• 1. Depuis désormais plusieurs mois, la grande ‘question de société’ (démocratique) du mariage pour les couples homosexuels secoue la société (les masses populaires) d’Hexagone, et permet le développement de GRANDES MOBILISATIONS RÉACTIONNAIRES DE MASSE – mais ce pourrait être, à vrai dire, n’importe quelle autre question (comme la peine de mort ou l’école privée au début des années 1980), l’’important’, l’aspect déterminant, étant que la ‘gauche’ de la bourgeoisie ait ‘atterri’ par accident au pouvoir et que cette ‘parenthèse politique’ ouvre, comme toujours dans l’histoire, à une recomposition, une/de ‘nouvelle(s) synthèse(s)’ idéologique(s) et une remobilisation de la réaction la plus noire.

    Printemps-Francais-LOLLa droite bourgeoise, dans toutes ses composantes depuis la libéral-démocratie ou la démocratie-chrétienne jusqu’aux semi-fascistes en passant par les ‘reagano-thatchériens’, a en effet dirigé l’État pendant 10 ans (2002-2012), et largement hégémonisé intellectuellement la ‘société civile’ hexagonale pendant cette période. Mais, face à la crise mondiale terminale du capitalisme, la tentative de ‘synthèse’ sarkozyste, la tentative de rassemblement ‘grand écart’ entre la chèvre semi-lepéniste ‘Droite populaire’ et le chou ‘républicain, humaniste et social’ à la Borloo, s’est avérée trop fragile et n’a pas résisté, tandis que de son côté, le ‘peuple militant’ d’extrême-droite, fascisant, déployait des stratégies (toutes) fort fructueuses, mais contradictoires entre elles : infiltration ‘classique’ de la droite ‘républicaine’ ‘dure’ (le plus éminent étant Patrick Buisson, conseiller de campagne de Sarkozy en 2006-2007 et 2011-12, passé depuis au service de... Copé) ; ‘réseautage métapolitique’ à base de ‘coups d’éclat’ médiatiques, de ‘maillage associatif’, d’élections locales et de ‘touchage’ de notables (Identitaires, UDN, national-catholiques) ; ‘dépassement’ de la traditionnelle haine anti-‘pas-blancs’ par la recherche de ‘valeurs communes’ avec les masses colonisées-intérieures les plus arriérées (Soral avec Dieudonné, Thomas Werlet avec Kemi Seba) ; ‘monolithisme oppositionnel’ FN sur une ligne souverainiste anti-‘Bruxelles’, ‘républicaine’ et social-populiste anti-‘système’, anti-‘UMPS’ etc. ; tout cela sans parler des contradictions dans la recherche d’alignement géopolitique de l’impérialisme BBR (ancrage occidentaliste ‘sans être les toutous des Américains’, ou anti-américanisme pro-russe quitte à se faire ‘tiers-mondiste’). Tout cela a donc finalement ouvert la voie à un retour aux ‘affaires’ de l’aile ‘libérale-démocrate de gauche’, ‘social-libérale’ de la bourgeoisie monopoliste, le PS ; mais avec une emprise idéologique de masse ridicule par rapport à 1981 ou même 1997 ; et, on l’a dit, à une profonde réorganisation et remobilisation du ‘peuple de droite’ le plus dur, à la préparation d’une CONTRE-OFFENSIVE qui, soyons-en sûrs, si la droite revient au pouvoir (ce qui est à peu près acquis) en 2017 avec un FN à 20 ou 25%, sera TERRIBLE.

    Dans le contexte, donc, du débat autour du ‘mariage pour tous’, a émergé par exemple la mouvance informelle du ‘Printemps français’, dont ont parlé récemment les camarades d’Alternative libertaire Montpellier : reprenant l’appellation médiatico-bourgeoise du ‘Printemps arabe’ (les grands révoltes populaires qui ont secoué le Maghreb et le Proche-Orient depuis 2011), ce mouvement dans lequel convergent aussi bien des éléments FN, villiéristes, national-catholiques ou identitaires que des ‘radicaux’ de l’UMP, prône une action ‘non-violente, mais pas forcément légale’, et ne fait finalement que reprendre un classique de l’hégémonie intellectuelle de droite depuis plus de 20 ans (depuis, en gros, les ‘années Mitterrand’) : nous vivrions en ‘dictature’, une dictature imposée par la ‘bien-pensance de gauche’, les ‘lobbys communautaires’ (LGBT, musulmans, afro-descendants et ‘immigrés’ en général, parfois juif), la ‘racaille raciste anti-blancs’ que la ‘bien-pensance’ et les ‘lobbys’ font prospérer, sans oublier les ‘syndicats de fonctionnaires et autres payés-à-rien-foutre qui nous prennent en otage’ ; et il faudrait ‘organiser la résistance’… Mais tout cela n’est encore pas grand-chose par rapport à une mouvance qui a émergé récemment parmi les plus réactionnaires des décérébrés-francisés d’Occitanie, là où l’idéologie OAS importée par les ‘rats-pas-triés’ colonialistes d’Algérie est la plus fortement implantée : le Front de Défense des Français (ce qui, en Occitanie, ne manque pas de sel…), des ‘déçus’ du virage ‘respectable’ de Marine Le Pen (qui a, notamment, refusé de se joindre aux ‘manifs pour tous’ et serait ‘prisonnière d’un lobby gay’ au FN) qui appellent (et se préparent) d’ores et déjà à la GUERRE CIVILE, vers laquelle la crise terminale du capitalisme nous conduit inexorablement. L'on notera ici l'aspect 'nébuleux', protéiforme de cette mobilisation ultra-réactionnaire de masse, CARACTÉRISTIQUE du fascisme 'français' qui est historiquement plus une affaire de squadrisme musclé et (surtout) de 'chaudron d'idées' et de 'lobbying' en faveur d'un 'pouvoir fort', d'un 'homme providentiel' qui surgira tôt ou tard pour 'remettre les choses en ordre' (comme Pétain en 1940), que d'un parti structuré autour d'un chef en vue de la prise directe du pouvoir (ceci n'a guère connu que trois exemples : le PSF du colonel La Rocque ; le RPF de De Gaulle - qui a finalement pris le pouvoir, mais n'a pas mis en place un véritable fascisme, et a 'trahi' dans une large mesure sa base sur la question de l'Algérie ; et le FN sous la direction de Marine Le Pen - son père ne voulait pas réellement accéder au pouvoir).

    Du côté de la ‘gauche radicale’, il ne faut pas oublier que la question démocratique des personnes homosexuelles et transgenre (et, à vrai dire, les questions démocratiques ‘de société’ en général) a longtemps été plus qu’un gros problème : pour le PCF de Thorez et Duclos, ‘la classe ouvrière (était) saine’, l’homosexualité (ou même simplement la liberté sexuelle) était un ‘vice petit-bourgeois’, et les homosexuel-le-s des ‘malades’ auxquel-le-s ‘le Parti ne veut pas de mal : nous allons les soigner’, car ‘les communistes sont de vrais hommes qui aiment de vraies femmes’… et du côté trotskyste, le PCI de Lambert (largement hégémonique jusqu’en Mai 68), ou même son clone de Frank et Raptis ne raisonnaient guère autrement (aujourd’hui, cela va se traduire, chez beaucoup d’organisations, non par une homophobie affirmée mais par – effectivement – un silence gêné sur la question, ou par l’affirmation qu’il y a là une ‘diversion’ par rapport aux 'vrais problèmes', un ‘débat de société indifférent à la classe ouvrière’, qu'il y a 'd'autres priorités', etc.).

    printemps-françaisIl y a là une conséquence directe de l’IDÉOLOGIE RÉPUBLICAINE ‘française’, directement ‘décalquée’ sur le mouvement ouvrier : ‘staliniens’ comme trotskystes recherchaient une ‘identité républicaine et socialiste organique’ du peuple ‘français’, identité de laquelle ‘rien ne (devait) dépasser’. Et il faut dire que ni le marxisme-léninisme ‘kominternien’ (y compris le PC chinois de Mao et, plus tard, le PC cubain du Che…), ni le vieux barbichu depuis son exil mexicain, ne poussaient spécialement dans une autre sens (au milieu des années 1930, l’URSS rétablissait pratiquement toutes les conceptions les plus bourgeoises des relations sociales à caractère sentimental et sexuel : pénalisation de l’homosexualité, interdiction du divorce et de l’avortement qu’avaient autorisés la Révolution d’Octobre, etc.). Seul le mouvement libertaire mettait en avant ces ‘droits’, dans une conception idéaliste petite-bourgeoise ‘radicale’ de la ‘liberté individuelle’. Selon le marxisme, ‘l’humanité ne peut répondre qu’à des questions qui se posent à elle’, mais cela n’est pas un argument ici, puisque l’homosexualité existe (et ‘pose question’) depuis aussi longtemps qu’existe l’espèce humaine elle-même : répandue et socialement acceptée dans l’Antiquité esclavagiste, mais sous une forme élitiste et violemment patriarcale (mode de domination des hommes mûrs sur les jeunes), elle s’est ainsi trouvée rejetée (comme la libre sexualité en général) par les ‘religions révélées’ du Ier millénaire (christianisme, islam, judaïsme talmudique), idéologies 'révolutionnaires' du passage à la féodalité, car associée à la ‘dépravation institutionnalisée’ et à l’esclavagisme sexuel qui prévalait dans l’esclavagisme en crise générale de l’Empire romain ; puis, le processus (parallèle à l’émergence du capitalisme) de construction de l’État moderne, à partir des 12e-13e siècles, a ouvert une ère de répression institutionnalisée et atroce (personnes brûlées vives, etc.), tout comme elle a donné naissance à l’antisémitisme et à la xénophobie ‘existentiels’, au suprématisme ‘blanc’ et chrétien etc., dans une logique où tout ce qui était ‘différent’ du modèle défini comme dominant (la famille bourgeoise ou laboureuse européenne-chrétienne) était potentiellement ‘subversif’ (pour le compte des exploité-e-s, ou pour le compte d’un pouvoir capitaliste concurrent), et devait donc être soit soumis, soit éliminé. L’accusation de ‘sodomie’ (qui pouvait désigner l’homosexualité en particulier, ou le libertinage sexuel en général) était ainsi fréquemment employée contre les ‘dissidents’, par exemple les Templiers ou encore les Cathares, et le terme de ‘bougre’/’bougrerie’, longtemps synonyme avant de perdre sa signification, vient d’ailleurs de ‘bulgare’ qui désignait les Bogomiles, parents balkaniques des Cathares. Il n’y a donc, pour le mouvement marxiste (‘stalinien’ ou trotskyste) du 20e siècle, pas vraiment d’’excuse matérialiste historique’ quant à ses positions sur cette question, mais plutôt un dégagement insuffisant de l’idéologie bourgeoise, elle-même pas encore tout à fait dégagée des conceptions féodales dans lesquelles a ‘baigné’ l’accumulation primitive du capital...

    C’est dans le contexte de Mai 68 qu’enfin, des forces marxistes (comme la Gauche prolétarienne et, plus encore, les ‘maoïstes libertaires’ de ‘Vive la Révolution’ (VLR), ou des courants trotskystes notamment dans et autour de la LCR) ont mis en avant cette question démocratique, et LES questionS démocratiqueS en général, rappelant au mouvement prolétarien qu’il n’avait pas vocation à n’émanciper que le prolétariat lui-même, mais aussi les masses populaires humaines dans leur totalité. Cependant, avec le grand recul connu par le mouvement communiste international depuis cette époque, ces conceptions ont tendu en effet à ‘régresser’ vers un ‘libéralisme-libertaire’ idéaliste et à s’aligner sur la gauche bourgeoise ‘moderniste’, perdant la capacité de compréhension du lien entre le modèle de société bourgeois (rejetant l’homosexualité, la liberté sentimentale et sexuelle etc.) et le mode de production lui-même (cf. ci-dessus). Aujourd’hui, cette hégémonie petite voire moyenne-bourgeoise (couches sociales urbaines, éduquées et aisées), ‘social-libérale-libertaire’, sur les mouvements d’émancipation féminine et homosexuelle, est une problématique réelle sur laquelle le mouvement communiste renaissant doit se pencher, problématique traduite notamment par la réaction des Indigènes au débat sur le ‘mariage pour tous’, réaction plus que critiquable, mais révélant bien l’état d’esprit ‘moyen’ du colonisé intérieur (et même du prolétaire ‘blanc’) des ‘quartiers’. Reste aussi en suspens, depuis longtemps, la question d’un mouvement d’affirmation lesbien autonome ; car, la ‘nature humaine’ léguée par des millénaires de société de classe étant ce qu’elle est, les ‘bonnes intentions’ ne suffisent pas et, souvent, les mouvements féministes sont ‘trustés’ par les femmes hétérosexuelles, et les mouvements homosexuels, par les homosexuels masculins… Les militantes lesbiennes se ‘réfugient’ alors, souvent, dans un ‘féminisme ultra-radical’ violemment gauchiste, anti-constructif et repoussoir pour les masses ‘lambda’ (tous sexes et genres confondus).

    559022 585350928150121 179315633 n

    2. Cette question permet aussi, encore une fois, de démasquer la pratique au service éternel de la réaction des ultra-gauchistes. Car, une fois constaté ce que tout le monde est tout à fait capable de constater (qu’un nombre considérable de personnes réactionnaires sont capables de se mobiliser en masse contre les droits démocratiques des personnes homosexuelles), le ‘p’’c’’mlm’ concentre encore une fois, comme à son habitude, ses attaques sur l’’extrême-gauche’ (le mouvement révolutionnaire ou ‘radical’ – potentiellement révolutionnaire – d’Hexagone), et en particulier sur ce qui a vocation à devenir sa ‘locomotive’, les véritables maoïstes qu’ils qualifient (dans un grand sac avec les pires débris du révisionnisme thorézien) de ‘marxistes-léninistes’. Ceux-ci seraient coupables de ‘ne jamais parler’ de la question ; tandis que de son côté le mouvement trotskyste, ‘main dans la main’ avec la social-démocratie, mettrait en avant un discours ‘libéral-libertaire’, avec des éléments ‘dissidents’ (comme l’électron libre Ilan Simon, ex d’ARS Combat) qui rejoindraient la mobilisation homophobe (cela, par contre, est vrai et plonge ses racines dans le lourd passif du mouvement ouvrier hexagonal, cf. ci-dessus).

    arton982-715ebSauf que cette affirmation est tout d’abord FAUSSE, puisqu’ont défendu les droits des personnes homosexuelles et combattu les mobilisations réactionnaires des organisations aussi variées que l’OCML-VP, l’Organisation communiste ‘Futur Rouge’ (ici et ici) – qui a précisément rompu avec le ROCML sur la question de ces ‘débats sociétaux qui n’intéressent pas le mouvement ouvrier’ ou le média communiste ‘Front pour la Libération de Classe’ (mais pas, en effet, le PCmF, sans doute très pris par son implication dans les luttes ouvrières concrètes de région parisienne) ; et ensuite, si position est prise, elle est de toute manière qualifiée de ‘libérale-libertaire’, ‘rejetant la social-démocratie mais ne la critiquant pas’ (???), etc. etc.

    D’une manière générale, le ‘p’’c’’mlm’ pourfend le ‘silence’ (totalement imaginaire) de l’’extrême-gauche’ sur cette question, mais, lorsqu’une organisation ou un média, ou même un individu isolé, prend position, si ce n’est pas homophobe (en tout cas, refusant l’égalité des droits) comme l’électron libre Ilan Simon, c’est alors ‘libéral-libertaire’… Nous avons là une méthode très subtile d’argumentation et de ‘démolition’ de l’’extrême-gauche’ au service de la réaction, méthode dont le ‘p’’c’’mlm’ est vraiment devenu un spécialiste émérite.

    Enfin, n’ayons pas peur de le dire, il y a tout de même du GRAND COMIQUE à s’ériger en donneurs de leçons absolus sur cette question, lorsque l’on se réclame de (et vénère à grandes prosternations) l’URSS de Staline et ‘le PCF des années 1930-40’, et que l’on connaît les positions de ces forces politiques sur l’homosexualité et les ‘questions morales’ à cette époque… (de même que lorsque l’on se pose en grands donneurs de leçons sur l’antisémitisme, et que l’on connaît les discours et pratiques de la direction ‘stalinienne’ sur cette question à la fin des années 1940/ début 1950). D’une manière générale, leur position vis-à-vis des personnes homosexuelles ou ‘transgenre’ est profondément ‘professorale’ et imprégnée de paternalisme.

    anti-homophobie3. La position réellement communiste révolutionnaire, sur la question démocratique LGBTI, est que la bourgeoisie capitaliste ‘de gauche’, par sa nature même de classe, est incapable d’assumer jusqu’au bout son propre libéralisme démocratique [1] : à ce stade du processus révolutionnaire et DONC de la conception communiste du monde, il n’y a fondamentalement pas grand-chose à redire à la conception bourgeoise libérale sur ces questions (l’État et les lois n’ont rien à faire dans les chambres à coucher des masses populaires) ; les arguments basés sur le prétendu ‘équilibre de l’enfant’ sont des fumisteries obscurantistes sans aucun fondement scientifique (si les couples homosexuels devaient élever ‘automatiquement’ des enfants homosexuels ou ‘perturbés’, alors ‘automatiquement’ les couples hétérosexuels devraient élever des enfants hétérosexuels et/ou ‘équilibrés’ : cette seule affirmation suffit à démontrer le ridicule de l’argument) ; en revanche, refusant que le marché capitaliste subsume (absorbe) une autre activité humaine, les communistes s’opposent au marché de la procréation pour autrui.

    En instaurant le ‘mariage pour tous’, la bourgeoisie capitaliste libérale ‘de gauche’ joue un rôle positif en faveur de l’égalité démocratique des personnes homosexuelles ; mais, dans le même temps, outre de valoriser et renforcer l’institution bourgeoise du mariage (au demeurant, tant les sociaux-démocrates que les ‘staliniens’ et les trotskystes n’ont jamais été très ‘avant-gardistes’ sur ce point au siècle dernier…) et de chercher (nature de classe oblige !), à chaque reconnaissance d’une liberté démocratique, à créer un marché pour le capital (comme cela s’est fait avec l’émancipation féminine dans les années 1960-80, la reconnaissance de ‘l’enfant/adolescent comme personne’, la ‘tolérance antiraciste’ des minorités etc. etc.), elle est incapable d’assumer de manière conséquente, à travers une véritable mobilisation progressiste de masse, ce petit bout de révolution démocratique véritable… pour la bonne et simple raison qu’aujourd’hui, au stade de l’impérialisme, seul le prolétariat révolutionnaire à la tête des masses populaires le peut !

    Les droits démocratiques LGBTI et la mobilisation réactionnaire de masse


    [1] Si l’on voulait résumer 800 ou 900 ans d’histoire du capitalisme en quelques mots, l’on pourrait dire les choses, présenter sa contradiction ‘existentielle’, ainsi : d’un côté il est un ‘centre d’impulsion’ d’humanisme, puisqu’il met en avant l’individu dans son individualité, contre l’individu ‘simple petit rouage’ de la société, ou simple chose que l’on peut s’approprier, utiliser et même détruire à volonté (conception esclavagiste qu’avaient déjà commencé à contester les grandes religions comme le christianisme, l’islam ou le bouddhisme) ; mais de l’autre, par ses contradictions mêmes et l’obligation de ‘gérer’ celles-ci, et même pour ‘forcer’ le développement de ses forces productives, il est obligé de s’appuyer sur un appareil politico-militaire et idéologique qui reprend, ‘rénovées’, les conceptions les plus barbares des temps médiévaux et antiques. Le capitalisme est apparu, aux 11e-12e siècles, dans des sociétés aux forces productives avancées où il a impulsé des modèles de société relativement ‘libéraux’ et humanistes (Italie, régions rhénanes, Espagne ‘maure’, Occitanie…) ; mais il n’a pu prendre réellement son essor qu’à partir du moment où il s’est/a été ‘recouvert’ de l’appareil politico-militaire et idéologique (d’encadrement des masses) qu’est l’État moderne, qui, lui, provient des terres les plus ‘moyennâgeuses’, aux forces productives les moins avancées : Nord de l’Hexagone ‘française’, Nord de la Meseta ibérique, Angleterre, Autriche des Habsbourg puis Prusse en Allemagne, etc. Pour réaliser sa véritable grande accumulation primitive, il a dû rétablir, pour les pays d’Europe de l’Est, un servage digne d’avant l’An 1000 qui avait pratiquement disparu et, dans les colonies des pays d’Europe de l’Ouest, l’institution antique de l’esclavage, qui le christianisme avait beaucoup fait reculer depuis la fin de l’Empire romain, mais en la limitant aux ‘nègres’ africains et aux indigènes d’Amérique, en arguant que ceux-ci n’étaient ‘pas tout à fait humains’ (ou en tout cas ‘païens’, ce qui peut justifier l’esclavage selon certains textes ‘sacrés’)… etc. etc. Là est, au niveau de la superstructure idéologique, la contradiction qui traverse toute l’histoire du capitalisme depuis la ‘renaissance médiévale’.

     


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  • 1. Les récentes ‘considérations’ consacrées à la montée du fascisme, en établissant un parallèle comparatif entre la situation d’entre-deux-guerres et la situation actuelle, ont amené SLP à exposer une importante analyse de la ‘politique (bourgeoise) à la française’. Une ‘politique’ avec ses ‘traditions’, remontant pratiquement à la révolution bourgeoise de 1789 ; et, de même que celle-ci avait ‘récupéré’ l’appareil politico-militaire de l’État monarchique en le modernisant, le capitalisme devenu monopoliste (impérialiste) a récupéré ces ‘traditions’ politiques bourgeoises, en les modernisant également (ainsi, les forces hostiles à une forme républicaine de gouvernement sont aujourd’hui très minoritaires et marginales, et la question d’avoir un Bourbon, un Orléans ou un Bonaparte sur le trône ne passionne plus les dîners mondains comme cela pouvait être le cas il y a encore 150 ans…).

    Il faut bien avoir à l’esprit que la classe dominante actuelle, celle qui ‘fait la politique’ de notre État bourgeois ‘France’, la bourgeoisie monopoliste (cadres dirigeants et actionnaires ‘significatifs’ des grands groupes capitalistes, du ‘CAC 40’), ne représente qu’une part infime de la population, peut-être même moins que les ‘1%’ dénoncés par les mouvements contestataires de type Indigné-e-s ou Occupy. La ‘classe politique’, elle (les politiciens que l’on voit tous les jours à la télé), est plutôt issue (et l’expression politique) de la moyenne bourgeoisie, de la classe ‘moyenne-sup’’, subordonnée à la première ; et ses grands partis en représentent différentes fractions, sur lesquelles la bourgeoisie monopoliste va s’appuyer tour à tour en fonction de ses intérêts et de sa ‘tactique’ du moment.

    Si l’on observe brièvement de quelles fractions se compose cette moyenne bourgeoisie, il va s’en dégager globalement :

    298693 marine-le-pen-d-et-jean-francois-roubaud-g-president- la bourgeoisie des petits et moyens entrepreneurs, à laquelle on peut associer la petite bourgeoisie des ‘indépendants’ et micro-employeurs, et les ‘notables’ (propriétaires fonciers, agriculteurs aisés) ruraux. Celle-ci va constituer, dans l’immense majorité (97% pour Sarkozy au 2e tour de la présidentielle), un électorat de ‘droite dure’ : en gros, c’est soit Sarkozy ‘version’ Buisson-Guéant, l’UMP façon Droite populaire ; soit Le Pen (avec parfois, localement, d’autres ‘droites radicales’ comme De Villiers, CPNT, les organisations de l’UDN, les ‘notables’ d’extrême-droite à la Bompard ou Simonpieri, etc.). Dans les villages et les petites villes dont ils sont des ‘figures locales’, ou dans les entreprises qu’ils dirigent, ils vont entraîner une part importante de l’électorat populaire, et même ouvrier, vers cette orientation politique. C’est ainsi que des zones géographiques entières (comme la Moselle, par exemple) sont des bastions historiques d’une ‘droite ouvrière’ électorale, qui a fait la fortune de Sarkozy en 2007 et de Marine Le Pen en 2012 (et, globalement, du Front national depuis plus de 25 ans) ; et lorsque l’on parle de ces ‘35% d’ouvriers’ qui votent FN (en laissant de côté l’abstention, premier ‘parti’ ouvrier d’Hexagone) et de cette ‘nette majorité’ de salariés du privé qui votent à droite (au second tour), il faut savoir qu’il s’agit pour l’essentiel de salariés de PME (ou micro-entreprises artisanales, commerciales ou agricoles) des zones rurales ou semi-rurales.

    Seule une minorité de ces entrepreneurs, dans les secteurs de ‘nouvelle économie’ (des grandes métropoles), sera d’opinion libéral-démocrate, social-libérale voire ‘libérale-libertaire’.

    dba5ceee-f7f1-11df-a4d8-fa25b9579a36- les cadres du ‘secteur privé’ (grandes entreprises et groupes privés), auxquels on peut associer les professions libérales (médecins, avocats…) : c’est plutôt là le territoire électoral de l’orléanisme, du libéralisme politique et économique, allant du social-libéralisme à la Strauss-Kahn (voire Cohn-Bendit) au libéral-conservatisme Sarkozy-Copé, en passant par la libéral-démocratie de type Modem ou UDI. Ils aiment la ‘liberté dans l’ordre’ mais sont très majoritairement hésitants à ‘sauter le pas’ de la dictature terroriste ouverte, à laquelle ils ne se rallieront qu’à reculons et dans une situation d’extrême urgence, en l’espérant temporaire. Une minorité est d’extrême-droite, mais elle en constitue – évidemment – les cadres et les idéologues, avec son ‘capital intellectuel’ nettement supérieur à celui des patrons de PME. C’est la fraction qui a le plus de mal à influencer les couches ‘basses’ de ses subordonnés, qui, dans les grandes entreprises, tendront à suivre les syndicats réformistes et à voter pour la gauche bourgeoise. Elle peut éventuellement influencer l’encadrement intermédiaire, le salariat intellectuel ‘gravitant’ autour de la production, et diffuser une culture de ‘compétitivité’ économique qui développera chez les ouvriers et petits employés le nationalisme économique (‘produisons français’), et par répercussion le vote FN (ou les impasses social-populistes stériles comme le mélenchonisme).

    fonctionnaires-greve-fonction-publique 191-300x189- les cadres du ‘secteur public’ (fonction publique et entreprises étatiques) : c’est, de manière bien connue, un bastion de la ‘gauche’ bourgeoise ; et ils influencent largement dans ce sens leurs subordonnés. Une ‘gauche’ plutôt, majoritairement, de tendance ‘républicaine’, ‘jacobine’, faisant grand cas d’un État quasi divinisé, de la ‘citoyenneté’, des ‘valeurs’ du radical-socialisme IIIe République (très présentes dans le discours d’un Mélenchon). Un sondage de 2012 a cependant révélé qu’à la présidentielle, le salariat public aurait placé en tête François Hollande et Marine Le Pen, loin devant Sarkozy. ‘Glissement’ électoral aisément explicable par la culture petite et moyenne-bourgeoise ‘social-républicaine’ hégémonique, qui trouve de moins en moins à redire devant la ‘respectabilisation’ engagée par la fille de son père

    En somme (et en substance), si l'on voulait schématiser à l'extrême, l'on pourrait dire que "la gauche" est plutôt le parti de la "bourgeoisie d’État" (sauf les cadres de l'appareil policier/répressif et militaire, plutôt à droite pour ne pas dire plus, et nonobstant un nombre non négligeable d'"exceptions" - hauts fonctionnaires clairement à droite) tandis que "la droite" (ou alors un certain centre-centre-ceeeentre-gauche vraiment trèèèès libéral) est plutôt celui de la bourgeoisie d'entreprise, du "privé", là encore non sans un nombre notable d'exceptions ; le FN représentant finalement les plus "radicaux"/"extrémistes" (notamment les plus "incertains" dans leur position, comme les patrons de PME mais aussi les fonctionnaires qui voient l’État perdre des prérogatives "sous le diktat de Bruxelles") des uns comme des autres.

    Mais en réalité, à ces distinguos vont venir se superposer d’autres, à la manière d’un kaléidoscope. Ainsi, comme tout grand État bourgeois, la ‘France’ va présenter des contradictions au sein de sa bourgeoisie sur une base géographique. L’on va ainsi distinguer :

    - une bourgeoisie d’Île-de-France, du Bassin parisien, à laquelle on peut rattacher la bourgeoisie de grande industrie du Nord/Nord-Est. Celle-ci va tendre, de même que la bourgeoisie d’État en général (logique…), vers plus de ‘jacobinisme’ social-républicain ou de ‘gaullo-bonapartisme’, plus de centralisme étatique.

    - une bourgeoisie de ‘province’ qui va historiquement tendre à ‘râler’ contre la première, fraction historiquement dirigeante de la révolution bourgeoise de 1789 (et de ses ‘séquelles’ du 19e siècle), et parfois (en tant que bourgeoisie entrepreneuriale) être économiquement plus tournée vers les États bourgeois voisins que vers le centre parisien. Elle va être plutôt ‘décentraliste’ et européiste, ‘girondine’ (comme l’incarne, par exemple, le très important réseau d’élus locaux PS ‘2e gauche’), ‘orléaniste’ ou d’extrême-droite mettant en avant les ‘petites patries’ locales et/ou ‘l’Europe-civilisation’, peu encline aux tentations de ‘cavalier seul’ de certaines tendances du grand capitalisme BBR. Lyon, consacrée ‘capitale de la province’ (‘antenne-relais’ n°1 de Paris), est particulièrement un foyer de cette ‘droite radicale’ maurrasso-pétainiste, national-catholique, identitaire etc. tout en étant, au niveau de la démocratie bourgeoise, un bastion du centrisme et du social-libéralisme. C'est que de fait, on y trouve historiquement deux grands clans bourgeois : celui autour de la franc-maçonnerie longtemps incarné par le Parti radical (avec Édouard Herriot, maire de 1905 à sa mort en 1957), un radicalisme provincial typique que l'on retrouve aujourd'hui encore dans le radicalisme de droite (valoisien, le parti de Borloo qui reste puissant dans la ville) comme de gauche (dont on retrouve l'esprit autour du maire Gérard Collomb) ; et un ‘parti catholique’ qui s'est différencié avec le temps, allant aujourd'hui de la démocratie-chrétienne (Modem, bien implanté également) au conservatisme ‘dur’ (millonisme) et au national-catholicisme d'extrême-droite (Bruno Gollnisch, Œuvre française dont c'est le bastion etc.) - il n'y a donc pas ‘le’ centrisme lyonnais mais bien deux centrismes, celui de tradition radicale et celui de tradition démocrate-chrétienne.

    - la bourgeoisie des grands ports (comme Marseille, Nantes/Saint-Nazaire, Bordeaux ou Le Havre) était, historiquement, tournée vers l’Empire et donc un fervent soutien des politiques colonialistes et impérialistes, quelle que soit ‘l’étiquette’ politique qui les porte. En 1940-44, elle s’est logiquement très bien reconnue dans la fraction gaulliste réfugiée à Londres, fraction solidement appuyée sur l’Empire et ancrée ‘à l’Ouest’ (dans l’alliance anglo-saxonne), tout en étant jalouse des intérêts tricolores… Elle a pu conserver par la suite cette fidélité au gaullisme ; la bourgeoisie portuaire marseillaise pouvant toutefois, peut-être, regretter la ‘perte’ (toute relative) de l’Algérie en 1962 (antigaullisme également alimenté par la bourgeoisie coloniale rapatriée – massivement – dans cette ville). Aujourd’hui, avec la ‘perte de vitesse’ de l’impérialiste BBR, des fractions (notamment liées à la ‘Françafrique’) peuvent être farouchement ‘souverainistes’, d’autres, en fonctions de leurs intérêts commerciaux, plutôt ‘atlantistes’ ou ‘eurasistes’. À Bordeaux, par exemple, il y a une puissante tradition gaullo-radicale incarnée par Jacques Chaban-Delmas (maire de 1947 à 1995) puis Alain Juppé, car c’est un important terminal pétrolier (Ambès) tourné vers l’’Empire énergétique’ BBR, avec la ‘culture Elf Aquitaine’ etc. ; mais il y a aussi une tradition catholique conservatrice voire ultra-réactionnaire national-catholique fascisante (mise à jour par le reportage sur le groupe ‘Dies Irae’), car c’était surtout un grand port colonial d’Ancien Régime (traite négrière), pas tellement de l'époque impérialiste, et situé au cœur d’une région viticole de luxe, dont il assure l’exportation.

    Ce n’est pas là une liste exhaustive : pour ainsi dire, c’est pratiquement dans chaque département que la moyenne-bourgeoisie, en fonction d’une foule de facteurs, génère une ‘identité politique’ souvent très forte et solidement ancrée. 

    Enfin, il y a le clivage des ‘sensibilités’, de ‘gauche’ (plus libérale dans la dictature bourgeoise vis-à-vis des masses populaires, social-redistributive vis-à-vis des classes laborieuses), du ‘centre’ ou de ‘droite’ (plus ou moins ‘radicale’, répressive vis-à-vis des masses populaires et ‘dure’ dans la défense du Capital, même avec des accents ‘sociaux’ de type corporatistes). Cela, c’est tout simplement le fruit des mille parcours individuels de chacun de ces moyens-bourgeois, de leur appartenance mais aussi de leur origine de classe (qui peut ne pas être la même), de la ‘tradition politique’ familiale et du milieu social d’origine, qu’ils peuvent perpétuer ou au contraire rejeter, de l’appartenance à une minorité ‘ethnique’ ou de genre (homosexuel-le-s), et de mille et un évènements personnellement vécus (bien que toujours analysés à travers des ‘yeux de classe’) ; ceci amenant une conception du monde qui va ensuite se reconnaître, peu ou prou, dans l’une ou l’autre des ‘cases’ de ‘l’échiquier’ politique bourgeois. C’est cela qui fera qu’un moyen-bourgeois sera social-libéral ‘girondin’, libéral-démocrate à la Bayrou, libéral-conservateur à la Copé ou ultra-réactionnaire quelque part (idéologiquement) entre De Villiers, Bompard et le MNR, ou social-républicain ‘jacobin’, ‘gaulliste social’ à la Fillon, gaulliste réactionnaire à la Pasqua ou Droite populaire ou Front national. 

    manifeste-pour-une-droite-decomplexee-2875762-250-400La fascisation ou ‘montée du fascisme’ désigne le processus par lequel la bourgeoisie monopoliste, confrontée à la crise générale du capitalisme et à l’agitation subséquente des masses populaires (dirigée par un Parti révolutionnaire ou spontanée), va pousser en avant le ‘durcissement’ réactionnaire de la dictature bourgeoise et faire converger toutes ces tendances de la moyenne bourgeoisie vers la mise en place, ou au moins la neutralité/acceptation, d’une dictature réactionnaire terroriste ouverte du Capital, le FASCISME.

    Nous avons vu, dans l’étude comparative de la situation actuelle avec les années 1930, que parler de fascisme en France ne peut avoir de sens qu’entendu comme FORME DE GOUVERNEMENT (dictature réactionnaire terroriste ouverte, mobilisant une partie des masses populaires contre les ‘mauvais citoyens’ et un ou plusieurs 'ennemi(s) intérieur(s)'). Il est absurde et illusoire de vouloir le définir à travers une idéologie précise et cohérente, sinon à travers des caractéristiques très basiques (il est contre-révolutionnaire, et va donc rarement mettre en avant une conception progressiste du monde ; il défend les intérêts des monopoles BBR, et/ou du bloc impérialiste euro-continental, et va donc tenir un discours chauvin, dans lequel les classes et leur lutte n’ont pas voix au chapitre ; il vise la mobilisation de masse derrière les monopoles, et va donc tenir un discours ‘populaire’ mais là encore, en niant totalement les classes sociales et leurs contradictions) ; et a fortiori, de le rechercher à travers le ‘prisme’ du fascisme italien ou du nazisme allemand du siècle dernier, ‘modèles’ qui ne peuvent concerner en ‘France’ que des Q5groupes marginaux, ‘supplétifs’ et qui ne prendront jamais le pouvoir. Le fascisme ‘à la française’ consiste, face à une situation politique d’une gravité sans précédent (comme la défaite de 1940, aujourd’hui ce pourrait être un chaos économique et social comme en Grèce, peut-être ‘agrémenté’ d'une vague d’attentats ‘terroristes’ meurtriers, etc.), amène les ‘droites radicales’ à ‘converger’ vers la solution réactionnaire terroriste ouverte, appuyée sur les groupes ultras (‘fascistes proprement dits’ : groupes néonazis locaux – comme Lyon Dissident, ‘solidaristes’ d’Ayoub ou Parti solidaire français de Werlet, Jeunesses nationalistes de Gabriac ou Jeunesses identitaires de Vardon, national-catholiques paramilitaires type Renouveau français ou Dies Irae, etc.), et avec la lâche neutralité complice des libéraux, démocrates voire réformistes bourgeois (il suffit, pour comprendre cela, de jeter un regard sur la liste des parlementaires ayant voté les pleins pouvoirs à Pétain en juillet 1940).

                 3356-9croix de feu 
    Les 'Jeunesses patriotes' de Pierre Taittinger assuraient, entre 1925 et 1935, le service d'ordre paramilitaire de la Fédération républicaine, la 'droite décomplexée' de l'époque. L'autre grande formation de masse à la 'droite de la droite', apparaissant à la même époque, était les Croix-de-Feu, dont le côté 'césariste' rappelle l'actuel FN. Maniant un discours antisémite au sens anti-libéral et anti-progressiste, les Croix-de-Feu n'étaient pas spécialement hostiles aux Juifs conservateurs, 'patriotes' et anciens combattants ; tout comme aujourd'hui de nombreuses personnes juives, musulmanes ou noires - ou métisses - militent au Front national ou dans son orbite.


    poitiers 20121021 7322. Tout dernièrement, a fait grand bruit l’opération ‘coup de poing’ du Bloc identitaire à la mosquée (en construction) de Poitiers, quelques jours avant ‘l’anniversaire’ supposé de la bataille (25 octobre 732) livrée près de cette ville par le prince franc Charles Martel contre les troupes de l’émir de Cordoue Abd al-Rahmân – Poitiers, d’autre part, est depuis 1977 un fief municipal du PS, pour lequel sont réputés voter "90% des musulmans de France". Une action ‘symbolique’, donc, et, le ‘symbole’ répondant au ‘symbole’, la majorité PS au pouvoir s’est empressée de riposter ‘vigoureusement’ : quatre gardés à vue, finalement mis en examen (sous contrôle judiciaire), condamnations médiatiques vigoureuses, appels à la dissolution du Bloc etc. Cette réponse ‘vigoureuse’ s’inscrit dans la politique PS de ‘lutte sur tous les fronts’ : contre le ‘terrorisme islamiste’, contre le ‘banditisme’ à Marseille et maintenant en Corse (où la propagande le relie, sur la base de quelques connexions bien réelles, à la revendication démocratique nationale) et désormais contre la ‘droite radicale’ identitaire, activiste ultra-réactionnaire sur une ligne ‘euro-nationalo-régionaliste’, véritables ‘Camelots du Roi’ de notre époque. Une lutte typiquement ‘gauche bourgeoise’ en défense des ‘valeurs de la république’ parlementaire bourgeoise et de la ‘cohésion nationale’, contre la montée de la lutte des classes et les camps qui, logiquement, se forment et se consolident sur cette base.

    Mais cette action est aussi l’occasion de rebondir sur un article (en réaction à celle-ci) du site ‘Voie lactée’ du ‘p’’c’’mlm’ ; mouvance dont SLP avait souligné la prise de conscience tardive de l’importance du courant ‘identitaire’ au sein du ‘fascisme-mouvement’ (ils préféraient, alors, se concentrer sur les courants donnant la priorité à un discours ‘social’ et anti-américain/antisioniste, voire ‘tiers-mondiste’), et dont il est intéressant à présent de voir l’analyse du phénomène. Or celle-ci, en plus de leur donner l’occasion de nouvelles attaques hors-de-propos contre les antifascistes ‘non-affiliés’ à leur secte fantomatique (c'est-à-dire à peu près tous, à présent), en l’occurrence les libertaires de Poitiers, et contre les Indigènes de la République, systématiquement mis sur le même plan que les Identitaires (comme si l’on pouvait tirer un trait d’égalité entre une réaction d’opprimé-e-s, peut-être petite-bourgeoise et erronée, et l’une des expressions les plus virulentes du système d’oppression), présente une affirmation intéressante quant à leur conception du monde. Il y est affirmé non seulement qu’existe une ‘nation française’ sur (en tout cas) l’ensemble du territoire ‘métropolitain’ (peut-être hors Corse, qui sait…), mais en outre, que celle-ci se serait formée ‘800 ans voire 1000 ans’ après la bataille de Poitiers mise en avant par les Identitaires, soit entre le 16e et le 18e siècle.

    Nos lecteurs savent bien que telle n’est pas (du tout) l’analyse que fait SLP de la constitution des nations modernes (actuelles) en Europe et Méditerranée ; mais il ne s’agit pas seulement de SLP : une telle analyse est en effet contraire à celle des ‘piliers’ du marxisme-léninisme-maoïsme comme troisième, supérieur et à ce jour plus abouti développement du socialisme scientifique marxiste.

    Il faut, en effet, lire Ibrahim Kaypakkaya sur la question kurde en Turquie (ici en anglais, ici en français, ici traduit par nous) : les nations ne se forment pas à l’apogée du capitalisme (apogée ‘progressiste’ – mais non sans une kyrielle d’atrocités – qui se situerait, en Europe occidentale, entre le règne de Louis XIV et la crise générale capitaliste de 1873) mais à l’AUBE (at the dawn) de celui-ci ; SLP dirait même aux premières lueurs de l’aube, lorsque l’émergence de ce mode de production ‘rencontre’ les autres caractéristiques (langue, culture commune, stabilité sur un territoire etc.) d'une formation nationale. En Europe et en Méditerranée, cela signifie carte-france-capetiens-1030l’époque comprise entre Charlemagne (renaissance carolingienne) et la Renaissance médiévale incluse, jusqu’à la fin du 13e siècle (800-1300), époque des foires (de Champagne, du Languedoc) et des premières universités, où les marchands et les étudiants étaient classés (en fonction de leur langue d’expression) par ‘nations’, donnant naissance au terme ; et l’époque contemporaine des califats de Cordoue et de Bagdad dans l’espace musulman : autrement dit, l’apogée de la féodalité (comme mode de production supérieur à l’esclavagisme antique), au sein de laquelle poignaient les premières lueurs de l’aube capitaliste. Par la suite, à partir du 13e siècle, le mode de production féodal est entré en crise et dans un processus de concentration de la propriété éminente des princes, qui amènera à la constitution des grands États modernes (globalement, 1180-1480 pour la ‘France’) et débouchera (à partir du 16e siècle) sur les monarchies absolues, processus dans lequel fera son nid la bourgeoisie capitaliste, une fraction de celle-ci (souvent proche du pouvoir monarchique : bourgeoisie francilienne en ‘France’, londonienne en Grande-Bretagne, madrilène en Espagne ; ou située dans les régions géographiques historiquement plus avancées : plaine du Pô – dont le royaume du Piémont – en Italie, Rhénanie et Westphalie prussiennes en Allemagne) prenant la tête de la classe capitaliste au niveau de l’État, pour finalement prendre la direction de celui-ci et se ‘débarrasser’ (tel un serpent faisant sa mue) de la ‘vieille enveloppe’ des structures politiques monarchiques (ou réalisant, en s’appuyant sur sa monarchie ‘de tutelle’, l’unité politique d’un grand espace géographique, comme l’Italie ou l’Allemagne).

    En affirmant que la ‘Nation française’ naît au 17e ou 18e siècle (citant de manière purement intellectuelle un texte de 1674), à l’apogée de la monarchie absolue et à la veille de la Révolution bourgeoise, le ‘p’’c’’mlm’ confond en réalité la Nation avec l’État moderne, qui est un APPAREIL POLITICO-MILITAIRE développé par les grandes maisons monarchiques (‘stade suprême’ de la féodalité) et repris (en le modernisant) par la fraction ‘dirigeante’ de la bourgeoisie dans sa révolution anti-féodale. Ce faisant, ils se placent finalement dans la continuité du PCF de Thorez (dont ils présentent, actuellement, une longue étude historique, intéressante au demeurant), qui ne reconnaissait pas les nations constitutives de l’État ‘France’ (des ‘féodalités’ selon lui) et posait sa démarche ‘révolutionnaire’ dans le prolongement de la Révolution bourgeoise jacobine de 1793-94 ; ou encore dans celle du PCI de Togliatti, qui se posait dans le prolongement du mazzinisme et du garibaldisme alors que Gramsci, lui, avait très justement analysé l’Unité italienne comme une conquête du Sud par la bourgeoisie du Nord, ‘pliant’ l’organisation sociale du nouvel État à ses intérêts et passant des alliances littéralement coloniales avec l’aristocratie méridionale et l’Église catholique. 

    Le problème des Identitaires n’est pas de ‘rejeter’ la ‘France’ comme construction politico-militaire au service hier de la Cour capétienne et aujourd’hui de la bourgeoisie monopoliste (avec sa fraction dominante parisienne) ; ce qui est d’ailleurs l’exact opposé de ce qu’ils font. Au contraire, leur reprise (pour la tordre dans un sens ultra-réactionnaire) des aspirations démocratiques des nations constitutives (récup’ qui n’a rien de nouveau, déjà employée par l’aristocratie déchue, le clergé catholique et les notables monarchistes au 19e siècle, puis par l’extrême-droite maurassienne dans la première moitié du 20e, sans parler de l’impérialisme allemand nazi avec le nationalisme bourgeois breton et de l’impérialisme italien fasciste avec le nationalisme bourgeois corse)[1], est bien le signe que quelque chose ‘bouge’ de ce côté-là.

    Leur problème, c’est que :

    -         Leur ‘identité’ régionale (patrie charnelle), niant totalement le matérialisme historique, est ORGANIQUE, présentant cette ‘identité’ comme ‘immuable’ à l’appui de leur mobilisation réactionnaire de masse xénophobe : ils ne la font même pas remonter aux duchés mérovingiens et carolingiens, ce qui serait déjà erroné, mais carrément aux peuples gaulois d’avant la conquête de Jules César, ce qui est pour le coup totalement délirant : Engels a expliqué comment la crise générale de l’esclavagisme antique (ces grands bouleversements, invasions etc. qui vont globalement de l'an 200 de notre ère à la veille de l'An 1000) avait complètement fait disparaître ces ‘nations antiques’ [2] ; d’ailleurs ces ‘peuples gaulois’ étaient des réalités politiques et non nationales, tous étaient des Gaulois (branche des Celtes) divisés en plusieurs ‘cités’ tout comme les Grecs de l’époque classique, les Ibères, les Italiens avant l’unification par Rome, etc. C'est même d'autant plus grotesque, pour des gens souvent critiques envers la République, les Lumières, 1789 etc. (maurrassiens), que "nos ancêtres les Gaulois" sont justement un mythe... révolutionnaire bourgeois et républicain, pour justifier par une "souche commune" mythique l''unité' et l''indivisibilité' d'une "nation"... QUI N'EN EST PAS UNE (mais la PRISON, le résultat de l'ANNEXION d'une dizaine de peuples, sans compter l'outre-mer) !

    site gaulois bobigny1-         Ils incluent totalement ces ‘identités’ (loin de rejeter quoi que ce soit) dans la construction  politico-militaire ‘France’ (patrie historique), ne faisant là encore que reprendre la thématique maurasso-pétainiste des ‘petites patries’ dans la ‘grande’ ; ainsi que dans le cartel monopoliste post-1945 UE (patrie-civilisation), ce qui fait leur spécificité politique. Ils font remonter la première, dans la plus pure veine des historiens d’Ancien régime, à Clovis (comme si le processus historique réel n’avait pas été un tout petit peu plus complexe) ; et la seconde aux ‘grandes unifications civilisationnelles’ de l’Empire romain, de Charlemagne, ou de l’hégémonie européenne de la France sous Louis XIV ou Napoléon (des unifications éphémères que EUX, rien que ça, sauraient reprendre à leur compte et rendre perpétuelles). D’OÙ les contradictions très justement pointées par les antifascistes libertaires de Poitiers, lorsqu’ils pointent le fait que Charles Martel, le grand ‘défenseur de l’Occident chrétien’ face aux hordes musulmanes, prince franc originaire de l’actuelle Wallonie, a sans doute massacré – dans sa longue carrière – plus de Gaulois particulièrement romanisés d’Aquitaine et de Provence (ce qui allait devenir la Nation occitane, prétendue ‘patrie charnelle’ de nos z’ids aquitains et niçois) que de vils envahisseurs arabo-berbères mahométans... Et les grands ‘Croisés’ anti-islam que furent Philippe Auguste ou Louis IX (‘Saint Louis’) n’en firent pas autrement lors de la ‘conquête du Sud’ (de la Loire), véritable acte fondateur de la ‘France’ comme État/appareil politico-militaire moderne : tout le monde est au fait des ‘prouesses’ de la Croisade des Albigeois, qui vit l’annexion à la Couronne capétienne des territoires occitans situés entre Garonne et Rhône… CQFD. ‘Accepter d’en revenir au 8e siècle’ ne vise ici qu’à dévoiler toute l’absurdité du discours identitaire néo-maurassien.

    L’on se souvient que lors de l’annonce de la ‘capitulation’ d’ETA (reconnaissance par l’organisation de sa déroute politique et militaire), le ‘p’’c’’mlm’, qui utilise systématiquement l’actualité pour régler ses comptes avec les groupes ne reconnaissant pas sa prétendue ‘direction’ sur le mouvement révolutionnaire, en avait profité pour attaquer les ‘identitaires de gauche’ ; traduire : les mouvements progressistes d’affirmation des nations niées, et en particulier le mouvement progressiste de la Nation occitane, sur le ton de "l’Occitanie n’existe pas, la France est une nation, mettre en avant l’Occitanie aujourd’hui c’est vouloir faire tourner la roue de l’histoire à l’envers", c’est vouloir "nier la lutte de classe en France en niant la France" ; genre de propos qui, au demeurant, ne sont nullement l’apanage du seul ‘p’’c’’mlm’ mais également de toute une flopée d’organisations trotskystes (particulièrement le POI, mais LO ne fait pas défaut), ‘thorézo-brejnéviennes’ (PRCF, URCF, RCC etc.) ou ‘dogmato-révisionnistes’ (Avant-garde/l’Ouvrier communiste), anarchistes (CNT-AIT), ‘gauchistes’ (Gauche communiste internationale)[3], etc. etc. Il faut bien dire qu'autant qu’il est difficile – même au plus ‘pur’ cœur de la classe ouvrière – à l’homme de reconnaître sa situation privilégiée vis-à-vis de la femme ou au ‘blanc’ de reconnaître la sienne vis-à-vis des ‘minorités visibles’, il est difficile au communiste basé à Paris ou dans le Bassin parisien, voire dans le Nord-Pas-de-Calais (territoire pourtant largement ‘relégué’), ou encore au petit bourgeois intellectuel (universitaire ou fonctionnaire) d'esprit français où qu'il se trouve, d’admettre que l’organisation sociale ‘France’ fait de lui un privilégié vis-à-vis des classes populaires ‘méridionales’ (occitanes), bretonnes, basques ou corses (a fortiori lorsque ces classes populaires ne vivent pas dans une grande ville)…Il est vrai, aussi, que le ‘particularisme’ (mise en avant de la culture populaire nationale, ou régionale) a longtemps été une expression de classe plutôt paysanne (ou artisane/commerçante, ou ‘paysanne-ouvrière’), des zones rurales, et que la bourgeoisie monopoliste, entre la fin du 19e siècle et le milieu du 20e, a su développer chez les ouvriers urbains un ‘mépris de classe’ pour les ‘culs-terreux’, mépris qui a hélas imprégné le mouvement ouvrier organisé tout au long du 20e siècle et jusqu’à nos jours.

    Mais comment peut-on nier une réalité qui non seulement existait et existe toujours dans la conscience populaire de masse, même si elle a pu être ‘estompée’ par la propagande bourgeoise de l’époque impérialiste (et même si elle souffre parfois de… régionalismes : Provence, Béarn, Auvergne etc., même si beaucoup de personne tendent à la réduire aux seules régions Languedoc – sans le Roussillon catalan – et Midi-Pyrénées, etc. etc.), mais était reconnue par la monarchie capétienne elle-même, comme lorsqu’il était affirmé, au Consistoire de Poitiers en 1308, que "le roi de France règne sur DEUX NATIONS : l'une de lingua gallica [gallo-roman, ‘vieux français’] et l'autre de lingua occitana" ? À cette époque, où ‘l’aube’ du capitalisme était déjà bien affirmée (les bourgeoisies urbaines avaient déjà arraché un grand nombre de ‘chartes’ à la monarchie et aux grands féodaux), la nation occitane était donc reconnue noir sur blanc par un document ‘officiel’ (tout ce qui était écrit avait ‘force de loi’ à l’époque) de la monarchie. Et l’on voit mal quel évènement historique majeur aurait pu, entre cette date et aujourd’hui, abolir cette réalité ; sinon l'accession de la bourgeoisie au pouvoir politique suivie (moins d'un siècle plus tard) par le passage du capitalisme au stade monopoliste, qui ne l’a pas abolie mais simplement ‘étouffée’ dans sa volonté de modeler toute la société à son image, de mobiliser les masses populaires au service de la production et de la défense (militaire, politique) des intérêts des monopoles (dans les ‘grandes modernisations’ productives et sociales de la ‘Belle époque’ et des ‘Trente Glorieuses’, dans les guerres mondiales impérialistes et les guerres imagen5coloniales en tout genre, etc.)…

    Comme le disait très justement le grand dirigeant marxiste basque Argala : "Qu’est-ce que l’internationalisme prolétarien ? Être internationaliste exige-t-il des travailleurs d’une nation divisée et opprimée de renier leurs droits nationaux pour, ainsi, fraterniser avec ceux de la nation dominante ? À mon avis, non. L’internationalisme prolétarien signifie la solidarité de classe exprimée dans le soutien mutuel entre les travailleurs des différentes nationalités, unis dans un respect mutuel de leurs formes particulières d’identité nationale" ; ce à quoi SLP ajouterait même : "Aucun prolétaire n'a d'intérêt valable auquel soumettre les prolétaires d'autres nations, seul peut en avoir un aristocrate-ouvrier" (ou un petit-bourgeois intellectuel)…

    NON, la France n’est pas une Nation : elle est une superstructure politique, un appareil politico-militaire, expression du ‘stade suprême’ de la féodalité, qui a vu la concentration de la propriété (éminente) féodale sur la terre et ses habitants entre les mains de quelques dynasties, dont la dynastie capétienne en ‘France’ ; et REPRIS à son compte par la bourgeoisie (avec sa fraction dirigeante francilienne) lorsque celle-ci a pris le pouvoir en 1789. Aujourd’hui, il ne s’agit pas de faire ‘tourner la roue de l’histoire à l’envers’, mais que l’histoire avance, comme elle le fait toujours, EN SPIRALE : les grands États modernes ont (entre le 13e et le 18e siècle) nié les Nations constituées au début du 2e millénaire de ome d oc affiche de 1968l’ère chrétienne, comme réalités politiques (sachant que ces nations étaient, alors, rarement unifiées politiquement), sans pour autant les faire disparaître (jusqu’à la tentative monopoliste, à l’œuvre depuis 120 ou 130 ans) comme réalités sociales, culturelles, populaires ; ce faisant, ils ont été la ‘matrice’ d’un mode de production, le capitalisme, qui a apporté à l’humanité de grands progrès scientifiques, techniques, culturels et même politiques (‘démocratie formelle’) ; mais à présent, il doivent à leur tour être niés par ces vieilles Nations, ‘de retour’ à un niveau supérieur (sous la direction du prolétariat), porteuses et expressions politiques des aspirations de masse à la ‘démocratie réelle’ (socialiste, prolétarienne), sur la base de la Commune populaire ; ceci étant le préalable obligatoire à la fusion de l’humanité, au niveau planétaire, dans la grande unité qui sera le COMMUNISME (cela, dans encore plusieurs siècles). 

