• Revue d'actualité : élections à la tête des deux grands partis de la Réaction bourgeoise


    Ce week-end se déroulaient deux évènements de première importance pour les deux grands partis de la bourgeoisie ouvertement réactionnaire en Hexagone.

    Nous ne nous étalerons pas sur une analyse de ces forces politiques déjà maintes fois faite, mais nous relèverons simplement les quelques tendances qui se dégagent.

    Du côté de la bourgeoisie réactionnaire plus "sociale"-"étatiste" et moins "main invisible du marché" ("Nous sommes les seuls raisonnables, rejetant à la fois l'ultra-étatisme et l'ultralibéralisme"), plus souverainiste (eurosceptique pour ne pas dire europhobe) et plus tournée vers la Russie que vers l'alignement atlantique traditionnel ("Notre Europe va de l'Atlantique à l'Oural, pas de Washington à Bruxelles", sans parler du prêt de 9 millions d'euros consenti par une banque russe et de la présence au congrès de deux hauts responsables du régime de Poutine), nous avons bien sûr nommé le FN qui tenait son congrès à Lyon presque quatre ans après celui qui avait vu Marine Le Pen prendre la tête du parti, cette dernière a été reconduite dans sa fonction on ne peut plus confortablement... en l'absence de concurrent (100% des voix) : http://www.lexpress.fr/actualite/politique/fn/au-congres-du-fn-marion-marechal-le-pen-devance-de-tres-loin-florian-philippot_1627326.html.

    congresFNLyon.jpgMais plus intéressante a été l'"élection" (en fait une succession de votes plébiscitaires) au "Comité central" du Front, sorte de "parlement interne" : on y a vu la nièce de la présidente, Marion Maréchal-Le Pen, plébiscitée par plus de 80% des voix très loin devant... Florian Philippot (quatrième avec 69%), le désormais incontournable porte-parole de la "ligne Marine" que l'on voit sur tous les plateaux télé. Or Marion Maréchal est justement l'incarnation de la "légitimité dynastique" et surtout des "fondamentaux" du lepénisme, sur une ligne très extrême-droitière tandis que Philippot est bien sûr le principal artisan et représentant du "relooking" mené depuis 2011 sur une ligne "chevènementiste", "souverainiste-antilibérale ni droite ni gauche", ligne qui a permis au FN de quadrupler ses adhérents (83.000 contre 23.000 lors du précédent congrès) et de connaître les triomphes électoraux que l'on connaît (hélas) au printemps dernier mais qui est aussi très contestée par la "vieille garde" et le "noyau dur" militant "historique". Est ainsi souvent mise en avant (par les participants au congrès) la participation de Marion Maréchal à la "Manif pour tous" homophobe qui avait mobilisé plusieurs millions de personnes début 2013 ; mobilisation sur laquelle Philippot avait préféré placer le Front National "en retrait" dans une tentative (peut-être) d'apparaître plus "ouvert" et "moderne" que l'aile droite de l'UMP. Il ressort en fait de tout cela que la FN n'a pas pu "grossir" autant sans développer d'importantes contradictions internes. En parlant de "vieille garde", Bruno Gollnisch (qui était là sur ses terres) a également obtenu un score respectable avec le "plébiscite" de 65% des votants. Si la deuxième place du conjoint de Marine Le Pen (et accessoirement représentant du vote pied-noir du "Midi") Louis Aliot n'est pas une surprise, il faut en revanche relever la troisième (70%) du ch'ti Steeve Briois, incarnation à la fois de la ligne historique "nationaliste populaire"/"droite ouvrière" (il n'est nullement une nouvelle recrue de l'"ère Marine" et milite au Front depuis 1988, mais il est typique de la percée de l'extrême-droite en milieu ouvrier à cette époque) et de la "marche au pouvoir" puisqu'il est la figure emblématique des victoires aux dernières municipales (élu dès le premier tour !), ainsi que de la ligne de "conquête des classes populaires abandonnées et trahies par la gauche"... Ligne évidemment soutenue par Philippot ; mais ce dernier incarne un côté "techno" "sorti des grandes écoles" (HEC et ENA) là où Briois incarne l'extraction populaire et "l'homme de terrain".

    En tant que communistes et antifascistes, notre objectif n'est pas de jouer à la boule de cristal mais de "blinder" le camp populaire révolutionnaire (ou du moins viscéralement antifasciste, anti-réactionnaire, antiraciste etc.) en parant à toute éventualité. Si le Front National parvient à surmonter ces contradictions, il sera alors un candidat très sérieux pour ne pas dire certain au pouvoir en 2022 voire dès 2017 (où c'est cependant l'actuelle UMP qui devrait l'emporter) ; la situation étant alors bien évidemment pire que tout ce que des gens de 30 ou 40 ans ont peu connaître depuis leur naissance. Mais il peut aussi éclater sous ces contradictions comme il l'avait fait en 1999 après une décennie de grands (sans doute trop grands) succès (sans être cependant monté aussi haut qu'il ne l'est maintenant) : seuls les imbéciles se réjouiront alors car nous avons vu qu'un tel éclatement conduit, comme un abcès qui crèverait à l'intérieur du corps, à une contamination septicémique de tout le champ politique bourgeois par les thématiques d'extrême-droite.

