• Sur le "souverainisme de droite" et la question des "extrêmes nationalistes-populistes-staliniens-blablabla qui se rejoignent"


    LE sujet qui a beaucoup fait jaser cette semaine, c'est bien sûr la victoire de Syriza (gauche "radicale") aux élections législatives grecques et SURTOUT, le lendemain même de cette victoire, la décision confirmée par la suite de former une coalition de gouvernement avec les "Grecs indépendants" (ANEL, 13 députés, en net recul d'ailleurs par rapport à 2012), une formation de droite souverainiste comparable à ce que seraient ici Philippe de Villiers, "Debout la France" de Nicolas Dupont-Aignan ou même des gens comme Paul-Marie Coûteaux qui frayent avec le Front National.

    Sur le "souverainisme de droite" et la question des "extrêmes nationalistes-populistes-staliniens-blablabla qui se rejoignent"C'est évidemment le "choc" pour celles et ceux qui ont voulu fantasmer dans la victoire de Syriza une "révolution par les urnes" façon Chili d'Allende ou Venezuela de Chávez ; ce qui par conséquent ne nous concerne pas : nous n'avons jamais rien vu d'autre en Syriza qu'une social-démocratie "musclée" (dans ses discours de campagne en tout cas) ou simplement "à l'ancienne" (telle que pouvait l'être la social-démocratie en Europe jusqu'aux années 1980, comme le PASOK grec par exemple) ; un réformisme "antilibéral" ayant pour priorité d'arracher la Grèce au sort qui lui est fait depuis 5 ans par l'Union européenne et le FMI et pour qui du coup, l'alliance "naturelle" avec le KKE étant fermée depuis toujours, s'allier à ANEL était beaucoup moins illogique aux yeux de son électorat que de s'allier avec les résidus du PASOK (honni des classes populaires) ou avec To Potami (petite formation social-libérale et européiste) - il apparaît maintenant que l'accord de gouvernement était déjà en pourparlers bien avant les élections. On pourra certes toujours crier à la "trahison" et à l'"opportunisme", mais à quoi s'attendait-on donc d'une formation qui ne doit son succès électoral de dimanche QU'À sa "pragmatisation" et à sa droitisation depuis des années, ayant sans doute même capté... beaucoup des quelques 377.000 électeurs perdus par ANEL depuis mai 2012.

    Nous avons déjà expliqué à la fin de cet article qu'ergoter sur cette alliance "contre-nature" (en fait, elle ne l'est nullement dans le contexte grec !) c'était finalement faire de Syriza la question ; or Syriza N'EST PAS la question qui est celle des masses populaires travailleuses et de leur mouvement réel pour s'arracher aux griffes de l'"austérité" capitaliste, mouvement dont la victoire de Syriza n'est qu'une traduction et (finalement) une péripétie parmi d'autres.

    Mais c'est aussi et SURTOUT l'occasion d'entendre un autre discours, porté celui-là par tous les médias du libéralisme et du social-libéralisme pro-UE et relayé par toute une extrême-gauche nihiliste nationale, "le-prolétariat-n'a-pas-de-patrie", "nationalisme = caca" etc. etc. : le discours selon lequel "les affreux nationaliiiismes populiiiiistes de gauche et de droite se rejoignent (ne vous l'a-t-on pas toujours bien dit ?)".

    Ce sera donc pour nous l'occasion de nous pencher sur cette question du souverainisme, de l'anti-européisme et en particulier du souverainisme de droite qui selon tous ces discours libéraux-européistes ou "antinationalistes" ultra-gauchistes se "rejoindrait" avec l'opposition anticapitaliste ou en tout cas "antilibérale" (réformiste "musclée") aux politiques européennes.

    Soyons clairs : l'Europe tend de plus en plus vers une unité capitaliste intégrée (de production et d'écoulement du produit) et donc, de fait, la "rupture" de droite avec l'"européisme" cela n'existe pas, car aucune bourgeoisie d'aucun pays n'y a réellement intérêt.

    Ce qui est envisageable et que (pour preuve) envisagent des gens pas spécialement "europhobes" comme Laurent Wauquiez, c'est éventuellement une Europe "à plusieurs vitesses", plus ou moins "à la carte" (vision anglaise) ou encore "autour d'un noyau dur de quelques pays", une Europe "des grands projets comme Airbus ou Ariane" que ne rejettent pas Zemmour ni Marine Le Pen, etc. etc. : l'application des mêmes règlementations, des mêmes devoirs et (surtout) des mêmes droits de la Bretagne jusqu'aux frontières russes et de la Scandinavie jusqu'à quelques encablures du Maghreb ou de la Turquie est effectivement quelque chose qui commence à poser question dans le Grand Capital des principaux et plus riches États membres, avec le "ras-le-bol de payer pour tout le monde" etc. etc.

