• http://vnd-peru.blogspot.com/2019/01/america-latina-al-pueblo-patriotico.html

    AMÉRIQUE LATINE : Au Peuple vénézuélien patriote, il appartient de livrer un combat héroïque contre l'agresseur impérialiste yankee et ses valets.

    L'agression de l'impérialisme yankee contre la République bolivarienne du Venezuela est en marche, sous la forme du coup d'État de sa marionnette Juan Guaidó. 

    Ce coup d'État annoncé depuis septembre 2018, pour préparer l'opinion publique interne comme internationale, par les propres représentants de Trump et le New York Times sans en préciser la forme, a donc fini par avoir lieu de la manière la plus cynique et sinistre.

    Le fantoche Guaidó, subitement jailli de nulle part comme leader de l'"opposition", a été proclamé président de l'Assemblée législative actuellement suspendue. Ensuite de quoi, suivant la feuille de route établie par le gouvernement archi-réactionnaire et génocidaire Trump-Pence, il s'est autoproclamé devant un rassemblement public de ses partisans "président par intérim" du pays, en violation de l'ordre constitutionnel et légal, contre soi-disant "le gouvernement illégitime de Maduro", "contre la dictature" et "pour la liberté".

    Dans la foulée, en une parodie ridicule et violant ses propres normes internationales (Chartes des Nations Unies et de l'OEA), le gouvernement impérialiste US a reconnu cette mise en scène comme acte valide d'investiture en tant que président du pays et gouvernement légitime ; ordonnant aux forces armées et de sécurité de se mettre au service de sa marionnette, autrement dit, disposant comme une autorité impériale des forces armées d'un pays souverain comme de simples troupes coloniales à ses ordres...

    Il a ensuite ignoré l'acte souverain du président Maduro de rompre ses relations avec les États-Unis et affirmé que les forces armées et de sécurité devaient répondre de la sécurité de son personnel diplomatique ; ne reconnaissant plus comme gouvernement vénézuélien souverain que le "gouvernement intérimaire" à sa botte.

    Comme il fallait s'y attendre, les impérialistes russes et sociaux-impérialistes chinois ont condamné l'agression yankee qui se présente pour le moment comme coup d'État, et appelé au respect du "droit international" ; cette agression allant à l'encontre de leurs intérêts dans le pays et la région.

    Les autres puissances impérialistes, toujours en collusion et lutte avec la superpuissance hégémonique unique US, ont pris leur temps pour négocier et s'assurer leur part de butin.

    Ainsi l'Espagne, qui a d'importants intérêts économiques au Venezuela, a annoncé qu'elle "reconnaîtra dans les prochains jours Juan Guaidó comme président en exercice du pays si Maduro ne convoquer pas immédiatement des élections avec toutes les garanties démocratiques et sous contrôle international", selon des sources diplomatiques. Les mêmes sources ont indiqué que la durée de ce délai, qui dans tous les cas sera bref, sera discutée ce vendredi entre les représentants politiques des 28, afin d'assurer une position commune de l'Union européenne.

    Le chef du gouvernement Pedro Sánchez a tenu des conversations avec la chancelière allemande Angela Merkel, le président français Emmanuel Macron et d'autres dirigeants européens pour parvenir à cette position commune. Sánchez a rencontré jeudi à Davos, en Suisse, le président équatorien Lenin Moreno, le colombien Iván Duque et le costaricain Carlos Alvarado, qui lui ont demandé de plaider auprès de l'Union pour la reconnaissance du fantoche autoproclamé (les États-Unis envoyant encore ainsi des messages et faisant pression par le biais de leurs valets).

    En ce sens, le gouvernement allemand a exigé ce vendredi la tenue immédiate d'élections "libres et transparentes" au Venezuela, et fait savoir qu'il était disposé à reconnaître provisoirement Guaidó comme chef de l'État en attendant ce scrutin (El País, 25/01/19).

    L'agression impérialiste contre le Venezuela, qui se déroule pour le moment sous forme de coup d'État, place le Peuple vénézuélien devant la nécessité de se lever en un gigantesque et puissant mouvement de résistance nationale contre elle, et de mettre en échec ce coup en marche. Il lui faut désormais s'armer mentalement de la décision d'affronter cette intervention impérialiste les armes à la main ; et ensuite armer son bras pour combattre et résister à l'agression dans une lutte héroïque contre l'agresseur yankee et ses valets.

    Les peuples d'Amérique latine, afin de préserver leur indépendance nationale et leur souveraineté, doivent absolument livrer une lutte "coup pour coup" contre l'agressif et génocidaire impérialisme yankee, ennemi principal des peuples du monde entier.

    Au gouvernement vénézuélien, appartient le devoir de relever le défi et mobiliser ses forces armées pour défendre l'indépendance nationale et la souveraineté dans une dure guerre de résistance. C'est un bon signe, de voir qu'enfin il semble avoir cessé de prétendre rester assis entre deux chaises ; en décidant de rompre ses relations avec Washington et d'expulser son personnel diplomatique. 

    Mais ceci n'est pas encore suffisant ; les choses ne sont pas comme les fois précédentes où l'opposition fantoche après quelques rodomontades battait en retraite ; cette fois-ci il est bien question d'une attaque directe, sans masque de l'impérialisme :

    "La différence est qu'aujourd'hui l'opposition assure avoir un plan bien défini et un soutien international qui va bien au-delà des simples déclarations de solidarité (...) En quoi consiste ce soutien ? Comme l'a assuré Guaidó sur son compte Twitter, il s'agit d'ores et déjà de “résultats concrets”. En premier lieu, un envoi de quelques 20 millions de dollars pour soi-disant aide humanitaire annoncé par le Secrétaire d'État américain. En second lieu, avoir reçu le soutien d'une autre institution qui dans les Amériques garantit l'accès à des fonds :  la Banque intéraméricaine de développement (BID) a manifesté sa volonté de travailler avec le président intérimaire vénézuélien pour assurer la continuité du soutien au développement du pays, a fait savoir son directeur Luis Alberto Moreno. À ceci s'ajoute la reconnaissance par l'administration de Donald Trump, le Canada, le Brésil, la Colombie, l'Argentine, le Pérou, l'Équateur et le Chili." (El País, 25/01/19)

    Et que fait le gouvernement de Maduro, selon le même quotidien : "le 10 janvier, il a appelé la population, les communautés, les familles à se faire les “défenseurs actifs de la paix”. Il a ordonné à tous les diplomates états-uniens de quitter le pays avant dimanche et annoncé le rapatriement du personnel vénézuélien. (...) “Je dis aux gouvernements du Mexique et de l'Uruguay que je suis d'accord avec une initiative diplomatique de dialogue”, a-t-il ajouté à l'occasion de l'inauguration de l'année judiciaire ; tout en laissant entendre clairement qu'il restera au pouvoir au moins jusqu'en 2025. “Ils prétendent imposer un gouvernement parallèle, un gouvernement de clowns”, “le gouvernement que je préside continuera à gouverner (…) nous continuerons à gouverner, en appliquant la loi”, a-t-il tenu à souligner".

    Comme on peut le voir dans ses propres déclarations, Maduro, de par ses limites de classe en tant que représentant d'un secteur de la grande bourgeoisie bureaucratique, n'évalue pas correctement la situation et hésite quant à ce qu'il a à faire ; croyant qu'il peut négocier alors qu'il s'agit d'agir avec détermination, alors qu'a sonné l'heure des armes, et que la situation ne laisse d'autre alternative que lutter ou capituler. 

    S'il capitule, il cède aux exigences du maître yankee qui l'a appelé à quitter le pouvoir et convoquer des élections pour que soit "légitimée" par une farce électorale sous contrôle impérialiste sa marionnette ou une autre du même acabit. S'il n'obtempère pas et choisit la lutte, Trump a déjà menacé d'employer la plus grande violence ; il se retrouvera alors obligé de défendre l'indépendance et la souveraineté du pays et ce faisant, qu'il le veuille ou non, de servir la révolution démocratique anti-impérialiste au Venezuela, qui commencera alors à se développer armée avec pour contradiction principale, dans cette première étape, la contradiction nation-impérialisme ; les deux autres [des masses populaires avec la grande propriété terrienne et le capitalisme bureaucratique-comprador, NDLR] étant pour le moment secondaires.

    Au prolétariat vénézuélien et à la fraction la plus avancée en son sein, les maoïstes, il appartient désormais de se fondre dans le peuple des ouvriers et des paysans, des petits bourgeois, des bourgeois nationaux patriotes et de tous ceux qui sont décidés à faire face à l'agresseur impérialiste et à ses laquais, à l'exclusion d'une poignée de traîtres ; et de participer activement à l'armement général du peuple à la campagne comme à la ville pour le préparer à une vaste guerre de résistance comme lutte armée, s'efforçant d'en prendre la direction et dans le feu de l'action militaire, de reconstruire le Parti communiste pour transformer cette lutte armée de résistance en Guerre populaire de libération nationale.

    Il leur appartient d'unir tous ceux qui ne veulent pas être les esclaves des États-Unis, tous ceux qui veulent défendre l'indépendance, la souveraineté et la dignité nationale du pays, tous ceux qui refusent de se soumettre aux intimidations, à l'ingérence, au contrôle et à l'agression des impérialistes yankees. Il leur faut s'unir à tous ceux-là et les mobiliser en s'opposant aux appels à la conciliation, à la paix ou à privilégier les négociations plutôt que d'agir résolument pour écraser l'agression impérialiste qui a pris pour le moment la forme du coup d'État.

    Les forces patriotiques doivent appliquer le centralisme démocratique et défendre les conditions de vie du peuple ; tandis que les maoïstes comme représentants du prolétariat et de son avant-garde ont pour tâche de critiquer toutes les expressions de capitulationnisme parmi les représentants des autres classes et tous ceux qui montrent peu de décision dans l'accomplissement des devoirs qui sont les leurs.

    L'intervention militaire de l'impérialisme US, qui a commencé sous forme de coup d'État accompagné de tout un déploiement et encerclement de forces pour pousser le gouvernement de Maduro à capituler et asservir la nation, ne s'arrêtera pas avant d'avoir atteint ses objectifs ; elle ira crescendo sur tous les plans jusqu'à les atteindre, et de ce fait suscite et suscitera encore une nouvelle gigantesque vague de résistance contre l'impérialisme parmi les peuples d'Amérique latine et du monde entier.  

    Toi, héroïque Peuple vénézuélien, sois assuré que tu n'es pas seul dans ta lutte !

    Tu peux compter sur l'appui de tous les peuples d'Amérique latine, d'Asie, d'Afrique et de toute la planète.

    La lutte des peuples du monde contre l'impérialisme yankee triomphera !

    #Venezuela - encore un texte péruvien (vraiment très proche, pour le coup, de notre vision des choses...)


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  • Encore une fois, notre position sur toutes ces "révolutions" latino-américaines (position de critique sans concession, mais aussi de défense inconditionnelle contre le coup de force impérialiste et fasciste) :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/les-etats-bolivariens-notre-position-a114096116

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/retour-sur-la-situation-en-amerique-du-sud-a114193192

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/discussion-sur-la-gauche-en-amerique-latine-et-la-bourgeoisie-bureaucr-a114096324

    Et sur les raisons du "pourrissement" des dernières années (concrètement, depuis la mort de Chávez et l'élection de Maduro) qui a conduit à la situation où nous sommes :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/analyse-d-un-militant-ml-sur-le-venezuela-a144777292

    Intéressant aussi, sur la situation d'un pays (autrefois) de la même "alliance" bolivarienne, et le contexte mondial d'offensive impérialiste :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/sur-la-situation-en-equateur-texte-du-fdlp-a148319626

    Encore une fois, c'est un peu comme la République bourgeoise espagnole des années 1930 ou les socedems allemands de Weimar : le destin des masses populaires repose en premier lieu sur la lutte contre le FASCISME ; car ne nous leurrons pas, c'est bien une ultra-droite à la Bolsonaro qui se cache derrière les sympathiques figures "centristes" voire "de centre-gauche" de l'opposition ; mais cela n'implique pas de se voiler la face sur tout ce que ces réformards ont commis pour en arriver là, à commencer par plus limiter les forces révolutionnaires que lutter réellement contre la droite (l'individu Chávez se situait peut-être un peu en dehors de ce constat, mais bien seul...).

    Bien que nous n’ayons aucune forme d’idée de ce qu’il peut se passer à présent, l’on pourrait se prendre à "rêver", ou disons plutôt : le "scénario" idéal du point de vue révolutionnaire qui est le nôtre, serait que les forces populaires organisées et ARMÉES depuis longtemps, du temps et à l’initiative de Chávez surtout (Milice bolivarienne etc.), assument la DÉFENSE PATRIOTIQUE du pays et ce faisant débordent la "boli-bourgeoisie", l’oligarchie maduriste qui selon toute vraisemblance cherche déjà comment (en sacrifiant le petit chauffeur de bus qui est son homme de paille) sauver au maximum ses positions de pouvoir et ses canaux bureaucratiques d’accumulation sous un nouveau régime de droite.

    Pour aboutir, en cas de succès, à quelque chose de ressemblant à véritable Pouvoir du Peuple en Armes ; dont un éventuel régime Maduro résiduel ne serait plus qu’un appendice "sauvé des eaux" ; rétablissant, renforçant et GÉNÉRALISANT le système de Communes lancé (à titre "expérimental") par Chávez peu avant sa mort, ce qui liquiderait totalement les problèmes d’approvisionnement alimentaire et de première nécessité qui caractérisent la "crise" vénézuélienne depuis des années ; etc. etc.

    L’on peut se prendre à rêver ; et il est bien évident qu’une telle perspective devrait avoir le soutien internationaliste sans faille de quiconque veut se prétendre révolutionnaire autour du monde.

    #Venezuela - deux présidents ; vers la guerre civile, voire l'intervention impérialiste ?

    À lire aussi (article de septembre plus que jamais d'actualité) :

    MPP (CR) : SOUTIEN AU PEUPLE VÉNÉZUÉLIEN CONTRE LES PLANS D'INTERVENTION MILITAIRE DE L’IMPÉRIALISME YANKEE


    [Mouvement Populaire Pérou - Comité de Réorganisation]

    http://www.demvolkedienen.org/index.php/en/lat-amerika/2660-mpp-cr-support-the-people-of-venezuela-against-the-military-intervention-plans-of-yankee-imperialism-solely-or-jointly

    CONTRE LA CI-NOMMÉE "NOUVELLE STRUCTURE DE DÉFENSE" DE L’IMPÉRIALISME US ET SES PLANS DE FORCE MILITAIRE CONJOINTE, SOUS COMMANDEMENT YANKEE, DE TOUTES LES ARMÉES DES ÉTATS LAQUAIS DU CONTINENT.

    Dans deux articles publiés dans le New York Times le 8 septembre 2018, sous les titres de "L'administration Trump discute des plans de coup d'État avec des officiers vénézuéliens dissidents" et "Le Venezuela accuse les États-Unis de préparer un coup contre Maduro", le quotidien faisait état des conversations tenues entre des fonctionnaires du gouvernement américain et des officiers militaires de ce pays, qui planifiaient un coup d'État contre Nicolas Maduro.

    Les raisons mises en avant par ces hauts fonctionnaires du gouvernement impérialiste US, c'est à dire le gouvernement Trump, sont toujours les mêmes à travers lesquelles ils déploient depuis des années leurs interventions dans tous les domaines des affaires internes du Venezuela, à savoir leur "préoccupation pour la situation de la démocratie", la "torture d'opposants au régime", les "centaines d'arrestations et de prisonniers politiques", les "milliers de civils blessés", les "trafics" etc. etc., ainsi que la "crise humanitaire" dans le pays et son extension aux autres pays de la région (problème des réfugiés).

    Tout ceci n'est bien sûr que prétextes éhontés de la part des hauts représentants de l'impérialisme US, superpuissance hégémonique unique et grand gendarme contre-révolutionnaire du monde qui agit dans son "pré carré" d'Amérique latine, aux côtés des gouvernements réactionnaires locaux, pour écraser les luttes du prolétariat et des peuples travailleurs des nations opprimées du continent ; afin de les maintenir dans leur situation semi-féodale et semi-coloniale, où un capitalisme bureaucratique [en gros, en jargon MLM : un appareil d’État clanico-mafieux au service de la pénétration du Capital impérialiste et des "modernisations" qu'il nécessite, éventuellement - fréquemment à une époque - par le biais d'un certain dirigisme d’État, de "nationalisations" comme celle du pétrole - PDVSA - au Venezuela en 1976, etc.] s'est développé au service de l'impérialisme (principalement yankee, le principal impérialisme opprimant nos peuples).

    Et ce par tous les moyens possibles, par le feu et le sang, impulsant des gouvernements "démocratiques" ou fascistes selon sa convenance, au travers de coups d’État ou, lorsque ce n'est pas possible, des interventions directes ; comme les 100 dernières années de l'histoire de l'Amérique latine en témoignent.

    L'impérialisme US, superpuissance hégémonique unique et ennemi principal de tous les peuples de la planète, est en train d'étendre et d'approfondir sa domination sur les nations opprimées de notre continent, dans tous les domaines économique, politique, éducatif, militaire etc. Il a noué des accords qui lui permettent d'intervenir dans les affaires internes de tous nos pays dans cette perspective.

    Un exemple de cela, parmi d'autres, sont les accords passés au niveau de l'Organisation des États des Amériques (OEA) tels que la "Lettre démocratique", les rencontres et déclarations continentales de "lutte contre la corruption et le crime organisé", ou contre le "terrorisme", le "trafic de drogue" bien sûr, etc. ; tout ceci impulsant des modifications dans tous les systèmes juridiques de tous les pays du continent afin qu'ils adoptent un système pénal accusatoire avec prééminence du procureur ou de l'accusateur public dans les procès. Les impérialistes yankees dispensent pour cela des formations à des juges et procureurs de tous les pays, par le biais de l'Institut d’Études Juridiques du Département de la Justice de Porto Rico ; et fournissent aux forces de police spécialisées dans la lutte anti-corruption des équipements électroniques d'écoute, tout en plaçant ces brigades et les procureurs "anti-corruption" sous leur commandement direct. Ils peuvent ainsi, ensuite, utiliser ces écoutes et leur éventuelle diffusion publique par les monopoles médiatiques pour impulser des changements de hauts fonctionnaires, voire de gouvernements au profit d'autres servant mieux leurs intérêts.

