouvert (aux côtés d'Engels) qui est important. Et les marxistes-léninistes-maoïstes considèrent que ce cadre a été re-conceptualisé par la suite à un niveau supérieur par Lénine et après lui par Mao ; les enseignements théoriques de chaque révolution historique dans le monde redéfinissant ses contours dans une dialectique de continuité-rupture.

    Continuité parce que l'universalisation initiale est acceptée et contient les germes d'enseignements historiques ultérieurs ; rupture car ces nouveaux enseignements rompent avec certaines pratiques erronées, bousculent les petites certitudes dogmatiques et posent de nouvelles questions. Une science est tournée vers le futur et le fil conducteur du marxisme-léninisme-maoïsme nous oblige à envisager que les futures révolutions du monde de demain, sur la base des positions antérieures de ce cheminement scientifique, produisent de nouveaux moments de continuité-rupture. Comme Marx ne se lassait jamais de le rappeler (et comme le rappelle souvent le théoricien radical Samir Amin), nous ne pouvons répondre qu'aux questions qui nous sont posées par l'histoire.

    Il faut donc, bien que ces développements portent le nom de personnes qui ont théorisé ces moments de ré-universalisation, bien insister sur le fait que ces noms sont de simples marqueurs/jalons historiques du progrès universel. Marx, Lénine et Mao étaient des personnalités sympathiques, bien sûr, et de grands révolutionnaires, mais il y avait aussi d'autres brillants intellectuels révolutionnaires à leurs époques respectives - l'idée même qu'ils aient été plus "géniaux" que n'importe qui d'autre, ou qu'ils possédaient une sorte de vision surnaturelle, est quelque chose d'absolument idéaliste et anti-matérialiste. Ces figures sont simplement des personnes qui ont eu le privilège de se trouver au bon endroit et au bon moment de l'histoire, ainsi que celui d'avoir une formation et une socialisation qui leur ont permis d'être non seulement des leaders révolutionnaires, mais aussi d'avoir les ressources Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Maointellectuelles pour théoriser les circonstances concrètes de ces situations révolutionnaires dont ils étaient partie prenante. En ce sens ils sont les symboles d'un processus, des individus particuliers au sein d'une réalité collective où les masses font l'histoire et, dans le même temps, sont faites par elle.

    Pour revenir à mon point de départ, je suis passablement agacé lorsque des critiques du maoïsme considèrent que je défends d'une manière ou d'une autre les actions de Mao au cours des dernières années de sa vie : serrer la main de Nixon, laisser la Chine soutenir des régimes pour le moins craignos, etc. etc. Une réaction simpliste et réflexe à ces critiques serait d'énoncer un certain nombre de réalités concrètes : il fallait faire preuve de realpolitik alors que la Chine avait besoin d'être reconnue par l'ONU ; la ligne politique de Mao à cette époque avait été défaite et le camp de Deng était déjà aux commandes du pays, etc. Mais ces explications, même si elles contiennent leur part de vérité historique, commettent selon moi l'erreur de placer Mao en tant que personne au-dessus du maoïsme en tant que théorie.

    Mao était un grand dirigeant et théoricien révolutionnaire mais il était aussi un être humain, et les êtres humains ne sont pas des anges ni des représentants immaculés d'un ordre divin : ils sont imparfaits, recouverts par les scories de l'histoire. Si nous admettons que les erreurs de Marx peuvent et doivent être critiquées à la lumière de sa propre théorie, alors nous devons également admettre que les erreurs de Mao puissent être critiquées à la lumière du maoïsme. C'est ainsi qu'en tant que maoïste critique je n'ai pas à défendre le rapprochement politique de Mao avec les États-Unis de Nixon à la fin de sa vie ; et je considère que cette opinion est totalement en accord avec le marxisme-léninisme-maoïsme. Il n'y a pareillement aucun moyen que je défende les positions erronées de Marx sur le colonialisme, ou celles de Lénine dans la direction des Soviets. Cela ne signifie en aucun cas que les cadres théoriques définis par ces révolutions et ces révolutionnaires soient incorrects.

    Si nous ne réussissons pas à avoir cette compréhension du marxisme comme science vivante de la révolution, alors nous risquons de devenir des puristes dogmatiques et nous ne serons jamais capables d'appliquer la théorie révolutionnaire à notre réalité concrète. Bien que j'admette qu'il soit dangereux de rejeter les développements universels de la théorie au profit d'une approche mouvementiste "tout-ce-qui-bouge-est-rouge", il est tout aussi dangereux de penser que nous pouvons sauvegarder une prétendue "pureté" théorique comme si elle existait en dehors du temps et de l'espace, au-delà de l'histoire et de la société, et de nous retrouver par conséquent incapables d'appréhender nos situations particulières concrètes. L'application de l'universel requiert une compréhension du particulier concret ; la dialectique entre l'universel et le particulier est d'une importance vitale ; et c'est ce que nous voulons signifier par communisme révolutionnaire comme science vivante.

    Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Mao

    [À lire aussi à ce sujet, passionnant, cet entretien-débat de 1977 entre Charles Bettelheim, l'ex-GP Robert Linhart et deux membres de la revue Communisme, dans lequel s'expriment leurs différents points de vue et analyses, autrement dit un peu tous les nécessaires "pour" et "contre" pour réfléchir à la question : http://ekladata.com/Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf]


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  • Nous sommes, en ce mois de septembre, à peu près à mi-chemin entre deux anniversaires de la plus grande importance pour nous maoïstes : les 45 ans de la Grande Révolution culturelle prolétarienne (décision du Comité central du Parti le 8 août 1966, manifestation d'un million de "gardes rouges" à Pékin et officialisation de ceux-ci par Mao arborant leur brassard le 18, etc.) et les 62 ans de la proclamation de la République populaire, le 1er octobre 1949.

    À cette occasion, Servir le Peuple publie ce très long et intéressant article du PCR Canada, paru peu après les célébrations des 50 ans de la Révolution chinoise à Montréal, en 1999 :

    [NDLR : en français québécois, "éventuellement" = "finalement", "en définitive" ou alors "plus tard", "par la suite"]


    Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise !

    Source

    Le texte qui suit reprend l'essentiel de l'intervention qui a été faite lors de la célébration du 50e anniversaire de la révolution chinoise organisée par Le Drapeau rouge et qui a eu lieu le 1er octobre 1999 à Montréal.

    - Socialisme Maintenant !

    Il y a 50 ans aujourd'hui, des millions de personnes en liesse réunies sur la célèbre Place Tienanmen à Pékin ont entendu Mao Zedong proclamer officiellement la fondation de la République populaire de Chine. « Le peuple chinois est debout ! », a-t-il lancé avec fierté : « Le Chine ne se laissera plus insulter ». Trente-deux ans après la Révolution d'Octobre en Russie, le triomphe des communistes chinois représentait sans aucun doute le deuxième plus grand coup à avoir jamais été porté au système capitaliste mondial. Imaginez ! Du coup, plus du quart de l'humanité venait de se débarrasser du féodalisme et de la domination impérialiste et entreprenait la tâche de construire une société nouvelle, dans un mouvement de lutte ininterrompu allant vers le socialisme et le communisme.

    La Révolution d'Octobre 1917 avait inauguré ce qu'on a appelé l'ère de la révolution prolétarienne mondiale. Après une période tumultueuse et somme toute assez difficile pour le prolétariat et les peuples du monde - marquée notamment par la défaite de la révolution allemande, la montée du fascisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale -, la victoire des communistes chinois a relancé de manière spectaculaire le mouvement révolutionnaire, ramenant à nouveau l'espoir parmi les prolétaires de tous les pays et stimulant le mouvement de libération nationale dans les pays dominés par l'impérialisme.

    Une révolution attendue de longue date

    Mais le peuple chinois revenait de loin, de très loin même. Sans vouloir trop insister là-dessus, il faut quand même se rappeler de ce qu'était la Chine avant la révolution de 1949 : à savoir un pays divisé, soumis à la domination des puissances étrangères qui se sont succédées pour le subjuguer, ou qui l'ont fait quelques fois en même temps, se partageant le pays en morceaux ; parmi elles, le Portugal, l'Italie, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, le Japon bien sûr, puis finalement les États-Unis.

    Il faut se souvenir aussi de ce qu'était la situation abominable du peuple chinois lui-même, soumis à l'exploitation féroce des seigneurs de guerre - des féodaux alliés aux puissances étrangères -, aux idées les plus réactionnaires et à la misère la plus abjecte. Un peuple, faut-il ajouter, qui n'avait pourtant jamais cessé de résister, et dont les nombreuses révoltes ont marqué tout le XIXe et le début du XXe siècle. C'est fort de ces expériences monumentales, quoique tragiques - notamment l'écrasement de la révolution démocratique dirigée par le Guomindang de Sun Yat-sen en 1913 -, et en s'emparant du marxisme-léninisme que les communistes chinois, dont le Parti avait été fondé le 30 juin 1921, ont pu élaborer la stratégie qui devait finalement s'avérer victorieuse.

    Mao Zedong, qui en fut un des fondateurs, a d'abord procédé à une analyse scientifique de la société chinoise. On retrouve cette analyse dans les premiers textes qu'il a publiés, notamment l'Analyse des classes de la société chinoise et le Rapport sur l'enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan. Rompant avec les conceptions de la bourgeoisie nationale, et aussi avec celles de certains communistes qui misaient d'abord et avant tout sur l'intelligentsia et sur le développement d'insurrections dans les villes, Mao avait compris le rôle central que devait jouer la paysannerie, et surtout la paysannerie pauvre, dans la lutte révolutionnaire. Pour lui, il était clair que la révolution n'allait pouvoir triompher sans la participation et la mobilisation des masses les plus larges.

    Partant de là, Mao a su tracer les objectifs de la révolution chinoise. Il a établi clairement le lien entre les tâches démocratiques qui devaient être réalisées (telles la réforme agraire, la conquête de l'indépendance nationale et son corollaire, l'unification du pays) et les tâches socialistes encore à venir - un lien qu'il a systématisé dans le concept de « révolution de démocratie nouvelle ». Mao a également développé les principes et la stratégie de la guerre populaire prolongée, grâce à laquelle l'Armée rouge a pu vaincre, à toutes les étapes, des armées souvent bien plus nombreuses et toujours mieux équipées - qu'il s'agisse des armées locales dirigées par les féodaux, de l'armée japonaise qu'elle a réussi à repousser alors que les nationalistes du Guomindang n'arrivaient pas à le faire, puis finalement l'armée nationaliste elle-même qui était pourtant soutenue militairement par les États-Unis.

    Mais nul doute que la bataille n'a pas été facile. On peut rappeler à cet égard cette fameuse « Longue Marche », commencée en 1934 après quelques défaites militaires bien senties : les combattantes et combattants de l'Armée rouge ont alors marché près de 10 000 kilomètres, en un an, perdant en cours de route plus de 70 p. 100 de leurs effectifs. Cette manœuvre avait été rendue nécessaire pour préserver non seulement l'existence de l'Armée rouge mais aussi celle du Parti, qui autrement auraient été tous deux anéantis. C'est aussi grâce à la Longue Marche qu'on a pu éventuellement constituer une base d'appui, dans la province de Shaanxi, à partir de laquelle la guerre populaire a pu ensuite s'étendre jusqu'à embraser tout le pays.

    Mais si les masses de Chine ont eu à faire face à énormément de répression tout au long de la lutte révolutionnaire, elles ont aussi dû combattre d'importantes erreurs qui s'étaient développées au sein même du Parti qui les dirigeait : un Parti qui a d'abord gravement sous-estimé le rôle de la paysannerie, avant que Mao ne réussisse à le gagner à sa position là-dessus ; un Parti qui a également payé très cher sa soumission au Guomindang et à la bourgeoisie nationale (une position qui était soutenue par l'Internationale et qui devait s'avérer désastreuse politiquement et militairement). Pas à pas, étape par étape, Mao a combattu ces erreurs et amené le Parti communiste de Chine à les rectifier. Alors, c'est donc un peu tout ça, finalement - la résistance populaire, la lutte de lignes, la clarification politique, la méthode scientifique utilisée par Mao et les communistes chinois, et aussi une conjoncture plutôt favorable - qui a rendu la victoire possible en 1949.

    Le début d'une lutte prolongée

    Pour autant, la victoire de 1949 ne signifiait pas la fin de la révolution ; en fait, elle n'en marquait que le début. Octobre 1949 fut le point de départ d'une nouvelle lutte, elle aussi prolongée, entre ceux qui, en définitive, étaient prêts à se satisfaire des transformations déjà opérées à travers la lutte révolutionnaire - lesquelles se trouvaient à avoir été consolidées avec la prise du pouvoir (par exemple la réforme agraire et l'atteinte de l'indépendance nationale) - et ceux qui, tel Mao, voulaient poursuivre et approfondir la révolution, bref passer à une étape supérieure. Ces deux points de vue, qui sont rapidement entrés en opposition, reflétaient en fait les intérêts divergents des différentes classes qui avaient participé conjointement à la première étape de la révolution, alors que leurs objectifs se rejoignaient : d'un côté la bourgeoisie nationale, pour qui la réalisation des tâches démocratiques de la révolution était nécessaire à son éventuel épanouissement ; de l'autre le prolétariat révolutionnaire et les masses paysannes opprimées, pour qui la libération authentique impliquait nécessairement d'aller plus loin.

    Essentiellement, on peut dire que Mao n'a d'ailleurs jamais vu la révolution comme étant quelque chose de statique, dont le triomphe aurait dû marquer l'arrêt ; elle était pour lui un mouvement ininterrompu, un processus dialectique fait d'avancées et de reculs. Les grandes luttes d'avant 1949, qui ont pourtant été nombreuses, n'étaient donc rien à comparer à ce qui allait suivre... Sans rien précipiter, Mao a toujours voulu s'assurer que le mouvement progresse, étape par étape, bond par bond.

    Pour Mao, la contradiction principale en Chine, dès lors qu'il s'agissait d'entreprendre la construction du socialisme, opposait dorénavant le prolétariat à la bourgeoisie, ancienne et nouvelle. À l'époque, la conception dominante en Chine, et généralement même au sein du mouvement communiste international, était que la contradiction principale à laquelle on faisait face à l'étape du socialisme opposait d'une part l'existence d'un système socialiste avancé au niveau politique, et d'autre part le faible niveau de développement des forces productives, qui empêchait de satisfaire pleinement les besoins matériels des masses. Telle était la position défendue par ceux qu'on qualifiera éventuellement de révisionnistes, tels Liu Shaoqi et Deng Xiaoping.

    Ceux-ci étaient présents en force à la tête du Parti communiste chinois au début des années 50 et ils s'inspiraient ouvertement des idées de leurs homologues soviétiques, qui défendaient eux aussi des conceptions similaires. Alors que pour Mao, l'essentiel était de développer la lutte de classes, pour les révisionnistes, c'était de développer les forces productives, à tout prix. C'est ce que Deng devait exprimer si clairement avec sa célèbre formule : « Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, pourvu qu'il attrape les souris. » Deng voulait ainsi signifier que pour lui, la ligne politique et le type de rapports sociaux qui étaient développés n'avaient pas d'importance et que seul le résultat comptait, à savoir le développement des forces productives.

    Ce point de vue était d'ailleurs dominant au moment de la tenue du VIIIe congrès du Parti, en 1956. C'est aussi à la même époque que le révisionnisme allait se voir consolidé en Union soviétique, avec l'émergence de Khrouchtchev et de ce qu'on a appelé la « déstalinisation ». L'URSS, faut-il le rappeler, jouait alors un rôle très important en Chine avec l'« aide » matérielle considérable qu'elle apportait. Pour les nombreux conseillers soviétiques présents dans ce pays et leurs alliés à la tête du Parti, la priorité devait aller au développement de l'industrie lourde et d'un productivisme à tout crin, même si cela devait se faire au détriment de la consolidation du pouvoir de la classe ouvrière. Ce qu'ils proposaient dans les faits, c'était d'accentuer la concurrence et les divisions parmi la classe ouvrière et les masses populaires. C'était de s'appuyer sur les stimulants matériels, de réimplanter le travail à la pièce et les systèmes de bonis, d'accentuer les différentiations salariales, et ainsi de suite - toutes mesures qui à leurs yeux pouvaient seules amener l'augmentation de la productivité.

    Le point de vue de Mao était tout autre. Pour lui, il fallait d'abord maintenir et renforcer l'alliance avec la paysannerie, qui était toujours la classe la plus nombreuse en Chine. Ceci impliquait donc de développer la petite industrie, et pas seulement l'industrie lourde, et surtout de s'assurer qu'un tel développement serve à soutenir le secteur agricole. Mao croyait profondément qu'il fallait continuer à s'appuyer sur les masses pour édifier le socialisme et pour le faire progresser. Il savait que c'était seulement dans la mesure où elles allaient être conscientes des enjeux qui se posaient qu'elles allaient pouvoir réellement s'impliquer et transformer la société. De là les initiatives qu'il a lancées ou favorisées, telles le Grand Bond en avant et l'établissement du système des communes populaires en 1957, le Mouvement d'éducation socialiste lancé au début des années 60 et la grande lutte anti-révisionniste menée contre la direction du Parti soviétique, qui participait elle aussi de la mobilisation des masses sur le terrain idéologique.

    Mais à l'évidence, tout cela ne s'avérait pas suffisant. La droite relevait la tête constamment. Elle s'appuyait notamment sur les difficultés du Grand Bond, victime de désastres naturels, du retrait de l'aide soviétique et aussi du sabotage dans sa mise en application. Elle remettait en question les transformations socialistes déjà opérées et les campagnes politiques menées par Mao. Partant de là, celui-ci a compris qu'il faudrait faire encore plus pour vaincre la bourgeoisie et assurer la progression du socialisme, bref qu'il faudrait une « nouvelle révolution ». Ce fut alors la Grande Révolution culturelle prolétarienne (GRCP), sur laquelle nous allons maintenant nous attarder.

    Une « révolution dans la révolution »

    Après une décennie complète faite de consolidation du révisionnisme et de capitulation face à l'impérialisme US de la part des leaders de l'Union soviétique, la Révolution culturelle, si décriée à l'époque et plus encore aujourd'hui, a vraiment eu pour effet de remettre la révolution à l'ordre du jour. Elle a montré de manière non équivoque que la révolution ne devait pas obligatoirement se terminer par une défaite et que la restauration du capitalisme n'était pas l'aboutissement inévitable de la révolution socialiste. Elle a aussi prouvé qu'en mobilisant les masses et en les armant de l'idéologie prolétarienne, les vieux rapports d'exploitation et les idées réactionnaires pouvaient être renversés, et qu'il était bel et bien possible d'avancer sur la voie du communisme.

    Une des leçons politiques les plus importantes que Mao nous a fait découvrir avec la GRCP, c'est que le quartier général de la bourgeoisie se retrouve à la tête même du Parti, car c'est là où le pouvoir est concentré, là où l'on peut agir le plus efficacement sur l'orientation de la société. Il faut se rappeler que cette idée était alors quasiment une hérésie au sein du mouvement communiste international, en particulier pour les bonzes du PC d'Union soviétique qui se sont sentis visés par l'analyse de Mao, non sans raison d'ailleurs !

    Mais plus encore que cette idée qu'on peut et même qu'on doit contester la direction du Parti lorsqu'elle emprunte une voie erronée, ce que Mao nous a enseigné d'encore plus important avec la GRCP, c'est que l'existence de la nouvelle bourgeoisie a des bases au sein même de la société socialiste, qu'elle repose sur les contradictions qui la traversent réellement. Ce que Mao nous a montré, c'est que contrairement à ce qu'on avait surtout pensé jusque là, la bourgeoisie sous le socialisme, ce ne sont pas seulement les vestiges de l'ancienne société, de l'ancienne classe dominante qui a été dépossédée de son pouvoir ; la bourgeoisie sous le socialisme, ce n'est pas non plus seulement une « cinquième colonne » qui vient s'infiltrer au service de l'ennemi extérieur, des bourgeoisies étrangères ; mais que c'est surtout une véritable classe qui se développe sur la base même des « tares » qui caractérisent la société socialiste : la persistance du « droit bourgeois », des divisions entre ville et campagne, entre ouvriers et paysans, entre travail manuel et travail intellectuel, entre dirigeants et dirigés-es.

    De cette conception nouvelle et supérieure de ce qu'est réellement le socialisme découle donc ce qui doit être fait par le prolétariat révolutionnaire. Le socialisme n'est pas un mode de production achevé. C'est une période de transition, qui ne lui est utile, au prolétariat, que dans la mesure où elle contribue à restreindre toujours plus ce qui vient du mode de production antérieur et à poser petit à petit les conditions au passage à un mode supérieur (le communisme).

    Soit dit en passant, le fait que la GRCP n'ait finalement pas réussi à empêcher la réalisation du coup d'État réactionnaire mené par les partisans de Deng Xiaoping en 1976 n'altère en rien sa validité. Au contraire, cet événement - le coup d'État - et la restauration du capitalisme qui s'en est suivie prouvent qu'elle était d'autant plus nécessaire, et même qu'il en aurait fallu et qu'il en faudra encore d'autres à l'avenir. Mao l'avait d'ailleurs prédit, dès le départ, en 1967 : « La Grande Révolution culturelle prolétarienne actuelle n'est que la première du genre. Dans l'avenir, de telles révolutions auront lieu nécessairement à plusieurs reprises. [...] Tous les membres du Parti et la population doivent se garder de croire [...] que tout ira bien après une, deux, trois ou quatre révolutions culturelles. » [1]

    Ce qu'il faut retenir de la Révolution culturelle, c'est que le socialisme, ce n'est pas seulement - ni même d'abord et avant tout - la transformation du système de propriété, i.e. les nationalisations et l'appropriation des moyens de production par l'État. Le socialisme, c'est aussi la transformation et la révolutionnarisation de toute la superstructure : les institutions politiques, l'éducation, la culture, l'idéologie. C'est une bataille constante pour renverser la pyramide sociale, pour faire en sorte qu'ultimement, le prolétariat et les classes révolutionnaires (i.e. « ceux d'en bas ») deviennent les vrais maîtres de la société.