    Quant au ‘métissage’ que rejetteraient non seulement le Bloc identitaire (ce qui est vrai) mais aussi leurs ‘équivalents’ Indigènes de la République et ‘identitaires de gauche’ occitans... il suffit, pour se rendre compte du ridicule de l’affirmation, de se figurer combien de militant-e-s du PIR sont eux/elles-mêmes de personnes métissées ; à quel point les terres occitanes comptent sans doute (après les régions ouvrières du Nord) les plus importants taux de métissage (notamment avec des personnes issues du Maghreb) de l’Hexagone, particulièrement dans les grandes villes comme Marseille, Toulouse ou Montpellier ; et que de nombreuses personnes d’origine maghrébine, africaine ou caraïbe, ou métisses de ces origines, y arborent fièrement la crotz (croix) d’Òc… L'Occitanie qui fut d’ailleurs, au 12e siècle, une ‘Andalousie du Nord’ brassant les cultures et portant la civilisation médiévale a un niveau inégalé [la philosophe ‘catho de gauche’ (d’origine juive) Simone Weil y voyait "une civilisation qui, une fois au cours de 22 siècles, aurait pu avec le temps constituer un second miracle (...) aussi élevé que celui de la oc-antifa1Grèce antique si on ne l’avait pas tué", l’Europe n’ayant "plus jamais retrouvé au même degré la liberté spirituelle perdue par l’effet de cette guerre", une véritable ‘antithèse absolue’ – en quelque sorte – de tout ce qui est advenu par la suite : vision idéaliste petite-bourgeoise certes, mais ‘tendant’ vers la Vérité révolutionnaire ; car effectivement l’’Andalousie’ occitane a été rayée de la carte (comme d’autres, comme al-Andalus elle-même d’ailleurs) par la formation des États modernes, appareils politico-militaires repris ensuite par la bourgeoisie pour établir sa direction politique, bourgeoisie devenant monopoliste-impérialiste à la fin du 19e siècle pour déboucher finalement sur les ‘grandes horreurs’ du 20e siècle – guerres mondiales, fascisme, Shoah etc.). On a donc là, dans les propos de Weil, une 'perception idéaliste' de la réalité du processus historique (matérialiste, scientifique) ayant eu lieu en Europe depuis le 13e siècle].

    Parler de ‘métissage’ impliquerait tout d’abord d’admettre (tiens tiens… n’est-ce pas ce qui est précisément reproché aux ‘Indigènes’ ?) qu’il y ait des ‘races’ ; ou alors, si on l’entend comme un processus de brassage et de fusion des cultures, il a toujours existé, de tous temps, il n’est pas spécifique à l’époque de la révolution prolétarienne et les Identitaires planent littéralement à 10.000 en s’imaginant que leurs ‘patries charnelles’ remontent aux cités gauloises ou gallo-romaines d’il y a 2000 ans. Cette fusion est effectivement dans le ‘sens’ matérialiste de l’histoire, qui doit conduire l’humanité à la grande unification planétaire du communisme. Mais elle ne se DÉCRÈTE PAS ; pour cesser d’être ‘marginale’ (tant ‘biologiquement’ que – surtout – culturellement) elle exige des CONDITIONS, et l’une des premières d’entre elles est la disparition des États modernes devenus bourgeois puis impérialistes, comme appareils politico-militaires avec l’idéologie qui les sous-tend, idéologie faite notamment de ‘hiérarchie des cultures’, de suprématisme ‘civilisationnel’ etc. En réduisant à néant ces États modernes/appareils d’oppression, le prolétariat et les classes populaires des Nations niées par eux ont un rôle fondamental dans la gigantesque oeuvre de civilisation qu’est la Révolution prolétarienne mondiale.

    big provence flag


    3. Le dernier point qui sera abordé ici est celui de l’émergentisme’ comme nouveau nationalisme bourgeois (ou 'nouveau Bandung') de notre époque. Au jour d’aujourd’hui, la bourgeoisie nationale (et le nationalisme bourgeois porté par elle) dont parlait Lénine en son temps, signe de développement d’une économie capitaliste dans des pays étranglés par les structures féodales et bureaucratiques appuyées (ou carrément mises en place) par l’impérialisme, qu’il s’agisse de colonies directes, de protectorats ou de semi-colonies, semble avoir été remplacée par bricsle phénomène émergent, phénomène à la base sociale beaucoup plus large.

    Dans les pays du ‘Sud’, du ‘tiers-monde’, en lien à des degrés variables avec les monopoles impérialistes, s’est accumulée une masse plus ou moins importantes de CAPITAL entre des mains ‘nationales’ (très importante dans les pays producteurs d’hydrocarbures, colossale dans les monarchies pétrolières du Golfe arabo-persique) ; ce qui est une expression du caractère national de la production en contradiction avec l’appropriation impérialiste de la richesse. Et cette masse de capitaux va chercher à ‘s’affirmer’ au sein de l’économie-monde, dominée par les grands pays impérialistes de la ‘Triade’ Amérique du Nord/Europe de l’Ouest/Japon, la Russie et depuis peu, la Chine.

    Ces capitaux vont s’exprimer à travers des idéologies extrêmement variées, aussi bien social-réformistes ‘radicales’, ‘tribuniciennes’ appuyées sur la gauche ‘radicale’ petite-bourgeoise (Chavez, ALBA), que libéral-réformistes (Brésil, Argentine ou Uruguay, Inde ou Afrique du Sud etc.), libéral-conservatrices avec un volet ‘social’ religieux (comparable au social-christianisme) comme l’AKP turc et les Frères musulmans, ou violemment réactionnaires comme le salafisme porté par l’Arabie saoudite, ou le régime des mollahs en Iran ;  cela, en fonction notamment du caractère plus ou moins bourgeois ou Lula Erdogan Brasilia 2010féodal des ‘mains’ tenant ces capitaux, de leur assise et solidité en tant que classe (inversement proportionnelle à la nécessité de rechercher l’appui des masses populaires), etc.

    Ce qu’a expliqué – et toujours considéré – Servir le Peuple, c’est que ces régimes doivent être étudiés et analysés au cas par cas, en fonction de leur ‘conformation’ idéologique et – subséquemment – de leur attitude vis-à-vis du prolétariat et des masses au quotidien (le camp du peuple est notre camp), de leur attitude envers le mouvement communiste/progressiste (internationalisme), et aussi de leur action ponctuelle à tel ou tel moment, de la ‘diabolisation’ dont ils peuvent faire l’objet par la propagande impérialiste, etc. Telle était la position de Lénine, qui, tout en soutenant les communistes et les démocrates d’Asie centrale contre ‘leurs’ féodaux, pouvait affirmer que l’émir d’Afghanistan était ‘objectivement du côté de la révolution mondiale’ en tenant tête à l’Empire britannique (1919) ; ce qui n’est ni la position de rejet systématique du nationalisme bourgeois (plus largement, du ‘nationalisme des classes dominantes’) qui est traditionnellement celle des gauchistes, des trotskystes ‘orthodoxes’, de certains courants anarchistes etc., ni la position de soutien systématique (mais ne s’appliquant pas, aujourd’hui, à l’’émergentisme’ du Golfe ou d’Ankara et aux forces appuyées par lui, allez savoir pourquoi…) des révisionnistes brejnéviens (et autres ‘albanoïdes associés'). C’est ainsi que le Chavez résistant victorieusement à une tentative de coup d’État made in US en 2002 (et à 4 ou 5 ans de déstabilisation par la suite), ou la Syrie et l’Iran appuyant le Hezbollah qui infligeait une branlée à Israël en 2006, ce ne sont pas le régime syrien massacrant les masses populaires (bien qu’il soit aussi, entre temps, devenu la cible d’une coalition impérialiste euro-nord-américaine et d’un ‘axe émergent’ Arabie-Qatar-Turquie), l’Iran l’appuyant militairement et le Chavez 02 BR40.1applaudissant à cela, tout en livrant au passage des militants progressistes à la Colombie fasciste, de 2011-2012. Ce ne sont pas, non plus, la Syrie intervenant au Liban pour y écraser les forces progressistes et anti-impérialistes en 1976, et la théocratie iranienne exterminant les communistes/progressistes dans les années 1980. Le Kadhafi abritant, au début des années 80, des révolutionnaires du monde entier et défiant l’impérialisme francouille au Tchad (et US en Méditerranée), n’est pas le Kadhafi complotant avec les réseaux Foccart pour abattre Sankara (1987), et encore moins le despote grotesque, vendu à l’impérialisme, des années 2000 – finalement ‘licencié’ par ses maîtres, et liquidé avant qu’il ne révèle avoir financé la campagne électorale d’un certain Nicolas S. Ce qui ne veut pas dire, pour autant, qu’il faut se joindre à la ‘diabolisation’ qui les frappe soudainement (en appui à l’intervention impérialiste), tout en épargnant soigneusement les sabre-peuples du Bahreïn (et leurs amis saoudiens), du Yémen, du Maroc, et hier d’Égypte et de Tunisie ; que l’on se comprenne bien…TOUT, on l'a dit et on le voit à travers ces exemples, doit être apprécié au cas par cas, dans chaque contexte, chaque rapport de forces.

    Il est d’ailleurs amusant de voir des ‘maoïstes’ faire exactement l’inverse : attaquer férocement ces régimes 'fascistes' lorsqu’ils sont la cible de (ou défient activement) l’impérialisme et son suppôt sioniste ; et les soutenir lorsque, bien que toujours la cible des impérialistes occidentaux, le mot ‘sabre-peuple’ semble trop faible pour les qualifier (et que, ‘étrangement’, des voix d’experts sionistes s’élèvent, pour mettre en garde contre la chute d’un ennemi ‘connu’ et ‘prévisible’).

    C’est dans ce contexte, également, que doit surtout – selon SLP – être comprise l’ISLAMOPHOBIE. On l’a dit, la masse la plus colossale – et donc menaçante – de capitaux accumulés entre des mains ‘autochtones’ (si l’on laisse de côté la Russie et la Chine, déjà impérialistes) est celle des monarchies pétrolières du Golfe arabo-persique (derrière se trouvant la théo-bureaucratie iranienne, puis les bourgeoisies d’Amérique du Sud, d’Inde ou d’Azanie, ou encore d’Asie du Sud-Est, etc.). Outre cette manne pétrolière, ces pays (Qatar, Koweït, Dubaï...) sont devenus le ‘siège social’ des affaires d’un nombre considérable de grands capitalistes arabes, qui ne peuvent s’épanouir dans leurs pays dominés par des bureaucraties clanico-mafieuses. Et tout ce capital accumulé va chercher, car telle est la logique du capitalisme, à se réinvestir pour se valoriser. Il y a, certes, les ‘investissements qataris’ en Hexagone, qui sont devenus le nouveau ‘cheval de bataille’ à la mode de l’extrême-droite islamophobe. Mais surtout, ce capital va chercher à se réinvestir en ‘terrain connu’, autrement dit dans les pays arabes et plus largement musulmans, où les structures féodalo-bureaucratiques au service de l’impérialisme (occidental ou russo-chinois) ‘étranglent’ le développement d’un véritable capitalisme : les pétromonarchies vont donc financer des forces visant à faire chuter ces régimes. Elles vont mettre en place, à l’échelle régionale, une ‘géopolitique’ entièrement vouée à ‘dégager’ des terrains d’investissements pour ces milliards de pétrodollars. En ce sens, comme exemple récent, la visite de l’émir du Qatar à Gaza (dont le gouvernement Hamas vient de rompre, manifestement sur consigne expresse de Doha, son alliance ‘historique’ avec l’axe Iran-Syrie), première visite d’un dirigeant arabe depuis l’annexion de 1967, et ce à la veille d’une opération militaire israélienne (dont les renseignements f5620 AFP 121023 pe4rp qatar-al-thani-gaza-haniyeh sn635du Hamas gazaoui étaient certainement informés...), est à comprendre comme une ‘petite déclaration de guerre’ à l’État sioniste (bien que celui-ci soit surtout, en ce moment, focalisé sur la menace iranienne) et à ses tuteurs impérialistes (principalement anglo-saxons) ; au même titre que les tentatives désormais annuelles de violation du blocus maritime de la Bande, sponsorisées par le gouvernement AKP d’Ankara.

    Les détenteurs de cette masse de capitaux du Golfe sont des éléments FÉODAUX (aristocratie tribale bédouine), associés, on l’a vu, à des éléments grand-capitalistes issus de tout le monde arabe. L’idéologie des Frères musulmans (plutôt appuyés par le Qatar) est portée par des notables (professions libérales, chefs d’entreprises, universitaires), tandis que le salafisme et le djihadisme combattant (plutôt appuyés par des éléments ‘radicaux’ de l’aristocratie saoudienne) sont portés par des petits entrepreneurs familiaux patriarcaux, d’esprit corporatiste et puritain. Les forces liées à l’Iran (en Irak – CSRII, Dawa, Armée du Mahdi ou au Liban – Hezbollah, Amal) sont portées par des éléments relativement similaires. Toutes ces idéologies vont donc rarement présenter des traits franchement progressistes : dans le ‘meilleur’ des cas, ce sera un libéralisme économique et un conservatisme politico-sociétal, ‘adouci’ par une ‘éthique sociale islamique’ sur le mode social-chrétien (AKP, Frères musulmans). Les salafistes, eux, présentent un programme politique, social et économique de petit capitalisme corporatiste, associé à un obscurantisme moral et culturel au côté duquel l’Espagne de Franco ferait figure de Las Vegas décadente...

    Cela pose les communistes face à la difficulté de combattre, d’un côté, la mobilisation réactionnaire de masse islamophobe qui sévit en Europe occidentale depuis des années (tout particulièrement depuis les attentats du 11 septembre 2001 aux Etats-Unis), sans pour autant passer (de l'autre) pour les défenseurs de telles idéologies réactionnaires, et d’intérêts de classe aussi éloignés de ceux du prolétariat international. On ne peut, certes, que se retenir de rire devant le ridicule qu'il y a à décrire un Hexagone BBR ‘racheté’ par l’émirat du Qatar (pays de 1,9 millions d’habitants, dont 70% de larbins indo-pakistanais, indonésiens, iraniens ou issus d’autres pays arabes, au service des nantis), qui ‘corrompt les élites mondialistes’ tout en développant un micro-capitalisme lié à l’islam ‘radical’ dans les banlieues – ridicule qui ne tue pas, au demeurant, certains ‘maoïstes’ quand il s’agit encore une fois de se joindre à la meute...

    Bien évidemment, les communistes révolutionnaires n’ont aucune espèce de sympathie pour ces États (Qatar, Arabie, Iran) ultraréactionnaires, leurs idéologies et celles des forces qui sont leurs ‘bras armés’. Encore moins pour les actions militaires aveugles de certains groupes armés, que ce soit en Occident ou dans les pays musulmans directement (celles-là, personne n’en parle…), frappant des travailleurs innocents se rendant simplement à leur travail par les transports en commun, ou de simples croyants (juifs, chrétiens, chiites etc.) dans des lieux de cultes ou des écoles confessionnelles. Mais voilà : avec leur fichue conception scientifique du monde, les communistes vont chercher à analyser, expliquer, comprendre ces idéologies et leurs agissements. Ils vont chercher à en comprendre l’influence sur une part importante des masses populaires, pour combattre cette influence et faire triompher la conception communiste du monde – et non considérer que ‘la violence’ et ‘l’obscurantisme’ sont ‘intrinsèques’ à l’islam et aux musulmans. Ils ne considèrent pas ‘l’islamisme’ comme foncièrement plus ennemi du peuple que des idéologies bourgeoises qui se veulent ‘laïques’ et ‘modernistes’, comme le kémalisme ou le baathisme ; et surtout, ils n’en feront jamais l’ennemi principal – celui-ci restant l’impérialisme, quelles que soient ses prétentions ‘civilisatrices’.

    Cela suffit, aux yeux de tous les fascistes et les ultraréactionnaires délirant sur ‘l’islamisation de l’Europe’, à en faire les complices, les agents, les ‘dhimmis’, les ‘idiots utiles’, à liquider au même titre ; ce qu’un certain Anders Behring Breivik a déjà mis en pratique vis-à-vis d’une soixantaine de jeunes ‘marxistes culturels’ travaillistes norvégiens…Comme lorsque le fascisme d'entre-deux-guerres dénonçait les 'rouges' au service de la 'juiverie internationale', la rengaine de 'l'ennemi intérieur' musulman est aussi un moyen de viser, à travers lui, ses 'complices' : les 'gauchistes' (révolutionnaires et personnes progressistes) et les 'élites mondialisées' (les bourgeois libéraux, démocrates, réformistes).

    non-a-l-islamisme-affiche-front-national-09-03-2010Il est juste, cependant, de relever que l’islamophobie a des ressorts sensiblement différents de l’antisémitisme. Les deux ‘haines’ plongent certes aussi loin l’une que l’autre dans la ‘tradition’ réactionnaire européenne : dans la seconde moitié du Moyen-Âge (1000-1500). Les premières grandes persécutions antijuives furent largement concomitantes ou suivirent de peu les Croisades et la Reconquista espagnole, dans le contexte général de formation des États modernes. Cependant, pour l’ultra-réactionnaire (fasciste potentiel), le Juif est un ‘rat’ ou un ‘cafard’, une créature ‘vile’ et inférieure tapie dans l’ombre, qui ‘sape’ (par l’argent et l’usure, les idées libérales-libertaires et socialo-communistes) les ‘fondements spirituels’ de la civilisation occidentale et qu’il s’agit donc de ‘dératiser’ ou d’exterminer comme une vermine – le choix par les nazis d’un insecticide (Zyklon B) pour la ‘solution finale’ n’est à ce titre pas anodin. Le musulman, lui, est un 'barbare' raffiné, une ‘bête sauvage’ (réputée voir dans l’obscurité…) surgie d’outre-mer, déferlant surl’Occident chrétien pour le submerger comme le ‘Perse’ fantasmagorique de la BD fascistoïde 300 déferle sur la Grèce antique. Ce qu’il ‘faut’ alors ce sont de nouveaux Charles Martel, de nouveaux Cid, de nouveaux Richard Cœur de Lion, de nouveaux Lépante pour ‘bouter’ l’infidèle hors d’Europe : le ‘modèle’ est ici celui de la guerre et de la ‘purification’ ethnique ‘à la bosniaque’. Les caricatures antisémites insistent sur la (prétendue) laideur physique, les caricatures islamophobes sur le côté 'masqué', spectral, 'ennemi sans visage'. La haine antisémite est imprégnée de mépris, la haine anti-musulmane suinte la peur… Et l’islamophobie ne revêt pas, en effet, la dimension ‘anticapitaliste’ que peut revêtir l’antisémitisme, associant le Juif au ‘péché d’argent’ depuis l’époque médiévale ; encore que... les allusions à ‘l’argent du Qatar’ corrompant les ‘élites mondialisées’ se multiplient depuis quelques temps. Tandis qu'à l’époque du ‘judéo-bolchévisme’, lorsque les masses populaires juives étaient – dans une large proportion – tournées vers les idées progressistes ou communistes, ou au moins démocratiques humanistes-universalistes, l’antisémitisme rejoignait largement la rhétorique de ‘l’ennemi intérieur’ révolutionnaire...


    [1] Il faut dire que, depuis la Révolution bourgeoise de 1789 jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les aspirations démocratiques des nations absorbées par la construction politico-militaire ‘France’ se sont très majoritairement exprimées de manière réactionnaire, tournée vers le passé et portée par la bourgeoisie, les ‘notables’ (propriétaires fonciers, etc.) et/ou le clergé local, mettant en avant le souvenir des privilèges (droit et coutumes locales) d’Ancien régime. Déjà sous les ‘Louis’ (17e-18e siècle), elles tendaient à prendre le parti des féodaux ‘nationaux’ (notamment les Parlements) contre le centralisme et le modernisme monarchique. Il n’en allait pas autrement dans le royaume d’Espagne, avec les revendications nationales de Catalogne et d’Euskal Herria (qui souvent appuyaient le carlisme, le parti monarchique traditionaliste et anti-libéral). Ce n’est qu’au cours du 20e siècle, avec la subsomption de tous les rapports sociaux par le mode de production capitaliste (explosion, notamment, du salariat), que cette situation s’est retournée en son contraire, donnant naissance à des forces autonomistes ou indépendantistes progressistes voire révolutionnaires. Les ‘notables’ réactionnaires nationaux, qui ‘râlent’ contre le centralisme parisien et sa ‘bureaucratie soviétique’, militent toujours pour une forte ‘décentralisation’ voire autonomie régionale, mais ne peuvent globalement se passer de l’appareil politico-militaire ‘France’ pour protéger leurs intérêts de classe.

    [2] Plus exactement, les nationalités comme les espèces vivantes ne "naissent" et ne "meurent" pas, elles se TRANSFORMENT à travers de longs processus de bouleversements historiques, dont les invasions extérieures... et les migrations sont un aspect important, mais le moteur premier reste la lutte des classes interne. Il y avait des nations antiques (Engels emploie explicitement le terme) qui étaient les Gaulois puis Gallo-romains, les Ibères, les Latins, les Étrusques, les Hellènes, les Germains etc., et il y a aujourd'hui des nations modernes qui sont les 'Français', les Occitans, les Basques, les Bretons, les Catalans, les Andalous, les Wallons etc. etc. Entre les deux, il n'y a pas de 'jour J' où l'on serait passé de l'un à l'autre (prétendre cela est ridicule), mais de longs processus de transformation historique. Pour autant, se réclamer aujourd'hui des tribus gauloises comme si un tel processus n'était pas intervenu est totalement anti-matérialiste et grotesque.

    [3] Représentants d’un nihilisme national caractéristique d’un certain ‘marxisme fondamentaliste’, pour lequel rien n’est à ajouter à l’œuvre de Marx et Engels après leur mort, et dont un bon représentant était par exemple l’Anglais William Morris. Ce nihilisme national finit toujours, objectivement, par converger avec la défense bourgeoise de l’État moderne, appareil politico-militaire et idéologique d’oppression des masses.

     


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  • La question de la caractérisation du fascisme est une question qui traverse le mouvement communiste (si l’on fait débuter celui-ci avec la Révolution russe de 1917, et que l’on parle de ‘mouvement socialiste’ antérieurement) pratiquement depuis ses origines.

    Ici même, sur Servir le Peuple, nous avons abordé récemment la question de la caractérisation comme ‘fascistes’, par certaines organisations maoïstes d’Amérique du Sud, des régimes de type Chavez, qui sont selon SLP des gouvernements réformistes bourgeois (résultant de la pression des ‘mouvements sociaux’ sur l’oligarchie, de l’ingouvernabilité générée – parfois – par ces mouvements sociaux, et éventuellement de l’émergence de ‘nouvelles couches’ et d’aspirations ‘émergentistes’ à tous les niveaux de la bourgeoisie – petite, moyenne, grande), démago-populistes, ‘endormeurs’ redistributifs des luttes ouvrières et populaires, social-traîtres, tout ce que l’on voudra, mais pas fascistes. Il ne s’agit pas là, pourtant, d’une élucubration groupusculaire, mais bien de la thèse d’Abimaël Guzmán ‘Gonzalo’, du Parti communiste du Pérou ‘Sentier Lumineux’ ; selon lequel ce qui caractérise principalement le fascisme, ce n’est pas la répression terroriste et systématique (policière, militaire et paramilitaire) de tout mouvement de masse organisé, révolutionnaire ou progressiste, associé à une certaine mobilisation de masse (par la propagande, l’appel à la délation, l’embrigadement dans des organisations de masse réactionnaires et/ou paramilitaires), mais AVANT TOUT la négation de la lutte des classes au profit d’une fraction de la bourgeoisie, à travers un discours (et un programme) ‘social’ en direction des classes populaires. En Amérique latine, ce ‘fascisme’ serait l’expression d’une branche spécifique de la grande bourgeoisie, la bourgeoisie bureaucratique qui prospère à travers l’appareil d’État, tandis que les dictatures militaires réactionnaires comme au Chili (Pinochet) ou en Argentine, les golpes réactionnaires comme au Honduras en 2009 ou la tentative de 2002 au Venezuela, seraient l’expression de la classe compradore.

    dimitrovIl s’agit là, c’est le moins que l’on puisse dire, d’une thèse en ‘rupture’ avec la définition ‘classique’ du fascisme, celle donnée par l’Internationale communiste de Dimitrov en 1934 : "le fascisme est la dictature ouverte, terroriste, des éléments les plus réactionnaires et les plus impérialistes du capital financier" (ou, fort logiquement, des agents de ces éléments dans les pays dominés comme ceux d'Amérique du Sud). Dimitrov mettait également en garde contre le ‘schématisme’ qui, selon lui, ‘’désoriente le prolétariat dans la lutte contre son pire ennemi’’ [N'est-ce pas une manifestation de cette attitude schématique que l'affirmation de certains communistes assurant que l' « ère nouvelle » de Roosevelt représente une forme encore plus nette, plus aiguë de l'évolution de la bourgeoisie vers le fascisme que, par exemple, le « gouvernement national » d'Angleterre ? Il faut être aveuglé par une dose considérable de schématisme pour ne pas voir que ce sont justement les cercles les plus réactionnaires du Capital financier américain en train d'attaquer Roosevelt, qui représentent, avant tout, la force qui stimule et organise le mouvement fasciste aux Etats-Unis. Ne pas voir le fascisme réel prendre naissance aux Etats-Unis sous les phrases hypocrites de ces cercles en faveur de la « défense des droits démocratiques des citoyens américains », c'est désorienter la classe ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi’ - Pour l'unité de la classe ouvrière contre le fascisme ; août 1935]

    Pour SLP, la caractéristique principale du fascisme selon Gonzalo pourrait tout aussi bien s’appliquer à la social-démocratie, au réformisme bourgeois (certes considéré, un temps, comme ‘jumeau du fascisme’ par l’IC, avant de rejeter cette conception face aux évènements en Allemagne, et de prôner ‘l’unité à la base’ avec celui-ci à partir de 1934). Celui-ci, dans une société confrontée à une vaste agitation/contestation de masse, à un large ‘mouvement social’, ne consiste-t-il pas en effet à mettre en avant ‘l’intérêt général’, la ‘fraternité’ entre les ‘citoyens’, la ‘justice’ dans la ‘répartition des richesses’, un programme de ‘concessions’ démocratiques et sociales aux revendications populaires, une mobilisation dans de larges partis et syndicats réformistes – contre l’organisation révolutionnaire de classe ? Pourtant, s’il a souvent pu être dit (et bien souvent à raison) que la social-démocratie ‘pave la voie’ au fascisme, qu’elle ‘désarme le prolétariat et les masses populaires’ contre celui-ci, il ne viendrait pas à l’esprit d’un communiste sérieux de dire que la social-démocratie EST le fascisme…

    La différence, dans le ‘sens commun’ des masses populaires (qui toujours 'indique le chemin' de la vérité), réside bien entendu dans le caractère répressif terroriste, violemment réactionnaire du fascisme – comme forme de gouvernement – contre toute organisation autonome, révolutionnaire ou simplement progressiste, du prolétariat et des classes populaires ; dans la conception du monde (celle de la social-démocratie étant humaniste, universaliste, libérale-progressiste bourgeoise et petite-bourgeoise, alors que celle du fascisme est nationaliste voire raciste, obscurantiste, barbare, autoritariste, policière ultra-répressive, militariste, vouant une haine meurtrière à l’’ennemi’ politique, national ou ‘racial’, etc. etc.). Le fascisme, lorsqu’il a écrasé toute organisation autonome (fut-elle totalement réformiste) de la classe ouvrière, de la paysannerie pauvre, des quartiers populaires etc., va certes généralement les remplacer par des organisations de masse de type corporatiste, liant les classes laborieuses aux intérêts du Capital et totalement contrôlées par le régime. Mais cela n’a rien à voir avec la social-démocratie, la ‘gauche’ bourgeoise qui, dans une situation de mécontentement social fort, va tenter par le biais d’organisations de masse réformistes de ‘concilier’, d’’équilibrer’ les intérêts du Capital et de la force de Travail. On peut dire, dans un sens, que dans tout ‘mouvement social’ de revendication il y a des ‘jaunes’, des ‘briseurs de grève’, des travailleurs qui se mettent au service du patronat (ou de l’État-employeur) contre le mouvement et ses revendications ; et que le corporatisme fasciste c’est le ‘jaunisme organisé’, systématisé voire (para)militarisé... mais le ‘jaunisme’ au sens de trahison totale des intérêts ouvriers, pas de tentative de concilier ceux-ci avec l’économie capitaliste (par l’obtention de concessions). Le fascisme ce n’est pas, contrairement à la ‘gauche’ bourgeoise, l’expression d’une bourgeoisie ‘faible’, qui ‘recule’ face à la contestation et ‘lâche’ des concessions démocratiques et sociales pour préserver l’essentiel – le système capitaliste. Le fascisme, c’est l’expression d’une bourgeoisie ‘DURE’, jusqu’au-boutiste, qui écrase sans pitié la contestation du capitalisme (et ensuite seulement, éventuellement, -notamment- par le pillage d’autres pays ou l’extorsion et l’exploitation impitoyable de secteurs ‘désignés’ de la population, accorde quelques mesures de ‘bien-être social’).

    Certes, le débat a pu exister, parmi les intellectuels progressistes et démocrates bourgeois, mais aussi dans le mouvement communiste, sur la nature ‘fasciste’ de tel ou tel régime (Espagne franquiste, Portugal salazariste, Grèce des colonels, dictatures sud-américaines ou régimes autoritaires du ‘cordon sanitaire’ -anticommuniste- d’Europe de l’Est dans l’entre-deux-guerres), en raison de leur caractère ‘traditionaliste’ ou ‘ultra-conservateur’ et non ‘moderniste’, 'révolutionnaire', du caractère réduit de la mobilisation de masse, de l’absence de dirigisme étatique de l’économie, etc.

    grand messe nazieSi l’on associe systématiquement le fascisme à la démarche ultra-moderniste qui animait l’Allemagne nazie ou l’Italie mussolinienne, alors, malgré la répression contre-révolutionnaire et anti-progressiste terrible qui frappait les masses populaires (bien plus qu’en Italie fasciste !), que dire de l’Espagne de Franco, avec son traditionalisme catholique et sa volonté, pratiquement, en tout cas jusqu’au milieu des années 1960, de maintenir ‘dans le formol’ l’Espagne semi-féodale du début du 20e siècle (en réprimant même les éléments modernistes que pouvaient être les bourgeoisies industrielles basque et catalane) ? Que dire du corporatisme d’Ancien régime et du conservatisme social catholique mis en avant par Salazar au Portugal, Degrelle en Belgique, et dans une large mesure Pétain en France ? Si l’on associe le fascisme à un guardiacivilÉtat ‘fort’ économiquement dirigiste, alors dans une certaine mesure le franquisme, ou les militaires brésiliens (1964-85) firent preuve d’un tel dirigisme. Mais la plupart des dictatures sud-américaines (Chili, Argentine etc.), généralement caractérisées comme fascistes pour leur extermination systématique des forces révolutionnaires et progressistes, firent au contraire de leurs pays les laboratoires du ‘néolibéralisme’, de la remise au capital privé de toute l’activité productive et de la plupart des ‘services publics’, à l’exception bien sûr des fonctions ‘régaliennes’ (répressives). Ceci n’empêchant nullement une forte mobilisation de masse, puisqu’il apparaît qu’encore aujourd’hui 1/3 des Chiliens (pas forcément des gens aisés) ont une vision positive de l’ère Pinochet, et qu’une nette majorité de Péruviens et de Colombiens approuvaient la politique contre-révolutionnaire terroriste (et économiquement ‘néolibérale’) de Fujimori et d’Uribe. 

    Faisons rapidement le point :

    -         À l’origine, le fascisme, tel que défini par l’Internationale communiste de Dimitrov, paraît indissociable de l’impérialisme, du caractère impérialiste d’un pays donné. Ou, en tout cas, d’un très grand développement capitaliste et d’une très importante (sur)accumulation de capital et de la volonté d’’affirmer’  celui-ci sur la scène internationale (comme l’Italie ou le Japon). Il apparaît également indissociable d’un contexte de crise capitaliste profonde, d’agitation sociale forte avec des forces révolutionnaires en développement rapide, et (en raison de la crise) de course à la guerre pour le repartage impérialiste du monde.

    -         Cependant, après la Seconde Guerre mondiale, l’économie monopoliste mondiale s’est ‘réorganisée’, selon une nouvelle ‘division internationale du travail’, et une part considérable de la production de biens s’est déplacée vers les pays soumis à l’impérialisme, où s’est renforcée également la production de matières premières et des ressources énergétiques essentielles, tandis que les pays impérialistes évoluaient vers des économies de services et de consommation. L’on peut alors envisager l’apparition d’une nouvelle forme de fascisme : non pas la dictature terroriste de la bourgeoisie monopoliste la plus réactionnaire (directement) sur les masses laborieuses du pays impérialiste, mais la dictature des agents Relatives-of-victims-of-General-Augusto-Pinochets-military-(locaux) de la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste ‘de tutelle’, sur les masses d’un pays semi-colonial. Les exemples furent légion au cours de la ‘Guerre froide’ (1945-90), et  beaucoup ne manquèrent pas d’une férocité de type nazi : Suharto en Indonésie, Mobutu au ‘Zaïre’, dictatures argentines des années 1960-80, dictatures guatémaltèques de 1978-86, régime d’apartheid sud-africain, dictatures militaires turques, sud-coréennes etc. etc. Et depuis 1990, malgré le proclamé ‘règne éternel de la démocratie’, les exemples n’ont pas manqué non plus : Fujimori et Uribe (chef de file des paramilitaires colombiens qui existaient déjà depuis des décennies) en Amérique latine, régime du ‘Hutu power’ au Rwanda, et une ribambelle de satrapes africains à la Idriss Déby, Sassou Nguesso, Charles Taylor, etc. etc. Avec la nouvelle division internationale du travail, et la mode rnisation subséquente des sociétés concernées, ces régimes ne se contentent plus de la dictature ‘traditionnelle’ des caudillos sud-américains d’antan ou des chefs traditionnels africains ‘relais’ de la colonisation directe, dictature faite d’encadrement des masses ignorantes (préoccupées essentiellement par la survie) par le clergé et les notables locaux, et de quelques fusillades à l’occasion : ils mobilisent en masse, sur des bases ethniques et/ou confessionnelles en Afrique et au Moyen-Orient (on peut inclure dans ce cas y compris les ‘blancs’ et plus largement les ‘non-noirs’ d’Afrique du Sud), ou en générant des ‘courants d’opinion’ contre le ‘terrorisme’ des forces révolutionnaires. L’on a vu le soutien populaire conséquent dont pouvaient bénéficier Pinochet au Chili, Fujimori au Pérou ou Uribe en Colombie ; on pourrait y ajouter les juntes guatémaltèques de 1978-86 avec leurs escadrons de la mort ‘Kaibiles’ et leurs milices ‘d’autodéfense’ contre-révolutionnaires, mobilisées sur une base traditionaliste et nationaliste (contre une ‘invasion russo-cubaine’) et auteurs des pires exactions, qui comptaient près de… 900.000 hommes pour un pays de 7 millions d’habitants ( !) ; sans parler du ‘Hutu power’ mobilisant des centaines de milliers de Hutus rwandais contre la population tutsie (réputée soutenir les visées de l'Ouganda voisin et de l’impérialisme US contre la Françafrique), de la mobilisation des croyants indonésiens (musulmans, chrétiens ou hindouistes) contre les communistes et les progressistes en 1965-66, etc. etc. Cependant, ces masses mobilisées, de manière paramilitaire ou au moins idéologiques, derrière la terreur contre-révolutionnaire, restent ‘coiffées’ par les ‘structures de domination traditionnelles’ : armée, clergé, appareil administratif bureaucratique et maillage local de ‘notables’ etc. Les organisations ultra-réactionnaires de masse restent ‘sous contrôle’ et ne se substituent pas, comme le NSDAP avec son appareil bureaucratique et militaire (Waffen SS) en Allemagne, à l’appareil d’État ‘traditionnel’.

    Déjà, dans l’entre-deux-guerres, les pays d’Europe (non-impérialistes) situés entre l’Allemagne et l’URSS connaissaient des régimes comparables, pilotés par l’impérialisme (allemand ou franco-anglais) : des dictatures conservatrices, répressives, avec (et appuyées sur) des éléments fascistes (mouvements de masse mobilisés sur une base nationaliste ‘populaire’ et anticommuniste/anti-progressiste), mais gardant ceux-ci ‘sous contrôle’[1]. Les dictatures réactionnaires sud-européennes subsistant après 1945 (Espagne, Portugal, Grèce des colonels) présentaient également ces caractéristiques, dans des pays qui n’étaient pas, alors (l’Espagne a pu le devenir depuis), impérialistes (ces régimes étaient soutenus par l’impérialisme occidental dans le contexte anticommuniste de la Guerre froide).

    -    TOUTEFOIS, parallèlement, cette nouvelle division internationale du travail a amené également un phénomène nouveau, quasi inexistant avant 1945. Dans certains pays, particulièrement d’Amérique latine et d’Afrique du Nord/Moyen-Orient, une classe dominante ‘forte’, conséquente, souvent préexistante à la domination impérialiste, a réussi à accumuler (voire à sur-accumuler) beaucoup de capital, pour lequel elle va chercher des débouchés d’investissement, et/ou qu’elle va utiliser pour ‘s’affirmer’ sur la scène internationale. Il va s’agir d’une bourgeoisie nationale (soumise à l’oligarchie liée à l’impérialiste, et ne supportant plus cette soumission), ou d’éléments de la bourgeoisie d’État (ayant ‘la main’ sur des ressources nationales lucratives), de grands propriétaires terriens ayant évolué vers l’agro-capitalisme, etc. En plus de la surproduction planétaire générale (absolue) de capital, à laquelle se heurtent les monopoles impérialistes eux-mêmes (d’où la ‘course à la guerre’), ce capital suraccumulé va se heurter aux capitaux étrangers (impérialistes) présents massivement dans son pays, et aux structures politiques, économiques et sociales (souvent archaïques) sur lesquelles s’appuie la domination impérialiste.

    En prenant le pouvoir dans cette volonté d’affirmation, elle va tenir un discours évidemment nationaliste (contre l’impérialisme), et souvent ‘social’, ‘populaire’ (pour mobiliser les masses derrière elle contre celui-ci). Elle va, assez souvent, mettre en œuvre des mesures sociales améliorant conséquemment la vie quotidienne des masses. Mais, de par sa nature de classe (bourgeoise, ‘possédante’), elle va également (alternativement) encadrer ou réprimer les expressions/organisations autonomes du prolétariat et des classes populaires. Ses relations avec le mouvement socialiste/communiste seront variables, allant de la tentative d’’apprivoisement’ (des éléments les plus opportunistes) à la répression ouverte et chaveznodsystématique, ou parfois ‘en dents de scie’ (selon les périodes).

    Les idéologies exprimant les visées de ce capital suraccumulé du ‘tiers-monde’ sont typiquement, en Amérique latine, le péronisme, l’APRisme ou le PRIsme mexicain (tous bien ‘rentrés dans le rang’ depuis), le ‘développementisme’ d’un certain nombre de juntes militaires ‘progressistes’ dans les années 1960-70, et aujourd’hui le chavisme et les ‘bolivarismes’ de tout poil ; dans les pays d’Orient, ce furent d’abord des idéologies 'laïcistes' telles que le baathisme ou le nassérisme arabes, le kémalisme turc antérieurement dans l’entre-deux-guerres (rentré dans le rang et totalement lié à l’impérialisme US après 1945), ou le mossadeghisme iranien, puis à partir de 1980 des idéologies national-islamistes, sur le modèle khomeyniste iranien chez les musulmans chiites ou pilotées par l’Arabie saoudite, le Qatar et plus généralement les oligarchies pétrolières du Golfe (et/ou des éléments de l'appareil d’État, à l'image des services pakistanais qui ont appuyé les talibans afghans) chez les sunnites (salafisme, Frères musulmans, djihadisme type Al-Qaïda, etc.). Certaines de ces idéologies ressembleront fortement à la social-démocratie ou au social-libéralisme de type européen, d'autres au social-christianisme (comme l'AKP turc ou les Frères musulmans) avec un beaucoup plus fort conservatisme 'sociétal' sur une base religieuse, d'autres (toujours sur une base religieuse) présenteront des traits violemment réactionnaires (khomeynisme, salafisme), d'autres enfin, autour d'un leader 'charismatique' (souvent issu des forces armées), auront un aspect 'césariste', tribunicien, plébiscitaire faisant penser au fascisme (ou au gaullisme), tout en menant souvent une réelle politique de progrès social (l'Amérique latine est 'abonnée' à ces régimes, avec Perón hier et Chavez aujourd'hui, mêlant caractéristiques populistes 'fascistes' et politique social-réformiste généreuse ; Perón était toutefois plus ouvertement social-conservateur - inspiré, à l'origine, par la 'doctrine sociale' catholique de l'encyclique Rerum novarum -, anticommuniste, assumant la défense des intérêts capitalistes par sa politique sociale, tandis que Chavez se veut plus 'révolutionnaire', 'socialiste' voire 'marxiste'). L''émergentisme', la volonté de 's'affirmer' (affirmer le caractère national de la production) face aux 'grands' impérialistes de ce monde, est leur unique dénominateur commun.

    La question de ces régimes et de ces idéologies a traversé (et souvent déchiré) le mouvement communiste tout au long de la seconde moitié du siècle dernier, et jusqu’à nos jours (à l’exception de l’islam politique sunnite, lié aux pétrodollars du Golfe, qui fait généralement l’unanimité contre lui - alors qu'il n'est pas forcément plus réactionnaire et sabre-peuple que certains régimes 'laïcs'). Pour certains, ils sont ‘anti-impérialistes’ et (au moins objectivement) ‘progressiste’ – les courants révisionnistes de type brejnéviens, tels que le PC syrien ou les PC du Venezuela, de Bolivie ou d’Équateur, allant jusqu’à se placer sous leur direction au nom de cela. Pour d’autres, leur caractère de mobilisation de masse derrière la bourgeoisie, sur une ligne nationaliste (ou religieuse) et ‘populiste’, en fait clairement des fascismes… Mais leur ‘rébellion’ vis-à-vis de l’impérialisme (même s’ils ne peuvent, comme régimes et idéologies bourgeoises, s’extraire sérieusement du système impérialiste mondial), le fait qu’ils ne soient pas l’émanation directe d’une fraction ‘dure’ d’une bourgeoisie impérialiste donnée, interroge cette définition ; même si d’un autre côté, dans certains cas (Iran, Syrie etc.) leur répression des forces communistes et authentiquement progressistes, et des aspirations démocratiques des masses populaires en général, peut au contraire pencher en ce sens. La vérité la plus probable est qu’ils sont, sur ‘’l’échiquier’’ de la révolution mondiale, des ‘’pions gris’’ qui peuvent, au gré des circonstances concrètes, être objectivement contre l’impérialisme et donc du côté de la révolution mondiale, ou (en écrasant les revendications populaires démocratiques) son farouche adversaire. La position de SLP serait finalement que chacun de ces régimes (et de ces forces lorsqu’elles ne sont pas au pouvoir) doit être analysé et jugé au cas par cas, en fonction de son attitude envers les masses populaires (le camp du peuple est notre camp) et le mouvement communiste/progressiste (internationalisme prolétarien).

    -         De leur côté, les pays impérialistes actuels se divisent en deux groupes : les ‘déclinants’ (la ‘triade’ Amérique du Nord - Europe de l’Ouest - Japon) et les ‘émergents’ que sont la Russie et la Chine. Dans les premiers, avec la nouvelle crise générale qui sévit depuis les années 1970, on observe un ‘glissement réactionnaire général’ affectant tout le spectre politique bourgeois, depuis la social-démocratie de plus en plus ‘gestionnaire’ jusqu’au libéral-conservatisme de plus en plus ‘décomplexé’, avec la liquidation progressive de toutes les conquêtes sociales obtenues par les masses entre les années 1930 et 1970 (favorisée par la faiblesse et la veulerie du mouvement syndical et des forces réformistes et révisionnistes), le recul des conquêtes démocratiques pour aller vers un encadrement policier croissant des masses populaires, et la montée en puissance de forces d’extrême-droite ‘populistes’ qui s’installent durablement dans le paysage politique. C’est le phénomène que les PC maoïstes de France et d’Italie définissent comme ‘fascisme moderne’. Chez les seconds, l’affirmation sur la scène mondiale se fait sous la direction de régimes autoritaires, ‘verticalistes’, mobilisant les masses sur un fort nationalisme antioccidental et une accession progressive à la ‘petite prospérité’ (pour reprendre le terme chinois), c’est-à-dire la constitution d’une ‘classe moyenne’, permise par une croissance économique (malgré la crise) forte (prévisionnel 2012 : Russie 5,7%, Chine 7,5 à 8%) ; mais pratiquant également une forte répression policière contre toute ‘dissidence’. Ils appuient des régimes aussi ‘sympathiques’ que la junte de Birmanie, la dynastie ‘communiste’ de Corée du Nord, l’Iran des mollahs, la Syrie d’Assad, la Libye de Kadhafi etc. Les autres ‘émergents’, qui ne sont pas des pays impérialistes (Inde, Brésil, Afrique du Sud), mettent largement en avant les formes de la démocratie bourgeoisie, ce qui ne les empêche pas, ‘sur le terrain’, de pratiquer une violente répression contre-révolutionnaire et antipopulaire (comme le montrent l’opération Green Hunt contre les maoïstes en Inde, la répression des paysans sans terre ou les opération militaires ‘anti-criminalité’ dans les favelas au Brésil, ou le récent massacre de mineurs sud-africains en grève).

    Ce qui ressort de ce ‘panorama’, c’est que dans la caractérisation du fascisme, les communistes, évitant l’écueil du schématisme dénoncé par Dimitrov, doivent en quelque sorte ‘doser’ correctement leur analyse de tel ou tel régime bourgeois : la mobilisation de masse, certes, dans des structures contrôlées par la bourgeoisie, mais sans aller jusqu’à oublier complètement l’aspect répressif terroriste et systématique, et confondre ainsi des social-démocrates ou des ‘tribuns’ réformistes bourgeois avec le fascisme ; et la violence répressive ouverte, la négation de toutes les formes ‘démocratiques’ libérales bourgeoises, mais sans oublier l’aspect mobilisateur de masse et ‘moderniste’ qui distingue le fascisme de la dictature réactionnaire ‘classique’. Il faut tenir compte du lien avec les monopoles d’une (ou d’un cartel de) puissance(s) impérialiste(s), sans réduire celles-ci aux seules puissances de la ‘triade’ occidentale (Amérique du Nord, Europe de l’Ouest et Japon, en ignorant la Russie et la Chine), et sans oublier non plus que des régimes ‘anti-impérialistes’ (‘émergentistes’) peuvent aussi être brutalement réactionnaires – comme suffit à le montrer l’exemple syrien… 

    Si l’on en revient au cadre politique dans lequel nous luttons, celui de la construction politico-militaire bourgeoise nommée ‘République française’, en quels termes se pose la question ?

    img 161211Si par ‘fascisme’ l’on entend exclusivement les courants mettant en avant un programme ‘social’, ‘populaire’ voire ‘révolutionnaire’ de restructuration en profondeur du capitalisme et de l’organisation sociale hexagonale, dans un esprit d’"insurrection du capitalisme contre sa propre crise" ; alors, il faut le dire, nous n’avons affaire qu’à des courants relativement marginaux : l’Œuvre française/Jeunesse nationaliste ouvertement nostalgique du régime de Vichy (finalement héritière du francisme, cf. plus bas) ; le Front populaire solidariste de Serge Ayoub ; le Parti solidaire français de Thomas Werlet (qui se revendique ouvertement de l'héritage du PPF, cf. plus bas idem) ou encore les ‘nationalistes révolutionnaires’ de Christian Bouchet, évoluant au sein du FN (mais là, attention : il y a l’aspect ‘lobby russe’, qui veut placer l’impérialisme BBR dans l'orbite d'une ‘Eurasie’ dominée par la Russie ; comme il y a des ‘néocons’ - Droite libre - ou une droite ‘ultra’ occidentaliste - des gens comme Guy Millières - qui militent pour un ‘ancrage atlantique’ inébranlable de l’impérialisme français). Sachant que mettre en avant tel ou tel alignement géopolitique n’est pas en soi synonyme d’une telle ‘révolution’/restructuration, pas plus que de prôner le ‘bon vieux’ protectionnisme comme le fait le FN (et quelques courants néo-gaullistes ‘souverainistes de droite’) – quant à la ‘relocalisation’ de la production prônée parfois, par les Identitaires notamment, elle devra très certainement être abandonnée une fois au pouvoir : même en passant littéralement au pilon le Code du Travail, on voit bloc identitaire Europeens et fiers de l etremal ce qui pousserait des capitalistes à exploiter la force de travail en Hexagone, plutôt que dans des pays où elle ne coûte que quelques euros par jour, pour des journées de 10 à 12 heures, corvéable et jetable à merci, etc.

    Pour le reste, y compris la grande majorité du FN et de ses ‘dissidences’ d’extrême-droite récemment regroupées dans l’Union de la Droite nationale, et même pour les Identitaires, il conviendrait plus de parler de ‘DROITE RADICALE’, assumant l’accentuation plus ou moins progressive et radicale de la répression et de l’exploitation bourgeoise sur les masses populaires. Une caractérisation dans laquelle il n’y aurait, alors, aucun problème à inclure l’aile droite de l’UMP (notamment la Droite populaire) et ses satellites (MPF, CPNT), les ‘souverainistes de droite’ divers (qu’ils soient issus du gaullisme ou anti-européens sur une ligne occidentalo-atlantiste), les 'électrons libres' comme Eric Zemmour, Richard Millet ou le 'conseiller du prince' Patrick Buisson, etc. Les divergences apparaissant, finalement, secondaires : le FN assume plus la répression des masses populaires et la limitation des ‘libertés publiques’ et moins la destruction des concessions sociales arrachées par les travailleurs au long du 20e siècle (ceci amenant un euroscepticisme de type gaulliste ‘social’) ; tandis que l’UMP (sans être ‘laxiste’ sur le plan répressif !), assume plutôt l’inverse ; alignement géopolitique plus ‘euro-atlantiste’ de l’UMP et plus ‘eurasiste’ du FN, etc. Ou alors, il faut être cohérent-e-s et inclure TOUT sous la dénomination de 'fascisme' ou, en tout cas, de composante de la montée du fascisme en cours.

    croix de feuEt il en allait exactement de même dans les années 1930. Pour René Rémond, historien ‘officiel’ des Trente Glorieuses, il n’a même jamais existé, à proprement parler, de fascisme français, seuls des courants marginaux se réclamant ouvertement du fascisme italien (et pratiquement aucun, ouvertement, du nazisme allemand), et le principal parti de masse à la ‘droite de la droite’, les Croix-de-Feu/Parti social français du colonel De La Rocque, étant selon lui ‘trop conservateur’ et ‘pas assez hostile au régime parlementaire’… Un ‘travail de commande’ qui s’explique aisément dans son contexte historique ; puisqu’après-guerre, le programme politique, économique et social des Croix-de-Feu fut essentiellement repris… par le GAULLISME, notamment dans le programme du RPF (1947-55) – dont Rémond admettra, du bout des lèvres, qu’il était ‘’le moins éloigné de ce que l’on avait pris en France l’habitude de désigner comme le fascisme’’... – et dans celui du ‘coup d’État’ de 1958 qui verra la mise en place de la Ve République (si l’on ne peut pas parler, pour la France gaullo-pompidolienne de 1958-74, de fascisme, c’est uniquement parce que le contexte de prospérité économique et de mouvement ouvrier ‘contrôlé’ par le révisionnisme PCF-CGT ne s’y prêtait pas).

    Il est clair que, si l’on entend le fascisme exclusivement comme programme ‘social’, ‘populaire’ voire ‘révolutionnaire’ de restructuration profonde du capitalisme contre sa propre crise, pratiquement personne dans les années 1930 ne se réclamait du nazisme allemand et seuls des courants très minoritaires se réclamaient du fascisme italien : le Faisceau (1925-28)[2], le PPF de Doriot (1936-44)[3] ou encore le Francisme (1933-44)[4]. De plus, dans cette acception du terme et contrairement à la thèse de Rémond, les Croix-de-Feu étaient beaucoup plus ‘fascistes’ que l’Action française (avant tout ultra-conservatrice, traditionaliste) ou les formations successives de Pierre Taittinger (Jeunesses patriotes 1924-35, Parti républicain national et social ensuite), pour lesquelles on peut également et avant tout parler de ‘droite radicale’.

    Et puis, étudier et comprendre le seul régime à caractéristiques fascistes qu’ait à ce jour connu l'Hexagone, la Révolution nationale de Pétain (dans des conditions très particulières d’occupation étrangère, d’indépendance limitée puis proche de zéro à partir de l’automne 1942), c’est ne pas pouvoir ignorer le rôle de la Fédération républicaine (équivalent de l’époque… de notre UMP) tout au long des deux décennies qui précèdent : parti/groupe parlementaire de la bourgeoisie républicaine conservatrice et des ‘ralliés’ (bonapartistes, orléanistes, catholiques) au ‘compromis républicain’, connaissant après la Première Guerre mondiale (face à l’émergence du mouvement communiste) une évolution de plus en plus ultra-réactionnaire, et dont seront issus des cadres de premier ordre de la ‘Révolution nationale’ et de la collaboration, tels que Xavier Vallat (maître d’œuvre de la politique antijuive entre 1940 et 1942, connu aussi – entre parenthèses – pour ses fameux ‘’Mes raisons d’être sioniste’’ et ‘’Vive Israël, mort aux youpins !’’ lors de la Guerre des Six-Jours en 1967), ou encore Philippe Henriot, figure de la Milice et ‘’Goebbels français’’ de la propagande collabo… Taittinger, autre ‘’chef d’orchestre’’ de l’extrême-droite http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/thumb/1/1e/Pierre_Taittinger.jpg/450px-Pierre_Taittinger.jpgdes années 30, siégeait également – en tant que député – dans le groupe de la FR, dont les Jeunesses patriotes assuraient le service d’ordre. Ce personnage avait d’ailleurs la caractéristique – expliquant, peut-être, son rôle ‘central’ dans la ‘fascisation’ de l’époque – d’être à la croisée des deux ‘traditions’ réactionnaires françaises : bonapartiste de conviction (président de l’Union de la Jeunesse bonapartiste de la Seine) mais également lié à la droite nationale-catholique des notables de ‘province’, parisien (né et mort à Paris) mais ‘provincial’ (mosellan) d’origine, élu député et conseiller municipal de Paris mais aussi maire d’une petite commune de Charente, fondateur à Reims de la marque de champagne portant son nom, ‘un pied’ dans la capitale et ‘un pied’ dans le ‘terroir’…

    En résumé, si l’on part de l’affirmation que ‘’nous sommes au seuil des années 1930’’, l’on peut constater – il est vrai – un certain nombre de parallèle et de ‘troublantes’ similitudes politiques :

    - http://medias.lepost.fr/ill/2011/09/05/h-4-2583035-1315235906.jpgl’UMP, avec ses tendances modérées, ‘humanistes et sociales’, ou ‘dures’, ‘reagano-thatchériennes’, conservatrices autoritaires, rappelle fortement la Fédération républicaine. Les Jeunesses patriotes de Taittinger assuraient, dans la seconde moitié des années 1920, le ‘service d’ordre’ de la FR ; l’UMP d’aujourd’hui peut compter dans les facs (contre les mouvements sociaux et les ‘gauchistes’) sur les gros bras de l’UNI et des diverses ‘corpos’ étudiantes (de Médecine et de Droit, surtout), électeurs du parti mais globalement beaucoup plus à droite que les ‘vieux’, et entretenant parfois des liens ouverts avec les groupes fascistes/fascisants (FNJ, Jeunesses identitaires, GUD etc.).