    Par le biais de leur domination économique et financière sur tous les pays de la région, ils imposent également des sanctions ou autres limitations dans cet objectif. 

    Les instruments que sont le FMI, la Banque mondiale, l'IDB ou l'ECLAC leur permettent d'imposer leurs politiques économiques telles que les coupes dans les systèmes de protection sociale, les plans de lutte contre la pauvreté etc. ; ainsi par exemple la ci-nommée "aide conditionnelle" qui permet à l'impérialisme de renforcer son exploitation des ressources naturelles et du prolétariat, la dépossession des terres communautaires ou encore de répandre le consumérisme et la vie à crédit bancaire hypothécaire pour les plus pauvres.

    Ils imposent leurs plans de privatisation de l'enseignement à tous les niveaux et mettent en place des "plans de scolarité" qui justifient la suppression de toute éducation publique et gratuite, au profit des grands monopoles qui ont leurs tentacules dans le business éducatif aux États-Unis comme en Amérique latine, ainsi que du capitalisme bureaucratique à leur service.

    Pour autant, tout ce système par lequel ils tissent la toile de leur domination sur nos pays n'est pas suffisant ; pas même le Pacte de Défense et d'Assistance Mutuelle dont tous les pays d'Amérique latine font partie depuis l'après-Seconde Guerre mondiale. Les manœuvres conjointes avec l'US Army, et autres ; tout cela n'est pas suffisant.

    C'est pourquoi, depuis le début des années 1990 les impérialistes yankees essayent de mettre en place tout un "Nouveau Système de Défense de l'Hémisphère Occidental", partagé entre un Northern et un Southern Command ("commandements" Nord et Sud) et destiné à regrouper et  placer sous commandement militaire US toutes les forces armée du continent depuis le Mexique jusqu'à la Patagonie. Une partie de ce plan consistait et consiste encore à déployer leurs troupes sur terre comme sur mer à travers tout un réseau de bases militaires.

    Au Nord, les choses ont déjà bien avancé en plaçant les Forces armées mexicaines sous le Northern Command ; et au Sud elles avancent en déployant des bases militaires tout en incorporant les Forces armées de Colombie à l'OTAN et en organisation des Séminaires du Southern Command, auxquels participent des représentants des forces armées de différents pays du continent et qui se sont tenus l'an dernier à Lima et prochainement cette année à Buenos Aires.

    Un précédent, que nous avons déjà eu l'occasion de dénoncer en son temps, a bien sûr été la force d'intervention conjointe en Haïti.

    Le premier des deux articles du New York Times dont nous avons parlé, indique ce qui suit :

    “Dans son communiqué, la Maison Blanche a qualifié la situation au Venezuela de ‘menace pour la sécurité régionale et la démocratie’ et affirmé que l'administration Trump continuera à renforcer une coalition de partenaires américains, européens et asiatiques pour faire pression sur le régime de Maduro et restaurer la démocratie au Venezuela.”

    C'est encore plus clair dans le second article du quotidien :

    “’Si vous n'aimez pas l'idée que les États-Unis parlent aux militaires vénézuéliens (en rupture de ban), que proposez-vous de faire ?’, a déclaré Richard N. Haas, ancien haut dirigeant du Département d’État sous George W. Bush et désormais à la tête du Conseil aux Affaires Étrangères. Il a ajouté que, bien que n'étant pas partisan du coup d’État, la région devrait considérer l'idée d'une ‘coalition des bonnes volontés’, une alliance entre voisins du Venezuela en vue d'une possible intervention militaire, similaire à l'invasion américaine de l'Irak.”

    Il apparaît très clairement que la situation actuelle au Venezuela, avec l'échec du régime de Nicolas Maduro, représentant de la fraction bureaucratique de la grande bourgeoisie [en jargon MLM : l'oligarchie "de gauche", militaire ou civile, de tendance étatiste-dirigiste-nationalisatrice, éventuellement rejointe par des éléments de la bourgeoisie nationale - et nationaliste - à travers des "révolutions" comme au Venezuela - la "boli-bourgeoisie" ; notion plutôt bien expliquée ici par exemple], sert de prétexte à l'impérialisme US pour avancer ses plans d'intervention militaire, solitaire ou conjointe, visant à s'assurer le contrôle des ressources pétrolières et à renverser Maduro pour le remplacer par un réactionnaire plus loyal envers ses intérêts.

    Mais ceci n'est pas tout : ce "Nouveau Système de Défense de l'Hémisphère Occidental" et le déploiement militaire de l'impérialisme yankee visent aussi à défendre sa position de superpuissance hégémonique unique au niveau mondial, dont l'Amérique latine, en tant que son "pré carré", est la base stratégique vitale. Il pointe donc aussi, en tant que grand gendarme planétaire, ses armes en direction du développement de la révolution démocratique anti-impérialiste sur notre continent. Dans certaines situations, son action de gendarme vise directement à écraser une Guerre populaire en cours ; tandis que dans d'autres elle s'exerce à titre préventif, au travers par exemple d'un coup d’État directement piloté par lui pour étouffer la révolution dans l’œuf, comme au Brésil.

    L'impérialisme US cherche à anéantir la Guerre populaire au Pérou, conduite depuis 1980 par le PCP sous la direction du Président Gonzalo et qui n'a jamais réellement cessé. Il prend partout pour cible les masses du peuple qui se lèvent, comme au Brésil où le Parti communiste "Fraction Rouge" avance dans la reconstruction du Parti et du mouvement communiste, la concrétisation d'une avant-garde pour le prolétariat de ce pays, un processus qui se développe aussi en Équateur, au Chili, au Mexique, en Colombie et dans d'autres pays. Un processus de constitution ou de reconstitution du Parti communiste, qui doit également être assumé par les maoïstes au Venezuela.

    C'est aujourd'hui une grande opportunité de reconstituer le Parti communiste qui se présente au prolétariat vénézuélien ; une opportunité car une nécessité vitale, que le prolétariat de ce pays représenté par son avant-garde doit empoigner sans attendre pour mener la résistance nationale armée contre l'invasion militaire impérialiste si elle a lieu ; mais quelle que soit la situation, les maoïstes révolutionnaires au Venezuela doivent se placer à la tête de la lutte des masses et diriger celle-ci contre l'impérialisme, la semi-féodalité [la grande propriété terrienne exploiteuse] et le capitalisme bureaucratique, et dans le feu de ceci constituer ou reconstituer leur Parti, pour transformer la résistance nationale armée en Guerre populaire en cas d'invasion militaire ou si celle-ci n'a pas lieu, débuter dans tous les cas une Guerre populaire pour une véritable révolution démocratique.

    D'autre part nous ne devons pas négliger non plus le fait que l'impérialisme US traverse une sérieuse crise, expression de son lent effondrement et effacement international ; raison pour laquelle il est également très clair qu'il tente de tirer profit de la situation au Venezuela pour rétablir l'ordre à l'intérieur de ses frontières tout en gagnant des positions à l'extérieur ; et donc, attise le conflit. La "collusion-et-lutte" entre Washington, superpuissance hégémonique unique (le "gros chien"), et la Russie superpuissance nucléaire (le "chien maigre"), ainsi que d'autres "simples" puissances encore, se tient elle aussi en toile de fond de la situation ; la collusion apparaissant toujours comme principale, mais la lutte, sous-jacente, s'exprimant aussi.

    Le slogan de soutien au Peuple vénézuélien est un slogan juste et nous devons le porter haut et le faire entendre. Nous n'avons jamais été des soutiens de Maduro [peut-être néanmoins que ce nouveau MPP "Réorganisation", en rupture avec l'ancien qui s'était révélé - de mémoire - infiltré par des agents provocateurs, mesure ici et prend un peu ses distances avec la quantité de conneries déversées à une époque sur ce sujet des expériences "bolivariennes"...], mais il est attaqué et la politique de l'impérialisme yankee est d'intervenir avec arrogance dans les affaires internes du Venezuela et de le menacer d'une invasion militaire ; une invasion en forme d'"intervention conjointe" continentale. Le Venezuela est une nation opprimée face à des plans impérialistes d'agression ; ce que les États-Unis tentent de faire est de le soumettre ainsi que son peuple à une occupation. L'impérialisme US agit en gendarme du monde et détruit les peuples ; il doit être clairement désigné comme l'ennemi principal des peuples de la planète car c'est ce qu'il est.

    Il est juste et nécessaire de soutenir le Peuple vénézuélien et nous devons mobiliser les masses sous le slogan "Yankees dehors !". Nous devons mener toutes les actions possibles en soutien à lui et contre les plans impérialistes.

    Yankees, hors du Venezuela et d'Amérique latine !! Soutien au Peuple vénézuélien !

    Comme disait le Président Gonzalo au sujet de l'Irak : beaux sont les mots du prolétariat et des peuples.

    Avec tout leur puissant et sophistiqué matériel de guerre, les impérialistes US n'ont jamais rencontré que l'échec depuis leur victoire en 1945. Ils sont aujourd'hui d'ores et déjà embourbés au Grand Moyen Orient ; ce qui est l'occasion pour nous de rappeler ce que nous a enseigné le Président Gonzalo : les armes ne sont pas le principal ; le principal est l'idéologie qui "arme" les armes, comme nous l'a déjà enseigné Lénine dans les pas de Marx.


    Yankees dehors !

    Yankees, hors du Venezuela et de l’Amérique latine !

    Soutien au Peuple vénézuélien !

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    PC maoïste (globalement d'accord aussi) :

    http://www.pcmaoiste.org/communique/a-bas-les-plans-dintervention-de-limperialisme-americain-au-venezuela/

    Le 23 janvier 2019 au Venezuela, le président de l’Assemblée Nationale, Juan Guaido, s’est autoproclamé « président de la République » par intérim, entrant donc en conflit ouvert avec le gouvernement en place de Nicolas Maduro. L’Assemblée Nationale, élue en 2015, est la seule institution tenue par l’opposition, et Maduro l’avait parasitée en 2017 en créant l’Assemblée Nationale Constituante, fidèle à son gouvernement.

    Dans les heures qui ont suivi la proclamation de Guaido, les États-Unis, le Canada ainsi que de nombreuses semi-colonies US en Amérique du Sud (Pérou, Brésil, Colombie…), l’ont reconnu immédiatement comme président. Ils ont donc démasqué rapidement l’allégeance du coup d’État envers l’impérialisme américain.

    Cette tentative coup d’État intervient seulement quelques semaines après la réunion de janvier du « Groupe de Lima », une organisation inter-gouvernementale américaine réunissant de nombreux pays comme le Pérou, le Brésil, l’Argentine, le Canada, la Colombie, le Costa Rica, le Chili, le Guatemala, le Guyana, le Honduras, le Panama et le Paraguay. Ce groupe, soutenu par les impérialistes américains, canadiens et d’Europe, avait décidé dés le 4 janvier de ne pas reconnaître le gouvernement de Maduro. Il n’est pas étonnant qu’ils aient aussi suivi le soutien à Juan Guaido immédiatement après les annonces américaines.

    L’impérialisme français, à travers l’État français dirigé par Emmanuel Macron, s’est lui aussi prononcé en faveur du coup d’Etat. Tout comme les impérialistes allemands et britanniques, Macron s’est déclaré prêt à reconnaître Juan Guaido si des élections ne sont pas annoncées au Venezuela dans la semaine à venir. Le Venezuela a rejeté cet ultimatum à l’ONU.

    Cette unanimité dans le bloc de soutien au coup d’État dénote une chose : l’impérialisme américain, ses alliés impérialistes et leurs chiens de garde dans les pays opprimés, souhaitent faire aller ce coup d’État jusqu’au bout. Dans le communiqué officiel de Trump sur la reconnaissance de Guaido comme président, le dirigeant de l’impérialisme américain déclare qu’il « utilisera tout le poids du pouvoir économique et diplomatique des États-Unis » (Maison Blanche) afin que Guaido triomphe. Il a également averti directement le gouvernement de Maduro pour les « menaces qu’il porte à la sécurité des vénézuéliens » (Maison Blanche). Le gouvernement de Maduro, qui conserve pour le moment l’armée de son côté, a immédiatement dénoncé l’attitude des américains et rompu ses relations diplomatiques avec eux.

    Le Venezuela constitue aujourd’hui un maillon particulièrement tendu de la chaîne impérialiste. La situation de crise qui y dure depuis 2010 est liée à sa place de lutte inter-impérialiste intense. En effet, depuis la « révolution bolivarienne » de la fin des années 90, la montée au pouvoir de Chávez a constitué une opposition, au moins en discours, aux impérialistes américains. Pour eux, le Venezuela est depuis longtemps une semi-colonie de valeur grâce à ses exports pétroliers massifs, et son sous-sol première réserve mondiale. Dès 2002, les États-Unis avaient déjà soutenu une tentative de coup d’État, afin de conserver leur emprise sur le pays.

    Seulement, la nature de classe de l’État vénézuélien, un État des rentiers compradores, n’a pas été transformée par la prise de pouvoir « bolivarienne ». 20 ans après la montée de Chávez à la présidence, cette prétendue « révolution » a montré l’échec de la bourgeoisie à faire quoi que ce soit d’autre qu’à se transformer elle-même en bourgeoisie compradore une fois qu’elle prend le contrôle d’un État de ce type. Cette dynamique des forces de classes au Venezuela s’est accentuée sous la direction de Maduro, depuis 2013. La chute des cours du pétrole a brusquement mis fin aux redistributions de la rente obtenues par les exportations, et a révélé la faillite de l’État vénézuélien qui ne faisait qu’administrer du capital bureaucratique sans entamer de transition socialiste. C’est un nouvel exemple que seule une direction prolétarienne de la révolution peut assurer la transition socialiste de l’économie.

    Depuis les quatre dernières années, la pression des impérialistes américains et alliés sur le régime s’est accentuée. Le gouvernement de Maduro s’était tourné vers d’autres impérialismes, accentuant la contradiction inter-impérialiste dans l’arrière-cour des USA qu’est l’Amérique du Sud. Tout d’abord avec la Russie, sous la forme d’essais militaires russes conjoints avec l’armée vénézuélienne ou de commerce d’armes entre Moscou et Caracas. Cette coopération directe est la face émergée de l’iceberg, la plus visible. Mais la pénétration impérialiste est surtout venue de la Chine. En 2018, les exports pétroliers du Venezuela (98 % des exports totaux du pays selon l’OPEC [Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole]) étaient retombés à leur niveau de 1988 pour les exports vers les États-Unis. Dans les quatre dernières années, plusieurs prêts de « développement » à hauteur de plusieurs milliards de dollars ont été signés par le gouvernement de Maduro et la Chine avec comme ligne de mire l’industrie pétrolière. Les impérialistes chinois ont également pénétré le marché vénézuélien à l’aide d’accords de coentreprise comme Sinovensa, cédée a 49 % par Maduro à la Chine en septembre dernier, ou la Banque de Développement de Chine (CDB), devenue partenaire majeure des dirigeants vénézuéliens.

    Le coup d’État de Guaido intervient quelques semaines seulement après l’annonce par Maduro d’un investissement chinois historique dans le pétrole vénézuélien qui ferait monter le nombre de barils exportés vers la Chine à 1 million par jour. Le Venezuela envoyait déjà dés octobre près de la moitié de sa production journalière vers la Chine, un changement total lorsque l’on sait qu’il y a 20 ans, le pays était le premier fournisseur de pétrole aux États-Unis. En octobre, Maduro a annoncé être prêt à tenir ses engagements avec la Chine « à tout prix » (Reuters). Ainsi, il n’est pas surprenant que la Russie et la Chine se soit immédiatement portées garantes de l’intégrité du gouvernement de Maduro. Cette situation nous donne un exemple clair de l’enjeu qu’est le Venezuela pour les conflits inter-impérialistes.

    Tout cela confirme les plans de l’impérialisme américain d’intervenir dans la situation au Venezuela. Au-delà de l’ingérence et de la pression diplomatique, le passage à un conflit ouvert en cas de maintien de Maduro au pouvoir ouvre la porte à une agression de l’impérialisme américain. Face à cette menace, la contradiction principale est entre les impérialistes qui attaquent et les masses populaires qui se défendent. Nous devons par conséquent appuyer tous les efforts à l’émergence d’un quartier général prolétarien indépendant au Venezuela, capable de mener la lutte contre l’impérialisme jusqu’au bout, en commençant par repousser les yankee hors du pays avec toutes les forces qui s’opposent à l’agression américaine.

    En ce sens, le slogan « À bas les plans d’intervention impérialiste américaine ! Victoire au peuple du Venezuela ! » est juste, car il part de la situation actuelle où l’opposition à l’impérialisme américain est devenue principale dans le creuset du coup d’État. Combattre et dénoncer les plans d’agression américaine et tous ceux qui la soutiennent est notre devoir n°1 aujourd’hui dans notre soutien aux masses populaires du Venezuela.

    À bas les plans d’intervention impérialiste américaine !

    Victoire au peuple du Venezuela !


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  • Lire par exemple ici :

    https://www.huffpostmaghreb.com/entry/le-vice-president-du-conseil-italien-luigi-di-maio-attaque-la-france-et-sa-politique-colonialiste-en-afrique

    "Ce week-end, la mer Méditerranée a de nouveau été témoin de tragédies. D’après le HCR, 170 personnes qui tentaient de rejoindre l’Europe ont perdu la vie dans les eaux lors de deux naufrages distincts. 53 migrants sont morts dans un bateau parti du Maroc. L’autre bateau, qui partait de la Libye, a laissé 117 candidats à l’immigration sans vie. Trois personnes seulement ont survécu, sauvées par la marine militaire italienne. (...)

    De son côté, le vice-Président du Conseil italien Luigi Di Maio a adopté une position encore plus ferme. Lors d’un déplacement dans la région des Abruzzes (centre de l’Italie), il a accusé directement la France d’être à l’origine de l’immigration et demandé des sanctions de l’Union européenne contre ce pays qui “colonise l’Afrique” et qui “appauvrit” ses États. “Si aujourd’hui les gens partent d’Afrique, c’est parce que certains pays européens avec la France en tête n’ont jamais cessé de coloniser des dizaines d’États africains”, a souligné Luigi Di Maio. “La place des Africains est en Afrique et non au fond de la Méditerranée”, a-t-il ajouté.