    Pour Mao, la Révolution culturelle était un moyen non seulement de barrer la route aux partisans du capitalisme qu'on retrouvait au sein du Parti, mais surtout de transformer les rapports sociaux sur la base desquels la nouvelle classe bourgeoise se développait. Dans un discours prononcé devant une délégation militaire albanaise en 1967, Mao s'en était expliqué clairement : « La lutte contre ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie capitaliste est la tâche principale, mais ce n'est d'aucune façon l'objectif. L'objectif, c'est de résoudre le problème de la conception du monde ; c'est d'éradiquer les racines du révisionnisme. » (cité dans People's China, Milton and Schurman ed., pp. 263-264, notre traduction)

    Les 10 ans qui ébranlèrent le monde

    Le coup d'envoi de la Révolution culturelle a officiellement été donné en 1965 par la publication d'un article de Yao Wenyuan, que Mao a soutenu et popularisé, qui critiquait une pièce de théâtre intitulée « La destitution de Hai Rui ». Cette pièce se portait en fait à la défense de Peng Dehuai, ex-ministre de la Défense connu pour ses positions droitières, qui avait été démis de ses fonctions en 1959. Les révisionnistes se sont d'abord défendus en tentant de contenir la lutte uniquement sur le terrain culturel.

    En mai 1966, Mao, qui venait de gagner une courte majorité au Comité central du Parti, fait adopter une circulaire qui donne véritablement le signal du déferlement révolutionnaire. Parmi les idées fortes qu'on y retrouvait, soulignons celles-ci : 1) qu'il y avait un réel danger de restauration capitaliste et que ce danger provenait de la bourgeoisie au sein du Parti ; 2) que la lutte contre la bourgeoisie devait être poursuivie de manière prolongée tout au long de la période du socialisme ; 3) que la mobilisation des masses était en tout temps nécessaire et qu'il fallait impérativement s'appuyer sur elles pour combattre les tentatives de restauration.

    Cette idée de Mao comme quoi il fallait systématiquement mobiliser les masses et s'appuyer sur elles est sans doute une de celles qui ont été les plus dénigrées par la bourgeoisie, autant en Chine qu'à l'étranger. Encore aujourd'hui, on répète un peu partout que Mao a été une sorte d'apprenti sorcier qui a voulu délibérément créer le chaos. Dans un sens, c'est vrai ! Mais c'est ce qui était nécessaire pour barrer la route aux partisans du capitalisme. Mao ne s'en est d'ailleurs jamais caché, comme en témoignent ces propos qu'il a tenus en juillet 1967 : « On ne doit pas craindre les troubles : plus il y en a, mieux c'est. Avec sept ou huit troubles successifs, les choses ne peuvent manquer de se résoudre, et efficacement. [...] Mais il ne faut pas utiliser les armes à feu, c'est toujours mauvais. »

    Un tel point de vue n'est bien sûr pas admissible par ceux qui croient qu'une révolution suit toujours une trajectoire droite, prévisible et contrôlée, comme c'est le cas des trotskistes. Que dans ce cadre il y ait eu quelques excès et des erreurs au cours de la GRCP, cela ne fait pas de doute. Mais il est encore plus certain que sans ce « chaos » et sans ces « troubles », il y aurait eu inévitablement une défaite rapide du socialisme et le triomphe du capitalisme et des forces les plus réactionnaires.

    Tout cela a donc commencé, on l'a dit, sur le front culturel. Puis, le mouvement a pris un caractère de masse lorsqu'il s'est étendu chez les jeunes et les étudiants. Mais pour Mao, ce n'était là qu'un point de départ. Comme il devait par la suite l'expliquer, « les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants furent les premiers à prendre conscience, ce qui correspond aux lois du développement de la révolution ». Toutefois, « ce n'est qu'une fois que les larges masses ouvrières et paysannes seront dressées que toute la camelote bourgeoise sera radicalement balayée, tandis que les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants reprendront une place secondaire ».

    Avec l'entrée en scène de la jeunesse et des étudiants, la Révolution culturelle a vraiment pris son envol. Les débats se sont multipliés, les fameux dazibaos (ces immenses affiches à grands caractères) sont apparus un peu partout. Mao lui-même a alors signé son propre dazibao, qui affichait le titre fort suggestif de « Feu sur le quartier général ! ». Pour donner une petite idée de l'ampleur du mouvement, on peut mentionner le cas de l'Université de Pékin, où en une semaine seulement, pas moins de 100 000 dazibaos ont été affichés, pour une population totale de 10 000 étudiantes et étudiants. L'encre et le papier étaient fournis gratuitement à quiconque en faisait la demande. Des journaux de toutes sortes sont aussi apparus et ont circulé à des milliers d'exemplaires, qui reprenaient le contenu des meilleurs dazibaos.

    De la critique systématique des points de vue droitiers, on est ensuite passé à la transformation des rapports sociaux. De nouvelles organisations révolutionnaires ont été créées, de nouveaux organes dirigeants ont été établis. Des expériences de type « commune » ont été mises en place, des comités révolutionnaires nouvellement formés ont pris le pouvoir dans les municipalités, les écoles, les entreprises. Fin 1966-début 1967, le mouvement s'étendait enfin à la classe ouvrière et sortait des villes pour aller à la campagne (le transport par train était d'ailleurs fourni gratuitement aux « gardes rouges » qui souhaitaient se déplacer, dont l'hébergement était pris en charge par l'armée).

    Une des caractéristiques les plus fortes du mouvement, c'est qu'on a permis, voire systématiquement encouragé l'expression de tous les points de vue, tout en tentant autant que possible de préserver l'existence et le bon fonctionnement du Parti et de l'État - ce qui ne fut d'ailleurs pas toujours évident ! Attardons-nous un peu sur la Décision du Comité central du Parti communiste chinois sur la Grande révolution culturelle prolétarienne, datée du 8 août 1966, afin de voir à quel point les conceptions des révolutionnaires maoïstes tranchaient avec une certaine vision sclérosée du marxisme-léninisme qui avait alors cours au sein du mouvement :

    « Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente : les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple. Il est normal qu'il y ait des opinions différentes parmi les masses populaires. La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique. [...] La méthode de raisonner avec faits à l'appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat. Il n'est pas permis d'user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes. La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté. [...] Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d'oser penser, d'oser parler et d'oser agir. [...] »

    Avec l'implication nouvelle et massive de la classe ouvrière, un moment fort est survenu à Shanghai, qui était traditionnellement un des bastions de la bourgeoisie en Chine mais où l'on retrouvait aussi une forte avant-garde prolétarienne : c'est ce qu'on a connu comme étant la « tempête de janvier » en 1967. La municipalité était alors contrôlée par la droite. Pendant que le mouvement de masse se développait ailleurs en Chine, les autorités municipales de Shanghai s'étaient mises à distribuer bonis, privilèges et augmentations de salaires à certains secteurs ouvriers, de façon à mieux diviser les forces prolétariennes. Parallèlement, elles encouragèrent les grèves et le sabotage de la production. Leur objectif était que les ouvriers, ou du moins certains secteurs parmi eux, se mettent à agir mais seulement pour eux-mêmes, et non pas dans l'optique de transformer la société et de la diriger collectivement. Le sabotage visait aussi objectivement à affaiblir la révolution, en accréditant l'idée que les « troubles » étaient nuisibles au développement économique.

    En janvier 1967, donc, des millions d'ouvriers et de jeunes rebelles ont enfin réussi à renverser le comité municipal du PCC. Les masses ont occupé les principaux édifices administratifs, les journaux, les services publics. Un nouveau pouvoir fut établi, sous la forme de ce qu'on a appelé un « comité révolutionnaire de triple union », dont le tiers des membres provenaient des organisations de masse nouvellement créées dans le cadre de la Révolution culturelle ; le deuxième tiers étant formé de cadres du Parti et le troisième, de représentants de l'armée. Ce modèle a par la suite été généralisé à travers toute la Chine, avec toutefois plus ou moins de succès.

    En 1968, sur la base de ces victoires, on assiste enfin à la destitution et à l'exclusion du « partisan numéro un de la voie capitaliste », Liu Shaoqi. Deng Xiaoping est lui aussi démis de ses fonctions. Une nouvelle génération de dirigeantes et de dirigeants se développe qui se sont aguerris-es dans les premières étapes de la Révolution culturelle. Ces nouveaux dirigeants viennent s'ajouter et renforcer les quelque 90 à 95 p. 100 des cadres qui sont jugés comme étant « fondamentalement bons ». Parmi eux, on retrouve les plus fidèles compagnons d'armes de Mao, ceux que les révisionnistes attaqueront après sa mort en les affublant du sobriquet de « bande des quatre » et qui sont : Jiang Qing (l'épouse de Mao), Zhang Chunqiao, Wang Hongwen et Yao Wenyuan. Éventuellement, au IXe congrès du Parti en 1969, 60 p. 100 du Comité central sera ainsi renouvelé.

    Parallèlement à tous ces développements et à toutes ces mobilisations, on commence aussi à mettre en place ce qu'on appelle les « nouvelles choses socialistes » :

    • Dans l'éducation, on s'attelle à la transformation des méthodes d'enseignement et des contenus de cours ; les ouvriers sont amenés à s'impliquer à la direction des écoles. On cherche à raffermir les liens entre théorie et pratique : les étudiantes et étudiants sont invités à participer au travail productif à la campagne. De nouveaux critères de sélection sont mis en place qui tiennent compte non seulement des performances académiques des candidates et candidats mais aussi de leurs dispositions politiques ; les frais de scolarité sont abolis ; etc.

    • Dans le domaine culturel, de nouvelles pratiques et de nouvelles œuvres sont aussi développées qui visent à servir le peuple. Ce travail, qui est habilement dirigé par Jiang Qing, a produit des œuvres remarquables, telles les ballets intitulés Le détachement féminin rouge et La fille aux cheveux blancs.

    • On assiste à la transformation du système de santé. Les services médicaux sont étendus à la campagne, là où ils étaient autrefois peu disponibles : c'est l'apparition des fameux « médecins aux pieds nus » qui apportent soins et éducation aux masses paysannes.

    • Des « écoles de cadres » sont établies dans lesquelles ceux-ci sont appelés à participer à la production et à s'éduquer eux-mêmes au contact des paysannes et des paysans.

    Mais encore là, la lutte n'est pas terminée. Elle porte désormais sur le maintien ou pas des acquis et des transformations qui ont été faites, et des verdicts qui ont été rendus. Lin Biao, ministre de la Défense et fidèle allié de Mao, en vient à défendre l'idée que la victoire est désormais définitivement acquise. Il propose de remettre l'accent sur le développement de la production et sur le retour à l'ordre. Son point de vue étant défait, Lin Biao tente un coup d'État qui échoue, puis meurt dans un accident d'avion alors qu'il tentait de s'enfuir en URSS.

    Sa trahison place la gauche maoïste sur la défensive. Les centristes, que Mao avait jusque là réussi à neutraliser et même à utiliser à son avantage jusqu'à un certain point, sont maintenant appelés à jouer un rôle plus important. Sous leur influence, Deng Xiaoping est même réhabilité en 1973.

    Bien sûr, officiellement, les acquis sont maintenus, la Révolution culturelle se poursuit. Mais petit à petit, les partisans du capitalisme reprennent leur place dans l'appareil du Parti et celui de l'État.

    Le contexte international est un autre facteur qu'utilisent les révisionnistes à leur avantage. La Chine se trouve de plus en plus menacée par l'Union soviétique, ce qui place objectivement les secteurs pro-américains dans une position favorable. C'est d'ailleurs à cette époque que Deng Xiaoping présente sa fameuse « théorie des trois mondes », de triste renommée, qui propose au prolétariat mondial de s'allier à l'impérialisme US pour s'opposer au social-impérialisme soviétique et qui s'avérera un des principaux facteurs dans l'effondrement du mouvement marxiste-léniniste international à la fin des années 70.

    Fidèles à leurs conceptions idéologiques et politiques, les maoïstes s'en remettent à nouveau à la mobilisation des masses pour contrer le « vent déviationniste de droite ». Cette lutte, qui se déroulera de 1973 à 1976 et qui produira des avancées théoriques très importantes (notamment quant à la critique du « droit bourgeois » et à l'étude de la dictature du prolétariat), permettra de repousser l'offensive de la nouvelle bourgeoisie. Ainsi, Deng est à nouveau démis en avril 76. [2]

    Cette fois encore, les divergences entre les deux lignes se sont cristallisées sur les questions économiques. Le programme des « Quatre modernisations », attribué à Zhou Enlai, apparaît pour la première fois dans le décor. On y propose le retour à l'utilisation des stimulants matériels, l'abolition du travail à la campagne pour les étudiants, le démantèlement des écoles de cadres. Dans une de ses dernières interventions publiques, Mao déclare : « Vous faites la révolution socialiste et vous ne savez même pas où se trouve la bourgeoisie. Mais elle est directement à l'intérieur du Parti communiste - ce sont ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie du capitalisme. Les partisans du capitalisme sont encore sur la voie capitaliste. » (cité dans Peking Review n° 11, 12/03/76, notre traduction)

    Après la mort de Mao en septembre 1976, le coup fatal sera donné avec l'arrestation de ses plus proches camarades, qui avaient aussi été les dirigeants les plus solides de la GRCP (la soi-disant « bande des quatre ») et avec l'ignoble campagne, dénuée de tous principes, qui s'en est suivie. Contrairement à ce que certains ont pu penser, ce ne fut pas là seulement qu'une simple révolution de palais. Il y a eu d'importants mouvements d'opposition, à Shanghai notamment, et même des mouvements armés, qui ont malheureusement été réprimés et dont on a peu entendu parler à l'extérieur.

    On a voulu laisser croire que les « quatre » étaient isolés et qu'ils n'avaient aucun soutien parmi les masses. Mais leur destitution et leur arrestation ont bel et bien eu toutes les caractéristiques d'un coup d'État. Dans l'éloge qu'il a écrit après la mort de Deng en 1997, Alain Peyrefitte, lui-même un chaud partisan de Deng et opposant notoire aux quatre, l'a admis à sa façon : « Personne n'a compté le nombre des partisans de la "bande des quatre" qui ont fini leurs jours avec une balle dans la nuque. Deng n'a jamais confondu pouvoir et mansuétude. » (La Presse, 22/02/97)

    Au départ, les nouveaux dirigeants ont prétendu défendre l'héritage de Mao Zedong. Puis, assez rapidement, ils ont fini par ne lui reconnaître un rôle positif que pour la période allant jusqu'en 1956 - ce qui, soit dit en passant, en dit long sur les intérêts de classe qu'ils représentent. Après la deuxième réhabilitation de Deng en 1978, on a également fini par décréter officiellement la fin de la GRCP, désormais qualifiée comme ayant été une période de « 10 années noires », et par tout renverser ce qui ne l'avait pas déjà été. On sait maintenant ce qu'il en est advenu aujourd'hui.

    Des acquis indispensables

    Quand on regarde tout ce qui s'est passé en Chine depuis 20 ans - le développement du capitalisme sauvage, la réhabilitation du profit, le retour des valeurs traditionnelles obscurantistes, les différentiations sociales éhontées qui s'accentuent, le chômage qui se développe à nouveau, etc. -, on constate à quel point les tendances à la restauration capitaliste y étaient fortes et solides. Et on peut mesurer l'immense mérite qu'a eu la Révolution culturelle, grâce à laquelle le socialisme a pu se développer pendant dix ans de plus, malgré, justement, la force du capitalisme.

    La Révolution culturelle est venue répondre en pratique à une des questions les plus importantes - sinon la plus importante - qui se pose pour l'avenir de la lutte pour le socialisme, à savoir comment on peut et on doit faire avancer la révolution après la prise du pouvoir. Elle constitue désormais un élément indispensable de notre compréhension de ce qu'est la lutte pour le communisme.

    Évidemment, on peut se poser la question : la gauche maoïste a-t-elle commis des erreurs ? Aurait-on pu éviter le coup d'État de 1976 et prolonger ainsi cette formidable expérience ? Ce sont là des questions importantes, certes, qui pour nous restent d'ailleurs ouvertes. On peut se demander, par exemple, s'il n'aurait pas été préférable de liquider carrément un Deng Xiaoping, lorsqu'il a été démis une première fois en 1968, plutôt que de le laisser en vie et de lui donner ainsi la chance de revenir au pouvoir ? Sachant ce que l'on sait maintenant, on est d'ailleurs porté à répondre oui à une telle question, mais encore là, il faut faire bien attention. Car comme l'a expliqué Mao, « on aura beau destituer [on pourrait même dire liquider] 2 000 partisans de la voie capitaliste durant cette grande Révolution culturelle, si on ne transforme pas notre conception du monde, il y en a 4 000 autres qui vont apparaître la prochaine fois. La lutte entre les deux classes, entre les deux lignes, ne peut être résolue avec une, deux, trois ou même quatre révolutions culturelles. » Deng Xiaoping a certes joué un rôle exceptionnel dans le processus de contre-révolution en Chine, mais si ce n'avait pas été lui, un autre aurait sans doute pris sa place, étant donné la nature profonde de la lutte qui s'est menée entre le prolétariat et la nouvelle bourgeoisie.

    Ce qu'on doit surtout retenir de tout ça, ce sont bien sûr les faits marquants et héroïques de la révolution chinoise - et ils sont nombreux : la Longue Marche, Ya'nan, la prise du pouvoir, la Révolution culturelle elle-même, etc. Tout cela fait désormais partie de notre histoire. Il faut certes aussi vénérer ceux et celles qui l'ont dirigée, et aussi les dirigeants à qui elle a donné naissance : en premier lieu, Mao, bien sûr, mais aussi Jiang Qing et Zhang Chunqiao, qui ont persisté dans la voie révolutionnaire jusqu'à la toute fin, faisant preuve d'un courage tout à fait exemplaire. Mais surtout, il faut mettre au premier plan le maoïsme à la tête de la révolution mondiale, à la tête de la révolution au Canada.

    Nous pouvons dire aujourd'hui qu'à la lumière de tout ce qui s'est produit dans l'histoire du mouvement communiste international et de ses 150 ans d'existence, on ne peut désormais plus se dire marxiste si on ne s'approprie pas réellement et si on ne défend pas systématiquement les avancées théoriques apportées par Mao alors qu'il dirigeait la révolution chinoise. Ne pas le faire, ce serait en rester - ou bien retourner pour certains - au vieux révisionnisme failli condamné par l'histoire.

    Quels sont ces acquis, si importants, qui nous sont nécessaires et qui doivent nous guider pour l'avenir ? Mentionnons-les rapidement :

    • D'abord, il y a la stratégie de la guerre populaire prolongée : la participation des masses comme facteur décisif dans la guerre ; le principe des bases d'appui et de leur utilisation pour commencer les transformations sociales avant même la prise du pouvoir ; la direction du Parti sur l'armée ; « cette vérité toute simple que chaque communiste doit s'assimiler et qui est que le pouvoir est au bout du fusil » - une vérité que certains communistes n'ont d'ailleurs pas encore comprise même si les masses révolutionnaires, elles, n'ont jamais cessé de la mettre en pratique.

    • La « démocratie nouvelle » comme stratégie révolutionnaire dans les pays opprimés.

    L'analyse des contradictions, du rapport entre théorie et pratique.

    • Le concept de la « ligne de masse », basé sur le point de vue selon lequel « le peuple est la force motrice de l'histoire universelle ».

    • La lutte contre le révisionnisme moderne.

    • Le principe d'oser lutter, oser vaincre, celui d'aller à contre-courant.

    • Et, surtout, ce qui apparaît comme étant le principal apport de Mao : l'analyse du socialisme, des contradictions qui le traversent, de la lutte de classes qui se poursuit pendant cette période ; la critique de la « théorie des forces productives » ; l'importance de mener la lutte de lignes au sein du Parti, de reconnaître le rôle et l'existence de la bourgeoisie au sein même du Parti - tout cela concentré dans la nécessité de la Révolution culturelle qui fait désormais partie du programme de toute révolution qui se veut sérieuse.

    Aujourd'hui, 1er octobre, se déroulent deux types de célébrations : celles de la bourgeoisie et celles du prolétariat. Même si la nôtre est plutôt humble, il faut en être fier. Il n'y a pas de mal à brandir le « petit livre rouge » - pourquoi pas ? -, même si cela reste seulement symbolique. Mais ce qu'il faut surtout faire, on l'a dit, c'est d'appliquer tous ces acquis. Le mouvement révolutionnaire international semble plus faible aujourd'hui, en apparence du moins, que ce qu'il était dans les années 60 et 70. Mais là où il se développe présentement, c'est justement là où le maoïsme est appliqué. On le voit très bien au Pérou, aux Philippines, en Inde, au Népal, au Bangladesh, en Turquie, où se développe avec de plus en plus de force la guerre populaire.

    La vérité, c'est qu'armé du maoïsme le mouvement révolutionnaire est maintenant plus fort qu'il ne l'a jamais été. Il est certes encore en période de réorganisation, mais c'est lui qui est porteur d'espoir pour l'avenir, pendant que le vieux révisionnisme achève de capituler.

    Dans les prochaines semaines et les prochains mois, notre organisation lancera une grande discussion au sein du prolétariat canadien sur ce que nous appelons « les bases urbaines du maoïsme », i.e. comment le maoïsme s'applique dans un pays impérialiste, afin de définir quelle est la voie de la révolution au Canada. Des textes circuleront, des débats seront organisés un peu partout, dans les grandes villes, dans les milieux prolétariens, et dans le plus grand nombre de langues possible. Nous vous appelons à vous joindre à cette discussion, à l'organiser dans votre milieu, à y participer en grand nombre. Une discussion que nous souhaitons vivante et ouverte, à l'image du maoïsme lui-même, et qui nous permettra d'entreprendre le nouveau millénaire le plus rapidement possible avec un programme pour la révolution au Canada et avec une nouvelle organisation d'avant-garde pour la diriger. C'est à cette tâche, aujourd'hui, que nous vous convions.

    Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise !
    Gloire éternelle au marxisme, au léninisme et maoïsme !
    Vive la lutte révolutionnaire passée, présente et surtout à venir !