    Là-dessus pourrait en effet se former un consensus si la crise se poursuit et s'approfondit ; comme encore sur l'idée de renforcer les contrôles aux frontières (extérieures de l'Union surtout, mais aussi internes) contre l'immigration extra-européenne voire de restreindre les possibilités d'immigration interne depuis les pays en crise (comme la Grèce ou l’État espagnol) vers ceux qui "vont mieux" comme l’État français ou l'Allemagne (c'est tout à fait possible : la liberté de circulation n'a jamais signifié liberté d'installation, ni droit automatique d'accès aux aides sociales par exemple), de "régler" la question des Rroms avec la Roumanie et la Bulgarie etc. etc. Certains courants des différentes bourgeoisies pourront également (ils le font déjà !) militer pour une Europe plus "indépendante des États-Unis", plus tournée vers Moscou que vers Washington ("euro-russisme") etc.

    En tant que "solutions" du capitalisme à sa propre crise, ces mesures s'accompagneraient évidemment à l'intérieur de chaque pays de toute une série d'autres... répondant en dernière analyse (puisque "réponses" du capitalisme à sa propre crise) à la définition du fascisme, un fascisme du 21e siècle. Mais prôner un repli "national" de chaque État sur lui-même, un programme de "cavalier seul" n'est plus crédible à notre époque et faire de cela le seul et unique critère de ce qui est fasciste ou pas, c'est Sur le "souverainisme de droite" et le question des "extrêmes nationalistes-populistes-staliniens-blablabla qui se rejoignent"délibérément perdre de vue tout le mouvement général de fascisation des gouvernances bourgeoises sur le continent avec ses "solutions" beaucoup plus crédibles et consensuelles... et donc beaucoup plus susceptibles de s'imposer au pouvoir !

    En définitive, la droite "eurosceptique" ou carrément "anti-européiste" n'est que l'expression de secteurs généralement minoritaires des bourgeoisies européennes que la "grosse machine bruxelloise" gêne dans leurs intérêts, souvent des secteurs productifs fragiles et craignant (par conséquent) la concurrence "libre et non-faussée" (comme le secteur agricole par exemple) ; des secteurs bourgeois qui d'ailleurs, tout en tenant devant les masses (pour les mobiliser derrière eux : populisme) un discours violemment anti-"Bruxelles", admettent souvent en "petit comité" pouvoir se satisfaire d'une Europe à "géométrie plus variable" qui autoriserait aux États plus de protectionnisme vis-à-vis de leur production (ou de certains secteurs de celle-ci) et parfois aussi... plus de "libéralisme" au sens de politique pro-patronale et anti-travailleurs, ce qui est par exemple la ligne de l'UKIP et d'une bonne partie des conservateurs britanniques ou encore de Geert Wilders aux Pays-Bas : eh oui, protectionnisme, euroscepticisme et État social ne vont de pair que dans les esprits simples ; et beaucoup de l'anti-européisme qui s'est exprimé ces 10 dernières années n'est pas dirigé contre une Europe "antisociale" mais au contraire TROP sociale (dénoncée comme une "bureaucratie soviétique" etc. etc.)...

    En bref (pour revenir à notre sujet), l'anti-européisme de droite plus-ou-moins extrême tient devant les classes populaires les plus touchées par la crise un discours "socialiste" faisant de l'Union européenne la cause de toutes leurs souffrances, mais est généralement prêt à se rallier à un "consensus" tel que nous l'avons vu plus haut et ne souhaite en réalité, parfois voire souvent, que moins de "bureaucratie" c'est-à-dire de droits sociaux opposables dans les rapports de la bourgeoisie avec ceux qu'elle exploite...

