• Quelle est la source de l'oppression des femmes ?


    (et par dérivation, de toutes les oppressions de genre puisque l'homophobie et la transphobie ne sont rien d'autre qu'un rejet de la non-conformité aux "rôles" et "rangs" associés à cette division...)

    La réponse spontanée de tout marxiste serait en principe "la division sexuelle du travail". Une division très ancienne, remontant aux temps préhistoriques, et fondée sur des critères BIOLOGIQUES (force physique, impossibilité pour les hommes de certaines tâches comme donner naissance et allaiter les enfants en bas âge, etc.).

    MAIS VOILÀ, cette réponse est en réalité inexacte. Car si cette division se fonde sur des critères biologiques, de force physique etc., alors la logique voudrait que chaque progrès technologique réduisant sa pertinence (en supprimant la nécessité d'aptitudes physiques particulières) la fasse reculer, et qu'au jour d'aujourd'hui elle ait pratiquement disparu. Or ce n'est pas le cas, bien au contraire.

    La réponse nous est en fait fournie par les camarades féministes maoïstes du Canada :

    "La surexploitation des femmes n’est pas causée par la division sexuelle du travail (les femmes historiquement, se sont concentrées sur les tâches liées à la reproduction et à l’entretien des enfants et de la famille). Cette division sexuelle du travail, même si elle y joue un rôle important, n’est pas dans l’absolu, une source d’oppression pour les femmes. Si on accordait la même valeur à ce travail (comme c’était le cas dans les sociétés primitives, avant l’apparition de la propriété privée, de la famille patriarcale et des classes sociales) qu’au travail dans la production, tous les salaires seraient plus ou moins égaux ; toute tâche « utile » à la société et à sa reproduction serait valorisée de la même façon."

    Eh oui... La division sexuelle originelle joue un rôle important certes, un rôle premier en ayant décidé de la répartition des tâches ; mais elle n'est pas l'explication principale du problème aujourd'hui : celle-ci, avant même de discuter (car on le peut) de la pertinence actuelle de la répartition, réside avant tout dans la VALEUR (ou plutôt l'absence de valeur) attribuée aux tâches qui sont en l'occurrence celles principalement dévolues aux femmes, à savoir, les tâches de l'économie domestique dites de reproduction gratuite de la force de travail ("nourrir-blanchir", s'occuper des enfants etc.).

    Dans une société d'économie totalement naturelle, comme celle de la préhistoire où la division s'est établie (mais l'économie naturelle n'a totalement disparu d'Occident qu'au 19e siècle, et existe encore dans beaucoup d'endroits du monde), les tâches sont distinctes mais COMPLÉMENTAIRES, absolument nécessaires les unes aux autres ; si bien que sur cette seule base, il n'y a pas en réalité de véritable statut d'infériorité des tâches de la femme, et donc de la femme elle-même.

    Ce qui engendre cette infériorisation, c'est le développement de l'économie marchande et l'"expulsion" de ces tâches de la valeur (marchande) reconnue dans cette économie, "réservée" aux seules tâches productives des hommes.

    Une économie marchande qui commence à émerger à la fin de la préhistoire, avec l'entrée dans l'âge des métaux (la forge, grande activité qu'au nom de la force physique vont alors par exemple se réserver les hommes : la production d'outils de valeur, alors que la production d'outillage en bois, pierre, os etc., complémentaire de l'activité de chasse, était à l'origine une tâche féminine...) ; mais qui devient TOTALE et subsume ("englobe", "pénètre") toute la vie sociale avec le triomphe du CAPITALISME, entre le 16e et le 18e siècle en Europe et aux 19e-20e siècles dans le monde entier.

    Pour les féministes marxistes comme Silvia Federici (principale référence en la matière), cette expulsion totale des activités féminines de la sphère de la valeur est notamment ce qui accompagne et explique la gigantesque campagne de persécution des femmes en Europe (ainsi que dans certaines colonies au dehors) entre la fin du 15e et le 18e siècle, connue sous le nom de chasse aux sorcières (parallèlement bien sûr à d'autres facteurs comme l'écrasement de la transmission - principalement féminine - des cultures populaires nationales, au Pays Basque comme ailleurs, dans le cadre de la construction des États modernes négateurs ; le besoin de bras pour la production, car le grand paradoxe est qu'aucun autre système n'a non plus autant jeté les femmes - en position surexploitée - dans la production de marchandises que celui-ci, en les arrachant donc à leurs activités spécialisées complémentaires ; bref, de manière générale la destruction de ce communisme primitif qui survivait encore très largement, sous la "ponction" ponctuelle de l'autorité féodale, dans les masses populaires à 95% paysannes du Moyen Âge) :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/il-y-a-530-ans-le-malleus-maleficarum-breviaire-capitalo-patriarcal-de-a114065394

    Depuis lors, le progrès technologique ininterrompu fruit du capitalisme lui-même a donc certes retiré peu à peu toute pertinence au partage (complémentaire) préhistorique des tâches ; mais le fait que les tâches de "soin" de la force (ou future force : les enfants) de travail, et non de production directe de marchandise par cette force, ne se voient reconnaître aucune valeur par la société fait que les hommes, qui n'y sont pas historiquement "habitués", ne les acceptent qu'à contrecœur ; tandis que les femmes, elles, qui plus que jamais travaillent tout autant que les hommes dans la production marchande (et généralement dans des fonctions plus subalternes et moins bien payées, ainsi sont-elles rarement chef dans la restauration alors que la cuisine est la première tâche domestique qu'on leur attribue "naturellement"...), les voient tout simplement se SURAJOUTER à leur activité professionnelle...

    L'oppression et l'infériorisation sociale des femmes, loin d'être quelque chose de "moyenâgeux" (époque où certes, l'association de la force physique à la production qui "rapporte" privilégiait déjà les hommes, mais l'idée de complémentarité et de nécessité sociale absolue des tâches féminines restait dominante), a en réalité connu son "pic" dans la société de capitalisme triomphant du 19e et début 20e siècle ; avant de reculer un petit peu sous la pression du mouvement d'émancipation associé au mouvement révolutionnaire anticapitaliste ; mais aujourd'hui, les choses consistent finalement en une "bataille" pour la répartition des tâches non-valorisées économiquement dont personne (en plus de son dur labeur salarié) ne veut, les "externaliser" étant dans certains cas possible mais réservé aux moyens économiques des familles bourgeoises ("LA condition féminine" n'existant donc pas, tant elle varie selon les classes) ; en sus de problématiques nouvelles ("patriarcat 2.0") liées à la mutation du capitalisme monopoliste en société de consommation (marchandisation du corps des femmes comme "produit" à acquérir par les hommes via tout un tas de dépenses faisant tourner l'économie, nouveau rôle des femmes comme "accompagnatrices" des enfants "consommateurs-rois" dans la consommation, femmes élevant seules leurs enfants car l'homme a "acheté" une vie sexuelle mais pas les responsabilités de soutien de famille, etc. etc.).

    De ce fait (un camarade nous parlait de cela récemment), il n'est pas surprenant de rencontrer non seulement un salafiste radical prônant (cela n'a en fait rien de surprenant) un rôle purement domestique de la femme, refusant qu'elle travaille et pratiquement qu'elle sorte du foyer etc., mais surtout, des femmes acceptant et rejoignant ce mode de vie : celui-ci leur apparaît, tout simplement, préférable à la condition féminine occidentale de ce début de 21e siècle, à la fois esclave salariée comme les hommes, objet sexuel sur un "marché de la séduction" ET chargée des tâches ni valorisées ni rémunérées de la reproduction de la force de travail...

    La solution à cette problématique réside donc avant tout, comme nous le disent les camarades maoïstes du Québec, dans une nouvelle société où toute tâche « utile » à la société et à sa reproduction serait valorisée de la même façon.

    Quelle est la source de l'oppression des femmes ?

    Quelle est la source de l'oppression des femmes ?


    En annexe, DEUX TEXTES FONDAMENTAUX des mêmes camarades canadiennes :

    (Source : http://www.pcr-rcp.ca/fr/4567)

    ANNEXE 1: Sur le FFPR et l’oppression des femmes

    L’analyse de l’oppression spécifique des femmes est traversée historiquement par deux courants conceptuels irréconciliables dans la théorie comme dans la pratique: le courant matérialiste et le courant post-moderne (queer). Ces deux courants n’identifient pas la même contradiction sociale à l’origine de l’oppression des femmes: les matérialistes mettent en lumière la contradiction entre les hommes et les femmes, alors que les féministes queer envisagent une contradiction entre les individus qui performent le genre de façon normative et les individus qui performent le genre de façon transgressive.

    Le féminisme prolétarien est un cadre théorique et pratique matérialiste. Toutefois, en tant que marxistes, les féministes prolétariennes n’abordent pas l’oppression des femmes d’après la même grille d’analyse que celle utilisée par les féministes matérialistes radicales, lesquelles conçoivent la contradiction homme/femme comme un rapport entre une classe exploitée et une classe exploiteuse. Au contraire, les féministes prolétariennes estiment que l’oppression des femmes ne profite pas aux hommes dans leur ensemble, mais plutôt à la classe dominante, et que la contradiction homme/femme est subordonnée à la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie.

    Le Front féministe prolétarien (FFPR) adopte une conception féministe prolétarienne de l’oppression vécue par les femmes. L’existence de ce petit mouvement, généré par le Parti communiste révolutionnaire (PCR), repose sur la ferme conviction que la prise du pouvoir par la classe ouvrière ne peut se produire sans la participation et le leadership des femmes, qui en composent la majorité, et que la libération des femmes est indissociable de la révolution socialiste.

    Ces thèses seront élaborées dans l’argumentaire ci-dessous. D’abord, les conceptions féministes matérialistes radicales seront opposées aux conceptions post-modernes (queer). Ensuite, le féminisme matérialiste prolétarien – qui, étant matérialiste, rejette lui aussi les conceptions queer – se distinguera du féminisme matérialiste radical. Enfin, une fois les fondements théoriques du féminisme prolétarien exposés, la raison d’être et les tâches du FFPR seront rappelées.

