• L’entrefilet du jour… (Alain Finkielkraut entre à l'Académie)

    L'entrefilet du jour… sera ce petit (mais excellent, comme d’habitude) article de Quartiers Libres consacré à l’entrée d’Alain Finkielkraut parmi les ‘‘immortels’’ académiques de la République capitaliste-impérialiste.

    C’est vrai que c’est rigolo comme certains (qu’on ne présente plus) nous bassinent depuis des années avec l’autre connard de Dieudonné, particulièrement ces derniers mois (depuis qu’ils ont été réveillés par leur nouvel ami-pas-fasciste Valls)… et là, silence radio sur un évènement pourtant emblématique du fond d’ambiance idéologique dans lequel baigne l'Hexagone : l’entrée de ‘‘Finkie’’ dans le Temple culturel et idéologique de la classe dominante (à moins que l’on puisse séparer culture et idéologie… on ne sait pas, on n’a jamais essayé) fondé par Richelieu en 1635 pour incarner la ‘‘grande culture’’ françaiiiise que célèbrent quotidiennement lesdits certains. Temple qui n'a jamais (au demeurant) hébérgé beaucoup de grands progressistes, mais enfin quand même...

    Finkie le chef de file des ‘‘nouveaux réacs’’ ; Finkie-la-petite-phrase contre toute cette (islamo) racaille qui grouille dans les ‘‘territoires perdus de la République’’, contre l’équipe nationale de foot ‘‘black-black-black’’, contre ces Antillais ‘‘assistés’’ qui nous font chier avec leurs "procès délirants d'une France toujours esclavagiste et toujours coloniale" etc. etc. Ah oui mais zut, c’est vrai ! C’est un ‘‘républicain’’, peut-être même franc-maçon, on ne sait pas… Un glorificateur des Lumières. Un peu réac sur les bords, certes, mais bon. Un peu comme Valls quoi... Anti-‘‘communautariste’’, anti-‘‘nazislamiste’’, anti-‘‘repentance’’ et ‘‘concurrence victimaire’’ ; contempteur infatigable de ce ‘‘nouveau fascisme rouge-brun-vert’’ qui rugit aux portes de notre beau ‘‘vivre-ensemble’’ républicain, de cet islam "voileur de femmes" et de ses mosquées "remplies de fidèles quand les cathédrales sont remplies de touristes", de ces enfants d'immigrés qui ont l'outrecuidance de "se dire aussi français que les Français de souche", de ces "multiculturalistes qui n'amènent que le multi-racisme" et "ne s'inquiètent pour la sanctuarisation de l'école que lorsqu'on va chercher Leonarda qui sèche les cours un jour sur deux" (toutes citations absolument authentiques...) ; anti-antiraciste, anti-anti-impérialiste et anti-antisioniste. ‘‘Cultivé’’ comme il plaît à nos détenteurs intergalactiques de la science MLM. Ami d’Israël. Bref…  

    Nous avons déjà parlé de ces fameuses deux ailes de l'idéologie française : aile ‘‘gauche’’ ‘‘universaliste’’ républicaine-jacobine-laïcarde et aile droite national-conservatrice ‘‘versaillaise’’ ; l'une spécialisée dans la dénonciation des grands centres urbains avec leurs ‘‘bureaucrates syndicalistes’’, leurs ‘‘fonctionnaires payés à rien foutre’’, leurs ‘‘étudiants et intellectuels bobos gauchistes’’, bref tout ce qui dans la petite bourgeoisie peut être source d’instabilité pour le Grand Capital ; l’autre dans celle des ‘‘culs-terreux arriérés’’ et ‘‘poujadistes’’, des ‘‘régionalistes’’ dûment chouanisés-nazifiés avec leurs langues et leurs drapeaux ‘‘inventés par des pétainistes’’, bref tout ce qui dans les périphéries profondes est susceptible de mettre à nu l’imposture intellectuelle de la ‘‘Nation française une et indivisible’’… et l'une et l'autre se rejoignant dans la démonisation du ‘‘barbare’’ colonisé-intérieur des ‘‘territoires perdus’’ de banlieue, soumis ainsi à un terrible feu croisé. Finkielkraut, c’est tout simplement l’ancien mec ‘‘de gauche’’ qui ne fait même plus semblant de l’être. C’est la SYNTHÈSE des deux ailes de l’idéologie française  [1] ; et qui dit synthèse d’une idéologie dominante en temps de crise générale du capitalisme dit FASCISME EN MARCHE. Il y en a d'ailleurs qui ne s'y trompent pas...

