• Pour terminer sur le dossier kurde...


    ... une interview, enfin disponible en langue de Villers-Cotterêts, du commandant Altun du PKK, et notre critique sur celle-ci :



    Riza Altun : La mise en place de zones libres ont lieu pour la 1ère fois au Moyen Orient - RojInfo
    Altun a affirmé que la résistance et la lutte kurde ont changé le cours de la crise au Moyen Orient puis décrit les développements du Rojava comme une première…
    rojinfo.com


    CRITIQUE (réponse au sujet de l'article faite à un camarade qui nous l'avait transmis) :

    "Oui, en effet, on peut dire que ce Altun a un certain côté ML.

    Un certain côté ML tant (ce qui m'a fait halluciner) je vois dans son retracé historique des faits une sorte de mix fabuleux entre théories complotistes des campistes pro-Assad (Daesh est une création de l'Occident, de la CIA et du Mossad) et des gaucho-néocons-atlantistes (Daesh est une création d'Assad). À l'unique différence près que Daesh n'aurait pas été créé (par l'Occident) "pour avoir un prétexte d'intervenir" ou (par Assad) "pour se donner le beau rôle dans le conflit", mais TOTALEMENT ET UNIQUEMENT et dès le départ, pour écraser la cause nationale kurde.

    Tout, ou à peu près tout, dans le conflit irako-syrien depuis 2011 aurait été tourné vers le but exclusif d'écraser la liberté du Kurdistan... et puis d'un seul coup, "Kobané" aurait agi comme une révélation, une descente du Saint Esprit, et poussé tant l'Occident que Assad et les Russes à changer de cap à 180°, "par le même réalisme qui a conduit à s'allier avec l'URSS pendant la Seconde Guerre mondiale"...

    Hého... Calmos bonhomme. En 2011-2012, le PKK est surtout une organisation DÉCAPITÉE et engagée dans des discussions de paix avec Ankara (d'où l'apparition des Faucons de la Liberté, leur IRA Véritable à eux). Il n'y a plus que le "bunker" turc kémaliste dur et Loup Gris pour en rêver la nuit. La communauté internationale n'en a surtout PLUS RIEN À FOUTRE du PKK et encore moins de sa branche syrienne, réputée plus modérée. Ils sont encore sur la liste mondiale des organisations terroristes... comme le PCN-M l'était encore alors que Prachanda était Premier ministre depuis 2 ans, et Mandela (je crois) jusqu'en 2008 ! Il faut croire que les fonctionnaires chargés de ça ne sont pas très diligents...

    Le conflit syrien éclate en 2011, et chaque bloc impérialiste soutient ses "champions" : le bloc "oriental" Russie-Chine-Iran (et quelques éléments francouilles et européens), Assad ; le bloc occidental, l'"ASL". Les Kurdes sont neutres dans ce conflit entre Arabes. Tout ce qu'ils font, c'est s'auto-organiser politiquement face à la disparition pure et simple de l’État syrien dans leurs régions reculées, et s'autodéfendre quand les uns ou les autres essayent de les attaquer, de s'emparer de telle ou telle zone dans un but stratégique. Et la "communauté internationale" s'en fout complètement. Même la gauchosphère ne commence timidement à en parler que mi-2012, au moins ! (Tout ça pour ne SURTOUT PAS dire que c'était "mal", et que ce n'était pas - au contraire - EXCELLEMMENT JOUÉ de profiter ainsi de l'effondrement de l’État syrien !) 

    En 2014, l'Occident constate avec horreur l'échec de sa stratégie.

    En Irak, l'abandon du pays à un pouvoir chiite tourné vers l'Iran a conduit le triangle sunnite à faire bloc de résistance comme jamais sous l'occupation impérialiste. Bloc autour de l'EI... Les parentés tribales avec la partie syrienne de la vallée de l'Euphrate font le reste, pour leur permettre de s'y implanter aussi. En juin 2014, Mossoul tombe.

