• (Rapido) Sur le débat actuel du "droit à critiquer les religions" et du "droit à l'islamophobie"


    Non, nous pensons que l’on ne peut pas "critiquer" la religion. Nous allons expliquer pourquoi.

    La critique est un acte scientifique qui vise à démontrer par des éléments probants, qu’une affirmation est fausse ou alors en tout cas inexacte, incomplète, perfectible. La perspective est, bien entendu, de convaincre l’interlocuteur de son erreur ou imprécision.

    Mais la religion, elle, ne se situe pas du tout sur ce terrain-là. La religion, PAR DÉFINITION, a pour fonction d’apporter des réponses à ce que la science n’explique pas (à peu près tout il y a 2000 ans, mais encore beaucoup aujourd’hui).

    La religion ne demande pas de prendre acte de vérités scientifiques établies ; elle demande un ACTE DE FOI, un acte de CROIRE en des postulats que la science est incapable de démontrer ou d’infirmer.

    On n’est pas (en principe) obligé de lui accorder cet acte de foi ; mais à partir du moment où on l’a fait, on n’est PAS sur le terrain où une démonstration « scientifique » est susceptible de nous dé-convaincre de ce en quoi l’on croit.

    C’est donc pratiquement une absurdité, et une perte de temps que de prétendre « critiquer la religion ». On peut EXPRIMER QUE L’ON N’AIME PAS telle ou telle religion, ou telle ou telle partie de son message ; mais ce n’est pas la « critiquer » au sens scientifique du terme.

    La seule chose qui peut faire « reculer » la religion, c’est l’extension du domaine de l’expliqué, autrement dit le progrès de la science. Mais d’ici que la science explique tout, on sera dans l’univers de Star Trek rêvé par les Matérialistes-point-com… Expliquera-t-elle un jour ce que devient notre conscience d’exister après la mort ? Pas sûr…

    Donc voilà. Et puis de toute façon, en soi, cet acte de foi religieuse n’est pas un problème, pour ne pas dire qu’il est totalement inoffensif.

    Les problèmes qui peuvent se poser sont de deux ordres… et PAS EXCLUSIFS aux fois religieuses, mais au contraire totalement partagés par le rationalisme et le scientisme, la « libre-pensée » etc.

    1°/ Le premier problème est la « politisation » négative, c’est-à-dire la mise au service d’intérêts sonnants et trébuchants. Cela peut concerner toutes les religions, y compris celle de la Science, de la Raison et du Progrès.

    On n’a pas massacré plus au nom d’une religion, sur Terre, qu’au nom du christianisme. Pourtant, le message du Nouveau Testament est de loin le plus peace and love de tous ! Il n’y a pratiquement pas d’autre texte religieux où ainsi pas une goutte de sang n’est versée, sauf celui d’un garde du Temple dont Simon-Pierre tranche l’oreille d’un coup d’épée avant que Jésus ne l’arrête et le sermonne. Dont acte – indigènes « païens » du monde entier, « mahométans », « hérétiques » et « sorcières » apprécieront.

    On voit bien que cela n’a rien à voir : les massacres commis l’ont été AU NOM de la parole du Christ, mais pour d’autres intérêt en réalité que son triomphe, et certainement pas sur la base d’un appel au meurtre des non-croyants dans les textes de base (sauf à prendre en considération aussi l’Ancien Testament, à la rigueur).

    « Politisation » négative, donc ; mais par ailleurs une politisation POSITIVE, mise au service de luttes émancipatrices, est tout à fait possible et a même été monnaie courante dans l’histoire de toutes les grandes religions de la planète : luttes sociales au nom du message chrétien premier, islam comme résistance anti-impérialiste, ou opposition des bouddhistes au régime pro-impérialiste du Sud-Viêt-Nam, etc.

    Tandis que de l’autre côté, combien de massacres et de crimes contre l’humanité ont été commis au nom de « civiliser » ceux qui ne l’étaient (soi-disant) point au Progrès, à la Raison et aux Lumières ?

