• [Texte écrit avant, mais déjà dans la perspective certaine de l'élection de Bolsonaro, qui vient donc de remporter la présidence fédérale du Brésil par 55% des suffrages exprimés (plus de 30% - 40 millions ! - d'abstentions ou de votes blancs ou nuls).]


    http://nosinfo.org/index.php/rubricas/politica/item/819-analyse-de-la-situation-bresilienne-ce-n-est-que-le-point-de-depart-apenas-o-ponto-de-partida

    Ce n'est que le point de départ (Apenas o ponto de partida)

    Igor Mendes

    https://anovademocracia.com.br/noticias/9763-apenas-o-ponto-de-partida 

    Sur la situation au Brésil - un article maoïste

    Ne pas participer à la farce électorale, ne pas légitimer ce grotesque jeu aux dés pipés, est la seule réponse qui prépare le terrain aux luttes de demain.

    Le premier tour des élections a consacré la nette victoire de Jair Bolsonaro (PSL), obtenant quelques 49 millions de suffrages, sur Fernando Haddad du PT. Dans les États fédérés, les alliés de la première ou dernière heure de l'ancien capitaine ont souvent réussi une rapide ascension face à leurs concurrents et détrôné quelques figures de proue de la politique traditionnelle du pays. Chefs d'entreprises, juges, militaires pullulent à présent comme représentants de la "nouvelle politique" avec la bénédiction de Dieu, de la Bourse et de l'évêque Edir Macedo (mais pas forcément dans cet ordre).

    Quelle hypocrisie ! Ce sont ces bureaucrates, ces entrepreneurs nouveaux riches qui piétinent au quotidien le peuple le plus pauvre dans les terribles engrenages juridiques, policiers et administratifs du vieil État réactionnaire. Si les parlementaires corrompus rédigent les lois, ce sont ces messieurs soi-disant "éthiques" qui les font appliquer à fer et à feu contre les masses populaires, pendant qu'ils jouissent de salaires exorbitants et de toutes sortes d'avantages financés par ce même argent public dont ils se prétendent gardien. Derrière cette façade "respectable" s'abritent d'anciens producteurs de films pornos, des tueurs professionnels ou encore des politicaillons du petit clergé, dans le spectacle abject qu'est devenue la politique officielle du pays.

    La vérité est qu'une partie importante des masses, faute de trouver une alternative qui représente clairement ses intérêts et assommée par des années de récession et de sous-emploi, a pu se laisser attirer par les sirènes de ceux qui parlent le plus fort contre "tout ça". Ceci nous est démontré par le fait que tous les principaux partis de la "Nouvelle République" [depuis la fin de la dictature militaire, 1985, NdT], et non moins voire plus que les autres le PT, ont subi la défenestration de leurs vieux caciques et une perte considérable de sièges dans le législatif comme l'exécutif [il faut aussi rappeler à ce stade que le PT a été poussé dans la tombe, au bord de laquelle l'avaient mené 13 ans de gestion "de gauche" du capitalisme semi-colonial, par le coup d'État parlementaire de 2016 et la persécution judiciaire de ses principaux dirigeants]. Il est également nécessaire de souligner que quelques 30% de l'électorat, 40 millions de personnes, ne se sont pas présentées devant les urnes ou ont voté blanc ou nul, taux le plus important depuis des décennies [dans un pays où le vote est obligatoire NdT]. Ceci montre sans équivoque l'illégitimité de ces élections, comme institution capable de représenter réellement la volonté populaire.

    De fait, lorsque nous voyons la Bourse monter et le taux de change du dollar baisser face à la monnaie nationale à mesure que Bolsonaro progresse dans les prévisions, il apparaît clairement que le "marché", ce gouvernement invisible, a déjà choisi son camp. Ce qui vient corroborer la thèse, depuis toujours défendue dans nos colonnes, que les élections ne sont rien de plus qu'un grotesque jeu aux dés pipés.

    En définitive, quelle est la signification de la victoire promise du duo Bolsonaro-Mourão ?

    Il faut d'abord le dire fermement : ce sera une victoire à la Pyrrhus, pour la simple et bonne raison que leur gouvernement représentera des intérêts diamétralement opposés à ceux de l'immense majorité du peuple brésilien. Bien qu'il puisse, à court terme et de prime abord, présenter une apparence de solidité, s'appuyant sur un Congrès National caractérisé par son inertie vis à vis de quiconque occupe le Palais présidentiel, il ne tardera guère à être démasqué. Deux types de contradictions minent d'ores et déjà la chape de plomb ultra-réactionnaire : celles entre la cupule dirigeante et ses bases, puisque, contrairement à ce que celle-ci prétend, elle gouvernera en faveur de "tout ça", de l'ordre établi, frustrant les espoirs de "rupture" de ses électeurs ; et celles au sein même de la cupule elle-même, déjà partagée entre une aile dite ultralibérale, liée au secteur bancaire international, qui voudrait privatiser tout ce qui peut l'être, et une autre affirmant vouloir "préserver les secteurs stratégiques", s'identifiant avec les secteurs bureaucratiques du capital monopoliste (militaires au discours patriotiques).

    Un exemple éloquent des contradictions insolubles sous-jacentes est la question des impôts. Prenons la grande propriété agraire, l'agro-business : ceux-ci ne survivent, de fait, qu'au prix de massives subventions d'État, que ce soit sous la forme de crédits, ou de déductions fiscales, et leur soutien ne sera garanti que tant que l'ensemble de la population restera écrasé d'impôts pour les soutenir ainsi. L'État "minimal" promis ne sera ainsi minimal que pour ce qui concerne les droits sociaux de la majorité, et conservera sa "grosseur" actuelle pour ce qui est de distribuer les privilèges à une minorité. La vaste "classe moyenne" de petits et moyens propriétaires (dans le commerce, les transports, les services, l'industrie etc.), pour férocement "bolsonariste" qu'elle soit, finira par recevoir la facture de tout cela. Son enthousiasme actuel pourrait bien  alors se retourner en son contraire.

    La crise, quoi qu'il arrive, se poursuivra et avec elle l'insatisfaction populaire et la contestation. Le 28 octobre ne signifiera ni sa résolution, ni un quelconque grand "retour en arrière", pour furieuse que tende à se faire la lame de fond anticommuniste, mais seulement le point de départ d'une nouvelle grande vague de secousses politiques qui déferlera inévitablement.

    Le grand projet de conciliation nationale représenté au long des dernières décennies par le PT, a échoué et s'évanouit à vue d'œil. Depuis les Journées de Juin [2013], la lutte des classes au Brésil se radicalise rapidement. Marx nous a expliqué que la révolution sera l'œuvre de ceux qui n'ont rien à perdre que leurs chaînes. Ce que nous pouvons voir est que la gauche officialiste du pays, enchaînée par mille petits liens à l'ordre ancien, représente ceux qui ont quelque chose à perdre, qui sont nostalgiques du temps où les secousses sociales ne venait pas sous leurs fenêtres les priver de leur stabilité et les arracher à leur routine chérie. Et ce, pour ne pas parler de ceux qui ont carrément fait fortune depuis les hautes sphères de l'appareil réactionnaire d'État.

    Le PT, appuyé par le révisionnisme du PCdoB et autres faux communistes, qui a vendu au long des dernières décennies l'indépendance du mouvement ouvrier et populaire, l'a démobilisé, dépolitisé et converti en un inoffensif appendice de la démocratie bourgeoise, nous a conduits là où nous sommes. La montée de l'extrême-droite n'a pas surgi de nulle part, par volonté divine ou loterie. Elle s'explique par le processus historique. La prétention à remplacer la lutte des classes par le populisme assitancialiste, tout en appliquant toutes les recettes économiques de l'impérialisme, s'inscrit dans l'offensive générale de la contre-révolution mondiale déchaînée depuis les années 1980 et n'a fait que tromper une grande partie des masses. Tous ceux qui n'ont fait qu'alimenter des illusions quant à une prétendue transformation pacifique et indolore de le société brésilienne, exclusivement menée par en haut, respectueuse "des autorités et des lois" (nous savons bien dans quelles classes ces autorités se recrutent et qui leurs lois servent...), recueillent aujourd'hui ce qu'ils ont semé et parmi eux, ceux qui s'identifient sincèrement aux véritables intérêts des classes populaires doivent réfléchir avec les plus grands sérieux et honnêteté à tout cela.

