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La lutte héroïque des Kurdes, une lueur d'espoir dans la nuit qui s'est abattue sur le Moyen Orient
Par Servir dans Proche & Moyen-Orient (avec Palestine bien entendu), Anatolie, Maghreb le 29 Septembre 2014 à 14:03
Après avoir évoqué la mort tragique d'Hervé Gourdel aux mains d'émules algériens du sinistre Daesh, et rappelé quel "phare" de la Révolution mondiale devait être - pour tout maoïste et même tout marxiste - la Guerre populaire en Inde, il nous faut maintenant parler de ce qui n'est peut-être pas encore un "phare" mais très certainement une lueur d'espoir dans la nuit d'horreur qui s'est abattue sur le Proche et le Moyen Orient : la résistance héroïque du Peuple kurde qui, notamment en Syrie mais aussi en "Turquie" et en Irak, combat aussi bien les régimes bureaucratiques-compradores à la solde de l'impérialisme (impérialisme occidental comme l’État turc ou bloc russo-chinois comme le régime Assad, peu importe !) que le nouveau monstre du clair-obscur du djihadisme ("État islamique"/Daesh, Front al-Nosra etc.), jailli des entrailles putrescentes de cet état de fait impérialiste.Telle est en effet la réalité des choses : l'impérialisme, la concurrence (entre puissances) en son sein et les monstres qu'il engendre (de fait, les expressions armées de concentrations capitalistes locales qui n'acceptent plus la tutelle du "Nord") parsèment la planète de conflits sanguinaires, mais dans tous ces conflits ou presque existent des forces positives auxquelles les communistes se doivent d'apporter leur soutien. Au Proche et Moyen Orient, la résistance et surtout (bien entendu) la résistance PROGRESSISTE des Kurdes (PKK, PYD) en fait partie.
Nous l'avions déjà évoquée il y a quelque mois en traduisant un article maoïste états-unien qui y voyait l'embryon d'une Guerre populaire locale - en Syrie du moins, car en Irak les peshmergas luttent non moins héroïquement mais sous l'autorité d'un Kurdistan "autonome" (depuis 1992) totalement bourgeois et lié à l'impérialisme occidental (c'est même son "meilleur élève" dans la région).
Dans la région de l’État syrien appelée Rojava (ce qui signifie "ouest" en kurde : "Kurdistan occidental"), c'est en réalité depuis 2012 que les Unités de Protection du Peuple (YPG du PYD, lié au PKK du Kurdistan "turc") ont rejeté tant la botte du régime baasiste que celle de l'opposition pro-occidentale et djihadiste et ont conquis une autonomie de fait où sont mis en application les principes du "confédéralisme démocratique" (lire aussi ici et ici).
C'est une lutte inégale et difficile car si l'impérialisme occidental s'oppose lui aussi (officiellement) tant au régime de Damas et à son allié iranien qu'aux djihadistes (et l'impérialisme russo-chinois tant aux forces pro-occidentales de l'ASL qu'aux mêmes djihadistes), il ne souhaite évidemment pas voir se consolider dans la région ce qui pourrait bien devenir une BASE ROUGE de la Révolution mondiale.
Les combats font actuellement rage dans le secteur de Kobanê :
http://www.actukurde.fr/<wbr>actualites/687/les-kurdes-<wbr>syriens-seuls-mais-determines-<wbr>a-vaincre-daesh.html
http://www.actukurde.fr/<wbr>actualites/686/les-kurdes-<wbr>avancent-en-syrie-et-en-irak.<wbr>html
http://www.actukurde.fr/<wbr>actualites/688/kurdistan-<wbr>syrien-la-resistance-de-<wbr>kobane-est-la-stalingrad-du-<wbr>moyen-orient.html
http://www.dailymotion.com/<wbr>video/x26tg9l_vive-la-<wbr>resistance-de-kobane-au-<wbr>kurdistan_newsDu côté "turc", la jeunesse prolétaire et paysanne kurde se rue à la rescousse de ses frères "syriens" pour combattre à leurs côtés, mais l’État turc (qui "combat" officiellement le Daesh au sein de la coalition occidentale) ne veut bien entendu pas entendre parler d'un tel sentiment populaire kurde transfrontalier et les réprime très brutalement :
http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/20141008.OBS1410/kobane-les-emeutes-kurdes-ont-fait-14-morts-en-turquie.html
http://www.leparisien.fr/international/en-turquie-les-manifestations-kurdes-pour-kobane-font-14-morts-08-10-2014-4196665.phpEn Hexagone, les communautés kurdes ont appelé à des rassemblements en solidarité avec la lutte là-bas, comme par exemple ce samedi à Marseille/Marselha.
À Paris, les militant-e-s d'Alternative Libertaire ont prononcé une allocution que (bien que maoïstes et non libertaires) nous partageons très largement dans les grandes lignes - et que nous reproduisons donc :
ALLOCUTION D’ALTERNATIVE LIBERTAIRE
Aujourd’hui, Kobanê, au Kurdistan occidental, est assiégée par les forces barbares de l’État islamique – Daech.Aujourd’hui, Kobanê se bat pour la liberté, pour la démocratie et pour les droits des femmes.
