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Collectif Rosa Parks : Des gilets jaunes au(x) gants noirs, égalité, justice, dignité ou rien !
Il n’y aura pas de front large contre le régime de Macron ou contre le fascisme qui s’annonce si l’immigration et les banlieues qui constituent quelques millions d’âmes sont ignorées.
Pour les gilets jaunes, le pari est gagné ! Cette mobilisation inédite et sans précédent témoigne de l’existence d’un profond mécontentement chez les classes populaires en voie de paupérisation méprisées par le pouvoir et les élites. Il serait faux et condescendant de n’y voir qu’une manipulation de l’extrême-droite d’autant que ses initiateurs réfutent toute entreprise de récupération partisane. Ce mouvement spontané ne peut pas être compris sans les mises en échec successifs du mouvement social contre la loi Travail et plus tard des grèves de la SNCF et d’autre part, sans l’existence d’un exécutif arrogant, trahissant de manière éhontée l’histoire sociale du pays et cédant de manière outrancière aux lois du marché. La mobilisation du 17 novembre et sa force d’identification représentent incontestablement une colère juste en ce qu’elle vise prioritairement un pouvoir replié sur lui-même, fermé et déterminé à détruire le pacte social.
Pour autant, cette spontanéité qui fait toute son originalité et sa fraîcheur n’en charrie pas moins de fortes contradictions qu’il est important de prendre en compte pour ne pas tomber dans une adhésion béate. C’est précisément sa spontanéité et sa porosité qui permet à l’extrême-droite lepéniste et à certains syndicats de police de s’y associer et de lui donner bon gré, mal gré une coloration poujadiste et chauvine, d’autant que la mobilisation a déjà été entachée par des actes racistes scandaleux, des actions odieuses contre les migrants et d’autres clairement réactionnaires. Enfin, la revendication légitime de la baisse du carburant ne peut en aucun cas se substituer à un mouvement généraliste dont l’objectif principal serait la justice sociale pour tous.
S’il faut soutenir les gilets jaunes pour les raisons ici évoquées, et dénoncer vigoureusement la répression dont ils ont fait l’objet, il revient à l’ensemble des franges qui constituent le mouvement social de charpenter et de donner un véritable contenu politique aux revendications des gilets jaunes. L’antiracisme politique fait partie du mouvement social et comme toutes ses composantes, il est interpellé. Le collectif Rosa Parks qui réunit différentes sensibilités de cette mouvance a déjà fait sienne l’idée d’une convergence réelle mais exigeante car le constat est là : l’immigration post-coloniale et les habitants des banlieues, qui cumulent les discriminations en tout genre, sont de fait aussi les laissés-pour-compte de ce système inégalitaire. Le racisme qui frappe de manière systématique quelques millions de non-blancs structure le champ social aussi sûrement que l’exploitation des ouvriers, hiérarchisant et distinguant à l’intérieur des classes prolétaires, un corps social légitime et pleinement incorporé à la nation, d’un corps illégitime constituant dans les faits une « France d’en bas » et une « France d’en-dessous de la France d’en bas ». Cela se traduit par une surveillance policière accrue, une ghettoïsation spatiale et sociale et une mise au ban politique, par des campagnes de diabolisation, des groupes politiques qui osent dénoncer cette situation. Si la hausse du carburant est une cause suffisamment légitime pour être endossée par les forces du mouvement social, qu’en est-il de la destruction des services publics, de l’état d’urgence, des violences policières ou des migrants qui meurent par dizaines de milliers dans la Méditerranée ?
Disons-le clairement : il n’y aura pas de front large contre le régime de Macron ou contre le fascisme qui s’annonce si l’immigration et les banlieues qui constituent quelques millions d’âmes sont ignorées. C’est pourquoi, le collectif Rosa Parks a mis au cœur de sa démarche le racisme d’État mais aussi la lutte contre cette guerre sociale faite à tous et aux plus pauvres en particulier, la crise des migrants et les guerres impérialistes, questions fondamentales qui interrogent le grand désordre du monde.
Depuis son lancement, l’initiative du collectif Rosa Parks a fait des émules et amplifie son audience. Plusieurs tribunes ont été publiées :
- L’une, « Le 30/11, c’est sans nous et le 1er/12, c’est 100 % nous », émane de militants de l’antiracisme politique.