    - la droite modérée (Modem, Nouveau Centre, Alliance centriste, villepinistes, radicaux de Borloo) se retrouve globalement assez bien dans l’Alliance démocratique, ou la droite libérale hostile au fascisme d’un Georges Mandel [dernière minute : la plupart de ces courants, à l’exception du Modem de Bayrou et des villepinistes, viennent de s’unir dans l’Union des Démocrates indépendants (UDI), ce qui devrait logiquement accélérer la droitisation de l’UMP] ;

    - le PS, parti de la gauche bourgeoise (ultra) modérée, de pure gestion ‘sociale’ du capitalisme et ‘universaliste/droits-de-l’hommiste’ des intérêts de l’impérialisme BBR, rappelle fortement le Parti républicain radical et radical-socialiste de l’époque ;

    -  le Front de Gauche rappelle la SFIO (bien que beaucoup moins important que celle-ci en 1930, beaucoup plus proche de son importance avant 1914) ; la ‘gauche radicale’ NPA ou LO évoque les courants à la gauche de celle-ci (notamment les pivertistes du PSOP, les socialistes/syndicalistes révolutionnaires etc.) ;

    -  marinelepen alatribunele Front national/Rassemblement Bleu Marine trouve clairement son équivalent dans les Croix-de-Feu/PSF ; pour le coup, son importance est proche de celle de ces derniers juste avant la guerre (en tant que PSF, 1936-40) ;

    -  le reste de l’extrême-droite fasciste/fascisante, de la ‘droite radicale’ des années 1930 retrouve aussi son équivalent dans l’extrême-droite ‘extra-FN’ d’aujourd’hui, essentiellement l’Union de la Droite nationale regroupant divers scissionnistes (MNR de 1999, Parti de la France et Nouvelle Droite Populaire de 2008-2009), exclus (Œuvre française/Jeunesses nationalistes, Terre et Peuple) et ‘recalés’ ('solidaristes' de Serge Ayoub, Renouveau français) du Front national ; et la mouvance du Bloc identitaire (souvent rejeté par les autres pour sa quête de 'respectabilité', accusé de se 'vendre au système' et à l'UMP). On y retrouve aussi bien des courants catholiques traditionalistes (Renouveau français ou 'réseaux' de Bernard Antony - un temps proche du PdF, mais s'en est éloigné, hostile à l'alliance avec la NDP où milite le néo-païen Vial) et ‘mille terroirs’/'socialistes féodaux' (identitaires) qui font penser à l’Action française (le royalisme en moins), que des courants très proches de la définition ‘étroite’ du fascisme (Œuvre française/Jeunesses nationalistes) et des courants ‘populaires et sociaux’ rappelant le PPF de Doriot (Troisième Voie/Front populaire solidariste, qui entretient également des liens avec Égalité et Réconciliation d’Alain Soral, les nationalistes-révolutionnaires de Christian Bouchet, etc.). Ces courants sont unis dans une hostilité au FN/RBM de Marine Le Pen (jugé trop ‘complaisant’ et ‘respectable avec le système’), qui n’est pas sans rappeler celle de l’extrême-droite des années 1930, regroupée dans le ‘’Front de la Liberté’’, vis-à-vis des Croix-de-Feu (pour des raisons assez similaires). A l’époque, la Fédération républicaine appuyait ce Front pour affaiblir les Croix-de-Feu ; et c’est généralement l’accusation (d’être ‘pilotés par l’UMP’) que le FN adresse aux ‘dissidents’ (Identitaires ou UDN) d’extrême-droite actuels…

    -  une différence ESSENTIELLE, c’est qu’il existe aujourd’hui une ‘gauche révolutionnaire’, un mouvement communiste au sens large (personnes rejetant le capitalisme et souhaitant une société socialiste, ou directement communiste), mais totalement atomisée, prisonnière de mille petits sectarismes (de 'cour de récré') ou prise dans la force d’attraction de la social-démocratie ‘radicale’ électoraliste (Front de Gauche, NPA, LO) ; et il n’y a pas, comme ‘au seuil des années 30’, un grand PARTI COMMUNISTE pour diriger et être le centre d’agrégation de toutes les forces révolutionnaires, anticapitalistes et antifascistes. L’ensemble de ces forces anticapitalistes et antifascistes est même quantitativement très inférieur au seul PCF (sans compter le reste : anarchistes, marxistes dissidents et socialistes révolutionnaires de la frange extrême-gauche de la SFIO) de 1930 ou 1935. Cela, alors même que le FN et l’extrême-droite en général ont largement atteint, voire dépassé, le niveau de leurs prédécesseurs de 1936-40… 

    Dans cette configuration, la 'formule' de mise en place du 'fascisme à la française' semble être la suivante :
    - une 'radicalisation' réactionnaire, sous la pression de la crise générale capitaliste et de la montée de la contestation et des explosions populaires, de la 'droite de la droite' bourgeoise ; mouvement dans lequel sont également entraînés des éléments de la social-démocratie (comme aujourd'hui un Manuel Valls) voire des 'communistes' révisionnistes particulièrement social-républicains (comme André Gerin) ;
    - émergence d'un grand parti 'césariste' réactionnaire (avec un discours ‘populaire’ et 'social') de masse (Croix-de-Feu, aujourd'hui FN) ;
    - ‘à l'ombre’ de ceci, un pullulement et un développement de courants 'ultras', fascistes 'révolutionnaires' à la Ayoub ou puisant dans la tradition national-catholique hexagonale (comme l’essentiel de l’UDN), avec parfois un côté 'socialisme féodal' (comme les Identitaires avec leur ‘relocalisation’, leurs thèmes ‘décroissants’ et écologistes ‘paysagistes’) ;
    - impuissance et errements de la gauche réformiste bourgeoise, toujours face à la crise générale (échec des expériences de 1924-26, 1932-34 et même Front populaire de 1936, qui cède le pouvoir en 1938 à Daladier ; fiasco chaque fois plus grand des quinquennats PS depuis 1981).

    - faiblesse et emprise réformiste, économiste, sur le mouvement ouvrier organisé, erreurs et opportunisme du mouvement communiste.

    http://img.over-blog.com/600x434/1/35/08/38//affiche-r-vachert-revolution-nationale.jpgL’État français semble être une terre de fascisme s'installant 'à pas feutré', en préservant les 'formes', à coup de 'petites phrases', seuls des courants marginaux (et non-unifiés) faisant beaucoup de ‘bruit’ (comme les Identitaires, spécialistes du 'buzz' médiatique 'métapolitique', avec leur récente action à Poitiers, pour 'l'anniversaire' de la victoire de Charles Martel sur les 'Sarrasins')... Ceci, jusqu'à ce qu'une 'catastrophe nationale' amène tout-un-chacun à tomber les masques, et à choisir son camp (il peut alors y avoir des surprises : ainsi, un Pierre Laval n'était pas spécialement à la 'droite de la droite' avant-guerre ; il était un Président du Conseil de centre-droit, pour finir en 1942-44 chef de gouvernement de la collaboration ultra).

    La (grande) inconnue étant quel sera cet évènement ‘majeur’, ce ‘séisme politique’ qui sera le ‘catalyseur’ du saut qualitatif de la dictature bourgeoise vers la dictature réactionnaire terroriste ouverte. Une invasion et occupation étrangère, comme en 1940, paraissant aujourd’hui hautement improbable… Crise économique et sociale comme en Grèce, rendant le pays ingouvernable par les voies démocratiques bourgeoises ‘traditionnelles’, sans toutefois de véritable mouvement communiste fort et organisé présentant une alternative révolutionnaire ? Vague d’attentats ‘islamistes’ faisant des centaines voire des milliers de victimes ? On ne peut que se perdre en spéculations…

    En attendant, le ‘fascisme moderne’ dont parle le PCmF fait penser à l’ambiance militaro-chauvine, colonialiste (hier au nom de la ‘civilisation’ contre la ‘barbarie’, aujourd’hui au nom des ‘droits de l’homme’ et contre le ‘terrorisme’), policière, antipopulaire et contre-révolutionnaire qui régnait dans les premières décennies du 20e siècle (‘ambiance’ évidemment renforcée, après 1918, par l’émergence de l’URSS et de l’Internationale communiste, dont nous n’avons pas l’équivalent aujourd’hui). À la différence, peut-être… que c’était alors une époque de progrès et de concessions sociales, alors que notre époque est celle du ‘grapillage’ par la bourgeoisie de tout ce qu’elle a dû accorder depuis 1945. 

    Finalement, en conclusion, si l’on essayait d’établir les ‘lignées généalogiques’ de la ‘droite radicale’ BBR, qu’obtiendrait-on ?

    1°/ Une lignée bonapartisme (du 19e siècle) – boulangisme – Croix-de-Feu – gaullisme (RPF, UNR/SAC, puis RPR de Chirac à ses débuts) ; dont le FN tend depuis les années 1990 à se poser en continuateur (avec un certain nombre de ‘souverainistes de droite’ dont certains (Paul-Marie Coûteaux) sont pris dans son champ de gravitation) ; c’est finalement le ‘bonapartisme’ de René Rémond ;

    2°/ Une lignée Adolphe Thiers – Fédération républicaine – CNIP – ‘droite décomplexée’ actuelle (Sarkozy-Copé) en passant par le sinistre Parti républicain (1977-97), matrice du "thatchérisme à la française" ; qui est finalement l’orléanisme de Rémond (sachant qu’il existe une ‘aile gauche’ de cet orléanisme, des gens comme Mandel hier et aujourd’hui les ‘dissidents’ du sarkozysme à la Bayrou/Modem (plutôt démocrate-chrétien, à vrai dire) ou (surtout) Borloo/UDI ou Fillon et ses partisans, hostiles à la ‘dérive droitière’ des ‘décomplexés) ;

    3°/ En version ‘radicale’ de cette dernière, une lignée Maurras/Action française – ‘extrême-droite Taittinger’ des années 1920-30 – ‘Révolution nationale’ – ‘Algérie française’ et qui se retrouve aujourd’hui dans la mouvance du MPF (De Villiers) et de CPNT, du Bloc identitaire, de l’UDN, des ‘réseaux’ d’un Jacques Bompard ou d’un Daniel Simonpieri (‘notables’ provençaux d’extrême-droite) ; c’est peu ou prou le ‘légitimisme’ de Rémond (même si le terme est erroné : l'Action française était dynastiquement orléaniste, pour la restauration du comte de Paris) ;

    4°/ Enfin il y a le courant ‘national et social’, partant du ‘fricotage’ de Georges Valois avec l’Action française dans les années 1910 (‘Cercle Proudhon’) et passant par le PPF de Doriot et le nationalisme-révolutionnaire des années 1960-90 pour aboutir aujourd’hui dans le ‘solidarisme’ de Serge Ayoub, la ‘mouvance’ Dieudonné-Soral, le Parti solidaire de Werlet ou les ‘NR’ de Christian Bouchet (ayant parfois fusionné avec le "tiers-mondisme" - notamment très pro-arabe - d'un certain post-nazisme dès les années 1950, autour du banquier François Genoud et de quelques autres). Ceux-ci étaient les seuls ‘véritables’ fascistes selon la mouvance 'antifasciste' qui s’était constituée autour du ‘p’’c’’mlm’...

    On peut aussi souligner la persistance du vieux clivage entre "parti catholique" et "parti maçonnique/libre-penseur/laïc", qui s'est longtemps confondu avec le clivage droite/gauche au sein de la bourgeoisie mais cela n'est plus aussi évident aujourd'hui (et depuis au moins 70 ans) : les loges maçonniques classées à droite (GLF, GLNF) ont gagné en hégémonie et le Grand Orient lui-même n'est plus aussi facilement classable à gauche qu'autrefois (voir l'exemple de l'idéologue 'sécuritaire' Alain Bauer) ; on trouve aujourd'hui très certainement des francs-maçons au FN voire dans les 'droites nationales' à sa droite (UDN) tandis que se sont largement développés la démocratie-chrétienne et les 'cathos de gauche' dans la lignée de Lamennais et Victor Hugo jusqu'au sommet du PS, comptant rien de moins que l'actuel Premier ministre Jean-Marc Ayrault... Le clivage, néanmoins, garde encore parfois un aspect structurant : ainsi à Lyon, 'capitale de la province' et accessoirement capitale religieuse des 'Gaules', la bourgeoisie reste historiquement et structurellement partagée entre un 'clan catholique', allant de démocrates-chrétiens sociaux-libéraux au sein du PS (et d'une importante section du Modem) jusqu'aux ultra-conservateurs autour de Charles Millon ("Droite libérale chrétienne") et aux national-catholiques autour de Bruno Gollnisch, et un 'clan radical' franc-maçon qui a dirigé la ville de 1905 à 1957 avec Édouard Herriot et va là encore aujourd'hui de l'entourage du maire PS Gérard Collomb jusqu'à des membres (sans doute) du FN en passant par la droite 'républicaine', notamment la grosse section radicale 'valoisienne'. On le retrouve également au sein des forces armées du Capital : il est de notoriété publique que les officines catholiques (allant là encore de la démocratie chrétienne au national-catholicisme ultra façon Civitas/ICHTUS) sont très présentes dans l'institution militaire... tandis que tout cadre de la Police nationale qui se respecte a ses entrées dans une loge maçonnique. Il existe aussi historiquement une tendance 'entre-deux' (souvent liée aux loges maçonniques de droite), rejetant l'hégémonie intellectuelle totale de l'Église sur la société mais prête à l'utiliser (pragmatiquement) pour l'encadrement des masses et les 'bonnes valeurs', avec des personnages non moins importants qu'Adolphe Thiers ("Je veux rendre toute-puissante l'influence du clergé parce que je compte sur lui pour propager cette bonne philosophie qui apprend à l'homme qu'il est ici-bas pour souffrir et non cette autre philosophie qui lui dit au contraire : jouis") ou Louis-Napoléon Bonaparte (se retrouvant donc dans leurs héritages politiques respectifs).

    La ‘gauche’ bourgeoise étant, elle, partagée entre ses deux traditions ‘historiques’ girondine (allant des sociaux-libéraux à la Strauss-Kahn aux libéraux-libertaires à la Cohn-Bendit) et jacobine (plus étatiste-dirigiste, ‘verticaliste’, ‘républicaine’, souvent eurosceptique : Montebourg, Emmanuelli etc.). L’une et l’autre étant toujours plus tirées vers la droite, soit sur la ligne de la ‘loi du marché’, de la ‘compétitivité’ dans une ‘économie mondialisée’ etc. (girondins), soit sur celle des ‘valeurs républicaines’, de la ‘laïcité’ et compagnie (jacobins)...

    Enfin, on l’a dit, le mouvement communiste et le mouvement révolutionnaire anticapitaliste au sens large en sont, pour ainsi dire, à leur niveau idéologique et de structuration d’avant 1914, alors que le fascisme au sens large (fascisme ‘révolutionnaire’ et ‘droite radicale’) est à son niveau des années 1930…


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    [1] Voici ce qu’en disait Dimitrov en 1935 : Nous en avons des exemples tels ceux de la Bulgarie, de la Yougoslavie, de la Finlande, où le fascisme, tout en manquant de base large, n'en est pas moins arrivé au pouvoir en s'appuyant sur les forces armées de l'Etat, et où il a cherché ensuite à élargir sa base en se servant de l'appareil d'Etat.

    [2] Il s’agissait d’un mouvement monté de toute pièce par le grand-bourgeois (parfumeur) François Coty, cherchant à ‘plaquer’ artificiellement le modèle fasciste italien sur la réalité français, jusque dans le leader ‘venu de la gauche’ : Coty ‘dégotta’ ainsi un représentant de l’aile droite du syndicalisme révolutionnaire, Georges Valois, qui avait dans les années 1910 ‘fricotté’ avec l’Action française pour un programme antiparlementaire ‘national et social’. Mais ce plaquage artificiel se révéla rapidement impossible, n’accrocha’ pas les couches populaires et se désintégra en à peine plus de deux ans, sous le poids de ses contradictions (entre la grande bourgeoisie anticommuniste et anti-réformiste de Coty et le social-réformisme ‘radical’ sincère de Valois, entre le programme ‘révolutionnaire’ initial du fascisme italien qu’admirait Valois et sa réalité réactionnaire - et économiquement très libérale - de 1926-27, etc.). Valois (avec la plupart des cadres issus du syndicalisme révolutionnaire) revint vers la gauche ; il ne fut jamais réintégré par la SFIO mais entra en résistance dès 1940 et mourut déporté à Bergen-Belsen. Dans la seconde moitié des années 1920, la principale formation paramilitaire ultra-réactionnaire/fascisante qu’affrontait le jeune Parti communiste était les Jeunesses patriotes de Taittinger.

    [3] Formé quant à lui avec le financement du banquier Gabriel Le Roy Ladurie et dirigé par l’ancien cadre communiste et maire de Saint-Denis Jacques Doriot, exclu en 1934. Doriot était un personnage dévoré d’ambitions personnelles - devenues insupportables au sein du Parti - et qui, après son exclusion, poursuivit alors une quête de revanche personnelle contre celui-ci, laquelle se concrétisa lors de sa rencontre avec Le Roy Ladurie. Le PPF se voulait à l’origine un parti ‘populaire’ et ‘de gauche’ concurrent du PC, mais évolua rapidement (dès 1937) vers des positions fascistes ultras et sera sous l’Occupation le mouvement le plus farouchement collaborationniste et pro-nazi.

    [4] Troisième plus important mouvement impliqué dans la collaboration en 1940-44. Le deuxième plus important (après le PPF) et ‘troisième larron’ fasciste ‘venu de la gauche’ était le Rassemblement national populaire (RNP) de Marcel Déat, ‘néo-socialiste’ (aile ultra-droite de la SFIO) dont le ‘profil politique’, au ‘seuil des années 30’, évoque celui d’un Éric Besson ou d’un Manuel Valls aujourd'hui (pour une gauche ‘moderne’, rompant avec le ‘marxisme archaïque’ etc. etc.)

     

     


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    1. C’en est donc fait : dans sa campagne interne contre François Fillon (le représentant de la droite post-gaulliste ‘’humaniste et sociale’’, ‘’modérée’’, bref la droite ‘’Chirac’’ des années 1990-2000), Jean-François Copé a rendu public son Manifeste pour une droite décomplexée. Il y aborde notamment la thématique du "racisme anti-blancs", sur laquelle nous nous étions déjà exprimés voici bientôt deux ans. SLP avait déjà pressenti, depuis un bon moment, que Copé serait le nouveau Sarkozy, celui qui prendrait le relais du ‘’à droite toute’’, de la crispation réactionnaire de la bourgeoisie imposée par la crise générale économique, politique, sociale et culturelle dans laquelle nous vivons depuis maintenant 40 ans : pousser la réaction ultra, le semi-fascisme au maximum en évitant le fascisme pur et simple – c'est-à-dire, l’arrivée au pouvoir du Front national. ‘’Éviter’’ étant un bien grand mot ; repousser l’échéance étant plus approprié. Car ce faisant, "l'accumulation quantitative de réaction" par la droite "décomplexée", tout en étant toujours en retard d'une longueur sur les nécessités de restructuration et de "reprise en main" que la crise générale pose devant la bourgeoisie, ne fait que creuser le lit de la déferlante fasciste qui gronde derrière elle (plus fort que jamais depuis les dernières élections).

    CopéSarkozy et Copé partagent un profil fortement similaire : milieu aisé de la banlieue ouest de Paris, proches des milieux d’affaire (comme avocats, Copé ayant un parcours plus complexe, passant notamment par l’ENA), esprit de ‘’gagnants’’, reagano-thatchériens à la française… Des réactionnaires ultras, ‘’décomplexés’’, mais refusant d’assumer le fascisme comme forme de gouvernement et d’organisation sociale.

    Pour Jean-François Copé, le ‘’frein’’ à cela est évident : son grand-père, Marcu Hirs Copelovici, était juif et a quitté la Roumanie en 1926 devant les persécutions antisémites de ce pays ; en 1943, la famille échappa de justesse à la rafle d’Aubusson… Il ne peut donc assumer le programme ‘’pur et simple’’ de l’extrême-droite, même celle qui dans ses préoccupations relèguerait le ‘’mondialo-sionisme’’ loin derrière la résistance à ‘’l’invasion islamique’’ ; et encore moins ses références. La même barrière se posait, sans doute, devant Nicolas Sarkozy. 

    11666 bigMais, depuis l’élection présidentielle et la défaite de l’UMP à celle-ci, Copé est tombé dans les griffes du même homme qui a tenté de faire de Sarkozy un semi-fasciste : le ‘’conseiller de l’ombre’’ des campagnes 2007 et 2012, le très maurassien Patrick Buisson, partisan de la ‘’convergence de toutes les droites’’ (y compris le FN), et d’une droite réactionnaire bourgeoise au discours ‘’clivant’’ face à la gauche (ou au ‘’centrisme mou’’ de la tradition rad’soc’ à la française)…

    Le ‘’cerveau’’ de la ‘’droite décomplexée’’ qui a conduit Sarkozy à l’Élysée en 2007, c’est lui : ne pas établir un ‘’cordon sanitaire’’ idéologique autour du Front national, mais au contraire chasser sur ses terres, en faisant valoir que son programme est juste mais que le FN n’est simplement pas le mieux habilité à le mettre en œuvre. 

    Il n’y a là nulle ‘’contradiction’’ entre deux bourgeoisies (‘’traditionnelle’’ et ‘’financière’’ ou ‘’impérialiste’’), mais simplement entre deux branches de la tradition réactionnaire hexagonale (et de la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie), ‘’remises au goût du jour’’ et susceptibles, si ce n’est déjà fait dans l’intention (le programme politique), de muter en fascisme, qui est moins une idéologie en tant que telle qu’une forme de gouvernement : l’abandon des ‘’formes’’ humanistes-libérales de la domination bourgeoise pour assumer des formes répressives terroristes, militaristes génocidaires etc., dans la mobilisation des masses populaires au service de ces plans de la frange la plus agressive de la bourgeoisie monopoliste.

    Si l’on laisse de côté les courants marginaux ultra-atlantistes, ‘’néo-conservateurs bleu-blanc-rouge’’ à la Del Valle, ou ‘’eurasistes’’ à la Bouchet, qui veulent arrimer la France et l’Europe à une grande puissance impérialiste (USA ou Russie) en niant les contradictions d’intérêts qui existent obligatoirement entre elles ; ces deux principaux courants sont :

    - le courant maurasso-pétainiste, dont une frange ultra tend à s’unifier dans l’Union de la Droite nationale (dans laquelle la ‘’Troisième voie’’ de Serge Ayoub cherche, certainement, à jouer le rôle ‘’populaire et social’’ du PPF de Doriot), tandis qu’une frange plus "modérée" (De Villiers) gravite autour de l’UMP, des électrons libres comme Buisson se font ‘’conseillers du prince’’, d’autres éléments évoluent dans la mouvance identitaire, ou national-catholique autour du Renouveaumillet 130 français etc. ; c’est, schématiquement et de manière non-absolue, la ‘’droite radicale’’ des ‘’notables de province’’ (et de la ‘’vieille France’’ hantant les hôtels particuliers de l’ouest parisien). On peut aussi rattacher à ce courant l’éditeur-polémiste Richard Millet, national-catholique occidentaliste et anticommuniste viscéral, ‘’ancien combattant’’ aux côtés des Phalanges libanaises, très ‘’terroir’’ (corrézien en l’occurrence) et ‘’défense de la langue française’’ ; qui a récemment fait le ‘’buzz’’ avec son Eloge littéraire d’Anders Breivik.

    - le courant ‘’césariste’’, tradition courant du bonapartisme au gaullisme, avec ses ‘’hommes providentiels’’ ayant ‘’une certaine idée de la France’’, en ‘’lien direct’’ plébiscitaire avec le peuple des petits propriétaires (de moyens de production ou de patrimoine personnel) ; c’est plutôt la ‘’droite radicale’’ de la bourgeoisie des grandes métropoles, des classes urbaines aisées mais aussi des paysans propriétaires (dans la tradition bonapartiste). Si l’on laisse de côté les gaullistes ‘’humanistes et sociaux’’ à la Fillon – totalement dans le champ de la démocratie bourgeoise – on les trouve à l’UMP, principalement dans le courant ‘’Droite populaire’’, dans le camp ‘’souverainiste’’ autour de Dupont-Aignan ou Asselineau, et bien sûr dans le lepénisme (Jean-Marie et Marine Le Pen) dirigeant le Front national (même si beaucoup de maurasso-pétainistes s’y retrouvent aussi, de même – en version plus ‘’modérée’’ ou simplement pragmatique – qu’à l’UMP). Mais dans la dimension de masse, c’est aujourd’hui clairement le Rassemblement Bleu Marine, autour du FN de Marine Le Pen, avec des souverainistes gaullistes (Paul-Marie Coûteaux) voire ex-chevènementistes (Florian Philippot), qui assume cette posture ‘’tribunicienne’’ et ‘’populaire’’ auréolée de références au gaullisme, à la ‘’grandeur’’ des années 1960, avant que ‘’tout foute le camp’’ avec le libéral-européisme giscardien puis le ‘’socialo-communisme’’ mitterrandien. Un paradoxe, tout de même, pour un mouvement formé à sa naissance pour moitié de vétérans de ‘’l’Algérie française’’ et pour l’autre de nostalgiques du régime de Vichy. Mais c’est toute la modernité du fascisme que de savoir remiser ces références dépassées ; et aujourd’hui, les éléments pétainistes/OAS irréductibles ont globalement quitté le FN, pour se retrouver plutôt du côté de l’UDN.

    Entre ces courants, nulle frontière imperméable bien sûr, les deux partageant la défense des mêmes intérêts (ceux de l’impérialisme et du capitalisme français) sur une ligne ‘’dure’’, la même haine de la révolution et même du réformisme bourgeois, et la même détermination à écraser les masses populaires si nécessaire.

    Mais il y a bien deux courants, avec des conceptions de la (construction bourgeoise) France, du monde et des stratégies sensiblement différentes, et qui tendent à s’affronter.

    L’un est plutôt pragmatique, cherchant à infiltrer et influencer la droite de gouvernement (comme Buisson) ou à développer ‘’l’implantation locale’’ d’élus ou de ‘’groupes d’influence’’, l’autre cherche le lien ‘’tribunicien’’ avec ‘’le peuple’’ sur un discours ‘’social’’. L’un est plutôt républicain centraliste, l’autre plutôt attaché aux ‘’mille terroirs’’ et aux ‘’petites patries’’ dans la ‘’grande’’. L’un assume mieux les ‘’partenariats’’ avec les puissances du moment (hier l’Allemagne nazie, aujourd’hui le bloc anglo-saxon ou le ‘’partenariat’’ européen avec l’Allemagne etc.), l’autre est très ombrageux de la ‘’grandeur de la France’’, qui ne doit pas forcément toujours faire "cavalier seul", mais toujours être guidée par ses seuls intérêts. Globalement, le maurasso-pétainisme penche plutôt vers l’occidentalisme (sans être totalement ‘’atlantiste’’, aligné sur les Anglo-saxons, ce qui n’est pas la même chose) et le ‘’césarisme’’ plutôt vers la vieille antienne gaulliste ‘’de l’Atlantique à l’Oural’’.

    Ceci est ‘’l’abscisse’’, l’’’ordonnée’’ étant le degré de terrorisme réactionnaire assumé contre les masses populaires (ou la frange de celles-ci qu’ils n’auront pas réussi à rallier à leur cause). Sur ce point l’UMP et ses satellites (CPNT, MPF) sont simplement plus ‘’modérés’’ et le FN (tout en assumant un discours plus ‘’social’’, en apparence plus sensible aux ‘’petites gens’’) plus radical. Et c’est là, aussi, que le bât blesse pour la bourgeoisie la plus réactionnaire, au regard des exigences que la crise met à l’ordre du jour, en termes de trouble croissant à l’ordre social ; et bientôt peut-être, de reprise en main autoritaire de l’économie et de l’organisation sociale toute entière, et d’affrontement aigu avec les autres puissances impérialistes (et les ‘’émergents’’ etc.).

     Il va désormais de soi que, dans la crise TERMINALE du capitalisme où nous sommes plongés depuis 2008 (et qui n’a pas encore, en France, donné toute sa ‘’puissance’’), JAMAIS PLUS la droite réactionnaire ‘’classique’’ ne sera en position de force face à l’extrême-droite fasciste – FN et ses épigones. Soit elle devient l’applicatrice ‘’autorisée’’ de son programme (c’est-à-dire, dans les faits, fasciste elle-même) ; soit elle disparaît.

     

    2. Quelle est la différence entre cette droite bourgeoise ultra-réactionnaire, ‘’décomplexée’’, que prétend incarner Copé, et le fascisme ?

    La droite ‘’décomplexée’’ représente la frange de la grande bourgeoisie qui veut faire payer au prolétariat et aux masses populaires le prix de la crise générale du capitalisme, de la chute vertigineuse de son taux de profit – raison d’être de tout bourgeois capitaliste ayant investi un capital dans une activité productive.

    Pour faire simple, quitte à être trivial, elle veut ‘’tirer sur la corde’’… en espérant qu’elle ne casse pas. Elle est aidée, en cela, par le ‘’dialogue social’’ avec les bureaucraties syndicales jaunes, éventuellement par un tissu politicien local ‘’de gauche’’, qui puisera dans les fonds de tiroirs pour ‘’faire du social’’, essayer d’atténuer un peu les effets les plus durs des ‘’mesures’’ décomplexées pour les masses… Elle se moque de cette ‘’gauche’’ bourgeoise (la bourgeoisie qui craint pour sa peau et évite de trop provoquer la colère populaire), qui n’a ‘’pas le courage’’ de ‘’prendre les mesures urgentes qui s’imposent’’ ; mais dans le fond, elle peut s’estimer heureuse de la soupape de sécurité que celle-ci représente, pour enfermer les masses dans le réformisme et les détourner de la révolution, jusqu’à accéder pour ‘’un petit tour’’ aux affaires, comme Blum en 1936, Mitterrand en 1981 et Hollande cette année. Dans la ‘’démocratie’’ qui n’est que répartition harmonieuse des rôles dans la dictature du Capital, la social-démocratie joue toujours un rôle essentiel, celui de faire ‘’passer la pilule’’.

    Cette droite ‘’décomplexée’’ au pouvoir, en alternance occasionnelle avec une social-démocratie ultra-‘’molle’’ (purement gestionnaire, sans la moindre ‘’audace’’ réformiste), correspond à ce que le PC maoïste de France appelle le ‘’fascisme moderne’’ : ce que nous avons en France depuis la première cohabitation de 1986-88, voire depuis la présidence Giscard ; en Italie depuis l’avènement de la ‘’2e République’’ au début des années 1990 ; en Grande-Bretagne depuis Thatcher (1979), aux États-Unis depuis l’ère Reagan des années 1980, en Allemagne depuis l’ère Kohl (1982-96), etc. (on notera que dans ces pays impérialistes plus ‘’compétitifs’’, la ‘’gauche’’ bourgeoise gestionnaire, beaucoup plus molle encore que notre PS, peut revenir au pouvoir pour d’assez longues périodes).

    Le fascisme, lui… intervient lorsque ‘’la corde a cassé’’. Les effets de la crise et des ‘’mesures’’ prises pour redresser le taux de profit ont rendu les masses populaires quasi ingouvernables. Une situation révolutionnaire est à l’ordre du jour – éventuellement, la ‘’gauche’’ réformiste de la bourgeoisie a tenu les rênes du gouvernement pendant un certain temps : République espagnole, Front populaire en France, Allende au Chili, radicaux (1958-62) ou ‘’printemps camporiste’’ (Hector Campora, 1973) en Argentine, etc. La classe bourgeoise va alors se ranger aux conceptions de sa frange la plus ‘’ultra’’ (grossie, par la situation, d’éléments ‘’radicalisés’’), qui va mobiliser les masses dans une insurrection du capitalisme contre sa propre crise : une politique volontariste, ‘’révolutionnaire’’, contre les symptômes de la crise générale en phase terminale : le ‘’désordre’’ (situation révolutionnaire en développement, agitation révolutionnaire par des organisations prolétariennes ou même simplement explosions populaires spontanées), la ‘’spéculation’’ et la ‘’finance’’ (qui sont des symptômes de la surproduction absolue de capital), la misère galopante par des ‘’mesures sociales’’ qu’il va falloir (rapidement) financer (nous verrons comment…) et les tensions internationales, les contradictions entre puissances impérialistes ou avec d’autres ‘’forces’’ agissant dans l’arène mondiale, qui s’aiguisent comme des lames de rasoir ; et cela veut dire la mobilisation chauvine dans une perspective de guerre impérialiste. Actuellement, ceci apparaît très nettement dans le cas de la Grèce, pays que la crise générale a rendu ingouvernable par sa "classe" politique traditionnelle soumise à la "Troïka" Commission européenne-BCE-FMI et confrontée à une résistance populaire sans précédent dans l'histoire récente du pays (hélas, privée d'une direction révolutionnaire à la hauteur des enjeux) ; avec l'émergence de l'Aube Dorée, parti assumant ouvertement la référence au nazisme et aux régimes fascistes du siècle dernier, disposant de relais solides dans l'appareil d'État (police, armée, "justice", clergé orthodoxe religion d'État etc.) et prenant de plus en plus en charge la sécurité publique, l'assistance aux plus pauvres etc. tout en se livrant aux pogroms d'immigrants et bien sûr... à l'action paramilitaire ultra-violente contre les "gauchistes".

    img 161211Le fascisme va tendre à synthétiser (quitte à ce que le résultat soit un peu ‘’bric-à-brac’’) les grandes traditions réactionnaires du pays, tout en se plaçant résolument ‘’dans l’air du temps’’ de la société actuelle et à la hauteur des défis (pour le capitalisme national) du moment et de l’avenir : entre tradition et modernité, les ‘’pieds’’ solidement ancrés dans la tradition et le regard tourné vers l’avenir. Au sens strict, le fascisme n’est pas une idéologie bien définie, et s’embarrassant encore moins de cohérence ; c’est une FORME DE GOUVERNEMENT de la société capitaliste : 1°/ dictature terroriste réactionnaire OUVERTE (contre les révolutionnaires, toutes les forces progressistes et même la bourgeoisie ‘’antifasciste’’ – libérale, démocrate-bourgeoise, réformiste modérée façon PS, ‘’centriste’’ à la Bayrou, ‘’humaniste et sociale’’ comme un Borloo voire un Fillon) ; 2°/ MOBILISATION DE MASSE au service des plans de leurs exploiteurs : contre-révolution, restructuration de l’organisation productive et sociale capitaliste (contre la crise générale économique, politique, sociale et culturelle que traverse le mode de production), et guerre impérialiste tous azimuts comme sortie de crise obligée (pillage, destruction de forces productives chez les puissances rivales, et restructuration mondiale du système). La droite réactionnaire ‘’classique’’, même ULTRA-réactionnaire dans les valeurs qu’elle assume, n’assume pas (ou faiblement) cet aspect mobilisateur de masse ; ce qui la distingue du fascisme (alors qu’elle peut assumer une ‘’pression’’ répressive très forte sur les masses populaires, comme dans la France de la "tourmente algérienne" 1956-62 ou de Raymond Marcellin 1968-74, l'Italie de la fin des années 1970 etc. - pour citer des exemples "au bord du fascisme").

    L’’’énergie’’ dégagée par les contradictions, qui s’aiguisent dans la société, va être mobilisée et utilisée au service des intérêts et des plans du Grand Capital – en tout cas, de sa fraction la plus agressive et réactionnaire.

    Pour résumer, là encore de manière triviale, ‘’la corde a cassé’’, la colère des masses devient incontrôlable et le fascisme va la canaliser en lui proposant un exutoire : ‘’il faut aller casser la gueule’’ à quelqu’un…

     

    3. Déjà dans les années 1970, au tout début de la crise que nous traversons actuellement (et qui n’a fait, depuis 2008, que franchir un nouveau cap), avec les ‘’chocs pétroliers’’ de 1973 et 1979, le dessinateur petit-bourgeois Reiser résumait on ne peut mieux cela : il croquait des ‘’français moyens’’ pour lesquels ‘’il suffit d’aller casser la gueule aux Arabes’’. Comment ne pas voir – abstraction faite de l’auteur, petit-bourgeois ‘’libertaire’’ et anticommuniste farouche – le caractère annonciateur de cette caricature ?

    Il y a des personnes, dans la ‘’gauche radicale’’ petite-bourgeoise (PG, LO) mais aussi chez les ‘’révolutionnaires’’, même prétendument ‘’maoïstes’’, pour nier l’islamophobie (et d’autres, malheureusement, pour y répondre en essentialisant l’islam : l’islam serait attaqué parce que islam, et non pour des raisons d’économie politique bien plus concrètes). Celle-ci est pourtant, sans être la seule, une mobilisation réactionnaire de masse essentielle de notre époque : simplement, un ‘’glissement sémantique’’ s’est opéré entre les ‘’Arabes’’ des années 1970 et ‘’l’islam’’ (généralement associé au ‘’terrorisme’’) d'aujourd’hui. Tout simplement parce qu’entre la confiscation de la révolution iranienne par les mollahs en 1979, et le 11 septembre 2001, la résistance nationale arabe et des pays de la ‘’région intermédiaire‘’ (qui recèle la grande majorité des ressources énergétiques de la planète ; on pourrait y ajouter la région Indonésie-Malaisie, également très riche en énergies fossiles et très majoritairement musulmane) a globalement abaissé le drapeau du nationalisme ‘’laïc’’ à la Nasser ou Mossadegh, pour hisser celui d’un nationalisme religieux, mettant en avant la religion islamique, avec Khomeiny ou Ben Laden et Zawahiri (et les talibans afghans, des éléments de la bourgeoisie pakistanaise, Omar el-Béchir et Hassan al-Tourabi au Soudan, etc. etc.).

    La crise générale du capitalisme, que nous traversons depuis les années 1970 (avec même des prémisses dès la fin des années 1960), a pour origine une SURPRODUCTION ABSOLUE DE CAPITAL. Mais cela, les bourgeois ne peuvent l’admettre, puisque cela prend sa source dans l’accumulation capitaliste elle-même et oblige, par conséquent, à remettre en cause le mode de production – et leur position en tant que classe. Ils vont donc s’attacher à des symptômes, particulièrement marquants, qui jalonnent la plongée du monde capitaliste dans la crise. Les ‘’chocs pétroliers’’ des années 1970 ont été parmi les tous premiers de la crise actuelle. Aujourd’hui encore, ils sont décrits par tous les ouvrages bourgeois d’histoire, d’économie etc. comme le point de départ de celle-ci. En réalité, ils reposaient sur une logique toute simple : la crise, déjà commencée (avec des conséquences comme notamment la mise en flottement du dollar, détaché de toute référence-or), aiguisait les contradictions entre les bourgeoisies impérialistes (d’Occident, du Japon, d’URSS) et les classes dominantes des pays producteurs de pétrole. Celles-ci ont tout simplement voulu… valoriser leur capital (leurs réserves d’or guerre du golfnoir) en augmentant les tarifs de la marchandise pétrole (pour cela, il suffit de faire jouer la rareté : extraire moins de pétrole, ou le garder en stock et ne pas le mettre sur le marché). Tout le reste (guerre du Kippour, etc.) n’a été qu’un prétexte.

    Cela, évidemment, a impacté durement les économies occidentales en augmentant les coûts de production, et de réalisation de la valeur (transport, acheminement de la marchandise). D'où, déjà, une certaine animosité et une volonté de ramener ces effrontés à la docilité, en leur "cassant la gueule" si nécessaire (par exemple, en lançant l'Irak contre l'Iran aux velléités nationalistes et expansionnistes de Khomeyni, permettant au passage d'affaiblir le premier, d'acheter sa docilité par l'indispensable soutien impérialiste à son effort de guerre, et d'engraisser le complexe militaro-industriel - français notamment - par de juteux contrats d'armement... puis, l'Irak se montrant à son tour indocile en envahissant le Koweït, il fut écrasé par une intervention impérialiste qui fit 100.000 morts et soumis à un embargo aux 500.000 victimes).

    Mais, d’autre part, cela a amené (par la vente de pétrole plus cher) une masse financière considérable dans les gros pays producteur (pays du Golfe, Iran etc.), un (nouveau) CAPITAL qu’il s’agit alors pour eux de valoriser, de faire fructifier – les classes dominantes ayant maintenant beaucoup plus de pétrodollars qu’il ne leur en faut pour simplement s’assurer une vie de luxe. D’où la tendance de ces pays à ‘’s’affirmer’’ sur la scène internationale, à mener une politique plus ‘’indépendante’’ voire, pour des États en tant que tels comme l’Iran, l’Irak de Saddam Hussein ou la Libye de Kadhafi dans les années 1980, ou encore pour des fractions de classes dominantes comme celles du Golfe (et/ou des éléments de l'appareil d’État, à l'image des services pakistanais qui ont appuyé les talibans afghans) qui financent le djihadisme, une politique agressive vis-à-vis des pays impérialistes et de leurs alliés : ils cherchent tout simplement des débouchés pour leurs capitaux, suraccumulés à travers la vente du pétrole (ou du gaz).

    Choses qu’évidemment, les puissances impérialistes (déjà en crise) ne peuvent tolérer. ‘’Casser la gueule aux Arabes’’ (leur faire la guerre, pour mettre fin à leurs tentations émancipatrices et contrôler leur pétrole aux meilleures conditions) n’est alors plus un propos de comptoir, mais une option très sérieuse des pays impérialistes pour se sortir (à court terme) de leur crise. Les propos de comptoir signifient simplement qu’une mobilisation réactionnaire de masse s’est opérée, dans le sens de cette option.

    caricature-islamophobe-eurabiaSi des actions militaires (‘’terroristes’’) frappent le sol des pays impérialistes, depuis les attentats de Paris en 1986 à ceux de Londres en 2006, en passant par une litanie sans fin (premier World Trade Center en 1993, Paris en 1995, Madrid en 2004) et bien sûr les actions spectaculaires du 11 septembre 2001 ; c’est évidemment encore pire (la sécurité intérieure est menacée).

    Si des pays impérialistes abritent d’importantes populations originaires de pays musulmans ; que celles-ci, ayant conscience de leur situation particulière d’opprimés au sein des classes populaires en général, refusent de ‘’s’assimiler’’, c'est-à-dire de se soumettre aux valeurs de la nation impérialiste ; qu’elles gardent un rapport de solidarité avec leurs pays d’origine, opprimés par l’impérialisme, et avec le ‘’monde musulman’’ en général (notamment les pays directement occupés : Palestine, Iraq, Afghanistan) ; alors nous voilà partis sur le thème de l’ennemi intérieur, bien au-delà de la réalité des quelques individus qui pourraient, au nom d’’’Al-Qaïda’’ et du salafisme (expression militaire de la frange ‘’radicale’’ des capitaux du Golfe) ou de l’Iran, ou par émulation solitaire (Mohamed Merah), commettre des attentats… En France, de plus, le thème de l’ennemi intérieur arabo-musulman a des racines culturelles plus anciennes encore (les opérations du FLN en métropole, pendant la guerre de libération algérienne). 

    Ainsi naît l’islamophobie, que seuls des aveugles pourraient nier aujourd’hui. Celle-ci n’est qu’un approfondissement, un élargissement (l’islam, c’est plus large et plus adéquat à la ‘’région intermédiaire’’ que ‘’les arabes’’) et un glissement sémantique (d’Arabes à ‘’musulmans’’, ou ‘’muzz’’ en jargon d’extrême-droite), du ‘’casser la gueule aux Arabes’’ de Reiser.

    Ceci dit, dans le bloc impérialiste ‘’européen’’ (autour de l’axe franco-allemand), et ceci dès les années 1960, des éléments fascistes minoritaires vont prendre le contre-pied de ce point de vue : le contrôle (impérialiste) de la ‘’région intermédiaire’’ passe selon eux par de bonnes relations avec la Russie (hier l’URSS), certes, mais aussi avec les nationalistes de la région, fussent-ils religieux (bien que les ‘’laïcs’’ à la Saddam Hussein, Assad, Kadhafi etc. aient longtemps eu leur préférence, mais ce nationalisme-là est largement révolu et il faut s’adapter…). Leur ennemi principal et absolu est le bloc impérialiste USA-Commonwealth-Israël. Ils tendront, à l’intérieur de leurs pays, à rechercher l’alliance avec des éléments réactionnaires arabo-musulmans ; et la ‘’cinquième colonne’’, à combattre, sera essentiellement pour eux les ‘’américano-sionistes’’… auxquels ils identifieront la quasi intégralité de la communauté juive. Ce courant sera aussi, évidemment, très fort en Russie impérialiste, bien que celle-ci subisse également (dans le Caucase et en Asie centrale, hier dans les Balkans) l'offensive du Capital suraccumulé du Golfe (l’Iran, lui, étant un pays allié). Mais là, "pas de problème" : pour les "eurasistes", les djihadistes s'en prenant à la Sainte Russie (ou à la Libye de Kadhafi, à la Syrie d'Assad et autres régimes réactionnaires qu'ils encensent) deviendront sans problèmes des "agents de la CIA et du Mossad", en vertu des liens entre les oligarchies pétrolières de Riyad et Doha et l'impérialisme "USraélien", comme si ces forces capitalistiques ne pouvaient avoir leur propre agenda autonome...

    IWMPC8359L’antisémitisme développé en France, à la ‘’Belle époque’’, par les nationalistes tels que l’Action française, visait les Juifs comme 1°/ incarnations de la ‘’finance’’ (surproduction de capital, qui avait déjà frappé : crise de 1873), 2°/ porteurs d’idées ‘’libérales’’, ‘’démocratiques’’ et même ‘’socialistes’’ (Marx en chef de file), faisant refleurir le spectre de la Commune, 3°/ liés (par la ‘’finance’’ et le libéralisme) aux puissances anglo-saxonnes rivales, 4°/ enfin, les Juifs de l’époque, essentiellement ashkénazes, portaient surtout des noms à consonnance germanique… suivez mon regard (ils comptaient quelques 500.000 ‘’coreligionnaires’’ dans l’Empire allemand).

    Pour l’antisémitisme allemand ayant conduit au nazisme, les Juifs incarnaient la ‘’finance’’/surproduction de capital, ainsi que la ‘’subversion’’ libérale et révolutionnaire de l’Allemagne chrétienne, conservatrice, attachée aux valeurs prussiennes etc. ; et se divisaient en deux catégories : une bourgeoisie libérale-démocrate et des classes populaires très ouvertes aux idées socialistes et communistes. Autrement dit, d’un côté les puissances ‘’libérales’’, les vainqueurs de 1918, et de l’autre l’URSS : l’étau qui broyait l’impérialisme allemand vaincu.

    Bref : il ne s’agit pas de faire là un cours de géopolitique, matière qui n’intéresse pas le prolétariat révolutionnaire, mais de bien montrer comment les mobilisations réactionnaires (fascistes) de masse, dirigées contre telle ou telle ‘’communauté’’ (généralement plus définie par les fascistes que réellement par elle-même…), sont le reflet et la conséquence de la mobilisation ‘’des cœurs et des esprits’’ contre telle ou telle partie du monde, elle-même conséquence de la nécessité pour l’impérialisme de sortir (par la guerre) de sa propre crise. Une porte de sortie qui est, en définitive, la seule qu’il peut envisager (la seule autre étant la révolution prolétarienne).

    Q5Voilà des choses qu’il est important de rappeler, à l’heure ou des ultra-gauchistes pseudo-‘’maoïstes’’, dans une nouvelle bouffée délirante, nient (encore et toujours) l’islamophobie comme mobilisation réactionnaire de masse, sous prétexte que l’islam recouvre des réalités très diverses (comme si ce n’était pas le cas du judaïsme, ou de la ‘’judéité’’ à l’époque de Maurras et Hitler ; et comme si ce qui comptait, dans une mobilisation réactionnaire fasciste, était la réalité et non ce que pensent les idéologues fascistes !), et en viennent à agiter… le ‘’péril qatari’’, à la manière des Identitaires parisiens, et à dénoncer les ‘’islamo-gauchistes’’ (en l’occurrence les ‘’anarchistes petit-bourgeois tiers-mondistes’’) qui en seraient les ‘’agents’’ (alors que pas une fois le texte dénoncé ne mentionne cet émirat du Golfe arabo-persique) !!! Certes l’émergence géopolitique du Qatar comme ‘’acteur’’ sur la scène internationale est une donnée importante à prendre en compte, pour comprendre le monde qui nous entoure ; mais pas un prétexte pour se joindre à une mobilisation réactionnaire chauvine (« ils sont en train de racheter la Fraaaaance !!! ») promue par l’extrême-droite – de plus, les salafistes sont surtout appuyés par la pétroligarchie saoudienne, le Qatar soutenant plutôt les organisations rattachées aux Frères musulmans (UOIF en Hexagone).

    Le Qatar, l’Arabie saoudite ou encore l’Iran (au Bahreïn notamment) ne font de toute façon que récupérer des mouvements populaires de contestation, ou des résistances nationales, qui existent déjà en tant que tel-le-s, de par les contradictions existant dans chaque pays, et existeraient de même sans leur intervention ; ils n’en sont nullement les initiateurs.

    La question pour les communistes n’est pas de savoir quel ‘’jeu’’ jouent l’Arabie, le Qatar ou encore l’Iran ; mais pourquoi, dans les contradictions qui secouent les pays arabes et majoritairement musulmans en général, CE NE SONT PAS LES COMMUNISTES, mais les forces politiques liées à ces trois pays qui prennent la tête des masses populaires en lutte – pour les conduire dans l’impasse que l’on sait. Comprendre… pour en tirer les conclusions et le plan général de travail qui s’impose ! 

     

    Servir le Peuple, pseudo-maoïste petit-bourgeois tiers-mondiste à la solde du Qatar.

     


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  • L'article qui suit n'est pas d'un auteur communiste ; mais il présente néanmoins un exposé très bien documenté et une analyse de classe (finalement) intéressante de la naissance de l'antisémitisme moderne (à l'époque capitaliste) en Allemagne. Une analyse qui montre bien que le nazisme exterminateur n'est nullement tombé du ciel ; contre la thèse qu'il serait une "crise de folie" ou un "envoûtement" collectif dans le contexte terrible de la crise de 1929... Au contraire, on voit bien comment l'antisémitisme nazi est clairement le prolongement de l'idéologie réactionnaire (à la fois antilibérale - au sens de libéralisme politique - et antisocialiste) qui a sous-tendu la formation de l'Allemagne, entre 1870 et 1900, d’État bourgeois fraîchement unifié à puissance impérialiste mondiale.

    Une idéologie, également, nullement "anticapitaliste", mais au contraire totalement bourgeoise et petite-bourgeoise ; et nullement "révolutionnaire", mais au contraire impulsée au plus haut sommet de l’État (Bismarck, puis l'empereur Guillaume II lui-même...). Elle naît, en définitive, de "l'immigration intérieure" (couplée à une véritable immigration étrangère, aussi) des Juifs, émancipés (entre 1847 et 1869) des restrictions féodales qui pesaient sur eux et faisant "irruption" dans la société capitaliste allemande, aussi bien en tant qu'entrepreneurs, commerçants ou banquiers qu'en tant que travailleurs (vendeurs de force de travail), les uns se heurtant à leurs concurrents capitalistes, les autres aux autres vendeurs de force de travail. C'est que l'ascension sociale, il faut le dire, est fulgurante, favorisée par la Haskala - souvent traduite par "Lumières juives" - qui est en fait une logique moderniste et ultra-intégrationniste comparable à l'"Islam de la République" aujourd'hui : si en 1815 (époque où la Réaction balaye les rares acquis de l'époque napoléonienne et où éclatent des pogroms meurtriers) seulement 25% des Juifs relèvent des classes moyennes, les autres vivant généralement dans une grande pauvreté, ils sont 50% en 1848 et 80% en 1868 (au terme du processus d'émancipation civique), très nombreux dans les professions intellectuelles et libérales, dans les administrations (du moment que les restrictions sont levées) ou à la tête d'entreprises, avec un niveau de vie moyen supérieur à la population générale allemande (dans le même temps leur nombre s'accroît considérablement, de peut-être 150 ou 200.000 à plus de 600.000 en 1914). Très vite les Juifs d'Allemagne n'ont plus grand chose de commun avec ces Ostjuden d'Autriche-Hongrie ou de l'Empire russe, pauvres, "arriérés" et ne parlant que le yiddish, qu'ils n'accueilleront d'ailleurs pas forcément à bras ouverts lorsque ceux-ci commenceront à immigrer dans les années 1910 (environ 80.000 en 1919). Le ressentiment, que le socialiste August Bebel qualifiera du fameux "socialisme des imbéciles", est donc considérable alors que comme partout ailleurs, mais de manière encore plus rapide et brutale, les grandes masses de la paysannerie et de la petite bourgeoisie sont jetées dans les taudis du prolétariat, la communauté villageoise traditionnelle et "solidaire" disparaissant presque totalement en un siècle : il est absolument impossible de comprendre l'antisémitisme nazi si l'on fait l'impasse sur ce "choc de modernité" radical subi par la société allemande entre 1815 et 1914, "choc" particulièrement "verticaliste" (impulsé "d'en haut", par les monarchies régnantes), volontariste et autoritaire dont les "idées nouvelles" se confondent, dans les esprits, avec la dure occupation française du début du siècle ET avec l'émancipation et l'ascension sociale fulgurante des Juifs.

    L'aristocratie (mutée en capitalisme agraire), quant à elle, associe irrémédiablement cette émancipation à la mort de la vieille société féodale, chrétienne, où "chacun était à sa place"... Or le nouvel Empire allemand de 1871, de par les conditions de sa naissance, a dû laisser à cette aristocratie une large place dans l'appareil d'État.

    Ce sentiment antijuif sera considérablement renforcé par la crise mondiale de 1873 et ses terribles conséquences (faillites entrepreneuriales, chômage) ; et il ne tardera pas, alors, à s'emparer la grande bourgeoisie la plus réactionnaire (associée à l'aristocratie capitaliste agraire), comme instrument de lutte anti-démocratique, anti-progressiste et anti-socialiste ; ce qui ne fera que se renforcer - pour ne pas dire exploser - après la situation révolutionnaire de 1918-20, alors que les directions révolutionnaires comptaient un grand nombre de Juifs (Rosa Luxemburg à Berlin, Eisner en Bavière, sans oublier la direction bolchévique russe, "à l'origine de tout").

    C'est LÀ que l'on en vient d'ailleurs au dernier, mais INDISPENSABLE élément du "déclic" exterminateur ayant conduit à la "Solution Finale" : l'association de la communauté juive à la "subversion" (démocratique radicale, socialiste/communiste) de l'ordre social établi (ainsi qu'à "l'ennemi" étranger dans une situation de lutte inter-impérialiste sur-aiguisée par la crise). SEUL CELA, et non le simple "socialisme des imbéciles" imprégnant des masses populaires broyées par la modernité industrielle capitaliste, peut déboucher sur une politique de massacre à grande échelle - a fortiori sur un génocide planifié. Il est évident qu'une chose telle que la Shoah, même si elle n'était pas forcément "programmée" dès 1933, même si elle n'est peut-être pas dissociable du contexte de guerre (et de guerre que l'Allemagne se voyait perdre), n'a EN AUCUN CAS pu être mise en œuvre par un "petit comité" nazi "dans le dos" de tout le monde (comme l'imagerie impérialiste occidentale de la Shoah, souhaitant - forcément - ménager la bourgeoisie allemande et les autres bourgeoisies européennes impliquées après-guerre, l'a souvent dépeinte) : elle a FORCÉMENT été voulue, ou du moins acceptée comme une "nécessité désagréable", par au moins une frange conséquente des bourgeoisies concernées (allemande-autrichienne, BBR, belge etc.) ; elle n'a pu, en d'autres mots, être qu'une politique du POUVOIR (capitaliste, étatique) et non un "simple" "pogrom géant" relevant du "socialisme des imbéciles" populaire, ce "socialisme" fut-il cristallisé en un gigantesque parti (le NSDAP) ayant pris le pouvoir.

