• Mouais. Voilà ce que j'ai coutume d'appeler les "limites du marxisme-léninisme compris et appliqué par Staline".


    http://centremlm.be/J-Staline-N-oubliez-pas-l-Orient-1918

    C'est bien qu'il ait conscience de l'importance de la révolution anticoloniale ; en 1918, c'était absolument LOIN d'être le cas de tous les marxistes, socialistes etc. (qui pensaient plutôt que l'Europe devait se "socialiser", puis encore une fois "apporter la civilisation" sous cette forme-là aux autres continents).

    Mais on voit bien percer sous le propos la "subordination" des luttes anticoloniales (de "l'Orient") à l'agenda et aux objectifs de la révolution socialiste en Europe/Occident : "Et pourtant, il ne faut pas oublier l’Orient, même pour une minute, ne serait-ce que pour cette raison qu’il sert de réserve « inépuisable » et d’arrière « sûr » à l’impérialisme mondial."

    Cette même logique de subordination qui conduira, au milieu des années 1930, le PCF à retirer son soutien aux militants des colonies au nom de la priorité de l'antifascisme (et de l'alliance avec la bourgeoisie colonialiste "antifasciste") en Europe.

    L'eurocentrisme surgit régulièrement au détour d'une phrase : "C’est d’abord là, en Occident, que doivent être brisées les chaînes de l’impérialisme, qui ont été forgées en Europe et qui étouffent le monde entier" => oui, c'est vrai qu'à un moment donné c'est la révolution au cœur des métropoles impérialistes qui mettra fin définitivement à leur nuisance planétaire ; en revanche, les maoïstes ont un peu de mal à croire au "d'abord" (c'est explicite dans des textes de Mao où il explique que là où le capitalisme est né et fermement assis depuis 200 ou 300 ans, c'est forcément plus compliqué) ; et par contre, le "C’est d’abord là, en Occident, que doit surgir comme d’une source la vie nouvelle, la vie socialiste" est clairement eurocentriste et a d'ailleurs été démenti par l'Histoire par la suite, puisqu'en dehors du monde slave qui est déjà une périphérie de l'Europe, les plus grandes expériences révolutionnaires du XXe siècle ont été menées en Asie, en Amérique latine et en Afrique.

    La "léthargie séculaire des peuples opprimés d’Orient" (il aurait pu dire "des colonies" en général), c'est juste une contre-vérité historique : il n'y a jamais eu de "léthargie", la résistance a toujours existé, la lutte n'a jamais cessé ; qu'elle n'ait pas eu (pas plus que les ouvriers en Occident !) pendant très longtemps les outils SCIENTIFIQUES pour passer à une lutte OFFENSIVE vers la victoire, c'est autre chose.

    Il n'est pas "mal" que cette position, cette ouverture de Lénine et Staline vers la nécessité de la révolution anticoloniale ait existé : c'est ce qui a permis la livraison, justement, d'un premier lot d'"outils" scientifiques (marxistes) aux luttes des colonies pour permettre des expériences majestueuses qui quoi qu'elles soient devenues par la suite serviront l'avenir.

    Mais cet esprit de subordination à la "vraie" révolution qui serait celle des pays industrialisés, est clairement une limite qu'il est du devoir du maoïsme de dépasser (car si ce n'était pas pour dépasser des limites, nous serions simplement marxistes-léninistes !!). En fait, c'est à courte vue. La révolution coloniale sert TOUJOURS à terme la libération des prolétaires occidentaux des griffes du capitalisme (pour des raisons dont Staline évoque lui-même certaines dans ce texte). Le problème est de ne pas arriver à surmonter les contradictions IMMÉDIATES qui peuvent sembler apparaître entre les intérêts des peuples colonisés et ceux des prolétaires occidentaux, et de trancher ces contradictions autoritairement en faveur de ces derniers, ce qui semble rapprocher mais en réalité éloigne de la solution du problème.

    La spontanéité d'énormément de mouvements anticoloniaux dans les années 1930-40, autant que la pure logique, les amenait à regarder vers l'URSS et le mouvement communiste international. Par exemple : c'est d'abord à Moscou, auprès de Staline que Subhas Chandra Bose est allé chercher appui pour sa lutte de libération de l'Inde. Mais le déclenchement, au même moment, de l'offensive nazie contre l'URSS a "conduit" Staline à ne pas vouloir froisser Londres, et donc à l'éconduire ; c'est ainsi qu'il a finalement mis son Azad Hind Fauj (Armée de l'Inde Libre) au service du Japon et de l'Allemagne nazie (tout en posant comme ferme condition qu'elle ne soit pas engagée contre un autre adversaire que les Anglais, et surtout pas contre l'URSS)... Sans que de l'autre côté, le soutien de l'Angleterre n'ait vraiment été capital pour l'effort de guerre soviétique (c'est plutôt l'inverse qui a été vrai, si l'on regarde le nombre de divisions allemandes "fixées" puis détruites). D'autres solutions auraient certainement pu être envisagées, dans un esprit internationaliste voyant plus loin.

    Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres d'une logique qui à mon avis, avec 70-80 ans de recul, a plus retardé le triomphe de la révolution mondiale qu'autre chose.

    Au moment où le mouvement révolutionnaire se développe en Europe, tandis que tombent les vieux trônes et les vieilles couronnes, cédant la place aux
    centremlm.be

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