- La seconde est celle d’intellectuels, de militants engagés et de responsables politiques : « Ensemble nous disparaitrons, ensemble nous marcherons »
- Enfin, la dernière est à l’initiative de syndicalistes et intitulée « syndicalistes avec Rosa Parks pour la justice et la dignité »
À ce propos, nous nous réjouissons que des syndicats aient déjà déposé des préavis de grève formels en vue de la journée de la disparition. C’est indéniablement un pas de plus vers la reconnaissance et la prise en compte des discriminations racistes au travail.Nous appelons tous les habitants des quartiers comme des zones rurales, les populations qui subissent le racisme et tous ceux qui subissent de plein fouet les mesures néolibérales bref, tous les « Noirs, Jaunes, Rouges, Gris, Blancs et pas très clairs » à :
- disparaître avec nous le 30 novembre des réseaux sociaux, des universités et de lycées, des lieux de travail et à boycotter la télé et les grandes surfaces et
- réapparaître le 1er décembre sous la forme d’une Marche pour l’Égalité, la Justice et la Dignité au départ de Nation, un gant noir au poing.
Nous espérons que celles et ceux qui appellent à manifester le 1er décembre pour plus de justice sociale se joindront à nous. C'est une occasion historique qui se présente, celle de pouvoir allier toutes les revendications d'égalité, de justice et de dignité. Ne pas saisir cette opportunité constituerait une erreur politique majeure. Les syndicats et les gilets jaunes avec nous ! Et avec des gants noirs !Une situation assez particulière que nous avons peu évoquée jusque-là, est celle de la colonie de la Réunion, où le mouvement a pris la tournure d'affrontements extrêmement violents qui ont conduit à la décision de geler pour trois ans, sur l'île, l'augmentation pseudo-"écologique" des prix du carburant ; mais dans le même temps hélas, l’État colonial vient de décider d'envoyer... l'armée :
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Autres prises de position anticoloniales intérieures
- Un militant antiraciste politique à titre personnel :
"Je poste ici mon avis personnel sur le contexte politique actuel et la position que devrait tenir l'antiracisme politique.Bien entendu, cela n'engage que moi. (C'est un peu long, désolé.)
- Pourquoi le 1er décembre j’irai à la manifestation Rosa Parks et pas à celle des Gilets Jaunes -
Je pense que, comme à peu près tout le monde, l’antiracisme politique, a été pris de court par l’ampleur du mouvement des Gilets Jaunes. 300 000 personnes dans la rue le 17 novembre, 100 000 le 24 et nul doute qu’ils seront tout aussi nombreux le 1er décembre. Plus encore, il a été pris de court par le niveau de la contestation sociale actuelle, car, le 1er décembre, ce ne sont pas seulement les Gilets Jaunes qui appellent à manifester, mais bien plusieurs pans de la société, comme la CGT ou bien encore les syndicats étudiants pour contester la hausse faramineuse des frais d’inscriptions des étudiants étrangers.
Dans tout ce bouillonnement il y a l’antiracisme politique qui appelle les indigènes à disparaître le 30 novembre et réapparaître, lors d’une manifestation, le 1er décembre. Les dates de ces journées d’action, qui se sont décidées au sortir du Bandung du Nord en mai 2017, avaient été choisies en l’honneur de Rosa Parks, cette femme afro-américaine qui, le 1er décembre 1955, refusa de céder sa place dans le bus et ainsi refusa de se plier aux lois ségrégationnistes des États-Unis, devenant alors un symbole de la lutte antiraciste.
Lorsque les dates ont été fixées, l’antiracisme politique était loin de se douter qu’il y aurait alors un tel niveau de contestation sociale, avec comme point d’orgue l’image forte de personnes vêtues de gilets jaunes montant des barricades sur les Champs-Élysées. Ainsi, les appels à manifester le 1er décembre se multiplient, allant de la simple « alliance » à une manifestation autonome. L’effervescence est telle que certains des militants de l’antiracisme politique craignent que leur manifestation soit noyée dans le flot des autres contestations sociales, en particulier celle des Gilets Jaunes. Ce fut le cas en partie pour la Marche contre les violences faites aux femmes qui, malgré son succès incontestable (30 000 personnes à Paris), a bénéficié d’une couverture médiatique bien plus faible. Est-ce que l’antiracisme politique court le même risque ? Assurément. Mais il le court dans tous les cas, l’antiracisme politique est constamment soit ignoré soit dépeint négativement par le champ médiatique blanc.
