• Philippines : un siècle de lutte pour la libération totale


    Nous relayons régulièrement, sur ce blog, les nouvelles de la Guerre populaire révolutionnaire aux Philippines, menée par les héroïques camarades de la Nouvelle Armée du Peuple (NPA).

    Issue de la lutte de ligne anti-révisionniste dans les années 1960, suivant les enseignements de Mao Zedong, la New People's Army du nouveau Parti Communiste des Philippines mène la plus ancienne guerre populaire révolutionnaire en cours à l'heure actuelle. Une des rares véritables Guerres populaires maoïstes, également, avec celle des camarades maoïstes indiens, celle renaissante au Pérou (mais toujours marquée par la terrible défaite et la désorientation des années 1990), et peut-être celle qui va renaître au Népal, si le gouvernement bourgeois (laquais du pouvoir indien) déchaîne sa répression contre le mouvement populaire. [L'Armée populaire révolutionnaire du Mexique (EPR) se réclame également du marxisme-léninisme et en partie de Mao Zedong, et mène quelques actions de guérilla, tandis que les FARC de Colombie sont sur la défensive, payant leurs erreurs idéologiques et tactiques - cette organisation ne s'est jamais revendiquée du maoïsme, refusant la Guerre populaire et la ligne de masse.]

    Il nous a semblé important de rattacher cette Guerre populaire héroïque à l'histoire de l'archipel philippin. Une histoire toute entière tournée vers la conquête de l'indépendance réelle et totale, confisquée depuis 110 ans par l'impérialisme US et, aujourd'hui, première et indispensable étape de la révolution nationale-démocratique et de la révolution socialiste.
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    Situé entre le Pacifique et la mer de Chine, l'archipel des Philippines compte plus de 7.000 îles. Les deux plus grandes sont Luçon, au Nord, et Mindanao au Sud. Entre les deux s'étend l'archipel des Visayas (Cebu, Leyte), auxquelles s'ajoutent au sud de Mindanao les îles Sulu, et à l'ouest Palawan. Le pays compte environ 100 millions d'habitants.

    Découvert au 16e siècle par Magellan, l'archipel fait d'abord partie de l'empire colonial espagnol. Présentant peu de richesses économiques (hormis les épices), il était administré depuis la lointaine Nouvelle-Espagne (Mexique).

    Cet éloignement a favorisé le pouvoir de l'Eglise catholique, des missionnaires, ce qui fait encore aujourd'hui des Philippines un pays ultra-majoritairement catholique, le seul en Asie.

    L'administration espagnole réduite au strict nécessaire, le pays était divisé en grands domaines féodaux aux mains des ordres religieux.

    Dans les années 1890, en même temps qu'à Cuba et 3/4 de siècle après l'Amérique latine, va émerger un mouvement pour l'indépendance contre la Couronne d'Espagne.

    Comme à Cuba, et plus nettement encore qu'en Amérique latine sept décennies plus tôt, ce mouvement est un mouvement bourgeois, dirigé par la frange la plus libérale voire démocratique (liée à la franc-maçonnerie*) de la bourgeoisie créole (blancs nés sur place) et métisse, qui dénonce la tyrannie de l'administration coloniale (de type militaire) et la toute-puissance de l'Église. Elle va s'appuyer, pour son combat, sur les masses du peuple réduites à l'état de serfs.

    La guerre d'indépendance ou "révolution philippine" va commencer en 1895, en même temps que la deuxième guerre d'indépendance de Cuba. Elle est menée par le mouvement Katipunan d'Andrès Bonifacio et Emilio Aguinaldo.

    Mais, pour son plus grand malheur, le mouvement de libération philippin va rencontrer les intérêts d'un jeune impérialisme naissant : l'impérialisme US.

    Prenant prétexte, déjà, de la "libération des peuples" et de la "démocratie" (grosse campagne de presse sur les atrocités espagnoles), et de l'explosion d'un navire américain à La Havanne, va éclater la guerre hispano-américaine.

    En quelques semaines, la flotte et l'armée coloniale de la vieille Espagne arriérée vont être balayées par les forces des États-Unis, qui ont achevé leur conquête de l'Ouest et, avec leurs 75 millions d'habitants, se posent déjà en puissance mondiale, derrière l'Angleterre, la France et l'Allemagne.