    696858-ide-ump-election-president-141129-01Du côté de la droite plus "traditionnelle", "atlanto-occidentaliste", économiquement libérale et géopolitiquement européiste (non sans critiques voire scepticismes ici et là), autrement dit l'UMP (qui devrait bientôt changer de nom), on votait pour élire le président du parti... ce qui devait signer le "grand retour" de Nicolas Sarkozy. Eh bien en fait de grand retour, celui que ses partisans espéraient à 70 voire 80% doit se contenter d'un modeste 64,5% face au pourtant bien terne Bruno Le Maire qui avoisine les 30% : http://www.liberation.fr/politiques/2014/11/29/forte-mobilisation-des-militants-ump-pour-l-election-du-president-du-parti_1153259.

    Certes, comme le font remarquer les commentateurs, les 85% obtenus lors de sa précédente candidature il y a 10 ans l'avaient été face à deux candidats de courants très spécifiques et minoritaires, l'anti-européiste viscéral Dupont-Aignan (qui a quitté l'UMP depuis) et l'ultra-catholique (mêlant doctrine sociale de l’Église et ultra-conservatisme sur les questions de société) Christine Boutin ; alors que "là il était face à un vrai représentant de la ligne centriste"... c'est vrai, mais c'est justement tout le problème.  

    Ce qui apparaît en réalité, bien que nous n'observions pas le score ultra-serré et la terrible division que l'on avait pu voir lors de la précédente élection entre Copé et Fillon, c'est que (comme nous l'analysions déjà à l'époque) l'UMP forgée au début des années 2000 face à une "gauche" bourgeoise recentrée qui - dans la lignée de Blair ou Schröder - semblait avoir écarté à jamais la droite du pouvoir regroupe en réalité des gens qui n'ont pas grand-chose à faire ensemble et, quand bien même une grande partie du "problème" aurait déjà été "ventilé" vers l'UDI de Borloo, tend à éclater dans le nouveau contexte de crise capitaliste au stade terminal face à une gauche pulvérisée dans l'opinion après moins d'un an de pouvoir et un FN que 99% des enquêtes d'opinion annoncent déjà en tête du premier tour de la présidentielle 2017 : d'un côté une ligne de centre-droite mêlant les traditions démocrate-chrétienne (jamais vraiment assumée sous ce nom en Hexagone "laïc", sauf par Boutin mais pour le coup c'est beaucoup plus un catholicisme social-conservateur), libérale, radicale de droite (valoisienne) et "gaulliste sociale" (ces deux dernières revenant peu ou prou au même) ; de l'autre une droite décomplexée réunissant le "vrai gaullisme" (nationaliste et conservateur voire réactionnaire, façon Guaino ou "Droite populaire"), les épigones libéraux-conservateurs de Margaret Thatcher (représentés ce week-end face à Sarkozy par Hervé Mariton) et les lecteurs discrets (aux WC) de Maurras et Barrès, bref ceux que nous avons déjà qualifiés de Fédération républicaine de notre époque (ce parti de la droite "dure" sous la 3e République qui fournira à Vichy bon nombre de ses principaux cadres, notamment son "Goebbels" Philippe Henriot et son commissaire général aux questions juives Xavier Vallat, le phénomène "Bleu Marine" s'apparentant quant à lui au Parti social français de La Rocque).

    Une droite "décomplexée" qu'incarnait a priori Sarkozy ("inventeur" de la notion), quoique de manière volontairement moins clivante et (on l'a dit) face à un candidat moins "sérieux" que Copé face à Fillon il y a deux ans ; et qui surtout regarde de plus en plus (comme en témoignent toutes les enquêtes) vers l'alliance avec le FN et les "valeurs communes" :