    [Lire : http://ekladata.com/Bresil-paye-erreurs-PT.pdf]

    Les réformistes traitent le phénomène réactionnaire comme extérieur à la lutte des classes, dans une supposée lutte entre "civilisation et barbarie", fort peu convaincante pour les miséreux qui connaissent déjà de près la barbarie aux portes des hôpitaux ou dans les files de sans-emploi. Ils ne veulent pas vaincre le Talon de Fer de la Réaction dans une lutte à mort, mais le tenir en laisse avec les lois de la propre bourgeoisie. En fin de compte, il ne leur reste qu'à se lamenter du désordre. Ces personnes, qui ont lu les philosophes bourgeois, ont cru pieusement que la démocratie bourgeoise était réellement démocratique, éternelle et immuable. Lima Barreto, il y a un siècle, devançait de loin ces intellectuels contemporains lorsqu'il s'exclamait : "La loi... Quelle farce, quelle escroquerie pour dépouiller les faibles et les naïfs !"1.

    Le processus de réactionnarisation de l'État bourgeois et grand propriétaire terrien, au service de l'impérialisme, est inévitable. Quelle autre forme de gouvernement est compatible avec une aussi brutale concentration de rente, de terres, des millions de personnes sans ou en sous-emploi et une économie toujours plus agro-minéro-exportatrice ?

    Ceci est un chemin sans marche arrière. Dans les faits, la Réaction n'a pas et n'a jamais eu la moindre hésitation à piétiner ses propres lois si ses intérêts l'exigent. Critiquant les illusions constitutionnelles si caractéristiques de toute une pseudo-gauche opportuniste et électoraliste, expression typique de l'idéologie petite-bourgeoise, Lénine disait : “Si le pouvoir politique d'État se trouve entre les mains d'une classe dont les intérêts coïncident avec ceux de la majorité de la population, alors il est certes possible de gouverner l'État en réel accord avec la volonté majoritaire. Mais si le pouvoir politique se trouve aux mains d'une classe dont les intérêts ne sont pas ceux de la majorité, alors quelque gouvernement 'selon la majorité' que ce soit devient un leurre et outil de répression de cette majorité. N'importe quelle république bourgeoise nous montre des centaines et des milliers d'exemples de cela. Pour cette raison, toute la question, si celle-ci est posée en termes matérialistes et marxistes et non juridico-formels, consiste à exposer cette divergence d'intérêts et combattre la tromperie des masses par la bourgeoisie”2.

    Non seulement les régimes fascistes, mais même les constitutions les plus démocratiques ont toujours prévu des mesures extrêmes, des états d'exception contre les rébellions de masse. Les libertés démocratiques sont pour nous un moyen de préparer les grandes batailles à venir, et doivent en ce sens être défendues, mais pas comme un prétexte pour renoncer à ces batailles, qui tôt où tard feront rage.

    L'opposé du fascisme, en dernière analyse, n'est pas la démocratie bourgeoise mais la révolution prolétarienne.


    Notes :
    1 - Lima Barreto, “O cemitério dos vivos, p. 85. 
    2 - Lénine, “Sur les illusions constitutionnelles”, éditions Avante!, Œuvres choisies en 6 tomes, tome 3 p. 303.

    Sur la situation au Brésil - un article maoïsteSur la situation au Brésil - un article maoïste

    Sur la situation au Brésil - un article maoïste

    Relire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/bresil-le-fasciste-bolsonaro-en-tete-l-heure-de-verite-a-sonne-a148856184

    [Complément - sur la sociologie du vote Bolsonaro (discussion FB)]

    Au Brésil le vote Bolsonaro est de classe, de race sociale et ne déborde chez les pauvres et les non-Blancs que sur une classique thématique sécuritaire (faut dire que là-bas on ne risque pas juste un arrachage de portable, la misère fait que la violence au sein du peuple est grande), et un discours de "vous aussi en étant travailleurs vous pouvez devenir riches", qui ici serait macronien. Il n'y a AUCUNE rhétorique 'sociale', populiste, anti-'élites' etc.

    "Oui, ce sont surtout les classes moyennes et supérieurs blanches qui votent Bolsonaro. Reste qu'aucun mouvement de gauche n'arrive à rassembler en masse. Le vote PT etair davantage un vote d'opposition que d'adhésion contrairement à celui de Bolsonaro."

    Voilà... Et ça c'est ce qui manque souvent aux extrêmes droites européennes (même si les gens adhérent toujours un peu plus qu'on ne le dit, comme pour les excuser).

    Par contre le vote Sarkozy en 2007 se caractérisait par être un vote d'adhésion et le vote Royal un vote non à Sarkozy. La sociologie de ces votes d'ailleurs était sûrement la plus proche de celle au Brésil aujourd'hui. Sauf que Bolsonaro serait un Sarkozy qui appliquerait vraiment le programme Buisson...

    Erdogan par exemple, c'est la Turquie "noire" (karatürk), comprendre "profonde", "bouseuse".

    Et de la même façon, la Lega c'est l'Italie du Nord "noire" et le M5S l'Italie du Sud "noire". Le vote des Italiens de l'étranger (gens plutôt éduqués, relativement aisés) pour le centre gauche est édifiant.

    Modi en Inde, c'est l'Inde "noire", profonde, religieuse et nationaliste contre le Congrès de l'Inde éduquée et ouverte sur la modernité mondialisée. Les subalternes de Spivak votent largement plus pour le BJP que pour la gauche dont elle essaye d'être un think tank.

    Et au Venezuela, le chavisme lui aussi est quelque part l'expression et l'affirmation d'un Venezuela "noir", ayant petit à petit engendré une bourgeoisie ou des cadres administratifs et militaires, face aux élites "traditionnelles".

    Bolsonaro par contre, ce n'est pas du tout ce phénomène. Le vote des Brésiliens de l'étranger, en sa faveur, est là encore éloquent (les Brésiliens de l'étranger ont plutôt un profil aisé-éduqué... parce que sinon on pourrait dire que les Turcs de l'étranger sont aussi massivement erdoganistes, mais ce n'est pas la même sociologie du tout).

    Vraiment, c'est un vote très ressemblant à celui pour Sarkozy en 2007. Oui, il y a quelques CSP+ qui ont voté 'progressiste' Haddad, ou centriste au premier tour, mais c'est une goutte d'eau. Bolsonaro reste un vote de possédants contre les pauvres et de Blancs contre les non-Blancs, avec quelques non-Blancs pas bien riches qui ont voté pour lui sur des réflexes micro propriétaires sécuritaires.

    Ici on disait que "les jeunes, plus ils étaient diplômés plus ils votaient Royal ou Bayrou"... Sauf que la réalité dans ce pays c'est qu'un faiblement diplômé qui a appris un bon métier à 16-18 ans, à 25 ans il gagne autour de 2 000 € par mois, a une baraque avec jardin et une bagnole, c'est un petit proprio. Alors que celui qui sort à peine de 5 ou 6 ans de fac gagne de quoi survivre à McDo ou en centre d'appel, ou fait des stages à peine rémunérés. Dans les faits le vote Sarko restait un vote de compte en banque et les bureaux de vote des quartiers "difficiles" avaient sortis jusqu'à 80% de bulletins Royal (sans doute pas par adhésion à son programme). Les adhérents du MEDEF et de la CGPME : 95% Sarkozy, etc. [voir ici et ici].

    (Blabla postmo de merde gna gna gna prout prout) "Genre en europe les gens adhèrent pas a l extrême droite, ms c est pas possible ce déni et genre les brésiliens sont des cons qui adhèrent a ces idées, bolsonaro n est pas un nazi, dc déjà on parle pas des mêmes choses en termes d extrême droite....et à quel moment c est pertinent de comparer france et brésil et ns parler du vote en faveur de Sarkozy ? La race et la classe suffisent pas, c est bcp plus compliqué, vous avez oublié le genre. Tiens on remarquera que les hommes, même racisés, votent bien plus réac que les femmes, oh tiens donc serait-ce parce qu au Brésil il y a eu un énorme combat des femmes et qu elles sont actives politiquement et que ca en gêne bcp ? Femmes dont vous ne parlez jamais et qui sont les premières en lignes de mire, vue que le droit à l IVG a été remis en cause dès dimanche soir. Le Brésil n est pas la France. Voici ici un aperçu de qui a voté quoi...ds ce graphique vous pouvez voir que l analyse vote surtout blanc en faveur de bolsanoro ne tient pas réellement...sinon il aurait pas fait autant."