    Voilà qui fait penser, finalement, au discours anti-immigrés d'aujourd'hui : fondé sur le sentiment de concurrence ressenti aussi bien par les salariés que par les petits entrepreneurs ou commerçants ; associant l'immigré à "l'ennemi intérieur" depuis la guerre d'indépendance algérienne jusqu'à notre monde post-11-Septembre en passant par les attentats de 1986 et 1995 ; permettant de viser, à travers l'immigration, ses "complices socialo-communistes" ; il mute finalement en véritable théorie du complot : "Eurabia", un "djihad sournois" démographique et culturel, financé par l'argent du Qatar et autres pétro-monarchies (alors que le pétrole et ses pays producteurs, à tort ou à raison, sont vus comme au "cœur du problème" de la crise actuelle) et favorisé par les "mondialistes" qui veulent "détruire les nations", les États-Unis qui veulent anéantir la vieille Europe et bien sûr les "gauchistes immigrationnistes", "collabos des collabos"...

    À noter que cette analyse, portant sur l'Allemagne, est totalement transposable à l'entité francouille (où les Juifs ont été émancipés en 1791), à quelques détails près : l'aristocratie, catholique et non protestante, n'a pas muté en agro-capitalisme mais en une classe de rente foncière (plus faible) ; et l'idéologie intégratrice des Lumières, plus forte qu'en Allemagne, amènera une distinction précoce (dès la 1ère Guerre mondiale) entre "Juifs français, patriotes, enracinés, anciens combattants, de droite" et "cosmopolites sans racines, anti-France", souvent démocrates radicaux ou "rouges" (distinction qui sera omniprésente dans la politique anti-juive de Vichy) ; le nombre et la situation des Juifs en Allemagne, que nous avons vu, fait aussi associer dans l'esprit de Maurras et Drumont la "juiverie" à ce pays, alors ennemi juré... Tandis qu'en Allemagne, qui se voit depuis le Moyen-Âge comme le "fer de lance de l'Occident contre l'Asie" (vision transposée dans le plan impérialiste nazi pour l'Europe de l'Est), le caractère "asiatique", "khazar" des Juifs sera nettement plus mis en avant et le caractère "biologique" de l'antisémitisme triomphera au 20e siècle - ici apparaît la dernière "filiation" de l'antisémitisme allemand pangermaniste et nazi : tout simplement celle de l'idéologie coloniale européenne depuis le 16e siècle, où des peuples entiers sont réduits en esclavage mais où aussi, parfois, l'on fait "place nette" lorsqu'une population n'est pas considérée comme exploitable mais comme une espèce animale nuisible à détruire ; idéologie que la nazisme a finalement appliquée À L'EUROPE MÊME ce qui, comme le rappellent certains intellectuels anticolonialistes (Aimé Césaire, Frantz Fanon), a fait "tout drôle" aux Européens et explique le traumatisme que représentent le nazisme, la Shoah et la Seconde Guerre mondiale dans leur mémoire collective. 


    2.2 - Nationalisme, théorie des races, antisémitisme : l'antisémitisme dans l'empire de Bismarck
     


    C’est ici le moment d’aborder la question de l’antisémitisme. Ce phénomène n’est nullement nouveau. Partout et à toutes les époques de l’histoire, les Juifs ont été persécutés, expulsés et assassinés. Tantôt on invoquait l’argument religieux, tantôt la fonction spoliatrice des Juifs ou encore leur qualité d’étrangers. Il n’est pas de notre tâche d’écrire cette histoire. Ce qui nous intéresse ici est le tournant qu’a pris le mouvement antisémite à la fin du siècle dernier en Allemagne.

    À partir de 1870, l’antisémitisme s’est revivifié en Allemagne et a pris des formes tout à fait nouvelles. C’est ce pays qui le premier a organisé politiquement l’antisémitisme.[54] Des partis se formèrent, ayant pour seul but de combattre les Juifs. Les véritables origines du NSDAP, où l’élément antisémite joue un grand rôle, se situent à la jonction de ces courants politiques et du racisme biologique esquissé ci-dessus. Un historien du national-socialisme à même pu dire : « On ne peut comprendre l’histoire de ce parti que par l’esprit antisémite qui a influencé pendant presque 30 ans la politique intérieure de l’Empire allemand ».[55] Nous croyons donc utile de raconter brièvement les origines et l’évolution de cet antisémitisme. Nous essayerons en même temps d‘en expliquer les véritables mobiles.

    La révolution française, en jetant à bas les privilèges féodaux et en émancipant le Tiers État par la proclamation de l’égalité entre tous les hommes, avait inséré les Juifs dans le reste de la nation. Ceux-ci devenaient citoyens au même titre que les Français. Peu à peu leur sort s’améliora aussi dans d’autres pays économiquement avancés, comme la Hollande et l’Angleterre. En Allemagne, cependant, l’industrialisation capitaliste se développa lentement et la féodalité subsista encore plusieurs décennies après sa chute dans les pays plus évolués d’Europe occidentale. Mais une fois en marche, l’évolution capitaliste ne pouvait s’arrêter en chemin.

    Les privilèges dynastiques et féodaux qui empêchent ce développement sont foulés aux pieds et remplacés par la libre concurrence. Les capitalistes ont besoin de capitaux et de force de travail pour l’extension de leur entreprises. On ne pouvait exclure plus longtemps les Juifs de cette évolution. Comme le dit Kautsky : « Plus la concurrence est grande entre les fournisseurs de crédit, plus l’industrie en profite. »[56] Vis-à-vis de ces nécessités économiques, l’inégalité politique dans laquelle se trouvaient les Juifs était devenue par trop intenable. En 1847, après beaucoup de tergiversations, la Diète prussienne donna aux Juifs des droits égaux à ceux des citoyens chrétiens. Si en théorie les Juifs avaient ainsi obtenu l’égalité, ils restaient dans la pratique soumis à des mesures d’exception. Malgré cette loi, un Juif ne pouvait pas devenir juge, ni officier dans l’armée. En 1869 une loi, soutenue par le Premier ministre Bismarck, supprima ces dernières restrictions. Dans la classe féodale, cependant, ces mesures ne firent pas disparaître l’antisémitisme. Tout au contraire, il s’y revivifia. Quand les classes inférieures montent dans les classes supérieures, elles rencontrent des sentiments de répulsion et d’hostilité, surtout quand elles menacent l’existence de celles-ci, le phénomène est connu.[57] Ce n’est pas le sang étranger, mais le succès du sang étranger qui a fait naître le problème juif (Olda Olberg – Nationalsozialismus, p. 33). Ainsi le professeur Sulzbach montre que l’ascension des nègres est considérée aux États-Unis comme une perversité, tandis que les descendants des peaux-rouges occupent des fonctions élevées et jouissent de l’estime générale.[58]

    L’opposition des « Junkers » prussiens à l’avancement des Juifs, tout en étant vive, demeurait inorganisée. Elle consistait surtout en intrigues sournoises pour bloquer l’ascension de cette nouvelle couche sociale. L’antisémitisme se constitua en mouvement politique au moment où la petite-bourgeoisie commença à embrasser ce type d’idées.

    La crise violente, qui atteignit l’Allemagne après la guerre de 1870 contre la France, frappa surtout la petite-bourgeoisie. Favorisée par l’abondance de l’or français résultant du paiement de l’indemnité de guerre, l’économie allemande connut un incomparable essor qui dura jusqu’en 1873. Les succès sur les champs de bataille et la fondation de l’Empire, joints à cette prospérité économique, avaient réveillé dans la bourgeoisie allemande des espoirs illimités. La spéculation se propagea et on crut à un progrès indéfini. Mais l’évolution de l’industrialisation avait, pour la première fois dans l’histoire, déplacé le foyer de la crise, de la France et de l’Angleterre, vers l’Allemagne et les États-Unis.[59] En mai 1873, éclata un krach général. Les faillites se multiplièrent et toutes les classes furent cruellement touchées par ce formidable bouleversement économique. La panique fut générale dans ce pays qui n’avait jamais connu une pareille crise et la bourgeoisie vit brusquement fondre ses espoirs. On chercha les causes et on trouva le Juif. La colère de tous ceux qui avaient perdu leur capital par la spéculation se dirigea contre les banquiers juifs dont certains s’étaient maintenus. Ce courant de haine se manifesta chez les artisans et les petits boutiquiers qui se virent menacés dans leur existence par la concurrence des grands magasins, fréquemment entre les mains des Juifs. Sans doute y eut-il des Juifs qui avaient souffert par la crise, tout comme certains chrétiens en avaient tiré profit. Mais ce n'étaient pas eux qui retenaient l’attention. On retenait seulement « Monsieur Kohn » qui, vingt ans auparavant, avait immigré sordide et crasseux en Allemagne et qui, maintenant, participait à la pompe resplendissante de l’Empire.

    La presse commença à travailler. Bismarck, qui s’était engagé dans les opérations financières avec des banquiers juifs, fut soupçonné d’avoir favorisé ces derniers et fut attaqué par des journaux conservateurs (Kreuz-Zeitung). En général ces idées se limitèrent à un milieu assez restreint qui n’entretenait guère de contacts avec la petite-bourgeoisie. Il appartint à Adolf Stöcker, le prédicateur de la Cour impériale de Guillaume 1er, d’opérer l’union de ce milieu conservateur avec les grandes masses de la classe moyenne et ainsi de propager les idées antisémites dans de larges couches de la population. Vers 1880, il fonda un parti – appelé dans ses débuts Christlich-soziale Arbeiterpartei (parti chrétien social ouvrier) – par lequel il entendait combattre le matérialisme de la social-démocratie et résoudre le problème social par le recours à la charité.

    Peu à peu, le parti se transforma. Après avoir été dissoute par Bismarck, la social-démocratie avait disparu de la scène politique. Resté seul, sans adversaire politique, Stöcker continua cependant son agitation. Devant l’insuccès qu’il rencontra dans la classe ouvrière, il dirigea son attention principalement sur la petite-bourgeoisie. Le nom du parti fut alors changé : on laissa tomber le qualificatif « ouvrier ». Stöcker découvrit que la cause de l’esprit matérialiste et mammoniste, résidait dans le Juif. La boucle est fermée. Un parti ouvrier utopique a donné naissance à un parti petit-bourgeois et antisémite, soucieux d’instaurer un soi-disant capitalisme chrétien. Il est impossible d’insister ici sur les pérégrinations de celui-ci. Wawrzinek a étudié l’origine et les changements de ce parti dans un excellent ouvrage.[60] Nous nous contenterons d’en résumer l’essentiel.

    Bismarck qui, personnellement, se méfiait de Stöcker, n’interdit pas sa propagande et même la considérait d’un bon œil. Les milieux possédants craignaient l’influence grandissante de la social-démocratie qui, au début de son existence, entretenait une agitation violente. Ils voyaient dans l’antisémitisme un moyen pour détourner l’attention de la lutte des classes. Bien qu’il réprouvât les exigences sociales sur lesquelles Stöcker voulait fonder le capitalisme chrétien, Bismarck voyait également dans son antisémitisme une arme qui pouvait être employée dans la lutte contre le socialisme.[61] Or, ce mouvement ne se bornait pas à cette fonction de soupape de sécurité contre les tendances anti-capitalistes. La propagande antisémite avait sa dynamique propre. À Berlin, des Juifs furent molestés. Dans certaines provinces de Prusse, des Juifs s’étaient établis en grand nombre et faisaient concurrence aux ouvriers et commerçants chrétiens. Parmi ces derniers, Stöcker avait trouvé un terrain propice. En Poméranie et dans la Prusse occidentale la persécution commençait. Des synagogues furent incendiées (Neustettin). Le mythe du crime rituel refit surface. Bismarck refusait toujours d’intervenir. Des journaux antisémites surgirent de tous côtés. Des congrès antisémites furent organisés. L’héritier de la couronne, le futur empereur Frédéric III s’opposait bien à l’antisémitisme, mais il ne régna que cent jours. Dans un premier temps, son successeur, l’empereur Guillaume II, se révélât un fidèle ami de Stöcker. Toutefois, par la suite, l’influence de celui-ci sur l’empereur s’affaiblit. Il est possible que les milieux financiers d’Angleterre et des États-Unis, avec lesquels l’Allemagne était contrainte de traiter, n’aient pas été étrangers à cette évolution. Stöcker fut poussé à démissionner de sa charge de prédicateur de la Cour. Son parti se divisa. Sous la direction de Friedrich Naumann, les éléments les plus radicaux formèrent un nouveau parti, le « National Sozialverein », qui fut absorbé en 1909 par la « Freisinnige Vereinigung ».

    L’antisémitisme atteignit son apogée en 1889. La majorité de la petite-bourgeoisie était alors mobilisée sous le drapeau des partis antisémites. En 1892, le grand parti conservateur inséra encore dans son programme, connu sous le nom de « Tivoliprogramm », certaines revendications antisémites. Mais, au fur et à mesure que la situation économique s’améliorait, les conservateurs perdaient des voix. La bourgeoisie commença à oublier les catastrophes de « la période de la fondation ». Les ouvriers, quant à eux, étaient toujours restés en dehors de ce courant.

    À ce moment précis, toutefois, apparaît un facteur tout à fait nouveau. L’antisémitisme avait jusqu’alors masqué les intérêts économiques qui le guidaient derrière des motivations religieuses. Le programme de Tivoli exprime encore très bien cette tendance quand il énonce qu’il veut éliminer les influences destructrices des Juifs en instaurant une autorité chrétienne pour le peuple allemand chrétien et en exigeant des instituteurs chrétiens pour un système scolaire chrétien. Avec l’amélioration de la situation économique, cet appel à la religion perdait de sa force. Qui plus est, les Juifs pouvaient se dérober facilement à cet antisémitisme religieux par la conversion.

    L’apparition de la théorie des races donnera à l’antisémitisme nouveau une justification idéologique ainsi qu’un regain de vigueur. Déjà, en 1880, avait paru un livre dont le titre indiquait cette nouvelle orientation.[62] Ce livre constitue un document historique car il contient, de manière plus ou moins développée, toutes les idées et tous les arguments qui sont à la base de l’antisémitisme hitlérien. Le Dr Dühring reproche aux Juifs leur influence dans la presse et les finances, leur pénétration dans les professions libérales. Selon lui, cela prouve leur esprit corrompu, leur égoïsme et leur désir de dominer les autres peuples. Il en arrive ainsi à conclure qu’ils sont une race inférieure : « La physiologie et la biologie ne sont pas encore assez avancées pour émettre des jugements sur les fonctions organiques : les sécrétions, le sang, les nerfs, les muscles ; mais par l’observation, on peut déterminer la valeur des personnes et des peuples entiers d’après leurs actions. »[63] Il serait intéressant de rapprocher les écrits nationaux-socialistes de cet ouvrage et de comparer les arguments : même critique et même conclusions. Il existe cependant une différence : le racisme de Dühring se dirige exclusivement contre les Juifs. Ceux-ci sont inférieurs à tous les autres peuples qui ne peuvent être sauvés de la judaïsation que par l’exclusion des Juifs de la politique, de la jurisprudence, de la finance, de la presse de l’enseignement, etc. Pour être efficaces, ces principes d’exclusion doivent se baser sur la race et non sur la religion, qui permettrait toujours aux Juifs d’éluder ces mesures par le baptême. Les mariages mixtes sont une honte pour le peuple supérieur et doivent être légalement défendus.

    Le parallélisme est frappant. Si le Dr Dühring n’établit pas de hiérarchie entre les autres peuples, il adresse tout de même un avertissement significatif à la France et à l’Angleterre qui se laissent gouverner par les Juifs comme Crémieux, Gambetta et Disraëli. À l’Allemagne incombe la tâche d’inaugurer la politique antisémite qui affranchira les peuples d’une domination insupportable. Voici l’essentiel de ce livre qui connut un assez grand succès. Il a influencé de nombreux auteurs antisémites et a directement contribué à la multiplication de leurs ouvrages. Par la suite, ce courant d’idées convergera avec les théories esquissées ci-dessus pour fournir une base unifiée à tout l’antisémitisme futur. 

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    http://pmcdn.priceminister.com/photo/Soucy-Robert-Fascisme-Francais-1933-1939-Mouvements-Antidemocratiques-Livre-894528574_ML.jpgRobert Soucy se démarque des vues de nombreux chercheurs français selon lesquelles les organisations fascistes de la France de la fin des années 1930 furent « marginales », que le « vrai fascisme » ne peut être défini que comme la synthèse du nationalisme et du socialisme (« ni droite, ni gauche »), et que l'une des raisons pour lesquelles les Croix de Feu/Parti social français (CF/PSF) du colonel François de La Rocque ne peuvent être considérés comme fascistes est qu'elles étaient socialement trop conservatrices. Soucy reconnait que certains mouvements fascistes français, tels que le Front commun de Gaston Bergery et les néo-socialistes de Marcel Déat ont été – ne fût-ce que pour de courtes périodes – plus de gauche que de droite, mais il soutient que les plus grands mouvements fascistes français (le Faisceau de Georges Valois, les Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, Solidarité française de François Coty, le Parti populaire français de Jacques Doriot et les CF/PSF du colonel de La Rocque) ont été d'ardents défenseurs du conservatisme social et des intérêts économiques de la grande bourgeoisie. Soucy soutient que les hommes de gauche qui ont rejoint ces mouvements ont rapidement abandonné leurs convictions de gauche, que les objectifs de ces fascismes (y compris ceux du mouvement de Doriot après 1937) allaient du conservatisme social à la réaction, que leurs principaux bailleurs de fonds étaient issus du monde de l'entreprise (La Rocque et Doriot touchaient tous deux des fonds du Comité des forges), et que, exception faite du PPF de Doriot avant 1937, aucun de ces mouvements ne jouissait de soutien significatif de la classe ouvrière1. Soucy fait valoir que trop d'historiens ont pris pour argent comptant la rhétorique « socialiste », ou le double langage de certains de ces mouvements, en oubliant la façon dont celle-ci a pu être contredite à maintes reprises par leurs positions touchant aux questions sociale, économique et politique. Comme l'un de leurs précurseurs, le cercle Proudhon, qui honorait moins le premier Proudhon de « la propriété, c'est le vol » que le second, beaucoup plus conservateur, ces organisations étaient beaucoup plus nationalistes que socialistes.

    Robert Soucy souligne que tous les conservateurs français des années 1920 et 1930, en particulier les membres de l'Alliance démocratique et du Parti démocratique populaire des années 1930, n'ont pas subi l'attrait du fascisme, mais il considère les fascismes français les plus aboutis de l'époque, ceux comptant le plus grand nombre d'adhérents, comme des « variantes » ou des « extensions » du conservatisme social en crise, comme autant de mouvements à avoir bénéficié de la réaction de la droite à la victoire du cartel des Gauches en 1924 et du Front populaire en 1936. Il soutient notamment que les Croix de Feu/Parti social français, le plus grand mouvement de la droite française en 1937, avec un nombre d'adhérents supérieur à celui des partis communiste et socialiste réunis, ont constitué l'une de ces variantes fascistes. Soucy décrit plusieurs caractéristiques partagées par les CF/PSF avec les autres fascismes européens de l'époque et il élabore une définition également à multiples facettes du fascisme lui-même.

    Là où Robert Paxton et Philippe Burrin ont décrit certains conservateurs des classes supérieures à avoir soutenu le fascisme comme « alliés » ou « complices » du fascisme, mais non comme fascistes eux-mêmes, Soucy fait valoir que cet « essentialisme sélectif » évite aux membres des élites traditionnelles, mais non à ceux au-dessous eux, d'être considérés comme fascistes. Pour Soucy, les différences entre conservateurs autoritaires non-fascistes et conservateurs autoritaires fascistes étaient souvent plus une question de gradation et de tactiques que d'essences fixes ou irréconciliables. Par comparaison avec les conservateurs autoritaires non-fascistes, les fascistes affichaient une haine plus virulente de la « décadence », un désir plus nettement marqué d'engendrer un grand nombre d'« hommes nouveaux », un plus grand recours à la jeunesse – la « virilité » étant érigée en idéal –, et le caractère plus farouche de leur nationalisme. La démonologie pratiquée par les fascistes, qui accusaient plus durement les communistes, les socialistes, les francs-maçons, les internationalistes, ainsi que – mais pas toujours – les Juifs, de la plupart des maux de la nation, était également plus virulente que celle de nombre de conservateurs. Le goût pour la répression de ces éléments « antipatriotiques » était beaucoup plus marqué chez les fascistes, qui étaient également plus disposés à s'engager dans des activités paramilitaires et qui voulaient appliquer les valeurs militaires de discipline, d'obéissance, d'anti-hédonisme, etc. à l'ensemble de la société. Alors que les conservateurs traditionnels se méfiaient du populisme, fût-il d'extrême-droite, les fascistes ambitionnaient de mobiliser « les masses ». Ce faisant, les fascistes faisaient écho à un idéal également encouragé par d'autres conservateurs, à savoir l'insignifiance des différences matérielles entre classes sociales par rapport aux valeurs « spirituelles » et à l'unité de la nation. Les fascistes français exhortaient leurs adhérents à revitaliser « l'esprit des tranchées » de la Première Guerre mondiale, lorsque travailleurs et bourgeois, paysans et aristocrates avaient combattu côte à côte les ennemis de la nation. Soucy soutient que le mouvement de La Rocque présentait, à divers moments, toutes ces caractéristiques.

    Soucy estime que, dans les années 1930, plus les conservateurs autoritaires non-fascistes français (et même conservateurs précédemment démocratiques) s'estimaient menacés par la gauche, plus ils étaient sensibles aux sirènes du fascisme. Aucune attaque sérieuse contre les élites traditionnelles ou de leurs intérêts économiques n'était (du moins en temps de paix) exigée des conservateurs sociaux qui optaient pour l'alternative fasciste. Un thème récurrent dans les écrits des fascistes français de Valois, Taittinger et Coty à La Rocque, Bucard et Doriot (ainsi que de Mussolini à Hitler), était que la conciliation – sur une base conservatrice – entre les classes devait se substituer aux luttes de classe (en particulier les grèves ouvrières). Dans un certain nombre de cas durant la Grande Dépression, les intérêts communs entre fascistes et conservateurs non-fascistes ont effacé des divergences pour les remplacer par une « fusion » accompagnée d'une interpénétration idéologique dans les deux sens.

    Pour Soucy, la rhétorique « anti-bourgeoise » d'intellectuels fascistes, comme Robert Brasillach ou Pierre Drieu La Rochelle, faisait référence aux bourgeois « décadents », c'est-à-dire les bourgeois libéraux, démocratiques, hédonistes, complaisants envers le marxisme, non les bourgeois « virils »2. En réponse au Front populaire, de nombreux anciens fascistes et d'autres qui étaient contre-révolutionnaires, catholiques, traditionalistes et réactionnaires, rejoignirent le PSF de La Rocque. Un grand nombre de conservateurs précédemment démocrates, qui avaient regardé La Rocque avec répugnance avant 1936, furent dès lors prêts à passer sur ses nombreuses déclarations antidémocratiques et ses menaces paramilitaires de renverser le gouvernement par la force des deux années précédentes. Lorsque le nouveau gouvernement du Front populaire interdit les CF à l'été 1936, La Rocque les remplaça par le PSF, affirmant qu'il était maintenant un politicien démocrate ; cette conversion supposée fut vite oubliée en 1941 lorsque La Rocque devient un fervent partisan du régime de Vichy. Soucy fait remarquer aux historiens qui affirment que les discours « démocratiques » de La Rocque dans les années 1936 à 1940 prouvent qu'il n'était pas fasciste (et que ceux qui l'ont soutenu, y compris d'anciens membres des CF, l'ont également cru), que La Rocque n'a pas été le seul fasciste de l'époque à avoir tenté de parvenir au pouvoir par la voie démocratique, dès lors que les chances de succès d'un coup d'État paramilitaire s'avéraient irréalistes : tel était le choix qu'avait effectué par Hitler, après l'échec du putsch de Munich en 1923, il a accédé légalement au pouvoir une décennie plus tard.

    Soucy affirme que la « fluidité » de l'idéologie et des tactiques fascistes constitue un défi pour les historiens qui insistent pour imposer des taxonomies statiques à une idéologie fasciste en mouvement. Le fascisme italien donne un exemple majeur de cette fluidité lorsque Mussolini, d'abord socialiste, effectua un virage à droite brutal, après l'énorme défaite subie par son mouvement du Fascio national « syndicaliste » aux élections de 1919. Soucy critique également les définitions du fascisme qui exigent que les fascistes, pour être considérés comme tels, se soient comportés, avant leur arrivée au pouvoir, exactement de la même façon « totalitaire » qu'après leur arrivée au pouvoir. Soucy considère que trop d'historiens ont eu tendance à exonérer les CF/PSF en définissant le fascisme de façon ahistorique et en prenant pour argent comptant la rhétorique « démocratique » de La Rocque après l'interdiction des CF en 1936.

    Soucy est également en désaccord avec les historiens qui dépeignent La Rocque comme trop « modéré » pour être fasciste, et comme quelqu'un qui croyait en la « légalité républicaine », qui désapprouvait la violence politique, qui était un vrai démocrate, et qui était, de surcroît, opposé à l'antisémitisme. Soucy cite diverses déclarations de La Rocque qui contredisent ces interprétations, parmi lesquelles : en 1935, La Rocque condamnait « les modérés » devenus, selon lui la proie du « compromis et de l'hésitation3 », appelant les Français à se dresser contre la menace de la révolution communiste et de « son alliée sordide la révolution »3. En 1941, il rappela à ses lecteurs « combien de fois, jadis, n’avons-nous pas condamné les « modérés » 4? » « Ce sont gens de mignardise. Ce sont gens de mollesse5. » Parvenu, au cours de l'hiver 1935-36, à la conclusion que les circonstances n'étaient pas favorables à un coup paramilitaire, La Rocque choisit de briguer l'accès au pouvoir par les voies électorales, bien qu'il ait, à cette époque, déclaré à ses troupes que « La seule idée de briguer un mandat me donne des nausées : c’est une question de tempérament6. » « L’hitlérisme, a-t-il rappelé, est devenu une force politique prépondérante seulement le jour où, en 1930, il a fait entrer cent sept des siens au Reichstag7. »

    Soucy indique également que La Roque félicita, en 1933, les membres des CF qui se livrèrent, de 1931 à 1933, à de « nombreux » assauts contre les réunions pacifistes. Il en dirigea d'ailleurs une lui-même en 1933. En 1934, il commandait, à partir de son « poste de commande » à quelques rues de la Chambre des députés, la participation (de façon « disciplinée ») de ses troupes aux émeutes « fascistes » du 6 février 1934 qui se soldèrent par la démission de Daladier et la chute de son gouvernement du Cartel des gauches le lendemain. En octobre 1936, trois mois après la création du PSF « démocratique », quelque 15 000 à 20 000 militants du PSF affrontèrent violemment des militants communistes lors d'un meeting du PCF au Parc des Princes. Trente policiers furent blessés dans les affrontements. Un mois plus tard, La Roque décrivait la violence de ses partisans au Parc des Princes comme une « levée en masse » spontanée, qui avait contenu « l'arrivée au pouvoir d'un complot communiste8. »

    Bien que La Rocque se soit, comme Mussolini au cours de sa première décennie au pouvoir, opposé à l'antisémitisme biologique et qu'il ait défendu les juifs assimilés, en particulier ceux de droite, dont Kaplan, le rabbin de Paris et les anciens combattants de 14-18, La Roque s'est, après 1936, laissé aller de plus en plus à un antisémitisme culturel et politique ciblant les immigrants juifs, en particulier, ceux du Front populaire. En 1940, il dénonce la « purulence juive9 » soutenue par les « complots9 » francs-maçons et, en 1941, il accuse les immigrants juifs d'avoir sapé la « moralité9 » et la « santé9 » de la nation et – de nouveau avec les francs-maçons – d'avoir contribué aux « vices mortels9 » de la France. En 1941, il exhorta Vichy à entreprendre, avec « une résolution impitoyable9 », l'« extirpation intégrale des éléments contaminés9 » de la société française.

    Soucy remet également en cause l'argument selon lequel le mouvement de La Rocque n'était pas fasciste parce qu'il était une forme de « catholicisme social patriotique », c'est-à-dire trop nationaliste et trop catholique pour être fasciste. Pour Soucy, on pourrait appliquer la même description à la faction dominante du Partito Nazionale Fascista (PNF) de Mussolini après la signature des accords du Latran réconciliant le régime fasciste et le Vatican en 1929. Non seulement le grand nombre de catholiques qui affluèrent au PNF après 1929 laissèrent leur marque sur l'idéologie fasciste en Italie, mais Pie XI remercia Mussolini d'avoir mis en œuvre le « catholicisme social » prôné par l’encyclique Rerum novarum. De même, tous les fascistes n'étaient pas non plus « modernistes » esthétiques. Les historiens qui supposent que le fascisme et le catholicisme (en particulier de droite) sont comme l'huile et l'eau ignorent que, pendant les années 1930, un bon nombre de « fusions » eurent lieu, y compris l'existence d'importantes mouvements fascistes catholiques en Espagne, au Portugal, en Pologne, en Autriche, en Hongrie, en Croatie, en Bolivie, en Argentine, au Chili et au Brésil. Soucy affirme que, même si de nombreux catholiques ont rejeté le fascisme au cours de l'entre-deux-guerres (il note, par exemple, que plus de protestants que de catholiques ont soutenu le nazisme en Allemagne dans les élections de juillet 1932, 38% contre 16%), des catholiques comme Valois, Taittinger, Coty, Bucard et de La Rocque ont bien été les porte-parole d'une forme française de fascisme, dont les origines intellectuelles en France remontent aux années 188010.

    Soucy récuse également l'hypothèse selon laquelle La Rocque n'était pas fasciste parce qu'il était très nationaliste et très opposé à une invasion de la France par l'Allemagne dans les années 1930. Il fait remarquer que La Rocque était loin d'être le seul fasciste européen de l'époque à être très nationaliste. La plupart d'entre eux, y compris Hitler et Mussolini, l'étaient et aucun ne voulait voir son pays conquis par une autre nation, fût-elle fasciste. Ceci n'a toutefois pas empêché de La Rocque d'écrire en 1934 que le Duce est un « génie11. » et que « l'admiration que mérite Mussolini est incontestable11 ». Tant dans les années 1930 qu'en 1941, La Rocque demandait à la France de s'engager dans une « solidarité continentale » (non un assujettissement) avec l'Italie fasciste. En 1941, il a également soutenu la « collaboration continentale » avec l'Allemagne nazie à la condition que la France soit traitée en partenaire égale. C'est quand il est parvenu à la conclusion, au début de 1942, que celle-ci n'allait pas se produire et que la guerre commençait à tourner au désavantage des Allemands, qu'il a formé son propre réseau de Résistance, avant d'être arrêté par la Gestapo et de passer le reste de la guerre dans les prisons allemandes. La Rocque est d'ailleurs loin d'avoir été le seul fasciste français à rejoindre la Résistance. Pour Soucy, cet engagement prouve que La Rocque était un fasciste français ultranationaliste.

     


    Robert Soucy, né le 25 juin 1933 à Topeka, est un historien américain.

    Il est surtout connu pour ses travaux sur le fascisme français qui portent, en particulier, sur les intellectuels et les écrivains appartenant à cette mouvance. 

    Ses thèses ne font pas l’unanimité auprès de certains fascistologues qui mettent en question le rapprochement qu’il fait entre Maurice Barrès et le fascisme. Ses travaux ont été remis en question notamment par les historiens Zeev Sternhell, Michel Winock et Serge Berstein. Soucy a répondu à ces critiques dans deux ouvrages. Dans ses deux derniers livres, Soucy se concentre beaucoup plus sur les mouvements fascistes que sur les intellectuels fascistes, en s’appuyant amplement sur les rapports de la police française de l’époque.

    Dans son livre Fascismes français ? 1933-1939 : mouvements antidémocratiques, il présente une version révisée et augmentée de l’édition américaine française French Fascism, the Second Wave, 1933-1938, avec un chapitre sur les intellectuels fascistes français Bertrand de Jouvenel, Pierre Drieu La Rochelle, Robert Brasillach et Louis-Ferdinand Céline.

     

    Une analyse dans laquelle peut se retrouver à 99% Servir le Peuple.

    Pour comparaison, voici la thèse de Zeev Sternhell, que SLP rejette globalement, comme thèse se posant en défense du libéralisme bourgeois contre lequel "les extrêmes se rejoignent" (puisqu'il est dit, explicitement, que c'est sa tradition "anti-libérale" qui fait de la France la "matrice" du fascisme) :

    L’historien Zeev Sternhell a renouvelé l’approche du fascisme français exposant que la France est le vrai berceau du fascisme, même si celui-ci n'est pas arrivé au pouvoir avant 1940. Zeev Sternhell expose que l’idéologie fasciste est née en France de la rencontre intervenue peu avant la Première Guerre mondiale d’un nationalisme anti-républicain (Action française) et du syndicalisme révolutionnaire (Georges Sorel), au sein notamment du Cercle Proudhon de Georges Valois. Pour Zeev Sternhell, la France est même une terre propice au fascisme compte tenu d’une forte tradition anti-libérale prônant une société organique (anti-individualisme, anti-parlementarisme). Cependant, le fascisme ne saurait se confondre avec l’ancienne idéologie contre-révolutionnaire. Le fascisme étant un mouvement propre à l’ère de masse du XXe siècle, il naît de la fusion du nationalisme, d’éléments d’extrême droite et d’éléments de gauche (Mussolini en Italie ; Georges Valois, Marcel Déat et Jacques Doriot en France ; Goebbels en Allemagne, etc.).

    Dans Ni droite, ni gauche, l’idéologie fasciste en France, Zeev Sternhell étend ainsi le terme fasciste aux néo-socialistes, planistes, technocrates, voire certains personnalistes des années 1930 (tous groupes que l’on peut regrouper sous l’appellation large de non-conformistes des années 1930, en reprenant le titre d'un ouvrage de Jean-Louis Loubet del Bayle.) Cette extension du terme « fasciste » est contestée par la majorité des historiens français, sur le fond et pour sa méthode, qui amalgame des textes détachés de leur contexte logique et chronologique, tout en donnant à ce qu'il appelle le « fascisme » des caractéristiques qui ne lui sont pas habituellement associées.

    En fait, les années 1920 et encore plus 1930 ont été marqués par un intense bouillonnement idéologique. Au sein de tous les partis, des hommes réfléchissent à des solutions nouvelles. À gauche (SFIO et même PCF) pour renouveler la vieille pratique guesdiste au profit d’un socialisme réformiste qui n’avait jamais auparavant été théorisé. À droite pour dépasser le libéralisme parlementaire alors que la Troisième République ne parvient pas à se réformer pour gagner en stabilité (voir la tentative avortée du président Gaston Doumergue pour renforcer les institutions en 1934).

    Des hommes de tous bords ont pu échanger des idées nouvelles au sein de multiples groupes de réflexions (X-Crise, etc.) et revues (Nouveaux cahiers, Plans, etc.). Ces hommes rentrent, pour Zeev Sternhell, dans le cadre large du fascisme pour les raisons suivantes :

    • Dans leur quête de nouveauté, ils envisagent de nouvelles solutions non libérales et antiparlementaires et regardent même parfois explicitement du côté des régimes fascistes qui paraissent alors jeunes et modernes. Plutôt que de « fascisme » au sens plein, on peut souvent parler pour ces hommes de « tentation fasciste » ou de « séduction fasciste », du moins tant que l’intérêt ne dure pas.
    • Au sein de ces groupes et revues, les futurs résistants travaillent avec les futurs vichystes ou collaborateurs, avec les mêmes mots et les mêmes idées. La distinction entre fascistes et non-fascistes n’est souvent possible qu’après 1940. C’est alors que se fait le choix décisif : profiter de la chute de la République pour imposer ses idées alors qu'il y a place pour des expériences nouvelles (ceux-là tomberont dans le régime de Vichy et la collaboration), ou donner priorité (par patriotisme ou par républicanisme) à la Libération du pays avant de le réformer (ceux-là seront résistants, puis mèneront les grandes réformes des Quatrième République et Cinquième République). L’attitude sous l’occupation reste le juge de paix entre fascistes et non fascistes qui ne doit pas faire oublier les convergences de projets avant-guerre.


    Le cas de Georges Valois est mis en exergue, mais c'est évacuer un peu vite qu'il fut UN cas au milieu de centaines de milliers de "SR" qui, eux, tout en ayant des théories erronées (anti-Parti), combattirent vaillamment la montée du fascisme, le régime de Vichy et l'occupation nazie jusqu'en 1945... De la même manière que, si Mussolini venait du socialisme italien, des dizaines de milliers de socialistes combattirent vaillamment contre sa montée au pouvoir (1919-22), et tout au long de son régime jusqu'en 1945.

    Et Doriot, lui, n'était-il pas issu du "PCF révolutionnaire des années 30-40" que célèbrent les partisans "maoïstes" de Sternhell ?

    En réalité, le "Faisceau" de Valois, financé par des grands capitalistes comme François Coty, semble avoir été une tentative "mécanique" de copier le modèle fasciste italien, jusque dans le leader venu du mouvement socialiste... Une "greffe" qui ne prit pas, et le mouvement s'effondra après 2 ans et demi d'existence. Valois (on omet souvent de le dire) tentera de revenir vers la social-démocratie (mais la SFIO, en raison de son passif, ne l'acceptera plus dans ses rangs).

    À noter que le fait que Robert Soucy soit américain est évidemment d'une grande importance, face à toute une "école française" incarnée notamment par René Rémond, cherchant à nier qu'il y ait jamais eu un véritable fascisme en France, pour faire de Vichy et de ses crimes une simple conséquence accidentelle de l'invasion allemande... Le discours, en somme, de Vichy "nul et non avenu" tenu par les gaullistes en 1944, prétendant couper la "Révolution nationale" de tout le background de l'extrême-droite et de l'ultra-conservatisme BBR des années 1920-30... background dont beaucoup étaient eux-mêmes issus !


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    Voir aussi :

    Enjeux - La Rocque et le fascisme français

    Réponse à Michel Winock - par Robert Soucy

     


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  • Le massacre fasciste d'Oslo, par l'"occidentaliste" Anders Breivik (8 mort-e-s par une bombe devant le Parlement et 69 dans le mitraillage d'un camp de jeunesse du Parti travailliste) marque (bien loin d'un "acte fou" et "isolé") un tournant dans la montée du fascisme en Occident capitaliste. Déjà, depuis un peu plus d'un an, les agressions de militant-e-s antifascistes se sont multipliées dans l'Hexagone, notamment à Lyon, de plus en plus violentes et barbares, allant jusqu'au viol d'une militante début juillet dernier.

    Ce que cela veut dire est clair : l'offensive fasciste contre le mouvement révolutionnaire (communiste/anarchiste) et tous les progressistes/démocrates sincères, les dépositaires des reliques de la pensée bourgeoise lorsque celle-ci était progressiste, humaniste et universaliste ; est déclarée.

    Cela est clairement exposé dans un morceau de "oï" fasciste qui fait un tabac en ce moment : "saloperie socialiste, racaille communiste, staliniens, MAOÏSTES : on vous aura !"... (http://www.youtube.com/watch?v=5TqaU4LPRtA)

    Les minorités immigrées, les Rroms, les minorités sexuelles sont et seront toujours attaquées pour forger "l'Européen nouveau" fasciste dans la barbarie impérialiste et patriarcale, prêt à la contre-révolution exterminatrice et à la guerre impérialiste. Mais fondamentalement, l'ennemi principal est désigné : ce que Breivik appelle le "marxisme culturel", c'est à dire, non seulement ceux et celles qui veulent renverser le capitalisme pour instaurer une société nouvelle, socialiste ou directement communiste, mais aussi tou-te-s ceux et celles qui "freinent", avec leurs conceptions démocratiques-humanistes-universalistes bourgeoises, la fuite en avant du capitalisme dans la barbarie exploiteuse et militariste. C'est la dimension contre-révolutionnaire totale du fascisme qui s'affirme, loin du fascisme "révolutionnaire mais antimarxiste", "frère jumeau de la social-démocratie" parfois théorisé (et que le massacre de Breivik vient faire voler en éclat). 

    La situation impose donc de se poser un moment, et de faire le point sur le bilan de l'antifascisme à ce jour, afin d'en tirer les leçons pour la lutte antifasciste de demain.

    Les années 2007-2010 ont été marquées par l'expérience de l'ACTION ANTIFASCISTE, réseau de groupes locaux autonomes mais liés, tentant de rompre avec "l'antifascisme de rue" (purement militaire : affronter physiquement les fascistes dans la rue) pour mener le combat sous un angle plus idéologique et culturel. Cette expérience s'est révélée de prime abord négative : prise de contrôle par la secte ultragauchiste allumée de "Contre-informations", liquidation du forum après un partage en vrille total sur le "racisme anti-blancs" et une "brillante" défense de la Fraternité aryenne (!!!), la plupart des blogs au point mort ou de très piètre qualité (comme l'A"a"63 qui a récemment attaqué et menacé SLP), d'autres individus et/ou collectifs (AA Bordeaux, AA Alsace, AA Montpellier devenue Feu de Prairie, AA Pévèle-Mélantois devenue Comprendre-Expliquer-Combattre, Libération Irlande  dédié à la LLN irlandaise, et dernièrement Redskinheads de France – RS2F) ayant pris des distances... de l'ordre de l'année-lumière. Assez désolant, quand on voit le niveau de l'antifascisme par exemple en Italie, ou plusieurs "Casa Pound" ("centres sociaux" fascistes liés à La Destra) ont été abandonnées face à la mobilisation des antifascistes (notamment les camarades CARC en Toscane, ou les Red Blocks du PCmI dans le Sud).

    Pour autant, c'est une expérience RICHE par les enseignements qu'elle laisse pour l'avenir.

    Elle a consisté notamment, et apporté des analyses intéressantes à ce sujet, en l'étude de la manière dont le fascisme "germe" idéologiquement dans la petite-bourgeoisie/classe-moyenne prolétarisée par la crise, mais refusant la voie révolutionnaire (marxiste ou libertaire), refusant de rejoindre le prolétariat dans son combat d'émancipation de l'humanité entière. Une petite-bourgeoisie/classe-moyenne BIEN PLUS IMPORTANTE qu'elle ne l'était dans l'entre-deux-guerres (toutefois, à cette époque, il y avait plus de paysans...), car le capitalisme, depuis le milieu du 20e siècle, "soutient" son taux de profit par la consommation, ayant transformé les sociétés capitalistes occidentales en sociétés de consommateurs et "petit-embourgeoisé" la population (déplaçant la production à bas coût, "de base", vers les pays dominés)... Mais aujourd'hui, ce "niveau de vie" et ce "confort" occidental partout s'effondrent et, en l'absence de mouvement communiste fort, c'est la mobilisation réactionnaire de masse et les thèses les plus délirantes (complotisme, "illuminatis") qui tendent à l'emporter.

    De la frange extrême de cette mobilisation réactionnaire de masse naissent les groupes fascistes, qui sévissent actuellement dans toute l'entité bleu-blanc-rouge et dans toute l'Europe, agressant minorités et militant-e-s révolutionnaires et progressistes, jusqu'au tout récent massacre en Norvège. Certains sont importants et structurés au niveau des États bourgeois (comme les Identitaires ou l'English Defense League), d'autres petits et locaux, oscillant entre hooliganisme footballistique et saluts nazis avec une bière dans la main gauche... Tous naissent de la même matrice : une classe moyenne (et une aristocratie ouvrière à la mentalité de "petit propriétaire") paupérisée, qu'un mouvement communiste encore trop faible ne parvient pas à accrocher à la locomotive de la lutte révolutionnaire. Cette analyse de l'Action Antifasciste est un (peut-être le seul) point positif de l'expérience : jusque là, l'antifascisme "radical" et "de rue" analysait le fascisme comme une "gangrène" qu'on "élimine ou on en crève", mais ne cherchait pas à savoir d'où cette "gangrène" sortait, privé des outils d'analyse scientifique les plus élémentaires, après 30 ans de décomposition du mouvement communiste.

    Le problème, et là d’où est parti leur dérive ultragauchiste, c’est qu’ils n’ont pas su analyser les MÉCANISMES par lesquels le fascisme devient une menace totale et permanente (et non plus ponctuelle et marginale), autrement dit, les mécanismes par lesquels le fascisme entre au SERVICE de la classe dominante et de son État comme "troupe de choc", et en définitive comme "gouvernement d’exception" pour l’accomplissement de la contre-révolution et des plans impérialistes les plus terroristes et réactionnaires : le stade FINAL du capitalisme, la réaction sur toute la ligne (stade final, du moins, jusqu’à ce qu’une guerre mondiale "fasse le ménage", détruise une quantité considérable de forces productives, et permette une "relance" de l’accumulation comme après 1945…).

    Pour analyser cela, il ne faut pas lire Sternhell mais Gossweiler  (que l’Action Antifasciste connaît et publie pourtant).

    Ils ont donc mené, finalement, leur combat principal contre la petite-bourgeoisie "fascistoïde" et… la petite-bourgeoisie réformiste, considérée comme "frère jumeau" ( !), et non contre l’aspect principal du problème : la dictature des monopoles, dont la frange la plus réactionnaire pousse en avant le fascisme (comme système de valeurs) et les fascistes…

    Voyant la "répression" et la "diabolisation" subies par les fascistes, ils en sont venus à les considérer comme une force révolutionnaire ( !), combattant la classe dominante comme le font les communistes, mais pour une révolution "négative", anti-scientifique, un "anticapitalisme romantique"… et encore : faire le "grand ménage" dans les quartiers populaires est finalement considéré comme une aspiration tout à fait légitime et "progressiste" des masses populaires, relevant de la "dignité du réel" (concept inconnu au bataillon marxiste, tiré d’une citation de Lénine*) ; le seul problème des fascistes à ce sujet étant d’être des "partis bourgeois" et de… ne pas pouvoir répondre réellement à cette aspiration ! (ça promet niveau conception du monde !)

    Cette analyse du fascisme comme "révolutionnaire", car subissant la répression de l’État "démocratique" bourgeois, est en tout cas profondément erronée.

    D’abord parce que les groupes fascistes, par rapport à leur pouvoir de nuisance réel et surtout potentiel (car chaque perquisition met à jour de véritables arsenaux, armes de guerre etc.), subissent une répression bien légère par rapport à ce que subiraient des groupes de gauche révolutionnaire (marxistes ou anarchistes), ou même réformistes "radicaux" type NPA, si une perquisition chez un de leurs membre mettait à jour la même chose… La bourgeoisie (n’en doutons pas) hurlerait alors au "terrorisme", au retour des Brigades Rouges et d’Action Directe, etc.

    Ensuite… parce que nous sommes au 21e siècle, pas au 20e. Il y a eu des expériences fascistes au 20e siècle, et la bourgeoisie en a tiré les enseignements. Il serait profondément erroné d'attendre le fascisme aujourd'hui dans les mêmes formes, sur le même modèle qu’au siècle dernier. Il est possible, très envisageable même, que la bourgeoisie du 21e siècle ne souhaite pas un fascisme sous ces mêmes formes qu’au 20e.

    Notamment un fascisme qui lui "échappe", qu’elle ne parviendrait plus à contrôler ; un fascisme "seul aux commandes" qui suivrait son propre agenda et ferait n’importe quoi. Le 20e siècle a connu UN exemple de fascisme comme cela : le national-socialisme allemand. Le NSDAP dont l’appareil dirigeant s’est constitué en "classe dirigeante parallèle", en "État dans l’État" disposant de sa propre force armée (la Waffen SS qui surpasse l’armée régulière – Wehrmacht – à partir de 1943 pour atteindre 900.000 hommes à la fin de la guerre) et de son propre complexe militaro-industriel (Reichswerke Hermann Göring), au service d'une "caste politico-militaire" prospérant sur le pillage des pays conquis [au sujet de tout cela, lire ici : http://quefaire.lautre.net/Marxisme-et-holocauste - article "férocement trotskyste" mais non moins intéressant]. Suivant son propre agenda (différent de celui du Grand Capital allemand) et après de grands succès militaires initiaux et le contrôle de toute l’Europe continentale fin 1941, cet État parallèle a accumulé les choix fumeux (un bon exemple étant sans doute la déclaration de guerre aux États-Unis en décembre 1941, à laquelle rien ne l'obligeait puisque le Japon n'avait rien fait contre l'URSS depuis juin - le pacte d'assistance mutuelle pouvait donc être considéré comme caduc) et conduit l’Allemagne à un désastre militaire et humain sans précédent (raison pour laquelle, dès 1943, une fraction de la bourgeoisie allemande et de la caste militaire "traditionnelle" va tenter de liquider Hitler).

    En Italie, le fascisme mussolinien a globalement servi les intérêts de la grande bourgeoisie en écrasant le mouvement révolutionnaire ouvrier et paysan, en menant avec succès les expéditions coloniales de Libye et d’Éthiopie et en l’aidant à devenir une "vraie" bourgeoisie, débarrassée des résidus de féodalité (mafias, pouvoir du Vatican etc.). Mais à partir de 1939, lorsqu’il attaque l’Albanie (déjà protectorat italien de fait) puis la Grèce (fasciste et alliée !) et lie ses destinées au Reich nazi, on peut également dire que le Parti national fasciste et son clan dirigeant s’émancipent du Grand Capital pour suivre leur agenda propre (là encore, conquête militaire et pillage de territoires) : là aussi, cela conduira l’Italie au désastre militaire, à l’occupation alliée des 2/3 du pays et à la quasi-victoire de la révolution socialiste en 1945 (évitée seulement "grâce" à l’opportunisme de Togliatti).

    Partout ailleurs (État espagnol, Portugal, Chili, Argentine), on peut dire que le fascisme est resté un loyal serviteur de la (des) classe(s) dominante(s) et, le cas échéant, de l’impérialisme de tutelle (Angleterre au Portugal, USA en Amérique du Sud).

    On peut donc imaginer que la répression qui frappe aujourd’hui les fascistes vise simplement à les garder "sous contrôle", à ce qu’ils restent une "troupe de choc" en réserve pour le moment venu mais ne se constituent pas en NSDAP, en organisme politico-militaire susceptible de concurrencer et de supplanter l’État des monopoles capitalistes.

    Il ne faut donc pas se laisser aveugler par cet écran de fumée : le fascisme n’a rien de "subversif", rien de "révolutionnaire" à l’encontre de l’ordre bourgeois ; il est au contraire son ultime recours, son plus puissant rempart.

    Il y a, certes, des contradictions au sein de la bourgeoisie. Il y a dans la bourgeoisie une gauche (PG, Verts, gauche du PS type Emmanuelli) et une droite modérée (majorité du PS, Modem, Borloo) qui ne veulent pas du fascisme, qui pensent qu’il faut "composer" avec le mouvement ouvrier organisé et les revendications populaires, lâcher des concessions. Et puis il y a une "droite radicale" (UMP) qui pense que l’on peut appliquer des éléments du programme fasciste (FN) tout en maintenant les apparences de la démocratie, en refusant et en freinant la fuite en avant, en refusant les fascistes au pouvoir (même minoritaires dans une coalition, comme en Italie et dans de nombreux pays) et en les "contenant" sur le terrain (en réprimant leurs actions les plus brutales et choquantes).

    Mais tout cela s’effrite de jour en jour, car inadapté aux exigences de terrorisme et d’exploitation totale du capitalisme de notre époque, inadapté à sa fuite en avant sous l’effet de l'effondrement du taux de profit. Faire des concessions pour assurer la paix sociale est efficace mais a un coût : cela nécessite des fonds, des surprofits dont le capitalisme ne dispose plus, à moins de recourir à la guerre impérialiste (et encore, celle-ci a aussi un coût, on l’a vu pour les États-Unis en Irak).

    La gauche et la droite "modérée" bourgeoises se rétrécissent comme une peau de chagrin et la droite "radicale" (comme le courant Droite Populaire de l’UMP) se droitise de plus en plus, assumant sa proximité avec les thèses FN (finalement, qu’est-ce qui les sépare encore, à part la question de l’UE et de l’euro, contradiction totalement dépassable pour la bourgeoisie ?).

    Et cette droite radicale de plus en plus à droite exerce, comme tout grand corps sur un plus petit, une force d’attraction sur la droite modérée et (plus faible encore) la gauche bourgeoise : cette force d’attraction fait émerger des Gerin avec leurs délires islamophobes (ou contre la "racaille issue de l’immigration qui ne s’intègre plus"), des Valls avec leurs crises de manque de "whites" dans leur circonscription, etc. ; des personnages assumant un discours "réac de gauche".

    Donc, les contradictions au sein de la bourgeoisie deviennent de plus en plus inopérantes ; et le fascisme (avec notamment sa vitrine "présentable" FN) est en train de conquérir l’hégémonie intellectuelle sur le champ politique bourgeois, la véritable maîtrise de tout le débat politique restant dans les limites (prétendues "indépassables") du capitalisme.

    La bourgeoisie "démocrate-humaniste" qui voudrait s’opposer au fascisme est en train de disparaître comme toute forme de vie inadaptée au monde qui l’entoure. L’objectif (en tout cas l’objectif principal) du fascisme n’est pas de mener une "révolution" contre elle.

    Quelle conclusion tirer de tout cela ?

    Et bien, que la guerre au fascisme, c’est finalement et avant tout la GUERRE AUX MONOPOLES, la guerre contre le Capital. Là est la différence fondamentale avec les démocrates-humanistes-universalistes de la gauche bourgeoise et les sociaux-démocrates de la petite-bourgeoisie, qui ne veulent pas d'un renversement révolutionnaire du capitalisme (même s'ils peuvent être une force d’appoint en situation "tendue").

    Mais cela implique, aussi, de rompre avec "l’antifascisme pour l’antifascisme", l’antifascisme de "groupes autonomes" qui combat "les fascistes" et non LE FASCISME comme projet d’avenir et dernière carte des monopoles capitalistes.

    Le fascisme, c’est « la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes du Capital financier » (Dimitrov).

    La lutte antifasciste est indissociable de la lutte pour le renversement révolutionnaire du capitalisme. Elle est indissociable de la démarche partidaire, la démarche de construction du Parti comme fraction la plus consciente et organisée du prolétariat, armée de la conception communiste du monde et d’une juste stratégie révolutionnaire. L’Histoire a montré que la "gauche" de la démocratie bourgeoise (et la social-démocratie, fraction du mouvement ouvrier et des masses populaires sous son influence) est impuissante face au fascisme : seul le Parti révolutionnaire du prolétariat peut le vaincre (même s’il peut ensuite, par des erreurs opportunistes, comme en 1945, se faire voler sa victoire).

    Il y a finalement, d’un côté, la bourgeoisie et sa fraction dominante, la bourgeoisie monopoliste, avec son État et deux forces de frappe :

    - l'une "régulière", étatique : police, gendarmerie, CRS, armée etc. ;

    - l'autre "paramilitaire" et supplétive (la bourgeoisie veille pour le moment à ce qu'elle le reste) : les fascistes. 

    Et de l’autre, que faut-il ? Reprenons là les mots des camarades "Amis du Manifeste", dans leur déclaration publiée récemment : « un Parti communiste, cet outil de classe qui est pour (le prolétariat) ce que l’État est à la bourgeoisie : une organisation capable de faire prévaloir ses intérêts de classe ».

    Cela, les initiateurs "maoïstes" de l’Action Antifasciste l’ont bien sûr toujours pensé, mais jamais assumé : conscients que leur conception du monde "passe mal" dans les masses, ils se sont camouflés derrière la supercherie des "groupes autonomes en réseau", tout en noyautant totalement, très autoritairement, la démarche. Mais les gens ont fini par prendre conscience de cette mainmise, et prendre leurs jambes à leur cou…

    Au contraire, nous communistes révolutionnaires maoïstes assumons la tâche de construction du Parti (tâche à laquelle SLP veut apporter sa petite pierre) et l’antifascisme comme activité partidaire.

    Mais nous l’assumons sans sectarisme : autour du Parti il y a le Front uni et même, dirions-nous, deux Fronts concentriques ; un Front "pour", "offensif", révolutionnaire, partageant un objectif clair (renversement du capitalisme et instauration du socialisme) mais ayant des divergences sur l’histoire et le bilan de l’expérience du mouvement communiste au 20e siècle, sur la stratégie révolutionnaire, sur la nature du Parti et de la transition au communisme ; et un Front "anti" plus défensif et plus large, antifasciste, antiraciste et antisexiste, contre les attaques capitalistes envers les travailleurs/euses et les attaques antidémocratiques envers les masses, contre la guerre impérialiste etc. etc.