    A) Féminisme matérialiste radical VS féminisme queer

    1. Les féministes matérialistes radicales comme les féministes queer rejettent la «différence des sexes» reposant sur l’essentialisme biologique. En effet, la science a démontré que les comportements humains échappent au déterminisme biologique, tant au niveau neurologique qu’au niveau hormonal.[1]

    2. Les féministes matérialistes radicales analysent le sexe comme étant une construction sociale à l’instar des féministes queer. Par contre, ces dernières introduisent la notion de genre, une construction sociale hétéronormée qui se superpose au sexe et, par le fait même, le supplante dans leur analyse. D’après leur compréhension, le genre est choisi individuellement et librement, soit en acceptant la norme binaire, soit en la transgressant volontairement. C’est donc dire qu’être homme, femme, ou encore appartenir à un groupe de genre n’entrant pas dans cette division binaire, relève du libre arbitre.

    3. Au contraire, les féministes matérialistes radicales estiment qu’être une femme ou être un homme est le résultat d’une inculcation faite tout au long de la vie qu’on appelle socialisation.

    4. Pour les féministes matérialistes radicales, cette socialisation est le produit d’un rapport social de sexe, à l’intérieur duquel la classe des hommes exploite la classe des femmes. Cette exploitation est induite par l’existence du patriarcat, entendu comme un mode de production.

    5. Pour les féministes queer, ce qui détermine l’identité du genre, c’est sa performativité, c’est-à-dire, la pratique répétée des normes du genre. Le genre n’est pas le produit d’un rapport social, mais plutôt d’un rapport de pouvoir. En effet, dans le paradigme post-moderne, le pouvoir n’est pas concentré dans une classe sociale ou encore dans l’appareil d’État de cette classe. Il est plutôt réparti de façon diffuse à travers toutes les institutions et les individus qui composent la société. Le pouvoir est ce qui à la fois produit et réprime les sujets. Par exemple, la famille hétéronormative est une unité de pouvoir qui produit généralement des hommes et des femmes appeléEs à entretenir des relations hétérosexuelles, et qui emprisonne ces individus dans des rôles de genre masculins et féminins rigides. Par contre, ces individus sont à leur tour des unités de pouvoir qui décident de se conformer à la norme ou de la subvertir, d’en transgresser les règles, et ce, afin de transcender la répression de leur propre subjectivité. C’est ce qu’on appelle l’agentivité, ou la pratique de soi. Pour les féministes queer, c’est l’étude de la norme qui permet aux individus d’avoir une performance normative ou transgressive du genre, quelle que soit la socialisation à laquelle ils et elles ont été exposéEs.

    6. C’est ainsi que les féministes queer placent la contradiction entre la performance normative du genre (femmes et homme cisgenres, femmes et hommes hétérosexuelLEs) et la performance transgressive du genre (femmes et hommes transgenres, queers, femmes et hommes homosexuelLEs, bisexuelLEs, pansexuelLEs, personnes non-binaires, «gender neutrals», «gender fluid», berdaches, drags, etc.)

    7. Pour les féministes matérialistes radicales, la contradiction se situe plutôt entre deux groupes sociaux séparés et hiérarchisés qu’on appelle homme et femme. La perpétuation de la domination masculine est causée par un ordre socialement construit. Elles considèrent que la division homme/femme s’est établie sur la base de la différence anatomique des organes sexuels perçus à la naissance et des fonctions reproductives (biologiques et sociales) distinctes qui leur sont systématiquement associées. Le corps est construit par le monde social comme une réalité sexuée qui trouverait sa justification idéologique «dans l’ordre naturel des choses».

    8. Les féministes matérialistes radiales considèrent que le travail est l’objet principal de la différentiation des sexes et leur hiérarchisation. En effet, c’est le travail domestique qui constitue la base économique et sociale de l’oppression patriarcale des femmes. La division sexuelle du travail organise la répartition des richesses et des statuts sociaux en faveur des hommes. Par exemple, le travail domestique assigné aux femmes est disqualifié comparativement au travail salarié.

    9. Pour les féministes queer, le travail n’est pas l’objet principal de la question de l’oppression des femmes, ou plutôt, des personnes opprimées par le genre. C’est la sexualité qui est déterminante, la sexualité englobant ici la construction d’identités de genre, indissociables de l’orientation et des pratiques sexuelles. La domination masculine, comme rapport social de sexe, est alors remplacée par la prescription hétéronormative comme rapport sexuel de pouvoir. En ce sens, pour les féministes queer, l’hétéronormativité entraîne la suppression des similitudes naturelles entre les individus désignéEs comme hommes ou femmes et force la répression chez les hommes de leurs traits «féminins» et chez les femmes, de leurs traits «masculins», ces traits (physiques ou comportementaux) correspondant à l’idée qu’on se fait de ce qu’est la masculinité et la féminité.

    10. À l’opposé, les féministes matérialistes radicales, lorsqu’elles se penchent sur la question de la sexualité, l’analysent encore dans le prisme de la division sexuelle du travail. Les relations sexuelles sont conçues comme un travail fourni par les femmes et approprié par les hommes. La féminité inculquée, comme expression de la vulnérabilité et de la soumission des femmes, sert à combler les désirs sexuels des hommes. En ce qui a trait à l’hétéronormativité, elle découle de la division sexuelle du travail qui assigne des tâches différentes aux hommes et aux femmes et qui les veut «naturellement complémentaires».

    11. Alors que les féministes matérialistes radicales veulent abolir les rôles sexués, établis d’après une binarité socialement construite, les féministes queer privilégient la multiplication de catégories de personnes n’entrant pas dans les normes de genre, et donc la perpétuation de la différenciation qui sous-tend inévitablement une hiérarchisation.

    12. Les féministes matérialistes radicales ne s’attardent pas au discours philosophique portant sur la subjectivation, mais plutôt à l’observation des pratiques sociales et des conditions matérielles dans lesquelles évoluent les femmes.

    13. Pour les féministes queer, il suffit de s’autodéfinir et d’avoir une activité incessamment performée en correspondance avec cette auto-identification pour renverser la norme du genre. C’est une approche individualiste.

    14. Au contraire, pour les féministes matérialistes radicales, la classe des femmes doit mener collectivement une lutte politique acharnée contre la classe des hommes.

    B) Féminisme matérialiste prolétarien VS féminisme matérialiste radical

    1- Les points de convergence

    15. Le féminisme prolétarien, comme le féminisme radical, rejette la théorie queer parce que celle-ci découle du postmodernisme. Son articulation avec le matérialisme ne peut s’opérer sans une tension parce qu’elle est intrinsèquement idéaliste. Les approches matérialistes et postmodernes sont donc, à plusieurs égards, antagoniques. La perspective théorique queer est étrangère au marxisme et est appelée à le demeurer car elle est bourgeoise.

    16. Le féminisme prolétarien, comme le féminisme radical, identifie une contradiction entre les hommes et les femmes, et rejette l’idée d’une contradiction entre les individus ayant une performance normative et les individus ayant une performance transgressive du genre. Comme le féminisme radical, le féminisme prolétarien conçoit le sexe comme une construction sociale. Cette dernière est générée par une socialisation différentiée et hiérarchisée entre les hommes et les femmes. La socialisation est établie en fonction de l’apparence des organes génitaux observés à la naissance.

    17. Le féminisme prolétarien, tout comme le féminisme radical, s’intéresse au travail comme étant à la racine de l’oppression des femmes.

    18. Finalement, le féminisme prolétarien, comme le féminisme radical, poursuit l’objectif de l’abolition des rôles sexués, contrairement au féminisme queer qui, par libéralisme, appelle à la multiplication des identités de genre et à la liberté individuelle de choisir la sienne ici et maintenant.

    2- Les points de divergence

    19. L’analyse féministe radicale, dans son ensemble, n’est pas compatible avec le marxisme, parce qu’elle conçoit la société actuelle comme étant patriarcale, c’est-à-dire comme étant contrôlée par les hommes dans leur ensemble, ou du moins, comme étant gérée dans l’intérêt de l’ensemble des hommes. Au contraire, le féminisme prolétarien soutient que l’oppression des femmes, aussi importante soit-elle, ne profite pas aux hommes dans leur ensemble, mais à la bourgeoisie. Si la domination masculine dans la société est indéniable, il est erroné de prétendre que tous les hommes détiennent le pouvoir.

    20. Le marxisme analyse le mode de production capitaliste du point de vue des intérêts matériels des différentes classes. Les féministes matérialistes radicales ont voulu donner une base matérialiste, calquée sur le marxisme, à la théorie du patriarcat en prétendant qu’il existe un mode de production domestique. Toutes les femmes, quelle que soit leur appartenance de classe, constitueraient une classe sociale unique dont le travail domestique serait spolié par la classe des hommes.

    21. Les féministes prolétariennes estiment que les rapports entre les hommes et les femmes ne peuvent pas être considérés comme étant analogues aux rapports entre les capitalistes et les travailleurEs. L’exploitation et l’oppression sont deux phénomènes de nature différente. Le travail domestique fait par les femmes prolétariennes ne permet pas à leurs compagnons prolétariens d’accumuler du capital. Dans le travail salarié, chaque minute gagnée par les travailleurEs est une minute perdue pour les profits des capitalistes. Dans le travail domestique, les hommes n’exigent pas des femmes plus de préparation de repas et plus de lessives dès qu’elles ont la possibilité physique d’en faire davantage. Dans le travail salarié, les machines qui pourraient améliorer le sort des prolétaires, mais qui ne servent pas à augmenter les profits, ne sont pas introduites. Dans le travail domestique, l’introduction des machines et des produits nouveaux, qui améliorent les conditions de vie des femmes, n’est pas combattue par les hommes. Le temps passé à l’éducation et aux soins des enfants n’est pas un travail dont profitent les hommes prolétariens; l’absence d’un homme ne réduit pas la charge de travail des innombrables femmes monoparentales qui élèvent seules leurs enfants. C’est le capitalisme qui impose, par la privatisation de ce travail, de longues heures éreintantes aux femmes. Ceux qui profitent du travail domestique des femmes sont les mêmes qui profitent du travail en général : les capitalistes. Ce travail de reproduction leur permet d’avoir des travailleurEs nourriEs, blanchiEs et en santé, prêtEs à se mettre au travail chaque jour. Les capitalistes ne socialisent pas tout le travail de reproduction car cela nuirait à leurs profits en entraînant des coûts considérables. Pour faciliter la reproduction de la force de travail, la bourgeoisie a conservé une institution préexistante, la famille – au sein de laquelle les femmes étaient considérées comme inférieures – tout en la transformant et en la subordonnant à ses rapports de production. C’est ainsi que le sexisme se reproduit au sein de la société actuelle et génère les inégalités entre les hommes et les femmes, notamment en ce qui a trait au partage des tâches domestiques.