    En Grèce, les "Grecs indépendants" d'ANEL consistent donc en une fraction de la droite conservatrice bourgeoise qui s'est "insurgée" contre ce qu'elle perçoit comme un acharnement et une injustice faite au pays, à sa production... et aux maîtres de celle-ci : la bourgeoisie grecque. Pour en finir avec cette injustice (les "mémorandums" imposés par la "troïka" Commission européenne-BCE-FMI), elle a choisi de provoquer des élections anticipées que Syriza avait toutes les chances de remporter (ce qui a été le cas) puis d'aider cette dernière à former un gouvernement majoritaire. Mais il est clair que son "soutien" à Syriza n'ira pas au-delà de la renégociation de la dette du pays et de la fin des "mémorandums". Pour toute RÉFORME démocratique ou sociale conséquente (sans même parler de révolution !) en faveur du Peuple grec et au détriment du Capital, de l’Église ou autres, elle opposera son veto. Il n'est même pas certain que la sortie de l'Union européenne ou même seulement de la zone euro soit dans ses priorités - en tout cas, la bourgeoisie grecque qu'un parti de droite (jusqu'à nouvel ordre) est censé représenter s'y opposerait certainement car ce n'est pas dans son intérêt ; à voir alors comment se positionnerait ANEL.

    Sur le "souverainisme de droite" et la question des "extrêmes nationalistes-populistes-staliniens-blablabla qui se rejoignent"Pour ce qui est du "souverainisme de gauche", il consiste généralement à la base en une social-démocratie volontariste qui voit dans les traités et les règlements européens une barrière pour les politiques qu'elle souhaiterait mener - à raison car l'"idéal" de la construction européenne consisterait plutôt en un libéralisme vite-fait social, pas en une véritable social-démocratie étatiste et redistributive. Dans certains pays (pas tous) il s'appuie parfois sur les mythes "patriotiques" un brin chauvins qui animent l'aile gauche de la bourgeoisie depuis l'époque (fin 18e et 19e siècle) où celle-ci faisait face à un "étranger" appuyant les résidus féodaux-cléricaux et l'aile conservatrice, comme typiquement le jacobinisme en "France" ou le garibaldisme en Italie. Bien entendu, comme tout le monde l'aura remarqué, la tendance depuis une trentaine d'années est à l'hégémonie intellectuelle DE DROITE et autant le libéralisme "thatchérien" hégémonise la gauche modérée et pro-européenne qui devient social-libérale ("blairiste"), autant le nationalisme anti-européen de droite tend à hégémoniser l'opposition à l'UE sur une ligne social-démocrate "à l'ancienne" mâtinée de social-chauvinisme jacobin... À ce sujet, une (re)découverte très intéressante sur le site LMSI ("Les Mots Sont Importants") rappelle comment début 2002, la candidature à la présidentielle de l'ancien (très sécuritaire, anti-"sauvageons" de banlieue, anti-libérations nationales etc.) Ministre de l'Intérieur et "souverainiste de gauche" Jean-Pierre Chevènement était devenue le point de ralliement et (parfois) la matrice idéologique de toute une "faune" regroupant entre autres spécimens Michel Houellebecq, Élisabeth Lévy (éditorialiste très réac, actuelle directrice de Causeur), Natacha Polony, Alain Finkielkraut, Max Gallo, Paul-Marie Coûteaux (désormais allié du FN), Renaud Camus, Alain Soral (on s'épargnera de le présenter...) et encore la liste de l'article omet-elle rien de moins que... Florian Philippot (conseiller n°1 de Marine Le Pen) ou encore Éric Zemmour : Trois thèses sur Houellebecq et Chevènement.

