• m05-nbp2-trotsky-250S'il y a bien un concept indissociablement attaché au trotskysme, c'est celui de 'révolution permanente'. D'abord par les trotskystes eux-mêmes, bien sûr, qui en revendiquent la paternité et le 'monopole intellectuel'. Mais aussi par les 'anti-trotskystes' (sauf les anarchistes, qui ont de toutes autres références), marxistes-léninistes et maoïstes, pour lesquels l'épithète de 'trotskyste' est (trop) souvent devenu le point final à toute argumentation, une sorte de 'point Godwin' ; et qui reprennent souvent à tort et à travers les concepts attachés au trotskysme pour les lancer à la face de leurs contradicteurs. Ainsi, pour les 'vieux ML', ceux qui reconnaissent l'URSS comme socialiste jusqu'à la perestroïka comme ceux qui ne la reconnaissent comme telle que jusqu'au 20e Congrès de 1956, mais qui dans tous les cas rejettent le maoïsme (les hoxhistes), Mao et les maoïstes, avec leurs concepts de révolution ininterrompue (révolution démocratique ininterrompue vers le socialisme et le communisme) ou encore de nécessaires révolutions culturelles (2, 3, 4 ou plus) pour écarter, régulièrement, les partisans de la stagnation ou du retour en arrière (ce qui revient au même) et réaliser les 'bonds' qualitatifs nécessaires vers le communisme, sont en réalité des trotskystes tenants de la 'révolution permanente'. Mais pour certains maoïstes aussi (qui ne savent polémiquer que comme cela), leurs contradicteurs qui pensent, par exemple, que dans une situation de mouvement révolutionnaire trahi par des révisionnistes (comme au Népal) ou de processus réformiste montrant ses limites de classe (comme en Amérique du Sud), des forces militantes saines peuvent (ce n'est évidemment pas certain !) 'faire rupture' et réaliser un 'saut qualitatif' vers une meilleure conception communiste du monde, vers la ligne rouge communiste internationale (selon le principe que les communistes authentiques, au niveau mondial, doivent renforcer la gauche, isoler la droite et gagner ou au moins neutraliser le centre), sont des tenants de la 'révolution permanente' trotskyste ! Il est donc nécessaire d'éclaircir les choses.

    En réalité, le concept de 'révolution permanente' a été développé par Trotsky ou encore Parvus à partir de citations récurrentes où Marx, lui-même, emploie ce terme comme ici : "Tandis que les petits bourgeois démocratiques veulent terminer la révolution au plus vite et après avoir tout au plus réalisé les revendications ci-dessus, il est de notre intérêt et de notre devoir de rendre la révolution permanente, jusqu'à ce que toutes les classes plus ou moins possédantes aient été écartées du pouvoir, que le prolétariat ait conquis le pouvoir et que non seulement dans un pays, mais dans tous les pays régnants du monde l'association des prolétaires ait fait assez de progrès pour faire cesser dans ces pays la concurrence des prolétaires et concentrer dans leurs mains au moins les forces productives décisives. Il ne peut s'agir pour nous de transformer la propriété privée, mais seulement de l'anéantir ; ni de masquer les antagonismes de classes, mais d'abolir les classes ; ni d'améliorer la société existante, mais d'en fonder une nouvelle" (adresse du Comité central à la Ligue des Communistes, 1850) ; ou encore "Le but de l'association est la déchéance de toutes les classes privilégiées, de soumettre ces classes à la dictature du prolétariat en maintenant la révolution en permanence jusqu'à la réalisation du communisme, qui doit être la dernière forme de constitution de la famille humaine" (Statuts de la Société universelle des Révolutionnaires communistes, même année). Autrement dit : la révolution prolétarienne est un processus ininterrompu, permanent, de longue durée, pour nier le capitalisme et affirmer le communisme ; elle se poursuit tant qu'elle n'a pas atteint ce but (le communisme) ; tant que cela n'est pas accompli, "c'est reculer que d'être stationnaire", c'est régresser que d'affirmer, à la manière d'un Napoléon (pour la révolution bourgeoise), que "la révolution a atteint ses buts, elle est terminée". Affirmer, par exemple, qu'il n'y a 'plus de classes' puisque plus de propriété privée d'aucun moyen de production, et que la transition socialiste vers le communisme se limiterait alors à 'développer les forces productives' dont le faible niveau (dans un pays comme la Russie des années 1920 ou la Chine des années 1950) serait en contradiction avec le 'système politique très avancé', ce qui serait la 'contradiction principale' ; et à lutter contre les 'agents de la contre-révolution internationale'... alors que le socialisme véritable et le communisme ce n'est pas cela, et que la société abrite encore une multitude de rapports sociaux sur lesquels peuvent se reformer des rapports de domination, d'appropriation du travail d'autrui, donc, en définitive, des rapports de classe. Entendu comme cela, ce ne sont donc certainement pas Lénine et Mao qui auraient renié la 'révolution permanente', et le concept maoïste de 'révolution ininterrompue' ne dit pas autre chose - surtout dans le contexte chinois où, comme lorsque Marx écrit en Europe en 1850, la lutte révolutionnaire du prolétariat est encore étroitement imbriquée avec les luttes démocratiques de la petite-bourgeoisie, de la mao-zedong-1.jpgpaysannerie etc. Le processus révolutionnaire est un processus prolongé de négation du capitalisme par le communisme : il ne s''arrête' pas tant que l'on n'a pas atteint cet objectif ultime. La phase visant à porter le prolétariat révolutionnaire, à la tête des masses populaires laborieuses, au pouvoir est la Guerre populaire et celle-ci ne cesse pas tant que le pouvoir n'est pas conquis ; la phase conduisant de la conquête du pouvoir au communisme est la transition socialiste, et elle ne s'arrête pas jusqu'à la transformation totale de la société en société communiste - sans classes, sans division du travail, sans 'sachants' et exécutants, sans dirigeants et dirigés etc. 

    En réalité, ce n'est absolument pas cela que l'Internationale communiste, alors que Staline était encore très loin de quoi que ce soit ressemblant à un 'pouvoir absolu', a rejeté dans la 'révolution permanente' de Trotsky. Ce qui a été rejeté, c'est son interprétation particulière de cela, en particulier dans les rapports entre classe ouvrière et paysannerie, dans un pays à dominante rurale comme la Russie de l'époque. Comme par exemple : « De ce que nous avons dit plus haut résulte clairement ce que nous pensons d'une dictature du prolétariat et de la paysannerie. La question n'est pas de savoir si nous considérons qu'une telle forme de coopération politique est admissible en principe, si nous la souhaitons ou ne la souhaitons pas. Nous pensons simplement qu'elle est irréalisable, au moins dans un sens direct et immédiat » (L. Trotsky, Bilan et perspective, 1905). Cela, il est évident que ni Lénine ni Mao ne l'auraient jamais affirmé ! La position du PC bolchévik d’Union soviétique et de l'Internationale communiste était, dans les années 1920, que "la « révolution permanente » n’est pas une simple sous-estimation des possibilités révolutionnaires du mouvement paysan ; c’est une sous-estimation du mouvement paysan qui mène à la négation de la théorie léniniste de la dictature du prolétariat. La « révolution permanente » de Trotsky est une des variétés du menchévisme" ; car "la dictature du prolétariat, c'est le pouvoir qui s'appuie sur l'alliance du prolétariat et des masses laborieuses de la paysannerie pour le renversement complet du capital, pour l'édification définitive et l'affermissement du socialisme" [voir par exemple ici dans les Questions du léninisme, page 48 et suivantes :

    "Mais, nous dira-t-on, s'il en est ainsi, pourquoi Lénine a-t-il combattu l'idée de la « révolution permanente » ?

    Parce qu'il voulait utiliser à fond les capacités et l'énergie révolutionnaires de la paysannerie pour la liquidation complète du tsarisme et le passage à la révolution prolétarienne, alors que les partisans de la « révolution permanente » ne comprenaient pas le rôle important de la paysannerie dans la révolution russe, sous-estimaient son énergie révolutionnaire ainsi que la force du prolétariat et son aptitude à entraîner la paysannerie à sa suite et, par là, empêchaient, dans une certaine mesure, cette dernière de se libérer de l'influence bourgeoise et de se grouper autour du prolétariat.

    Parce qu'il voulait couronner la révolution par l'avènement du prolétariat au pouvoir, alors que les partisans de la révolution permanente voulaient commencer directement par l'instauration du pouvoir du prolétariat, ne comprenant pas que, par là-même, ils fermaient les yeux sur l'existence des survivances du servage, négligeaient une force aussi importante que la paysannerie et entravaient ainsi le ralliement de cette dernière au prolétariat.

    Ainsi donc, Lénine combattait les partisans de la révolution permanente, non pas parce qu'ils affirmaient la permanence de la révolution, thèse qu'il ne cessa jamais lui-même de soutenir, mais parce qu'ils sous-estimaient le rôle de la paysannerie, qui est la plus grande réserve de force du prolétariat, parce qu'ils ne comprenaient pas l'idée de l'hégémonie du prolétariat.

    L'idée de la révolution permanente n'est pas nouvelle. Elle a été exposée pour la première fois par Marx, en 1850, dans l'Adresse à la Ligue des communistes. C'est là que nos « théoriciens » russes sont allés la chercher, mais la modification qu'ils lui ont fait subir a suffi à la rendre impropre à l'usage pratique. Il a fallu la main exercée de Lénine pour réparer cette erreur, dégager l'idée de la révolution permanente de ses scories et en faire une des pierres angulaires de la théorie de la révolution. Voici ce que dit Marx sur la révolution permanente, dans son Adresse, après avoir énuméré les revendications démocratiques révolutionnaires que doivent poser les communistes :

    Alors que les petits-bourgeois démocrates veulent, par la satisfaction du plus grand nombre des revendications précitées, terminer le plus vite possible la révolution, nos intérêts et notre tâche consistent à rendre la révolution permanente tant que toutes les classes plus ou moins possédantes ne seront pas écartées du pouvoir, que le prolétariat n'aura pas conquis le pouvoir d'État, que les associations des prolétaires dans les principaux pays du monde ne se seront pas développées suffisamment pour faire cesser la concurrence entre les prolétaires de ces pays et que les principales forces de production, tout au moins, ne seront pas concentrées entre les mains des prolétaires.

    Autrement dit :

    1° Marx, quoi qu'en disent nos partisans de la « révolution permanente », n'a pas proposé de commencer la révolution dans l'Allemagne de 1850 directement par l'instauration du pouvoir prolétarien ;

    2° Marx a proposé uniquement de couronner la révolution par le pouvoir politique prolétarien en jetant à bas du pouvoir successivement toutes les fractions de la bourgeoisie pour allumer, après l'avènement du prolétariat au pouvoir, l'incendie de la révolution dans tous les pays.

    Or, cela est en conformité parfaite avec tout ce qu'a enseigné Lénine, avec tout ce qu'il a fait au cours de notre révolution prolétarienne sous l'impérialisme.

    Ainsi, nos partisans russes de la « révolution permanente » non seulement ont sous-estimé le rôle de la paysannerie dans la révolution russe, mais ont modifié l'idée de la révolution permanente de Marx et lui ont enlevé sa valeur pratique.

    Voilà pourquoi Lénine raillait leur théorie et les accusait de ne pas vouloir « réfléchir aux raisons pour lesquelles la vie, durant des dizaines d'années, avait passé à côté de cette magnifique théorie ».

    Voilà pourquoi il considérait cette théorie comme semi-menchéviste et disait qu'elle « emprunte aux bolchéviks l'appel à la lutte révolutionnaire décisive et à la conquête du pouvoir politique par le prolétariat, et aux menchéviks la négation du rôle de la paysannerie »."]

    C'est on-ne-peut plus limpide. On imagine difficilement plus grande négation de la réalité concrète dans laquelle opérait le mouvement révolutionnaire russe, que cette "révolution permanente" version Trotsky. Mais cette thèse est surtout, finalement, dans les conditions spécifiques à l'Empire russe de l'époque, une négation totale du sens de déploiement de la révolution prolétarienne ; même si ses adversaires léninistes (Staline et ses partisans autour de 1925, mais aussi Gramsci au fond de sa geôle fasciste, ou encore Mao en Chine contre Chen Duxiu) n'avaient peut-être pas formulé les choses de cette manière... D'où peut-être le relatif succès que ces conceptions trotskystes ont pu connaître à travers le monde ; notamment dans les pays les plus industrialisés, avec une certaine aristocratie ouvrière dans laquelle, outre le social-chauvinisme (envers l'État et l'Empire), la classe dominante capitaliste entretenait le chauvinisme de classe pour détourner la classe ouvrière de sa mission historique qui est de prendre la tête de tou-te-s les opprimé-e-s contre toutes les oppressions, sans quoi elle reste prisonnière de l'économisme : les lambertistes du POI ou encore les 'classistes' de Lutte Ouvrière sont les représentants typiques de cette pensée en 'France' - avec une conception de la 'classe ouvrière' très élastique, incluant 'petits cadres', fonctionnaires etc. - mais des courants similaires existent en Grande-Bretagne, en Amérique du Nord, en Argentine etc.

    155473725Il allait pourtant de soi que non seulement la première vague de la Révolution prolétarienne mondiale devait partir de Russie parce que celle-ci était une périphérie de l'Europe et du système capitaliste mondial, mais encore qu'en Russie même, le 'niveau' de conscience, d'organisation et de mobilisation révolutionnaire devait être d'autant plus important dans les sections des masses populaires touchées en dernier par le capitalisme, là où celui-ci était le plus "frais" ; dans les sections de la classe ouvrière les plus récentes et en même temps les plus opprimées ou, en tout cas, les plus conscientes de leur oppression justement par ce caractère périphérique ; les territoires/masses où ne régnait pas la pax capitalista en quelque sorte, comme typiquement les champs pétroliers de Bakou en Azerbaïdjan, où le jeune Staline fit un intense travail d'agit-prop associé à une mobilisation contre l'oppression nationale grand-russe des peuples du Caucase (qui formaient la masse ouvrière). Des sections ouvrières et populaires - également - profondément imbriquées avec l'immense masse paysanne qui constituait encore 80% de la population de l'Empire. Faut-il s'étonner si la Révolution bolchévique fut dirigée par un Tatar de la Volga (Lénine) puis par un Caucasien (Géorgien : Staline), si les nationalités opprimées y avaient des représentants importants comme le polonais Dzerjinsky ou le Tatar musulman Sultan-Galiev et si les Juifs qui, de la Baltique à la Mer Noire, vivaient dans des conditions proches de l'apartheid y étaient surreprésentés (comme Trotsky lui-même) ?

    C'est donc cela qui a été critiqué par le PC bolchévik d'Union soviétique et l'Internationale communiste : la conception (notamment) anti-paysanne qu'avait Trotsky de la révolution permanente, revenant en dernière analyse (mais non-compris en ces termes à l'époque) à une conception 'centriste' anti-périphéries (car 'arriérées' etc. etc. on connaît la chanson...) de la lutte des classes ; et non le concept lui-même, selon lequel (pour résumer) pendant tout le processus de négation du capitalisme par le communisme, "c'est reculer que d'être stationnaire" - ce que Mao ne fera pas autre chose que réaffirmer sous une autre appellation : la révolution ininterrompue, la marche du peuple vers le communisme comme guerre prolongée.

    Il est vraiment fondamental de s'arrêter et d'insister sur cela : Trotsky est, en dernière analyse, le théoricien "marxiste" absolu de la révolution à partir des Centres (voir l'article en anglais en lien en bas de l'article) ; à partir de là où le capitalisme est le plus ancien, industriellement avancé... mais aussi le plus SOLIDE, objectivement (pouvoir politico-militaire) comme subjectivement (pouvoir idéologique et culturel, aliénation des esprits, "sens commun", "société civile").

    Pour lui, une révolution dans un pays "arriéré" comme la Russie de l'époque ne pouvait être qu'un "bug", un "accident" de l'histoire condamné à être très vite suivi de révolutions dans les pays industriellement avancés, sous peine de "dégénérer bureaucratiquement"... Alors qu'en réalité, si la négation du pré-capitalisme par le capitalisme s'est bien déployée à partir des villes où celui-ci est né, la négation du capitalisme par le communisme part au contraire des régions du monde où le pré-capitalisme a été le plus fraîchement nié, voire où cette négation est encore en cours. Comme Mao l'a très bien expliqué, plus le capitalisme est "frais" dans un pays, meilleures sont les conditions pour y faire la révolution ; alors que c'est beaucoup plus difficile (rejoignant là l'analyse de Gramsci sur l'hégémonie et la "société civile") lorsque le  capitalisme est solidement ancré depuis 2 ou 300 ans comme en Europe de l'Ouest - là, il faudra plus de temps [1]. C'est la raison pour laquelle la première révolution marxiste de l'histoire a éclaté dans l'Empire russe et s'est ensuite diffusée principalement vers l'Asie et tout le Sud global colonisé et semi-colonisé de la planète, et non vers l'Occident.

    Le trotskysme voit en fait (en d'autres termes) comme une "anomalie historique" ce qui est en réalité le sens objectivement NORMAL de déploiement de la négation du capitalisme par le communisme.

    C'est là tout le contraire de notre conception marxiste-léniniste-maoïste qui fait de la révolution une lutte prolongée se déployant à partir des Périphéries, là où le capitalisme est plus "frais", où il "imprègne" moins la société, où le souvenir de la communauté populaire "solidaire" antérieure est plus vivant, là aussi où son règne est plus violent pour les masses (misère, "exclusion", répression etc.), vers les Centres ; conception déjà esquissée par Lénine avec sa théorie du "maillon faible" .

    [Il existe deux passages dans l’œuvre de Trotsky, relativement peu connus mais commençant un peu à l'être à travers notamment le trotskysme lié à la mouvance décoloniale, qui pourraient sembler démentir cette vision occidentalo-centrique :

    - "Il règne aujourd'hui au Brésil un régime semi-fasciste qu'aucun révolutionnaire ne peut considérer sans haine. Supposons cependant que, demain, l'Angleterre entre dans un conflit militaire avec le Brésil. Je vous le demande : de quel côté sera la classe ouvrière ? Je répondrai pour ma part que, dans ce cas, je serai du côté du Brésil « fasciste » contre l'Angleterre « démocratique ». Pourquoi ? Parce que, dans le conflit qui les opposerait, ce n'est pas de démocratie ou de fascisme qu'il s'agirait. Si l'Angleterre gagnait, elle installerait à Rio de Janeiro un autre fasciste, et enchaînerait doublement le Brésil. Si au contraire le Brésil l'emportait, cela pourrait donner un élan considérable à la conscience démocratique et nationale de ce pays et conduire au renversement de la dictature de Vargas. La défaite de l'Angleterre porterait en même temps un coup à l'impérialisme britannique et donnerait un élan au mouvement révolutionnaire du prolétariat anglais."

    - "Admettons que dans une colonie française, l'Algérie, surgisse demain un soulèvement sous le drapeau de l'indépendance nationale et que le gouvernement italien, poussé par ses intérêts impérialistes, se dispose à envoyer des armes aux rebelles. Quelle devrait être en ce cas l'attitude des ouvriers italiens ? Je prends intentionnellement l'exemple d'un soulèvement contre un impérialisme démocratique et d'une intervention en faveur des rebelles de la part d'un impérialisme fasciste. Les ouvriers italiens doivent-ils s'opposer à l'envoi de bateaux chargés d'armes pour les Algériens ? Que quelque ultra-gauche ose répondre affirmativement à cette question ! Tout révolutionnaire, en commun avec les ouvriers italiens et les rebelles algériens, rejetterait avec indignation une telle réponse. Si même se déroulait alors dans l'Italie fasciste une grève générale des marins, en ce cas, les grévistes devraient faire une exception en faveur des navires qui vont apporter une aide aux esclaves coloniaux en rébellion ; sinon ils seraient de pitoyables trade-unionistes, et non des révolutionnaires prolétariens."

    Il peut être intéressant de connaître ces citations pour pouvoir les opposer aux omniprésents trotskystes gauchistes, (généralement) rois du "ni-ni" lorsque l'impérialisme se jette sur un pays gouverné par un "terrible dictateur" ou aux mains de forces "obscurantistes" ou "soutenues" par des régimes "peu recommandables"... Ces deux textes datent au demeurant de la toute fin de sa vie (1938) et peut-être dénotaient-ils une certaine évolution de sa pensée (dans un contexte où, il faut le dire, les raisonnements purement "antifascistes" amenaient l'URSS et les Partis de la 3e Internationale à de grandes compromissions avec l'impérialisme et le colonialisme) ; évolution dont les plus "orthodoxes" de ses continuateurs, plus proches des "ultra-gauches" qu'il critiquait que de lui, n'auraient par la suite pas tenu compte.

    Pour autant, ce qu'il dit là n'a rien d'extraordinaire d'un point de vue anti-impérialiste : il dit en substance qu'un impérialisme britannique embourbé dans une longue guerre contre le Brésil fasciste de Vargas, ou un impérialisme français dans une contre-insurrection en Algérie, servirait objectivement les perspectives de prise de pouvoir de la classe ouvrière en Grande-Bretagne ou en France. C'est, encore une fois, "là que ça se passe" de son point de vue. Toute lutte, toute résistance, toute situation révolutionnaire dans le monde colonisé ou dominé par l'impérialisme, "arriéré", ne peut avoir comme vocation ultime que de "faciliter" la révolution prolétarienne dans les pays les plus industrialisés, dans une vision utilitariste [2] ; aucune révolution populaire démocratique ne peut y fonctionner (pas plus que dans l'ex-Empire russe) et construire le socialisme et aller vers le communisme de manière ininterrompue ; raison pour laquelle, d'ailleurs, le régime que défendraient les résistants brésiliens (il évoque une vague "conscience démocratique et nationale" qui "pourrait renverser la dictature de Vargas") ou la conception du monde des insurgés algériens aidés par Mussolini (que les ouvriers italiens solidaires "appelleraient à ne pas faire confiance à leur perfide allié"...) lui sont relativement indifférents (il ne "sert à rien" qu'ils se revendiquent du marxisme ou d'un quelconque socialisme, puisque "ça ne peut pas fonctionner" chez eux...).]

    Mais Trotsky et ses partisans (jusqu'aujourd'hui) réussiront, face aux graves dérives de la 'révolution par étapes' et de la 'construction du socialisme dans un seul pays' prônées par Staline (qui ne faisait là que continuer Lénine tel qu'il le comprenait), à s'approprier la 'propriété intellectuelle' de l'idée même de 'révolution permanente' ; au point qu'aujourd'hui même des marxistes confirmés ignorent qu'elle fut formulée par Marx lui-même, et en font (pour la défendre ou pour l'attaquer) un 'fondement' de l''identité' trotskyste face aux marxisme-léninisme de Staline.

    Il faut dire que Trotsky était ce qu'il convient d'appeler un contorsionniste politique de première.

    a1Lui qui jusqu'à l'été 1917 n'était même pas bolchévik, mais prônait l''unité' des bolchéviks révolutionnaires avec les réformistes menchéviks - droitiste, donc ; lorsque la lutte pour la direction du Parti se dénouera en sa défaveur (face, alors, à un 'bloc' Staline-Kamenev-Zinoviev-Boukharine), se révèlera subitement un défenseur acharné de la 'pureté' bolchévique, reprochant à Staline d'avoir 'embauché' des centaines d'anciens menchéviks ou socialistes-révolutionnaires...  

    Lui qui avait passé sa vie politique, exceptées les années de guerre civile à la tête de l'Armée rouge (où il se révèlera efficace), à s'opposer aux vues de Lénine, se fera le 'champion' de son héritage, pour ne pas dire son seul et unique héritier, ignoblement dépossédé par des usurpateurs. Lui qui était un summum de déviation partidiste ; lui qui dans une vision ultra-autoritaire et 'verticale' de la révolution considérait que "hors le Parti, il n'y a rien" (ça ne vous rappelle personne ?), que ce ne sont pas les masses qui font l'histoire mais le Parti s'en proclamant l'avant-garde, ayant toujours raison même contre elles ; lui qui aux dires de Boris Souvarine (qui avait été de ses proches) n'avait "qu'un seul mot d'ordre à la bouche : fusiller !", et qui le mit en pratique plus qu'à son tour (des makhnovistes d'Ukraine aux marins de Kronstadt) ; lui qui au sortir de la guerre civile voulait 'militariser les syndicats' pour encadrer la production et faire de la Russie soviétique une sorte de grande 'caserne' de l''armée de réserve de la révolution mondiale' ; se découvrira soudain une vocation de défenseur des soviets de travailleurs, 'dépouillés de tout pouvoir' par une 'bureaucratie'... 'produit du communisme de guerre' (dont il fut l'organisateur n°1 pendant 3 ans !) : il se fera subitement conseilliste (l'autre grande déviation : "les soviets/conseils ont toujours raison" vs "le Parti a toujours raison")... C'était décidément un grand comique, ce Léon !

    En définitive, son activité politique d''opposition de gauche', ce sera de dire 'blanc' lorsque le PCbUS et le Komintern disaient 'noir' : quand le PCbUS et le Komintern défendaient (de manière excessive, gauchiste) le 'classe contre classe', il prônait l'unité de la base au sommet (et non 'à la base') avec la social-démocratie ; puis, lorsqu'ils abandonneront cette ligne au profit des Fronts populaires (qui dériveront, en général, vers la subordination des Partis 'staliniens' à la 'gauche' bourgeoise), il défendra une position très proche du 'classe contre classe' qu'il rejetait en 1930 ou 32... Au bout du compte, il n'est pas difficile, en 15 ans d'activité politique de ce type (puis 70 ans par ses continuateurs jusqu'à nos jours), de trouver des 'dossiers' sur lesquels il a eu raison : une horloge cassée ne donne-t-elle pas l'heure juste deux fois par jour ? Mais rien ne dit, par contre, qu''aux commandes' il n'aurait pas fait exactement ce qu'il ne fallait pas faire.... Passons.

    Ce qui seul doit retenir, en fin de compte, notre attention ; ce qui fonde la 'pensée' et (surtout) l'activité trotskyste depuis trois quarts de siècles, c'est le Programme de Transition (1938) ; et celui-ci repose tout entier sur deux affirmations-aberrations mémorables :

    1/ "Les forces productives de l'humanité ont cessé de croître"... !!! : elles ne cessent JAMAIS ; ce qui peut se produire est qu'un mode de production dépassé et en crise entrave leur croissance, ce qui nécessite alors une révolution ; mais le mode de production peut malgré tout parvenir à surmonter une grave crise générale de ce type, en se 'refondant' dans de grandes convulsions - mais 'pas grave', ce sont 'ceux d'en bas' qui trinquent !

    2/ "La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire du prolétariat" : aux oubliettes la théorie léniniste de l'impérialisme ; l''achat' par les surprofits de l'impérialisme, via une 'aristocratie laborieuse', de larges pans du prolétariat par la bourgeoisie (dans les pays impérialistes voire dans certains pays dominés 'suffisamment riches') ; exit toute l’œuvre de Gramsci sur l'hégémonie intellectuelle/culturelle, la 'société civile', la construction pas seulement répressive de l''acceptation de l'exploitation' - tout ce qui, en définitive, préfigure et confluera dans la théorie maoïste authentique du déploiement Périphéries->Centres de la lutte de classe révolutionnaire.

    Et en conclusion de cette 'brillante analyse' : il faut 'entrer' dans les syndicats... voire les partis (!) réformistes pour y former des 'noyaux' révolutionnaires et, 'de là', mettre en avant un 'programme maximal' (le fameux programme de transition) qui mettrait le capitalisme et les directions social-traîtres 'au pied du mur', car ces revendications impliqueraient un 'suicide' du système capitaliste s'il les accepte... Alors les directions traîtresses se démasqueront, ce qui mettra à l'ordre du jour l'affrontement révolutionnaire direct avec la bourgeoisie capitaliste. Bien, très bien, SAUF QUE :

    - Encore faut-il que le capitalisme soit vraiment incapable de satisfaire (même partiellement) ces revendications (c'est tout le problème de l'affirmation sentencieuse et erronée que "les forces productives ont cessé de croître"), satisfaction qui même partielle démobiliserait totalement les troupes (voir point suivant) ;

    - Encore faut-il qu'une masse significative de militant-e-s suivent ces 'revendications maximales' (que fait-on lorsque 7% du salariat est syndiqué, et encore en grande majorité des fonctionnaires, salariés du public, cadres intermédiaires etc.) ; et/ou suivent la transformation de leur rejet en mobilisation révolutionnaire : là c'est toute la question de l'hégémonie idéologique/culturelle selon Gramsci, dont nous avons vu comment elle est totalement passée à la trappe (tout étant 'la faute des directions') ;

    - Encore faut-il pouvoir, de l'intérieur des organisations certes 'ouvrières' (encore que, les syndicats aujourd'hui...) mais totalement, hégémoniquement réformistes, mettre en avant une telle plate-forme 'maximale' sans se faire immédiatement gicler ou au moins marginaliser et traiter en parias (ce qui a été le cas pour les trotskystes jusqu'aux années 1980 au moins, quand bien même ils aient pu parfois avoir raison) ;

    - Si le réformisme ne 'tient' plus les masses, l'histoire a systématiquement montré ce qu'il se passe : la classe dominante descend sur le terrain de la guerre civile, ce que l'on a coutume d'appeler le fascisme. Les 'noyaux' révolutionnaires trotskystes seront-ils alors prêts... militairement, s'entend ??

    Nous avons là le deuxième aspect fondamental du trotskysme, dans sa stratégie ("révolution permanente") comme dans son plan général de travail pratique ("programme de transition") : Trotsky, comme l'écrivait déjà Gramsci dans ses Cahiers de Prison, est en fait le théoricien absolu de la révolution comme "assaut frontal" contre le Pouvoir capitaliste ; et non comme guerre de tranchées, comme lutte prolongée sur le terrain de l'hégémonie (idéologie/culture) comme sur le terrain politico-militaire, construisant patiemment le Pouvoir du Peuple dans le feu de la lutte ; ainsi que l'ont théorisé Gramsci et (bien sûr) Mao Zedong et les maoïstes après lui.

    affiche-NPA-tousLà réside tout le secret de ce qu'est devenu le trotskysme après 80 ans d'existence : en dernière analyse, une social-démocratie économiste 'radicale', 'dure', 'de combat'... Car l'ordre du jour n'est évidemment pas à 'noyauter' les grosses machines réformistes qui ne visent (et n'ont jamais visé) qu'à défendre les travailleurs des attaques du Capital, et jamais à permettre leur prise de pouvoir ; pour essayer de 'pousser en avant' celles-ci sur des 'revendications maximales' dont la satisfaction impliquerait 'automatiquement' le socialisme, et le rejet 'automatiquement' l'affrontement révolutionnaire décisif. L'ordre du jour est à CONSTRUIRE patiemment L'ANTAGONISME, dans un processus PROLONGÉ, entre les exploité-e-s et les exploiteurs ; antagonisme idéologique et physique ; et à CONSTRUIRE ainsi les CONDITIONS d'une prise du pouvoir à l'ordre du jour, dans un long processus qui est la GUERRE POPULAIRE, avec son 'étape zéro' faite de la somme de toutes les luttes et résistances populaires antagoniques, puis, lors qu’apparaît un Parti révolutionnaire en lien réel avec les masses, la défensive stratégique, puis l'équilibre (prise du pouvoir à l'ordre du jour) et enfin l'offensive ('mère de toutes les batailles' et prise du pouvoir elle-même). Les luttes sociales et leurs trahisons (et l'agit-prop là-dessus) peuvent, certes, être un outil dans ce combat prolongé, mais c'est un outil tactique, pas une ligne stratégique !

