• La tension monte encore en Ukraine - nouveaux communiqués de Borotba


    Nous vous livrons ce communiqué dans notre rôle d'INFORMATION sans forcément en partager toute la tonalité qui, à notre sens, minimise quelque peu l'implication de l'impérialisme russe dans ce conflit avec les impérialistes euro-US : on ne peut que tristement sourire, par exemple, à l'évocation de la "république populaire dans le Sud-Est" (Donetsk etc.) lorsque l'on sait qu'un des principaux chefs de file de cette "république" ("gouverneur" autoproclamé de la région), Pavel Gubarev, est un ultranationaliste russe et ancien néo-nazi du groupe paramilitaire Unité nationale n'ayant rien à envier à Svoboda ; ou encore de ces policiers "du côté du peuple" car arborant le symbole nationaliste russe du ruban de Saint Georges [le texte pour le meeting antifasciste d'Athènes est un peu plus clair sur le sujet, à partir de "Dans le même temps les nouvelles autorités"]...

    Il reflète néanmoins le sentiment d'une grande partie des masses populaires là-bas, principalement dans le Sud (Odessa, Crimée) et l'Est (Donetsk, Kharkov) du pays mais aussi autour de Kiev et dans l'Ouest, où les libéraux et l'extrême-droite nationaliste ne sont pas aussi hégémoniques qu'ils le prétendent [sociologiquement, on peut dire que le Sud et l'Est russophones sont plus "riches" dans l'absolu mais aussi plus inégalitaires (les principaux oligarques en sont issus), tandis que le Nord et l'Ouest sont plus uniformément déshérités] : sentiment notamment vis-à-vis de la perte des avantages et acquis sociaux du social-capitalisme d’État des années 1970-80 ; sans lequel il n'est pas possible de comprendre politiquement l'Europe de l'Est (mais toujours possible, en revanche, de disserter sur la Lune). Globalement, la grande majorité des classes populaires de ces pays cherche à retrouver ce "paradis perdu" des protections sociales, des services gratuits ou presque, de la quasi absence d'impôts et de taxes etc. du "socialisme réel", tout en restant attachées aux libertés démocratiques dont elles étaient privées par les nomenklaturistes (et que les nouveaux oligarques, souvent anciens apparatchiks d'ailleurs, ne leur ont guère apporté). Il se trouve simplement qu'en Ukraine, une moitié environ du peuple "lambda" voit ce rêve sous le bleu étoilé de l'Union européenne et une autre moitié sous l'aile de Moscou (la russophonie favorisant la russophilie et donc ce dernier sentiment).

    Il y avait aussi des forces se revendiquant du socialisme voire du marxisme (ou du communisme libertaire) dans le camp EuroMaidan ; il serait toutefois autant possible de les dire "manipulées" voire "valets" de l'impérialisme euro-US que de traiter Borotba (comme elles le font parfois) de "manipulés" ou de "valets" du régime Ianoukovitch et de l'impérialisme russe... Ces forces sont généralement liées à des ONG "révolutionnaires colorées" occidentales bien connues.

    On pourrait disserter assez longuement de l'existence d'une réalité nationale ukrainienne sur la totalité du territoire de cet État. Ce qui est certain, c'est que la politique du régime en place actuellement (dans ledit État) tend à faire des personnes exclusivement russophones (ne parlant pas un mot d'ukrainien) des "nègres blancs" dans leur propre pays, comme c'est déjà un peu le cas dans les Pays Baltes par exemple ; un peu comme si demain, dans une Occitanie indépendante, nous déclarions "étrangers" à la communauté citoyenne toute personne ne parlant pas ou peu occitan (ce qui inclurait l'auteur de ces lignes...) : il est évident que nous serions des fascistes, et nullement des libérateurs. La politique du gouvernement de fait à Kiev est donc une politique fasciste, et il ne faut pas s'étonner (sans perdre de vue que le Kremlin joue aussi ses cartes) que de nombreuses personnes dans les régions du Sud et de l'Est se tournent vers une Russie qui ferait d'elles des Russes, libres de parler la seule langue qu'elles connaissent et citoyennes d'un grand pays respecté sur la scène internationale, riche de ses ressources fossiles, etc.