    2°/ L’autre problème est celui du dogmatisme et du sectarisme. Il y a dogme et secte à partir du moment où, en religion, il n’y a plus (au sens religieux chrétien du terme) « mystère », c’est-à-dire une certaine conscience qu’on répond à de l’inexplicable et indémontrable, qu’il y a des « voies impénétrables » ; mais qu’au contraire on prétend à la Vérité établie (démontrable, contraire infirmable) comme s’il s’agissait de science, et bien évidemment, on ne peut pas plus contester ou modifier même légèrement cette « Vérité » qu’une affirmation scientifique telle que 2+2 = 4.

    Cela va généralement de pair avec la « politisation » négative que nous avons vue précédemment – et d’ailleurs, cela pose la question de si les tenants de cette « Vérité » y croient vraiment, ou s’il s’agit seulement de préserver leur « infaillibilité » et à travers elle, l’Ordre.

    Par ailleurs, si l’on prend les cas célèbres de Copernic, Giordano Bruno et Galilée, l’Église catholique ne défendait absolument une quelconque affirmation du Nouveau Testament (qui ne dit strictement rien sur ce sujet), mais bien une affirmation… scientifique en matière d’astronomie, celle de Ptolémée, un païen grec égyptien du 2e siècle, qui était finalement erronée et qu’elle avait faite sienne. La plupart des autres cas de répressions, et bûchers inquisitionnaires, relevaient quant à eux de controverses théologiques, de personnes et groupes contestant la lecture catholique romaine des textes, ou dénonçant une hypocrisie par rapport à ceux-ci, mais (ces personnes et groupes) tout aussi croyants eux-mêmes en l’« irrationnel ». De la même façon qu’aujourd’hui, les victimes de tel ou tel groupe « islamiste radical » vont être en premier lieu des musulmans, CROYANTS eux aussi, mais pas selon la doctrine du groupe...

    Mais il peut aussi, très bien, y avoir DOGME ET SECTE à partir de la Science… À partir du moment où celle-ci n’est plus considérée « dynamique », évolutive, n’expliquant jamais tout au moment où nous vivons, et susceptible de perfectionnement. Ceci peut être valable y compris en science politique ; et y compris pour la science de l’histoire et des sociétés humaines (et de leur transformation vers plus de justice et de bien-être général) qu’est le marxisme.

    Qu’il s’agisse du positivisme bourgeois comtien des laïcards-républicards-libres-penseurs, ou de tel ou tel courant du marxisme ou de l’« idéal libertaire » (ou… de l’un se croyant l’autre !), le mécanisme (et le fond de l’affaire) est au fond toujours le même : la détention d’une « Vérité » absolue et incontestable « glorifie » ses détenteurs et forme leur « capital social ». Que cette « Vérité » puisse être discutée et remise en question même partiellement, fragilise ce « capital » et leur position « sur un piédestal » basée dessus. Donc, ils la défendent bec et ongle et ne tolèrent aucune remise en question.

    Comme on peut le voir, le phénomène de dogme-secte (qui peut concerner une formation politique – on y inclura la Libre Pensée, les loges maçonniques etc. – ou, à la tête d’un État, donner un régime que le langage courant qualifierait de « totalitaire ») n’est ABSOLUMENT PAS EXCLUSIF de ce que l’on catégorise habituellement comme religion (foi en un Verbe divin qui explique ce que la science n’explique pas).

    Et puis, sur la question du "droit d'être islamophobe" = "droit de critiquer l'islam" ("comme toutes les religions") :

    Une "phobie" ne peut pas être une critique.

    Une critique est quelque chose de rationnel, étudié, argumenté, sachant de quoi on parle.

    Et de toute façon, critiquer une foi qui repose par définition sur une part de "je ne sais pas, je n'ai pas de 'preuve' de ceci ou cela, je crois, c'est tout", on peut se demander si ça a un sens, si tant est qu'on ait de l'énergie à dépenser là-dedans.

    À la rigueur, parlons plutôt de "débat théologique" - ce qui implique pour le coup une très haute maîtrise de ce dont on parle (problème : la spécialité de la grande majorité des anticléricaux-athéistes-libres-penseurs est justement le contraire, parler sans rien connaître au-delà du superficiel) ; et interdit par ailleurs, pour quiconque de sérieux, de critiquer en bloc "l'islam", comme "le judaïsme" ou "le christianisme", comme si il s'agissait de courants de pensée parfaitement monolithiques.

