• Sur le "municipalisme libertaire" ou "confédéralisme démocratique"


    Le municipalisme libertaire / confédéralisme démocratique n'est pas "mauvais" en soi : c'est surtout qu'il n'invente rien ; qu'il n'est qu'une de ces dizaines de non-inventions qui dans les années 1990 de la "Fin de l'Histoire" prétendaient "révolutionner" la pensée révolutionnaire.

    Il a toujours été évident ; sauf, bien sûr, pour qui s'est trompé d'étiquette en se collant celle de "communiste" dessus (et ils ne sont pas peu nombreux, c'est certes vrai) ; qu'une révolution SOCIALE radicale ne peut qu'impliquer une révolution radicale dans les rapports entre territoires et populations, briser les dominations impérialistes et les oppressions nationales, et à terme toute forme de domination sans partage d'une capitale (centre d'accumulation capitaliste) sur un plus ou moins vaste territoire.

    Que l'on pense au mouvement des Communes de 1871, dont un courant important ne concevait la République de la Justice et du Travail que comme une confédération de municipalités, de départements à la limite, seuls véritables cadres de démocratie populaire vivante et permanente, les échelons supérieurs n'étant que des délégations de responsabilités ; ou à la quasi contemporaine Révolution cantonaliste dans la Péninsule ibérique (1873) ; jusque bien sûr à l'Union soviétique telle que conçue par Lénine (quelles qu'aient pu être ensuite les trahisons de cette vision d'origine)...

    De fait, par ce que ces hiérarchies "territoriales" entre territoires, pays, peuples permettent de part et d'autre de la "barrière de domination" : d'un côté, laisser à l'ordre du jour le "projet national" non-réalisé des élites de la nation dominée ; de l'autre, permettre dans le pays dominant l'"achat" de la paix sociale par les dividendes de la domination ; les abattre est même un PRÉALABLE INDISPENSABLE à toute révolution sociale véritable dans chaque pays.

    Le centralisme décisionnel et d'action, pour défendre une jeune révolution contre ses ennemis mortels encore innombrables, ou pour assurer le développement économique d'un pays encore arriéré, ne peut être conçu que comme une nécessité temporaire et non comme une fin et une conception de l’État révolutionnaire en soi.

    Tout ceci n'est qu'une succession d'évidences.

    Le problème en réalité, avec le "municipalisme libertaire" de Bookchin dans sa seule et unique réalisation concrète, c'est à dire au Nord de la Syrie rebaptisé "Rojava"... c'est surtout qu'il n'a jamais réellement existé que comme cache-sexe, "vitrine" sympathique à destination de la gauchistosphère occidentale, d'un projet ethnocratique tribaliste (le pouvoir... et ses dividendes, sur le plus vaste territoire possible, pour l'"ethnie" kurde) en réalité inchangé depuis l'époque où il se vendait au social-impérialisme soviétique sous une étiquette "marxiste-léniniste" (encore jouait-il à cette époque, comme les forces liées à l'URSS révisionniste dans disons 50% des cas, un rôle un tant soit peu positif, contre un régime turc abject néolibéralisme policier à la solde de Washington, ou aux côtés des Palestiniens et des forces anti-impérialistes au Liban...) ; sous la direction d'un parti dont la structure verticaliste et le culte absolu du chef, beaucoup plus proches d'une secte que d'une organisation politique révolutionnaire, auraient pourtant dû interpeler nos gauchistes et libertaires de tout poil d'habitude si prompts à hululer au "'staliniiiiiisme".

    Il est là le problème : dans un type de projet qu'effectivement, pour le coup, la conception léniniste sur les questions nationales (et par extension, sur toute "domination d'un pays/territoire sur un autre") a toujours rejeté, comme générateur de guerres chauvines sans fin, alors qu'il faut de ces problématiques toujours rechercher une sortie démocratique "par le haut"...

    Et qui de surcroît, ne peut généralement trouver un début de commencement de concrétisation qu'en se VENDANT au service d'un impérialisme qui souhaite avancer ses intérêts dans la région ; comme cela est aujourd'hui manifeste, pour "Rojava" (embryon du "Grand Kurdistan" öcalaniste), avec l'impérialisme US qui contrairement aux déclarations de Trump et à ce que trouvent (en conséquence) confortable de croire tous les soutiens de la prétendue "révolution émancipatrice totale", ne s'est absolument pas "retiré" mais replié sur le "principal" : les champs de pétrole de Deir ez-Zor.