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    De fait, le pire scénario pour 2017 serait sans doute celui de deux candidatures UMP concurrentes comme Chirac et Balladur en 1995, sauf que cette fois cela déboucherait sur un FN très largement en tête au premier tour et peut-être vainqueur au second - ce scénario semble cependant improbable vu qu'une primaire est prévue pour désigner le candidat UMP à la présidentielle, que le parti ne compte plus vraiment de "têtes brûlées" capables d'une telle chose et que tant la base que le sommet semblent bien conscients d'une telle menace. Mais même dans le cas d'une candidature unique, la grande question sera alors de mener une campagne plutôt droitière dans l'idée d'"arracher" des électeurs au Front National, ce qui correspondrait a priori au "profil" de Sarkozy (mais beaucoup tomberont-ils dans le panneau une nouvelle fois, après l'avoir déjà fait élire en 2007 et été déçus ?), ou au contraire une campagne centriste dans la perspective de capitaliser sur un électorat de centre-gauche qui a déjà fait son deuil du deuxième tour 2017 et ne cherche plus qu'à éviter le "pire" (le FN au pouvoir...), ce pourquoi un Alain Juppé serait logiquement plus qualifié... Sachant que dans tous les cas, après les sifflets et les cris d'"Abrogation !" essuyés par Sarkozy (lors d'un meeting) au sujet du mariage pour tou-te-s, semble se dessiner ce que relève (en grand connaisseur du "peuple de droite", et pour cause) Éric Zemmour, à savoir l'émergence d'un véritable lobbying de droite qui veut faire pression sur les directions pour obtenir, en cas d'alternance, une véritable politique de droite satisfaisant ses revendications et non plus seulement "faire barrage à la gauche" pour voir ensuite les "appareils" mener une politique centriste ; bref ce qui selon Zemmour "existe déjà à gauche" avec les "syndicats notamment de fonctionnaires", les "lobbies sociétaux notamment LGBT", les écolos ou encore les "associations de banlieue".  Car il est vrai que si - comme nous l'avons analysé - le capitalisme en crise sécrète une pensée dominante de plus en plus réactionnaire, un "peuple de droite" de plus en plus à droite et un "peuple de gauche" de plus en plus résigné, désemparé, politiquement pathétique comme un Domenach face à Zemmour sur i>Télé et bien souvent... de plus en plus centriste, ceci - une fois les bulletins déposés dans l'urne puis dépouillés et la droite élue - ne s'est jusqu'à présent que peu traduit dans la politique menée ensuite, le contraste le plus flagrant étant sans doute celui entre la campagne "buissonnière" de Sarkozy en 2007 et la politique de centre-droite tout ce qu'il y a de plus classique menée pendant les 5 années suivantes (avec un FN à presque 20% à l'arrivée). Or dans une mécanique où les fractions du Grand Capital monopoliste (et notamment la fraction rendue la plus agressive par la crise) ne "fabriquent" pas les politiciens qui "fabriqueraient" ensuite "l'opinion", mais "fabriquent l'opinion" qui votera ensuite pour les politiciens les plus conforme aux intérêts du Capital, il est évident que cela ne peut plus durer et qu'il faut "secouer" la "caste" politique afin qu'elle se décide à mener des politiques "tranchées" (dans le sens des intérêts de l'impérialisme bleu-blanc-rouge) et non plus des politiques "consensuelles" de satisfaction de tous et toutes : il "faut" déterminer une fois pour toute des secteurs sociaux auxquels la politique menée sera favorable et d'autres auxquels elle sera ouvertement hostile ("immigrés" et descendants, "assistés" en tout genre, Rroms, jeunes "babas cools" "peu productifs" alors un de plus ou un de moins - n'est-ce pas Rémi Fraisse ? - etc. etc.).

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    En attendant et contrairement aux apparences, le FN de Marine Le Pen n'est pas du tout hostile à de tels rapprochements avec la "droite républicaine" mais intelligemment, c'est à dire en "tissant sa toile" à la base et en jouant celle-ci contre les "appareils" : une stratégie qui a déjà payé puisque comme nous le savons, aux dernières sénatoriales, les deux sénateurs FN élus (Stéphane Ravier et David Rachline, une première pour le Front) n'auraient jamais pu l'être sans les voix de nombreux petits élus "divers droite"... voire carrément UMP (en tout cas élus sur des listes d'"Union de la Droite").

    C'est que concrètement, Marine Le Pen fait à droite (et dans le champ politique bourgeois en général) ce que les communistes devraient faire "à gauche" dans le champ populaire progressiste : elle se positionne en centre d'agrégation autour d'un "pôle" idéologique - le sien. Tout le contraire, en quelque sorte, du 'p''c''mlm' qui trouve encore là le moyen de cracher sur le "fiasco anarcho-trotskyste" de la manifestation antifasciste qui se déroulait parallèlement à Lyon (voir le VRAI récit des évènements ici, aussi éloigné des "anarchistes venus casser des vitrines de banques, des abris-bus ou brûler des poubelles" de nos pseudo-"maoïstes" que leur version des manifs pro-palestiniennes de juillet dernier l'était de la réalité 1 - 2) ; autrement dit les forces populaires antifascistes AUTONOMES vis-à-vis de la social-démocratie et du "républicanisme" bourgeois, celles que les communistes doivent justement agréger autour d'eux dans un esprit de Front populaire-révolutionnaire unifié, anticapitaliste et antifasciste pour construire et opposer à la mobilisation réactionnaire de masse une VÉRITABLE MOBILISATION PROGRESSISTE-RÉVOLUTIONNAIRE (et non, comme le prône le 'p''c''mlm', une mobilisation social-démocrate/"républicaine" complètement subordonnée à la "gauche" bourgeoise des Valls et compagnie !). Un camp populaire progressiste-révolutionnaire dont le caractère minoritaire (encore que 4.000 personnes dans une ville de "province", ce soit loin d'être mal !) n'est qu'une question de travail politique de longue haleine, qui reste encore largement à mener !