    Nous ne sommes pas aveugles, non plus, sur la russophilie ("euro-russisme" ou "eurasisme") de la quasi-totalité de l'extrême-droite hexagonale, y compris les éléments les plus "défense de l'Occident", anti-islam, anti-"Sud" voire (dans cette perspective) pro-sionistes, comme Guillaume Faye. Ceux-ci sont en réalité bien emmerdés par les évènements ukrainiens, car ils y voient deux de leurs grandes icônes (Poutine-la-"verticalité-du-pouvoir" et l'un des plus puissants partis fascistes d'Europe, ayant recueilli jusqu'à 40% des voix dans certaines régions aux dernières élections) s'affronter. Tout un paradoxe en effet : alors que Poutine est la coqueluche de tous les néofascistes européens depuis son arrivée au pouvoir il y a 15 ans, c'est une manœuvre impérialiste de l'UE et de Washington qui vient d'amener des néo-nazis déclarés au gouvernement pour la première fois en Europe depuis 1945 !


    Communiqué de l'organisation ukrainienne Borotba : la Junte a déclaré la guerre à son propre peuple (15 avril)


    Borotba


    La junte de Kiev a lancé une "opération antiterroriste" contre ceux qui en Ukraine sud-orientale se sont soulevés contre les oligarques et les nationalistes. Il y a dans les médias de communication oligarchiques une campagne absolument mensongère pour discréditer les révolté-e-s. Nous serions soi-disant tous des agents des services secrets russes.

    C'est bien sûr un mensonge éhonté. Ce sont les citoyens ukrainiens qui se rebellent contre la Junte. Des 64 prisonniers politiques détenus par l'administration de l’État régional de Kharkov, tous sont des citoyens ukrainiens résidents de la région.

    De l'autre côté, il y a des preuves croissantes que la Junte recourt à des mercenaires de compagnies militaires privées (y compris des étrangers) contre les révolté-e-s. Les policiers et militaires ukrainiens ont refusé de lutter contre leur propre peuple.

    Des Kharkovites ont vu la police sur la Place de la Liberté portant des rubans de Saint Georges [NDLR : ce sont les fameuses couleurs orange et noir du mouvement pro-russe dans l'Est de l'Ukraine, décoration militaire tsariste aujourd'hui reliée à la Grande Guerre patriotique de 1941-45 contre l'invasion nazie, et devenue symbole de résistance aux "fascistes de Kiev"] accrochés à leurs plaques, montrant ainsi être du côté du peuple.

    Dans cette situation, la Junte va s'appuyer sur des mercenaires et des groupes néo-nazis comme le Secteur Droit, prestement revêtus de l'uniforme de la "garde nationale".

    030314 borotbaL'Union Borotba déclare que la République populaire dans le Sud-Est est l’œuvre des manifestants, pas une machination des forces spéciales russes. Elle est la volonté du peuple dans les provinces du Sud-Est.

    La Déclaration universelle des Droits de l'Homme adoptée par l'ONU parle de "droit de recourir, comme ultime recours, à la rébellion contre l'oppression et la tyrannie". Les gens du sud-est ont tout simplement exercé ce droit.

    La Junte veut écraser le peuple rebelle par la force militaire, en organisant une "opération antiterroriste". Nous déclarons qu'il est impossible de gagner une telle guerre contre son propre peuple. En tentant d'écraser le mouvement populaire, la Junte creuse sa propre tombe.

    Campagne de calomnie

    Une campagne de délégitimation a été lancée contre les forces de la contestation, y compris Borotba. Ces mensonges visent à diviser notre mouvement et semer la méfiance parmi les activistes.

    N'écoutez pas ces calomnies, ne vous laissez pas tromper par les fables. Ici sont les faits :

    Borotba a commencé sa lutte contre le néo-nazisme de Svoboda (parti fasciste faisant désormais partie du gouvernement du coup d’État) et la soi-disante intégration européenne en 2012, alors que la majorité de ceux qui montrent aujourd'hui du doigt les "meneurs" étaient tranquillement assis chez eux.

    Lorsque nous en avons eu l'opportunité, nous avons lutté à Kiev. En guise de vengeance, notre local de Kiev a été saccagé par le Secteur Droit et nos activistes frappés par des fascistes, emmenés par Igor Miroshnichenko de Svoboda.