    22. Certaines féministes radicales n’analysent pas séparément les rapports de classe et les rapports sociaux de sexe. Elles analysent tout de même conjointement l’intérêt individuel de chaque homme à se faire servir à la maison par une femme et l’intérêt collectif qu’a la classe dominante à perpétuer la division sexuelle du travail – qui assigne aux femmes la majeure partie des tâches domestiques et leur prolongement dans le monde salarial.

    23. Pour les féministes prolétariennes, le travail domestique ne représente pas un antagonisme d’intérêts entre les hommes et les femmes de la classe ouvrière. Être moins exploité que les femmes ne signifie pas les exploiter. Les hommes prolétariens n’ont pas un intérêt matériel dans le maintien de la privatisation du travail reproductif. Ils ne perdraient rien avec la socialisation de ce travail.

    24. Les féministes radicales affirment que le mode de production patriarcal serait aussi structurant socialement, sinon plus, que le mode de production capitaliste. Les féministes prolétariennes, en tant que marxistes, considèrent que cette analyse est erronée.

    25. En effet, peut-on dire que la famille, siège du travail domestique, a le même poids historique, politique et économique que le marché capitaliste? Le marché et l’accumulation du capital ont fait et refait tous les aspects du monde dans lequel nous vivons; ont causé les guerres et les famines, transformé littéralement le paysage, créé les villes, détruit et recréé des monarchies, des dictatures, des démocraties; créé les conditions pour l’entrée en masse des femmes dans le travail industriel; créé l’éducation et les universités. La famille n’a pas eu ce rôle dynamique et progressiste-en-même-temps-que-destructeur dans l’histoire du monde. Il s’agit plutôt d’une institution qui contribue fortement à la survie du capitalisme, sans pour autant constituer une de ses raisons d’être. L’organisation et la réalisation des tâches domestiques dépendent de l’existence préalable de la production industrielle, de ses produits et de son impact sur la division du travail. Quand les besoins de l’accumulation capitaliste changent, de grandes transformations peuvent avoir lieu dans la famille, tandis que l’inverse n’est pas vrai. L’économie capitaliste en expansion a besoin de la main-d‘œuvre féminine – et voilà que des millions de femmes rejoignent à nouveau la force du travail. Le capitalisme a besoin d’une main-d’œuvre plus formée? – Les enfants iront touTEs à l’école au lieu d’aller à l’usine. Dans des périodes de crise, c’est encore plus frappant. En temps de paix, l’idéologie bourgeoise déclare que le foyer familial est le seul endroit où l’on peut développer des êtres humains équilibrés. Arrive une guerre mondiale et les capitalistes envoient les hommes par millions dans les champs de la mort et les femmes par millions à l’usine pour remplacer le travail des ouvriers hommes. Le cadre familial comme mode de vie est détruit jusqu’à la fin de la guerre. Bref, le capitalisme a besoin de la famille, mais la famille lui est, en dernière instance, subordonnée.[2]

    26. Le féminisme prolétarien, contrairement au féminisme radical, analyse la contradiction homme/femme comme une contradiction secondaire non-antagonique, une contradiction au sein du peuple. Le féminisme prolétarien considère que la contradiction entre le prolétariat et la bourgeoisie est la contradiction sociale principale. L’oppression des femmes est subordonnée à la lutte des classes.

    27. Contrairement aux féministes radicales, les féministes prolétariennes considèrent donc qu’il n’y a pas d’unité possible entre les femmes prolétariennes et les femmes bourgeoises, mais qu’il y en a une entre les femmes prolétariennes et les hommes prolétariens, malgré la persistance de comportements sexistes au sein du peuple. C’est dans l’intérêt des hommes prolétariens de participer au combat contre le sexisme et l’oppression des femmes. Dans tous les pays, les femmes constituent une partie importante des travailleurEs. L’idée même que les prolétaires puissent prendre le pouvoir et laisser en place l’oppression des femmes est un non-sens. Cette idée suggère que des millions de travailleuses, s’étant engagées dans une lutte sans merci pour renverser la bourgeoisie – lutte entraînant toutes les transformations de la conscience qui surgissent de ce genre d’expérience – décideraient par la suite de maintenir l’oppression des femmes. Une prise du pouvoir par les travailleurEs, si la majorité du prolétariat est ignorée, n’en est pas une. Cela ne signifie pas qu’après la prise du pouvoir, les préjugés sexistes millénaires et le mépris envers les femmes disparaîtront d’un coup. Cela signifie seulement que l’élimination de la base matérielle de l’oppression, jumelée avec la conscience révolutionnaire de millions de femmes et d’hommes, affaiblira cette oppression qui entamera son dépérissement rapide jusqu’à son élimination.[3]

    C) Pour un petit-mouvement féministe prolétarien

    28. Le FFPR a été constitué sur la base de la reconnaissance de l’existence objective d’une contradiction entre les hommes et les femmes, ainsi que sur la nécessité 1) d’organiser les femmes prolétariennes pour faire la révolution, et 2) de combattre le sexisme dès maintenant pour qu’il se forme une alliance véritable entre les hommes et les femmes du prolétariat.

    29. Le fait que le FFPR s’adresse aux femmes – le groupe opprimé qui justifie son existence – ne reproduit pas l’oppression de minorités elles aussi opprimées, qu’il s’agisse de catégories qui ont une existence matérielle dans la société (homosexuelLEs, personnes trans, personnes racisées, etc.), ou qu’il s’agisse de catégories strictement idéologiques, comme celles avancées par les queer. Le fait de n’utiliser que le mot «femmes» dans le chapitre 8 du programme du PCR et dans le Manifeste pour un féminisme prolétarien n’est en rien problématique. Il n’y a pas lieu d’ajouter des expressions provenant du féminisme queer telles que «personnes opprimées par le genre», «personnes non-binaires» ou encore «non-hommes». Cela trahirait la mission du FFPR. En effet, le féminisme queer occulte l’oppression des femmes. Il prétend qu’en changeant les mots et les idées, on change le monde matériel, niant que les rôles sexués continuent d’exister objectivement. Le féminisme queer, en faisant la promotion de l’agentivité, en vient à effacer la nécessité de la lutte collective pour l’émancipation des femmes prolétariennes.

    30. Les féministes prolétariennes reconnaissent l’existence objective des personnes trans, mais comprennent leur situation comme étant déterminée par la contradiction homme/femme, et non par une contradiction imaginaire entre normativité et transgression du genre. La socialisation sexuée génère des rôles sexués à travers tous les appareils idéologiques de la société bourgeoise. Cependant, cette socialisation ne s’effectue pas de façon homogène et uniforme pour tous les individus, étant donné que la pression des différents environnements sociaux n’est pas la même partout. Les personnes trans ne transgressent pas ou ne subvertissent pas le genre ou les rôles sexués; ils et elles changent de camp tout simplement. Notons que les hommes sont aussi soumis aux impératifs des rôles associés au sexe dominant qu’on leur a assigné à la naissance. Cela peut entraîner un malaise important qui pourrait expliquer la transsexualité des hommes, les amenant à s’exposer aux violences sexistes que subissent les femmes.

    31. L’oppression des personnes trans par les femmes soi-disant cisgenres[4] est une invention divisive de la bourgeoisie. Même une femme qui serait en parfaite correspondance avec les rôles sexués féminins serait une femme dominée qui n’aurait pas choisi son sexe, mais à qui la société lui en aurait assigné un qui la maintiendrait en position d’infériorité. Ceci dit, il n’y a pas de femmes ni d’hommes en parfaite correspondance avec les rôles sexués qui incombent à leur sexe puisque le sexe est construit socialement.

    32. C’est donc dire que le FFPR prend en compte l’oppression que vivent les personnes trans et les personnes homosexuelles, tout en concevant ces oppressions comme découlant de la contradiction entre les hommes et les femmes. L’homophobie et la transphobie sont des prolongements du sexisme.

    33. Le FFPR affirme que les organisations révolutionnaires et les hommes révolutionnaires doivent aussi agir contre les effets de l’oppression des femmes dans la vie quotidienne ou organisationnelle.

    34. Pour conclure, le FFPR milite en faveur de l’affranchissement de la sexualisation des corps et des rôles sexués qui en découlent. La société communiste sans classes sera marquée par l’égalité réelle entre les individus qui ne seront plus placés dans des catégories de sexe et qui pourront exprimer leurs préférences librement.

    35. Le PCR, en tant qu’avant-garde communiste, accorde aux mouvements de lutte des femmes prolétaires (contre l’exploitation sexuelle, le sexisme, etc.) un soutien sans failles, mais inscrit dans un travail politique visant à rendre ces mouvements conscients de leur cadre naturel – la lutte des classes – et, donc, à les qualifier vers la lutte révolutionnaire.[5] Quelle doit être l’attitude de l’avant-garde communiste vis-à-vis du féminisme bourgeois et petit-bourgeois, du féminisme queer et du féminisme radical? Une critique sans concession de leur caractère anti-prolétarien.

    Des camarades militantes du FFPR-Montréal

    NOTES:

    [1] Nous nous basons sur les écrits de théoricien(ne)s tel(le)s que Catherine Vidal, Joëlle Wiels, Gaïd Le Maner-Idrissi, Pascal Picq, I.E. Sommer et al, K.M. Bishop et D. Walhsten, S.J. Gould, D. Benoît-Browaeys, etc.

    [2] Extrait tiré presque intégralement du texte «Vivons-nous dans une société patriarcale? À qui profite l’oppression?» par John Mullen.

    [3] Idem.