    Pour convaincre, celui qui est aussi ministre du Développement économique et du Travail et leader politique du Mouvement 5 étoiles (M5S) revient sur l’utilisation du franc CFA. “Il existe des dizaines d’États africains dans lesquels la France imprime sa propre monnaie, le franc des colonies, et avec cette monnaie la dette publique française est financée. Macron nous fait d’abord la morale puis continue de financer la dette publique avec l’argent avec lequel il exploite les pays africains”."

    CQFD.

    Avril 2011. La fontaine du Trocadéro, à Paris, est teinte en noir (couleur pétrole) par des militants néofascistes italiens de Casapound, avec des petits bateaux en papier symbolisant les bateaux de migrants, et dessus des photos de migrants criant "Sarkozy, à l'aide !" :

    http://www.fascinazione.info/2011/04/casapound-sbarca-parigi-con-una-beffa.html

    Et un texte sans équivoque :

    "Vous avez pris le pétrole libyen que nous utilisions (les Italiens). Vous avez pris le gaz libyen que nous utilisions. Vous avez pris les contrats libyens qui étaient les nôtres. Maintenant prenez vous les bateaux entiers d'immigrés. Il y a des Italiens qui ne se vendent pas et ne se rendent pas".

    Comme quoi... cet "anti-impérialisme" populiste italien dont vient encore de faire montre Luigi Di Maio n'est pas non plus une idée tout à fait neuve quand il s'agit de contrer la France en Afrique.

    Peut-être tellement pas neuve qu'elle pourrait remonter à Mussolini et avoir inspiré à Léon Trotsky son célèbre exemple ("admettons que dans une colonie française, l'Algérie, surgisse demain un soulèvement sous le drapeau de l'indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussé par ses intérêts impérialistes, se dispose à envoyer des armes aux rebelles" – ajoutant ensuite "Je prends intentionnellement l'exemple d'un soulèvement contre un impérialisme démocratique et d'une intervention en faveur des rebelles de la part d'un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils s'opposer à l'envoi de bateaux chargés d'armes pour les Algériens ? Que quelque ultra-gauche ose répondre affirmativement à cette question ! Tout révolutionnaire, en commun avec les ouvriers italiens et les rebelles algériens, rejetterait avec indignation une telle réponse. Si même se déroulait alors dans l'Italie fasciste une grève générale des marins, en ce cas, les grévistes devraient faire une exception en faveur des navires qui vont apporter une aide aux esclaves coloniaux en rébellion ; sinon ils seraient de pitoyables trade-unionistes, et non des révolutionnaires prolétariens"... raisonnement "pas idiot" vu ainsi de prime abord, et même très "juste" dans l'idéal, mais perdant de vue un point non-négligeable, qui est que dans de telles circonstances le résultat aurait probablement été une Algérie non pas "libre" mais redevable et protectorat italien, renforçant par conséquent l'Italie et le camp fasciste en Europe qui égorgeait la République espagnole, menaçait l'URSS et tous les peuples travailleurs du continent etc. etc., paramètre impossible à ignorer même si sa dénonciation d'un certain "purisme" gauchiste peut sonner par certains aspects fort juste, et faire écho à nombre de nos raisonnements par le passé)...

    Histoire de replacer, un peu, les récents propos non pas de Salvini (erreur du texte qui suit) mais de Di Maio dans un contexte, celui des CONTRADICTIONS INTER-IMPÉRIALISTES :

    "À l'époque où des dirigeants de son parti comparaient Cécile Kyenge à un orang-outang, on n'a pas entendu Salvini prendre la défense des Africains dont il semble soudainement se préoccuper.

    Ces Africains qu'ils méprisent en Italie sont en revanche charmants quand il s'agit d'aller chez eux afin d’exploiter leurs richesses ?

    Et des gogos tombent dans le panneau : youpla ils ont dénoncé la France et le CFA !

    Mais l’Italie est en guerre économique ouverte avec la France pour exploiter les richesses du continent depuis plusieurs mois.

    La société italienne ENI utilise les mêmes ficelles que Total : coups tordus, corruptions des élites au Nigeria, au Congo pour obtenir des marchés etc.. ENI a en outre été accusée d'avoir arnaqué le Nigeria de 6 milliards de dollars avec Shell...

    Sources :

    http://afrique.le360.ma/autres-pays/economie/2018/11/27/24044-corruption-shell-et-eni-auraient-fait-perdre-6-milliards-de-dollars-au-nigeria-24044

    https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/09/21/premieres-condamnations-pour-corruption-au-nigeria-des-compagnies-schell-et-eni_5358290_3212.html

    https://www.afrik.com/l-italie-enquete-sur-la-corruption-d-eni-au-congo

    La page de Kahm Piankhy"


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  • [Ce n'est pas la première fois qu'un de ces régimes "bolivariens" livre des militants révolutionnaires à des États réactionnaires. Lire ici notre analyse de la nature de ces régimes : retour-situation-amerique-du-sud discussion-gauche-en-amerique-latine etats-bolivariens-notre-position]


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  • Pour comprendre la genèse des ensembles linguistiques, comme l'ensemble d'òc par exemple, il faut en fait encore une fois en revenir à Samir Amin : ce sont des résultantes, sur le temps long (plusieurs siècles, un demi-millénaire ou plus), de systèmes économiques TRIBUTAIRES (lire aussi ici) autour d'un Centre ; les gens développant une langue commune d'abord et avant tout dans une relation économique commune.

    Et alors à ce niveau-là, si l'on remonte loin dans le temps, jusqu'au Haut Moyen Âge (5e-10e siècles) : il y a Tolosa (Toulouse) la capitale des Wisigoths (418-507), puis des largement indépendants États aquitains successifs, ok ok ; mais néanmoins, le Centre économique tributaire de la moitié sud de l'Hexagone devait encore rester à cette époque le triangle Arles-Orange-Nîmes, ces vieilles cités romaines qui étaient auparavant le cœur battant de la Provincia et restaient le siège d’archevêchés et autres institutions tributaires fondamentales ; Narbonne étant un centre plus secondaire, Tolosa-Toulouse avant tout un centre administratif jusqu'à la fin du 1er millénaire, Montpellier n'apparaissant elle aussi que peu avant l'an 1000 (mais sa région est, certes, déjà importante auparavant), etc.

    Arles, bien que fréquemment ravagée par divers assaillants en ces temps troublés, est alors un port important (avec son avant-port Fos), comme d'ailleurs sans doute Maguelone, cette île fortifiée par les Wisigoths au milieu d'un étang du littoral languedocien offrant un excellent mouillage naturel (avant que Charles Martel ne la ravage en 737...), sans oublier bien sûr... Marseille la vieille phocéenne, brillante république maritime qui n'a nullement disparu du jour au lendemain avec la fin de l'Empire ; tout ceci s'inscrivant dans un commerce méditerranéen, avec l'Afrique du Nord et l'Orient (Centre... économique du monde connu des Européens de l'époque), qui n'a pas non plus disparu mais reste au contraire florissant (ainsi au sujet d'Arles, on peut lire que "Au VIIe siècle, les marchands orientaux notamment syriens concentrent entre leurs mains le commerce d'importation en Gaule. Un diplôme de Chilpéric II de 716, nous indique par exemple les denrées importées et transitant par Arles ou son port avancé Fos", ou encore que "en 800, Théodulfe (c.750-821), évêque d'Orléans de passage dans la cité, signale tous les produits qu'on peut y trouver grâce à son port : draps de soie, peaux de Cordoue, encens, ivoire et bien d'autres produits de la Syrie, de la Perse et de l'Inde ; Arles est bien à cette époque un port franc prospère ouvert sur le monde méditerranéen").

    Ce qui à ce stade tendrait à donner raison à... Mistral, pour qui le "vrai" "pur" "provençal" (terme synonyme pour lui de langue d'òc) était celui de cette région : le rhodanien.

    C'est, en effet, très probablement dans ce secteur qui était déjà l'épicentre de la Provincia romaine, que s'est développé dans sa forme la plus "pure" le roman post-latin qui allait devenir le provençal de Mistral c'est à dire l'occitan ; l'aire de langue d'òc consistant ensuite tout simplement en le "bassin versant" économique (tributaire) de ce Centre ; ce que tend d'ailleurs à montrer la géographie de cette aire, son "déploiement" en deux "ailes" (une petite à l'Est et une grande à l'Ouest) autour de cette région précise.

    Les (légères) variantes de provençal en sont basiquement la dérivation le long des routes reliant à l'Italie (par la Durance ou par la côte) ; celles de languedocien se développant le long de la Domitia vers l'Espagne et de l'Aquitania entre Narbonne et Bordeaux ; ces deux dialectes étant de fait jumeaux, rien ne permettant vraiment de parler de deux langues différentes. 

    En s'éloignant plus du Centre (Alpes, Massif Central, Gascogne-Pyrénées), par contre et par la force des choses, la langue occitane "dévie" plus fortement de cette "norme" centrale de la basse vallée du Rhône, l'influence des substrats pré-romans se fait plus sentir etc.

    Ainsi par exemple, le "limousin" des ducs troubadours d'Aquitaine (11e-12e siècles) n'était certainement pas le parler des paysans du Limousin, d'ailleurs sans doute, à l'époque, nettement plus gaulois et moins roman que le dialecte d'òc qui a subi l'assaut des hussards noirs de la République parisienne au 20e siècle. Il était simplement nommé ainsi parce que ces ducs avaient l'habitude de résider dans ce secteur entre Poitiers, Limoges, Périgueux, Bordeaux etc. ; mais il s'agissait bel et bien d'un PROTO-LANGUEDOCIEN (sans doute encore plus indiscernable du proto-provençal que ne le sont les deux dialectes aujourd'hui) : la langue noble des élites de la moitié sud de l'ancienne Gaule à l'époque... se communiquant La notion d'ensemble économique tributaire (au Moyen Âge féodal) et la genèse de l'aire linguistique occitanepetit à petit aux masses populaires dans leur parler de tous les jours, à mesure que les villes, (re) gagnant en importance après la période troublée entre 400 et 800 de notre ère, "prenaient" de plus en plus les campagnes et les villages dans leur "orbite" économique (mais ce faisant, aussi, sous l'influence des substrats pré-latins basquisants, gaulois ou ligures, elle se différenciait toujours plus de sa "matrice" gallo-romane méridionale originelle).

    Il en est allé strictement de même en Gascogne : adoption du "roman du Sud de la Gaule" (proto-occitan) par les élites, y compris d'ailleurs jusqu'au Pays Basque (Bayonne, Saint-Jean-de-Luz etc.) ; sachant qu'à l'origine, lors de la conquête romaine par César et pendant encore plusieurs siècles voire un millénaire ensuite (sous le duché de Vasconie etc.), la langue de la région n'était pas gauloise mais plutôt de type euskara ; puis transmission aux masses (hypothèse possible : adoption par elles dans le cadre de l'alliance de classes Église-paysannerie, contre la noblesse guerrière, de la "Paix de Dieu"), donnant donc le (les diverses variantes de) gascon, SAUF dans le petit secteur des montagnes basques, pour des raisons mal connues mais sans doute en rapport avec la longue existence d'un État basque (royaume de Navarre jusqu'au début du 16e siècle, voire fin pour le petit bout qui appartenait à Henri IV) à l'appareil judiciaire et administratif (les "vieilles lois" - lege zaharra) dans cette langue ; "centré" tributairement sur Pampelune et les ports des estuaires de la côte plutôt que sur l'axe Narbonne-Toulouse-Bordeaux, etc.

    Plus au nord, l'aire linguistique arpitane correspond elle à un autre "bassin versant" tributaire, celui de Lyon et Vienne, deux autres anciennes cités romaines et "métropolites" (archevêchés) essentielles (carrément capitale romaine puis primature chrétienne des Gaules pour ce qui est de Lyon) ; "cœur", de fait, du royaume burgonde puis des entités successives (chaque fois que le royaume d'un roi mérovingien sur toute la Gaule se divisait entre ses héritiers après sa mort, on tendait à revenir à un royaume sur ce territoire), dont l'aire arpitane d'ailleurs, étendue à l'origine beaucoup plus au nord qu'aujourd'hui, épousait alors pratiquement les limites. Ce "bassin versant" est sans doute ce qui "enfonce" très au sud (pratiquement jusqu'à Valence, et au sud de Grenoble) la frontière linguistique d'òc de ce côté-là de l'Hexagone, alors qu'elle montre très au nord au niveau du Massif Central. Il est cependant fort possible que la langue de l'époque ait été beaucoup plus proche du proto-occitan qu'elle ne l'est aujourd'hui, et qu'elle ait évolué par la suite sous l'influence économique et politique du Nord (avec pour caractéristique par exemple l'emploi systématique du pronom personnel dans la conjugaison, qui n'est utilisé que pour insister en langue d'òc, comme en espagnol ou en italien, c'est normalement ainsi que les linguistes fixent la "frontière" entre arpitan et occitan).

    D'ailleurs, diamétralement à l'opposé de l'Hexagone, sur l'Atlantique, l'aire poitevine-saintongeaise (ancienne région Poitou-Charentes) est elle aussi réputée avoir été de langue d'òc et "oïlisée" après son annexion par Philippe Auguste (et sous l'influence économique du Val de Loire qui était le véritable Centre, plus que Paris, des langues d'oïl dont la version standardisée deviendra le français - le fait d'avoir déjà été, pendant le demi-siècle précédant la conquête capétienne, une possession des Plantagenêt c'est à dire d'Angers, qui était leur véritable capitale, a sans doute aussi joué).

    [Ici une (très importante) carte des variations des aires linguistiques au cours de l'histoire : Linguae-in-Galloromania.svg]

    Alors ensuite, en plus de ces considérations économiques, il y a l'aspect POLITIQUE qui joue bien sûr un rôle ; mais néanmoins tout de même (surtout avant l'apparition des États modernes) à relativiser.

    La grande majorité de l'aire linguistique occitane actuelle correspond, on le sait, à ce qui était après la chute de l'Empire romain (entre 418 et 507) le royaume des Wisigoths, puis les successives entités (duchés, ou royaumes mérovingiens de division entre héritiers) généralement appelées Aquitaine ; d'ailleurs le terme même d'Occitanie (Occitània), qui n'est pas un néologisme récent mais apparaît dans des textes de peu après la conquête capétienne (et encore dans l'Encyclopédie de Diderot en 1765 : "nom commun à tous les peuples qui disent oc pour oui, c'est-à-dire de la Gascogne, de la Provence, du Dauphiné ainsi que du Languedoc"), pourrait être à l'origine une sorte de "jeu de mot" entre òc (les langues) et Aquitania (Aquitaine en latin). Au nord-est, on l'a vu, se trouvait le royaume proto-arpitan burgonde et là aussi ses successeurs, autour de Lyon et sa voisine Vienne.

    Pour ce qui est, en revanche, de ce que nous avons vu être jusque très tardivement (début du 2e millénaire) le Centre tributaire de l'aire linguistique, à savoir la basse vallée du Rhône et plus largement le pourtour méditerranéen, la situation s'avère un peu plus complexe.

    Au 5e siècle, le Languedoc méditerranéen ET la Provence au sud de la Durance appartiennent aux Wisigoths, tandis qu'au nord ce sont les Burgondes ; puis cette dernière région est annexée un temps par les Ostrogoths, c'est à dire l'Italie, avant d'être conquise par les Francs ce qui signifiait, en fait, rattachée à l'ensemble "burgonde" de l'axe Rhône-Saône. De son côté l'ouest du Rhône, ce qu'on appelait la Septimanie (Languedoc méditerranéen) reste aux Wisigoths repliés en Espagne après leur défaite et la conquête de toute l'Aquitaine par Clovis, puis passe pour une quarantaine d'années environ (720-760) à leurs vainqueurs et successeurs, les Arabes de l'émirat de Cordoue (wilaya de Narbonne), avant d'être à son tour nominalement rattachée à la Gaule franque c'est à dire en réalité à l'ensemble aquitain (duché et parfois, assez souvent même, royaume).

    C'est donc (pour le moins) une terre disputée ; ce que sa richesse explique sans doute ; mais qui garde néanmoins à travers toutes ces conquêtes ses institutions propres, ses "patrices de Provence" (comme Mauronte) par exemple, et son autonomie politique.

    À l'époque carolingienne (entre la fin du 9e et le milieu du 10e siècle) se constitue un grand royaume de "Bourgogne-Provence" ou "d'Arles", qui finira intégré au Saint-Empire en 1032 et dès lors (son "roi" devenant le lointain et absent empereur germanique) se décomposera. Ceci montre d'ailleurs l'importance "centrale" que conserve cette région d'Arles encore à cette époque. Sa frontière occidentale n'est cependant pas exactement le Rhône, mais plutôt les Cévennes ardéchoises et le secteur de Nîmes ; tandis qu'au nord ce qu'on appelle Provence s'étend jusqu'à la hauteur de la Drôme voire de l'Isère, voire garde dans le langage commun de l'époque son sens de Provincia romaine c'est à dire jusqu'à Vienne (pratiquement Lyon) et même au lac Léman (en distinguant peut-être parfois la Sapaudia future Savoie)... et donc théoriquement, aussi, de toute l'Occitanie du moins méditerranéenne, jusqu'à Narbonne voire Toulouse.

    Plus à l'ouest, au sein de l'ensemble aquitain, se développe l'autonomie et s'étend l'influence dans toute l'Occitanie centrale (Languedoc historique) de Toulouse, l'autorité de ses comtes sur leurs vassaux (Trencavel etc.) mais aussi et surtout la force d'attraction de son économie marchande, tandis que s'immisce aussi l'influence politique des rois d'Aragon-Catalogne (qui mettent d'ailleurs la main sur la Provence méridionale, au sud de la Durance, au 12e siècle ; les Toulouse prenant ce qui est au nord - Vaucluse, Drôme - comme "marquisat" ; les Toulouse de fait eux-mêmes d'origine provençale ainsi que leur célèbre croix devenue l'emblème occitan ; bref comme on peut le voir la séparation reste tout sauf nette pour ne pas dire que l'imbrication est totale...). La très importante place intellectuelle et marchande de Montpellier (devenue un Centre tributaire de premier plan) était ainsi leur possession directe (et le restera jusque tard, au 14e siècle).