    Une "phobie" est un rejet irrationnel qui signe par définition l'ignorance, les idées à l'emporte pièce et les contre vérités sur ce dont on est "phobe" (tout comme les termes médicaux ne désignent jamais une peur qui est rationnelle, celle-ci étant normale, mais une peur irraisonnée de ce qui ne présente pas un danger justifiant cette peur).

    Le problème du "droit à la critique" (en général et des doctrines religieuses en particulier), contemporain du moins, c'est qu'il n'est pratiquement jamais couplé avec un devoir de connaissance et une interdiction de l'ignorance du sujet.

    Or les droits dans le champ intellectuel-politique ne font pas partie des droits "naturels", "de naissance", mais des droits qui s'acquièrent, se méritent, vont avec des devoirs (sinon par exemple on aurait le droit de vote dès la naissance).

    Ici, et de plus en plus, le DEVOIR d'enquête et de connaissance du sujet pour avoir le DROIT à la parole, est ignoré.

    En tout cas, quoi qu'il en soit, dire qu'on a 'droit' à une phobie revient au mieux à dire qu'on a le droit d'être con.

    Par contre, si quelqu'un a les connaissances théologiques requises pour, il peut toujours s'il le souhaite engager un débat avec des musulmans eux aussi théologiquement formés, pourquoi pas.

    Un exemple d'argument des "pro-liberté de critique" :

    Oui... Et la véritable essence de la laïcité de 1905, c'est que face à tous ces gens libres de ne pas aimer les convictions (religieuses-politiques-philosophiques) des autres, L’ÉTAT EST NEUTRE et ne prend pas parti pour les uns ou pour les autres.

    Il ne prend parti que contre l'atteinte à la liberté d'autrui, c'est à dire lorsque la liberté de conscience des uns ne s'arrête pas comme elle le devrait là où commence celle des autres ; exemple : la liberté d'être catholique devient obligation des autres autour de soi à l'être ; ou la liberté d'être musulman, OBLIGATION des autres à l'être et pour les femmes de porter un niqab (par exemple).

    Mais sinon, au delà de cela l’État républicain (dont nous nous faisons pour l'occasion les avocats) n'a PAS à intervenir, et donc PAS à interdire le port d'un voile musulman simplement parce que... ça dérange, ça "choque" des gens qui ne sont pas d'accord avec ces convictions et qui auraient un droit sorti d'on ne sait où à voir imposer les leurs, hostiles à ce port. Pas plus que l’État n'avait le droit de piétiner le sens du sacré des catholiques de 1905, simplement parce que ce sens n'était pas celui de M. Combes (ce contre quoi s'élèvera Jaurès).

    Le communisme n'est pas une race, être communiste non plus, ce n'est pas le sujet.

    Le sujet est que l'on peut certes ne pas être communiste et ne pas aimer ces idées ("communismo-phobie", on dira), mais interdire aux communistes de l'être, ce qui va nécessairement impliquer des moyens de coercition de plus en plus importants, s'appelle du fascisme...

    Tout comme interdire (au-delà de ne pas l'être et ne pas apprécier leurs doctrines) aux musulmans de l'être, ou aux juifs, ou aux catholiques...

    À partir d'interdire à quelqu'un d'être de telles ou telles convictions, qu'il n'a en général pas l'intention de lâcher sinon peut-être à travers un long processus personnel ; où et comment s'arrête donc la dynamique vers lui interdire tout simplement de vivre ?

    Interdiction qui fait passer du fascisme au nazisme.

    Sachant que le fascisme et le nazisme ont cette particularité, qu'ils n'ont nul besoin qu'on les interdise en tant qu'idées : interdire l'appel au meurtre (ce que font les lois de la plupart des pays) suffit en principe à leur interdire toute expression, puisque celle-ci consiste à 99% en cela. Donc soit on autorise l'appel au meurtre, soit les fascistes et les nazis n'ont qu'à apprendre à parler d'autre chose – mais ça semble difficile.

     


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