• Un échange de commentaires qui clarifie magistralement ce que l'anticolonialisme "en carton", "déclaratif comme aux impôts" veut dire


    (Échange en anglais, traduit par nous)

    "La position des maoïstes est que les nations opprimées ont un DROIT à l'autodétermination si elles font ce choix. Lorsqu'il y aura une République socialiste dans ce qui est maintenant les États-Unis, si certaines tribus (sic...) veulent leur propre territoire indépendant, alors la République socialiste ne les combattra pas comme des ennemis pour ce territoire mais au contraire défendra leur droit même si la nation opprimée veut un État capitaliste et non socialiste. Sur la question nationale, il ne serait (cependant) pas nécessairement correct pour les communistes de venir dans la nation opprimée et d'y prôner la sécession vis-à-vis de la République socialiste. Il serait simplement correct, si le désir de se séparer émerge, que la République socialiste l'autorise (tandis que tout autre territoire prétendant faire sécession en faveur du capitalisme serait combattu)."

    "Un DROIT à l'autodétermination"... mais en espérant (plus ou moins secrètement) qu'ils ne se "déterminent" pas ainsi ? Ou non ? Cela me fait penser à certains trotskystes européens partisans d'un "État unique" en Palestine, en sachant bien que cet État unique est certes la position correcte dans l'absolu (la position historique de la gauche palestinienne...), mais peut aussi vouloir dire... l'Afrique du Sud actuelle (et rien moins que le président israélien Rivlin s'est prononcé en sa faveur).

    C'est quoi exactement, la "volonté du peuple" ? Au jour d'aujourd'hui probablement moins de 10% des Noirs états-uniens veulent une République socialiste de New Afrika, des Chicanos un Aztlán socialiste et la Réunification avec le Mexique, des Nations indigènes des États indépendants socialistes ou même capitalistes... et encore moins de travailleurs blancs, de ta version maoïste du socialisme.

    Il y a la "volonté du peuple" à l'instant où nous parlons... et ce qu'elle sera demain, ou dans 30 ou 50 ans ; ceci dépendant de la propagande que nous diffuserons ; et cette propagande repose sur un objectif stratégique, une conception du monde, quelque chose que nous pensons (dans notre conception communiste du monde) être le but et la justice populaire, la réparation (par exemple) vis-à-vis d'un peuple et en même temps un coup dans les bases de la puissance d'un État au service des monopoles impérialistes ; en un mot le Sens de l'Histoire.

    Il est facile de dire "s'ils en décident ainsi, ils ont le droit", mais d'espérer en réalité et de tout faire pour qu'ils n'en décident pas ainsi.

    En 1950, une minorité d'Algériens était en faveur de l'indépendance. Ils subissaient le joug et les atrocités des colons, mais la position majoritaire était en faveur de conquérir leurs droits civiques et démocratiques dans une Algérie française. Et le Parti "communiste" français espérait fermement qu'il en resterait toujours ainsi ! Les choses ont changé avec la Guerre de Libération, suite au soulèvement FLN de la Toussaint 1954, pour arriver en 1962 à une majorité de 99% en faveur de l'indépendance et d'un "socialisme arabe". Et bien entendu (comme il fallait s'y attendre)... le PCF a d'abord commencé par s'opposer à ce soulèvement "réactionnaire", puis prôné la "paix" et une "solution démocratique", parfois (pas toujours...) dénoncé la torture et les crimes de l'armée impérialiste, et finalement défendu l'"autodétermination"... tout à la fin, lorsque De Gaulle lui-même s'était rallié à cette solution.

    Je suis tout à fait d'accord que "l'identité ne prime pas sur la ligne politique" et que "s'il en était ainsi, tous les groupes sociaux opprimés auraient déjà une ligne communiste parfaite mais ce n'est pas le cas". Je suis un ennemi résolu de l'identity politics et je ne suis pas un partisan du rien-faire, du cul-dans-le-fauteuillisme non plus. Mais l'"opportunisme identitaire" ne peut pas être non plus le mot magique pour mettre un point final à toutes les questions qui dérangent. Lorsque des personnes indigènes, colonisées (lambda, ne se prétendant pas une organisation d'avant-garde !) parlent de leur expérience, et que la première chose sur laquelle tu te focalises est que "Exister c'est résister est un typique slogan idpol de merde et un argument pour ne rien faire", ta notion du principal et du secondaire tend à montrer qu'en réalité tu n'as pas envie d'entendre ce que ces gens ont à dire.

    Il est facile, en réalité, d'être au courant des luttes autour de soi et d'adopter une posture anticolonialiste en carton pour marquer des points et se faire mousser ; dans le style : "le collectif maoïste le plus avancé aux États-Unis aujourd'hui est en Aztlán".