    À Kharkov, Borotba participe à toutes les protestations et manifestations. Des dizaines de milliers de tracts ont été imprimés, informant le peuple de Kharkov sur le mouvement dans le Sud-Est et l'exhortant à participer.

    Nous avons même amené à nos réunions le maire Kernes, dont nous avons découvert plus tard qu'il voulait jouer avec le mouvement de Kharkov.

    Borotba prône l'unité des forces de contestation. Nous nous opposons à la Junte, qui est au service des oligarques les plus riches du pays, appuyés par l'impérialisme occidental.

    Dans cette confrontation, l'unité et la coopération de toutes les organisations et les leaders du mouvement est cruciale.

    odessa 0410Pour cela, nous avons créé une association volontaire d'organisations, activistes et citoyens de Kharkov : l'Unité Populaire.

    L'Unité Populaire est ouverte à tous et toutes. L'unité fait la force !

    Pas d'élections sans référendum

    Afin de se donner des apparences de démocratie, la Junte a prévu des élections présidentielles pour le 25 mai. Ces élections doivent être boycottées. On nous invite par ces élections à choisir entre les deux candidats de l'oligarchie, Poroshenko et Timoshenko. Les autres candidats donneront à ces élections le masque d'une véritable lutte politique... Mais le décompte des votes sera contrôlé par la Junte et le suffrage se tiendra dans des conditions de terreur fasciste imposée par le Secteur Droit et autres bandes néo-nazies.

    La Junte de Kiev tente de duper les contestataires : le président intérimaire Turchinov a annoncé qu'il n'était soi-disant pas contre un référendum. Dans le même temps, les représentants de la Junte dans le Sud-Est tentent de remplacer la demande de référendum par une "enquête" sans aucune force légale. Nous ne devons pas céder à ces manœuvres. Les gens nécessitent de claires garanties, pas de vagues promesses des politiciens de Kiev.

    Les opposants à la Junte doivent boycotter et perturber ces élections. Ne voter pour personne, pas même pour l'opposition ou de supposés candidats du "Sud-Est", ne pas légitimer une farce organisée par la Junte des oligarques et des nazis. Si nous ne reconnaissons pas l'autorité des imposteurs de Kiev, nous ne devons pas participer à des "élections" organisées par eux.

    Notre mot d'ordre reste le même : pas de nouvelles élections sans référendum ! 

     


    Sur la situation en Ukraine (pour le meeting international antifasciste d'Athènes) 

    Chers camarades,

    L'Union "Borotba" et le collectif du web-journal ukrainien Liva.com.ua remercient tous les participants à ce meeting antifasciste.

    Notre pays périphérique est-européen vit l'un des plus dramatiques moments de son histoire moderne. Les gauches ukrainiennes sont face à des défis auxquels elles n'avaient pas été confrontées depuis des années. À la suite de violents et sanglants affrontements dans le centre de Kiev, le pouvoir a été pris dans notre pays par une coalition de forces politiques néolibérales et d'ultra-droite. Le nouveau régime a immédiatement commencé à collaborer avec les plus riches oligarques, ceux qui (aux côtés des représentants de l'UE et des États-Unis) ont prodigué aide financière et soutien international au mouvement EuroMaidan. Certains de ces oligarques viennent d'être nommés gouverneurs des régions industrielles clés (les moins loyales au nouveau gouvernement de droite), dans l'espoir qu'ils y éteignent la colère des protestataires.

    borotba 101800394 jpg 1L'idéologie droitière - sorte de mélange d'illusions néolibérales sur la nature du "capitalisme européen à visage humain" et de bigoterie cléricale nationaliste ukrainienne - dominait le mouvement EuroMaidan depuis le début et absolument tout était sous le contrôle de politiciens de droite. Ils ont réussi à exploiter la colère de beaucoup d'Ukrainiens appauvris et marginalisés, mécontents du régime bourgeois corrompu de Viktor Ianoukovitch - régime que nous avons nous aussi combattu depuis des années. Après 20 ans de propagande anticommuniste de masse en Ukraine, les gauches ont été reléguées à la marge du jeu politique tandis que les droites ont réussi à utiliser le populisme social combiné à des slogans nationalistes et pro-capitalistes.