Aujourd’hui, Kobanê se bat héroïquement, malgré le double jeu du gouvernement turc, malgré les atermoiements de la coalition dirigée par Washington.
Aujourd’hui, Kobanê est devenu le symbole de la résistance du Rojava syrien, mais pas seulement.
Si Kobanê tombe, ce n’est pas seulement tout le Rojava qui sera menacé, c’est aussi un modèle politique et social : celui du confédéralisme démocratique et de l’autonomie démocratique, édifié depuis le 19 juillet 2012.
C’est pourquoi, sous le drapeau des Unités de protection populaire (YPG) qui défendent Kobanê, on trouve côte à côte des miliciennes et des miliciens kurdes, arabes, turcs, qu’ils soient musulmans, yézidis, chrétiens ou athées. Toutes et tous se battent côte à côte contre les fanatiques.
C’est pourquoi la défense de Kobanê et du Rojava syrien intéresse non seulement le peuple et la diaspora kurde, mais aussi toutes et tous les partisans de l’émancipation, les féministes, les anticolonialistes et les anticapitalistes.
Kobanê doit pouvoir compter sur les milliers de jeunes gens, révolutionnaires, syndicalistes, anticolonialistes, libertaires qui sont venus de toute la Turquie pour défendre la ville, et qui aujourd’hui sont bloqués à la frontière par l’armée turque.
Car Kobanê et le Kurdistan n’ont pas pour seul ennemi l’État islamique.
Ils ont d’autres ennemis, plus sournois, qui aimeraient que Daech fasse le « sale boulot » à leur place : Bachar el-Assad et Recep Tayyip Erdoğan.
Quant aux États-Unis, après avoir longtemps hésité, ils ont bombardé les forces de Daech qui assiègent Kobanê. Cependant, il faut savoir que s’ils ne souhaitent pas la victoire de Daech, ils ne souhaitent pas non plus la victoire du modèle politique et social que représente le Rojava.
On parle aujourd’hui d’une possible intervention terrestre contre Daech dans la région de Kobanê. Pourtant ce serait une catastrophe si demain, au nom de la lutte contre le djihadisme, l’armée turque occupait militairement le Rojava. Ce serait la fin de l’autonomie populaire, le démantèlement des milices d’autodéfense, la prison pour les révolutionnaires.
Le peuple kurde a besoin d’armes pour défendre Kobanê et le Rojava. Il n’a pas besoin de subir l’occupation de l’armée turque ou américaine.
Vive Kobanê libre, vive le Kurdistan libre, vive la révolution.
***************************************************************On signalera aussi qu'à Strasbourg (Elsass), des militants kurdes ont subi l'agression de nationalistes turcs.
Les camps de la Révolution et de la Réaction mondiale se cristallisent de manière tous les jours plus claire, même lorsqu'au niveau des "relations internationales" et de la "géopolitique" le plus grand "méli-mélo" semble régner...
De fait, si les conceptions de ces héroïques combattant-e-s kurdes (voir aussi ici) peuvent sembler fort éloignées des canons du marxisme voire apparaître comme "pure hérésie (pardon) révisionnisme" à d'aucun-e-s*, elles nous semblent bien - à nous - tendre vers notre conception de la société à construire : un "État" oui, au sens d'instrument politique d'une classe (en l’occurrence le prolétariat et les autres classes populaires, laborieuses) pour défendre ses intérêts et son projet politique (en l'occurrence la vraie démocratie qui est le socialisme, l'émancipation humaine totale qui est le communisme !), mais un "État" qui par sa nature de classe différente (non-bourgeoise) ne peut être que de type radicalement nouveau ; un État par et pour le Peuple consistant en une fédération des unités de base du Pouvoir populaire que nous appelons (en référence à notre histoire occitane et "française") les Communes (mais que les Kurdes et les autres peuples peuvent tout à fait appeler autrement), fondé sur la subsidiarité et la délégation du bas vers le haut et permettant au demeurant, comme expression des Peuples qui sont frères et non des bourgeoisies qui sont par nature concurrentes, d'unifier de vastes territoires en transcendant les appartenances "ethniques" et/ou religieuses et sans reposer sur la suprématie d'un groupe sur un autre - ne serait-ce pas d'ailleurs (justement) cette rupture avec la conception bourgeoise de l’État qui aurait été insuffisante chez les marxistes-léninistes du siècle dernier, tout juste (peut-être) esquissée dans la Chine de la Révolution culturelle ou l'effervescence cubaine des années 1960 ?
De fait et en définitive, avec leur confédéralisme qui veut faire coexister démocratiquement tous les Peuples et toutes les confessions, ils et elles sont les véritables héritier-e-s de Salah ad-Dine (kurde lui-même) À UN NIVEAU SUPÉRIEUR, n'en déplaise à tous ces sionistes musulmans djihadistes qui prétendent "restaurer le Khilafah" !
SOLIDARITÉ INTERNATIONALISTE AVEC L'HÉROÏQUE RÉSISTANCE DU PEUPLE KURDE !