Reste que la question de la stratégie à adopter face aux Gilets Jaunes, mouvement qui occupe le devant de la scène politique et médiatique depuis plusieurs semaines et mobilise dans les rues un nombre important de personnes, a suscité de nombreux débats au sein de l’antiracisme politique. Que faire ? Devant ce casse-tête il ne faut pas s’enfermer dans une dualité simpliste qui opposerait deux choix : celui de les rejoindre ou celui de les rejeter. Il est nécessaire d’adopter un point de vue plus complexe, mais surtout une réponse qui puisse assurer une stratégie essentielle de notre camp : la préservation de notre autonomie et la priorisation de nos initiatives.
Il est encore bien difficile de définir de manière certaine le mouvement des Gilets Jaunes, tant celui-ci est protéiforme et sans direction politique claire. S’il a pris forme à partir de la contestation de l’augmentation des prix des carburants, les revendications se sont depuis élargies et diversifiées, en étant parfois même contradictoires. Il est aussi difficile de se prononcer sur sa composition, elle paraît relativement hétérogène, mais nous pouvons légitimement penser que nous nous trouvons devant un mouvement rassemblant les Blancs de classe moyenne ou « petits-moyens », peu structuré dans le mouvement social et politique habituel, et ne se concentrant pas seulement sur Paris mais sur l’ensemble du territoire. Ils représenteraient ainsi la « France qui souffre en silence », ces petits-Blancs, que certains appellent les « beaufs », et dont personne ne se soucierait si ce n’est quelques tentatives du Front National, Debout La France ou encore la France Insoumise...
Quelle attitude l’antiracisme politique doit adopter face à ce mouvement à la forme et aux revendications flottantes ? Sa position était attendue d’autant plus que des actes racistes ont été perpétrés durant ces journées de mobilisation, que ce soit une femme musulmane à qui l’on a demandé de retirer son voile ou alors des migrants livrés à la police. Évidemment, ces agissements ne peuvent que scandaliser au plus haut point chaque militant antiraciste, et il est urgent de lutter activement pour qu’ils ne se reproduisent plus. Mais il ne faut être ni naïfs, ni idéalistes, il ne faut pas tomber non plus dans le moralisme en condamnant l’ensemble du mouvement. Nous vivons dans une société dont les structures sont foncièrement racistes, il est alors totalement absurde d’imaginer qu’un mouvement spontané, composé en plus de personnes peu présentes dans le champ militant classique, ne soit pas hanté par ce racisme. Une société réactionnaire produit logiquement des citoyens relativement réactionnaires. Il faut ajouter à cela que la mobilisation des Gilets Jaunes est habitée de toutes les contradictions que nous retrouvons dans notre société, ainsi à côté des actes racistes nous pouvons trouver des actions de solidarités envers des non-Blancs.
Surtout, le fond de la colère qui anime les Gilets Jaunes est légitime. Les a priori sur l’antiracisme politique décrivent ce dernier comme un courant politique qui essentialise l’ensemble des Blancs et les voit comme des privilégiés qui ont forcément la belle vie. Rien n’est plus faux. L’antiracisme politique ne nie pas la souffrance des « petits-blancs », des « beaufs », de la « France d’en bas ». Simplement, il affirme que quitte à être au bas de l’échelle sociale, en termes de classe, il est toujours plus avantageux d’être blanc, que les indigènes se trouvent généralement en dessous de cette « France d’en bas », et surtout que les indigènes font face à des problématiques que même les plus dominés des Blancs n’ont pas à subir, comme les violences policières ou la discrimination à l’embauche. Les indigènes ont des intérêts propres, qui amènent des objectifs propres, ils veulent la dignité, la justice, l’égalité. Cela passe impérativement par la lutte contre tous les racismes et toutes les discriminations mais aussi contre les politiques sociales et culturelles qui les alimentent, contre les mentalités héritées de la colonisation et tirées du nationalisme républicain si populaire actuellement. Sans oublier la lutte contre les politiques néocoloniales de la France à l’égard de ses anciennes et actuelles colonies.