    Ils ont du fric. Des pétrodollars de leurs financiers privés du Golfe, mais aussi les trésors de guerre planqués par les tribus sunnites et le régime de Saddam lui-même dès 2002, en prévision de la guerre et de la résistance à l'occupation qui suivrait. À partir de juin 2014, la trafic de pétrole de la région de Mossoul, et l'argent pillé de la banque centrale de cette ville.

    En Syrie, l'ASL s'est désintégrée en une nébuleuse de groupes "islamiiiistes" aux pratiques de brigands, soutenus par X États de la région différents qui comptent eux-mêmes X États dans l’État. Donc coordination impossible et inefficacité militaire, mais ce n'est pas encore le pire. Le pire, c'est que ces groupes "ASL" se vident au profit de Daesh. Littéralement. Daesh qui a du fric, une apparence (du moins) de projet clair et exaltant, et (en apparence du moins) des décisions prises par sa propre direction et non des services secrets étrangers. Des financiers du Golfe certes, mais aussi et surtout un ancrage profond dans la réalité locale, celle de la résistance de l'Irak central sunnite dans les années 2000, avec l'Est syrien comme base arrière, une frontière qui était déjà (parfois même avec la bénédiction d'Assad, surtout quand l'Occident l'a viré du Liban) une passoire pour tous les trafics au profit de cette résistance. Bref. Un peu, mais dans une proportion encore plus gigantesque et terrifiante, comme quand l'impérialisme francouille a sponsorisé le MNLA touareg pour faire pression sur un président malien indocile, et s'est retrouvé avec le Qatar "rachetant l'équipe" (LOL) pour en faire Ansar Dine qui s'est allié avec AQMI et d'autres groupes djihadistes.

    Donc, le belligérant occidental-atlantiste du conflit syrien s'aperçoit que son "ASL" n'existe plus et que ses forces ont été aspirées par un ennemi absolument incontrôlable. Les courants antilibéraux-"anti-mondialistes" plus ou moins fascisants des bourgeoisies occidentales plaident pour un repli sur un soutien à Assad, appuyés en cela par leur mentor Poutine, mais ce n'est pas possible, après 3 ans à le diaboliser ça la foutrait trop mal.

    Restent donc les Kurdes, les YPG/YPJ... À qui Daesh ne cherche pas juste à prendre telle ou telle montagne pour en faire un surplomb stratégique, mais qu'il veut bel et bien annexer, soumettre et massacrer, car son projet "califal" fou s'étend jusqu'aux Balkans et au Caucase. Si on veut des gens motivés, par une question de vie ou de mort en l'occurrence, en voilà ! Reste à leur donner les moyens, qui leur manquent cruellement. En plus, ils ont la particularité de n'être liés à PERSONNE régionalement. Assad, c'est l'Iran et la Russie. Les groupes "ASL", c'est toujours la Turquie, le Qatar, l'Arabie saoudite, les Émirats, bref, avec en plus leurs États dans l’État complètement illisibles, et dont la tendance à suivre leurs propres agendas est désormais bien connue. Les Kurdes ne se rattachent à rien de tout ça, et en sont même cordialement détestés. Si l'OTAN les aide, ils ne seront redevables QU'À L'OTAN !!

    Est-il risqué de soutenir de telles forces ? Risque-t-on de reproduire "l'erreur" (nécessaire) de la Seconde Guerre mondiale, de s'allier avec Staline et de soutenir même indirectement des gens comme Mao, Hô Chi Minh ou Hoxha, qui ensuite dresseront mondialement les damnés de la terre contre l'impérialisme ? Ce risque semble contrôlé. Le projet kurde de Rojava n'est pas vraiment favorable aux intérêts capitalistes des monopoles, mais il n'a pas, même au niveau simplement régional, d'apparente vocation expansionniste, "missionnaire" de sa révolution comme le bolchévisme de Lénine et plus tard le maoïsme, le Vietnam pour toute l'Asie du Sud-Est, Cuba pour toute l'Amérique latine et même l'Afrique etc.