    Pour le reste, donc : Bookchin nous a pondu (et Öcalan, en situation de déroute politico-militaire, a repris) un charmant petit couplet écolo-libertaire de "cités idéales librement associées" ; alors qu'il suffit simplement pour les communistes avant tout léninistes que nous sommes, dans l'esprit de Lénine au début des années 1920 et au regard du niveau actuel des forces productives, à l'heure des "États-continents", de prôner de grandes "Unions soviétiques" continentales ou sous-continentales – "Union soviétique d'Europe" par exemple* ("aux 100 drapeaux"... à étoiles rouges, LOL !), "Union soviétique" du Proche et Moyen Orient (éventuellement avec le Maghreb, ou pas), "Union soviétique" africaine (ou de grandes parts de l'Afrique : Afrique du Nord, Afrique de l'Ouest, Afrique australe etc.), d'Asie du Sud, d'Extrême-Orient, etc. etc. ; "centralisées" comme peut l'être (dans une version capitaliste) la Suisse ; dans la reconnaissance et le respect le plus absolu des peuples et de leurs cultures, autant que dans le refus le plus strict du tribalisme et de l'ethnocratie (recherche d'un État "ethnique" "pur" pour chaque peuple, mais bien sûr sans - ou très rarement en tout cas - en rester là, l'objectif étant toujours de s'étendre au plus vaste territoire possible pour y asseoir le pouvoir et le privilège de son "ethnie")...


    https://etopia.be/bookchin-et-le-rojava-de-quoi-parle-t-on/


    * ENFIN BREF, tout cela pour dire que, les gens semblant par nature durs de la comprenette dans les milieux gauchistes, il est aussi possible de formuler les choses en des termes simples : ce que nous voulons, en lieu et place de l’État bourgeois français tel qu'il est, c'est une Union soviétique (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) d'Hexagone... Point.

    D'Hexagone, ou pourquoi pas d'Europe ; en tout cas, des parties de l'Europe qui seraient dans un premier temps libérées du capitalisme par la révolution ; bref – ce genre de question se posera directement en son temps dans la réalité de la lutte, nous n'en sommes pas là.

    Tout simplement parce que le renversement du capitalisme DEVRA signifier, ne PEUT PAS signifier autre chose, que soit brisée l'organisation politico-économique des territoires en Centres financiers d'accumulation capitaliste et Périphéries plus ou moins, mais toujours, reléguées et "pompées" (lire à ce sujet : reflexions-a-partir-de-samir-amin - bouamama-basques-algeriens-colonisation-int-ext) ; organisation intrinsèque à la Modernité capitaliste et qui de fait, aussi longtemps qu'existent ces "hiérarchies géographiques" entre pays, régions d'un pays, etc., "bloque" en réalité tout déploiement d'une lutte des classes "pure", possédants vs exploités.

    Par conséquent, la voie de la raison matérialiste dans la situation concrète de notre époque, c'est d'aller vers... ce qu'était l'URSS (dans sa conception initiale léniniste) : de grands "États-continents" confédéraux, multiculturels, multilinguistiques et inclusifs (en plus, bien sûr, d'être résolument anticapitalistes).

    Car lorsque l'on critique le "tribalisme" des Catalans, Basques, Bretons, Corses ou autres, et cela peut parfois avoir sa part de vérité, l'on a tout de même tendance à oublier, en tout premier lieu, que les États européens existants ne sont ni plus ni moins que des "tribalismes qui ont réussi" : des régions qui en ont conquis d'autres, pour finir par proclamer ces ensembles de conquêtes des "États-nations", lancés à leur tour dans des affrontements "tribaux" avec les ensembles voisins ; tout cela sous un modèle centraliste uniculturel, unilinguistique et exclusif.

    Quant aux grands États-continents capitalistes qui existent déjà, comme les États-Unis ou le Canada, la Russie ou l'Inde, certes ils sont officiellement fédéraux, seul moyen pour eux de s'assurer une certaine stabilité et de n'avoir pas déjà explosé ; mais ce fédéralisme n'en reste pas moins très largement factice, "cache-sexe" d'une domination féroce sur tout un ensemble de groupes humains (Noirs, Latinos et Nations indigènes en Amérique du Nord, Caucasiens, Peuples sibériens et autres non-russes en Russie, Kashmiris, Tamouls, Adivasis "tribaux" et autres non-hindoustanis, musulmans et basses castes en Inde) ; tandis que de son côté l'Union Européenne est une tentative, précisément pour faire face à ces puissances concurrentes, de bâtir un tel super-État continental bourgeois et technocratique autour et au service des "pôles" de Paris et de la vallée du Rhin (Ouest de l'Allemagne, Bénélux), dominant et écrasant le reste comme l'avait fait auparavant chaque État membre avec ses "provinces" (rendant certes cocasse lorsque les "souverainistes" desdits États se plaignent de cette domination...) : il va de soi, bien entendu, que ces "modèles"-là d’États-"continents" ne sont pas les nôtres et sont au contraire résolument à combattre et détruire.

    Voilà donc : à partir de là, ce programme qui est le nôtre, vous pouvez le vomir ; mais au moins saurez-vous clairement sur quoi se déversent vos vomissures...