    Pour SLP, étant donné qu’aucune organisation ne peut prétendre, à ce jour, détenir à 100% LA vérité (la conception communiste correcte du monde), ce serait même une grande économie d’énergie militante que de ne pas batailler comme des chiffonniers pour savoir QUI sera le Parti dirigeant des Fronts concentriques : mieux vaut travailler ensemble en bonne intelligence**, sur des bases claires, et l’organisation qui élaborera la meilleure conception du monde et la meilleure stratégie révolutionnaire prendra naturellement le poste de commandement.

    Dans ce processus prolongé de lutte révolutionnaire, la lutte antifasciste sera une activité essentielle, "parmi d’autres" certes, mais d’une importance grandissante au fur et à mesure que la menace grandira et se fera précise (et a fortiori, le cas échéant, quand le fascisme sera au pouvoir !)…


    Derrière chaque meneur fasciste, se cache le Capital !


    Écraser définitivement le fascisme, c’est renverser le capitalisme et instaurer le socialisme !


    Notre seule arme c'est la RÉVOLUTION, et la seule force à même de lever ce glaive, c’est l’avant-garde consciente et organisée du prolétariat : LE PARTI ! 

     

    [*  "La pratique est supérieure à la connaissance (théorique), car elle a la dignité non seulement du général, mais du réel immédiat" (Lénine)] 

    [** Mais attention : ce n'est pas une unité sans lutte. Comme au sein de chaque organisation, le Front "offensif" révolutionnaire sera le théâtre de LUTTES DE LIGNES entre les organisations, luttes qui nourriront dialectiquement la conception du monde "supérieure" de l'organisation qui prendra la direction. Et dans chaque organisation, la lutte de lignes sera appuyée par les autres organisations, celles "à la gauche" appuyant la gauche, essayant de tirer l'organisation vers la gauche, et celles "à la droite" essayant de la tirer vers la droite (vers le populisme, le mouvementisme, l'interclassisme, la conciliation entre classes)... C'est à la gauche de forger la conception du monde et la stratégie révolutionnaire CORRECTES pour réussir à supplanter la droite, représentant l'influence bourgeoise, dans chaque organisation et dans le Front.]


                   Action-antifasciste-300x300.jpgcommunist-rot-front-germany.jpg


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  • L’annonce a fait grand bruit dans le microcosme politico-médiatique bourgeois : jeudi soir, Jean-Louis Borloo a annoncé que sa formation, le Parti radical, allait quitter l’UMP à son prochain congrès. Il n’a pas exclu, dans la foulée, de se présenter à l’élection présidentielle de 2012, comme représentant de la « droite sociale et humaniste ».

    Annonce aussitôt suivie par celle de Rama Yade (que les fascistes se plaisent à cibler en l’appelant « Ramtoulaye »), affirmant sa « rupture idéologique » avec le parti présidentiel. De son côté, celui qui était il y a encore 1 an le chef de file de la droite anti-sarkozyste, Dominique de Villepin, n’a pas exclu de soutenir la candidature éventuelle de Borloo.

    Mais pour SLP, rien de bien surprenant. Rien de plus que la confirmation de notre analyse d’il y a quelques semaines, qui nous a d’ailleurs valu la visite d’un petit comique de « Contre-informations » en commentaires :

    => Sarkozy a été en 2007, et déjà entre 2002 et 2007 comme Premier flic, vice-Premier ministre de fait et idéologue du gouvernement, « l’homme de la situation ».

    => Mais fin 2008 a éclaté la phase terminale de la crise capitaliste commencée dans les années 1970. Avec tout ce que cela implique : contradictions inter-impérialistes décuplées à travers le monde, et besoin de réaction tous azimuts à l’intérieur.

    => Dès lors, Sarkozy n’est plus l’homme de la situation. Ne reste plus, aux yeux des médias porte-voix des monopoles qui font « l’opinion », que les défauts : bling-bling, langage de charretier, pro-américanisme débridé, girouette, manque d’ancrage dans la « France profonde » etc.

    => Ayant pratiqué la « mise à jour du logiciel idéologique » refusée pendant 30 ans par son père, « l’homme » de la situation est devenu une femme, Marine Le Pen. Son « recentrage » apparent a croisé le chemin de l’évolution du Grand Capital vers la solution fasciste.

    => Malgré tout, « l’opinion », patiemment forgée à coup d’éditoriaux et de JT de 20h, n’est pas encore prête au fascisme ouvert. On s’achemine donc, très probablement, vers une parenthèse de « gauche » de 5 ans, avec un DSK incarnant la cible parfaite du discours fasciste. Parenthèse durant laquelle l’extrême-droite acquerra totalement l’hégémonie intellectuelle, idéologique et culturelle sur les masses populaires, après déjà 20 ans d’hégémonie intellectuelle bien à droite. Les tendances « eurasiste » (Bouchet, Soral) ou « occidentaliste » (rebelles-info, Riposte laïque, Bivouac-ID), soutenant l’une et l’autre Marine Le Pen, domineront selon que la contradiction principale de l’impérialisme BBR sera avec les US ou avec le « nouvel Est » (Chine, djihadisme, Iran etc.). De même que les Identitaires, Marine Le Pen joue strictement le « non-alignement » sur ce point.

    => Enfin, malgré tout le « lissage » de Marine Le Pen, le FN ne pourra jamais arriver au pouvoir tout seul. Car il a besoin non seulement de cautions « républicaines » et bourgeoises « respectables », mais aussi d'un réseau de notables et de grands capitalistes qu’il n’a pas suffisamment pour le moment. On l’oublie souvent, mais Hitler n’est pas arrivé au pouvoir seul : le NSDAP n’avait que 33% des voix en novembre 1932. Il est arrivé au pouvoir avec l’alliance des conservateurs de Von Papen et Hindenburg (président de la République de Weimar)… De la même manière, Mussolini est arrivé au pouvoir appelé par le Roi, donc le parti conservateur, monarchiste, catholique (accord de 1929 avec le Vatican) etc.

    Il faudra donc à Marine Le Pen des alliés conservateurs, « républicains ». Cela passe par un éclatement de l’UMP.

    Et c’est exactement, alors même que l’échec de Sarkozy en 2012 n’est pas encore joué, ce à quoi nous sommes en train d’assister.

    Sarkozy est désemparé comme un Jospin en 2000-2002, ne sachant plus où il doit donner de la tête. Tantôt il va « chercher le centre » (comme avec la guerre en Libye), tantôt la « droite de la droite ». Toutes ses gesticulations sont de toute manière vaines : il n’est plus l’homme de la situation, la bourgeoisie des monopoles l’a abandonné, c’est fini pour lui, point à la ligne.

    En attendant, il essaye de réchauffer sa vieille recette de 2007 : récupérer les électeurs du FN. Ce sont les rafles de Roms de l’été dernier. Ce sont les propos accumulés par le nouveau Ministre de l’Intérieur, Guéant. C’est le débat sur « la laïcité et l’islam », énième resucée sur le thème de « l’identité nationale ». C’est le refus (historique !) du « front républicain » aux cantonales. Tout cela, sans doute, en pure perte : les électeurs que perd l’UMP, et que gagne le FN, sont déjà ceux et celles que Sarkozy avait soustraits au FN en 2007, et qui y retournent… Par définition, ils ne reviendront pas vers celui qui les a « déçus », « trahis ».

    Au sein même de la majorité, le « lobby de l’alliance » avec le FN se structure et se fait entendre. C’est la « Droite populaire » de Mariani, Luca et Vanneste. C’est la « Droite libre » (très islamophobe, mais aussi très voire trop atlantiste) de Del Valle et Kaci.

    Et ces milliers d’élus locaux, qui sont autant de petits barons de villages, de bourgades, de cantons : accepteront-ils indéfiniment de « perdre leur siège plutôt que leur âme » ? Soyons sérieux… Aucun politicien bourgeois, même animé des meilleures « convictions républicaines », ne peut arrêter la marche du fascisme, qui est un mécanisme inéluctable du monopolisme en crise. Seule la riposte populaire antifasciste, conçue comme première étape de la révolution socialiste (et non comme défense des « institutions républicaines », conception thorézienne), le peut !

    De l’autre côté, donc, les « centristes » font défection. Il y a déjà eu Bayrou, avant 2007. Puis Villepin. Et maintenant Borloo, Yade, Morin (Nouveau Centre). Même Fillon prend ses distances avec le coup de barre à droite de Sarkozy. C’est la droite de la démocratie bourgeoise, la droite « sociale et humaniste » dont se réclame aujourd’hui Borloo, incarnée à la perfection par Chirac en 1995 (et pendant ses deux mandats) et avant lui par Chaban-Delmas, Servan-Schreiber ou Simone Veil, etc.

    Mais cette droite est complètement dépassée historiquement pour la bourgeoisie des monopoles, puisqu’on l’a dit, même Sarkozy n’est plus assez réactionnaire… Sa seule perspective politique, c’est de quasiment assurer que Sarkozy soit exclu du 2e tour en 2012. A moins qu’elle ne soit choisie, plutôt que la « gauche », pour la « parenthèse social-libérale » en attendant de préparer l’opinion au fascisme. Mais c’est peu probable…

    On voit donc bien, comme prévu et même avec de l’avance, la « droite républicaine » éclater en deux. En 2017, le processus sera terminé. Il y aura la « gauche » bourgeoise, la bourgeoisie qui pense qu’il faut concéder des miettes (mais lesquelles ? nous sommes en crise terminale !) aux masses du Peuple pour sauver l’essentiel ; celle qui aime le « droit international » en politique extérieure, etc. Cette « gauche » sera ralliée en « front républicain », pour « sauver la démocratie », par la « droite sociale et humaniste » de Borloo.

    Et puis il y aura le fascisme, derrière son front électoral FN, rallié par la droite « dure », celle pour laquelle « être juste » (discours social) n’est que le préalable à « être ferme » (la dictature de classe tous azimuts).

    Et bien sûr, le fascisme l’emportera (avec ses nouveaux Von Papen). Car avec la crise en phase terminale, l’heure n’est plus à concéder des miettes, ce qui est une politique de périodes de croissance capitaliste (comme pendant les Trente Glorieuses, ou à la fin des années 90). Ce n’est plus soutenable. La bourgeoisie monopoliste doit aujourd’hui assumer la concurrence inter-impérialiste par tous les moyens, dont la guerre, comme on le voit en Libye et en Côte d’Ivoire (même si, sur la Libye, on voit que la guerre de Sarko ne fait pas l’unanimité) ; et en métropole, la répression sans pitié de tout mouvement des classes populaires « sortant des clous », comme on a pu le voir fin octobre à Lyon, avec la « souricière » de Bellecour, garde-à-vue géante en plein air pour des centaines de personnes, encadrées par les fusils du GIPN.

    Cela, c’est dans 6 ans. En n’excluant pas (et en nous préparant à ce) que ce soit plus tôt, dès 2012 ou lors d’une « crise » entre 2012 et 2017. Car, disons-le clairement, en 2007, on voyait bien Sarkozy au pouvoir pour 10 ans, reprenant peu à peu le programme du FN pour finir en pure copie (mais « présentable ») de celui-ci. Or, les évolutions de la crise capitaliste ont précipité les choses. De nouvelles « accélérations » du processus ne sont donc pas à exclure.

    La situation actuelle donne lieu à diverses analyses antifascistes, dont celle de « Contre-informations » dont il a été question plus haut.

    Passons sur le ton, comme à l’ordinaire arrogant, règlement de comptes et donneur de leçons. Quelques points de l’analyse sont justes : ainsi le rappel que la marche au fascisme est irrésistible dans le cadre du capitalisme en crise, de la chute tendancielle du taux de profit ; ou lorsque la revue libertaire RéflexeS dit que « Marine Le Pen a séduit les médias », à quoi CI répond très justement que ce sont au contraire les médias, porte-voix de la bourgeoisie impérialiste, qui lui ouvrent les allées du pouvoir, fermées à son père pendant 30 ans en raison de son archaïsme idéologique.

    Mais la colonne vertébrale de l’analyse repose sur 2 postulats traditionnels de CI, qui sont FAUX :

    1°/ Il y a en France une lutte entre la bourgeoisie impérialiste et une bourgeoisie « traditionnelle » dont Sarkozy serait le représentant… Impossible : à l’époque de l’impérialisme, AUCUN pays impérialiste ne peut être dirigé par autre chose que la bourgeoisie impérialiste. Sarkozy ne représente pas la « bourgeoisie traditionnelle soumise aux USA », curieux écho au « gouverneur US de la France » des social-chauvins ; il représente la sensibilité atlantiste de l’impérialisme BBR, venue à l’ordre du jour en 2005-2006 avec la poussée mondiale de la Chine. Atlantisme qui ne l’a pas empêché de diligenter un violent coup d’Etat à Madagascar, contre un homme (Ravalomanane) de l'impérialisme US… La bourgeoisie impérialiste BBR est ainsi traversée de tendances et de « traditions » : plus ou moins pro- ou anti-US, orléaniste ou bonapartiste (et à « gauche » jacobine ou girondine), « sociale et libérale » ou « conservatrice répressive » etc.

    2°/ Le fascisme n’est pas la « réaction immunitaire », ultra-réactionnaire, du capitalisme monopoliste face à la crise générale et/ou la menace révolutionnaire (en l’occurrence, celle-ci est encore faible, d’où le fascisme moderne dont parle le PCmF) ; mais le « passage à la dictature des monopoles »… Absurdité ! La dictature des monopoles, nous y sommes déjà : Lénine a expliqué, il y a plus de 90 ans, que l’époque de l’impérialisme était précisément celle de la dictature des monopoles, y compris sur la bourgeoisie non-monopoliste. En France, nous sommes donc sous la dictature des monopoles, depuis 1900 au moins, et sans équivoque depuis 1945. Le fascisme, c’est la mutation ultime, ultra-brutale et ultra-réactionnaire (aspect principal ; le paravent « social » populiste est totalement secondaire) de cette dictature des monopoles, face à la crise et/ou la menace révolutionnaire, rendant nécessaire la caporalisation de la bourgeoisie sous la houlette de sa frange la plus réactionnaire, pour la guerre impérialiste et la contre-révolution terroriste. Point barre : cette analyse des ML des années 30 (comme Dimitrov) a toujours été vérifiée par l’histoire ; elle n’a pas à être remise en cause. L’erreur du KPD allemand n’est pas celle-là, mais d’avoir placé la contradiction avec les progressistes sincères prisonniers du SPD (pas les ordures à sa tête, bien sûr !) au même niveau que la contradiction avec le NSDAP. Faisant ainsi le jeu de l’anticommunisme des social-traîtres. Cela, tout le monde le sait et la ligne de Front populaire, adoptée par l’Internationale communiste en 1934, en est la reconnaissance claire et nette ; mais ce n’est pas le "p""c""mlm", avec son sectarisme vis à vis des autres révolutionnaires et progressistes, qui va l’admettre !

    Mais peu importe, en vérité. Le mouvement communiste renaît en Hexagone et surtout, plus important et plus rapide et massif encore, la poussée révolutionnaire des masses populaires et de leur noyau le plus exploité, le prolétariat. Le Parti ne sera pas le groupuscule qui se proclamera tel avec le plus d'assurance, mais celui qui naîtra, ou rencontrera, et dans tout les cas prendra la tête de cette soif populaire de révolution. Sans quoi, celle-ci ira grossir la démobilisation, l'apathie, voire le courant "social" du fascisme...


    Le fascisme est en marche, mais entendez-vous le cri là sur la barricade ? La classe prolétaire l’attendra en armes !


    RIPOSTE POPULAIRE ANTIFASCISTE !


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  • Jusqu’à présent, SLP ne s’était pas trop exprimé sur les fameux « sondages exclusifs » donnant Marine Le Pen en tête du 1er tour de la présidentielle 2012. Pour deux principales raisons :

    - d’abord, ce ne sont que des sondages, donc des manipulations médiatiques par des entreprises privées payées pour remplir une commande ; par exemple pour justifier une « droitisation » de la politique UMP, ou encore pour imposer Strauss-Kahn comme candidat « socialiste »…

    - ensuite, il n’y a là rien de surprenant à ce que le FN, en s’alignant sur les thèmes et discours de ses homologues des « droites populistes » européennes (c’est à dire, sur les exigences de la bourgeoisie la plus réactionnaire !), rejoigne le même type de scores électoraux. Pour SLP, il a toujours été évident que ce n’était pas en allant sur des thèmes néo-nazis, national-révolutionnaires, ou tiers-mondistes et antisionistes que le FN monterait dans la mobilisation de masse. Il n’y a que pour ceux qui se sont accrochés à cette thèse, que les scores annoncés de Le Pen fille pouvaient éventuellement être une surprise…

    Bref, WAIT AND SEE, telle était la ligne de conduite. Wait… notamment les élections cantonales. Voyons donc ensemble les résultats :

    Avec 25% des suffrages exprimés, le Parti « socialiste » confirme sa position d’alternative (momentanée) pour 2012, encore que… il confirme surtout son emprise, affirmée depuis 2004, sur les élections locales ; la fameuse « cohabitation verticale » que semble plébisciter le « français moyen » : à la « gauche » la gestion locale, la proximité et les milliers de petits avantages sociaux (réductions pour les transports etc.) ; à la droite les choses « sérieuses », la sécurité, l’économie, la politique internationale… Depuis 7 ans, la classe dominante hexagonale semble se satisfaire de ce partage des rôles, dans son théâtre de  marionnettes politicien.

    Avec respectivement 8,9% et 8,2%, le Front de Gauche et Europe Ecologie s’ancrent dans le paysage électoral tricolore ; les premiers dans la petite classe moyenne laborieuse et l’aristocratie ouvrière, ainsi que le prolétariat qui « y croit encore », les seconds dans les classes moyennes éduquées et « bobo » des centres-villes. En Limousin, où l’alliance avec le NPA a été maintenue, le Front de Gauche a même atteint des scores de 33% dans certaines circonscriptions (Bellac), confirmant le terreau culturel progressiste du pays de Georges Guingouin.

    Le résultat le plus marquant, et déterminant pour l’avenir, c’est l’inversion du rapport de force à droite. L’UMP termine la course à 17%, confirmant sa situation de crise ; et le FN à 15%. Même si avec la très forte abstention (55% !) on pouvait redouter plus, c’est le meilleur score de son histoire à de telles élections, traditionnellement décalées de sa culture tribunicienne et personnalisée.

    1243576 caretfranceIl y a 5 triangulaires mais surtout, fait sans précédent, le FN est seul face à l’UMP ou au PS dans… 394 cantons sur 2023 en jeu ! De quoi donner le vertige (et pourtant, on n’entend pas le quart des cris d’orfraie que l'on entendait quand le FN faisait 15%, à la présidentielle, dans les années 90 !). Et, en même temps, rien que de totalement prévisible… Tout additionné (du Modem à Lutte Ouvrière pour la « gauche » et du Nouveau Centre au FN pour la « droite »), les rapports de force « gauche-droite » restent globalement stables. Mais l’électorat UMP se vide au profit du parti de Marine Le Pen. C’est, certes, le résultat du réalignement du Front sur la « norme » des extrême-droites européennes. Mais pas seulement : c’est aussi le résultat d’un mouvement de fond. C’est le résultat d’un glissement général vers la droite de cette petite-bourgeoisie culturelle qu’est l’électorat hexagonal, le « peuple citoyen » ; dont le prolétariat le plus avancé et conscient ne fait pas partie : ce sont les personnes qui croient encore à l’Etat bourgeois et à ses institutions. Ce sont ce que les commentateurs bourgeois appelent la "société civile", "l'opinion publique" ou encore "les classes moyennes", entre les "exclus", les "précaires" et autres "publics en difficulté" (le noyau dur du prolétariat), et la grande bourgeoisie qui vit dans une autre dimension (les "élites")... Bien sûr, ce n'est pas cette petite-bourgeoisie culturelle qui "fait" la politique : c'est la classe dominante, la bourgeoisie monopoliste, impérialiste. Mais elle baigne totalement dans l'hégémonie intellectuelle de la bourgeoisie impérialiste... Qu'elle se veuille "de droite" ou (de moins en moins) "de gauche", ou "un peu des deux". C'est le phénomène de submersion de la société "citoyenne" dans le capitalisme monopoliste, phénomène qui caractérise les pays impérialistes les plus avancés.

    Un glissement à droite qui se poursuit, donc, comme tendance de fond depuis les années 80, soit (avec un décalage de 10 ans) depuis la seconde crise générale du capitalisme. Si inattendu il y a dans la situation actuelle, c’est que la phase terminale de la crise, depuis fin 2008, a accéléré le processus. En 2007, tous les commentateurs petits-bourgeois de la politique s’étaient tantôt réjouis, tantôt alarmés de ce que Sarkozy avait « siphonné » les voix du FN. En réalité, face à un Chirac dépassé par l’évolution historique, et face à un Le Pen lui aussi usé et parti (derrière Soral) chasser sur les terres des « quartiers » (très éloignées de son électorat traditionnel), Sarkozy avait su trouver le discours adéquat à l’état de droitisation idéologique du « citoyen » bleu-blanc-rouge... c'est à dire, aux besoins de la bourgeoisie impérialiste. À cette époque, on pouvait légitimement imaginer Sarko au pouvoir pour 10 ans, deux quinquennats facile. Mais aujourd’hui, une crise économique mondiale plus loin, Sarkozy (a fortiori avec sa volonté d’ouverture à gauche, de 'modernité' dans le style etc.) se retrouve trop à gauche pour ceux qui avaient voté (et fait voter) pour lui en 2007…

    Le « peuple de droite » se tourne à nouveau vers le FN, dans des proportions doubles ou triples de ce que Sarkozy avait pu « siphonner » en 2007. Et cela tombe bien : le programme du FN, rénové, est de plus en plus proche des attentes de la bourgeoisie monopoliste la plus réactionnaire sur tous les plans (en politique intérieure comme internationale).

    Le « peuple de gauche », lui, est constitué des classes moyennes plus urbaines et diplômées, nettement plus en moyenne que le « peuple de droite » (cela dit, avec un CAP recherché, à 25 ans on peut avoir son pavillon et sa voiture perso, bref son confort petit-bourgeois, ce qui n’est pas le cas d’un étudiant du même âge). En 2007, ce « peuple de gauche » s’était réparti entre une « socialiste » qui voulait parquer les « jeunes à problèmes » dans des camps militaires et… un démocrate-chrétien repeint en orange comme une révolution ukrainienne, et finalement peut-être plus à « gauche » que la précédente. En 2012, il s’apprête à voter massivement pour l’actuel directeur du FMI. Certains s’éparpillant peut-être, au premier tour, du côté des écolos ou du NPA…

    La frange restée progressiste de l’aristocratie ouvrière et des autres classes laborieuses (employés etc.), quant à elle, se retrouve plutôt dans le Front de Gauche, et l’extrémité la plus radicale dans LO.

    À la crise de l’UMP, les résultats des cantonales ont encore rajouté une couche, et pas des moindres : la question de la position à adopter en cas de 2e tour PS-FN. Et, là encore, le tournant est d’une grande importance. Sarkozy et Copé n’ont pas donné de consigne claire de vote « républicain » (pour le PS) au 2e tour. Les positions divergentes (Fillon, Borloo, Pécresse, les centristes etc.) ont afflué depuis, mais l’événement est là, aussi important pour l’avenir que le score du FN lui-même.

    Depuis la fin des années 80, il y avait deux principes chiraquiens intangibles dans la droite dite « républicaine » : jamais d’alliance avec le Front National (principe enfreint en 1998, mais par des présidents de région UDF) ; et, en cas de duel gauche-FN au second tour, front républicain c’est à dire appel clair à voter pour la gauche contre l’extrême-droite (la gauche en faisant autant dans l’hypothèse inverse). Voire, parfois, en cas de triangulaire, désistement pour le candidat le mieux placé entre la droite et la gauche…

    Sarkozy et Copé ont ouvert une première brèche dans un de ces principes, celui du « front républicain ». Autant dire que celui-ci sera mort et enterré pour 2012, aussi bien à la présidentielle (en cas de 2e tour DSK / Le Pen) qu’aux législatives qui suivront. Quant au principe de jamais d’alliance, il n’en a plus que pour quelques années… il sera peut-être définitivement enterré en 2017.

    Les choses risquent fort de se passer de la manière suivante : en 2012, le FN sera encore trop faible et surtout, trop isolé pour gagner s’il arrive au 2e tour. L’hypothèse d’une victoire de la gauche bourgeoise avec DSK se précise. Il est probable, on l’a dit, que la droite UMP n’appelle pas, ou alors avec des hésitations flagrantes, à voter pour le candidat de la « gauche ». En revanche, il est certain que toute la gauche « radicale », Front de Gauche, NPA et LO, y appelleront sans hésiter… et y gagneront quelques strapontins, qu’ils présenteront comme des « aiguillons » pour la politique de l’ancien directeur du FMI. Mais ils n’aiguillonneront rien car, comme tout marxiste le sait, ce n’est pas à l’intérieur des institutions de la bourgeoisie que l’on apporte le moindre début de solution à une crise économique telle que celle que nous traversons. Durant tout ce temps, le FN (porte-parole de la réaction absolue) sera l’épicentre du débat politique bourgeois, son chef d’orchestre, dans une véritable hégémonie intellectuelle. Et en 2017… c’est une social-démocratie complètement discréditée (partant déjà avec peu d’illusions au départ…) qui affrontera un peuple de droite grossi de nouveaux déçus, et une UMP et un FN… où l’idée d’alliance aura fait son chemin. Après tout, cette alliance est déjà la norme dans la plupart des « démocraties » européennes ! Le FN sait qu’il n’arrivera jamais au pouvoir tout seul, sans alliance, sans (au moins) un appel de la droite « républicaine » (au moins d’une partie) à voter pour lui... Et l’UMP saura peut-être, à ce moment-là, qu’elle ne battra plus jamais la "gauche" sans l’appui du FN. « Chacun aura fait la moitié du chemin vers l’autre », comme l’a fort bien dit un social-démocrate d’Europe Ecologie…

    Cela, c’est dans 6 ans. Nous avons 6 ans pour nous préparer, pour construire le Parti, le Front et l’Armée du Peuple qui mènera la résistance à la dictature terroriste ouverte des éléments les plus réactionnaires, les plus chauvins, les plus impérialistes de la bourgeoisie des monopoles.

    Où sont nos forces ? Elles sont d’abord en dehors du « peuple citoyen », de ces masses populaires culturellement petites-bourgeoises, qui croient encore aux institutions républicaines bourgeoises. Autrement dit dans l’abstention, qui grandit à chaque échéance électorale… mais attention ! Un abstentionniste n’égale pas un révolutionnaire : il y a une abstention de désespoir, d’amertume, de résignation. Il y a une abstention qui sert de « transit » entre la social-démocratie et la droite, ou entre la droite (ou directement la social-démocratie !) et l’extrême-droite fasciste. C’est le rôle des communistes, si peu nombreux soient-ils, de mener la bataille idéologique et militante, pour détourner ces gens de l’apathie et/ou du désespoir réactionnaires, pour transformer le ras-le-bol et la défiance envers la « démocratie » bourgeoise en conscience et en énergie révolutionnaire.

    Ensuite, il y a ceux et celles qui, considérant l’abstention comme du défaitisme, votent pour la gauche « radicale » (FdG, NPA, LO, candidatures « alternatives ») comme le « plus à gauche », mais sans se faire beaucoup d’illusions. Ils/elles sont très nombreux-ses ! Rien n’est plus profondément débile que le mépris de l’électorat réformiste radical… Les réformistes conscients, assumés, idéologiques ne sont pas majoritaires, d’autant moins que l’on s’éloigne des bobos pour aller vers le prolétariat. Dans certains quartiers prolétaires, il y a mêmes des personnes qui votent PS dès le premier tour, pour « faire barrage à la droite et aux fachos », sans se faire la moindre illusion, mais comme un « moindre mal ». Là encore, les communistes doivent tourner vers eux/elles leur travail politique, pour les arracher au raisonnement du « moindre mal » et du « plus à gauche », et les guider vers la transformation révolutionnaire de la société. Ils doivent, en particulier, se tenir à la réception des désillusions vis-à-vis de la politique réformiste bourgeoise qui s’annonce (très probablement) pour 2012-2017.

    Avec les plus avancé-e-s, éventuellement après formation, se construira le Parti. Avec les autres, dès lors qu’ils sont antifascistes, anticapitalistes, internationalistes, antisexistes, antiracistes etc., pourra se construire le Front (qui pourra ensuite, en « traînant » les directions et les couches socialement plus « moyennes », amener des alliances tactiques d’organisations ; mais il se construit d’abord à la base). Partout où se trouvent des communistes, ils doivent mener ce travail. Il est évident que là où existe un terreau progressiste (comme ce canton du Limousin à 33% FdG-NPA), ce travail sera plus facile que sur un terreau réactionnaire travaillé depuis 30 ans par le FN et la droite « républicaine » ; mais les progressistes (révolutionnaires potentiels) de ces secteurs ne doivent pas être abandonnés à leur sort, déjà d’un point de vue défensif (on pense notamment au travail antifasciste des camarades JCML dans la région viennoise).

    Quelles que soient les épreuves qui s’annoncent, il ne faut pas oublier que le capitalisme creuse sa propre tombe. L’avenir, la VICTOIRE nous appartiennent ! Il suffit d’être tous entiers tournés vers ce but. Et non (par exemple…) vers des petites satisfactions d’ego, mères du sectarisme, du dogmatisme livresque et des controverses stériles : avant d’excommunier, il faut déjà être capables de convaincre.


    VICTOIRE AU PEUPLE !

    LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP !

    VIVE LA REVOLUTION PROLETARIENNE ET POPULAIRE !

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  • Disons le : les élections régionales de dimanche n'ont pas été un "séisme politique", il n'y a pas eu de "coup de tonnerre" dans le théâtre de marionnettes de la politique bourgeoise, rien qui n'annonce encore un saut qualitatif de notre démocratie bourgeoise de contre-révolution préventive vers "autre chose".

    Ceci malgré les développements importants de ces derniers temps, en particulier bien sûr la crise capitaliste de septembre 2008, qui fait qu'aujourd'hui près de 40% de la population active est soit au chômage (recensée par Pôle Emploi ou pas), soit au chômage partiel, soit en emploi précaire.

    Elles ont cependant confirmé les grandes tendances de ces dernières années. Attardons nous-y donc un moment.

    Elles ont, d'abord, confirmé la tendance qui s'était dessinée dès 2007 : la faillite de la "gauche radicale", "anti-libérale" : NPA, LO et Front de Gauche.

    Même le NPA, qui avait résisté en 2007, fait un très mauvais score : 2,5 % en général, son "leader charismatique" Besancenot dépassant péniblement 3% en Île de France, un "bon" score de 3,28% en Franche-Comté et 4,19% en Auvergne, mais globalement partout moins de 3%, y compris dans des "bastions" comme Midi-Pyrénées.

    Il semble que la stratégie "séduction" en direction des quartiers populaires n'a pas vraiment pris (comme nous l'avions évoqué lors du Forum social des Quartiers populaires en octobre), stratégie dont Ilham Moussaïd était un résultat - même s'il semble que la direction du mouvement ne soutenait pas cette candidature. L'électorat ouvrier-employé quant à lui (comme on le sait, plutôt des travailleurs du public) semble s'être tourné vers le Front de Gauche (ou l'abstention !) tandis que les étudiants, professions intellectuelles etc. (les "bobos" des villes) se sont vraisemblablement tournés vers Europe Écologie, nouveau "truc à la mode" du moment.

    Lutte Ouvrière tourne, pour sa part, autour de 1,5%, confirmant l'effondrement de 2007. C'est que le discours répétitif (travailleurs travailleuses !) et entièrement tourné vers les luttes économiques en entreprise a lassé.

    Un parti qui se veut "révolutionnaire" doit assumer la question du pouvoir, c'est à dire assumer de diriger la société.  Il doit donc aborder toutes les questions dites "de société", d'actualité, internationales etc., faute de quoi il n'a aucune crédibilité - et n'est pas révolutionnaire, de toute manière. Problème pour LO : ce n'est pas son "fond de commerce" traditionnel, les positions internationales sont profondément marquées par le trotskysme (ni-ni permanent, rejet des luttes de libération nationale, des luttes anti-impérialistes comme "bourgeoises") et ils cherchent donc à ne pas les aborder au delà du "minimum syndical" et de leur cercle "d'initiés", quant aux questions "de société"... il vaut mieux qu'ils s'en abstiennent : elles ne feraient que révéler leur extrême archaïsme.

    Le Front de Gauche (P"C" et Parti de Gauche) s'en sort un peu mieux, mais enfin, renforcé d'une bonne partie de la gauche du PS, de dissidents du NPA, de LO et écologistes, rien de mirobolant : 6,5% nationalement, un peu plus de 7% si on ne prend que les régions où les listes étaient présentes. Il ne franchit le seuil pour se maintenir au second tour que dans 4 régions : le Nord-Pas-de-Calais (bastion ouvrier, 10,8%), l'Auvergne (très bon 14% d'André Chassaigne), le Limousin (en alliance avec le NPA, 13%), tous des vieux bastions du PC, et en Corse avec 10% (le vote 'communiste' dans cette région est hostile à la question nationale). 

    Avec un ancrage ouvrier et populaire bien plus important et ancien que le NPA, et le background de toutes les luttes sociales contre les effets de la crise ces 18 derniers mois, c'est maigre même si ce n'est pas une déroute. Bien en retrait de son modèle revendiqué, le Die Linke allemand....

    Et le "fractionnisme trotskyste" ne peut pas être invoqué : en Languedoc-Roussillon où le NPA s'est rallié, la liste "anti-libérale" commune ne dépasse pas 8,6%. Il y a certes les 13% du Limousin, mais seulement 5% en Pays de Loire, 4,3% en Bourgogne, 4,8% en Champagne.

    Ailleurs, le FdG ne capitalise d'ailleurs nullement sur l'effondrement trotskyste.

    C'est bien que les millions de travailleurs exploités et de personnes des classes populaires, notamment les 40% de la population active dont nous avons parlé, appellent de leurs vœux autre chose que des solutions réformistes, qu'une resucée, même pas du Programme commun des années 1970 ou des 110 propositions de 1981, mais de la Gauche plurielle de 1997 !

    Cela montre aussi, que l'effet du référendum européen de 2005 n'a été qu'un feu de paille (nous avons toujours été, pour notre part, pour le Non, mais sans illusions ni triomphalisme). Non seulement il apparaît (nous verrons plus loin les résultats de l'extrême-droite) que le Non chauvin, protectionniste, conservateur voire réactionnaire voire fascisant a été beaucoup plus important dans les 55% de NON qu'on ne l'a chanté à l'époque, mais surtout, la "gauche radicale" a été incapable de créer une dynamique a partir du vote "Merde", du NON qui se foutait, au fond, de l'Europe et de la "Constitution" mais voulait dire "Merde" à toutes les politiques anti-sociales et anti-démocratiques menées, sous couvert d'Europe ou non, depuis les années 1980.

    Un matériau brut, qui n'est pas révolutionnaire en tant que tel : c'est justement la tâche des révolutionnaires, des communistes, que de le transformer en Forces Subjectives de la Révolution (FSR).

    Cette tâche n'a pas été menée, mais pour des raisons évidentes : les "réformistes radicaux" de la "gauche anti-libérale" ne sont pas révolutionnaires (tout simplement...), en plus d'être dans des querelles d'épiciers sur "qui va remplacer le PC révisionniste des années 1970" à l'aile gauche de la social-démocratie.

    Cela tient à leur nature de classe, à leur nature même dans la marche de l'histoire qui se déroule sous nos yeux. Leur seule projet politique, c'est sauver ce qui peut l'être des acquis des Trente Glorieuses et du Conseil National de la Résistance...

    Or, non seulement les classes populaires aspirent à plus haut que ça (qu'une "république sociale" petite-bourgeoise), mais elles savent pertinemment, après 30 ans de crise capitaliste et de démantèlement du "modèle social", que ce n'est pas possible. Même si elle ne trouve pas encore les mots, comme un jeune enfant qui balbutie, se pose de plus en plus la QUESTION DU POUVOIR. Pas le pouvoir d'une "vraie gauche" : le Pouvoir du Peuple.

    L'autre fait marquant, est bien sûr le retour en force de l'extrême-droite, des fascistes. Comme nous l'avions prévu, sur le thème central de l'islamophobie, après le référendum suisse anti-minarets.

    Les "nouveaux venus", tous centrés sur cette thématique, font des scores honorables pour un premier coup d'essai : 2,7% (près de 40.000 voix) pour les Identitaires et les dissidents FN et MPF de Jacques Bompard (Ligue du Sud) en PACA (devançant le NPA d'Ilham Moussaïd), près de 5% pour Alsace D'abord (liée au Bloc Identitaire) en Alsace (où ils sont extrêmement bien implantés), 3,55% pour le Parti de la France de Carl Lang en région Centre (Jean Verdon) et 3,7% en Basse-Normandie (Fernand Le Rachinel). Quant aux deux listes "anti-minarets" (aussi clairement que ça...) elles font respectivement 3% en Lorraine (Annick Martin) et 2,5% en Franche-Comté (Christophe Devillers). D'autres suscitent l'intérêt des électeurs, comme Richard Roudier (Ligue du Midi) en Languedoc (0,68%), Carl Lang lui-même en Haute-Normandie (1,5%) ou Thomas Joly (PdF) en Picardie (2%).

    Surtout, le Front National marque un vrai retour en force. 12% en moyenne, autour de 15% dans beaucoup de régions, et un score massif de 20,3% en PACA !

    On a l'impression, au contraire des formations de "gauche radicale" qui se disputent comme des chiffonniers un maigre résidu d'électorat, que partout où les Identitaires et les fascistes en général sont bien implantés, cela n'a pas desservi le FN : au contraire, cela a créé une sorte de dynamique. "Gauche radicale" de la démocratie bourgeoise qui se meurt, fascisme qui monte : voilà les deux tendances lourdes de notre époque. Autant dire que le ciel s'assombrit...

    Sa campagne, le parti fasciste "historique" l'a faite sur sa fameuse affiche directement inspirée de l'affiche suisse anti-minarets (affiche condamnée par le TGI de Marseille à la veille du scrutin...), d'abord en PACA puis étendue à d'autres régions (comme Rhône-Alpes).

    Le FN a su saisir la tendance historique, comprendre de quelle mobilisation réactionnaire de masse a besoin la bourgeoisie monopoliste-impérialiste aujourd'hui, au service de sa contre-révolution préventive et de ses guerres dans le monde.

    Ce sont donc des 15%, des 20% (en PACA) que les Identitaires et tous les amis de Geert Wilders, du Vlaams Belang et de la Ligue du Nord peuvent considérer comme une victoire pour eux. "Identitariser" les esprits et (sous-entendu) le FN, comme le proclamait Fabrice Robert au lendemain du vote suisse, semble en bonne voie...

    On disait, depuis presque 3 ans, le FN "fini". C'est vrai qu'il était dans un grand brouillard idéologique... Mais il avait souffert en 2007, non seulement de "l'effet Sarkozy", d'une campagne de mobilisation réactionnaire de masse axée sur la "rupture", mais aussi d'une stratégie "quartiers populaires" impulsée par Alain Soral. C'était l'époque du "discours d'Argenteuil", de Dieudonné à la fête BBR, de La Banlieue s'exprime, l'époque où Le Pen pouvait proclamer : "les 5 piliers de l'Islam ne sont pas incompatibles avec la tradition française", à contre-courant de tout ce qui se faisait et se disait dans la mouvance fasciste en Europe... La claque fut sérieuse (mais en même temps, que restait-il à l'époque pour se démarquer de Sarkozy, qui lui, avait toutes les chances d'être élu - vote utile - ?).

    Dans la dynamique de ce succès, le Front National va probablement maintenant se réaligner idéologiquement sur le reste du fascisme européen, sur un discours occidentaliste et islamophobe (thème de "l'islamisation", du "complot islamique de domination mondiale"), tout en refusant (comme les Identitaires) de "fermer le porte à la Russie", de se couper des régimes arabes laïcs et pro-occidentaux, de s'aligner complètement sur les États-Unis (en maintenant un discours anti-américain mobilisateur) afin de préserver les 2 orientations traditionnelles possibles de l'impérialisme français : atlantiste et eurasiste.

    L'UMP, n'ayant pas accompli la "rupture" promise, est bien sûr durement sanctionné - comme prévu. Et il est peu probable que les électeurs qui s'en sont détournés soient allés à gauche... Ils sont allés, ou retournés pour certains, vers l'extrême-droite, la camp de la mobilisation réactionnaire de masse. Le gouvernement Sarkozy-Fillon-Hortefeux-Besson en tiendra t-il compte pour modifier, "droitiser" sa politique ? Ou est-il déjà dépassé par l'histoire ? L'avenir très proche le dira, dans les deux cas les forces antifascistes approchent de l'instant décisif.

    Enfin, le social-libéralisme profite, en partie, du vote-sanction (son électorat est toujours plus mobilisé sous un gouvernement de droite), mais ces régionales, malgré un PS qui reprend du poil de la bête et des écolos qui reculent, confirment sa nouvelle configuration "à deux têtes". Europe Écologie s'impose comme nouvelle "boîte à idées" de la gauche classe-moyenne. Mais il n'est pas dit, vu la carte des résultats, que seuls des bobos parisiens ou des grandes villes aient voté pour la liste.

    Cela montre le caractère incontournable de la question environnementale dans les préoccupations démocratiques du Peuple. Et l'archaïsme certain, le caractère historiquement dépassé d'une grande partie du "réformisme radical" sur la question...

    Mais, pour finir, s'il y a effectivement un "coup de tonnerre" dans ces élections régionales 2010, c'est celui de l'abstention : 53%, contre 39% en 2004 (pour comparer des élections comparables). Ce taux amène à relativiser encore plus tous les chiffres donnés plus haut : certaines forces dans certaines régions peuvent sembler se maintenir, voire se renforcer, mais en réalité perdent en voix.

    Le grand vaincu de ces élections, plus que l'UMP ou la "gauche radicale", ça semble bien être l'illusion démocratique elle-même ! La présidentielle de 2007 n'a vraiment été qu'un "pic" sans lendemain, dû à la personnalité extrêmement polarisante de Sarkozy...

    Certains marxiste-léninistes ont cru utile d'intégrer le Front de Gauche, de se mettre à la remorque des forces réformistes pour aller "à la rencontre des militants", des "révolutionnaires potentiels"...

    Mais ce qui ressort de ces résultats, et (y compris) de l'abstention, c'est que les forces révolutionnaires sont certainement plus à chercher du côté des abstentionnistes, de ceux qui ne se font plus aucune illusion sur la possibilité de changer quoi que ce soit par le bulletin de vote, que dans l'électorat de toutes les listes de la "gauche radicale" réunies !!!
     


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  • Les Identitaires apparaissent désormais incontestablement comme la menace fasciste n°1 de notre pays à notre époque.

    Les faits des derniers mois n'ont cessé de le confirmer, et nous n'avons cessé de le rapporter : une question du pouvoir clairement assumée à travers 3 listes aux régionales, dont une avec Jacques Bompard, maire ex-FN ex-MPF d'Orange ; des opérations commandos de plus en plus méthodiques et organisées ; et dernièrement une impressionante démonstration de force à Donzère, la ville d'Eric Besson. Ainsi que des "rondes" à l'italienne en Gironde : http://www.bloc-identitaire.com/video/175/rondes-citoyennes-libourne.

    Leur discours est totalement dans l'air du temps, faisant écho jusque dans une certaine "gauche anti-libérale" social-fasciste.

    stop-minarets-suisse-udcLe vote suisse contre les minarets a impulsé une dynamique à l'échelle européenne du discours de "lutte contre l'islamisation", qui est le leur depuis leur création sur les ruines d'Unité Radicale, dissoute après l'attentat manqué contre Chirac et quittée par les "eurasistes (pseudo) tiers-mondistes" - Christian Bouchet & co.

    Sonnant le glas de cette "exception française" qu'était la "drague des basanés", impulsée par Alain Soral, Dieudonné, La Banlieue s'exprime etc., sous l'égide probable de Jean-Marie Le Pen himself.

    Infiltré dans leur "repaire" du théâtre de la Main d'Or, le contributeur "JBB" d'Article XI, peu suspect de complaisance avec cette mouvance, dépeint une "galaxie Dieudonné" crépusculaire, isolée, totalement paranoïaque et délirante... Il affirme être sorti "rassuré" du théâtre, quant à leur capacité (quasi-nulle) de nuisance - ce qui n'empêche pas de continuer à combattre impitoyablement leurs infiltrations du mouvement de masse anti-impérialiste.

    Enfin, le débat sur "l'identité nationale" a littéralement, volontairement ou involontairement, ou les deux dans un dosage indéterminé, ouvert les Portes de l'Enfer. Il est aujourd'hui terminé, ses initiateurs, Eric Besson en tête, devant faire mine de reculer. Mais ils ne pourront plus refermer ces portes qu'ils ont ouvertes.

    La conception qu'ils ont essayé de mettre en avant, est en fait le dernier feu du soralisme. Car si Soral est fort peu sarkozyste sur les question internationales, il en est au fond très proche sur la vision de "l'identité nationale", dosage subtil de différentialisme et d'intégrationnisme, avec pour ciment la soumission à l'idéologie bourgeoise "républicaine".

    Cette conception est désormais battue en brèche, par un identitarisme alliant une propreté sur soi de gendre/belle-fille idéal-e, et un discours pogromiste, ghettoïste voire de "nettoyage" ethnique.

    identitaires_grossemerdes_fiersdeletre.jpgC'est que le mouvement Identitaire s'inscrit parfaitement dans la mécanique du fascisme que nous avons décrite, "réactionnaire et révolutionnaire selon les circonstances" (ainsi parlait Mussolini), entre tradition et modernité.

    Les Identitaires sont euro-régionalistes. Le régionalisme de la "patrie charnelle", du terroir, est l'aspect traditionnel. Ils reprennent là, dans le fond, la vieille conception maurasso-pétainiste des "petites patries" régionales, "petites patries" qui s'incluent (bien sûr) "dans la grande" : la patrie "historique", la "France des siècles".  

    Face à la globalisation de la production, et à la crise capitaliste, naît une volonté profonde de se rattacher à une "valeur sûre", un "chez soi" idéalisé : c'est un sentiment populaire, mais lourd de potentiel réactionnaire.

    Cela explique, dans une France coupée entre un centre (axe Seine-Rhône, rattaché à la "Banane bleue" européenne) et une périphérie paupérisée, l'émergence depuis 30 ou 40 ans de questions nationales (Corse, Euskal Herria, Breizh) et d'affirmations culturelles populaires (Occitanie) anti-centre. Posées en ces termes, ces questions ont un fort potentiel progressiste (puisqu'elles reposent sur la contradiction centre-périphérie de tout pays capitaliste).

    Mais les Identitaires ont lancé depuis près de 10 ans une puissante OPA dessus, comme les fascistes cherchent toujours à faire main basse sur ce qui est potentiellement - mais insuffisamment - révolutionnaire. Avec un succès mitigé toutefois.

    Au Pays Basque, où l'aspect social, de classe, de la libération nationale a été posé avec force depuis plus de 40 ans sous l'influence des Basques du Sud (ETA), l'infiltration se heurte à un mur d'acier.

    Par contre, en Corse (avec les attentats anti-arabes des "Clandestini Corsi") ou en Bretagne (avec Adsav puis Jeune Bretagne), ils parviennent à exploiter la (parfois grande) confusion idéologique qui règne sur le caractère progressiste et de classe de la lutte de libération (voir l'article d'Unità Naziunale mis en lien, surtout la fin !).

    En revanche, partout où s'exprime un régionalisme de riches, dans le Nord et l'Est de l'État français (Flandre, Alsace, Savoie, Nice, région lyonnaise), le succès est fulgurant.

    Stop-Islam.jpgDe l'autre côté, l'européisme est leur modernité. Il s'inscrit totalement dans les projets impérialistes BBR d'un "bloc" impérialiste européen, "fort" à la fois contre les Etats-Unis et contre la "menace" de l'Extrême-Orient, des "émergents" et de la Russie (à laquelle il ne ferment cependant pas totalement la porte, rejetant officiellement la notion d'Occident qui "rejette la Russie hors d'Europe", preuve de leur extrême adaptabilité !).

    Contre un "souverainisme intégral" dont les monopoles français n'ont nullement les moyens, et qui devient de plus en plus une idéologie du passé, de "perdants", de petits-bourgeois et entrepreneurs de PME écrasés par le Grand Capital. Une dose de nationalisme chauvinard est indispensable au discours populiste, et les Identitaires ont cette dose.

    Mais les fascistes n'ont pas besoin que d'audience de masse : pour exister, ils doivent se rattacher à un projet impérialiste, aux monopoles.

    Ce projet impérialiste, c'est donc le "bloc européen", le partenariat continental (pourquoi pas jusqu'à la Russie) des monopoles, pour "exister" face aux Etats-continents. Et puis... la guerre impérialiste.

    La guerre impérialiste, qui s'appuie sur le discours du "choc des civilisations", discours qui colle parfaitement au nouveau front de la guerre impérialiste mondiale, courant de l'Afrique à l'Extrême-Orient.
    Et dont l'expression, ici même, est la "Reconquista", le pogromisme anti-extra-européens et en particulier anti-musulmans, qui deviennent du coup la "menace intérieure", en plus de leur dangerosité de (très majoritairement) classes populaires et d'opprimés nationaux-culturels (reflet de l'oppression impérialiste de leurs pays d'origine).

    L'islamophobie est bien l'antisémitisme de notre époque, qui s'inscrit pleinement dans les projets de la bourgeoisie impérialiste.

    La machine de guerre idéologique est donc soigneusement rodée. Reste une dernière étape : la conquête de la machine militante et électorale du FN. Car si celui-ci est une coquille vide idéologique, quitté par tous ses idéologues (Mégret, Vial, Martinez, Carl Lang, et peut-être bientôt Gollnisch), les Identitaires ont besoin de cette machine pour diffuser leur idéologie le plus largement possible.

    non-a-l-islamisme-affiche-front-national-09-03-2010C'est ce qu'a dit, très clairement, leur leader Fabrice Robert après le vote suisse (voir le lien plus haut) : le FN a "lepénisé" les esprits... il faut maintenant "identitariser" le FN !

    Face à cette offensive, quelle réponse ? C'est simple : à "l'identité nationale" qu'elle soit ethnique (de plus en plus) ou repose sur la soumission à l'idéologie bourgeoise ("valeurs républicaines" - de moins en moins), il faut opposer l'identité de classe, populaire, multinationale et multiculturelle.

    affiche antisemite frNous n'avons pas l'habitude, dans ce blog, de prendre la défense du NPA, "mouvement" totalement réformiste, néo-menchevik. Mais tout dernièrement a éclaté la polémique au sujet de la présence, sur la liste du Vaucluse (bastion de l'extrême-droite, et en particulier de Bompard) d'une étudiante d'origine maghrébine, croyante et portant le voile (en fait, un léger foulard recouvrant les cheveux).

    Les réactions n'ont pas tardé, non seulement à l'extrême-droite et dans la droite qui lui prépare le terrain depuis 20 ans, la droite de "l'identité nationale", mais également (plus vraiment étonnant, à vrai dire) dans la social-démocratie, qu'elle soit social-libérale (PS) ou "anti-libérale" et jusque dans les rangs mêmes du NPA (dont les sections sont assez autonomes). Car c'est évidemment, venant de ce "parti", une démarche purement électoraliste et démagogique alors que la précédente offensive réactionnaire, la loi anti-voile, était partie de l'affaire "Alma et Lila", affaire lancée... par un prof LCR et un prof LO ! Ce n'était peut-être, les connaissant, même pas réfléchi...

    Mais nous considérons, qu'il s'agisse d'une démarche politique claire, involontaire ou bien démagogique, que le NPA a raison. Surtout dans le Vaucluse, sur les terres mêmes des fascistes.

    Il ne s'agit pas, comme l'a fait le Parti du Travail de Belgique il y a quelques années avec un résultat catastrophique, de s'allier sans conditions à des islamistes réactionnaires, au projet totalement incompatible avec le nôtre. Il s'agit d'accueillir, dans une ligne de masse, des personnes partageant notre projet (qu'il soit révolutionnaire ou, pour le NPA, réformiste) indépendamment de leur croyance (qui est une contradiction au sein du peuple) et de leur culture nationale.

    Autrement dit : affirmer l'identité multiculturelle, de classe et uniquement de classe, des masses populaires d'Hexagone.

    Loin de nous de comparer le NPA néo-menchevik au KPD antifasciste allemand de 1930 ! Mais si, en Allemagne en 1930 (en sommes nous très loin ?), non seulement le KPD mais n'importe quel parti progressiste avait présenté à une élection un antifasciste juif, croyant et n'en faisant pas mystère, il aurait eu raison, mille fois raison !!!

    Sur cette affaire, le 'p''c''mlm' a montré une nouvelle fois qu'il avait définitivement changé de camp (http://www.contre-informations.fr/?p=4748, pas de lien direct puisque nous les considérons désormais comme des réactionnaires) [NDLR : ATTENTION, lorsque leurs positions font face à une volée de bois vert, il arrive à ces énergumènes de modifier leurs articles après coup !!!].

    Ils rabachent leurs conceptions que nous avons déjà critiquées (voir "Après le vote suisse...") :

    - "l'islamophobie fait partie du discours ethno-différentialiste (sous-entendu) de la bourgeoisie islamiste"... donc si des bourgeois juifs, sionistes ou communautaristes, parlaient d'antisémitisme à l'époque de Maurras, c'est que l'antisémitisme n'existait pas...

    - "cela nie l'affirmation de la minorité nationale arabe, l'islam n'est pas une appartenance, les Maliens, les Kabyles et les Turcs n'ont rien à voir" : SI, ils ont en commun l'oppression qu'ils subissent comme "non-européens" et de plus en plus comme "musulmans", qu'ils soient croyants ou parfaitement athées ! L'islamophobie existe dans la tête des islamophobes, des tenants de "l'invasion islamique à combattre", de la "Reconquista". C'est tout le problème et l'unique caricature-islamophobe-eurabiaproblème, et c'est déjà bien suffisant. Un Ashkénaze de Pologne n'avait et n'a toujours pas grand chose à voir, hormis le Livre sacré, avec un Juif berbère d'Algérie. Le problème, c'était le "complot juif" dans la tête des antisémites et sa diffusion dans les masses.

    La bataille contre le fascisme est une bataille idéologique, dont le champ de bataille est les masses populaires.

    Même si nous n'avons pas du tout la même nature de classe, nous avant-garde du prolétariat et eux petits-bourgeois au service de la bourgeoisie impérialiste, nous visons les mêmes personnes : les masses populaires non conscientes politiquement.

    Nous pour les amener vers la révolution, eux pour les amener vers la contre-révolution préventive et la guerre impérialiste.

    Mener ce combat idéologique, c'est combattre en actes l'idéologie fasciste, et la première idéologie fasciste, c'est qu'il n'y a pas des classes qui déterminent le projet de société et la vision du monde, mais des "races" ou des "patries".

    Affirmer qu'une croyance personnelle (tout le monde dans les masses populaires n'a pas, comme le 'p'c''mlm', la "science mlm" infuse et ne "vit pas dès aujourd'hui en communiste") ne fait pas obstacle pour adhérer à un projet de classe (même si ce projet est petit-bourgeois ou aristocrate-ouvrier réformiste), c'est mener ce combat en actes.

    La position du 'p''c''mlm' n'est pas une critique marxiste-léniniste-maoïste du NPA, de son réformisme, de son hypocrisie vis à vis des minorités et de son "anti-libéralisme" avec 10 ans de retard - là où il faudrait être antifasciste, surtout dans le Vaucluse.

    C'est une négation du principe élémentaire de l'antifascisme : "ceux qui croyaient au Ciel et ceux qui n'y croyaient pas".

    Donc, une dernière fois - après ça va nous faire mal  : le NPA a raison (même involontairement, sans avoir réfléchi ou en voulant faire de la démagogie électorale).


