• Fascisme et antifascisme de notre époque


    La convention des Identitaires à Orange et - surtout ! car des conventions ils en font tous les ans... - le projet de listes communes avec le MPF de Jacques Bompard en PACA  (MPF lui-même "intégré" depuis peu à l'UMP !) marque sans doute possible l'entrée dans une nouvelle ère.

    Sur le modèle de ses homologues italiens, mais également d'autres mouvements en Europe, un courant de l'extrême-droite populiste et xénophobe (en un mot, FASCISTE) a décidé d'assumer la question du pouvoir. Rompant avec plus de 25 ans "au seuil" de la politique bourgeoise, 25 ans de lobbying (certes efficace puisque ses thématiques ont peu à peu envahi le débat politique bourgeois), d'activisme médiatique et de posture "contestataire" de l'extrême-droite, rassemblée dans le FN.

    Un séisme bien moins spectaculaire, mais bien plus important pour l'avenir (qui s'assombrit terriblement) que la présence de Le Pen au second tour en 2002 - le bon sens élémentaire suffisait alors à voir qu'il n'avait aucune chance de l'emporter, et que cette présence n'était que le résultat "accidentel" d'une campagne électorale entièrement basée sur l'insécurité et la peur de l'autre.

    La question du pouvoir, hormis à un niveau très local, n'avait jusqu'alors été assumée très vite fait qu'en 1998, avec le "soutien sans participation" à quelques présidents de région de droite, initiative de Bruno Mégret, dont l'échec devant le tollé "républicain" (bourgeois) avait finalement conduit à une scission du FN et à quelques années "noires".

    L'heure est donc grave. En Italie, c'est depuis le début des années 1990 qu'une extrême-droite néo-fasciste "respectabilisée" et "pragmatique" s'est infiltrée dans la recomposition politique bourgeoise, sur un modèle droite/gauche, après la fin de l'hégémonie démocrate-chrétienne. Longtemps elle est apparue comme l'instrument (parfois indocile) du pouvoir de Berlusconi.

    Mais aujourd'hui, la succession d'évènements de plus en plus sombres montre que la chose s'est transformée en son contraire, et que c'est Berlusconi et son parti qui sont devenus les jouets des nouveaux fascistes.

    Et c'est un processus similaire qui est maintenant enclenché dans notre pays.

    C'est l'occasion, pour nous, de rappeler nos conceptions sur la montée du fascisme à notre époque.

    Car il a été dit, sur ce sujet, tout et son contraire :

    - que le fascisme ne peut plus revenir, qu'il est un phénomène du "sombre 20e siècle" enterré à jamais : c'est la thèse libérale et sociale-libérale de la "démocratie indépassable", la thèse de la "Fin de l'Histoire". Mais elle déteint aussi sur de nombreux révolutionnaires et progressistes sincères, pour qui le fascisme, "meuh nooon ! on n'en est pas encore là..." ;

    - que le fascisme on s'en fout, que toutes les "dictatures bourgeoises" se valent : thèse anarchiste et trotskyste petite-bourgeoise (la petite-bourgeoisie, en effet, n'est pas aux "avant-postes" pour percevoir les changements de nature dans la dictature de classe). Aux moins ont-ils la cohérence de se l'appliquer à eux-même, "occidentaux". D'autres comprennent bien la différence fascisme/démocratie bourgeoise ici, mais pas dans les pays dominés où "toute les formes de domination se valent" selon eux - alors que ces peuples sont aux avant-postes des changement de nature de la domination impérialiste ;

    - la tendance - idéaliste - à voir le fascisme partout, à chaque loi scélérate, chaque nouveau ministre de l'Intérieur (y compris Chevènement)... Même s'il est exact que chaque nouvel occupant de la place Beauvau, chaque nouveau "paquet sécurité" concocté en Conseil des ministres est plus contre-révolutionnaire préventif que le précédent : cela s'inscrit dans la tendance générale à la fascisation ;

    - il y a enfin la ligne que l'on peut qualifier du "regarder ailleurs" : c'est la ligne développée dans le mouvement "antifa autonome", d'idéologie libertaire mais aussi marxiste (et notamment maoïste) inspiré du modèle d'outre-Rhin. Au nom de combattre le fascisme "culturellement", ce qui est effectivement une nécessité, on en vient à adopter une posture aristocratique vis à vis des masses, mais surtout à se concentrer sur des groupuscules, des "agitateurs médiatiques" comme Alain Soral (abonné de "Ce soir ou jamais") ou Dieudonné, dont le discours est incontestablement fasciste mais qui constituent des épiphénomènes de la tendance générale, ou des tendances marginales dont ni l'audience, ni le fond idéologique ne permettent d'assumer la question du pouvoir, ni même de "contaminer" le champ politique bourgeois comme a pu le faire le FN depuis plus de 20 ans.

    Cette ligne permet - commodément il faut le dire - de ne pas affronter l'aspect principal et le plus dangereux de la montée du fascisme : la fascisation rampante de l'État bourgeois.

    Cette ligne est celle du site "Contre-Informations" (taper ces mots clé sur Google, le site est en tête de liste) du PCMLM.

    Bien sûr, face à la contestation croissante de leurs analyses dans le mouvement ML/MLM, et surtout avec les développements de ces derniers jours, cette organisation peu nombreuse et présente uniquement (mais très présente) sur Internet se trouve obligée de réagir et de se justifier.

    Détenteurs autoproclamés de la "science MLM", ils ne détiennent guère, en tout cas, la science de l'autocritique ni de l'humilité de mise quand on est un groupuscule parmi d'autres.

    Cependant, leur analyse a la caractéristique d'assumer - de manière il faut le dire conséquente - une volonté scientifique. C'est pourquoi elle nous paraît intéressante pour exposer la nôtre.

    Dans un article intitulé : "Fascisme et appareil d'État, le psychodrame français du "nouveau fascisme", du totalitarisme larvé etc.", on peut lire : "En France, cette réalité est incomprise, et on s’imagine que le fascisme vient de l’intérieur de l’appareil d’État lui-même, tout comme Pétain et les collabos. Le fascisme s’imposerait sans trop de soucis dans la démocratie bourgeoise, « comme une lettre à la poste », il serait une « gangrène » contaminant sans contradictions l’État et la société, une sorte de penchant naturel de la démocratie bourgeoise, bref : une sorte de putsch tout en douceur."

    On a là l'alpha et l'oméga de la ligne du "regarder ailleurs". C'est une négation pure et simple de la dialectique : la transformation d'un chose en son contraire, sous la pression des circonstances (en ce qui nous concerne, la crise générale du capitalisme, la poussée des aspirations révolutionnaires dans les masses etc.), et sous l'effet d'une lutte, d'un affrontement intérieur (en politique, on parle de lutte de lignes).

    Non, le fascisme ne vient pas "du dehors", "d'ailleurs"... Il vient d'une mutation intérieure de la classe dominante, qui à notre époque et depuis plus d'un siècle est la bourgeoisie monopoliste - impérialiste.

    Le fascisme, défini par l'Internationale Communiste (Dimitrov) en 1934, c'est la dictature terroriste ouverte de la fraction la plus chauvine et la plus réactionnaire de la bourgeoisie impérialiste. Cette dictature terroriste a pour objectifs principaux la contre-révolution préventive et la guerre impérialiste.

    Idéologiquement, le fascisme est l'idéologie visant à la mobilisation de masse la plus large possible derrière ces objectifs.

    Tout le reste, toutes les "manifestations" du fascisme, culturelles, médiatiques, idéologiques, politiques (dans la pratique gouvernementale) ou "métapolitiques" (par des groupuscules "activistes" comme les Identitaires, ou des "figures de proue" comme Zemmour ou Soral), découlent de cette mutation. Le Bloc Identitaire en découle, Alain Soral et son "marxisme" réac, viriliste et antisémite en découlent.

    Fondamentalement, le fascisme ne provient pas des classes populaires, il est le résultat de l'influence idéologique bourgeoise sur celles-ci.

    Dans le communisme, les masses produisent l'idéologie révolutionnaire et "font" les leaders comme Lénine, Mao etc.

    Dans le fascisme, l'idéologie provient essentiellement de la bourgeoisie impérialiste, qui s'empare parfois de "sécrétions" idéologiques petite-bourgeoises (populisme) façonnées selon ses intérêts, et c'est la bourgeoisie qui "fait" le leader (parfois en prenant un "tribun" de la petite-bourgeoisie comme Hitler ou Mussolini, mais il n'est pas encore dit que cette technique soit reprise aujourd'hui), et le leader "fait" le mouvement de masse...

    Les analyses de Kurt Gossweiler, sur le nazisme, montrent bien que c'est le Grand Capital allemand, les monopoles, qui ont "fait" Hitler à partir d'un "agitateur" petit-bourgeois, populiste et antisémite - et surtout, anticommuniste.

    Pour le PCMLM, le fascisme est vu "comme phénomène de masse et permanent, d’arrestations arbitraires et d’emprisonnement pendant des années, de lois d’exception, d’enlèvements et d’exécutions sommaires, de tortures et de massacres, etc.", donc aujourd'hui sous Sarkozy, hier sous Pasqua ministre de l'Intérieur, ce n'est pas le fascisme.

    Nous ne considérons pas que nous sommes sous le fascisme. Mais le fascisme ne se réduit pas à cela, désolés...

    En réalité, la définition du PCMLM ne s'appliquerait qu'à l'Allemagne nazie, ou à la rigueur à la "guerre sale" en Argentine (1976-83). Mais après les violences qui ont émaillé ses débuts, dans un climat de guerre civile, le fascisme italien n'a pas été cela, jusqu'à la Seconde Guerre mondiale en tout cas, sauf pour les peuples des colonies (Libye 100.000 morts, Éthiopie 250.000...). Le fascisme portugais n'a jamais été cela, sauf encore pour les peuples colonisés. Le franquisme en Espagne, après "l'épuration" qui a logiquement suivi la guerre civile, n'a pas été cela.

    Le nazisme a été cela, mais le nazisme a été un état de guerre permanent, course à la guerre d'abord, puis guerre elle-même ensuite.

    Eh oui, sous le fascisme, "la vie continue" dans une très large mesure, ce n'est pas la "nuit noire", le "1984" fantasmé par la petite-bourgeoisie !

    Ce que nous voulons dire, c'est que le fascisme conduit à cela, puisqu'il s'inscrit dans la crise générale du capitalisme (hier la première, aujourd'hui la deuxième) qui conduit inéluctablement à la guerre, et à la poussée révolutionnaire donc à la contre-révolution, bref à "l'état d'urgence".