    [4] D’après le féminisme queer, les personnes cisgenres sont celles dont l’identité de genre correspond au genre qui leur a été assigné à la naissance en fonction de l’apparence de leurs organes génitaux. Autrement dit, il s’agit de la grande majorité des individus.

    [5] Extrait tiré presque intégralement du texte «La Flèche et la cible» par le Collectif des prisonnièrEs des Cellules communistes combattantes (CCC).

    * * *

    ANNEXE 2 : Sur la prostitution

    1. Nous tenons à un féminisme prolétarien, c’est-à-dire, un féminisme qui s’intéresse à la libération des femmes qui ne possèdent pas de moyens de production et qui n’ont d’autre choix que de vendre leur force de travail pour survivre. Ce féminisme s’inscrit en opposition avec un féminisme bourgeois qui sert les intérêts de la classe dominante.

    2. Le féminisme prolétarien repose sur un cadre d’analyse matérialiste. Le matérialisme philosophique a été employé chez les féministes de 2ième vague pour analyser ce qu’elles ont nommé les «rapports sociaux de sexe». Toutefois, le féminisme prolétarien rejette les conceptions féministes radicales selon lesquelles il existerait un mode de production patriarcal. Il défend plutôt que le mode de production capitaliste, aujourd’hui dominant, est fait de rapports sociaux de production qui font en sorte que la bourgeoisie profite de l’oppression des femmes.

    3. Sur la question de la prostitution, le prohibitionnisme apparaît chez les féministes de 1ière vague, les égalitaristes. L’égalitarisme est un féminisme qui répond aux besoins des femmes bourgeoises. Il condamne la prostitution et les prostituées pour des considérations morales et hygiéniques.

    4. L’abolitionnisme, de son côté, apparaît chez les féministes matérialistes. Celles-ci examinent la prostitution dans le prisme de l’exploitation économique et sexuelle des femmes.

    5. La position pro travail du sexe (pro TDS), ou encore réglementariste, apparaît plus tard dans la littérature féministe. Il s’agit d’une position qui est souvent défendue par les féministes de 3ième vague, ou queer, au nom du droit à l’autodétermination des individus (agentivité).

    6. En tant que féministes prolétariennes, nous considérons que la position pro TDS ne répond pas aux femmes prolétaires touchées quotidiennement par l’exploitation économique et sexuelle. Pour sa part, la position abolitionniste la plus répandue, bien qu’elle soit matérialiste, comporte aussi des failles que le féminisme prolétarien se doit de corriger.

    7. Dans un premier temps, la position pro TDS, ou réglementariste, est problématique parce qu’elle refuse de voir la prostitution comme étant structurée par le sexisme. C’est une position libérale, empreinte d’idéologie bourgeoise, faisant la promotion de la liberté individuelle de marchander ce qu’on veut.

    8. En effet, les pro TDS considèrent à tort que les femmes qui vivent de la prostitution vendent un service sexuel et donc, disposent librement de leur corps. Or, les femmes qui vivent de la prostitution louent plutôt le droit de disposer de leur corps à des clients.

    9. La prostitution n’est pas la vente ordinaire de la force de travail; il ne s’agit pas de l’exploitation du travail d’une personne, mais de l’exploitation absolue d’une personne. La prostitution n’est pas la vente et la consommation de services sexuels: ce qui est vendu et consommé, c’est le rapport de domination direct sur une personne. C’est cette domination qui est la valeur d’usage de la marchandise-prostituée, tandis que pour le travail salarié en général, la domination est plutôt une condition qui permet l’exploitation de la force de travail. Ce que met en scène et en marché l’industrie du sexe, c’est non seulement les corps sexués, mais aussi, et surtout, la violence sexiste. La prostitution est l’expression la plus complète de cette violence.

    10. Considérer que la prostitution est un travail comme un autre, c’est renforcer l’idée voulant que la sexualité soit une tâche, celle de répondre à la sexualité-besoin de l’homme. Le matérialisme nous enseigne que les hommes et les femmes sont soumisES à une socialisation différenciée et hiérarchisée. Cette socialisation fait en sorte que les hommes conçoivent leur sexualité comme une nécessité, une chose qui leur est due. Les personnes qui entrent dans un rapport sexuel avec eux sont donc vouées à répondre à un besoin soi-disant «naturel» – qui est plutôt un besoin construit socialement. En contrepartie, la socialisation des femmes les amène à concevoir leur sexualité comme étant une réponse au désir irrépressible des hommes, et donc comme le devoir de les satisfaire. Dans la satisfaction qu’elles peuvent procurer, les femmes sont poussées à mesurer leur valeur en tant que personnes. La position pro TDS participe à la reproduction de ces inégalités, et donc bafoue l’épanouissement sexuel des femmes.

    11. Ajoutons que le libre consentement, condition essentielle de la sexualité, n’est pas le propre d’une relation marchande prostitutionnelle. En effet, quand la subsistance de la femme dépend de son achat par l’homme, ce qui est le cas des femmes prostituées prolétariennes qui constituent la majorité des personnes prostituées, il n’y a pas de mutualité dans le choix des partenaires et dans le choix des actes posés dans la relation. On ne peut donc pas parler de sexualité, mais plutôt d’un viol institutionnalisé.

    12. De plus, en tant que marxistes, on ne peut faire autrement que de dénoncer le libéralisme de la position pro TDS qui invisibilise l’exploitation – voire la surexploitation – des femmes issues des couches les plus vulnérables du prolétariat (racisées, mères, immigrantes, autochtones, sous-éduquées, mineures, toxicomanes, non-qualifiées, etc.) par des bourgeois qui tirent des profits faramineux de l’industrie du sexe, et qui en bénéficient aussi en tant que clients-prostitueurs. Il est donc intéressant de se demander à qui profite la régularisation de la prostitution.

    13. En tant qu’internationalistes, nous nous devons d’analyser le phénomène de la prostitution en prenant aussi en considération la façon dont elle est vécue dans les pays dominés. Comme nos camarades maoïstes indiens, népalais et philippins, nous dénonçons avec véhémence l’industrie du sexe internationale caractérisée par le tourisme sexuel ainsi que la traite des femmes et des enfants. Cette industrie profite largement de l’appauvrissement des populations de ces pays ; elle est une composante essentielle de l’impérialisme.

    14. Dans un deuxième temps, si nous nous dressons contre le réglementarisme des pro TDS, nous n’adhérons pas non plus complètement à la position abolitionniste la plus répandue. Bien que nous endossions l’analyse globalement juste selon laquelle la prostitution n’est pas un travail comme un autre, nous nous opposons aux solutions avancées par les abolitionnistes. En effet, ces solutions sont bourgeoises parce qu’elles visent à mettre un terme à l’exploitation sexuelle du corps des femmes par l’instauration de réformes législatives appliquées par les forces de l’ordre et appuyées par des politiciens bourgeois : la criminalisation des clients et des proxénètes. Pourtant, nous savons que le système judiciaire n’est qu’au service des capitalistes, que la police n’est nulle autre que le bras armé de la classe dominante et que nous vivons sous la dictature de la bourgeoisie. Nous savons que la collaboration de classes ne répond pas au besoin des femmes prolétariennes. Une fraction de la bourgeoisie a un intérêt direct dans le maintien du système prostitutionnel. Surtout, la bourgeoisie dans son ensemble a intérêt à ce que perdurent les conditions matérielles qui jettent une partie des femmes du prolétariat dans la prostitution.

    15. En tant que marxistes-léninistes-maoïstes, nous avons pour objectif de répondre aux besoins matériels du prolétariat. Il ne suffit pas de criminaliser les pimps et les clients pour libérer les femmes prolétaires de la prostitution. Il faut aussi, et surtout, transformer complètement les conditions matérielles d’existence des femmes de sorte qu’elles n’aient plus besoin de se vendre pour satisfaire leurs besoins vitaux.

    16. Nous rejetons donc les positions abolitionnistes qui refusent de reconnaître la nécessité de faire la révolution communiste pour libérer pleinement les femmes prolétariennes. Pour être conséquent, l’abolitionnisme devrait mener à des positions révolutionnaires, puisque le capitalisme entretient la pauvreté et l’oppression spécifique des femmes (ainsi que d’autres formes d’oppression spécifiques) dont se nourrit la prostitution. Sous le capitalisme, les conditions matérielles qui engendrent la prostitution vont perdurer.

    17. Dans notre perspective d’anéantissement de la bourgeoisie et de pouvoir populaire, la prostitution sera inévitablement abolie. Effectivement, la transition socialiste, ce sera l’abolition progressive de tous les rapports marchands. Les gens pourront répondre à leurs besoins sans avoir à vendre leur force de travail, et encore moins leur corps sexué et leur soumission. Dans la société communiste, sans classes sociales et sans exploitation, tout le monde pourra activement et dignement contribuer à la production et sera assuré de voir l’ensemble de ses besoins comblés. C’est donc dire qu’il ne restera qu’une sexualité dans le cadre de la libre association entre des personnes qui s’apprécient et qui se respectent mutuellement.

    18. Bien entendu, avant d’en arriver là, il faudra livrer plusieurs batailles pour se débarrasser des contradictions au sein du peuple qui risquent de subsister après la prise du pouvoir, entre autres, la contradiction entre les femmes et les hommes, déterminante dans la prostitution. Il faudra mener une lutte acharnée contre le sexisme hérité de millénaires d’oppression.

    19. Certaines militantes pro TDS invectivent toutes camarades ayant une position abolitionniste en prétendant qu’elles dénigrent et rejettent les travailleuses du sexe. Il n’en n’est rien chez les féministes prolétariennes. Nous nous solidarisons avec les femmes prostituées prolétariennes au même titre que les communistes se battent avec et pour les travailleurEs tout en dénonçant leur exploitation et leurs exploiteurs.

    20. Ces militantes pro TDS accusent souvent les abolitionnistes de faire de la stigmatisation par les mots. Nous choisissons sciemment d’employer les expressions «prostitution» et «femmes prostituées» parce qu’elles décrivent une réalité objective. Au contraire, celles et ceux qui emploient les expressions «travail du sexe» et «travailleuses du sexe» ont la prétention de changer la réalité en changeant le vocabulaire, alors qu’il n’en est rien. De plus, ces expressions véhiculent l’idée que la prostitution est un travail comme un autre.