    Aujourd'hui que le Capital lance ses offensives tous azimuts, "c'est en défendant les conquêtes d'hier que l'on prépare celles de demain... et finalement la révolution" nous disent-ils (alors que les troupes des syndicats et organisations 'anticapitalistes' sont clairsemées... et petite-classe-moyenne comme jamais !). Mais en fin de compte ils ne font que cela : défendre, avec un succès variables, les 'conquêtes d'hier'. Pas l'ombre d'un début de conquête révolutionnaire du pouvoir par les prolétaires en vue, faute d'un début de commencement de stratégie révolutionnaire conséquente pour cela ! On 'résiste' et l'on essaye (maigrement) d''accumuler des forces', en attendant non pas Godot, mais les mythiques 'conditions objectives' (là on récite son petit Lénine par cœur) pour le 'Grand Soir' insurrectionnel. Sauf que ces 'conditions objectives', jadis énoncées par Lénine... ne sont en fait pas vraiment des conditions objectives : la SEULE vraie condition objective au renversement du capitalisme, c'est sa crise générale, c'est le fait qu'il ait cessé d'apporter quoi que ce soit de positif à l'humanité et qu'il pourrisse sur pied (condition n° 2 de Lénine, quelque part). Les 'conditions objectives' 1 et 3 de Lénine sont en fait plutôt la concrétisation matérielle de conditions SUBJECTIVES... qui, elles, ne s''attendent' pas, mais se construisent ! [les conditions objectives d'une situation révolutionnaire selon Lénine sont 1/ Impossibilité pour les classes dominantes de maintenir leur domination sous une forme inchangée ; crise du sommet, crise de la politique de la classe dominante ; […] que la base ne veuille plus vivre comme auparavant et que le sommet ne le puisse plus ; 2/ Aggravation, plus qu’à l’ordinaire, de la misère et de la détresse des classes opprimées ; et 3/ Accentuation marquée de l'activité des masses, qui se laissent tranquillement piller en des temps «pacifiques», mais qui, en période orageuse, sont poussées, tant par la crise dans son ensemble que par le « sommet» lui-même, vers une action historique indépendante.]

    Mais surtout, au-delà de tout ceci, il y a fondamentalement la nature et la conception de classe du trotskysme, base de toutes ses oscillations entre ultra-purisme gauchiste et opportunisme éhonté, auxquelles l'on peinerait à trouver une cohérence autrement : les petits néo-bourgeois en puissance, c'est à dire les personnes qui 'entrent' dans la lutte révolutionnaire non pas pour servir le peuple, mais parce qu'elles y voient un moyen (ou le seul) d'accéder à l''importance sociale' qu'elles estiment mériter (mais n'obtiennent pas dans le capitalisme, tel qu'il est à l'instant t) ; une engeance qui peut voir le jour dans la petite-bourgeoisie en déclassement, dans l'aristocratie ouvrière mais aussi jusque dans des catégories très opprimées de la population, comme la communauté juive de Russie qui était, à cette époque, comparable aux Noirs des États-Unis dans les années 1950, et dont était issue Trotsky.

    SCHIVARDIEt il y a une conception de la révolution, et du matérialisme historique, horriblement linéaire, anti-dialectique, incapable de saisir le sens de déploiement périphérie->centre de la révolution prolétarienne, incapable, finalement, de comprendre que la révolution prolétarienne pour le communisme, c'est la réalisation sur Terre de ce mot d'ordre que les chrétiens réservaient au 'Ciel' : "les derniers seront les premiers". La révolution prolétarienne est conçue comme un prolongement de la révolution bourgeoise (c'est très net en 'France', où le 'mythe' de 1789 et 1793-94 est fort), dans un enchaînement 'mécanique' des modes de production : féodalité, capitalisme, socialisme (qui n'est pas un mode de production, mais c'est pas grave...), communisme... Et non pas comme la négation totale du monde que cette révolution bourgeoise (et l'État moderne absolutiste avant elle) a construit ! Il est parfaitement logique que le trotskysme soit ainsi porté par une certaine aristocratie ouvrière et surtout une certaine petite-bourgeoisie ; pas celle des boutiquiers, des petits entrepreneurs et des artisans (qui est spontanément réactionnaire, 'poujadiste', bien que des éléments soient gagnables à la révolution), mais celle des intellectuels, des 'encadrants' de la force de travail, des fonctionnaires etc. : des couches sociales qui DOIVENT leur existence sociale à la révolution industrielle et au stade des monopoles (donc à la révolution bourgeoise, condition de la révolution industrielle)... mais une existence sans pouvoir, que certains éléments veulent donc conquérir. Une conquête passant forcément par un 'prolongement' de la révolution bourgeoise version 'radicale' (1793-94), puisque ces classes sont les purs produits de la révolution bourgeoise et de la révolution industrielle qui a suivi (la classe ouvrière aussi, mais un produit dans l'oppression... et voué au pouvoir dans une révolution prolétarienne véritable, alors que les 'petits chefs' et autres 'petits mandarins' sont voués à la disparition) ! Une révolution bourgeoise 'radicale' caractérisée notamment par le 'ratage' de l'alliance entre la proto-classe ouvrière et la paysannerie (puisque ni l'une ni l'autre ne dirigeaient de toute façon, mais une petite et moyenne-bourgeoisie 'éclairée' et paternaliste), secret de sa faillite thermidorienne et dont Lénine tirera précisément les leçons en théorisant la dictature démocratique conjointe


    Pour les speakenglish, ce document du site MLM Mayhem! est absolument EXCELLENT...

     

    [1] Il est très difficile de faire la révolution et de construire le socialisme dans les pays occidentaux, car dans ces pays l'influence pernicieuse de la bourgeoisie est très profonde et s'est déjà infiltrée partout. En Chine, la bourgeoisie n'existe que depuis trois générations tandis que dans les pays comme l'Angleterre ou la France, elle existe depuis des dizaines de générations. Dans ces pays la bourgeoisie a une histoire vieille de 250 à 260 ans, voire de plus de 300 ans ; l'idéologie et le style de travail bourgeois ont des influences partout et dans toutes les couches sociales. C'est pourquoi la classe ouvrière anglaise ne suit pas le Parti communiste, mais le Parti travailliste.
    Lénine a dit : "Plus un pays est arriéré, plus difficile est son passage du capitalisme au socialisme". Vue d'aujourd'hui, cette thèse n'est pas correcte. En réalité, plus un pays est arriéré économiquement plus son passage du capitalisme au socialisme est facile, et non difficile. Plus un homme est pauvre, plus il veut la révolution. Dans les pays capitalistes occidentaux, le niveau de l'emploi et les salaires sont plus élevés et l'influence de la bourgeoisie sur les travailleurs est plus profonde. Dans ces pays, la transformation socialiste est moins facile qu'on ne le croit.
    Mao Zedong, "Notes de lecture sur le Manuel d'économie politique de l'Union soviétique" (1960). Le même raisonnement peut évidemment s'appliquer entre les différentes régions - les Centres et les Périphéries - d'un même État... http://ekladata.com/m2ZvyhotBW-5-39bNwfYd4vBK-8.png

    [2] -  Thèse "utilitariste" : les luttes des Peuples opprimés sont "utiles" aux travailleurs des Centres de la domination dans leur lutte contre leurs exploiteurs... et soutenues par eux pour autant qu'elles sont ainsi jugées "utiles", mais en perdant de vue que ces travailleurs constituent eux-mêmes un groupe social dominant et privilégié ("construit" dans le privilège sur le dos des opprimés) qui risque donc de "plier" sa conception de l'utilité/intérêt pour lui de ces luttes à la défense de cette position sociale.

    - Thèse "fondamentaliste" : les luttes des Peuples opprimés, selon l'agenda d'eux-mêmes, sont FONDAMENTALES pour "de proche en proche", "en cercles concentriques" (gagnant peu à peu les Peuples "moins" dominés), encercler et ÉTRANGLER les Centres du Pouvoir et enfin les abattre.

    Chez Lénine, on peut estimer qu'il y a un "saut qualitatif" de l'"utilitarisme" vers le "fondamentalisme" entre les "Notes critiques sur la question nationale" (1913) et "La révolution socialiste et le droit des nations à disposer d'elles-mêmes" (1916).


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  • Ce ne sont ni plus ni moins que le ‘patron’ régional du Parti du Congrès (au pouvoir à Delhi), avec plusieurs autres cadres de haut rang, et le dirigeant fondateur de la sanglante milice contre-révolutionnaire Salwa Judum qui ont été touchés, dans une attaque digne de l’opération Ogro du mouvement révolutionnaire basque contre Carrero Blanco (27 ennemis du peuple tués au total)… Le Premier ministre Manmohan Singh et la présidente du Congrès, Sonia Gandhi, se sont précipités sur les lieux, abasourdis. Une belle réponse des maoïstes d’Inde à la réaction locale et internationale, mais aussi aux bouffons gauchistes qui annonçaient leur Guerre populaire morte et enterrée ; alors qu’elle ne faisait face, depuis deux ans, qu’à un repli tactique après des pertes douloureuses, comme celle des camarades Azad et Kishenji. Des pertes aujourd’hui largement vengées !

    Article bourgeois du Monde :

    New Delhi, correspondant régional. Sonia Gandhi s'est dit "dévastée". La présidente du Parti du Congrès, la formation au pouvoir à New Delhi, avait le visage défait quand elle s'est rendue, dimanche 26 mai, à Raipur, capitale du l'Etat du Chhattisgarh, au chevet des survivants d'une des attaques les plus sanglantes jamais perpétrées par la guérilla maoïste en Inde.

    Sonia Gandhi aux obsèques des 27 ennemis du peuple liquidés, pour la plupart cadres dirigeants de son parti.

    Vingt-sept personnes ont été tuées, samedi, dans le district de Bastar, l'un des plus violents du Chhattisgarh, lorsqu'un convoi de dirigeants et de cadres locaux du Parti du Congrès est tombé dans une embuscade tendue par plusieurs dizaines de rebelles d'extrême gauche. La caravane de véhicules revenait d'une réunion électorale.

    L'état-major du Parti du Congrès dans le Chhattisgarh a été en partie décapité.

    Parmi les victimes figurent Nand Kumar Patel, le patron politique du Congrès dans cet Etat du centre de l'Inde, l'un des plus affectés par le mouvement armé des naxalites (maoïstes).

    L'autre personnalité tuée dans le guet-apens est Mahendra Karma, le fondateur d'une milice tribale anti-naxalite controversé, Salwa Judum. Intégrée dans la lutte contre-insurrectionnelle menée par les autorités – centrales et locales – Salwa Judum s'est rendue coupable de nombreuses violations des droits de l'homme, au point que la Cour suprême a ordonné, en juillet 2011, de sa dissolution.

    [La suite est l'habituel blabla journalistique 'gauche bourgeoise', tentant d'adopter un ton 'neutre']

    LA MARGINALISATION SOCIALE ET ÉCONOMIQUE, UN TERREAU FERTILE 

    Le précédent coup de main sanglant des naxalites remonte au 6 avril 2010 quand un groupe de 300 rebelles avait tué 75 soldats de la Central Reserve Police Force (CRPF), une force paramilitaire, dans le district de Dantewada, un autre point chaud du Chhattisgarh. A la fin des années 2000, l'insurrection des naxalites était devenue si meurtrière que le premier ministre Manmohan Singh lui-même l'avait qualifiée de "plus grande menace pour la sécurité intérieure du pays".

    Afin de contrer ce "péril rouge", le gouvernement de New Delhi a tenté de combiner une politique répressive et des efforts de développement visant à désenclaver les zones de peuplement tribal dont la marginalisation sociale et économique a fourni un terreau fertile aux groupes d'extrême gauche.

    Cette stratégie mixte a semblé produire quelques résultats si l'on en juge par la baisse de la violence enregistrée dans les Etats les plus touchés : Chhattisgarh, Jarkhand, Bengale-Occidental, Orissa... Selon le centre d'études sur le terrorisme South Asia Terrorism Portal (SATP), le nombre de tués liés à des affrontements entre forces de sécurité et extrême gauche armée en Inde a décliné de 1 180 en 2010, à 602 en 2011, puis 367 en 2012.

    Le début de l'année 2013 a toutefois marqué une recrudescence avec plus de 200 victimes en cinq mois seulement. Si l'on en croit les données de SATP, les naxalites demeurent actifs dans 173 districts sur les 640 que compte l'Inde – soit plus du quart –, la plupart étant répartis le long du fameux "corridor rouge" traversant les régions forestières de peuplement tribal d'Inde du Centre et du Nord.

    SATP estime que les effectifs insurgés se montent à 8 600 combattants, lesquels peuvent compter sur un vivier de soutiens potentiels de 38 000 hommes.

    Le naxalisme tire son nom du village de Naxalbari (Bengale-Occidental), où avait éclaté une révolte paysanne en 1967, attisée par des militants d'extrême gauche en rupture avec les partis communistes officiels tentés par le jeu parlementaire. Dirigé par Charu Mazumdar – tué en 1972 –, le Parti communiste indien marxiste-léniniste (PCI-ML) s'est créé dans la foulée des événements de Naxalbari en se réclamant ouvertement des préceptes révolutionnaires de Mao.

    COMBATTRE "L'ORDRE SEMI-FÉODAL" PAR "UNE GUERRE POPULAIRE PROLONGÉE" 

    Le mouvement n'a toutefois pas tardé pas à se scinder en une multitude de groupes rivaux, qu'opposaient parfois des affrontements meurtriers. L'année 2004 consacre d'une certaine manière la renaissance du naxalisme indien à la suite de la fusion de deux tendances, le groupe Guerre du peuple (PWG) et le centre communiste maoïste (MCC), au sein d'un parti réunifié : le Parti communiste indien maoïste (CPI-Maoist).

    L'idéologie professée par le CPI-Maoist puise fidèlement dans les classiques de la littérature révolutionnaire. Elle affirme combattre "l'ordre semi-féodal et semi-colonial" au moyen d'une "guerre populaire prolongée" permettant d'instaurer in fine la "démocratie du peuple". La tactique consiste à "libérer" des zones rurales afin d'"encercler" les villes par les campagnes.

    Cette rhétorique n'est pas sans rencontrer d'écho au sein des parias de la société indienne, en particulier les communautés tribales de plus en plus dépossédées par des projets de développement industriel. Les forêts des Etats de Jarkhand, Chhattisgarh ou de l'Orissa recèlent en effet des gisements de minerai – fer, bauxite, etc. – attisant les convoitises de grosses sociétés minières.

    S'il a échoué à percer dans les grandes villes, le mouvement maoïste indien continue de planter ses racines dans ces zones tribales aliénées qui n'ont jusqu'à présent guère vu la couleur de la "Shining India" (l'Inde brillante).

    Énorme ATTAQUE AU CŒUR DE L’ÉTAT par les maoïstes en Inde !Le cratère laissé par l'explosion

    En anglais, le communiqué de presse du PC d'Inde maoïste au sujet de l'action : http://democracyandclasstruggle.blogspot.co.uk/2013/05/press-statement-of-communist-party-of.html


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  • conrad1Nous y sommes : le 'centre' 'mlm' de l’État belge, centre on-ne-sait-trop de quoi sinon de la Belgique universitaire, elle-même pitoyable appendice de la 'France' intello-parisienne du 'p''c''mlm', a publié le n°4 de sa revue 'Clarté rouge' consacré à la Guerre populaire (le dernier numéro sur le sujet était plutôt intéressant), et s'y livre enfin aux attaques promises contre le (nouveau) Parti communiste italien. Le ridicule de s'attaquer à des gens ayant, pour certains, passé plusieurs années en prison ne tuant manifestement pas ces petits bourgeois prétentieux, le jour de l''exécution politique' est donc arrivé (héhéhé !) ; et comme disait Robert-François Damiens au matin de son écartèlement en 1757 : "la journée sera rude"  !

    1. En premier lieu, le document aborde (et repose sur) les trois formes de lutte constituant, selon le 'centre' 'mlm', la 'vraie' Guerre populaire en pays impérialiste. Ces trois formes sont :

    - la lutte armée (entendue au sens ETA, Brigades rouges etc. : actions violentes clandestine, avec armes à feu ou explosifs) ;

    - le sabotage

    - le combat de rue (de type black- ou red-blocks).

    Déjà, pour commencer, ce découpage est totalement fallacieux. Car en réalité :

    - la lutte armée et le sabotage ne font qu'un : le sabotage est une forme de lutte armée, visant des biens, des installations et non des personnes. Les actions des Cellules Communistes Combattantes de Belgique (CCC), visant des installations et des 'symboles' du capitalisme et de l'impérialisme et se voulant (à ce stade) non-létales (elles ne le furent que par accident), étaient du sabotage, dans le cadre d'une lutte armée.

    - le combat de rue type 'black-block' ou kale borroka (au Pays Basque) est lui aussi une forme   particulière de lutte armée, sans armes à feu et 'au grand jour' (bien que le visage couvert, évidemment). En Italie, dans les années 1970, il y avait même parfois des combats de rue avec armes à feu (il en reste des photos célèbres).

    DONC, les trois formes de lutte que nous donne le 'centre' 'mlm' pour la Guerre populaire sont en fait des formes différentes de lutte armée.

    Anni di piombo22. Reste donc entière la question de toutes les autres formes de lutte, et (bien sûr) de l'articulation de celles-ci avec la lutte armée dans ses différentes formes. Quid des 'luttes économiques' DURES, avec occupation d'usine, séquestration des cadres, menaces de tout faire sauter (menace qui seront peut-être, un jour, mises à exécution) ? Quid, dans des pays impérialistes frappés durement par la crise du logement, de l'occupation-autogestion des logements contre les 'marchands de sommeil' (ces logements occupés pouvant aussi devenir, comme en Italie ou en 'Espagne', des centres de diffusion culturels 'alternatifs' contre la culture dominante) ? Quid, dans des pays globalement riches mais frappés par la 'crise du pouvoir d'achat' et la consommation à crédit, des actions d''auto-réduction' contre la grande distribution capitaliste ? Quid, dans des États qui sont d'énormes machines de guerre où les masses financent leur propre oppression (pendant que les Cahuzac de tout poil planquent leur pognon en Suisse), des actions visant à 'frapper au portefeuille' : la 'grève' des taxes, impôts locaux injustes, 'droits', péages (ah c'est vrai, il n'y en a pas en Belgique... les veinards !) et autres prélèvements qui étranglent le prolétaire au SMIC obligé de payer exactement comme le cadre à 5.000 euros par mois ; voire carrément de la grève des loyers, tickets/billets de transport etc. etc. ? Quid des actions d'agit-prop diverses (banderoles, affiches, stickers, 'happenings' divers pratiqués par les fascistes qui ont là 13 longueurs d'avance, etc. etc.) ? Quid du combat contre les fascistes qui, dans les pays 'développés', sont une forme particulière, para-étatique d'ultra-réaction ; une sorte de 'société politico-militaire parallèle' dans la 'société civile' ?

    Pour ce qui est de la lutte armée au sens où l'entend le 'centre mlm', en Europe industrialisée, sa difficile accessibilité au 'prolétaire lambda' et la logistique clandestine qu'elle suppose ont déjà montré, par l'expérience, sa principale limite, qui est l'isolement avant-gardiste de l'organisation combattante, même là où les conditions étaient les plus favorables à un large soutien de masse (Irlande du Nord, Pays Basque 'espagnol' et Italie dans les années 1970) ; au contraire des pays du 'tiers-monde' où il est possible de prendre le contrôle de régions reculées entières, même au stade d'une très faible défensive stratégique, et d'y instaurer le Pouvoir populaire.

    En réalité, même lorsque les circonstances (condition première !) d'une grande violence répressive du Capital (descente sur le terrain de la guerre civile) rendent cette forme de lutte acceptable par les masses d'un point de vue d'agitation et de propagande, elle va alors être 'centrale' d'un point de vue idéologique ('référence' politique des personnes en lutte) et organisationnel, mais 'marginale' d'un point de vue opérationnel... tout simplement parce que le terrain ne permet pas autre chose ! Même pendant la Seconde Guerre mondiale, en Europe de l'Ouest (Italie, 'France'), les grands 'maquis' n'ont véritablement existé que lorsqu'il y a eu 'débandade', dissolution de l'État réactionnaire fasciste (nazi-vichyste et mussolinien) face aux débarquements alliés de 1943 et 1944, avec aussi une question de légitimité de celui-ci ('marionnette' d'une occupation étrangère brutale). Avant cela, region-paris-squat-social-1972-1973l'intensité de la lutte armée clandestine (et du sabotage) n'était guère plus haut que le niveau de l'Italie des années 1970 (sans le combat de rue, qui aurait évidemment conduit à un massacre de masse)... En Belgique, qui comptait alors déjà près de 280 habitants au km², jusqu'à ce que les armées alliées pénètrent sur le territoire, c'était totalement impossible (sauf dans certains secteurs des Ardennes, peut-être). Et dans un contexte d'État bourgeois 'libéral', à façade démocratique et à 'société civile' forte, c'est tout simplement inenvisageable (même le simple fait d'utiliser mortellement, de manière organisée dans ce but, des armes à feu ou des explosifs est problématique, et doit être bien pensé) !

    Il n'est donc pas possible de faire tout simplement 'abstraction' des autres formes de lutte que nous avons citées ; formes qui, loin d'être de la 'pseudo-guerre populaire' et des 'cache-sexes pour opportunistes', permettent l'engagement large et concret des masses opprimées dans le processus révolutionnaire ; la lutte armée, lorsqu'elle existe, servant de 'point de référence' : même dans un contexte de Résistance antifasciste, lorsqu'il n'y a pas plus 'descendu sur le terrain de la guerre civile' que la bourgeoisie d'alors, et que la légitimité de la lutte armée avec mort d'homme ne laisse pas l'ombre d'un doute dans les masses, elles ont encore leur place !

    Quant à la question de l'articulation/ coordination de toutes ces formes de lutte, c'est évidemment la question du Parti, avant-garde révolutionnaire des masses constituée et consolidée (en lien avec celles-ci) en 'centre directeur/coordinateur' de toutes les actions visant à renverser le capitalisme... et non une bande de bouffons auto-proclamés avant-garde !

    3. La mauvaise foi, la simplification/caricature et l'ultra-critique destructive qui caractérisent de tout temps la petite bourgeoisie gauchiste : "Donc, pour le (n)PCI, la première phase de la guerre populaire consiste à participer aux élections, aux luttes économiques et à former des clubs de gym et des cinéclubs !
    Cette première phase doit nous amener à la seconde phase, la guerre civile lors de laquelle « les forces armées populaires disputeront le terrain aux forces armées de la bourgeoisie impérialiste, lors de laquelle existeront des territoires libérés, etc. ».
    Pas une action armée, pas une action violente n’est évoquée entre ces deux phases. Pas même un mot sur l’organisation du Parti et de ses organisations périphériques en vue de l’affrontement armé. Il faut croire que le public sortira des cinéclubs du (n)PCI pour disputer le terrain aux forces armées de la bourgeoisie en leur lançant des paquets de pop corn...
    Rarement l’opportunisme ne s’est affiché de manière aussi impudente, rarement les principes du maoïsme ont été à ce point bafoués."

    La caricature du propos critiqué [l'article du (n)PCI Il faut distinguer lois universelles et lois particulières de la Guerre populaire (2004), voir les extraits dans l'article du 'centre' 'mlm' en lien] est on-ne-peut-plus grossière, et en définitive pathétique pour le groupuscule qui l'émet. S'il ne s'agissait 'que de cela', il est évident que le (n)PCI et ses organisations générées (CARC, Syndicat des Travailleurs en Lutte, Solidarietà Proletaria, groupe 'Caccia allo Sbirro' contre les violences policières etc.) ne feraient pas face à la répression qu'ils subissent, même si celle-ci est évidemment moindre que pour le PC politico-militaire, qui (lui) prônait directement la lutte armée. 1248614219686 carcrissap g 0627L'article attaqué donne au contraire de grandes et précieuses précisions sur la conception de la Guerre populaire en Italie, au stade de la 'défensive stratégique' [ou plutôt, devrait-on dire, vu la faible emprise d'un quelconque Parti - (n)PCI ou autre - sur les masses, à l'étape zéro de la GPP] ; et notamment sur la thèse de l''irruption dans le petit théâtre de la politique bourgeoise' : la participation aux échéances électorales, qui est beaucoup reprochée au (n)PCI (déjà en Italie même) et sur laquelle s'est beaucoup exprimé SLP. L'on peut ne pas être d'accord (ainsi, sur le fait de soutenir des listes bourgeoises 'de gauche' ou petites-bourgeoises 'contestataires', et non de présenter des listes du mouvement dirigé par le Parti, nous ne le sommes pas) ; l'on peut critiquer la pratique qui en découle (ce que nous faisons également, précisons aussi que l'article date de 2004 et que nous sommes en 2013, depuis il y a eu la 'Grillo-mania' etc.) ; mais avoir ainsi besoin de caricaturer pour argumenter, c'est la marque de ceux qui n'ont définitivement rien à dire.

    La critique destructive du 'centre' 'mlm' ignore, avec un ton péremptoire ‘marque de fabrique’ de leurs parrains intello-parisiens, des réalités essentielles de l'activité politique révolutionnaire en Italie :

    - Il y a des choses qui ne se crient pas sur les toits : l'Italie n'a pas seulement une législation 'anti-terroriste' comparable aux autres pays d'Europe et d'Occident, elle a également une législation 'anti-subversive' extrêmement large et élastique, datant de Mussolini et jamais abrogée (elle fut notamment appliquée massivement dans les années 1970-80). Cette législation, permettant de frapper des personnes n'ayant commis aucune violence ni même rien d'illégal (mais qui seraient 'susceptible de'), est sans doute la plus dure du continent, ex aequo avec celle de l'État espagnol. Il est évident qu'au stade de la défensive stratégique, voire de l''étape zéro', lorsque la supériorité politico-militaire et idéologique/culturelle de l'ennemi est totale, on ne va pas clamer publiquement comment l'on compte, bien plus tard, passer à une véritable guerre civile armée, et les préparatifs que l'on fait en ce sens. Le ton d'AUCUN média révolutionnaire marxiste-léniniste ou maoïste italien (dont l'existence est pourtant indispensable, pour diffuser la conception communiste du monde dans les masses) n'est guère plus 'radical' et violent que celui des CARC et du (n)PCI (à la rigueur, des site comme Redblock des jeunesses du PCmI ou 'Militant' assument le combat de rue, mais c'est tout) ; tout simplement parce qu'en Italie cela entraînerait une 'exécution électronique' immédiate du site, et l'inculpation de ses administrateurs. Dans un éclair de lucidité (en dernier paragraphe), le 'centre mlm' dit d'ailleurs lui-même que "Une authentique préparation à la guerre populaire implique une discrétion telle que mettre au défi telle ou telle organisation de « prouver » qu’elle prépare réellement la guerre populaire serait ni plus ni moins une provocation policière"...

    - L'Italie est un pays de fort 'civisme' populaire et de grande illusion en la politique électorale (une abstention de 25%, comme aux dernières législatives, peut être considérée comme extraordinaire !), et le mouvement communiste italien a une LONGUE histoire d''électoralisme' (traduire, d'utilisation des 'tribunes' électives dans les buts qu'il s'est fixé) : Gramsci lui-même était député (1924-26), et portait la contradiction à Mussolini himself dans l'hémicycle ! Dans les années 1970, même les organisations combattantes ou militantes 'très radicales' comme Lotta Continua donnaient des consignes de vote pour Democrazia Proletaria... ou carrément pour le vieux PCI ! Cela ne veut pas dire que c'était juste et qu'il faille le refaire ; il s'agit simplement de montrer que les arguments du (n)PCI ne reposent pas sur rien ou sur n'importe quoi : il y a dans la 'formation psychique nationale' des communistes italiens un fort terreau en ce sens. Quoi qu'il en soit, ni Lénine ni Mao n'ont jamais dit (bien au contraire) qu'il ne faille jamais, en aucun cas, s'impliquer dans un 'moment électoral', surtout dans des pays impérialistes/avancés où ce 'moment' engendre une particulière 'réceptivité' des masses au discours politique (et beaucoup d'illusions quant à la 'citoyenneté' et à la 'démocratie'... nous ne sommes pas au Pérou !). La 'ligne de démarcation', c'est et cela a toujours été de faire de cette implication une forme de lutte (tactique) parmi d'autres, ou au contraire d'en faire une fin en soi (avoir des élus, gagner des mairies, des sièges de député etc.), ce qui conduit à l'opportunisme et à l'institutionnalisation.

    solidarietàgramigna2- L'Italie est également un pays où, depuis les années 1970 où ils ont succédé aux 'maisons du peuple' et autres 'cercles culturels' d'un PCI institutionnalisé, les 'centri sociali' (qui n'ont rien à voir avec les centres associatifs subventionnés par les mairies ici) jouent un grand rôle dans la lutte de classe réelle (celle que les groupuscules type 'centre' 'mlm' ignorent totalement, du haut de leur chaire universitaire). Ces 'centres sociaux' sont les 'cinéclubs' et autres 'clubs de gym' de l'insinuation perfide du 'centre mlm' contre le (n)PCI. Quiconque connaît l'Italie sait que l'on est fort loin de cette caricature (même si, sous des municipalités 'de gauche', certains de ces centres ont pu finir par s'institutionnaliser).

    - L'Italie est un pays où l'organisation massive des travailleurs pour les 'luttes économiques' est encore une réalité : ainsi par exemple, l'Union des Syndicats de Base (USB), un syndicat alternatif et réputé 'dur', compte plus de 250.000 adhérent-e-s et la CGIL (grand syndicat le plus 'à gauche')... près de 6 millions (dont près de 400.000 pour la seule FIOM, syndicat réputé 'dur' de la métallurgie et de la mécanique), en comptant certes les retraité-e-s. Notre bonne vieille CGT (son équivalent hexagonal) en compte moins de 700.000 (là encore, retraité-e-s inclus-es) et l'Union syndicale Solidaires (SUD), plus ou moins l'équivalent de l'USB, autour de 100.000 ! Peut-on ignorer une réalité comme celle-ci, lorsque l'on prétend diriger les masses populaires vers le communisme ? Ces organisations sont, certes, 'réformistes radicales', ou encore 'subversivistes' au sens de Gramsci (contestataires du 'système', mais 'intégrant' intellectuellement la position d'infériorisés). Il y a du travail (beaucoup...) pour en extraire des forces révolutionnaires conséquentes... Mais qui va le mener et comment, ce travail, si l'on refuse catégoriquement de se lier aux prolétaires qui y voient, pour le moment, le meilleur voire le seul instrument de résistance aux agressions du Capital ?? Les camarades du PC maoïste, eux, travaillent (politiquement) pour l'essentiel dans le Slai COBAS (COBAS désigne en Italie les 'comités de base' pour un syndicalisme ouvrier-employé 'de combat', apparus à la fin des années 1970 et très nombreux). À vrai dire, il n'y a dans ce pays aucune organisation communiste un tant soit peu conséquente qui pratique les élucubrations anti-syndicales du 'centre' 'mlm' ou de ses 'parrains' parisiens.

    4. Le (n)PCI tire sans doute, en fait, 'trop' les leçons des années 1970 ; et dérive ainsi vers le légalisme et l'électoralisme. Lorsque, nous l'avons déjà dit ici-même, le succès électoral (en mode 'ballon de baudruche') d'un mouvement contestataire populoïde et archi-ambigu comme celui de Beppe Grillo est décrit comme une véritable 'attaque au cœur de l’État' (au cœur des 'sommets de la République pontificale'), c'est ce qu'il convient d'appeler du délire...

    autonomiaSelon nous (pour s'être cognés 300 pages de Manifeste Programme, on en sait quelque chose !), le (n)PCI a une analyse critique erronée de la période (dont certains de ses cadres sont issus), analyse dont découle peut-être (voire sans doute, même) les autres erreurs : pour lui, tout est une question de 'dérive militariste' et 'clandestiniste', de 'coupure' avant-gardiste armée avec les masses (ce qui est peut-être vrai à partir de la fin des années 1970). La conclusion (erronée) est donc qu'il faut 'mieux accumuler les forces', au travers d'une pratique légaliste et pacifique prolongée... Pour nous, au contraire, la 'petite guerre populaire' qui sévissait alors dans la 'Botte' italienne présentait une très grande et très intéressante variété de formes de lutte (notamment celles que nous avons citées au point 2), en plus des formes de lutte armée illégale (celles que cite le 'centre' 'mlm'), et un très fort appui de masse, en tout cas au début. Le problème a été, principalement, outre une confusion entre début de la nouvelle crise générale et effondrement imminent du capitalisme (ce que dit aussi le (n)PCI), un problème de division de la direction politique, d'absence de centre dirigeant unifié : parfois sur de VRAIES questions idéologiques (mais sans véritable lutte de ligne permettant le triomphe de la position juste ou 'meilleure') et parfois, aussi, sur des questions de dogmato-sectarisme voire des hostilités de personnes ; suite à quoi, dans les 'interstices' laissés par cette division, se sont engouffrées de idéologies erronées et 'perdantes' à terme ('francfortisme' marcusien, situationnisme et operaïsme qui en est une forme italienne spécifique, semi-anarchisme 'autonome', théories sur les 'nouveaux sujets révolutionnaires', élucubrations de Toni Negri etc. etc.).