    Il est, face à la crise généralisée, l'idéologie qui mobilise les masses non dans le sens de la lutte de classe et de la révolution, mais dans le sens des intérêts des monopoles et de la réaction : contre-révolution et guerre impérialiste.

    Mais s'il faut attendre d'en être là pour combattre la fascisation de la dictature de classe bourgeoise, alors il est beaucoup trop tard !

    C'est précisément l'erreur qui a été commise au 20e siècle, et qui rejoint ce que nous disons plus haut : se concentrer sur l'aspect "activiste de rue", "propagande culturelle" du fascisme, et ne pas voir la tendance de fond dans laquelle il s'inscrit et à laquelle il se rattache : le changement de nature au sein même de la dictature bourgeoise.

    Le "psychodrame" que dénonce le PCMLM, c'est précisément éviter cette erreur, c'est chercher - et combattre - "le feu derrière la fumée".

    Ensuite, le PCMLM nous dit : "Ce qui n’empêche pas certains de se voiler la face, afin de pouvoir fantasmer et vivre la véritable passion française: le psychodrame. Voyant cela, ils disent qu’il ne peut justement plus y avoir le fascisme tel qu’il a existé (pourquoi? Mystère!) et que nous vivons donc dans un fascisme moderne, un nouveau fascisme, une démocratie bourgeoise de contre-révolution préventive, etc."

    Pourquoi (bien que ce soit une caricature, en tout cas concernant nos positions) ? Eh bien... Tout simplement parce que nous ne sommes plus au 20e siècle. Tout simplement à cause de quelques mots : Hitler, Shoah, Seconde Guerre Mondiale...

    Les fascistes ne sont pas stupides, ni bornés, en tout cas les fascistes sérieux. Ils vivent avec leur temps. De même que nous, communistes, apprenons de nos erreurs (en principe...), ils apprennent des leurs.

    Hitler a été le summum de la barbarie fasciste, mais il a surtout mené l'Allemagne au désastre. Mussolini, en le suivant, a fait de même avec l'Italie. Le communisme s'est emparé d'un tiers de la planète. La Shoah, dixit le vieil antisémite catholique Bernanos, a "déshonoré l'antisémitisme" : exit, donc, l'antisémitisme outrancier comme discours mobilisateur de masse. Le fascisme du 20e siècle, et le nazisme en particulier, n'est pas vraiment un modèle à suivre pour un fasciste d'aujourd'hui...

    Les fascistes de notre époque doivent tenir compte de cela, pour "faire mieux"... S'ils assument la question du pouvoir, ils doivent se démarquer d'une expérience unanimement présentée aux masses (car le fascisme vise cela, l'audience de masse) comme une catastrophe.

    Et puis, le fascisme du 20e siècle est né quelque peu "dans l'urgence" de la 1ère crise générale du capitalisme et de la première vague révolutionnaire mondiale, lorsque les vieux modèles bourgeois, conservatisme autoritaire ou parlementarisme libéral, se sont montrés inadaptés. Il n'a pas été une contre-révolution si "préventive" que cela : il a dû bien souvent "faire le ménage", liquider des forces révolutionnaires déjà conséquentes, avant d'instaurer un ordre stable.

    Aujourd'hui, les forces révolutionnaires de la "nouvelle vague" sont en reconstitution. La brutalité de la contre-révolution préventive va croître avec le niveau et la structuration de ces forces, comme un "bras de fer", il ne faut pas s'attendre à un déchaînement brutal à moins qu'il y ait du "retard" à rattraper.

    Enfin, nous sommes aujourd'hui, dans les pays impérialistes occidentaux, face à un type de fascisme inédit (nous présenterons prochainement une classification des fascismes) : le fascisme "de déclin", de crise terminale et irrémédiable. Le capitalisme impérialiste occidental se sait condamné, et tente de reculer l'échéance.

    Il n'y a pas eu de tel exemple au 20e siècle. Le nazisme était un fascisme de "redressement", de "régénération" : il serait comparable aujourd'hui au fascisme russe de Poutine. Le fascisme italien, le fascisme japonais étaient des fascismes de "projet monopoliste", de passage au monopolisme dans des pays qui ne l'étaient pas encore vraiment, associé aux nécessités de contre-révolution préventive. Ce qui correspondrait au comportement actuel de la Chine.

    La fascisation actuelle de nos sociétés ne peut pas - en réponse au PCMLM - être analysée à travers le seul prisme du fascisme au siècle dernier. Cela reviendrait à analyser celui-ci à travers le prisme du 19e siècle, du "bonapartisme", ce qui a d'ailleurs été fait et qui a eu des conséquences tragiques.

    Tout cela rejoint les analyses développées par le PCMLM suite à la "convention identitaire" du week-end dernier, qui les a obligé à réagir.

    Ils affirment haut et fort avoir "vu le danger" depuis 2 ans, alors que les masses et les révolutionnaires niçois, lyonnais, alsaciens, bretons le connaissent depuis bien plus longtemps (vive le parisianisme !), et alors qu'ils ont passé tout ce temps à focaliser sur Soral et Dieudonné, les infiltrations islamistes, nationalistes et négationnistes dans le mouvement pro-palestinien, les "dérives de l'extrême-gauche", les "ML - fachos de demain", etc.

    Et c'est pour ré-enchaîner aussitôt sur les "nationaliste-révolutionnaires" (les fascistes violemment anti-américains et anti-israéliens, quitte à adopter un posture "tiers-mondiste" pro-Iran, pro-Chavez, pro-Palestine et pro-Hezbollah, pro-russe et pro-chinoise, etc.), les "NR" qui resteraient, au fond,  le "principal danger".

    Les Identitaires, qui sont pour nous un phénomène parfaitement logique, dérangent leurs conceptions : antisionisme/antisémitisme au second voire au quinzième plan, anti-musulmans et anti-"basanés" (donc anti-Chavez, anti-Ahmadinejad...), européistes "civilisationnels" et "occidentalistes"... ils ne correspondent pas au "portrait robot".

    Ils sont en fait dans l'incapacité mentale de comprendre que, quand les fascistes se "responsabilisent", se "respectabilisent", mettent de l'eau dans leur vin notamment sur l'antisémitisme et l'expérience nazie, ils ne sont pas "moins dangereux"... Au contraire : c'est qu'ils assument la question du pouvoir !!!

    Soral et Dieudonné n'assument rien du tout : ils font du "buzz" médiatique et règlent leurs comptes avec l'extrême-gauche qui les a, selon eux, "rejetés", "pas soutenus" ou qui les "méprise". Ils règlent leurs comptes avec de prétendus "lobbies", avec les "bien-pensants". Ils se vengent en venant semer le trouble et discréditer le mouvement anti-impérialiste (dont la Palestine est la cause emblématique), en exploitant ses failles petite-bourgeoises idéalistes, son manque de lecture marxiste des problèmes.

    Ce faisant, bien sûr, ils servent complètement les intérêts de la bourgeoisie impérialiste. Mais ça s'arrête là : où est le potentiel de mobilisation, au delà d'une certaine petite-bourgeoisie d'origine arabe, turque ou africaine, et de quelques fils/filles à papa déclassé-e-s ?

    De même, le FN a largement démontré, face aux exemples venus de toute l'Europe, qu'il se complaisait dans une posture contestataire, activiste et lobbyiste.

    Les Identitaires ne sont pas "Sarko-compatibles", comme l'ont dénoncé certains éléments "NR" et proche du FN (Christian Bouchet) : c'est une lecture "personnalisée", petite-bourgeoise de l'histoire qui n'est pas celle des marxistes. Sarkozy, on s'en fout : ce n'est qu'un pion, qui peut éventuellement sauter s'il ne "suit pas le mouvement".

    Les Identitaires, et c'est là toute l'ampleur de la menace, sont surtout totalement dans la ligne de l'impérialisme français actuel : une "Europe forte" face aux USA mais aussi (surtout) face à la Chine et aux "émergents" non-européens (d'Amérique latine, du Golfe, de Turquie, d'Azanie etc.), guerre impérialiste pour le contrôle de "l'arc stratégique" qui va de la Méditerranée à l'Asie centrale (impliquant une contre-révolution préventive brutale contre les musulmans d'ici, qui vont s'opposer à ces plans), renvoi des immigrés dans leurs pays (où l'on peut les exploiter pour 1€ par jour, alors qu'ici...). Une ligne résumée dans le slogan "Européens et fiers de l'être", et des opérations comme récemment "Paris ne sera jamais qatari" (menée par les Identitaires de la capitale).

    Ils sont même prêts à "s'adapter", avec un grand pragmatisme, à tout éventuel "revirement" de la sratégie internationale de l'impérialisme BBR. Ainsi, ils refusent de se dire "occidentalistes" car, selon eux, cette conception "ferme la porte à la Russie" (dont ils espèrent le ralliement à la "Grande Europe-civilisation").

    Face à cela, bien sûr que les "NR" sont des fascistes ! Mais nous ne voyons pas, à court terme, ce qui pourrait faire d'eux la force motrice du changement de nature de la dictature bourgeoise. Ils ne sont pas un courant "traditionnel" de l'extrême-droite, mais existent seulement depuis les années 1960 (Thiriart), et n'ont réellement eu d'écho que lorsque l'impérialisme français était en contradiction profonde avec l'impérialisme US : dans les années 1960 avec De Gaulle, au moment des guerres africaines comme au Rwanda (époque de la fameuse manif "anti-américaine" du 9 mai 1994), ou encore lors de la guerre d'Irak.

    Quant aux "souverainistes", aux "nationalistes intégraux", ils ont une vision irréaliste des capacités de l'impérialisme français à faire "cavalier seul".

    Il est clair que la tendance au déclin des impérialismes occidentaux, face à une Russie et (surtout) une Chine qui montent, des capitalismes non-européens qui "émergent" (Amérique latine, pays du Golfe, Turquie, Iran, Afrique du Sud - Azanie), et qui s'emparent des "poussées" nationalistes dans les pays dominés, pousse plutôt les "déclinants" (Europe occidentale, USA, Japon) à resserrer les rangs qu'à s'entre-déchirer.

    Les choses peuvent bien sûr changer, mais nous ne voyons pas comment à court terme (sauf à imaginer que la Russie nous envahisse, les "NR" joueraient alors les collabos...).

    Il se peut, aussi, que la stratégie "d'intégration progressive" de l'extrême-droite dans la droite "de gouvernement" explose en vol, face aux contradictions de la bourgeoisie (opposition des "républicains", des "humanistes"), ouvrant la voie à une recomposition. Nous verrons en temps voulu...

    Nous ne sommes pas là pour faire de la politique-fiction, mais pour analyser concrètement le situation concrète !