    Et le vote des femmes blanches ? Je tiens à ma main, mais je pense pouvoir la mettre à couper qu'on a une majorité de l'ordre de 55% pour Bolsonaro comme pour Trump.

    "Ms je minore pas le vote des blancs, je dis que bcp de racisés ont voté pr lui ! et que ce sont justement les précaires qui ont le moins voté pr lui et les femmes bon sang même blanches vous croyez qu elles veulent voter pr un mec violeur et qui les insulte et remet en cause l IVG ? oh ca va aller ?"

    Elles l'ont bien fait pour Trump (les blanches), à hauteur de 53%. Seule race aux US où les femmes ont majoritairement voté pour lui (seule race qui a majoritairement voté pour lui tout court en fait... et un peu plus les hommes que les femmes).

    Par contre c'est vrai que pas que des Blancs ont voté pour lui. Déjà il y a beaucoup de Blancs déclaratifs qui pour les Brésiliens vraiment blancs (blancs à nos yeux) ne le sont pas, comme le footballeur Ronaldo. Il y a aussi (différence avec les US ou ici) des régions où le vote n'est pas libre, voire moins libre qu'en Turquie, mais 'conseillé' par des pistoleros (Rondônia, État métis afro-indigène, luttes énormes, 72% pour Bolsonaro... mais genre 40% d'abstention par contre). Il y a les églises évangéliques. Et enfin il y a le sentiment micro propriétaire axé sur l'insécurité, le risque de vol (qui là-bas peut souvent s'accompagner de grandes violences ou de meurtre) et les 'solutions' radicales contre ça.

    Les femmes d'ailleurs craignent l'insécurité autant que les hommes, voire plus. Un mec qui parle de régler ça à la mitrailleuse peut facilement gagner leurs suffrages même si il est anti IVG et myso revendiqué.

    Sur la situation au Brésil - l'analyse maoïste d'A Nova Democracia

    "Ms la gauche n est pas molle au Brésil....il y a un rapport de force tres dur et complexe..."

    Oui ça c'est vrai.

    Il y a même de la gauche tellement pas molle qu'elle avait pour consigne le boycott et le sabotage par tous moyens de la 'farce électorale'. Et de fait c'est ce que 40 MILLIONS de personnes, 30% de l'électorat, ont fait.

    Si on prend le Rondônia : il compte 1,8 millions d'habitants, ce qui fait dans les 1,25 millions d'électeurs.

    Pourtant, les résultats que l'on voit sur cette image totalisent 825.000 personnes ayant voté (72% pour Bolsonaro...).

    Ça s'explique d'une part parce que pour beaucoup de gens il n'y a pas la liberté démocratique de voter pour qui ils veulent : il y a des pistoleros, des milices de grands propriétaires et soit tu votes Bolsonaro soit tu votes rien, mais pas Haddad.

    Et d'autre part parce que les maoïstes qui y sont bien implantés avaient pour consigne le boycott (et de poursuivre les occupations de terres, qui sont nombreuses, et se préparer à la guerre).

    Il résulte de ces deux facteurs un gros tiers d'abstentionnistes.

    Là par exemple ça n'a certainement pas voté :

    https://anovademocracia.com.br/noticias/9751-a-nova-democracia-visita-areas-revolucionarias-em-rondonia-em-breve-serie-especial-sobre-a-luta-no-estado

    "Par contre j'ai du mal avec cette logique du boycott du vote quand on fait face à un tel danger. Il faut être pragmatique, la radicalité ne doit pas l'empêcher."

    Ce n'est pas irresponsable si on se prépare sérieusement à la lutte et que ce n'est pas du blabla et du jeu de rôle grandeur nature. Comme ici quoi.

    Ici oui, l'an dernier, si Le Pen avait été annoncée gagnante ou même ric rac, ça aurait été irresponsable.

    Disons que les maoïstes locaux ont d'abord une analyse du PT, qui est, bon, la somme toute assez classique analyse communiste révolutionnaire de la social démocratie :

    "Le PT, appuyé par le révisionnisme du PCdoB et autres faux communistes, qui a vendu au long des dernières décennies l'indépendance du mouvement ouvrier et populaire, l'a démobilisé, dépolitisé et converti en un inoffensif appendice de la démocratie bourgeoise, nous a conduits là où nous sommes. La montée de l'extrême-droite n'a pas surgi de nulle part, par volonté divine ou loterie. Elle s'explique par le processus historique. La prétention à remplacer la lutte des classes par le populisme assitancialiste, tout en appliquant toutes les recettes économiques de l'impérialisme, s'inscrit dans l'offensive générale de la contre-révolution mondiale déchaînée depuis les années 1980 et n'a fait que tromper une grande partie des masses. Tous ceux qui n'ont fait qu'alimenter des illusions quant à une prétendue transformation pacifique et indolore de le société brésilienne, exclusivement menée par en haut, respectueuse "des autorités et des lois" (nous savons bien dans quelles classes ces autorités se recrutent et qui leurs lois servent...), recueillent aujourd'hui ce qu'ils ont semé et parmi eux, ceux qui s'identifient sincèrement aux véritables intérêts des classes populaires doivent réfléchir avec les plus grands sérieux et honnêteté à tout cela.

    Les réformistes traitent le phénomène réactionnaire comme extérieur à la lutte des classes, dans une supposée lutte entre "civilisation et barbarie", fort peu convaincante pour les miséreux qui connaissent déjà de près la barbarie aux portes des hôpitaux ou dans les files de sans-emploi. Ils ne veulent pas vaincre le Talon de Fer de la Réaction dans une lutte à mort, mais le tenir en laisse avec les lois de la propre bourgeoisie. En fin de compte, il ne reste qu'à se lamenter du désordre. Ces personnes, qui ont lu les philosophes bourgeois, ont cru pieusement que la démocratie bourgeoise était réellement démocratique, éternelle et immuable. Lima Barreto, il y a un siècle, devançait de loin ces intellectuels contemporains lorsqu'il s'exclamait : La loi... Quelle farce, quelle escroquerie pour dépouiller les faibles et les naïfs !"

    Ensuite, ils pensent que qui va gagner les élections est de toute façon décidé par avance en haut lieu :

    "De fait, lorsque nous voyons la Bourse monter et le taux de change du dollar baisser face à la monnaie nationale à mesure que Bolsonaro progresse dans les prévisions, il apparaît clairement que le "marché", ce gouvernement invisible, a déjà choisi son camp." (+ que bon il y avait un candidat du PT, un seul, qui pouvait gagner haut la main, c'était Lula et on l'a mis en taule).

    Ça aussi d'ailleurs, ça peut jouer pour se positionner ici par rapport à Le Pen : quelle est la position du Medef ? Des hauts fonctionnaires ? Des hauts cadres de la police, de l'armée ? Pour qui votent-ils ? Quel est leur souhait ?

    Donc leur idée serait que le PT a été au pouvoir 13 ans pour remplir un certain rôle, et maintenant Bolsonaro pour en remplir un autre.

    En gros, le phénomène Bolsonaro (politicien de 3e zone il y a encore qqs années) serait la nomination de Challe pour y mener le genre de plan du même nom, parce que l'état major militaire et l'oligarchie sentent que "ça monte" (pas uniquement les maoïstes, qui n'ont effectivement pas encore le niveau des Philippines ou de l'Inde et encore moins du Népal, mais les luttes en général).

    Donc dans leur esprit la décision en haut lieu est prise, il faut voir comment on va affronter la nouvelle situation et ça ne sert à rien d'aller voter pour des gens dont le rôle pour l'oligarchie est révolu et qui sont programmés pour perdre.

    [EN FAIT il est possible de dire que oui, le vote Bolosonaro est d'abord et avant tout un vote DE CLASSE... et derrière, ce sont les classes qui au Brésil (sans être "racialement pures") ont une forte coloration raciale. Il n'y a pas, comme aux États-Unis... et dans une certaine mesure en Europe, deux pays parallèles, les Blancs du SDF au milliardaire et les non-Blancs idem, et les Blancs pauvres qui vont (souvent bien plus que les riches !) voter pour l'extrême-droite par agrippage au "privilège blanc" qui leur reste quand ils n'ont (presque) plus rien.