Ces particularités de la condition indigène doivent conduire l’antiracisme politique à ne pas transiger sur son autonomie. La colère des petits-blancs est légitime, je le répète. Toutefois, si effectivement le mouvement est encore informe, il penche dangereusement sur sa droite, que ce soit par l’attirance directe pour l’extrême-droite, ou alors par une forme de social-chauvinisme dont l’un des principaux mots d’ordre est la « souveraineté nationale ». Pour enrayer cette dynamique il est nécessaire, si l’on souhaite avoir une perspective révolutionnaire, d’accompagner ce mouvement et de tenter de radicaliser ses acteurs dans le sens opposé. Car si l’antiracisme est toujours critique envers ce qu’il nomme « la gauche blanche », je pense qu’il préfère toujours une radicalisation à gauche plutôt qu’à droite. Mais ce travail doit être fait - et ne peut être fait que - par nos plus proches alliés de la gauche blanche. Cette tâche n’incombe pas à l’antiracisme politique, d’autant plus que les principales propositions faites pour le moment ne vont pas dans le sens de ses intérêts et de ses combats. Le concept de souveraineté nationale chère à une partie de la gauche pourrait effectivement profiter, indirectement mais aussi secondairement, aux indigènes de France, mais il va à l’encontre de nos positions anti-impérialistes.
Au-delà même des revendications portées par les Gilets Jaunes qui ne correspondraient pas à celle de l’antiracisme politique, les rejoindre pose d’autres problèmes, remettant en cause son autonomie même. Dans le livre Black Power, Charles V. Hamilton et Stokely Charmichael (Kwame Ture) ont consacré un chapitre entier aux relations à entretenir avec les mouvements blancs et aux coalitions. Durant de nombreuses pages dans lesquelles ils ont insisté sur la nécessité d’établir un mouvement noir fort et autonome, cette priorité est mise en exergue quand la question des coalitions est abordée. L’idée de coalition n’est pas, selon eux, à bannir, mais il est primordial de dégager les bases politiques sur lesquelles elle pourrait être viable, et cela d’autant plus que malgré son taux de radicalité, un Blanc « ne peut finalement échapper à l’influence toute-puissante que la blancheur de sa peau exerce dans une société raciste - sur lui et sur les Noirs. » (p100).
Tout d’abord, la condition sine qua non à toute coalition est la présence de forces politiques constituées. Or, cette condition ne me semble pas être remplie dans le cas qui nous intéresse ici. L’antiracisme politique, ou même un mouvement des quartiers populaires, ne bénéficie pas encore, à mon humble avis, d’une base sociale conséquente qui légitimerait une telle alliance, et risque de servir seulement de « caution indigène ». L’antiracisme politique reste une force en cours de construction, et cette construction autonome devrait rester sa priorité, surtout si l’on souhaite ensuite nouer des alliances. De même, parler de coalition avec les Gilets Jaunes pose problème car ce n’est pas un groupe politique structuré et organisé, il me paraît très hasardeux de s’allier à un mouvement qui n’a pas lui-même défini ses propres contours.
La deuxième nécessité à l’idée d’une coalition est que le camp blanc d’en face affirme la volonté de remettre en question les structures racistes de la société dans laquelle il évolue et qui lui accorde des privilèges malgré tout, en exploitant davantage les indigènes. Il faut se méfier des comparaisons hâtives, surtout celles qui amènent à penser que les indigènes et les « beaufs » partagent au fond, malgré quelques particularités, les mêmes conditions et, surtout, que nos intérêts sont les mêmes, « les Noirs ne peuvent se permettre de prétendre que ce qui est bon pour l’Amérique blanche convient automatiquement au peuple noir » (p105). Il faut aussi garder en tête les intérêts de nos frères et sœurs du Sud. Bien souvent défendre les intérêts des citoyens du Nord se fait à leur détriment. Les Gilets Jaunes, qui se sont mobilisés avant tout pour protester contre l’augmentation du prix des carburants, n’échappent pas à ce constat. Pour répondre à leurs revendications, nul doute que l’État français accentuera le pillage des richesses du Sud à travers une politique impérialiste qui n’a jamais été pointée du doigt dans le mouvement.
La troisième nécessité pour garantir qu’une coalition soit durable est qu’elle doit être conclue par deux camps égaux, or cela ne me semble pas être le cas dans le contexte actuel. Si l’antiracisme politique a gagné de nombreuses batailles depuis une dizaine d’années, et que son discours commence à être incorporé par une partie du champ politique de manière positive, en particulier dans la gauche radicale, il est toutefois loin d’être hégémonique. Une grande partie du champ politique rejette totalement notre combat, et le champ médiatique ne cesse de nous dépeindre sous les pires aspects, la dernière intervention d’Houria Bouteldja au Nouvel Observateur le démontre.