    Le 1er octobre 1999


    1) Sauf indication contraire, les citations de Mao sont extraites des deux tomes de l'Histoire de la révolution culturelle prolétarienne en Chine de Jean Daubier, publiés chez Maspero.

    2) Sur toute la période de allant de 1973 à 1976, on peut lire l'article intitulé « Comment les révisionnistes ont renversé la ligne de Mao », ainsi que le fameux texte de Zhang Chunqiao, De la dictature intégrale sur la bourgeoisie (qu'on peut considérer aujourd'hui comme étant un classique du marxisme-léninisme), tous deux publiés dans Socialisme Maintenant! n° 1, printemps 1997.

    (paru dans la revue Socialisme Maintenant! n° 5)

    ***************************

    [Note SLP - Une petite impasse sur un point, mais c'est avant tout une impasse de la gauche révolutionnaire chinoise elle-même : pourquoi les révisionnistes prônaient-ils "de développer les forces productives, à tout prix", un "productivisme à tout crin, même si cela devait se faire au détriment de la consolidation du pouvoir de la classe ouvrière", en s'appuyant sur "les stimulants matériels, (...) le travail à la pièce et les systèmes de bonis, d'accentuer les différentiations salariales, et ainsi de suite - toutes mesures qui à leurs yeux pouvaient seules amener l'augmentation de la productivité" ; et pourquoi, en 1971, Lin Piao prônait-il "de remettre l'accent sur le développement de la production et sur le retour à l'ordre" ? La réponse coule pourtant de source : parce qu'ils en vivaient, tout simplement ! ]


    Feu sur le Quartier Général !

    Mettons le désordre sous le ciel !

     

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    zone tempêtes

    Sur la Révolution culturelle, lire aussi le très bon article de l'OCML-VP à l'occasion du 50e anniversaire (2016) :


    La Révolution culturelle, une révolution dans la révolution


    Pourquoi une « nouvelle » révolution, après la Révolution ?

    La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) est un épisode révolutionnaire court mais décisif de la révolution chinoise entre 1966 et 1969. C’est un mouvement social de masse, un combat de la lutte des classes, impulsé par les maoïstes pour s’opposer à la restauration du capitalisme et tenter de sauver le processus révolutionnaire et le socialisme. C’est un processus historique d’alliances et de positionnements très complexe, avec bon nombre de débats sur le sens à donner aux événements. Il faut être prudent dans les interprétations. La GRCP pose les questions concrètes du succès et des erreurs de la Révolution. Car il ne « suffit » pas de faire tomber des dirigeants corrompus pour transformer en profondeur une société. Les réactionnaires vaincus ne lâchent jamais l’affaire et les masses prolétaires doivent s’éduquer à diriger en vrai toute la société.


    La lutte des classes continue après la révolution ? Oui…

    Depuis la prise du pouvoir par le Parti Communiste Chinois en 1949, de profondes transformations de la société ont été engagées (éducation, santé, réforme agraire et collectivisations, communes populaires…) mais beaucoup d’inégalités subsistent et une nouvelle bourgeoisie s’est approprié des positions de pouvoir (dans le Parti, l’administration, les mairies des grandes villes, l’encadrement en entreprises, etc.).

    Dans les usines, les contradictions de classe subsistent encore. Les cadres n’ont pas intérêt au même titre que les ouvriers aux transformations révolutionnaires qui réduisent les privilèges. L’éducation est encore largement élitiste et réservée de fait aux enfants de cadres, d’anciens propriétaires terriens...

    Ainsi quinze ans après la prise du pouvoir, il y a toujours une lutte (de classe) entre deux voies, deux camps. Le camp prolétarien et révolutionnaire est partisan d’élargir le pouvoir ouvrier à tous les aspects (travail, éducation, vie collective…). Le socialisme est une phase historique (longue) de la lutte des classes. La société est encore marquée par la contradiction Bourgeoisie / Prolétariat, qu’il faut transformer avec une ferme volonté pour mener la Révolution jusqu’au bout. Le camp révisionniste est partisan d’un « statu quo » social conservateur des inégalités et de la division du travail (qui dirige, et qui exécute ?). Il mise tout sur le développement de la production, qui renforce inévitablement ceux qui occupent déjà les positions dirigeantes. Il est représenté par les « liu-dengistes » [1], alliance des partisans de Liu Shaoqi et de Deng Xiaoping.

    Pour que la révolution continue dans le sens du communisme, c’est-à-dire de l’abolition complètes des classes, le processus révolutionnaire doit rester vivant et porté par les masses populaires. Sinon la situation se fige, les anciens réactionnaires et nouveaux bourgeois poussent au développement du capitalisme, d’abord un capitalisme d’État puis le capitalisme tout court !

    Mao résume ainsi la situation au début des années 1960 : « En un mot, la Chine est un pays socialiste. Avant la Libération, c’était à peu près comme le capitalisme. Maintenant encore, on pratique le système des salaires à huit échelons, la répartition selon le travail, l’échange par l’intermédiaire de la monnaie, et tout cela ne diffère guère de l’ancienne société. La différence, c’est que le système de propriété a changé. »

    La G.R.C.P. est donc une nouvelle étape du processus révolutionnaire, car la Révolution ne se limite pas à la prise du pouvoir. Le socialisme ne se limite pas à déclarer que « tout appartient à tous », à exproprier les exploiteurs au profit de la propriété collective, publique, d’État.

    Pour les révolutionnaires, la suppression de la propriété privée des moyens de production (par la nationalisation, la collectivisation) est un premier pas, nécessaire, mais pas suffisant.
    Pour les révisionnistes, c’est en fait l’aboutissement, et le début de la contre-offensive vers une politique toujours plus bourgeoise. Pour eux, à ce moment-là, comme Staline l’avait écrit dans la Constitution de l’URSS de 1936, la lutte des classes c’est fini ! Maintenant il faut produire pour développer le socialisme, donc les étudiants étudient, les ouvrier-es travaillent (avec ardeur et en la bouclant si possible) et les cadres dirigent.

    Les communistes chinois s’appuient sur cette expérience de la révolution russe, où la lente désagrégation du processus révolutionnaire a débouché sur la bureaucratisation, puis la restauration du capitalisme. Ils développent donc une autre conception du socialisme, qu’ils essaient de mettre en pratique. Ils théorisent qu’il faut mettre la politique (le projet communiste) au poste de commande et non l’économie. Dans une société incomplètement transformée, l’économie repose toujours sur les inégalités antérieures, il faut donc lutter continuellement. C’est l’évolution de ces rapports qui permet de juger si la révolution avance vers le communisme.

    Modèle chinois vs modèle soviétique 
    Dans le contexte international de l’époque de la guerre froide (affrontement des blocs USA/URSS), il est difficile de critiquer publiquement et ouvertement le « modèle » soviétique. Mais en 1963, les maoïstes chinois formulent dans la « Lettre en 25 points » les bases de l’existence d’une nouvelle bourgeoisie sous le socialisme, et dénoncent en 1964 Khrouchtchev comme révisionniste. C’est la rupture dite sino-soviétique. Cela aura des répercussions dans tout le mouvement communiste international qui va scissionner en deux, entre ceux qui resteront fidèles à l’URSS et à Khrouchtchev (comme le PCF en France et l’essentiel des Partis communistes) et ceux qui resteront fidèles à Staline, appelés « marxistes-léninistes ». Parmi ces derniers, ils vont eux-mêmes se diviser en deux. Entre d’un côté ceux qui resteront fidèles à Staline et à ses erreurs, emmenés par le Parti du Travail d’Albanie et son dirigeant Enver Hodja ; et de l’autre ceux autour de Mao et des maoïstes chinois qui entameront un bilan critique partiel des erreurs de Staline et de la restauration du capitalisme en URSS. L’OCML VP est issue de ce dernier courant (voir l’édito de Partisan Magazine N°4)


    La lutte des classes traverse même le Parti Communiste ? Oui…

    Au tournant des années 1960, face aux difficultés concrètes de la construction du socialisme, un premier bilan s’impose. Le mouvement révolutionnaire s’essouffle et la collectivisation (Grand Bond en Avant, voir article précédent dans ce magazine) a connu de graves échecs. Les révisionnistes au sein du Parti (Liu Shaoqi et Deng Xiaoping) exploitent ces erreurs et sont aux commandes de l’appareil d’État. Ils opposent les nécessités de la production, et mettent un coup d’arrêt au développement de la collectivisation. Ils mettent en avant le développement technique (la mécanisation) comme priorité par rapport à l’émancipation politique et à la transformation des rapports sociaux. Malgré des affrontements politiques avec le courant maoïste, ils ont réintroduit les primes et les salaires au rendement, une dose de propriété privée en faisant pression pour restreindre les communes populaires à la campagne. Sous couvert de « réalisme économique », il s’agit de revenir en arrière et « d’appâter » une partie des prolétaires avec des avantages matériels. Cette influence révèle la décomposition du lien entre le Parti et les masses dans de nombreux endroits, et la formation d’une petite bourgeoisie d’État, bureaucratique, dans les niveaux intermédiaires du Parti Communiste Chinois.

    En 1962, Mao réagit et déclenche un « Mouvement d’Éducation Socialiste (MES) », une campagne politique pour « combattre l’individualisme et élever une conscience socialiste dans les masses ». Mao différencie les cadres « bons ou relativement bons, ceux qui sont rééducables après l’aveu de leurs fautes et de leurs erreurs, d’une petite minorité engagée dans la voie capitaliste » [2].

    Le MES part du principe de l’enquête en invitant les masses à critiquer l’autoritarisme des cadres et leur servilité à l’égard du pouvoir. Les cadres responsables de province, de communes, les officiers supérieurs de l’armée doivent aller travailler pour les récoltes. Il en va de même pour beaucoup d’étudiants (encore très fortement d’origine bourgeoise) qui sont envoyés à la campagne pour les grands travaux. Les organisations de masse, de femmes, de paysans, sont redynamisées.

    Mao affirme aussi que la lutte de classe trouve son expression au sein du Parti, et qu’il ne faut « jamais oublier la lutte des classes », ou alors « il se passerait peu de temps, peut-être quelques années ou une décennie, tout au plus quelques décennies, avant qu’une restauration contre-révolutionnaire n’ait inévitablement lieu à l’échelle nationale, que le Parti marxiste-léniniste ne devienne un parti révisionniste, un parti fasciste, et que toute la Chine ne change de couleur » [3]. Mao sonne ainsi la première charge politique à l’intérieur du Parti lui-même.

    Dès le lancement du MES, les cadres révisionnistes réduisent les consignes à un travail administratif, par exemple la purification de la comptabilité au lieu de l’action et de la critique politique populaire.

    Tactiquement les directives de Mao ne sont jamais critiquées frontalement mais réduites à une application bureaucratique. De fait, elles sont largement sabotées ! Le propre des révisionnistes est d’avancer en masquant leurs positions. Tous se revendiquaient sans cesse de Mao, et plus ils étaient engagés dans la voie capitaliste, plus ils se réclamaient du socialisme. Les maoïstes les accusaient « d’agiter le drapeau rouge contre le drapeau rouge ! » Il n’était pas facile de les démasquer aux yeux des masses et de différencier les amis qui se trompent des ennemis qui se cachent.

    Ces luttes politiques sont le reflet, dans le Parti, de la lutte de classe qui continue dans la société. Ces évènements préfigurent par bien des aspects ce que va être la Révolution Culturelle, qui ne surgit pas d’un coup et de nulle part, mais exprime l’intensification des luttes politiques. Les maoïstes dans le Parti Communiste Chinois ont repris l’offensive politique. Mais la capacité de nuisance de la bureaucratie du Parti a été sous-estimée et s’est révélée plus forte que prévu. C’est ce qui poussera Mao à lancer une plus grande campagne de mobilisation des masses. Cette fois, la première cible qu’il désigne c’est le Parti Communiste Chinois lui-même : par le mot d’ordre Feu sur le quartier général ! C’est le début de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

    La Révolution Culturelle, la « forme enfin trouvée de la lutte des classes sous le socialisme » (Mao) ?

    La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne est lancée de façon volontariste par le courant maoïste comme un mouvement de critique, idéologique, et « culturel ». Il s’agit d’implanter plus largement les idées révolutionnaires dans la vie sociale. Les masses populaires sont encouragées à s’organiser à s’exprimer (sous forme d’affiches et de journaux muraux, les dazibaos). Il faut former une nouvelle génération de militants et de dirigeants communistes, pour assurer l’avenir de la Révolution. La critique prend une ampleur inattendue, dépassant largement l’objectif assigné de quelques hauts dirigeants engagés dans la voie capitaliste : critique large des directions en usine, de l’éducation, politisation de la jeunesse, et elle se transforme en révolution politique. Mao qualifie la GRCP de forme enfin trouvée de la lutte des classes sous le socialisme [4].

    Pourquoi une révolution « culturelle » ?

    La Chine de l’époque est encore marquée par des mentalités imprégnées de féodalisme, opprimant les femmes, les minorités, de superstitions... Les maoïstes critiquent aussi la persistance de la pensée de Confucius (philosophe du 4ème siècle avant J.C.), et sa « théorie du juste milieu » [5], qui devient doctrine officielle de la dynastie des Han (à partir du 3ème siècle) et perdure encore. Présentée comme une sagesse, même encore aujourd’hui, c’est pour les maoïstes la défense du conservatisme social au profit des puissants. De même, ils dénoncent la « théorie du lignage » (à père cadre révolutionnaire, fils cadre révolutionnaire), servant de justification au népotisme politique dans le PCC, la Révolution n’étant pas héréditaire !

    Les maoïstes combattent aussi la « théorie du génie » [6] (au sein même du PCC), développant le culte de la personnalité et le culte du chef, dont Mao est l’objet via le Petit Livre Rouge, créé par le militaire de l’Armée Populaire de Libération, Lin Piao [7], au début des années 1960, véritable « catéchisme de citations », ou encore son portrait étincelant rappelant les anciennes divinités contre lesquelles Mao luttait !

    Les maoïstes mettent donc l’accent sur la lutte idéologique pour l’émancipation populaire, pour faire de la société toute entière une école. Ils lancent l’étude des œuvres de Mao, qui sont encore peu connues, plutôt que le Petit Livre Rouge, pour développer un esprit matérialiste et critique, ainsi que la théorie révolutionnaire.

    Les débuts de la révolution culturelle prennent ainsi la forme de la critique d’œuvres littéraires. En novembre 1965, Yao Wen Yuan, un des futurs « quatre » [8], s’attaque à un cadre historien du Parti, mais la polémique sur la pièce de théâtre soulève en arrière-plan les problèmes économiques. Jiang Qing prône le développement de thèmes révolutionnaires dans la culture. Elle a déjà créé en 1964 un ballet moderne, « Le détachement féminin rouge » qui raconte un épisode de la guerre, au lieu d’empereurs, et de mauvais génies. Il s’agit de favoriser une culture égalitaire, sans préjugés, et qui parle de la vraie vie du peuple. Cette première phase, jusqu’au printemps 1966, est peu spectaculaire. Elle se déroule surtout au sein du Parti, secoue les cadres révisionnistes et déclenche une lutte acharnée.

    Le courant maoïste à l’origine du lancement de la GRCP !

    Au printemps 1966, une série d’articles de presse popularise la critique des directions en en place et l’expression publique par affiches. L’effervescence critique gagne le mouvement de masses. Le courant maoïste lance alors véritablement l’offensive dans tout le pays. Il y aura deux circulaires politiques exprimant la vision de la GRCP.

    L’une en mai 1966 marque le début d’une lutte ouverte contre la fraction de Liu Shaoqi, et l’autre en août 1966 donne plus d’ampleur encore au mouvement. Les circulaires préconisent « d’éliminer les représentants de la bourgeoisie qui se sont infiltrés dans le Parti Communiste et qui s’opposent au drapeau rouge en arborant le drapeau rouge », de destituer les responsables pourris, jusqu’aux plus haut niveaux du Parti et de l’État.

    Un des premiers responsables destitués est le maire de Pékin, rien de moins ! Mais dès le début, les révisionnistes essaient de saboter le mouvement de critique.

    Les « groupes de travail » créés pour animer la révolution culturelle (pendant 50 jours en juin-juillet 1966) sous-direction de Liu Shaoqi (le Président de la République) et de Zhou Enlaï [9] (Secrétaire général du Parti), épurent massivement les cadres (des plus petits échelons) en assimilant à la « Bande Noire du révisionnisme » le plus grand nombre pour en protéger quelques-uns (hauts-placés). Ils accusent les activistes étudiants d’être contre-révolutionnaires et de désobéir aux ordres du Parti (alors que les directives du Parti étaient explicitement de faire « feu sur le quartier général ») en instruisant de véritables « procès ». Les groupes de travail seront très vite critiqués comme conservateurs. Ces méthodes seront caractéristiques des révisionnistes tout au long de la GRCP. Des étudiants et des travailleurs commencent à se regrouper en noyaux plus ou moins larges pour les combattre, groupes qui donneront naissance aux Gardes Rouges.

    En août 1966, sous l’impulsion de Mao, la direction du Parti Communiste condamne ces « groupes de travail ». Cette seconde circulaire, dite « décision en 16 points », affirme que la résistance à la révolution est forte et pose les principes qui vont guider la révolution culturelle :

    - accorder la primauté à l’audace et mobiliser sans réserve les masses,
    - que les masses s’éduquent dans le mouvement,
    - résoudre correctement (pacifiquement) les contradictions au sein du peuple,
    - les cadres rentrent dans 4 catégories : bons ; relativement bons ; ceux qui ont commis des graves erreurs mais qui ne sont pas des droitiers antiparti et antisocialistes ; un petit nombre engagés irrémédiablement dans la voie capitaliste,
    - faire la révolution et stimuler la production (mettre la politique au poste de commande).

    Le courant maoïste dispose d’une influence politique, celle de Mao au Comité Central, et de leurs positions dans la presse, le Quotidien du Peuple, et le Drapeau Rouge. Ces journaux sont de véritables médias de masse, qui diffusent des consignes politiques et des analyses au fur et à mesure des évènements. Mais au final leurs moyens d’actions sont vite limités. Même si les militants révolutionnaires du Parti se battent au sein des « groupes rebelles » ouvriers, ils manquent de lieux et de temps pour centraliser les expériences et se coordonner. La structure du Parti est éclatée par la lutte de ligne. La GRCP se développe contre le Parti, gangréné par le révisionnisme, et donc quelque part sans Parti pour l’animer !

    La jeunesse aux avant-postes de la Révolution Culturelle

    Le système éducatif, maintenu ou revenu à l’éducation traditionnelle après le Grand Bond en Avant, est contesté de manière virulente. Les Gardes Rouges se constituent sur la base des noyaux d’étudiants, d’élèves et d’enseignants. Ils recrutent uniquement les enfants d’ouvriers et de paysans (et aussi des enfants de cadres du Parti, selon la doctrine du lignage, qui sera critiquée plus tard. Leur âge varie de 12 à 30 ans environ, mais la plus grande partie est lycéenne et a tout au plus 16-17 ans.

    Le 18 août 1966, un million de Gardes Rouges manifestent à Pékin, et Mao, en portant leur brassard, officialise leur existence. Le port des uniformes rappelle les grandes heures de la Révolution. Mao donne pour mission aux gardes rouges de « bombarder les états-majors ». Ils ne peuvent jouer seuls le rôle décisif qui appartient à la classe ouvrière mais doivent être le catalyseur.

    S’ensuit une semaine de violence dans les rues. Les gardes rouges s’efforcent de reprendre le pouvoir aux cadres jugés mauvais du Parti. Liu Shaoqi est attaqué sans être nommé par la presse. Puis Deng Xiaoping. Mais aucune sanction n’aboutit contre eux.

    Les gardes rouges entrent dans les usines. Zhou Enlai insiste pour que cela ne perturbe pas le travail et la production. À Shanghai, les cadres révisionnistes du PCC appellent même les ouvriers à participer à la Révolution Culturelle en dehors de leurs heures de travail… Ils mettront toute leur énergie à empêcher les rapprochements entre étudiants et ouvriers. Exploitant l’inexpérience et les critiques maladroites des gardes rouges, partout où ils le pouvaient ils les présentaient comme des éléments contre-révolutionnaires, pour dresser les masses contre eux. Les révisionnistes ont délibérément cultivé le chaos et les contradictions au sein du peuple. Il y a à Pékin jusqu’à Trois Quartiers Généraux des Gardes Rouges. Le troisième, à l’initiative des gardes rouges de l’Université de Tsinhua à Pékin qui avait résisté aux groupes de travail, est attaqué en novembre 1966 par le comité d’action uni (enfants de cadres réactionnaires), ainsi que par un groupe ouvrier (armée des travailleurs rouges).

    La classe ouvrière entre en masse dans la Révolution Culturelle

    Des organisations de masses ouvrières sous la forme de « groupes rebelles » se créent. Le prolétariat est présent surtout dans les villes, en particulier à Shanghai où se développe un foyer révolutionnaire très important. Fin 1966, les organisations ouvrières à Shanghai accusent le maire d’appliquer la ligne pro-capitaliste de Liu Shaoqi. Les ouvriers sont entrés massivement dans la révolution culturelle, mais les cadres conservateurs sont tenaces et se cachent sous une ligne « de gauche en apparence mais de droite en réalité ». Ils s’appuient sur la frange conservatrice des travailleurs pour désorganiser la production. Ils poussent par exemple les ouvriers à quitter le travail pour aller protester à Pékin. Ils présentent les maoïstes comme voulant parler seulement de politique alors que les ouvriers veulent des augmentations de salaires. Ils les incitent à se cantonner à des revendications économiques, et à « se servir » sans tenir compte des écarts de conditions de vie avec les paysans, pour briser leur alliance. Ils encouragent à parcelliser les luttes et à multiplier les organisations concurrentes, pour provoquer la paralysie et montrer que révolution et production sont incompatibles.

    Mais le mouvement ouvrier à Shanghai est expérimenté, du fait de la longue lutte contre les occupations impérialistes. Il y a déjà eu des tentatives de « communes » dans les années 1920. Le débat se polarise sur la question des règlements d’usine, et des cadres, entre les révisionnistes pour qui seulement une petite minorité de cadres est à remettre en question, les maoïstes qui veulent rééduquer ceux qui peuvent l’être, et un courant pour qui 95% des cadres sont pourris et qui veut « tout critiquer, tout abattre », tout de suite. Les affrontements entre organisations se développent, et rend difficile le travail politique d’unité entre groupes rebelles révolutionnaires.

