• Encore des réflexions - sur la situation insurrectionnelle actuelle et la "possibilité du fascisme"


    Le fascisme n'est après tout qu'une forme modernisée de bonapartisme au 20e siècle. En cela le sioniste de gauche Sternhell n'a pas forcément tort de dire que le fascisme est d'origine française, sauf qu'il ne pointe pas du doigt les bons exemples LOL (enfin il pointe des choses assez épiphénoménales, car c'est ce qu'était en réalité le maurrassisme et encore plus ses tentatives de rapprochement avec des syndicalistes révolutionnaires comme Valois).

    Prenons n'importe quelle situation révolutionnaire tendax, 1789-1799 ou 1848 : il y a la porte de sortie révolutionnaire socialiste (qui ne s'est hélas jamais concrétisée, surtout qu'à cette époque elle n'avait pas de théorie scientifique guide...) ; il y a la possibilité de la reprise en main thermidorienne c'est à dire ouvertement bourgeoise, "populace on t'emmerde" (Thermidor donc, le Parti de l'Ordre avec Cavaignac, ou plus tard la répression de la Commune par la République versaillaise de Thiers et Mac-Mahon) ; et puis il y a la porte de sortie d'une "réconciliation nationale générale" populiste sous la conduite d'un homme fort, qui à cette époque a été les deux Bonaparte.

    On peut aussi dire quelque part que Vichy après le Front populaire a tenté de reproduire un "bonapartisme providentiel" avec Pétain, mais a surtout été en réalité une reprise en main thermidorienne, thiers-mac-mahoniste ; ce qui avait surtout des traits bonapartistes était évidemment le gaullisme (aujourd'hui le FN issu de l'extrême-droite antigaulliste s'est reconverti dans une espèce de néo-gaullisme, en gros il faut revenir à gouverner la France comme du temps de De Gaulle).

    On va flatter par une promesse (plus ou moins tenue) d'amélioration du niveau de vie le "bon" petit peuple opposé au "mauvais" ("minorité" d'agitateurs, d'incendiaires gauchistes).

    L'impérialisme et le colonialisme entrent souvent en jeu à ce niveau : on va y chercher des miettes de surprofit à redistribuer aux masses (ou dans une optique de colonisation de peuplement, des terres ou des places - des positions de pouvoir - à donner à une partie de "masses dangereuses"). Napoléon a échoué en Haïti et vendu la Louisiane mais réussi à reprendre en main pas mal de colonies et surtout, conquis et pillé toute l'Europe. L'Algérie viendra un peu plus tard comme débouché-"solution" aux colères populaires de 1830 et surtout 1848. Napoléon III le Petit a échoué au Mexique mais néanmoins véritablement lancé l'expansion coloniale (Afrique, Indochine, Pacifique) que poursuivra la IIIe République. Mussolini relancera lui aussi l'entreprise coloniale italienne (pacification de la Libye, conquête de l'Éthiopie). Hitler : tentative d'Empire colonial allemand en Europe. Parfois, cet impérialisme "social" a pu aussi être assumé dans le cadre d'un système farouchement parlementaire, comme la IIIe République ou la Grande-Bretagne victorienne de Cecil Rhodes. De Gaulle n'a pas "abandonné" les colonies mais réformé la domination pour la rendre quelque part plus efficace (les néocolonies rapportent sans doute bien plus aujourd'hui que comme colonies directes auparavant) et acheter le climat de paix sociale qui fera capituler l'essentiel de l'extrême-gauche au milieu des années 1970, et duquel on peut dire que nous sortons à peine tout doucement.

    C'est un schéma que l'on retrouve absolument dans TOUTES les situations où "la barque tangue" et encore une fois dans la zone de turbulence actuelle.

    Les Gilets Jaunes s'inscrivent dans une longue séquence de ras-le-bol généralisé qu'on peut faire commencer en 2013 sous Hollande voire lors du mouvement de fin 2010 sous Sarkozy.

    Il y a l'"hypothèse" révolutionnaire mais on voit mal où, qui, quand, comment et les GJ de base le voient probablement encore plus mal. Les appels à une VIe République citoyenniste, participative, gouvernée par RIC (l'esprit mélenchoniste du mouvement quoi) ; certes mais bon, à voir si ça peut aller très loin tout ça...

    Il y a l'hypothèse d'une reprise en main directe par le Centre thermidorien (Macron), mais sur une base sociale tellement faible (15% de soutien) qu'on voit mal comment.

    Et puis il y a l'hypothèse d'une reprise en main par ce qu'on appellera l'"opposition de droite" (Wauquiez et/ou RN), avec leur noyau intra-mouvement "Gilets Jaunes libres", qui cherchera des "solutions" réactionnaires pour racheter la paix sociale.

    [Le gouvernement bourgeois, c'est en dernière analyse l'art de gouverner avec l'assentiment de 55 ou 60% de la population (typiquement : 70-80% des 50% les plus riches et 40% des 50% les plus pauvres, ce qui nous amène à ce chiffre - et c'est, par exemple, typiquement le score de Jair Bolsonaro aux dernières élections brésiliennes) ; ce qui fait une "volonté majoritaire souveraine" et les autres "circulez y a rien à voir". Ou du moins, l'idée chez cette large majorité que "ça ne mérite pas" une insurrection violente et qui si on n'est pas content on verra aux prochaines élections. C'est cet "art" qui s'est progressivement émoussé depuis 10 ans sous Sarkozy, puis Hollande et enfin le très mal élu Macron pour aboutir à la situation actuelle. Le Grand Capital doit donc à nouveau trouver la "formule" qui redonnerait au sommet de l'État cet assentiment majoritaire ; car il ne suffit pas que l'équipe dirigeante serve à la perfection ses intérêts, ce que fait sans l'ombre d'un doute LaREM. Et c'est là que se niche la "possibilité du fascisme" ; fascisme qui est, répétons-le encore une 100e fois, une méthode de gouvernement et non l'exercice du pouvoir par un parti proclamant "nous sommes fascistes". Un gouvernement, par exemple, des idées de Le Pen mais entre les mains et sous le ferme garde-fou des Républicains ; qui aurait par conséquent le soutien ou du moins la non-hostilité du macronisme (dont on connaît déjà certains propos tenus en "off", comme ceux de Gérard Collomb, ou carrément en direct à l'antenne comme ceux de Luc Ferry) ; pourrait bien être la "solution" pour reformer ce bloc majoritaire (avec l'appui, donc, des forces réactionnaires intra-mouvement comme les "Gilets Jaunes libres" Cauchy-Mouraud-Chalençon). La révolution (lutte prolongée) est victorieuse lorsque la bourgeoisie n'est plus capable de reconstruire un tel bloc majoritaire d'assentiment ou (du moins) de résignation.]


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