     



    Antifascisme de notre époque (2) : le fascisme entre tradition et modernité


    Pour bien comprendre et combattre efficacement le fascisme, il faut cesser de le considérer comme une phénomène "à part", surgi d'ailleurs, un "OVNI" venu d'on-ne-sait où, ne se rattachant à aucune réalité antérieure et surgissant par magie dans une société démocratique bourgeoise, libérale-parlementaire "sans histoires"... 

    Et qui transforme en quelques jours cette démocratie bourgeoise solide et installée en une dictature sanguinaire, un régime de terreur noire. 

    Ceci est une erreur d'appréciation à notre avis grave (et répandue), qui empêche de lutter efficacement contre les premiers symptômes de fascisme et - surtout - ses racines dans la société, l'idéologie dominante et l'appareil politique, pour ne s'attaquer qu'à des épouvantails (comme Dieudonné, les négationnistes ou les petits groupes néo-nazis). 

    En 1933, l'Allemagne était une démocratie "libérale" bourgeoise depuis seulement 14 ans (fin de la 1ère Guerre mondiale) et encore, la présidence Hindenburg (vieux maréchal prussien) avait donné lieu dès 1925 à un sérieux "coup de barre" à droite, conservateur-autoritaire. 

    Le régime, la république de Weimar, était extrêmement incompétent (face à la crise économique), impopulaire et corrompu, et passait de surcroît pour complètement imposé et "à la botte" de l'étranger (les vainqueurs de 1918) : étranger à "l'âme allemande". 

    Le régime précédent, le IIe Reich (1871-1918), était un régime autoritaire et conservateur sous le masque d'une "monarchie parlementaire" et, de fait, une dictature de la vieille aristocratie militaire prussienne, les junkers (comme Hindenburg ou encore Ludendorff, qui montera le "putsch (raté) de la brasserie" en alliance avec Hitler avant de se distancier de lui). 

    Le nazisme n'est donc pas "tombé du ciel", amené par une bande d'extra-terrestres qui auraient pris le contrôle des esprits de tout un peuple.  Son idéologie, faite de nationalisme et de pangermanisme racial (tous les Allemands dans un seul Reich, "espace vital" à l'Est...), d'antisémitisme ("parti de l'étranger" à l'intérieur, "complot juif" pour la domination), d'antilibéralisme (idéologie autoritaire-conservatrice prussienne) et d'antisocialisme (comme toute dictature du Capital !) était déjà présente sous le IIe Reich, même si elle était moins "franche et ouverte" et même si elle ne contrôlait pas totalement les appareils de décision de l'État. Ainsi, "marqueur" par excellence du national-socialisme s'il en est, l'antisémitisme (contre une communauté juive qui avait connu une ascension sociale spectaculaire) était agité et diffusé dès la fin du 19e siècle par la droite ultra-conservatrice luthérienne ; tandis qu'à la même époque le mouvement socialiste d'August Bebel lui assénait la sentence définitive de "socialisme des imbéciles"...

    L'idéologie nazie s'inscrivait totalement dans la continuité idéologique des grands États modernes précurseurs de l'Empire allemand, comme la Bavière et (surtout) la Prusse : ce n'est pas un hasard si en 1936 (pour les 150 ans de sa mort) le IIIe  Reich rendait hommage à Frédéric II le Grand , "despote éclairé" ami de... Voltaire (ce qui pose en outre la question du caractère "anti-Lumières" supposé de cette idéologie), "père" de l'État prussien moderne et donc dans une large mesure de l'Allemagne. Le projet "maître" du nazisme, d'ailleurs, n'était pas tant l'extermination totale des Juifs (qui n'en était qu'un aspect) que le Generalplan Ost, autrement dit la soumission brutale de toute l'Europe orientale à l'impérialisme allemand (impliquant la destruction de l'URSS, d'où la complaisance du Grand Capital "démocratique" occidental envers Hitler) dans la continuité du vieux Drang nach Osten médiéval. Lequel avait donné lieu (13e-14e siècles) à la sanglante colonisation des actuels Pays baltes et du Nord-Est de la Pologne par l'Ordre teutonique ; colonisation à l'origine... du royaume de Prusse de Frédéric II lui-même (qui a en fait pris le nom de sa colonie, la région de Berlin s'appelant le Brandebourg !), et donc de l'Allemagne dont Hitler prendra la tête en 1933. On voit bien que les racines du projet nazi puisent profondément dans l'histoire et l'identité même de l'État allemand.

    C'est l'humiliation de la défaite de 1918 qui a rendu cette idéologie agressive et terroriste, dans la droite nationaliste au sein de laquelle devait bientôt émerger  le NSDAP.

    Et les troupes de choc de celui-ci, SS et SA, n'étaient autres que les héritières des "Corps-francs" (Freikorps) et des "Casques d'acier" (Stahlhelm), ces forces paramilitaires nationalistes et anticommunistes d'anciens combattants qui avaient écrasé dans le sang les tentatives révolutionnaires de 1919-1920. 

    D'ailleurs, dans des sociétés d'anciens combattants comme celles de l’Europe des années 1920, où la quasi-totalité des hommes adultes avaient été mobilisés en 1914-18 et où l’on mettait pour ainsi dire ses décorations pour aller acheter le pain (on exagère à peine, voire pas du tout), les images qui nous paraissent incompréhensibles, complètement délirantes du nazisme (défilés en uniforme, au pas de l'oie etc.) paraissaient tout à fait naturelle et ne choquaient personne : les communistes et même les sociaux-démocrates avaient leurs propres troupes de choc, organisations d'anciens combattants etc. qui défilaient en uniforme. 

    Ce que nous voulons dire par là, c'est qu'il n'est pas possible de détacher un phénomène politique (le fascisme, le nazisme...) de son "background", du contexte présent et passé-récent de la société dans laquelle il voit le jour.

    En 1922, l'Italie n'est pas un pays "démocratique" au sens où nous l'entendons, c'est une monarchie parlementaire censitaire (seuls les plus riches, payant un certain impôt peuvent voter). Les grands propriétaires font la loi dans les campagnes, quelques grandes familles industrielles sont les princes des villes. Il n'y a ni tradition, ni culture démocratique. 

    Le fascisme, nous dit-on, est une idéologie "venue de la gauche", du parti socialiste, des syndicats...

    En effet, le fascisme est une mutation réactionnaire et terroriste (déjà dans le "militantisme pour la guerre" de Mussolini en 1914-15) du nationalisme italien et en effet, celui-ci est à l'époque plutôt une valeur de gauche, se référant à la mystique de l'Unité, de Garibaldi, de Mazzini. Au début de la Première Guerre Mondiale, hormis l'extrême-gauche anti-militariste, le "parti" pacifiste est plutôt conservateur et catholique, pour la tranquillité du travail et des affaires ; tandis que le "parti de la guerre" mobilise plutôt à gauche (la gauche bourgeoise, s'entend) sur le thème de "l'ennemi héréditaire" autrichien, de "l'achèvement" de l'Unité par la récupération des terres encore autrichiennes etc. etc. (ceci dit l'inventeur d'un concept "phare" du fascisme italien, le concept de "nation prolétaire" - l'impérialisme "faible" italien qui doit s'"affirmer" face aux puissances "ploutocrates" française et britannique - est tout de même le nationaliste plutôt monarchiste et conservateur Enrico Corradini... avec lequel les Faisceaux de Mussolini s'associeront dans le très à droite "Bloc national" aux élections de mai 1921, siégeant par la suite à l'extrême-droite de l'hémicycle). 

    Mais après-guerre, il est clair que les atrocités vécues ont rendu une grande partie des masses anti-militaristes et hostiles au capitalisme, qu'elles savent bien être derrière la boucherie, et un mouvement révolutionnaire se développe à vitesse grand V.

    Ce nationalisme "venu de la gauche" va alors être utilisé habilement par le Grand Capital pour "noyer" la lutte des classes dans la "cause nationale" tout en se donnant une apparence progressiste et même "révolutionnaire", satisfaisant les revendications du peuple.

    Mais en réalité, malgré ces maigres apparences "progressistes", il n'y a rien de "gauche" dans le fascisme italien (même d'un point de vue très modéré !). Dès le départ, les concessions aux "commanditaires" grands-bourgeois et grands propriétaires terriens du fascisme ont été énormes, on est très loin (même !) d'un programme réformiste social-démocrate... 

    Ailleurs, que ce soit en France (avec les "Ligues"), en Belgique (avec le "rexisme"), en Espagne (avec la "Phalange") ou au Portugal (avec le salazarisme), le fascisme plonge encore plus clairement ses racines dans la tradition conservatrice autoritaire et nationaliste des différents pays. 

    Ce qui ressort de tout cela, c'est premièrement que le fascisme s'inscrit clairement dans la tradition de la société où il émerge, tradition qu'il adapte au goût du jour, qu'il modernise pour en faire une idéologie populaire, de mobilisation de masse : bref, il "fait du neuf avec de l'ancien" puisque son objectif est de "révolutionner" en apparence, pour maintenir et renforcer l'ordre établi en réalité. 

    Et deuxièmement, qu'il s'inscrit profondément dans le contexte, le présent et la passé récent de la société en question, et qu'il est ridicule et dangereux d'attendre aujourd'hui que le fascisme se manifeste comme dans les années 1920-30 (sous les mêmes apparences) pour le combattre ! 

    D'autre part, si dans tous les pays à cette époque le fascisme a pu prendre la forme d'un mouvement "révolutionnaire", se heurtant plus ou moins violemment au pouvoir en place (les manifestations étaient souvent meurtrières, comme le 6 février 1934 à Paris), c'est parce qu’à l'époque, le "système", les institutions politiques (parlementarisme bourgeois ou conservatisme autoritaire) et la gouvernance économique étaient héritées de (et adaptées à) la période pré-monopoliste, du capitalisme "traditionnel" du 19e siècle. 

    Elles étaient dépassées face à l'époque nouvelle : la (première) crise générale du capitalisme, la guerre impérialiste "de 30 ans" (1914-1945), la 1ère vague de la révolution mondiale partie de Russie en 1917...

    Il a fallu pousser les "dinosaures", le vieil "establishment" qui s'accrochait un peu trop vers la sortie, pour mettre en place une dictature capitaliste adaptée aux nouveaux enjeux. 

    Aujourd'hui, toutes nos institutions (politiques, économiques, médiatico-culturelles) sont adaptées à l'époque de l'impérialisme, époque des crises générales et de la révolution mais aussi (depuis les années 50-60) époque de la "classe moyenne" et de la "consommation de masse". 

    Donc, nous pensons qu'il faut réévaluer l'idée du fascisme comme une "prise d'assaut" venue de l'extérieur (ou de la marge) de l’ordre social et politique.