    Le 6 janvier 1967, une alliance de groupes rebelles (un tiers environ des quarante organisations du moment) parvient à prendre le pouvoir et la Commune de Shanghai est proclamée (en référence à la Commune de Paris). Les anciens cadres sont destitués. Mais cette situation très avancée reste minoritaire [10].

    Le courant maoïste soutient la création de la Commune et y voit potentiellement une nouvelle forme de pouvoir généralisable à tout le pays. Mais Mao y voit une initiative trop isolée et prématurée dans la situation générale chaotique du pays. La Commune de Shanghai est transformée fin février 1967 en Comité Révolutionnaire de Triple Union. La Triple Union comprend des rebelles révolutionnaires, des membres de l’Armée Populaire de Libération, et les cadres qui ont soutenu le mouvement. Rebelles et cadres doivent être désignés par les masses.

    Pour Mao, c’est un compromis politique, censé consolider la Révolution Culturelle en isolant la droite. Dans la réalité, ce sera beaucoup moins évident. Dans tout le pays, c’est une période de lutte intense pour la mise en place de ces nouveaux organes du pouvoir. Mao demande à l’Armée Populaire de Libération de soutenir les rebelles révolutionnaires et d’assurer la production industrielle, par la force si nécessaire. L’Armée Populaire de Libération (APL) « arbitre » les affrontements entre factions, mais elle est elle-même divisée entre révolutionnaires et révisionnistes. Ceux qui ont le soutien du Comité Central du PCC et de I’APL locale renversent les cadres pro-capitalistes, ailleurs ils restent souvent en place. Les militaires de l’Armée n’appuient pas toujours la gauche, et les révisionnistes qui y ont des soutiens en profitent pour intensifier la répression des rebelles.

    L’été 1967 : point culminant de la Révolution ou « guerre civile générale » ?

    De vastes mouvements se sont développés, des grèves, des affrontements violents avec les autorités, ou au sein même des rebelles, entre fractions révolutionnaires et conservatrices, des répressions violentes jalonnent la Révolution Culturelle, à l’échelle d’un immense pays comme la Chine.

    Se succède une alternance de courant de gauche et de droite, des mouvements complexes d’avancées et de reculs des rebelles révolutionnaires ou les cadres destitués sont souvent réhabilités. Le processus de critique contre les cadres pourris est parfois l’occasion de règlements de compte et de vengeances personnelles, et l’occasion de lyncher un adversaire en l’accusant d’être contre-révolutionnaire.

    Des groupes d’opposition issus du PCC apparaissent (comme le Shengwulian) qui jugent le PCC irrémédiablement passés aux mains de la bourgeoisie et appellent à refonder un nouveau Parti Communiste. Ils seront éliminés, comme de nombreux groupes rebelles de toutes tendances.

    À l’été 1967, Mao parle de « guerre civile générale ». Le Comité Central du PCC, et notamment Zhou Enlaï, décident de reprendre en main la situation. Mao se range à leur point de vue. Décision qui se traduit par l’action de l’Armée Populaire de Libération, qui va désormais « rectifier » les gardes rouges rebelles, en commençant par leur faire rendre les armes (démilitarisation). Les comités révolutionnaires de la Triple Union sont maintenant composés à 50 % par l’Armée et le reste divisé entre cadres et rebelles (eux-mêmes représentés au début à 50/50 entre révolutionnaires et conservateurs !).

    Des centaines de milliers de jeunes sont envoyés à la campagne, pour « se rééduquer » et disperser les organisations de gardes rouges. Ce sont aussi les écoles des cadres du 7 mai, basées sur la participation accrue des cadres au travail manuel et à la production.

    La critique est recentrée sur un nombre plus réduit de cibles. Elle se concentre contre Liu Shaoqi, qualifié de « Khrouchtchev chinois », destitué, arrêté et emprisonné.

    La Révolution Culturelle s’éteint. Ce sont les dernières luttes, dont les pires heures de la Révolution Culturelle, comme dans le Guanxi en 1968, où 4000 rebelles affrontent 30 000 soldats. De nombreux rebelles sont massacrés ou torturés. Sur cet épisode, on peut lire « Les années rouges » de Hua Linshan, témoin et protagoniste des évènements.

    Au 9ème congrès du PCC en 1969, la moitié des membres du Comité Central viennent de l’APL. La Révolution Culturelle est présentée comme une victoire et une plus grande unité. Derrière cette façade unitaire, c’est une stabilisation politique qui fige la situation au profit de l’armée, pivot de la « reconstruction » du Parti.

    De 1973 à 1975, le courant maoïste dans un dernier sursaut, lance un grand mouvement d’études marxistes sur la dictature du prolétariat, et amorce un premier bilan de la Révolution Culturelle. Des textes qui nourriront la construction de I’OCML-VP à la fin des années 1970 [11]. Cependant, la base sociale chinoise continue de se transformer dans le sens de la restauration capitaliste, qui aboutira immédiatement après la mort de Mao en 1976. La « bande des 4 » est éliminée et toute contestation réprimée violemment. Puis c’est le grand retour de Deng Xiaoping, qui fait de la Chine à partir de 1978 un pur pays capitaliste, toujours en arborant la faucille et le marteau, bien sûr.

    Quelles sont les avancées réelles de la GRCP ?

    À l’avant-garde de la Révolution Culturelle, il y a quelques expériences très importantes, mêmes si elles ne sont pas étendues à tout le pays.

    Produire et travailler autrement, c’est possible !

    Avant la Révolution Culturelle, les usines du secteur d’État étaient à la fois dirigées par le comité du Parti et gérées par le directeur de l’usine, désigné et pas élu. La composition du comité du Parti était en principe décidée par les membres du Parti de l’usine même, mais en réalité il arrivait très souvent que le comité du Parti soit désigné par les instances supérieures de l’appareil du Parti. La révolution culturelle a développé une critique de masse de la division du travail, des directions, de la place de chacun, du système des primes, des règlements d’usine….

    La nouvelle gestion dans le cadre de la production se passait ainsi : tous les problèmes essentiels sont discutés et approuvés en réunion par les ouvriers (planification, perfectionnement technique, sécurité et protection du travail, etc).

    Dans le cadre de la triple union, les ouvriers ayant l’expérience pratique (c’est la force principale), les techniciens et les cadres unissent leurs efforts. Ils permettaient à la classe ouvrière d’intervenir dans le domaine des sciences et des techniques, de s’émanciper petit à petit du savoir des experts. « Rouges et experts » était leur slogan.

    La GRCP a entrepris de résoudre les écarts issus de la division du travail. Les cadres devaient participer au travail productif comme les ouvriers. Des universités d’usine étaient créées, pour former des techniciens à partir des rangs de la classe ouvrière.

    La résistance de la ligne révisionniste a été considérable. La ligne maoïste s’opposait depuis longtemps à la ligne de Liu Shaoqi. Mao avait formulé en 1960 une Charte d’Anshan (pour les ouvriers de l’aciérie d’Anshan) qui n’a pas été appliquée avant 1964 et a été popularisée ensuite par la GRCP.

    Voici ce qu’elle disait :

    - Placer toujours la politique au poste de commandement,
    - Renforcer le rôle dirigeant du Parti,
    - Lancer vigoureusement des mouvements de masse,
    - Appliquer le système de la participation des cadres au travail de production et des ouvriers à la gestion, réformer les règlements dans ce qu’ils ont d’irrationnel et assurer une étroite coopération entre cadres, ouvriers et techniciens,
    - Encourager vigoureusement les innovations techniques et mener énergiquement la révolution technique.

    Cette charte s’opposait au règlement en 70 points de Liu Shaoqi, copié sur le modèle soviétique, dite Charte de Magnitogorsk (du nom d’un combinat sidérurgique russe) et donnant la primauté aux experts et à la technique, et plaçant le profit et le rendement de la production au poste de commande. La GRCP avait critiqué le système des primes et des stimulants matériels (primes au rendement) comme développant l’égoïsme, renforçant le système du salariat, au lieu de le réduire pour l’abolir ultérieurement.

    En critiquant les règlements abusifs, les ouvriers chinois critiquaient l’organisation du travail héritée du capitalisme, sous-tendue par le « profit au poste de commande ». Ces règlements protégeaient la division entre travail manuel et travail intellectuel, entre ouvriers et techniciens, au lieu de la réduire.

    Deux expériences sont particulièrement popularisées pour être reproduites, celle de l’exploitation pétrolifère de Taking et celle du village de Tatchaï, qui reprennent les directives de la Charte d’Anshan.

    L’agglomération industrielle (exploitation pétrolière) et agricole de Taking. À la fois urbaines et rurales, les agglomérations où vivent les ouvriers de l’entreprise et leurs familles sont reliées par un réseau routier. Une région industrielle socialiste de type nouveau commence à prendre forme, qui associe l’industrie à l’agriculture, la ville à la campagne, au lieu de développer l’un au détriment de l’autre. Les femmes sont pleinement associées à toutes les tâches de production comme de direction. Liu Shaoqi et ses acolytes critiquèrent les ouvriers de Taking pour s’être engagés dans les productions agricoles, disant que c’était « aller à l'encontre de la division du travail ». Ils accusèrent calomnieusement les femmes d’avoir « abîmé la prairie » en prenant l’initiative de défricher de nouvelles parcelles ! (Photo)

    Tatchaï est une brigade de production agricole dans un village pauvre de montagne, en Chine du Nord. Il y a d’abord une lutte des paysans pauvres et moyens contre les paysans riches qui refusaient la collectivisation. Après quoi, au prix d’un travail acharné, tout le village a été aménagé, arraché à la montagne, des dizaines de culture en terrasse ont permis de développer les ressources. Il y avait un grand arbre où les anciens propriétaires fonciers battaient et pendaient les paysans pauvres accusés de vol ou autre, alors qu’ils voulaient juste se nourrir. Cet arbre était devenu un lieu de mémoire et de regroupement où ils apprenaient aujourd’hui le marxisme. La clé, c’était l’effort soutenu pour éduquer les paysans ; la clé c’était le facteur humain.

    Apprendre et éduquer autrement, révolutionner l’enseignement !

    Faire de la société toute entière une école de l’émancipation ouvrière, telle était la dynamique de la Révolution Culturelle. Éducation populaire contre éducation élitiste.

    Mao avait dit : « Les écoles supérieures sont nécessaires. Toutefois, il faut réduire la durée des études, mener la révolution dans l’enseignement, et former un personnel technique issu des rangs des ouvriers. Les étudiants doivent être choisis parmi les ouvriers ayant une expérience de la pratique ; après quelques années d’études, ils retourneront à la pratique de la production. » [Cité dans Pour le Parti - Spécial Chine, 1978]

    Le monopole de la compétence technique, source de hiérarchie dans l’organisation capitaliste du travail (et aussi des différences de salaires) est remis en cause par ce nouveau type d’enseignement. Capables aussi bien de fabriquer que de concevoir, capables de diffuser leurs connaissances parmi leurs camarades, les ouvriers- techniciens sont à même de diriger l’ensemble du processus de production. L’enseignement ne s’arrête pas à la formation de nouveaux experts, occupant la place des anciens : la révolution dans l’enseignement inclut le retour à la « pratique de la production ». Ces universités ouvrières (de même que celles mises en place à la campagne sur le même modèle) ont connu, à partir de la GRCP, un développement très rapide.

    Les jeunes diplômés de l’enseignement secondaire doivent faire l’expérience du travail productif, connaître les conditions de vie et de travail des masses, participer à la lutte des classes dans l’usine ou à la campagne. Le recrutement des étudiants ne se fait plus selon le seul critère des connaissances intellectuelles et culturelles (examens), les étudiants sont choisis par leurs camarades de travail qui reconnaissent en eux la volonté et les capacités de se former pour servir le peuple. Apprendre, c’est aussi apprendre à ne pas mépriser le travail manuel, apprendre à utiliser ses connaissances pour transformer la réalité.

    Une école bourgeoise « démocratisée » ne peut former que des cadres bourgeois avec des enfants d’ouvriers. La GRCP a montré que la révolution socialiste dans l’enseignement avait une autre dimension. (Extrait de Pour Le Parti - Spécial Chine 1978)

    Penser autrement : Combattre les idées traditionnelles réactionnaires

    Partie de la critique de pièces de théâtre, la Révolution Culturelle a mis en avant l’importance du bouleversement des idées reçues qui participent à la reproduction des systèmes de domination. Partout, dans les entreprises, aux champs, dans les écoles, à la maison, ces idées héritées des anciennes sociétés sont un frein au développement des idées révolutionnaires. Elles font partie des bases qui permettent à une société de se reproduire, mais elles sont dans chaque tête individuelle. Sur la place et le rôle assignés aux femmes dans la société par exemple, avec un mot d’ordre comme « ce qu’un homme fait, une femme peut le faire ; ce qu’une femme fait, un homme doit le faire ». L’aspect « culturel » de la révolution signifie cela : l’ampleur et l’enjeu décisif de réévaluer et changer les idées et comportements anciens qui en découlent, tout ce qu’on appelle l’idéologie.

    La GRCP nourrit encore aujourd’hui les débats politiques !

    Parce que la GRCP reste une expérience historique d’une portée immense, elle génère encore une lutte de classe autour de son bilan et de son existence. Comme l’écrivait Jean Daubier, historien français contemporain de la Révolution Culturelle : « La Révolution Culturelle constitue un défi général à la conception générale de la vie, aux sociétés dites de consommation, au culte de l’argent, à l’élitisme et à l’individualisme. Elle montre que la renaissance du pouvoir bourgeois en URSS n’est pas une fatalité pour les autres pays socialistes et que les valeurs exaltées par le capitalisme sont historiquement relatives et dépassables » [12].

    Pourquoi la GRCP déchaîne-t-elle encore aujourd’hui la haine anticommuniste ?

    Périodiquement, il n’y a qu’à voir à chaque anniversaire, les médias reprennent en chœur ce grand chapitre du « livre noir du communisme » qu’est la Révolution Culturelle !

    La Révolution Culturelle est présentée comme une « guerre des chefs » autour de Mao, dirigeant omnipotent d’un Parti monolithique. Cela a l’avantage d’éliminer le « peuple », tous ces prolos et ces paysans suivistes, incapables, qui auraient été aux mains des élites pour faire régner la terreur. Car l’enjeu réel est bien là, pour la bourgeoisie : discréditer à tout prix, complètement et pour toujours, toute tentative de dictature du prolétariat.

    La classe laborieuse (classe dangereuse pour la bourgeoisie) ne doit pas exister politiquement, elle doit être un « peuple » fictif et docile ! Elle ne peut pas diriger, elle ne doit jamais savoir diriger ! Car l’histoire et la mémoire des luttes est une arme pour nous, et donc aussi un champ de bataille pour la bourgeoisie !

    Ces critiques se retrouvent chez un certain nombre d’intellectuels petits-bourgeois « démocrates » où transparaît clairement un mépris de classe, colonialiste de surcroît. Ceux-là même qui glorifient la Révolution française de 1789 ! Une des choses reprochées est la pratique d’autocritiques publiques, pancartes autour du cou, par ceux-là même qui pratiquent quotidiennement le lynchage médiatique télévisuel et hurlent avec les loups aux criminels, aux voyous à propos des militants radicaux, des syndicalistes, des immigrés, etc.

    Ce qui est visé, c’est la critique par la Révolution Culturelle de l’origine sociale très favorisée et de la place des intellectuels de l’époque, qui furent envoyés travailler aux champs dans les mêmes conditions, certes très dures, que la masse des paysans ! Sont donc quasi toujours mis en avant des récits individuels biographiques d’intellectuels envoyés aux champs pour décrire toute la barbarie des communistes.

    À ces critiques, nous ne répondons pas par des citations du Petit livre rouge, mais par l’analyse concrète des faits, qui ne sont encore que partiellement connus. Nous ne cherchons pas à minimiser les violences, et les morts, car la Révolution n’est pas un diner de gala, c’est une lutte de classe pour le pouvoir. Le nombre de morts pendant la Révolution Culturelle se monterait à presque 1 million [13]… se comptant au premier chef parmi les masses populaires, dans la répression après 1968. Mais c’est une falsification grossière de l’histoire de dire que Mao a ordonné lui-même des exécutions de masse.

    De plus, c’est le pouvoir de Deng Xiaoping qui a fait systématiquement détruire toutes les archives, brûler les documents de l’époque, ce qui est un frein réel au travail critique des historiens aujourd’hui à la recherche de la vérité.

    Les critiques « de gauche » faites à la GRCP

    Plus intéressantes et d’une autre nature sont les critiques de gauche, qui regroupent sous des formes différentes le courant de l’opposition ouvrière (Rosa Luxembourg face à Lénine, voir Partisan Magazine n°4), des positions dites conseillistes et anarchistes, ou encore celles assez connues en France du philosophe Alain Badiou.

    Ces critiques reprennent l’existence embryonnaire d’un courant politique de la RPC, « anti-autoritaire » voulant « tout abattre, tout dénoncer » selon les mots de l’appel de Shanghai du 8 février 1967. Ces positions ont en commun la mise en avant de la démocratie directe par la forme « communale », se prononcent contre l’État-Parti, et veulent passer de la prise du pouvoir à l’abolition de l’État tout court.

    Reprendre le pouvoir central, le pouvoir d’État à la bourgeoisie, et le déconcentrer, le décentraliser sous la forme d’un pouvoir ouvrier : tout cela anime l’esprit et les directives de la collectivisation, de la pratique des milliers de communes populaires qui furent créées dès les années 1950 à travers toute la Chine. La dénonciation de la bureaucratisation, de la fusion du Parti et de l’État, ce sont des constats et des critiques justes, tirés du bilan des expériences révolutionnaires.

    Nous prenons au sérieux ces critiques et nous ne les balayons certainement pas d’un revers de main. Cependant, de notre théorie politique et des leçons de notre pratique, et de celles du mouvement ouvrier avant nous, nous en tirons des objections.

    Il est facile de désigner dans l’abstrait un ennemi à abattre (Bourgeoisie, État, Autorité, Hiérarchie, Parti, etc.), mais il est plus difficile de s’attaquer à la racine des problèmes, et de maitriser la critique et la lutte dans les faits.

    En marxistes, nous ne jetons pas le Parti et l’État prolétarien avec l’eau du bain. Nous voyons la « nécessité » du Parti comme celle d’un État de type nouveau de dictature du prolétariat. Rien à rien à voir avec un modèle « fétiche », une marque de fabrique des communistes, il ne s’agit que d’outils et pas d'une fin en soi. C’est la forme qui a permis à travers l’histoire de prendre le pouvoir et de le garder un tant soit peu (pas assez longtemps encore) pour transformer la société, sans quoi les épisodes révolutionnaires se sont révélés éphémères (de cent jours à peu d’années). Le Parti et l’État sont des « stigmates », c’est-à-dire la marque que la société n’est pas majoritairement transformée. Lénine soulignait déjà en 1917 que « la transformation des rapports de production détermine le dépérissement de l’État » et du Parti, ou pas… si le pouvoir ouvrier ne progresse pas significativement dans les faits.

    Décréter qu’on les supprime ne fait pas avancer plus vite la transformation des rapports sociaux et de production. Aucune forme ou règle collective d’organisation n’est à elle seule une garantie suffisante, ni la forme syndicat, congrès des producteurs, ni la forme Assemblée Générale… L’égalité comme principe « dans la loi » se proclame, mais l’égalité dans tous les aspects de la vie se construit, à commencer par l’éducation à prendre en mains toutes les questions politiques, économiques, écologiques… La seule chose qui est une garantie, c’est l’intérêt ouvrier réel en lutte, et l’implication consciente et active du plus grand nombre de travailleurs. C’est de réduire l’écart entre les prolétaires les plus conscient-es, qui sont les « leaders » au départ du mouvement révolutionnaire, et la masse… dans le partage des tâches de direction, d’organisation, de prise de parole, etc. Chasser un tsar, couper la tête d’un roi, enfermer des dictateurs ne suffit pas à supprimer l’existence collective de la classe exploiteuse. Même renversée, elle cherche toujours à réinvestir les lieux de pouvoir, peu importe ce qu’ils sont, et elle se dit rouge si le pouvoir est rouge…

    Nous faisons aussi la critique, qui est au fondement de l’OCML-VP, du culte parfois aveugle de la spontanéité des masses, faisant fi des contradictions, des idées réactionnaires, de l’aliénation… Nous avons confiance dans la capacité des prolétaires à se libérer et à libérer l’humanité toute entière, mais nous ne sommes pas naïfs, ni conciliateurs. Mao avait surestimé cette confiance, en essayant d’unir 95% des masses à 95% des cadres, et il porte sa part de responsabilité dans l’échec final de la GRCP.

    Débattons des enseignements de la GRCP !

    L’appréciation de la fin de la GRCP a provoqué de vifs débats dans l’OCML-VP, malgré une étude approfondie sur plusieurs années. Les divergences portaient par exemple sur les positionnements du courant maoïste et la critique des décisions politiques de Mao. La question de savoir si la Chine était encore « socialiste » en 1967… L’organisation n’a pu à l’époque de l’étude se départager clairement sur l’expérience historique elle-même.

    On retrouve une partie de ces débats dans les anciens numéros de la Cause du Communisme, n°12 à 14 entre 1998 et 2000.

    Cependant, les leçons politiques tirées de l’expérience chinoise ont enrichi notre ligne politique et notre compréhension des tâches des communistes pendant le socialisme.

    Pour neutraliser les nouveaux bourgeois, c’est la base matérielle de leur apparition qu’il faut changer, donc la transformation en profondeur, la révolutionnarisation de toute la société. La séparation entre l’État, investi par les ouvrier-es et prolétaires les plus conscient-es (ce qu’on appelle l’avant-garde), et la grande majorité des masses donne une base matérielle pour que se reproduisent des rapports de production capitalistes et une nouvelle bourgeoisie.