    41% des Brésiliens les plus modestes ont voté Bolsonaro. Et si parmi eux (admettons) 25% sont blancs (car ça existe, là-bas - de fait, les statistiques dont nous pouvons disposer portent sur les deux "extrêmes déciles" : les 10% les plus riches comptent près de 80% de Blancs, les 10% les plus pauvres 22,6% seulement), ces 25% de pauvres blancs n'ont pas significativement plus voté Bolsonaro que les autres et le cas échéant l'ont fait pour les mêmes raisons (sécuritaires micro-propriétaires, désaveu du PT et propagande sur la "corruption" de celui-ci, propagande des églises évangéliques) et non parce que blancs, par "réflexe blanc". Et la majorité des pauvres blancs ou pas n'ont pas voté pour lui (mais pour Haddad, ou se sont abstenus). Ce que sont d'abord et avant tout les Blancs pauvres au Brésil, c'est rares et lorsqu'ils existent ils sont largement ce que Sadri Khiari qualifierait d'indigénisés (c'est à dire pas foncièrement mieux considérés par les Blancs riches, et même les riches en général que les non-Blancs partageant la même condition sociale).

    Et à l'autre bout de l'échelle sociale, le quart le plus riche de la population a donné une majorité écrasante de plus de 70% au candidat fasciste là encore indépendamment du teint des peaux (il suffit de voir les footballeurs multimillionnaires Ronaldinho ou Neymar par exemple), en tant que riches, mais le fait est aussi qu'une minorité (peut-être le quart, ou moins) de ces Brésiliens riches sont ce que nous qualifierions de non-blancs et sans doute moins encore se définissent eux-mêmes comme tels (les statistiques raciales sont basées sur une auto-définition de chaque personne).

    À la rigueur pourrait-on évoquer l'existence, assez fondée sur les données sociologiques et statistiques, d'un "autre Brésil" qui serait la Région Sud + l’État de São Paulo : peuplement massif par des millions d'immigrants européens arrivés entre (principalement) 1850 et 1950 et de fait, pratiquement 80% de Blancs (64% à São Paulo) contre 47% au plan national ; des revenus moyens de l'ordre de 25% supérieurs à la moyenne nationale de 1 268 R$, voire 35% (1 712 R$) à São Paulo... et, sans surprise, un vote pour Bolsonaro bien de l'ordre de 60 à 70% en moyenne au 2e tour, rarement inférieur à 40% et n'hésitant pas à tutoyer les 100% dans nombre de municipalités, comme on peut le voir sur les graphiques ci-après (qui montrent au contraire, pour le Nordeste qui serait pour ainsi dire l'antithèse sociologique du Sud, un vote Bolsonaro assez nettement indexé sur le revenu moyen (renda média) des communes mais pas vraiment sur la proportion de Blancs, de toute façon faible...).]

    *************************************************************************************

    Encore une autre analyse intéressante (qui résume à peu près tout de la situation en fait, avec un point de vue assez matérialiste) :

    https://www.liberation.fr/debats/2019/07/02/le-retour-du-bresil-colonial_1737589

    Ce 1er juillet, Jair Bolsonaro aura complété les six premiers mois de son gouvernement. Les déboires dont il est l’objet sont, en dernière analyse, liés à la nature hétéroclite de la base sociale qu’il s’est construite, typique d’un populisme d’extrême droite : des axes d’agitation sans rapport les uns avec les autres, pour satisfaire séparément tels ou tels secteurs convergeant vers un Bonaparte sauveur.

    Dès 2012, début du mandat de Dilma Rousseff, j’avais été frappé par la haine de l’élite conservatrice pour le gouvernement du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir depuis 2003. Mais le contexte économique très favorable permettait au président Lula de satisfaire et l’élite et le peuple. Ainsi, une importante «classe moyenne» émergea, celle-là même qui, touchée par la crise, voyant un abîme s’ouvrir sous ses pieds, sera au cœur de la base sociale de Bolsonaro.

    C’est bien de haine qu’il s’agissait, d’autant plus incongrue que, au fur et à mesure que la crise économique atteignait le pays, la politique de Dilma Rousseff devenait de plus en plus néolibérale.

    Pourquoi l’élite conservatrice ne pouvait-elle ne serait-ce que tolérer une politique peu ou prou social-démocrate ? Pourquoi ce profond conservatisme a-t-il réussi à conquérir une base de masse hétéroclite permettant l’élection d’un aventurier d’extrême droite ? Pour comprendre, il faut revenir loin en arrière.

    Le 7 septembre 1822, l’indépendance du Brésil fit exploser l’Empire portugais. Elle eut un caractère unique : c’est l’État portugais lui-même, réfugié à Rio depuis 1807 quand les armées napoléoniennes envahirent le Portugal, qui refusa de rentrer - il l’aurait pu dès 1811. Existe-t-il un autre cas au monde où le souverain choisit de rester en sa colonie alors même qu’il peut rentrer dans sa métropole ?

    L’indépendance tint plus d’une révolte fiscale que d’une libération nationale. Il s’agissait d’une indépendance sans décolonisation. Ce sont les colons qui prirent le pouvoir et créèrent une colonie autocentrée : le fait que le pays soit indépendant ne signifie pas qu’il ne soit plus une colonie. Quand les colons rhodésiens ont refusé, en 1965, l’indépendance noire prévue par Londres et ont déclaré une indépendance blanche, la Rhodésie est évidemment restée une colonie. Les indépendances d’Amérique ont toutes été des indépendances sans décolonisation, elles ont créé des États coloniaux. On confond trop souvent indépendance et décolonisation. Mais le cas brésilien est extrême puisque l’indépendance fut proclamée par l’héritier du trône du pays colonisateur.

    Cet Império brasílico devint lentement brésilien. On peut dater l’achèvement du processus à 1889 après qu’un coup d’État conservateur eut chassé la princesse Isabel qui avait aboli l’esclavage l’année précédente, et eut proclamé une République parfaitement coloniale. Contrairement à ce qui se passa aux États-Unis avec la guerre de Sécession, ce n’était pas un secteur industriel de la bourgeoisie brésilienne qui avait le pouvoir mais bien l’élite des planteurs coloniaux. C’est elle qui va lentement, sans rupture, passer à la plantation moderne par la marginalisation de la main-d’œuvre noire et l’importation de millions d’Européens. Cela s’est produit ailleurs en Amérique mais on a ici deux caractéristiques combinées. D’une part, les «indigènes» (Indiens) n’étaient plus qu’une toute petite minorité de la population, en raison des épidémies, des massacres et du métissage - ils sont aujourd’hui entre 0,4 % et 0,6 % de la population, d’où la faiblesse des luttes anticoloniales. D’autre part, les Noirs formaient la grande majorité de la population (ils sont environ 52 % aujourd’hui), d’où une «peur structurelle» dans cette élite blanche terrorisée par l’exemple de Haïti.

    Depuis, le Brésil a changé. Mais l’élite n’a jamais connu une révolution décoloniale, elle est lentement devenue une bourgeoisie capitaliste surtout latifundiaire et peu industrielle, sans jamais cesser d’être une élite coloniale. Le rapport de cette élite au peuple n’est pas seulement celui du capitaliste au prolétaire, mais encore largement celui du maître à l’esclave, celui de la «Casa Grande» à la «Senzala». Une mesure qui provoqua de la haine envers Dilma Rousseff fut, en 2013, la loi garantissant aux servantes de vrais droits sociaux : dimanche férié, contrat de travail, cotisations sociales, 44 heures hebdomadaires, paiement d’heures supplémentaires. Cette loi fut un outrage au paternalisme autoritaire de la Maîtresse et du Maître : la servante était une prolétaire autonome. Cela rompait le rapport de la Casa Grande à la Senzala pour lui substituer le rapport patron-employé. C’était intolérable.

    Il est insupportable à cette élite extrêmement blanche alors que le peuple est profondément métissé, d’accepter ne serait-ce que de timides réformes sociales. Elle se tait quand elle ne peut faire autrement - popularité de Lula, économie florissante -, mais dès que la situation empire, elle exige de reprendre l’entièreté de ses privilèges, capitalistes et coloniaux.

