• Controverse internationale dans le mouvement maoïste : un texte intéressant des Canadiens


    Dans le cadre de la controverse qui secoue ces dernières années le mouvement maoïste international, entre (disons) tendance de quelques uns à trop "coller" au "ML anti-révisionniste de Mao" et idéalisme gauchiste d'autres "en route vers une quatrième et encore supérieure étape" ("gonzaliste", ou "principalement maoïste", du développement de la science marxiste) ; voici un très intéressant texte qui nous vient du Canada (groupe de Montréal, les autres dits "pan-canadiens" ayant de scission en exclusion poursuivi leur dissolution vers le néant de l'insignifiance politique) et qui pourrait peut-être (en tout cas contribuer à) "remettre les pendules matérialistes dialectiques à l'heure".

    Précisons simplement, au préalable, que nous n'en partageons pas forcément à 100% la tonalité un peu agressive, en tout cas contre toutes ses "cibles", notamment les Brésiliens dont nous avons du respect pour l'activité pratique qui n'est pas si insignifiante (surtout dans les campagnes). Pour autant, plus d'un point "tape" incroyablement juste :


    Le maoïsme tel qu’en lui-même : contre l’idéalisme
    du courant « principalement maoïste »

    [Quelques (petits) points de désaccord, mineurs au regard de la masse considérable de vérités énoncées :

    - Par rapport à cette question des étapes de développement du marxisme, et de la "rupture" entre elles que le PCR rejette : ne serait-il pas possible de considérer que chaque étape (marxisme, léninisme et maoïsme, ou pourquoi pas marxisme de Marx et Engels, marxisme de le 2e Internationale, léninisme de Lénine puis ML de Staline et du MCI jusqu'aux années 50, Pensée Mao et enfin MLM) ne peut pas en son essence matérialiste comporter des "erreurs" ; MAIS qu'elle peut en revanche comporter des lacunes... des questions laissées sans réponses et auxquelles, du coup, l'influence pernicieuse extérieure (idées bourgeoises, ou petites-bourgeoises idéalistes-gauchistes) va venir apporter SES réponses ; l'accumulation de questions sans réponse marxiste, et donc à réponses bourgeoises ou gauchistes, finissant par amener la consolidation des lignes opportunistes (de droite ou de gauche) et, par la simple loi du nombre, le principe majoritaire présidant aux décisions du Parti, le basculement vers le révisionnisme... ? 

    De fait, en réalité, nous nous demandons plutôt si la question n'est pas ; plutôt que la "rupture" si l'on entend par là "dépassement de limites de compréhension du monde" ou "comblement de lacunes", ou, comme dit dans le texte, "développement permettant d’aborder avec plus de précision les anciens phénomènes, de même qu’en étudier de nouveaux" ; le "GONZALISME", car c’est bien ainsi qu’il faut l’appeler en tant que prétention (masquée autant qu’ils le voudront, mais toujours transparente) d’ajouter le-plus-tôt-sera-le-mieux un "G" au MLM… (et là-dessus, dirions-nous, nous ne pensons pas que les Brésiliens soient vraiment des "impulseurs" d’une telle conception, nous pensons plutôt qu’ils "pèsent" d'un certain poids dans la ligne de s’en tenir à "principalement maoïste", terme légitimé par son emploi par le PCP ; mais ils font, bel et bien, preuve d’OPPORTUNISME vis-à-vis des tenants essentiellement occidentaux de cette volonté, dans une perspective de lutte contre Sison à qui ils attribuent à tort ou à raison le lancement d’une organisation rivale dans leurs pattes il y a quelques années).

    Une "nouvelle et supérieure étape"… sans AUCUNE justification, si l’on admet justement que le MLM est (en gros) une "fusion" de l’œuvre de Mao (et d’autres jusqu’en 1976 : Mazumdar, Kaypakkaya, Yari etc.) contre le révisionnisme soviétique de Krouchtchev, ET de celle de Gonzalo et d’autres APRÈS 1976 contre la contre-révolution de Deng et ses partisans "ML Pensée Mao" à travers le monde, ou encore le dogmato-révisionnisme de Hoxha. Car la justification essentielle d’une nouvelle et supérieure étape selon nous, c’est l’"assassinat" révisionniste de la précédente ! C’est ainsi, justifié par 1°/ l’assassinat khrouchtchévien de la Révolution soviétique et 2°/ l’assassinat denguiste de la Révolution chinoise (+ le coup de couteau dans le dos hoxhiste), qu’a vu le jour le MLM.