    Mais le 'centre mlm', lui, ne tire aucune leçon de l'expérience des CCC... y compris de la propre autocritique de celles-ci (notamment le fameux document La Flèche et la Cible) ; sur le fait de s'être, même armées d'un marxisme-léninisme 'solide', retrouvées dans la position d'une 'minorité agissante' (une dizaine de personnes) semi-anarchiste à la Action Directe ou RAF (bien que ces organisations aient ensuite essayé de 'torpiller' les CCC), sans grand lien avec le mouvement réel des luttes de classe (d'ailleurs en grand recul à l'époque, au milieu des années 1980).

    200px-Communist Combatant Cells LogoReste entière la question de la manière dont ces 'trois formes de Guerre populaire' (en réalité, trois formes de lutte armée...) s'articulent avec et s'appuient sur d'autres formes de luttes populaires, plus 'accessibles' au prolétaire 'de base', pour éviter l'avant-gardisme armé.

    Reste entière la question du LIEN tissé entre le Parti qui mène ces actions et LES MASSES exploitées/opprimées, lien qui (avec l'existence du Parti lui-même) est la condition du passage de l''étape zéro' à la défensive stratégique proprement dite ; en fait, la question d'une véritable mobilisation révolutionnaires dans les masses, permettant une 'réceptivité' aux actions 'hors des clous' de la légalité, sans quoi les 'trois formes' de Guerre populaire de nos théoriciens en herbe restent une activité groupusculaire de 'minorités agissantes' coupées des masses, et contre lesquelles la bourgeoisie pourra même facilement mobiliser dans un sens réactionnaire... Question qui est en fait, tout simplement, celle de l'hégémonie intellectuelle/idéologique/culturelle selon Gramsci, hégémonie qui plus encore que la force armée/policière et la répression pénale, dans un capitalisme suffisamment avancé, est un pilier essentiel de la domination de classe : en fait, c'est le SECRET du 'pourquoi' les masses ne se reconnaissent pas (de manière spontanée, 'immédiate') dans le type d'actions que prône le 'centre mlm', sauf dans quelques parties réduites de l'Europe comme l'Irlande du Nord, le Pays Basque etc., où la conflictualité a de profondes racines historiques. Pour nous, la construction de cette influence idéologique progressiste/révolutionnaire de l'avant-garde sur les masses, condition pour que des actions clairement extra-légales soient 'suivies', est la première tâche essentielle de l'avant-garde en question, à l''étape zéro' (une tâche qui se mène DANS les gramsciluttes de masses telles qu'elles sont, et non du haut d'une 'chaire' internet, les luttes n'étant pas ce qu'elles devraient être).

    La stratégie actuelle du (n)PCI est connue et a été suffisamment abordée sur SLP : à travers leur 'Gouvernement de Bloc Populaire' ou (aujourd'hui) de 'Salut National' (gouvernement de dirigeants syndicaux 'durs' et autres tribuns politiques 'alternatifs'), ils espèrent constituer un 'cadre' dans lequel ce lien pourra se nouer rapidement, dans lequel le Parti pourra facilement et massivement accumuler (et armer) des forces pour l'étape suivante, celle où la bourgeoisie reprendra l'offensive et descendra sur le terrain de la guerre civile : pour nous, ceci est 'trop simple' et donc erroné, sans parler des méthodes pour parvenir à ce fameux gouvernement, qui peuvent laisser effectivement pantois. Mais en tout cas, l'analyse que font à peu près tous les ML et MLM de l'étape actuelle en Italie nous laisse mesurer le chemin à parcourir devant nous, lorsque l'on sait que cet État est beaucoup plus faible que le nôtre (tant dans le champ de la 'société politico-militaire' que de la 'société civile'), déléguant nombre des tâches 'normales' d'un État à d'autres forces (à l’Église et aux organisations mafieuses, principalement).

    5. Vient enfin la prise de conscience : "Nous avons traité dans notre précédente contribution la question des « conditions préalables » à la guerre populaire. Pratiquement, tout élément essentiel au processus révolutionnaire pourrait devenir « condition préalable » : la fondation d’un Parti communiste MLM, ou l’établissement d’un lien aux masses (la préparation de « bases d’appui »), d’une base de masse, ou l’élaboration d’une pensée, et à partir de celle-ci, d’une stratégie, etc.
    Le propre de ces « conditions préalables » est d’être :
    - Légitimes en ce sens qu’il s’agit effectivement de conditions préalables, sans lesquelles le déclenchement de la lutte armée ne serait pas le déclenchement d’une guerre populaire mais le déclenchement d’une lutte armée aventuriste, militariste, opportuniste de gauche
    ".

    Ben oui, ce sont effectivement les conditions essentielles pour sortir de l''étape zéro' des résistances populaires à l'oppression, et passer à la véritable défensive stratégique d'une Guerre populaire planifiée. Un apport indéniable du (n)PCI, là-dessus, au mouvement communiste en Europe (quoi que l'on pense ensuite de leur pratique), est que ces conditions sont en fait, dès lors qu'il y a une crise générale du capitalisme, essentiellement subjectives et qu'elles se construisent (cf. ce que nous disons plus haut) : trop souvent, sur notre continent, les communistes se sont contenté de les 'attendre', sous la forme d'une crise aiguë, économique ou 'de régime', c'est pourquoi ils ont fait du sur-place dans leur lutte et ont fini (principalement dans le cadre des 'Trente Glorieuses') par s'institutionnaliser. Mais de ces conditions indispensables, nos petits donneurs de leçon nous disent qu'elles sont "floues, en ce sens que chacun peu interpréter à quel degré d’achèvement ces conditions doivent être arrivées pour légitimer le déclenchement de la guerre populaire. L’opportunisme de droite utilise ce « flou » pour étendre sans cesse la phase consacrée à la réunion des « conditions préalables » — et donc reporter sans cesse le déclenchement de la guerre populaire. De plus, cela finit par faire des « conditions préalables » des objectifs en soi. Et pour progresser dans la réunion des « conditions préalables », on en vient à faire des choix et développer des pratiques qui, sous couvert de servir la réunion des « conditions préalables » à la guerre populaire, rend le déclenchement de celle-ci encore plus problématique. Par exemple, en invoquant la constitution d’une certaine « base de masse » comme préalable à la guerre populaire, les opportunistes de droite vont développer des pratique qui, certes, peuvent multiplier les connexions du parti dans les masses, mais qui rendent ces connexions inutiles dans une véritable perspective de guerre populaire (parce qu’elles sont toutes bien connues de la police par exemple)"... ben oui, c'est tout le risque de ce qui s'appelle l'opportunisme (le (n)PCI dénonce précisément ce type d'attitude !) ; et en même temps, il faut ces conditions pour pouvoir 'parler sérieusement', et il faut travailler à les construire. L'opportunisme de droite n'a en fait nullement sa source dans leur recherche et leur construction, ni même dans l'attente passive de celles-ci (qui n'est qu'un 'terreau favorable'), il a sa source dans les aspirants néo-bourgeois que génère inévitablement la société capitaliste et qui vont, pour certains, voir dans le militantisme 'révolutionnaire' cette 'voie royale' - les gauchistes façon 'centre mlm' n'en sont qu'une autre version. C'est là une lutte idéologique à mener au sein même du mouvement communiste organisé, en développant la ligne de conduite : 'Servir le Peuple !'.

    Kakashi Rouge2En attendant, c'est sûr que des pseudos comme 'Volodia Gigot' ou 'Toupie-qui-tourne', ça respire, ça 'suinte' (comme dirait l'autre) les gars qui préparent avec tout le sérieux requis la Guerre populaire révolutionnaire... version Armée des Clowns ! 

    Pour le reste, "On ne joue pas avec l’insurrection, on ne joue pas avec la guerre populaire, on ne joue pas à la guerre populaire. La guerre populaire est l’activité centrale de la stratégie révolutionnaire. Tout doit y ramener, tout doit s’y subordonner. Comme disait le PCP : la centralité, c’est le combat. Se prendre en photo avec des armes, dans des poses avantageuses, sur fond de drapeau rouge, multiplier des effets d’annonces et des déclarations de guerre, baptiser « action de guerre populaire » des initiatives qui relèvent de l’agit-prop la plus banale (comme accrocher une banderole ou un drapeau rouge), voire même mener l’une ou l’autre action armée, ce n’est pas encore faire la guerre populaire. Un des caractères de la guerre populaire, c’est qu’elle doit est la pratique centrale des communistes. Un parti qui ne consacrerait qu’une portion minime de son activité, de ses forces, de ses moyens, aux procédés spécifiques de la guerre populaire (le sabotage, le combat de rue et la lutte armée) ne peut être considéré comme menant la guerre populaire"... voilà qui pourrait s'appliquer pleinement, sinon à eux-mêmes, du moins à leurs 'petits maîtres à penser' parisiens, rois de la photo de stickers déposés par leurs soins. Même si l'agit-prop, nous ne disons pas le contraire, c'est important !

    En réalité, il n’y a qu’une SEULE ET UNIQUE universalité de la Guerre populaire : c'est d'être l’action prolongée, consciente et organisée, planifiée (par un Parti révolutionnaire), de négation du capitalisme par le communisme  ; jusqu’à la prise du pouvoir par le prolétariat (et dans ce but assumé, évidemment) – après, c’est la transition socialiste. Ce processus ne peut certes pas se faire sans une part de violence (aucune classe dominante ne se liquidant elle-même ‘gentiment’), encore moins sans une part d’illégalité, puisque la légalité n'exprime rien d'autre que les intérêts de la classe dominante (leur volonté faite loi disait Marx)… mais cela, les marxistes le disent depuis Marx et Engels, même si des révisionnistes l’ont épisodiquement oblitéré : le ‘centre mlm’ n’a franchement pas révolutionné la pensée communiste. Et dans ce processus, rejeter dogmatiquement UNE forme de lutte possible parce qu’elle ne correspondrait pas aux fantasmes de cyber-warriors que l’on se fait de la Guerre populaire, c’est condamner celle-ci à la défaite ! Rejeter ce que le ‘centre mlm’ appelle les ‘clubs de gym’ et les ‘cinéclubs’, c'est-à-dire en réalité les outils de conquête de l’hégémonie intellectuelle par le prolétariat révolutionnaire, c’est carrément catastrophique !!!

    Pour finir, le numéro de 'Clarté rouge' version 'centre mlm' nous sert un entretien avec le PC politico-militaire italien, durement frappé par la répression. C'est un document, effectivement, intéressant : il participe, avec ses points justes et sans doute ses erreurs (nous n'avons pas la prétention de trier les uns des autres), à la décantation/reconstruction du mouvement communiste en Italie, au même titre que le PC maoïste et le (n)PCI et d'autres encore. Le PCPM considère que l'étape actuelle permet le développement d'une forme de lutte armée ; le (n)PCI considère que les formes de lutte de l'étape où nous sommes sont celles exposées dans l'article du 'centre mlm' en lien ; le PCmI prône les luttes économiques et démocratiques 'dures', les occupations, les expropriations et le combat de rue. Tout ceci participe du débat. D'ailleurs, quelles que soient les divergences de vues, lorsque le PCPM est tombé sous les coups de la répression en 2007, il a reçu le soutien... du (n)PCI, des CARC et de Solidarietà Proletaria. Quiconque a approché le mouvement communiste transalpin aura été frappé, au-delà des prises à partie parfois vives, par le très faible sectarisme politique dans la pratique, à des années-lumière du 'centre mlm' et de ses amis internationaux (qui, après avoir constitué une éphémère 'internationale anti-népalaise', se sont ensuite gaiement étripés entre eux).

    servirlepeuple

    [Concrètement, et après mûre réflexion sur cet épineux sujet, nous en sommes venus à la conclusion que :

    - Le (n)PCI a PENSÉ l'Italie, là-dessus il n'y a pas photo, et c'est peut-être la seule grande organisation ML ou maoïste existante à ce jour à l'avoir fait de manière aussi poussée dans ce pays. C'est l'objet de tout un immense chapitre 2 de leur Manifeste Programme que nous avons traduit ; et dont nous avons repris une bonne part dans notre article sur la construction historique de cet État.

    - Mais attention, les conclusions auxquelles ils aboutissent ensuite sont un peu boîteuses : l'idée que le "vrai" pouvoir en Italie ("République pontificale") serait en fait le Vatican et son (bien réel) empire financier ; lui-même pilier essentiel d'une espèce d'"ordre mondial" aux côtés de l'impérialisme US-UE, du sionisme etc. L'Italie est "pensée", sur la base de Gramsci et d'une très sérieuse étude, mais à l'arrivée on a l'impression que la subjectivité des auteurs, anticléricale et "Italie = colonie du Système impérialiste mondial" (raisonnement très présent dans le mouvement communiste révolutionnaire des années 1970), finit par prendre le dessus. Cela revient un peu, en définitive, à nier l’État italien (qui serait finalement "fantoche"), la bourgeoisie italienne et (puisqu'on a parlé de Gramsci) la "société civile" qui les protège.

    - C'est sans doute là qu'il faut voir la source de la "Guerre populaire révolutionnaire" qui devient in concreto électoralisme pour un "Gouvernement de Bloc Populaire" (GBP) jusqu'au soutien au mouvement populiste de Beppe Grillo (qui est une "grogne" de la "société civile" protégeant l’État et la bourgeoisie, mais nullement une rupture avec celle-ci). L'aboutissement logique de cette erreur finale d'analyse étant que, bien que soit affirmé et réaffirmé le contraire dans le Manifeste et par ailleurs, l'étape première de la lutte en Italie serait finalement une révolution démocratique bourgeoise... qui peut tout à fait, du coup, passer par les urnes (et un activisme démocratique et syndical principalement légal). Des sympathisants du P-CARC avec qui nous avons pu discuter, nous ont d'ailleurs confirmé que le GBP serait quelque chose comme un gouvernement "à la Chávez" : les communistes et les "organisations ouvrières et populaires" prendraient, finalement et en quelque sorte, l’État italien ; puisque celui-ci est en dernière analyse "fantoche" ; et le conduiraient à ne plus être "fantoche" et à l'affrontement ouvert avec (donc) le Vatican et le "Système impérialiste" dont il est un pilier. En gros, c'est de cela qu'il s'agit. Et oui... mais NON !]


    Lire aussi à ce sujet :

    Gramsci et la théorie de la Guerre populaire en pays capitaliste très avancé (1ère partie)

    Gramsci et la théorie de la Guerre populaire en pays capitaliste très avancé (2e partie)

    Les bases urbaines du maoïsme
    (PCR Canada, revue Arsenal ; traduction du titre anglais : "Sur la question de la guerre révolutionnaire dans les pays impérialistes")


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  • PCELa thèse du CAPITALISME BUREAUCRATIQUE dans les pays dominés (semi-féodaux et semi-coloniaux) est une thèse maoïste incontestable et incontestée, et personne parmi ceux que d’aucun-e-s qualifient de ‘centristes’ ne l’a jamais remise en question. Le PROBLÈME est l’utilisation qui en est faite, par certains groupes s’affirmant ‘maoïstes’, pour qualifier (abusivement) certains types de gouvernements du ‘tiers-monde’ de ‘fascistes’, car ils représenteraient (et ‘restructureraient’) ce capitalisme bureaucratique. Une thèse dangereuse, car rien n’est plus dangereux – pour des communistes – que de montrer du doigt le ‘fascisme’ là où il n’est pas ; et d’autant plus regrettable qu’elle est partagée par des gens conséquents, comme le mouvement maoïste brésilien autour d’A Nova Democracia, du MEPR, du CEBRASPO etc.


            chavez-castro-nazichav-fascfascistasfascismo-rojoVisuel du PC d’Équateur ‘Comité de Reconstruction’… et propagande anti-chaviste d’ultra-droite : où est la différence ?


    Cependant, une compréhension sérieuse de la thèse du capitalisme bureaucratique elle-même permet, très facilement, des démonter ces affirmations fumeuses et irresponsables.

    - Le capitalisme bureaucratique est une forme de 'capitalisme par en haut', étroitement associé à l'appareil d’État et appuyé sur le 'fond féodal' de la société d’un pays arriéré-dominé, qui émerge à un certain stade de pénétration des monopoles impérialistes dans le pays en question. Typiquement, en Chine où il a été caractérisé pour la première fois par Mao Zedong, ce fut sous le régime de Tchang Kaï-chek (1926-49) ; en Inde, sous Nehru (1947-64) ; en Iran, sous les Pahlavi (1925-79) ; dans la plupart des pays d'Amérique latine (sous divers régimes, souvent dits ‘développementistes’), entre les années 1920 et 1960 ; dans les pays arabes, sous les régimes ‘à la Nasser’ des années 1950-80 et – déjà – sous les régimes (souvent monarchiques) précédents, etc. etc. Visant la mobilisation de masse au service de la production, ce capitalisme bureaucratique se donne parfois des airs ‘nationalistes’ et ‘populistes’, d’autant plus qu’il apparaît souvent dans un contexte de lutte anticoloniale (ou plutôt, le contraire : la lutte anticoloniale se développe rapidement à cause de lui), et qu’il faut ‘donner le change’. Il revêt souvent un caractère MONOPOLISTE ou ‘oligopoliste’, car il apparaît à un stade où se renforce la division internationale du travail, et donc la spécialisation productive des pays dominés sur une ou quelques marchandises : pétrole ou gaz ici, tel ou tel métal là, production agro-alimentaire ou pierres précieuses, etc. Dans le cas précis (par exemple) du Pérou, ce processus est bien expliqué par le Parti communiste (maoïste) du pays ici : http://etoilerouge.chez-alice.fr/perou/pcpdemocratique.html

    ["1) C'est le capitalisme que l'impérialisme développe dans les pays arriérés et qui comprend les capitaux des grands propriétaires terriens, des grands banquiers et des magnats de la grande bourgeoisie. 2) Il exploite le prolétariat, la paysannerie et la petite bourgeoisie et limite la bourgeoisie moyenne. 3) Il passe par un processus qui fait que le capital bureaucratique se combine avec le pouvoir de l’État et devient capitalisme monopoliste étatique, compradore et féodal ; il en découle qu'en un premier moment il se développe comme grand capital monopoliste non étatique, et en un deuxième moment - quand il se combine avec le pouvoir d’État - il se développe comme capitalisme étatique" ; en d'autres termes, le capitalisme "moderne" et (en lien avec) la forme d’État bien spécifique qu'impulse l'impérialisme dans les pays dominés par lui, à un certain stade de "modernité" de cette domination (au 20e siècle). 

    Un peu plus loin dans le même texte, il est cependant expliqué que : "Le Président Gonzalo analyse le processus du capitalisme bureaucratique au Pérou de 1895 jusqu'à la Seconde Guerre mondiale, premier moment de son développement au cours duquel, dans les années 1920, la bourgeoisie compradore assume le contrôle de l’État, déplace les propriétaires terriens tout en respectant leurs intérêts. Le deuxième moment, de la Seconde Guerre mondiale à 1980, est celui de l'élargissement du capitalisme bureaucratique au cours duquel une branche de la grande bourgeoisie devient bourgeoisie bureaucratique ; ceci se produit en 1939, lors du premier gouvernement de Prado quand l’État commence à participer au processus de l'économie. Cette participation, qui ira en augmentant, est due au fait que la grande bourgeoisie est incapable - par manque de capitaux - de développer le capitalisme bureaucratique. C'est ainsi que les deux factions de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique et la compradore, entrent en lutte. En 1968, la bourgeoisie bureaucratique prendra la direction de l’État à travers les forces armées et par le coup d’État du général Velasco provoquant une forte croissance de l'économie d’État. Ainsi par exemple, les entreprises de l’État passèrent de 18 à 180." => là, on rejoint l'idée d'une fraction bourgeoise-oligarchique (au sein du dit capitalisme bureaucratique) qui serait "intégrée" ou se confondrait (pratiquement) avec l'appareil d’État ; et n'hésitant en effet sans doute pas, tout comme les fractions bourgeoises étatistes-dirigistes dans les pays impérialistes, à se présenter comme "la gauche" ("la vision que le Président Gonzalo a du capitalisme bureaucratique est aussi très importante (...) en s'appuyant sur la différenciation qu'il a établi entre les deux factions de la grande bourgeoisie, la bureaucratique et la compradore, afin de ne se mettre à la remorque d'aucune des deux, problème qui mena notre Parti à une tactique erronée durant 30 années", un peu comme ici une lutte idéologique primordiale est de ne pas se mettre à la remorque de "la gauche")...

    (De manière plus synthétique, Gonzalo dans une interview au journal El Diario en 1988 : "Sur une base semi-féodale et sous la domination de l'impérialisme se développe une forme de capitalisme tardif, un capitalisme qui naît amarré à la féodalité et soumis à la domination impérialiste (...) le capitalisme bureaucratique se développe lié aux grands capitaux monopolistes qui contrôlent l'économie du pays ; capitaux formés, nous dit Mao, par ceux des grands propriétaires terriens, des grands bourgeois compradores et des grands banquiers, ainsi se forme le capitalisme bureaucratique (...) Ce capitalisme, arrivé à un moment déterminé de son évolution, se combine avec le Pouvoir d'État et utilise les moyens économiques de l'État comme levier ; de cette manière se forme une nouvelle fraction de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique".)

    En fait, histoire de dire à quel point - tout de même - la définition de cette notion de capitalisme/ bourgeoisie bureaucratique est mouvante, nous pourrions citer expliquée ici la définition qu'en donnent les maoïstes d’Équateur (PCE - Comité de Reconstruction) : la bourgeoisie bureaucratique est en fait une sorte d'état social... transitoire par lequel (cités en exemple) "de hauts gradés militaires", "des hauts fonctionnaires" ou encore "des politiciens sociaux-démocrates" vont en quelque sorte "squatter" le "vieil État" pour, "une fois accumulé un capital considérable" de cette manière... devenir des bourgeois compradores, "comme déjà Lucio (Guttiérez, colonel chef de file de la destitution du président Mahuad en 2000, puis président à son tour de 2003 à 2005 et s'étant révélé à ce poste bien de droite et "néolibéral"...) avant eux". On voit donc bien qu'en dépit des références citées dans l’œuvre de Mao (sur la Chine du Kuomintang) ou du PCP des années 1970 (cf. ci-dessus), la définition reste relativement floue : on en dégage dans les grandes lignes l'idée d'une bourgeoisie liée ou partie prenante de l'appareil d’État qu'elle utilise pour s'enrichir, éventuellement en le modernisant lorsqu'il est trop archaïque et inadapté pour cela (ou trop au service... de la "vieille" oligarchie) ; comme l'on pourrait dire, et nous avons déjà eu l'occasion de le dire, que la "gauche" bourgeoise en Occident est souvent (bien que comptant des représentants de toutes les "sortes" de bourgeoisie) plutôt majoritairement liée à la bourgeoisie d’État ; là encore hauts fonctionnaires, énarques, cadres supérieurs et dirigeants d'entreprises publiques (semi-publiques aujourd'hui), etc. etc.

    Ou alors, si l'on veut être beaucoup moins conventionnel, pour ne pas dire apocryphe, mais en même temps beaucoup plus compréhensible par rapport à ce que cela veut généralement dire :

    - Les compradores, ce sont les laquais de base, les purs commis de l'impérialisme dans un pays. Les Bongo au Gabon, voilà.

    - La bourgeoisie bureaucratique, ce sont plutôt des gens qui à la base sont des "révolutionnaires" nationalistes bourgeois ; mais dans un contexte où la domination impérialiste rend la révolution bourgeoise impossible. Typiquement, le Kuomintang en Chine : ça a été un parti révolutionnaire au départ. Ou encore, le kémalisme en Turquie. Mais cela peut aussi s'appliquer au Destour de Bourguiba en Tunisie, au FLN algérien, au MNR bolivien ou au PRI mexicain, au nassérisme ou au baathisme arabes, ou encore à des démarches modernisatrices comme celle des Pahlavi en Iran... comme à leurs successeurs de la "révolution islamique" ; bref, à une liste interminable de cas de figure.

    Sauf que comme, on l'a dit, une véritable révolution bourgeoise est impossible sous la domination de l'impérialisme, ces forces finissent tôt ou tard par retomber dans la dépendance et devenir eux aussi des intermédiaires de celui-ci ; sous cette forme, donc, "bureaucratique". En ce sens, il est effectivement possible de dire que quelque part le castrisme, à Cuba, est retombé dans la dépendance et devenu une bourgeoisie bureaucratique au service de l'URSS, etc.

    De fait, le caractère révolutionnaire bourgeois échoué (car impossible) de ces processus rejoint la nécessité impérialiste de modernisation de la production à son service (une certaine "arriération" étant, souvent, ce qui a provoqué le mécontentement...). Mais dans cette compréhension des choses, il faudrait donc alors établir une distinction entre lorsque ces régimes bureaucratiques sont "consolidés" comme nouveaux intermédiaires de l'impérialisme (fût-ce un impérialisme rival de celui dont ils se sont initialement libérés), et lorsqu'ils ne le sont pas encore ; en tout cas, lorsqu'ils sont encore dans la phase où ils jouent un rôle positif pour la condition des masses du pays, et assez souvent dans ces circonstances, peuvent être la cible de contre-attaques féroces de leur ancien maître et de ses alliés ; offensives impérialistes contre lesquelles ils doivent être fermement défendus.]

    - Dès lors, il y a une bourgeoisie/oligarchie/‘caste’ bureaucratique (cela dépend du niveau des forces productives du pays).

    - MAIS, aucune classe (comme l'explique brillamment le Manifeste Programme du (n)PCI) n'étant 'imperméable', 'insensible' au mouvement des autres, il va FORCÉMENT, à un moment donné, émerger dans cette bourgeoisie bureaucratique, comme d'ailleurs dans les autres classes possédantes (compradore, latifundiste et bourgeoisie nationale), une 'GAUCHE', une fraction pensant qu'il faut 'tout changer pour que l'essentiel ne change pas', qu'il faut faire des réformes, des concessions pour sauver l'essentiel - sa position dominante. Cela existe de la même manière dans 04mad-mayo998les pays impérialistes, et cela s'appelle du RÉFORMISME, pas du fascisme. Ce phénomène est favorisé par les périodes de développement des forces productives qui font émerger, dans tous les 'secteurs' (bureaucratique, comprador, propriétaire terrien et 'national') de 'nouvelles couches', des 'modernes' comprenant qu'il n'est plus possible de gouverner les masses 'comme avant'.

    - Souvent, dans des pays structurellement soumis au capital impérialiste étranger, mener cette politique de réformes/concessions peut impliquer de CHANGER D'ALIGNEMENT géopolitique,de 'changer de bloc' ou de puissance tutélaire (typiquement, des États-Unis vers l'URSS pendant la Guerre froide), ou de 'diversifier' ses 'partenaires'/tuteurs pour essayer d'en 'dégager' un peu d'autonomie. Globalement, toute puissance impérialiste (ou expansionniste régionale) sera ravie de nuire ainsi à ses concurrentes, même si elle n'y est pas 'gagnante' au sens sonnant et trébuchant (exemple type : l'URSS avec Cuba, ou plus près de nous la Russie, la Chine et dans une certaine mesure l'Europe avec le Venezuela : "Ce qui est l’essence même de l’impérialisme, c’est la rivalité de plusieurs grandes puissances tendant à l’hégémonie, c’est-à-dire à la conquête de territoires - non pas tant pour elles-mêmes que pour affaiblir l’adversaire et saper son hégémonie" - Lénine, L'impérialisme, stade suprême du capitalisme).

    C'est ce qui s'est produit au Venezuela : en 1998, le vieux système puntofijiste, qui gérait le capitalisme bureaucratique depuis 40 ans, était usé jusqu’à la corde et à bout de souffle, incapable de faire face à l’agitation populaire (situation assez proche, finalement, de celle du Chili en 1970). Une fraction ‘pragmatique’ de l’oligarchie dominante a alors effectué un ‘repli tactique’ et ‘ouvert les portes’ à un petit lieutenant-colonel, un zambo (métis) d’origine paysanne modeste… condamné quelques années auparavant pour tentative de coup d’État ‘de gauche’, et donnant (alors) de sérieux gages de modération (un discours, globalement, 'à la Lula'). La suite des évènements est suffisamment connue pour ne pas la retracer ici, pour la centième fois, dans les détails : ‘emballement’ des concessions sociales et démocratiques pour pouvoir ‘chevaucher’ et maîtriser l’agitation des masses, et (l’un se nourrissant de l’autre) contre-attaques rageuses de la vieille oligarchie (la DROITE de la grande bourgeoisie bureaucratique), principalement concentrée dans le monopole pétrolier PDVSA et dans la Fedecamaras (Medef local), avec sa presse aux ordres, contre ‘l’intrus’ ; ceci débouchant sur la tentative de coup d’État d’avril 2002 (le ‘Parisot’ local prenant le pouvoir), soutenue par l’administration Bush de Washington et déjouée par la mobilisation des masses ; radicalisation encore plus grande de Chavez et de ses partisans contre l’oligarchie (qui poursuit le bras-de-fer jusqu’encore aujourd’hui), l’impérialisme US et ses proches alliés (notamment la Colombie voisine) ; proclamation du ‘socialisme du 21e siècle’ ; tissage d’alliances avec tout ce que la planète compte d’hostile ou de rétif à l’hégémonie US (Russie, Chine, Iran, bourgeoisie arabe antisioniste, Syrie, Libye, guérillas colombiennes, fractions des bourgeoisies européennes etc.) ; mobilisation et (tenant compte de la tragédie chilienne de 1973) tentative d’armement des masses contre les menées de la droite, etc. etc.

    Depuis, cependant, faute… d’être une véritable révolution, le ‘processus’ s’est essoufflé, la condition des masses s’est dégradée et le soutien populaire à Chavez (face aux ‘candidats uniques’ du vieux puntofijisme, présentés à chaque élection) s’est effrité (son successeur, Maduro, ne l’a emporté que d’une très courte tête) ; le bloc impérialiste US et l’oligarchie locale ont un peu ‘lâché l’affaire’ et ‘jouent le pourrissement’ ; un rapprochement s’est amorcé avec le (totalement fasciste, pour le coup !) voisin colombien et des militants révolutionnaires réfugiés au Venezuela ont été livrés (après que Chavez se soit fait ‘choper’ pour son soutien aux guérillas, avec la saisie de l’ordinateur d’un dirigeant guérillero tué dans une opération militaire) ; une partie des cadres du ‘chavisme’ a formé une nouvelle caste privilégiée et exploiteuse, la ‘boli-bourgeoisie’. En Bolivie et en Équateur, ce sont carrément des présidents qui ont ‘valsé’ à la chaîne devant les explosions de colère des masses (ingouvernabilité totale), ouvrant à un ‘vieux’ syndicaliste paysan indigène et à un économiste ‘de gauche’ inconnu les portes du pouvoir ; les évènements ont ensuite suivi un déroulement assez similaire. Ailleurs, les oligarchies ont du ‘ouvrir les portes’ à des leaders plus 2 Caracas 1 de Mayo 2009modérés, mais néanmoins réformistes. En réalité, l’Amérique latine a ‘vomi’ la ‘potion’ ‘néolibérale’ qui lui a été administrée dans les années 1980-90 par la domination impérialiste US, après (et déjà pendant) les grandes dictatures / guerres d’extermination des années 1960-80. Aujourd’hui, même les opposants aux régimes ‘bolivariens’ se veulent ‘sociaux-libéraux’, ‘proches d’un Lula’, pour un ‘capitalisme intégrant le facteur humain’ ; tandis que les régimes en question se sont eux-mêmes considérablement recentrés’, ‘face aux réalités’. Le capitalisme bureaucratique de ces pays s’est, oui, dans un sens, ‘restructuré’. Pour autant, dans l’enthousiasme de la ‘rupture’ et la résistance aux menées réactionnaires, les masses ont écrit une page d’histoire qui ne s’effacera pas, elles ont été à une école de révolution . Quelque part, pour dire les choses clairement : Chavez himself, son idéologie, ses amitiés internationales, ses élucubrations dominicales de 14 heures non-stop, on s’en brosse le cul ! Ce qui nous intéresse, ce sont les masses vénézuéliennes, et celles-ci ont démontré, le 13 avril 2002, que les masses font et peuvent tout : déjouer un coup d’État made in US en Amérique latine, c’était tout simplement du jamais vu ! Si les PC d’Équateur ‘Sol Rojo’ et ‘Comité de Reconstruction’ peuvent aujourd’hui trouver un certain écho dans les masses, c’est en ‘capitalisant’ sur la déception envers le social-libéralisme (de fait) du gouvernement Correa, et parce que les masses ont été (pendant toutes les années 2000) à cette ‘école’… Cela aurait été tout simplement impossible il y a encore 15 ou 20 ans ; d’ailleurs, à cette époque, les membres actuels du ‘Sol Rojo’ étaient dans le mouvement ‘alfariste’, équivalent local du bolivarisme !