    21. Les syndicats de travailleuses du sexe ne peuvent pas faire de réel travail syndical, car la prostitution ne repose pas uniquement sur un contrat de travail entre la prostituée et le proxénète, mais aussi sur un non-contrat entre la prostituée et le prostitueur: la vente de soi et, par extension, de la pleine disposition de quelqu’un d’autre sur soi.

    22. Le syndicalisme, en matière de prostitution, impliquerait: a) la reconnaissance de la prostitution comme étant un travail comme un autre, b) la négociation du prix de vente de la force de travail des prostituées avec des membres du crime organisé, ce qui nécessiterait un pouvoir de coercition qui ne sera atteint que pendant la GPP, c) la capacité de contracter avec l’ensemble des clients une entente sur les «services sexuels» rendus, ce qui est impraticable, et ce qui entrerait en contradiction avec la nature même de la prostitution, soit l’achat de la domination.

    23. Les «syndicats» existants, comme Stella à Montréal, sont en fait des organes qui essaient d’imposer une direction politique libérale sur les femmes prolétariennes, de même que certaines organisations abolitionnistes tentent d’instaurer une hégémonie politique réformiste en la matière.

    24. Nous souhaitons plutôt travailler à ce que le Front féministe prolétarien révolutionnaire (FFPR), continue, dans son discours et dans sa pratique, à rassembler les prolétaires et à exercer une direction politique révolutionnaire sur le mouvement de libération des femmes, et ce, tout en supportant les revendications justes des femmes prostituées et en les aidant à s’organiser pour renverser la bourgeoisie et mettre fin au sexisme.

    Adopté par la cellule de Montréal.

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    TRÈS INTÉRESSANT AUSSI... bien que ruant pas mal dans les brancards de tout un féminisme radical-révolutionnaire occidental contemporain, bref pas vraiment super safe pour ne pas dire trigger (LOL !), un texte qui nous vient du mouvement maoïste du Brésil :

    https://medium.com/@yatahaze/dois-caminhos-o-feminismo-ou-a-luta-feminina-revolucion%C3%A1ria-306d4858d1e2

    Deux voies : le féminisme ou la lutte révolutionnaire des femmes


    Note de l'auteur : Le texte qui suit est une analyse historique de l'apparition et du développement du féminisme comme mouvement démocratique, de ses scissions, de sa situation actuelle dans notre pays [le Brésil] et de quelles sont les solutions pour les femmes.

    Introduction

    Pour une meilleure compréhension du féminisme et de sa nature, il importe de repasser succinctement en revue, de la manière la plus synthétique possible, le développement du monde moderne depuis le 19e siècle jusqu'à nos jours. Commençons.

    [Nous préciserons ici en préambule que nous ne partageons pas exactement une vision aussi "schématique" de l'histoire mondiale ; néanmoins, ce "schématisme" a peut-être pour avantage de faciliter la compréhension, le fond de l'idée restant tout à fait juste.]

    Nous savons que la bourgeoise s'établit au pouvoir, initie sa période historique et de là instaure le capitalisme en Europe avec les révolutions bourgeoises, les principales étant la Révolution anglaise (1640-88) et la Révolution française (1789). [C'est là le principal point avec lequel nous sommes en désaccord : lorsque les révolutions bourgeoises surviennent, le capitalisme se développe déjà en Europe depuis plusieurs siècles ; l’État monarchique moderne qui émerge à partir des 13e-14e siècles et devient absolutiste entre le 16e et le 18e fait partie de ce processus de développement du capitalisme ; les révolutions bourgeoises interviennent à un stade de capitalisme déjà largement développé et permettent avant tout la "révolution industrielle" ; néanmoins c'est là un bémol secondaire, on comprend où le texte veut en venir.]

    La révolution bourgeoise a consisté en un grand mouvement (dans la majorité des cas militaire, dans tous les cas culturel, social, politique, économique etc.) dans lequel la bourgeoisie a dirigé l'ensemble du peuple contre l'aristocratie, le clergé et la grande propriété de la terre entre les 17e et 19e siècles ; mouvement également connu comme la “révolution démocratique”. [Nous savons en réalité que dans les faits (lorsqu'on lit par exemple Marx sur l'accumulation primitive) la bourgeoisie au cours de son processus d'instauration du capitalisme a déchaîné bien plus de violence contre les masses populaires de producteurs que contre ses rivaux de l'aristocratie et du clergé ; et sur le plan idéologique, en quelque sorte, a sécrété en permanence de l'humanisme pour aussitôt le piétiner ; néanmoins il est vrai que la lutte pour le pouvoir, donc la lutte principale et historiquement motrice, l'opposait aux classes féodales.]

    Ces grands mouvements jetèrent à bas (par la violence révolutionnaire dans la majorité des cas) les classes féodales aristocratiques européennes ; les paysans prirent le contrôle des terres des grands propriétaires [là encore, pas si simple en réalité... surtout si l'on pense aux Îles Britanniques] et renversèrent ainsi le pouvoir de la noblesse et du clergé. À partir de là se structura donc l’État bourgeois, basé sur la propriété capitaliste, avec la grande industrie et une agriculture capitaliste. Ces révolutions bourgeoises ou démocratiques ne se produisirent pas dans le monde entier, mais uniquement dans les pays d'Europe (Allemagne, Angleterre, France, Italie etc.) et aux États-Unis, au Canada, au Japon etc.

    Avec le développement du capitalisme dans ces pays post-révolution démocratique [comme conséquence de la "révolution" industrielle, que ces révolutions bourgeoises avaient vocation à permettre] commencèrent inévitablement à apparaître les monopoles, c'est à dire des groupes accumulant du capital et absorbant un certain nombre d'entreprises, mettant fin à l'ère du capitalisme de libre concurrence et initiant le processus qui devait culminer dans l'impérialisme.

    Il faut rappeler ici que dans les pays d'Asie (à l'exception du Japon), d'Afrique et d'Amérique latine il n'y a pas eu de telles révolutions bourgeoises ou démocratiques. Ici le capitalisme ne s'est pas mis en place pour le compte d'une bourgeoisie locale qui aurait pu grandir, accumuler un grand capital national, devenir politiquement puissante et renverser les forces féodales. Au contraire, dans ces pays le capitalisme a été implanté par l'impérialisme, c'est à dire par la bourgeoisie de pays étrangers, et se caractérise par un capitalisme bureaucratique [en gros, un peu l'équivalent du "mercantilisme" de Colbert sous l'Ancien Régime...], ce qui signifie que ce capitalisme a été "plaqué" sur des bases féodales qui n'ont pas été éliminées comme il aurait fallu, comme cela a été fait dans les pays passés par des révolutions démocratiques. Un exemple simple des bases semi-féodales de nos pays du Tiers Monde est l'existence de la grande propriété terrienne, toujours bien présente et puissante de nos jours.

    Toute cette explication introductive peut sembler hors-sujet pour aborder la question du féminisme (que peut bien avoir à voir le féminisme avec le ‘capitalisme bureaucratique’, ‘l'impérialisme’ ou encore la ‘révolution bourgeoise’ etc. ?) ; mais il va en réalité apparaître clairement ci-après que cette question, apparemment sans rapport, fait toute la différence dans l'analyse.

    Le féminisme et son essence : la bourgeoisie révolutionnaire

    Le féminisme a vu le jour comme mouvement de la bourgeoisie révolutionnaire du 19e siècle [certes, s'il est utile de le préciser, non sans frictions avec la bourgeoisie masculine...] cherchant à transformer les bases culturelles-idéologiques de la société (la superstructure), à modifier les rapports sociaux hérités des vieilles bases du féodalisme déjà vaincu. Jusqu'au 19e siècle, la bourgeoisie jouait encore [au service de ses intérêts] un rôle révolutionnaire de destruction des classes féodales et de libération des forces productives ; cependant, elle passait petit à petit et toujours plus dans le camp de la contre-révolution tandis que se consolidait l'impérialisme (20e siècle), phase décadente et de décomposition du capitalisme, et que le prolétariat surgissait comme nouvelle force sociale de caractère révolutionnaire [il faudrait préciser ici : le prolétariat mondial, avec les peuples colonisés ou dominés par l'impérialisme, en rappelant que jusque-là, en dehors de quelques avancées certes notables comme l'abolition de l'esclavage (mais sous la pression de quelles luttes, aussi !), le rôle relativement émancipateur de la bourgeoisie a surtout concerné les peuples blancs occidentaux].

    À l'époque de l'impérialisme (dans laquelle nous nous trouvons encore aujourd'hui), la bourgeoisie est intégralement passée dans le camp de la contre-révolution et perd son essence révolutionnaire, craignant le progrès de la civilisation humaine par crainte de l'ascension du prolétariat. Par conséquent, tous les mouvements et les mots d'ordre apparaissant à son initiative et dirigés par elle seront également voués à se retrouver soit dans le camp réactionnaire, soit dans celui de l'inconséquence politique et de la vacillation. Et de fait, tous les mouvements antérieurement surgis sous la direction de la bourgeoisie (encore) révolutionnaire, devenue entre temps réactionnaire, se révèleront désormais incapables d'aborder correctement la réalité et de proposer une solution solide aux problèmes qu'ils prétendent résoudre.