    J’insiste sur «… et coloniaux». Ce n’est pas un hasard si la conquête coloniale va reprendre. Jair Bolsonaro et les siens ne méprisent pas seulement les indigènes comme un grand propriétaire peut mépriser des paysans pauvres, ils les méprisent comme un colon méprise une race inférieure et conquise. Jair Bolsonaro dit vouloir forcer les indigènes à «s’intégrer», c’est-à-dire à disparaître comme nations et sociétés distinctes. Il a fait passer la délimitation des terres indigènes et des quilombos sous la compétence du ministère de l’Agriculture, le ministère des grands propriétaires ruraux.

    Les Indiens ne sont plus qu’une infime minorité mais ils gênent en occupant des espaces parfois très réduits dans le Sud et, a fortiori, étendus dans le Nord. Ce qui est intolérable pour les planteurs n’est pas tant la superficie mais qu’elle ne soit pas cultivée et exploitée de manière productiviste : les Indigènes sont, selon le classique mépris du colon pour le colonisé, naturellement incapables et fainéants, ce qui ne relève pas seulement d’un mépris de classe patronal. Cette élite non moderne refuse la moindre remise en cause de son habitus. Elle est conforme à la colonialité de l’espace brésilien.

    Je crois qu’il y a beaucoup de cela dans l’élection de Jair Bolsonaro, en sus de la crise économique, de la corruption imputée seulement au PT, des fake news, des néopentecôtistes, des problèmes de sécurité, des secteurs militaires d’extrême droite, du racisme, de l’homophobie… Si ces caractéristiques contemporaines ont pris corps, c’est bien parce que l’élite capitaliste-coloniale est, structurellement, mentalement, incapable de consentir à quelque mesure sociale que ce soit. La contradiction, qui peut se révéler explosive au sein des partisans du régime, est que, historiquement, l’armée brésilienne a été plutôt modernisatrice (ce qui ne veut pas dire démocratique) alors que cette élite profondément conservatrice reste façonnée par sa peur face au peuple noir majoritaire. Elle s’exprime ainsi par le «BBB» - balle, bœuf, Bible…

    Bien qu’ultra-minoritaire, l’élite a réussi à construire temporairement une hégémonie politique embrassant de vastes secteurs du peuple. Nombre d’autres facteurs d’explication existaient déjà précédemment. Mais sa radicalisation à droite a été, je crois, le «plus» qui a permis au reste de prendre corps, face à un PT tétanisé par l’emprisonnement de Lula et ayant perdu toute capacité de mobilisation populaire.

    Michel Cahen historien de la colonisation portugaise, et directeur de recherche CNRS à Sciences-Po Bordeaux

    Sur la situation au Brésil - l'analyse maoïste d'A Nova Democracia

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    Et puis voici enfin la traduction d'un second et plus long texte, publié celui-là après le second tour, qui pousse encore un peu plus en avant l'analyse de la situation actuelle et des tâches des révolutionnaires.

    Il est ainsi expliqué que les élections, la "farce électorale" comme ils disent, n'ont été de toute façon que la comédie de ratification "démocratique" d'un COUP D’ÉTAT MILITAIRE RAMPANT déjà en cours depuis les soulèvements populaires de 2013-2014 et qui a conduit à la destitution de Dilma Rousseff en 2016, à l'emprisonnement de Lula etc. [brésil-coup-d-état-article-libé.pdf - brésil-régression-bastamag.pdf].

    Ce qui peut quelque part nous amener à nous demander si le fascisme "proprement dit", tel qu'on entend le mot au sens strict (Italie de Mussolini, Allemagne nazie etc.), n'a pas au fond toujours ou presque été cela : comment donner une façade civile et de "volonté générale", quand ce n'est pas carrément "révolutionnaire", à ce qui est en dernière analyse une prise de pouvoir de l'état-major pour éradiquer la "subversion" et/ou courir à la guerre expansionniste ; que ce soit en Italie, en Espagne ou au Portugal où il n'y a de toute façon eu (pronunciamiento et guerre civile de 1936-39, coup d’État militaire de 1926) ni élections ni même réel mouvement populaire fasciste de masse, en Allemagne même si ensuite dans le cours de la guerre mondiale l'armée "privée" du NSDAP, la Waffen SS, supplantera la caste militaire "traditionnelle", etc. etc.

    Et puis plus près de nous, en 2009, au Honduras dont nous avions beaucoup parlé aux débuts de Servir le Peuple : ayant déjà (de base) combiné sortie de l'armée dans les rues et vote parlementaire, le coup d'État contre le président Manuel Zelaya (qui s'était rapproché du Venezuela chaviste et du Brésil de Lula...) avait lui aussi été "avalisé" 5 mois plus tard par l'élection à la présidence de l'ultra-conservateur Pepe Lobo (avec là aussi une énorme "abstention", de refus de cette farce électorale mais aussi certainement de gens empêchés de voter), histoire de faire plus "propre", mettant ainsi fin aux sanctions internationales qui avaient dans un premier temps frappé le petit pays d'Amérique centrale.

    Autrement dit, donc, on n'y pouvait rien ; les choses étaient déjà décidées en "haut lieu" et une victoire (forcément d'une courte tête) du candidat social-réformiste n'aurait pas empêché à brève échéance, peut-être après une contestation des résultats et un début de Maïdan (des guarimbas - barricades - fascistes comme au Venezuela), et/ou une guerre de sabotage économique ou autre, un coup de force cette fois ouvertement militaire ; il ne servait donc à rien d'apporter une quelconque légitimité à cette mascarade en votant dans de telles conditions (si beaucoup parmi les 42 millions d'abstentionnistes l'ont été volontairement, souvent par déception vis-à-vis du PT, ou suivant les consignes des maoïstes là où ceux-ci ont une influence, il est également probable que, surtout dans le "Far West" de l'intérieur profond, beaucoup de gens ont été empêchés de voter, si ce n'est pas carrément forcés de voter Bolsonaro, dans des contextes locaux où il pouvait être plus difficile de voter Haddad que de voter HDP à Diyarbakir en juin dernier !).

    Ceci au-delà du fait que, disons-le une fois pour toute, la position marxiste-léniniste-maoïste face à ce type de situation se situe en effet en rupture avec la logique de Fronts populaires de l'Internationale communiste des années 1930, qui soit n'ont pas réussi à arrêter bien longtemps la montée du fascisme, soit n'ont dans tous les cas conduit qu'à la soumission des communistes au réformisme bourgeois et à ses pires tares (social-chauvinisme, colonialisme etc.). Lénine parlait de "soutenir (les réformistes) comme la corde soutient le pendu", mais la question mérite d'être posée de l'intérêt qu'il y a à soutenir un pendu, c'est à dire un corps mort ; et la corde qui le soutient, à notre connaissance, est passive, ne bouge pas et ne se consacre à rien d'autre... Sans compter que la social-démocratie de l'époque pouvait encore représenter, pour les masses de travailleurs, des conquêtes de bien-être immédiates d'un certain intérêt (bien que revenant aussi à les "acheter" et les "domestiquer") ; hypothèse sociale-démocrate peu ou prou disparue aujourd'hui (sous Lula dans les années 2000 on a pu observer une certaine amélioration de la situation des couches les plus pauvres, mais dès la décennie suivante l'économie "émergente" est entrée en crise et tout s'est rapidement dégradé ; c'est globalement sur un "modèle social" PT complètement moribond que Bolsonaro vient de remporter ce que les camarades appellent sa "victoire à la Pyrrhus").

    Et puis les Fronts populaires des années 1930 partaient déjà, pour commencer, de l'analyse qu'il y avait une bourgeoisie divisée : une fraction voulait restructurer le système en crise par le fascisme, l'autre par la social-démocratie. Si cette dernière ne pouvait l'emporter, faire pencher la balance en sa faveur qu'au prix de concessions énormes au mouvement communiste et aux travailleurs, il pouvait peut-être à la rigueur y avoir un coup à jouer... Mais que dire si, de toute évidence, on a une bourgeoisie qui a en écrasante majorité choisi son camp et qui dans tous les cas passera en force si d'aventure la petite fraction démocrate-humaniste-sociale-libérale pouvait se prévaloir d'une légère majorité des masses populaires (comme dit dans notre précédent article, le vote Bolsonaro n'est pas un vote populiste protestataire dans lequel le système enferme confortablement "les petits, les sans-grades" qui autrement risqueraient d'être révolutionnaire : il est, comme le vote Sarkozy en 2007, un clair vote de classe, un vote intrinsèquement lié à la propriété, d'autant plus massif que les gens possèdent un patrimoine ekladata.com/bolsonaro.jpg et bien entendu, dans un pays qui n'est rien d'autre qu'une colonie devenue "indépendante", un patrimoine qui va généralement de pair avec la clarté de la peau ou du moins un certain degré d'"européanité culturelle" carte-raciale.jpg carte-résultats.jpg...) ?