    Tout ceci a son importance. La politique a, dans les processus de formation nationale, son importance : si par exemple aujourd'hui tout le monde parle français, et le sentiment d'être "français" est une réalité dont quoi qu'on en pense la ligne de masse doit tenir compte (comme on a pu encore le voir dans le mouvement des Gilets Jaunes), c'est en raison de l’œuvre politique de l’État français auquel nous appartenons tous depuis plusieurs siècles... MAIS il s'agit là d'un État moderne, un État-"nation".

    L'importance du rattachement politique ne doit pas non plus être exagérée, a fortiori dans le contexte féodal du Moyen Âge. Les "États" étaient alors d'abord et avant tout des ensembles de terres appartenant et fournissant (par l'impôt) ses revenus à un souverain déterminé. Ce qui faisait de ce souverain, de sa résidence et de sa cour un Centre tributaire important pour les territoires s'y rattachant, certes, mais pas le seul : d'autres importants, pour ne pas dire les principaux Centres tributaires étaient ainsi les Centres ecclésiastiques (évêchés, archevêchés, grandes abbayes), ou les grands ateliers de production monétaire comme Melguèlh-Mauguio (sol melgorien), ou encore les vieilles cités antiques (comme, on l'a vu, Nîmes ou Arles) qui conservaient leur zone d'attraction, de "chalandise" économique (et selon la marchandise concernée, celle-ci pouvait s'étendre très loin !) indépendamment de quel seigneur possédait et tirait ses revenus de telle ou telle terre. S'il fallait fréquemment payer un péage au seigneur des lieux (au passage d'un pont par exemple, ou d'un bac sur un fleuve), mais ceci valait aussi pour le déplacement le plus local qui soit (le pont pouvait d'ailleurs se trouver en plein cœur du domaine d'un seul et même seigneur : ça n'avait réellement rien à voir avec une quelconque question de frontière, c'était simplement une rétribution au seigneur qui l'avait fait construire et se chargeait de son entretien !), les personnes et les marchandises circulaient librement vers le Centre économique sans besoin d'un passeport, ni de droits de douanes, bref sans rien de commun avec le fonctionnement des États-"nations" aux 19e et 20e siècles (avant l'Union européenne).

    C'est, ainsi, surtout le découpage administratif FRANÇAIS qui a fixé sur le Rhône une véritable frontière entre le Languedoc d'un côté (définitivement annexé en 1270) et le Dauphiné (annexé en 1349) et la Provence (1480-82 après le règne de la déjà apparentée dynastie d'Anjou) de l'autre ; avec leurs États provinciaux et leurs Parlements différents, règles juridiques et fiscalités différentes, qui sans en faire des vases clos, tendait néanmoins (on parle là de l'Ancien Régime, 16e-18e siècles) à faire de chacun un circuit économique propre (les capitales administratives françaises devenant Centres de chalandise en se substituant aux anciens).

    L'histoire et la politique, les entités "étatiques" féodales indépendantes puis administratives françaises d'Ancien Régime, ont sans aucun doute forgé des identités culturelles fortes et singulières, dont toute LIGNE DE MASSE en matière "occitaniste" comme de questions nationales dans l’État français en général, ne peut que devoir tenir compte.

    C'est un fait que, si "Occitanie" n'est pas du tout un néologisme, le resurgissement du terme au 20e siècle l'a vu de par sa racine étymologique comme la localisation de ses principaux activistes tendre à se confondre avec "Languedoc" ; venant se surajouter à cela en 2015 l'attribution (après consultation populaire) de ce nom à la nouvelle région couvrant la partie centrale de l'aire de langue occitane (ex Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées), après des décennies déjà d'emploi du terme et de la symbolique (croix) par les anciennes régions, les villes comme Toulouse etc. ; tandis que de son côté le Félibre de Mistral qualifiait de "provençal" l'ensemble de l'aire linguistique d'òc, "annexant" de fait à la Provence tout le "Midi" (et souhaitant faire du provençal rhodanien le seul occitan littéraire et "académique", "digne" d'être écrit...).

    C'est un fait que, au-delà de la problématique déjà non sans importance du sentiment d'être "français", il n'est pas évident en ligne de masse, à ce stade, de parler d'Occitanie en Provence : il y a des occitanistes bien sûr, assez nombreux ; de fait les écoles d'enseignement en immersion linguistique, autrement dit de sauvetage pur et simple de la langue (donc du provençal, car on n'y enseigne pas d'"occitan" unifié qui n'existe pas), sont gérées par des associations occitanistes ; mais il s'agit néanmoins de cercles bien particuliers, politisés, "initiés". Si nous voulons parler en termes DE MASSES, c'est bien le drapeau provençal à bandes sang et or que l'on va éventuellement (assez massivement en fait...) retrouver dans les tribunes sportives (Stade Vélodrome de l'OM, RC Toulon pour le rugby), ondoyant au chant mistralien de la Coupo Santo ; sur (souvent flanqué dans ce cas du dauphin des Hautes-Alpes et de l'aigle niçois, c'est à dire le drapeau de la région administrative désormais ignominieusement rebaptisée "Sud") les mairies et autres édifices publics, ou encore les plaques d'immatriculation ; dans les festivités locales etc. etc. Un sentiment de masse, donc, provençal et pas vraiment occitan ; à quoi s'ajoute désormais, comme on l'a dit, le fait que l'Occitanie... "ben c'est l'autre région quoi, celle d'à côté, Montpellier Toulouse tout ça, de l'autre côté du Rhône... ici c'est la Provence !".

    Il en va assez largement de même en Gascogne, "propre" (Gers, Landes etc.) ou "particulière" (Béarn, Bigorre, Luchonnais etc.), avec cependant toutefois (historiquement) une implantation occitaniste plus importante ; tout comme en Auvergne et Limousin ; la politique... toute récente jouant parfois aussi son rôle comme avec le travail politique du PNO dans les vallées de langue d'òc du versant piémontais des Alpes, qui se définissent désormais largement comme occitanes et arborent fièrement la Crotz, à quelques exceptions près comme Comboscuro qui préfère revendiquer sa provençalité (sachant que sur le plan linguistique, toutes sont nettement plus éloignées du provençal d'Aix comme du languedocien de Montpellier que ceux-ci ne le sont entre eux...). Le Pays de Nice compte des nissardistes qui ne veulent entendre parler ni d'occitanistes... ni de provençalistes ; mais aussi une assez importante "scène" occitaniste (plus importante, peut-être même, qu'en bien des endroits de Provence proprement dite), plutôt de filiation PNO (Assemblada Occitana bien implantée localement, Republica Federal, Nissa Pantai etc.).

    Si être matérialiste, c'est d'abord et avant tout partir du réel... il n'y a pas grand-chose d'autre à ajouter que : "dont acte" ; ceci étant valable pour les uns ("les provençalistes c'est des pourritures de diviseurs" etc.) comme pour les autres ("ces saloperies de panoccitanistes de merde véritables jacobins en modèle réduit", sachant que les provençalistes veulent eux aussi généralement établir une "Grande Provence" qui "peut tenir" par l'histoire, jusqu'à Valence et Menton, incluant les vallées du Piémont voire l'Ardèche, mais où en bien des lieux le sentiment provençal est bien moins évident qu'il ne peut l'être dans certaines tribunes de l'OM ou du RCT, et que le sentiment occitan ne l'est dans celles-ci).

    La politique révolutionnaire, c'est partir de la réalité des masses ; et ceci implique que construire un mouvement de Libération révolutionnaire du Peuple travailleur en Provence ne peut sans doute pas passer par plaquer autoritairement la Croix d'Òc, toute d'origine provençale qu'elle soit, sur des couleurs sang et or qu'il faut déjà tant œuvrer à re-signifier et arracher au pur folklorisme en arrachant la conscience des masses au sentiment "français" ; dans un contexte où, un peu comme la dissolution dans le kafkaïen "Grand Est" a réveillé la lutte et l'affirmation populaire en Alsace, l'ignominie technocratique "Sud" offre l'occasion d'un splendide combat en ce sens.

    Mais être matérialiste, c'est aussi être SCIENTIFIQUE ; et donc admettre la vérité scientifique de ce que nous avons vu ici : la genèse "aminienne" de l'aire linguistique d'òc, comme de toute aire linguistique dans le monde, dans un système économique tributaire d'un Centre que nous avons pu situer (dans la toute première genèse, l'étape de "différenciation romane" du Haut Moyen Âge) dans la basse vallée du Rhône ; avec évidemment des variantes, un phénomène de "dégradé" dialectal à mesure que l'on s'éloigne précisément de ce Centre (et que se fait sentir, peut-être, l'influence d'autres Centres, comme le Centre lyonnais arpitan par exemple ; notamment dans ces secteurs comme la Drôme, théoriquement occitans mais où l'accent, qui dit quand même beaucoup de la langue parlée avant le français, est pratiquement identique à celui du Forez arpitan - le fameux accent d'Aimé Jacquet par exemple ; comme il en va d'ailleurs largement de même dans le Puy-de-Dôme auvergnat etc.).

    Et donc, l'unité historique claire que revêt aussi cette aire en dépit des différents "États" féodaux d'avant l'annexion ; "États" dont nous avons vu qu'ils n'avaient pas la même signification ni la même logique de frontières entre eux que ceux d'aujourd'hui.

    En ce qui nous concerne pour notre part, en tout cas, si toutes ces questions existent bel et bien et méritent d'être réfléchies, ces contradictions entre "panoccitanisme" et "particularismes" (Provence, Gascogne-Béarn, Nice etc.) sont (doivent être) selon nous secondaires, et les crispations, les conflictualités exagérées à leur sujet sont hautement nocives au regard de la priorité ABSOLUE que devrait être pour nous tous d'en finir avec la France comme prison et appareil de domination des Peuples travailleurs ; cette NÉCESSITÉ HISTORIQUE et exigence populaire de "vivre, travailler et décider au pays" qu'est en ce moment même en train de poser, sous ses marées de drapeaux bleus-blancs-rouges et de Marseillaise (qu'il nous faut "déblayer"), le mouvement des Gilets Jaunes...

    À moins bien sûr d'avoir affaire (pour ne nommer personne) à de véritables officines de droite ou d'extrême-droite françaises déguisées, capables par exemple de... prendre position contre le processus d'autodétermination de la Catalogne ; mais cette problématique, cette politique du "sous-marin" réactionnaire au service (en général) d'une petite flamme bel et bien tricolore, affecte toutes les nationalités périphériques de l’État français (Bretagne, Corse etc.) sans qu'elles ne soient forcément concernées par ce type de controverse linguistique ; sachant qu'ici les forces de ce type les plus nocives, par leur ambigüité maurrassienne entre "régionalisme" folklorique et nationalisme français, restent d'un côté comme de l'autre du Rhône les Identitaires et leurs divers faux nez ("Ligue du Sud", "Ligue du Midi" etc.) ; et que le "panoccitanisme" peut lui aussi être totalement incrusté, certes plutôt "à gauche" ou tout au plus au centre-droit, dans l'appareil d’État français qu'il prétend dénoncer, petit monde de cénacles universitaires et de strapontins régionaux gentiment laissés par le PS ou autres, qui pour ne pas être proprement fasciste n'en a pas moins plus que sa responsabilité dans la désaffection ou la "surdité" populaire à son endroit que l'on pourra rencontrer par exemple chez un supporter provençaliste de l'OM (ou un Gilet Jaune d'un rond-point du Var arborant lui aussi fièrement le sang et or).

    Bref, pour parler clairement : en termes de masses, pour partir typiquement du Gilet Jaune lambda qu'il va déjà y avoir toutes les peines du monde à arracher à ses illusions "citoyennes", "républicaines" et "françaises", le gars il n'en a surtout strictement RIEN À BATTRE de ces bisbilles entre "initiés" qui ne font que COUPER leurs protagonistes, les uns comme les autres, de lui et des masses de comme-lui ; de ces préoccupations populaires concrètes et immédiates dont pourtant, l'analyse sérieuse et poussée renvoie toujours à la même conclusion qu'il faut en finir avec le système tel qu'il est, avec LA FRANCE telle qu'elle est, ce qui est a priori le cœur du programme politique de tous.

    IL EST DONC GRAND TEMPS DE POSER LES CHOSES COMME ELLES DOIVENT L'ÊTRE, car la réalité est que toute une conception de l'Occitanie comme (finalement) une espèce d'"anti-nation", d'"anti-France" territorialisée ; conception découlant de la "nation putative" de Lafont-Castan ; a fait en définitive beaucoup de mal, attirant dans le mouvement une prolifération de socedems ou gauchistes vaguement "libertaires", tenants d'une Occitanie "festive" (par exemple) ou on-ne-sait-trop quoi d'autre, etc. etc.

    Face à quoi, les anti-occitanistes "régionaux" (gasconistes, béarnistes, provençalistes) ont beau jeu avec leurs "vraies nations qui elles ont une vraie base historique"... !

    Tandis que nos masses populaires, face à leurs problèmes liés à la domination nationale (dont elles n'ont même plus conscience...) et non-empoignés par les tenants de l'"anti-nation libertaire festive", cherchent refuge (comme c'est hélas trop souvent le cas) dans le nationalisme de droite ou "de gauche" (ou "ni l'un ni l'autre")... français.

    Non, l'Occitanie ce n'est pas un "ensemble mouvant de références culturelles festives" (qui rejoindraient en fin de compte celles de la "scène" d'extrême-gauche) : l'Occitanie c'est le territoire d'un ensemble de problématiques sociales LOURDES ; que l'on peut certes retrouver ailleurs (la France d'Europe, l'Hexagone, a bien d'autres périphéries) sauf qu'ailleurs c'est une autre langue populaire (breton, corse, ch'ti, platt etc.) qui était parlée et qui est en train de disparaître, donc voilà ; et des problématiques dont il faut enfin arriver à dire qu'elles prennent racine dans une histoire, qui est celle d'une CONQUÊTE NATIONALE (par Paris) dans un but bien précis : (nous) EXPLOITER.

    [Lire : qu-est-ce-que-l-occitanie-que-sont-les-occitans-a145587828]

    Il nous faut donc oser (enfin) affirmer ici que l'Occitània (ou les Pays ou les Terres d'Òc, allez, ne chipotons pas !) EST UNE NATION comme peut l'être l'Allemagne ("composite", "plurielle" et donc à vocation fédérative) ; voilà. 

    Une nation actuellement divisée et même pire (que l'Allemagne d'avant 1870), en fait : "unifiée" du fait de l'appartenance... à une autre (qui l'occupe et l'exploite).

    Une nation qui à l'époque historique actuelle (contrairement encore à l'Allemagne au 19e siècle) ne peut avoir de réalisation que ROUGE, révolutionnaire anticapitaliste.

    Et qui sera donc une nation... comme l'aurait été l'Allemagne rouge victorieuse en 1919, avec ses républiques socialistes comme celle de Bavière = les anciens royaumes confédérés de l'Empire, devenus républiques prolétariennes.

    Provence rouge, Béarn rouge, Auvergne rouge etc. etc. = République des Conseils de Bavière (et autres, d'Alsace-Moselle par exemple...) ; Occitanie rouge = Union allemande des Républiques des Conseils (qui se dessinait avant son écrasement par les socedems épaulés par les futurs nazis).

    [On laissera ici de côté le cas de l'Autriche, dont la séparation de l'Allemagne résulte de circonstances historiques précises allemagne-autriche que nous "éviterons" bien sûr de reproduire ; autrement dit, ce n'est pas parce que nous sommes une nation "comme l'Allemagne" qu'il s'agit de faire du "pangermanisme" agressif et réactionnaire...]

    Annexes à lire :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/en-finir-avec-la-france-appareil-politico-militaire-et-ideologique-de--a114084612

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/apres-8-segles-a114065314

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/grande-etude-historique-du-pais-a-la-commune-populaire-de-la-communaut-a114072740

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/notes-de-lecture-sur-en-quoi-consiste-l-inspiration-occitanienne-de-si-a114072518

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    Le seul argument réellement "solide" qui a pu être opposé aux thèses développées dans cet article, est celui d'une langue gasconne qui de manière "prouvée" par les "archéo-linguistes" serait "née par différenciation du latin" (car en effet les langues romanes ne "naissent" pas : elles se séparent à un moment donné du latin) "plusieurs siècles" (2 ou 3) avant les reste des dialectes d'òc.

    En réalité, cette affirmation ne contredit pas vraiment notre analyse et voilà ce qui a pu y être répondu :

    "Il n’a jamais été question de quelque chose d’aussi mécanique qu’une langue qui naît entre Arles et Nîmes et est « importée » en Novempopulanie future Gascogne. Déjà rappelons (tu le rappelles d’ailleurs à ta façon) que la seule « naissance » de la sorte qu’on puisse enregistrer est celle qui intervient presque 1 000 ans avant l’ère chrétienne sur les bords du Tibre, celle du latin lui-même ; et avant ça on ne sait pas trop (la thèse des plaines ukrainiennes est contestée, etc.).

    Tout ce qui est dit dans cet article de SLP ne te contredit pas plus que tu ne te contredis toi-même quand tu parles d’un côté d’une différenciation précoce du proto-gascon et de l’autre d’archaïsmes latins dans le vocabulaire (un esprit simpliste pourrait à ce moment-là te répondre : ton roman proto-gascon, il se différencie plus vite ou moins vite du latin de Cicéron alors ?).

    Ce n’est pas contradictoire, c’est juste la complexité de la naissance des langues en lien avec l’économie politique.

    Le latin on l’a dit est né en Italie centrale. Il s’importe au-delà des Alpes avec l’impérialisme romain. Politico-économiquement, Rome établit sa tête de pont entre Provence occidentale et Languedoc maritime oriental, à côté de son alliée Marseille et de ses comptoirs qu’elle est venue secourir : la Provincia.

    C’est donc de là que le latin se diffuse dans TOUT ce qu’on appelle la Gaule transalpine (la cisalpine c’est la Plaine du Pô). Il se diffuse d’abord par adoption par les élites (il est probable que même avant la guerre de César, le bilinguisme était de bon ton chez nombre d’élites gauloises jusqu’à la Loire et la hauteur de Vesoul..), puis par « pénétration » progressive dans les masses.