    Notre position a toujours été claire : il y a une IDÉOLOGIE FRANÇAISE que nous avons analysée en profondeur et la version "fasciste" de cette idéologie n'est pas "autre chose" que la version "républicaine-démocratique", "autre chose" qui la "prendrait d'assaut" et la renverserait. Elle en est tout simplement le POURRISSEMENT ULTIME dans des conditions bien particulières de crise générale du système, conditions de plus en plus réunies, qui font tomber les masques "démocratiques" de l'appareil politico-militaire et idéologique "France". Il n'en allait d'ailleurs pas autrement du fascisme italien, du nazisme allemand ou du franquisme, versions ouvertement terroristes des idéologies italienne (exaltation de l'héritage romain, irrédentisme, hégémonie sur la Méditerranée), allemande (l'Allemagne est là où sont les Volksdeutsche "allemands de sang", Drang nach Osten) ou espagnole ("Espagne unie, grande et libre" castillano-centrée et niant ses Peuples, national-catholicisme, hispanité) fondant ces États bourgeois. En cela, des personnalités issues de la "gauche républicaine" comme Finkielkraut ou Valls sont beaucoup plus significatives que des fachos de toujours comme Le Pen et consorts. Il y a toujours eu des fascistes à toutes les époques, Jean-Marie Le Pen a commencé sa carrière politique au milieu des années 1950 mais pendant près de 30 ans ses idées n'ont recueilli que quelques % des suffrages. Si le Front National recueille aujourd'hui des 4 millions voire 6 millions de voix, c'est qu'un basculement est en train de s'opérer dans l'idéologie française en faveur de "décomplexer" la dictature du Capital (là est, tout le monde le sait bien, le principal facteur de mobilisation du FN ; les autres points sur lesquels il "fait la différence" - Europe, géopolitique - sont secondaires), et un Alain Finkielkraut est beaucoup plus représentatif de ce basculement qu'un Jean-Marie ou une Marine Le Pen qui ont toujours eu les idées qu'ils portent actuellement.

    Alain Finkielkraut : vert de rage

    Alain Finkielkraut est entré à l’Académie française. Cela peut paraitre assez anecdotique, mais c’est le couronnement d’une carrière médiatico-«intellectuelle» qui s’est fructueusement construite ces dernières dizaines années, au cours desquelles un beauf inculte de son temps s’est vu élevé au rang de penseur de son époque. La prétention d’Alain Finkielkraut à la philosophie est surtout un instrument de pouvoir qui lui permet de diffuser des considérations dont la faiblesse intellectuelle n’a d’égale que la nocivité politique. Entrer chez les « Immortels », c’est définitivement être mort dans le monde social, et à ce titre c’est peut-être une bonne nouvelle…

    Image 1 Alain Finkielkraut est un philosophe, c’est à dire quelqu’un dont la profession est d’essayer de comprendre et de dire la complexité du monde. C’est pourtant un individu qui depuis des années déverse sa haine et son mépris pour les  autres à longueur de tribunes, nombreuses, dans les grands journaux, et à longueur d’émissions, quotidiennes, sur des radios publiques et des télévisions nationales. C’est l’un des acteurs majeurs de l’évolution de la parole délirante de celles et ceux qu’on nous présente comme des « élites intellectuelles », dont l’inanité des jugements est proportionnelle à leur capacité à se couper du réel. Si Alain Finkielkraut est un symptôme, il est aussi un acteur responsable et justiciable de ces propos.