    Ce n'est pas par hasard qu'EuroMaidan a été salué et appuyé par les forces et les politiciens les plus réactionnaires d'Europe et des États-Unis. Les nouvelles autorités ukrainiennes sont prêtes à ouvrir le marché ukrainien à leurs patrons et imposer à la société (qui souffre toujours de la crise) un paquet de réformes néolibérales afin d'obtenir le prochain prêt du FMI, qui leur permettra de rester au pouvoir. Alors que les propriétés et les capitaux des super-riches restent intouchées par le nouveau régime, celui-ci s'apprête à "surmonter" la crise en imposant des coupes sociales et une hausse des prix qui impactera la majorité appauvrie des Ukrainiens. Alors, pour détourner l'attention de leur propre politique, les autorités de droite utilisent le thème de l'intervention russe en Crimée et distillent l'hystérie nationaliste et militariste dans le pays. Malheureusement, une partie de notre "gauche" libérale-patriotique verse allègrement dans cette rhétorique. Les nouvelles autorités tentent ainsi de canaliser et aiguiller la colère des masses spoliées vers différents "ennemis" intérieurs ou extérieurs.

    Pendant ce temps, les affrontements et les fusillades se poursuivent dans le centre de Kiev - les groupes paramilitaires rivaux se battent entre eux pour le contrôle des bâtiments et propriétés occupés et continuent à arrêter, battre et torturer illégalement de nombreuses personnes. Les gangs néo-nazis montrent ouvertement leur racisme, leur sexisme et leur homophobie. Ils n'essayent même pas de cacher leurs armes lorsqu'ils patrouillent dans les rues de Kiev. Pire : ils ont tué plusieurs urlpersonnes à Kharkov. Le local de Borotba à Kiev a été saccagé de même que ceux du PC opportuniste d'Ukraine - les néo-nazis s'en sont emparés pour en faire des "bases" à eux. De nombreux monuments à Lénine, aux soldats de la Seconde Guerre mondiale ou aux héros de la Révolution d'Octobre ont été démolis ou profanés (y compris les tombes de travailleurs tués dans le soulèvement de l'arsenal de Kiev et d'autres usines en 1918).

    Parallèlement, des élections anticipées s'annoncent : les masses déçues et dupées vont devoir choisir entre des politiciens bourgeois bien connus, corrompus et super-riches. Dans le même temps, les nouvelles autorités tentent par tous les moyens d'empêcher les référendums démocratiques sur l'auto-gouvernement des régions du Sud-Est, où les démonstrations contre le nouveau régime rougeoient. Les nouveaux maîtres de l'Ukraine essayent de les présenter comme simplement "pro-russes" et "inspirées par le Kremlin", mais l'Union Borotba lutte efficacement pour les arracher à l'influence nationaliste pro-russe. Nous sommes des opposants irréductibles au régime de Poutine, que nos camarades russes affrontent au quotidien. Nous sommes contre la guerre et contre toute interférence dans le conflit ukrainien en cours, qui pourrait être le détonateur d'une confrontation militaire entre deux impérialismes.

    Devant l'intensification de la crise actuelle, nous sommes prêts à prendre part à l'organisation de protestations de masse contre les réformes antisociales et la terreur d'extrême-droite des nouvelles autorités. Dans ce contexte, tout soutien international est absolument crucial pour nous. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre attention et votre solidarité. Et nous voudrions remercier tout particulièrement nos camarades du Sud et de l'Est de l'Europe qui font face comme nous à la montée de l'ultra-droite, sur fond de crise causée par les politiques néolibérales de l'UE.

    Le nouveau gouvernement ukrainien est le gouvernement le plus à droite qu’il n’y ait jamais eu en Europe depuis 1945. Et ceci n'est pas seulement un phénomène ukrainien, mais aussi une alerte pour toutes les gauches européennes. Compte tenu du fait que les autorités européennes ont activement aidé les droitistes ukrainiens à prendre le pouvoir, nous avons compris que ce serait une tâche difficile pour nous de les vaincre sans des actions internationales des gauches de tous les pays.