    EN AUCUN CAS CELA NE PEUT ÊTRE QUALIFIÉ DE FASCISME : le fascisme ne peut se caractériser que par UN SEUL critère fondamental, celui de la DICTATURE TERRORISTE OUVERTE contre tout mouvement organisé, révolutionnaire ou même réformiste, des masses populaires exploitées ; ceci associé à une certaine MOBILISATION d'une partie des masses ('peuple de droite', 'patriotes', 'honnêtes gens', 'majorité silencieuse' etc. etc.) contre ledit mouvement, ce qui distingue le fascisme de la dictature réactionnaire 'classique' (dans les pays dominés cependant, cette mobilisation revêt souvent un caractère clientéliste ou ethnique/tribal/régionaliste/confessionnel, plus qu'idéologique à proprement parler). Dans les pays impérialistes, il se rattache à la fraction la plus réactionnaire de la bourgeoisie monopoliste et, dans les pays dominés, à la fraction la plus réactionnaire (et soumise à l'impérialisme) des trois classes dominantes (oligarchies bureaucratique, compradore et terrienne) et, à travers celle-ci, à la fraction la plus agressive des monopoles du pays/bloc impérialiste de tutelle. À ceux qui qualifient le réformisme 'bolivarien' de 'fasciste', la première réponse devrait être "où sont les milliers de mort-e-s et de disparu-e-s des 'fascistes' Chavez, Morales etc. ?", comme au Chili sous Pinochet, en Argentine sous Videla, au Guatemala sous les juntes de 1978-85, etc. etc. De même, 'nier la lutte des classes' au profit de prétendus 'peuple' (aux contours flous), 'citoyenneté' ou 'intérêt général' ne peut suffire à qualifier le fascisme, car le réformisme bourgeois, le 'rooseveltisme' et autres 'keynésianismes' c'est typiquement cela, et cela n'est pas le fascisme (confusionnisme dénoncé par Dimitrov dès 1935). Même le gaullisme, totalement sur cette ligne corporatiste d''association Capital-Travail', pour ne pas avoir régné dans une période de crise générale, ne peut pas être réellement qualifié de fascisme...

    Le critère d'une 'politique sociale audacieuse' mais non-communiste ('corporatisme' blablabla) pour qualifier les 'bolivarismes' de 'fascismes' ne tient, en fait et de toute façon, pas une seconde la route devant la plus petite analyse d'économie politique : Hitler 'améliorait' la vie des masses allemandes... en spoliant les Juifs et en pillant les autres pays européens envahis l'un après l'autre. Même, à vrai dire, les social-démocraties et autres 'keynésianismes' d'Europe occidentale et d'Amérique du Nord (à partir des années 1930 et surtout entre 1945 et les années 1980) reposaient entièrement sur les surprofits de l'exploitation impérialiste féroce des pays du 'tiers-monde' (tout comme le 'progrès social' mussolinien reposait sur la colonisation de la Libye, de l'Afrique de l'Est etc.). Chavez, Morales ou Correa, eux, améliorent la condition des masses en arrachant à l'impérialisme un peu de ce qu'il aimerait bien piller dans leurs pays (ce qui peut alors être discuté est la répartition de cette part 'arrachée')... Pas besoin d'être un grand génie du marxisme pour comprendre la différence ! Et si les fascismes européens des années 1930-40 firent (en effet) souvent passer leurs pays de l'ère du 'laisser faire, laisser passer' à celle de l'interventionnisme étatique, les dictatures terroristes ouvertes qui ensanglantèrent l'Amérique latine entre les années 1960 et 1980 se caractérisèrent plutôt par la mise en place de ce que l'on appellera 'néolibéralisme'...

    Une autre chose encore est que dans les États plurinationaux et à minorités opprimées, tels que l'État espagnol ou encore l'État turc, le fascisme se caractérise plutôt en principe par la négation de cette plurinationalité et de ces minorités et par la répression brutale de leurs expressions politiques ; car il vise l'unification forcée des masses autour de l'État-"nation" de la classe dominante et de ce qui est considéré comme le "corps légitime" de celui-ci. Or en Bolivie ou encore en Équateur, c'est exactement le contraire qui s'est produit : les Peuples et les langues indigènes ont vu leur reconnaissance inscrite dans la Constitution après cinq siècles de colonisation européenne ! Où est donc le "fascisme" là-dedans ??

    casapound-ricorda-hugo-chavezantifa chavez
    Les néofascistes italiens de Casa Pound saluent la mémoire de Chavez… sauf que ce dernier n’était pas tout à fait du même avis : "Les fascistes ne sont pas des êtres humains, un serpent est plus humain qu’un fasciste"...

    Il serait certes tentant (et si simple…) de se contenter d’ânonner dogmatiquement que "le stade impérialiste (du capitalisme) c’est la réaction sur toute la ligne", et que la classe dominante (monopoliste ici, capitaliste bureaucratique là-bas) est intégralement, en bloc, ‘réactionnaire sur toute la ligne’… mais cela n’est pas vrai, ce n’est pas la réalité. AUCUNE classe n’est ‘imperméable’ à l’influence des autres (ne serait-ce que pour ‘prendre en compte’ leurs mouvements dans son intérêt) ; et, si les classes populaires subissent à pleins tubes l’influence de la classe dominante, cette dernière ‘subit’ aussi, directement ou indirectement, l’influence du ‘mouvement ouvrier’. C’est ainsi qu’émerge en son sein une ‘gauche’, qui va chercher à ‘contenir’ celui-ci ‘dans les limites de l’acceptable’ par des concessions (et va, généralement, chercher à se revendiquer de la période où la bourgeoisie jouait encore un certain rôle de progrès humain ; c’est ainsi que la gauche bourgeoise sud-américaine va se revendiquer de Bolivar ou de l’équatorien Alfaro, la gauche BBR des ‘Lumières’ ou du ‘Hugo républicain’ d’après le coup d’État bonapartiste, etc. etc.). Ce n’est en aucun cas une alliée, sinon de circonstances… exceptionnelles (lutte contre le fascisme, occupation étrangère etc.) ; mais c’est un ‘facteur’, un ‘paramètre’ de la réalité sociale qui nous entoure et de notre lutte au sein de celle-ci, paramètre que les communistes ne peuvent ignorer. La ‘gauche’ bourgeoise est matériellement incapable d’initier un début de commencement de processus révolutionnaire, de conduire les masses exploitées vers leur émancipation ; elle a, au contraire, uniquement vocation à ‘contenir’ leur mouvement dans les limites de l’‘acceptable’ et à trahir les espoirs populaires placés en elle ; mais elle est l’expression des contradictions internes à la classe dominante, dont une lutte révolutionnaire conséquente doit savoir tenir compte. Son arrivée au pouvoir exprime, plutôt qu’un besoin de ‘restructuration’ du système capitaliste (idée répandue dans le mouvement communiste ; mais cela, la droite s’en charge très bien, du gaullisme des années 1960 aux ‘thatchériens’ des années 1980-90 !), un repli tactique de la bourgeoisie face à une agitation sociale importante, ou, en tout cas, une crainte des dominants face aux ‘cris du peuple’ (mais des mouvements ou des ‘cris’ qu’ils pensent encore pouvoir conjurer par quelques concessions et réformettes – avant de revenir en force). Mais ce 'repli' des dominants, même s'il prépare un tel ‘retour en force’, même s’il n’est jamais une œuvre de philanthropie, ouvre forcément (mathématiquement) un espace, des 'perspectives', des 'marges de manœuvre' pour le 'mouvement social' des masses opprimées, que les révolutionnaires doivent savoir mettre à profit afin d'en faire, pour les masses, une école de communisme - telle a été l'analyse, profondément CORRECTE, de l'UOC-mlm de Colombie réagissant à la mort de Chavez.

    general franco la clauLe fascisme, lui, est une toute autre chose : c’est l’expression et l’arme de l’aile extrême-droite, de la fraction réactionnaire ultra des classes possédantes, pour une guerre TOTALE contre tout mouvement organisé (même réformiste) des classes populaires ; même s’il va souvent (dans un souci de mobilisation de masse, sa caractéristique) reprendre aussi à son compte des revendications jugées ‘acceptables’ des ‘petites gens’, sur un mode paternaliste (le problème est que les ‘petites gens’, tel qu’il l’entend, englobent tant d’intérêts de classe immédiats contradictoires qu’il est impossible de les satisfaire tous, et au final tout le monde est perdant, sauf la fraction la plus réactionnaire de la classe dominante). Il va chercher, pour mobiliser, à détourner la colère d’une partie des masses contre les plus opprimés qu’elles (ultra-prolétaires qualifiés de ‘canaille’ hier et de ‘racaille’ aujourd’hui, prolétaires étrangers ou d’origine étrangère, travailleurs organisés qualifiés de ‘rouges’, ‘assistés’, ‘drogués’ etc. etc.), mais aussi contre de chimériques ‘mondialisme’, ‘capitalisme sauvage’ (vieille rengaine bourgeoise, partagée par la ‘gauche’, du ‘capitalisme à visage humain’), ‘finance cosmopolite’ etc. etc., visant généralement, à travers ces mots, les fractions de la classe dominante jugées trop ‘modérées’ et ‘laxistes’. L'objectif visé ici (certes inatteignable, mais néanmoins visé), c'est, pour tout 'mouvement social' organisé, une marge de manœuvre zéro. Une question fondamentale, pour permettre de répondre à beaucoup de choses, peut en définitive être celle-ci : est-ce que la situation considérée FAVORISE objectivement l’émergence d’une conscience, d’une organisation et d’une ‘radicalité’ des classes populaires (comme c’est le cas, selon nous, au Venezuela ou en Bolivie, en tout cas cela l'a été dans les premiers temps – cela s’est peut-être ‘tassé’ depuis) ; ou est-ce qu’elle tend, au contraire, à leur écrasement sans pitié (comme en Iran dans les années suivant la prise de pouvoir de Khomeyni, pour prendre volontairement l’exemple de régimes alliés des précédents) ?? Pour nous, la première situation est ce qu’il convient de qualifier de régime/’processus’/situation ‘progressiste’ ; la seconde est du fascisme, ou assimilable au fascisme.

    Les classes intermédiaires, elles (petite-bourgeoisie entrepreneuriale, salariat moyen, paysannerie relativement aisée, professions libérales, intellectuels divers etc., et bourgeoisie nationale dans les pays dominés), vont généralement se scinder entre partisans d’une ‘démocratie radicale’, d’une ‘démocratie réelle’, qui vont en dernière analyse converger dans le réformisme ; et individualistes-égoïstes réactionnaires, accrochés à leur petit patrimoine et leur ‘petite position’ comme des singes à leur branche, et qui vont converger dans la mobilisation réactionnaire de masse (en clair : voter Sarko/Copé ou Le Pen). En l’absence de Parti révolutionnaire de classe, comme centre d’agrégation de la mobilisation révolutionnaire, le prolétariat et les classes populaires ‘assimilées’ (petits employés, paysans et indépendants pauvres, etc.) vont généralement ‘suivre’ l’un ou l’autre de ces courants, car ces ‘classes moyennes’ exercent une grande influence sur eux (ils/elles sont perçu-e-s comme ‘le/la cousin-e’ ou ‘le fils/la fille du voisin’ qui a ‘réussi’).  

    dimitrovLe ‘premier cercle’ de la mobilisation révolutionnaire de masse, la première ‘terre de mission’ des communistes révolutionnaires, ce sont précisément ces prolétaires-et-assimilé(e)s qui sont sous l’influence des ‘classes moyennes’ ‘progressistes’/’démocratiques-radicales’, elles-mêmes se plaçant sous la direction de la ‘gauche’ bourgeoise. C’est tout le sens de la démarche de Front populaire à la base impulsée par l’Internationale communiste dès 1934 ; c’est tout le sens de bien distinguer réformisme bourgeois et fascisme ; et c’est tout le sens de la dénonciation, par Dimitrov, du ‘schématisme’. Cela est totalement valable dans les pays dominés par l’impérialisme.

    Mais, pour le ‘p’’c’’mlm’ et ses (de plus en plus rares) amis internationaux, il va en être tout autrement. Dans nos pays impérialistes/avancés, les attaques vont se concentrer sur les révolutionnaires non-maoïstes (personne n’étant réellement maoïste sauf eux, de toute façon…) et les personnes progressistes du peuple, qualifié-e-s (non-exhaustivement) de ‘social-démocrates’, ‘libéraux-libertaires’, ‘révisionnistes’ et ‘nationalistes-révolutionnaires’/’SA’/’fascistes’ en puissance, ‘frères jumeaux’ et fourriers du fascisme, etc. etc. Pour dire les choses clairement, il n’y a pas 36 manières pour des communistes de faire triompher le fascisme, il n’y en a qu’une seule et c’est celle-là : agir ouvertement et consciemment comme force de répulsion sur les masses progressistes (le ‘peuple de gauche’), et non comme force d’attraction vers la conception communiste-révolutionnaire du monde. Et dans les pays dominés, semi-coloniaux semi-féodaux, vont être qualifiés de ‘fascistes’ non pas des régimes laquais de l’impérialisme, massacrant et torturant des milliers de personnes (à la Pinochet ou Videla, Rios Montt ou Mobutu, Suharto ou Ferdinand Marcos, Bokassa ou Hassan II), mais précisément des régimes qui ‘s’agitent’ et ‘défient’ un petit peu l’impérialisme (en tout cas l’impérialisme occidental), et tentent d’apporter quelques petites avancées de bien-être aux masses laborieuses. Ceux-là et aucuns autres : il ne s’agit même pas de dire qu’‘au nom de la thèse du capitalisme bureaucratique’, ‘tous les pays semi-coloniaux sont fascistes’ (ce qui serait simplificateur mais au moins cohérent). Ils ont, toutefois, ‘une tête de turc au-dessus’ de ces régimes – là encore, en parfaite cohérence avec la pensée dominante impérialiste : les ‘islamistes’… C’est ainsi que, lorsque le régime baathiste syrien se contente d’opprimer 300x168 188654 syrie-soupcons-de-crimes-contre-‘tranquillement’ ses masses populaires, tout en appuyant objectivement la résistance libanaise et palestinienne contre Israël, il est ‘fasciste’… mais lorsqu’il se met à massacrer, avec la plus extrême barbarie, des milliers de personnes ; et que semble menacer l’instauration d’un ‘émirat djihadiste’ incontrôlable aux portes de l’entité sioniste, tout d’un coup leur ‘anti-impérialisme’ se réveille ! Comme c’est étrange… En revanche, au Mali, il n’est plus du tout question d’anti-impérialisme (alors même que de très nombreux/euses militant-e-s démocratiques de ce pays rejettent l’intervention BBR, tout en vomissant les djihadistes) : tout ce que ‘Voie Lactée’ trouve à dire, c’est que "la France est obligée de faire le nettoyage anti-islamistes armés à la place de cet État d'une faiblesse toute bureaucratique, empêtré dans ses contradictions"… !!!

    Il y a en Grèce une organisation ‘maoïste’, l’OAKKE, qui assume elle aussi des positions pour le moins ‘étranges’ : à contre-courant de toute la gauche radicale et révolutionnaire de ce pays, elle considère que l’impérialisme russe est actuellement la principale menace pour l’humanité, le ‘nouveau 3e Reich’ de notre époque, à la tête d’un ‘axe néo-nazi’ avec la Chine, l’Iran etc. (et donc forcément l’ALBA sud-américaine) ; et que les forces qui dénoncent principalement l’impérialisme nord-américain et ouest-européen sont ses alliés objectifs. Si l’OAKKE ‘dénonce’ les ‘excès’ et le ‘chauvinisme’ de la politique israélienne, elle revendique néanmoins pour l’État sioniste le ‘droit de se défendre’ (!!!) contre les ‘islamo-nazis’ de la résistance palestinienne, du Hezbollah et d’Iran, qui sont des ‘pièces maîtresses’ de cet axe. Militer contre les crimes sionistes, appeler à la ‘destruction d’Israël’ (c’est-à-dire à la fin de l’apartheid, de l’État ethnique ‘juif’, pour une Palestine démocratique et égalitaire), c’est participer d’une théorie du ‘complot juif pour la domination mondiale’, également au  service de ce ‘nouveau Reich’ russo-irano-chinois (voir un florilège de leurs délires ici)… Dans la mêmeisraeldemo veine, mais encore plus ‘hardcore’, il y a les ‘anti-deutsch’ d’Allemagne : s'appuyant de manière ‘fondamentaliste’ sur les tout premiers écrits de Marx et Engels, l’impérialisme occidental est pour eux, ‘objectivement’, un ‘progrès’ là où il passe, une ‘condition nécessaire’ à la révolution prolétarienne : il faut donc soutenir ses interventions contre les régimes ‘despotiques’ en Irak, en Afghanistan etc., il faut soutenir l’apartheid sioniste en Palestine sans quoi l’on est ‘antisémite’, etc. etc. Le ‘p’’c’’mlm’ et ses comparses internationaux (notamment ses pitoyables appendices de la Belgique universitaire, elle-même lamentable excroissance de la ‘France’ intello-parisienne) sont, globalement, exactement sur cette ligne ; mais ils sont plus intelligents, et donc plus 'subtils'. Et leur obsession de l’‘islamisme’ sunnite va éventuellement les amener, le cas échéant, à soutenir comme ‘moindre mal’ un régime (pourtant ‘fasciste’) de ‘l’axe néo-nazi’ Russie-Chine-Iran, comme la Libye ou la Syrie (enfin, dans le cas de la Libye, l’Iran avait dans un premier temps salué le ‘réveil islamique’ du peuple, alors…).

    Sur ce point d’ailleurs, peut-on ajouter au passage, la thèse du capitalisme bureaucratique permet SEULE de comprendre le phénomène politique communément appelé 'islamisme'. Dans les pays de la 'région intermédiaire' à majorité musulmane (du Sahel à l'Indonésie en passant par le Maghreb, le Machrek, l'Iran, l'Asie centrale et le sous-continent indien) ;

    tantaoui1°/ les RÉGIMES, qu’ils soient 'républicains laïcs' ou 'monarchiques de droit divin', représentent le capitalisme bureaucratique, le capitalisme 'par en haut' impulsé par et au service de l'impérialisme sur la société. L'institution militaire y joue souvent un rôle central, et elle est (conformément à la thèse du capitalisme bureaucratique) une émanation directe de la féodalité, notamment de la féodalité tribale du 'pays profond' (en Égypte, par exemple, elle est l’héritière des Mamelouks qui dirigeaient le pays sous la tutelle ottomane, et le ‘pilier’ de l'État moderne depuis sa naissance avec Mehmet Ali).

    2°/ les 'islamistes', eux, sont l'expression politique du 'capitalisme par en bas', le capitalisme (et la bourgeoisie) qui émerge 'spontanément' des 'entrailles' de la vie sociale (où les gens produisent et vendent, bref font du bizness, et certains deviennent riches et d'autres pas...), et se heurte au capitalisme bureaucratique impulsé 'd'en haut' par les régimes. Contrairement, en effet, à ce capitalisme bureaucratique-comprador "d'en haut", le capitalisme "spontané" "d'en bas" ne va pas permettre au surproduit (plus-value "sur-accaparée") de "remonter" correctement jusqu'aux monopoles impérialistes - qui vont donc le combattre en conséquence, dans leur perspective de domination totale des économies du "Sud". Ceci est par exemple assez bien expliqué (avec des ‘mots’ non-maoïstes, bordiguistes en l’occurrence) dans cet article sur la Syrie, son régime baasiste et son opposition ‘islamiste’. Les courants de type Frères musulmans représentent une morsibourgeoisie plus 'prospère', plus 'installée' et éduquée, politiquement plus 'pragmatique', se faisant parfois 'démocrate-musulmane' sur le modèle de l'AKP turc ; tandis que les salafistes, eux, représentent une petite et moyenne bourgeoisie (commerçants, artisans, ‘économie informelle’) plus 'rustre' et inculte, plus agressive et 'possédée' par sa mission divine, des 'Savonarole de l'islam' pour ainsi dire. Une bourgeoisie nationale, en réalité, mais ce terme a souvent été accolé automatiquement, par les léninistes, à 'progressiste' (la bourgeoisie nationale serait ‘forcément’ progressiste), alors que personne (ni Lénine, ni le Che, ni Mao : personne) n'a jamais dit cela : en l'occurrence, ce n'est PAS DU TOUT le cas ; les pays musulmans ont en effet une LONGUE histoire de capitalisme (remontant au Moyen-Âge, comme en Europe, mais il a été surpassé et finalement dominé par le capitalisme européen à partir de la 'découverte' des Amériques), et donc une bourgeoisie ANCIENNE, consciente ('pour soi') de ses intérêts, avec une 136354 le-president-du-mouvement-islamiste-ennahda-rached-gconception du monde 'achevée', cohérente et solide, particulièrement imperméable à l'idéologie révolutionnaire du prolétariat (alors que les bourgeoisies nationales africaines ou sud-américaines, par exemple, y sont beaucoup plus perméables, se faisant généralement 'démocrates' et social-réformistes). Il est totalement erroné de voir dans ces ‘islamistes’ des ‘créatures de l’impérialisme’, qui seraient là pour ‘justifier’ la domination et les interventions impérialistes sur ces pays (comme si l’impérialisme en avait besoin !) ; ou encore des ‘agents’ de l’impérialisme qui lui auraient ‘échappé’ (des alliances de circonstances ont pu avoir lieu, au temps de la Guerre froide, contre des régimes ‘républicains laïcs’ souvent pro-soviétiques, ou encore récemment contre Kadhafi et en ce moment même Assad ; mais les ‘islamistes’ sont des ‘pragmatiques par nature’ qui nouent et rompent les alliances comme ils changent de chemise, qui savent ‘attendre leur heure’, et la ‘géopolitique’ US est culturellement à courte vue) ; de même qu’il est totalement erroné d’y voir des ‘révolutionnaires de libération nationale’, une ‘forme musulmane de théologie de la libération’ (s’il existe de tels courants, ils sont très minoritaires), etc. etc.

    [À lire aussi sur le sujet, très intéressant pour s'y "retrouver" et arrêter de tout confondre (tragédie de l'extrême-gauche occidentale en la matière...), un excellent dossier publié en 2017 sur Investig'Action : 

    http://ekladata.com/5lOBWb7wr6Au53wxq2o8UWJX6M4/Islamisme-Lalieu-Hassan.pdf

    Ou encore (avec d'autres liens encore dans les articles mêmes) :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/conception-du-monde-rebondissement-discussion-fb-sur-un-texte-du-pc-ma-a182055290

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/encore-une-fois-sur-la-question-de-l-islamisme-a145777528

    (n)PCI - La révolution démocratique anti-impérialiste dans les pays arabes et musulmans

    Et puis, trotskyste et donc avec les défauts que l'on pourra lui trouver de par cette idéologie ; mais enfin néanmoins, du bon trotskysme (comme il y a le bon et le mauvais cholestérol !) ; le fameux texte de Chris Harman (du SWP britannique) qui devrait vraiment, à notre sens, avoir toute sa place dans la conception communiste du monde de notre époque (et qui n'est, sans doute, pas pour rien honni de tous ceux - des "libertaires" aux ML voire "maoïstes" dogmatos en passant par les trotskystes de type LO - qui peinent à cacher sous un maquillage anticapitaliste leur profonde islamophobie "barbus de Saint Foooons"...) : « Chris Harman - Le prophète et le prolétariat (1994).pdf »

    Dans une veine finalement assez proche, il y a d'ailleurs le maoïste indien Ajith : resistance-islamique-la-contradiction-principale-et-la-guerre-contre-l-a136656668]

    Les ‘islamistes’ sont des ‘créatures’ de l’impérialisme, oui… mais au sens de conséquences, de RÉACTION à la pénétration impérialiste dans ces pays, au stade capitaliste-bureaucratique. Une réaction inévitable du corps social, de type ‘réflexe du genou’… mais une réaction ‘passéiste’, ‘antimoderne’, tournée vers le passé idéalisé d’avant l’intrusion occidentale ou, carrément, des ‘4 premiers califes’ succédant à Mohamed (632-661 de l’ère chrétienne…) ; ou alors une contestation ‘radicale’ petite-bourgeoise de type ‘Savonarole musulman’, mêlant ultra-libéralisme boutiquier en économie (avec un peu de redistribution par la zakât, aumône obligatoire au bénéfice des plus démunis et troisième ‘pilier’ de l'islam), ‘républicanisme’ égalitaire des pères de famille en politique, et ultra-puritanisme culturel et salafmoral. Sauf que nous sommes à l’époque de la révolution prolétarienne ; et que de telles conceptions ne peuvent donc être, aujourd’hui, que 100% réactionnaires… et au final, perdantes. 'Démonisées' depuis une trentaine d'années (globalement, depuis la 'révolution' confisquée iranienne de 1979) sous le vocable d''islamisme', ce type de réactions 'antimodernes' à la pénétration impérialiste sont en fait aussi anciennes que celle-ci : il suffit de penser à l'insurrection du Mahdi au Soudan, dans les années 1880 (qui reste une référence pour le régime 'islamiste' actuel) ; quant aux révoltes algériennes contre la colonisation française, au 19e siècle, elles n'étaient sans doute pas moins 'islamistes' et 'djihadistes' (contre les 'infidèles', pour un gouvernement basé sur la charia) que ce que l'on observe actuellement. Simplement, elles ont été 'occultées', entre les années 1940 et 1970, par un puissant mouvement communiste et par les nationalismes bourgeois à façade 'progressiste', qui ont depuis considérablement reculé. Il n'est toutefois pas possible, pour ces forces, de parler de fascisme néocolonial au sens strict, puisqu'elles ne se rattachent pas à la fraction la plus réactionnaire et soumise à l'impérialisme d'une oligarchie BUREAUCRATIQUE – comme Ben Ali en Tunisie après la 'mise à la retraite' de Bourguiba, le régime de Moubarak en Égypte, le régime Baas irakien après les coups d'État de 1963 et 1968, le régime du shah d'Iran après l'éviction de Mossadegh, le régime de Mobutu au 'Zaïre' ou de Suharto en Indonésie, etc., ou même des régimes à façade 'socialiste' comme celui de la droite du Baas syrien après le coup d'État d'Assad contre Jedid, de la droite du PCT avec Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, de Boumediene puis Chadli en Algérie etc. etc. (dans ces derniers cas, souvent pour le compte du social-impérialisme soviétique, généralement associé... à l'impérialisme BBR de l'ancienne métropole coloniale ! - 'Françafrique', 'politique arabe'...).

    Que ces forces soient 'anticapitalistes romantiques', si l'on entend par là 'passéistes', 'idéalisant un passé mythique' (car 'anticapitalistes', elles ne le sont nullement !), c'est indéniable... mais voilà : le fascisme, pour les marxistes, ne se définit pas par une idée (comme 'anticapitalisme romantique', par exemple) ; ceci est de l'idéalisme. Le fascisme répond à une définition MATÉRIALISTE, comme EXPRESSION D'UNE CLASSE ou (plutôt) d'une fraction de classe : la bourgeoisie monopoliste la plus réactionnaire dans les pays impérialistes, et ses représentants-agents-valets locaux, l'oligarchie bureaucratique-compradore-terrienne la plus réactionnaire, dans les pays dominés.

    moncef marzouki3°/ Pour ce qui est des autres classes possédantes, les courants 'libéraux-démocrates', 'libéraux-conservateurs' et 'occidentalophiles' représentent plutôt la bourgeoisie compradore classique ; les 'conservateurs religieux de régime' (type 'oulémas', à ne surtout pas confondre avec les 'islamistes') expriment le 'fond féodal' et arriéré de la société ; et les 'démocrates' et la 'gauche' sont les représentants de la bourgeoisie nationale de type urbaine-éduquée (professions libérales, enseignants et universitaires, intellectuels divers etc.). Les masses populaires laborieuses, en l’absence de Parti révolutionnaire authentique, sont amenées (en fonction, souvent, de leur situation géographique – ville, campagne ou bidonvilles de ‘paysans dépaysannés’ – ou de leur ‘capital intellectuel’ – niveau d’éducation) à suivre l’une ou l’autre de ces tendances ; hormis le soutien idéologique aux régimes (le soutien clientéliste/tribal, lui, est omniprésent), qui existe un peu dans les monarchies (légitimité historique et ‘divine’) et pratiquement pas du tout (en tout cas plus) dans les républiques – celles-ci n’ont, de toute façon, pas vraiment d’idéologie, sinon ‘Longue vie au raïs’ et ‘Mort à ces salauds de sionistes qui occupent Al-Qods’ (mais que l’on ne se risquera pas à aller attaquer…).

    hamas-qatar4°/ Dans certains pays ayant accumulé de grandes masses de capitaux à travers l’exportation de leur production nationale (notamment pétrolière ou gazière), comme l’Arabie saoudite (qui ‘protectoralise’ de fait les autres émirats du Golfe), le Qatar (seul à ne pas être ainsi ‘protectoralisé’), l’Iran ou encore le Pakistan ou la Turquie, l’oligarchie bureaucratique ou une fraction de celle-ci, ou encore des oligarques ‘à titre privé’, cherchant à exporter les capitaux sur-accumulés, peuvent commencer depuis quelques dizaines d’années à mener une politique ‘expansionniste’ relativement ‘autonome’ de l’impérialisme dominant (généralement occidental, sauf pour l’Iran), voire en contradiction avec celui-ci. Ces politiques vont généralement s’appuyer, dans les différents pays, sur des forces ‘islamistes’ : Frères musulmans (dont le Hamas palestinien) pour le Qatar, qui en héberge de nombreux militants depuis les années 1950, ou encore pour l'AKP turc ; salafistes pour l’Arabie saoudite et les oligarques des autres émirats du Golfe ; ‘radicaux’ chiites mais aussi, parfois, sunnites – Jihad islamique palestinien – pour l’Iran, etc. Des capitaux oligarchiques privés du Golfe et de toute la région arabe (parfois sous forme d''ONG') alimentent la 'nébuleuse Al-Qaïda'.

    ali-khamenei-with-the-sepah-pasdaran-marching-iranEn Iran, nous avons l'exemple-type d'une partie de la classe bureaucratique (armée, administration, cadres supérieurs de monopoles productifs etc.) de l'ancien régime (Pahlavi) qui est 'passée' au service de la nouvelle 'république islamique' ; et d'une fraction de la bourgeoisie nationale (le bāzār) et du clergé 'contestataire' qui s'est muée en nouvelle caste bureaucratique, au travers notamment de la gigantesque armée/entreprise des Gardiens de la Révolution (Pasdaran) ; en 'réalignant' les allégeances impérialistes (globalement : "tout sauf les USA et leurs satellites", alors que le shah Pahlavi était farouchement pro-US ; il y a à présent une fraction pro-européenne autour d'Hachemi Rafsandjani et Mir Hossein Moussavi et une fraction pro-russe et pro-chinoise autour du 'guide' Khamenei et du président Ahmadinejad) et en développant une politique de 'trublion' régional.

    Le même phénomène s’est, très certainement, reproduit en Égypte ou encore en Tunisie après les récentes ‘révolutions’, une part conséquente de l’appareil bureaucratique voyant dans les Frères musulmans locaux un ‘moindre mal’ (préservant leurs privilèges) ; sans même parler de la Libye où, devant la perte de contrôle de la situation par Kadhafi, les ‘rats’ ont ‘quitté le navire’ en masse et rallié la rébellion (précipitant, devant la présence d’‘hommes sûrs’ et connus, l’intervention occidentale).