    L'Espagne cède aux États-Unis les Philippines (pour 20 millions de dollars), Cuba, Porto Rico et quelques îles du Pacifique comme Guam.

    Si Cuba, après quelques années d'occupation, se voit accorder en 1902 une indépendance de pure forme (amendement Platt), Porto Rico et les Philippines passent sous administration directe des États-Unis.

    C'est en réalité une nouvelle domination qui commence, pire encore que la précédente : la domination impérialiste moderne US, succédant au vieux colonialisme espagnol.

    Forcée d'abandonner ses domaines, l'Eglise les vend à une poignée des riches propriétaires créoles et métis : les ilustrados. Avec la frange la plus conservatrice de la bourgeoisie créole, jalouse de ses privilèges, ils vont former la classe compradore, socle de la domination US. Ils le sont, pour la plupart, toujours aujourd'hui.

    800px-Battle of PaceoLa bourgeoisie nationaliste libérale, s'estimant trahie, ne va pas l'entendre de cette oreille. Dès le début 1899, Aguinaldo proclame la Première République philippine qui va  déclarer la guerre aux États-Unis. Les masses populaires, qui ont lutté pour leur libération de l'Espagne, forment là encore le gros des troupes et commencent une guerre de guérilla.

    La "pacification" américaine sera terrible : 10.000 à 20.000 combattants et au moins 200.000 civils philippins seront tués (certaines estimations vont jusqu'à 1 million, avec la faim et les épidémies). Avec la "pacification" allemande de la Namibie, la guerre des Philippines constitue sans aucun doute l'un des tous premiers crimes de masse du sombre 20e siècle.

    Les atrocités US sont innombrables. En novembre 1901, le correspondant à Manille du Philadelphia Ledger rapporte : "la présente guerre n'est pas sans effusion de sang, un engagement d'opéra bouffe ; nos hommes ont été implacables, ils ont tué pour exterminer des hommes, des femmes, des enfants, des prisonniers et des captifs, des insurgés actifs et des gens soupçonné y compris des enfants de dix ans, l'idée prévalant que les Philippins comme tels n'étaient guère meilleurs qu'un chien....".

    Massacres de prisonniers et de civils, tortures, incendies de villages, et même les premiers camps de concentrations qui voient le jour sur l'île de Marinduque : le siècle de l'impérialisme commençait à l'image qui sera la sienne.

    D'ailleurs, c'est à cette occasion que le terme d'impérialisme lui-même fait son apparition : autour d'intellectuels démocratiques comme Mark Twain, se crée la Ligue Anti-impérialiste pour dénoncer la politique d'annexion américaine. Mais c'est encore, à ce stade, une notion idéaliste : il faudra attendre Lénine pour lui donner un contenu scientifique.
     
    PhillipinesLa population philippine était de 9 millions en 1898, dix ans plus tard elle était tombée à 8 millions.

    Défaite après défaite, les chefs de l'insurrection (dont Aguinaldo) se rendent les uns après les autres à partir de 1901. La guerre américano-philippine prend officiellement fin avec l'Acte Organique de juillet 1902.

    Il est à noter que, parallèlement, éclate une rébellion des populations musulmanes du Sud ("Moros"), l'ancien sultanat de Sulu, qui se poursuivra jusqu'en 1913. C'est important, car depuis 1972 ces populations sont à nouveau en lutte contre le pouvoir central, avec le Front de Libération Nationale Moro puis, après sa trahison, avec le Front Islamique de Libération et Abu Sayyaf.

    Vis-à-vis de ce mouvement, la guérilla maoïste a su faire preuve de marxisme-léninisme élémentaire, en soutenant le droit à la lutte et à l'autodétermination des Moros, qui formaient une nation avant même que l'arrivée des Espagnols n'en crée une dans le reste des Philippines... Les deux guérillas entretiennent de bonnes relations, et se rendent parfois des services.

    Les décennies s'écoulent, donc, sous l'administration américaine et la loi des grands propriétaires. Des institutions (parlement, gouvernement) s'organisent et en 1935 est accordée une autonomie sous forme de commonwealth (président Quezon), qui doit conduire à l'indépendance en 10 ans.

    Entre temps, en 1930, a vu le jour le premier Parti Communiste des Philippines, appelé aujourd'hui PKP-1930 ou simplement PKP (Partido Komunista ng Pilipinas) pour le distinguer de l'actuel (CPP).