    Nous savons (nous en avons déjà rencontré) qu'il y a des gens pour qui ces camarades maoïstes, "dont on aimerait savoir - d'ailleurs - ce qu'ils représentent réellement sur le terrain", seraient des "irresponsables" qui "préfèreraient" pour ainsi dire que "le peuple souffre" pour qu'ait enfin lieu "leur sacro-sainte guerre civile révolutionnaire" (souvent sur le ton typiquement postmoderne d'essayer d'arracher des larmes sur le dos des "opprimés" et de faire passer les révolutionnaires pour des monstres sans cœur). Mais alors, ces gens ne sont en réalité même pas des kautskystes... Car pour le socialiste allemand Karl Kautsky, l'idée était qu'à force de victoires électorales et de réformes votées par la social-démocratie, la Réaction bourgeoise abolirait sa propre pseudo-légalité "démocratique" et descendrait sur le terrain de la guerre civile, mettant la révolution à l'ordre du jour. Autrement dit, même pour celui qui est considéré aujourd'hui comme le père spirituel du "socialisme démocratique" réformiste, JAMAIS il n'a été question que le "changement pour de bon" survienne sans passer par une phase de grande violence de la part de privilégiés ne voulant rien lâcher, violence à laquelle le peuple exploité devra répondre. 

    JAMAIS à cette époque (ni encore bien après) il n'était considéré par PERSONNE que l'on pourrait, en votant encore et encore pour ce qu'on appellera "la gauche", éviter ad vitam æternam jusqu'à la liquidation complète de toute exploitation et oppression que les exploiteurs, les dominants, les possédants menacés ne lancent lorsqu'ils le jugent nécessaire (éventuellement enrobée de mobilisation réactionnaire de masse) une violente contre-offensive pour préserver leurs intérêts, qu'il n'y aura alors d'autre choix que d'affronter par une supérieure violence. C'est dire, un peu, le niveau auquel est tombé (pour ne pas dire s'est effondré) le gauchisme "radical" occidental d'aujourd'hui, tout à ses geignements postmodernes sur "les z'opprimé-E-s" gna gna gna, quand on voit le type d'arguments que rencontre, lorsque nous la faisons connaître, la position de boycott de la "farce électorale" brésilienne exprimée et explicitée ci-après...

    Enfin, le champ lexical du texte (notamment les références récurrentes au peuple "et à la nation") laissent à penser que la "victoire électorale" - ratification "démocratique" d'un coup d’État militaire de Bolsonaro est en partie analysée comme une invasion impérialiste, en tout cas la mise en place d'un gauleiter US au Brésil ; s'inscrivant dans ce que nous avons pu analyser comme la grande accélération en cours de la Quatrième Guerre mondiale non-déclarée qui dure depuis la fin de la Troisième (la "Guerre froide") en 1990.

    Sur la situation au Brésil : nouvel article d'A Nova Democracia

    https://anovademocracia.com.br/no-217/9831-o-fim-de-um-sistema-politico-podre-e-a-vitoria-de-pirro-de-um-fascista

    La fin d'un système politique pourri et la victoire à la Pyrrhus d'un fasciste


    Jamais, dans toute l’histoire du Brésil contemporain, la farce que représentent les élections n’était apparue aussi clairement au grand jour. Tel est le stade avancé de putréfaction de tout le système politique de gouvernement du vieil État de la grande bourgeoisie et des propriétaires terriens, serviteurs de l’impérialisme, principalement US. Tout est en décomposition accélérée. Ceci a été démontré par le fait même que les deux candidats au second tour de l'élection présidentielle ont été massivement rejetés : au-delà du fait que 42 millions de personnes ont boycotté le scrutin, la majorité de ceux qui ont voté l'ont fait non pas par adhésion au candidat de leur choix ou à ce qu'il disait défendre, mais uniquement par rejet de la figure du candidat adverse. Ceci est dû au très faible niveau de la campagne, en plus de tout le cirque des horreurs, de la corruption, de la négligence, du cynisme, du crétinisme, des mensonges, de la supercherie et de toutes les sortes de bassesses qui ont toujours caractérisé toutes les farces électorales.

    Se tenant dans un contexte de crise politique prolongée, ces élections n’ont été considérées par personne de sensé comme un enjeu en tant que telles. Le temps de "l’union, de la paix et de la tranquillité" vanté par le nouveau président élu, ses partisans et tout le monopole de l’information est loin d’être arrivé, bien au contraire. La gravité de la crise politique, qui s'exprime dans la lutte acharnée des forces politiques ne peut s’expliquer uniquement par les passions idéologiques de celles-ci en tant que telles. Il s’agit plutôt d’un conflit de plus en plus violent entre groupes au pouvoir, représentant les fractions des classes dirigeantes locales pour le contrôle et l’hégémonie au sein de la machine étatique. Cette lutte entre fractions sert à décider, d’un côté, qui perdra le moins dans la grave crise économique que connaît le pays. Elle permet aussi de décider des moyens qui seront employés pour restructurer le vieil État afin de conjurer cette crise et ré-impulser le capitalisme bureaucratique dépassé et menacé d'effondrement.

    Cet affrontement, hier entre le PT et le PSDB, et lors de cette élection entre le PT et Bolsonaro, a été revêtu d'une pseudo polarisation artificielle entre respectivement gauche et droite hier, et gauche et extrême droite aujourd'hui. Tous les partis et leurs candidats s’accusent mutuellement de tous les maux mais de fait, ne se contredisent que sur les questions de société ; car en dehors de cela tous sans aucune exception ont défendu et pratiqué, au niveau tant exécutif que législatif, avec seulement des différences de nuances dans la forme, la même politique économique dictée et imposée par l’impérialisme yankee, ainsi que par le maintien de ce système d'exploitation et d'oppression du peuple et d'assujettissement de la nation.

    Un bon exemple en a été donné lors de ces élections par Bolsonaro, qui accuse le PT de vivre de mensonge mais qui a menti stupidement en le qualifiant de "gauche" et même, dans son délire, de "communiste"... Le PT n’a absolument rien de "gauche", et bien évidemment encore moins de "communiste" ; pas plus d'ailleurs que les révisionnistes du PCdoB qui le soutiennent. Cette pseudo "gauche" a gouverné pendant 14 années en appliquant la même politique que le PSDB ; politique que Bolsonaro va à présent appliquer de façon plus radicale.

    Sur la situation au Brésil - l'analyse maoïste d'A Nova Democracia

    Le PT a gouverné en cooptant les mouvements populaires afin de les domestiquer et de les soumettre au "pacte" social pour ainsi amortir la lutte des classes. Il a, dans ce but, usé tant de l’assistanat "social" trompeur que de la répression brutale contre les organisations combattives de classe qui refusaient la complaisance avec lui. Tout ceci n'a été que tromperie et illusion que la crise du capitalisme bureaucratique a jetée à terre. Les classes dominantes exploiteuses n'ont, en réalité, fait qu'utiliser le PT pour freiner la lutte des classes ; puis l'ont jeté après usage comme un kleenex. Tout n'a été qu'une gigantesque enfumade : faire croire aux masses populaires que l’on pouvait améliorer la vie sans toucher aux moindres privilèges de la canaille qui parasite notre peuple et notre nation ; une enfumade se faisant passer pour "de gauche", conte de fée alimenté par le monopole médiatique d'opposition et la Réaction anticommuniste fanatique désormais au pouvoir.