    Le fascisme d'aujourd'hui peut venir pour une grande partie d'une évolution interne au système, d'une mutation plus ou moins rapide et prudente de la "démocratie sociale-libérale bourgeoise" vers une dictature de classe bourgeoise de plus en plus autoritaire, répressive et guerrière - en mobilisant les masses dans ce sens, par le populisme sécuritaire, anti-"gauchiste" et nationaliste xénophobe. Pour Servir Le Peuple, c'est même l'aspect principal de la montée du fascisme à notre époque ; comme on a pu par exemple l'observer aux États-Unis ces 30 dernières années.

    Les "troupes de choc", les mouvements fascistes militants et activistes de terrain, jouent plus à notre avis un rôle d'appui à la fascisation de la société (par le combat culturel plus que physique) et, à la rigueur, d'"aiguillon" face aux tendances trop libérales de la bourgeoisie ("vous mettez en œuvre notre programme... ou les gens voteront pour nous !"), éventuellement de gros bras (mais avec les forces de répression - y compris de sécurité privée - pléthoriques d'aujourd'hui, cela ne semble pas très utile), mais surtout de pépinières d'idées... et de cadres : nombre de leaders "activistes" se reconvertissent (en vieillissant) dans la politique "respectable", beaucoup de leaders de la droite actuelle sont d'anciens miliciens d'extrême-droite des années 60-70 ; et les Identitaires, le FNJ, le MNR et autres groupes regorgent sans aucun doute de cadres de la droite de demain !

    Une autre question qui se pose est celle de l'unicité, du caractère "à part", hors normes, (presque) insaisissable pour l'esprit humain, des crimes nazis-fascistes, en particulier lors de la 2de Guerre Mondiale, et en particulier le génocide des Juifs d'Europe. 

    Les tentatives de nier, ou de minimiser ou relativiser ces crimes, sont bien entendu des manœuvres fascistes abjectes, visant à réhabiliter le IIIe Reich. Elles sont heureusement marginales et - au niveau des masses populaires - peu prises au sérieux.

    Les chambres à gaz, les camps d'extermination, les massacres de masse - en particulier de Juifs, la "Shoah par balle" - sur le front de l'Est et dans toute l'Europe, ont bel et bien été une réalité indéniable qui donne la pleine mesure de la barbarie du fascisme et en particulier du nazisme.

    Ce que nous contestons, c'est la volonté d'en faire un phénomène "à part", anhistorique, incompréhensible au regard de l’Histoire, l'œuvre d'un "fou" ou de la "folie qui s'est emparée d'un peuple", etc. etc.

    Cette volonté répond à deux préoccupations, l'une secondaire, l'autre pas :

    - l'une, secondaire, est celle des sionistes : à un peuple "unique", "à part", "élu", il faut une tragédie "unique" et "à part", hors normes, inexplicable sinon précisément par l'unicité du "peuple juif", l'œuvre du Démon lui-même contre le peuple de Dieu.

    - l'autre, beaucoup plus importante, est celle des impérialistes, en particulier les "vainqueurs" (USA, Angleterre, France) mais aussi les "repentis" allemands, italiens ou autrichiens : le fascisme et (surtout) le nazisme doivent passer pour une anomalie, une "crise de folie meurtrière" collective, un phénomène incompréhensible et inexplicable... Un "cancer", en somme, sur un "corps sain" que serait le capitalisme impérialiste, et que l'on aurait réussi à extirper.

    Car le fascisme ne doit surtout pas être rattaché à la logique même de l'impérialisme et du Grand Capital monopoliste.

    Il faut cacher, à tout prix, la réalité : que le fascisme et même le nazisme (les fascistes essaient parfois d'opposer les deux) ne sont que l'expression particulièrement criminelle, extrême, de la logique impérialiste. C'est la logique de l'impérialisme poussée à ses ultimes conséquences.

    Le fascisme, y compris hitlérien, est une forme particulièrement terroriste de la dictature de classe du Grand Capital, mais simplement une forme particulièrement terroriste. Comme il n'est qu'une forme particulièrement sanguinaire de militarisme impérialiste.

    La différence, qui existe (nous ne sommes pas comme les anars, pour qui toutes les dictatures de classe se valent), est de degré, pas de nature. Si différence de nature il y a, c'est entre le capitalisme "traditionnel" du 19e siècle et le capitalisme monopoliste impérialiste du 20e, comme l'a expliqué Lénine en 1916.

    Les camps de concentrations (déjà exterminateurs dans une large mesure) et les guerres génocidaires sont une réalité dès la fin du 19e siècle, surtout dans le monde colonisé : en Afrique du Sud (par les Anglais) pendant les guerres contre les Zoulous (1879) et les Boers (1899-1902), à Cuba par les Espagnols (guerres d'indépendance 1868-78 et 1895-98), aux Philippines (Espagnols 1895-98 puis surtout Américains 1899-1913), en Namibie (Allemands, 1904-11), sans même parler du système concentrationnaire de travail forcé de l'"État indépendant du Congo" (roi des Belges Léopold II, 1885-1908), du Congo français (chemin de fer Congo-Océan, plantations de caoutchouc...) et, en vérité, de toutes les colonies...

    L'idée de suprématie "raciale" et/ou "civilisationnelle" est déjà au cœur du colonialisme européen entre le 16e et le 19e siècle, et plus encore de l'impérialisme capitaliste depuis le 19e siècle. L'idée que la vie d'un "inférieur" ne vaut rien ou pas grand-chose l’est également…

    Nous avons vu que l'idéologie de suprématie raciale "pangermaniste" était déjà bien présente sous le IIe Reich allemand.

    Les guerres de la fin du 19e siècle, déjà, et surtout la Première Guerre mondiale ont montré que la vie du combattant ennemi (et même de ses propres soldats !) n'était pas grand chose pour le Capital impérialiste.

    Quant à la vie des révolutionnaires, des "rouges", la répression de la Commune de Paris (1871) avait déjà montré depuis longtemps ce qu'elle valait...

    Nous voyons donc bien que le fascisme - et surtout le nazisme - n'ont fait qu'accumuler, systématiser et pousser à leurs dernières conséquences toutes ces choses qui existaient déjà avant (avec, aussi, les moyens des années 1940 qui n'étaient plus ceux du 19e siècle).

    Bien sûr, les crimes de masse du nazisme ont visé principalement les Juifs ; en tout cas, la volonté d'extermination totale (à partir de 1941) ne concernait qu'eux et les Rroms. 

    Mais en faire (comme le font les sionistes) une preuve de l'unicité et du caractère "à part" des Juifs est aussi absurde que de dire (comme certains) que l'esclavage et la colonisation sont un "complot millénaire" contre les "kémites", les Noirs. 

    Les Noirs d'Afrique ont été victimes de l'esclavage parce qu'ils étaient la seule population à la fois "adaptée" au climat des Amériques et, par leur niveau de développement social, faciles à capturer et à déporter de la sorte, à moindre coût, sans mener des guerres coûteuses etc. (les peuples victimes des razzias esclavagistes étaient surtout communistes-primitifs, tribaux, les peuples plus avancés étaient utilisés comme "chasseurs" d'esclaves). Et contrairement aux peuples originels des Amériques, ils résistaient (relativement, s'entend) aux maladies véhiculées par les Européens et supportaient (quelques années en tout cas...) les conditions de travail esclavagistes dans les plantations, alors que les indigènes étaient décimés. 

    Toute l'idéologie raciste de supériorité des Blancs sur les Noirs s'est constituée après ou en même temps : elle est la conséquence et non la cause de l'esclavage. 

    De la même façon, l'antisémitisme n'est pas "éternel" mais prend ses racines (en Europe) au Moyen-Âge, lorsque les Juifs (communauté facile à attaquer puisque non-chrétienne) se voyaient (déjà très largement sous la menace) emprunter de l'argent par les princes, seigneurs féodaux et autres grands bourgeois, qui les accusaient ensuite d'"usure" et autres abominations (sacrifices humains etc.) pour exciter des pogroms populaires contre eux avant de leur ordonner (sous peine de mort) de vider les lieux... évitant ainsi de les rembourser (vis-à-vis de chrétiens qui étaient eux aussi nombreux à pratiquer le prêt d'argent, comme les "Lombards"/Italiens, de telles pratiques auraient pu valoir à leurs auteurs l'intervention voire des sanctions de l'Église). 

    L'antisémitisme européen (pléonasme... il n'est d'idéologie antisémite qu'européenne !) prend, en fait, concrètement racine dans cette forme particulière d'accumulation primitive du capital par l'extorsion, le racket d'une communauté ethno-religieuse sans grandes défenses ; parallèlement à la construction (accompagnant cette accumulation primitive) des États modernes qui les excluront (juridiquement jusqu'à la fin du 18e ou au 19e siècle, dans les faits jusqu'au 20e) de la communauté "nationale" "légitime".

    Mais ces persécutions n'avaient rien à voir avec le génocide nazi du 20e siècle : les Juifs avaient par exemple la possibilité de se convertir (c'était souvent le choix qui leur était laissé : se convertir, partir ou la mort).

    Cet antisémitisme féodal a laissé des traces jusqu'à nos jours (des préjugés comme "les Juifs et l'argent") et a pu être utilisé dans l'argumentaire nazi et antisémite fasciste en général. Mais il ne peut pas expliquer le génocide, l'Holocauste, il ne peut expliquer que des actes antisémites individuels - et non institutionnels. 

    Non, si les Juifs ont été les principales victimes du plus grand crime de masse du 20e siècle, c'est pour une autre raison : parce que depuis le 17e siècle, ils étaient associés aux idées progressistes. D’abord, de Spinoza à la Haskala, ils ont été à la pointe des idées révolutionnaires bourgeoises, libérales, humanistes et universalistes. Ce qui s’explique par leur position discriminée, de citoyens de seconde zone, dans les pays où ils vivaient. Pour cela, ils récoltèrent la haine de tous les nostalgiques de l’Ancien Régime, de la société d’Ordres et de corporations, qu’ils soient légitimistes cléricaux ou "socialistes" féodaux corporatistes à la Proudhon.

    Par la suite, surtout en Europe de l'Est (où leur statut inégalitaire persistait, tandis qu'il n’avait disparu en Allemagne qu’au milieu de 19e siècle), une grande partie des masses juives a été attirée vers les idées socialistes et communistes (marxistes ou libertaires) : tout le monde sait que Marx était d’une famille juive, qu’ils étaient nombreux dans la direction bolchévique et que les idées socialistes ont même profondément imprégné le sionisme originel. Ce qui en a fait, dès lors (fin du 19e siècle), la cible de toute la Réaction des exploiteurs et des possédants.