    Car dans tous les cas, socialement conservatrice voire réactionnaire (donc opposée aux classes populaires et à leurs revendications économiques et démocratiques), la bourgeoisie nationale 'islamiste', si elle arrive au pouvoir, est vouée à se transformer très rapidement en nouvelle caste bureaucratique au service de l'impérialisme (éventuellement, d'un impérialisme rival du précédent 'suzerain'), et/ou d'une politique expansionniste régionale comme désormais celle de l'Iran ou encore de la Turquie AKP, de l'Arabie saoudite ou du Qatar. C’est ainsi que cette fraction de la bourgeoisie nationale assouvit ses appétits frustrés de classe (quant aux autres… eh bien ils restent ‘bourgeois nationaux’ et râlent contre les ‘nouveaux oligarques’ ; c’est ainsi qu’Ahmadinejad a été élu en Iran en 2005)… L'on peut voir cela, chaque jour qui passe, là où les 'islamistes' sont arrivés au pouvoir depuis les grandes révoltes de 2011 : en Tunisie, en Égypte, en Libye, sans parler de la violente oppression imposée par les jihadistes aux masses populaires du Nord du Mali ; ou encore des milices chiites pro-iraniennes et des salafistes sunnites 'pro-Golfe' qui s'entre-tuent et égorgent la population aujourd'hui en Syrie, comme hier en Irak…

    may-day-amman

    Telle est la seule compréhension authentiquement marxiste, dialectique, de la thèse fondamentale sur le capitalisme bureaucratique.


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  • Le message de solidarité envoyé par Servir le Peuple (auquel se joint Sheisau Sorelh) : Serve the People from Occitany send solidarity to Great Unrest Group for a Welsh Socialist Republican Party.

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    Version dans la langue de Villers-Cotterêts (histoire de faire plaisir à monsieur Mélenchon !) :

    Camarades, 

    Depuis notre Occitanie, terre d’un Peuple occupé et périphérisé depuis des siècles par l’entité politico-militaire bourgeoise et impérialiste ‘France’, nous adressons un franc, vif et rouge salut à votre combat, et tous nos vœux de succès dans votre entreprise de construire un Parti Républicain Socialiste de Galles.

    STA73515.JPG‘Républicain socialiste’ : voilà qui de notre côté du Channel fleurerait bon les notables ventrus de notre ‘regrettée’ 3e République  ! Mais les matérialistes dialectiques que nous sommes sont tout à fait en mesure de comprendre cela : dans un État britannique qui reste, en plein 21e siècle, une monarchie et où celle-ci (jusque dans les plus vulgaires tabloids) est un ‘pilier culturel’ de l’hégémonie bourgeoise au sens de Gramsci, s’affirmer ‘républicain’ revêt effectivement une subversivité que le terme n’a pas dans notre État ‘français’ qui est une république bourgeoise, où le terme de ‘république’ est le maître-mot de la classe dominante (se plier à ses lois et à ses valeurs, c’est être ‘républicain’…) et est associé au sang de la répression des Communes de 1871, aux conquêtes et aux guerres coloniales, à la grande boucherie d’ouvriers et de paysans de 1914-18, aux instituteurs ‘laïcs’ négateurs de nos Peuples, interdisant à nos enfants de ‘parler breton/occitan/basque etc. et de cracher par terre’. Et ‘socialiste’ n’a évidemment pas la même signification que dans notre État bleu-blanc-rouge où un Parti de ce nom gère, à intervalles réguliers, le capitalisme impérialiste depuis plus de 80 ans, et véhicule typiquement ces valeurs ‘républicaines’ bourgeoises monopolistes. C’est ce qu’expliquait il y a quelques années un camarade du groupe de solidarité Libération Irlande, dans un entretien avec le PC maoïste de France : « Alors pour résumer, je te dirai que c’est le contraire d’être républicain en France. Ici, ceux qui mettent en avant la république, ce sont les flics et les profs, c’est l’idéologie de l’État bourgeois. En Irlande, c’est une idéologie révolutionnaire anticoloniale, un truc qui vient du peuple, qui cherche la confrontation avec l’État et les institutions ». Il en va de même en Cymru et dans toutes les îles ‘britanniques’ : être républicain, et socialiste de surcroît, cela reste l’idéologie révolutionnaire de James Connolly d’Irlande et de John MacLean d’Alba !

    merthyr-risingEnsuite, ceci est et demeure un ‘contenant’ idéologique et le plus important, bien sûr, reste le contenu : la conception du monde (Weltanschauung comme disaient Marx et Engels, qui visitèrent peut-être votre pays lorsqu’ils vivaient en Angleterre) et la stratégie révolutionnaire, ainsi que la conception de la transition socialiste vers le communisme car, comme chacun le sait et comme les expériences du siècle dernier l’ont hélas prouvé, une fois que le Parti du prolétariat a pris le pouvoir, rien n’est terminé… Cette conception ne peut être, selon nous, que le marxisme révolutionnaire de notre époque : le maoïsme. Mais cette remarque est tout à fait valable pour un Parti qui s’affirmerait directement ‘communiste’, ce que n’importe qui peut faire, comme un certain Prachanda ou un certain Bhattarai au Népal, par exemple. 

    En 1831 à Merthyr Tydfil fut levé, dit-on chez vous, pour la première fois dans l’histoire le drapeau rouge de la révolution prolétarienne. Chaque prolétariat révolutionnaire de la planète a sa légende ; et celui de la ‘vraie France’ (comme disait l’historien bourgeois Jules Michelet vers la même époque), la France du Nord, a la sienne : il aurait été levé pour la première fois sur le Champ-de-Mars à Paris en 1791… par les répresseurs : c’était le drapeau signifiant ‘feu à volonté’ sur la ‘populace’ ; mais ensuite, le Peuple révolutionnaire se le serait approprié comme sien, par défi. D'autres encore, sur nos Terres d'Òc, racontent qu'il était parfois arboré dès le 17e siècle (!) par les Croquants du Périgord-Quercy ou encore par la très démocratique (républicaine !) Ormée bordelaise. Mais peu importe... Ce qui est certain, c'est qu’il a flotté à Merthyr Tydfil ; et qu’il a également beaucoup flotté sur notre Occitanie : à l’époque des ‘démocrates-socialistes’ et des ‘républicains radicaux’ de 1848 – lorsque ces termes avaient encore à peu près la même signification que chez vous – et de la résistance contre le coup d’État bonapartiste de décembre 1851, dont nos terres furent un bastion ; et encore à l’époque des Le Great Unrest Group pour un Parti républicain socialiste de Galles célèbre le soulèvement de Merthyr Tydfil en 1831 Communes de 1871, qui, en dehors de celle mondialement connue de Paris, se situaient pour la plupart en Occitanie (Marseille, Toulouse, Narbonne, Limoges etc.) ou en Arpitanie (Lyon, Saint-Étienne) : notre hymne occitan de libération révolutionnaire, la Libertat, fut alors composé et chanté pour la première fois.

    Notre ‘Midi’ occitan, qui n’était pas vraiment la ‘vraie France’ pour les grands capitalistes et autres réactionnaires du Nord, devint alors le ‘Midi rouge’ ; un mot qui résonnait alors aux oreilles de la même manière que ‘Russie’ en Europe autour de 1920 ou ‘Cuba’ dans les Amériques autour de 1960… Ainsi, dans les années 1870, un journaliste conservateur du ‘Nord’ (en fait de Lyon, la ‘porte’ de nos terres occitanes), en ‘expédition’ presque coloniale dans le ‘Midi’, pouvait écrire : « Un peu partout, ces mairies radicales arborent volontiers le drapeau rouge à leur fronton, et, si l’emblème est interdit par le préfet, on roule le drapeau tricolore pour n’en laisser apparaître que le rouge ». Telle est notre réalité historique, et tout cela est parfaitement compréhensible d’un point de vue matérialiste dialectique. 

    Car depuis quelques années maintenant, Servir le Peuple et les camarades qui forment à présent Sheisau Sorelh ont analysé en profondeur [1] la manière dont s’est construit, depuis le 13e siècle, l’État dénommé ‘France’, devenu à partir du 17e siècle un Empire colonial ; et les implications de ceci sur la lutte des classes. Nous en avons fait de même, d’ailleurs, avec l’État de vos oppresseurs, le ‘Royaume Uni’[2]. Et nous avons compris qu’en se construisant, parallèlement et au service du développement du capitalisme, ces États ont construit des ‘centres’ (comme typiquement la région de Paris ou le Grand Londres et le sud-est de l’Angleterre) et des périphéries, et que si partout les exploités affrontent pareillement leurs exploiteurs, cet affrontement se déploie, en termes d’intensité, depuis les ‘périphéries’ vers les ‘centres’ : au niveau mondial, depuis le ‘tiers-monde’ vers le ‘G8’ impérialiste ; mais aussi au sein même de ces métropoles impériales, comme revolte_1907_3.jpgle ‘Royaume-Uni’ ou la ‘France’. Voilà pourquoi notre ‘Midi’ a été et reste en large partie (malgré l’hégémonie idéologique réactionnaire qui s’est renforcée depuis 25-30 ans) ‘rouge’, après avoir été au 16e siècle un bastion du proto-républicanisme protestant (‘Provinces de l’Union’) ; et pourquoi votre Cymru est ‘rouge’, bastion socialiste et anti-monarchique sous le drapeau de Merthyr Tydfil.

    À vrai dire, nos deux Peuples ne sont pas seulement des périphéries : ils ont aussi été les premières, les fondatrices. Le Peuple occitan vivait, au 13e siècle, soit sous l’autorité des ducs d’Aquitaine, qui étaient aussi… rois d’Angleterre ; soit sous celle des comtes de Toulouse et de leurs ‘partenaires’ rois d’Aragon-Catalogne. Ils avaient une brillante civilisation, reconnue par tous les historiens dans le monde, et par Engels lui-même dans un texte de 1849 [NDLR tout en énonçant ensuite des choses erronées, critiquées ici]. La première partie fut conquise dans le ‘légendaire’ affrontement entre ‘notre’ Philippe Auguste et ‘votre’ Jean Sans Terre ; c’est d’ailleurs lorsque les Plantagenêt furent expulsés du continent qu’ils commencèrent… à se tourner vers vos Peuples celtiques de Cymru, de Kernow, d’Erin et d’Alba, pour les asservir. L’autre partie fut annexée au cours d’une sanglante CROISADE, une véritable guerre d’extermination prenant pour prétexte l’hérésie ‘albigeoise’ cathare ; un peu comme aujourd’hui le ‘terrorisme islamiste’ est pris pour prétexte de la plupart des guerres impérialistes dans le monde. Au terme de ces conquêtes, l’entité ‘France’ était née comme cadre politico-militaire, alors monarchique puis plus tard ‘républicain’, dans lequel le capitalisme naissant allait pouvoir réaliser son accumulation primitive : Philippe Auguste devint le premier roi ‘de France’ – et non ‘des Francs’. Plus tard, l’accumulation primitive ira se réaliser outre-mer, donnant naissance à l’Empire, aujourd’hui en grande partie pseudo-‘indépendant’ mais dont il reste quelques morceaux, aux Caraïbes, dans l’Océan indien et dans le Pacifique.

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    Le Pays de Galles, lui, commença à être soumis, on l’a dit, vers la même époque ; puis il connaîtra en 1536, sous un Henri VIII (pourtant lui-même d’origine galloise ; comme ‘notre’ Henri IV et donc Louis XIII, Louis XIV etc. étaient occitans, Napoléon était corse etc. !) qui mérite toute sa place dans le ‘panthéon’ des tyrans, le premier de ces ‘Actes d’Union’ qui fonderont le ‘Royaume Uni’ – lui aussi ‘métropole’ d’un Empire qui fut un temps le plus grand de la planète, et à vrai dire la première puissance impérialiste mondiale jusqu’à ce que les USA prennent la ‘succession’ entre 1918 et 1945.

    Dans les deux cas donc, l’État moderne puis l’Empire sont nés de l’absorption de nos Peuples et, par conséquent, dans une guerre révolutionnaire mondiale qui se déploie des périphéries vers les centres, ils périront forcément de notre libération révolutionnaire ; libération intervenant dans l’union fraternelle avec tous les Peuples exploités et opprimés de la planète, dans la Révolution prolétarienne mondiale. Le ‘coup de grâce’ à deux des plus importants États du G8, ‘membres permanents’ du Conseil de Sécurité de l’ONU, nous appartient : soyons à la hauteur de cette tâche historique d’importance planétaire !

    C’est pourquoi la solidarité de nos Peuples doit être et sera solide comme l’acier ; tout comme sur la voie du communisme, tous les Peuples de la planète sont unis comme les bataillons d’une même Armée ! 

    VISCA OCCITÀNIA ANTICAPITALISTA ; VISCA CYMRU LIBRE E SOCIALISTA !

    VICTOIRE À LA GUERRE POPULAIRE, POUR LA RÉVOLUTION MONDIALE ET LE COMMUNISME !


    Servir le Peuple (Serve the People) et Sheisau Sorelh (Sixth Sun) ; médias révolutionnaires maoïstes pour la Libération du Peuple occitan.

                  red_wales.jpgmaoc



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  • 300px-Day after Saur revolution in Kabul (773)Il y a 35 ans, dans les derniers jours d'avril 1978, le président 'non-aligné' (mais penchant 'dangereusement' vers l'Occident) d'Afghanistan, Mohamed Daoud Khan, lui-même arrivé au pouvoir... par un coup d’État contre son cousin et roi Zaher Shah cinq années plus tôt, était renversé par des officiers formés en URSS et liés au PDPA (Parti 'démocratique' 'populaire' d'Afghanistan), un parti-gang (enfin... divisé en deux gangs : le 'Khalq' et le 'Parcham') de bureaucrates bourgeois prétendument 'marxistes-léninistes' et en réalité simples 'courroies de transmission' du social-impérialisme soviétique de Brejnev dans ses visées d'expansion vers l'Océan Indien. Car le social-impérialisme, comme nous l'enseigne le maoïsme, c'est cela : le socialisme et l'internationalisme en paroles, le capitalisme d'État et l'hégémonisme chauvin dans les faits. L'historiographie PDPA/soviétique appellera ces évènements (ce vulgaire putsch militaire donc) la 'Révolution de Saur', nom du mois d'avril dans le calendrier persan. C'était le début de la tragédie de tout un peuple, ou plutôt des peuples de ce pays nommé Afghanistan - mais ce nom est le nom impérialiste ('internationalement reconnu') et suprématiste pachtoune (la nationalité la plus nombreuse - 42% environ - de cet État plurinational) donné à l'ancien Khorasan, appellation depuis l'Antiquité de cette terre d'Asie centrale aux multiples nationalités et au carrefour des cultures. Une tragédie qui se perpétue encore aujourd'hui, alors que ce pays est occupé depuis bientôt 12 ans par une coalition des principaux pays impérialistes de la planète, venus en 2001 y renverser des Talibans (fondamentalistes musulmans radicaux) et y traquer un Oussama Ben Laden qu'ils avaient pourtant appuyé quelques années plus tôt... contre l'URSS, mais qui avaient fini par se retourner contre eux. Des principaux pays impérialistes de la planète... dont le nôtre, l'impérialisme BBR, l'impérialisme français. C'est la raison pour laquelle la cause de l'Afghanistan est aujourd'hui une cause fondamentale pour tous les véritables révolutionnaires de la planète en général, et d'Hexagone en particulier. Voilà pourquoi il est important de connaître l'histoire de ce pays, de ces peuples et de leur résistance infatigable contre toutes les tentatives d'asservissement impérialiste.

    soviet-union-war-afghanistanPour tout le 'gratin' révisionniste brejnévien de la planète, ce coup d’État d'avril 1978 (suivi, 20 mois plus tard, face aux contradictions internes du PDPA, par l'intervention directe de l'Union soviétique) a évidemment été une 'révolution', et la résistance héroïque des masses populaires (qui eurent 2 millions de victimes, donc forcément pas que des 'bourgeois', des 'féodaux' et des imams réactionnaires, le pays n'en comptant pas le dixième) est réduite à son seul (bien réel) appui par la CIA, l'Arabie saoudite et le Pakistan. Aujourd'hui, alors que strictement les mêmes forces sociales résistent à la coalition occidentale, ils sont plus partagés, les uns soutenant la résistance (en regrettant parfois son caractère 'religieux réactionnaire'), les autres adoptant le 'ni-ni', certains 'cas' isolés (dans la mouvance 'stalino-dogmatique') souhaitant même... la victoire de la coalition. Les trotskystes sont globalement sur une position de 'ni-ni' (classique chez eux) ; il faut dire ici que l'Afghanistan, voisin de l'Iran, a un important mouvement 'communiste-ouvrier' hekmatiste (de Mansoor Hekmat, iranien), 'léninisme orthodoxe' ayant dérivé vers un trotskysme de fait, qui est globalement sur cette position (comme en Irak et en Iran même) et dont ils s'inspirent... Ceci dit, en janvier 1980, il s'en trouvait pour soutenir l'intervention soviétique !

     

    yariMais pour nous les maoïstes, il en va tout autrement, car dans ce pays notre mouvement a une histoire, et pas des moindres. L'Afghanistan a en effet connu un très important mouvement 'maoïste' (marxiste-léniniste anti-soviétique, pro-chinois) entre la fin des années 1960 et le début des années 1980. Ce mouvement mobilisait notamment dans la nationalité hazara, la plus opprimée du pays, de 'souche' turco-mongole et de confession majoritaire chiite (anciennement bouddhiste, il en reste dit-on quelques uns), violemment méprisée et réduite en quasi-esclavage (l'oppression nationale devenant ici oppression de classe) par la nationalité dominante pachtoune, dont est issue la dynastie des Durrani qui régna sur la pays (et même, un temps, bien au-delà) du milieu du 18e siècle jusqu'en 1973, et qui lui donna son nom d'Afghanistan, 'pays des Afghani' c'est-à-dire des Pachtounes ('Afghani' étant le nom d'un 'ancêtre' mythique de ce peuple) ; nom repris ensuite par les impérialistes anglais qui (régnant sur l'Inde voisine) tentèrent de s'emparer du pays par trois fois entre 1839 et 1920 - ils furent à chaque fois défaits, mais réussirent à imposer peu à peu une domination indirecte, semi-coloniale (et utilisèrent le pays comme 'rempart' contre - déjà - les ambitions impériales russes : c'est pourquoi l'Afghanistan a cette petite 'queue' au nord-est, bande de terre qui servait à séparer les Indes britanniques du Turkestan du tsar).

     

    Il y a là, entre parenthèses, un parallèle saisissant avec la manière dont la monarchie capétienne de Paris, revendiquant une mythique descendance des Francs (peuple germanique de Clovis et Charlemagne, vivant plutôt dans l'actuelle Wallonie), a imposé le nom de 'France' et de 'français' à toutes les nationalités de l’État qu'elle s'est construite entre le 13e et le 18e siècle ; œuvre poursuivie ensuite par la bourgeoisie du Bassin parisien à la tête de toutes les bourgeoisies d'Hexagone... fin de la parenthèse.

     

    Sous cette domination semi-coloniale britannique (puis occidentale à dominante US, après 1945) se mit en place le capitalisme bureaucratique, ce 'stade suprême' du compradorisme dans un pays dominé, 'développementisme' de la production impulsé 'par en haut' au bénéfice des monopoles impérialistes : c'est principalement le roi Zaher Shah (1933-73) qui, surtout à partir des années 1950, comme Reza Pahlavi en Iran voisin, mena cette 'révolution blanche', 'révolution' royale, impulsée par le palais. Le pays, bordé au Nord par l'URSS, avait la particularité d'afficher un certain 'non-alignement' géopolitique pour ne pas froisser ce puissant voisin. Il avait d'autre part, on l'a dit, la particularité de ne pas avoir subi, et même d'avoir repoussé vaillamment toute tentative de domination coloniale directe : une 'gloire nationale' sur laquelle 'capitalisaient' évidemment la dynastie régnante et l''élite' sociale pachtoune.  

     

    UntitledC'est dans ce contexte très particulier de capitalisme bureaucratique n'ayant pas connu la domination coloniale directe, associé à une puissante féodalité à dominante pachtoune, qu'a donc émergé au milieu des années 1960 le mouvement maoïste d'Afghanistan (analysant en des termes limpides l'un et l'autre phénomène), avec le Courant de Nouvelle Démocratie et l'Organisation de la Jeunesse Progressiste (PYO), publiant l'organe de presse Shola-e-Jawid ('Flamme éternelle', réactivé dans les années 1990 par les camarades qui allaient devenir le PC maoïste d'Afghanistan). Ce mouvement avait pour principales figures Abdulrahim et Abdulhadi Mahmudi, et les frères Akram et Seddiq Yari - des Hazaras. Il connut rapidement, avec les difficultés que l'on imagine dans une société aussi profondément arriérée, un estimable succès tant dans les plus petits villages de campagne que dans la capitale Kaboul, dans toutes les classes opprimées et dans toutes les nationalités du royaume, Pachtounes comme Hazaras, Tadjiks comme Ouzbeks. Il arborait et appliquait le slogan maoïste : SERVIR LE PEUPLE !

     

    40614461 taraki-ap-203x300Tout à l'opposé, qu'était le PDPA, fondé lui aussi en 1965 ? C'est simple : un ramassis de mercenaires opportunistes 'ligne Brejnev', et en définitive de social-fascistes. Un 'cas' encore plus 'carabiné' que le PC syrien, par exemple, que l'on plaindrait presque dans son rôle de caniche battu du clan Assad. L'Afghanistan, on l'a dit, était 'pris en étau', bordé au Nord par l'URSS et au Sud par le Pakistan et l'Iran qui faisaient partie du 'monde libre'. La monarchie tentait de ménager la chèvre et le chou, de jouer 'l'équilibre' entre les blocs... Mais cela ne suffisait pas à la nouvelle bourgeoisie, aux nouveaux tsars au pouvoir à Moscou : ceux-ci voulaient, en effet, ni plus ni moins que reprendre la 'grande entreprise' tsariste de 'course à l'Océan Indien', afin d'assurer à l'URSS un port permanent en mer chaude (pas gelée les 3/4 de l'année, comme en Arctique) et non-fermée (contrairement à la Mer Noire, la Baltique et la mer du Japon), ce qui lui manquait cruellement, et au Pacte de Varsovie pris dans son ensemble également (il suffit de regarder une carte). L’Afghanistan devait être un 'avant-poste' dans cet objectif, pour ensuite (sans doute) s'emparer de l'Iran ou du Pakistan. Que firent-ils alors ? Et bien, ils tissèrent leur toile dans la classe bureaucratique, par le biais d'intellectuels et de militaires formés en URSS, fédérant les petits bureaucrates et officiers de moyen rang, frustrés par la monarchie et avides d'ascension, voulant être 'califes à la place du calife'. C'est de ce type de personnes que fut formé le PDPA... et il est évident que ceci n'est en rien l''avant-garde' d'une révolution démocratique. Certes, le PDPA ne se limitait pas à cela : il avait aussi une certaine base sociale... Mais celle-ci était essentiellement petite-bourgeoise : des couches 'moyennes' urbaines-éduquées, 'experts', 'techniciens', 'sachants', fonctionnaires et intellectuels en tout genre, purs produits de la 'révolution blanche' moderniste de Zaher Shah ; ainsi qu'une certaine classe ouvrière particulièrement qualifiée, dans des entreprises de grande taille et encadrée par les syndicats révisionnistes ; auxquelles le PDPA promettait 'le progrès' : le développement du capitalisme bureaucratique (cette fois-ci sous la houlette de Moscou), base même de leur existence sociale. En bref, ce fameux 'Afghanistan moderne des années 1970' chanté aujourd'hui par les Saur-Revolution.jpgjournaleux occidentaux... et qui n'a pas plus disparu que n'ont subitement pullulé les longues barbes et les burqas (ils font partie, globalement, des 'démocrates' et des 'libéraux de gauche' dénoncés par le texte ci-après, même si une partie de la fraction Khalq a aussi rejoint... les talibans). Les masses paysannes (80% de la population), la petite 'plèbe informelle' urbaine, les centaines de milliers de petits ouvriers des petits ateliers semi-artisanaux étaient complètement ignorés, considérés comme des 'masses arriérées' à 'civiliser' par en-haut, ce qui est tout simplement hallucinant dans un pays comme l'Afghanistan, et contraire aux principes les plus élémentaires du léninisme. L'Afghanistan était alors (et reste largement aujourd'hui) un pays ultra-arriéré, au point que des millions de personnes (dont Akram Yari) ne connaissaient même pas précisément leur date de naissance... Autant dire que, pour mettre une société comme celle-là sur la voie socialiste du communisme, il fallait toute la subtilité du matérialisme dialectique maoïste, et non un 'volontarisme' modernisateur bureaucratique, un 'positivisme' à la mode radicaux-3e-République. Et, dans un pays parfaitement défini par les marxistes-léninistes comme multinational, avec le PDPA c'était l''afghanisme' suprématiste pachtoune et les thèses révisionnistes de la 'nation en construction' à tous les étages ! Là est la clé de tout le déroulement ultérieur des évènements – et ces contradictions se reflétaient au sein même du Parti, avec une fraction dite Khalq ('peuple'), réputée plus 'nationaliste', et une fraction Parcham ('drapeau') totalement servile au Kremlin (celle qui sera mise au pouvoir par l'Armée 'rouge' fin 1979). De toute façon, il n'y a pas lieu de chercher midi à 14 heures pendant 107 ans ! Lorsqu'il y a besoin d'une telle répression (avec carrément l'intervention d'une puissance étrangère !) pour imposer la 'démocratie populaire' à une société, c'est qu'il n'y a pas de 'démocratie populaire', c'est que le pouvoir n'est pas celui d'une authentique avant-garde révolutionnaire en lien permanent et dialectique avec les masses, mais celui d'une nouvelle bourgeoisie, d'une nouvelle caste dominante... 

     

    amin-lijevo.jpgEn 1973, le Kremlin parvint à 'toucher' l''Iznogoud' local, le cousin et premier ministre du roi Mohamed Daoud, qui s'empara du pouvoir et proclama la 'république' (avec lui-même, évidemment, comme président). Mais, rapidement, il ne donna pas satisfaction : il restait trop 'équilibriste' entre 'monde libre' occidental et bloc social-impérialiste. De nouvelles tentatives de coup d’État furent orchestrées, toutes déjouées jusqu'à celle d'avril 1978 : volant au secours des principaux dirigeants du PDPA emprisonnés par Daoud, les officiers formés en Union soviétique finissent par renverser celui-ci. Bilan : plusieurs milliers de mort-e-s, dont Daoud lui-même... Ce ne seront que les premiers. Car immédiatement la résistance des masses se lève, face à la 'révolutionnarisation' brutale et bureaucratique, 'par en haut', que le PDPA veut imposer à la société afghane pour se donner les apparences du 'socialisme', mais dont personne n'est dupe, et encore moins que les autres les masses auprès desquelles a milité le mouvement maoïste depuis plus de 10 ans.

     

    Le mouvement marxiste-léniniste subit très durement la répression du PDPA après le coup d’État pro-social-impérialiste, qui porte au pouvoir Mohamed Taraki et Hafizullah Amin : dans les derniers jours de 1978, les principaux cadres révolutionnaires, dont Akram Yari, sont arrêtés ; ils disparaissent, probablement torturés à mort.

     

    Ces événements sont évidemment totalement passés sous silence par les révisionnistes et les trotskystes, qui ont tout intérêt à voir tomber dans l'oubli une page aussi héroïque de l'histoire révolutionnaire du prolétariat mondial ; alors même qu'ils ne le sont pas par la presse bourgeoise : ainsi le Monde, dans un article consacré au 'réveil des Hazaras', évoque-t-il ces 'cercles maoïstes' qui 'recrutaient surtout' dans cette population. Mais ils le sont aussi, en Hexagone, par certains 'maoïstes' : ceux-ci font d'Akram Yari (qu'ils viennent de découvrir...) une nouvelle 'idole' de leur panthéon, mais ne disent jamais rien du contexte dans lequel il a lutté, et des circonstances de sa mort. Curieux ! Dénoncer un tel crime du social-impérialisme ne devrait-il pas être au cœur même de l'identité politique maoïste ? Mais faut-il vraiment s'en étonner lorsque l'on est capable, dans un article consacré à l'Afghanistan, d'asséner l'abominable thèse révisionniste de la 'nation en formation', qui était notamment... celle du PDPA (et d'être contredit... par ses propres camarades afghans quelques jours plus tard) ??

     

    97764900Au sommet de l’État, pendant ce temps-là, la 'valse des Iznogoud' se poursuit : Taraki, qui a renversé et fait assassiner Daoud (qui avait lui-même renversé et exilé son cousin Zaher Shah), est à son tour renversé et assassiné par Amin (septembre 1979), qui sera lui-même renversé et tué... par l'intervention directe des Soviétiques, amenant le parchami Babrak Karmal (le laquais des laquais) dans leurs valises. Mais toujours aucun engouement des masses pour tout ce 'processus', bien au contraire : la résistance ne fait que grandir, et les 'élites traditionnelles', armées de leur légitimité historique, 'surfent' dessus pour revenir au pouvoir (les uns pour rétablir la monarchie, les autres pour une 'république' islamique). Elles trouvent le 'généreux soutien' du Pakistan (directement visé par les plans soviétiques), mais aussi de l'Arabie saoudite et des monarchies du Golfe... derrière lesquelles se tiennent évidemment l'impérialisme US et ses alliés du 'monde libre'. Ceux-ci veulent, certes, barrer la route aux visées du Kremlin vers l'Océan Indien. Mais surtout, ils voient là l'occasion de porter à l'URSS un coup dont eux-mêmes ont eu beaucoup de mal à se relever, et dont ils savent qu'elle ne se relèvera pas : ils veulent infliger aux Soviétiques leur Vietnam, leur Diên Biên Phu, leur guerre d'Algérie.

     

    RTEmagicC sovietunion-afghanistan-mujC'est la résistance afghane que l'on connaît mondialement : celle des 'moudjahidines' de Massoud dans sa vallée du Panshir, du Hezb-i-islami de Gulbuddin Hekmatyar, des 'volontaires internationaux' autour d'un certain jeune héritier saoudien inconnu (...), des 'héroïques combattants de la liberté' qui font leurs prières quotidiennes avant de marcher pieds nus pendant des heures dans la montagne rocailleuse, et d'aller tirer un missile Stinger sur un hélicoptère 'rouge' : la résistance que les médias occidentaux ont glorifiée pendant toute une décennie... et que les armées impérialistes du même Occident combattent aujourd'hui. Car une fois que ces 'combattants de la liberté' eurent eu raison du PDPA (après le retrait militaire, puis l'effondrement de l'URSS), ils s'entre-déchirèrent pour le pouvoir jusqu'à ce que la faction des Talibans ('étudiants en théologie' ultra-radicaux pachtounes venus des zones frontalières du Pakistan, les plus 'Savonaroles musulmans' de tous), soutenue par "l’État dans l’État" des services secrets pakistanais (ISI) et par des secteurs oligarchiques saoudiens/'golfiens' (avec la bienveillance US, l'objectif étant de faire barrage à Massoud l''homme des Européens' et à Dostom, un transfuge de l'armée PDPA, l''homme des Russes') et associée aux 'volontaires internationaux' de Ben Laden, ne s'empare des 3/4 du pays... on connaît la suite (l''Émirat' taliban servit de QG à Ben Laden pour les attaques du 11-Septembre 2001 ; nouvelle invasion - occidentale cette fois-ci ; etc. etc.). 

     

    Mais cette résistance-là ne fut pas la seule, loin de là. Car des rescapé-e-s de la répression PDPA contre les forces marxistes et progressistes authentiques entrèrent eux/elles aussi en résistance contre l'occupation social-impérialiste soviétique : ils/elles formèrent notamment la SAMA (Organisation Populaire de Libération de l'Afghanistan), avec Abdul Majid Kalakani, et l'ALO (Organisation de Libération de l'Afghanistan) avec le docteur Faiz Ahmad. 200px-Ahmad-aOn-ne-peut-plus révélateur de ce qu'était, alors, la situation des forces authentiquement progressistes et anti-impérialiste dans le pays, le premier fut pris et tué par le KGB et le PDPA en 1980 ; et le second... par les hommes d'Hekmatyar, en 1986 (il faut dire que le contentieux était sans doute ancien : sous Zaher Shah et Daoud, les étudiants islamistes, dont Hekmatyar était un leader connu, étaient envoyés 'cogner' les 'gauchistes' sur les campus de la capitale...).