    Qu’est-ce qui justifierait donc, aujourd’hui, un passage à un tel MLMG ? Nous ne pensons pas que, en termes d’"assassinat" de gigantesques expériences révolutionnaires et de mouvements mondiaux autour d’elles, le prachandisme et l’avakianisme soient en quoi que ce soit comparables pour pouvoir être cette justification. À notre sens, ils peuvent tout à fait être "traités" par le MLM comme Lénine a "traité" le kautskysme ou le gauchisme pannekoekien, ou critiqué Luxemburg ; et comme Staline a combattu le trotskysme et le boukharinisme. En fait, c’est précisément cette prétention à un MLMG qui s’apparente un peu au trotskysme, qui ne l’a certes jamais formulé explicitement ainsi, mais prétendait au fond être un "MLT" ("marxisme-léninisme-trotskysme") ; Trotsky se voulant (un peu comme les gonzalistes peuvent parfois l'expliquer au sujet de la Pensée Gonzalo) les "lunettes" ou la "résolution pixel" à travers lesquelles on obtiendrait la "meilleure compréhension possible de Marx et Lénine".

    - Nous ne partageons pas non plus tout à fait les critiques visant les "maoïstes" US au sujet des questions nationales. Au contraire, et nous avons déjà eu l'occasion de le dire, nous pensons justement que leurs positions ne vont pas assez loin en ce sens, pour ne pas dire sont complètement hypocrites et bidons. Nous pensons, oui, que le Parti doit être construit et la lutte révolutionnaire menée dans la plus absolue centralité prolétarienne-ouvrière... MAIS, le prolétariat étant au jour d'aujourd'hui tel qu'il est et non tel que l'on voudrait qu'il soit ; tel qu'il est signifiant notamment avec une identité nationale profondément ancrée dans sa conscience ; cette absolue centralité ouvrière veut forcément également dire absolue centralité nationale.

    En d'autres termes, il faut selon nous absolument respecter les identités nationales (ou "raciales" = en Amérique du Nord, colonies intérieures selon les mots du géant marxiste-léniniste Harry Haywood - indigènes, descendants d'esclaves africains, Mexicains des territoires annexés etc.) dans la constitution des Partis ouvriers d'avant-garde. C'est peut-être même d'ailleurs ; même si nous partageons leur analyse (ou plutôt le même constat d'évidence) que l'oppression des Francophones canadiens n'est plus du tout celle d'il y a 100 ou même encore 60 ans, et que désormais la bourgeoisie canadienne francophone est largement "co-gérante" de l'impérialisme canadien ; leur oubli de cela (ce qui précède ne signifiant pas que Francophones et Anglophones ont cessé d'exister au Canada, pas plus que la France et l'Allemagne n'ont cessé d'exister sous prétexte qu'elles ne se font plus la guerre et ne s'occupent plus militairement l'une l'autre à intervalle régulier...), pour prétendre construire un grand Parti "pan-canadien" (qui restait purement théorique avant 2010), qui leur a dans une large mesure valu tous les problèmes qu'ils ont eu.

    Nous entendons, disons, leur critique de l'"activisme anti-raciste" ; au sens où nous pensons que l'antiracisme politique, terme sans doute contestable mais c'est celui qui existe actuellement, se situe précisément en rupture avec ce qu'ils appellent "anti-racisme" et qui est l'antiracisme MORAL, par ailleurs (généralement) totalement piloté par des Blancs (flanqués de quelques authentiques petits bourgeois non-blancs pour faire bonne mesure) de manière totalement paternaliste – ce qui se retrouve et confirme largement dans les positions des Red Guards que nous avons critiquées (le masque qu'ils ont en 2018 laissé tomber sur ces questions), recevant évidemment en retour leurs attaques ne répondant pas à grand chose sur le fond... 