    Et puis surtout, et là je pense que plus d'un dans les officines s'est écrié "mais qu'est-ce qu'on a été cons !!" : LA GAUCHE.

    DEPUIS QUAND n'a-t-on pas soutenu de force dont on pouvait être CERTAINS que nos gauchistes des campus allaient la soutenir aussi ? Depuis 1945 (et avant cela, les gauchistes n'étaient pas "de campus"...), jamais, en fait. Pour les stals et les mao-stals, globalement, tout ce que l'Occident a pu soutenir était à ne pas soutenir, quand bien même quelques revendications auraient pu avoir une part de justesse. Les trotskystes et les libertaires appliquaient généralement le "ni-ni". JAMAIS on n'a pu s'appuyer sur une force qui serait en même temps la coqueluche de la gauche radicale (il faut dire aussi, peut-être, que JAMAIS la gauche radicale occidentale n'avait atteint un tel niveau de désorientation postmodernoïde et d'absence de recul critique ; sans vouloir nier les milliers de bonnes raisons de soutenir effectivement Rojava, ni vouloir dire que ce soutien impérialiste devrait signifier automatiquement retrait catégorique du soutien gauchiste). 

    C'est LÀ qu'il y a eu Kobané. Kobané a été la première manifestation de soutien militaire occidental massif, c'est vrai. Mais pas, justement, ce qui aurait "précédé" la "révélation" et le ralliement "contraint et forcé" ! La victoire de Kobané a été remportée en grande partie, DÉJÀ, grâce au soutien aérien de l'OTAN. Peut-être auraient-ils gagné quand même, on ne sait pas, mais alors ça aurait forcément été beaucoup plus long et avec infiniment plus de pertes.

    Encore une fois, puisque le bon sens l'interdit, je m'interdis de contester ce choix politique PYD-PKK-YPG-YPJ de victoire rapide et préservant le maximum de vies humaines d'une mort atroce ; le contraire n'a JAMAIS été mon propos.

    Mais voilà : CECI, que je viens d'écrire, est le retracé historique réel de ce qu'il s'est passé dans ce conflit ; et la raison pour laquelle le retracé de ce Altun me fait un peu halluciner, avec son complotisme kurdo-centré.

    Après, je ne nie pas en effet qu'il tient des propos virulents à l'encontre de l'impérialisme occidental (mais ce n'est pas le premier communiqué, ni la première interview d'un responsable YPG ou PKK à le faire). Il incarne, sans nul doute, cette ligne de gauche qui FORCÉMENT existe dans la lutte de lignes qui a sans doute déjà commencé là-bas. Reste entière la question, du poids que cette ligne peut faire face à la ligne de droite opportuniste à la Saleh Muslim ; surtout avec ce niveau franchement faible d'analyse des enjeux régionaux (puisque la particularité, et ce qui m'avait plu dans le PKK nouvelle mouture, c'était ce que je croyais être un positionnement de la lutte kurde dans le cadre d'une révolution régionale et non plus "étroitement" kurde). Désolé, mais analyser Daesh et les autres groupes djihadistes similaires comme une pure "création conjointe des ennemis des Kurdes" pour nuire à ceux-ci, sans UN MOT sur les racines de ce phénomène non seulement dans la guerre en Irak, mais dans TOUTE la politique impérialiste dans la région depuis Sykes-Picot, ce n'est pas un niveau d'analyse à la hauteur de se vouloir les "déclencheurs" d'une révolution démocratique dans tout le Machrek.

    En attendant, la dérive opportuniste se poursuit sous nos yeux quand on voit qu'un référendum pour une indépendance qui existe déjà de facto (et en principe le PKK n'est plus favorable à des logiques séparatistes...), et qui n'est en réalité qu'un sacre plébiscitaire pour un despote mafieux en fin de règne (contre lequel devrait être la seule révolution à l'ordre du jour dans cette partie du Kurdistan) et un "enregistrement" d'annexions territoriales, "ça n'a pas de sens de s'y opposer"... Ah, OK. La politique, c'est donc dire que "ça n'a pas de sens" de contester la volonté de 90% (et même probablement 70%, voire 60%) des gens et d'essayer d'en amener sinon 90%, du moins la majorité vers l'opinion contraire si celle-ci est juste. On se demande, en fait, quel "sens ça a" de faire de la politique tout court... Pourquoi prône-t-on une révolution anticapitaliste, au juste, si 90% des gens (au moins !) n'en veulent pas et sont favorables à la république bourgeoise ?