    En décembre 1941, au lendemain de Pearl Harbor, les Japonais lancent l'invasion de l'archipel. Celle-ci s'achève en mai 1942, les troupes commandées par Wainwright et MacArthur évacuent ou sont faites prisonnières.

    Avec des nationalistes bourgeois comme José P. Laurel, les Japonais mettent en place un gouvernement collaborationniste intégré à leur "sphère de co-prospérité" impérialiste.

    Indépendamment de la guérilla orchestrée par des militaires américains restés dans les îles, le Parti communiste mène sa propre guérilla de résistance à l'occupant : les Hukbalahap ou "Huks" (Hukbo ng Bayan Laban sa Hapon, Armée populaire antijaponaise).

    Comme lors de l'annexion américaine, les Japonais et leurs collaborateurs multiplient les atrocités contre la population et les prisonniers (américains et philippins).

    Finalement, fidèle à la parole de MacArthur ("I'll be back"), l'impérialisme américain reprend le contrôle des Philippines entre octobre 1944 et mars 1945. Avant de quitter Manille, l'armée japonaise massacre 100.000 civils [NDLR - selon d'autres sources, ce bilan serait en réalité surtout le fait de l'offensive américaine (bombardements-massacres du même type que sur l'Allemagne ou le Japon) et le nombre de victimes pourrait être bien plus élevé encore, de l'ordre de 200.000 ou plus : http://www.rappler.com/newsbreak/iq/82850-americans-destroyed-manila-1945]. 


    Victimes du massacre japonais de Manille

    L'"indépendance" est finalement accordée à l'archipel en 1946 sous la présidence de Manuel Roxas. Mais les Huks ne baissent pas les armes et, devenus Armée populaire de libération (Hukbo ng Magapalaya ng Bayan), poursuivent le combat contre le nouveau pouvoir fantoche et ses maîtres impérialistes US.

    La "guerre des Huks", sous la conduite du Parti communiste dirigé par José Lava, se poursuit jusqu'en 1954 dans le centre de l'île de Luzon. Elle revêt une importance capitale pour les Américains, après que les communistes aient pris le pouvoir en Chine, en Corée du Nord et bientôt au Vietnam. Les Philippines deviennent leur place forte en Extrême-Orient, d'où ils lanceront leurs opérations de Corée (1950-53) et du Vietnam (1961-75).

    Malgré une lutte héroïque appuyée sur les masses paysannes misérables, le soutien militaire américain aux gouvernements de Roxas, puis Quirino et Magsaysay permet de réduire et d'isoler la guérilla Huk. Le bilan n'est pas connu précisément, mais se chiffre sans doute en dizaines de milliers de combattants et de civils.

    Les raisons de la défaite des Huks sont multiples. La direction du PC actuel parle d'erreurs militaristes, d'isolement de la guérilla dans des zones reculées et peu peuplées, donc de coupure avec les masses (un peu l'erreur des FARC aujourd'hui en Colombie). Peut-être n'ont-ils pas assez "compté sur leurs propres forces" comme l'enseigne Mao, comptant sur un "salut" venu d'ailleurs, d'une "rupture du front" en Corée ou en Indochine, d'un soulèvement urbain...

    En tout cas, après cette défaite, le PC sombre dans le révisionnisme, qui depuis Moscou triomphe partout dans le monde, choisissant la lutte légale et parlementaire.

    Combattants "Huks"

    À partir de la rupture sino-soviétique, la lutte de lignes va se développer dans le Parti contre les tenants du révisionnisme. Elle va aboutir finalement, fin 1968, à la création d'un nouveau Parti Communiste des Philippines sur les bases théoriques de Mao Zedong et de l'expérience révolutionnaire chinoise : le marxisme-léninisme-maoïsme.
     
    Avec la Nouvelle Armée du Peuple (NPA) formée en mars 1969, et au sein du Front National Démocratique (NDF), il va relancer la guerre révolutionnaire du peuple pour la révolution national-démocratique, ininterrompue vers le socialisme, avec comme première étape l'indépendance totale de l'archipel, confisquée en 1898.


