• Il y a 30 ans : massacre raciste à Philadelphie


    Le 13 mai 1985, un hélicoptère de la police de Philadelphie (États-Unis) larguait deux bombes incendiaires sur un immeuble occupé par la communauté afro-américaine radicale MOVE, épilogue de plusieurs années de conflit avec ce groupe de Black liberation accusé d'"indisposer le voisinage par ses monceaux d'immondices attirant les rats et les cafards" (on croirait presque du Chirac dans le texte, lol) ainsi que par ses "messages politiques diffusés toute la journée par mégaphone".

    Il y a 30 ans : massacre raciste à PhiladelphieLes pompiers, d'abord présents sur les lieux pour... tenter de déloger les occupants avec leurs lances à eau, regarderont impassiblement partir en fumée le 6221 Osage Avenue et... plus de 60 habitations voisines ; ayant reçu l'ordre laconique de "Let the fire burn" ("Laissez cramer" !). Le bilan est de 11 morts dont 5 enfants et seulement deux survivant-e-s dont l'une, Ramona Africa, relatera que la police ouvrait même le feu sur les personnes qui tentaient de s'enfuir...

    Il n'est bien sûr pas interdit de discuter de ce qu'était MOVE : par certains aspects, la communauté pouvait éventuellement être qualifiée de "secte" (nous n'aimons cependant pas ce terme, car comme beaucoup d'autres il évacue confortablement l'analyse scientifique et politique des choses - comme au sujet des religions par exemple). Elle arborait néanmoins des positions que l'on ne peut que qualifier de progressistes [voir ici un site qui lui est consacré] : écologisme radical (d'où la fabrication de compost qui "indisposait" soi-disant les voisins), mode de vie collectiviste et bien sûr libération noire avec une forte mise en avant des racines africaines (tou-te-s les membres portant des dreadlocks et prenant le patronyme d'"Africa")... Le tout en assumant ouvertement l'autodéfense armée d'où déjà de gros ennuis en 1978, après la mort d'un flic lors de la tentative d'expulsion d'un précédent squat.

    Il est à la rigueur possible de dire, sans trop se hasarder, que le groupe était une incarnation du reflux et de la décomposition du mouvement de libération afro-américain ; et non de son apogée radicale et révolutionnaire de 1965-75 avec le Black Power de Carmichael et bien sûr le Black Panther Party (puis la Black Liberation Army etc.).

    Voici ce qu'en dit le Front Uni des Immigrations et des Quartiers Populaires (FUIQP) sur sa page Facebook : "L’organisation se définit elle-même comme « une organisation révolutionnaire, mais pas dans le sens commun enseigné à la plupart des gens. John Africa, son fondateur, enseignait à MOVE la révolution totale et le principe de la vie ; il n’y a rien de plus important que la vie, et tout ce système qui nous opprime va contre la vie : c’est un système qui assassine, qui mutile, qui empoisonne, qui exploite et qui asservit. C’est pourquoi l’organisation MOVE combat ce système. Nous ne céderons jamais à ce système tant que la justice, l’égalité et la liberté seront bafouées. Pas seulement pour les Noirs, les femmes ou les hommes de couleurs, mais pour tous les êtres vivants » (Ramona Africa est ministre de la communication pour l’organisation MOVE, seule survivante adulte du bombardement et ancienne prisonnière politique pendant cinq ans)".

    Cet activisme lui avait bien sûr valu la haine inexpiable des autorités bourgeoises blanches de la ville (avec à leur tête, pendant de nombreuses années, le sinistre ex-"super-flic" Frank Rizzo), qui avaient assez efficacement réussi à dresser les "honnêtes gens" ("très majoritairement afro-américains" comme ne manque pas de le souligner la propagande...) contre ces "zozos mal peignés", mais ne parvenaient toutefois pas à en finir "une bonne fois pour toute".

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    Pour autant, son extermination par un véritable mini-bombardement au napalm n'en reste pas moins révélateur du caractère semi-nazi du colonialisme intérieur US ; cet État capitaliste, impérialiste et raciste qui se présente au monde entier (au même titre que son alter ego bleu-blanc-rouge...) comme le "phare de la liberté et des valeurs démocratiques" - ce devant quoi se prosternent tous les petits et grands bourgeois de la planète. "Semi-nazi", oui et cela n'a rien de la provocation gratuite : au stade des monopoles tout État capitaliste et impérialiste est finalement un nazisme en puissance, avec ses éruptions épisodiques de praxis ultra-fasciste, jusqu'à ce que les conditions objectives (comme celles rencontrées par l'Allemagne au début des années 1930) l'amènent à se convertir en nazisme "franc et ouvert".

    Les "Africa" délivraient certes un message politique radical et subversif, mais ils/elles étaient tout de même très loin de représenter une menace révolutionnaire existentielle pour les possédants de Pennsylvanie. Leur massacre est révélateur de la disproportion totale des moyens employés aux États-Unis dès lors qu'il s'agit de "remettre les Nègres à leur place" - une "place" sur laquelle repose, il faut le dire, tout l'ordre social capitalo-raciste.

    Si l'organisation MOVE a acquis une certaine notoriété à travers le monde, c'est aussi grâce à un journaliste et ex-combattant des Black Panthers qui avait pris dès le début fait et cause pour elle : un certain Mumia Abu-Jamal. Un combat qui, parmi d'autres, l’amènera à se confronter au sinistre maire et ancien chef de la police Frank Rizzo ; et qui sera sans doute pour beaucoup dans la sordide machination qui le conduira pour 30 ans dans le couloir des condamnés à mort (condamnation commuée en perpétuité sans possibilité de libération en 2011).

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