    Mais ça, ça rejoint en fait les critiques que je t'ai données à lire (et oui, j'ai vérifié, je te les ai fait lire !) de l'esprit assembléiste du confdem."

    **********

    "Cette interview d'Altun tourne pas mal sur Facebook... C'est un peu, j'ai l'impression, le repli et le flambeau d'espoir des gens sincères qui y ont cru. Malheureusement, pour moi cet espoir est un "espoir" qui s'appelle Kiran (et quiconque suit depuis un certain temps SLP sait que j'établis ces parallèles népalais en particulière connaissance de cause)... Toujours pas de Biplab en vue, et entre temps, on a vu au Népal que même Biplab n'avait rien redressé du tout de la barre.

    Öcalan fait partie de ces rares auteurs politiques chez qui, à chaque nouvelle lecture, on a l'impression de découvrir de nouvelles "perles" et on se dit encore plus "putain ce que c'est de la MEEEERDE" que la fois d'avant.

    Et Öcalan est le CHEF et un DIEU VIVANT pour tous les vaillants YPG et les vaillantes YPJ ; et pour celles et ceux qui vont au patac au Bakur idem. Sa tête est sur les drapeaux, tous les ouvrages dignes (encore que...) du nom de théoriques sont de lui : si il n'est pas le leader incontesté du Parti, alors Gonzalo était stagiaire du PCP.

    Öcalan a trahi, ou alors allons-y, Öcalan c'est Gonzalo et on énumère les diverses théories : tout est faux, il ne faut croire à rien tant qu'il est tenu au secret ; ou carrément il est mort et le gars qu'on voit de temps en temps est un sosie ; ou c'est lui mais contraint sous la torture, ou il est drogué, ou il a subi un lavage de cerveau... Bref. Peu importe, le résultat CONCRET, comme FORCE MATÉRIELLE agissant sur l'Histoire, est le même.

    Et Murray Bookchin a été son Alfredo Crespo. Celui qui a fait de la doctrine öcalanienne, en tout cas celle dont LES MASSES ont connaissance et qui les guide, une gigantesque récupération impérialiste "par la gauche".

    PERSONNE ne peut sérieusement croire une seconde que la barre va être redressée en deux coups de cuiller à pot alors qu'elle ne l'est pas depuis 11 ans au Népal et 25 ans au Pérou (où la trahison est peut-être, vraisemblablement même, un enfumage de l'ennemi mais en tout cas cet enfumage existe et c'est lui qui est force matérielle, j'y reviendrai). Et encore, au Pérou personne du MOVADEF n'a fait du pays une base yankee (il l'est, mais pas à cause d'eux), ni ne le prône, et même au Népal, entre rester protectorat indien, devenir protectorat chinois ou base US, l'indécision règne suffisamment à la tête pourrie du poisson pour que rien ne se fasse réellement..."


  • Commentaires

    3
    Dimanche 26 Novembre 2017 à 19:02

    En tout cas, il n'a participé à toute cette merde ni de son plein gré ni dans son état normal.

    C'est pourquoi j'oppose, de manière me semblait-il assez explicite, "Öcalan a trahi" à "Öcalan est Gonzalo".

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    2
    Dimanche 26 Novembre 2017 à 18:54

    Si tu veux une réponse personnelle : je pense que non. Je pense que c'est une bleuite géante et au sommet, telle qu'enseignée par un Aussaresse de service à Manaus.

    1
    question
    Samedi 25 Novembre 2017 à 21:48

    Gonzalo a donc trahi? Ce n'est pas clair

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