    Lui qui vient d’être élu pour défendre la langue française n’a finalement apporté à notre société qu’une posture moralisatrice permanente qui sonne comme autant d’insultes dirigées contre nos quartiers. Alain Finkielkraut est un homme qui juge sans jamais chercher à comprendre, un prescripteur moral qui a largement usé et abusé des avantages que sa position lui fournissait dans la société pour mieux cracher sur les autres.

    La France de Finkielkraut

    image 2

    (source)[2]

    Parlant de tout, à propos de tout, et surtout de ce dont il n’a aucune réelle connaissance, il fait partie de ces « nouveaux philosophes » (selon leurs propres termes) de la fin des années 1970, version parisianiste du café du commerce, qui s’indignent moralement face à tout ce qui s’agite, évolue, change, et bouge dans notre monde. Face au mouvement et au complexe, Finkielkraut répond discipline et intégration. C’est pourquoi il focalise tout sur la mission de l’école, incapable d’envisager une société où les enfants ne portent pas tous des uniformes, et ne récitent pas tou.te.s d’une seule et même voix le même credo républicain bien appris :

    Image 3

    Image 4

    Fervent défenseur de l’ « identité nationale » française et des valeurs qu’il y attache (bien qu’il n’ait jamais réussi à définir ce qu’il entendait par là sinon qu’elle supposait qu’on perde son accent et qu’on s’exprime poliment), cet apôtre de l’Occident sous toutes ses formes est d’abord un impérialiste, partisan contemporain du projet colonial. Son dernier livre sur l’Identité malheureuse témoigne par exemple une nouvelle fois de la vision d’un individu obsédé par un monde en pleine évolution et dont manifestement il ne comprend pas grand-chose :

    Image 5Source

    Reste à comprendre ce que Finkielkraut met sous ces “valeurs” et ces “mœurs” supposément partagées par tou.te.s à l’exclusion de ces hordes hostiles qui hantent la plupart de ses interventions et lui donnent des sueurs froides.

    Finkielkraut l’essentialiste

    “Et je découvre que la forme de laïcité que je tenais pour une valeur universelle est une singularité française. C’est ainsi que, tout d’un coup, l’identité nationale me revient dans la figure […] Dans les années 60 et 70, il y avait certes des luttes, mais la France, sans le savoir, était une nation homogène et le " vivre-ensemble " allait de soi.” (source)

    L’une des "valeurs" que Finkielkraut cite de manière récurrente est la laïcité, mais dans une version « falsifiée » malheureusement très répandue. Comment un philosophe peut-il penser que la laïcité française est universelle, et non au contraire un dispositif très spécifique et historiquement susceptible de multiples interprétations contradictoires? C’est le récit de toutes ces contradictions et des complexités historiques que Finkielkraut passe sous silence, en évoquant ad nauseam une crise de la société qu’il "analyse" à partir d’une vision complètement fausse et idéalisée de la France des décennies précédentes. Le portait qu’il dresse de la France contemporaine n’est pas plus juste. Essentialiste notoire, il ne peut pas s’empêcher de tout ramener à des spécificités présentées comme naturelles et figées qui dépendraient d’origines géographiques, ethniques ou religieuses comprises comme "essence" de l’individu.

    Depuis son livre La défaite de la pensée (1987) Alain Finkielkraut radote et répète que la société va mal, que la culture, c’est plus ce que c’était. Rétrograde précoce, il s’émeut dès 1999 de « l’Ingratitude », symptôme de notre époque, puis de l’ « imperfection » du présent. Il semble toujours tellement fortement croire en la raison rationalisante occidentale, normalisatrice, qu’il est incapable de voir le réel, et donc de le penser en dehors de ce cadre. Il vit depuis des dizaines d’années dans le fantasme, dans l’illusion d’un monde où ses peurs se réaliseraient pour mieux montrer qu’il a raison de ne pas le comprendre. Les nouveaux philosophes comme Alain Finkielkraut ont tout simplement renoncé à réfléchir pour ne plus déverser que leurs obsessions personnelles et leur fiel dévastateur.