     

    majidKalakani et Ahmad étaient issus de ce très important mouvement marxiste-léniniste anti-révisionniste, partisan de la Chine de Mao Zedong. Disons-le tout net et d'emblée : ils n'étaient pas précisément issus de son aile la plus à 'gauche', celle qui, avec Akram Yari, tendait le plus vers la conception maoïste du monde. La SAMA et l'ALO baignaient largement dans le 'brouillard' qui enveloppait le mouvement (réellement) communiste international à l'époque, entre contre-révolution de Deng Xiaoping en Chine, 'théorie des trois mondes', attaques dogmato-révisionnistes d'Enver Hoxha contre le maoïsme, assimilation (par les masses mondiales) du communisme à l'URSS en pourrissement terminal, etc. etc. Néanmoins, elles ont eu le mérite incontestable d'incarner une opposition PROGRESSISTE, 'socialiste' et (surtout) ARMÉE à l'occupation soviétique et à ses laquais PDPA, opposition qui, contrairement à la propagande impérialiste occidentale, ne se limitait pas du tout à des forces religieuses conservatrices et anticommunistes. Et, comme les maoïstes palestiniens et libanais de la Brigade étudiante du Fatah et de l'OACL quelques années plus tôt, ces forces ont eu le mérite de reconnaître l'importance de plus d'un millénaire d'islam dans la 'formation psychique nationale' des peuples d'Afghanistan, reconnaissance sans laquelle rien de sérieux ne pouvait être entrepris, ni contre les Soviétiques et leurs laquais, ni contre le 'monopole' que les réactionnaires cléricaux (liés aux services secrets pakistanais et à la monarchie saoudienne) tentaient d'établir sur la résistance. Ainsi fut notamment fondé, par l'ALO, un 'Front des Moudjahidines combattants de la Liberté', qui diffusait au début des années 1980 une proclamation intitulée "Ni régime fantoche, ni fondamentalisme : Liberté et Démocratie !". Malheureusement, comme pour les maoïstes palestino-libanais précités, cette reconnaissance finira par dériver vers la soumission à la direction des bourgeois et notables féodaux 'islamistes' pro-occidentaux - du coup, les branches hazara des deux organisations feront scission, vu que les Hazaras sont chiites, alors que les autres peuples d'Afghanistan sont sunnites. Une dérive qui rappelle, un peu, celle de la juste ligne de Front populaire chez les PC européens des années 1930-40, vers la subordination à la bourgeoisie 'de gauche', 'républicaine', 'antifasciste' etc. ; ce qui n'est finalement pas surprenant, car tenir compte de l''islam populaire' dans les pays musulmans, c'est un peu la même démarche que le Front populaire en Europe : tenir compte de la 'spontanéité' réformiste, 'républicaine', 'démocrate-radicale' des masses (d'autres 'marxistes', au nom de l''anti-obscurantisme', se subordonneront eux au PDPA et au social-impérialisme, et aujourd'hui à la coalition impérialiste occidentale...).  

     

    1ri quelque part en afghanistanC'est la raison pour laquelle ont rompu, avec la SAMA et l'ALO, les forces communistes conséquentes qui forment aujourd'hui (depuis 2004) le Parti communiste maoïste d'Afghanistan. D'ailleurs, on relèvera qu'après que Faiz Ahmad ait été assassiné par les islamo-réactionnaires de Gulbuddin Hekmatyar, l'ALO a quelque peu 'tourné casaque' et, tandis qu'Hekmatyar est aujourd'hui (à nouveau) l'un des chefs de file de la résistance contre l'occupation occidentale, la principale 'vitrine' internationale de l'organisation, l'association féministe RAWA, est sur une ligne 'pacifiste'-capitularde de 'ni-ni' qui renvoie dos à dos l'occupation, son régime fantoche (Hamid Karzaï) et la résistance : une position rappelant un peu celle des trotskystes hexagonaux au début de l'occupation nazie. Sur la même position de 'renvoi dos à dos' - mais en version ultra-gauchiste/dogmatique - on trouve les petits copains du 'p''c''mlm', l''Organisation des Ouvriers d'Afghanistan - MLM, principalement maoïste' : des éléments principalement exilés en Europe (très loin, donc, du terrain et de ses réalités...) et qui, pour des raisons qu'il n'appartient qu'au mouvement communiste afghan de trancher, n'ont pas été admis dans le Parti communiste maoïste lors de sa création et mènent aujourd'hui une activité de critique destructive à son encontre.

     

    À l'inverse, les véritables maoïstes d'Afghanistan réunis depuis 2004 dans le PC(m)A caractérisent correctement les islamistes comme (certes) des réactionnaires, ennemis à long terme, mais surtout l'Afghanistan comme un pays occupé et, dans ces conditions, L'ENNEMI PRINCIPAL NE PEUT ÊTRE QUE L'OCCUPANT IMPÉRIALISTE et ses marionnettes du gouvernement Karzaï.


    En complément, peut-être, de tout ce qui vient d'être dit, voici ci-après un point de vue "révisio" mais subtil, et regorgeant d'éléments de compréhension ultra-intéressants (Christian Parenti, fils du célèbre Michael, dans le Monde Diplo) :

    Et voici, pour l'information du mouvement 'sympathisant communiste' international qui nous lit et auquel nous nous voulons destinés, et qui croit souvent que la résistance afghane se limite aux 'islamistes', une déclaration du PC (maoïste) d'Afghanistan sur la situation actuelle publiée sur le site du PCmF en mars 2012 :

     

    «Notre lutte en Afghanistan fait partie de la lutte internationale des oppriméEs…»


    http://3.bp.blogspot.com/-9HZzhEtwPfM/T1vjiTDyf-I/AAAAAAAAAnU/MBUNC_Y_r2A/s1600/33706.jpeg


    En Octobre 2001, lorsque la coalition impérialiste menée par les États-Unis a lancé sa guerre d'agression pour envahir et occuper l'Afghanistan, les impérialistes ont proclamé que l'objectif de leur guerre était la traduction en justice des auteurs présumés des attentats sur le World Trade Center et le Pentagone. Mais plus important encore, ils ont également déclaré que leur guerre libérerait le peuple afghan, en particulier les femmes afghanes, et que l'occupation impérialiste allait promouvoir la démocratie et un projet de construction de l'Etat qui serait favorable aux droits de l'homme, aux droits des femmes et à d'autres valeurs de la démocratie libérale. Il ne fait aucun doute que ces promesses signifiaient en pratique et en théorie un appel à de nombreuses forces bourgeoises et petites-bourgeoises ainsi qu’aux intellectuels de notre pays, y compris les éléments qui se prétendent de gauche.

    Dans cet exposé, je vais essayer de dégager les positions prises par les différents camps qui se réfèrent à des valeurs de gauche et s’en revendiquent. Nous pouvons diviser la gauche en Afghanistan en trois camps : le premier camp est le signe avant-coureur d’un capitulationnisme national - capitulards se prétendant de gauche ou de gauche libérale - ; le deuxième camp, nous le qualifions de semi-capitulard ou partiellement capitulationniste, et le troisième camp est le camp de la gauche anti-impérialiste et internationaliste (il est important de noter que ces trois camps se revendiquent du mouvement maoïste de la génération précédente.)

    Le camp des capitulards se compose d'anciens membres et de cadres du Mouvement de Nouvelle Démocratie sous la direction maoïste des générations passées. En privé et parfois même publiquement, ils prétendent encore être les fiers héritiers du glorieux mouvement maoïste d'Afghanistan. Ils jouent un rôle très important pour le régime fantoche et l'occupation impérialiste, siégeant en tant que cadres intellectuels et politiques du régime fantoche et de l'occupation impérialiste. Ils sont membres du parlement, ils sont ministres dans le gouvernement, ils sont de proches et importants conseillers du président, ils sont en charge des nombreuses ONG et des organisations de la soi-disant société civile, ils sont largement présents dans les médias ... Bref, ils assument le rôle de « légitimation » du régime fantoche.

    On peut en gros résumer comme suit l’argumentation de ce camp, sa compréhension de l'histoire politique de l'Afghanistan : l'histoire du pays a été l'histoire de la contradiction entre les forces de la modernité et les forces de la tradition, et c’est toujours cette même contradiction qui est à l’œuvre et modèle la politique actuelle de l'Afghanistan. Selon cette interprétation, il y a d'un côté les forces de la tradition sous la forme de l'islamisme des talibans (incarnant la pire espèce des valeurs féodales, le machisme, le chauvinisme national, le rejet d’absolument toutes les valeurs démocratiques et modernes), et de l'autre côté la «communauté internationale» qui tente de promouvoir l’instauration de la démocratie et la construction d’un État favorable aux valeurs modernes / libérales / démocratiques, dans des circonstances très difficiles. Par conséquent, ceux qui sont dans le camp capitulard croient qu'il est de leur devoir en tant que "progressistes" de se tenir aux côtés des forces de la modernité, c’est à dire, de l'occupation impérialiste et du régime fantoche.

    Ces libéraux de gauche de l'Afghanistan moderne sont les fantassins intellectuels de l'occupation impérialiste. Ils se sont révélés être les partenaires les plus cohérents et les plus fiables de l'occupation impérialiste, et même plus encore que l'aile islamiste du régime fantoche dirigé par Hamid Karzaï.

    Le deuxième camp, ceux que j'ai appelés semi-capitulards, est un autre camp très large composé de plusieurs groupes d’organisations réformistes de gauche. Leurs prétentions à se revendiquer de la gauche sont parfois plus marquées que celles du premier camp. À l’origine, il était très difficile de tracer une ligne de démarcation entre ces deux camps. En effet, au début de l'occupation, les principales cibles d'attaques politiques du camp semi-capitulard étaient des tendances spécifiques de la présence islamiste dans le régime fantoche ainsi que la force externe (ex: « les seigneurs de la guerre », « terroristes talibans »). Leur seul vrai problème avec l'occupation impérialiste était qu'ils avaient mis « les méchants » au pouvoir - les seigneurs de la guerre, les fondamentalistes islamiques, des moudjahidines, ex-talibans, etc. - et que, par conséquent, les occupants n'avaient aucune politique anti-intégristes cohérente. Le résultat de ce raisonnement c’est que, si « les bons » - eux-mêmes et les libéraux de gauche - avaient été mis au pouvoir par les impérialistes, l'occupation n’aurait pas fait problème. En quelque sorte, l'impérialisme serait une bonne chose s’il avait mieux choisi son gouvernement de marionnettes.

    Un exemple paradigmatique du camp semi-capitulard est l'Association Révolutionnaire des Femmes d'Afghanistan [RAWA], une organisation qui définit ses activités selon le raisonnement ci-dessus. Maintenant, après dix ans d'occupation impérialiste qui ont ravagé l’Afghanistan, ils ont légèrement modifié la rhétorique de leur discours. Après des années de refus d'utiliser le mot « occupation », voilà qu’ils l'utilisent par ci par là. À différents niveaux et degrés, ils adoptent une position politique anti-occupation très discrète. Ils n’en restent pas moins cependant des semi-capitulards parce qu'ils continuent à placer sur le même plan les talibans et les occupants impérialistes comme ennemi principal. Ils affichent leur mépris envers l'appel à la résistance armée contre l'occupation. Pour la plupart, ils sont coincés dans le discours de pacifisme réformiste bourgeois et de parlementarisme. Cette position, dans le contexte d'une occupation impérialiste, revient en fait à fournir un soutien tacite au projet des occupants impérialistes. Il convient de noter que le discours de ce camp est en quelque sorte prolongé et amplifié par la gauche social-démocrate et réformiste dans le mouvement anti-guerre des pays impérialistes. Malheureusement, à plusieurs reprises, les communistes révolutionnaires ont également promu le projet semi-capitulard.

    Le troisième camp, et la principale force anti-impérialiste en Afghanistan, c'est la gauche internationaliste anti-impérialiste. Ce camp se compose de plusieurs groupes et organisations marxistes-léninistes-maoïstes, mais c’est le Parti Communiste (maoïste) d'Afghanistan [PC(m)A] qui est la force principale et la plus importante avec plusieurs organisations de masse sous sa direction. C’est elle qui rassemble une résistance révolutionnaire anti-impérialiste dans le pays depuis le début de la guerre d'agression et de l'occupation de l'Afghanistan. Ce camp et le PC(m)A ont une analyse anti-impérialiste de la guerre contre notre peuple et l'occupation de notre pays : il identifie la contradiction principale en Afghanistan comme la contradiction entre les peuples de l'Afghanistan et les forces impérialistes d'occupation. Ainsi, le PC(m)A appelle à une guerre révolutionnaire de résistance populaire contre l'occupation impérialiste. Il convient de noter que, dans une perspective d'analyse de classe, nous ne considérons le mouvement des talibans que comme notre ennemi stratégique, mais, dans la conjoncture actuelle de l'occupation impérialiste, nous ne les considérons pas comme ennemi principal. Nous ne les assimilons pas au régime fantoche et aux forces d'occupation. Nous considérons l'occupation impérialiste et le régime fantoche comme l'ennemi principal du peuple d'Afghanistan. Par conséquent, l'occupant et son régime fantoche doivent être la cible principale de la guerre populaire révolutionnaire de résistance nationale.

    Le PC(m)A a été fondé en 2004, constitué à la suite de l'unification d’organisations marxiste-léninistes-maoïstes importantes et plus anciennes : l'Organisation Révolutionnaire pour le Salut de l'Afghanistan, l'Alliance Révolutionnaire des Travailleurs d'Afghanistan et le Parti Communiste d'Afghanistan. En 2001, lorsque l'alliance américano-impérialiste dirigée par les USA a envahi et occupé l'Afghanistan, les forces et les organisations MLM en Afghanistan ont entamé un processus d'unification pour rassembler les communistes révolutionnaires en un seul parti dans le but de constituer une force de résistance révolutionnaire contre la guerre impérialiste et l'occupation. Le Mouvement Révolutionnaire Internationaliste (MRI) a joué un rôle important à l'époque dans la facilitation de ce processus d'unité entre les organisations MLM en Afghanistan (malheureusement, le MRI, à la suite de la ligne déviationniste au sein de son comité de direction, s’est effondré et est maintenant dans un état de complète paralysie). Depuis l'époque de sa formation, le PC(m)A a été la principale force révolutionnaire laïque à résister à l'occupation. Sous sa direction, il existe plusieurs grandes organisations de masse des travailleurs, des femmes, des jeunes et des étudiants qui sont à l’origine d’un mouvement de masse anti-impérialiste dans le pays.

    Bien que cette résistance révolutionnaire anti-impérialiste n'ait pas encore atteint le stade de la guerre populaire, les étudiants, les jeunes, les femmes et les mouvements de masse des travailleurs dirigés par le PC(m)A dans différentes parties du pays sont un pilier important de la résistance globale - la résistance principale de démocratie nouvelle, révolutionnaire, communiste - à l'occupation impérialiste. Maintenant le PC(m)A a affirmé dans ses récentes déclarations qu'il amplifiait la préparation pour déclencher la guerre populaire révolutionnaire de résistance nationale à l'occupation impérialiste.

    Il est également très important de noter qu’il ne faut pas oublier la dimension internationale de la lutte en Afghanistan. Les puissances impérialistes menées par les États-Unis ont choisi l'Afghanistan comme principal champ de bataille pour leur projet de domination militaire de la planète. Par conséquent, elles ont des plans d’installation à long terme de bases militaires dans le pays - et, jusqu'à présent, il semble y avoir un consensus entre les puissances impérialistes sur la question de l'Afghanistan. Ainsi, c’est une coalition de 44 pays présents avec leurs forces armées en Afghanistan qui viennent appuyer le projet impérialiste américain et renforcer le régime fantoche. Et les puissances régionales réactionnaires qui n'ont pas une présence armée en Afghanistan ont d'autres rôles très importants en fournissant une assistance politique, diplomatique et financière à l'occupation et son régime fantoche. Le parapluie de l'ONU est l'expression de l'unité impérialiste et réactionnaire de puissances régionales internationales en ce qui concerne l'Afghanistan.

    De même, l'insurrection des talibans islamistes bénéficie du soutien puissant, politique, militaire et financier des forces islamistes à travers le monde. Les talibans pakistanais, ainsi que d'autres forces islamistes de l'Asie Centrale, de la Chine et du Moyen-Orient apportent des ressources militaires ainsi qu’un soutien politique et financier au mouvement des talibans en Afghanistan. Il ne fait aucun doute que sans cette aide internationale islamiste, il serait très difficile pour le mouvement des talibans de se maintenir.

    Cet état de choses international devrait expliquer pourquoi le PC(m)A s’intéresse beaucoup à l’évolution des choses au MRI et à la formation d'une nouvelle organisation communiste internationale. Nous croyons fermement que la lutte en Afghanistan et la révolution en Afghanistan s'inscrivent dans le cadre de la lutte mondiale et de la révolution mondiale contre le capitalisme et l'impérialisme. Étant donné que le MRI a contribué au processus d'unité des organisations MLM en Afghanistan (ainsi que dans d'autres pays), l'existence et les activités d'une nouvelle organisation communiste internationale, nous l'espérons, devrait avoir un rôle extrêmement important de soutien politique et idéologique aux luttes révolutionnaires en Afghanistan et ailleurs. Avec l'émergence de la ligne avakianiste post-MLM et de la ligne révisionniste Prachanda-Bhattarai, le MRI s'est effondré. Avec la paralysie du MRI, nous pensons que la lutte révolutionnaire en Afghanistan a perdu une dimension importante et internationaliste.

    À ce stade, travailler à la formation d'une nouvelle Organisation Internationale Communiste ou à réactiver notre organisation internationale dormante est la tâche principale internationaliste du mouvement communiste dans le monde entier. Ce serait l'expression concrète de la devise communiste « travailleurs de tous les pays unissez-vous ». À une époque où le système capitaliste impérialiste est en grande difficulté, ébranlé par des crises économiques et financières récurrentes et où les masses opprimées se lèvent pour lutter contre ce système en décomposition avancée, nous avons plus que jamais besoin d'une telle organisation internationale afin de lutter pour influencer ces mouvements et travailler à leur fournir une dimension révolutionnaire communiste.

    Notre lutte en Afghanistan s'inscrit dans le cadre de la lutte mondiale des opprimés. Par conséquent, non seulement nous travaillons pour la révolution en Afghanistan mais nous jouons ainsi notre rôle internationaliste pour œuvrer à la formation d'une organisation internationaliste communiste.


                 1007850-Retrait des troupes soviétiques dAfghanistanun-soldat-francais-en-patrouille-a-deh-rawod-au-sud-de-l-af.jpg          

                        'Social'-impérialisme d'hier...                          ... et impérialisme 'humanitaire' d'aujourd'hui...

     


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  • La proposition du ministre de l’Éducation ‘socialiste’ Vincent Peillon de rétablir, à l’’école de la République’, l’enseignement de la ‘morale’ laïque, n’est pas seulement un ‘serpent de mer’ récurrent de la ‘classe politique’ bourgeoise depuis 20 ans voire plus : elle est aussi une question sur laquelle nous allons voir se mettre en place une ligne de démarcation essentielle au sein des forces qui s’affirment ‘anticapitalistes’, ‘radicales’ voire ‘révolutionnaires’. Nous allons voir, de manière très nette, une très grande majorité de ces forces faire un silence quasi-total sur cette question, considérée comme ‘sans importance’, comme ‘une diversion des sociaux-libéraux’ pour ‘camoufler julesferryles vrais problèmes’ qui sont ‘ailleurs’ – comme si, dans une société, dans une organisation sociale fondée sur un mode de production (le capitalisme), pouvait exister un ‘ailleurs’ et des ‘cloisons’ étanches entre les ‘problèmes’.

    En réalité, c’est de TOUS TEMPS qu’en Hexagone, la question de l’’école républicaine’ (en général) est une ligne de démarcation fondamentale entre, d’un côté, les authentiques révolutionnaires et de l’autre, les réformistes, les sociaux-républicains, les ‘sociaux-BBR’. Pour les seconds, l’’École républicaine’ (et la 'République' en général) est un ‘idéal’ détaché de toutes contingences du réel et, surtout, de tout CONTENU DE CLASSE ; elle est en soi une ‘bonne chose’, une 'grande avancée républicaine', mais elle est ‘corrompue’ par le reste de la société (dont elle pourrait, manifestement, s''abstraire', être 'en dehors' ou 'au dessus', c'est selon…) : le ‘manque de moyens’ (plus ou moins 'sciemment' voulu par les gouvernants) ; les ‘inégalités’ sociales de la société capitaliste qui s'y répercutent ; et les ‘intérêts privés’, ‘marchands’, qui la détourneraient de sa ‘mission’ de 'diffusion universelle du savoir'… Pour les premiers, en revanche, révolutionnaires dignes de ce nom, l’’école républicaine’ a au contraire un contenu et une FONCTION de classe : c’est un instrument de la classe dominante, donc CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE, un outil d’encadrement idéologique des masses dès le plus jeune âge, pour en faire de ‘bons citoyens’, de ‘bons La Guerre aux pauvres commence à l’école : sur la morale laïque (entretien avec Ruwen Ogien sur le site Questions de Classe(s))petits soldats’ de la production capitaliste (et, hier, de ‘bons petits soldats’ de la ‘Patrie’ tout court !), sélectionnant au long du parcours scolaire, par la ‘méritocratie’ (capacité à assimiler les valeurs et à lécher les bottes du système...) ceux et celles qui auront la ‘chance’ de devenir des 'cadres' de l’exploitation, ou d’accéder à des boulots ‘pas trop mal payés’, et ceux/celles qui resteront dans la ‘vile multitude’ des futur-e-s chômeurs/euses et précaires, 'stagiaires à vie' et 'intérimaires professionnels', manutentionnaires, équipiers/ères McDo ou carrément 'cas sociaux'… détruisant psycho-socialement ainsi des millions d’enfants et d’adolescents à chaque génération. Tel est le rôle qui lui a été assigné, explicitement, dès sa création en 1881 par l’’icône’ de la ‘gauche’ bourgeoise, paternaliste et coloniale Jules Ferry : « Dans les écoles confessionnelles, les jeunes reçoivent un enseignement dirigé tout entier contre les institutions modernes. [...] Si cet état des choses se perpétue, il est à craindre que d'autres écoles ne se constituent, ouvertes aux fils d'ouvriers et de paysans, où l'on enseignera des principes totalement opposés, inspirés peut-être d'un idéal socialiste ou communiste emprunté à des temps plus récents, par exemple à cette époque violente et sinistre comprise entre le 18 mars et le 24 mai 1871.  » [NDLR - il parle de la Commune de Paris, évidemment… Ferry était également un fervent défenseur de l’expansion coloniale (et bien sûr, logiquement, de la liquidation des ‘patois’ dans l’Hexagone multinational), un ‘florilège’ de ses propos à ce sujet est disponible sur la page Wikipédia qui lui est consacrée]. Tel est le seul rôle que peuvent lui reconnaître ceux et celles qui ont compris Gramsci, ceux et celles qui ont compris la théorie de l’hégémonie intellectuelle/culturelle en société capitaliste avancée.

    Si l’enseignement compte un grand 400px-SpeakFrenchBeCleannombre de personnes progressistes sincères, et même (historiquement) de nombreuses personnes révolutionnaires dans ses rangs, contrairement – par exemple – à des corps purement répressifs comme la police, l’armée de métier ou la ‘justice’, il faut bien dire que la contradiction, pour ces personnes, entre leurs convictions politiques profondes et leur fonction sociale réelle est un ‘grand écart’ souvent insoutenable (le corps enseignant est sans doute, de toutes les catégories professionnelles ‘relativement aisées’, celle qui compte le plus fort taux de dépressions et de suicides). L’idée-force, pour les communistes d’aujourd’hui (armés de l’expérience), devrait être qu’une personne enseignante qui devient révolutionnaire doit rester dans l’enseignement pour y mener l’agitation et la propagande ‘de l’intérieur’, mais qu’une personne déjà révolutionnaire ne peut et ne doit pas chercher à devenir enseignante : ce serait une contradiction intenable pour son identité politique, et cela n’aurait aucun intérêt.

    Il faut dire que, depuis qu’un mouvement communiste – en tout cas, affirmé comme tel – existe en Hexagone (1920), une réelle critique révolutionnaire de cet instrument ‘républicain’ d’encadrement idéologique des masses n’a vraiment été menée qu’à deux époques : légèrement dans les années d'entre-deux-guerres, avec la Fédération Unitaire de l’Enseignement de la CGTU ou le courant ‘oppositionnel de gauche’ (d’origine syndicaliste-révolutionnaire et anarcho-syndicaliste) École émancipée (d’ailleurs présent et puissant sois-jeune-et-tais-toi.jpgau sein de la FUE jusqu’en 1936) ; et puis, bien sûr, au moment de Mai 68 et dans les années qui ont suivi : c’est là que la remise en cause du ‘dogme’ de l’’école républicaine’ – entre temps canonisée par la SFIO et le PCF… – a été la plus massive et radicale. Malgré le reflux du mouvement, au milieu des années 1970, cette critique radicale a en partie porté ses fruits : le système scolaire, à partir de cette époque, s’est ‘libéralisé’, ‘décorseté’ ; mais sur une ligne ‘libérale-libertaire’ et/ou en amenant les choses sur le terrain de la psychanalyse à la Françoise Dolto : ‘l’enfant est une personne’, il faut ‘veiller à son épanouissement’ et être ‘à son écoute’, pas seulement dans une posture d’’autorité’, etc. etc. Et, depuis les années 1990, cette libéralisation (entre autres choses) est bien entendu la cible de tous les discours réactionnaires voulant ‘en finir avec Mai 68’, ‘mot d’ordre identitaire’ de toute la droite et l’extrême-droite de l’éventail politique bourgeois. Mot d’ordre auquel la proposition de Peillon, encore une fois, vient signer le ralliement du PS (pourtant, à l’origine, ‘fils’ idéologique libéral-libertaire de Mai 68 s’il en est).

    Pour les révolutionnaires qui ont compris le rôle d’encadrement idéologique, d’hégémonie intellectuelle au service du Capital que joue l’’école républicaine’, qui ont compris Gramsci et ne voient donc pas dans la ‘morale’ (les valeurs dominantes) un sujet sans intérêt, mais au contraire un élément fondamental du maintien de l’ordre social établi, la réintroduction (même ‘light’) de la ‘morale’ plus_d-ecole_prison_mai68.jpgdans les salles de classe n’est donc pas un ‘non-évènement’ et une ‘diversion’ sans importance : c’est, même s’il y a effectivement d’autres choses et des plus importantes, un marqueur d’une tendance historique à la ‘réaction tous azimuts’, à la guerre de classe ‘décomplexée’ de la bourgeoisie contre les masses populaires ; tendance encore illustrée récemment par Jean-François Copé avec son appel à un ‘nouveau 1958’ ; et cela doit être combattu, la ‘libéralisation’ de l’enseignement scolaire dans les années 1970-80, malgré ses grandes limites, devant être considérée comme une victoire des masses populaires en lutte des ‘années 68’.

    Le point de vue progressiste qui suit est celui de Ruwen Ogien, un de ces ‘philosophe-sociologue’ typique de la gauche 'radicale' bourgeoise (comme au demeurant le site sur lequel il est publiée) : il reprend donc, à bien des égards, les points de vue de la position réformiste (l’école "manque de moyens", les ‘vrais problèmes sont ‘sociaux’, la proposition de Peillon est un ‘écran de fumée’ ; comment enseigner "les valeurs suprêmes de la République, liberté, égalité, fraternité" dans "un système qui cultive la concurrence acharnée entre les élèves et les établissements", etc. etc.). Néanmoins, il a le mérite de pointer, mieux que d’autres de la même 'famille de pensée', les dimensions idéologiques de la réintroduction de la ‘morale’ (‘républicaine’ bourgeoise) dans les programmes scolaires : c’est en cela qu’il est intéressant et que nous vous le présentons.

    Source

    Questions de classe(s) - Avec La Guerre contre les pauvres commence à l’école : sur la morale laïque (Grasset, 2013, 168 p., 14,50 €) vous nous proposez un livre « sur » l’actualité qui s’ouvre en montrant que ce retour prôné par Vincent Peillon est tout sauf original et qu’il s’inscrit à la fois dans la nostalgie de l’école d’antan et dans le mouvement de revanche contre « l’esprit 68 » déjà porté par ses prédécesseurs. La nouveauté serait surtout que Vincent Peillon pourrait réussir à convertir la gauche au conservatisme scolaire, comme elle s’est convertie au libéralisme ou à la pensée sécuritaire...

    Ruwen Ogien - Ce que la pensée conservatrice a de plus frappant, c’est sa vision moraliste des urgences politiques. Pour ceux qui la propagent, le problème principal de nos sociétés n’est pas l’accroissement considérable des inégalités de richesse et de pouvoir, le traitement inhumain des immigrés sans papiers, ou les atteintes à la vie privée par le fichage clandestin et la surveillance illégitime des communications. Non. Ce qui les préoccupe, c’est l’effondrement d’un certain ordre moral fondé sur le goût de l’effort, le sens de la hiérarchie, le respect de la discipline, le contrôle des désirs, la fidélité aux traditions, l’identification à la communauté nationale, et la valorisation La Guerre aux pauvres commence à l’école : sur la morale laïque (entretien avec Ruwen Ogien sur le site Questions de Classe(s))de la famille « naturelle » et hétérosexuelle. Logiquement, la priorité, pour les conservateurs, n’est pas d’améliorer la condition économique des plus défavorisés, ou de mieux protéger les droits et les libertés de chacun. Elle est de restaurer cet ordre moral.

    Le projet de ramener la morale « laïque » à l’école séduit manifestement beaucoup de monde, à droite comme à gauche. Il repose cependant sur une idée profondément conservatrice : le problème principal de l’école ne serait pas qu’elle manque de moyens matériels, et qu’elle est incapable, aujourd’hui, de compenser les injustices causées par un système économique et social profondément inégal. Non. Le problème, c’est l’immoralité des élèves, plus exactement l’immoralité des élèves des quartiers défavorisés ! Car pourquoi auraient-ils besoin de cours de morale, s’ils étaient déjà moraux ?

    En affirmant que la France a besoin d’un « redressement moral » avec des accents réactionnaires un peu gênants pour tous ceux qui veulent soutenir ce gouvernement, l’actuel ministre de l’Éducation nationale, dont les engagements à gauche sont pourtant incontestables, consacre l’hégémonie de la pensée conservatrice sur le sujet de l’école, comme d’autres ministres de gauche l’ont consacrée, par leurs déclarations, sur l’immigration ou la sécurité. C’est une tendance qu’il faut, je crois, essayer de combattre sans se lasser.

    Q2C - Ce qui distingue aussi le projet de Vincent Peillon de celui de ses prédécesseurs, c’est l’adjectif « laïque » accolé au terme de morale. Comment comprendre cette démarche et ses impasses ?

    R. O - Il ne faut pas être naïf. On ne peut pas ignorer ce que sont devenus les mots « laïque » et « laïcité » dans le débat public aujourd’hui.

    Loin d’exprimer la défense de la justice sociale, des droits et des libertés individuelles, comme ce fut le cas à certains moments de l’histoire, les mots « laïque » et « laïcité » servent à glorifier la Nation et ses « traditions » (gros rouge et saucisses de cochon, entre autres), et de discréditer les minorités religieuses qui ont le « culot » de revendiquer l’égalité dans la possibilité de s’exprimer publiquement et de vivre selon leurs propres habitudes culinaires ou vestimentaires.

    femme-voileePour éviter ce danger, il faudrait dire et répéter que l’usage public des mots « laïque » et « laïcité » ne vise nullement à étouffer le pluralisme des mœurs, la diversité des habitudes culinaires et vestimentaires, à rejeter les revendications présentes à l’expression publique des minorités religieuses, ou à stigmatiser telle ou telle population déjà défavorisée. Ce que le ministre ne fait pas suffisamment à mon avis.

    C’est pourquoi je me suis permis de suggérer que son projet peut parfaitement être compris comme visant en priorité, les jeunes des quartiers défavorisés, généralement accusés d’être trop sensibles à l’appel de l’intégrisme religieux musulman, d’être trop violents et trop incivils, des jeunes dont tout le monde semble penser qu’il serait urgent de les « discipliner », et de les ramener dans le « droit chemin » de l’uniformité républicaine.

    En effet, même si sa portée est plus large dans l’esprit du ministre, c’est ainsi que son projet d’enseignement de la morale laïque est généralement interprété, et c’est ce qui explique pourquoi il suscite un tel enthousiasme, même à l’extrême droite… et même chez les croyants catholiques !

    Selon un sondage IFOP effectué du 4 au 6 septembre 2012, après que Vincent Peillon ait annoncé pour la première fois son projet d’un enseignement de morale laïque, 86% des catholiques étaient pour des cours de morale laïque ! (Dimanche Ouest-France, 8 septembre 2012). C’est quand même significatif. Même les plus catholiques semblent apprécier la laïcité lorsqu’elle est comprise ainsi !