    Illustration en commentaire FB :

    "Ça m'a toujours fait marrer ces vieux discours souverainistes à l'ère des États-continents, alors que la meilleure façon pour être tous vassaux des Américains c'est d'être chacun dans son petit coin... Eh oui eh oui, le truc que les souveraineux vont jamais te dire c'est que à l'époque de la Guerre froide, ouais peut-être, l'Europe conçue comme un contre-Pacte de Varsovie contre celui-ci ok admettons ça pouvait leur plaire ; mais depuis, les principaux torpillages anti UE comme le référendum irlandais de 2008 ou le Brexit ont largement été made in US, soutenus par Washington.

    Ce n'est bien sûr pas une raison pour soutenir l'UE de Bruxelles actuelle, qui est de fait un empire colonial financier parisio-rhénan sur les peuples.

    Mais à l'heure où ce qui compte dans le monde s'appelle États-Unis, Russie, Chine, de plus en plus Inde... Je vois mal comment l'avenir peut être à autre chose qu'un État continent européen ou euro-méditerranéen, BIEN ENTENDU fédératif et dans toute la mesure du possible, anticapitaliste (une URSS d'Europe ou d'Europe-Méditerranée).

    Rien à voir bien sûr avec l'UE de Bruxelles, centre de décision technocratique de la Finance dont les États bourgeois restent ensuite les gendarmes.

    On parle d'une Europe où chaque bassin de vie cohérent serait politiquement aussi souverain qu'un canton suisse, et socialement socialiste. Une véritable URSS idéale (telle que conçue par Lénine au début des années 1920) continentale, dans laquelle on ne serait après tout pas plus différents entre nous qu'un Letton et un Iakoute, chacun souverain chez soi (bien plus que dans les vieux États capitalo-technocratiques que nous défendent les chevènementos et autres PRCFeux aux côtés du RN...), et unis dans une grande puissance socialiste."

    "Il faut rappeler aujourd'hui que ce passage [d'une adresse de 1850 à la Ligue des Communistes, qui défendait le centralisme étatique le plus rigoureux] repose sur un malentendu.

    À ce moment-là il était admis – grâce aux faussaires libéraux et bonapartistes de l'histoire – que la machine administrative centralisée française avait été introduite par la Grande Révolution et maniée notamment par la Convention comme une arme indispensable et décisive pour vaincre la réaction royaliste et fédéraliste et l'ennemi extérieur.

    Mais c'est actuellement un fait connu que pendant toute la Révolution, jusqu'au 18 Brumaire*, l'administration totale du département, de l'arrondissement et des communes se composait d'autorités élues par les administrés eux-mêmes qui, dans le cadre des lois générales de l’État, jouissaient d'une liberté complète ; que cette administration autonome provinciale et locale, semblable à ce qui se passe en Amérique (bon là, claire idéalisation des États-Unis avec oubli de la question coloniale-raciale, mais bref), devint précisément le levier le plus puissant de la révolution ; et cela à un point tel que Napoléon immédiatement après son coup d’État du 18 Brumaire, s'empressa de la remplacer par le régime préfectoral encore en vigueur de nos jours et qui fut donc, dès le début, un instrument de réaction**".

    F. Engels dans une note sous le texte réédité, 1885

    [* En réalité Thermidor, voire sa "préparation" dès 1793 par les "représentants en mission" (dont la plupart sont restés de triste mémoire) et la loi du 14 frimaire an II à l'initiative principalement des futurs thermidoriens Billaud-Varenne et Barère, tandis que sur le plan linguistique était promulgué une semaine avant le coup d’État réactionnaire, à l'initiative nullement "de Robespierre" mais de Merlin de Douai (futur thermidorien qui mourra tranquillement en 1838 après avoir été "entre autres" Président du Directoire puis comte d'Empire...), le décret du 2 thermidor an II sur des arguments complètement hallucinants.]

    [** En réalité et pour être exact, c'est dès le Directoire que des "commissaires du gouvernement" dans chaque département préfigurent les préfets napoléoniens.]

    [Si on lit par exemple ce document : décentralisation-nord-1789-1793 ; il apparaît nettement que c'est décembre 1793 (frimaire an II) qui marque un point de rupture fondamental : l'écrasement (pas d'autre mot) de la "révolution provinciale", auquel ne manquera plus alors que celui de la révolution parisienne, consommé avec Thermidor... Les procureurs syndics départementaux, magistrats élus chargés de veiller à l'exécution des lois (sortes d'équivalents des sheriffs nord-américains), deviennent des fonctionnaires nommés ; les conseils généraux sont supprimés et les directoires (exécutifs des départements) voient leurs compétences sévèrement amputées ; etc. etc. La France républicaine abandonne alors définitivement la voie de devenir une "grande Suisse" démocratique et décentralisée, d'exercice local permanent de la souveraineté populaire...]

    Et LÉNINE dans L'État et la Révolution (1917) reprend d'ailleurs ces mêmes propos (légèrement déformés ou propos similaires tenus ailleurs) :

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère

    Feu sur les jacobinards ou plutôt les bonapartistes "de gauche" et autres néo-thermidoriens à la Barère


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