    Seule l’action révolutionnaire pratique des masses est susceptible de créer progressivement les conditions de la disparition des rapports de production capitalistes et du développement des rapports de production communistes. Ce développement se réalise à travers l’élargissement du pouvoir, la suppression des classes et donc l’extinction de l’État.

    La lutte politique, l’éducation et la lutte des classes, sont les moteurs de la transformation de la société !

    Pour exercer leur action révolutionnaire, les ouvriers ont besoin de structures de masse à la base où s’exprime la démocratie prolétarienne, et où ils apprennent à prendre en main les affaires de la société toute entière. Ces structures apparaissent pendant le processus révolutionnaire, ce sont les soviets, ou conseils ouvriers. Ils sont le fondement, avec le Parti Communiste, de la transformation révolutionnaire des moyens de production et des rapports sociaux. C’est en leur sein, par le débat politique le plus large possible, et dans la lutte politique qu’ils préparent concrètement les conditions du passage au communisme.

    Les soviets devront se doter de principes de fonctionnement qui leur permettent d’étendre le pouvoir parmi les masses.

    Ces principes, ce sont :

    - La lutte contre la délégation de pouvoir ;
    - La révocabilité des élus par la base et le contrôle permanent des mandats ;
    - La limitation de la hiérarchie des salaires ;
    - L’aménagement du temps de travail pour permettre aux ouvriers de se former et d’accéder aux tâches de responsabilité ;
    - L’organisation collective de la production ;
    - Le droit d’expression et d’organisation, notamment syndicale ;
    - La préservation et la garantie des droits de la minorité.

    Ces principes sont la condition de l’élargissement du pouvoir. Mais ils ne sont pas en soi une garantie absolue. Et les expériences ont montré qu’ils peuvent s’affaiblir à la suite d’erreurs politiques, des combats contre la bourgeoisie et de la guerre impérialiste. Il faut entretenir sans cesse l’élan révolutionnaire, et s’assurer que de nouvelles générations prennent le relais des premiers « vétérans », car la période de transition est longue !

    Construire l’unité au sein du peuple par la juste résolution des contradictions

    Il faut poser les contradictions, à chaque pas, mais combattre l’esprit de clan, le sectarisme et toutes autres tendances réactionnaires bourgeoises visant à saper la direction exercée par la classe ouvrière. On l’a vu pendant la Révolution Culturelle, la multiplication des organisations n’est pas nécessairement source de démocratie et de pluralisme. Cela a aussi été source de concurrence, d’affrontements, de rivalités personnelles. Il faut donc toujours avoir à l’esprit le souci de l’unité la plus forte et la plus large possible. Unité au sein des exploités, qui ne consiste pas à mettre sous le tapis tout ce qui fait problème, mais à en débattre pacifiquement et à résoudre les désaccords par la voie de l’expérience et du bilan politique.

    Une dure leçon, entre autres, de la Révolution Culturelle, est le rappel que l’unité est toujours transitoire et temporaire alors que les contradictions sont générales.


    Faire vivre le Parti et la théorie marxiste !

    La GRCP nous donne des chantiers pour la construction du Parti ici et aujourd’hui.

    Comment préserver le Parti du développement du révisionnisme ? Mao malgré son expérience et son influence politique s’est retrouvé plusieurs fois minoritaire, de même que le courant authentiquement communiste…

    Une des critiques que nous formulons a posteriori au PCC est qu’il semble avoir eu peu de vie démocratique en interne, par exemple par la tenue régulière de congrès. C’est souvent le premier symptôme de dégénérescence, et de bureaucratisation. Il n’y en a pas eu pendant des années ! Les luttes politiques se sont donc déroulées de manière rampante sans que la base puisse bien mesurer la lutte de ligne grandissante et sans doute se mobiliser, du moins assez tôt.

    De même, le Parti en tant qu’organe collectif a délaissé le travail théorique, c’est-à-dire l’étude critique des contradictions et de la lutte des classes en cours. Sans une analyse concrète, critique et actualisée au fur et à mesure des avancées et des reculs, il devient impossible de comprendre et de savoir où est la bonne direction.

    Enfin la critique déjà énoncée par Lénine de la fusion du Parti et de l’État doit être encore approfondie. Plus il y a de prolétaires éduqués et participant aux responsabilités d’organisation de la société, plus on réduit la fusion du Parti et de l’État, initiée par le manque de cadres ouvriers. De même, plus il y a de prolétaires éduqués qui prennent en charge toutes les affaires sociales, moins il y a besoin d’un État en tant que corps spécial et plus on décentralise les responsabilités et plus on a de chances de travailler à son extinction…

    Il nous faut creuser encore comment assumer d’emblée la construction du Parti et son dépérissement à terme, mais dans un même mouvement. C’est un apport fondamental du maoïsme, d’avoir développé une façon de faire de la politique et des méthodes de travail luttant contre la délégation, pour devenir tous dirigeants, et tous dirigés.


    [1La droite révisionniste : Liu Shaoqi, Président de la République, sera dénoncé comme le « Khrouchtchev chinois ». Chen Pota, maire de Pékin, lui aussi une des cibles de la Révolution Culturelle. Il sera arrêté et mourra en prison en 1969. Sa mémoire est réhabilitée par Deng Xiaoping. Ceux qui seront les liquidateurs de la Révolution, Deng Xiaoping et Hua Guofeng, successeur de Mao, apparu tardivement mais qui va arrêter et réprimer les maoïstes dans tout le pays. Et surtout Deng Xiaoping, qui a fait ses études en France, et vécu en Union Soviétique, il a même travaillé brièvement à Renault Billancourt. Dès les années 1960, il cherche à diriger une politique économique capitaliste, en alliance avec Liu Shaoqi.

    [2Discours de Mao devant le Comité Central du Parti en septembre 1962, repris ensuite dans les circulaires de 1966 de la Révolution Culturelle.

    [3Idem.

    [4La formule fait écho à Marx « La Commune est la forme « enfin trouvée » par la révolution prolétarienne, qui permet de réaliser l‘émancipation économique du travail », dans La Guerre Civile en France, citation reprise par Lénine et transformée en « première forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat ».

    [5Seul le « milieu » est parfait, car une fois qu‘on se tient bien dans le « milieu », les choses ne peuvent aller à l‘extrême, et l‘ancienne stabilité qualitative des choses ne peut être détruite. En tant que conception de l‘histoire, cette théorie considère comme absolues et sacrées l‘ancienne forme socio-économique et sa superstructure ; elle nie la transformation révolutionnaire de la société, le mouvement de progrès de la société ; elle préconise les idées conservatrices, le retour à l‘ancien. La théorie du « juste milieu » de Confucius, Tcheh Kiun, 1975 http://chinepop.chez-alice.fr/chinepop2/justemilieu.pdf

    [6La théorie du génie était portée par Lin Piao, à propos de lui-même, mais aussi de Mao. Elle instrumentalise la reconnaissance politique par les masses des dirigeants, vainqueurs de la guerre, pour la réduire au prestige individuel et servir des ambitions personnelles, comme si la justesse d’une ligne politique était le fait de « grands hommes ». Théorie dont on retrouve aussi le contenu en France dans l’enseignement de l’histoire.

    [7Lin Piao ou Lin Biao : c’est un militaire, ex-ministre de la Défense, vétéran de la première heure de l’Armée Populaire de Libération. Il est l’auteur et l’initiateur du Petit Livre Rouge (recueil de citations de Mao diffusé dans les masses). Il entretient des liens avec l’URSS où il en tentera de s’enfuir en 1971. Il sera caractérisé « de gauche en apparence mais de droite en réalité » par le courant maoïste à l’issue de la Révolution Culturelle. De gauche, car il a notamment supprimé les grades dans l’armée, mais de droite en réalité car ce qu’il défend au final c’est le dogmatisme, un fort nationalisme, et le culte du chef.

    [8Les communistes autour de Mao, que les révisionnistes appelaient la « Bande des 4 » dans un sens péjoratif, se référant à l’accusation de « bande noire du révisionnisme ». Jiang Qing (stigmatisée aussi pour être la compagne de Mao), Zhang Chunqiao, Yao Wenyuan et Wang Hongwen.

    [9Ancien fondateur du PCC, diplomate, réputé habile, il a été Premier Ministre, puis Ministre des Affaires étrangères et enfin Secrétaire Général du Parti. C’est un centriste, très opportuniste, il soutiendra Mao tant qu’il sera fort, puis il s’alliera finalement à la droite.

    [10Voir à ce sujet, la chronique du livre de Hongsheng Jiang, dans Partisan Magazine n°1, http://www.vp-partisan.org/article1376.html

    [11Marx, Engels et Lénine sur la dictature du prolétariat, Mars 1975, http://www.vp-partisan.org/article1207.html

    [12Histoire de la Révolution culturelle prolétarienne en Chine, Petite Collection Maspero, Paris, 1971

    [13Chiffrage en 2009 par les historiens Roderick MacFarquhar et Michael Schoenhals dans la « Dernière Révolution de Mao », Éditions PUF, qu’on ne peut pas suspecter de sympathie envers le maoïsme.

    Étudions l'histoire de la Révolution chinoise


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  • (Mises en gras et soulignements par SLP, les italiques sont du texte original)


    FRONT UNIQUE PROLÉTARIEN, FRONT POPULAIRE ANTIFASCISTE


    Certains communistes se creusent vainement la tête pour savoir par quoi commencer : par le front unique du prolétariat ou par le front populaire antifasciste ?

    Les uns disent : on ne pourra pas entreprendre l'établissement du Front populaire antifasciste avant d'avoir organisé un solide front unique du prolétariat.

    Mais, raisonnent les autres, comme l'établissement du front unique prolétarien se heurte dans nombre de pays à la résistance de la partie réactionnaire de la social-démocratie, mieux vaut commencer du coup par le Front populaire et, sur cette base seulement, déployer ensuite le front unique de la classe ouvrière.

    Les uns et les autres, évidemment, ne comprennent pas que le front unique du prolétariat et le Front populaire antifasciste sont liés l'un à l'autre par la dialectique vivante de la lutte, qu'ils s'interpénètrent, se transforment l'un en l'autre au cours de la lutte pratique contre le fascisme, au lieu d'être séparés l'un de l'autre par une muraille de Chine.

    Car, on ne saurait croire sérieusement qu'on puisse vraiment réaliser le Front populaire antifasciste sans établir l'unité d'action de la classe ouvrière elle-même, qui est la force dirigeante de ce Front populaire. Et, d'autre part, le développement ultérieur du front unique prolétarien dépend dans une mesure notable de sa transformation en un Front populaire contre le fascisme.

    Imaginez-vous l'amateur de schémas qui, placé devant notre résolution, construit son schéma avec le zèle d'un véritable exégète :

    D'abord le front unique du prolétariat par en bas, à l'échelle locale ;

    Puis le front unique par en bas, à l'échelle régionale ;

    Ensuite le front unique par en haut, passant par les mêmes degrés ;

    Après cela, l'unité du mouvement syndical ;

    Ensuite, le ralliement des autres partis antifascistes ;

    Puis le Front populaire déployé par en haut et par en bas ;

    Après quoi, il conviendra d'élever le mouvement à un degré supérieur, de le politiser, de le révolutionnariser, etc., et ainsi de suite. Vous direz que c'est un pur non-sens. Je suis d'accord avec vous. Mais c'est précisément le malheur qu'un tel non-sens sectaire, sous une forme ou sous une autre, se rencontre encore, à notre vif regret, dans nos rangs.

    Comment donc la question se pose-t-elle en réalité ? Évidemment, nous devons partout travailler à créer un vaste Front populaire général de lutte contre le fascisme. Mais, dans un grand nombre de pays, nous ne sortirons pas des conversations générales sur le Front populaire, si nous ne savons pas, par la mobilisation des masses ouvrières, briser la résistance de la partie réactionnaire de la social-démocratie au front unique de lutte du prolétariat. C'est ainsi que la question se pose avant tout en Angleterre, où la classe ouvrière forme la majorité de la population, où les trade-unions anglaises et le Parti travailliste ont derrière eux la masse essentielle de la classe ouvrière. C'est ainsi que la question se pose en Belgique, dans les pays Scandinaves, où, face à des Partis communistes numériquement faibles, se dressent de puissants syndicats de masse et des Partis social-démocrates numériquement forts.

    Les communistes commettraient dans ces pays une faute politique très grave s'ils se dérobaient à la lutte pour l'établissement du Front unique prolétarien derrière des formules générales sur le Front populaire, lequel ne peut être établi sans la participation des organisations de masse de la classe ouvrière. Pour réaliser dans ces pays un véritable Front populaire, les communistes doivent accomplir un immense travail politique et d'organisation dans les masses ouvrières. Ils doivent surmonter les préjugés de ces masses, qui considèrent leurs organisations réformistes de masse comme l'incarnation déjà réalisée de l'unité prolétarienne ; ils doivent convaincre ces masses que l'établissement du front unique avec les communistes signifie leur passage sur les positions de la lutte des classes, et que, seul, ce passage garantit le succès de la lutte contre l'offensive du Capital et le fascisme. Ce n'est pas en nous proposant dans ces pays des tâches plus vastes que nous surmonterons les difficultés que nous rencontrons. C'est, au contraire, en luttant pour faire disparaître ces difficultés que nous préparerons non en paroles, mais en fait, la formation d'un véritable Front populaire de lutte contre le fascisme, contre l'offensive du Capital, contre la menace de guerre impérialiste.

    La question se pose autrement dans des pays tels que la Pologne, où, à côté du mouvement ouvrier, se développe un puissant mouvement paysan, où les masses paysannes ont leurs propres organisations qui se radicalisent sous l'influence de la crise agraire, où l'oppression nationale suscite l'indignation parmi les minorités nationales. Là, le développement du Front populaire de lutte se fera parallèlement au développement du front unique prolétarien et, parfois, dans ce type du pays, le mouvement du Front populaire peut même devancer le mouvement du front ouvrier.

    Prenez un pays tel que l'Espagne, qui traverse un processus de révolution démocratique bourgeoise. Peut-on dire ici que la dispersion du prolétariat, au point de vue de l'organisation, exige l'établissement de la complète unité de lutte de la classe ouvrière avant la formation d'un front ouvrier et paysan contre Lerroux et Gil Robles ? En posant ainsi la question, nous isolerions le prolétariat de la paysannerie, nous abandonnerions en fait le mot d'ordre de la révolution agraire, nous faciliterions aux ennemis du peuple la possibilité de diviser le prolétariat et la paysannerie et d'opposer la paysannerie à la classe ouvrière. Comme on le sait, ce fut là une des causes principales de la défaite de la classe ouvrière asturienne lors des batailles d'octobre 1934.

    Toutefois, il y a un point à ne pas oublier : dans tous les pays où le prolétariat est relativement peu nombreux, où la paysannerie et les couches petites-bourgeoises de la ville prédominent, dans ces pays il importe encore plus de déployer tous les efforts pour établir un solide front unique de la classe ouvrière elle-même, afin que celle-ci puisse occuper sa place de facteur dirigeant par rapport à tous les travailleurs. Ainsi, par rapport à la solution du problème du front prolétarien et du Front populaire, on ne peut fournir des recettes universelles pour tous les cas de la vie, pour tous les pays et pour tous les peuples. L'universalisme dans ces choses-là, l'application des seules et mêmes recettes à tous les pays, équivaudrait, permettez-moi de vous le dire, à l'ignorance. Or, l'ignorance, nous devons la frapper même et surtout lorsqu'elle se manifeste sous l'enveloppe de schémas universels.

    Ou encore sur la question du rapport au réformisme petit-bourgeois et à la "gauche" bourgeoise :

    Dutt avait raison d'affirmer qu'il existait dans nos rangs une tendance à considérer le fascisme « en général », sans tenir compte des particularités concrètes des mouvements fascistes dans les différents pays et en taxant à tort de fascisme toutes les mesures réactionnaires de la bourgeoisie, ou même en qualifiant tout le camp non communiste de camp fasciste. Loin de renforcer la lutte contre le fascisme, tout cela l'a, au contraire, affaiblie.

    Or, il subsiste encore maintenant des vestiges de l'attitude schématique à l'égard du fascisme. N'est-ce pas une manifestation de cette attitude schématique que l'affirmation de certains communistes assurant que l' « ère nouvelle » de Roosevelt représente une forme encore plus nette, plus aigüe de l'évolution de la bourgeoisie vers le fascisme que, par exemple, le « gouvernement national » d'Angleterre ? Il faut être aveuglé par une dose considérable de schématisme pour ne pas voir que ce sont justement les cercles les plus réactionnaires du Capital financier américain en train d'attaquer Roosevelt, qui représentent, avant tout, la force qui stimule et organise le mouvement fasciste aux États-Unis*.

    Ne pas voir le fascisme réel prendre naissance aux États-Unis sous les phrases hypocrites de ces cercles en faveur de la « défense des droits démocratiques des citoyens américains », c'est désorienter la classe ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi.

    G. DIMITROV, Pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme, Œuvres choisies (p. 69 du PDF en lien)


    dimitrov.jpg


    [ * Pour prendre un exemple plus contemporain, dans un contexte certes différent (pays dominé), ne fallait-il pas "être aveuglé par une dose considérable de schématisme" pour ne pas voir que, quelle que soit la nature (national-)bourgeoise du réformisme populiste de Chavez, et l'existence d'une répression du prolétariat sous son gouvernement (comme sous celui, bourgeois monopoliste, de Roosevelt !), c'était bel et bien les cercles les plus réactionnaires de l'oligarchie continentale (compradore, bureaucratique et terrienne) et de la bourgeoisie impérialiste de tutelle (US pour les Amériques), ceux qui attaquaient Chavez, ses réformes et ses plans continentaux (ALBA), qui étaient la force stimulant et organisant le fascisme au niveau continental (de Garcia à Uribe, de Calderon à Micheletti, des putschistes vénézuéliens d'avril 2002 aux milices fascistes cambas de Bolivie), à coup de phrases hypocrites sur les droits démocratiques des citoyens ? Certes, à présent, Chavez et ses acolytes (Morales, Correa) sont "rentrés dans le rang" et devenus les bras droits du "centre" de la Réaction continentale (l'axe Colombie-Pérou) ; et ces forces réactionnaires fascistes sont devenues quelque peu inutiles... (ou bien, devrait-on dire, ont gagné sans tirer un coup de feu ?) SLP reviendra sur cette question prochainement dans un article... Mais d'ailleurs, on pourrait aussi tout simplement remplacer Roosevelt par OBAMA ! ]

     


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  • En ce début de décennie 2010, l'ampleur prise par la NOUVELLE VAGUE révolutionnaire mondiale, avec des évènements insurrectionnels jusqu'au cœur des métropoles impérialistes (Angleterre, Allemagne), met clairement à l'ordre du jour une question fondamentale : celle de la construction de l'organisation révolutionnaire qui renversera le capitalisme, la question du PARTI. Une organisation révolutionnaire posant la QUESTION DU POUVOIR, dont les évènements tant en Europe que dans les pays arabes font apparaître cruellement l'absence. La construction partidaire est donc la tâche immédiate des communistes révolutionnaires sincères dans tous ces pays. Par ces thèses fondamentales, Servir le Peuple veut apporter sa contribution à cette tâche, en exposant sa conception de l'organisation communiste de notre époque. Bien sûr, SLP n'est qu'un (petit) média révolutionnaire au sein d'un (petit) réseau, et ces thèses sont forcément discutables, et précisément là pour être discutées, pour lancer le débat franc et ouvert dans le mouvement communiste francophone. Néanmoins, elles reposent sur un engagement révolutionnaire de plus de 10 ans, et déjà presque 2 ans d'expérience en tant que média révolutionnaire au sein du mouvement communiste.

    Précisons simplement que SLP assume à 100%, D'AVANCE, tous les épithètes ("gauchiste", "semi-anarchiste", "petit-bourgeois", "antimarxiste" ou bien "opportuniste de droite") qui pourront lui être lancés par les individus et/ou groupes correspondant aux critiques ci-dessous exposées…

    Les Thèses fondamentales de la construction partidaire au 21e siècle sont donc les suivantes :

    - Anti-sectarisme. La "Vérité révolutionnaire" (conception communiste du monde) est UNE et une seule ; il n'y a pas 36 "vérités" qui se vaudraient : Servir le Peuple rejette ainsi la conception trotskyste du "droit de tendance"*. Mais voilà : dans le dernier quart du 20e siècle, avec le triomphe de la contre-révolution en Chine et l'évidence de la faillite du "capitalisme d'Etat" soviétique, le mouvement communiste international a subi un grand revers stratégique mondial et une grande décomposition. La "Vérité" est donc, aujourd'hui, "éparpillée façon puzzle" : AUCUNE organisation, aucun collectif, aucun individu révolutionnaire (et pas plus SLP que les autres) ne peut prétendre la détenir à 100%, ni même à 80%, ni même (soyons francs) majoritairement. En revanche, TOUTES ou presque toutes les organisations (et les collectifs, et les individus révolutionnaires), même lorsque leur conception du monde et leur stratégie sont très majoritairement erronées, en détiennent une partie, détiennent quelques conceptions intéressantes, quelques pièces du puzzle. Ceci est valable pour les organisations-collectifs-individus ML ou maoïstes, mais aussi "trotskisants" (le trotskysme "pur" n'existe pratiquement plus aujourd'hui) ou libertaires ou anarcho-communistes (dont les critiques sur la forme-Parti, disons-le, doivent être entendues après les graves échecs du 20e siècle, où la nouvelle bourgeoisie s'est formée dans le Parti même). Le Parti qui fera la révolution ne pourra reposer que sur une conception du monde (au moins) à 70% ou 80% complète et juste : la tâche actuelle des communistes est donc de construire cette conception communiste du monde, de rassembler les pièces du puzzle. Il ne faut s'interdire aucune source, aucune "matière à réflexion" théorique d'où qu'elle vienne, sur de bêtes a priori idéologiques ("c'est des trotskyyyystes !", "c'est des révisionniiiiistes !" etc.).  