    Le PCR montréalais perd peut-être, ici, un peu rapidement de vue le fait que la classe ouvrière qui doit être absolument au centre de la construction du Parti et du processus révolutionnaire, n'est pas "abstraite" mais une réalité concrète telle qu'elle est concrètement ; et qu'elle n'a donc pas "pas de patrie" (cette phrase de Marx n'a de toute façon jamais voulu dire ce qu'on lui fait abusivement dire depuis un siècle et demi), ni d'identité aucune, mais bien des identités culturelles nationales diverses, a fortiori lorsque celles-ci sont "hiérarchisées" par la domination bourgeoise avec des "petits privilèges" qui ne font certes pas des uns la "classe dominante" des autres, mais déforment néanmoins leurs perceptions et leurs rapports mutuels ; si bien que l'on ne peut donc pas prétendre l'"unir" par-delà ces barrières par pure "proclamation" abstraite, pour autant que cette unité soit souhaitable et, à terme bien sûr, viendra.

    De fait, et tout simplement, qu'il s'agisse de colonies intérieures à proprement parler (peuples indigènes ou, en tout cas, présents depuis l'origine de la colonie devenue aujourd'hui pays à majorité blanche, en Amérique du Nord, Australie, Nouvelle-Zélande) ; ou de communautés importantes d'immigrés venus des pays que la puissance impérialiste tient sous sa domination coloniale ou semi-coloniale (comme les Portoricains aux États-Unis, ou les importantes communautés jamaïcaine ou haïtienne au Canada), et qui sont en quelques sorte des "ambassadeurs" et des "fers de lance" de ces pays dominés dans la métropole ; la question se passe totalement de postmodernisme et peut tout à fait correctement être abordée sous l'angle de l'anti-impérialisme (et des devoirs de l'avant-garde révolutionnaire d'une métropole impérialiste envers les peuples de ses colonies).

    Il ne faut certes pas verser dans le bundisme (dont nous ne partageons pas totalement, cela dit, la critique faite extensivement par Staline dans sa Question Nationale, bien qu'il s'agissait indéniablement d'une organisation réformiste), ou l'austro-marxisme et aller vers l'atomisation "ethnique" absolue des luttes "pour le plaisir d'atomiser", dans les "creusets" économiques où réside très largement un prolétariat multinational et où commencent à se dessiner des convergences ; mais il ne s'agit pas non plus, à notre sens, de se déconnecter de la réalité et de prétendre "résoudre par proclamation" ce genre de problématiques ; il faut partir (pratiquement dans chaque territoire, bassin de vie populaire) de la situation concrète, et la situation concrète aux États-Unis, pour le coup, est tout de même celle d'une énorme ségrégation ethnique territorialisée, en plus d'une expérience historique qui a largement montré la viabilité (et même la plus grande "qualité" révolutionnaire) d'une organisation autonome des "minorités" colonisées intérieures (non pas depuis les Black Panthers, mais depuis l'African Blood Brotherhood presque un demi-siècle plus tôt, en passant par Robert F. Williams ; et sans oublier bien sûr les résistances indigènes jusqu'à l'AIM, les luttes des Chicanos et les Brown Berets etc.).

    Il n'est pas, à notre sens, nécessaire de rejeter en bloc les positions du mouvement Red Guard sur ces questions ; positions qui ont pu être assez correctes au regard de leur Condemned to Win de 2015 ou des positions des Red Guards LA (essentiellement chicanos) à la même époque, et qu'ils ont de fait plus trahies depuis qu'autre chose ; pour appuyer une critique de leur activité anti-gentryfication qui pour le reste tape extraordinairement juste.

    Sur la centralité de la classe ouvrière, "en particulier de la grande industrie" : qu'est-ce que la grande industrie ? Les grandes unités de production de plusieurs centaines, voire milliers de travailleurs, type Billancourt ou Flins en 1968 ?