    Mais voilà : l'Histoire, c'est que le Sud-Ouest des États-Unis est les États-Unis à la suite d'une guerre d'agression criminelle et d'un traité impérialiste inégal ; ensuite de quoi il a été sauvagement colonisé ; et le Sens de l'Histoire c'est que ce traité inégal doit être effacé de la page du temps et le Mexique réunifié. Il en va de même pour tous les "traités" passés avec les Nations indigènes, ainsi que pour la Nation née de l'esclavage des Africains dans le Sud-Est.

    Ce n'est pas une question de "si le peuple en décide ainsi" (la deuxième partie de ton commentaire est en fait très explicite sur le fond de ta pensée...), l'immense majorité des Latinos aujourd'hui ne le souhaitant pas et toi, espérant du fond du cœur qu'il en soit toujours ainsi.

    Vous utilisez Aztlán de manière posturiste, pour vous donner une image ; mais dans les faits, quelles valises portez-vous aujourd'hui concrètement pour lui, pour sa Libération et sa Réunification avec la Mère Patrie ?

    Ah oui et aussi : les nations sont des NATIONS ; pas des nations si elles sont européennes/blanches et des "tribus" (!!) ou des "ethnies" sinon...

    Comme l'a expliqué le glorieux Kaypakkaya CCFXI.jpg, il y a des caractères nationaux préexistants, comme ceux donnés notamment par Staline dans La Question Nationale, et ces caractères donnent naissance à une nation non pas au moment de la révolution bourgeoise ou industrielle, mais lorsque "touchés" par les "premières lueurs de l'aube" du capitalisme (c'est ainsi que les Kurdes sont une nation et non un peuple, comme le soutenait le groupe révisionniste - aujourd'hui totalement fasciste - "Şafak") ; ce qui veut dire, en Amérique, par la colonisation.

    Si tu parles de "tribus" alors il n'y a pas de nations, pas de question nationale et pas de droit à l'autodétermination non plus. Mais je dois reconnaître que votre ligne paternaliste blanche est particulièrement subtile et rusée.

    [De fait, tout ce blabla et ce jésuitisme intellectuel signifie une seule chose : n'avoir RIEN COMPRIS à ce qui est arrivé à l'URSS. La lutte des classes, ça dure jusqu'à quand ? Jusqu'au COMMUNISME. Jusqu'au communisme, pendant des décennies et des décennies, peut-être un siècle après la révolution socialiste, la contre-révolution, la restauration capitaliste est possible. Et comment cela ? Parce qu'il existe une BASE MATÉRIELLE pour cela, pour que l'ancienne bourgeoisie revienne au pouvoir... ou qu'une nouvelle, née au sein même de l'appareil d’État socialiste et du Parti dirigeant, tenante de la "voie capitaliste", s'en empare.

    IL FAUT DONC BRISER CETTE BASE ; et cette base c'est notamment la base territoriale d'accumulation, l'Empire des monopoles. Et aux États-Unis, avant même d'être la première puissance impérialiste mondiale, l'Empire des monopoles c'est d'abord... le propre territoire fédéral, avec ses colonies intérieures. Il faut donc (notamment) briser cela par l'autodétermination de ces peuples colonisés. Ne pas le faire, c'est garantir que des entrailles mêmes de la République socialiste dont parle notre "ami" jaillira une nouvelle bourgeoisie (plus ou moins pseudo-"rouge") qui restaurera plus ou moins progressivement le capitalisme.

    Lénine disait déjà au début des années 1920 que le chauvinisme grand-russe (la domination nationale des Russes sur les autres nationalités), non-combattu correctement, serait parmi les premières choses qui "tueraient" le socialisme soviétique ; et c'est ce qui s'est produit. Alain Sibé de la même façon, à cela près que le PCF n'a jamais été au pouvoir, voit dans l'abandon par celui-ci d'un anticolonialisme intransigeant et son ralliement à la "République une et indivisible" contre les nationalités niées d'Hexagone même, l'une des principales racines de sa dégénérescence en parti réformiste bourgeois. CQFD. Voilà ce que nous entendons par être (... ou pas) dans le "Sens de l'Histoire", conforme à une vision du monde tournée vers l'intérêt de la victoire du communisme, qui définit les objectifs de notre travail politique.]


    À relire : Y a-t-il des questions nationales aux États-Unis ? (mais ce qui vient d'être vu ci-dessus est valable pour tous les pays)

    Un échange de commentaires qui clarifie magistralement ce que l'anticolonialisme "en carton", "déclaratif comme aux impôts" veut dire

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