    Finkielkraut et les « jeunes de banlieues » 

    Capture d’écran 2014-04-13 à 18.44.19(source)

    Il semblerait aussi que les « valeurs » défendues par Finkielkraut s’arrêtent aux portes des quartiers. Il faut se souvenir des inepties et des injures proférées du haut de toute son arrogance au moment des révoltes des quartiers populaires en novembre 2005, n’envisageant ce phénomène qu’à l’aune d’un différentialisme crasse et complètement déconnecté de la réalité. Ainsi a-t-il pu également parler à ce sujet de « pogrom anti-républicain », comme si ces événements étaient la contestation de "valeurs" républicaines elles aussi présentées comme « essentielles », dont ces révoltes montraient au contraire la faillite et l’inexistence. Aussi peu soucieux de précision intellectuelle que d’expérimentation des réalités de terrain, Finkielkraut vit dans un fantasme permanent qu’il a malheureusement tendance à communiquer à travers les nombreuses tribunes qui lui sont offertes : 

    Capture d’écran 2014-04-13 à 18.45.21Source 

    Omniprésent médiatiquement, il est aussi l’un des « intellectuels » français à s’être exprimé à tort et à travers au sujet de l’équipe de France de football. Contribuant à l’entreprise médiatico-politique qui vise à faire de quelques dizaines de sportifs millionnaires vivant pour beaucoup dans d’autres pays les symboles les plus représentatifs des quartiers, il a décrété que l’identité raciale « black black black » de l’équipe était l’origine de toutes les questions et difficultés rencontrées.

    On pourrait encore prolonger la longue liste d’insultes dont le « philosophe » nous a gratifié.e.s et évoquer pêle-mêle sa détestation de la culture hip hop et du rap en général, ses sorties sur les Antilles etc.

    Image 7

    Alain Finkielkraut s’exprime comme un enfant qui sortirait pour la toute première fois de sa chambre, incapable d’entendre et de comprendre le monde qui l’entoure, préférant se prostrer et hurler. Finkielkraut n’est pas qu’un individu victime de son aveuglement au point d’en faire une source de revenus, ce n’est pas non plus qu’un idiot utile du pouvoir, c’est surtout l’un des relais les plus redoutables et les plus efficaces du mépris, de l’ignorance et de la haine contre nos quartiers.

    On ne meurt qu’une fois, et Finkielkraut vient de passer à la postérité.

    "On a saboté la langue de Molière, démasqué le racisme de Voltaire, on a planté la tente, maintenant faudra s’y faire, les nègres vous emmerdent comme dirait Aimé Césaire"

     

     


    [1] À titre d'exemple, la position de Finkielkraut déjà en l'an 2000 sur les langues "régionales" : http://www.revueargument.ca/article/1969-12-31/125-luniformite-dans-la-diversite-conversation-autour-du-debat-sur-les-langues-regionales-en-france.html. On admirera le passage où il "élude", avec une virtuosité qu'il faut lui reconnaître, la référence à Simone Weil par l'intervieweur... ce qui aurait, il est vrai, amené le débat au CŒUR DU PROBLÈME !

    [2] Celle-là est tout simplement ahurissante. "S'ils avaient été Blancs comme à Rostock"... Sauf qu'à Rostock il ne s'agissait pas de brûler des symboles de l’État oppresseur et "classificateur social" (rôle de l'école), mais des immeubles avec des travailleurs immigrés à l'intérieur ; ce qui a d'ailleurs "réussi" 9 mois plus tard à Solingen. Une comparaison aussi odieuse fait tout simplement trembler de rage...

    Lire aussi : La France blanche d’Alain Finkielkraut


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