    Le récent mouvement en Ukraine (novembre 2013-février 2014) a eu pour conséquence l'instauration du régime de droite dure, coalition de forces néolibérales et d'ultra-droite. Les escadrons paramilitaires des groupes d'ultra-droite contrôlent maintenant la capitale du pays en usant du pogrom et de la violence contre leurs opposants. Ils réclament ouvertement d'être investis des pouvoirs de police et de sécurité d’État, ou du plein contrôle des services d'application des lois.

    Cependant, ces évènements se déroulent en Ukraine assez rapidement, demandant donc une correction constante des analyses. Des locaux des organisations de gauche ont été saccagés. Des activistes de gauche et des syndicalistes ont subi de violentes attaques. Le Parlement (contrôlé de fait par son vice-président du parti d'extrême-droite "Svoboda") a pris de son propre chef le pouvoir sur le pays. Il a nommé un autre membre de "Svoboda" au poste de procureur général et relaxé sans décision judiciaire tous les néo-nazis convaincus de crimes, y compris de meurtres.

    Ukr redflagburningDe nombreux politiciens droitiers, de "Svoboda" ou autres partis de droite radicale, ont été promus à des postes de ministres. Ils contrôlent notamment l'éducation. Les nazis ont commencé une campagne de destruction massive des monuments soviétiques aux combattants d'Octobre 1917 et de la Seconde Guerre mondiale.

    Nous pouvons vraiment dire que c'est le gouvernement le plus à droite dans l'histoire de l'Europe depuis la Seconde Guerre mondiale, et le régime le plus pro-nazi dans son idéologie qui a été imposé en Ukraine. Ceci n'est pas de l'exagération : les conséquences réelles des récents évènements en Ukraine pourront être évaluées au fil du temps, car nous n'avons pas pour le moment suffisamment d'éléments nécessaires.

    Néanmoins, les manifestations massives en Ukraine ont été le résultat de la profonde crise économique, conséquence des politiques économiques néolibérales mises en œuvre dans le pays sous la pression des banques et autres institutions financières internationales.

    Cela peut sembler paradoxal à première vue, mais la crise déclenchée par les politiques néolibérales de droite a provoqué une montée incontrôlable de l'extrême-droite comme conséquence. C'est que la crise s'est développée dans des conditions de totale prééminence idéologique d'extrême-droite, qui n'ont pas permis de construire en Ukraine un force de gauche quelque peu consistante. En réalité, les extrémistes de droite ont occupé la "niche" politique que les gauches n'ont pas pu occuper. L'absence d'alternative progressiste a permis l'ascension fulgurante des groupes d'extrême-droite, qui ont pris le monopole sur la contestation sociale des Ukrainiens.

    Les gauches - depuis les sociaux-démocrates jusqu'aux groupes de "nouvelle gauche" - ont été refoulés aux marges de la vie politique et sociale. Cela a été rendu possible par l'établissement d'un consensus libéral de droite qui domine la conscience sociale depuis la chute de l'URSS. Les intellectuels ont toléré les droites ultras, les ont appuyées politiquement et ont permis leur dé-marginalisation. Pendant ce temps, les mass-médias démonisaient et stigmatisaient l'idéologie de gauche (progressiste) en diffusant dans la conscience sociale la mythologie historique de l'extrême-droite - pour les nommer, de ceux qui ont collaboré avec l'Allemagne nazie pendant la Seconde Guerre mondiale et "nettoyé" ethniquement les populations polonaises dans l'Ouest de l'Ukraine [NDLR : sans parler du sort de la séculaire civilisation yiddish, tout simplement anéantie physiquement !]. C'est ce genre de propagande qui a principalement déterminé les conceptions de la frange active du mouvement Maidan, y compris une part significative des victimes de la crise (de certaines couches lumpenisées de la société).

    Les conservateurs et les libéraux européens ont eux aussi contribué à ce terrible résultat : ils ont reconnu le parti d'extrême-droite "Svoboda" comme membre légitime de la soi-disante "opposition démocratique" au régime de Ianoukovitch. Ils ont fermé les yeux sur le programme xénophobe, homophobe et chauvin de ce parti comme sur les pogroms et autres actions violentes de ses activistes.

    Par ailleurs, un groupe de super-riches ukrainiens a lui aussi contribué à organiser Maidan. Il s'est agi en particulier d'oligarques mécontents de la prédominance du clan Ianoukovitch et effrayés par sa montée en puissance, qui pouvait menacer leurs intérêts.