    D'autre part, les communistes, vis-à-vis des organisations "révisionnistes", "trotskystes", "syndicalo-réformistes" etc. etc., doivent avoir pour ligne de conduite de principalement parler à la gauche (dans toute organisation existe une gauche : ensemble des conceptions progressistes tendant vers la conception communiste, et des éléments portant ces conceptions), afin de la rallier à leur Front uni**, favoriser la lutte de lignes dans ces organisations et isoler la droite ; et non principalement attaquer la droite, ce qui a beaucoup été le cas par le passé (surtout les 30 ou 40 dernières années), donnant des communistes une image agressive et sectaire, et conduisant la gauche à "faire bloc" avec la droite... Cela est également valable pour les individus pris isolément, en qui existent toujours des conceptions progressistes (une gauche) à "réveiller", à mettre en contradiction avec leurs conceptions réactionnaires, etc. C'est un travail de longue haleine, mais les communistes ont pour eux leur vision scientifique des choses. Des centaines des personnes pourraient ainsi, chaque année, être gagnées au mouvement communiste, au Parti ou à son Front uni, plutôt que laissées au réformisme bourgeois ou à la réaction, voire au fascisme...

    - Feu sur les avant-gardes autoproclamées : les individus et groupes qui "font la révolution" uniquement pour 1°/ pendant la lutte révolutionnaire, se sentir importants, se prendre pour Lénine, "s'exciter sur leur piédestal" ; 2°/ dans (l'éventuelle) nouvelle société socialiste, rester sur le dessus du panier. Ce genre de personnages infeste malheureusement le mouvement communiste au sens large (ML, maoïste, trotskyste et même libertaire). Ce n'est pas tant qu'ils représentent un grand danger : les masses prolétaires et populaires avancées et combattives ont aujourd'hui atteint un niveau de conscience politique qui fait qu'elles se détournent (à 99%) d'eux ; ils ne représentent rien. Malheureusement, ces masses avancées et combattives se tournent alors vers des organisations certes "de masse" (encore que tout soit relatif...), mais réformistes (NPA, PC-JC-UEC, organisations du "Front de Gauche", syndicats comme la CGT ou SUD), ou anarchistes (avec donc une stratégie révolutionnaire et de transition capitalisme->communisme erronée). C'est malheureux, mais en même temps compréhensible. Le leitmotiv du communiste révolutionnaire professionnel (qui constitue le Parti) doit être au contraire de SERVIR LE PEUPLE, servir le peuple et servir le peuple.

    - Anti-dogmatisme. Refus d'un "communisme des icônes" : un mouvement communiste qui ne serait qu'une crypte où d'immenses portraits (de Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao...) et des Livres sacrés poussiéreux (les "classiques") baigneraient dans les fumées d'encens... Si le mouvement communiste international a connu le revers global qu'il a connu dans le dernier quart du 20e siècle, c'est qu'AUCUN dirigeant, AUCUNE conception du monde ne s'est révélé totalement à la hauteur de l'enjeu ultime (le communisme universel). Voir à ce sujet l'intéressant article de Feu de Prairie, repris par Libération Irlande : De l’utilisation des figures radicales au sein de la gauche révolutionnaire.*** Nous partageons ainsi totalement le point de vue de cet excellent article maoïste canadien : le marxisme, le léninisme et le maoïsme ont donné les noms de trois personnalités particulièrement marquantes (Marx, Lénine et Mao) aux trois grandes étapes du développement du socialisme scientifique ;  mais cela ne signifie en aucun cas que la pensée et la pratique concrète de ces personnalités ait été exempte de toute erreur, totalement infaillible et qu'elle soit insusceptible de critique (surtout avec le recul historique).

    Là encore, les masses avancées et combattives se détournent de ce qui ressemble à des églises, et non à des organisations révolutionnaires.

    - Conséquence de ce qui précède, repenser la forme-Parti. SLP considère fermement, en désaccord avec les libertaires ou les trotskystes (et leurs fourre-tout façon NPA), que la forme-Parti est indispensable. Mais celle-ci, au 20e siècle, s'est sans doute trop conçue sur un mode dogmatique, sectaire et/ou perméable aux avant-gardes autoproclamées [le PC chinois s'est ainsi voulu assez peu dogmatique et sectaire (conception du Front uni), mais a en revanche trop laissé s'infiltrer ou se développer (à partir d'éléments sains à la base) une caste bureaucratique uniquement là pour se sucrer, malgré l'expérience fabuleuse de la Révolution culturelle contre cela]. "Les masses font l'histoire, le Parti les dirige" : c'est vrai. Sans le Parti, les masses ne peuvent remporter la victoire, elles ne peuvent PRENDRE LE POUVOIR ; en revanche, elles ont toujours raison de se révolter contre l'oppression (et leurs révoltes nourrissent dialectiquement la construction partidaire). Mais surtout, le Parti n'est pas une élite éclairée arrivant aux masses d'on-ne-sait-où. Le Parti FAIT PARTIE des masses prolétaires et populaires avancées et combattives : il est leur frange la plus consciente et organisée, autour d'une conception communiste du monde et d'une stratégie révolutionnaire claire (adaptée à la réalité concrète de l'espace géographique considéré). Ni plus, ni moins. A ce sujet, voici la réflexion de Redskinheads de France (RS2F), discutable mais intéressante (justement) par la réflexion et le débat qu'elle suscite. Elle exprime, elle aussi, un rejet populaire des "avant-gardes éclairées" autoproclamées "Parti" : Si tu examines objectivement les actions menées par l'ensemble du mouvement, le combat au sein de l’UGTT, les émeutes, les grèves coordonnées, la circulation des appels en Tunisie, tu réaliseras vite que quelque chose qui ressemble au Parti que tu imagines est à l'œuvre. Le Parti est-il autre chose que la coordination consciente des prolétaires les plus en pointe dans le mouvement pour le faire aboutir ? Doit-il nécessairement et formellement se nommer Parti et arborer l'étoile rouge pour exister objectivement ?

    [En quelques lignes, cette conception est discutable car :

    1°/ elle fait l’impasse sur la nécessité d’une conception du monde autour de laquelle construire ce Parti (dans les pays arabes, les masses populaires luttaient généralement pour une "démocratie" et un "Etat de droit" "à l’européenne" ; peu mettaient en avant la nécessité d’une Nouvelle démocratie prélude au socialisme, ni la question de la domination impérialiste et de la libération nationale (attaques concentrées contre le "tyran domestique")) ;

    2°/ elle fait l’impasse également sur la stratégie révolutionnaire qui doit guider l’action du Parti, pour la conquête du pouvoir, le renversement de la classe dominante (les masses insurgées arabes, privées de cette stratégie, n’ont donc pas renversé l’oligarchie compradore-bureaucratique-terrienne ; le vieil Etat a simplement été rénové).]


    EN AVANT pour la construction du grand PARTI COMMUNISTE révolutionnaire, qui mènera la GUERRE DE CLASSE pour renverser la dictature du Capital, et portera le prolétariat au POUVOIR pour BALAYER LE VIEUX MONDE !

     


     * Les « tendances », que les maoïstes appellent LIGNES, n’ont pas « le droit » d’exister ; elles existent NATURELLEMENT et ce n’est pas une « coexistence  pacifique » : elles s’affrontent et DOIVENT s’affronter pour (dans l’idéal) faire triompher la MEILLEURE (la plus révolutionnaire, la plus prolétarienne) conception du monde (malheureusement, on le sait, ce n’est pas toujours le cas…).

    ** Exemples : en Chine, si le Kuomintang a massacré les communistes en 1927, on oublie souvent que toute une aile gauche de ce parti s'opposa aux agissements de Tchang Kaï-chek, et finit par rallier le Front uni : notamment la veuve de Sun Yat-sen elle-même, Soong Ching-ling, qui deviendra présidente de l'Union des Femmes et même, peu avant sa mort (déjà sous le révisionnisme, en 1981), présidente honoraire de la République populaire. On peut citer aussi l'exemple de Martynov, "aile gauche" du Parti menchévik, qui rallia la Révolution soviétique et la servit fidèlement jusqu'à sa mort en 1935. Ou encore l'opération antifasciste de la Mutualité, à Paris en 1973 : les marxistes-léninistes (en l'occurrence le PCMLF) réussirent à entraîner la gauche de la LCR trotskyste (Recanati, Bensaïd), à isoler la droite syndicalo-pantouflarde (Filoche, Frank) et à neutraliser le centre (les frères Krivine) pour co-organiser l'opération. 

    *** Sur ce point, voici un EXCELLENT article adressé à SLP depuis le Machrek arabe :

    AUX MAOÏSTES ARABES

    De même que beaucoup de trotskystes considèrent Trotsky comme un prophète (et se voient eux-mêmes comme les gardiens d'une pureté théorique élaborée après la Révolution d'Octobre), il y a également beaucoup d'autoproclamés maoïstes qui imaginent Mao comme une sorte de génie surhumain, incapable d'erreurs. Plutôt que de considérer le nom comme le dénominatif de la théorie, il y a une tendance à faire de la personne la théorie et de la théorie la personne... Ainsi, chaque fois que les actions de la personne ayant donné son nom à la théorie sont critiquées, il y a un réflexe pavlovien pour défendre à tout prix ces actions : puisque la personne et la théorie sont rendues identiques et indissociables, confirmer la dernière implique de défendre la première.

    Un communiste critique, cependant, a besoin de comprendre que les noms ne sont rien d'autre que des jalons de ruptures théoriques importantes, simplement nommés ainsi pour indiquer le théoricien qui a produit des analyses concrètes universelles de situations concrètes, lesquelles ont amené un développement supérieur de la science révolutionnaire. 

    Les communistes critiques, ainsi, ne doutent point que Marx faisait erreur à certains sujets, dans les limites du cadre théorique qu'il avait conceptualisé ; c'est l'horizon théorique qu'il a ouvert (aux côtés d'Engels) qui est important. Et les marxistes-léninistes-maoïstes considèrent que ces limites ont été dépassées, dans un développement ultérieur, par Lénine, et, après lui, par Mao ; les apports théoriques de chaque révolution dans l'histoire du monde se ré-universalisant dans une dialectique continuité-rupture. Continuité parce que l'universalisation initiale contient les germes d'apports historiques ultérieures ; et rupture parce que ces apports rompent avec certaines méthodes pratiques, défient la momification dogmatique, et posent de nouvelles questions. Une science est ouverte sur l'avenir et la chaîne du marxisme-léninisme-maoïsme implique d'imaginer que de nouvelles révolutions historiques dans le monde, partant du point de départ de la position précédente dans la chaîne, produisent un nouveau moment de continuité-rupture, ré-universalisant la théorie révolutionnaire communiste. Comme Marx n'avait de cesse de le rappeler : nous ne pouvons répondre qu'aux questions qui se posent historiquement à nous. 

    D'ailleurs, même si ces développements portent le nom d'une personne, puisque c'est cette personne qui a théorisé ce moment de ré-universalisation, il faut bien souligner que ces noms sont de simples dénominatifs pour un progrès historique mondial. Marx, Lénine et Mao étaient des gens avisés, certes, et de grands révolutionnaires, mais il y avait aussi d'autres brillants intellectuels révolutionnaires à leurs époques respectives (toute notion qu'ils étaient plus "géniaux" que tous les autres, qu'ils possédaient des capacités surnaturelles, ou que le "génie" est quelque chose de pas tout à fait social, est idéaliste et anti-matérialiste). Ces figures étaient simplement des gens qui ont eu le privilège d'être au bon endroit au bon moment de l'histoire, et le privilège d'avoir la socialisation et l'éducation leur permettant de ne pas être seulement des leaders révolutionnaires, mais aussi d'avoir les ressources intellectuelles/sociales pour théoriser les situations révolutionnaires qu'ils organisaient en partie. Dans ce sens, ils sont les symboles d'un processus, des sujets individuels dans une réalité collective, où les masses populaires font l'histoire comme espèce et, dans le même temps, sont faites par cette histoire.  

    Mao était un grand leader et théoricien révolutionnaire, mais il était aussi un être humain et les êtres humains ne sont pas des anges, ils ne sont pas des représentants purs d'un ordre divin (ils sont imparfaits, recouverts par les scories de l'histoire). Si nous comprenons que les erreurs de Marx peuvent être critiquées à partir de se propre théorie, nous pouvons aussi comprendre que les erreurs de Mao peuvent être critiquées par le maoïsme. Ainsi, en tant que maoïste critique, je n'approuve pas les positions erronées de Marx sur le colonialisme, ni les positions erronées de Lénine dans la gestion des soviets. Ceci, évidemment, n'implique en aucun cas que les cadres théoriques définis par ces révolutions soient incorrects.  

    Si nous ne parvenons pas à avoir cette compréhension d'une science VIVANTE de la révolution, alors nous risquons de devenir des puristes dogmatiques et nous ne serons jamais capables d'appliquer la théorie révolutionnaire dans nos circonstances concrètes. Il est très dangereux d'imaginer que nous pouvons sauvegarder une pureté théorique comme si elle existait en dehors de l'espace et du temps, au delà de l'histoire et de la société ; nous ne pourrons ainsi jamais comprendre nos circonstances concrètes particulières. L'application de l'universel requiert la compréhension du particulier concret ; la dialectique entre l'universel et le particulier est d'une importance vitale - et c'est ce que nous entendons par "communisme révolutionnaire comme science vivante".

    Source originale (traduction partielle SLP) : http://moufawad-paul.blogspot.fr/2011/09/marxism-beyond-marx-leninism-beyond.html ; traduction complète ici.

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  • Le massacre fasciste d'Oslo, par l'"occidentaliste" Anders Breivik (8 mort-e-s par une bombe devant le Parlement et 69 dans le mitraillage d'un camp de jeunesse du Parti travailliste) marque (bien loin d'un "acte fou" et "isolé") un tournant dans la montée du fascisme en Occident capitaliste. Déjà, depuis un peu plus d'un an, les agressions de militant-e-s antifascistes se sont multipliées dans l'Hexagone, notamment à Lyon, de plus en plus violentes et barbares, allant jusqu'au viol d'une militante début juillet dernier.

    Ce que cela veut dire est clair : l'offensive fasciste contre le mouvement révolutionnaire (communiste/anarchiste) et tous les progressistes/démocrates sincères, les dépositaires des reliques de la pensée bourgeoise lorsque celle-ci était progressiste, humaniste et universaliste ; est déclarée.

    Cela est clairement exposé dans un morceau de "oï" fasciste qui fait un tabac en ce moment : "saloperie socialiste, racaille communiste, staliniens, MAOÏSTES : on vous aura !"... (http://www.youtube.com/watch?v=5TqaU4LPRtA)

    Les minorités immigrées, les Rroms, les minorités sexuelles sont et seront toujours attaquées pour forger "l'Européen nouveau" fasciste dans la barbarie impérialiste et patriarcale, prêt à la contre-révolution exterminatrice et à la guerre impérialiste. Mais fondamentalement, l'ennemi principal est désigné : ce que Breivik appelle le "marxisme culturel", c'est à dire, non seulement ceux et celles qui veulent renverser le capitalisme pour instaurer une société nouvelle, socialiste ou directement communiste, mais aussi tou-te-s ceux et celles qui "freinent", avec leurs conceptions démocratiques-humanistes-universalistes bourgeoises, la fuite en avant du capitalisme dans la barbarie exploiteuse et militariste. C'est la dimension contre-révolutionnaire totale du fascisme qui s'affirme, loin du fascisme "révolutionnaire mais antimarxiste", "frère jumeau de la social-démocratie" parfois théorisé (et que le massacre de Breivik vient faire voler en éclat). 

    La situation impose donc de se poser un moment, et de faire le point sur le bilan de l'antifascisme à ce jour, afin d'en tirer les leçons pour la lutte antifasciste de demain.

    Les années 2007-2010 ont été marquées par l'expérience de l'ACTION ANTIFASCISTE, réseau de groupes locaux autonomes mais liés, tentant de rompre avec "l'antifascisme de rue" (purement militaire : affronter physiquement les fascistes dans la rue) pour mener le combat sous un angle plus idéologique et culturel. Cette expérience s'est révélée de prime abord négative : prise de contrôle par la secte ultragauchiste allumée de "Contre-informations", liquidation du forum après un partage en vrille total sur le "racisme anti-blancs" et une "brillante" défense de la Fraternité aryenne (!!!), la plupart des blogs au point mort ou de très piètre qualité (comme l'A"a"63 qui a récemment attaqué et menacé SLP), d'autres individus et/ou collectifs (AA Bordeaux, AA Alsace, AA Montpellier devenue Feu de Prairie, AA Pévèle-Mélantois devenue Comprendre-Expliquer-Combattre, Libération Irlande  dédié à la LLN irlandaise, et dernièrement Redskinheads de France – RS2F) ayant pris des distances... de l'ordre de l'année-lumière. Assez désolant, quand on voit le niveau de l'antifascisme par exemple en Italie, ou plusieurs "Casa Pound" ("centres sociaux" fascistes liés à La Destra) ont été abandonnées face à la mobilisation des antifascistes (notamment les camarades CARC en Toscane, ou les Red Blocks du PCmI dans le Sud).

    Pour autant, c'est une expérience RICHE par les enseignements qu'elle laisse pour l'avenir.

    Elle a consisté notamment, et apporté des analyses intéressantes à ce sujet, en l'étude de la manière dont le fascisme "germe" idéologiquement dans la petite-bourgeoisie/classe-moyenne prolétarisée par la crise, mais refusant la voie révolutionnaire (marxiste ou libertaire), refusant de rejoindre le prolétariat dans son combat d'émancipation de l'humanité entière. Une petite-bourgeoisie/classe-moyenne BIEN PLUS IMPORTANTE qu'elle ne l'était dans l'entre-deux-guerres (toutefois, à cette époque, il y avait plus de paysans...), car le capitalisme, depuis le milieu du 20e siècle, "soutient" son taux de profit par la consommation, ayant transformé les sociétés capitalistes occidentales en sociétés de consommateurs et "petit-embourgeoisé" la population (déplaçant la production à bas coût, "de base", vers les pays dominés)... Mais aujourd'hui, ce "niveau de vie" et ce "confort" occidental partout s'effondrent et, en l'absence de mouvement communiste fort, c'est la mobilisation réactionnaire de masse et les thèses les plus délirantes (complotisme, "illuminatis") qui tendent à l'emporter.

    De la frange extrême de cette mobilisation réactionnaire de masse naissent les groupes fascistes, qui sévissent actuellement dans toute l'entité bleu-blanc-rouge et dans toute l'Europe, agressant minorités et militant-e-s révolutionnaires et progressistes, jusqu'au tout récent massacre en Norvège. Certains sont importants et structurés au niveau des États bourgeois (comme les Identitaires ou l'English Defense League), d'autres petits et locaux, oscillant entre hooliganisme footballistique et saluts nazis avec une bière dans la main gauche... Tous naissent de la même matrice : une classe moyenne (et une aristocratie ouvrière à la mentalité de "petit propriétaire") paupérisée, qu'un mouvement communiste encore trop faible ne parvient pas à accrocher à la locomotive de la lutte révolutionnaire. Cette analyse de l'Action Antifasciste est un (peut-être le seul) point positif de l'expérience : jusque là, l'antifascisme "radical" et "de rue" analysait le fascisme comme une "gangrène" qu'on "élimine ou on en crève", mais ne cherchait pas à savoir d'où cette "gangrène" sortait, privé des outils d'analyse scientifique les plus élémentaires, après 30 ans de décomposition du mouvement communiste.

    Le problème, et là d’où est parti leur dérive ultragauchiste, c’est qu’ils n’ont pas su analyser les MÉCANISMES par lesquels le fascisme devient une menace totale et permanente (et non plus ponctuelle et marginale), autrement dit, les mécanismes par lesquels le fascisme entre au SERVICE de la classe dominante et de son État comme "troupe de choc", et en définitive comme "gouvernement d’exception" pour l’accomplissement de la contre-révolution et des plans impérialistes les plus terroristes et réactionnaires : le stade FINAL du capitalisme, la réaction sur toute la ligne (stade final, du moins, jusqu’à ce qu’une guerre mondiale "fasse le ménage", détruise une quantité considérable de forces productives, et permette une "relance" de l’accumulation comme après 1945…).

    Pour analyser cela, il ne faut pas lire Sternhell mais Gossweiler  (que l’Action Antifasciste connaît et publie pourtant).

    Ils ont donc mené, finalement, leur combat principal contre la petite-bourgeoisie "fascistoïde" et… la petite-bourgeoisie réformiste, considérée comme "frère jumeau" ( !), et non contre l’aspect principal du problème : la dictature des monopoles, dont la frange la plus réactionnaire pousse en avant le fascisme (comme système de valeurs) et les fascistes…

    Voyant la "répression" et la "diabolisation" subies par les fascistes, ils en sont venus à les considérer comme une force révolutionnaire ( !), combattant la classe dominante comme le font les communistes, mais pour une révolution "négative", anti-scientifique, un "anticapitalisme romantique"… et encore : faire le "grand ménage" dans les quartiers populaires est finalement considéré comme une aspiration tout à fait légitime et "progressiste" des masses populaires, relevant de la "dignité du réel" (concept inconnu au bataillon marxiste, tiré d’une citation de Lénine*) ; le seul problème des fascistes à ce sujet étant d’être des "partis bourgeois" et de… ne pas pouvoir répondre réellement à cette aspiration ! (ça promet niveau conception du monde !)

    Cette analyse du fascisme comme "révolutionnaire", car subissant la répression de l’État "démocratique" bourgeois, est en tout cas profondément erronée.

    D’abord parce que les groupes fascistes, par rapport à leur pouvoir de nuisance réel et surtout potentiel (car chaque perquisition met à jour de véritables arsenaux, armes de guerre etc.), subissent une répression bien légère par rapport à ce que subiraient des groupes de gauche révolutionnaire (marxistes ou anarchistes), ou même réformistes "radicaux" type NPA, si une perquisition chez un de leurs membre mettait à jour la même chose… La bourgeoisie (n’en doutons pas) hurlerait alors au "terrorisme", au retour des Brigades Rouges et d’Action Directe, etc.

    Ensuite… parce que nous sommes au 21e siècle, pas au 20e. Il y a eu des expériences fascistes au 20e siècle, et la bourgeoisie en a tiré les enseignements. Il serait profondément erroné d'attendre le fascisme aujourd'hui dans les mêmes formes, sur le même modèle qu’au siècle dernier. Il est possible, très envisageable même, que la bourgeoisie du 21e siècle ne souhaite pas un fascisme sous ces mêmes formes qu’au 20e.