    Mise au point suite à réactions :

    Notre article sur "L'offensive Identitaire, peste brune de notre époque" a suscité des réactions.

    Pas sur le fond de notre analyse de la menace, mais :
    - sur notre usage erroné de la langue euskara

    - sur notre "défense" du NPA ("défense" qui les qualifie d'hypocrites et de démagos électoralistes, tout de même...).

    Résumons les choses aussi clairement que possible :
    - nous considérons le NPA comme un "mouvement" petit-bourgeois, réformiste, "sociétal" et démago-électoraliste, mais
    - nous avons considéré que la critique qu'il subissait ne portait pas sur cela, mais sur la possibilité même d'accueillir des croyants dans un Front.

    En fait, nous avons l'impression d'assister à un débat où les injures politiques volent haut, mais qui est un FAUX débat.

    Un débat dont LES 2 PARTIES sont les représentants d'une extrême-gauche petite-bourgeoise et (disons le) majoritairement BLANCHE qui n'a pas réellement de ligne de masse en direction des classes populaires issues, à plus ou moins de générations, d'autres continents et en particulier des pays de culture majoritairement musulmane.

    Ils ne les connaissent pas et s'en font donc une image stéréotypée, fantasmée : des personnes n'ayant pas les préoccupations sociales et démocratiques de Monsieur tout-le-monde, forcément CROYANTES, pratiquantes et portant leur religion en étendard, entièrement focalisées sur l'oppression raciste et culturelle qu'elles subissent (qui existe, bien sûr !).

    Ceci amène aux deux conceptions suivantes :

    - "Ces masses populaires sont du "lumpen-prolétariat", conscience politique "zéro", elles "suivront le mouvement" ou pas mais en attendant on s'organise et on mène le travail révolutionnaire de masse sans elles". C'est un peu - désolés pour le camarade ! - la teneur d'un mail que nous avons reçu [ce "camarade" est un réalité un connard fini hantant les forums "staliniens" depuis de nombreuses années, islamophobe revendiqué, partisan de "la victoire de la coalition en Afghanistan" (!!! oui oui, hélas le comm' sous un article de l'ancien site de la JCML 69 n'existe plus...) et globalement sur la ligne du 'p''c''mlm', notamment sur la question du Honduras qu'avait abordée SLP avec lui à l'époque de cet article : de fait il n'a engagé la discussion avec nous que dans l'idée de nous "piéger" (utiliser le premier prétexte pour lancer une cabale contre nous dans ses lieux d'errance internétique habituelle), comme beaucoup d'autres avant lui (site "Futur Rouge" etc.) dans les premiers mois de Servir le Peuple, site dont beaucoup pressentaient sans doute (et à raison !) combien de "chaires" "marxistes" autoproclamées il allait faire tomber].

    - Ou alors : "Il nous les faut dans nos rangs, à n'importe quel prix", mais pour cela on va voir non pas les masses mais les "leaders" (autrement dit les bourgeois) "communautaires" comme interlocuteurs.

    Deux conceptions en apparence radicalement opposées, mais qui partent à la base de la même chose : on l'a dit, une extrême-gauche petite-bourgeoise "blanche" qui ne connaît des masses "musulmanes" que la représentation qu'elle s'en fait.

    Dans le premier cas, on se prive de toute ligne de masse vis à vis d'une portion conséquente des masses populaires et l'on ignore complètement le problème spécifique de la DOUBLE OPPRESSION que subissent les personnes à la fois populaires et "non-européennes" (d'origine), sans parler de la TRIPLE oppression que subissent les femmes.

    Dans le deuxième... eh bien c'est pareil, car on ne s'adresse qu'à des notables. Et on en vient aux PIRES compromis avec des discours obscurantistes et réactionnaires, sexistes, homophobes ou anti-juifs portés par ces bourgeois ou petit-bourgeois, en s'imaginant que c'est la vox populi des "masses musulmanes". Populisme et alliances sans principes... C'est le genre de chose qu'évoquait le camarade dans son mail, notamment au sujet des manifestations pour Gaza.

    Que faire alors ? Pour y répondre, il est important d'insister tout d'abord sur la distinction entre Parti (ligne de classe) et Front (ligne de masse).

    C'est à notre avis (si leur camp est toujours celui de la déviation, et non de la réaction) l'erreur du P"cmlm". Ils confondent les conditions d'adhésion au Parti et les conditions d'adhésion à un Front.

    Le Parti, avant-garde de classe du prolétariat, applique le centralisme démocratique. Il est donc clair qu'une personne croyante aura du mal à s'y plier, puisqu'un pilier du marxisme est que la religion est l'opium du peuple et qu'à terme, avec l'émergence d'une société sans exploitation, elle doit disparaître (pas par décret, mais par la disparition de ses causes matérielles - souffrance, injustice - et l'éducation de masse).

    Le Front, en revanche, applique également le centralisme démocratique mais sur une plateforme beaucoup plus "light", reposant sur des questions de lutte immédiate (antifasciste par exemple). Dans ce cas, nous ne voyons pas pourquoi une personne croyante ne pourrait pas adhérer à une plateforme dégagée par le travail politique de masse, de revendications sociales ET démocratiques comportant évidemment la lutte contre l'oppression raciste, contre le traitement colonial intérieur des masses issues de l'immigration, pour les droits culturels des minorités etc.

    À moins de considérer que ces personnes ne vivent que par et pour leur religion et l'oppression culturelle qu'elles subissent, se foutent d'être exploitées du moment que c'est par un co-originaire ou un co-religionaire... Il y en a, sûrement, mais combien ? Selon nous, une infime minorité.

    Donc, la porte est ouverte. Mais sur la base de la plateforme. Il ne s'agit pas d'en négocier les points, encore moins les points essentiels. Il est clair que l'instauration de "communes islamiques" avec application de la charia ne fera jamais partie de ces points. Tout simplement parce que ce n'est pas une revendication du peuple (en tout cas, une revendication qui ne vient pas de lui) mais de la bourgeoisie "communautaire", qui rêve d'être la "sous-traitante" de l'oppression bourgeoise dans les quartiers.

    Et l'adhésion à la platefrome doit être sincère : pas d'entrisme, qui sera démasqué et éjecté. Cela dit, il faut être dialectique quand on croit à son idéologie : autant les entristes peuvent pervertir le Front, autant le Front dirigé par le Parti peut influencer positivement les entristes. Tout dépend du rapport de force.

    Dans tous les cas, on l'a dit, la plateforme doit résulter de la ligne de masse, du travail d'enquête et de lutte au sein des masses.

    Nous ne savons pas ce qu'il en est du NPA. Si le problème est uniquement que leur plateforme est réformiste petite-bourgeoise, nous ne pouvons pas le leur reprocher : c'est leur classe et ils défendent leur programme de classe. C'est cohérent.

    Ce que nous pourrions leur reprocher (et cela semble ressortir, d'après des témoignages, de la mobilisation pour Gaza dans certaines sections), c'est de mettre en oeuvre la stratégie de George Galloway en Angleterre ou du Parti du Travail de Belgique à Anvers. C'est à dire que la plateforme ne ressorte pas d'un travail politique de masse mais soit négociée avec des "représentants communautaires" autoproclamés, bourgeois ou petit-bourgeois et réactionnaires.

    C'est ce qu'a fait le PTB à Anvers et cela a été un FIASCO : ni leur base ni celle de leurs "alliés" n'a finalement "accroché". Si l'on juge au résultat, qui est quand même le premier juge, c'était une stratégie complètement erronée, car d'alliance sans principes. D'autant plus grave qu'il s'agissait d'un front antifasciste (contre le Vlaams Blok). Un échec dans ce domaine est particulièrement grave.

    Si le NPA met en avant un programme petit-bourgeois, c'est cohérent avec sa nature de classe.

    front popularS'il veut appeler les masses "musulmanes" (musulmanes dans le regard des fascistes), premières cibles de l'offensive fasciste, à se ranger sous le drapeau de la petite-bourgeoisie, c'est cohérent aussi mais nous le combattrons sur une base de classe, car nous considérons que sous le drapeau de la petite-bourgeoisie on ne vient pas à bout du fascisme.

    S'il veut passer des alliances sans principes avec des bourgeois "communautaires", même sur le critère "sélectif" d'être "de gauche sur l'essentiel", nous le combattrons sur le plan idéologique car là, il conduit les masses dans l'impasse - le "communautarisme" bourgeois est l'équivalent du sionisme, réponse erronée au fascisme antisémite.

    Mais d'un point de vue organisationnel (pas du point de vue des masses), c'est son problème : dans 5 ans, il n'existera plus.

    En tout cas, les choses sont claires et il faut le dire clairement : la contre-révolution préventive, le fascisme, n'attendront pas que 40% ou même 20% de la population adhère au marxisme-léninisme-maoïsme et le comprenne comme nous le comprenons.

    La Résistance antifasciste passe donc par un Front de masse, avec des gens qui ne partagent pas notre idéologie.

    Croyant, croyante, tu es le/la bienvenu-e dans ce Front !

     

    "Celui qui croyait au Ciel, et celui qui n'y croyait pas" !

     

     

     


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  • Source

    Antisémitisme et Antisionisme 

    par Marcel Liebman*

    février 1970

    Il y a dans la réaction « anti-israélienne » plus et parfois autre chose qu’une attitude politique de gauche, commandée par la lutte contre l’impérialisme. Il y a aussi et il y a parfois surtout une défense de l’intelligence devant l’assaut qui est continuellement livré, une réponse de l’esprit critique au défi qui le confronte presque en permanence dans ce débat plus chargé de passion et de fanatisme que nul autre. En 1967, l’opinion publique occidentale a été soumise à un bombardement systématique dont les munitions avaient été savamment sélectionnées par de savants artilleurs. Le combat que livrait Israël était présenté comme celui d’une petite nation faible entourée d’ennemis nombreux et puissants - David contre Goliath - et ne souhaitant rien d’autre que le droit à l’existence.

    On s’est vite rendu compte que le rapport des forces entre Israël et ses alliés, d’une part, et ses ennemis arabes, de l’autre, jouait entièrement en faveur d’un État développé qui n’a eu aucune peine à écraser une série d’adversaires également faibles et misérables - misérables donc faibles.

    En juin 1967, l’État d’Israël a affirmé ne faire la guerre (préventive) - préventive, mais rappelez-vous le titre qui, le 5 juin 1967, barrait la première page de France Soir- plus gros tirage de la presse francophone dans le monde - : « L’Égypte attaque » - que pour assurer sa survie physique et empêcher son étouffement économique. Or, aujourd’hui et depuis deux ans déjà, la Jordanie et l’Égypte sont disposées, moyennant le retrait des troupes israéliennes, à des concessions qui ne signifient rien d’autre que la reconnaissance de fait de l’État hébreu ; elles acceptent en outre qu’Israël bénéficie désormais de la liberté de navigation. Mais la paix est plus éloignée que jamais : les Israéliens désirent actuellement des « frontières sûres » et il n’est plus question pour eux de revenir aux limites territoriales qui étaient les leurs avant la guerre des six jours. Les aspirations d’Israël peuvent difficilement être présentées comme celles, élémentaires et légitimes, d’un État ne nourrissant, à l’exclusion de toute ambition territoriale, qu’un désir pathétique de dialogue, de reconnaissance et de paix.

    Moins désarmée sur ce terrain que dans le passé, l’opinion publique se voit à présent confrontée avec une argumentation d’un tout autre genre. Elle tient en peu de mots : l’antisionisme ne serait qu’une variante de l’antisémitisme ; l’opposition à Israël rien d’autre qu’une version de la haine des Juifs. Il y a des mois qu’on nous le répète et M. Michel Soulié, vice-président du Parti radical-socialiste, vient de déclarer pour sa part : « Aujourd’hui, personne n’ose plus s’affirmer antisémite, mais l’antisionisme est un bon paravent pour la droite et aussi une certaine nouvelle gauche » [1]. On objectera : M. Michel Soulié et le Parti radical-socialiste méritent-ils les honneurs de la citation ? Pour ce qu’ils représentent... Sans doute, sans doute.

    Mais le Nouvel Observateur de M. Jean Daniel ?... Voilà des semaines qu’on y trouve des mises en garde pleines de sollicitude à l’adresse de la gauche, ancienne et nouvelle, menacée, dit-on, de verser dans l’antisémitisme en raison de son opposition à Israël. Et tout de même, le Nouvel Observateur malgré tout, ce n’est pas le Parti radical-socialiste... Cet amalgame affirmé, ou suggéré, systématiquement entretenu entre l’antisionisme et l’antisémitisme, est devenu une arme politique.

    On est tenté de ne lui répondre que par le haussement d’épaules qu’il mérite. Mais on ne peut plus aujourd’hui se contenter de cette réaction. Une prise de position claire est indispensable, basée sur l’analyse et la réflexion. En cette matière encore, la gauche, inlassablement, doit faire œuvre démystificatrice.

    La logique de l’histoire

    Que la haine des Juifs puisse conduire à celle d’Israël, il faut le constater. Il en est ainsi, par exemple, de quelques milieux d’extrême droite en Allemagne, représentés par la Deutsche So/datenzeitung et par l’ancien condottiere S.S. Skorzeny, que la haine antijuive conduit à soutenir la cause palestinienne.

    Dans un même ordre d’idées, mais par un phénomène apparemment inverse, la Pologne offre l’exemple d’un régime où l’antisionisme - véritable ou feint - conduit à l’antisémitisme et sert, en fait, de diversion à une politique impopulaire. Notre propos est cependant de prouver que la liaison entre l’antisionisme et l’antisémitisme est l’exception, tandis que le lien entre le sionisme et l’antisémitisme est plus fréquent et moins fortuit. Ce lien entre l’antisémitisme et le sionisme est double, de nature logique et historique.

    Ce lien est logique. Écoutez le langage classique de l’antisémitisme : l’élément juif est inassimilable, constituant dans les nations où il s’est introduit un corps étranger, nécessairement étranger, il doit en être isolé et si possible évacué. Ce raisonnement s’est souvent exprimé de manière très lapidaire : « les Juifs dans leur pays ». Or, les sionistes ne disent rien d’autre.

    À les en croire, l’élément juif est inassimilable à cause du caractère inéluctable de l’antisémitisme. Theodor Herzl, le fondateur de la doctrine, ne fait sur ce point aucun mystère de ses convictions : « Parmi les populations, l’antisémitisme grandit de jour en jour, d’heure en heure, et doit continuer à grandir parce que les causes continuent à exister et ne sauraient être supprimées » [2]. Quant à la formule lapidaire, « les Juifs dans leur pays », on la retrouve dans le programme du sionisme : elle résume en même temps qu’elle en traduit toute la politique.

    L’antisémitisme et le sionisme nous confrontent avec un courant également antilibéral et également pessimiste, ils sont unis par la même opposition à une idéologie démocratique qui croit, parfois naïvement, au nécessaire et possible rapprochement des communautés ethniques, religieuses, etc.... Et il s’agit moins ici de justifier ou de dénoncer ce pessimisme que d’en constater la présence significative et dans le projet sioniste et dans la mentalité antijuive.

    Or, l’histoire confirme la logique, et ce dès l’aube du mouvement sioniste. « D’honnêtes antisémites devront être associés à l’œuvre (sioniste) pour y exercer en quelque sorte un contrôle populaire, tout en conservant leur entière liberté, précieuse pour nous » [3]. Ces paroles et la justification d’un antisémitisme « honnête », accompagnée de la revendication, pour ceux qui le pratiquent, d’une « liberté précieuse », sont de Herzl lui-même.

    Le fondateur du sionisme n’a pas précisé ce qu’il entendait par des antisémites « honnêtes », mais dans les faits, il a accordé des brevets d’honnêteté à des antisémites dont la liberté est loin d’avoir été précieuse pour les Juifs. C’est ainsi qu’il a - à la grande indignation des Juifs de l’époque - rencontré, en 1904, Plehve, le ministre de l’intérieur de la Russie tsariste, celui-là même que la communauté juive de Russie tenait, non sans raison, pour responsable du terrible pogrom de Kichinev. Plehve promit d’ailleurs à Herzl « un appui moral et matériel au jour où certaines... mesures pratiques serviraient à diminuer la population juive de Russie » [4]. Il n’est pas exclu qu’un calcul analogue ait inspiré Lord Balfour, dont la célèbre déclaration assura l’appui décisif de la Grande-Bretagne à l’entreprise sioniste, puisqu’il n’hésita pas à se faire élire, à la Chambre des Communes, sur une plateforme comprenant un projet de loi interdisant l’émigration en Angleterre et, singulièrement, l’émigration juive.

    Ces citations et ces faits, pour troublants qu’ils soient, seront acceptés avec moins de gêne que la révélation de la collaboration qui se pratiqua entre sionistes et nazis. Pourtant, l’évidence est là. Ces actes de collaboration se déroulèrent tour à tour en Allemagne, en Autriche et en Hongrie et trouvèrent un défenseur convaincu en la personne d’Eichmann qui, converti au sionisme par la lecture de Herzl, se mit, selon le témoignage de la sociologue américaine Hannah Arendt, « à répandre le message sioniste dans les milieux S.S. » [5]. Ses efforts ne furent pas tout à fait vains puisqu’il réussit à convaincre beaucoup de ses camarades que « les sionistes étaient les Juifs "décents", puisque, eux aussi, pensaient en termes "nationaux" » [6].

    Un livre récent, s’appuyant sur des documents d’archives et rédigé par un auteur israélien, offre de cette collaboration entre nazis et sionistes - et en particulier de la complaisance relative, mais certaine, des hitlériens envers le sionisme - un faisceau de preuves convergentes. [7]

    Vive Israël, mort aux Youpins !

    Ce sont là, dira-t-on, des cas extrêmes. Sans doute. Mais, plus près de nous, historiquement et géographiquement, la collusion entre l’antisémitisme et le sionisme ou la sympathie pour Israël, a frappé un observateur aussi peu suspect d’hostilité envers l’État hébreu que Marc Hillel. Parlant des événements de 1956, il reconnaît dans son livre que « !es antisémites les plus irréductibles deviennent pro-israéliens tout en continuant à détester leurs Juifs » [8] et, à propos des cortèges pro-israéliens qui se déroulèrent à Paris en juin 1967 : « on nota la présence de membres de l’extrême droite antisémite par tradition aux manifestations en faveur d’Israël » [9]. Personne ne sait si les antisémites du genre de Xavier Vallat, ancien commissaire de Vichy aux Affaires juives, qui, en 1967, eut ce cri du cœur « Vive Israël, mort aux youpins ! », personne ne sait si ce genre d’individus forme ou non une catégorie nombreuse. Mais Vallat ne doit pas être tout à fait isolé dans son désir de voir prospérer les Juifs dans un « pays à eux » qui aurait l’immense mérite de débarrasser de leur présence les États où ils sont fixés.

    Et pour ce qui est de la France particulièrement, on ne peut nier que la sympathie pro-israélienne est alimentée depuis longtemps par la haine des Arabes et le désir de voir la défaite d’Algérie vengée aux dépens de Nasser et de ses alliés. Aspiration si profonde qu’elle a fait de partisans de l’Algérie française connus pour leur haine des Juifs des admirateurs passionnés de la virilité israélienne. Tixier-Vignancour se trouve, par exemple, dans ce cas.

    En regard de la liaison logique et historique entre le racisme antijuif et la sympathie pour le sionisme, il faut, au contraire, opposer cette autre considération de fait : l’histoire du sionisme a longtemps été l’histoire de la lutte menée contre cette idéologie par des mouvements juifs. Les Juifs antisionistes se recrutaient, en effet, nombreux soit dans les milieux religieux qui n’envisageaient le retour des Juifs vers la « Terre promise » que sous une forme spirituelle, soit dans les milieux socialistes où l’on entendait unir les ouvriers juifs et non juifs dans le combat contre le capitalisme que l’on rendait responsable de l’antisémitisme. À quoi il faut ajouter la longue série de personnalités juives et non juives qui, peu suspectes d’antisémitisme, ont mené ou mènent la lutte contre le racisme et se posent en adversaires résolus de l’entreprise sioniste et de l’État d’Israël : liste interminable qui comprend les noms de Bertrand Russel. Isaac Deutscher, Erich Fromm, Mehdi Ben Barka, Rudi Dutschke, Elridge Cleaver, etc., etc. II ne s’agit d’ailleurs pas seulement de personnalités, mais de mouvements et de courants d’opinion. Ce sont les étudiants allemands radicaux de la S.D.S. qui se montrent les plus acharnés dans le combat contre les séquelles du nazisme et dans l’opposition à Israël. Ce sont les formations et « groupuscules » d’extrême gauche qui, en France, sont le plus résolument opposés à l’israélophilie dont P. Viansson-Ponté disait récemment dans Le Monde qu’elle était surtout le fait de l’"establishment" français [10]. Or, ces mêmes formations et « groupuscules », qui pourrait les accuser de complaisance envers le racisme en général ou, en particulier, envers l’antijudaïsme ?

    Le sionisme contre les Juifs

    On rétorquera à tout cela que s’en prendre à Israël, c’est nécessairement s’en prendre aux Juifs puisque, dans leur très grande majorité, les Juifs sont profondément attachés à l’État sioniste.

    La gauche antisioniste ne peut laisser sans réplique un tel argument. Elle doit y répondre en montrant que, si elle s’oppose à l’entreprise sioniste, c’est parce que celle-ci est nocive non seulement aux Arabes, mais également aux Juifs. La première proposition se passe de démonstration, le sort des Palestiniens que l’implantation sioniste en Palestine a chassés de leur pays témoignant suffisamment de sa justesse. Il est plus important d’insister sur ce fait : nous autres qui critiquons et rejetons le sionisme, nous le faisons non par hostilité envers les Juifs, mais, bien au contraire, par refus de tout racisme, qu’il soit dirigé contre les Arabes, contre les Juifs ou contre toute minorité nationale ou ethnique.

    Notre critique du sionisme est double et se place sur le plan des principes et sur celui des réalités concrètes. Des principes parce que la composante raciste du sionisme, pour ne pas être évidente et perçue par tous, n’en est pas moins certaine. Nous l’avons dit, le sionisme mise sur le caractère inéluctable de l’antisémitisme. C’est son postulat de base. Lorsque les Juifs sont menacés de persécution, les sionistes les invitent a rejoindre la Palestine, avec le consentement ou contre le gré (et en l’occurrence, contre le gré) des populations autochtones. Réflexe de défense, dira-t-on. Mais peut-on raisonnablement suggérer que la solution des nombreux problèmes que crée la tension entre communautés ethniques, religieuses ou nationales cohabitant sur un même territoire se trouve dans le départ de ces communautés ? Or, c’est cela la « solution sioniste ». Appliquée à d’autres cas, elle conduirait à pousser les minorités noires, irlandaises, espagnoles, etc.. etc., au départ, comme si le règlement du problème du racisme dans le monde se trouvait dans d’immenses mouvements migratoires ramenant « chez eux » les noirs, les Irlandais, les Espagnols et les Juifs. À ces derniers, le sionisme ne propose rien d’autre. C’est une proposition insoutenable.

    Mais s’agit-il seulement d’une réplique (au demeurant inadéquate) à un péril physique et à une menace de persécution ?

    Non, le sionisme est bien plus que cela. S’adressant récemment à des Juifs américains, Mme Golda Meïr n’a-t-elle pas déclaré que c’est " seulement leur immigration en Israël (qui) peut les sauver de l’assimilation " [11]. Le danger que le sionisme est censé combattre, ce n’est donc plus la spoliation, la discrimination antijuive ou l’extermination des Juifs, mais leur « assimilation » au sein des nations. Il serait utile de préciser ici ce qu’on entend par « assimilation » et qui, si l’on excepte l’hypothèse condamnable d’une assimilation forcée, ne peut être que l’intégration harmonieuse d’une communauté au sein de la population qui l’environne. Et, une fois de plus, nous nous heurtons à cette analogie entre le langage des sionistes et celui des antisémites : il faut rejeter, comme impossible ou pernicieuse, l’assimilation des Juifs, le maintien de leur spécificité est une exigence si impérieuse qu’elle justifie leur émigration.

    Certes, il n’y a rien en commun entre le sionisme et le nazisme et il faut à ce propos, regretter les formules mensongères et donc nocives identifiant Israël à un État fasciste et sa politique à l’hitlérisme. Mais il reste que, d’une certaine manière, le sionisme a pris le relais de l’antisémitisme. Ce dernier incitait les Juifs au départ ou au repli sur soi. Le sionisme ne fait rien d’autre et la politique qu’il mène à cet égard est, pour les Juifs, riche de périls. II tente de les persuader qu’ils sont non seulement citoyens du pays où ils sont fixés, mais aussi et même surtout citoyens d’Israël, liés à cet État par un devoir de civisme et une allégeance imprescriptible. Sont taxés de trahison envers leur peuple ceux qui nient ce devoir et rejettent cette allégeance.

    Tant qu’il n’existe pas de différend important entre Israël et tel ou tel État où habitent des Juifs, ce principe d’allégeance peut n’apparaître que comme un fait sentimental secondaire. Mais lorsque la conjoncture internationale suscite entre l’État d’Israël et d’autres pays une tension ou un conflit, le problème cesse d’être de nature purement affective. Il est politique. On voit, dès lors, le grand rabbin de France prendre ouvertement position contre l’attitude de son pays ou de son gouvernement envers Israël - qui n’est pas son pays - et une série d’associations juives adopter un comportement semblable qui, faut-il le dire n’a rien à voir avec un quelconque sentiment d’internationalisme, mais dérive d’un attachement inconditionnel envers un État étranger.

    Les antisémites ont toujours prétendu que les Juifs ne voulaient pas s’intégrer dans les pays où ils vivaient. C’était une contrevérité. Mais voila que, par l’effet d’une propagande systématiquement organisée, un grand nombre de Juifs se prêtent eux-mêmes à une opération qui les fait apparaître comme les nationaux d’un État étranger. Qui n’aperçoit l’utilisation que l’antisémitisme peut faire d’une situation aussi équivoque et aussi malsaine ? L’actualité ne souligne pas ce péril dans nos pays.

    À la grande majorité des Français et des Belges, pour ne prendre que leur cas, Israël apparaît, consciemment ou non, comme la revanche de l’homme blanc et de l’Européen contre l’homme de couleur coupable d’arrogance. D’où sa popularité actuelle.

    Devant un tel état de choses, le rôle de la gauche est double : il consiste tout d’abord à rétablir les faits et à montrer quel est le rôle véritable de l’État d’Israël et à défendre les peuples qui sont victimes de sa politique. Le devoir de la gauche antiraciste est aussi de montrer qu’à la faveur d’un retournement dans l’opinion publique, l’israélophilie actuelle peut disparaître (d’autant qu’elle n’a pas de fondement sérieux) et faire place alors à une hostilité qui, à défaut de prendre pour cible l’État hébreu lui-même, s’en prendra aux communautés juives qui y sont inconditionnellement attachées. Cette hypothèse est lourde d’un péril qu’il faut à tout prix combattre : celui d’une renaissance de l’antisémitisme.

    Non, les antisionistes ne sont pas antisémites. L’amalgame qu’on nous suggère et que l’on veut de plus en plus nous imposer ne repose sur aucune analyse sérieuse. Ne serait-il rien d’autre qu’une forme de chantage moral et intellectuel par lequel on voudrait empêcher tous ceux qui condamnent la haine antijuive, criminelle et imbécile, à ouvrir le dossier israélo-arabe et à l’examiner avec un minimum d’objectivité ? Il y a, dans l’argumentation utilisée à ce propos, trop de mauvaise foi pour qu’on puisse rejeter cette hypothèse.

    Marcel Liebman MAI N°10 février 1970. Copyright MAI.

     


     [1] Le Monde, 23-1-1970

    [2] T. Herzl, l’État juif, éd. Lipschitz, Paris, 1926, p.84. Souligné par nous.

    [3] Ibid., p. 137.

    [4] M. Bernfeld, Le sionisme. Étude de droit intemational public ; Paris, Jouve, 1920, p. 399.

    [5] H. Arendt, Eichmann à Jérusalem ; Paris, Gallimard, 1963 ; p. 52

    [6] Ibid., p. 73

    [7] E. Ben-Elessar, La diplomatie du IIIe Reich et les Juifs (1933-1939), Paris. Julliard, 1966

    [8] M. Hillel, Israël en danger de paix ; Paris, Fayard, 1968, p. 43

    [9] Ibid., p ; 271

    [10] Le Monde

    [11] Israël aujourd’hui, 21-1-1970

    http://www.marxists.org/nederlands/pic/liebman.jpg* Marcel Liebman est né à Bruxelles en 1929. Issu d'une famille petite bourgeoise et traditionaliste, il partagera, jusqu'à la fin de ses études à l'Université Libre de Bruxelles (ULB) des opinions conservatrices. Son séjour à Londres en 1953 où il étudie les Relations internationales à la London School of Economics sera déterminant pour son orientation ultérieure. En compagnie d'Adeline avec qui il se mariera en 1956, il se met à travailler le marxisme et l'histoire du socialisme. Il élabore alors les principales positions idéologiques et politiques qu'il allait par la suite affermir et auxquelles il resterait fidèle jusqu'à sa mort. Sa pensée procédait d'un double refus : celui de la social-démocratie, d'une part, celui du communisme "orthodoxe", de l'autre. En 1963, il présente une thèse de doctorat à l'ULB sur Origine et signification idéologiques de la scission communiste dans le Parti ouvrier belge (1921). Par la suite il se consacrera pendant une longue période à l'étude de la révolution russe et du léninisme pour reprendre plus tard ses travaux sur l'histoire du mouvement ouvrier belge.

    Professeur d'histoire des doctrines politiques et de sociologie politique à l’Université Libre de Bruxelles et à la Vrije Universiteit Brussel, Marcel Liebman a marqué une génération d'intellectuels. Auteur de nombreuses études consacrées aux problèmes du mouvement socialiste et communiste contemporain, il fut aussi un des précurseurs du dialogue israélo-palestinien et sera notamment secrétaire général de l'Association Belgo-Palestinienne.

    De 1962 à 1967, il participera à la rédaction de l'hebdomadaire La Gauche. Il sera un acteur important du mouvement de mai 1968 à Bruxelles et fondera la revue mensuelle Mai qui paraîtra de décembre 1968 jusqu'à la fin de 1973. Marcel Liebman participera ensuite à la fondation d'un nouvel hebdomadaire, qui sera Hebdo 74, puis 75 et 76. Il fera également partie du comité éditorial de la revue annuelle The Socialist Register.


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    http://1.bp.blogspot.com/_SvWgLib1n64/SqmNS4Di4SI/AAAAAAAAAPQ/9zvOX4W0nFA/s200/panneau_attention_4_200x0.jpg Article écrit en octobre 2009 : certains éléments ne sont plus valides ! L'article a donc subi des retoquages, ce qui n'est pas la pratique habituelle...

     

    Ce titre est une allusion volontaire au livre du philosophe ex-maoïste, reconverti en dandy social-démocrate "radical", Alain Badiou.

    Sarkoléon, Sarkolini, Sarkonazy, Sarko l'ami des fascistes sionistes et des néo-cons américains...

    Pendant toute la "résistible ascension" de l'actuel président de la République bourgeoise, de fin 2003 à avril 2007, toute une partie - pour ne pas dire la totalité - de la gauche plus ou moins radicale petite-bourgeoise (dont Badiou) a agité le spectre du fascisme.

    Il va de soi qu'une telle analyse est totalement anti-matérialiste, coupée des réalités de fond de la société de la part de personnes coupées, justement, de cette réalité, de la réalité quotidienne des classes populaires.

    Nous ne considérons pas Sarkozy comme le représentant du fascisme (qu'il soit un fasciste lui même est un autre débat). Libre à certains de caricaturer ainsi notre position, sous leur responsabilité bien sûr.

    Nous considérons Sarkozy, déjà comme ministre de l'Intérieur, comme le représentant d'un passage de la dictature bourgeoise sur un mode autoritaire répressif, glissement de fond depuis le début des années 90 après le mode "libéral" des années 80, qui s'inscrit dans une fascisation généralisée des sociétés capitalistes occidentales - face à la crise générale et terminale du capitalisme.

    Un pourrissement réactionnaire généralisé du régime "démocratique" bourgeois de contre-révolution préventive, construit depuis 1945 dans tous les pays impérialistes, sur la prospérité des "Trente glorieuses" (et le pillage des pays dominés !), et aujourd'hui (depuis les années 80, à part une légère "reprise" après la "conquête" des anciens pays révisionnistes),  rendu impossible (tout simplement... financièrement !) par la crise ; condamné à la liquidation du modèle "démocratique-social" keynésien et des concessions arrachées par les masses travailleuses, à la fuite en avant militaire pour le contrôle et le partage des ressources planétaires, etc. Une "fascisation rampante de déclin", typique des vieux pays impérialistes qui se savent entrés dans une longue et irréversible décadence...

    Un jour ou l'autre (si on ne lui barre pas la route), l'accumulation de politiques réactionnaires et fascisantes amènera le saut qualitatif : le fascisme ouvert, le fascisme tel qu'on le conçoit couramment. Comme le rappelle Dimitrov dans "Le Fascisme et la classe ouvrière", "avant l'instauration de la dictature fasciste, les gouvernements bourgeois passent ordinairement par une série d'étapes préparatoires et prennent une série de mesures réactionnaires contribuant à l'avènement direct du fascisme".

    Ainsi, si le "sarkozysme" n'est certes pas "le fascisme", il est évident qu'il le prépare, qu'il lui prépare le terrain.  

    En réalité, quand Badiou parle de "pétainisme transcendantal", il n'a pas tout à fait raison, ni tout à fait tort. Sarkozy lui-même est un homme de formation "libérale-démocrate de droite" à l'anglo-saxonne ; admirateur de Ronald Reagan et de Margaret Thatcher, des gouvernements "à poigne" brisant les acquis populaires des "Trente glorieuses", mais homme moderne, divorcé et remarié deux fois, peu baigné dans la naphtaline de la vieille fRance... EN REVANCHE, parmi les "éminences grises" de sa "résistible ascension", l'on trouve un Patrick Buisson, homme d'extrême-droite et maurrassien revendiqué, ancien directeur de Minute puis de Valeurs Actuelles, maître d’œuvre du positionnement "à droite toute" de Sarkozy en 2005-2007 (et à nouveau pendant la campagne 2012)  ; ou encore un Claude Guéant, un de ces "hommes d'ordre" à la Fouché, ancien haut-fonctionnaire à la "droite de la droite", ayant tout à fait le profil du "vichysto-résistant" qui peuplait les allées de l’État dans les années 1950-70, s'il était né en 1915 et non en 1945. Par ces "éminences grise", Sarkozy se rattache donc bien, en effet, à la tradition "légitimiste maurrasso-pétainiste" de la Réaction française ; s'opposant, en effet, à la tradition "bonaparto-gaulliste" comme le lui reproche tout un courant de la droite, de l'extrême-droite et même de la "gauche".

    Mais cette fascisation, en France en tout cas (on ne peut pas vraiment en dire autant en Italie par exemple), est encore pour l'instant beaucoup plus du domaine des idées que des actes - même si depuis 2002 les choses s'aggravent.

    Nous considérons Sarkozy comme le produit de la rencontre de deux facteurs :

    - D'abord, l'aggravation de la lutte de classe, sous une forme inorganisée, orpheline d'une théorie et d'une direction, mais bien présente, la montée de la haine de classe prolétaire, de la peur de classe bourgeoise et "moyenne", traduite par le matraquage médiatico-politique "sécuritaire" de 2000-2002, avec pour résultat la présence de Le Pen au second tour de la présidentielle, la victoire écrasante de la droite à celle-ci et aux législatives consécutives.

    Un cran dans le glissement autoritaire-répressif de la dictature bourgeoise a été franchi à cette époque, traduit par l'arrivée tonitruante de Sarkozy à l'Intérieur, ministère qui fut on le sait son ascenseur pour l'Elysée. C'est que, de 2002 à 2007 (en dehors d'une courte parenthèse aux Finances), Sarkozy aura incarné (finalement) un figure bien française : celle du "Fouché", du super-premier-flic-de-France ; figure incontournable de l'État bourgeois depuis l'époque napoléonienne (le véritable Fouché en question) en passant par Morny (Second Empire), le "tigre" Clémenceau au début du 20e siècle, Jules Moch dans les troubles de l'après-guerre, Mitterrand pendant la guerre d'Algérie, Raymond Marcellin de 1968 à 1974, Pasqua dans les années 1980 et 90, etc.

    Ce processus de durcissement de la dictature bourgeoise, de la contre-révolution préventive, va encore se préciser avec la révolte populaire de novembre 2005, l'aggravation croissante durant tout le quinquennat 2002-2007 de la lutte de classe non-organisée. C'est la première raison de l'ascension de Sarkozy et de son "clan" au pouvoir suprême.

    - Ensuite, un changement de la conjoncture internationale inter-impérialiste.

    Lorsque Chirac commence son 2e mandat, la France est aux prises depuis plus de 10 ans avec les monopoles américains, anglais, canadiens etc. en Afrique, pour le contrôle de ce continent poumon de matières premières de la planète. Des conflits atroces, qui feront plus de 7 millions de morts, dont un million de rwandais et 5 millions de congolais.
    De plus, Chirac représente les monopoles attachés à la "politique arabe" gaulliste, hostile aux visées US sur le Proche/Moyen-Orient. Ceci va conduire, début 2003, à l'opposition frontale sur la question irakienne.
    D'autant que quelques mois plus tôt, les Américains ont "retourné" le président social-démocrate ivoirien Gbagbo, orphelin de ses appuis socialistes à Paris. La France va réagir immédiatement en fomentant une rébellion militaire, via son laquais burkinabé Compaoré (déjà l'homme de Chirac pour assassiner Sankara en 1987).

    Bref, les relations transatlantiques sont au plus bas, et appuyée sur l'Allemagne et la Russie, la France va aller plus loin que jamais dans la confrontation avec les États-Unis.

    Mais dans la bourgeoisie impérialiste, qui n'est pas exempte de contradictions (comme toutes les classes), il y a un courant pro-US, atlantiste, pour un partenariat "loyal" avec les États-Unis, et qui n'a pas apprécié l'attitude de Chirac et Villepin, considérant qu'elle a mis en péril les intérêts de la France. D'autant que les Américains rencontrent, initialement, quelques succès : invasion courte et victorieuse, capture de Saddam Hussein...

    Connu pour être américanophile, et ultra-populaire dans le petite-bourgeoisie par sa politique répressive, Nicolas Sarkozy sera leur homme. La candidature est posée dans une émission de France 2 restée célèbre, en novembre 2003.

    Jusque là rien n'est joué, mais autour du milieu de la décennie la configuration internationale change sensiblement.
    Restructuré, le capitalisme russe flambant neuf se pose à nouveau comme une puissance mondiale de premier plan.
    Avec une croissance à deux chiffres ou presque, la Chine affirme également son rang, commence à prendre son autonomie du capital étranger et à exporter ses propres capitaux. Ses conditions généreuses sont particulièrement appréciées des potentats africains (pour les peuples par contre, l'exploitation est encore plus dure).
    Ces deux pays se rapprochent à partir de 2003, formant le "groupe de Shangaï".

    Parallèlement, un réveil nationaliste bourgeois en Amérique latine (alliance "bolivarienne") et en Orient (axe Iran-Syrie, + Hezbollah et Hamas) va venir s'agréger au bloc russo-chinois, dans un front "anti-occidental".

    Les médias bourgeois parlent de nouvelle guerre froide... Le rapprochement transatlantique devient inévitable. Les Américains mettent de l'eau dans leur vin unilatéraliste.

    Et en France, c'est la deuxième lame de fond en faveur de Sarkozy.

    Le NON au référendum de 2005, qui dynamite le PS et le chiraquisme (et dans lequel les Américains, comme dans tout ce qui "bloque" une éventuelle puissance impérialiste européenne, ont joué un rôle) ; l'affaire Clearstream et le CPE qui mettent hors-jeu Villepin, dauphin de Chirac, feront le reste... Mais on rentre là dans l'anecdotique de la politique bourgeoise.

    Ces "deux sarkozysmes" ne se recoupent pas parfaitement : il y a des "contre-révolutionnaires" pas forcément "atlantistes" forcenés, et inversement.
    Mais leur conjonction a conduit au 6 mai 2007.

    Bien sûr, une fois au pouvoir, Sarkozy ne s'est pas révélé le dictateur fasciste que redoutait la petite-bourgeoisie intellectuelle de gauche, incapable d'une analyse matérialiste du fascisme.
    Il ne s'est pas révélé non plus le "gouverneur US" de ses détracteurs aux relents chauvins : il reste le président de la bourgeoisie impérialiste française et quand celle-ci est menacée par les Américains, il s'oppose à eux.

    Cela montre bien, d'ailleurs, l'inanité de la thèse (minoritaire dans le mouvement MLM) qui fait de Sarkozy un représentant d'on-ne-sait-quelle "bourgeoisie industrielle" opposée à la bourgeoisie impérialiste... Dans quel pays impérialiste a-t-on vu un président, un gouvernement OPPOSÉ aux intérêts de la bourgeoisie impérialiste ?!!!!?

    Armés du matérialisme dialectique, de la science marxiste, les révolutionnaires communistes doivent donc éviter deux écueils, qui sont le naufrage garanti :

    - Nous ne devons pas considérer Sarkozy comme LE fascisme, consolidé, synthétisé, du 21e siècle ; et du coup considérer comme des "résistants" des personnes ou des groupes qui sont des fascistes.

    On pense à Alain Soral et ses "antisionistes", nébuleuse de nationalistes, d'islamistes et de négationnistes antisémites, plutôt islamophiles alors que l'extrême-droite est en principe islamophobe, et qui infiltrent la solidarité palestinienne et l'anti-impérialisme sur le thème des "sionistes" (comprendre "les juifs") qui dirigent le monde (et dont Sarkozy est bien sûr le "fondé de pouvoir" en France), thèse à l'absurdité facilement démontrable : Israël n'est bien entendu qu'une "place forte" US au Proche-Orient, et non la "véritable capitale" des États-Unis et de la planète...

    Que ces personnes soient en contradiction avec le gouvernement en place, plutôt (encore que relativement) pro-israélien, ne doit pas tromper et en faire des amis du peuple.

    Au contraire, même s'ils n'ont pas la main sur l'orientation de la politique bourgeoise, ils jouent quand même leur rôle d'agents de l'impérialisme, en bon fascistes : diviser, semer le trouble, discréditer le combat anti-impérialiste, combat central de notre époque, en donnant corps aux accusations d'antisémitisme, de nationalisme, d'islamisme.

    Il suffit d'aborder la question des banlieues (véritable marqueur des révolutionnaires de notre époque) ou des sans-papiers (marqueur de l'internationalisme de classe), pour les démasquer immédiatement. Les musulmans qui les soutiennent sont le "parti de l'Ordre" de novembre 2005, le parti de la fatwa anti-émeutiers. Et les sans-papiers sont pour eux des "envahisseurs" et des "casseurs du modèle social"...

    - Mais nous devons également éviter l'erreur de croire que le fascisme est "AILLEURS", dans les personnes citées plus haut par exemple, alors qu'il est AUTOUR du phénomène Sarkozy (même si en contradiction apparente avec lui), lequel s'inscrit pleinement dans la fascisation rampante des sociétés capitalistes occidentales.

    C'est l'erreur de beaucoup de réformistes, mais aussi de ML insuffisamment armés politiquement, qui croient que le "durcissement" des luttes économiques syndicales est le "long fleuve tranquille" de la révolution. Pour eux, "non, franchement, aujourd'hui ce n'est pas le fascisme, le fascisme ce n'est pas ça...". Non, en effet, ce n'est pas ENCORE ça. Mais rien ne tombe du ciel. Hindenburg et Von Papen avant Hitler, Dollfuss avant l'Anschluss, l'internement des "apatrides" antifascistes étrangers et des réfugiés espagnols "rouges" avant Vichy...

    Mais c'est aussi l'erreur de ceux qui voient dans Sarkozy on-ne-sait-quelle "bourgeoisie industrielle".
    On aurait presque l'impression que, face au bond quantitatif que représente Sarkozy dans la dictature bourgeoise et les politiques réactionnaires et répressives, certains se perdent en conjectures abracadabrantes pour refuser le combat, pour ne pas assumer la nouvelle nature (beaucoup plus dure) de la lutte de classe...
    Se contentant, au chaud derrière leur clavier, d'applaudir épisodiquement les exploits de ceux ("Contis", jeunes des quartiers, défenseurs des sans-papiers) qui affrontent concrètement sur le terrain la répression bourgeoise... Et qui, eux, ne se posent pas de question sur la nature de classe de Sarkozy !
    Pire, le fascisme est "ailleurs", non seulement chez Soral & co, mais chez ceux-là même qui combattent Sarkozy et sa dictature bourgeoise répressive, les crimes et les projets de l'impérialisme US et de son allié sioniste (auxquels sont associés les 3/4 du temps l'impérialisme français), etc. etc. !!!

    En résumé, contre la fascisation rampante au service de la contre-révolution préventive et de la guerre impérialiste, une seule ligne de démarcation : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP !!!

    SERVIR LE PEUPLE !!!
     

    la-police-vous-parle

     

     

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  • En tant que révolutionnaires communistes, avant-garde du prolétariat, nous combattons la bourgeoisie capitaliste et son stade suprême l'impérialisme comme un tout.

    Cependant, il serait gravement faux de croire que la bourgeoisie, en particulier la bourgeoisie impérialiste, forme un bloc soudé et sans divergences internes. Cette grave erreur peut conduire - et a déjà conduit - de nombreux camarades à des dérives tragiques.

    Comme le peuple, comme les communistes, la bourgeoisie est traversée par ce qu'on appelle des luttes de lignes, des divergences qui peuvent s'exprimer y compris très violemment.

    Par exemple, la bourgeoisie est divisée entre différentes approches de sa dictature de classe : approche libérale voire sociale-libérale, approche conservatrice autoritaire, approche ultra-réactionnaire pouvant aller jusqu'au fascisme.

    De même, sur le plan international, la bourgeoisie impérialiste a différentes "orientations stratégiques", qu'il est important de bien saisir en tant qu'anti-impérialistes, combattant principalement l'impérialisme français.

    À quelques nuances près, l'analyse des différentes positions exprimées permet de dégager 4 grandes lignes :

    - la ligne atlantiste ou "occidentaliste" : sans faire abstraction des intérêts de l'impérialisme français, elle prône un ancrage "occidental" clair, un partenariat solide avec les impérialismes anglo-saxons, principalement américain.

    - la ligne "européiste" : pour une "Europe forte" face aux autres puissances (USA, Japon, Russie, Chine...), dans un monde "multipolaire". C'est peut-être la ligne la plus réaliste, mais elle implique de "limiter" les intérêts français face à ceux des autres partenaires européens.

    - la ligne "souverainiste" ou "nationaliste intégrale" : "la France d'abord", envers et contre tous. Mais cette ligne se heurte à un obstacle majeur : elle surestime les capacités réelles de l'impérialisme français, incapable de faire "cavalier seul" depuis 1945, voire 1918.

    - la ligne "eurasiste" : "de Brest à Vladivostok". Violemment hostile à l'impérialisme US (et à son "appendice" sioniste), elle prône l'alliance avec tous ses adversaires : Russie, Chine, Iran, pays arabes ou nationalistes sud-américains... Elle prend ainsi souvent des accents "tiers-mondistes", antisionistes et contre les interventions US dans le monde.

    La première et la dernière sont radicalement inconciliables, les deux autres balancent en fonction des circonstances. Il n'est pas systématique que les "souverainistes" aillent avec les "eurasistes" et les "européistes" avec les "occidentalistes/atlantistes" : il existe des souverainistes atlantistes un peu sur la ligne des conservateurs britanniques (typiquement les villiéristes) et des européistes ou "euro-russistes" voyant dans l'"union des Européens" une force principalement contre l'hégémonie mondiale US (tout en étant parfois des défenseurs d'Israël contre "l'islam", voir ci-dessous).

    Bien sûr, le fascisme étant intimement lié à l'impérialisme (il en représente la tendance la plus agressive), chaque ligne a "son" fascisme :

    - Les "atlantistes" ont les "néo-conservateurs" à la française, comme Alexandre Del Valle (formant avec Rachid Kaci la "Droite libre"). L'écrivain Maurice G. Dantec est également sur cette ligne, mais on le voit peu dans les médias hexagonaux - il se considère "réfugié politique" de "l'islamo-socialo-communisme" au Canada. On peut y ajouter la Nouvelle Droite Républicaine fondée  en septembre 2008 par l'ancien frontiste Jean-François Touzé (nostalgique du FN "libéral, républicain, atlantiste et pro-israélien" qu'il aurait rejoint en 1982), devenue l'Alliance pour les Libertés un an plus tard puis, en janvier 2011, les "Nouveaux républicains". Le mouvement ne semble cependant pas avoir connu un franc succès, et Touzé est régulièrement et violemment attaqué sur le web d'extrême-droite. Pour autant, son départ du FN en 2007 pour cause (selon lui) de "gauchisation" (en pleine "période Soral", "discours de la dalle d'Argenteuil" etc.) et son hostilité féroce, aujourd'hui, à Marine Le Pen et à son "programme économique digne de Mélenchon" ne sont peut-être pas si peu représentatifs que cela : il est clair que tant sous Jean-Marie Soral en 2007 que sous Marine Philippot aujourd'hui, le FN de ces dernières années ne s'est pas franchement rapproché de cet "électorat plus bourgeois, moins populaire, moins focalisé sur l'immigration, plus attaché aux libertés économiques" (plus "euratlantiste" et moins souverainiste aussi) que célébrait (et évaluait à "15% de la population") Henry de Lesquen du Club de l'Horloge en 1997 ; cette droite radicale CENTRALE, urbaine, aisée et éduquée, moderne et "connected to the world" (typiquement les lecteurs de Valeurs Actuelles quoi...) à laquelle on peut rattacher Jean-François Touzé ou encore Guillaume Peltier et Geoffroy Didier, les fondateurs de la "Droite forte" (courant de l'UMP) en 2012 [en dernière analyse, le dénominateur commun de toutes ces scissions et éloignements individuels du FN à partir de 1999, en apparence très différents, et de l'anti-marinisme aujourd'hui, c'est sans doute l'anti-"plébéianisme" : une "droite radicale" plus bourgeoise, rejetant le "populisme vulgaire" du clan Le Pen et que l'on peut effectivement estimer autour de 15% du corps électoral]. En 2013 est apparu le blog "L'Atlantiste", ce qui a le "mérite" d'être clair, net et précis. L'on peut consulter ici une (modeste) tentative de "cartographie" de cette galaxie atlanto-néocon hexagonale (qui couvre globalement toute la tendance atlantiste de l'impérialisme tricolore, pas uniquement l'extrême-droite fasciste).

    - Les "européistes" ont les tenants de l'Europe "civilisationnelle", de "l'Occident chrétien" contre les musulmans, les "Asiates" (capitalismes d'Asie-Pacifique) et autres "émergents", et l'Amérique "multiculturaliste" et "décadente". Ils se retrouvent en particulier chez le Bloc Identitaire, mais aussi dans la Nouvelle Droite Populaire et plus largement l'Union de la Droite Nationale autour de celle-ci. L'idée n'est en réalité pas nouvelle, puisque dans les années 1960-70 (avec Occident, Jeune Europe qui évoluera vers l'eurasisme ou la FANE de Fredriksen) et même 1980-90 (PNFE) était très présente l'idée d'"unité des Européens" à la fois contre les "rouges", les rugissements anti-impérialistes du "Tiers-Monde" et la montée de l'Asie-Pacifique, et aussi pour sortir l'Europe de sa vassalité (héritée de 1945) envers les États-Unis. Mais c'était alors la Guerre froide, et l'idée européenne rejoignait celle de défense de l'Occident capitaliste "libre" ; d'autre part, il était question d'une alliance de "nations souveraines libres". Lorsque sous l'égide social-démocrate et démocrate-chrétienne (symbolisée par le couple Mitterrand-Kohl) se mettra en place une Europe plus politique et "bureaucratique" (Acte unique de 1986, Maastricht 1992, Amsterdam 1999), la fraction la plus agressive de la bourgeoisie impérialiste BBR se caractérisera plutôt par un refus "souverainiste" de cette construction. Depuis le milieu des années 2000 cependant, la tendance connaît un renouveau certain et même fulgurant.

    Dans cette mouvance se trouve celui qui est sans doute l'un des plus brillants "intellectuels organiques" de la droite radicale BBR (au point que même un courant assez éloigné de ses idées, la très atlantiste Alliance des Libertés évoquée ci-dessus, a tenté de se l'approprier contre son avis fin 2009) : Guillaume Faye. Considéré un temps comme le "maître à penser" des Identitaires sur la ligne anti-islam, mais ayant pris ses distances par la suite, il reste néanmoins la principale référence intellectuelle des "grands-européistes", clairement "eurorussiste" même, hostile à "l'Union anti-européenne" de Maastricht "soumise à la géostratégie US". En revanche, avec son ouvrage phare (et polémique) La Nouvelle question juive (2007), il s'est également fait le champion de l'alliance des "nationalistes et identitaires européens" avec Israël et le mouvement sioniste, "contre l'Islam" bien évidemment. Il est sans doute de ceux qui verraient d'un bon œil la Russie "prendre la relève" des  États-Unis dans le soutien du "monde blanc" au "rempart" israélien.

    Le site Euro-Reconquista (comme, finalement, à peu près tout ce qui relève de la mouvance identitaro-zemmourienne anti-islam), relativement "phare" sur le Web d'extrême-droite, est lui aussi très clairement à classer sur cette ligne ; comme le montre clairement cet article magnifiant le projet d'"Europe-puissance" des années 1950-60 (la "Petite Europe" des 6 du Traité de Rome), "ignoblement torpillée" par les Nord-Américains par l'introduction (dans l'ordre) des Anglais en 1973 (c'est une vieille rengaine), des drogues (cannabis, LSD etc.), de la haine de la Science, du Travail (avec majuscules) et de l'école (sans, allez savoir pourquoi), de l'antiracisme et de la "repentance" (of course), puis de l'écologisme anti-nucléaire pour enfin déboucher sur la prise de contrôle d'ALSTOM moitié par Siemens (allemand, "petit-européen" : où est donc le problème ?) et moitié par General Electrics (US)... CQFD.

    Récemment a émergé le PSUNE (Parti socialiste pour l'Unité de la Nation européenne) de Thomas Ferrier, qui tient depuis fin 2009 un blog ouvrant régulièrement ses colonnes à Guillaume Faye. Ce "parti" ne semble guère engager que son "secrétaire général" (et probablement unique membre), mais il est tout de même révélateur d'une tendance qui se (re)dessine fortement depuis le milieu des années 2000, celle d'une acceptation (et même d'une exaltation) de la construction européenne par la fraction la plus agressive du Grand Capital français, après des "années Maastricht" (1985-2005) plutôt marquées par le scepticisme voire l'hostilité.

    Il y a aussi la thèse, exposée il y a quelques années par Alexandre Del Valle (devenu plus atlantiste depuis), selon laquelle les USA (dirigés par une "élite mondialiste") et l'Islam sont des alliés stratégiques objectifs contre la "civilisation européenne". Cette thèse est aujourd'hui toujours avancée par certains, dans les milieux identitaires notamment, mettant en avant le soutien US à l'entrée de la Turquie en Europe, le soutien au Kosovo "islamo-mafieux", les liens avec l'Arabie saoudite et le Pakistan etc. etc.  