    Bref et pour conclure, il n'y a là nuls "extrêmes" qui "se rejoindraient" unis par le même "nationalisme anti-européen" mais bien une question d'hégémonie qu'évidemment seuls les marxistes gramsciens peuvent comprendre. Lorsque la social-démocratie keynésienne parvient à bâtir une hégémonie intellectuelle autour de ses positions, on a alors des sociétés comme celles d'Allemagne ou de Scandinavie dans les années 1960 à 1980, ou même (brièvement) de l’État français en 1981 et dans les quelques années suivantes. Lorsque le mouvement communiste marxiste a conquis l'hégémonie, il attire naturellement la base populaire réformiste vers ses positions et la direction tend à suivre - non sans traîner des pieds ni renoncer aux coups de couteau dans le dos. Lorsque c'est par contre la droite réactionnaire et même fascisante qui est hégémonique dans le "débat public", l'aile "pragmatique" de la social-démocratie tend vers la "gestion sociale" d'une économie libérale bon teint ("l'art d'accommoder les restes" écrivait déjà en 1986 un certain... François Hollande) tandis que l'aile "volontariste", généralement hostile à l'Union européenne et à la "mondialisation financière", est inexorablement happée vers les positions d'une droite nationaliste qui afficherait dans ses professions de foi le protectionnisme, l'intervention étatique et une certaine "sensibilité" aux "petits" et aux "laissés-pour-compte" - d'autant plus facilement que des "ponts" historiques existent comme ici, en Hexagone, entre le jacobinisme (de gauche) et le bonapartisme (de droite). Ceci est bien entendu le panorama qui domine largement en Europe ; toutefois, en Grèce, Syriza semble avoir réussi à bâtir une hégémonie réformiste comparable à celle de 1981 en Hexagone et si par "priorité à la lutte contre la troïka" elle s'allie aux souverainistes de droite, du moins pense-t-elle le faire en position de force [ce que laissent supposer de prime abord tant le rapport de force (149 sièges contre 13) que la dynamique - Syriza fait plus que doubler ses élus tandis qu'ANEL en perd le tiers]. Mais ce genre d'hégémonie sociale-démocrate est historiquement de nature fragile et ne résiste pas à l'échec dans ce qu'elle a promis aux classes populaires : elle s'effondre alors brutalement et les choses se jouent dès lors entre le mouvement révolutionnaire communiste (anticapitaliste) et l'hégémonie intellectuelle de droite, hydre qui n'a pas qu'une seule tête (ultra-libérale "mondialiste" ou national-étatiste-interventionniste ou encore ouvertement fasciste) mais bien plusieurs.

    Sur le "souverainisme de droite" et le question des "extrêmes nationalistes-populistes-staliniens-blablabla qui se rejoignent"Les communistes, bien entendu, ne sont d'aucun de ces "camps" que nous venons de voir. Pour eux le capitalisme n'a pas commencé à signifier l'exploitation des travailleurs, l'inégalité, la misère, l'impérialisme (extension de la base d'accumulation) et les idéologies racistes qui l'accompagnent à Maastricht en 1993, ni à Rome en 1957. Un capitalisme incluant une plus ou moins grande dose d'intervention de l’État n'est pas fondamentalement "mieux" qu'un capitalisme reposant uniquement sur la "main invisible" du marché : en version social-démocrate il n'est susceptible d'apporter que des améliorations marginales et temporaires à la condition des classes populaires, et les sincères aspirations de celles-ci à "changer la vie" (sur lesquelles il repose) doivent être gagnées à la conception communiste du monde et non laissées en l'état ; tandis qu'en version fasciste il est inacceptable, ennemi mortel impliquant l'écrasement du mouvement ouvrier et de tout "ennemi intérieur" et (généralement) la guerre impérialiste à l'extérieur. En outre, les communistes particulièrement conséquents qui ont compris et analysé la nature des grands États de la planète comme l’État français [bases d'accumulation et de reproduction du Capital construites à travers les siècles par la/les bourgeoisie(s) d'un/de Centre(s) capitalistes appuyé(e)s sur des monarchies autoritaires ou absolutistes] sont parfaitement insensibles à des sirènes "européistes" ou "souverainistes" qui communient dans la même idéologie bleu-blanc-rouge de négation de nos Peuples prisonniers, de haine envers leurs affirmateurs "patoisants"/"balkanisateurs" et de guerre policière contre les colonies intérieures "territoires perdus de la République"...

    Mais bien sûr et malheureusement, lorsque sans quitter des yeux ni cesser de combattre les "contre-propositions" réactionnaires comme celles du FN et autres "souverainistes" il nous arrive (accessoirement) de combattre le pouvoir en place, qui à notre connaissance et jusqu'à nouvel ordre est plutôt européiste et libéral ou social-libéral (et l'on pourrait encore ajouter atlantiste et pro-israélien), il n'en faut pas plus aux libéraux et sociaux-libéraux en question mais aussi à leur traditionnel sillage d'ultra-gauchistes excité(e)s pour nous mettre dans le même sac que les sociaux-démocrates "antilibéraux" et "souverainistes de gauche" et (de là) que la droite nationaliste. C'est ainsi...


    Sur le "souverainisme de droite" et le question des "extrêmes nationalistes-populistes-staliniens-blablabla qui se rejoignent"


    Sur la victoire de Syriza en Grèce, lire la position de l'OCML-VP : Victoire de Syriza en Grèce, le réformisme à l’épreuve du pouvoir


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