    Notamment un fascisme qui lui "échappe", qu’elle ne parviendrait plus à contrôler ; un fascisme "seul aux commandes" qui suivrait son propre agenda et ferait n’importe quoi. Le 20e siècle a connu UN exemple de fascisme comme cela : le national-socialisme allemand. Le NSDAP dont l’appareil dirigeant s’est constitué en "classe dirigeante parallèle", en "État dans l’État" disposant de sa propre force armée (la Waffen SS qui surpasse l’armée régulière – Wehrmacht – à partir de 1943 pour atteindre 900.000 hommes à la fin de la guerre) et de son propre complexe militaro-industriel (Reichswerke Hermann Göring), au service d'une "caste politico-militaire" prospérant sur le pillage des pays conquis [au sujet de tout cela, lire ici : http://quefaire.lautre.net/Marxisme-et-holocauste - article "férocement trotskyste" mais non moins intéressant]. Suivant son propre agenda (différent de celui du Grand Capital allemand) et après de grands succès militaires initiaux et le contrôle de toute l’Europe continentale fin 1941, cet État parallèle a accumulé les choix fumeux (un bon exemple étant sans doute la déclaration de guerre aux États-Unis en décembre 1941, à laquelle rien ne l'obligeait puisque le Japon n'avait rien fait contre l'URSS depuis juin - le pacte d'assistance mutuelle pouvait donc être considéré comme caduc) et conduit l’Allemagne à un désastre militaire et humain sans précédent (raison pour laquelle, dès 1943, une fraction de la bourgeoisie allemande et de la caste militaire "traditionnelle" va tenter de liquider Hitler).

    En Italie, le fascisme mussolinien a globalement servi les intérêts de la grande bourgeoisie en écrasant le mouvement révolutionnaire ouvrier et paysan, en menant avec succès les expéditions coloniales de Libye et d’Éthiopie et en l’aidant à devenir une "vraie" bourgeoisie, débarrassée des résidus de féodalité (mafias, pouvoir du Vatican etc.). Mais à partir de 1939, lorsqu’il attaque l’Albanie (déjà protectorat italien de fait) puis la Grèce (fasciste et alliée !) et lie ses destinées au Reich nazi, on peut également dire que le Parti national fasciste et son clan dirigeant s’émancipent du Grand Capital pour suivre leur agenda propre (là encore, conquête militaire et pillage de territoires) : là aussi, cela conduira l’Italie au désastre militaire, à l’occupation alliée des 2/3 du pays et à la quasi-victoire de la révolution socialiste en 1945 (évitée seulement "grâce" à l’opportunisme de Togliatti).

    Partout ailleurs (État espagnol, Portugal, Chili, Argentine), on peut dire que le fascisme est resté un loyal serviteur de la (des) classe(s) dominante(s) et, le cas échéant, de l’impérialisme de tutelle (Angleterre au Portugal, USA en Amérique du Sud).

    On peut donc imaginer que la répression qui frappe aujourd’hui les fascistes vise simplement à les garder "sous contrôle", à ce qu’ils restent une "troupe de choc" en réserve pour le moment venu mais ne se constituent pas en NSDAP, en organisme politico-militaire susceptible de concurrencer et de supplanter l’État des monopoles capitalistes.

    Il ne faut donc pas se laisser aveugler par cet écran de fumée : le fascisme n’a rien de "subversif", rien de "révolutionnaire" à l’encontre de l’ordre bourgeois ; il est au contraire son ultime recours, son plus puissant rempart.

    Il y a, certes, des contradictions au sein de la bourgeoisie. Il y a dans la bourgeoisie une gauche (PG, Verts, gauche du PS type Emmanuelli) et une droite modérée (majorité du PS, Modem, Borloo) qui ne veulent pas du fascisme, qui pensent qu’il faut "composer" avec le mouvement ouvrier organisé et les revendications populaires, lâcher des concessions. Et puis il y a une "droite radicale" (UMP) qui pense que l’on peut appliquer des éléments du programme fasciste (FN) tout en maintenant les apparences de la démocratie, en refusant et en freinant la fuite en avant, en refusant les fascistes au pouvoir (même minoritaires dans une coalition, comme en Italie et dans de nombreux pays) et en les "contenant" sur le terrain (en réprimant leurs actions les plus brutales et choquantes).

    Mais tout cela s’effrite de jour en jour, car inadapté aux exigences de terrorisme et d’exploitation totale du capitalisme de notre époque, inadapté à sa fuite en avant sous l’effet de l'effondrement du taux de profit. Faire des concessions pour assurer la paix sociale est efficace mais a un coût : cela nécessite des fonds, des surprofits dont le capitalisme ne dispose plus, à moins de recourir à la guerre impérialiste (et encore, celle-ci a aussi un coût, on l’a vu pour les États-Unis en Irak).

    La gauche et la droite "modérée" bourgeoises se rétrécissent comme une peau de chagrin et la droite "radicale" (comme le courant Droite Populaire de l’UMP) se droitise de plus en plus, assumant sa proximité avec les thèses FN (finalement, qu’est-ce qui les sépare encore, à part la question de l’UE et de l’euro, contradiction totalement dépassable pour la bourgeoisie ?).

    Et cette droite radicale de plus en plus à droite exerce, comme tout grand corps sur un plus petit, une force d’attraction sur la droite modérée et (plus faible encore) la gauche bourgeoise : cette force d’attraction fait émerger des Gerin avec leurs délires islamophobes (ou contre la "racaille issue de l’immigration qui ne s’intègre plus"), des Valls avec leurs crises de manque de "whites" dans leur circonscription, etc. ; des personnages assumant un discours "réac de gauche".

    Donc, les contradictions au sein de la bourgeoisie deviennent de plus en plus inopérantes ; et le fascisme (avec notamment sa vitrine "présentable" FN) est en train de conquérir l’hégémonie intellectuelle sur le champ politique bourgeois, la véritable maîtrise de tout le débat politique restant dans les limites (prétendues "indépassables") du capitalisme.

    La bourgeoisie "démocrate-humaniste" qui voudrait s’opposer au fascisme est en train de disparaître comme toute forme de vie inadaptée au monde qui l’entoure. L’objectif (en tout cas l’objectif principal) du fascisme n’est pas de mener une "révolution" contre elle.

    Quelle conclusion tirer de tout cela ?

    Et bien, que la guerre au fascisme, c’est finalement et avant tout la GUERRE AUX MONOPOLES, la guerre contre le Capital. Là est la différence fondamentale avec les démocrates-humanistes-universalistes de la gauche bourgeoise et les sociaux-démocrates de la petite-bourgeoisie, qui ne veulent pas d'un renversement révolutionnaire du capitalisme (même s'ils peuvent être une force d’appoint en situation "tendue").

    Mais cela implique, aussi, de rompre avec "l’antifascisme pour l’antifascisme", l’antifascisme de "groupes autonomes" qui combat "les fascistes" et non LE FASCISME comme projet d’avenir et dernière carte des monopoles capitalistes.

    Le fascisme, c’est « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du Capital financier » (Dimitrov).

    La lutte antifasciste est indissociable de la lutte pour le renversement révolutionnaire du capitalisme. Elle est indissociable de la démarche partidaire, la démarche de construction du Parti comme fraction la plus consciente et organisée du prolétariat, armée de la conception communiste du monde et d’une juste stratégie révolutionnaire. L’Histoire a montré que la "gauche" de la démocratie bourgeoise (et la social-démocratie, fraction du mouvement ouvrier et des masses populaires sous son influence) est impuissante face au fascisme : seul le Parti révolutionnaire du prolétariat peut le vaincre (même s’il peut ensuite, par des erreurs opportunistes, comme en 1945, se faire voler sa victoire).

    Il y a finalement, d’un côté, la bourgeoisie et sa fraction dominante, la bourgeoisie monopoliste, avec son État et deux forces de frappe :

    - l'une "régulière", étatique : police, gendarmerie, CRS, armée etc. ;

    - l'autre "paramilitaire" et supplétive (la bourgeoisie veille pour le moment à ce qu'elle le reste) : les fascistes. 

    Et de l’autre, que faut-il ? Reprenons là les mots des camarades "Amis du Manifeste", dans leur déclaration publiée récemment : « un Parti communiste, cet outil de classe qui est pour (le prolétariat) ce que l’État est à la bourgeoisie : une organisation capable de faire prévaloir ses intérêts de classe ».

    Cela, les initiateurs "maoïstes" de l’Action Antifasciste l’ont bien sûr toujours pensé, mais jamais assumé : conscients que leur conception du monde "passe mal" dans les masses, ils se sont camouflés derrière la supercherie des "groupes autonomes en réseau", tout en noyautant totalement, très autoritairement, la démarche. Mais les gens ont fini par prendre conscience de cette mainmise, et prendre leurs jambes à leur cou…

    Au contraire, nous communistes révolutionnaires maoïstes assumons la tâche de construction du Parti (tâche à laquelle SLP veut apporter sa petite pierre) et l’antifascisme comme activité partidaire.

    Mais nous l’assumons sans sectarisme : autour du Parti il y a le Front uni et même, dirions-nous, deux Fronts concentriques ; un Front "pour", "offensif", révolutionnaire, partageant un objectif clair (renversement du capitalisme et instauration du socialisme) mais ayant des divergences sur l’histoire et le bilan de l’expérience du mouvement communiste au 20e siècle, sur la stratégie révolutionnaire, sur la nature du Parti et de la transition au communisme ; et un Front "anti" plus défensif et plus large, antifasciste, antiraciste et antisexiste, contre les attaques capitalistes envers les travailleurs/euses et les attaques antidémocratiques envers les masses, contre la guerre impérialiste etc. etc.

    Pour SLP, étant donné qu’aucune organisation ne peut prétendre, à ce jour, détenir à 100% LA vérité (la conception communiste correcte du monde), ce serait même une grande économie d’énergie militante que de ne pas batailler comme des chiffonniers pour savoir QUI sera le Parti dirigeant des Fronts concentriques : mieux vaut travailler ensemble en bonne intelligence**, sur des bases claires, et l’organisation qui élaborera la meilleure conception du monde et la meilleure stratégie révolutionnaire prendra naturellement le poste de commandement.

    Dans ce processus prolongé de lutte révolutionnaire, la lutte antifasciste sera une activité essentielle, "parmi d’autres" certes, mais d’une importance grandissante au fur et à mesure que la menace grandira et se fera précise (et a fortiori, le cas échéant, quand le fascisme sera au pouvoir !)…


    Derrière chaque meneur fasciste, se cache le Capital !


    Écraser définitivement le fascisme, c’est renverser le capitalisme et instaurer le socialisme !


    Notre seule arme c'est la RÉVOLUTION, et la seule force à même de lever ce glaive, c’est l’avant-garde consciente et organisée du prolétariat : LE PARTI ! 

     

    [*  "La pratique est supérieure à la connaissance (théorique), car elle a la dignité non seulement du général, mais du réel immédiat" (Lénine)] 

    [** Mais attention : ce n'est pas une unité sans lutte. Comme au sein de chaque organisation, le Front "offensif" révolutionnaire sera le théâtre de LUTTES DE LIGNES entre les organisations, luttes qui nourriront dialectiquement la conception du monde "supérieure" de l'organisation qui prendra la direction. Et dans chaque organisation, la lutte de lignes sera appuyée par les autres organisations, celles "à la gauche" appuyant la gauche, essayant de tirer l'organisation vers la gauche, et celles "à la droite" essayant de la tirer vers la droite (vers le populisme, le mouvementisme, l'interclassisme, la conciliation entre classes)... C'est à la gauche de forger la conception du monde et la stratégie révolutionnaire CORRECTES pour réussir à supplanter la droite, représentant l'influence bourgeoise, dans chaque organisation et dans le Front.]


                   Action-antifasciste-300x300.jpgcommunist-rot-front-germany.jpg


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  • Voici le dernier rebondissement en date de l'affaire qui oppose, depuis déjà quelques années, la Chine à un trio USA-UE-Mexique devant l'OMC, au sujet des mesures "anti-concurrentielles" de Pékin sur les matières premières :


    Le Monde

    Matières premières : Pékin va faire appel de sa condamnation par l'OMC


    La Chine a annoncé, mercredi 24 août, qu'elle allait faire appel de sa condamnation par l'OMC en raison de ses restrictions sur les exportations de matières premières, jugées discriminatoires par l'Union européenne, les États-Unis et le Mexique.

    "Nous considérons que nos politiques ne violent pas les règlements de l'OMC", a déclaré Shen Danyang, porte-parole du ministère chinois du commerce.

    TAXES SUR LES EXPORTATIONS ET QUOTAS D'IMPORTATION

    L'OMC, saisie d'un recours datant de 2009 de l'UE, des États-Unis et du Mexique, avait, le 5 juillet dernier, jugé illégales des restrictions qu'impose la Chine sur les exportations de neuf matières premières cruciales pour l'industrie européenne (bauxite, zinc, coke, magnésium notamment).

    En cause : des taxes imposées sur les exportations, des quotas d'importation et un régime de prix minimum. Européens et Américains estiment que cela contribue à faire grimper les prix des produits finis qui ont besoin de ces matières premières.

    Celles-ci sont utilisées pour des équipements médicaux, des CD, du matériel électronique, le secteur automobile, des réfrigérateurs, la métallurgie non ferreuse, des batteries de voitures ou encore des cannettes de boisson.

    AUGMENTATION DES PRIX MONDIAUX

    Selon les plaignants, les restrictions pratiquées par Pékin, quotas, droits à l'exportation ou prix minimum à l'exportation, ont permis aux entreprises chinoises de bénéficier de meilleurs tarifs que leurs concurrentes étrangères. Elles ont ainsi créé "une distorsion à la concurrence", augmentant "les prix mondiaux", selon Bruxelles, tandis que le représentant américain au commerce extérieur, Ron Kirk, accusait Pékin de pratiquer la "préférence nationale".

    L'Union européenne s'était félicitée début juillet de cette condamnation, y voyant un "signal fort" adressé à Pékin. "Il s'agit d'un verdict clair en faveur d'un commerce ouvert et d'un accès équitable aux matières premières", avait déclaré le commissaire européen au commerce, Karel De Gucht.

     CONTENTIEUX SUR LES TERRES RARES

    Un autre contentieux couve sur les terres rares, un groupe de 17 éléments minéraux nécessaires à la fabrication de très nombreux produits de haute technologie, des iPod aux éoliennes en passant par les piles pour véhicules électriques. La Chine assure environ 95 % de la production mondiale de terres rares, mais elle ne possède qu'environ 36 % des réserves connues de ces substances.

    Le commissaire avait adressé une mise en garde à Pékin au sujet de ce dossier voisin : "A la lumière de ce résultat, la Chine devrait garantir un accès libre et équitable aux fournitures de terres rares."
    Pékin avait décidé en décembre de réduire de 35 % pour le premier semestre 2011 les quotas d'exportation de terres rares, par rapport à la même période de l'an dernier, déclenchant les protestations du Japon, des États-Unis et de l'Allemagne, notamment.

     

    Cette guerre juridique, conduite par les deux principaux pôles impérialistes de la planète (USA et UE) flanqués (pour faire bonne mesure) d’un "émergent" (Mexique), est une parfaite illustration des contradictions inter-impérialistes de notre époque : en l’occurrence, la lutte sans merci pour barrer la route au projet impérialiste chinois.

    Voilà qui relance le déjà vieux (et pas si inutile qu'il n'y paraît) débat sur la nature impérialiste ou pas de la Chine...

    On voit aujourd’hui toute une partie du mouvement dit communiste, chez les révisionnistes (pour soutenir le régime...) mais aussi, surprise, chez les ultragauchistes, employer un argumentaire d'"économie politique" prétendument imparable : la Chine actuelle, disent-ils, ne peut pas être impérialiste, puisque "après la restauration du capitalisme, elle n'est pas passée par le stade de la libre-concurrence !". Cet argument ne tient pourtant pas la route une seconde.

    Prenons les choses dans l'ordre. Lénine a été clair, au début du siècle dernier : du temps de la libre-concurrence, le mouvement ouvrier pouvait exister, mener des luttes et éventuellement remporter des victoires ; mais seul le passage à l'époque des monopoles, de l'impérialisme, met réellement la révolution socialiste à l'ordre du jour. Pour mener à bien la révolution socialiste, émancipation de l'humanité entière par le prolétariat, l'humanité doit en quelque sorte "passer" par le stade des monopoles, car ceux-ci préfigurent, à leur manière, le socialisme par le caractère social étendu de la production, la transformation de la planète en "village global" etc.

    Prenons maintenant les choses dans l'autre sens. Nous avons le socialisme. La gauche révolutionnaire est mise en échec, et la droite révisionniste, partisane de la restauration capitaliste, prend la direction du Parti. Nous allons donc faire "machine arrière" d'un certain stade de construction socialiste, vers le capitalisme. Le "premier rivage" capitaliste que nous allons atteindre, est-il celui de la libre-concurrence ? Bien sûr que non ! Cela va être le stade des monopoles. D'abord (comme en URSS sous Brejnev) sous la forme d'un "capitalisme monopoliste d'Etat", où l'Etat prétendu "du Peuple entier" reste le propriétaire "officiel" des moyens de production. Puis, lorsque la situation économique l'impose, la "propriété d’État" est mise "à la découpe" et forme de gigantesques consortiums aux mains d'une caste d'oligarques (Russie de Eltsine).

    La Chine en est encore, à ce jour, au stade du "capitalisme monopoliste d’État". Mais voilà : les choses ne se sont pas faites exactement comme en URSS.

    Le socialisme chinois des années 1970 était bien plus faible, moins développé que le socialisme soviétique des années 1950 : essentiellement paysan, peu industrialisé sauf dans de grands centres comme Wuhan, etc. Pour accumuler du Capital (des sous, mais aussi des moyens de production, du savoir-faire etc.), les dirigeants révisionnistes autour de Deng Xiaoping ont donc eu l'idée d'"ouvrir" le pays aux investissements étrangers, notamment dans le domaine de la sous-traitance, de la "production première" (à bas coût) de biens de consommation : ils ont fait, en effet, de la Chine des années 1980-90 "l'atelier du monde" (depuis, cette qualité d'atelier mondial s'est quelque peu déplacée vers l'Inde, l'Indonésie, l'Amérique latine etc.). Ils ont aussi mis en place un capitalisme "semi-étatique" : 50% à l’État chinois et 50% à des investisseurs étrangers. MAIS, pour autant, ils n'ont jamais bradé le pays aux impérialistes occidentaux (ou japonais) : la classe capitaliste dirigeante du Parti a toujours "gardé la main" sur les matières premières (d'où le contentieux devant l'OMC !), les ressources énergétiques, l'industrie lourde etc. : jamais les "investisseurs" impérialistes n'ont eu accès à ces "secteurs clés" (souvent relégués dans l'arrière-pays, alors que "l'ouverture" était confinée dans des "zones économiques spéciales" sur la côte). L'"ouverture" ne devait donc, bel et bien, être qu'une tactique pour accumuler du Capital, l'objectif (reconnu publiquement plus tard, dans les années 2000) étant de faire de la Chine la "première puissance mondiale" à l'horizon 2050...

    Cette politique économique d'"atelier du monde" a bien sûr engendré une classe d'intermédiaires, de "compradores rouges". Qui, poussés par l'appât du gain, ont pu se mettre à souhaiter "plus d'ouverture", une compradorisation totale, c'est à dire, finalement, ramener la Chine à l'état de semi-colonie qu'elle était avant 1949. C'est cette classe qui, s'appuyant sur les JUSTES revendications démocratiques et sociales du Peuple, a conduit en 1989 la contestation de Tienanmen. Mais la direction de Deng Xiaoping et Li Peng écrasa cette contestation dans le sang (4.000 mort-e-s), assurant le triomphe de la "voie social-impérialiste" contre la "voie compradore".

    Pour étayer cette démonstration, prenons maintenant un contre-exemple : l'Inde. L'Inde est décrite elle aussi comme une puissance montante, "émergente". C'est une puissance économique, qui a déjà constitué quelques monopoles (Tata, Mittal etc.), et une puissance démographique (1 milliard d'habitant-e-s) et militaire qui exerce une certaine domination sur ses petits voisins (Népal, Bhoutan, Sri Lanka...). Mais l'Inde reste un pays dominé par l'impérialisme, car dominé par la semi-féodalité. C'est d'abord un pays très décentralisé, où le pouvoir fédéral de New Delhi n'a finalement que peu de prérogatives face aux pouvoirs locaux (une trentaine d’États fédérés, environ 800 districts). Les grands propriétaires terriens, souvent héritiers des radjahs et maharadjahs de l'époque coloniale, sont seuls maîtres sur leurs terres ; et malgré l'existence de grandes compagnies indiennes, les matières premières et les ressources énergétiques sont souvent contrôlées par des multinationales occidentales, de même que l'industrie lourde (sidérurgie, métallurgie, mécanique etc.). Une Inde impérialiste n'est donc pas à l'ordre du jour : tout juste peut-elle être un "gendarme régional" de l'Occident en Asie du Sud et dans l'Océan indien... et un contrepoids face à la Chine. Le même constat peut s'appliquer au Brésil, au Mexique... Au contraire, en Chine, la féodalité a été éradiquée par la Révolution. De même qu'en Russie, et c'est pourquoi, passé 1945, les seuls pays à avoir pu devenir impérialistes sont des pays passés par le socialisme (Russie et Chine), sauf à considérer le cas de l'Etat espagnol (politique très volontariste de développement capitaliste sous Franco, mais pays impérialiste ? En s'appuyant sur les économies catalane et basque, peut-être...).