    En fait, le ministre de l’Éducation nationale n’a probablement pas l’intention, par son projet, de stigmatiser une population Il vise plutôt à obtenir une sorte de consensus sur ses projets de réforme de l’école, et il sait que l’idée d’un retour de la morale peut servir de base à ce consensus, parce qu’elle est approuvée par la majorité des citoyens. Mais le danger politique de voir la morale dite « laïque » mise au service de la stigmatisation des musulmans existe clairement à mon avis.

    Q2C - L’ouvrage aborde cet enseignement de la morale d’un point de vue philosophique. Mais c’est aussi une réflexion pédagogique puisque vous y poser la question de la possibilité d’un tel enseignement, de ses modalités et surtout de son efficacité. Quelle conclusion en tirez-vous ?

    R. O. - Le projet de faire revenir la morale à l’école part du postulat que la morale peut s’enseigner au moyen de cours et d’examens, comme si c’était une connaissance théorique du même genre que la physique - chimie ou l’histoire - géographie.

    amour du travailIl ne tient pas compte du fait que ce postulat n’a rien d’une vérité d’évidence, et qu’il est disputé depuis l’antiquité. La morale peut-elle s’enseigner ? Et si son enseignement est possible, doit-il se faire de façon magistrale au moyen de cours et d’examens ? Ne consiste-t-il pas plutôt à montrer l’exemple, et à donner l’envie de le suivre ? Les examens de morale devront-ils vérifier, la connaissance de l’histoire des idées morales, celle des principes de la morale, ou la moralité des conduites de l’élève ? L’élève devra-t-il seulement montrer qu’il sait ce qu’est la vertu, ou devra-t-il prouver qu’il est devenu vertueux grâce au programme ?

    Toutes ces questions philosophiques se ramènent en fait à une seule plus terre-à-terre : l’enseignement de la morale laïque devra-il ressembler à celui des sciences naturelles ou de la natation ? Savoir nager ne consiste évidemment pas à être capable de décrire les mouvements de la brasse sur une copie d’examen ! Et si apprendre la morale laïque, c’est comme apprendre à nager, si c’est la transformation des conduites de l’élève qui est visée, comment sera-elle évaluée ? En soumettant l’élève à des tentations (tricher, voler, mentir, tromper, etc.) pour voir s’il y résiste ? En instaurant une surveillance permanente des élèves en dehors de l’école par des agents spécialisés ? En construisant des confessionnaux « laïques » où l’élève devra avouer au professeur de morale ses péchés contre le « vivre ensemble » ou le bien commun ?

    Finalement, lorsqu’on s’interroge sur la possibilité même d’enseigner la morale à l’école, on ne peut pas éviter de se poser des questions plus générales sur le contexte dans lequel les professeurs sont censés inculquer les valeurs suprêmes de la République : liberté, égalité, fraternité. Comment un enseignement de la fraternité peut-il être dispensé dans le contexte d’un système qui cultive la concurrence acharnée entre les élèves et les établissements scolaires ? Comment un enseignement de la liberté et de l’égalité pourrait être donné dans le contexte d’une institution organisée comme une armée, outrageusement centralisée et hiérarchisée, où les enseignants souffrent plus, finalement, de mépris et du contrôle permanent de leurs supérieurs que des provocations de leurs élèves ?Pour certains observateurs que l’état présent de l’école en France préoccupe, ce qu’il faudrait pour améliorer les choses, ce n’est pas plus d’autorité, de surveillance, de contrôle, mais plus de démocratie à tous les niveaux. En ce qui concerne les conduites « antisociales » à l’école, par exemple, ils constatent que les établissements dans lesquels les élèves participent à l’élaboration du règlement intérieur sont, par la suite, les moins exposés aux actes de violence. Cette hypothèse n’est probablement pas acceptée par tout le monde, mais elle mérite d’être explorée. En tout cas, s’il fallait choisir entre deux moyens de rendre l’école plus satisfaisante pour ses membres, enseignants et élèves, ou bien introduire plus de démocratie à tous les niveaux, ou bien restaurer des cours de morale laïque, je n’aurais personnellement aucune hésitation. Ce ne serait pas les cours de morale !

    Q2C - Le titre frappe fort, et, à première vue le lien entre « la guerre contre les pauvres » et la morale laïque ne semble pas immédiat. Est-ce que vous pouvez éclairer le rapport que vous établissez entre les deux ?

    R. O. - De nombreuses enquêtes montrent que l’explication de la pauvreté par la paresse n’a cessé de gagner du terrain dans le monde « occidental » au cours des années 1990, au détriment de l’explication par les phénomènes macro-économiques. Voyez par exemple celles dont fait état Nicolas Duvoux dans son excellent livre Le nouvel âge de la solidarité. Pauvreté, précarité et politiques publiques (2012).

    La Guerre aux pauvres commence à l’école : sur la morale laïque (entretien avec Ruwen Ogien sur le site Questions de Classe(s))L’idée qui se répand à nouveau, comme si on revenait au XIXe siècle, c’est que si vous êtes riche, c’est que vous le méritez, et que si vous être pauvre, c’est de votre faute. Vous ne vous levez pas assez tôt, vous ne cherchez pas un emploi avec suffisamment de persévérance, vous préférez être assisté, et ainsi de suite [NDLR ceci est tout simplement le cœur de l'idéologie capitaliste bourgeoise depuis l'origine ; et l'école 'républicaine' ne raisonne pas et n'a JAMAIS raisonné autrement !].

    On cherche de plus en plus massivement à « blâmer la victime ». C’est ce que j’appelle la guerre intellectuelle contre les pauvres.

    Cette guerre aux pauvres s’exprime aussi dans les tentatives d’expliquer la situation des plus défavorisés par des déficits moraux des individus, plutôt que par les effets d’un système social injuste à la base, et d’une redistribution des bénéfices de la coopération sociale et économique qui ne permet pas de compenser les handicaps initiaux.

    À mon avis, le retour de la morale à l’école exprime aussi cette philosophie, Mettre l’accent sur la nécessité de la morale à l’école permet de diminuer l’importance du facteur social dans l’explication de la violence et de l’échec scolaire. C’est en ce sens qu’on peut dire du retour de la morale à l’école qu’il est un nouvel épisode dans la guerre intellectuelle contre les pauvres, visant, comme les précédents, à les rendre responsables des injustices qu’ils subissent. S’ils échouent, c’est parce qu’ils sont immoraux.

    Q2C - Une telle annonce semble finalement avoir pour objectif de détourner les regards des véritables enjeux scolaires du moment et d’offrir une grille d’analyse conservatrice et réactionnaire de l’école. Le texte reste assez discret sur ces questions et en particulier, puisque c’est l’un de vos objets d’étude en tant que philosophe, sur la question sociale. Comment faites-vous le lien entre cette question sociale et l’école. Que pensez-vous par exemple des réflexions et des pratiques visant à faire advenir une « pédagogie sociale » ?

    R. O. - Pour ceux qu’on appelle les « nouveaux réactionnaires », l’école serait en pleine « décadence » parce qu’elle serait devenue trop démocratique (les élèves ne se lèvent plus à l’arrivée des professeurs, ils ont leur mot à dire sur des problèmes d’organisation interne de l’école, et les parents aussi : quel scandale !), trop pluraliste en matière religieuse (on peut manger « halal » ou « cachère » dans certaines cantines : où sont passées nos traditions ?), trop tolérante à l’égard des attitudes plus décontractées, et plus libres des jeunes d’aujourd’hui (on s’habille comme on veut, on flirte dans la cour, on fume à la sortie : on est passé directement de l’école - caserne aux maisons closes !)

    Ces critiques ne sont pas nouvelles, et elles rencontrent un certain écho chez les plus nostalgiques de l’école du passé.

    petain_coup_cairamieux.jpgCe qui est nouveau, c’est que certains penseurs veulent en tirer des conclusions agressives contre la démocratie, le pluralisme moral et religieux, et la tolérance en matière de mœurs en général. Du fait que, d’après eux, ces principes ne marchent pas à l’école, ils affirment qu’ils ne peuvent marcher nulle part !

    Le raisonnement est fallacieux du début à la fin. D’abord, ces principes ne marchent pas plus mal que ceux qui autorisaient les maîtres à tirer les oreilles des élèves, ou qui forçaient les élèves à cacher leur appartenance religieuse quand elle n’était pas chrétienne. Ensuite, même si ces principes ne sont pas pertinents pour l’école, il ne s’ensuit pas qu’ils ne peuvent pas l’être ailleurs.

    Il n’empêche qu’un discours radical sur les ravages de la démocratie, du pluralisme et de la liberté prospère sur le fond d’une description effrayante de la vie quotidienne dans les établissements scolaires des quartiers populaires.

    Ce que j’ai voulu, montrer, dans mon livre, c’est que contrairement à ce que les nouveaux réactionnaires proclament dès qu’on leur donne l’occasion de s’exprimer, ce dont l’école souffre, ce dont nous souffrons en général sans la société, ce n’est pas de l’excès de démocratie, de pluralisme moral et religieux, et de libertés individuelles, mais des restrictions de plus en plus fortes à la démocratie, au pluralisme, et à la liberté.

    Propos recueillis par Grégory Chambat pour Q2C





    À lire (l'époque où le 'p''c''mlm' valait encore quelque chose...) : Une école pour les masses, par les masses !

     


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  • Le texte de Kaypakkaya en (quasi) intégralité, traduit de l'anglais ; absolument FONDAMENTAL car en définitive tous ces régimes "laïcs"/"progressistes" des pays musulmans, encensés par la gauche occidentale contre les "islamiiiiistes" (y compris, on peut maintenant le dire, celui qui aura régné quelques années au Nord de la Syrie sous le nom de "Rojava"), sont en dernière analyse des kémalismes déclinés à l'infini (Mao y comparait aussi en son temps le Kuomintang de Tchang Kaï-chek, qui d'ailleurs s'y comparait volontiers lui-même) ; et donc des ennemis de la révolution démocratique anti-impérialiste authentique, qui dans la grande "région intermédiaire" qui court de l'Afrique du Nord jusqu'à l'Asie centrale, jouent dans le dispositif de domination impérialiste un rôle aussi fondamental que l'Entité sioniste... Et quelque part aussi, sachant que le kémalisme (et les Jeunes Turcs avant lui) se sont énormément inspiré du "modèle" français, une illustration magistrale et récente du concept "du jacobinisme à Thermidor" :

    http://ekladata.com/Kaypakkaya-sur-la-nature-du-kemalisme.pdf


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  • Cliquer sur l’image pour lire l’article de l’Organisation communiste Futur Rouge [remplacé par un article du Parti communiste maoïste de mai 2017, de meilleure qualité - bien plus riche d'enseignements quoi] :

    Kaypakkaya

    http://www.pcmaoiste.org/communique/hommage-a-ibrahim-kaypakkaya/


    Aujourd'hui
    , l’État turc est traversé par des puissantes contradictions : une fraction (de nouvelles couches) de la bourgeoisie, revendiquant l’héritage ottoman et musulman du pays et cherchant à ‘diversifier’ les tutelles impérialistes ou expansionnistes (comme le Qatar), se voulant elle-même expansionniste, ‘regarde vers l’Orient’ - en particulier vers le Machrek arabe - dans une démarche ‘néo-ottomane’ (‘crime’ pour lequel le Premier ministre Menderes, par ailleurs totalement pro-occidental et europhile, avait été destitué et pendu en 1960, ouvrant l’ère sinistre de l’État sous supervision militaire sous laquelle mourra affreusement torturé le camarade Ibo) ; tandis qu'une autre, la fraction ‘kémalo-militaire’, veut que la ‘Turquie’ reste un ‘poste avancé de l’Occident’ – hier contre le ‘péril rouge’, le nationalisme arabe et le social-impérialisme soviétique, aujourd’hui contre les ‘nouvelles menaces’ de l’Iran (derrière lequel se tiennent le ‘redressement’ russe et l’‘émergence’ chinoise), du national-islamisme arabe ‘djihadiste’ etc. En raison de cela, l’Occident impérialiste et en particulier les impérialistes européens, qui faisaient hier encore du pays leur ‘premier de la classe’, lui ferment aujourd’hui la porte au nez pour entrer dans l’UE. La crise syrienne, dans laquelle l’État turc est profondément impliqué, va certainement pousser ces contradictions à un degré d’acuité intenable [1] tandis que pour la classe ouvrière, la paysannerie pauvre, le Peuple kurde et les forces révolutionnaires (guérilla kurde, MKP, TKP/ML, MLKP, DHKP-C), il n’est toujours pas question d’‘indulgence’ de la part ni de l’une ni de l'autre fraction oligarchique.

    Ibrahim Kaypakkaya, fraternellement appelé ‘Ibo’ par les communistes de là-bas, est le théoricien révolutionnaire qui a rendu vie au mouvement communiste révolutionnaire dans l’État turc, en révélant correctement - pour la première fois - la nature du kémalisme : un régime bourgeois antipopulaire, assassin, fasciste et à la solde de l’impérialisme. Le kémalisme n’a rien été d’autre, en réalité, que le parachèvement de la ‘révolution bourgeoise’ des Jeunes-Turcs (1908) : une ‘révolution’ visant 1310812-Mustafa Kemal Pasasimplement - pour la bourgeoisie et autres grands possédants turcs - à éliminer la bourgeoisie compradore d’alors, intermédiaire depuis des siècles (dans les ‘échelles du Levant’) du Capital européen et qui était principalement non-turque (grecque, ‘judéo-espagnole’ ladino, arménienne, arabe chrétienne ‘syriaque’ etc.), pour prendre sa place. Elle ne visait NULLEMENT à briser le fond féodal de la société (par une révolution agraire) ni à une quelconque libération nationale. Dans ce but, les Jeunes-Turcs se lièrent à l’impérialisme allemand, qui cherchait à étendre son influence vers le Golfe arabo-persique (où ‘fleurait’ déjà l’odeur du pétrole) ; les Alliés franco-anglo-russes soutinrent alors les mouvements nationaux arabe (avec ‘Lawrence d’Arabie’), grec, arménien (qui subiront alors le premier génocide du 20e siècle) etc. et l’Empire ottoman fut entraîné par l’Allemagne dans sa défaite et démembré par le terrible Traité de Sèvres (1920). Mustafa Kemal (bientôt surnommé ‘Atatürk’, le ‘père de tous les Turcs’) fut simplement le ‘dernier des Jeunes-Turcs’, qui mena contre les Alliés vainqueurs de 1918 une guerre nationaliste pour finalement aboutir à un nouveau traité (de Lausanne, 1923) moins inique, fondant l’État turc tel que nous le connaissons. Dans le contexte des traités iniques d’après-Première Guerre mondiale, cette lutte nationale pouvait éventuellement revêtir un certain caractère objectivement progressiste et fut saluée comme telle par l’Internationale communiste, mais cela s’arrête là et ne signifie nullement une nature ‘progressiste’ en soi du kémalisme – ce qui fut pourtant l’erreur du mouvement communiste turc, dès le début (coûtant la vie à ses fondateurs, dont Mustafa Suphi) et jusqu’à Kaypakkaya. Le kémalisme, héritier des Jeunes-Turcs, tenta de garder le ‘lien fondamental’ avec l’impérialisme allemand, y compris sous le nazisme (Istanbul devint alors la ‘plaque tournante’ de la diplomatie et de l’espionnage nazis pour tout l’Orient), puis à partir de 1943-44 il se rangera résolument dans le camp occidental - alors que se dessine la Guerre froide. Il réprime avec une extrême brutalité les nationalités non-turques, notamment les Kurdes qui ont 'entrevu' l'indépendance en 1920 et se soulèvent dès 1924 avec Cheikh Saïd (... à l'époque sur une ligne conservatrice religieuse et anti-républicaine), ainsi que les Alévis (pour la plupart Kurdes ou Zazas) et - dit-on - des rescapés du génocide arménien lors des massacres du Dersim (1937-38).

    Free-KurdistanSur ce point, Kaypakkaya a beaucoup parlé de la question kurde et de la question des nationalités en ‘Turquie’ en général ; en fait, pour nous qui nous voulons également des révolutionnaires de libération occitane, il est absolument fondamental : il a en effet expliqué que les réalités nationales apparaissent avec l’aube du capitalisme, soit en Europe au ‘Bas Moyen-Âge’ (11e-15e siècle), et non à l’apogée de celui-ci, contrairement aux élucubrations thorézo-trotskoïdes à la ‘Voie Lactée’ sur de prétendues ‘nations en formation’ – comme en… Afghanistan, quelques jours avant que leurs compères de l’OOA (MLM-pM) ne sortent leur texte… parlant d’État regroupant plusieurs nationalités, ce qui est la thèse juste et celle du grand maoïste afghan (hazara) Akram Yari. Il ne s’agit pas pour nous de nier la communauté de destin historique qui nous unit depuis plus de 220 ans (d’abord derrière la bourgeoisie la plus avancée et démocratique, puis ‘à notre propre compte’), contre un État donc un ennemi commun et parfois contre des envahisseurs réactionnaires étrangers (1792-93, 1870-71, 1940-44), aux autres masses populaires de l’Hexagone - que ce soit des corons du Nord, des landes de Bretagne ou des quartiers populaires d’Île-de-France ; et qui nous unira encore dans la lutte révolutionnaire à venir pour le socialisme ; mais cela ne veut pas dire accepter que l’on nous nie comme réalité nationale alors qu’au milieu du 19e siècle un Jules Michelet ou un procureur impérial (de Napoléon III) dans le Var nous considéraient encore comme ‘pas la vraie France’, comme des ‘sauvages’ devant être ‘civilisés’ par le Nord, et qu’en 1942 le ‘bon docteur’ Céline nous qualifiait encore d’‘infect métissage négrifié’. Une négation qui est pourtant - et malheureusement - omniprésente dans le ‘marxisme’ hexagonal, y compris chez des ‘maoïstes’ comme les sus-cités…

    Le modernisme’ (‘progressisme’ pour certains...) dont fit preuve le kémalisme est en réalité un ‘pilier’ de son idéologie, qui considère que la ‘Turquie’ est un pays européen, occidental, et assimile le rejet de son ‘orientalité’ au rejet de l’arriération qui a selon lui conduit à l’effondrement de l’Empire [on qualifie parfois les couches sociales aisées et occidentalisées porteuses de cette idéologie de... "Turcs blancs" (beyaz türkler), par opposition aux (terme moins employé) "culs terreux" anatoliens "Turcs noirs" - kara türkler]. Il correspondait, d'autre part, à la mise en place en Anatolie du capitalisme bureaucratique - 'stade suprême' de la domination impérialiste sur un pays semi-colonial. Le Premier ministre ‘démocrate’ Adnan Menderes (1950-60) était ainsi par exemple un pro-occidental forcené, faisant entrer l’État turc dans l’OTAN, le Conseil de l’Europe etc., mais il critiquait également ce rejet de l’orientalité, de l’islamité de la Turquie ; il noua des liens directs avec son voisinage arabe et iranien, etc. : eh bien ce seul ‘péché capital’ contre l’idéologie kémaliste suffit à entraîner son renversement, et son exécution par pendaison l’année suivante. Ce coup d’État, suivi du retour au pouvoir de l'ex-successeur de Kemal à la présidence (et ami d’Hitler) Ismet Inönü, marqua le début de l’État sous supervision militaire, régime fasciste où les gouvernements civils sont ‘supervisés’ par un ‘Conseil de Sécurité Nationale’ des Forces armées et régulièrement entrecoupés de pronunciamientos militaires suivis de plusieurs années de loi martiale, de gouvernement militaire direct. Ibrahim Kaypakkaya a lutté et péri durant l’une de ces périodes (1971-74). Après un dernier coup d’État en 1997 (contre l’ancêtre de l’actuel parti ‘islamiste’ au pouvoir, suivi d’une nouvelle période ultra-répressive contre les forces populaires et révolutionnaires, les Kurdes, les ‘islamistes’ etc.), cette politique a commencé à être un peu remise en cause depuis 2002 avec l’arrivée au pouvoir de la fraction bourgeoise AKP : liée à l’origine à la petite et moyenne-bourgeoisie turque d’Allemagne et d’‘Europe médiane’ (de la Suède à l'Autriche), et donc à ces pays impérialistes, celle-ci s'est lancée - après une tentative infructueuse de ‘forcing’ à la porte de l’UE - dans une politique ‘néo-ottomane’ renouant le lien avec le voisinage arabo-musulman (car l'AKP c'est aussi le parti de l'hinterland, des "Turcs noirs", de l'Anatolie profonde qui se sent beaucoup plus proche-orientale qu'européenne), se rapprochant de l''axe' Iran-Syrie (plus maintenant) puis s’alignant sur le Qatar (historiquement lié aux Frères musulmans, dont l'AKP est proche), rejetant l’invasion US de l'Irak, critiquant la politique d’apartheid sioniste en Palestine (sans précédent pour la ‘Turquie’ depuis la création de l’État d’Israël), etc. etc. … Mais jusqu’à quand ? Les menaces de ‘reprise en main’ militaire ont émaillé toute la fin des années 2000, et restent latentes…

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/qu-est-ce-que-l-akp-a134714962

    Ces ‘pragmatiques’ issus de l’‘islamisme’, c'est-à-dire de l’expression du ‘capitalisme d’en bas’ (émergeant des ‘entrailles’ de la vie sociale, où les gens produisent et vendent, bref font du bizness et certains deviennent riches et d'autres pas...) contre le capitalisme bureaucratique ‘d’en haut’, sont en fait les véritables ‘nouveaux Menderes’ ; entre libéralisme économique, ‘ouverture’ politique par rapport aux ‘vaches sacrées’ du kémalisme, charité ‘sociale’ islamique, néo-ottomanisme tourné vers l’Orient et europhilie frustrée ; tandis que les partis de la ‘Juste Voie’ et de la ‘Mère Patrie’ (les héritiers ‘officiels’, fusionnés en 2007 dans un nouveau Parti démocrate’) sont en réalité plutôt ‘kémalo-libéraux’ (ce sont en fait les ‘partis’ des coups d’État militaires des années 1970 et 80, qui visaient aussi l’aile ‘sociale’/‘dirigiste’ du kémalisme afin d'instaurer le ‘néolibéralisme’ [2]). L'on observe d'ailleurs très nettement que ces forces 'semi-kémalistes semi-menderistes' özalo-demireliennes ont tendu ces dernières années à purement et simplement disparaître de la scène politique [aucun élu aux élections législatives de 2011 et encore - MàJ - à celles de 2015], qu'elles ont pourtant dominée entre les épisodes putschistes des années 1970 à 1990. Disparaître... phagocytées par l'AKP, ce représentant de la nouvelle bourgeoisie - petite, moyenne voire grande - de l'intérieur du pays (c'est très net sur les cartes électorales), hier déshérité par rapport aux régions de la Mer Égée et d'Istanbul (Turquie "moderne", "utile", économiquement avancée) et qui a connu au cours des dernières décennies un développement économique conséquent ("tigres anatoliens") : une nouvelle bourgeoisie qui a produit des militaires (y compris hauts gradés) permettant de contrecarrer les menaces latentes de coup d’État de l'aile "dure" kémaliste laïciste [les services secrets, le MİT, sont ainsi réputés totalement sous contrôle de l'AKP qui a interdit en 2012 toute poursuite judiciaire contre eux, et n'ont subi aucune purge après le coup d’État "güleniste" - "islamiste" modéré pro-occidental et kémaliste "turco-islamique" de droite - de 2016] ; peuplé la capitale économique stambouliote à la faveur de l'exode rural (Erdoğan devenant maire de la ville dès 1994) et petit à petit imposé l'hégémonie intellectuelle d'une sorte de "kémalisme islamisé" plus indépendant (voire hostile : "idéologie Vallée des Loups") vis-à-vis de l'Occident et "ottomanisant" (comprendre, tourné économiquement et diplomatiquement vers les pays arabes voisins), mais tout aussi réactionnaire ; une sorte (finalement) de nouvelle idéologie jeune-turque (l'idéologie du génocide arménien...) prête à toutes les malfaisances. C'est peut-être là, dans cette mutation de l'idéologie dominante de l’État, qu'il faut voir malgré les menaces la raison du succès et de la longévité de l'AKP - exceptionnelle pour un gouvernement civil issu des urnes depuis le milieu du 20e siècle.

    Pour les masses populaires, quoi qu'il en soit, l’oppression ne change guère : les communistes peuvent et doivent jouer de ces contradictions au sein de la classe dominante, mais cela ne fait pas de l'une ou de l'autre fraction une 'alliée'.

    tikbmayLe mouvement communiste anatolien (Turquie et Kurdistan du Nord sous occupation turque) est aujourd'hui actif et héroïque mais hélas profondément divisé, divisions qui ont parfois pu aller jusqu’à l’affrontement sanglant. Peut-être la situation a-t-elle quelque peu évolué depuis la mort de Kaypakkaya, il y a maintenant 40 ans, et lui manque-t-il alors une analyse de la société, des classes en présence et des rapports de force adaptée à notre époque... Il appartient à lui et à lui seul d'élaborer cette 'pensée' pour mener victorieusement la lutte révolutionnaire au 21e siècle. Souhaitons de tout cœur qu’il puisse bientôt s’unir sous la bannière du maoïsme et unir toute les forces populaires révolutionnaire, pour ABATTRE ENFIN cet État fasciste assassin de centaines de milliers de personnes du Peuple !

    De notre côté nous ne perdons pas de vue que l’État fasciste turc, s’il mène parfois sa propre ‘petite partition’ régionale (‘ottomaniste’ et/ou ‘panturquiste’), n’en reste pas moins un État LAQUAIS du Grand Capital impérialiste et notamment de l’impérialisme bleu-blanc-rouge et de son comparse allemand : à nous de mener sans relâche notre lutte révolutionnaire au cœur du monstre, au cœur des métropoles impérialistes ; telle est NOTRE TÂCHE dans la gigantesque, grandiose œuvre révolutionnaire de libération de l’humanité !

    « Le camarade Ibrahim vit toujours dans le cœur de millions d’opprimés, et le jour viendra où nous le vengerons ! »


    guerillatikko


    Hommage a Ibrahim Kaypakkaya
    par Socialisme44

     


    [1] Nous ne croyions pas si bien dire... puisqu’à peine deux semaines après la publication de cet article débutait le mouvement de Gezi/Taksim contre la destruction d'un espace vert historique d'Istanbul pour y construire un centre commercial ; mouvement de type Indigné-e-s/Occupy/'Printemps arabe' rassemblant pêle-mêle toute la 'Turquie non-AKP' : révisionnistes du TKP et des grands syndicats, écologistes et 'gauches radicales' diverses, trotskystes, anarchistes, jeunesse 'cyber-démocratique' de type 'Printemps arabe', marxistes-léninistes et maoïstes avec de grands portraits... de Kaypakkaya, Kurdes et autres minorités, mais aussi... des kémalistes 'de gauche' (CHP et DSP) et il n'est même pas improbable que des Loups Gris (MHP) d'extrême-droite aient pointé le bout de leur nez [ils le pointent de toute façon partout et, laïcistes (bien que plus 'ouverts' que les kémalistes sur la question), foncièrement hostiles à toute concession aux minorités et viscéralement anti-arabes (panturquistes, anti-ottomanistes), ils ne portent pas spécialement l'AKP dans leur cœur - ils participaient à la dernière coalition 'laïque' (1999-2002) battue par ce dernier en 2002]. Toutes les contradictions du pays ont alors jailli au grand jour ; la politique du gouvernement en Syrie voisine, et plus largement son alignement constant sur le Qatar et le Golfe, ont notamment été mis en cause. Comme tous les camarades maoïstes (1 - 2), Servir le Peuple salue le mouvement dans ses composantes progressistes/démocratiques et ses potentialités pour le développement de la conscience et de l'organisation de classe sur les rives du Bosphore, dans une perspective de longue durée pour construire l'antagonisme populaire. Nous restons toutefois prudents quant à sa récupération au profit d'un 'retour en force' kémaliste [y compris 'de gauche' : cela ne veut rien dire, rappelons qu'en 1999-2002 (sous le régime du 'coup d'État postmoderne' de 1997) les kémalistes 'de gauche' de Bülent Ecevit étaient en coalition... avec la droite kémalo-mendero-thatchérienne (ANAP) et le MHP/Loups Gris ultra-fasciste !]. Les tentatives n'ont pas manqué depuis bientôt 11 ans que l'AKP est au pouvoir, et la présence massive des révisionnistes (TKP et syndicats DISK et KESK) kémalo-complaisants dans le mouvement tend largement en ce sens. La dernière période (1997-2002) de 'tout sauf l'AKP' (à l'époque le Refah de Necmettin Erbakan), pilotée par les militaires du Conseil de Sécurité Nationale, n'a pas spécialement été une période de libertés démocratiques florissantes... mais au contraire de répression brutale et tous azimuts ! Le 'printemps' stambouliote pourrait alors se refermer sur un 'hiver' bien pire encore que celui infligé par les amis de l'AKP aux masses populaires de Tunisie, d'Égypte, de Libye etc. [MàJ 26/06 : menace confirmée par un militant marxiste local dans cette interview sur laquelle nous avons finalement mis la main... des éléments kémalistes CHP et d'extrême-droite nationaliste ont infiltré le mouvement 'Taksim/Tahrir' d'Istanbul et tentent d'en faire le déclencheur d'une 'reprise en main' militaire.]

    [2] Les années 1970 (après le coup d’État de 1971 et le "gouvernement d'union nationale" jusqu'en 1974) sont dominée par une alternance entre Demirel (Parti de la Justice, héritier 'prudent' de Menderes) et Ecevit (Parti républicain du Peuple, kémaliste). Dans une situation politique et sociale de plus en plus tendue, les militaires essayent de faire travailler ces deux grands partis de la bourgeoisie ensemble mais les antagonismes d'ambitions et de personnes (ainsi que le souvenir de l'exécution de Menderes) rendent la chose impossible, ce qui conduit au coup d’État de 1980. Celui-ci (qui rendra le pouvoir aux civils au bout de 3 ans, après avoir fait promulguer une nouvelle constitution) met durablement Demirel sur la touche en ouvre l'ère Özal (Parti de la Mère Patrie, très 'néolibéral') jusqu'en 1991, ensuite de quoi Demirel et son héritière Tansu Çiller feront un bref retour jusqu'à la victoire électorale des 'islamistes' en 1996.

     


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  • Le 'FLNP' (Front de Libération Nationale de la Provence) a encore frappé… Après une première action, en janvier, contre une agence immobilière à Garéut ('Garéoult') dans le Val d'Issole (l'engin explosif n'avait pas explosé) ; puis une autre en mars contre une autre agence immobilière à Sant Nàri ('Sanary'), faisant des dégâts matériels légers ; c'est le 6 mai dernier un établissement bancaire de la BNP Paribas (l'un des 'géants' financiers BBR) à Draguignan, la 'capitale' administrative du Var, qui a été visé (la bombe de faible puissance a été désamorcée par les forces de l'ordre bourgeois). Mais surtout, pour la première fois, des tracts de revendications ont été retrouvés sur les lieux de l'attaque, permettant enfin (peut-être) d'en savoir un peu plus sur ce 'mystérieux' groupe. L'un de ces tracts, le jour même des évènements, a été reproduit sur le site de la presse régionale de régime, le 'petit empire' Nice/Corse/Var-Matin. Mais voilà : le texte du tract en question était... flouté ! Comme c'est étrange... Se pourrait-il que ce tract dise quelques vérités qui dérangent, dont le système voudrait 'préserver' des masses populaires 'tellement influençables' ? Le 'petit souci' c'est que sans besoin d'être un grand hacker, il est très facile de déflouter légèrement un floutage informatique (du coup ils ont carrément supprimé la photo du tract... mais trop tard, nous l'avions téléchargée ! ).

    pro.jpgVoici ce que nous avons pu en décrypter :

    « ESPECULAIRE ET TOUT (…) DEFORS ! [Spéculateurs et tous (…) dehors !]

    Notre terre est devenue la colonie des spéculateurs et des nantis en tout genre, colonisation encouragée par l’État français, ses élus et subalternes, (qui ?) nous (…) de notre pays.

    La Provence est la terre des Provençaux, nous n’en revendiquons aucune autre, nous entendons bien la défendre par tous les moyens que nous jugerons nécessaires à la libération de notre pays. Tout Provençal doit passer en priorité sur sa terre, dans tous les domaines, acquérir son logement (…) assurer le bien-être de sa famille et de ses enfants.