    Concernant la Russie, qu'ils admirent pour sa "résistance à l'islamisation" en Tchétchénie ou au sujet du Kosovo, leur discours est généralement de l'inclure dans l'"Europe-civilisation", mais dans une position "partenariale" voire subordonnée, en aucun cas dominante comme pour les NR et autres nazbols se rattachant à "l'Internationale Douguine". Il est possible dans ce cas de parler d'"euro-russisme", tendance qui a notablement le vent en poupe depuis quelques années, surtout depuis que les USA sont redevenus démocrates sous la présidence d'un "gauchiste noir musulman" et (supposément) une puissance "islamo-laxiste" voire "islamophile". Dans un sens, on peut parler aussi "d'arracher la Russie à l'Asie", contrairement aux NR qui veulent une "Eurasie intégrée". Au sujet des évènements de mars 2014 en Ukraine, Guillaume Faye s'exclame ainsi sur son blog : "Provoquer la Russie au lieu de respecter sa sphère d’influence, c’est la pousser dans les bras de la Chine"... On ne peut guère mieux résumer les choses. Outre la géopolitique, il y a aussi (sur le blog de Guillaume Faye toujours, par exemple) une claire fascination pour la politique intérieure russe (très autoritaire, "verticalité du pouvoir") de Poutine, souvent décrite (pour reprendre la tonalité viriliste des intellectuels fascistes) comme "le seul gouvernement européen à avoir une paire de c****". Le très droitier Christian Vanneste (ex-UMP "Droite populaire" exclu pour ses déclarations homophobes, désormais président du RPF - à ne pas confondre avec celui de Pasqua - et soutien de Ménard à Béziers) dit des choses assez similaires sur le site DTOM.fr, que l'on peut sans doute classer dans la même catégorie : "Le rattachement de la Crimée à la Russie après référendum serait au moins aussi légitime que l’indépendance du Kosovo. Il faut en finir avec les ingérences et les intégrités territoriales à géométrie variable, en finir avec les émotions autour des effervescences populaires peut-être manipulées, les printemps dont on ne mesure pas les suites. C’est seulement en respectant la Russie que l’Europe peut créer les conditions d’une évolution favorable pour l’Ukraine", "L’Ukraine doit faire le choix d’être un pont entre l’Europe et la Russie plutôt que  de se déchirer intérieurement. Il doit être clair qu’elle ne s’intégrera ni à l’OTAN ni à l’Union Européenne, qu’elle gardera des relations militaires et économiques privilégiées avec la Russie, mais qu’elle devra aussi sous l’autorité de gouvernants plus honnêtes et davantage reconnus au plan international prendre toute sa place de pays européen au potentiel considérable".

    Même la mouvance sioniste radicale (plutôt rattachée à l'atlantisme, en principe) envisage, parfois, qu'un jour l'impérialisme US "lâche" Israël ou ne soit plus un "parrain" fiable, et qu'il faille se chercher une autre puissance tutélaire : la Russie, malgré son long passé (et présent) de soutien aux nationalistes arabes ou encore à l'Iran, est alors la "candidate" qui revient le plus souvent (surtout qu'Israël abrite désormais plus d'un million de personnes d'origine russe, parlant la langue etc.). Cela a ainsi fait l'objet d'un article du très pro-israélien "L'Atlantiste", où il est certes plus question que ce soit la Russie qui "entende où est son véritable camp" contre "l'islam fanatique" ; ou encore d'un billet d'opinion signé Greg Sulin sur le site sioniste JSS News.

    [MàJ] Dans une interview accordée début avril 2015 à l'hebdomadaire d'extrême-droite Rivarol, Jean-Marie Le Pen lui-même apparaît clairement sur cette ligne "euro-russiste" mais pas "eurasiste", avec la Russie pour "sauver l'Europe boréale et le monde blanc" mais très hostile à l'Asie et en particulier à la nouvelle et montante puissance chinoise : "L'Europe boréale intègre les Slaves, mais aussi la Sibérie dont je crains que les Russes ne puissent la garder seuls", ce qui est une allusion claire aux visées de Pékin (avec déjà l'infiltration économique de milliers d'entrepreneurs) sur cet immense territoire très éloigné de Moscou. Il fait même preuve d'une hostilité à l'immigration chinoise en Hexagone ("Il y a un million de Chinois en France ; ce sont des gens intelligents, actifs, discrets mais néanmoins puissants et redoutables") peu classique dans son propre camp politique, qui tend plutôt (généralement) à présenter les Asiatiques comme des "modèles d'intégration" qui ne "posent pas de problèmes" (par opposition aux "musulmans", "Arabes", "Africains" etc.).

    - Les "souverainistes" ont diverses tendances : Pasqua, Le Pen et le FN, le Parti de la France (PdF) de Carl Lang, le MNR ou De Villiers. On peut encore citer l'Union populaire républicaine (UPR) de François Asselineau, où encore la mouvance souverainiste du très droitier Nicolas Dupont-Aignan, le très confusionnistes Comité Valmy avec lequel fricotent le PR'c'F, le "Front syndical de classe" ou encore les "orthodoxes" du P'c'F, etc.

    Certaines tendances ont des penchants "occidentalistes/atlantistes" (De Villiers notamment, mais aussi MNR) et/ou sont clairement ancrées à droite (les villiéristes clament même "les Jeunes populaires [de l'UMP] se disent révolutionnaires, pas nous !") ; d'autre sont de tendance plutôt "eurasiste" voire "tiers-mondiste", farouchement anti-américaine (comme Le Pen lui-même depuis les années 1990, après avoir été "reaganien" dans les années 80) et, assez souvent, se veulent "ni droite ni gauche" et (au contraire) ouverts aux "patriotes de gauche" et autres "résistants au Nouvel Ordre mondial" : "Debout la République" (Dupont-Aignan), UPR, Comité Valmy, mouvance Soral bien sûr, Cercle des Volontaires (issu de la ridicule caricature 'française' des Indignad@s ibériques), bref toute cette mouvance-là. Avec les "eurasistes" et/ou "tiers-mondistes" ci-dessous, cette dernière tendance est celle qui entretient le plus le confusionnisme dans nos rangs populaires-révolutionnaires ; celle qui exige de nous, sur toutes les grandes questions hexagonales et internationales faisant l'actualité, la plus grande clarté idéologique.

    La mouvance Œuvre française/Jeunesses nationalistes (Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac), qui fait partie de l'UDN avec le MNR, la NDP, le PdF, le Renouveau français (national-catholique) etc., est peut-être classable dans cette catégorie ; il faut dire qu'elle est globalement sur la ligne du "nationalisme intégral" de Maurras. Elle se veut autant "antimarxiste", "antisioniste" (antisémite, "contre le judaïsme politique"), anti-UE (bien sûr, mais tout en entretenant des relations avec d'autres groupes fascistes européens) et anti-américaine qu'anti-islam (ici devant un projet de mosquée à Beauvais, avec Thomas Joly du PdF). C'est en quelque sorte le "nationalisme pur et dur" : tout ce qui "vient de l'extérieur" est "l'anti-France", une agression (présente ou potentielle) contre la "Nation". On peut y voir une "bonne synthèse" des différentes tendances ; mais aussi un concept assez vieillot, dépassé et peu moderne : fondée en 1968, c'est en fait la plus vieille organisation d'extrême-droite encore en activité en Hexagone. Sa "matrice" idéologique est antérieure à la Nouvelle Droite, au Club de l'Horloge et autres think tanks qui ont renouvelé la pensée réactionnaire ultra. Elle se revendique ouvertement de Pétain et de la collaboration, donc d'une période peu glorieuse de l'histoire hexagonale, ce qui n'aide pas forcément à se développer largement dans les masses.

    - Enfin, les "eurasistes" ou "tiers-mondistes" sont représentés par des groupes "nationalistes révolutionnaires" plus ou moins liés au national-bolchévisme russe, dont la tête de file est Christian Bouchet, par les "nationalistes (pseudo)anti-impérialistes" de la mouvance Soral et les "conspirationnistes" de type Thierry Meyssan (agent propagandiste déclaré du régime poutinien et de ses alliés syriens, iraniens etc., défendant ces alliances contrairement aux russophiles "européistes" qui les déplorent). Ou encore le Parti solidaire français de Thomas Werlet, proche de Kemi Seba et de la "liste antisioniste". Ces groupes se rattachent, parfois, à la fondation  Eurasia du national-bolchévik russe Alexandre Douguine, éminence grise du Kremlin et représentant de la bourgeoisie monopoliste russe la plus agressive. D'autres (beaucoup) se revendiquent de l'avocat "militant" et "anti-impérialiste" Jacques Vergès (qui, plus qu'un anti-impérialiste révolutionnaire ou même qu'un fasciste "tiers-mondiste", était d'abord et avant tout un agent international de l'État algérien auquel il est lié depuis la guerre d'indépendance ; c'est ainsi qu'il a pu défendre pendant 30 ans - jusqu'à sa mort en 2013, très certainement sur la demande d'Alger, le communiste libanais Georges Ibrahim Abdallah, arrêté en 1984 avec un passeport algérien ; et Klaus Barbie en 1987 à la demande de François Genoud, banquier suisse nazi reconverti dans le soutien aux nationalismes arabes et notamment au FLN).

    L'"eurasisme" est généralement (et farouchement) rejeté par les "euro-russistes" qui déplorent justement les alliances asiatiques et "islamistes" (chiites) de la Russie actuelle, l'exhortant à "retrouver son identité profondément européenne" et prophétisant sa (très possible au demeurant) rupture géopolitique avec la Chine (devant les ambitions chinoises en Extrême-Orient) et l'Islam (devant la "menace" que représenteraient les 20% des musulmans de la Fédération) : "si l'on gratte le Russe, on trouve un Varègue ou un Slave mais jamais un Tatar", clament-ils.

    Il est important de souligner quelque chose ici : ces eurasistes/"tiers-mondistes" et plus largement ces partisans d'un alignement impérialiste sur la Russie (et d'une défense systématique de ses positions internationales) sont effectivement des "révolutionnaires" au sens où ils prônent pour l'impérialisme français un sérieux virage géopolitique. Il est donc LOGIQUE QU'ILS FASSENT DU BRUIT... De fait, sur la Toile, la très grande majorité des sites qualifiables de fascistes sont sur une telle position, soit eurasiste/"anti-impérialiste" pure et dure soit "euro-russiste", souvent agrémentée de ce que les antifascistes ont pris l'habitude de qualifier de "conspirationnisme" (le "Nouvel Ordre Mondial", "les (américano ou pas)-sionistes qui contrôlent tout" et "les élites européennes mondialistes à leur botte", le 11 Septembre "coup monté" etc. etc.).

    POURTANT, nous connaissons tou-te-s dans notre entourage (au moins) une personne dont les idées sont sans ambigüité aucune qualifiable d'extrême-droite, de lepéniste... et nous savons tout-e-s (dès lors) que cela n'est JAMAIS SYNONYME AUTOMATIQUE d'adoration pour la Russie de Poutine et encore moins pour l'Iran, le Hezbollah ou Chavez. Ils/elles sont favorables, en politique intérieure, à une sérieuse "reprise en main" contre "toute cette racaille", "ces Arabes" (pour en rester au terme "poli"), "ces islamistes", "ces assisté-e-s", "ces syndicalistes" etc. etc. mais en politique étrangère ils/elles sont bel et bien sur de très classiques positions de "défense de l'Occident". Entre Israël et "ces Arabes", leur choix est très vite et définitivement fait. Il leur arrive, plus qu'à leur tour, d'être favorables à une intervention militaire tricolore voire même à une intervention US (contre un quelconque "dictateur tiers-mondiste") à laquelle la France ne participerait pas (comme en Irak) - et de ne pas bien comprendre lorsque le FN, comme cela a été presque systématiquement le cas ces 20 dernières années, s'y oppose (mais ce n'est pas grave : cela ne les empêchera pas de voter encore FN la prochaine fois). Quant à Dieudonné, il reste pour nombre d'entre eux/elles un "con de nègre". Il y a fort à parier, en réalité, qu'une très grande MAJORITÉ SILENCIEUSE du "peuple d'extrême-droite" pense ainsi... Mais elle ne passe pas sa vie à le publier quotidiennement sur Internet. À quoi bon d'ailleurs, lorsque l'on voit que le site "L'Atlantiste" (dont nous avons parlé plus haut) ne fait finalement que dire... ce que tous les grands médias disent et répètent déjà à longueur de journée (la "valeur ajoutée" se limitant alors à deux ou trois tirades racistes, islamophobes ou homophobes) ?

    Si l'on tire (donc) un bilan d'ensemble de ce qui précède, on s'aperçoit que la ligne "néocon atlantiste" a une audience plutôt confidentielle, hormis sur des thèmes comme le racisme "civilisationnel" anti-musulman. Elle implique en effet la soumission à une super-puissance (les USA), thème peu mobilisateur dans les masses.

    En revanche, un "cocktail" d'"euro-souverainisme" (Europe des nations) à tendance "occidentaliste" (anti-islam, anti-Chine etc) est envisageable et c'est ce qui est en train de se dessiner, avec le rapprochement villiéristes-identitaires par exemple.

    De même, le "nationalisme intégral" peut être mobilisateur, mais peu réalisable en pratique (d'où la division des souverainistes), tandis que l'eurasisme souffre du même handicap que l'atlantisme (soumission aux intérêts russes, en plus de son "tiers-mondisme" mal compris des "petits blancs" racistes). Mais un cocktail de nationalisme anti-américain et de causes "tiers-mondistes" mobilisatrices comme la cause palestinienne (ou le rejet de la guerre en Afghanistan) peut rencontrer un certain écho dans les classes populaires et moyennes.

    Dans tous les cas, la compréhension de ces différentes tendances est indispensable, tout simplement pour éviter de tomber dans les bras de l'une en combattant l'autre !

    Nombre de camarades (à peu près tous les communistes) se sont en effet jetés dans les bras des "nationalistes souverainistes" par anti-européisme (contre l'Europe capitaliste de Bruxelles), ou des "eurasistes/tiers-mondistes" par anti-américanisme... Et d'autres, par anti-nationalisme, tombent dans l'européisme voire le pro-américanisme (PCMLM) !

    La position communiste doit être claire : quelle que soit son "orientation stratégique", un seul ennemi : l'impérialisme capitaliste, UN SEUL CAMP : LE CAMP DU PEUPLE !!!

    En complément, intervention postée sur le FUC* :


    Eurasisme, nationalisme révolutionnaire : la lutte de ligne dans le fascisme reflet de la lutte de ligne dans l'impérialisme français.

    Lien très instructif sur le courant fasciste "eurasiste", qui s'inscrit dans la lignée du nationalisme-révolutionnaire du belge Thiriart : http://alexandrelatsa.blogspot.com/ 2009/09/ itv-christian-bouchet.html (copier-coller, pas de lien direct vers les sites fafs).

    Il s'agit d'une interview de Christian Bouchet, militant fasciste NR depuis 1969 et proche du Front National, sur un site lié à l'extrême-droite russe (Mouvement Eurasien d'Alexandre Douguine).

    Plusieurs passages sont instructifs à différents titres. D'abord celui-ci : "On peut donc se demander pourquoi j’ai persisté… C’est tout simplement parce que si je ne croyais pas à la réussite organisationnelle, j’étais en revanche convaincu – et je le suis toujours – par la justesse des idées et par leur influence possible." C'est extrêmement révélateur de la stratégie moderne du fascisme, particulièrement en France où diverses raisons historiques font obstacle à une coalition droite/extrême-droite, comme c'est le cas dans beaucoup de pays d'Europe (même un FN ultra-relooké et à 25% aurait du mal à surmonter cela, sinon à niveau très local) : les mouvements fascistes ne visent pas la prise du pouvoir, la "marche sur Rome", mais la CONTAMINATION de l'espace politique bourgeois, de la droite conservatrice (Raoult,  Delvalle...) à la gauche (Manuel Valls) et la gauche de la gauche (Gérin, profs trotskistes à l'origine de "l'affaire du voile" etc.). Ils ne se pensent pas comme des partis de gouvernement mais comme des think tanks, cherchant à faire reprendre leurs idées par les partis "traditionnels" (même si ils feignent ensuite de s'en plaindre, pour rester "anti-système"). Rares sont cependant ceux qui, comme Christian Bouchet, osent l'avouer.

    La suite est un développement des thèses "eurasistes" qu'il est important de bien cerner, surtout pour leur apparence "anti-impérialiste" qui peut berner de nombreux militants révolutionnaires/progressistes sincères.

    La base de tout, c'est de bien comprendre que l'impérialisme français est, depuis 1945, un impérialisme affaibli, ravalé à une puissance de second rang. Par conséquent, une lutte de lignes s'est développée au sein de la bourgeoisie impérialiste. L'une considère qu'il n'y a de salut que dans un partenariat "solide" et "loyal" avec les États-Unis, première puissance impérialiste mondiale, phare de la "démocratie" (bourgeoise) et de la "liberté" (d'exploiter).

    L'autre en revanche, rendue possible dès la fin des années 50 par l'abandon du socialisme en URSS, considère que c'est la vassalisation assurée et qu'il faut s'opposer par tous les moyens à l'hégémonie US, quitte à se tourner vers l'Est, la Russie, la Chine, les pays arabo-musulmans (en condamnant Israël) etc.

    La première a évidemment dominé jusqu'à la fin des années 50, l'URSS passant encore pour le "péril rouge". Puis sous De Gaulle et ses successeurs, dans les années 60-70, c'est la seconde qui a dominé. La première est revenue en force dans les années 80, dans l'union sacrée contre le social-impérialisme moribond, mais dès la super-puissance soviétique liquidée, le jeu des puissances a repris son cours et la France et les États-Unis se sont brutalements opposés, en Afrique (6 millions de morts, dont 1 million de rwandais) ou sur l'Irak (c'est la possibilité d'une levée des sanctions, au pétro-bénéfice de la France, l'Allemagne et la Russie, qui a probablement poussé les US à en "finir" avec Saddam... mais personne ne l'a vu à l'époque). Mais depuis 2005-2006, et surtout 2007 (avec Sarkozy, et Merkel en Allemagne) on observe à nouveau une inflexion atlantiste de la politique impérialiste hexagonale. C'est que le réveil de la Russie et l'émergence de la Chine, la formation d'un axe Iran-Syrie-Hezbollah-Hamas etc., ont conduit à un resserrement des liens transatlantiques.

    En tout cas, ce qui est sûr, c'est que chacune de ces lignes impérialistes a "son" fascisme, le fascisme  étant l'instrument de mobilisation de masse au service de l'impérialisme.

    Les atlantistes ont les "néo-cons" à la française, les disciples tricolores de Samuel Huntington, du choc des civilisations, de l'islamophobie maquillée en "laïcité", de la défense fanatique d'Israël "rempart de la civilisation occidentale" (Guy MillièreMichel Garroté de Dreuz.info etc.).

    Les partisans de l'opposition aux US, eux, ont les "eurasistes" comme Bouchet et les "anti-impérialistes" (impérialisme US exclusivement) et "anti-sionistes" (en fait nationalistes et antisémites) à la Soral et Meyssan.

    Bouchet attaque d'ailleurs très durement les Identitaires, accusés d'ultra-régionalisme et de soutenir les Serbes du Kosovo par pure islamophobie et non par "anti-impérialisme"... Normal, puisque le programme des Zids s'inscrit totalement dans celui de l'Europe "occidentale et chrétienne" des "identités régionales", et dans le discours dominant islamophobe quitte à être quasiment pro-sioniste. Inutile d'imaginer ce qu'il pense de De Villiers, dont la dernière - pitoyable - campagne a été financée par Libertas de l'irlando-américain Ganley, officine de l'impérialisme US pour dynamiter le projet impérialiste européen ; et qui a fini par rejoindre l'UMP.

    Les communistes, et tous les révolutionnaires et progressistes authentiques, doivent donc être extrêmement vigilants. Le seul salut contre les chausse-trappes réside dans l'analyse matérialiste, scientifique des situations, dans le combat contre TOUS les impérialismes et contre l'impérialisme français QUEL QUE SOIT son "penchant", atlantiste ou anti-US, du moment.

    Car on peut se demander, si la ligne dominante actuelle est à l'atlantisme, où est le danger de ces "NR"... Le danger, c'est qu'ils infiltrent le camp anti-impérialiste révolutionnaire authentique, et le contaminent, le déboussolent et servent ainsi objectivement le courant dominant. Et ensuite, si le courant qu'ils représentent redevient dominant, ils entraîneront des milliers de militants sincères dans le marécage du soutien à l'impérialisme français. Ce n'est pas à l'ordre du jour pour le moment, mais dans la première moitié de la décennie, on a vu des communistes et des anti-impérialistes applaudir le "résistant" Chirac, le "martyr" Saddam (bureaucrate-comprador boucher des communistes et de son Peuple) et le torchon complotiste antisémite de Meyssan.

    L'autre danger concerne l'antifascisme. Car bien sûr, le courant fasciste qui n'est pas dominant paraît plus agressif, plus nocif que le dominant, qui a pris les apparences de l'institutionnalité bourgeoise... C'est ainsi que les "antifascistes" du forum A"a", complètement focalisés sur les NR, Soral et les antisémites pseudo-antisionistes, en viennent à se faire la caisse de résonnance des arguments des néo-cons à la française, vont jusqu'à citer l'ultra-réactionnaire Taguieff, etc.

    Bref, face à ces pièges symptomatiques de notre époque, la clarté a toujours été et doit rester l'arme suprême des communistes.

    Il y a pourtant un moyen très simple de démasquer le fasciste : quelle que soit la "ligne internationale", il suffit... de parler de politique intérieure. Immigration, sans papiers, révoltes populaires des banlieues ou encore lutte de libération basque, corse etc. : à ces mots le fasciste tombe systématiquement le masque.

    [* à noter que l'auteur de ces lignes a été (en mai 2011) EXCLU (comme "ni-ni trotsko-maoïste") du FUC en question... JUSTEMENT pour avoir refusé de tomber dans un des pièges "NR" ci-dessus exposés, celui d'un soutien IDÉOLOGIQUE aux régimes clanico-mafieux, antipopulaires et criminels de Kadhafi et Assad. CQFD !] 


    Classification des fascismes


    Voici une ébauche de classification des phénomènes fascistes, publié il y a un an (fin 2008) sur le FUC (un peu retouchée...) :

    "Tout d'abord, rappelons la définition du fascisme donnée par Georgi Dimitrov, adoptée par l'IC :

    - idéologie de mobilisation de masse autour d'un projet impérialiste-monopoliste, de guerre et de contre-révolution préventive

    - dictature terroriste ouverte de la frange la plus réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste-monopoliste (ou compradore dans les pays dominés, Dimitrov n'ayant pas pu historiquement analyser ce cas de figure).

    Il est à distinguer absolument de la dictature réactionnaire classique, les critères étant le caractère de masse et le modernisme (ainsi les thèses de Milton Friedman ne furent mises en application en premier ni par Reagan, ni par Thatcher mais par Pinochet ; de même Franco a considérablement modernisé l'économie espagnole, à partir de 1957, avec les "technocrates" liés à l'Opus Dei).

    Il n'est pas non plus une expression de classe de la petite-bourgeoisie (qui ne peut développer durablement une idéologie autonome), ni un bonapartisme appuyé sur celle-ci (à la rigueur on peut voir le bonapartisme comme un ancêtre, surtout le Second Empire).

    Cela dit, ces appréciations erronées ne sont pas spécifiquement trotskistes : c'était la position majoritaire des communistes au début du fascisme, dans les années 1920 (Clara Zetkin, Gramsci etc.). Ce n'est que dans la décennie suivante qu'une appréciation juste sera élaborée (et rejetée par les trotskistes).

    Le fascisme est idéologiquement un bric-à-brac où l'on met en vitrine ce qui "marche", ainsi le racisme et l'antisémitisme ne sont pas systématiques. En revanche, il a pour constante l'anticommunisme (puisque la contre-révolution est l'un de ses principaux buts) et le nationalisme - comme négation des contradictions de classe.

    Partant de là, j'ai distingué 4 "grandes" catégories de fascisme.

    - le fascisme comprador : dans un pays dominé ("provinces d'Empire"), face à une menace révolutionnaire intérieure et/ou une menace impérialiste extérieure. Pas toujours évident à distinguer de la dictature réactionnaire classique (ex. de DRC : les Somoza au Nicaragua). De bons exemples aujourd'hui seraient la Turquie militariste, la Colombie d'Uribe, l'on peut également classer dans cette catégorie Israël (avant-poste US au Proche Orient). Dans le passé : Pinochet au Chili, Mobutu au Zaïre, Suharto en Indonésie.

    - le fascisme "modernisateur" : au service d'un capital monopoliste en gestation, contre les résistances de classe (neutralisées ou écrasées). Exemples types : Italie fasciste, Japon militariste des années 1920-30.

    D'autres expériences, pourtant épargnées par la guerre, furent de semi-échecs : Espagne ou encore Portugal n'ont pas suffisamment modernisé leur capitalisme (cela n'a même de toute façon jamais été le but au Portugal, où il s'agissait uniquement de "contenir" les poussées révolutionnaires et de "gérer" le capitalisme pour le compte du "parrain" anglais). Trop dépendants des capitaux étrangers ("pompe à capitaux" du tourisme industriel), trop complaisants avec les secteurs féodaux "freins" au monopolisme (grands propriétaires terriens, Église)... De fait le stade monopoliste ne sera vraiment atteint, dans l’État espagnol, qu'après la "transition démocratique" (années 1975-95) et grâce aux dynamiques capitalismes basque et catalan (dont il faut à tout prix empêcher les velléités indépendantistes... ce qui pourrait bien ramener un jour une forme de gouvernement autoritaire !). Le Portugal en revanche est resté un pays dominé/dépendant, passant simplement de son statut d'annexe/relais britannique à celui de "condominium" ouest-européen.

    D'autres enfin ont complétement échoué dans leur projet monopoliste (de "rendre" leur pays impérialiste) : kémalisme turc, péronisme argentin, gétulisme brésilien etc. - capitalismes trop faibles et dépendants, ces pays sont restés dominés par l'impérialisme.

    - le fascisme "régénérateur" : puissance impérialiste vaincue ou humiliée, souvent confrontée à une grave agitation intérieure, qui tente de relever la tête et de retrouver son "rang". Exemples : Allemagne nazie, Russie actuelle. Le facteur "humiliation" a également joué en Italie et en Turquie kémaliste mais ce n'étaient pas de grandes puissances impérialistes (pays arriérés, semi-féodaux).

    - enfin, le fascisme "de déclin" : impérialisme en crise terminale, menacé de l'extérieur (anti-impérialisme et impérialismes rivaux) et de l'intérieur (révolution). C'est le plus actuel et le plus dangereux pour nous, puisqu'il s'agit de la "fascisation rampante" de nos sociétés occidentales (et de la société japonaise).

    [Cas du pétainisme : en 1940 la bourgeoisie impérialiste vaincue veut "redresser la nation" en partenariat avec l'Allemagne, dans un "nouvel ordre européen". Mais à mesure que les intentions d'Hitler (vassaliser la France) et sa défaite se précisent, elle lâche Vichy et rallie la fraction gaulliste/"française libre", restée fidèle à l'alliance britannique et au vernis parlementaire/"républicain". Sur ce point, voici une phrase de Céline claire comme de l'eau de roche : « Si demain Hitler me faisait des approches avec ses petites moustaches, je râlerais comme aujourd'hui sous les juifs. Mais si Hitler me disait : "Ferdinand ! c'est le grand partage ! On partage tout !", il serait mon pote ! »]


    Quelques mots encore sur le fascisme, afin de résoudre les nombreuses interrogations sur le phénomène. Beaucoup s'interrogent, en effet, sur comment faut-il qualifier l'Espagne de Franco, la Hongrie de Horty etc., sur les différences entre le fascisme italien et le nazisme...

    La réponse est à chercher dans la théorie de l'ancien et du nouveau.

    C'est une théorie marxiste-léniniste-maoïste qui consiste simplement à considérer que tout est progressif, rien ne tombe du ciel et rien ne disparaît en claquant des doigts. Le nouveau est toujours en germe dans l'ancien, et il reste toujours de l'ancien dans le nouveau.

    Ainsi, on ne passe pas du capitalisme pré-monopoliste au capitalisme monopoliste du jour au lendemain, c'est un processus, inégalement avancé selon les pays.

    La dictature réactionnaire classique correspond au stade pré-monopoliste. Lorsque émerge un mouvement autonome du prolétariat, la bourgeoisie s'allie aux vieilles classes féodales déchues, clergé, noblesse terrienne et militaire, paysannerie riche, pour le contrer et assurer sa domination.

    Le fascisme, lui, appartient au stade monopoliste. Les classes moyennes prises entre les monopoles et le prolétariat "sécrètent" de l'idéologie "sociale-réactionnaire". La bourgeoisie monopoliste s'empare de cette idéologie pour son caractère mobilisateur de masse et farouchement anti-révolutionnaire, et la plie à ses intérêts (en liquidant les courants trop "socialisants").

    Mais l'un comme l'autre existent rarement à l'état pur. Selon le degré de développement du capitalisme dans le pays considéré, on trouve des éléments de dictature réactionnaire classique dans le fascisme : Italie (surtout dans le Sud arriéré), Japon ; ou au contraire des éléments de fascisme dans une dictature réactionnaire classique : Espagne franquiste, Hongrie hortyste, Pinochet, Salazar...

    L'ancien est dans le nouveau, le nouveau dans l'ancien.

    Dans les pays dominés/dépendants, le fascisme à l'état pur, qui correspond à un pays monopoliste, est incompatible avec le statut de dépendance. C'est pourquoi il échoue, comme par exemple le péronisme.

    Le fascisme comprador comporte toujours des éléments de dictature réactionnaire classique, notamment en défendant la grande propriété terrienne.

     


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  • La convention des Identitaires à Orange et - surtout ! car des conventions ils en font tous les ans... - le projet de listes communes avec le MPF de Jacques Bompard en PACA  (MPF lui-même "intégré" depuis peu à l'UMP !) marque sans doute possible l'entrée dans une nouvelle ère.

    Sur le modèle de ses homologues italiens, mais également d'autres mouvements en Europe, un courant de l'extrême-droite populiste et xénophobe (en un mot, FASCISTE) a décidé d'assumer la question du pouvoir. Rompant avec plus de 25 ans "au seuil" de la politique bourgeoise, 25 ans de lobbying (certes efficace puisque ses thématiques ont peu à peu envahi le débat politique bourgeois), d'activisme médiatique et de posture "contestataire" de l'extrême-droite, rassemblée dans le FN.

    Un séisme bien moins spectaculaire, mais bien plus important pour l'avenir (qui s'assombrit terriblement) que la présence de Le Pen au second tour en 2002 - le bon sens élémentaire suffisait alors à voir qu'il n'avait aucune chance de l'emporter, et que cette présence n'était que le résultat "accidentel" d'une campagne électorale entièrement basée sur l'insécurité et la peur de l'autre.

    La question du pouvoir, hormis à un niveau très local, n'avait jusqu'alors été assumée très vite fait qu'en 1998, avec le "soutien sans participation" à quelques présidents de région de droite, initiative de Bruno Mégret, dont l'échec devant le tollé "républicain" (bourgeois) avait finalement conduit à une scission du FN et à quelques années "noires".

    L'heure est donc grave. En Italie, c'est depuis le début des années 1990 qu'une extrême-droite néo-fasciste "respectabilisée" et "pragmatique" s'est infiltrée dans la recomposition politique bourgeoise, sur un modèle droite/gauche, après la fin de l'hégémonie démocrate-chrétienne. Longtemps elle est apparue comme l'instrument (parfois indocile) du pouvoir de Berlusconi.

    Mais aujourd'hui, la succession d'évènements de plus en plus sombres montre que la chose s'est transformée en son contraire, et que c'est Berlusconi et son parti qui sont devenus les jouets des nouveaux fascistes.

    Et c'est un processus similaire qui est maintenant enclenché dans notre pays.

    C'est l'occasion, pour nous, de rappeler nos conceptions sur la montée du fascisme à notre époque.

    Car il a été dit, sur ce sujet, tout et son contraire :

    - que le fascisme ne peut plus revenir, qu'il est un phénomène du "sombre 20e siècle" enterré à jamais : c'est la thèse libérale et sociale-libérale de la "démocratie indépassable", la thèse de la "Fin de l'Histoire". Mais elle déteint aussi sur de nombreux révolutionnaires et progressistes sincères, pour qui le fascisme, "meuh nooon ! on n'en est pas encore là..." ;

    - que le fascisme on s'en fout, que toutes les "dictatures bourgeoises" se valent : thèse anarchiste et trotskyste petite-bourgeoise (la petite-bourgeoisie, en effet, n'est pas aux "avant-postes" pour percevoir les changements de nature dans la dictature de classe). Aux moins ont-ils la cohérence de se l'appliquer à eux-même, "occidentaux". D'autres comprennent bien la différence fascisme/démocratie bourgeoise ici, mais pas dans les pays dominés où "toute les formes de domination se valent" selon eux - alors que ces peuples sont aux avant-postes des changement de nature de la domination impérialiste ;

    - la tendance - idéaliste - à voir le fascisme partout, à chaque loi scélérate, chaque nouveau ministre de l'Intérieur (y compris Chevènement)... Même s'il est exact que chaque nouvel occupant de la place Beauvau, chaque nouveau "paquet sécurité" concocté en Conseil des ministres est plus contre-révolutionnaire préventif que le précédent : cela s'inscrit dans la tendance générale à la fascisation ;

    - il y a enfin la ligne que l'on peut qualifier du "regarder ailleurs" : c'est la ligne développée dans le mouvement "antifa autonome", d'idéologie libertaire mais aussi marxiste (et notamment maoïste) inspiré du modèle d'outre-Rhin. Au nom de combattre le fascisme "culturellement", ce qui est effectivement une nécessité, on en vient à adopter une posture aristocratique vis à vis des masses, mais surtout à se concentrer sur des groupuscules, des "agitateurs médiatiques" comme Alain Soral (abonné de "Ce soir ou jamais") ou Dieudonné, dont le discours est incontestablement fasciste mais qui constituent des épiphénomènes de la tendance générale, ou des tendances marginales dont ni l'audience, ni le fond idéologique ne permettent d'assumer la question du pouvoir, ni même de "contaminer" le champ politique bourgeois comme a pu le faire le FN depuis plus de 20 ans.

    Cette ligne permet - commodément il faut le dire - de ne pas affronter l'aspect principal et le plus dangereux de la montée du fascisme : la fascisation rampante de l'État bourgeois.

    Cette ligne est celle du site "Contre-Informations" (taper ces mots clé sur Google, le site est en tête de liste) du PCMLM.

    Bien sûr, face à la contestation croissante de leurs analyses dans le mouvement ML/MLM, et surtout avec les développements de ces derniers jours, cette organisation peu nombreuse et présente uniquement (mais très présente) sur Internet se trouve obligée de réagir et de se justifier.

    Détenteurs autoproclamés de la "science MLM", ils ne détiennent guère, en tout cas, la science de l'autocritique ni de l'humilité de mise quand on est un groupuscule parmi d'autres.

    Cependant, leur analyse a la caractéristique d'assumer - de manière il faut le dire conséquente - une volonté scientifique. C'est pourquoi elle nous paraît intéressante pour exposer la nôtre.

    Dans un article intitulé : "Fascisme et appareil d'État, le psychodrame français du "nouveau fascisme", du totalitarisme larvé etc.", on peut lire : "En France, cette réalité est incomprise, et on s’imagine que le fascisme vient de l’intérieur de l’appareil d’État lui-même, tout comme Pétain et les collabos. Le fascisme s’imposerait sans trop de soucis dans la démocratie bourgeoise, « comme une lettre à la poste », il serait une « gangrène » contaminant sans contradictions l’État et la société, une sorte de penchant naturel de la démocratie bourgeoise, bref : une sorte de putsch tout en douceur."

    On a là l'alpha et l'oméga de la ligne du "regarder ailleurs". C'est une négation pure et simple de la dialectique : la transformation d'un chose en son contraire, sous la pression des circonstances (en ce qui nous concerne, la crise générale du capitalisme, la poussée des aspirations révolutionnaires dans les masses etc.), et sous l'effet d'une lutte, d'un affrontement intérieur (en politique, on parle de lutte de lignes).

    Non, le fascisme ne vient pas "du dehors", "d'ailleurs"... Il vient d'une mutation intérieure de la classe dominante, qui à notre époque et depuis plus d'un siècle est la bourgeoisie monopoliste - impérialiste.

    Le fascisme, défini par l'Internationale Communiste (Dimitrov) en 1934, c'est la dictature terroriste ouverte de la fraction la plus chauvine et la plus réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste. Cette dictature terroriste a pour objectifs principaux la contre-révolution préventive et la guerre impérialiste.

    Idéologiquement, le fascisme est l'idéologie visant à la mobilisation de masse la plus large possible derrière ces objectifs.

    Tout le reste, toutes les "manifestations" du fascisme, culturelles, médiatiques, idéologiques, politiques (dans la pratique gouvernementale) ou "métapolitiques" (par des groupuscules "activistes" comme les Identitaires, ou des "figures de proue" comme Zemmour ou Soral), découlent de cette mutation. Le Bloc Identitaire en découle, Alain Soral et son "marxisme" réac, viriliste et antisémite en découlent.

    Fondamentalement, le fascisme ne provient pas des classes populaires, il est le résultat de l'influence idéologique bourgeoise sur celles-ci.

    Dans le communisme, les masses produisent l'idéologie révolutionnaire et "font" les leaders comme Lénine, Mao etc.

    Dans le fascisme, l'idéologie provient essentiellement de la bourgeoisie impérialiste, qui s'empare parfois de "sécrétions" idéologiques petite-bourgeoises (populisme) façonnées selon ses intérêts, et c'est la bourgeoisie qui "fait" le leader (parfois en prenant un "tribun" de la petite-bourgeoisie comme Hitler ou Mussolini, mais il n'est pas encore dit que cette technique soit reprise aujourd'hui), et le leader "fait" le mouvement de masse...

    Les analyses de Kurt Gossweiler, sur le nazisme, montrent bien que c'est le Grand Capital allemand, les monopoles, qui ont "fait" Hitler à partir d'un "agitateur" petit-bourgeois, populiste et antisémite - et surtout, anticommuniste.

    Pour le PCMLM, le fascisme est vu "comme phénomène de masse et permanent, d’arrestations arbitraires et d’emprisonnement pendant des années, de lois d’exception, d’enlèvements et d’exécutions sommaires, de tortures et de massacres, etc.", donc aujourd'hui sous Sarkozy, hier sous Pasqua ministre de l'Intérieur, ce n'est pas le fascisme.

    Nous ne considérons pas que nous sommes sous le fascisme. Mais le fascisme ne se réduit pas à cela, désolés...

    En réalité, la définition du PCMLM ne s'appliquerait qu'à l'Allemagne nazie, ou à la rigueur à la "guerre sale" en Argentine (1976-83). Mais après les violences qui ont émaillé ses débuts, dans un climat de guerre civile, le fascisme italien n'a pas été cela, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale en tout cas, sauf pour les peuples des colonies (Libye 100.000 morts, Éthiopie 250.000...). Le fascisme portugais n'a jamais été cela, sauf encore pour les peuples colonisés. Le franquisme en Espagne, après "l'épuration" qui a logiquement suivi la guerre civile, n'a pas été cela.

    Le nazisme a été cela, mais le nazisme a été un état de guerre permanent, course à la guerre d'abord, puis guerre elle-même ensuite.

    Eh oui, sous le fascisme, "la vie continue" dans une très large mesure, ce n'est pas la "nuit noire", le "1984" fantasmé par la petite-bourgeoisie !

    Ce que nous voulons dire, c'est que le fascisme conduit à cela, puisqu'il s'inscrit dans la crise générale du capitalisme (hier la première, aujourd'hui la deuxième) qui conduit inéluctablement à la guerre, et à la poussée révolutionnaire donc à la contre-révolution, bref à "l'état d'urgence".

    Il est, face à la crise généralisée, l'idéologie qui mobilise les masses non dans le sens de la lutte de classe et de la révolution, mais dans le sens des intérêts des monopoles et de la réaction : contre-révolution et guerre impérialiste.

    Mais s'il faut attendre d'en être là pour combattre la fascisation de la dictature de classe bourgeoise, alors il est beaucoup trop tard !

    C'est précisément l'erreur qui a été commise au 20e siècle, et qui rejoint ce que nous disons plus haut : se concentrer sur l'aspect "activiste de rue", "propagande culturelle" du fascisme, et ne pas voir la tendance de fond dans laquelle il s'inscrit et à laquelle il se rattache : le changement de nature au sein même de la dictature bourgeoise.

    Le "psychodrame" que dénonce le PCMLM, c'est précisément éviter cette erreur, c'est chercher - et combattre - "le feu derrière la fumée".

    Ensuite, le PCMLM nous dit : "Ce qui n’empêche pas certains de se voiler la face, afin de pouvoir fantasmer et vivre la véritable passion française: le psychodrame. Voyant cela, ils disent qu’il ne peut justement plus y avoir le fascisme tel qu’il a existé (pourquoi? Mystère!) et que nous vivons donc dans un fascisme moderne, un nouveau fascisme, une démocratie bourgeoise de contre-révolution préventive, etc."

    Pourquoi (bien que ce soit une caricature, en tout cas concernant nos positions) ? Eh bien... Tout simplement parce que nous ne sommes plus au 20e siècle. Tout simplement à cause de quelques mots : Hitler, Shoah, Seconde Guerre Mondiale...

    Les fascistes ne sont pas stupides, ni bornés, en tout cas les fascistes sérieux. Ils vivent avec leur temps. De même que nous, communistes, apprenons de nos erreurs (en principe...), ils apprennent des leurs.

    Hitler a été le summum de la barbarie fasciste, mais il a surtout mené l'Allemagne au désastre. Mussolini, en le suivant, a fait de même avec l'Italie. Le communisme s'est emparé d'un tiers de la planète. La Shoah, dixit le vieil antisémite catholique Bernanos, a "déshonoré l'antisémitisme" : exit, donc, l'antisémitisme outrancier comme discours mobilisateur de masse. Le fascisme du 20e siècle, et le nazisme en particulier, n'est pas vraiment un modèle à suivre pour un fasciste d'aujourd'hui...

    Les fascistes de notre époque doivent tenir compte de cela, pour "faire mieux"... S'ils assument la question du pouvoir, ils doivent se démarquer d'une expérience unanimement présentée aux masses (car le fascisme vise cela, l'audience de masse) comme une catastrophe.

    Et puis, le fascisme du 20e siècle est né quelque peu "dans l'urgence" de la 1ère crise générale du capitalisme et de la première vague révolutionnaire mondiale, lorsque les vieux modèles bourgeois, conservatisme autoritaire ou parlementarisme libéral, se sont montrés inadaptés. Il n'a pas été une contre-révolution si "préventive" que cela : il a dû bien souvent "faire le ménage", liquider des forces révolutionnaires déjà conséquentes, avant d'instaurer un ordre stable.

    Aujourd'hui, les forces révolutionnaires de la "nouvelle vague" sont en reconstitution. La brutalité de la contre-révolution préventive va croître avec le niveau et la structuration de ces forces, comme un "bras de fer", il ne faut pas s'attendre à un déchaînement brutal à moins qu'il y ait du "retard" à rattraper.

    Enfin, nous sommes aujourd'hui, dans les pays impérialistes occidentaux, face à un type de fascisme inédit (nous présenterons prochainement une classification des fascismes) : le fascisme "de déclin", de crise terminale et irrémédiable. Le capitalisme impérialiste occidental se sait condamné, et tente de reculer l'échéance.

    Il n'y a pas eu de tel exemple au 20e siècle. Le nazisme était un fascisme de "redressement", de "régénération" : il serait comparable aujourd'hui au fascisme russe de Poutine. Le fascisme italien, le fascisme japonais étaient des fascismes de "projet monopoliste", de passage au monopolisme dans des pays qui ne l'étaient pas encore vraiment, associé aux nécessités de contre-révolution préventive. Ce qui correspondrait au comportement actuel de la Chine.

    La fascisation actuelle de nos sociétés ne peut pas - en réponse au PCMLM - être analysée à travers le seul prisme du fascisme au siècle dernier. Cela reviendrait à analyser celui-ci à travers le prisme du 19e siècle, du "bonapartisme", ce qui a d'ailleurs été fait et qui a eu des conséquences tragiques.

    Tout cela rejoint les analyses développées par le PCMLM suite à la "convention identitaire" du week-end dernier, qui les a obligé à réagir.

    Ils affirment haut et fort avoir "vu le danger" depuis 2 ans, alors que les masses et les révolutionnaires niçois, lyonnais, alsaciens, bretons le connaissent depuis bien plus longtemps (vive le parisianisme !), et alors qu'ils ont passé tout ce temps à focaliser sur Soral et Dieudonné, les infiltrations islamistes, nationalistes et négationnistes dans le mouvement pro-palestinien, les "dérives de l'extrême-gauche", les "ML - fachos de demain", etc.

    Et c'est pour ré-enchaîner aussitôt sur les "nationaliste-révolutionnaires" (les fascistes violemment anti-américains et anti-israéliens, quitte à adopter un posture "tiers-mondiste" pro-Iran, pro-Chavez, pro-Palestine et pro-Hezbollah, pro-russe et pro-chinoise, etc.), les "NR" qui resteraient, au fond,  le "principal danger".

    Les Identitaires, qui sont pour nous un phénomène parfaitement logique, dérangent leurs conceptions : antisionisme/antisémitisme au second voire au quinzième plan, anti-musulmans et anti-"basanés" (donc anti-Chavez, anti-Ahmadinejad...), européistes "civilisationnels" et "occidentalistes"... ils ne correspondent pas au "portrait robot".

    Ils sont en fait dans l'incapacité mentale de comprendre que, quand les fascistes se "responsabilisent", se "respectabilisent", mettent de l'eau dans leur vin notamment sur l'antisémitisme et l'expérience nazie, ils ne sont pas "moins dangereux"... Au contraire : c'est qu'ils assument la question du pouvoir !!!

    Soral et Dieudonné n'assument rien du tout : ils font du "buzz" médiatique et règlent leurs comptes avec l'extrême-gauche qui les a, selon eux, "rejetés", "pas soutenus" ou qui les "méprise". Ils règlent leurs comptes avec de prétendus "lobbies", avec les "bien-pensants". Ils se vengent en venant semer le trouble et discréditer le mouvement anti-impérialiste (dont la Palestine est la cause emblématique), en exploitant ses failles petite-bourgeoises idéalistes, son manque de lecture marxiste des problèmes.

    Ce faisant, bien sûr, ils servent complètement les intérêts de la bourgeoisie impérialiste. Mais ça s'arrête là : où est le potentiel de mobilisation, au delà d'une certaine petite-bourgeoisie d'origine arabe, turque ou africaine, et de quelques fils/filles à papa déclassé-e-s ?

    De même, le FN a largement démontré, face aux exemples venus de toute l'Europe, qu'il se complaisait dans une posture contestataire, activiste et lobbyiste.

    Les Identitaires ne sont pas "Sarko-compatibles", comme l'ont dénoncé certains éléments "NR" et proche du FN (Christian Bouchet) : c'est une lecture "personnalisée", petite-bourgeoise de l'histoire qui n'est pas celle des marxistes. Sarkozy, on s'en fout : ce n'est qu'un pion, qui peut éventuellement sauter s'il ne "suit pas le mouvement".

    Les Identitaires, et c'est là toute l'ampleur de la menace, sont surtout totalement dans la ligne de l'impérialisme français actuel : une "Europe forte" face aux USA mais aussi (surtout) face à la Chine et aux "émergents" non-européens (d'Amérique latine, du Golfe, de Turquie, d'Azanie etc.), guerre impérialiste pour le contrôle de "l'arc stratégique" qui va de la Méditerranée à l'Asie centrale (impliquant une contre-révolution préventive brutale contre les musulmans d'ici, qui vont s'opposer à ces plans), renvoi des immigrés dans leurs pays (où l'on peut les exploiter pour 1€ par jour, alors qu'ici...). Une ligne résumée dans le slogan "Européens et fiers de l'être", et des opérations comme récemment "Paris ne sera jamais qatari" (menée par les Identitaires de la capitale).

    Ils sont même prêts à "s'adapter", avec un grand pragmatisme, à tout éventuel "revirement" de la sratégie internationale de l'impérialisme BBR. Ainsi, ils refusent de se dire "occidentalistes" car, selon eux, cette conception "ferme la porte à la Russie" (dont ils espèrent le ralliement à la "Grande Europe-civilisation").

    Face à cela, bien sûr que les "NR" sont des fascistes ! Mais nous ne voyons pas, à court terme, ce qui pourrait faire d'eux la force motrice du changement de nature de la dictature bourgeoise. Ils ne sont pas un courant "traditionnel" de l'extrême-droite, mais existent seulement depuis les années 1960 (Thiriart), et n'ont réellement eu d'écho que lorsque l'impérialisme français était en contradiction profonde avec l'impérialisme US : dans les années 1960 avec De Gaulle, au moment des guerres africaines comme au Rwanda (époque de la fameuse manif "anti-américaine" du 9 mai 1994), ou encore lors de la guerre d'Irak.

    Quant aux "souverainistes", aux "nationalistes intégraux", ils ont une vision irréaliste des capacités de l'impérialisme français à faire "cavalier seul".

    Il est clair que la tendance au déclin des impérialismes occidentaux, face à une Russie et (surtout) une Chine qui montent, des capitalismes non-européens qui "émergent" (Amérique latine, pays du Golfe, Turquie, Iran, Afrique du Sud - Azanie), et qui s'emparent des "poussées" nationalistes dans les pays dominés, pousse plutôt les "déclinants" (Europe occidentale, USA, Japon) à resserrer les rangs qu'à s'entre-déchirer.

    Les choses peuvent bien sûr changer, mais nous ne voyons pas comment à court terme (sauf à imaginer que la Russie nous envahisse, les "NR" joueraient alors les collabos...).

    Il se peut, aussi, que la stratégie "d'intégration progressive" de l'extrême-droite dans la droite "de gouvernement" explose en vol, face aux contradictions de la bourgeoisie (opposition des "républicains", des "humanistes"), ouvrant la voie à une recomposition. Nous verrons en temps voulu...

    Nous ne sommes pas là pour faire de la politique-fiction, mais pour analyser concrètement le situation concrète !

     



    Antifascisme de notre époque (2) : le fascisme entre tradition et modernité


    Pour bien comprendre et combattre efficacement le fascisme, il faut cesser de le considérer comme une phénomène "à part", surgi d'ailleurs, un "OVNI" venu d'on-ne-sait où, ne se rattachant à aucune réalité antérieure et surgissant par magie dans une société démocratique bourgeoise, libérale-parlementaire "sans histoires"... 

    Et qui transforme en quelques jours cette démocratie bourgeoise solide et installée en une dictature sanguinaire, un régime de terreur noire. 

    Ceci est une erreur d'appréciation à notre avis grave (et répandue), qui empêche de lutter efficacement contre les premiers symptômes de fascisme et - surtout - ses racines dans la société, l'idéologie dominante et l'appareil politique, pour ne s'attaquer qu'à des épouvantails (comme Dieudonné, les négationnistes ou les petits groupes néo-nazis). 

    En 1933, l'Allemagne était une démocratie "libérale" bourgeoise depuis seulement 14 ans (fin de la 1ère Guerre mondiale) et encore, la présidence Hindenburg (vieux maréchal prussien) avait donné lieu dès 1925 à un sérieux "coup de barre" à droite, conservateur-autoritaire. 

    Le régime, la république de Weimar, était extrêmement incompétent (face à la crise économique), impopulaire et corrompu, et passait de surcroît pour complètement imposé et "à la botte" de l'étranger (les vainqueurs de 1918) : étranger à "l'âme allemande". 

    Le régime précédent, le IIe Reich (1871-1918), était un régime autoritaire et conservateur sous le masque d'une "monarchie parlementaire" et, de fait, une dictature de la vieille aristocratie militaire prussienne, les junkers (comme Hindenburg ou encore Ludendorff, qui montera le "putsch (raté) de la brasserie" en alliance avec Hitler avant de se distancier de lui). 

    Le nazisme n'est donc pas "tombé du ciel", amené par une bande d'extra-terrestres qui auraient pris le contrôle des esprits de tout un peuple.  Son idéologie, faite de nationalisme et de pangermanisme racial (tous les Allemands dans un seul Reich, "espace vital" à l'Est...), d'antisémitisme ("parti de l'étranger" à l'intérieur, "complot juif" pour la domination), d'antilibéralisme (idéologie autoritaire-conservatrice prussienne) et d'antisocialisme (comme toute dictature du Capital !) était déjà présente sous le IIe Reich, même si elle était moins "franche et ouverte" et même si elle ne contrôlait pas totalement les appareils de décision de l'État. Ainsi, "marqueur" par excellence du national-socialisme s'il en est, l'antisémitisme (contre une communauté juive qui avait connu une ascension sociale spectaculaire) était agité et diffusé dès la fin du 19e siècle par la droite ultra-conservatrice luthérienne ; tandis qu'à la même époque le mouvement socialiste d'August Bebel lui assénait la sentence définitive de "socialisme des imbéciles"...

    L'idéologie nazie s'inscrivait totalement dans la continuité idéologique des grands États modernes précurseurs de l'Empire allemand, comme la Bavière et (surtout) la Prusse : ce n'est pas un hasard si en 1936 (pour les 150 ans de sa mort) le IIIe  Reich rendait hommage à Frédéric II le Grand , "despote éclairé" ami de... Voltaire (ce qui pose en outre la question du caractère "anti-Lumières" supposé de cette idéologie), "père" de l'État prussien moderne et donc dans une large mesure de l'Allemagne. Le projet "maître" du nazisme, d'ailleurs, n'était pas tant l'extermination totale des Juifs (qui n'en était qu'un aspect) que le Generalplan Ost, autrement dit la soumission brutale de toute l'Europe orientale à l'impérialisme allemand (impliquant la destruction de l'URSS, d'où la complaisance du Grand Capital "démocratique" occidental envers Hitler) dans la continuité du vieux Drang nach Osten médiéval. Lequel avait donné lieu (13e-14e siècles) à la sanglante colonisation des actuels Pays baltes et du Nord-Est de la Pologne par l'Ordre teutonique ; colonisation à l'origine... du royaume de Prusse de Frédéric II lui-même (qui a en fait pris le nom de sa colonie, la région de Berlin s'appelant le Brandebourg !), et donc de l'Allemagne dont Hitler prendra la tête en 1933. On voit bien que les racines du projet nazi puisent profondément dans l'histoire et l'identité même de l'État allemand.

    C'est l'humiliation de la défaite de 1918 qui a rendu cette idéologie agressive et terroriste, dans la droite nationaliste au sein de laquelle devait bientôt émerger  le NSDAP.

    Et les troupes de choc de celui-ci, SS et SA, n'étaient autres que les héritières des "Corps-francs" (Freikorps) et des "Casques d'acier" (Stahlhelm), ces forces paramilitaires nationalistes et anticommunistes d'anciens combattants qui avaient écrasé dans le sang les tentatives révolutionnaires de 1919-1920. 

    D'ailleurs, dans des sociétés d'anciens combattants comme celles de l’Europe des années 1920, où la quasi-totalité des hommes adultes avaient été mobilisés en 1914-18 et où l’on mettait pour ainsi dire ses décorations pour aller acheter le pain (on exagère à peine, voire pas du tout), les images qui nous paraissent incompréhensibles, complètement délirantes du nazisme (défilés en uniforme, au pas de l'oie etc.) paraissaient tout à fait naturelle et ne choquaient personne : les communistes et même les sociaux-démocrates avaient leurs propres troupes de choc, organisations d'anciens combattants etc. qui défilaient en uniforme. 

    Ce que nous voulons dire par là, c'est qu'il n'est pas possible de détacher un phénomène politique (le fascisme, le nazisme...) de son "background", du contexte présent et passé-récent de la société dans laquelle il voit le jour.

    En 1922, l'Italie n'est pas un pays "démocratique" au sens où nous l'entendons, c'est une monarchie parlementaire censitaire (seuls les plus riches, payant un certain impôt peuvent voter). Les grands propriétaires font la loi dans les campagnes, quelques grandes familles industrielles sont les princes des villes. Il n'y a ni tradition, ni culture démocratique. 

    Le fascisme, nous dit-on, est une idéologie "venue de la gauche", du parti socialiste, des syndicats...