    La Guerre populaire du PC des Philippines et de la NPA est donc le produit direct de la Grande Révolution Culturelle chinoise, ainsi que de l'héroïque guerre du peuple vietnamien, et de toute l'expérience synthétisée de la première vague révolutionnaire mondiale. Elle est également l'héritière des luttes qui l'ont précédée, avec leurs échecs qui sont autant de victoires relatives, par leurs enseignements. Elle applique la ligne de masse, "servir le peuple", "être dans le peuple comme un poisson dans l'eau", et la stratégie de la guerre révolutionnaire prolongée : la victoire est au bout du fusil.

    Elle affrontera la dictature fasciste compradore de Ferdinand Marcos, véritable proconsul US (1965-1986). Un soulèvement populaire le renverse en 1986, mais ses successeurs (Cory Aquino et Fidel Ramos) vaudront à peine mieux. Avec Joseph Estrada et l'actuelle présidente Gloria Macapagal-Arroyo, la terreur réactionnaire et la corruption règnent à nouveau en maîtres.

    La NPA aura le soutien de la Chine populaire à ses débuts, mais dès 1975 la diplomatie chinoise tombée aux mains de Deng Xiaoping entame un rapprochement avec le régime, qui se confirmera dans les années suivantes. Quant à l'URSS, elle ne l'a évidemment jamais soutenue, affirmant encore en 1986 "se satisfaire d'une réélection de Marcos".

    Dans les années 1960, avec la mainmise économique et la présence militaire (riche source de devises) américaines, les Philippines étaient le pays le plus avancé d'Asie après le Japon (avec les pires inégalités bien sûr). Mais aujourd'hui, leur caractère féodal et leurs gouvernements corrompus en ont fait le plus sous-développé d'Extrême-Orient.

    Comme la plupart des pays des Trois Continents (Afrique, Asie, Amérique latine), les Philippines ont tendance à devenir une usine et une ferme industrielle du monde, avec une main d'oeuvre au coût dérisoire, de l'ordre de quelques dollars par jour...


    Bidonville à Manille


    La lutte se poursuit et progresse, conjointement à celle des musulmans du Sud pour l'autodétermination, qui a repris en 1972, pour la libération totale des Philippines. Déterminée et inébranlable comme depuis 110 ans.

    Depuis 2001, prétextant des liens entre ces mouvements et Al-Qaida, l'impérialisme US a renforcé sa présence militaire aux Philippines au nom de la "guerre contre le terrorisme". Il est avéré que des troupes US participent activement à la guerre contre-révolutionnaire et aux exactions fascistes contre la population.
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    Bien entendu, la NPA est classée sur la liste des organisations terroristes par les États-Unis et l'Union Européenne, les plus grands terroristes internationaux des 60 dernières années.

    Depuis leur création, le PC des Philippines et le Front National Démocratique sont dirigés par le Pr. José Maria Sison. Après avoir passé 9 ans dans les prisons fascistes de Marcos, il a été libéré à la chute de celui-ci et s'est exilé aux Pays-Bas, où il a demandé l'asile politique. La procédure, on peut s'en douter, traîne en longueur.

    jose maria sisonEn 2002, il est placé par le gouvernement néerlandais sur la liste des individus liés au terrorisme, ses comptes bancaires bloqués, privé de tous revenus et aide sociale, et il manque d'être expulsé en 2004. Mais c'est impossible d'après la législation européenne, les Philippines appliquant la peine de mort.

    En 2007, il est arrêté et incarcéré aux Pays-Bas, accusé d'avoir commandité trois assassinats politiques. Face à la mobilisation internationale en sa faveur, il est libéré le mois suivant. Les poursuites restent maintenues.

    Néanmoins, le 30 septembre dernier, le Tribunal de Première Instance de l'Union Européenne a ordonné son retrait de la liste des terroristes, le déblocage de ses comptes et le rétablissement de tous ses droits.


    LONGUE VIE A LA GUERRE DU PEUPLE PHILIPPIN !

    POUR LA LIBÉRATION TOTALE ET LA RÉVOLUTION DÉMOCRATIQUE, ININTERROMPUE VERS LE SOCIALISME !!!

     

     

    [* D’où le triangle caractéristique sur le drapeau des Philippines, comme sur celui de Cuba ou de Puerto Rico, qui luttèrent pour leur indépendance (également confisquée par l’impérialisme US) à la même époque. Celui-ci est d’ailleurs repris sur le drapeau du Front national démocratique (NDF) dirigé par le CPP.]
     


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