    QUICONQUE SE CONDUIT EN PAYS CONQUIS CHEZ NOUS SUBIRA LES CONSÉQUENCES DE SES ACTES, TOUS CEUX QUI N’ONT PAS VOCATION À (rester ?) EN PAYS PROVENÇAL DOIVENT QUITTER SANS DÉLAI NOTRE TERRITOIRE, LES TRAÎTRES ET LES VENDUS À L’ÉTAT FRANÇAIS SERONT PLUS DUREMENT FRAPPÉS. TOUS SONT DÉSORMAIS PRÉVENUS.

    PATRIOTE, rejoins la lutte, rejoins le FLNP, rejoins-nous par tes actions contre l’envahisseur, tu regagneras ta liberté.

    LIBERTA PER NOSTRE POBLE, PER NOSTRO TERRA, PER NOSTRO NACIOUN [Liberté pour notre Peuple, pour notre terre, pour notre Nation]

    AVEN UNO LENGO, UNO CULTURO, UN DRAPEU, UNO IDENTITA, UNO TERRA, UN PAIS, PROUVENÇO TERRA NOSTRO. [Nous avons une langue, une culture, un drapeau, une identité, une terre, un pays ; Provence notre terre]

    OSCO PROUVENÇO – FLNP   [VIVE LA PROVENCE – FLNP] »


    En fin de compte... le communiqué ne dit rien de bien 'spécial'. Il ne permet toujours pas de rattacher les auteurs à une idéologie précise. En fait, le groupe semble sur la ligne du nationalisme corse dont il s'inspire manifestement (ne serait-ce que déjà pour le nom...) ; il se veut sans doute, comme celui-ci, 'rassembleur' en évitant les propos ‘idéologiquement tranchés' – ce qui, à notre sens, est peut-être 'payant' dans l'immédiat mais une erreur à long terme. Pour autant, rien que cela semble déjà intolérable pour le système bourgeois bleu-blanc-rouge et sa presse aux ordres… Quant à l’‘occitanisme de régime’, ces ‘bouffons de la République’ comme il y avait jadis des bouffons du roi (phénomène bien abordé ici), il dit ‘comprendre et partager totalement’ les revendications du FLNP sur la question immobilière (qui, en même temps, affirmerait sérieusement être ‘pour’ la crise du logement ??) mais condamne la ‘violence’, pourtant jusqu’ici ‘zéro morts/zéro blessés’ mais qui ‘pourrait’ en faire selon eux. Comme si la première violence n’était pas celle subie par les familles populaires incapables de trouver un logement décent… et de toute manière, tout révolutionnaire conséquent sait bien qu’il n’y a pas de plus grands terroristes que les États qui nous dirigent (et dirigent le monde).

    Le ‘FLNP’ considère peut-être qu'il faut d'abord 'libérer' la Provence, se séparer de l’État français et ensuite... il y aura une 'démocratie' (bourgeoise) avec une 'droite' et une 'gauche', des élections et des alternances ; simplement, un ‘gouvernement des Provençaux par les Provençaux’ (comment les définit-on d’ailleurs, qui est provençal et qui ne l’est pas ?) serait 'naturellement' plus conforme à 'l'intérêt général' des habitants de la Provence... C'est là une conception fondamentalement erronée, démentie par des dizaines de néo-colonies à travers le monde : si l'on ne pose pas la QUESTION DU POUVOIR, de QUELLE CLASSE DIRIGE (prolétariat à la tête des classes populaires – petits employés, paysans pauvres etc.  ou petite minorité de bourgeois), on ne résout rien comme le disait déjà dans les années 1910 le héros révolutionnaire irlandais James Connolly : "Si dès demain vous chassiez l’Armée anglaise et hissiez le drapeau vert sur le Château de Dublin, à moins que vous ne proclamiez la République socialiste, vos efforts auraient été vains. L’Angleterre continuerait à vous dominer. Elle vous dominerait par l’intermédiaire de ses capitalistes, de ses propriétaires fonciers, de ses financiers, de toutes les institutions commerciales et individualistes qu’elle a plantées dans ce pays et arrosées des larmes de nos mères et du sang de nos martyrs".

    cote_d_azur_ferienhaus.jpgPar 'spéculateurs' il faut très certainement entendre les spéculateurs IMMOBILIERS, et par 'nantis' les grands bourgeois héliotropes ('cherche-soleils') qui infestent la région de leurs résidences secondaires : la 'campagne' actuelle du groupe est en effet essentiellement dirigée contre la PRESSION IMMOBILIÈRE, comme l'attestent les deux premières cibles ; une pression (prix du mètre carré) devenue, dans ce département de Provença, absolument intolérable pour les classes populaires. Ce point avait déjà été abordé, après l'action de Sant Nàri, dans un article du blog 'frère' Sheisau Sorelh à ce sujet.

    Mais, et c'est sans doute là le plus important à souligner, le communiqué de revendication s'en prend clairement à l’État français, 'ses élus et ses subalternes' ('caciques' locaux qui sont un élément structurel de l'organisation sociale occitane sous domination BBR et cadres administratifs, policiers, judiciaires et militaires) et les ‘traîtres et vendus’ à lui, qui sont 'désormais prévenus'. L’État semble ici bien identifié comme l’ENNEMI PRINCIPAL, création et arme de l’oppresseur bourgeois (comme les 'spéculateurs et nantis' en question) ; et non comme un simple 'complice' d'un autre phénomène déplaisant, que l'on pourrait réussir à 'détacher' de celui-ci : pression immobilière, ravages environnementaux ou 'mondialisation marchande' si l'on est sur une ligne 'altermondialiste' ; 'mort du petit commerce', 'racket' du fisc et des radars routiers ou 'immigration incontrôlée' si l'on est sur une ligne poujadiste fascistoïde. C'est là un antagonisme assumé qui est, pour nous, hautement positif ; un antagonisme pour lequel, déjà, une grande majorité de la 'gauche radicale' hexagonale n'a pas de leçons à donner au 'FLNP'. Généralement l'extrême-droite (profondément implantée dans la région, tant le FN que les Identitaires) est profondément respectueuse de l’État, certes ‘corrompu’ par une 'élite mondialiste' mais restant intrinsèquement 'sain' et même 'l'ultime recours' de 'ceux qui n'ont plus rien'. Plus largement, l'extrême-droite rejette les attaques et les dégradations tant contre les 'biens publics' (que l'on 'paye avec nos impôts'), à l'exception peut-être des radars routiers, des agences du fisc ou de l’URSSAF (les 'racketteurs') que surtout  contre la 'propriété privée' – sauf bien sûr lorsqu'elle est 'allogène' : épiceries arabes, kebabs, mosquées voire cimetières musulmans etc., là ‘on peut dévaster’ sans problème ! Et si pour dénoncer la ‘finance mondialisée’ et ‘apatride’ il y a toujours ‘du monde’, l’on trouvera rarement des attaques contre la spéculation immobilière… et pour cause : les cadres politiques d’extrême-droite sont souvent, comme tous bons bourgeois BBR, de ‘jolis’ ‘petits’ propriétaires de ‘parcs’ fonciers !

    Une autre chose qui mérite d'être soulignée, sur ce point, c'est que le communiqué n'évoque à aucun moment des thématiques réactionnaires comme 'l'immigration', 'les étrangers', 'les Arabes' (même comme 'instruments' de l'État français dénoncé), forcément ‘délinquants’ et ‘parasites’, sur un territoire où la question est pourtant 'bien présente' et les propos xénophobes à ce sujet font partie pour ainsi dire du 'fond de l'air'... C'est plutôt positif, car cela serait totalement incompatible avec une démarche de libération révolutionnaire occitane telle que nous la concevons : dans notre Occitanie conçue comme projet révolutionnaire nous affirmons être un Peuple du Nord de la Méditerranée, un 'pont' entre l'Europe et l'Afrique, entre l''Occident' et l''Orient' ; et de toute manière, l'immigration (dont les immigré-e-s et les 'colonies intérieures' eux/elles-mêmes sont les premières victimes) comme le racisme envers celle-ci ne sont que les conséquences de l'impérialisme français dont nous-mêmes, Occitans, avons été les premières victimes sacrificielles et fondatrices voilà 8 siècles. Être raciste fut-ce sur un mode paternaliste  envers les ‘extra-européens’, c’est un ‘reflet dans la pensée’ de l’histoire (et du présent !) impérialiste de la ‘France’ : ÊTRE RACISTE C’EST ÊTRE (idéologiquement) ‘FRANÇAIS’, ce que le FLNP affirme vouloir rejeter.

    En Hexagone l'extrême-droite est généralement tout au plus 'régionaliste' ; l'on ne peut guère citer comme extrême-droite réellement 'séparatiste' (qui attaquerait l'appartenance à l'État français dans ses tracts) qu'Adsav en Bretagne et sans doute quelques courants néo-nazis alsaciens... ces forces ne manquant jamais de pointer du doigt "l'immigration-colonisation" comme "arme de l'État français jacobino-mondialiste". Mais ces thèses d'"ethnocide immigrationniste" développées par ces groupes (ainsi que parfois par certains courants en Corse) sont absurdes et ne tiennent pas la route : pourquoi l’État français voudrait-il remplacer les Provençaux (et les Occitans en général), les Bretons ou les Corses par une population réputée encore moins gérable, dont on sait pertinemment (et l'on voit tous les jours) qu'elle nécessite une mobilisation policière permanente, et non (tout simplement) par de bonnes petites classes moyennes du Bassin parisien qui ne demandent que cela vivre et travailler (ou passer leur retraite) au soleil ? Ce qui est d'ailleurs le cas et que (précisément) combat le FLNP – mais ce n'est pas non plus véritablement une "politique de peuplement" pour "faire disparaître" la population locale ; plutôt une logique capitaliste d'exploitation d'un marché (celui de "l'immobilier au soleil") au détriment des besoins populaires locaux et que l’État (instrument de domination du Capital) protège comme tous les "marchés" capitalistes... La vérité c'est qu'entre 1945 et les années 1980 a été "importée" de la force de travail des anciennes colonies françaises (ou des 'DOM-TOM') pour les besoins du capitalisme français, phénomène concernant tout l'Hexagone, parce que la force de travail hexagonale n'était pas suffisante et/ou pas assez facilement exploitable par rapport à ces besoins. De fil en aiguille, ces travailleurs ont fait souche dans des quartiers transformés en ghettos ("quartiers sensibles") où ils ont eu des enfants et maintenant des petits-enfants, qui sont maintenant l'essentiel des "Arabes" et des "Noirs" présents en Occitanie comme ailleurs. Aujourd'hui il y a toujours des personnes qui veulent immigrer sur le territoire de l’État français, certaines y parviennent mais la position de l’État est qu'elles ne sont pas les bienvenues "étrange" : pourquoi n'en "remplirait"-il pas ces territoires dont il veut supposément voire "disparaître" la population autochtone, au lieu de leur donner la chasse avec des moyens policiers impressionnants ? Il n'y a pas de "politique" française visant à faire "coloniser" nos pays par des extra-européens ; et les immigrés-et-descendants sont tout ce que l'on voudra sauf la cause des problèmes de nos Peuples. Aller sur ce terrain-là c'est déjà avoir rendu les armes face à l’État français et au capitalisme bleu-blanc-rouge sous direction parisienne (dont il est l'instrument de domination).

    provence_libre.jpgNous en sommes encore (nous aussi !) au stade de l'enquête, sans laquelle pas de droit à la parole ; mais pour l'instant les premiers éléments sur le 'FLNP' semblent plutôt positifs - en tout cas pas rédhibitoires, pas de 'carton rouge' a priori. Peut-être que le FLNP – là encore sur une ‘ligne corse’ – prône pour une ‘communauté de destin’ : ‘indigènes métropolitains’, Maghrébins et autres Comoriens, soyez ‘provençaux de cœur’ et il n’y aura pas de problème ! Malheureusement c’est là une vision totalement idéaliste des choses, qui sont beaucoup plus compliquées : les ‘immigrés’ et leurs descendants, en Hexagone, sont les ‘ambassadeurs’ d’un autre cercle de l’Empire BBR ; les ‘Méridionaux’ plus anciennement ‘avalés’ par la construction étatique et impériale, plus ‘proches du Centre’, sont ‘au-dessus’ des immigrés-et-descendants dans l’‘échelle des valeurs sociales’ ; et cela ne peut pas plus être résolu par un simple ‘appel’ à ‘se sentir provençaux’… que par un simple ‘appel’ à ‘se sentir français’ !

    Le gros 'point noir' du communiqué, pour terminer, c'est son côté 'provençaliste' : écrit (pour les passages en occitan provençal) dans la graphie de Mistral, affichant en en-tête les couleurs sang et or de la région (sans aucun symbole idéologique distinctif), il ne fait nulle part mention de l'occitanité de la Provence, encore moins de sa méditerranéité ; il n'inscrit aucunement les problématiques strictement provençales (voire strictement varoises) dans la vaste question méridionale de l'Hexagone en général ; il n'évoque à aucun moment les grandes luttes populaires radicales en 'Espagne' proche ou en Italie pourtant voisine, ni au Maghreb dont les ports de Marseille et Toulon sont la 'porte'. Il n'intègre pas la dimension occitane qui seule, selon nous, est potentiellement révolutionnaire (sans l'être automatiquement). Il n'est pas question pour nous (c'est évident) d'imposer un quelconque 'jacobinisme occitan', de 'dupliquer' sur notre terre le 'rouleau égalisateur' que nous a imposé l'État français depuis 3 ou 4 siècles ; nous respectons et respecterons toujours les différentes variantes dialectales et les cultures populaires régionales de nostra Occitània. Mais historiquement, les courants qui cherchent à 'démembrer' régionalement l'Occitanie en ‘insistant’ sur sa diversité régionale (Provence, Auvergne, Béarn etc.) sont plutôt du côté de la réaction, ou alors finissent par y tomber tôt ou tard…

    De même la référence à 'l'identité', sans plus de précisions, peut être inquiétante... Pour nous, l''identité' en soi, cela ne veut rien dire sinon semer le plus grand confusionnisme de classe et idéologique. 'Identité', de la même racine latine que ‘identique’, n'a de sens qu'entendu comme ensemble d'êtres humains unis par 1°/ un même cadre POLITIQUE, 2°/ un même cadre ÉCONOMIQUE (communauté de vie productive, avec un mode de production principal), 3°/ un même cadre CULTUREL et IDÉOLOGIQUE : langue commune, culture commune (en tout cas commune au niveau de chaque classe de l'organisation sociale), 'sentiment' de commune appartenance, 4°/ éventuellement un projet historique commun. En Provence, le cadre politique a été le comté de Provence, catalan (puis aragonais) à partir du 11e siècle, puis passant aux ducs d'Anjou (frères cadets des rois capétiens de 'France') au 13e siècle avant d'être définitivement rattaché à la couronne en 1480. Le mode de production principal était alors FÉODAL, 'chapeautant' une économie 'holiste' communautaire-patriarcale dans les campagnes tandis que dans les centres urbains le capitalisme était déjà en développement assez avancé. La Provence a gardé une certaine 'identité' politique comme province (généralité, gouvernement militaire et ressort de parlement) sous l'absolutisme, tandis que le capitalisme se développait et 'balayait' petit à petit la féodalité. Puis, pour les Provençaux comme pour les autres 'Hexagonaux', la 'France', la 'Patrie française' avec son drapeau bleu-blanc-rouge, a été de 1789 jusqu'en 1871 (environ) le 'cadre' politique et idéologique de la révolution bourgeoise (comme projet historique) jusque dans sa plus extrême radicalité démocratique (1793-94, 1848, 1870-71), mais 'butant' et 'trébuchant' toujours au seuil de la révolution prolétarienne ; ainsi que le 'cadre' économique de la révolution industrielle ; et du coup... 'naturellement' le 'cadre' de la contre-révolution, des tentatives de barrer la route à cela : c'est ainsi que le poète-écrivain Frédéric Mistral, 'père' du provençalisme et plutôt du côté de la contre-révolution [1], pouvait dire "nous les Provençaux sommes de la grande France, franchement et loyalement" ("li Provençau, flamo unanimo, sian de la grande Franço, e ni court ni coustié"). Charles Maurras de Martegue (‘Martigues’), ‘fils spirituel’ de Mistral sur le plan culturel, ne dira pas autre chose quelques années plus tard. Culturellement et idéologiquement, les classes ‘supérieures’ ont à travers ces siècles globalement ‘fusionné’ avec leurs homologues hexagonales pour former les ‘honnêtes gens’, les ‘bons français’. La culture provençale a subsisté au niveau populaire, dans la 'ruralité' et dans la classe ouvrière naissante que celle-ci ira alimenter tout au long des 18e et 19e siècles (chant emblématique de l'Occitanie révolutionnaire, la Libertat verra le jour lors de la Commune de Marseille en 1871) ; puis, à partir de la fin du 19e siècle, elle subira elle aussi le 'rouleau compresseur' d'une idéologie BBR au stade des monopoles - l'on apprit alors à 'parler français et être propres'... Lorsque par trois fois (aux dates ci-dessus) la bourgeoisie eût écrasé la plus petite tentative d’affirmation autonome du Peuple travailleur, et qu’elle fût entrée concomitamment dans la première crise générale du capitalisme, alors la Provence (‘Midi rouge’ à l’époque), l’Hexagone et l’humanité entière entrèrent dans l’ère de la révolution prolétarienne ; et il n’y eut plus aucun ‘projet historique commun’, donc plus aucune ‘identité’ entre les masses populaires et leurs exploiteurs : la ‘croisade’ du FLNP contre la spéculation immobilière n’exprime pas autre chose que cet antagonisme d’intérêts inconciliables. Aujourd'hui, donc, l''identité' provençale/occitane est (en soi et encore plus pour soi, ‘consciemment’) bien mal en point : elle ne peut être que RESSUSCITÉE et cela n'est possible qu'à travers 1°/ un État révolutionnaire socialiste, fédération de Communes populaires, comme cadre politique, 2°/ une économie socialiste, collectiviste, mettant les travailleurs au poste de commandement et pavant la voie vers le communisme, comme cadre économique, 3°/ la transition révolutionnaire socialiste vers le communisme, la Révolution prolétarienne mondiale comme projet historique commun (relié à l’humanité entière !), 4°/ une culture populaire révolutionnaire provençale/occitane de type nouveau, mettant 'l'ancien au service du nouveau' (notamment la fonction de pont sur la Méditerranée qu'avait l'Occitanie indépendante du Moyen-Âge !) mais tournée vers l'avenir communiste, et non vers un 'folklore' du passé. Bref, cela n’est possible qu’à travers un projet révolutionnaire. Faute de saisir cela, le FLNP reste encore très largement sur une ligne nationaliste petite-bourgeoise ‘à la corse’, ligne qui a précisément conduit dans l’ornière la LLN de ce pays, dont il semble manifestement s’inspirer[2].

    Il est évident que si le 'FLNP' se révélait finalement être un groupe nauséabond, d'idéologie identitaire réactionnaire/fasciste, peut-être des 'dissidents' du Bloc identitaire local (forcément des dissidents, car le BI lui-même ne commettrait jamais de tels actes contre la sacro-sainte 'propriété privée'… ‘blanche et européenne’), toute l''extrême-gauche' BBR jacobinarde se ferait un plaisir de nous tomber dessus à bras raccourcis, 'coupables' que nous serions d'avoir 'pactisé' avec la 'bête immonde'... SAUF QUE nous serions les SEULS à avoir ENQUÊTÉ, à avoir cherché à savoir et à comprendre au lieu d'attendre bien sagement que... LES FLICS, les gardiens du Capital, fassent leur boulot pour se livrer ensuite à la curée sur les 'régionalistes fascisants'. Et sauf que (peut-être), lorsque des millions de personnes ayant les toutes les raisons du monde de faire la révolution (comme la pression immobilière par exemple !) 'préfèrent' tomber dans les bras idéologiques de l'extrême-droite... l''extrême-gauche' hexagonale ferait bien de commencer par se poser des questions sur elle-même ! À bon entendeur...

    Si, au contraire, le FLNP s’alimente d’une conception du monde ‘progressiste-révolutionnaire’, c’est alors la critique ‘classique’ du militarisme, de l’ultra-avant-gardisme armé qui doit s’exprimer : le FLNP doit parvenir à soulever, à se lier avec et à diriger un grand mouvement de masse contre (ne serait-ce que) cette pression immobilière dont il fait le cœur de son combat et qui ravage effectivement la Provence littorale ; sans quoi il restera une petite ‘minorité agissante’ coupée des grandes masses – qui seules font l’histoire. Rappelons-nous que même un mouvement aussi formidable que le mouvement socialiste-révolutionnaire de libération basque a connu cette dérive tragique pour son volet armé ; tandis que le volet ‘légal’ (illégalisé en 2002, mais bon...) se diluait dans une ‘gauche abertzale’ aux vagues contours ‘national-altermondialistes’…

    Pour le moment, wait and see...


    big provence flag

    [1] La réalité de la pensée politique mistralienne serait cependant beaucoup plus complexe... et le conservatisme catholique-royaliste anti-1789 ou le nationalisme réactionnaire avec ses 'petites patries' (comme la Provence) dans la 'Grande' (française) seraient plus le fait de ses 'continuateurs' comme Maurras ou Léon Daudet que de l'intéressé lui-même. Une complexité de parcours politique qui expliquerait la présence dans le Félibrige (dont Mistral revendiquait farouchement l'apolitisme) d'autant sinon plus de 'rouges' (républicains 'radicaux', socialistes ou socialisants et anticléricaux mais hostiles aux centralisme 'français' de Paris) que de 'blancs' nostalgiques (opportunistes) de l'Ancien Régime et des ses 'libres' provinces...

    [2] Rien d’étonnant, en fait, à cela ; car le Var a une ‘morphologie sociale’ et des ‘problématiques’ très comparables à celles de la Corse.

     

    À lire aussi (sans que cela ne veuille dire que nous partageons tout le propos) :

    http://7seizh.info/2013/05/13/front-de-liberation-nationale-de-la-provence-flnp-le-point-de-vue-diniciativa-per-occitania/

     

    Une série d’actions armées, qui n’ont fait aucune victime, vient d’un nouveau groupe clandestin: le Front de Libération Nationale de la Provence ou FLNP. Cette organisation a attaqué deux agences immobilières (Garéoult, 21.1.2013; Sanary-sur-mer, 23.3.2013) et une banque (Draguignan, 6.5.2013). Elle a laissé sur place des tags et des tracts qui revendiquent une “Provence libre” et qui dénoncent la spéculation immobilière.

    Iniciativa per Occitània, le laboratoire politique, prend les positions suivantes :

    1. En Provence comme dans le reste de l’Occitanie, il est légitime de se révolter contre la spéculation immobilière parce qu’elle prive les classes populaires de l’accès au logement et parce qu’elle dévaste l’environnement.

    2. La spéculation immobilière est encouragée par l’État français basé à Paris, par certains patrons sans scrupules et par l’absence d’un pouvoir politique proche des citoyens, en Occitanie en général et en Provence en particulier.

    3. Il est légitime de faire obstacle sur le terrain aux spéculateurs immobiliers et à l’État français centraliste. Pour ce faire, Iniciativa per Occitània préconise l’action politique ouverte, aux yeux de tous, non agressive, dans l’espace public.

    4. Iniciativa per Occitània ne croit pas en l’action armée clandestine, essentiellement parce qu’elle risque de provoquer des blessures chez des personnes innocentes. Les passants, les clients et les travailleurs salariés qui se trouvent dans les banques et les agences immobilières ne sont pas les responsables de la spéculation immobilière. Il faut garantir leur intégrité physique.

    5. Iniciativa per Occitània, sans approuver la méthode, comprend le sentiment de révolte et de désespoir qui a pu conduire à la création du FLNP. Et nous insistons sur le fait que les responsables ultimes du problème qui se pose, en tout cas, restent les spéculateurs immobiliers et l’État français centraliste.

    6. Iniciativa per Occitània dénonce les médias en langue française qui ont retenu l’information à propos du FLNP : ils ont cité le sigle “FLNP” sans expliquer ce qu’il signifie, ou bien ont publié une photo brouillée d’un tract du FLNP qui empêche de le lire en entier. Les citoyens d’Occitanie, et de Provence en particulier, ont le droit de savoir tout ce qui se passe pour se forger leur propre opinion.

    7. Nous souhaitons savoir exactement quelles sont les motivations politiques et idéologiques du FLNP, qui demeurent, à l’heure actuelle, peu connues.

    8. Iniciativa per Occitània rappelle, en tout cas, qu’une lutte de libération nationale doit se mener en cherchant une large adhésion populaire, à l’échelle de toute l’Occitanie, et que la Provence est une partie de la Nation occitane.

    Occitània liura!
    Free Occitània!

    Lo 12 de mai de 2013
    INICIATIVA PER OCCITÀNIA

     


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  • Lu sur le site du Monde (passages surlignés par nous) :06f84e5e-f1b6-11e1-ad05-94c6c3ae2c22-493x328

    "La France a besoin d'un nouveau 1958."Telle est la conviction de Jean-François Copé, exprimée dans une tribune publiée samedi 4 mai dans Le Figaro. "En 1958, certains pensaient que (l'Hexagone) était condamné à l'écrasement, prise entre deux blocs et trahie par des élites à bout de souffle. Le général de Gaulle a montré que la France avait toujours les ressorts pour repartir à l'offensive", écrit le président de l'UMP.

    À en croire ce dernier, le pays "a besoin d'une reprise en main, d'un sursaut national. Comme en 1958, ce sursaut ne viendra pas de la gauche, incapable de s'élever au-dessus de ses intérêts clientélistes". "Le pouvoir est faible, sans ressort, ni vision pour la France. Bringuebalé par le cours des événements, il fait honte aux Français. (...) Les dirigeants, dignes héritiers de la SFIO finissante, ne comprennent rien au nouveau monde en train de naître". ajoute-t-il.

    discours-1958-1969.jpg

    "Tous les grands engagements de François Hollande ont tourné au fiasco", estime Jean-François Copé, qui veut lancer "quatre grandes batailles". "Lançons la bataille de l'économie en renforçant le couple école-entreprise au lieu de les opposer", avance-t-il, tout comme "la bataille de l'autorité", celle des "institutions, pour réformer en urgence, sur la base d'un contrat clair avec les Français", et enfin, "la bataille de l'Europe, une Europe qui protège, une Europe des solutions". 

    ... CQFD 

    1958, pour rappel, c'est d'abord un coup d'État militaire et une insurrection réactionnaire de la (grande, moyenne et petite) bourgeoisie coloniale d'Algérie 'française', suivis d'un 'rappel en ALG-58-226-R128sauveur' (minutieusement orchestré par ses partisans) du général De Gaulle (qui avait dirigé, jusqu'en 1955, le RPF, formation de 'droite radicale' d'après-guerre "la moins éloignée de ce que l'on avait pris l'habitude, en France, de désigner comme le fascisme" dixit René Rémond), et de l'instauration au forceps d'une 'monarchie républicaine' qui, pour ne pas être strictement fasciste (n'étant pas dans un contexte de crise générale capitaliste, mais au contraire de prospérité), en présentait néanmoins bien des caractères...

     '1958', c'est donc un signifiant de 'reprise en main' et de 'remise en ordre' brutale de l’État et de la société hexagonale, signifiant que Copé ne peut évidemment pas ignorer et qu'il oppose, naturellement, à '1968', le grand mouvement populaire contre le régime gaulliste (précisément), à composante révolutionnaire mais avant tout ultra-démocratique et 'libertaire', synonyme pour lui de 'début de la décadence', une décadence qui s'est prolongée jusqu'à nos jours à page10atravers les honnies 'années Mitterrand'... il n'est nul besoin, à vrai dire, de parler de 'Mai 68 de droite' pour décrire l’époque que nous vivons : '1958' suffit ! Régime et 'classe' politique considérés comme en agonie terminale, avec une direction de ‘centre-gauche’ bourgeoise incompétente, pays en guerre (hier Algérie ou Cameroun, au lendemain du camouflet de Diên Biên Phu ; aujourd’hui Afghanistan, Mali etc.), ‘menace terroriste’ et ‘ennemi intérieur’ omniprésents, etc. etc. La 'révolution conservatrice' (déjà bien entamée ces dix dernières années) est résolument dans l'air du temps...

    Quant à Marine Le Pen, elle partage (évidemment) le même objectif et, à vrai dire, peu ou prou le même programme (Copé peut-être plus 'libéral-thatchérien', elle plus 'dirigiste-colbertiste' et ‘souverainiste’ sur la question européenne)... ils sont, tout simplement, deux sur la ligne pour un seul et unique fauteuil de Führer suprême ; d'où leur 'haine' de façade (vouée, de plus en plus, à s'estomper sous la 'pression de la base' des petits élus UMP) ! Selon les derniers - et terrifiants - sondages, si la présidentielle avait eu lieu ce dimanche, Sarkozy (mais ce pourrait être Copé) et Marine Le Pen (avec respectivement 34% et... 23% !) auraient éliminé Hollande dès le premier tour ; et au second, Sarkozy l'emporterait par environ 2/3 des voix (contre 82% pour Chirac face à Le Pen en 2002...). Nous assistons exactement à ce que nous avions annoncé dès avant l'élection présidentielle, mais encore plus rapidement que prévu : après à peine un an 11666 bigde pouvoir 'socialiste', de trahison social-libérale absolue des espoirs populaires, le 'peuple de gauche' est écœuré et désabusé, et la droite et l'extrême-droite ont conquis définitivement l'hégémonie intellectuelle en Hexagone. Autant dire que les 'jumeaux' de la réaction sur toute la ligne, Copé (Patrick Buisson en arrière plan…) et Le Pen, flairent le 'moment propice'... pour ne même pas attendre 2017 ! Et les appels démagogiques du sieur Mélenchon (et de ses suiveurs opportunistes NPA ou Verts) à une 'VIe République' bourgeoise, loin d'ouvrir la moindre perspective révolutionnaire, ne font qu'alimenter encore un peu plus cet 'air du temps' sinistre.algerie-de Gaulle1958

    On remarquera, aussi, que "l'Europe" est parfaitement saisie par Copé comme la seule voie praticable pour la bourgeoisie monopoliste BBR et ses comparses européennes ; ce qu'ont d'ailleurs compris toutes les 'droites radicales'/'populistes' et extrême-droites du continent, sauf la britannique (qui n'en a pas besoin, ayant l'alliance US et le Commonwealth)... et le FN, raison pour laquelle il reste encore 'marginalisé' malgré des scores électoraux de plus en plus importants. "L'Europe", donc, mais une Europe qui, face à sa crise actuelle, peut être 'repensée', par exemple vers une Europe 'à géométrie variable', ou 'resserrée' sur un 'noyau dur'... Lorsque l'intellectuel organique de la 'droite radicale' Éric Zemmour eric_zemmour_i.jpgdit que "la seule Europe qui eut été viable, c'est l'Europe de 1957, l'Europe carolingienne et napoléonienne, l'Europe des Six", il ne fait que dire tout haut ce que les bourgeoisies monopolistes des 'Six' en question (si l'on considère l'Italie dans sa seule moitié Nord) pensent tout bas : pourquoi avoir intégré, avec les mêmes droits et avantages, une représentation dans les institutions communes et un arrosage permanent d'argent public, des pays qui étaient censés être le 'premier cercle' de semi-colonies de la 'Banane bleue' France-Allemagne-Italie (du Nord)-Bénélux ? La Grèce, la Roumanie, le Portugal ou encore l'Irlande étaient 'faits' pour être des terrains d'investissements juteux, nom de nom, pas des 'partenaires' dont les technocrates et les élus au Parlement strasbourgeois sont sur un strict pied d'égalité avec les nôtres ! Et, 'pire que tout', pourquoi avoir accueilli, en 1973, une guillaume-peltier-secretaire-national-ump.jpgAngleterre (avec sa néo-colonie irlandaise et son proche vassal danois) qui veut tous les avantages sans aucune des contraintes, et n'agit en toutes circonstances que comme 'cheval de Troie' de Washington ? Parmi les soutiens de Copé, l'on trouve une 'Droite populaire' (Mariani, Luca etc.) ou encore une 'Droite forte' (Guillaume Peltier, Geoffroy Didier) qui sont, globalement, sur cette ligne : celle de la fraction ultra-réactionnaire mais réaliste des monopoles bleu-blanc-rouges...

    "Come un vecchio discende il fascismo / Succhia la vita ad ogni gioventù / Ma non sentite il grido, la sulla barricata / LA CLASSE OPERAIA L’ATTENDERA ARMATA !" (Luna rossa, chanson révolutionnaire italienne des années 1970)

      Anni di piombo2

     


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