    À la fin du 19e siècle, le capitalisme devenu impérialiste cessa de jouer tout rôle progressiste pour devenir la Réaction sur toute la ligne (Lénine). Nostalgiques de l’Ancien Régime et bourgeoisie impérialiste (ne voulant plus entendre parler de progressisme) fusionnèrent en une seule et même Réaction. À mesure que la menace révolutionnaire grandissait, le nouvel antisémitisme grandissait avec, fusionnant le "libéral-progressisme décadent" et le "socialisme" dans la figure du Juif (et de son "allié" franc-maçon). Cet antisémitisme s'est alors systématisé en idéologie (avec l'Action Française par exemple, ou l'antisémitisme tsariste en Russie) et élargi en idée d'un "complot contre la civilisation" par une population "étrangère", "non-européenne" ("asiatique"), "manœuvrant dans l'ombre" pour "s'emparer du pouvoir" et "asservir la civilisation européenne". Avec la Révolution russe d'Octobre 1917, dont de nombreux dirigeants étaient juifs, cette théorie atteint son aboutissement : le "judéo-bolchévisme" (toute ressemblance avec un certain "islamo-gauchisme" aujourd'hui serait purement fortuite...). 

    À cela s'est ajouté, dans le nazisme allemand, l'idée d'un impérialisme tourné vers l'Est ("l'espace vital" de la "race allemande") pour lequel il fallait faire "place nette" ; les Juifs, très nombreux dans cette partie de l'Europe, faisant figure de population "asiatique", "racialement ennemie", inassimilable, à réduire en esclavage voire, idée qui prédominera à partir de 1941, à exterminer. 

    Il faut bien comprendre que la Shoah s'inscrivait dans un plan plus vaste : ainsi, pour les Slaves, certains idéologues du nazisme préconisaient 1/3 d'exterminés (directement ou par le travail forcé), 1/3 de réduits en esclavage et 1/3 de "récupérables", "aryanisés". Pour les Rroms, l'extermination était également prévue. Ce plan, c'était le Drang nach Osten ("poussée vers l'Est"), un fondamental du nationalisme pangermaniste allemand, conçu comme une guerre "sacrée", "civilisationnelle" contre "l'Asie" qui, pour les pangermanistes allemands, commence sur l'Oder. Juifs, Rroms, Slaves et communisme étaient des "expressions" et des "détachements" de l'armada asiatique contre la "civilisation européenne"... La Shoah n'est pas détachable de ce background, qui trouve par exemple son expression dans l'implication, très forte, du IIe Reich de Guillaume II contre la révolte chinoise de 1899-1901.

    Là encore, donc, l'antisémitisme institutionnel, élevé en idéologie exterminatrice, des nazis (et des nationalistes allemands en général) est en réalité plus une conséquence des visées impérialistes sur l'Est (anti-asiatisme), de l'anticommunisme/anti-progressisme, ainsi que du ressentiment de la défaite de 1918 ; que le résultat ou l’aboutissement d'un complot "millénaire" contre le Peuple juif (bien que l'antisémitisme, dans toute l'Europe, existe depuis le Moyen-Âge). 

     On voit par exemple que le fascisme italien n'était pas (du tout, même) antisémite : il n'adoptera des lois raciales anti-juives qu'en 1938 (sous l'influence de l’Allemagne nazie à laquelle il vient de s'allier indéfectiblement) et ne mènera jamais de véritable persécution jusqu'en 1943 (lorsque les Allemands prennent le contrôle du pays) ; raison pour laquelle il sera facilement pris pour modèle par la droite de la droite sioniste (Birionim, Lehi voire Betar) alors que le nazisme, évidemment, c'était plus compliqué... C'est que les visées impérialistes de l'Italie ne concernaient pas des territoires peuplés de Juifs et que, pour diverses raisons, l'association des Juifs aux idées progressistes et révolutionnaires était beaucoup moins répandue qu'ailleurs (en France par exemple). À l'arrivée, c'est seulement durant la période d'occupation allemande (septembre 1943-avril 1945) que 9.000 Juifs (sur 35 à 50.000 présents dans le pays) seront raflés et déportés - environ 7.750 périront.

    Mais les Libyens, les Éthiopiens, les Albanais ou les Grecs ont une "petite" idée de la nature de l'impérialisme fasciste italien ! 

    Il n'y a pas de "peuple élu", pas de complot antisémite "éternel" : cela, c'est ce que veulent occulter les partisans du sionisme (qui se veut une "réponse" à cet "antisémitisme éternel"). 

    Mais surtout il n'y a pas de caractère "à part", "anormal", "accidentel", hors des normes et de la compréhension de l'esprit humain, et surtout hors de toute logique historique du nazisme !

     Le nazisme c'est la conséquence ultime, dans la barbarie, de l'impérialisme allemand (qui n'est pas "d'essence" différente des autres non plus !) et de l'impérialisme en général ! C'est une différence de degré, pas de nature. 

    Et cela, c'est ce que les impérialistes de tous les pays veulent dissimuler à tout prix !!!

    Il y a aussi, bien sûr, la technique qui vise à assimiler le fascisme et le nazisme avec "l'ennemi juré" : le communisme. C'est la théorie du "totalitarisme" : Mussolini et Hitler se seraient en fait inspirés de la la Révolution bolchévique russe, de ses "méthodes", de sa "violence", de son "embrigadement de masse" etc. Le "totalitarisme" serait une "tare" du 20e siècle (dû peut-être à la Première Guerre mondiale...), une idéologie "nationaliste" et "populiste", de haine raciale ou de classe, qu'heureusement la "démocratie" a finalement vaincu. 

    En dehors de cette abomination, tout va bien messieurs-dames : les crimes (colonialistes et néo-colonialistes en particulier) de la "démocratie" sont soigneusement occultés, ou justifiés, au nom de la "démocratie" justement ! 

    Alors même que le fascisme était l'ennemi juré du communisme, qu'il avait juré de l'anéantir, et qu’il avait le soutien pour cela, jusqu'à la veille de la 2de Guerre, des "démocraties" impérialistes ! 

    Cette théorie du "totalitarisme" est une théorie bourgeoise conservatrice (le problème serait le "populisme") reprise par une grande partie de la "gauche" bourgeoise et petite-bourgeoise.

    C'est une théorie, bien sûr, complètement idéaliste et anti-dialectique, qui nie la lutte de classe, la nature de classe des différents régimes en question, et la violence comme nécessité historique - puisque ces personnes ont intérêt à ce que rien ne change. Elles condamnent la "violence", le caractère "militarisé" du "totalitarisme"... alors que la violence fasciste n'a fait qu'être à la hauteur de la menace révolutionnaire qui pesait sur les bourgeoisies de ces pays, et que la violence bolchévique n'a fait qu'être à la hauteur de la menace contre-révolutionnaire et des tâches de la révolution à accomplir ! 

    Ce qu'il faut retenir, c'est que le fascisme ne tombe pas du ciel, n'est pas une "anomalie", un "bug" dans une société "démocratique" bourgeoise - voire une "copie du totalitarisme marxiste". 

    Il s'inscrit parfaitement dans la tradition bourgeoise de domination de classe, dans les valeurs de la bourgeoisie devenue impérialiste. Il manipule d’ailleurs avec brio le traditionalisme, exaltant la "nation éternelle", les "valeurs" à "retrouver"...

    Mais il s'inscrit aussi parfaitement dans la nouvelle époque du capitalisme apparue à la fin du 19e siècle, et surtout au début du 20e : l'époque de l'impérialisme, de la guerre impérialiste globale, des crises générales et de la révolution anti-capitaliste et anti-impérialiste à l'ordre du jour, qu'il faut à tout prix (pour la bourgeoisie) contrer.

    Là est sa modernité : adapter la dictature de classe de la bourgeoisie à l'époque nouvelle (s'en prenant, du même coup, aux "vieux" libéraux et conservateurs bourgeois qui n'ont pas compris cette nouvelle époque) et à la hauteur de la menace et des enjeux.

    Si le fascisme du 20e siècle a dans l'ensemble échoué, face à la révolution socialiste et face à l'autre "contre-révolution préventive" qu'était le modèle keynésien ("classe-moyennisation" des travailleurs et "société de consommation de masse" financée par l'exploitation impérialiste de la planète, "cohésion sociale" - c’est-à-dire collaboration de classe - à travers les syndicats et les partis "socialistes" traîtres), c'est sans doute qu'il n'était pas "au point", qu'il a commis des erreurs (la "fuite en avant" hitlérienne), c'est peut-être qu'il n'était pas... assez moderne !

    Soyons sûrs que la bourgeoisie impérialiste de notre époque saura en tenir compte, à l'heure où la crise générale et terminale du capitalisme a définitivement enterré les solutions keynésiennes ! 

     


    Sur la question du fascisme/nazisme comme "rejet des Lumières", lire ici notre démontage en règle des thèses fumeuses de Zeev Sternhell (qui n'est rien d'autre qu'un maître à penser de plus de l'opposition fascisme/capitalisme) : Sur Zeev Sternhell et sa théorie du fascisme "anti-Lumière"

    De fait, si le fascisme semble se rattacher historiquement à quelque chose, c'est bien plus à l'aile droite du mouvement des Lumières (que Sternhell qualifie à tort, mais non moins allégrement, d'"anti-Lumières"), aux "Lumières d'ordre" incarnées par l'Ancien Régime final et/ou Voltaire et Napoléon (en France), Frédéric II de Prusse (en Allemagne), Catherine la Grande (en Russie) ou Edmund Burke (chez les Anglo-Saxons) qu'à un véritable mouvement d'opposition aux Lumières et à toute modernité, mouvement d'ailleurs difficile à identifier historiquement (les Jésuites, à la rigueur ?)...

     


    EN DERNIÈRE ANALYSE, après plus de 2 ans de travail et d'analyse antifasciste, il ressort que :

    => Il est erroné et même, à terme, suicidaire d'attendre le fascisme dans les même habits (idéologiques, pas la couleur des chemises...) qu'au siècle dernier. L'aspect moderne du fascisme fait que, justement, il ne revient jamais sous la même forme que dans le passé (l'aspect traditionnel, lui, faisant qu'il prend autant de formes que d’États bourgeois ou de régions du monde différentes). On oublie souvent, à vrai dire, que le mot fascisme désigne à l'origine un phénomène purement italien (et le nazisme, un phénomène purement allemand) : c'est le mouvement communiste qui a donné au mot une signification universelle ; mais le fascisme italien et le nazisme allemand étaient très différents entre eux et très différents du franquisme, du salazarisme, des idéologies françaises maurrassienne et Croix-de-Feu, du national-catholicisme présidant aux dictatures sud-américaines etc. Depuis 1945, ont également vu le jour des fascismes "non-blancs" : l'"authenticité" de Mobutu au Congo, l'idéologie du Golkar en Indonésie, le fascisme hindou, le "confucianisme ultra-autoritaire" des dictatures de Corée du Sud et de Taïwan (repris aujourd'hui par la Chine "populaire") etc. ; sans oublier les diverses variantes de réaction religieuse islamique ; ou au contraire de "modernisme" laïc à la Ben Ali, Moubarak ou Assad.