    En réalité, il faut le dire clairement, les théories visant à affirmer que la Chine actuelle n'est ni impérialiste, ni sur la voie (consciente et méthodique) de l'être, sont des théories d'avant-gardes autoproclamées qui n'ont que deux buts :

    -> soit considérer la Chine comme "toujours un peu socialiste", ou au moins "progressiste et anti-impérialiste", "camp de la paix" (PTB), "en NEP indéterminée" (Éditions prolétariennes) ; ceci afin de justifier une éventuelle alliance social-impérialiste de la France (une France "socialiste" de profs phraseurs et autres parasites) avec elle ;

    -> soit la ramener à un pays totalement compradore et quantité négligeable, afin de brouiller les cartes de la "géopolitique" mondiale et d'affirmer que s'affrontent en réalité deux blocs impérialistes sur la planète : USA (avec l'Angleterre, le Japon, Israël etc.) et "France-Allemagne-Russie", pour justifier ainsi un appui objectif au premier bloc (cette ligne a toutefois un peu évolué, notamment sur le dossier libyen).

    Pour SLP, tout cela n'est que fumisterie et merde en barre ; LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP ; et les Peuples ont selon les régions du monde un ennemi principal :

    - sur le continent africain, même si les impérialistes anglo-saxons, chinois ou encore russes sont présents, c'est clairement la Françafrique, l'impérialisme BBR : il faut dénoncer et combattre l'agression impérialiste en Côte d'Ivoire ; il faut dénoncer la manœuvre impérialiste en Libye, tout en rappelant le rôle de fidèle serviteur de la Françafrique (en plus de bourreau de son Peuple) qu'a longtemps joué Kadhafi avant de tomber en disgrâce ;

    - sur le continent américain, c'est clairement l'impérialisme U$ et il faut condamner sans appel toutes ses actions criminelles, comme le coup d’État au Honduras ;

    - dans "l'étranger proche" eurasien (ex-URSS) et la Fédération de Russie, c'est l'impérialisme russe ; [(Rectificatif) Et encore : lorsqu'un pays frontalier de la Russie passe clairement sous la coupe des puissances occidentales qui réhabilitent et s'appuient sur les forces les plus réactionnaires, parfois ouvertement nostalgiques du Reich nazi, comme cela s'est produit en Ukraine en 2014... mais aussi (à vrai dire) dans tous les "pays de l'Est", en Yougoslavie ou dans les Pays baltes entre 1989 et 1992, il devient difficile de dire que l'impérialisme russe y est l'ennemi principal. En réalité, il est pratiquement possible de dire qu'en dehors de leurs frontières (Fédération de Russie et République "populaire" de Chine), les monopoles russes et chinois et leurs forces armées (ou celles des régimes qu'ils soutiennent) sont en quelque sorte l'ennemi principal "au cas par cas", de manière limitée dans l'espace et dans le temps (comme déjà du temps de la Guerre froide d'ailleurs : invasion et occupation soviétique de l'Afghanistan par exemple), alors que sauf cas exceptionnel (par exemple le "soutien" - au demeurant contradictoire et tout relatif - aux Kurdes de Rojava contre l'"État islamique") lorsque l'Occident met son nez quelque part il y est quasi-automatiquement l'ennemi principal, fomentant systématiquement la réaction la plus noire.
    UN JOUR PEUT-ÊTRE le bloc actuellement constitué ("Coopération de Shanghai") autour de la Russie et de la Chine (entre lesquelles les contradictions ne sont pas non plus inexistantes, en Extrême-Orient russe notamment !) pourrait se convertir, comme le bloc Allemagne-Italie-Japon des années 1930, en menace principale au niveau planétaire... mais ce jour n'est pas encore arrivé et ce serait alors pour une période limitée dans le temps (une dizaine d'années pour le bloc précédemment évoqué entre 1935 et 1945... ceci n'ayant par ailleurs été le point de vue populaire partout que très tardivement : jusqu'en 1942 voire 43 voire 44 énormément de Peuples ont pu considérer que leur ennemi principal restait leur oppresseur impérialiste "historique" - français, anglais ou US - et que la menace germano-italo-japonaise leur était plutôt étrangère... lorsqu'elle ne pouvait pas carrément représenter une alliée potentielle ; les Japonais notamment ayant souvent été accueillis - sauf en Chine - comme des libérateurs par les Peuples d'Asie soumis au colonialisme européen - autant de choses qui ne font pas partie de la "mythologie mondiale post-1945", mais c'est ainsi...). Tendanciellement, les impérialistes "historiques" qui dominent la planète depuis le 19e siècle (France, Royaume-Uni, USA) et le bloc occidental constitué autour d'eux restent les "maîtres du jeu" sur la planète et le "Ventre de la Bête" à terrasser.]

    - au Machrek arabe, c'est le "gendarme régional" israélien ;

    - en Asie du Sud, c'est le "gendarme régional" indien ;

    - le social-impérialisme chinois est clairement l'ennemi principal des peuples de l’État chinois ; la Corée du Nord ("socialiste" pour certain-e-s) est son atelier ; la Birmanie fasciste est son "corridor stratégique" vers l'Océan indien (il a aussi une forte alliance avec le Pakistan dans la même logique) ; il appuie également des régimes parmi les plus infâmes de la planète : Iran (les mollahs), Soudan (El Béchir), et dernièrement Kadhafi. Dans le Parti maoïste népalais, certains éléments recherchent son appui : cela peut s'argumenter tactiquement (face à l'Inde), mais si la tactique devenait une stratégie, ce serait une catastrophe.

    Voici un article publié sur le site Regroupement Communiste. Il comporte des erreurs et des confusions (par exemple, la classe chinoise sous-traitante et les intermédiaires des monopoles occidentaux ne peuvent JUSTEMENT PAS être monopolistes !), mais il présente une analyse assez intéressante de ce qu’est la Chine aujourd’hui :


    LA CHINE IMPÉRIALISTE


    Lijiang Mao 2

    Un récent article de Robert BIBEAU, illustre les contradictions interimpérialistes qui se cachent derrière les bouleversements politiques et les conflits qui secouent le monde. La chine tient une place importante dans cette  nouvelle redistribution des cartes, quel est son rôle, quelle est sa nature ? JMN

     

    LA CHINE IMPÉRIALISTE 

     29.06.2011                

     


     

     

    LA CHINE IMPÉRIALISTE :

    • Le vent d'Est
    • Le "Printemps Arabe"
    • Chine "communiste" ?
    • La classe capitaliste monopoliste chinoise
    • La Chine impérialiste


    LE VENT D’EST

    Le vent d’Est, dominant, rugit depuis quelque temps, depuis l’amorce de la dernière grande crise économique mondiale (2008). Crise financière et monétaire dont l’Occident ne parvient pas à s’extraire alors que le géant comptant un milliard trois cents millions d’habitants est parvenu à s’en extirper rapidement.

    Tous les indicateurs économiques le confirment : la Chine, moins touchée par le cataclysme de 2008, est déjà à marche forcée vers le sommet des palmarès économiques et industriels internationaux.

    Les Américains laissent entendre que le PIB (Produit intérieur brut) chinois ne les rejoindra pas avant 2030; pendant ce temps les Chinois laissent braire, restent cois, et  cumulent aisément les records de production, de construction et de capitalisation. Il n’y a que trois records mondiaux que les Américains conservent jalousement; premièrement, ce sont les paumés les plus endettés de la planète; deuxièmement, ils cumulent les plus lourdes dépenses d’armement (50 % des dépenses militaires mondiales ce qui grève  davantage leur dette); troisièmement, ce sont les plus gros consommateurs – gaspilleurs – à crédit des deux hémisphères.  

    Mis à part les « bobos », qui d’autre pourrait sérieusement penser que l’empereur de l’embonpoint-armé dirige effectivement l’assemblée des chefs d’États du G7 aussi insolvables que lui ?  Pendant que Barak Obama parade, entouré de ses alliés endettés, l’impérialisme chinois poursuit son ascension fulgurante et tente de repartager les marchés, les sphères de matières premières et d’hydrocarbures et de redéfinir la division internationale du travail, de l’extraction de la plus-value et de la répartition de l’usufruit à l’avantage de la classe des capitalistes monopolistes d’État chinois et de ses comparses (Alliance de Shanghai).

    Ce conflit mondial titanesque, qui a connu de nouvelles escarmouches en 2008, est un combat entre le camp, en déclin mais toujours dominant, du Bloc transatlantique (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Pays-Bas, Belgique, Canada, etc.) et le camp des aspirants regroupé autour de l’Alliance de Shanghai (Chine, Russie, Iran, Kazakhstan, Ouzbékistan, Syrie, etc.) prétendant au trône de leader de l’impérialisme mondial.

    Le social impérialisme chinois n’est pas un avatar totalement étranger à l’impérialisme mondialisé; il représente plutôt la section du capital financier internationalisé la plus prospère, son opposition à l’impérialisme états-unien porte sur le repartage des supers profits tirés de la spoliation des pays néo-coloniaux ainsi que sur le repartage de la plus-value extorquée aux prolétariats des pays industrialisés.

    LE « PRINTEMPS ARABE »

    Le « Printemps arabe » – qui ne s’est toujours pas transformé en révolution arabe – le maillon faible de la chaîne impérialiste (1) découle de cette titanesque confrontation inter-impérialiste. Que voulez-vous, les peuples arabes chôment assis sur les plus grandes réserves mondiales d’hydrocarbures et pour cela ils sont l’objet de toutes les convoitises, mais leurs marchés domestiques ne présentent pas un grand intérêt étant donné deux faits rédhibitoires : premièrement, les faibles prébendes que l’impérialisme international abandonne sur place (royautés et redevances); deuxièmement, l’accaparement  exclusivement monarchique et comprador de ces aumônes tombées de l’escarcelle des milliardaires occidentaux. Ces aumônes étant réinvesties sur les bourses d’Occident par les sultans et les présidents de pacotille, il est inutile de mettre en place un appareillage sophistiqué pour récupérer ces capitaux, car ils réintègrent d’eux-mêmes les flux de circulation monétaire impérialistes.

    Les peuples arabes, écartés du repartage de ces miettes et abandonnés aux oubliettes, se sont récemment révoltés; mais sitôt lancés, les mouvements anarchiques des insurgés ont été récupérés par les services secrets occidentaux, sionistes et arabes, qui les ont réorientés en direction d’élections « démocratiques » bourgeoises que tous les « bobos occidentaux » (chercheurs universitaires et alter mondialistes) saluent comme de grandes avancées arabes depuis la trahison de la place Tahrir au Caire (2).

    Aujourd’hui, les révoltés du Caire, de Tunis, de Benghazi, de Bahreïn, du Yémen, de Syrie et d’ailleurs tentent de donner un second souffle à leurs révoltes avec tout ce que cela pose comme problèmes quand les rangs des insurgés sont infiltrés d’autant d’agents policiers. Bref, fort probablement que les peuples arabes pourront bientôt choisir leur dictateur à même une liste de 30 prestidigitateurs adoubés par les mêmes coteries qui dirigent toujours leurs pays. Voilà le résultat de ces révoltes trahies.

    CHINE « COMMUNISTE » ?

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    La Chine est-elle une puissance impérialiste ascendante ou un pays « socialiste » dans lequel prospèrent 805 000 nouveaux millionnaires « communistes », comprenant plusieurs milliardaires « socialistes » propriétaires de grandes entreprises de production industrielles, ainsi que des spéculateurs financiers « prolétariens » inscrits aux bourses de Shanghai et de Hong-Kong et 70 députés « révolutionnaires » de l’assemblée « populaire » chinoise qui ensemble cumulent 80 milliards de devises américaines (3) ?

    La Chine est un pays où survivent également des centaines de millions de prolétaires ne possédant en propre que leur force de travail à vendre sur le souk de l’emploi, le marché de l’esclavage salarié, fluctuant alternativement entre des phases de chômage aigu et des phases de plein emploi, comme dans tous les autres pays capitalistes (4).

    LA CLASSE CAPITALISTE MONOPOLISTE CHINOISE

    La classe capitaliste monopoliste chinoise est divisée en trois segments, chaque segment correspondant à un mode différent d’accumulation du capital. Un premier groupe est formé d’apparatchiks – bureaucrates de l’appareil monopoliste d’État –. Ils gèrent les grands conglomérats industriels nationalisés (industrie lourde, armements, aérospatiale et haute technologie), ainsi que les grandes entreprises chinoises de transport, des services et des communications. Cette section constitue le cœur de la nouvelle classe capitaliste monopoliste d’État chinoise. Leur richesse provient de leurs salaires très élevés et des immenses avantages qu’ils s’octroient à partir des revenus des entreprises et des services qu’ils administrent. Ils réinvestissent leur pécule et consolident ainsi leur position capitalistique (5).

    Une deuxième section est constituée des entrepreneurs propriétaires privés de manufactures et d’entreprises de toutes sortes qui produisent en partie pour le marché de consommation national et en partie pour remplir les contrats de sous-traitance offerts par les entreprises étrangères qui ont délocalisées leurs usines en Chine (accessoires et pièces automobiles, textiles et vêtements, produits synthétiques et plastiques, métallurgie primaire, etc.). Ils sous-traitent également pour les grandes entreprises chinoises monopolistes d’État. Ces capitalistes sont souvent basés à Hong Kong, à Macao, à Taïwan, ainsi que dans les zones spéciales d’industrialisation le long de la côte Est de la Chine. Ce segment constitue lui aussi une base importante de la classe capitaliste monopoliste chinoise; son capital financier est intimement lié au capital financier des autres puissances impérialistes et aux intérêts des grandes entreprises étrangères donneurs d’ouvrage.

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    Une troisième et dernière section de la classe capitaliste chinoise est formée des intermédiaires et des gérants « communistes » des entreprises impérialistes étrangères installées en Chine pour y exploiter la main d’œuvre locale sous payée. Se greffent à cette section des gestionnaires « socialistes » de portefeuilles de placements, des spéculateurs « prolétariens », des banquiers « révolutionnaires » et d’autres requins de la finance ainsi que des revendeurs « maoïstes » qui écoulent leurs produits essentiellement sur les marchés étrangers. Ceux-là forment la section compradore de la classe capitaliste monopoliste chinoise dont les capitaux s’amalgament inextricablement au capital financier international.

    La nature compradore de cette partie de la classe dirigeante chinoise ne fait aucun doute. La Chine sous-traite, dans des conditions épouvantables pour son propre prolétariat, la fabrication de la pacotille et des vêtements dont l’Occident a besoin et qu’elle paie en dollars dévalués transformables en bonds du trésor américain en faillite. Une grande partie de la production manufacturière occidentale ayant été délocalisée en République Populaire de Chine – et dans une moindre mesure en Inde – la Chine présente  sous certains aspects l’image d’un impérialisme de sous-traitance avec parmi ces compradores une mentalité de rentiers qui retirent leurs bénéfices de l'exploitation de leur propre peuple travailleur.

    Cette forme d’exploitation est semblable à celle que l’on rencontre dans plusieurs pays néo-coloniaux – arabes notamment – et rien ne distingue ce segment comprador chinois de la classe dirigeante d’Indonésie, d’Égypte, d’Algérie, de Libye, de l’Inde ou du Congo.

    Cette composition complexe – en trois segments – de la classe capitaliste monopoliste  chinoise et les luttes internes qu’elle engendre au sein du Parti bourgeois hégémonique explique les hésitations, les fluctuations et les retournements inattendus de la politique étrangère chinoise (elle n’a pas imposée son veto à la résolution à l’ONU préparant  l’agression contre la Libye, puis la Chine a regretté de ne pas l’avoir fait). Les contradictions entre les impérialistes mondiaux sont très féroces en ces temps de crise économique sévère et les chemins pour parvenir au sommet (repartage des zones d'influences, des marchés et des ressources) sont et seront parsemés de nombreux conflits régionaux – Iran, Soudan, Syrie, Libye, autres pays arabes, Congo, Côte d’Ivoire, Mauritanie, Sénégal, autres pays africains, Palestine-Israël, Afghanistan, etc. – (6) avant de se transformer en conflit ouvert mettant directement aux prises les deux camps dans un nouvel affrontement mondial cataclysmique.

    LA CHINE IMPÉRIALISTE

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    La section bureaucratique monopoliste d’État d’abord, la section spécialisée dans la sous-traitance et le segment comprador ensuite, s’appuient tous sur le contrôle exclusif de l’appareil monopolistique d’État (législatif, juridique, fiscaliste et répressif) pour assurer leur expansion impérialiste sur les divers marchés mondiaux afin de réaliser le profit maximum pour leurs investissements. Par ses origines bureaucratiques, la première section contrôle le Parti « communiste » hégémonique et l'État « socialiste » chinois. Ces trois segments sont devenus la nouvelle bourgeoisie dans un système de production déjà largement monopolisé, protégé de la concurrence étrangère et dont la pérennité est garantie par cet appareil d'État sous son contrôle exclusif. Les trois segments participent directement à l'exploitation du peuple chinois, à extraire la plus-value – dans les grandes usines en conglomérats et dans les grandes entreprises de transports et de communication – du travail de la classe ouvrière et à la mise aux enchères du travail salarié chinois pour le bénéfice de leurs alliés et concurrents impérialistes internationaux.

    Par ailleurs, le capitalisme chinois est exportateur de capitaux et entrepreneur de gros oeuvres dans les pays néo-coloniaux mais aussi dans certains pays riches comme le Canada (mines du Nunavut, forêt de Colombie-Britannique, hydrocarbures de l’Alberta et Plan Nord du Québec). En ce sens, l'économie chinoise, déjà fortement en expansion (2e économie mondiale en terme de valeur de la production) contient en germe la double nature contradictoire de l’impérialisme contemporain. La classe dirigeante chinoise se comporte exactement comme n'importe quelle classe exploiteuse d'une grande économie occidentale sans pour autant contrôler le moindre levier économique  international embûche que l’impérialisme américain pose devant l’expansionnisme chinois. À titre d’exemple, la Chine n’est pas cooptée au G8 ni à l’OCDE, elle n’a pas droit de veto au FMI malgré qu’elle le finance fortement (7); la Chine est traitée comme quantité négligeable à l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) malgré qu’elle soit le premier pays exportateur et le deuxième importateur mondial, de même à la Banque mondiale malgré que ses réserves de devises étrangères soient, et de loin, les plus importantes au monde (2,45 mille milliards de dollars US) et qu’à elle seule elle prête davantage aux pays en développement que la Banque mondiale (8).

    La dépendance de la Chine à l'égard du marché et du dollar américains place ce pays à la merci des restrictions que les États-Unis pratiquent à son égard (interdiction d’achat de certaines entreprises, blocage de certains marchés technologiques – aérospatiale, micro processeur, armement sophistiqué telle la technologie des drones –. À titre d’exemple de cette dépendance chinoise vis-à-vis du marché nord américain, la société WalMart, la plus grande entreprise au monde (1,9 millions de salariés) spécialisée dans la grande distribution (404 milliards de chiffre d’affaires annuel – 2009), importe 70 % de ses produits de Chine populaire. La faillite de WalMart créerait de graves problèmes aux entrepreneurs chinois (9). La Chine peut donc concurrencer les États Unis mais elle ne peut pas mettre ce pays en faillite…pour le moment.

    Le capitalisme monopoliste d'État en Chine est caractérisé par la dictature d’une bureaucratie parasitaire ancienne, restreinte en nombre et fortement capitalisé (0.03 % des riches chinois cumulent 60 % du PIB national) qui connaît une expansion extérieure limitée par ces contraintes que nous venons d’énoncer et dont il est difficile de mesurer jusqu'à quel point et jusqu'à quand les impérialistes du Bloc transatlantique parviendront à l’entraver (10).

    En résumé, la Chine présente une économie capitaliste monopolistique d’État en phase de maturité, basée d’une part sur l'exploitation de la classe ouvrière – qui constitue le moteur de la contradiction principale (entre le travail et le capital) – et d’autre part sur la conquête des marchés extérieures, mais aussi caractérisée par une intégration inachevée au système impérialiste mondial, intégration qui est cependant en voie de parachèvement.

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    Si un jour elle le fut, la Chine n’est déjà plus un pays socialiste mais constitue réellement la puissance impérialiste montante à l’échelle internationale. La Chine ne constitue pas pour autant le plus grand danger pour les peuples du monde ni l’une des trois composantes d’un univers impérialiste tri polaire (théorie fumeuse des Trois mondes). La Chine est un pays impérialiste que l’immense prolétariat chinois devra renverser (abattre) tout comme le prolétariat de chacun des pays impérialistes a pour mission de détruire la structure étatique et sociale qui les opprime et les exploite.

    Avec l’expansion rapide de l’impérialisme chinois, le prolétariat chinois est devenu le contingent le plus important – entre 240 et 300 millions d’individus – et le fer de lance du prolétariat mondial. Sur lui repose la responsabilité de tracer la voie vers l’émancipation de toute la classe et de ses alliés (11).


    (1) Le maillon faible. Les révoltes arabes.  http://www.oulala.net/Portail/spip.php?article5043

    (2) http://www.legrandsoir.info/La-revolution-avortee.html   et  http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/la-revolution-democratique-88459 

    (3) http://www.ledevoir.com/international/asie/323664/le-sans-gene-des-nouveaux-riches-chinois  La répartition de la richesse dans le monde. Rapport Global Wealth Databook (en anglais) du Crédit Suisse. 
    (4) http://www.agoravox.fr/actualites/international/article/etats-unis-chine-la-grande-87177 et  http://www.centpapiers.com/comprendre-la-crise-economique-et-financiere-2/56027  

    (5) http://french.peopledaily.com.cn/Economie/7110542.html  Hausse de 42 % du chiffre d’affaires des entreprises centrales chinoises.
    (6) Multiples conflits dans le monde http://www.mondialisation.ca/

    (7) La Chine a prêté 50 milliards de dollars au FMI afin qu’il prête au pays en développement.  Courriel Internet 10.06.2011.

    (8) http://french.peopledaily.com.cn/Economie/7113960.html
    (9) http://fr.wikipedia.org/wiki/Walmart

    (10) http://www.agoravox.fr/actualites/economie/article/comprendre-la-crise-economique-et-86958

    (11) http://www.melchior.fr/Nombre-de-travailleurs-dans-l.6557.0.html, soit 740 millions de salariés en Chine dont 180 millions dans l’industrie et le bâtiment et 240 millions dans les services. http://www.questionchine.net/article.php3?id_article=1802   


    Salutations cordiales.


    http://www.robertbibeau.ca/palestine.html

    http://www.robertbibeau.ca/palestine/edito29062011.html

     


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