    À PARTIR DE LÀ (surtout) vont forcément jouer les influences de substrat dans la différenciation du latin populaire « de tous les jours » par rapport au latin littéraire classique. Ça et aussi l’importance de la colonisation de peuplement. Rome envoie des Italiens centraux s’installer sur des terres qu’elle leur offre, mais évidemment, ils préfèrent les climats auxquels ils sont habitués, méditerranéens. Donc le pourtour méditerranéen et la vallée du Rhône jusqu’à la rigueur Vienne, terres qui "ressemblaient plus à l'Italie que toute autre province", dixit Pline l'Ancien. Ailleurs, ceux qu’on appelle gallo- (ou aquitano-) romains sont surtout des membres romanisés des élites autochtones.

    Le substrat en Provincia, à la base il est celte ou ligure, éventuellement ibère à partir des environs de Narbonne jusqu’aux Pyrénées, ou encore grec (Marseille et ses annexes) ; mais surtout, on a une romanisation des élites qui commence en 120 avant JC (conquête du reste de la Gaule par César : 50 av. JC et encore de la pacification plusieurs décennies ensuite), et une colonisation de peuplement bien plus importante qu’ailleurs (on peut peut-être même envisager, sans toutefois de preuve irréfutable, que l'élément autochtone et grec ait été totalement absorbé par la masse considérable de colons romains et que, peut-être dès le 2e voire 1er siècle de notre ère, on n'y parlait plus le moindre gaulois, ligure, grec, ibère ou quoi que ce soit d'autre que latin).

    Telle est la « tête de pont » de Rome en Gaule. En Aquitaine, on a pas des masses de gens qui viennent du Latium pour peupler, la romanisation c’est d’abord l’adoption du latin par les autochtones qui sont un peu des Basques. Forcément, la « fusion » du latin avec les masses locales va déboucher sur un latin populaire aux traits particularistes marqués. Peut-être encore plus marqués dans le réellement parlé qu’à l’écrit, sans parler des larges masses rurales ou montagnardes qui de toute façon ne parlent pas latin mais toujours aquitain, encore longtemps après la fin de l’Empire.

    Par la suite, alors que ce qu’on parle en Italie centrale même n’est plus le latin de Cicéron, ce qu’on parle du côté de Marseille-Arles-Nîmes l’est encore moins ; tout simplement parce que les langues ne sont jamais immuables. C’est désormais du roman de Provincia.

    Et parallèlement la latinisation se poursuit en Novempopulanie, dans une mouvement de « fusion » avec des masses de langue aquitaine qui donne AUTOMATIQUEMENT une langue plus différente du latin classique que celle qu’on parle en Provincia ou en Italie, sans que ça n’exclue comme tu l’as dit des archaïsmes latins (emploi de racines latines que les gens d’Arles ou de Rome n’utilisent plus), etc.

    Il va alors se passer qu’un linguiste « tâtillon » qui va regarder des textes en latin vulgaire (admettons qu’il y en ait) de la MÊME époque, disons vers 600 après JC, va éventuellement pouvoir dire que la tablette arlésienne « c’est encore dans les grandes lignes du latin » mais par contre, et à fortiori si c’est ce qu’il a envie à la base d'y déceler, que la tablette novempopulanienne présente des déformations « marquées » qui en font « presque du proto-gascon ».

    En attendant, si la Novempopulanie échappe sans doute moins que quiconque au nord des Pyrénées (hormis la Septimanie) à l’orbite économique de l’Espagne wisigothe de Tolède ; IL N’EN RESTE PAS MOINS que Rome qui ne s’est pas faite n’a pas non plus disparu en un jour et reste le grand Centre économique de la Méditerranée occidentale ; en tout cas l’Italie, sans compter que Byzance y a repris pied ainsi qu’en Espagne du Sud et Afrique du Nord (sans probablement y imposer le grec : en tant que provinces byzantines la langue restait latine vulgaire, mais elles faisaient interface économique avec le grand Centre de l'Empire d'Orient) ; et que la « tête de pont » de tout cela en Gaule du Sud restait les ports de Marseille, Arles, Maguelone puis Melguèlh (avant Montpellier qui n'apparaîtra que plus tard), Narbonne etc. (en alternance en fonction des éventuelles attaques qui les ruinent pour quelques décennies).

    [Mais c'est vrai qu'à la limite, si on voulait donner une explication rapide à cette divergence que tu affirmes précoce du roman gascon et pyrénéen, on pourrait évoquer tout simplement un tropisme économique majoritairement en direction de la Péninsule ibérique et non vers l'Italie comme dans la vallée du Rhône et plus à l'Est, ou "partagé" entre les deux comme en Septimanie - si on parle des 6e et 7e siècles ; et ensuite, bien qu'il serait totalement absurde de prétendre une "fin" de toute économie transpyrénéenne lorsque la Péninsule - et même pendant une quarantaine d'années la Septimanie - devient musulmane, une tendance plus marquée au "vase clos" aquitain. L'important c'est que le raisonnement soit toujours guidé par l'économie politique et non que les choses semblent résulter d'une "magie" inexplicable.]

    À LA RIGUEUR un truc que personne n’a évoqué jusque-là mais qu’on pourrait creuser, comme venant « parasiter » le processus, c’est l’épisode de la Vasconie. C’est-à-dire des BASQUES qui vont établir leur pouvoir politique sur la Novempopulanie ; des Basques parlant (donc) la langue des paysans et non des élites urbaines… peut-être dans une forme de lutte des classes, une présence permise par un éventuel accueil en libérateurs de la part de ces paysans, contre leurs ponctionneurs urbains romanisés (les Wisigoths, eux, avaient globalement respecté les élites romanisées). Mais là ça irait plutôt dans le sens d’un « retardement » de l’acquisition de la langue romane, en tout cas par les masses paysannes. Un « retardement » qui, cela dit, pourrait aussi expliquer que quand la romanisation reprend et qu’on commence (époque carolingienne) à voir se multiplier les textes* en latin vulgaire déjà roman, on trouve en Gascogne un roman assez nettement divergent de celui du reste de la Gaule méridionale."

    [* "On a très peu de textes (tendance à écrire en latin ou dans une koinè romane) et évidemment aucun enregistrement des gens en train de parler à l'époque haut-médiévale. Raison pour laquelle les estimations citées dans ton document divergent entre elles de plus... que les 2 ou 3 siècles d'antériorité à l'occitan 'central' que tu prêtes au proto-gascon. Et tout cela encore une fois passe à côté du facteur essentiel qui est QUI parlait ces diverses langues romanes en voie de différenciation régionale du latin ; autrement dit la question de L'ACQUISITION DE MASSE de ces langues... Qui forcément va encore jouer un peu plus sur leur différenciation. Mais qui va aussi, en général, intervenir nettement plus tard que d'éventuelles 'traces' attestant l'usage d'un roman nettement différencié du latin par des élites urbaines, propriétaires terriennes, marchandes, intellectuelles etc."]

    DEUX POINTS, donc, au terme de tous ces échanges :

    - Si l'on part de l'idée que naissance d'une langue romane = séparation, différenciation de celle-ci du latin... il serait en effet tout à fait possible de dire, d'un point de vue linguistique, que les dialectes d'òc sont nés en périphérie de l'aire occitane, et non "diffusés à partir d'un centre" qui serait la Provincia entre Narbonne, Orange et Marseille. Car en effet, ce qui caractérise l'òc en général et sa plus grande "pureté" centrale en particulier c'est d'être moins différentmoins séparé du latin originel que les langues du Bassin parisien. Donc en fait, le premier "centre de diffusion" qu'a été cette région dans son rôle de Centre tributaire économique, c'est d'abord celui du latin... qui en se répandant vers les périphéries de l'aire (et même, disons-le, vers le Nord, l'aire d'oïl... car si l'on regarde par exemple le roman des Serments de Strasbourg en 842, langue noble - s'agissant de rois et de leurs guerriers - à l'époque, c'est tout de même encore très "occitanisant" voire "italianisant", montrant bien d'où vient la genèse linguistique via l'élite... à moins qu'il ne s'agisse - cf. carte plus bas - de la langue de terres situées plus au sud) ; et en y "pénétrant" les masses populaires avec leurs langues antérieures non-latines, a forcément commencé à "diverger" du latin "pur", plus à chaque instant t que l'on pourrait considérer (disons : 200 ou 300 après Jésus-Christ, puis 500, puis 800 etc.) que la langue parlée dans la Provincia ; pouvant donc donner cette vision, apparemment contradictoire avec notre propos, que les langues romanes "naissent" = se distinguent du latin à la périphérie de la Gaule (entre substrat gaulois, ligure, aquitain etc. autochtone et apports extérieurs germaniques, vascon...) et que si la Provincia d'Arles, Nîmes etc. est un centre, d'un point de vue linguistique, c'est plutôt de résistance à l'évolution à partir du latin d'origine. Tout en (quand même) évoluant aussi, bien sûr, soit par innovations endogènes, soit par importation des innovations du latin d'Italie... Mais même passé ainsi à "autre chose" que du latin (en abandonnant le système de déclinaisons par exemple), il pourra toujours être perçu par les archéo-linguistes comme plus "conservateur", moins "détaché" de la souche latine que les dialectes des périphéries nord-occitane, alpine ou gasconne-pyrénéenne, sans parler des langues arpitanes et bien sûr d'oïl (qui avec les royaumes francs ou de Bourgogne, leurs capitales politiques et métropoles religieuses comme Orléans, Tours, Reims ou Lyon, commencent entre le 7e et le 10e siècle à développer leurs "centres de production" linguistique autonomes).

    - Si nous avons défini le pourtour méditerranéen et la basse vallée du Rhône comme Centre économique et (du coup) centre culturel et de formation linguistique de l'actuelle aire occitane, pour ne pas dire dans une certaine mesure de toute la Gaule, cela ne veut évidemment pas dire que c'est un mouvement absolument à sens unique. C'est plutôt comme une sorte d'épicentre produisant des vagues (à commencer par la toute première, celle du latin, après la conquête et la forte latinisation de la région) qui vont "mourir" sur les rivages alentours (perte de la "pureté" latine), puis refluent... et reviennent, en permanence. Si ce Centre, d'ailleurs, est d'abord défini de manière économique, il est bien évident que les flux économiques sont à double sens, qu'il y a un mouvement permanent de va-et-vient. Si bien que si des innovations peuvent naître au Centre (ou y être importées d'Italie) et ensuite être diffusées vers les périphéries, d'autres peuvent très bien être un produit de ces dernières, "ramenées" par un mouvement de reflux vers le Centre et "validées" au fil du temps par lui. C'est d'ailleurs, ici, un point sur lequel il ne faut jamais perdre de vue le caractère de classe de la langue et de sa formation. Au cœur de la Provincia, il est probable que dès le 1er ou 2e siècle un latin plus ou moins vulgaire est la langue généralisée, du plébéien voire de l'esclave jusqu'au grand propriétaire de villa, sans que plus personne ne parle de langue pré-latine ; mais ailleurs c'est la langue des élites, des lettrés, qui ne va que lentement s'imposer à l'usage populaire. En le faisant, elle va généralement produire des innovations, des "déviations" importantes par rapport à la norme classique qui seront considérées comme de l'argot, ou un "créole" et refusées par les tenants de la "bonne" langue, non-validées par le Centre... dans un premier temps, mais finissant parfois au fil du temps par l'être. Ou parfois, ce seront au contraire les élites latinistes des périphéries qui vont se montrer conservatrices et refuser des innovations apparues dans le Centre (qui "brasse" avec ses ports, ouvert sur la Méditerranée etc.). Les villes, sièges des lettrés, sont en principe celles qui diffusent le latin (puis le "beau" roman) vers les campagnes... Sauf que les campagnes ont aussi une tendance au mouvement migratoire vers les villes, qu'elles vont peupler dans les période de croissance urbaine (Renaissance carolingienne, Renaissance des 11e-12e siècles) en y apportant leur roman "rustique", populaire, paysan, qui va finir par y faire partie du paysage (c'est ainsi que Bordeaux s'est retrouvée linguistiquement dans l'aire gasconne : par peuplement rural, et non - selon toute vraisemblance - d'origine...). 

    C'est un processus complexe. Ce qu'il faut retenir, c'est néanmoins que toutes les aires linguistiques où que ce soit dans le monde sont le résultat d'un tel rapport d'"import-export" permanent, économique et culturel, entre un Centre et des périphéries (jusqu'à être tellement périphérique... que l'on passe dans l'orbite d'un autre Centre) ; et que la Provincia romaine, une sorte de triangle Narbonne-Orange-Marseille, a été ce Centre pour l'actuelle aire occitane, et même à vrai dire pour toute la Gaule, mais ensuite les langues très différenciées de la souche latine apparues loin de lui ont commencé à se développer et se systématiser autour de leurs propres Centres autonomes (métropoles mérovingiennes puis carolingiennes - Reims, Soissons, Orléans etc. et petit à petit et de plus en plus Paris, puis la Champagne et ses foires etc., Lyon en "Burgondie" matrice de l'Arpitanie etc. etc.).

    Il ne s'agissait en tout cas pas de dire, comme ont pu l'entendre certaines personnes, que l'occitan languedo-provençal ou le rhodanien seraient "nés" dans l'ancienne Provincia, se seraient constitués tels (ou presque) qu'ils sont aujourd'hui, puis auraient "engendré" les autres dialectes d'òc. Non, ce qui a engendré ces dialectes (ou leurs ancêtres immédiats, leurs "proto"-versions) n'était pas, à l'époque en question, du languedocien ou du provençal ou du rhodanien d'aujourd'hui : c'était tout d'abord, sous l'Empire romain, du latin (plus ou moins vulgaire), puis du "roman de Provincia" déjà différencié de lui (ayant, par exemple, abandonné le système de déclinaisons) mais pas encore, loin de là, du languedocien ou du provençal actuel ; et il n'a de toute façon, on l'a dit, pas "engendré" ces dialectes de manière unilatérale mais il s'est développé (vers la langue actuelle) en même temps qu'ils se développaient (vers le gascon, limousin, auvergnat, alpin actuels) jusqu'à l'apogée culturel précédant immédiatement la conquête (13e siècle), dans un échange dialectique permanent avec eux au sein de cette aire économique tributaire dont il était le Centre et eux les périphéries. En apparaissant effectivement à chaque instant t des deux derniers millénaire, si l'on raisonne en termes de "radicalité" de la séparation avec le latin, moins "radicalement" séparé de lui qu'eux, qui seraient donc "nés comme langues" avant lui.

    Voici une carte qui, peut-être, pourrait exprimer de façon "visuelle" ce que nous cherchons à expliquer :

    [Légende nécessaire pour comprendre :

    Serments de Strasbourg (842) où Louis le Germanique s'adresse aux soldats de son frère Charles le Chauve (enfin, peut-on imaginer, des guerriers féaux - futurs chevaliers, seigneurs féodaux - relativement nobles), et ceux-ci lui répondent, dans leur langue courante... qui, à la lecture et bien qu'on ne sache rien de sa prononciation, "sonne" franchement peu d'oïl. De fait : "en 839, à l'assemblée de Worms, Louis le Pieux (son père) lui donne une partie de la Francie occidentale comprise entre la Meuse et la Seine, l'ouest et le sud de la Bourgogne, la Provence, la Neustrie, la marche de Bretagne, le royaume d'Aquitaine, la Gascogne et la Septimanie" => potentiellement, les guerriers de Charles le Chauve pouvaient venir de tous ces territoires... La liste est longue !

    - Séquence de Sainte Eulalie rédigée vers 880 dans la région de Valenciennes et "sonnant" nettement plus d'oïl (sans que, dans un intervalle de 40 ans, la langue des Serments ait pu à ce point évoluer si elle était celle de cette région) ; dans un contexte où plusieurs synodes se sont réunis pour traiter de la langue du culte chrétien et en ont conclu de demander aux prêtres de s'adresser aux fidèles en langue germanique là où celle-ci domine ; en latin, mais un latin plus simple dans les futurs pays de langue d'òc (synode d'Arles) et en Burgondie (synode de Chalon-sur-Saône) ; et enfin (synodes de Reims et Tours) dans la "langue particulière", la "langue romane rustique" (rusticam romanam linguam) locale, au nord de la Loire.

    - Ligne Von Wartburg

    - Le concept de médioroman/Médioromanie, développé par le géographe auvergnat Pierre Bonnaud, rejoint largement l'idée de la "bande intermédiaire" présentée sur la carte, et qui était très vraisemblablement la langue des Serments.

    Bonnaud est anti-occitaniste ("auvergniste"), mais cela ne rend pas pour autant ses thèses totalement ineptes : simplement, il refuse peut-être d'aller au bout de ses propres conclusions. De fait, si l'on compare les 3 cartes, on ne peut que constater qu'il y a bien une poussée languedocienne au sud de l'aire médioromane, qui rejoint totalement notre carte. Une poussée qui d'ailleurs, tiens tiens, entre 500 et 1000 va plutôt affecter la Lozère et l'Ardèche... Pas très loin de Nîmes et Arles, tout ça ! À partir de la "corne" de l'Aveyron, le "front" reste plutôt stable à cette époque. Par contre, entre 1000 et 1500 (on va dire que dire maintenant c'est dire 1500), la poussée affecte plutôt la Dordogne, le Lot, l'Aveyron et jusqu'au Cantal. Pas très loin de Toulouse... dont on connaît l'importance comme Centre occitan entre le 11e et le 13e siècle. Ce qui ne lui traverse pas (à ce stade) l'esprit, c'est que cette poussée depuis les grands Centres languedociens, poussée languedocienne au sens que c'est ce dialecte qui s'impose, s'accompagne AUSSI d'une occitanisation de ce qui reste non-languedocien... Raison pour laquelle on classe aujourd'hui l'auvergnat et le limousin dans les langues d'òc, sauf à considérer que tous les linguistes autres que lui sont des cons... ou des stipendiés d'on ne sait quelle "puissance occitane" occulte. De son côté, l'arpitan reste l'arpitan autour de Lyon (en reculant tout de même fortement au nord, comme tout le médioroman), et la façade atlantique subit à partir de 1150 environ une déferlante d'oïl depuis les centres d'abord d'Angers-Tours (Plantagenêt) puis bien sûr de Paris, qui pousse aussi au nord du Limousin et de l'Auvergne mais les fières montagnes résistent.]