    L'agenda féministe à ses débuts comprenait essentiellement la lutte pour le droit de vote des femmes [obtenu en général plus ou moins tardivement au cours du 20e siècle], la liberté financière synonyme de droit au travail, le droit à l'avortement et l'accès aux moyens de contraception, en sus du droit à la santé, à l'éducation et autres services qui leur étaient auparavant interdits ou restreints. Ces mots d'ordres se levaient face au poids des conceptions féodales qui pesaient encore sur les femmes. Le féminisme n'était pas un mouvement isolé, et nous ne pourrions en avoir qu'une analyse extrêmement superficielle si nous le considérions comme une fin en soi, sans voir qu'il s'inscrivait dans le grand mouvement général de la bourgeoisie pour balayer les bases culturelles et idéologiques du féodalisme en Europe [ou pourrait-on peut-être plutôt dire, les bases issues de l'accumulation primitive et de la mise en place de la Modernité capitaliste, car il apparaît souvent à l'étude que c'est à cette époque, entre le 14e et le 17e siècle, qu'appartiennent les pires oppressions à l'encontre des femmes comme par exemple les chasses aux sorcières – de fait et de manière générale, ce que l'on entend communément par "féodal" ou "moyenâgeux", "obscurantiste" etc. et contre quoi les Lumières et la révolution "démocratique" bourgeoise se sont dressées n'est pas la féodalité proprement dite d'autour de l'An 1000 ; système tributaire finalement cohérent dans lequel l'unité et non la lutte des fonctions sociales était principale, et de toute façon déjà (au 18e siècle) totalement laminé sous les assauts conjoints du développement du capitalisme, de l'absolutisme et dans une certaine mesure des luttes populaires ; mais bien plutôt les affres hideuses de la période historique d'émergence du capitalisme dans les entraves d'une féodalité résiduelle et "zombie", historiquement dépassée et réactionnaire sur toute la ligne, à son "stade suprême" comme peut l'être le stade des monopoles pour le capitalisme : c'est cela que la révolution bourgeoise, c'est à dire la bourgeoisie se débarrassant de ces entraves pour atteindre sa "plénitude", a en réalité affronté...].

    Mais le féminisme ne concernait pas toutes les femmes de la même manière : il était un mouvement qui servait les femmes de chaque classe en accord avec les intérêts de celle-ci ; bien que, en Europe, il prétendait rassembler et unir toutes les femmes.

    Prenons un exemple : dans l'Europe du 19e siècle, le féminisme demandait la liberté et l'indépendance financière vis à vis du mari. Mais cette revendication signifiait en réalité deux choses très différentes pour deux groupes différents de femmes : pour la femme bourgeoise, elle signifiait le droit d'avoir et d'accumuler du capital indépendamment du mari ; tandis que pour la femme prolétaire, elle ne signifiait que le droit de prendre place sur une chaîne de production industrielle. Ce qui représentait, certes, un progrès par rapport au pur travail servile domestique ; mais servait aussi principalement la bourgeoisie, qui trouvait dans les femmes un nouveau contingent de main d’œuvre à exploiter [et même surexploiter].

    Avant d'entrer dans l'ère des monopoles et de l'impérialisme, les revendications des femmes  —  non seulement des femmes bourgeoises, mais de toutes les classes, dès lors que la bourgeoisie jouait un rôle émancipateur —  étaient les mêmes : droit de vote, fin de l'autorité absolue du mari etc. ; et le mouvement féministe, bien que dirigé par la bourgeoisie, regroupait les intérêts des femmes de toutes les classes jusqu'à la fin du 19e siècle. Ceci reflétait en fait la réalité générale de la lutte des classes de l'époque : l'époque de l'offensive de la révolution démocratique où les intérêts de toutes les classes (bourgeoisie révolutionnaire, petite bourgeoisie, paysans et prolétariat naissant) étaient en substance les mêmes pour abattre le féodalisme et l'aristocratie, imposer un nouveau régime social ‘démocratique’ etc. Le mouvement féministe, de la même manière, unissait toutes les femmes dans un intérêt également commun : abattre les traditions féodales dans la culture et la vie sociale, conquérir leur place dans une société démocratique bourgeoise (qui était alors, à défaut d'une autre, la forme la plus avancée de société).

    C'est ainsi que le féminisme doit être compris comme mouvement particulier dans le grand mouvement général de la bourgeoisie européenne-occidentale pour détruire les rapports sociaux hérités de la vieille féodalité. Et, de ce fait, il a réellement joué à cette époque (en Europe-Occident) un rôle révolutionnaire démocratique d'anéantissement de ces rapports féodaux.

    Le passage de la bourgeoisie à la contre-révolution et ses conséquences sur le féminisme

    Dans les pays comme la France, l'Allemagne, l'Angleterre, les États-Unis, l'Italie et les autres pays d'Europe ou d'Amérique, anglo-saxons etc. (outre le Japon), où la bourgeoisie avait consolidé la révolution démocratique et détruit le féodalisme, le féminisme a bien rempli son rôle : détruire totalement les bases culturelles féodales dans les rapports sociaux aux femmes, et avancer dans les tâches démocratiques aussi loin qu'il l'a pu (c'est à dire aussi loin que la bourgeoisie le lui a permis...).

    [Ou pour parler concréto-concrètement, et énoncer ce qui devrait être une évidence matérialiste : le féminisme "c'est du chocolat" comme dirait Houria Bouteldja, c'est "un luxe" au sens où il ne peut comme mouvement se développer réellement que dans une société en voie rapide de libération du besoin, et triompher que dans une société libérée de celui-ci ; ce qui a pu en partie (du moins) être le cas sous la direction de la bourgeoisie dans les sociétés capitalistes des pays occidentaux ; mais ne peut désormais pas l'être, comme nous allons le voir dans la suite du texte, dans les pays dominés par l'impérialisme en dehors d'une révolution démocratique anti-impérialiste (de "nouvelle démocratie") ininterrompue vers le socialisme et le communisme (et ses tâches inaccomplies en Occident même, en particulier pour les femmes des classes populaires, ne peuvent également être parachevées que dans le socialisme).]

    Lorsque apparaît et se consolide définitivement l'impérialisme, et que la bourgeoisie passe totalement dans le camp de la contre-révolution, s'opposant à tout progrès humain de peur que le prolétariat ne prenne le pouvoir, le féminisme lui aussi connaît une mutation essentielle. Les bases sociales qui le dirigeaient, c'est à dire la bourgeoisie, passent totalement dans le camp de la régression et il subit une scission : d'un côté, le féminisme bourgeois, de l'autre, les revendications des femmes prolétaires¹, auxquelles échoit désormais la responsabilité de poursuivre sur la voie du progrès de la condition féminine.

    Du côté du féminisme bourgeois se font alors jour toute une série de dénaturations logiques et politiques des revendications, d'où surgissent les plus bizarres interprétations et propositions comme par exemple le concept de “lutte des sexes” visant objectivement à opposer les femmes et les hommes d'une même classe ; autrement dit un féminisme jouant un rôle ouvertement réactionnaire au service de sa classe, la bourgeoisie [l'on pourrait encore ajouter ici : le féminisme mis au service d'un impérialisme "progressiste"-"néo-civilisateur" en direction des pays dominés ou de leurs représentants dans les métropoles impérialistes (alors que dans plus d'un cas, auparavant, c'est l'impérialisme occidental lui-même qui a imposé ses normes patriarcales dans des sociétés qui les ignoraient...) ; imbu de la "supériorité" de la "civilisation" occidentale et fomentant la "lutte des sexes" au sein des peuples contre leur nécessité prioritaire de combattre et abattre la domination impérialiste].

    Tandis que, du côté du prolétariat, se reprend tout doucement la marche pour rendre à la lutte féminine son caractère émancipateur, pointant du doigt la bourgeoisie comme la classe réactionnaire qui empêche le progrès de la civilisation humaine et, de là, la complète émancipation des femmes ; posant la nécessité de le renverser et d'instaurer le Pouvoir du prolétariat pour faire à nouveau avancer la condition féminine — tout comme le fit la bourgeoisie révolutionnaire sous le féodalisme.

    Le féminisme dans le Tiers Monde  —  au Brésil

    Le féminisme est apparu ici aussi comme une idée, une pensée de la bourgeoisie à la fin du 19e siècle, époque de la bourgeoisie révolutionnaire. Cependant, dans un pays comme le Brésil du 19e siècle où s'imposait déjà la domination étrangère (en lien avec l'explosion de l'industrie en Angleterre principalement), la bourgeoisie nationale² demeurait très faible économiquement du fait de ne pas parvenir à soutenir la concurrence du capital étranger, et de ce fait était également politiquement très faible, autrement dit, trop fragile et impuissante pour mener à bien une véritable révolution démocratique. Cette impuissance la conduisit à tomber dans l'inconséquence politique, notamment entre autres au niveau de l'organisation des femmes à l'époque de la révolution démocratique bourgeoise. De sorte que, pour autant que le féminisme ait pu apparaître et porter des propositions progressistes à l'époque, il ne pouvait de toute façon pas se développer à un niveau lui permettant d'organiser toutes les femmes, de par la faiblesse de la classe lui ayant donné le jour, à savoir la bourgeoisie nationale.

    Le féminisme au Brésil put gagner un peu en force au siècle suivant, à partir de 1920, justement à l'époque où la révolution démocratique comme tendance était la plus latente dans la société brésilienne ; époque marquée par la grève générale de 1917 et la fondation du Parti communiste en 1922.

    Les mots d'ordre du féminisme au Brésil, à cette époque d'apogée de la révolution démocratique comme tendance, étaient globalement les mêmes que ceux du féminisme de la bourgeoisie révolutionnaire en Europe au 19e siècle : liberté de travailler sans l'autorisation du mari, indépendance financière, droit de vote etc.

    Mais la faiblesse de la bourgeoisie nationale à l'époque de l'impérialisme ne permit pas au féminisme de descendre sur le terrain des classes populaires et de se lier à elles : il ne fut pas capable d'organiser et de mobiliser les femmes ouvrières et paysannes, laissant de côté, par exemple, les femmes noires qui étaient les premières victimes des traditions féodales-esclavagistes ; il ne réussit même pas à mobiliser un nombre conséquent de femmes de la petite bourgeoisie ; et de même que pour toute la révolution démocratique au Brésil, il ne pourra finalement accomplir ses tâches historiques de rupture avec les traditions et les bases semi-féodales du pays.

    Toutefois, bien que la révolution démocratique n'ait pu être menée à terme au Brésil, beaucoup de revendications féministes de la bourgeoisie ont pu être satisfaites sous le régime de Getúlio Vargas  —  qui fut celui de la consolidation et de l'approfondissement du capitalisme bureaucratique, encore assis sur une grande part des bases semi-féodales que la bourgeoisie nationale (et au niveau des femmes, le féminisme) n'avait pas pu détruire ou briser.