    lyon_antifa_red.jpgCe sera là aussi (encore une fois) l'occasion de rappeler que le désormais pulvérisé Alain Soral (lire encore ici) n'est strictement pour rien - sinon à la marge - dans le succès que connaît actuellement le Front National, succès qui repose à 95% sur 1°/ le rejet de "l'islam" (d'ailleurs une autre guest star du congrès, curieusement pas mentionnée par nos "materialistes.com" était le très islamophobe, occidentaliste et pro-israélien leader d'extrême-droite néerlandais Geert Wilders), 2°/ les thématiques "immigration-sécurité" autrement dit le rejet des colonies/"ennemies" intérieures et 3°/ les angoisses face à une crise et une "mondialisation" auxquelles ne répondraient pas correctement des "politiques décidées à 90% par Bruxelles"... autrement dit le discours ambiant dans lequel nous font baigner les Zemmour & co au quotidien depuis des années ! À concentrer le combat "antifasciste" contre des épouvantails, faut-il alors s'étonner que le fascisme mainstream explose ?

    Une dernière chose - enfin - qui ressort des enquêtes dont vous pouvez voir quelques éléments ici, et qu'il faut relever, c'est que le sentiment de proximité idéologique et les "appels du pied" pour des alliances électorales ne sont pas principalement le fait d'un électorat UMP qui serait "pris de panique" et "aux abois" devant la montée de son concurrent FN... mais plutôt, au contraire, celui des électeurs et sympathisants FN beaucoup plus nombreux (bien que ceux de l'UMP le soient également, ne serait-ce que par calcul arithmétique électoral...) à se considérer "dans le même camp" que l'UMP et à voir la victoire de celui-ci comme un "moindre mal" (face à des "socialos" qui ont bien réussi comme il faut, en deux ans et demi de pouvoir, à dégoûter les classes populaires) que l'inverse. Ceci a finalement tendance à montrer qui subordonne quoi : le FN a certes tendance (depuis 30 ans !) à agir en "aiguillon à décomplexitude" sur la droite et même une bonne partie de la "gauche", mais nous voyons bien que la montée du FN est en réalité le résultat "extrême" d'une MOBILISATION RÉACTIONNAIRE qui profite AUSSI et même en priorité (pour le moment) à la droite "républicaine", du moment (en tout cas) que celle-ci est capable de se doter d'un leader crédible et mobilisateur affichant un programme clair (le vote FN se positionne alors naturellement comme un "groupe de pression" sur l'UMP pour une politique intérieure plus sécuritaire et "anti-parasites" et pour une politique internationale "plus soucieuse de grandeur et d'indépendance de la France", alors que le vote UMP ne se conçoit jamais comme un "moyen de pression" sur le FN). On peut aussi y déceler un rapport de classe : d'essence populaire (bien que ses élus soient de grands bourgeois) mais populaire aliénée, profondément légitimiste (tout sauf "révolutionnaire"), l'électorat FN a naturellement tendance à s'incliner - s'il n'a pas d'autre choix - devant... "le patron", parfaitement incarné dans la figure d'un "poids lourd" UMP ; tandis que l'électeur UMP nettement plus bourgeois, aisé et diplômé a plus tendance à mépriser cette "gueusaille" qui se livre à des "populistes irresponsables" avec "pour seul résultat de faire passer la gauche" (ce qui est loin d'être prouvé électoralement, mais c'est le grand argument anti-FN de la droite "républicaine" depuis les années 1980). Mais quoi qu'il en soit, puisque l'on a parlé plus haut de "lobbying" interne aux partis politiques, cette volonté de rapprochement avec l'UMP exprimée par son électorat est quelque chose dont devra certainement tenir compte Marine Le Pen dans un avenir proche (pour mémoire c'était ce que prônait et avait tenté de mettre en œuvre Bruno Mégret aux régionales de 1998 et qui, rejeté par Jean-Marie Le Pen au nom d'une ligne "intransigeante", avait conduit à la scission de l'année suivante).


    allianceUMP-FN

     


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