    Il y a là à notre avis un danger : que se passe-t-il si la bourgeoisie ATOMISE sciemment les collectifs de travailleurs, ce que les moyens de transport aujourd'hui permettent finalement facilement, en petites unités ne dépassant guère la centaine d'ouvriers ?

    C'est déjà plus ou moins le cas en France... Les grandes chaînes de production comme Billancourt, cela n'existe plus. Le recours massif au turn over, aussi (contrats temporaires)... À ce moment-là, le sujet révolutionnaire aurait disparu ?

    Il y a au contraire, selon nous, plein sens à se tourner vers ces formes nouvelles de prolétariat précaire et atomisé, souvent ignoré des organisations ouvrières "classiques" (syndicats) – ou en tout cas, celles-ci n'ayant pas les moyens de l'organiser, en n'envisageant justement que le site de production comme cadre d'organisation.

    Quelques explications à ce sujet (assez éclairantes... voire convaincantes) ici :

    https://www.iskra-pcr-rcp.ca/2019/10/12/la-centralite-ouvriere-les-producteurs-au-coeur-de-la-lutte-pour-le-socialisme/

    En fait, nous prendrions presque (plutôt) le problème dans l'autre sens : si l'on prend vraiment au pied de la lettre la définition de l'aristocratie ouvrière donnée par Engels et Lénine (travailleurs des pays impérialistes bénéficiant, "achetés" en quelque sorte, par des "miettes" de surprofits de l'exploitation des pays dominés)... alors, à l'heure actuelle dans ces pays, c'est TOUT LE MONDE (à l'exception peut-être des migrants en situation irrégulière ou des Roms, seules véritables "enclaves de Tiers Monde" ou de "prolétariat à la Dickens", au choix).

    Donc, dans ces pays-là, on ne fait plus rien... Ou alors du Baader ou du Sekigun (engagement, éventuellement armé, de pur soutien internationaliste aux luttes anti-impérialistes du Sud).

    OU ALORS... il ne faut peut-être pas la prendre au pied de la lettre, justement. Il faut, peut-être, relire attentivement les deux auteurs... et se rendre compte qu'ils ne disent JAMAIS, à aucun moment que cette catégorie de travailleurs (certains diront : "les Blancs") serait consolidée pour l'éternité en classe extérieure et ennemie du prolétariat mondial ; qu'elle ne serait plus (parce que bénéficiaire de "miettes" de l'exploitation d'autres) exploitée ; que sa condition ne pourrait pas (à terme) se dégrader sous l'effet de la crise générale du capitalisme (et une situation qui se dégrade est, bien souvent, porteuse d'autant sinon plus de potentiel d'explosion révolutionnaire qu'une misère "de toute éternité"...) ; et donc que les communistes ne pourraient et devraient pas travailler politiquement en sa direction, à forger son unité avec le prolétariat mondial proprement dit (aujourd'hui, donc, essentiellement extérieur aux pays impérialistes, ce qui signifie internationalisme et anti-impérialisme, éventuellement par l'"entremise" des "détachements" immigrés de celui-ci), dans la lutte commune contre les quelques % de grands bourgeois monopolistes qui eux sont les ennemis irréductibles de l'humanité.

    En vérité, ce devrait même être selon nous le principal devoir des communistes "blancs" des pays impérialistes : s'occuper de LEUR classe ouvrière, "aristocratisée" ou pas, dans cet objectif que nous venons d'énoncer ; plutôt que d'envoyer en direction des masses populaires non-blanches (ou à défaut, vers des "plus précaires" largement fantasmés) des "alliés"-missionnaires généralement petits-bourgeois qui tôt ou tard vireront au paternalisme ; tout en s'efforçant de "déconstruire intersectionnellement les normativités de genre" en cénacles non-mixtes (et écriture inclusive s'il vous plaît)...

    Tous ces points sont largement développés et argumentés dans l'article en lien ci-dessus : on peut ne pas être (ou pas à 100%) d'accord, avoir des réserves et trouver discutables certains points ; mais on ne peut pas dire en tout cas que les choses sont "assenées" au pur nom du dogme sans le moindre argument.]


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