    Capitalisme bureaucratique et scission du féminisme brésilien

    Getúlio Vargas arrive au pouvoir au Brésil et met en œuvre une restructuration du vieil État : tout en conservant intactes la structure latifundiaire de la propriété agricole et la soumission à l'impérialisme (anglais, yankee et flirtant avec l'Allemagne nazie...), il consolide le capitalisme bureaucratique³ et l'ascension de la fraction bureaucratique de la grande bourgeoisie vers l'hégémonie dans l’État [ces notions un peu compliquées sont rapidement expliquées ici : capitalisme-bureaucratique-pays-domines]. Ce fait, ajouté à une toujours plus grande pénétration impérialiste dans le pays (fruit de la Seconde Guerre mondiale) et à la croissance du prolétariat (déjà doté de son Parti communiste), conduit à la scission du féminisme au Brésil comme conséquence du passage complet de la bourgeoisie dans le camp de la contre-révolution (dans le cas de la bourgeoisie nationale, le camp de l'inconséquence politique irréversible).

    Le féminisme, qui avant que le capitalisme bureaucratique ne se consolide avait dans toutes les classes les mêmes revendications (la conclusion des tâches démocratiques pour les femmes : suffrage universel, droit au travail etc., bien qu'incapable d'y parvenir en pratique), en vient donc à son tour à se diviser entre classes.

    Deux principaux secteurs porteront alors les mots d'ordre de la question féminine : les mouvements féministes bourgeois, avec leurs conceptions excluant la nécessité du Pouvoir et concevant l'oppression des femmes de façon isolée de toute le reste de l'ordre social ; et le mouvement féminin lié au prolétariat, qui conçoit le problème des femmes comme une manifestation particulière de l'ordre social et comprend que, comme autrefois la bourgeoisie européenne (alors révolutionnaire) face aux classes féodales, apportant de grands progrès à la condition féminine, pour faire progresser plus avant et définitivement l'émancipation il faut impérativement établir un nouveau régime de la classe révolutionnaire de notre époque, le prolétariat.

    Telle est la différence substantielle entre ces deux secteurs.

    Le féminisme au Brésil aujourd'hui

    Comme nous avons pu le voir, lorsque la bourgeoisie passe intégralement du côté de la contre-révolution, et que le féminisme connaît sa scission, échoit alors au prolétariat la mission d'avancer les changements démocratiques y compris sur la question des femmes (intégrer les femmes dans la production, détruire les traditions féodales de possession de la femme par l'homme etc.), au travers d'une analyse scientifique de la société et en proposant une véritable rupture avec le vieil ordre des choses ; tandis que la bourgeoisie, de son côté, tombe dans la plus totale vacillation politique, et montre sa complète incapacité à diriger le processus démocratique en étalant ses théories “philosophiques” abracadabrantes qui en pratique ne font qu'empêcher le progrès de la condition féminine.

    En pratique, tout progrès et toute conquête quant à la condition féminine ne sera plus possible que dans le cadre d'une grande lutte commune contre deux ennemis pernicieux, qui doivent être regardés comme les deux faces d'une même pièce : les vieilles classes dominantes avec leur vieil État, leur vieille société etc. (en d'autres termes, on parle là de la lutte pour la révolution...) ; et les idées du féminisme bourgeois. Ce dernier n'est ni plus ni moins que la tentative de la bourgeoisie de diriger le mouvement des femmes, et l'histoire a déjà prouvé que cette classe n'était pas capable (aujourd'hui moins que jamais) de faire avancer la condition féminine au Brésil.

    L'“erreur” de permettre à la bourgeoisie d'avancer ses positions dans le mouvement des femmes provient du fait que, si elle est incapable (comme nous l'avons vu) d'apporter une réelle solution aux problèmes féminins, elle parvient néanmoins à se faufiler dans les failles de la confusion idéologique et de l'opportunisme, qui ne font qu'alourdir et ralentir le mouvement.

    Les théories mises en avant par le féminisme bourgeois ne servent, consciemment ou inconsciemment, qu'à inverser les priorités et retarder la compréhension correcte de la réalité. Comme le disait déjà le grand Lénine, dans un échange avec la communiste allemande Clara Zetkin :

    “Où conduit, en fin de compte, cet examen insuffisant et non-marxiste de la question ? À la chose suivante : que les problèmes de genre et matrimoniaux ne soient pas vus comme une partie de la question sociale principale, sinon qu'au contraire, la grande question sociale apparaisse comme un pur appendice du problème de genre. La question fondamentale est reléguée au second plan, comme question secondaire. Ceci ne porte pas seulement préjudice à la clarté de la question, mais obscurcit la pensée en général, la conscience de classe des ouvrières.” (LÉNINE, “Lénine et le Mouvement des Femmes”, de Clara Zetkin).

    Conclusion

    Ainsi, lorsque nous cherchons à comprendre le féminisme par-delà d'une vision superficielle comme mouvement en soi, nous parvenons à comprendre chaque virgule de sa pratique actuelle et chaque centimètre de sa nature de classe : il est apparu comme idée de la bourgeoisie pour balayer les traditions féodales en Europe ; il s'est vu imposer un coup d'arrêt par la bourgeoisie elle-même lorsque celle-ci est passée intégralement dans le camp de la contre-révolution ; et il a alors connu un processus de scission entre la bourgeoisie et le prolétariat, ce dernier seul pouvant aujourd'hui poursuivre les avancées quant à la condition féminine en instaurant son Pouvoir.

    Au Brésil, il est apparu comme idée révolutionnaire démocratique de la bourgeoisie nationale, qui n'a cependant pas été en capacité de mener à bien la révolution démocratique et, dans le champ du féminisme en particulier, d'organiser les femmes des classes populaires et de leur apporter des progrès sérieux ; si bien qu'il a fini par scissionner dans le cadre de la consolidation du capitalisme bureaucratique, la bourgeoisie devenant alors réellement et irréversiblement incapable d'aborder sérieusement le problème et de lui apporter une solution, tandis que le prolétariat hérite de le mission de poursuivre le progrès et d'organiser les femmes des classes populaires (ouvrières et paysannes, en particulier les femmes de couleur qui sont les plus opprimées, ainsi que les étudiantes et intellectuelles honnêtes qui se placent du côté du peuple) jusqu'à leur complète émancipation.

    C'est ainsi que, dans le féminisme, les choses se présentent et elles ne seront modifiées que par une révolution ; de même que les réformes démocratiques pour les femmes en Europe n'ont pu être mises en œuvre que par la révolution démocratique bourgeoise. Pour cette raison, résoudre complètement la question des femmes au Brésil signifie lutter pour la révolution démocratique de nouveau type dirigée par un authentique Parti communiste, qui éliminera les traditions féodales opprimant les femmes (aujourd'hui, principalement les femmes des classes populaires), construira le socialisme et marchera vers le communisme au travers d'une succession de révolutions culturelles, balayant les résidus d'idées bourgeoises qui oppriment également les femmes.

    Nous voulons bien clarifier ici que, par cette conclusion, nous ne voulons pas dire que par exemple les communistes devraient “laisser de côté” la question féminine ou “attendre la révolution” pour prendre des mesures contre les vieilles conduites abusives et caractéristiques de l'ennemi de classe (agressions, humiliations etc.) ; au contraire, le communiste est un agent moral et doit être un exemple, il est par conséquent logique qu'il doive rompre avec ces pratiques caractéristiques de la vieille culture et les combattre chez ses camarades proches en dénonçant quelle classe elles servent.


    Notes

    ¹ “Revendications des femmes prolétaires” équivaut à ce que certains appellent, de manière erronée selon nous, “féminisme prolétarien révolutionnaire” etc. Il n'y a actuellement pas de consensus dans le mouvement communiste quant à l'utilisation du terme “féminisme” pour qualifier les revendications des communistes sur la question des femmes : certains utilisent l'adjectif “prolétarien” pour le différencier du féminisme bourgeois, tandis que d'autres rejettent le terme même de “féminisme” considérant qu'il désigne en tant que tel une conception bourgeoise du problème féminin. Pour notre part, ayant analysé l'histoire du concept, nous tendons à partager la position du grand Lénine et des communistes révolutionnaires du 20e siècle :

    “Cela me semble important pour notre travail actuel d'agitation et de propagande, si nous voulons prétendre convertir ce travail en action et en une lutte couronnée de succès. Les thèses doivent laisser extrêmement clair que ce n'est qu'à travers le communisme que se réalisera la véritable émancipation des femmes. Il faut absolument insister sur les liens qui existent entre la position sociale et la position humaine des femmes : ceci permettra de tracer une ligne de démarcation claire et indélébile entre notre politique et le féminisme.” (…) “Nous avons besoin d'organismes appropriés pour mener le travail politique révolutionnaire parmi les femmes. Ceci n'est pas du féminisme : c'est le chemin pratique, révolutionnaire.”(LÉNINE, “Lénine et le Mouvement des Femmes”, de Clara Zetkin).

    ² “Il est très important de souligner encore ici la distinction conceptuelle entre bourgeoisie bureaucratique et bourgeoisie nationale, la première étant la grande bourgeoisie locale liée à la grande propriété agraire et à l'impérialisme, composée de deux fractions essentielles, la bureaucratique et la compradore, tandis que la seconde est la bourgeoisie moyenne et véritablement nationale. Bourgeoisie nationale ou moyenne, dont le double caractère est déterminé par sa condition opprimée par l'impérialisme et la grande bourgeoisie à son service, d'un côté, et en même temps bourgeoise, exploiteuse de force de travail de l'autre. Sa faiblesse économique dûe à son oppression par les monopoles étrangers et nationaux, en sus de sa crainte naturelle envers la révolution prolétarienne, en fait une classe vacillante, inconséquente et totalement incapable de réaliser pleinement la révolution démocratique (sur la question agraire ou la question nationale notamment) que nécessitent nos pays dominés, et que seule peut aujourd'hui mener à bien la révolution populaire.” (‘La fin de l'histoire de la démocratie bourgeoise et l'époque de la démocratie populaire’, prof. Fausto Arruda, publié dans le journal A Nova Democracia nº 3)

    ³ Le capitalisme bureaucratique est un type de capitalisme qui naît imposé par la domination impérialiste et non d'une véritable révolution démocratique nationale, se consolidant sur la base de rapports sociaux féodaux. Cela signifie que c'est un capitalisme subordonné aux intérêts d'une ou plusieurs puissances impérialistes, et contraire à la pleine indépendance nationale.