    L'échec du PT et de ses gouvernements a donc fini par arriver, au bout du compte, comme avant lui celui du PSDB de Cardoso [président de 1995 à 2003] ; en simplement plus grave car venant postérieurement, mais cela aurait été la même chose avec n’importe quel autre parti politique bourgeois. L’échec et la crise seront encore plus violents avec les prochains gouvernements qui se succèderont. Il n'a pas été difficile pour la Réaction, la Rede Globo [chaîne de télévision créée sous la dictature militaire, et bien évidemment farouchement d'opposition tout au long du règne du PT] en tête, prenant appui sur le furieux mécontentement et les protestations des classes populaires mais surtout sur les cris des dites "classes moyennes" et leurs "manifestations civiques" contre la corruption, de rendre le PT responsable de tous les maux accumulées depuis des décennies voire des siècles, entamant ainsi sa base de "gouvernabilité" – qui, tétanisée par l’opération Lava Jato et cherchant à l’étouffer, a serré les rangs pour la destitution de Dilma Rousseff.

    Ainsi a été fabriqué le bouillon de culture pour la vague réactionnaire que nous connaissons actuellement, transformée ensuite en la bolsonarade manipulée idéologiquement avec la déroute de la gauche et se concluant finalement dans la farce électorale pour apporter, trompant une nouvelle fois le peuple, la légitimité du suffrage populaire au coup d'État militaire contre-révolutionnaire.

    De la même façon que les gouvernements antérieurs, celui de Bolsonaro échouera, tout comme ceux qui suivront. L’élection du capitaine en retraite depuis 28 ans est une victoire à la Pyrrhus remportée au cri de bataille d’Itararé [bataille qui n'a jamais eu lieu, au cours de la "révolution" de 1930, NdT]. Elle n'a été que l'aboutissement d'un processus déclenché par l’intervention militaire, afin de donner à celle-ci une légitimité face à la nation ; tandis que la base de toute la situation actuelle n'est autre que la décomposition accélérée du capitalisme bureaucratique sur ses bases viciées et pourries, au sein de la crise générale de l'impérialisme mondial.

    Cette crise ne peut faire que s'aggraver étant donné qu'à son épicentre réside la crise de décomposition de l’impérialisme US, dont les soubresauts de la Bourse de New York font trembler toutes les bourses du monde, annonçant de nouveaux et plus grands encore effondrements. Les affrontements inter-impérialistes grandissants, principalement de la superpuissance hégémonique unique US et de ses alliés contre la superpuissance nucléaire russe et ses alliés, laissent présager une exploitation accrue des travailleurs et un pillage toujours plus grand des pays opprimés.

    Afin de faire face à la grave crise générale traversée par notre pays, les impérialistes US se sont mis d'accord avec la Réaction intérieure pour instaurer un régime fort, militaire, déguisé le plus possible en démocratie, qui leur est nécessaire pour imposer au peuple et à la nation cette plus grande exploitation, la dépossession de leurs droits restants et le pillage encore plus effréné des richesses naturelles.

    Dans cette situation cependant, à la différence de 1964, les yankees ne seront pas en mesure d’apporter le moindre dollar pour sortir le pays d’une telle crise économique : ils ne contribueront que militairement à la contre-révolution, comme ils ont déjà commencé à le faire en envoyant des centaines de véhicules blindés à l’Armée réactionnaire brésilienne.

    La révolte des masses, qui a déjà commencé, se retournera inéluctablement contre le vieux système pourri d'exploitation et d'oppression tout entier.

    RÉVOLTE POPULAIRE ET COUP D'ÉTAT MILITAIRE CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRE PRÉVENTIF

    Le cours récent de l'histoire du pays, fait de crise économique, sociale, politique et morale d'un système obsolète, a été également marqué par de croissantes révoltes populaires contre l'exploitation et la violence du vieil État latifundiaire-bureaucratique. Bien qu'encore dispersées, mais tendant à s'unifier, comme on a pu le voir lors des évènements de de 2013-2014, les luttes des paysans pour la terre, les grèves de travailleurs et autres employés, comme celle des camionneurs, ont depuis un bon moment déjà allumé le voyant rouge d'alerte des gardiennes du système, à savoir les Forces Armées réactionnaires. Par le biais de leur Haut Commandement, elles ont ainsi mis en œuvre un plan de coup d’État militaire contre-révolutionnaire préventif censé anticiper le soulèvement général des masses, entre collusions et affrontements internes – divergences et luttes entre l'extrême-droite et la droite – pour définir comment l'opérer, pour terminer par se mettre d'accord autour de sa ratification à travers la farce électorale, avec le général Mourão au poste de vice-président.

    De par la nature et les antécédents historiques de ces secteurs réactionnaires, il n'y aurait même rien de saugrenu à voir dans l'attaque au couteau contre Bolsonaro un coup monté pour susciter l'émotion et justifier la suspension des élections et une intervention militaire. En tout cas, quelle qu'ait été l'intention, le résultat s'est avéré encore meilleur tant cet attentat manqué l'a positionné en victime et a propulsé sa candidature.

    Pour autant, la crise non seulement va se poursuivre mais va s'aggraver de manière explosive. Aucun gouvernement issu de la farce électorale qui vient de se tenir n'est susceptible d'y mettre un coup d'arrêt, et de sortir le pays de l'ornière dans l'immédiat ni même à moyen terme. La crise, en débouchant sur l'établissement d'un régime "militaire en civil" et soi-disant issu des urnes, ne fait que sceller l'échec total d'un système de gouvernement corrompu sans pour autant pouvoir mettre fin à la corruption endémique du vieil État, inhérente à l'ordre semi-colonial et semi-féodal.

    Une telle issue, en tant que mouvement contre-révolutionnaire préventif, place de fait les Forces Armées au centre du jeu et ainsi la crise ira peu à peu frapper au cœur même du système, engendrant une situation qui pourra se transformer en plus grande crise militaire encore, répression généralisée et massacres à grande échelle et en conséquence opposition à la violence réactionnaire par une plus grande violence révolutionnaire, une guerre civile révolutionnaire.

    ÉLEVER LA RÉSISTANCE POPULAIRE À UN NIVEAU SUPÉRIEUR

    Face à la situation de grand danger d'une violente révolte populaire, le plan impérialiste US de renforcer la militarisation du continent, au-delà de ses bases militaires de Colombie et du Pérou – comme nous pouvons déjà le voir dans notre propre pays avec les activités de hauts fonctionnaires yankees prétendument face au problème migratoire vénézuélien, et sur le plan militaire, sous couvert de "coopération scientifique" autour de la base d'Alcântara – se combine avec le coup d'État militaire en cours. La stratégie de long terme de ce plan est d'attiser et provoquer des conflits frontaliers (déjà au programme avec le Venezuela, et à l'avenir avec la Bolivie) pour les faire évoluer en guerres réactionnaires de plus grande ampleur servant de prétexte à des interventions militaires indirectes par l'intermédiaire de "forces multilatérales de pays" de l'OEA, de l'ONU etc., généralisant ce type de conflits pour camoufler la nature de classe des crises internes aux pays comme le nôtre, détournant l'attention afin de conjurer le péril de la révolution démocratique, nécessaire et inéluctable. Les étincelles des révoltes populaires, transformées en incendie révolutionnaire pourraient en effet bien se répandre à travers tout le continent sud-américain.

    Les véritables révolutionnaires de notre pays doivent rapidement élever leur niveau d'activité dans la mobilisation, la politisation et l'organisation des bases populaires, pas à pas, et tous et toutes les activistes dévoués aux intérêts du Peuple et de la Patrie doivent abandonner dès à présent leurs illusions réformistes et se préparer sérieusement à une lutte révolutionnaire dure et prolongée, pour combattre la Réaction mesure après mesure en élevant constamment les niveaux d'organisation de l'avant-garde et des masses.

    À bas la Réaction et le fascisme !

    Yankees go home !

    Vive la Révolution de Nouvelle Démocratie !

     

    Sur la situation au Brésil : nouvel article d'A Nova Democracia


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  • https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/langues-regionales-vif-debat-entre-paul-molac-france-insoumise-assemblee-nationale-1450337.html

    "Vous vous trompez si vous ne montrez que de la bienveillance envers ces écoles. En effet, elles véhiculent parfois des idéologies identitaires anti-républicaines" a ainsi déclaré Alexis Corbière, précisant quelques instants plus tard : "Monsieur Le Fur, lorsque vous dites que des familles souhaitent que leurs enfants parlent la langue de leurs parents, on peut entendre votre argument. Mais faisons attention : je suis élu en Seine-Saint-Denis où beaucoup de Français ont des parents dont la langue n’est pas une langue régionale. Comment accueillons-nous cette situation ? Quand des gens voudront apprendre le portugais ou l’arabe, langues de leurs parents ou de leurs grands-parents, que leur dirons-nous ? Notre réponse ne peut pas être à géométrie variable."