    Il ne faut donc pas essayer d'identifier le fascisme par des caractéristiques stéréotypées, de type "antisémitisme comme anticapitalisme romantique", puisque tant le fascisme italien (jusqu'à la fin des années 30) qu'Anders Behring Breivik récemment (ou encore l'English Defence League, ou Geert Wilders) montrent que l'on peut être fasciste sans être nullement antisémite. Idem pour l'idée de "fascisme né à gauche", puisqu'en Europe ces dernières années, c'est souvent la mutation de vieux partis conservateurs (UDC suisse, Parti du Progrès norvégien) voire "libéraux" (FPÖ autrichien) ou de "leaders" issus de ceux-ci (Wilders aux Pays-Bas) qui engendrent des "formes politiques" inquiétantes. En France, Le Pen a toujours été un militant "à la droite de la droite", jamais proche de la gauche d'aucune manière. L'on découvre également qu'il existe des courants fascistes dans les minorités, et non pas au service du pays où ils opèrent, mais de pays étrangers : l'extrême-droite sioniste dans la minorité juive au service de l’État israélien (même si celui-ci est largement lié à l'impérialisme français et aux impérialismes occidentaux en général) ; ou le salafisme réactionnaire au service des "plans" du capital suraccumulé du Golfe arabo-persique. Bref, dans tous les cas IL FAUT POURFENDRE LE SCHÉMATISME, qui "désarme le prolétariat contre son plus mortel ennemi" comme le disait déjà Dimitrov dans les années 1930.

    => Le fascisme doit donc être caractérisé dans les grandes lignes, de la manière LA PLUS SYNTHÉTIQUE possible. Il faut éviter toute caractéristique "superflue" qui conduirait à voir du fascisme là où il n'y en a pas, ou (plus grave) inversement, ne pas voir le fascisme là où IL Y A fascisme. Quelles grandes caractéristiques générales peut-on dégager ?

    => SUR LES BUTS :

    1°/ Réorganiser EN PROFONDEUR le système capitaliste du pays donné pour CONTRER LA CHUTE DU TAUX DU PROFIT (ou, carrément, la diminution de la masse de profit à capital croissant : ce que l'on appelle la surproduction de capital). Ou bien, RETROUVER un "rang" perdu au niveau mondial, continental ou régional (Allemagne avec le nazisme, Serbie des années 1990, Russie avec Poutine). Une autre version consisterait, au contraire, à "émerger" en tant que puissance mondiale, continentale ou régionale : comme l'Italie ou le Japon des années 20-30, la Chine ou l'Iran aujourd'hui.

    2°/ Barrer la route à une situation révolutionnaire en développement (qui se développe parallèlement à la crise capitaliste évoquée ci-dessus). C'est un aspect essentiel du fascisme "ouvert", terroriste brutal que l'on a connu un peu partout dans le monde au siècle dernier. En son absence, on aurait plutôt ce que le PCmF appelle "fascisme moderne". C'était l'aspect principal en Espagne franquiste, au Portugal salazariste ou dans les régimes fascistes latino-américains ou asiatiques, dans certains pays d'Afrique (comme le "Zaïre" de Mobutu), en Grèce (colonels) ou en Turquie, en Iran sous le Shah etc. pendant la "Guerre froide". Ou encore en Colombie aujourd'hui.

    3°/ Préparer "les cœurs et les esprits" à la guerre de repartage impérialiste du monde ; par une grande mobilisation de masse réactionnaire, militariste, chauvine etc. En temps de crise générale du capitalisme, c'est une caractéristique constante : que l'on ait une grande puissance voulant enrayer son déclin, une puissance "déchue" voulant "retrouver son rang", une puissance "émergente" (mondiale, continentale ou régionale) voulant se tailler un "pré carré" etc.

    => SUR LA FORME (idéologie, méthodes etc.) :

    1°/ C'est dans tous les cas une mobilisation de masse ; une mobilisation RÉACTIONNAIRE tournée vers les trois buts (ou au moins un ou deux des trois) ci-dessus ;

    2°/ Les entraves posées à la réalisation de ces objectifs par le libéralisme bourgeois, les courants de pensée humanistes et universalistes de la bourgeoisie, sont levés en mobilisant "l'opinion" dans ce sens ;

    3°/ L'idéologie s'inscrit dans le PROLONGEMENT DE LA TRADITION RÉACTIONNAIRE NATIONALE ; elle ne tombe jamais du ciel. Le nazisme était l'héritier total des courants idéologiques réactionnaires du IIe Reich : pangermanisme, visées impérialistes anti-slaves vers l'Est, national-conservatisme aux forts accents "sociaux", le tout baigné dans un profond antisémitisme (qui, à la toute fin du 19e siècle, quitte le terrain de l'anti-judaïsme chrétien pour devenir "biologique"). Ce n'est pas un hasard si en 1936 le régime nazi rendait hommage à Frédéric II de Prusse (mort 150 ans plus tôt), "despote éclairé" ami de... Voltaire (ce qui pose en outre la question du caractère "anti-Lumières" du national-socialisme) et précurseur dans son royaume de Prusse de l'État moderne allemand. Parfois il y a PLUSIEURS traditions réactionnaires nationales, comme en Autriche (tradition pangermaniste/nazie et tradition national-catholique/austro-fasciste) ou en Argentine (tradition national-populiste péroniste et tradition plus "national-catholique" ultra-réactionnaire des juntes militaires). En France aussi, l’on peut dire qu'il y a deux "traditions". L'une "légitimiste" (le terme est réducteur), plutôt héritière de la contre-révolution anti-démocratique (déjà) de 1789-1815, du "Parti de l'Ordre" de 1848 et 1871 jusqu'à Pétain en passant par Maurras ; capable de faire "entorse" au patriotisme de rigueur pour préserver la classe dominante d'une situation révolutionnaire (Émigrés de 1789-1815 avec les puissances coalisées, Réaction de 1871 avec l'occupant prussien, Pétain bien sûr avec l'occupant nazi) : c'est le "pétainisme transcendental" de Sarkozy selon Badiou ; bien que Sarkozy soit assez "atypique" par rapport à cette tradition (citadin, parisien, homme moderne, divorcé et remarié etc., mais il faut plutôt regarder vers ses "éminences grises" tels Hortefeux, Guéant et surtout Buisson) et que la situation n'ait bien sûr rien à voir (pas de situation révolutionnaire en fort développement, pas de "catastrophe nationale" comme la défaite de 1940, 1870 ou déjà 1814). Un Philippe de Villiers s'inscrit également dans cette tradition, ainsi que CPNT ou encore les Identitaires pour le côté "défense des mille terroirs". L'autre est la tradition "césariste", plus "social-populiste" (légitimité populaire et non "transcendante", "France éternelle" etc.) et "moderniste", plus intransigeante sur le nationalisme (cherchant le "rassemblement national" plutôt que l'alliance étrangère), plus "étatiste" et "centraliste" aussi ; tradition qui va du bonapartisme (Napoléon Ier et Napoléon III) à De Gaulle en passant par Boulanger et La Rocque et qui se cherche à présent un héritier - ou une héritière, que Marine Le Pen prétend être.

    4°/ Voulant réorganiser en profondeur la société capitaliste pour sortir de la crise, et mobiliser les masses pour réaliser ses objectifs, le fascisme doit se présenter sous les habits de la MODERNITÉ, il doit "vivre avec son temps". Il doit même se présenter comme, finalement, "révolutionnaire", une "droite révolutionnaire". "Je suis révolutionnaire et réactionnaire selon les circonstances", disait Mussolini au temps où le fascisme cherchait encore ses mots. Aujourd'hui, un Éric Zemmour dirait que "être révolutionnaire de nos jours, c'est être réac", car la "vraie dictature" est celle de la "bien-pensance" et des "intellectuels de gauche" (autrement dit : des restes de pensée démocratique-humaniste-universaliste bourgeoise et des 150 ans d'influence du mouvement révolutionnaire sur la société). Même Pétain, issu de l'ultra-conservatisme, du "légitimisme" façon 19e siècle, parlait ainsi de "Révolution nationale" et accueillit dans son gouvernement et ses institutions un grand nombre de "modernistes", "planistes", "technocrates", "néo-socialistes" etc. (sans quoi il n'aurait pas eu l'élément de modernité qui manque au "classique" conservatisme monarchiste national-catholique pour constituer un fascisme). De même, le vieil ultra-conservateur catholique Franco s'appuya sur la Phalange (d'abord) puis sur les "technocrates" liés à l'Opus Dei, qui mirent en œuvre le "miracle économique espagnol" des années 1960-70 ; tandis que son homologue chilien Pinochet s'appuya sur les "Chicago boys" néo-libéraux. Sarkozy, avec son idéologie "néo-libérale", "reagano-thatchérienne", est peut-être finalement la "touche" de modernité qu'il fallait à cette vieille réaction passée du pétainisme passif au MRP ou aux "indépendants-paysans" (CNIP), puis des "républicains indépendants" au giscardisme et enfin au balladurisme en passant par le Parti républicain (1977-97), matrice du "thatchérisme à la française". N'oublions pas, aussi, qu'il a fondé sa carrière politique sur une autre vieille tradition réactionnaire bien française : celle du "Fouché", du tout-puissant "premier flic" Ministre de l'Intérieur, comme avant lui Clemenceau, Jules Moch ou Mitterrand, Marcellin ou Pasqua, etc. Lorsque la classe dominante tangue et, donc, se durcit face aux masses populaires, il lui faut un "Fouché" à l'Intérieur : qui sera le Ministre de l'Intérieur de Marine Le Pen est une carte qu'elle devra abattre tôt ou tard si elle assume réellement la conquête du pouvoir.

    Voilà les caractéristiques générales et universelles que l'on peut dégager, en dernière analyse, de l'étude du fascisme dans l’État "France" comme ailleurs. 


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    Les Identitaires niçois commémorant la bataille navale de Lépante contre les Ottomans en 1571.
    On notera, sur le côté gauche, le drapeau européen dont l'usage est caractéristique de cette organisation.