    Source originale :

    https://serviraopovo.wordpress.com/2016/01/28/dois-caminhos-o-feminismo-ou-a-luta-feminina-revolucionaria/ (mais article apparemment supprimé depuis...)

    [L'on peut peut-être tenter le "rapide" résumé suivant, qui intègre dans la restitution du propos des camarades brésiliens les quelques divergences que nous pouvons avoir avec leur lecture historique :

    Le féminisme est un mouvement qui s’est inscrit dans cette séquence historique très particulière qu’a été la dite révolution bourgeoise, avec ses (plus ou moins fortes selon les pays) poussées démocratiques ; depuis le 18e siècle des "Lumières" jusqu'au début du 20e voire, pour certaines "répercussions", jusqu'au milieu voire aux grands "progrès" des années 60-70 de celui-ci (mais il vaut tout de même la peine, aussi, de lire Pasolini sur cette époque de "libération" et l'entrée dans le "fascisme moderne" qu'elle a aussi pu représenter).

    Un mouvement ayant pour but (et ayant effectivement dans une certaine mesure réussi au final) de rendre meilleure qu’en l’an 1000 ou 1200 une condition féminine qui valait ce qu’elle valait à ces dates mais surtout, avait entre disons 1400 et 1750 terriblement empiré ; l’accumulation capitaliste dans l’utérus d’un cadavre, celui de la féodalité européenne à son "stade suprême" absolutiste, ayant objectivement conduit à la rendre PIRE qu’avant aussi bien pour les femmes de l’élite que pour celles du peuple, particulièrement victimes de la guerre contre les masses qu’a représenté la dite accumulation, les évictions de paysans et rafles de miséreux, la construction et la consolidation des États modernes au détriment des nationalités réelles (sans parler du colonialisme), ou encore le développement manufacturier-industriel où elles étaient jetées comme robots producteurs inférieurs aux hommes, etc. etc. (voir plus haut le lien vers l'article sur les chasses aux sorcières).

    En tant que tel, ce mouvement ne pouvait 1°/ qu’avoir les limites intrinsèques à tout mouvement démocratique bourgeois, avant que la bourgeoisie n’entre carrément à son tour dans son "stade suprême" (à partir de la fin du 19e ) où elle devient totalement incapable d’être la force dirigeante de "poussées démocratiques" telles qu’observées au siècle précédent (une certaine petite-bourgeoisie "de gauche", ou les "traîtres" réformistes du mouvement ouvrier pouvant cependant peut-être prendre le relais pour quelques décennies encore), et 2°/ que jouer un rôle de figuration hors de l’Occident capitaliste développé, c’est-à-dire, dans les pays colonisés ou semi-colonisés maintenus sous une forme hybride de capitalisme arriéré et de féodalité tyrannique pourrie, au service des puissances impérialistes dominantes.

    Nous sommes donc entrés dans une nouvelle séquence historique où, de fait, le progrès le plus radical de la condition féminine, l’émancipation pure et simple des femmes, ne peut plus être le fruit d’un quelconque "féminisme" intrinsèquement bourgeois, mais découlera "naturellement" de la libération SOCIALISTE (et anti-impérialiste dans les pays dominés) de l’humanité entière, comme "volet féminin" de celle-ci.

    Car il faut oser, oui, oser sortir de la terreur intellectuelle postmoderne qui règne depuis 30 ans ou plus sur ce sujet, à coups de « et qu’est-ce qui nous prouve que vot’ socialisme il mettra ‘comme par magie’ fin au patriarcat » (ce que personne n'a jamais dit, mais il en créera les véritables conditions, ça oui), si ce n’est pas carrément « ouais mon œil », et « en attendant votre révolution qui n’arrive jamais, on fait quoi ? ».

    Il faut oser, à nouveau, affirmer et réaffirmer que les PIRES souffrances humaines qui soient ; et osons le dire aussi, il y a pire que d’être une femme en Occident et même en bien des endroits du Sud global : être un enfant qui meurt de faim en Afrique par exemple ; que ces souffrances, donc, n’ont qu’une seule solution, la révolution.

    Sortir de ce pseudo-urgentisme qui ne conduit en fin de compte jamais qu’à une forme ou une autre de charity business – pour les enfants d’Afrique, Bob Geldof, Renaud ou Balavoine ; pour les femmes, les grandes "mobilisations" médiatiques régulières de type #MeToo...

    Sortir de ce fascisme idéologique postmoderne de mort de toute pensée et perspective révolutionnaire, dans lequel nous croupissons sans même nous en rendre compte ; pour réaffirmer la nécessité historique d’un long et dur processus dans lequel tomberont peut-être des millions de martyrs, et exploseront dans la nuit les châteaux lits de l’oppresseur, pour que puisse triompher le droit au bonheur de milliards d’autres individus, dans le rire de leurs enfants et de toutes les générations futures !]

    À lire aussi :

    Un entretien excellent (par rapport au féminisme petit-bourgeois, au postmodernisme etc.) : Elaine Brown, ex-présidente du BPP

    ****************************************************************************************

    Voilà là des questions pour le moins intéressantes qui sont soulevées... Car en vérité, si l'on regarde un peu (par exemple) les positions de trois grandes figures révolutionnaires féminines que le mouvement féministe, parfois à leur époque et (plus ou moins "radical") aujourd'hui, a pu tenter d'annexer, quelles sont-elles ?

    Alexandra Kollontaï :

    « Comme beaucoup de socialistes ou de communistes, Alexandra Kollontaï condamne le féminisme de son époque, le considérant comme « bourgeois », puisqu'il détourne la lutte des classes en affirmant qu'il n'y a pas qu'une domination économique, mais aussi une domination des genres. Mais elle travaille cependant à l'émancipation des femmes dans le combat communiste ; elle déclare ainsi : "La dictature du prolétariat ne peut être réalisée et maintenue qu’avec la participation énergique et active des travailleuses". »

    Clara Zetkin :

    « Clara Eißner naît fille d'un instituteur, Gottfried Eißner, et de la féministe Joséphine Vitale (…) Clara rentre à l'institut Von Streyber pour l'éducation des femmes, ce qui lui donne accès à l'une des plus hautes éducations qu'une jeune femme pouvait obtenir à l'époque, l'accès aux universités étant encore impossible aux femmes à l'époque. Elle eut notamment comme enseignante l'éducatrice et féministe Auguste Schmidt. Elle fréquente les mouvements féministes, participant aux discussions de l'Allgemeiner Deutscher Frauenverein (Association générale des femmes allemandes) »

    « Elle s'éloigne de sa famille et du féminisme bourgeois et adhère la même année au SAP, ancêtre du Parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) »

    « En Suisse, elle influence par son opposition au féminisme bourgeois l'Union suisse des ouvrières, qui n'adhère pas à l'Alliance des sociétés féminines suisses »

    « En effet, les socialistes sont encore divisés sur la question du travail des femmes : sa massification est accusée de faire baisser les salaires, et certains socialistes ont encore une vision conservatrice de la place "naturelle" de la femme au foyer, comme le défendaient les partisans de Proudhon lors de la Première Internationale.

    Son discours à Paris plaide pour une émancipation de la femme en deux temps, le premier étant l'accès au travail :

    "Libérée de sa dépendance économique vis-à-vis de l'homme, la femme [qui travaille] est passée sous la domination économique du capitaliste. D'esclave de son mari, elle est devenue l'esclave de son employeur. Elle n'avait fait que changer de maître. Elle a toutefois gagné au change : sur le plan économique, elle n'est plus un être inférieur subordonné à son mari, elle est son égale."

    Elle contrecarre les arguments contre le travail des femmes, dont elle attribue les conséquences néfastes au système capitaliste.

    Enfin, elle fustige le féminisme bourgeois (comme de tradition chez les marxistes de l'époque) dont elle considère que les priorités (accès aux études supérieures, droit de vote des femmes...) ne sont pas celles des travailleuses :

    "Les pays dans lesquels existe le suffrage dit universel, libre et direct, nous montrent qu'en réalité il ne vaut pas grand-chose. Le droit de vote sans liberté économique n'est ni plus ni moins qu'un chèque sans provision. Si l'émancipation sociale dépendait des droits politiques, la question sociale n'existerait pas dans les pays où est institué le suffrage universel. L'émancipation de la femme comme celle de tout le genre humain ne deviendra réalité que le jour où le travail s'émancipera du capital." »

    Louise Michel :

    « Cet article s’attache donc à montrer comment, dans ce contexte, Louise Michel a été construite comme une figure féministe, alors même qu’elle refuse de se définir comme telle. »

    https://www.cairn.info/revue-le-temps-des-medias-2017-2-page-18.htm

    « En effet, Louise Michel ne se considère pas comme féministe. Elle refuse, dans une perspective anarchiste, la revendication du droit de vote des femmes, central dans les mouvements féministes de cette fin du XIXe siècle.

    Ses prises de position dans la presse sur le sujet sont assez claires.

    Dans une interview en 1893, elle répond à un collaborateur de La Presse :

    "Que pensez-vous des revendications politiques féminines ?

    – Aberration. La femme ne doit pas réclamer sa place parmi les oppresseurs, son seul devoir est de la tenir dans la révolte."

    Dix ans plus tard, sa position est identique, et elle déclare dans La Presse en 1904, soit un peu moins d’un an avant sa mort : "On a souvent répété que j’étais féministe. Je ne suis pas féministe. Pourquoi réclamer, en effet, pour les femmes des droits politiques puisque, dans l’anarchie future, il n’y aura plus de gouvernement, plus d’autorité ?" »

    CQFD...


  • Commentaires

    1
    Cernunnos
    Mercredi 28 Février 2018 à 22:34
    "Cette division sexuelle du travail, même si elle y joue un rôle important, n’est pas dans l’absolu, une source d’oppression pour les femmes. "

    Ça dézingue bien le féminisme postmodere aboutissant aux mères porteuses (un néo-patriarcat où le client remplace le père autoritaire), et peut-être à la dystopie type Meilleur des mondes de Huxley.
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