    Et puis de toute façon, nous nous sommes engagés là sur le terrain d'un débat linguistique de haut niveau ; mais nous avons eu l'occasion de dire et répéter sur ce site que la question fondamentale pour nous ne se situait pas sur ce terrain-là, où l'obsession pour fixer des "frontières" linguistiques (qui sont en réalité tout sauf nettes entre langue d'òc et arpitan ou oïl du Berry ou de Charente par exemple, ou même entre gascon et languedocien, sur quelque critère qu'on prenne) ou encore déterminer ce qui est une langue ou un dialecte régional, tourne parfois au ridicule. Pas plus, bien évidemment, que sur celui d'une "pureté" de la langue latine amenée par les conquérants romains ; dont la Bretagne et l'Alsace par exemple, loin d'être les "gardiennes", ont été au contraire le théâtre de la disparition ; et le Pays Basque carrément de la jamais-apparition ; sans moins mériter pour autant d'être défendus dans leur lutte contre le centralisme parisien ! La lutte contre le centralisme parisien, précisément, voilà la question qui est pour nous fondamentale au service de la révolution populaire dans l’État français ; et c'est pour cette raison que nous sommes d'abord allés sur le terrain de l'économie politique afin de montrer, dans un raisonnement "aminien", la genèse historique d'un Pays d'Òc à la fois uni et divers ("unidiversité") comme "bassin versant" d'un Centre tributaire (comme toute nation ou en tout cas ensemble linguistique d'intercompréhension)... à mettre en perspective avec (dans nos autres articles sur la question depuis des années, voir liens ci-dessus) sa SOUMISSION politique et économique au Nord parisien (13e-17e siècles en laissant de côté Nice et les Alpes maritimes) ; soumission FONDATRICE de l’État et du Système "France" que nous connaissons et combattons, en parallèle avec le "glissement" du Centre de gravité économique de l'Europe vers le Nord-Ouest qu'Amin (toujours) associe indissociablement avec l'émergence du capitalisme proprement dit et de la Modernité.


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  • (de ce précédent article ici : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/sur-une-controverse-de-definitions-entre-marxisme-et-decolonialisme-a157559122)

    ... le capitalisme ne serait donc pas "simplement" "l'économie de marché", mais bel et bien un SYSTÈME, une forme sociale TOTALE fondée certes sur une économie marchande... mais de marchandisation de tout ; dépouillant progressivement les masses populaires de TOUT moyen de subsistance autre que la vente de leur force de travail contre salaire ; et avec une tendance intrinsèque à la financiarisation et surtout, à l'EXPANSION TERRITORIALE de ses Centres d'accumulation au détriment les uns des autres ou des territoires encore pré-capitalistes.

    Autrement dit, intrinsèquement oppresseur national et colonialiste ; ce qui rejoint finalement l'"intuition" que nous avons pu exprimer depuis plusieurs années à ce sujet (par exemple, vieux articles : question-nationale-21e-siecle - gros-pave-question-nationale - clarification-centre-peripherie - notes-de-lecture-weil, lire aussi "La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes", par G. Maj du (n)PCI) ; et signifie que quiconque n'est "pas clair" là-dessus ne PEUT PAS faire partie du camp de la révolution et doit en être exclu (pas rétroactivement bien sûr : on pouvait être "limité" là-dessus il y a 150 ans et rester quand même dans l'histoire comme un grand révolutionnaire, mais en 2018, une fois ces choses-là comprises, ce n'est plus acceptable - exemple : critique-d-une-position valable pour ceux qui soutiennent ladite position ici et là dans le monde).

    C'est là une nature, une ESSENCE MÊME que l'on ne peut pas sérieusement prétendre combattre le capitalisme si on ne la combat pas (non seulement en paroles, grandes déclarations de principes dans ses documents organisationnels, mais EN ACTES).

    En un sens, quelque part, cela ferait de ce que nous appelons capitalisme une sorte de "cancer" social, né d'un système tributaire faible, "malade" (celui de l'Europe médiévale, post-romaine), et qui en submergeant (au final) toute la planète aura planétairement "tué" le néolithique tardif de l'humanité qu'était le système tributaire ; pour permettre désormais à une nouvelle forme sociale, le SOCIALISME, de le remplacer là encore sur toute la planète.


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  • Le fascisme n'est après tout qu'une forme modernisée de bonapartisme au 20e siècle. En cela le sioniste de gauche Sternhell n'a pas forcément tort de dire que le fascisme est d'origine française, sauf qu'il ne pointe pas du doigt les bons exemples LOL (enfin il pointe des choses assez épiphénoménales, car c'est ce qu'était en réalité le maurrassisme et encore plus ses tentatives de rapprochement avec des syndicalistes révolutionnaires comme Valois).

    Prenons n'importe quelle situation révolutionnaire tendax, 1789-1799 ou 1848 : il y a la porte de sortie révolutionnaire socialiste (qui ne s'est hélas jamais concrétisée, surtout qu'à cette époque elle n'avait pas de théorie scientifique guide...) ; il y a la possibilité de la reprise en main thermidorienne c'est à dire ouvertement bourgeoise, "populace on t'emmerde" (Thermidor donc, le Parti de l'Ordre avec Cavaignac, ou plus tard la répression de la Commune par la République versaillaise de Thiers et Mac-Mahon) ; et puis il y a la porte de sortie d'une "réconciliation nationale générale" populiste sous la conduite d'un homme fort, qui à cette époque a été les deux Bonaparte.

    On peut aussi dire quelque part que Vichy après le Front populaire a tenté de reproduire un "bonapartisme providentiel" avec Pétain, mais a surtout été en réalité une reprise en main thermidorienne, thiers-mac-mahoniste ; ce qui avait surtout des traits bonapartistes était évidemment le gaullisme (aujourd'hui le FN issu de l'extrême-droite antigaulliste s'est reconverti dans une espèce de néo-gaullisme, en gros il faut revenir à gouverner la France comme du temps de De Gaulle).

    On va flatter par une promesse (plus ou moins tenue) d'amélioration du niveau de vie le "bon" petit peuple opposé au "mauvais" ("minorité" d'agitateurs, d'incendiaires gauchistes).

    L'impérialisme et le colonialisme entrent souvent en jeu à ce niveau : on va y chercher des miettes de surprofit à redistribuer aux masses (ou dans une optique de colonisation de peuplement, des terres ou des places - des positions de pouvoir - à donner à une partie de "masses dangereuses"). Napoléon a échoué en Haïti et vendu la Louisiane mais réussi à reprendre en main pas mal de colonies et surtout, conquis et pillé toute l'Europe. L'Algérie viendra un peu plus tard comme débouché-"solution" aux colères populaires de 1830 et surtout 1848. Napoléon III le Petit a échoué au Mexique mais néanmoins véritablement lancé l'expansion coloniale (Afrique, Indochine, Pacifique) que poursuivra la IIIe République. Mussolini relancera lui aussi l'entreprise coloniale italienne (pacification de la Libye, conquête de l'Éthiopie). Hitler : tentative d'Empire colonial allemand en Europe. Parfois, cet impérialisme "social" a pu aussi être assumé dans le cadre d'un système farouchement parlementaire, comme la IIIe République ou la Grande-Bretagne victorienne de Cecil Rhodes. De Gaulle n'a pas "abandonné" les colonies mais réformé la domination pour la rendre quelque part plus efficace (les néocolonies rapportent sans doute bien plus aujourd'hui que comme colonies directes auparavant) et acheter le climat de paix sociale qui fera capituler l'essentiel de l'extrême-gauche au milieu des années 1970, et duquel on peut dire que nous sortons à peine tout doucement.

    C'est un schéma que l'on retrouve absolument dans TOUTES les situations où "la barque tangue" et encore une fois dans la zone de turbulence actuelle.

    Les Gilets Jaunes s'inscrivent dans une longue séquence de ras-le-bol généralisé qu'on peut faire commencer en 2013 sous Hollande voire lors du mouvement de fin 2010 sous Sarkozy.

    Il y a l'"hypothèse" révolutionnaire mais on voit mal où, qui, quand, comment et les GJ de base le voient probablement encore plus mal. Les appels à une VIe République citoyenniste, participative, gouvernée par RIC (l'esprit mélenchoniste du mouvement quoi) ; certes mais bon, à voir si ça peut aller très loin tout ça...

    Il y a l'hypothèse d'une reprise en main directe par le Centre thermidorien (Macron), mais sur une base sociale tellement faible (15% de soutien) qu'on voit mal comment.

    Et puis il y a l'hypothèse d'une reprise en main par ce qu'on appellera l'"opposition de droite" (Wauquiez et/ou RN), avec leur noyau intra-mouvement "Gilets Jaunes libres", qui cherchera des "solutions" réactionnaires pour racheter la paix sociale.

    [Le gouvernement bourgeois, c'est en dernière analyse l'art de gouverner avec l'assentiment de 55 ou 60% de la population (typiquement : 70-80% des 50% les plus riches et 40% des 50% les plus pauvres, ce qui nous amène à ce chiffre - et c'est, par exemple, typiquement le score de Jair Bolsonaro aux dernières élections brésiliennes) ; ce qui fait une "volonté majoritaire souveraine" et les autres "circulez y a rien à voir". Ou du moins, l'idée chez cette large majorité que "ça ne mérite pas" une insurrection violente et qui si on n'est pas content on verra aux prochaines élections. C'est cet "art" qui s'est progressivement émoussé depuis 10 ans sous Sarkozy, puis Hollande et enfin le très mal élu Macron pour aboutir à la situation actuelle. Le Grand Capital doit donc à nouveau trouver la "formule" qui redonnerait au sommet de l'État cet assentiment majoritaire ; car il ne suffit pas que l'équipe dirigeante serve à la perfection ses intérêts, ce que fait sans l'ombre d'un doute LaREM. Et c'est là que se niche la "possibilité du fascisme" ; fascisme qui est, répétons-le encore une 100e fois, une méthode de gouvernement et non l'exercice du pouvoir par un parti proclamant "nous sommes fascistes". Un gouvernement, par exemple, des idées de Le Pen mais entre les mains et sous le ferme garde-fou des Républicains ; qui aurait par conséquent le soutien ou du moins la non-hostilité du macronisme (dont on connaît déjà certains propos tenus en "off", comme ceux de Gérard Collomb, ou carrément en direct à l'antenne comme ceux de Luc Ferry) ; pourrait bien être la "solution" pour reformer ce bloc majoritaire (avec l'appui, donc, des forces réactionnaires intra-mouvement comme les "Gilets Jaunes libres" Cauchy-Mouraud-Chalençon). La révolution (lutte prolongée) est victorieuse lorsque la bourgeoisie n'est plus capable de reconstruire un tel bloc majoritaire d'assentiment ou (du moins) de résignation.]


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  • https://grozeille.co/%EF%BB%BFconstruire-des-bases-rouges-dans-le-territoire/

    Construire des Bases rouges dans le territoire


    Des amis barcelonais nous ont fait parvenir ce texte très intéressant qui restitue l’expérience des « syndicats de quartier » ou « bases rouges » (plutôt issues l’héritage de l’autonomie). Ces bases, qui rassemblent des habitants du quartier autour de problèmes communs, semblent avoir une véritable implantation dans la ville (plus de 20 syndicats de quartier sur Barcelone), souvent en lien avec les Comités de Défense de la République (CDR, plus de 300 sur le territoire catalan, plutôt versant gauche radicale indépendantiste, très portée sur les questions de démocratie directe et « sociale »). L’esquisse d’une stratégie de lutte qui pourrait être : construire des bases sur le territoire, pour faire tenir les luttes, dans le temps et dans les cœurs.

    La rue n’est à personne. On va voir qui la prendra.

    Ramon J. Sender, Sept dimanches rouges.

    1. Le territoire contre le mouvement.

    L’hypothèse du mouvement comme forme centrale de l’intervention politique, pour les forces avec une inclinaison révolutionnaire, a été hégémonique dans la plupart de pays européens ces dernières années. Ceci est une conséquence de notre faiblesse dans ce que l’on pourrait appeler la quotidienneté de notre l’enracinement réel dans le territoire. Nous avions supposé qu’il y aurait périodiquement des explosions qui seraient en mesure de reconfigurer les corrélations des forces d’une façon progressivement avantageuse pour nous. Et ceci aussi bien dans l’État espagnol avec le 15M, qu’en France avec la Loi Travail, ou encore en Allemagne avec le G20 ou enfin Catalogne avec le mouvement indépendantiste.

    Nous considérions que le moment venu, le peuple se réveillerait et nous rejoindrait. Mais après une litanie de défaites, nous avons dû nous résoudre à accepter l’erreur de cette hypothèse. D’une part, l’irruption de la révolte dépendait excessivement de facteurs extérieurs que nous ne maîtrisions pas. Ceci faisait que nous n’étions jamais à la hauteur des circonstances de cette temporalité imprévisible, ce qui nous empêchait alors d’élaborer une stratégie précise. D’autre part, si ces mouvements avaient une grande capacité à agréger des gens, tant qu’ils allaient croissant, une fois parvenus à leur climax, immanquablement revenait la phase de reflux avec le retour à la maison des nouveaux militants impliqués dans ces irruptions. Et ceci jusqu’au prochain mouvement politique…

    À la suite de ces réflexions, dans divers endroits de l’État espagnol, nous avons décidé de laisser cette figure du mouvement dans un arrière-plan et de développer une hypothèse territoriale. Il s’agissait d’éprouver davantage les effets de nos formes d’inscription politique, d’avoir notre propre agenda.

    Nous considérons que dans les pays du sud de l’Europe l’hypothèse du territoire comme sujet politique qui s’exprime dans la forme du « quartier » c’est la seule manière que nous avons d’ouvrir des brèches.

    Dans l’arc méditerranéen, l’offensive capitaliste qui a transformé le territoire en métropole uniforme et indistincte, quelle que soit la singularité des latitudes géographiques, ne s’est pas complètement matérialisée. Nos quartiers préservent leur dimension tellurique, une forte identité qui les distingue les uns des autres. Cette diversité, empêche que les conflits politiques ne s’articulent qu’au seul niveau de la totalité métropolitaine et qu’il soit possible de trouver un autre niveau qui les précède : les quartiers.

    À cela il faudrait ajouter que dans les pays du sud l’État social n’a jamais pu se mettre véritablement en place, comme ce fut le cas ailleurs après la Deuxième Guerre mondiale. Des nombreux besoins élémentaires sont couverts par des entités aliènes à l’État. En revanche, dans le centre et le nord de l’Europe l’interventionnisme de l’État providence a dissout progressivement la possibilité de faire émerger des formes d’intervention politique à partir de la matérialité de ces besoins. Il aura conduit pendant des décennies à la colonisation de tous les aspects de la vie. Tout lien social a été intercepté et surcodé à partir de l’intervention étatique. Il s’en est suivi un accroissement de l’individualisme et la désactivation de toute possibilité de construire une force révolutionnaire à partir de la localisation de nos expériences communes.

    Heureusement pour les pays du pourtour méditerranéen, la torpeur de l’État rend encore possible l’intervention politique à même l’affrontement de l’expérience imposée par les coordonnées de l’économie, et pas seulement sur un plan purement existentiel. C’est ainsi que même sans stratégie, dans les territoires de la Catalogne, se sont maintenues des traditions très enracinées dans l’associationnisme et le coopérativisme. Ajoutons à cela les coutumes toujours extrêmement vivaces des fêtes populaires avec ce qu’elles comportent comme usage singulier de l’espace public. Celui-ci se transforme alors en une multiplicité de lieux de rencontres et de formes de vie collectives. Tout ceci ouvre la possibilité de formes quotidiennes de résolution de problèmes concrets, aussi bien dans le monde du travail que de l’école, le logement ou autour des questions de genre. C’est par là que des formes d’agrégation entre habitants peuvent avoir lieu. Fomenter la formation de ces nouveaux corps, avec la patience nécessaire pour qu’ils augmentent graduellement en nombre et en expérience, est le seul chemin que nous disposons pour mener un nouvel assaut.

    2. Descente dans les profondeurs.

    La lutte contre les expulsions des logements a été la méthode utilisée par beaucoup d’entre nous pour nous inscrire dans la réalité des quartiers ces dernières années, ce qui nous a permis de connaître et partager les pratiques et habitudes qui régissent la vie des places et des rues de chaque territoire singulier. Ces nouvelles relations nous ont montré que notre langue et nos codes étaient devenus incompréhensibles et indéchiffrables pour nombre de personnes avec lesquelles nous avons commencé à partager des contacts quotidiens. Au point d’avoir à expliciter des termes devenus pour nous des évidences communes que ce soit les concepts abstraits de classe, de genre ou nos conceptions éthiques pour pouvoir en faire des outils communs dans nos discussions les plus ordinaires. Mais cette relation n’a pas été unilatérale : elle nous a contraint à la réciprocité, les influences se sont partagées, ce qui a transformé nos relations. En descendant vers cette réalité territoriale, il a été essentiel d’être perméable aux changements qu’elle nous imposait, d’accepter de questionner les forme de nos idées politiques – qu’il s’agisse de codes ou de langage, devenus avec le temps totalement imperméables. Nous avons dû transformer radicalement la manière d’expliquer nos thèses politiques afin que des personnes de profils très différents puissent éventuellement les soutenir.

    À Barcelone, les groupes et les collectifs de défense du logement ont donc été l’outil central des luttes au niveau des quartiers. Ils ont eu la capacité de briser l’isolement, ce qui n’est pas forcement possible même lorsqu’on dispose de lieux, tels les Casals ou les Ateneus1, qui ne permettent pas forcément de se fondre dans l’hétérogénéité du territoire. Nous avons constaté que si les habitants d’un quartier ne participaient pas à nos syndicats (de quartier), ce n’était pas en raison d’affinités politiques ou personnelles, mais parce qu’ils savaient que s’ils venaient à nos assemblées, des problèmes concrets pouvaient être abordés, partagés et éventuellement résolus. C’est la question du logement qui réveillait alors des situations de conflit avec la plus grande capacité d’agrégation de forces. Ce qui est devenu intéressant, ce n’est pas seulement les expulsions que nous avons pu empêcher, ni les maisons que nous avons squattées, mais l’ensemble des connaissances que nous avons acquises et pu partager sur le territoire dans lequel nous opérons. C’est ainsi que nous avons pu nous familiariser avec la dynamique propre qui régit les différentes quartiers : les points de vente de drogues, les relations que les vigiles des supermarchés entretiennent avec Desokupa2, où vous pouvez vendre des objets volés, qui vend des appartements squattés dans le quartier, dans quels quartiers se déplacent les communautés d’immigrants. Tout ceci est pour nous le début d’une connaissance et d’une perception du maillage des forces cachées qui traversent le territoire en dehors du contrôle de l’État.