    En effet, le fascisme est une mutation réactionnaire et terroriste (déjà dans le "militantisme pour la guerre" de Mussolini en 1914-15) du nationalisme italien et en effet, celui-ci est à l'époque plutôt une valeur de gauche, se référant à la mystique de l'Unité, de Garibaldi, de Mazzini. Au début de la Première Guerre Mondiale, hormis l'extrême-gauche anti-militariste, le "parti" pacifiste est plutôt conservateur et catholique, pour la tranquillité du travail et des affaires ; tandis que le "parti de la guerre" mobilise plutôt à gauche (la gauche bourgeoise, s'entend) sur le thème de "l'ennemi héréditaire" autrichien, de "l'achèvement" de l'Unité par la récupération des terres encore autrichiennes etc. etc. (ceci dit l'inventeur d'un concept "phare" du fascisme italien, le concept de "nation prolétaire" - l'impérialisme "faible" italien qui doit s'"affirmer" face aux puissances "ploutocrates" française et britannique - est tout de même le nationaliste plutôt monarchiste et conservateur Enrico Corradini... avec lequel les Faisceaux de Mussolini s'associeront dans le très à droite "Bloc national" aux élections de mai 1921, siégeant par la suite à l'extrême-droite de l'hémicycle). 

    Mais après-guerre, il est clair que les atrocités vécues ont rendu une grande partie des masses anti-militaristes et hostiles au capitalisme, qu'elles savent bien être derrière la boucherie, et un mouvement révolutionnaire se développe à vitesse grand V.

    Ce nationalisme "venu de la gauche" va alors être utilisé habilement par le Grand Capital pour "noyer" la lutte des classes dans la "cause nationale" tout en se donnant une apparence progressiste et même "révolutionnaire", satisfaisant les revendications du peuple.

    Mais en réalité, malgré ces maigres apparences "progressistes", il n'y a rien de "gauche" dans le fascisme italien (même d'un point de vue très modéré !). Dès le départ, les concessions aux "commanditaires" grands-bourgeois et grands propriétaires terriens du fascisme ont été énormes, on est très loin (même !) d'un programme réformiste social-démocrate... 

    Ailleurs, que ce soit en France (avec les "Ligues"), en Belgique (avec le "rexisme"), en Espagne (avec la "Phalange") ou au Portugal (avec le salazarisme), le fascisme plonge encore plus clairement ses racines dans la tradition conservatrice autoritaire et nationaliste des différents pays. 

    Ce qui ressort de tout cela, c'est premièrement que le fascisme s'inscrit clairement dans la tradition de la société où il émerge, tradition qu'il adapte au goût du jour, qu'il modernise pour en faire une idéologie populaire, de mobilisation de masse : bref, il "fait du neuf avec de l'ancien" puisque son objectif est de "révolutionner" en apparence, pour maintenir et renforcer l'ordre établi en réalité. 

    Et deuxièmement, qu'il s'inscrit profondément dans le contexte, le présent et la passé récent de la société en question, et qu'il est ridicule et dangereux d'attendre aujourd'hui que le fascisme se manifeste comme dans les années 1920-30 (sous les mêmes apparences) pour le combattre ! 

    D'autre part, si dans tous les pays à cette époque le fascisme a pu prendre la forme d'un mouvement "révolutionnaire", se heurtant plus ou moins violemment au pouvoir en place (les manifestations étaient souvent meurtrières, comme le 6 février 1934 à Paris), c'est parce qu’à l'époque, le "système", les institutions politiques (parlementarisme bourgeois ou conservatisme autoritaire) et la gouvernance économique étaient héritées de (et adaptées à) la période pré-monopoliste, du capitalisme "traditionnel" du 19e siècle. 

    Elles étaient dépassées face à l'époque nouvelle : la (première) crise générale du capitalisme, la guerre impérialiste "de 30 ans" (1914-1945), la 1ère vague de la révolution mondiale partie de Russie en 1917...

    Il a fallu pousser les "dinosaures", le vieil "establishment" qui s'accrochait un peu trop vers la sortie, pour mettre en place une dictature capitaliste adaptée aux nouveaux enjeux. 

    Aujourd'hui, toutes nos institutions (politiques, économiques, médiatico-culturelles) sont adaptées à l'époque de l'impérialisme, époque des crises générales et de la révolution mais aussi (depuis les années 50-60) époque de la "classe moyenne" et de la "consommation de masse". 

    Donc, nous pensons qu'il faut réévaluer l'idée du fascisme comme une "prise d'assaut" venue de l'extérieur (ou de la marge) de l’ordre social et politique.

    Le fascisme d'aujourd'hui peut venir pour une grande partie d'une évolution interne au système, d'une mutation plus ou moins rapide et prudente de la "démocratie sociale-libérale bourgeoise" vers une dictature de classe bourgeoise de plus en plus autoritaire, répressive et guerrière - en mobilisant les masses dans ce sens, par le populisme sécuritaire, anti-"gauchiste" et nationaliste xénophobe. Pour Servir Le Peuple, c'est même l'aspect principal de la montée du fascisme à notre époque ; comme on a pu par exemple l'observer aux États-Unis ces 30 dernières années.

    Les "troupes de choc", les mouvements fascistes militants et activistes de terrain, jouent plus à notre avis un rôle d'appui à la fascisation de la société (par le combat culturel plus que physique) et, à la rigueur, d'"aiguillon" face aux tendances trop libérales de la bourgeoisie ("vous mettez en œuvre notre programme... ou les gens voteront pour nous !"), éventuellement de gros bras (mais avec les forces de répression - y compris de sécurité privée - pléthoriques d'aujourd'hui, cela ne semble pas très utile), mais surtout de pépinières d'idées... et de cadres : nombre de leaders "activistes" se reconvertissent (en vieillissant) dans la politique "respectable", beaucoup de leaders de la droite actuelle sont d'anciens miliciens d'extrême-droite des années 60-70 ; et les Identitaires, le FNJ, le MNR et autres groupes regorgent sans aucun doute de cadres de la droite de demain !

    Une autre question qui se pose est celle de l'unicité, du caractère "à part", hors normes, (presque) insaisissable pour l'esprit humain, des crimes nazis-fascistes, en particulier lors de la 2de Guerre Mondiale, et en particulier le génocide des Juifs d'Europe. 

    Les tentatives de nier, ou de minimiser ou relativiser ces crimes, sont bien entendu des manœuvres fascistes abjectes, visant à réhabiliter le IIIe Reich. Elles sont heureusement marginales et - au niveau des masses populaires - peu prises au sérieux.

    Les chambres à gaz, les camps d'extermination, les massacres de masse - en particulier de Juifs, la "Shoah par balle" - sur le front de l'Est et dans toute l'Europe, ont bel et bien été une réalité indéniable qui donne la pleine mesure de la barbarie du fascisme et en particulier du nazisme.

    Ce que nous contestons, c'est la volonté d'en faire un phénomène "à part", anhistorique, incompréhensible au regard de l’Histoire, l'œuvre d'un "fou" ou de la "folie qui s'est emparée d'un peuple", etc. etc.

    Cette volonté répond à deux préoccupations, l'une secondaire, l'autre pas :

    - l'une, secondaire, est celle des sionistes : à un peuple "unique", "à part", "élu", il faut une tragédie "unique" et "à part", hors normes, inexplicable sinon précisément par l'unicité du "peuple juif", l'œuvre du Démon lui-même contre le peuple de Dieu.

    - l'autre, beaucoup plus importante, est celle des impérialistes, en particulier les "vainqueurs" (USA, Angleterre, France) mais aussi les "repentis" allemands, italiens ou autrichiens : le fascisme et (surtout) le nazisme doivent passer pour une anomalie, une "crise de folie meurtrière" collective, un phénomène incompréhensible et inexplicable... Un "cancer", en somme, sur un "corps sain" que serait le capitalisme impérialiste, et que l'on aurait réussi à extirper.

    Car le fascisme ne doit surtout pas être rattaché à la logique même de l'impérialisme et du Grand Capital monopoliste.

    Il faut cacher, à tout prix, la réalité : que le fascisme et même le nazisme (les fascistes essaient parfois d'opposer les deux) ne sont que l'expression particulièrement criminelle, extrême, de la logique impérialiste. C'est la logique de l'impérialisme poussée à ses ultimes conséquences.

    Le fascisme, y compris hitlérien, est une forme particulièrement terroriste de la dictature de classe du Grand Capital, mais simplement une forme particulièrement terroriste. Comme il n'est qu'une forme particulièrement sanguinaire de militarisme impérialiste.

    La différence, qui existe (nous ne sommes pas comme les anars, pour qui toutes les dictatures de classe se valent), est de degré, pas de nature. Si différence de nature il y a, c'est entre le capitalisme "traditionnel" du 19e siècle et le capitalisme monopoliste impérialiste du 20e, comme l'a expliqué Lénine en 1916.

    Les camps de concentrations (déjà exterminateurs dans une large mesure) et les guerres génocidaires sont une réalité dès la fin du 19e siècle, surtout dans le monde colonisé : en Afrique du Sud (par les Anglais) pendant les guerres contre les Zoulous (1879) et les Boers (1899-1902), à Cuba par les Espagnols (guerres d'indépendance 1868-78 et 1895-98), aux Philippines (Espagnols 1895-98 puis surtout Américains 1899-1913), en Namibie (Allemands, 1904-11), sans même parler du système concentrationnaire de travail forcé de l'"État indépendant du Congo" (roi des Belges Léopold II, 1885-1908), du Congo français (chemin de fer Congo-Océan, plantations de caoutchouc...) et, en vérité, de toutes les colonies...

    L'idée de suprématie "raciale" et/ou "civilisationnelle" est déjà au cœur du colonialisme européen entre le 16e et le 19e siècle, et plus encore de l'impérialisme capitaliste depuis le 19e siècle. L'idée que la vie d'un "inférieur" ne vaut rien ou pas grand-chose l’est également…

    Nous avons vu que l'idéologie de suprématie raciale "pangermaniste" était déjà bien présente sous le IIe Reich allemand.

    Les guerres de la fin du 19e siècle, déjà, et surtout la Première Guerre mondiale ont montré que la vie du combattant ennemi (et même de ses propres soldats !) n'était pas grand chose pour le Capital impérialiste.

    Quant à la vie des révolutionnaires, des "rouges", la répression de la Commune de Paris (1871) avait déjà montré depuis longtemps ce qu'elle valait...

    Nous voyons donc bien que le fascisme - et surtout le nazisme - n'ont fait qu'accumuler, systématiser et pousser à leurs dernières conséquences toutes ces choses qui existaient déjà avant (avec, aussi, les moyens des années 1940 qui n'étaient plus ceux du 19e siècle).

    Bien sûr, les crimes de masse du nazisme ont visé principalement les Juifs ; en tout cas, la volonté d'extermination totale (à partir de 1941) ne concernait qu'eux et les Rroms. 

    Mais en faire (comme le font les sionistes) une preuve de l'unicité et du caractère "à part" des Juifs est aussi absurde que de dire (comme certains) que l'esclavage et la colonisation sont un "complot millénaire" contre les "kémites", les Noirs. 

    Les Noirs d'Afrique ont été victimes de l'esclavage parce qu'ils étaient la seule population à la fois "adaptée" au climat des Amériques et, par leur niveau de développement social, faciles à capturer et à déporter de la sorte, à moindre coût, sans mener des guerres coûteuses etc. (les peuples victimes des razzias esclavagistes étaient surtout communistes-primitifs, tribaux, les peuples plus avancés étaient utilisés comme "chasseurs" d'esclaves). Et contrairement aux peuples originels des Amériques, ils résistaient (relativement, s'entend) aux maladies véhiculées par les Européens et supportaient (quelques années en tout cas...) les conditions de travail esclavagistes dans les plantations, alors que les indigènes étaient décimés. 

    Toute l'idéologie raciste de supériorité des Blancs sur les Noirs s'est constituée après ou en même temps : elle est la conséquence et non la cause de l'esclavage. 

    De la même façon, l'antisémitisme n'est pas "éternel" mais prend ses racines (en Europe) au Moyen-Âge, lorsque les Juifs (communauté facile à attaquer puisque non-chrétienne) se voyaient (déjà très largement sous la menace) emprunter de l'argent par les princes, seigneurs féodaux et autres grands bourgeois, qui les accusaient ensuite d'"usure" et autres abominations (sacrifices humains etc.) pour exciter des pogroms populaires contre eux avant de leur ordonner (sous peine de mort) de vider les lieux... évitant ainsi de les rembourser (vis-à-vis de chrétiens qui étaient eux aussi nombreux à pratiquer le prêt d'argent, comme les "Lombards"/Italiens, de telles pratiques auraient pu valoir à leurs auteurs l'intervention voire des sanctions de l'Église). 

    L'antisémitisme européen (pléonasme... il n'est d'idéologie antisémite qu'européenne !) prend, en fait, concrètement racine dans cette forme particulière d'accumulation primitive du capital par l'extorsion, le racket d'une communauté ethno-religieuse sans grandes défenses ; parallèlement à la construction (accompagnant cette accumulation primitive) des États modernes qui les excluront (juridiquement jusqu'à la fin du 18e ou au 19e siècle, dans les faits jusqu'au 20e) de la communauté "nationale" "légitime".

    Mais ces persécutions n'avaient rien à voir avec le génocide nazi du 20e siècle : les Juifs avaient par exemple la possibilité de se convertir (c'était souvent le choix qui leur était laissé : se convertir, partir ou la mort).

    Cet antisémitisme féodal a laissé des traces jusqu'à nos jours (des préjugés comme "les Juifs et l'argent") et a pu être utilisé dans l'argumentaire nazi et antisémite fasciste en général. Mais il ne peut pas expliquer le génocide, l'Holocauste, il ne peut expliquer que des actes antisémites individuels - et non institutionnels. 

    Non, si les Juifs ont été les principales victimes du plus grand crime de masse du 20e siècle, c'est pour une autre raison : parce que depuis le 17e siècle, ils étaient associés aux idées progressistes. D’abord, de Spinoza à la Haskala, ils ont été à la pointe des idées révolutionnaires bourgeoises, libérales, humanistes et universalistes. Ce qui s’explique par leur position discriminée, de citoyens de seconde zone, dans les pays où ils vivaient. Pour cela, ils récoltèrent la haine de tous les nostalgiques de l’Ancien Régime, de la société d’Ordres et de corporations, qu’ils soient légitimistes cléricaux ou "socialistes" féodaux corporatistes à la Proudhon.

    Par la suite, surtout en Europe de l'Est (où leur statut inégalitaire persistait, tandis qu'il n’avait disparu en Allemagne qu’au milieu de 19e siècle), une grande partie des masses juives a été attirée vers les idées socialistes et communistes (marxistes ou libertaires) : tout le monde sait que Marx était d’une famille juive, qu’ils étaient nombreux dans la direction bolchévique et que les idées socialistes ont même profondément imprégné le sionisme originel. Ce qui en a fait, dès lors (fin du 19e siècle), la cible de toute la Réaction des exploiteurs et des possédants.

    À la fin du 19e siècle, le capitalisme devenu impérialiste cessa de jouer tout rôle progressiste pour devenir la Réaction sur toute la ligne (Lénine). Nostalgiques de l’Ancien Régime et bourgeoisie impérialiste (ne voulant plus entendre parler de progressisme) fusionnèrent en une seule et même Réaction. À mesure que la menace révolutionnaire grandissait, le nouvel antisémitisme grandissait avec, fusionnant le "libéral-progressisme décadent" et le "socialisme" dans la figure du Juif (et de son "allié" franc-maçon). Cet antisémitisme s'est alors systématisé en idéologie (avec l'Action Française par exemple, ou l'antisémitisme tsariste en Russie) et élargi en idée d'un "complot contre la civilisation" par une population "étrangère", "non-européenne" ("asiatique"), "manœuvrant dans l'ombre" pour "s'emparer du pouvoir" et "asservir la civilisation européenne". Avec la Révolution russe d'Octobre 1917, dont de nombreux dirigeants étaient juifs, cette théorie atteint son aboutissement : le "judéo-bolchévisme" (toute ressemblance avec un certain "islamo-gauchisme" aujourd'hui serait purement fortuite...). 

    À cela s'est ajouté, dans le nazisme allemand, l'idée d'un impérialisme tourné vers l'Est ("l'espace vital" de la "race allemande") pour lequel il fallait faire "place nette" ; les Juifs, très nombreux dans cette partie de l'Europe, faisant figure de population "asiatique", "racialement ennemie", inassimilable, à réduire en esclavage voire, idée qui prédominera à partir de 1941, à exterminer. 

    Il faut bien comprendre que la Shoah s'inscrivait dans un plan plus vaste : ainsi, pour les Slaves, certains idéologues du nazisme préconisaient 1/3 d'exterminés (directement ou par le travail forcé), 1/3 de réduits en esclavage et 1/3 de "récupérables", "aryanisés". Pour les Rroms, l'extermination était également prévue. Ce plan, c'était le Drang nach Osten ("poussée vers l'Est"), un fondamental du nationalisme pangermaniste allemand, conçu comme une guerre "sacrée", "civilisationnelle" contre "l'Asie" qui, pour les pangermanistes allemands, commence sur l'Oder. Juifs, Rroms, Slaves et communisme étaient des "expressions" et des "détachements" de l'armada asiatique contre la "civilisation européenne"... La Shoah n'est pas détachable de ce background, qui trouve par exemple son expression dans l'implication, très forte, du IIe Reich de Guillaume II contre la révolte chinoise de 1899-1901.

    Là encore, donc, l'antisémitisme institutionnel, élevé en idéologie exterminatrice, des nazis (et des nationalistes allemands en général) est en réalité plus une conséquence des visées impérialistes sur l'Est (anti-asiatisme), de l'anticommunisme/anti-progressisme, ainsi que du ressentiment de la défaite de 1918 ; que le résultat ou l’aboutissement d'un complot "millénaire" contre le Peuple juif (bien que l'antisémitisme, dans toute l'Europe, existe depuis le Moyen-Âge). 

     On voit par exemple que le fascisme italien n'était pas (du tout, même) antisémite : il n'adoptera des lois raciales anti-juives qu'en 1938 (sous l'influence de l’Allemagne nazie à laquelle il vient de s'allier indéfectiblement) et ne mènera jamais de véritable persécution jusqu'en 1943 (lorsque les Allemands prennent le contrôle du pays) ; raison pour laquelle il sera facilement pris pour modèle par la droite de la droite sioniste (Birionim, Lehi voire Betar) alors que le nazisme, évidemment, c'était plus compliqué... C'est que les visées impérialistes de l'Italie ne concernaient pas des territoires peuplés de Juifs et que, pour diverses raisons, l'association des Juifs aux idées progressistes et révolutionnaires était beaucoup moins répandue qu'ailleurs (en France par exemple). À l'arrivée, c'est seulement durant la période d'occupation allemande (septembre 1943-avril 1945) que 9.000 Juifs (sur 35 à 50.000 présents dans le pays) seront raflés et déportés - environ 7.750 périront.

    Mais les Libyens, les Éthiopiens, les Albanais ou les Grecs ont une "petite" idée de la nature de l'impérialisme fasciste italien ! 

    Il n'y a pas de "peuple élu", pas de complot antisémite "éternel" : cela, c'est ce que veulent occulter les partisans du sionisme (qui se veut une "réponse" à cet "antisémitisme éternel"). 

    Mais surtout il n'y a pas de caractère "à part", "anormal", "accidentel", hors des normes et de la compréhension de l'esprit humain, et surtout hors de toute logique historique du nazisme !

     Le nazisme c'est la conséquence ultime, dans la barbarie, de l'impérialisme allemand (qui n'est pas "d'essence" différente des autres non plus !) et de l'impérialisme en général ! C'est une différence de degré, pas de nature. 

    Et cela, c'est ce que les impérialistes de tous les pays veulent dissimuler à tout prix !!!

    Il y a aussi, bien sûr, la technique qui vise à assimiler le fascisme et le nazisme avec "l'ennemi juré" : le communisme. C'est la théorie du "totalitarisme" : Mussolini et Hitler se seraient en fait inspirés de la la Révolution bolchévique russe, de ses "méthodes", de sa "violence", de son "embrigadement de masse" etc. Le "totalitarisme" serait une "tare" du 20e siècle (dû peut-être à la Première Guerre mondiale...), une idéologie "nationaliste" et "populiste", de haine raciale ou de classe, qu'heureusement la "démocratie" a finalement vaincu. 

    En dehors de cette abomination, tout va bien messieurs-dames : les crimes (colonialistes et néo-colonialistes en particulier) de la "démocratie" sont soigneusement occultés, ou justifiés, au nom de la "démocratie" justement ! 

    Alors même que le fascisme était l'ennemi juré du communisme, qu'il avait juré de l'anéantir, et qu’il avait le soutien pour cela, jusqu'à la veille de la 2de Guerre, des "démocraties" impérialistes ! 

    Cette théorie du "totalitarisme" est une théorie bourgeoise conservatrice (le problème serait le "populisme") reprise par une grande partie de la "gauche" bourgeoise et petite-bourgeoise.

    C'est une théorie, bien sûr, complètement idéaliste et anti-dialectique, qui nie la lutte de classe, la nature de classe des différents régimes en question, et la violence comme nécessité historique - puisque ces personnes ont intérêt à ce que rien ne change. Elles condamnent la "violence", le caractère "militarisé" du "totalitarisme"... alors que la violence fasciste n'a fait qu'être à la hauteur de la menace révolutionnaire qui pesait sur les bourgeoisies de ces pays, et que la violence bolchévique n'a fait qu'être à la hauteur de la menace contre-révolutionnaire et des tâches de la révolution à accomplir ! 

    Ce qu'il faut retenir, c'est que le fascisme ne tombe pas du ciel, n'est pas une "anomalie", un "bug" dans une société "démocratique" bourgeoise - voire une "copie du totalitarisme marxiste". 

    Il s'inscrit parfaitement dans la tradition bourgeoise de domination de classe, dans les valeurs de la bourgeoisie devenue impérialiste. Il manipule d’ailleurs avec brio le traditionalisme, exaltant la "nation éternelle", les "valeurs" à "retrouver"...

    Mais il s'inscrit aussi parfaitement dans la nouvelle époque du capitalisme apparue à la fin du 19e siècle, et surtout au début du 20e : l'époque de l'impérialisme, de la guerre impérialiste globale, des crises générales et de la révolution anti-capitaliste et anti-impérialiste à l'ordre du jour, qu'il faut à tout prix (pour la bourgeoisie) contrer.

    Là est sa modernité : adapter la dictature de classe de la bourgeoisie à l'époque nouvelle (s'en prenant, du même coup, aux "vieux" libéraux et conservateurs bourgeois qui n'ont pas compris cette nouvelle époque) et à la hauteur de la menace et des enjeux.

    Si le fascisme du 20e siècle a dans l'ensemble échoué, face à la révolution socialiste et face à l'autre "contre-révolution préventive" qu'était le modèle keynésien ("classe-moyennisation" des travailleurs et "société de consommation de masse" financée par l'exploitation impérialiste de la planète, "cohésion sociale" - c’est-à-dire collaboration de classe - à travers les syndicats et les partis "socialistes" traîtres), c'est sans doute qu'il n'était pas "au point", qu'il a commis des erreurs (la "fuite en avant" hitlérienne), c'est peut-être qu'il n'était pas... assez moderne !

    Soyons sûrs que la bourgeoisie impérialiste de notre époque saura en tenir compte, à l'heure où la crise générale et terminale du capitalisme a définitivement enterré les solutions keynésiennes ! 

     


    Sur la question du fascisme/nazisme comme "rejet des Lumières", lire ici notre démontage en règle des thèses fumeuses de Zeev Sternhell (qui n'est rien d'autre qu'un maître à penser de plus de l'opposition fascisme/capitalisme) : Sur Zeev Sternhell et sa théorie du fascisme "anti-Lumière"

    De fait, si le fascisme semble se rattacher historiquement à quelque chose, c'est bien plus à l'aile droite du mouvement des Lumières (que Sternhell qualifie à tort, mais non moins allégrement, d'"anti-Lumières"), aux "Lumières d'ordre" incarnées par l'Ancien Régime final et/ou Voltaire et Napoléon (en France), Frédéric II de Prusse (en Allemagne), Catherine la Grande (en Russie) ou Edmund Burke (chez les Anglo-Saxons) qu'à un véritable mouvement d'opposition aux Lumières et à toute modernité, mouvement d'ailleurs difficile à identifier historiquement (les Jésuites, à la rigueur ?)...

     


    EN DERNIÈRE ANALYSE, après plus de 2 ans de travail et d'analyse antifasciste, il ressort que :

    => Il est erroné et même, à terme, suicidaire d'attendre le fascisme dans les même habits (idéologiques, pas la couleur des chemises...) qu'au siècle dernier. L'aspect moderne du fascisme fait que, justement, il ne revient jamais sous la même forme que dans le passé (l'aspect traditionnel, lui, faisant qu'il prend autant de formes que d’États bourgeois ou de régions du monde différentes). On oublie souvent, à vrai dire, que le mot fascisme désigne à l'origine un phénomène purement italien (et le nazisme, un phénomène purement allemand) : c'est le mouvement communiste qui a donné au mot une signification universelle ; mais le fascisme italien et le nazisme allemand étaient très différents entre eux et très différents du franquisme, du salazarisme, des idéologies françaises maurrassienne et Croix-de-Feu, du national-catholicisme présidant aux dictatures sud-américaines etc. Depuis 1945, ont également vu le jour des fascismes "non-blancs" : l'"authenticité" de Mobutu au Congo, l'idéologie du Golkar en Indonésie, le fascisme hindou, le "confucianisme ultra-autoritaire" des dictatures de Corée du Sud et de Taïwan (repris aujourd'hui par la Chine "populaire") etc. ; sans oublier les diverses variantes de réaction religieuse islamique ; ou au contraire de "modernisme" laïc à la Ben Ali, Moubarak ou Assad.

    Il ne faut donc pas essayer d'identifier le fascisme par des caractéristiques stéréotypées, de type "antisémitisme comme anticapitalisme romantique", puisque tant le fascisme italien (jusqu'à la fin des années 30) qu'Anders Behring Breivik récemment (ou encore l'English Defence League, ou Geert Wilders) montrent que l'on peut être fasciste sans être nullement antisémite. Idem pour l'idée de "fascisme né à gauche", puisqu'en Europe ces dernières années, c'est souvent la mutation de vieux partis conservateurs (UDC suisse, Parti du Progrès norvégien) voire "libéraux" (FPÖ autrichien) ou de "leaders" issus de ceux-ci (Wilders aux Pays-Bas) qui engendrent des "formes politiques" inquiétantes. En France, Le Pen a toujours été un militant "à la droite de la droite", jamais proche de la gauche d'aucune manière. L'on découvre également qu'il existe des courants fascistes dans les minorités, et non pas au service du pays où ils opèrent, mais de pays étrangers : l'extrême-droite sioniste dans la minorité juive au service de l’État israélien (même si celui-ci est largement lié à l'impérialisme français et aux impérialismes occidentaux en général) ; ou le salafisme réactionnaire au service des "plans" du capital suraccumulé du Golfe arabo-persique. Bref, dans tous les cas IL FAUT POURFENDRE LE SCHÉMATISME, qui "désarme le prolétariat contre son plus mortel ennemi" comme le disait déjà Dimitrov dans les années 1930.

    => Le fascisme doit donc être caractérisé dans les grandes lignes, de la manière LA PLUS SYNTHÉTIQUE possible. Il faut éviter toute caractéristique "superflue" qui conduirait à voir du fascisme là où il n'y en a pas, ou (plus grave) inversement, ne pas voir le fascisme là où IL Y A fascisme. Quelles grandes caractéristiques générales peut-on dégager ?

    => SUR LES BUTS :

    1°/ Réorganiser EN PROFONDEUR le système capitaliste du pays donné pour CONTRER LA CHUTE DU TAUX DU PROFIT (ou, carrément, la diminution de la masse de profit à capital croissant : ce que l'on appelle la surproduction de capital). Ou bien, RETROUVER un "rang" perdu au niveau mondial, continental ou régional (Allemagne avec le nazisme, Serbie des années 1990, Russie avec Poutine). Une autre version consisterait, au contraire, à "émerger" en tant que puissance mondiale, continentale ou régionale : comme l'Italie ou le Japon des années 20-30, la Chine ou l'Iran aujourd'hui.

    2°/ Barrer la route à une situation révolutionnaire en développement (qui se développe parallèlement à la crise capitaliste évoquée ci-dessus). C'est un aspect essentiel du fascisme "ouvert", terroriste brutal que l'on a connu un peu partout dans le monde au siècle dernier. En son absence, on aurait plutôt ce que le PCmF appelle "fascisme moderne". C'était l'aspect principal en Espagne franquiste, au Portugal salazariste ou dans les régimes fascistes latino-américains ou asiatiques, dans certains pays d'Afrique (comme le "Zaïre" de Mobutu), en Grèce (colonels) ou en Turquie, en Iran sous le Shah etc. pendant la "Guerre froide". Ou encore en Colombie aujourd'hui.

    3°/ Préparer "les cœurs et les esprits" à la guerre de repartage impérialiste du monde ; par une grande mobilisation de masse réactionnaire, militariste, chauvine etc. En temps de crise générale du capitalisme, c'est une caractéristique constante : que l'on ait une grande puissance voulant enrayer son déclin, une puissance "déchue" voulant "retrouver son rang", une puissance "émergente" (mondiale, continentale ou régionale) voulant se tailler un "pré carré" etc.

    => SUR LA FORME (idéologie, méthodes etc.) :

    1°/ C'est dans tous les cas une mobilisation de masse ; une mobilisation RÉACTIONNAIRE tournée vers les trois buts (ou au moins un ou deux des trois) ci-dessus ;

    2°/ Les entraves posées à la réalisation de ces objectifs par le libéralisme bourgeois, les courants de pensée humanistes et universalistes de la bourgeoisie, sont levés en mobilisant "l'opinion" dans ce sens ;

    3°/ L'idéologie s'inscrit dans le PROLONGEMENT DE LA TRADITION RÉACTIONNAIRE NATIONALE ; elle ne tombe jamais du ciel. Le nazisme était l'héritier total des courants idéologiques réactionnaires du IIe Reich : pangermanisme, visées impérialistes anti-slaves vers l'Est, national-conservatisme aux forts accents "sociaux", le tout baigné dans un profond antisémitisme (qui, à la toute fin du 19e siècle, quitte le terrain de l'anti-judaïsme chrétien pour devenir "biologique"). Ce n'est pas un hasard si en 1936 le régime nazi rendait hommage à Frédéric II de Prusse (mort 150 ans plus tôt), "despote éclairé" ami de... Voltaire (ce qui pose en outre la question du caractère "anti-Lumières" du national-socialisme) et précurseur dans son royaume de Prusse de l'État moderne allemand. Parfois il y a PLUSIEURS traditions réactionnaires nationales, comme en Autriche (tradition pangermaniste/nazie et tradition national-catholique/austro-fasciste) ou en Argentine (tradition national-populiste péroniste et tradition plus "national-catholique" ultra-réactionnaire des juntes militaires). En France aussi, l’on peut dire qu'il y a deux "traditions". L'une "légitimiste" (le terme est réducteur), plutôt héritière de la contre-révolution anti-démocratique (déjà) de 1789-1815, du "Parti de l'Ordre" de 1848 et 1871 jusqu'à Pétain en passant par Maurras ; capable de faire "entorse" au patriotisme de rigueur pour préserver la classe dominante d'une situation révolutionnaire (Émigrés de 1789-1815 avec les puissances coalisées, Réaction de 1871 avec l'occupant prussien, Pétain bien sûr avec l'occupant nazi) : c'est le "pétainisme transcendental" de Sarkozy selon Badiou ; bien que Sarkozy soit assez "atypique" par rapport à cette tradition (citadin, parisien, homme moderne, divorcé et remarié etc., mais il faut plutôt regarder vers ses "éminences grises" tels Hortefeux, Guéant et surtout Buisson) et que la situation n'ait bien sûr rien à voir (pas de situation révolutionnaire en fort développement, pas de "catastrophe nationale" comme la défaite de 1940, 1870 ou déjà 1814). Un Philippe de Villiers s'inscrit également dans cette tradition, ainsi que CPNT ou encore les Identitaires pour le côté "défense des mille terroirs". L'autre est la tradition "césariste", plus "social-populiste" (légitimité populaire et non "transcendante", "France éternelle" etc.) et "moderniste", plus intransigeante sur le nationalisme (cherchant le "rassemblement national" plutôt que l'alliance étrangère), plus "étatiste" et "centraliste" aussi ; tradition qui va du bonapartisme (Napoléon Ier et Napoléon III) à De Gaulle en passant par Boulanger et La Rocque et qui se cherche à présent un héritier - ou une héritière, que Marine Le Pen prétend être.

    4°/ Voulant réorganiser en profondeur la société capitaliste pour sortir de la crise, et mobiliser les masses pour réaliser ses objectifs, le fascisme doit se présenter sous les habits de la MODERNITÉ, il doit "vivre avec son temps". Il doit même se présenter comme, finalement, "révolutionnaire", une "droite révolutionnaire". "Je suis révolutionnaire et réactionnaire selon les circonstances", disait Mussolini au temps où le fascisme cherchait encore ses mots. Aujourd'hui, un Éric Zemmour dirait que "être révolutionnaire de nos jours, c'est être réac", car la "vraie dictature" est celle de la "bien-pensance" et des "intellectuels de gauche" (autrement dit : des restes de pensée démocratique-humaniste-universaliste bourgeoise et des 150 ans d'influence du mouvement révolutionnaire sur la société). Même Pétain, issu de l'ultra-conservatisme, du "légitimisme" façon 19e siècle, parlait ainsi de "Révolution nationale" et accueillit dans son gouvernement et ses institutions un grand nombre de "modernistes", "planistes", "technocrates", "néo-socialistes" etc. (sans quoi il n'aurait pas eu l'élément de modernité qui manque au "classique" conservatisme monarchiste national-catholique pour constituer un fascisme). De même, le vieil ultra-conservateur catholique Franco s'appuya sur la Phalange (d'abord) puis sur les "technocrates" liés à l'Opus Dei, qui mirent en œuvre le "miracle économique espagnol" des années 1960-70 ; tandis que son homologue chilien Pinochet s'appuya sur les "Chicago boys" néo-libéraux. Sarkozy, avec son idéologie "néo-libérale", "reagano-thatchérienne", est peut-être finalement la "touche" de modernité qu'il fallait à cette vieille réaction passée du pétainisme passif au MRP ou aux "indépendants-paysans" (CNIP), puis des "républicains indépendants" au giscardisme et enfin au balladurisme en passant par le Parti républicain (1977-97), matrice du "thatchérisme à la française". N'oublions pas, aussi, qu'il a fondé sa carrière politique sur une autre vieille tradition réactionnaire bien française : celle du "Fouché", du tout-puissant "premier flic" Ministre de l'Intérieur, comme avant lui Clemenceau, Jules Moch ou Mitterrand, Marcellin ou Pasqua, etc. Lorsque la classe dominante tangue et, donc, se durcit face aux masses populaires, il lui faut un "Fouché" à l'Intérieur : qui sera le Ministre de l'Intérieur de Marine Le Pen est une carte qu'elle devra abattre tôt ou tard si elle assume réellement la conquête du pouvoir.

    Voilà les caractéristiques générales et universelles que l'on peut dégager, en dernière analyse, de l'étude du fascisme dans l’État "France" comme ailleurs. 


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    Les Identitaires niçois commémorant la bataille navale de Lépante contre les Ottomans en 1571.
    On notera, sur le côté gauche, le drapeau européen dont l'usage est caractéristique de cette organisation.

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    "Paris ne sera jamais qatari" ; expression radicale de la nervosité impérialiste BBR face aux "forces émergentes" dans l'arène capitaliste mondiale...

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    Nouvelle organisation née en région lyonnaise (issue du vieux cercle maurasso-pétainiste "l'Œuvre française"), les Jeunesses nationalistes commencent à damer le pion aux Identitaires sur une ligne encore plus radicale (mais, peut-être, d'un nationalisme trop "étroit" pour vraiment correspondre aux besoins des monopoles)

     


    En lien avec ce qui précède, voici en ANNEXE un article fort intéressant qui se penche sur (et essaye de trancher) la plus-que-sexagénaire question de la causalité du génocide nazi des Juifs d'Europe : 


    SHOAH : et s’il y avait PLUSIEURS explications ?


    En réalité, le grand problème vient peut-être tout simplement du fait que l'on s'obstine à ne voir derrière la Shoah QU'UNE SEULE explication ; alors que voir derrière un crime d'une telle ampleur la CONVERGENCE de plusieurs facteurs serait pourtant bien plus plausible...
    Suivant ce raisonnement, TOUTES les explications données jusqu'à ce jour au génocide des Juifs d'Europe pourraient bien être (chacune) une partie de la "décision finale" incubée dans les années 1930 et finalement "accouchée" en janvier 1942 à Wannsee.

    1/ La thèse marxiste "classique" : assimilation des Juifs aux mouvements socialiste et communiste, à un "virus" de ceux-ci, par leur surreprésentation dans ces mouvements politiques (et par la surreprésentation de la bourgeoisie juive dans les courants "libéraux-démocrates" de la bourgeoisie, les courants "laxistes envers le marxisme"). La Shoah rejoint ici la politique "générale" d'extermination politique du nazisme, les Juifs étant considérés (des nouveau-nés jusqu'aux vieillards) comme un "corps politique organique" antagoniste au projet politique nazi. On retrouverait cela dans ce qui serait, dit-on, le premier ordre "informel" d'Hitler à Himmler dans le sens de l'extermination : « Question juive ? À exterminer comme des partisans. » (décembre 1939, après l'invasion et l'occupation de la Pologne, donc). Dans une veine légèrement différente, celle du délire "chevaliers teutoniques" des nazis, les Juifs pouvaient également être considérés comme des "khazars" et donc comme une "incarnation de l'Asie", au même titre que le communisme, "Asie" que le IIIe Reich s'était donné pour mission de "rejeter dans les steppes" ;

    2/ La thèse de l'"anticapitalisme romantique" ou du "socialisme féodal" : un rejet petit et moyen-bourgeois de la "froide machine du Grand Capital" d'après la révolution bourgeoise ; mais un rejet tourné vers le passé, passé idéalisé d'avant cette révolution, lorsque le capitalisme existait, bien sûr (depuis le Moyen Âge), mais était "encadré" par la monarchie, les ordres, les corporations, les Églises et la "morale chrétienne", etc. Ce "socialisme féodal" est bien sûr foncièrement antisémite, puisque l'un des aspects les plus marquants et "emblématiques" de la révolution bourgeoise est l'émancipation des Juifs, la "sortie du ghetto" et leur inclusion (comme "nouveaux concurrents") dans la communauté économique nationale (laquelle se trouvait, dans le même temps, "dérégulée" par la fin des corporations) ;

    3/ La thèse de la Shoah comme "machine à détruire de la valeur", qui part finalement de ce qui précède et rejoint ce qui va suivre (l'"insurrection" contre la surproduction absolue de capital) ; mais qui comme seule explication n'expliquerait que l'extermination de Juifs aisés et cultivés, pouvant être supposés "avoir du pouvoir" et "incarner la valeur" (image que l'Occident il est vrai, et sans doute Postone lui-même, a du Juif victime de la Shoah depuis la série Holocauste) et non des Juifs misérables, "pouilleux" et généralement socialistes ou communistes des shtetl de l'Est ;

    4/ La thèse "fonctionnaliste" des historiens bourgeois, selon laquelle seule l'impossibilité d'expulser les Juifs (vers les Amériques, la Palestine, Madagascar ou autres) aurait décidé de leur extermination. Il est vrai que dans ses écrits des années 1920 et 1930, jusqu'à sa prise de pouvoir, Hitler a surtout parlé de ségrégation et d'expulsion. Il évoque certes dans Mein Kampf "l'extermination de douze mille coquins" (par gaz, déjà) mais ce n'est (donc) pas une extermination générale (puisqu'il y avait alors 500.000 Juifs en Allemagne et plus de 10 millions en Europe). C'est en janvier 1939 qu'il déclare qu'une nouvelle guerre mondiale conduirait à "l'anéantissement de la race juive en Europe". Néanmoins, l'extermination ne suit pas un schéma planifié jusqu'au début 1942. Ian Kershaw évoque (avant Wannsee) l'importance des initiatives locales des gauleiters, en Pologne et en Ukraine, dans une rivalité sordide pour tenir en premier la promesse faite à Hitler de "germaniser leur territoire en 10 ans" (ceci serait, donc, derrière la "Shoah par balle" et les conditions de vie exterminatrices des ghettos de l'Est). En réalité, il est fort possible que la "Solution finale" n'ait été décidée que faute de pouvoir déporter massivement les Juifs hors de l'Europe conquise ; cependant la rapidité avec laquelle elle s'est mise en place laisse à penser qu'elle a toujours été envisagée comme "plan B" (rejoignant ainsi la thèse "intentionnaliste").

    5/ La thèse bordiguiste elle-même ("Auschwitz ou le grand alibi", titre inutilement provocateur) n'est pas à rejeter catégoriquement, si elle est considérée comme une partie de l'explication et non comme sa totalité : c'est la thèse considérant que, face à la pression du Grand Capital et à la crise du capitalisme, la petite/moyenne bourgeoisie a choisi de "sacrifier" une partie d'elle-même (les Juifs) pour se sauver en tant que classe... Le fait que les bordiguistes fassent, à tort, de tous les Juifs des petits bourgeois ne disqualifie pas totalement la thèse puisque le même raisonnement pourrait s'appliquer au salariat (laminé par la crise) vis-à-vis du salariat juif ; ce que l'on retrouverait aujourd'hui chez les travailleurs (salariés) en butte au chômage et mettant en cause "les immigrés" perçus comme des "concurrents", et non la crise du capitalisme et le capitalisme lui-même. Cette thèse a pour limites les limites du bordiguisme en général : elle est "économiste mécanique", elle fait (comme chez les trotskystes) de la petite/moyenne bourgeoisie l'élément moteur du phénomène fasciste et elle nie que les communistes ne doivent pas lutter de la même manière contre un régime "libéral", ou même "conservateur", et contre un régime fasciste : les tactiques, les alliances etc. ne sont pas les mêmes (le fascisme se distingue du "conservatisme autoritaire" par la mobilisation de masse, ce qui implique donc une analyse et une pratique particulière sous peine de débordement et d'écrasement des communistes par la mobilisation fasciste). Elle a néanmoins le mérite de bien placer la Shoah, quelle que soit l'horreur que celle-ci inspire, dans le prolongement de la logique impérialiste ; contre l'historiographie bourgeoise qui cherche à faire du nazisme un "accident de l'histoire", une "anomalie", une "folie collective" afin d'absoudre le capitalisme de ce qui n'est que ses ultimes conséquences, son ultime pourrissement barbare. Elle n'est en revanche valide que pour l'Allemagne (berceau de l'antisémitisme nazi) où les Juifs, progressivement émancipés au 19e siècle, avaient connu une ascension sociale fulgurante (misérables au 18e siècle, ils appartiennent en quasi-totalité aux classes moyennes à la fin du 19e, contre seulement 25% au début) ; elle n'est plus valide dès que l'on sort des frontières de ce pays (Juifs très pauvres et ghettoïsés de l'Est, nombreux dans la classe ouvrière au début du 20e siècle, ou encore Juifs néerlandais majoritairement ouvriers). Et elle fait (classiquement pour le bordiguisme comme pour le trotskysme) de la petite et moyenne bourgeoisie allemande (avec son antisémitisme) le moteur du phénomène nazi, alors que Dimitrov nous enseigne que ce sont au contraire les monopoles, la très grande bourgeoisie qui poussent en avant le fascisme (mais le sentiment décrit par l'article a pu, en revanche, aider le Grand Capital via le NSDAP à mobiliser la petite bourgeoisie, ça oui)...

    Ce sont donc en réalité toutes ces logiques qui ont vraisemblablement convergé, dans l'esprit des décideurs nazis, pour aboutir à la Solution finale. Car toutes ces logiques ont, finalement, un dénominateur commun : le nazisme comme le fascisme en général est une forme particulièrement virulente de MOBILISATION RÉACTIONNAIRE DE MASSE par les capitalistes, mobilisation dans une INSURRECTION DU CAPITALISME CONTRE SA PROPRE CRISE qui est une crise générale par SURPRODUCTION ABSOLUE DE CAPITAL. Une crise qui ne peut se résoudre que PAR LA GUERRE TOTALE entendue comme DESTRUCTION DE FORCES PRODUCTIVES ; cependant cette résolution ne suit pas un "plan" préétabli par un quelconque "comité" caché on-ne-sait-où, elle se déroule de manière empirique, d'où les formes très multiples de mobilisation réactionnaire qui voient le jour : ce peut être une mobilisation chauvine et militariste contre des nations voisines par exemple, mais aussi (et/ou) une mobilisation xénophobe contre "l'étranger intérieur", avec la forme particulière qu'est l'antisémitisme... Cette mobilisation est le fait de la classe capitaliste dans son ensemble (petits, moyens et grands) mais l'élément moteur, à l'époque impérialiste, ne peut être que le GRAND capital (contrairement aux thèses bordiguistes et trotskystes). 

    Dans le prolongement de l'antisémitisme comme "anticapitalisme féodal" se trouve notamment l'identité partielle entre antisémitisme et dénonciation de la "finance", du "capital errant", de la "spéculation"... Or cette dénonciation est TYPIQUEMENT l'expression de l’insurrection du capitalisme contre sa propre crise, puisque la "financiarisation" et la "spéculation" sont des manifestations particulièrement visibles de la surproduction absolue de capital : puisque PRODUIRE dégagerait non seulement un taux de profit mais même une MASSE de profit inférieure à celle dégagée avec un capital moindre, on cherche alors à "faire de l'argent avec de l'argent", ce qui va impacter férocement l'économie réelle (déjà mal en point) puisque l'on est bien obligé d'"asseoir" cet argent (valeur "symbolisée") sur de la valeur réelle (matières premières, produits de première nécessité, produit intérieur d'un pays entier en spéculant sur sa monnaie ou sa dette, etc.). Pris de folie face à sa propre crise, le capitalisme ne pourra pas en pointer la cause, puisque cette cause est lui-même (son propre mécanisme de fonctionnement, comme mode de production) ; il va donc en pointer le symptôme qu'est la spéculation. Il va vouloir la "détruire", mais il ne peut pas, vu que les flux financiers sont immatériels et que l'on ne peut détruire que des choses matérielles. Il est donc possible (thèse n°3) que les Juifs européens victimes de la Shoah aient été une "matérialisation" (terrible et barbare) de cette "spéculation" à détruire, par l'assimilation (médiévale) des Juifs au prêt à intérêt, à "l'usure"... Ce serait là une partie de l'explication (globalement les thèses 2 et 3). 

    D'autre part, les couches intermédiaires de la société (petite et moyenne bourgeoisie, paysans propriétaires, salariés "favorisés") sont "prises à la gorge" par la crise mais dans l'incapacité culturelle (nature de classe) de remettre en cause le capitalisme lui-même. Elles vont donc trouver des "boucs émissaires" à leur situation, qui est vécue comme le résultat d'une "concurrence déloyale" (soit entre "boutiquiers", soit sur le marché du travail). On rejoint là en partie la thèse n°2, ainsi que la thèse bordiguiste (n°5). Aujourd'hui, chez les salariés, cette réaction spontanée à la crise qu'ils subissent est largement tournée vers la "concurrence immigrée" et "les payés-à-rien-foutre" qui "plomberaient l'économie". Chez les "boutiquiers", elle est détournée vers "les assistés" qui sont la cause des "charges" ainsi que vers "l'insécurité galopante". Donc, globalement, vers "l'immigration" (la force de travail d'origine extra-européenne, et ses descendants). C'est la rhétorique "visionnaire" que (notamment) François Duprat avait "soufflée" à Jean-Marie Le Pen dans les années 1970, donnant au FN son thème de prédilection (et la base de son succès) depuis lors…

    Enfin, il existe une AUTRE "porte de sortie" à la crise générale du capitalisme... mais qui est la TERREUR des bourgeois : c'est bien sûr la révolution prolétarienne. "L'idée communiste" subvertit tellement leur vision du monde qu'elle ne peut pas être le produit d'une société "saine" : elle doit donc résulter d'une "contamination" de la société nationale par un "corps étranger", qu'il faut "extirper". On retrouve là la thèse n°1 et, d'une manière générale, une cause importante de la haine contre toutes les minorités (qui sont, spontanément, surreprésentées dans les mouvements progressistes et révolutionnaires).

    Le grand "casse-tête" des historiens marxistes "mécanistes" depuis plus de 60 ans est le fait que la Shoah n'ait strictement avancé à rien l'impérialisme allemand, sinon peut-être à précipiter sa défaite en mobilisant des forces considérables dans une entreprise à la valeur ajoutée très faible, pour ne pas dire nulle (on faisait certes travailler gratuitement les hommes valides mais leur productivité était très faible et leur espérance de vie rarement supérieure à un an ; les valeurs spoliées aux exterminé-e-s pouvaient faire la fortune d'individus mais étaient marginales pour le Reich lui-même, etc.).

    Mais voilà ! Peut-on dire, en vérité, qu'une seule des solutions apportées par le capitalisme à sa propre crise soit rationnelle ??? Entre 1900 et 1950, les deux guerres mondiales plus une multiplicité des conflits localisés, plus les régimes tournés vers cet objectif de guerre (sans oublier, bien sûr, l'objectif de contre-révolution) ont englouti peut-être 70 ou 80 millions de vies humaines. Et qu'en est-il sorti ? Moins de 30 ans de réelle reprise de la valorisation du capital... Tout ça pour ça ! Et même entre 1945 et les années 1980 les guerres (de la "décolonisation", de la "Guerre froide") n'ont jamais cessé, dans une optique semi-contre-révolutionnaire semi-inter-impérialiste, tuant peut-être encore 15 ou 20 millions de personnes. Puis, dès "l'Empire du Mal" soviétique abattu, alors que l'on annonçait une "ère de paix et de démocratie" éternelle, elles ont immédiatement repris pour le repartage du monde, avec à nouveau l'ombre du génocide planant sur l'Afrique, le Caucase, les Balkans... RIEN ne peut, en réalité, sortir véritablement le capitalisme de la crise généralisée dans laquelle il se débat depuis les années 1870 ! AUCUNE solution émanant de la classe capitaliste n'est rationnelle. À partir de là, où fixer les limites de "l'irrationnel" ? Au début des années 1930, l'impérialisme allemand avait un projet d'Empire et d'"espace vital" européen de l'Atlantique à la Caspienne, projet matérialisé politiquement dans le nazisme. Ce projet comprenait, au sein du "package", l'élimination (expulsion ou à défaut extermination) de la population juive du continent, pour l'ensemble des raisons exposées plus haut : "virus du marxisme", "corps organiquement étranger" et hostile au projet, "incarnation de la finance" (= de la surproduction de capital), "concurrente" des capitalistes allemands (petits, moyens et grands), etc. etc. Ce projet s'est heurté à tellement de concurrents impérialistes, sans oublier l'URSS (dont il impliquait l'anéantissement), qu'il a finalement mené l'Allemagne à la plus grande ruine de son histoire, "l'année zéro" 1945 ; avant qu’elle ne "ressuscite" (grâce au plan Marshall) comme "vitrine de l'Occident" face au "bloc" soviétique. Pas plus qu'elle ne pouvait avancer à quoi que ce soit, la Shoah n'a pas à elle seule "fait perdre" l'impérialisme allemand : c'est l'ensemble du projet qui était suicidaire et d'ailleurs, à partir de 1943, des éléments tenteront de se débarrasser de la haute direction nazie pour "recentrer" les ambitions contre la seule URSS (ces tentatives échoueront). Dès lors, à partir de quelle "ligne jaune" le nazisme "bascule"-t-il dans l'irrationnel ? L'impérialisme allemand d'après 1918 était un fauve blessé et en furie : RIEN dans son comportement n'était rationnel ; pas plus la Shoah que le reste.

    La seule "rationalité" à saisir c'est que le capitalisme en crise générale n'a PAS de réelle porte de sortie à long terme, qui ne peut être que la révolution prolétarienne. Il ne peut sortir la tête de l'eau, au maximum, que pour une génération. Comme la révolution prolétarienne implique la disparition de la bourgeoisie en tant que classe (entrepreneurs capitalistes et "cadres" divers du système), celle-ci ne peut accepter cette solution, qui est pourtant la seule. Elle va donc tenter TOUT ce qui lui passe par la tête, tout ce qui peut lui sembler être une solution pour sortir de la situation ; sans que cela ne soit jamais (en tant que tel) LA solution : c'est seulement lorsque l'ensemble (mondial) des "brillantes" solutions de la classe capitaliste (généralement, résumé à l'extrême : "il suffit de casser la gueule" à tels ou telles) aura amené une destruction suffisante de capital sur-accumulé (essentiellement sous forme de forces productives) que l'accumulation pourra reprendre pour quelques décennies.

    Dès lors, si un ensemble de "raisonnements" réactionnaires convergent dans ce sens... on peut en arriver, le plus "naturellement" du monde, à un investissement faramineux et à perte pour exterminer industriellement 6 millions de personnes. Tout simplement !

    Il ne s'agira pas de "mettre sur le même plan" la Shoah avec quoi que ce soit (on peut se faire accuser de "négationnisme" pour moins que cela...), mais simplement de prendre un exemple plus récent : prenons la guerre en Irak. Humainement, le bilan serait de 162.000 mort-e-s (dont 5.000 envahisseurs impérialistes) dans la violence proprement dite et une surmortalité "globale" de l'ordre d'un million de personnes (par rapport au nombre de personnes qui auraient "normalement" dû mourir depuis le printemps 2003). Idéologiquement, elle baigne dans le marigot devenu le nouvel étendard des extrême-droites occidentales : la "guerre des civilisations", la guerre contre le "terrorisme", irrémédiablement associé à la religion musulmane. Elle a été portée par l'idéologie "néo-conservatrice" qui prétend, au nom de la "démocratie" bourgeoise, mettre la planète entière sous l'hégémonie unique ("unipolaire") des État-Unis et de leurs proches alliés. Et FINANCIÈREMENT, combien a-t-elle coûté ? À l’État fédéral US, on l'estime à 3.000 MILLIARDS de dollars ; au-delà, il est difficile d'évaluer le coût pour les économies de la coalition toute entière. Et qu'aura-t-elle rapporté aux pays coalisés ? Financièrement, prenons les paris qu'elle en aura rapporté de l'ordre de 10 fois moins ; et politiquement c'est le désastre que l'on connaît : le Sud arabe chiite du pays est devenu de facto un protectorat de l'Iran (autre ennemi juré) et le Nord arabe sunnite est aux mains de groupes djihadistes plus ou moins liés à Al-Qaïda (que les guerres de Bush et Cheney prétendaient éradiquer) ou encore pires, qui ont souvent (d'ailleurs) "recyclés" bon nombres de partisans et de combattants de l'ancien régime de Saddam Hussein [MÀJ : en 2014 l'un de ces groupes, l'"État islamique" ou Daesh, a tout simplement pris le contrôle de la région où il a proclamé un "califat", obligeant les Occidentaux à intervenir de nouveau]. Seul le Kurdistan autonome (tout au Nord-Est) peut être relativement considéré comme "dans l'orbite" des pays impérialistes de l'ancienne coalition (encore que l'Iran et la Turquie, qui n'en faisaient pas partie, y exercent une influence non-négligeable). Comme pour la Shoah avec l'impérialisme allemand, on pourrait donc légitimement se demander ce que cette "exécution militaire" d'un pays de 25 millions d'habitant-e-s a concrètement rapporté à l'impérialisme US et à ses alliés...

    La réalité est qu'il n'y aucune logique comptable "rationnelle" à rechercher derrière tout cela. Le capitalisme est pris dans une "spirale de l'impossible" pour tenter de se sauver en tant que mode de production historiquement condamné. Il ne peut que commettre les uns après les autres TOUS LES CRIMES, sous les prétextes les plus fallacieux ou délirants (les "armes de destruction massive" en Irak n'existaient pas ; et n'invoquait-on pas, dans les Balkans, le souvenir de batailles du 14e siècle ?), jusqu'à ce qu'"empiriquement" le taux de profit remonte...


    [Au sujet de tout cela, lire ici : http://quefaire.lautre.net/Marxisme-et-holocauste - article "férocement trotskyste" mais non moins intéressant]

     


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