* D'aucuns pourront notamment souligner la ressemblance de ces thèses avec la pratique des caracoles (communautés auto-gouvernées) des zapatistes (EZLN du "sous-commandant Marcos") au Chiapas, dont il n'est d'ailleurs pas improbable qu'elles s'inspirent, ou encore (à une bien moindre échelle) avec les squats de totos en Occident, telle ou telle expérience d'autogestion en entreprise (Lip etc.) ou coopérative agricole de babas cools dans les Cévennes ou ailleurs etc. ; pour les recouvrir bien évidemment de tous les épithètes qui leur servent d'arguments politiques : "petit-bourgeois", "idéaliste" etc. etc. Mais le problème de ces caracoles mexicains ou de ces entreprises autogérées, est-il vraiment là ? Est-il de ne pas être des formes d'organisation sociale et de rapports de production tendant vers le communisme ? NON, le problème n'est pas là. Les caracoles zapatistes du Chiapas sont des modèles très intéressants pour ce que nous appelons la Commune populaire. Les entreprises autogérées et les coopératives "néo-rurales" constituent des rapports de production tout à fait conformes à ce que nous appelons le socialisme. Leur problème, c'est de penser pouvoir coexister avec un État et une économie encore totalement capitalistes. Leur problème, c'est de penser que l’État et l'ordre social bourgeois se dissoudront devant eux et non qu'ils doivent être DÉTRUITS par une Guerre du Peuple. L'EZLN du "sous-commandant Marcos" assume ouvertement son refus de combattre l’État bourgeois (semi-féodal semi-colonial) mexicain pour le détruire : elle estime que les caracoles "peuvent" exister en son sein et que petit à petit, face à cette expérience sociale, l’État "évoluera", se "démocratisera" etc. etc. (et l’État, lui, s'est accommodé de cette "épine dans le pied acceptable" du moment que la situation est sous contrôle - si tel n'était pas le cas, bien évidemment, il mettrait tout en œuvre pour écraser le zapatisme). C'est également en substance (à une bien plus petite échelle on l'a dit) la conception de l'"autonomie" et des squats dans les pays occidentaux : l’État est contesté, confronté mais pas vraiment combattu au sens d'une véritable GUERRE pour le DÉTRUIRE. On s'imagine qu'il s'"effondrera" de lui-même devant le développement de l'auto-organisation populaire. Les entreprises autogérées et autres coopératives d'esprit égalitaire et collectiviste s'imaginent de la même manière pouvoir exister au sein d'un appareil productif national totalement capitaliste, espérant peut-être faire "tache d'huile" etc. etc.
Les Kurdes, pour le moment, luttent les armes à la main contre les États turc et syrien et la proposition étatique ("califat") des djihadistes sur le Nord de l'Irak et l'Est de la Syrie : l'idée d'une "coexistence" entre leur projet de société et celui de leurs adversaires ne semble donc pas leur effleurer l'esprit. Mais attention : les zapatistes, après tout, ont eux aussi pris les armes au début (le conflit, début 1994, a fait plusieurs centaines de victimes), nonobstant leur ligne de non-destruction de l’État... Et l'on sait que depuis l'an dernier des négociations ont pu s'amorcer entre le direction (emprisonnée) du PKK et l’État turc - de fait, le dialogue a commencé à se nouer voilà plus de 10 ans, dep uis qu'en 2002 le gouvernement AKP a mis partiellement fin à l'intransigeance kémaliste sur la question. Le "confédéralisme démocratique" kurde se trouve donc à cette croisée des chemins là : s'il comprend et assume la nécessaire destruction des États qui emprisonnent les Kurdes au Proche et Moyen Orient (et le rejet radical de l'impérialisme dont ils sont la création et l'instrument), il devra nécessairement assumer la Guerre populaire et le maoïsme. S'il croit au contraire (comme l'EZLN de Marcos avant lui) pouvoir "coexister" avec eux (genre "sous la protection des Nations Unies" et autres fadaises), il dégénèrera en une nouvelle forme d'ultra-démocratisme "participatif'" petit-bourgeois...
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Commentaires
2PascalJeudi 25 Décembre 2014 à 20:24Samedi, il y a une manif prokurde à Paris (15h République). Après la manif kurde de Hambourg attaquée à la machette par les "barbus", la vigilance est à conseiller. La manif pour la camarade violée est malheureusement à la même heure.C'était plus une réponse aux fantasmes djihadistes qu'autre chose (surtout qu'une sacralisation du personnage).
Dans la même veine on peut citer cet article http://orientxxi.info/magazine/le-califat-imaginaire,0689
Ils prétendent restaurer une sorte d'Empire musulman comme celui de Salah ed-Dine. Or celui-ci, sans être tout rose, était assez éloigné de leur conception de l'Etat. Logique de subsidiarité, de tributarité, coexistence des ethnies et des confessions etc.
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D'autant qu'il y avait dans son combat une forte dimension "lutte contre les infidèles" tandis que les Kurdes de Syrie appellent les "Occidentaux" à les soutenir (appel relayé par le P"C"F, le NPA et l'UDB). Tactiquement, ce n'est pas forcément absurde ou suicidaire.