    3. Articulation politique des forces existantes.

    Le territoire n’est pas encore une zone uniforme dans laquelle l’État, avec son armée et sa police, exerce un contrôle panoptique. Au contraire, les quartiers dans lesquels nous vivons sont composés d’une infinité de fragments, de forces qui se rejoignent, se séparent, se heurtent et se recomposent en fonction des circonstances. Au final, nous sommes un fragment de plus, une force qui doit interpréter la direction à suivre pour se développer de manière stratégique. Cela nous contraint à construire la position que nous voulons occuper dans cette hétérogénéité qui se déploie dans nos quartiers.

    Le fait que la porte d’entrée de toutes ces interprétations ait été la question du logement nous montre que les faiblesses de l’État espagnol pour résoudre les besoins les plus élémentaires ouvrent des espaces pour agir. Si quelque chose a la capacité de fissurer le capitalisme, c’est notre capacité à construire des formes de vie en mesure de s’opposer à ses formes à lui, c’est-à-dire aux valeurs qu’il impose comme étant les seuls valables pour vivre. Ces autres formes de vie communes ont besoin d’être soutenues pour qu’elles puissent s’épanouir à partir de tous les problèmes où l’État n’a pas la capacité de fournir des solutions.

    L’hypothèse à développer doit donc être celle de créer nos propres structures, parallèles à celles de l’État et de combler les lacunes qu’il laisse, en lui arrachant progressivement sa légitimité et sa présence dans les quartiers. En mettant en place, par exemple, une école populaire qui permet la participation des enfants, des familles et des gens engagés dans des collectifs de lutte pour le logement. Cela résout, d’une part, le besoin matériel des familles qui ne disposent pas de revenus suffisants pour inscrire leurs enfants à des activités périscolaires, tout en conférant à la communauté un caractère plus intergénérationnel tout en partageant avec les uns et les autres notre éthique politique. L’ouverture d’une école d’arts martiaux populaire peut permettre que des jeunes, généralement très dépolitisés, s’inscrivent dans la construction de la vie commune du territoire et qu’ils puissent défendre activement le quartier contre les fascistes et la police. Une école d’alphabétisation pour femmes migrantes peut intégrer une population généralement reléguée aux tâches ménagères et leur permettre ainsi de jouer un rôle central dans la résolution de leurs problèmes de logement. Posséder un bar qui sert de point de rencontre dans le quartier, ouvre des possibilités pour se rencontrer dans des situations plus informelles et d’échapper à certaines logiques militantes.

    La question pour nous est de développer sur le territoire de la métropole différentes institutions qui relèguent l’État à une position secondaire dans la résolution des problèmes quotidiens. Et la priorité n’est pas tant que ces différentes institutions communes soient les tentacules d’un organe politique spécifique, mais de trouer le quartier en développant une multiplicité opaque aux yeux de l’État. Il s’agit donc de générer un substrat hétérogène et vivant à partir de nos actions, d’avoir l’intelligence politique d’agréger dans des actions communes aussi bien un militant politique d’une autre orientation que la nôtre, qu’un doctorant qui n’a du temps libre que le week-end, ou encore la travailleuse d’un fast-food qui peut venir un jour par semaine ou un enfant de bobo qui peut contribuer en apportant de l’argent. Il s’agit de devenir ce catalyseur qui a la capacité de rassembler des fragments, de rapprocher des formes de vie qui ne se rencontrent jamais, de mettre en contact toutes les forces qui s’opposent à ce monde : être un nœud entre des positions politiques.

    Nous voulons constituer une force qui ne soit pas un sujet concret, fermé, défini, ni un bloc, ni un front, mais un collage articulé sur un territoire, hostile à la police et indéchiffrable pour leurs schémas d’intelligibilité. Un mode de vie qui se maintient matériellement et spirituellement, qui n’a pas la capacité de compter le nombre de membres qui le composent, mais qui a le sentiment d’être illimité.

    4. Inverser la gentrification. Devenir prolétaire des quartiers.

    La gentrification ravage de nombreux quartiers des villes où nous habitons. Ce phénomène transforme en particulier les centres-villes en coquilles vides. Dans maints endroits des voisins qui ont cohabité toute leur vie sont remplacés par de hordes de touristes qui viennent s’enivrer ou par des gens riches qui veulent posséder un appartement dans une ville ensoleillée comme Barcelone. On constate une rapide transformation de quartiers populaires où les personnes à faibles revenus sont ainsi déplacés sous la pression de la spéculation immobilière et la destruction de leur cadre de vie.

    Pour inverser ce phénomène, il est nécessaire d’articuler toutes les forces que nous avons rassemblées au cours de ces dernières années et de transformer les quartiers en territoires hostiles à l’économie. Prendre des mesures contre la gentrification dans les quartiers, s’il n’y a pas des expressions d’hostilité à celle-ci, revient à crier dans le vide. Ce qui compte c’est de nous immerger dans toutes les dynamiques légales et illégales des quartiers afin de les amplifier et de les agréger et leur donner un sens commun territorial. Chris Ealham3 a expliqué ce qui s’est passé à Barcelone il y a un siècle. En raison des fortes racines prolétariennes qui existaient dans les quartiers, la bourgeoisie a dû fuir vers les parties plus hautes de la ville, telles Horta ou Pedralbes, puisque les quartiers du centre étaient devenus des espaces hostiles pour leur mode de vie : ce furent eux qui se trouvèrent « expulsés » vers la périphérie.

    Cela signifie en quelque sorte passer à l’offensive une fois que notre enracinement et nos liens sur le territoire est inexpugnable, mais aussi laisser libre cours à de nombreux autres facteurs incontrôlables qui constituent le mode de vie commun que nous générons. Qu’un investisseur doive réfléchir deux fois avant d’acheter un terrain en friche par peur des sabotages, qu’un agent immobilier sache que s’il expulse un de nos voisins, son visage sera affiché sur tous les murs du quartier ou qu’un touriste craigne de se faire voler ses affaires. Ce sont là quelques-unes des expressions concrètes de ce terreau qui doivent être générées dans les années à venir pour inverser la corrélation des forces. Certaines zones du quartier du Raval à Barcelone sont un exemple de cette dynamique, des zones où il n’y a presque plus, et cela n’a pas mis beaucoup de temps, de boutiques cools, de touristes et d’agents immobiliers. Et où la foule plébéienne campe à l’aise même devant le contrôle policier.

    5. Construction des bases rouges.

    Les thèses développées ci-dessus peuvent être concrétisées par l’hypothèse suivante : construire des bases rouges sur le territoire. C’est-à-dire établir une éthique politique commune qui soit maintenue dans les institutions populaires, telles que les syndicats, les écoles populaires, les bars et les Ateneus. Générer des coutumes et des espaces matériels propres qui s’opposent à l’économie en tant que mode de vie. Convertir cette approche en quelque chose de plausible pour les habitants de nos territoires, développer une éthique qui rend habitable un monde opposé à la morale qui y prévaut. Comme disait Assata Shakur : « Personne au monde, personne au cours de l’histoire, n’a été libérée en faisant appel au sens moral de son oppresseur ». Dans le cadre capitaliste, la capacité à subvertir ses fondements est très limitée, car toute proposition qui tente de les surmonter apparaît comme une utopie, une absurdité irréelle. Notre objectif est la création de Bases Rouges, de ZAD urbaines, c’est-à-dire de territoires régis par des formes de vie et habitudes qui sont de facto des zones de non-droit pour l’État. Ces zones sont la possibilité de créer de nouveaux cadres hétérogènes dont la multiplicité de formes et expressions peuvent ouvrir la possibilité à l’apparition de mondes habitables en dehors de la logique capitaliste.

    Notes

    1.

    Les Casals et Ateneus, nés dans la deuxième moitié du XIXe siècle avec l’industrialisation de la Catalogne, ce sont des lieux issus des univers ouvriers, très marqués par les pratiques d’associationnisme libertaires, dans lesquels des travailleurs, des chômeurs partageaient des savoirs. Malgré la tentative de la bourgeoisie intellectuelle d’en faire des lieux apolitiques, ils restèrent très marqués par les luttes d’émancipation ouvrière. Entre les années 90 du siècle dernier et les premières décennies du XXIᵉ siècle, le réseau des Ateneus et Casals, se sont développés à nouveau, souvent liés aux milieux indépendantistes de la « gauche radicale ».

    2.


    Desokupa, est une entreprise privée à laquelle ont recours des propriétaires, ou des groupes s’adonnant à la spéculation immobilière, pour expulser habitants de logements squattés. Elle s’est fait connaître par ses interventions extra-légales d’une très grande violence. Elle est dirigée par un ex-membre de l’armée serbe et recrute des anciens militaires ou des mercenaires connus par leurs accointances avec les milieux néo-fascistes de plusieurs pays.

    3.


    Chris Ealham, La lucha por Barcelona. Clase, cultura y conflicto, 1898-1937. Allianza Barcelona, 2005.

    En PDF : Télécharger « Bases rouges dans le territoire.pdf »


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  • En l'occurrence, la question de savoir si le capitalisme :

    - une fois né au Moyen Âge (en Europe, mais pas seulement) puis, à l'issue de la crise générale traversée par la féodalité européenne entre le 13e et le 15e siècle, lancé dans une dynamique d'expansion ultra-marine, EST À L'ORIGINE DU COLONIALISME ET DONC DU RACISME ; ou alors

    - est un paradigme, une manière "totale" de produire mais aussi de vivre et de voir le monde, ISSUE de ce colonialisme européen dont l'idéologie est le racisme et qui débute à la fin du 15e siècle (date emblématique de 1492).

    Car il est possible en un sens de dire que (commentaire FB) :

    "Concrètement je pense qu'il ne faut pas confondre le capitalisme qui est un mode de production, une manière de produire et distribuer des marchandises, et qui ne produit donc que ça (et pas des choses telles que la race...), et la Modernité occidentale qui est une CIVILISATION, un paradigme et une vision du monde dans laquelle la race est centrale et fondatrice.

    Le capitalisme est une simple façon de produire et distribuer qui peut exister n'importe où dans le monde, n'est pas exclusivement blanche-européenne et a même longtemps été bien plus développée ailleurs qu'en Europe (que Samir Amin décrit au Moyen Âge comme une petite péninsule complètement périphérique sur la planète).

    Le capitalisme engendre tendanciellement, mais pas forcément l'impérialisme ; puisque cette tendance amène des gagnants mais aussi des perdants qui sont vaincus et se retrouvent dominés.

    Et de toute façon l'impérialisme n'engendre pas forcément une théorie de la race, en témoignent les grands Empires musulmans qui ont fonctionné des siècles sans.

    La Modernité occidentale avec la race en son centre ne découle pas 'du capitalisme' mais de la façon dont la petite péninsule périphérique Europe a renversé la vapeur dans la plus extrême violence, pour se constituer en Centre du monde (de fait premier empire totalement mondial), et de fait, certes, en seule forme mondiale de capitalisme que nous connaissons aujourd'hui.

    Le capitalisme n'est pas équivalent de la Modernité occidentale et peut même dans le contexte d'aujourd'hui, dans certains pays, être subversif, un crachat contre elle (même si de mon point de vue le socialisme c'est mieux :D)."

    "le capitalisme c'est pas quelque chose de plus structurel, institutionnel et situé historiquement, que simplement une manière de produire localement"

    "Ce que tu décris, et qui s'appelle la Modernité occidentale, est une civilisation. Certes assise sur un mode de production : le capitalisme.

    Le capitalisme est un mode de production. Certes, n'existant plus vraiment aujourd'hui dans le monde autrement que sous la forme de la Modernité occidentale, ou en tout cas se débattant dans ses filets comme les capitalismes asiatiques.

    C'est comme si tu disais esclavage = Empire romain. Ben non. L'esclavage est une manière d'exploiter la force de travail pour produire. L'Empire romain était une civilisation avec des institutions, une culture, une vision du monde ; fondée sur cette manière de produire."

    Mais l'on pourrait dire aussi que (autre commentaire FB en réponse à un facho complet digne d'Henry de Lesquen) :

    "Le capitalisme n'est pas simplement l'économie marchande (je fabrique pour te vendre en me faisant une marge qui paye mon travail et celui de mes collaborateurs). Le capitalisme est un SYSTÈME TOTAL qui inclut pouvoir absolu de la finance, expansion territoriale permanente, État moderne prison des peuples, impérialisme, colonialisme, esclavage ou formes poussées de travail asservi, surexploitation...

    Intéressant à ce titre que tu revendiques Richelieu, boucher de l'Occitanie, de la Provence (répression des Cascavèus 1630), inventeur des préfets (intendants) mais aussi initiateur de la colonisation des Antilles et de la première compagnie négrière. Un personnage vraiment clé et emblématique, en effet, dans ce processus de naissance du capitalisme.

    Ce système qui existe depuis la fin du Moyen Âge, est responsable depuis lors de millions de morts PAR AN.

    Alors sérieusement, s'il est certes des régimes communistes qui ont fâcheusement dévié et "le temps d'une mascarade, plus fait que frémir", entendre parler de "crimes du communisme" me fait toujours doucement rigoler, et j'ai pour politique de ne jamais me dissocier d'aucune révolution communiste devant les gugusses comme toi.

    Je te dis même la vérité : j'assume, quand je vois tes petits copains en Europe de l'Est (Kaczynski, Orban etc.), une pointe de nostalgie pour Jaruzelski et Ceausescu. Vraiment."

    Évoquées rapidement ci-dessus, il y a notamment les thèses de l'économiste marxiste égyptien Samir Amin (quoi que l'on puisse penser par ailleurs de ses prises de positions politiques comme son soutien à la Chine contre-révolutionnaire post-1976 ou plus récemment - et pire - au coup d’État fasciste de Sissi en Égypte) :

    http://ekladata.com/dT8dyYQdyQMZGuVUV6NlAKRPvQc/Samir-Amin-developpement-inegal-et-question-nationale.pdf

    En résumé extrême : les thèses d'Amin remettent en cause une certaine vision historique linéaire des marxistes, voyant s'enchaîner pareillement et partout dans le monde sociétés archaïques, esclavage antique, féodalité et capitalisme.

    Il "restaure" sur le devant de la scène le concept de système TRIBUTAIRE (parfois qualifié aussi d'"hydraulique" ou surtout "asiatique" par Marx et Engels qui s'y étaient finalement assez peu intéressés mode-production-asiatique), en distinguant différents niveaux d'"achèvement" de celui-ci (l’Égypte ou le Proche et Moyen Orient antiques, la Chine - surtout ! - ou les civilisations indiennes, mais aussi les civilisations islamiques médiévales représentant des modèles particulièrement "achevés") ; un système reposant sur des formes variées d'organisation de la production et d'exploitation de la force de travail (communautés libres plus ou moins collectivistes "versant" une part de leur produit à une autorité supérieure, servage, esclavage pur et simple, mais aussi salariat) ; et dans lequel évidemment circule la marchandise, donc existent (de tout temps et en de très nombreux endroits) des formes d'économie marchande produisant (transformant une matière première) pour vendre ou achetant pour revendre dans un service d'acheminement au consommateur.

    Et ainsi donc, après l'Empire romain qu'il qualifie d'"ébauche de construction impériale tributaire (...) hétéroclite en termes ethniques et (à) la centralisation tributaire inégale, tandis que subsistaient des modes de production variés allant de la communauté primitive au mode tributaire achevé et que se développaient les échanges marchands et, avec eux, les enclaves esclavagistes" ; et que nous avons parfois pu pour notre part (comme d'autres marxistes, sujet vigoureusement débattu : Salvioli-et-la-controverse-du-capitalisme-antique.pdf) envisager comme une forme de "petit monde d'aujourd'hui", déjà par certains aspects capitaliste mais avec une force de travail principalement esclave, d'où sa crise finale et fatale ("suggérer que les empires de l'Antiquité orientale et romaine constituèrent des étapes d'une évolution vers la constitution d'une formation tributaire achevée, c'est poser la forme tributaire comme supérieure aux formes antiques, c'est donc prendre le contrepied de la thèse qui situe le mode de production asiatique avant le mode esclavagiste, ce que contredit le niveau comparé de développement des forces productives", ajoute Amin) ; il présente la féodalité médiévale européenne comme une forme de système tributaire très imparfait ("par contraste avec d'autres sociétés tributaires plus avancées, une variété précoce, inachevée et complexe"), faisant de l'Europe une petite péninsule du grand continent eurasiatique extrêmement périphérique dans le "monde connu" (Europe-Asie-Afrique) d'alors.

    Mais ce sont aussi, toujours selon lui, précisément ces caractéristiques qui vont en quelque sorte "pousser", offrir les "conditions les plus favorables au dépassement du mode tributaire (et) à l'éclosion rapide du mode capitaliste"* et PERMETTRE à l'Europe (après la première tentative infructueuse des Croisades, mais aussi le succès de la "re"-conquête de l'Espagne et - il l'évoque rapidement - la soumission politique et économique des centres les plus avancés de l'An 1000 - Italie, Occitanie - à de nouveaux centres plus au Nord - Bassin parisien, Axe rhénan, Angleterre) de se lancer à la conquête du monde (un peu comme déjà, pourrait-on dire, pour les mêmes raisons les cités grecques, la fruste Macédoine d'Alexandre et la bourgade italienne nommée Rome)... et ce faisant de DONNER NAISSANCE au capitalisme, à la Modernité capitaliste : un "paradigme" n'ayant donc pas d'antécédents historiques mais aussi pas d'équivalent dans la multitude d'économies marchandes de production-pour-vendre ou achat-pour-revendre ayant toujours existé partout et de tout temps, et pas d'autres centres que l'Occident ouest-européen et nord-américain auquel peut éventuellement être adjoint ("Triade") le "petit dernier" japonais, régnant sur la planète entière ; sorte (quelque part) d'Empire romain à un niveau (infiniment) supérieur de modernité et (surtout) mondial ; INTRINSÈQUEMENT fondé sur un système de centres "introvertis" ("pompes" à richesses pour faire court) et de périphéries "extraverties" ("pompées") avec des situations intermédiaires (Espagne-Portugal et Russie à une époque, "émergents" aujourd'hui) jouant le rôle d'"interfaces" ; donc (intrinsèquement) sur l'État moderne prison des peuples et l'Empire colonialiste raciste.