Nous n’avons pas le rapport de force qui nous permet de peser face aux mouvements des Gilets Jaunes, qui, malgré quelques critiques opportunistes du gouvernement qui le renvoie à une manifestation d’extrême-droite, profite d’une mansuétude toute particulière, même lorsqu’ils vandalisent les Champs-Élysées. Je n’ose imaginer la couverture médiatique mais surtout le niveau de répression policière si cela avait été perpétré par des indigènes. Ils profitent d’un soutien populaire plus important que l’antiracisme politique, en grande partie parce qu’ils sont perçus comme plus légitimes pour protester. Ils représenteraient la « France qui souffre en silence », celle qui n’en peux plus, celle qui ne souhaite plus baisser la tête et qui ose maintenant manifester. Abdelmalek Sayad montrait que l’indigène est perçu comme un « invité » en France, et en tant qu’invité il n’a pas le droit de se plaindre, car ce serait un flagrant manque de savoir-vivre pour quelqu’un qu’on héberge déjà généreusement. Pour les Gilets Jaunes, c’est l’inverse, leurs souffrances sont vues comme plus injustes que celles des indigènes, et leurs colères plus légitimes, parce qu’ils souffrent alors même qu’ils sont chez eux ! Ils souffrent dans leur propre maison ! Et parfois ils souffrent encore plus que les invités qui profitent grassement sans rien faire !
Le rapport de force entre l’antiracisme politique et les Gilets Jaunes est donc bien trop inégal pour espérer qu’une coalition pérenne et juste puisse voir le jour. Oui, des Gilets Jaunes peuvent appeler, et de manière tout à fait sincère, à ce que les indigènes, les « jeunes de banlieues » comme ils les appellent, les rejoignent pour lutter ensemble, mais comme le souligne les auteurs de Black Power « la politique est le produit d’un conflit d’intérêts, non d’un conflit de consciences. [...] Ce ne sont pas la morale et les sentiments qui résoudront ces conflits, et les Noirs doivent le comprendre. Aucun groupe ne devrait contracter des alliances ou des coalitions en se fiant à la « bonne volonté » de ses alliés. » (p115-116). Et le risque, face à ce déséquilibre du rapport de force est de voir l’antiracisme politique, et ses combats, noyé par ceux des Gilets Jaunes.
Reprenons les quatre conditions préalables et essentielles que nous indiquent S. Carmichael et C. V. Hamilton, pour qu’une coalition soit viable :
1 - la reconnaissance des intérêts respectifs des parties prenantes ;
2 - la conviction, des deux côtés, que c’est en fonction de cet intérêt que l’alliance se fonde ;
3 - l’acceptation du fait que, dans cette coalition, chaque partie possède une part indépendante de pouvoir et ne dépend de personne pour la prise de décision ;
4 - la conscience que cette coalition se fait sur des objectifs bien précis, clairs et identifiables et non sur des buts abstraits, généraux et vagues.Il apparaît alors que ces conditions sont loin d’être remplies, et qu’il faut alors se prémunir de toute coalition trop hâtive.
Je ne suis pas par principe contre la coalition avec les Gilets Jaunes, et je n’interdis à personne de le faire. Mais en tant que militant de l’immigration et des quartiers qui revendique son autonomie, je pense que les coalitions doivent se faire d’égal à égal avec des objectifs précis, et non pas sur des principes creux. Certes, le contexte actuel est agité, et il est normal de craindre de ne pas s’accrocher au bon wagon de l’histoire. Mais il est important de raison garder, de prendre du recul, et ne pas se laisser non plus emporter sans réfléchir par le mouvement. L’antiracisme politique œuvre depuis des années pour se constituer en force souveraine et autonome, et alors qu’il semble gagner de plus en plus de terrain, il serait dommage d’en perdre dans des coalitions incertaines avec un mouvement qui priorise les intérêts d’un partie du groupe social blanc. Dans le contexte actuel, et encore plus dans cette effervescence sociale, je pense qu’il est important de garder notre cap, que l’antiracisme politique continue à se constituer comme une force politique autonome qui a vocation à bouleverser le champ politique, et non pas nouer simplement des coalitions pour exister. L’antiracisme politique doit préserver sa propre identité, ses propres stratégies, ses propres valeurs, ses propres mots d’ordre et ses propres objectifs, et prendre conscience du rôle qu’il a à jouer.