    Ce groupe d'oligarques a participé à sponsoriser les groupes d'ultra-droite et à leur fournir de l'équipement matériel et technique pour leurs actions.

    Kovpak partisankiDans de telles circonstances, les droites sont parvenues à exploiter et monopoliser la contestation contre le régime oligarchique de Ianoukovitch. Depuis le commencement elles contrôlent et organisent les actions de protestation à Kiev, en leur imprimant une idéologie de droite et des sentiments nationalistes. Des symboles nazis ont été ouvertement affichés à Maidan et des slogans nazis entendus assez souvent. La frange "démocratique" du mouvement n'a pas pu contrecarrer une telle hégémonie des droites, qui ont réussi à prendre la direction de Maidan. La véritable force était de leur côté. Des escouades bien entraînées de néo-nazis, à qui étaient fournies des armements et des munitions militaires, ont servi de troupes de choc. En dépit du fait que les manifestations aient commencé sous des slogans "pro-européens", les ultra-droites n'ont dès le début pas fait mystère de leur hostilité aux "valeurs européennes", et les rejetaient publiquement dans leurs discours et articles.

    Le fait que beaucoup d'observateurs européens aient préféré ignorer ou minimiser cette hégémonie des droites extrêmes à Maidan n'a fait qu'aggraver l'ensemble de la situation. Une telle position était perçue comme une bénédiction légitimant toutes les actions d'extrême-droite.

    Ainsi, comme résultat de tout cela nous avons eu la désastreuse montée de la violence dans les rues de Kiev, les affrontements de groupes armés et les morts - partisans comme opposants de Maidan. Ceci a amené l'effondrement du régime de Ianoukovitch. Néanmoins, comme nous l'avions annoncé, ce sont les ultra-droites qui en ont principalement tiré profit. Elles ont pris de facto le pouvoir dans de nombreuses régions du pays, en y établissant les conditions pour qu'aucune force socio-politique ne puisse vraiment s'y confronter à elles.

    Nous observons en conséquence un changement des élites au pouvoir, mais les intérêts d'ensemble de la classe dominante restent intouchés. Le changement n'a donc pas conduit à de réelles réformes démocratiques dans l'intérêt du plus grand nombre. La situation est à présent en train de se précipiter et l'effondrement de l'économie ukrainienne semble imminent. La monnaie ukrainienne se dévalue à toute vitesse, menaçant des millions de personnes de pauvreté. Le nouveau régime n'a pas assez de trésorerie pour assurer les dépenses publiques élémentaires. Il négocie donc avec le FMI, l'UE et les USA pour obtenir de nouveaux prêts, qui lui seront accordés sous condition de totalement démanteler les derniers restes d'acquis sociaux et d'augmenter les prix des services publics, de l'électricité ou du gaz. Pire encore, l'Union européenne demande à l'Ukraine d'ouvrir son marché intérieur ce qui conduira à complètement déstabiliser l'économie locale, qui ne peut pas survivre sans certaines mesures protectionnistes.

    Ce cours des choses associé avec les violents affrontements dans l'Est du pays pourrait conduire au démantèlement des fondements même de l’État et à l'écroulement économique et politique complet du pays, amenant à son tour l'explosion de la terreur d'extrême-droite. Une telle perspective semble bien réelle en Ukraine, et peut survenir y compris dans un futur très proche. Nous pensons que le nouveau régime va utiliser des escadrons paramilitaires d'extrême-droite pour écraser la contestation sociale et les résistances individuelles parmi les citoyens ordinaires.

    Dans de telles circonstances, la seule alternative est la construction immédiate et active d'un mouvement progressiste et antifasciste de masse ; la création d'un sujet politique qui devienne une base d'opposition au régime de droite et puisse organiser les personnes mécontentes et en colère contre les mesures antisociales néolibérales.

    D'autre part, la "révolution" de droite en Ukraine est aussi un signal d'alarme pour toutes les forces démocratiques et antifascistes d'Europe. Les évènements actuels révèlent clairement qu'en temps de crise économique, la montée incontrôlée de l'extrême-droite ouvre la voie à sa prise de pouvoir. Et une telle perspective est encore plus dangereuse lorsque nous tentons de la sous-estimer.

    Andrew Manchuk 


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