    Le capitalisme serait ainsi quelque part, en dernière analyse, INTRINSÈQUEMENT un colonialisme : une classe dominante capitaliste, appuyée sur un appareil d’État (directement bourgeois ou d'extraction féodale - monarchie absolutiste), COLONISE des territoires et les masses populaires de force de travail (et aussi de consommation : "marché") qui les habitent... N'existant finalement, dans ce paradigme, QUE de telles colonisations plus ou moins "douces" ou violentes (avec notamment le divide entre les populations relevant du "monde blanc" et les autres - indigènes, Amin lui-même insistant sur cette distinction lorsqu'il aborde la question des périphéries intérieures des grands États impérialistes) et plus ou moins récentes et "à vif" ou anciennes et oubliées, enterrées sous les conditions de vie "correctes" que les masses populaires concernées auraient éventuellement atteintes depuis. C'est d'ailleurs un peu le sens originel (à l'époque dite moderne) du terme "coloniser", qui n'a longtemps pas signifié imposer à un peuple d'outre-mer une domination particulièrement violente, mais simplement investir un territoire soit inhabité soit hors de toute activité économique "productive" et "rentable"... d'un point de vue capitaliste, et le "mettre (toujours de ce même point de vue du profit capitaliste) en valeur" (comme par exemple au 19e siècle les Landes de Gascogne). Le capitalisme est donc, dans cette logique, colonisation (prise de possession et exploitation de territoires et de populations en quête permanente de profit) et la colonisation est capitalisme, de manière totalement indissociable.

    Des caractéristiques "tributaires inachevées-périphériques", dans un "Ancien Monde" dont les Centres étaient la Chine et la "ceinture islamique" du Maroc à l'Inde, auraient donc engendré concomitamment (et se nourrissant l'une de l'autre - cela personne de sérieux ne l'a jamais nié depuis Marx) l'expansion coloniale et le mode de production, mais aussi "modèle de civilisation" dit capitaliste : (reprenant et "repensant" le très européo-méditerranéo-centré enchaînement marxiste "classique" des modes de production) "le développement inégal s'est manifesté de cette manière : la longue histoire de l'Orient ancien, de l'Antiquité grecque, hellénistique et romaine puis de ses héritiers occidentaux, byzantins puis ottomans et arabo-islamiques, est l'histoire du développement progressif du mode tributaire et de son dépassement capitaliste à partir de sa périphérie la moins avancée, l'Europe barbare puis féodale".

    Il n'y aurait donc peut-être (du coup...) que DEUX grands modes de production dans l'histoire de l'humanité post-néolithique : le mode tributaire sous ses multiples formes (dont la féodalité européenne médiévale en serait une particulièrement "imparfaite" et "peu solide") ; et le mode que l'on appellera CAPITALISTE-IMPÉRIALISTE avec sa forme "primitive" ("mercantile-esclavagiste", disons) gréco-romaine antique (et peut-être, sans doute même, des formes similaires dans des enclaves locales et sur des périodes momentanées au sein des grands ensembles tributaires ailleurs...) et sa forme actuelle dominant la planète entière, la Modernité capitaliste ; jailli à chaque fois de conditions très particulières spécifiques aux systèmes tributaires les plus "périphériques" et "fragiles". La question (pour prolonger la réflexion) de l'exceptionnelle stabilité et longévité des systèmes tributaires "achevés", telle que décrite par Marx et Engels et les auteurs marxistes par la suite ("mode de vie millénaire" etc.), soulevant peut-être celle de leur relative... justice sociale, ou du moins "complémentarité"-"symbiose" entre les groupes sociaux (et les régions/ethnies dans les grands Empires) par rapport au capitalisme impérialiste ; loin de l'imagerie bourgeoise "éclairée" du "despotisme oriental" ; avec simplement périodiquement, dans des situations de crise alimentaire pour causes naturelles ou de parasitisme/abus excessifs du pouvoir, la "sanction" d'une grande révolte paysanne ou de l'assaut d'un peuple périphérique marginalisé prenant la place de la caste dirigeante à la tête du système inchangé. Et bien sûr la question, qui a longuement pu faire débat parmi les marxistes (trois exemples : Marx-Zassoulitch, Mariátegui et John MacLean ont été évoqués par nous dans ce vieil article ; voir aussi ici), de si le socialisme ne serait peut-être pas en dernière analyse (permis uniquement par le capitalisme impérialiste et ses oppressions et contradictions "folles") un mode de production tributaire rétabli à un niveau supérieur ; sans la perception d'un tribut (produits ou travail fournis gratuitement) par une caste dominante "parasite", mais en reprenant ses caractéristiques collectivistes, solidaires, "justes" etc.

    Ces thèses seraient peut-être une possible piste pour "réconcilier", ou plutôt trouver la bonne réponse entre les deux positions (qui ne s'opposent finalement pas sur grand chose !).

    Bref... Affaire à suivre.


    [* Comment cela ? Regardons-y de plus près :

    Les systèmes tributaires ne sont pas non plus totalement idylliques, et connaissent fréquemment des révoltes populaires. Ce sont (déjà pour commencer) des systèmes où domine encore la dictature de la nature ; donc à un moment donné, si cette "dictature" conduit les conditions de reproduction de l'existence à ne plus être assurées, soit des millions de producteurs sont condamnés à mourir de faim, soit la caste tributaire n'est plus approvisionnée et c'est elle qui meurt de faim, ce qui va forcément conduire les uns et les autres au choc pour la survie.

    Mais Amin montre que les systèmes tributaires suffisamment "forts", comme typiquement en Chine, parviennent généralement à surmonter ces crises ou du moins à se reconstituer après ces phases d'effondrement, éventuellement sous une nouvelle dynastie etc. ; les conditions naturelles finissant en général par s'améliorer à nouveau et puis aussi, la caste tributaire se mettant au boulot qui est le sien : la production intellectuelle, apportant des innovations techniques qui permettent d'améliorer la production.

    Par contre, si un système tributaire est faible et fragile comme il décrit la féodalité européenne médiévale (avec une fragmentation politique, des autorités séculières et religieuses qui ne se confondent pas etc.), déjà "rongé" de l'intérieur par l'évolution des marchands en classe capitaliste : chaque révolte populaire, faute de prendre le pouvoir et d'instaurer un nouveau système politique pour elle-même, renforce objectivement (c'est à dire même contre sa propre volonté) un peu plus cette classe contre l'autorité tributaire (féodale) ; celle-ci étant chaque fois plus subsumée par le capitalisme (mise au service de l'alimentation du marché) et suscitant chaque fois plus, que ce soit en tant que "maîtresse" de la production primaire (grande propriété agraire) ou en tant que "fonctionnaire" de l’État monarchique au service de cette logique capitaliste, l'hostilité et les révoltes populaires, etc. etc. ; tandis qu'en parallèle, l'innovation technologique et scientifique qui permet de surmonter la "dictature de la nature" devient de plus en plus le fait d'éléments de cette classe capitaliste en développement (et de moins en moins de nobles ou d'ecclésiastiques), renforçant là encore sa position sociale jusqu'à sa prise de pouvoir, "surfant" sur d'énièmes luttes populaires, par et pour elle-même ("révolution bourgeoise").

    Un processus qu'il expose de la manière qui suit :

    "a) Chaque mode de production est caractérisé par ses contradictions et donc par des lois de son mouvement spécifique. Et le mode féodal, en tant que cas d'espèce de la grande famille du mode tributaire, est caractérisé par la même contradiction fondamentale (paysans producteurs/ classe tributaire exploiteuse) que toutes les autres espèces du mode tributaire. Mais il n'y a pas de lois de la transition. Chaque transition exprime le cheminement d'une nécessité historique dépasser des rapports de production anciens pour permettre un développement latent et mûr des forces productives sur la base de nouveaux rapports à travers une articulation concrète de nombreuses contradictions spécifiques à une formation sociale (et non un mode de production). Il n'y a pas plus de lois de la transition au capitalisme central qu'au capitalisme périphérique ou au socialisme. Il n'y a que des situations concrètes. 

    b) Le mode féodal, en tant qu'espèce inachevée, primitive, périphérique du mode tributaire (qui existe sous sa forme achevée ailleurs : Chine, Égypte...) est animé par une tendance profonde qui lui est immanente : il tend vers l'achèvement sous la forme tributaire. En ce sens, le mouvement qui va de l'émiettement féodal du Moyen Âge à l'absolutisme royal mercantiliste n'est pas le fruit du hasard. Le caractère primitif du mode féodal résulte de la combinaison entre la désagrégation de l'Empire romain, en voie d'évolution vers une forme tributaire, et l'accélération de la transformation des modes communautaires des Barbares. Perry Anderson (9) a parfaitement illustré ce point. La flexibilité plus grande qui résulte de ce caractère inachevé du mode féodal entraîne l'amorce plus rapide de son dépassement par l'éclosion précoce en son sein des embryons du mode capitaliste.

    c) Les groupes de classes en présence au cours de la période mercantiliste sont de ce fait au nombre de trois : les paysans, les féodaux et les bourgeois. Les luttes de classes, triangulaires, impliquent des blocs mouvants de deux groupes contre un. La lutte des paysans contre les féodaux conduit à la différenciation au sein de la paysannerie et au développement d'un petit capitalisme agraire et/ou à l'adaptation de la féodalité à un capitalisme agraire de grands propriétaires - la Physiocratie en témoigne. La lutte des bourgeois urbains (marchands) contre les féodaux s'articule sur la précédente et donne naissance aux manufactures, au système du putting out, etc. La bourgeoisie tend à se scinder en une fraction supérieure, qui cherche le compromis (protection royale des manufactures et des compagnies marchandes, annoblissement et récupération pour son compte de droits seigneuriaux, etc.) et une fraction inférieure qui est contrainte à se radicaliser.

    d) La tendance à l'évolution de l'émiettement féodal au pouvoir absolutiste opère sur ce fond de luttes. Selon donc les forces relatives de chaque groupe (et sous-groupe), cette évolution s'accélère ou avorte, prend telle forme et contenu (soutien de telle classe principale) ou une autre. Le pouvoir prend de ce fait une certaine autonomie sur laquelle Marx et Engels ont appelé l'attention. Donc une certaine ambiguïté, soutien mouvant des uns contre les autres. Si la constitution d'États centralisés (que certains disent, trop simplement, féodaux) ne bloque pas l'évolution au capitalisme, mais au contraire l'accélère, c'est bien parce que la lutte des classes s'aiguise en leur sein. Notre thèse, ici, est que lorsque le mode tributaire prend en Europe sa forme achevée (avec les monarchies absolues), c'est trop tard : les contradictions de classe nouvelles (capitalisme agraire et capitalisme manufacturier) sont déjà trop avancées pour ralentir d'une manière significative leur développement. En rapport avec ces combinaisons chaque fois spécifiques, il faut analyser 1) le mouvement de la division internationale du travail (entre les régions de l'Europe mercantiliste et entre certaines d'entre elles et les périphéries d'outre-mer qu'elles créent) et 2) le contenu des grands courants idéologiques (Réforme, Renaissance, philosophie des Lumières...) qui sont à des degrés divers des combinaisons d'une composante «grande bourgeoise», «petite bourgeoise» (agraire, et/ ou artisanale), paysanne et même parfois, embryonnairement «prolétarienne» (là où naît la bourgeoisie, naît aussi le prolétariat). 

    e) Au terme de la période émerge un monde caractérisé par le résultat d'un développement inégal de type nouveau, différent des résultats du développement inégal aux époques précédentes (tributaire, féodale) : le développement inégal de la période mercantiliste. En 1800, il y a d'une part des centres capitalistes et d'autre part des périphéries, principalement façonnées par l'émergence des premiers, mais parmi ces centres capitalistes certains sont achevés (l'Angleterre, à un moindre degré la France) et d'autres ne le sont pas, dont il faudra suivre l'histoire ultérieure."

    Bien entendu, tout ce processus est absolument tout sauf linéaire (contrairement à la façon dont un certain marxisme "vulgaire" a souvent pu l'envisager) : il est une dia- ou, devrait-on plutôt dire, une trilectique permanente et complexe entre ces 3 éléments que sont les masses populaires et leurs (basiquement) soulèvements de la faim ; des capitalistes eux-mêmes dans une contradiction permanente entre sécrétion d'"humanisme", d'"idéal" libéral et démocratique, et piétinement de celui-ci et de la dignité des masses (car dans une contradiction permanente entre besoin d'un travailleur "libre" et nécessité d'exploiter au maximum, de tirer le plus de plus-value de celui-ci), sans parler bien sûr des peuples colonisés dont la domination est à partir de 1492 indissociable du processus en Europe ; et une féodalité à son stade "suprême" pour ne pas dire "ultime" de pourrissement réactionnaire et d'obsolescence historique, de plus en plus "zombie" et ne survivant plus que comme instrument à la fois utile et encombrant des précédents.

    Son aboutissement n'est pas la victoire des masses populaires mais, bien au contraire, la prise de pouvoir d'une bourgeoisie qui s'est juchée sur leur dos comme jadis les nobles sur celui de leurs serviteurs pour monter sur leurs chevaux ; et ce que celle-ci, avec ses "Lumières" de la "Raison", jette alors aux poubelles de l'histoire sous le nom d'"arbitraire" et d'"obscurantisme" n'est pas l'ordre social féodal de l'An 1000 qui serait resté inchangé depuis lors, mais bien ce "stade suprême-ultime-pourrissant" de la féodalité qui lui aura servi pratiquement jusqu'au dernier instant de "carcan utile", à la fois carcan et armure de protection ; les affres (finalement) de l'accouchement du capitalisme dans les entraves de cet ordre social aux atrocités innombrables qui s'étend du 15e au 18e siècle, mise bas dont elle "lave" (en quelque sorte) le "sang"...

    Avant de continuer, peut-être même pire encore qu'avant, à couvrir la planète et l'humanité de fléaux ; ce capitalisme, cet ordre social bourgeois désormais triomphant, n'étant en fin de compte lui-même qu'un accoucheur : celui de la société socialiste et communiste, véritable sortie de l'humanité de son "long Néolithique"...]


    [=> EN CONCLUSION DE TOUT CELA, le capitalisme ne serait donc pas "simplement" "l'économie de marché", mais bel et bien un SYSTÈME, une forme sociale TOTALE fondée certes sur une économie marchande... mais de marchandisation de tout ; dépouillant progressivement les masses populaires de TOUT moyen de subsistance autre que la vente de leur force de travail contre salaire ; et avec une tendance intrinsèque à la financiarisation et surtout, à l'EXPANSION TERRITORIALE de ses Centres d'accumulation au détriment les uns des autres ou des territoires encore pré-capitalistes.

    Autrement dit, intrinsèquement oppresseur national et colonialiste ; ce qui rejoint finalement l'"intuition" que nous avons pu exprimer depuis plusieurs années à ce sujet (par exemple, vieux articles : question-nationale-21e-siecle - gros-pave-question-nationale - clarification-centre-peripherie - notes-de-lecture-weil, lire aussi "La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes", par G. Maj du (n)PCI) ; et signifie que quiconque n'est "pas clair" là-dessus ne PEUT PAS faire partie du camp de la révolution et doit en être exclu (pas rétroactivement bien sûr : on pouvait être "limité" là-dessus il y a 150 ans et rester quand même dans l'histoire comme un grand révolutionnaire, mais en 2018, une fois ces choses-là comprises, ce n'est plus acceptable - exemple : critique-d-une-position valable pour ceux qui soutiennent ladite position ici et là dans le monde).

    C'est là une nature, une ESSENCE MÊME que l'on ne peut pas sérieusement prétendre combattre le capitalisme si on ne la combat pas (non seulement en paroles, grandes déclarations de principes dans ses documents organisationnels, mais EN ACTES).

    En un sens, quelque part, cela ferait de ce que nous appelons capitalisme une sorte de "cancer" social, né d'un système tributaire faible, "malade" (celui de l'Europe médiévale, post-romaine), et qui en submergeant (au final) toute la planète aura planétairement "tué" le néolithique tardif de l'humanité qu'était le système tributaire ; pour permettre désormais à une nouvelle forme sociale, le SOCIALISME, de le remplacer là encore sur toute la planète.]

    [Concernant la classification du monde, par Amin, en Centres, semi-périphéries et périphéries :

    - Les Centres, semi-périphéries et périphéries sont des réalités à la fois territoriales et sociales ; sur la base du concept d'introversion/extraversion.

    - Les Centres sont les populations, sises dans des territoires, qui "pompent" (en quelque sorte) ; les périphéries celles qui sont "pompées" ; et les semi-périphéries celles qui sont d'un côté pompées mais bénéficient aussi d'un pompage.

    - Les Centres, ce sont les "métropoles mondialisées-connectées" petites bourgeoises occidentales (et japonaises, + quelques centres hors Occident, en Russie, en Chine, à la limite les oligarchies de chez oligarchie du Sud comme "centres relais"...).

    - La "semi-périphérie centrale", ce sont les masses populaires blanches ; c'est à dire effectivement presque tout le monde en Europe de l'Est et du Sud, mais aussi les masses les plus reléguées d'Europe de l'Ouest et d'Amérique du Nord. Ceci inclut la plus grande partie des peuples à question nationale d'Europe. On peut aussi y adjoindre, sans doute, une grande partie du Nord-Est asiatique.

    - La "semi-périphérie périphérique", ce sont les masses "indigènes" non-blanches du Nord global.

    - Enfin, la périphérie mondiale proprement dite c'est tout le reste : les 3/4 de l'humanité qui vivent en régime "semi-colonial semi-féodal".]


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