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    "Paris ne sera jamais qatari" ; expression radicale de la nervosité impérialiste BBR face aux "forces émergentes" dans l'arène capitaliste mondiale...

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    Nouvelle organisation née en région lyonnaise (issue du vieux cercle maurasso-pétainiste "l'Œuvre française"), les Jeunesses nationalistes commencent à damer le pion aux Identitaires sur une ligne encore plus radicale (mais, peut-être, d'un nationalisme trop "étroit" pour vraiment correspondre aux besoins des monopoles)

     


    En lien avec ce qui précède, voici en ANNEXE un article fort intéressant qui se penche sur (et essaye de trancher) la plus-que-sexagénaire question de la causalité du génocide nazi des Juifs d'Europe : 


    SHOAH : et s’il y avait PLUSIEURS explications ?


    En réalité, le grand problème vient peut-être tout simplement du fait que l'on s'obstine à ne voir derrière la Shoah QU'UNE SEULE explication ; alors que voir derrière un crime d'une telle ampleur la CONVERGENCE de plusieurs facteurs serait pourtant bien plus plausible...
    Suivant ce raisonnement, TOUTES les explications données jusqu'à ce jour au génocide des Juifs d'Europe pourraient bien être (chacune) une partie de la "décision finale" incubée dans les années 1930 et finalement "accouchée" en janvier 1942 à Wannsee.

    1/ La thèse marxiste "classique" : assimilation des Juifs aux mouvements socialiste et communiste, à un "virus" de ceux-ci, par leur surreprésentation dans ces mouvements politiques (et par la surreprésentation de la bourgeoisie juive dans les courants "libéraux-démocrates" de la bourgeoisie, les courants "laxistes envers le marxisme"). La Shoah rejoint ici la politique "générale" d'extermination politique du nazisme, les Juifs étant considérés (des nouveau-nés jusqu'aux vieillards) comme un "corps politique organique" antagoniste au projet politique nazi. On retrouverait cela dans ce qui serait, dit-on, le premier ordre "informel" d'Hitler à Himmler dans le sens de l'extermination : « Question juive ? À exterminer comme des partisans. » (décembre 1939, après l'invasion et l'occupation de la Pologne, donc). Dans une veine légèrement différente, celle du délire "chevaliers teutoniques" des nazis, les Juifs pouvaient également être considérés comme des "khazars" et donc comme une "incarnation de l'Asie", au même titre que le communisme, "Asie" que le IIIe Reich s'était donné pour mission de "rejeter dans les steppes" ;

    2/ La thèse de l'"anticapitalisme romantique" ou du "socialisme féodal" : un rejet petit et moyen-bourgeois de la "froide machine du Grand Capital" d'après la révolution bourgeoise ; mais un rejet tourné vers le passé, passé idéalisé d'avant cette révolution, lorsque le capitalisme existait, bien sûr (depuis le Moyen Âge), mais était "encadré" par la monarchie, les ordres, les corporations, les Églises et la "morale chrétienne", etc. Ce "socialisme féodal" est bien sûr foncièrement antisémite, puisque l'un des aspects les plus marquants et "emblématiques" de la révolution bourgeoise est l'émancipation des Juifs, la "sortie du ghetto" et leur inclusion (comme "nouveaux concurrents") dans la communauté économique nationale (laquelle se trouvait, dans le même temps, "dérégulée" par la fin des corporations) ;

    3/ La thèse de la Shoah comme "machine à détruire de la valeur", qui part finalement de ce qui précède et rejoint ce qui va suivre (l'"insurrection" contre la surproduction absolue de capital) ; mais qui comme seule explication n'expliquerait que l'extermination de Juifs aisés et cultivés, pouvant être supposés "avoir du pouvoir" et "incarner la valeur" (image que l'Occident il est vrai, et sans doute Postone lui-même, a du Juif victime de la Shoah depuis la série Holocauste) et non des Juifs misérables, "pouilleux" et généralement socialistes ou communistes des shtetl de l'Est ;

    4/ La thèse "fonctionnaliste" des historiens bourgeois, selon laquelle seule l'impossibilité d'expulser les Juifs (vers les Amériques, la Palestine, Madagascar ou autres) aurait décidé de leur extermination. Il est vrai que dans ses écrits des années 1920 et 1930, jusqu'à sa prise de pouvoir, Hitler a surtout parlé de ségrégation et d'expulsion. Il évoque certes dans Mein Kampf "l'extermination de douze mille coquins" (par gaz, déjà) mais ce n'est (donc) pas une extermination générale (puisqu'il y avait alors 500.000 Juifs en Allemagne et plus de 10 millions en Europe). C'est en janvier 1939 qu'il déclare qu'une nouvelle guerre mondiale conduirait à "l'anéantissement de la race juive en Europe". Néanmoins, l'extermination ne suit pas un schéma planifié jusqu'au début 1942. Ian Kershaw évoque (avant Wannsee) l'importance des initiatives locales des gauleiters, en Pologne et en Ukraine, dans une rivalité sordide pour tenir en premier la promesse faite à Hitler de "germaniser leur territoire en 10 ans" (ceci serait, donc, derrière la "Shoah par balle" et les conditions de vie exterminatrices des ghettos de l'Est). En réalité, il est fort possible que la "Solution finale" n'ait été décidée que faute de pouvoir déporter massivement les Juifs hors de l'Europe conquise ; cependant la rapidité avec laquelle elle s'est mise en place laisse à penser qu'elle a toujours été envisagée comme "plan B" (rejoignant ainsi la thèse "intentionnaliste").

    5/ La thèse bordiguiste elle-même ("Auschwitz ou le grand alibi", titre inutilement provocateur) n'est pas à rejeter catégoriquement, si elle est considérée comme une partie de l'explication et non comme sa totalité : c'est la thèse considérant que, face à la pression du Grand Capital et à la crise du capitalisme, la petite/moyenne bourgeoisie a choisi de "sacrifier" une partie d'elle-même (les Juifs) pour se sauver en tant que classe... Le fait que les bordiguistes fassent, à tort, de tous les Juifs des petits bourgeois ne disqualifie pas totalement la thèse puisque le même raisonnement pourrait s'appliquer au salariat (laminé par la crise) vis-à-vis du salariat juif ; ce que l'on retrouverait aujourd'hui chez les travailleurs (salariés) en butte au chômage et mettant en cause "les immigrés" perçus comme des "concurrents", et non la crise du capitalisme et le capitalisme lui-même. Cette thèse a pour limites les limites du bordiguisme en général : elle est "économiste mécanique", elle fait (comme chez les trotskystes) de la petite/moyenne bourgeoisie l'élément moteur du phénomène fasciste et elle nie que les communistes ne doivent pas lutter de la même manière contre un régime "libéral", ou même "conservateur", et contre un régime fasciste : les tactiques, les alliances etc. ne sont pas les mêmes (le fascisme se distingue du "conservatisme autoritaire" par la mobilisation de masse, ce qui implique donc une analyse et une pratique particulière sous peine de débordement et d'écrasement des communistes par la mobilisation fasciste). Elle a néanmoins le mérite de bien placer la Shoah, quelle que soit l'horreur que celle-ci inspire, dans le prolongement de la logique impérialiste ; contre l'historiographie bourgeoise qui cherche à faire du nazisme un "accident de l'histoire", une "anomalie", une "folie collective" afin d'absoudre le capitalisme de ce qui n'est que ses ultimes conséquences, son ultime pourrissement barbare. Elle n'est en revanche valide que pour l'Allemagne (berceau de l'antisémitisme nazi) où les Juifs, progressivement émancipés au 19e siècle, avaient connu une ascension sociale fulgurante (misérables au 18e siècle, ils appartiennent en quasi-totalité aux classes moyennes à la fin du 19e, contre seulement 25% au début) ; elle n'est plus valide dès que l'on sort des frontières de ce pays (Juifs très pauvres et ghettoïsés de l'Est, nombreux dans la classe ouvrière au début du 20e siècle, ou encore Juifs néerlandais majoritairement ouvriers). Et elle fait (classiquement pour le bordiguisme comme pour le trotskysme) de la petite et moyenne bourgeoisie allemande (avec son antisémitisme) le moteur du phénomène nazi, alors que Dimitrov nous enseigne que ce sont au contraire les monopoles, la très grande bourgeoisie qui poussent en avant le fascisme (mais le sentiment décrit par l'article a pu, en revanche, aider le Grand Capital via le NSDAP à mobiliser la petite bourgeoisie, ça oui)...

    Ce sont donc en réalité toutes ces logiques qui ont vraisemblablement convergé, dans l'esprit des décideurs nazis, pour aboutir à la Solution finale. Car toutes ces logiques ont, finalement, un dénominateur commun : le nazisme comme le fascisme en général est une forme particulièrement virulente de MOBILISATION RÉACTIONNAIRE DE MASSE par les capitalistes, mobilisation dans une INSURRECTION DU CAPITALISME CONTRE SA PROPRE CRISE qui est une crise générale par SURPRODUCTION ABSOLUE DE CAPITAL. Une crise qui ne peut se résoudre que PAR LA GUERRE TOTALE entendue comme DESTRUCTION DE FORCES PRODUCTIVES ; cependant cette résolution ne suit pas un "plan" préétabli par un quelconque "comité" caché on-ne-sait-où, elle se déroule de manière empirique, d'où les formes très multiples de mobilisation réactionnaire qui voient le jour : ce peut être une mobilisation chauvine et militariste contre des nations voisines par exemple, mais aussi (et/ou) une mobilisation xénophobe contre "l'étranger intérieur", avec la forme particulière qu'est l'antisémitisme... Cette mobilisation est le fait de la classe capitaliste dans son ensemble (petits, moyens et grands) mais l'élément moteur, à l'époque impérialiste, ne peut être que le GRAND capital (contrairement aux thèses bordiguistes et trotskystes). 

    Dans le prolongement de l'antisémitisme comme "anticapitalisme féodal" se trouve notamment l'identité partielle entre antisémitisme et dénonciation de la "finance", du "capital errant", de la "spéculation"... Or cette dénonciation est TYPIQUEMENT l'expression de l’insurrection du capitalisme contre sa propre crise, puisque la "financiarisation" et la "spéculation" sont des manifestations particulièrement visibles de la surproduction absolue de capital : puisque PRODUIRE dégagerait non seulement un taux de profit mais même une MASSE de profit inférieure à celle dégagée avec un capital moindre, on cherche alors à "faire de l'argent avec de l'argent", ce qui va impacter férocement l'économie réelle (déjà mal en point) puisque l'on est bien obligé d'"asseoir" cet argent (valeur "symbolisée") sur de la valeur réelle (matières premières, produits de première nécessité, produit intérieur d'un pays entier en spéculant sur sa monnaie ou sa dette, etc.). Pris de folie face à sa propre crise, le capitalisme ne pourra pas en pointer la cause, puisque cette cause est lui-même (son propre mécanisme de fonctionnement, comme mode de production) ; il va donc en pointer le symptôme qu'est la spéculation. Il va vouloir la "détruire", mais il ne peut pas, vu que les flux financiers sont immatériels et que l'on ne peut détruire que des choses matérielles. Il est donc possible (thèse n°3) que les Juifs européens victimes de la Shoah aient été une "matérialisation" (terrible et barbare) de cette "spéculation" à détruire, par l'assimilation (médiévale) des Juifs au prêt à intérêt, à "l'usure"... Ce serait là une partie de l'explication (globalement les thèses 2 et 3). 