Je ne m’oppose pas aux Gilets Jaunes, mais je ne rejoins pas non plus le mouvement. Je comprends la colère qui anime ses acteurs, tout en déplorant les dérives racistes qui ont pu se manifester, et qu’il faut combattre. Et il me semble que le meilleur moyen de lutter contre ça n’est pas de se noyer dans les Gilets Jaunes, en courant le risque d’être inaudible, mais de se constituer à côté, de manière autonome, en faisant entendre les objectifs, et en défendant nos intérêts, à nous indigènes du Nord.
Je ne condamne pas non plus les personnes qui ont fait le choix de rejoindre ce mouvement, je peux même comprendre les raisons de leur choix, j'expose simplement ici mon opinion.
C'est par conviction profonde que je me place plus que jamais du côté du Collectif Rosa Parks. Si je disparais le 30 novembre, ce n’est pas pour réapparaître aux côtés des Gilets Jaunes, mais plutôt auprès des miens, les indigènes du Nord. Le 1er décembre nous réapparaîtrons plus fort pour dire que nous aussi, nous existons, nous aussi nous avons toute légitimité à protester, à montrer notre colère et à revendiquer nos droits. Le 1er décembre nous marcherons sur Paris en portant fièrement et dignement les couleurs de l’antiracisme politique et en mettant en avant les intérêts des indigènes qui semblent être oubliés dans cette effervescence sociale."
- Le Comité Adama appelle à manifester samedi 1er décembre aux cotés des gilets jaunes.
Les quartiers populaires sont confrontés aux mêmes problématiques sociales que les territoires ruraux ou périurbains - dits "périphériques" - touchés par la politique ultra libérale de Macron.
Nous aussi nous habitons des territoires enclavés, même à proximité des grands centres urbains.Nous aussi, habitant.es des quartiers populaires, nous travaillons le plus souvent dans les secteurs les plus précaires pour des salaires de misère.
Nous aussi nous devons parfois faire plusieurs heures de voiture pour nous rendre sur nos lieux de travail : dans des usines, dans des entrepôts, dans le nettoyage industriel ou encore dans le secteur de la sécurité. Pour beaucoup parmi nous, c'est aussi le chômage, qui atteint 40% dans certains quartiers.
À ces inégalités sociales, s'ajoutent le racisme, les humiliations quotidiennes et les violences policières. Violences policières auxquelles les gilets jaunes sont aussi confrontés aujourd'hui à leur tour. Après celui contre la loi Travail, c'est maintenant le mouvement des gilets jaunes qui connait cette répression.
Ne laissons pas le terrain à l'extrême-droite, et réaffirmons nos positions contre le racisme à l'intérieur du mouvement des gilets jaunes.Faisons alliance à égalité, avec nos spécificités, contre le régime Macron qui détruit nos vies, et qui nous laisse agoniser chaque fin de mois pour parvenir à nourrir nos familles.
Nous appelons tous les habitant.es des quartiers populaires à venir massivement se battre pour leur dignité le samedi 1er décembre. Comme le font les habitants de La Réunion qui nous ont montré la voie.
Avec le soutien de l'Action Antifasciste Paris-Banlieue, Plateforme d'enquête militante.Le comité Adama rejoint les Gilets Jaunes : « Ce n’est pas une alliance au prix d’un renoncement politique »
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Commentaires
La ripoublique qu'incarne à merveille M.Alain Juppé, serait en danger dit-on ici et là avec un air grave dans les diners en ville et les salles de rédaction des + grands titres de presse.....Peut-être mais qui met en danger notre République ? Ne serait-ce pas ceux qui du haut de leurs éminentes responsabilités violent sans vergogne l'Etat de droit et finissent par être condamnés en justice quand on sait la longueur et la difficulté des procédures concernant cette catégorie de citoyens? Ceux-là même qui en dépit de condamnation (s) en justice prétendent ensuite devenir « juges suprêmes » ? Qu’est-ce que c'est que ces histoires ? Où est-on ? Dans ce pays qui a adopté la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ? Non,nous sommes désormais dans un Etat aux mains de ploutocrates et de « responsables » qui estiment se situer au-dessus des lois communes, exclusivement réservées aux citoyens lambda.C'est une honte!Continuons à dénoncer la Ripoublique et ses représentants véreux (Chirac, Sarkozy, Fillon, Cahuzac, Balkany, Guéant, Larcher, Benalla + tous ceux qui sont d’ores et déjà inquiétés par la justice)!