    D'autre part, les couches intermédiaires de la société (petite et moyenne bourgeoisie, paysans propriétaires, salariés "favorisés") sont "prises à la gorge" par la crise mais dans l'incapacité culturelle (nature de classe) de remettre en cause le capitalisme lui-même. Elles vont donc trouver des "boucs émissaires" à leur situation, qui est vécue comme le résultat d'une "concurrence déloyale" (soit entre "boutiquiers", soit sur le marché du travail). On rejoint là en partie la thèse n°2, ainsi que la thèse bordiguiste (n°5). Aujourd'hui, chez les salariés, cette réaction spontanée à la crise qu'ils subissent est largement tournée vers la "concurrence immigrée" et "les payés-à-rien-foutre" qui "plomberaient l'économie". Chez les "boutiquiers", elle est détournée vers "les assistés" qui sont la cause des "charges" ainsi que vers "l'insécurité galopante". Donc, globalement, vers "l'immigration" (la force de travail d'origine extra-européenne, et ses descendants). C'est la rhétorique "visionnaire" que (notamment) François Duprat avait "soufflée" à Jean-Marie Le Pen dans les années 1970, donnant au FN son thème de prédilection (et la base de son succès) depuis lors…

    Enfin, il existe une AUTRE "porte de sortie" à la crise générale du capitalisme... mais qui est la TERREUR des bourgeois : c'est bien sûr la révolution prolétarienne. "L'idée communiste" subvertit tellement leur vision du monde qu'elle ne peut pas être le produit d'une société "saine" : elle doit donc résulter d'une "contamination" de la société nationale par un "corps étranger", qu'il faut "extirper". On retrouve là la thèse n°1 et, d'une manière générale, une cause importante de la haine contre toutes les minorités (qui sont, spontanément, surreprésentées dans les mouvements progressistes et révolutionnaires).

    Le grand "casse-tête" des historiens marxistes "mécanistes" depuis plus de 60 ans est le fait que la Shoah n'ait strictement avancé à rien l'impérialisme allemand, sinon peut-être à précipiter sa défaite en mobilisant des forces considérables dans une entreprise à la valeur ajoutée très faible, pour ne pas dire nulle (on faisait certes travailler gratuitement les hommes valides mais leur productivité était très faible et leur espérance de vie rarement supérieure à un an ; les valeurs spoliées aux exterminé-e-s pouvaient faire la fortune d'individus mais étaient marginales pour le Reich lui-même, etc.).

    Mais voilà ! Peut-on dire, en vérité, qu'une seule des solutions apportées par le capitalisme à sa propre crise soit rationnelle ??? Entre 1900 et 1950, les deux guerres mondiales plus une multiplicité des conflits localisés, plus les régimes tournés vers cet objectif de guerre (sans oublier, bien sûr, l'objectif de contre-révolution) ont englouti peut-être 70 ou 80 millions de vies humaines. Et qu'en est-il sorti ? Moins de 30 ans de réelle reprise de la valorisation du capital... Tout ça pour ça ! Et même entre 1945 et les années 1980 les guerres (de la "décolonisation", de la "Guerre froide") n'ont jamais cessé, dans une optique semi-contre-révolutionnaire semi-inter-impérialiste, tuant peut-être encore 15 ou 20 millions de personnes. Puis, dès "l'Empire du Mal" soviétique abattu, alors que l'on annonçait une "ère de paix et de démocratie" éternelle, elles ont immédiatement repris pour le repartage du monde, avec à nouveau l'ombre du génocide planant sur l'Afrique, le Caucase, les Balkans... RIEN ne peut, en réalité, sortir véritablement le capitalisme de la crise généralisée dans laquelle il se débat depuis les années 1870 ! AUCUNE solution émanant de la classe capitaliste n'est rationnelle. À partir de là, où fixer les limites de "l'irrationnel" ? Au début des années 1930, l'impérialisme allemand avait un projet d'Empire et d'"espace vital" européen de l'Atlantique à la Caspienne, projet matérialisé politiquement dans le nazisme. Ce projet comprenait, au sein du "package", l'élimination (expulsion ou à défaut extermination) de la population juive du continent, pour l'ensemble des raisons exposées plus haut : "virus du marxisme", "corps organiquement étranger" et hostile au projet, "incarnation de la finance" (= de la surproduction de capital), "concurrente" des capitalistes allemands (petits, moyens et grands), etc. etc. Ce projet s'est heurté à tellement de concurrents impérialistes, sans oublier l'URSS (dont il impliquait l'anéantissement), qu'il a finalement mené l'Allemagne à la plus grande ruine de son histoire, "l'année zéro" 1945 ; avant qu’elle ne "ressuscite" (grâce au plan Marshall) comme "vitrine de l'Occident" face au "bloc" soviétique. Pas plus qu'elle ne pouvait avancer à quoi que ce soit, la Shoah n'a pas à elle seule "fait perdre" l'impérialisme allemand : c'est l'ensemble du projet qui était suicidaire et d'ailleurs, à partir de 1943, des éléments tenteront de se débarrasser de la haute direction nazie pour "recentrer" les ambitions contre la seule URSS (ces tentatives échoueront). Dès lors, à partir de quelle "ligne jaune" le nazisme "bascule"-t-il dans l'irrationnel ? L'impérialisme allemand d'après 1918 était un fauve blessé et en furie : RIEN dans son comportement n'était rationnel ; pas plus la Shoah que le reste.

    La seule "rationalité" à saisir c'est que le capitalisme en crise générale n'a PAS de réelle porte de sortie à long terme, qui ne peut être que la révolution prolétarienne. Il ne peut sortir la tête de l'eau, au maximum, que pour une génération. Comme la révolution prolétarienne implique la disparition de la bourgeoisie en tant que classe (entrepreneurs capitalistes et "cadres" divers du système), celle-ci ne peut accepter cette solution, qui est pourtant la seule. Elle va donc tenter TOUT ce qui lui passe par la tête, tout ce qui peut lui sembler être une solution pour sortir de la situation ; sans que cela ne soit jamais (en tant que tel) LA solution : c'est seulement lorsque l'ensemble (mondial) des "brillantes" solutions de la classe capitaliste (généralement, résumé à l'extrême : "il suffit de casser la gueule" à tels ou telles) aura amené une destruction suffisante de capital sur-accumulé (essentiellement sous forme de forces productives) que l'accumulation pourra reprendre pour quelques décennies.

    Dès lors, si un ensemble de "raisonnements" réactionnaires convergent dans ce sens... on peut en arriver, le plus "naturellement" du monde, à un investissement faramineux et à perte pour exterminer industriellement 6 millions de personnes. Tout simplement !

    Il ne s'agira pas de "mettre sur le même plan" la Shoah avec quoi que ce soit (on peut se faire accuser de "négationnisme" pour moins que cela...), mais simplement de prendre un exemple plus récent : prenons la guerre en Irak. Humainement, le bilan serait de 162.000 mort-e-s (dont 5.000 envahisseurs impérialistes) dans la violence proprement dite et une surmortalité "globale" de l'ordre d'un million de personnes (par rapport au nombre de personnes qui auraient "normalement" dû mourir depuis le printemps 2003). Idéologiquement, elle baigne dans le marigot devenu le nouvel étendard des extrême-droites occidentales : la "guerre des civilisations", la guerre contre le "terrorisme", irrémédiablement associé à la religion musulmane. Elle a été portée par l'idéologie "néo-conservatrice" qui prétend, au nom de la "démocratie" bourgeoise, mettre la planète entière sous l'hégémonie unique ("unipolaire") des État-Unis et de leurs proches alliés. Et FINANCIÈREMENT, combien a-t-elle coûté ? À l’État fédéral US, on l'estime à 3.000 MILLIARDS de dollars ; au-delà, il est difficile d'évaluer le coût pour les économies de la coalition toute entière. Et qu'aura-t-elle rapporté aux pays coalisés ? Financièrement, prenons les paris qu'elle en aura rapporté de l'ordre de 10 fois moins ; et politiquement c'est le désastre que l'on connaît : le Sud arabe chiite du pays est devenu de facto un protectorat de l'Iran (autre ennemi juré) et le Nord arabe sunnite est aux mains de groupes djihadistes plus ou moins liés à Al-Qaïda (que les guerres de Bush et Cheney prétendaient éradiquer) ou encore pires, qui ont souvent (d'ailleurs) "recyclés" bon nombres de partisans et de combattants de l'ancien régime de Saddam Hussein [MÀJ : en 2014 l'un de ces groupes, l'"État islamique" ou Daesh, a tout simplement pris le contrôle de la région où il a proclamé un "califat", obligeant les Occidentaux à intervenir de nouveau]. Seul le Kurdistan autonome (tout au Nord-Est) peut être relativement considéré comme "dans l'orbite" des pays impérialistes de l'ancienne coalition (encore que l'Iran et la Turquie, qui n'en faisaient pas partie, y exercent une influence non-négligeable). Comme pour la Shoah avec l'impérialisme allemand, on pourrait donc légitimement se demander ce que cette "exécution militaire" d'un pays de 25 millions d'habitant-e-s a concrètement rapporté à l'impérialisme US et à ses alliés...

    La réalité est qu'il n'y aucune logique comptable "rationnelle" à rechercher derrière tout cela. Le capitalisme est pris dans une "spirale de l'impossible" pour tenter de se sauver en tant que mode de production historiquement condamné. Il ne peut que commettre les uns après les autres TOUS LES CRIMES, sous les prétextes les plus fallacieux ou délirants (les "armes de destruction massive" en Irak n'existaient pas ; et n'invoquait-on pas, dans les Balkans, le souvenir de batailles du 14e siècle ?), jusqu'à ce qu'"empiriquement" le taux de profit remonte...


    [Au sujet de tout cela, lire ici : http://quefaire.lautre.net/Marxisme-et-holocauste - article "férocement trotskyste" mais non moins intéressant]

     


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