    Sans aller (encore une fois) jusqu'à comparer les oppressions, qui n'ont rien à voir, le bonapartiste de gauche Corbière met là en lumière une continuité historique fondamentale : celle de l'État-"nation" qui se prolonge dans l'Empire ; duquel les indigènes viennent ensuite à leur tour (le "prolongeant" en quelque sorte) dans la métropole État-"nation" pour s'y ajouter à sa multinationalité réelle, que le républicard de base qu'il est, s'essuyant le front, se demande de plus en plus comment gérer ; comment faire pour que les larbins parlent comme leurs maîtres afin de "penser comme eux et ne bouger que dans les limites qu'ils leur auront fixées".

    Ce qu'il met en lumière (en y exprimant son opposition...), c'est : frappe l'État-"nation", tu affaibliras l'Empire ; frappe l'Empire, tu affaibliras l'État-"nation".

    Et dans l'autre sens c'est aussi une manœuvre classique de Mélenchon, qui lui est radicalement hostile aux langues régionales (et même aux accents prononcés, on l'a vu), d'instrumentaliser l'arabe contre, en mode (dans sa période sénateur de l'Essonne) "les langues minoritaires ? par chez moi dans l'Essonne, la première c'est l'arabe !" (comprendre dans ce propos une prétendue opposition d'un prétendu multiculturalisme francilien open sur the world - mais chacun bien à sa place hein, attention ! - aux "bouseux identitaires" avec leurs "patois")*.

    [* C'est là un classique gauchiotte, aussi bien FI-enteux qu'ultra-gauche, que de piocher les problématiques coloniales et état-nationales et les dresser les unes contre les autres au gré des humeurs, ou plutôt des intérêts du moment. Encore que bon, en général ce sont plutôt "les galériens blancs" et "la lutte de classe" qu'ils vont prendre et brandir contre les questions coloniales-raciales ; parce que nos questions nationales, on ne sait pas pourquoi on dirait vraiment qu'elles leur empestent les doigts.

    Là on a le cas sur les questions du droit aux langues (parce que oui oui, ce sont des questions POLITIQUES). Un coup c'est Mélenchon qui tokenise l'arabe en mode regardez les "vraies" langues minoritaires où elles sont, contre nos "patois". Le coup d'après c'est Corbière qui présente l'arabe comme une... menace (le portugais on se demande un peu ce qu'il vient faire là...), laissant entendre que les langues "régionales" bon "ça va", mais faudrait pas avec les écoles hors-contrat/contrôle ouvrir une boîte de Pandore (lourdement sous-entendu : arabo-islamiste).

    Ou sinon, les gens qui se découvrent soudainement antiracistes et arabophiles quand il s'agit de stigmatiser les Corses comme de gros Néandertaliens (sur-les-recents-evenements-racistes-survenus-en-corse sur-les-derniers-evenements-en-corse).

    Les gens qui, quand on parle Bretagne - Occitanie - Pays Basque - Corse etc., vont nous brandir les dernières colonies ("DOM-TOM"), la Françafrique voire même la Palestine : "nan mais z'avez pas un peu honte, de vous prétendre colonisés ??" (ni nous ni un certain nombre autour de nous ne nous prétendons tels, et personne à notre humble avis, dans les mouvements "régionalistes", ne le prétend DANS LES PROPORTIONS de l'Afrique ou de la Palestine, mais c'est pas grave).

    Mais attendez un peu que la Palestine vienne violemment sur le devant de la scène, un peu comme en 2014, et là... ce seront les dernières colonies et la Françafrique (suivies de près par les luttes internes aux pays arabes) CONTRE la Palestine : "gna gna gna quand c'est l'chlordécone en Martinique et la Françafrique et les Printemps arabes écrasés on les voit jamaiiiiis (ah bon ?) les pro-pals"...

    Ce qui est juste ballot, et que tous ces gens ont un peu perdu de vue, c'est qu'il existe entre autres choses une Plateforme syndicale des Nations sans État, ou encore diverses rencontres internationales (comme les plus célèbres, celles de Corte en Corse) dans lesquelles les peuples en lutte des dernières colonies côtoient et reconnaissent et respectent tout à fait les luttes de ceux d'Europe... Dommage !

    Ce sont là leurs méthodes dilatoires bien rodées, au fond très dans la ligne postmoderne : prendre les problématiques et les utiliser les unes contre les autres dans la certitude d'avoir toujours le dernier mot ("Jack of all trades, master of none, installer son petit universalisme par accumulation de points de vue où son avis seul sera pleinement légitime").

    Au fond, ça rejoint un peu la méthode hyper-critique d'un certain Bob récemment décédé... LOL, ça leur ferait sûrement pas plaisir qu'on leur dise ; raison de plus (peut-être) pour le faire :D :D :D

    Il est absolument VITAL (et ils l'ont compris) de casser le continuum État-"nation" - Empire.]

    Alors ensuite, le truc c'est que les propos en apparence assez ambigus de Corbière donnent lieu à des interprétations divergentes : pour les tenants des langues "régionales", "il nous compare à Daesh" (en gros, et donc ouin ouiiiin, vite vite il faut clamer urbi et orbi son allégeance aux "valeurs civilisées") ; pour d'autres au contraire, les langues régionales ne le dérangent pas vraiment et c'est surtout "le racisme et l'islamophobie" de son propos (qui opposerait "bonnes" langues "régionales" et "mauvaises" langues minoritaires "non-régionales" comme l'arabe) qui est pointé du doigt.

    D'autres voudront y voir au contraire (pour citer une intervention sur les réseaux sociaux) quelque chose de plutôt positif : "Il parle d'"idéologies identitaires antirépublicaines" à propos de ceux qui défendent les langues régionales, ce qui est inacceptable. En revanche, et là il faut ouvrir les oreilles, sa comparaison avec les langues des non-blancs, qui sont stricto sensu des langues minoritaires ou même titre que les langues régionales et sont donc a priori protégées par la charte européenne sur les langues minoritaires, est destinée à montrer que leurs revendications éventuelles de faire des écoles immersives ne seraient pas moins légitimes. Et ça, Molac et bon nombre d'autres régionalistes ne parviennent pas à le concevoir (et ne sont donc pas moins racistes que Corbière). Et ça, c'est bien que ce soit dit en séance publique à l'Assemblée Nationale."

    En réalité, au delà de cette apparence prêtant à confusion, sa position obéit à une logique tout à fait cohérente ; il faut simplement pour cela s'y pencher avec un peu de précision, et peut-être (déjà) lui laisser la parole pour la préciser.

    Sa position concrète il la donne là : https://twitter.com/alexiscorbiere/status/979746957827690497

    "Je suis pour l'enseignement des langues régionales ds le service public. Je comprends qu'il y ait des écoles privées pour ces langues, ms je dis attention aux établissements hors-contrat ! Je souhaite un CONTRÔLE [mis en majuscule par nous NDLR] par l'éducation nationale."

    Il dit qu'il n'est pas hostile aux langues régionales et souhaite même leur enseignement public ; qu'il n'a rien non plus contre l'enseignement privé (sous contrat)... toutes choses qui au fond et après tout ne mangent pas de pain ; dont il a, concrètement, compris la faible menace représentée pour la "Républiiiique une et indivisible" et ses hiérarchies territoriales (Servir le Peuple milite VRAIMENT pour que nos mouvements se dé-focalisent de cette question des langues, certes préoccupante surtout en fRance - où l'on va lentement mais sûrement vers leur disparition - mais le centralisme parisien, les rapports sociaux inter-territoriaux ne se résument pas à ça ; pour prendre une contre-exemple absolu : il n'y a pas vraiment eu d'éradication du créole, parlé à tous les coins de rue, en Karayib et Larényon, pourtant ce n'en sont pas moins des colonies, opprimées largement un cran au-dessus du Pays Basque ou de la Bretagne !!).

    MAIS PAR CONTRE, "attention" aux établissements hors-contrat.

    Car par "hors-contrat", il faut traduire : hors-CONTRÔLE. Pourquoi ? Parce qu'il n'est pas con, et il sait que ces établissements comme les calandretas ou les ikastolak ou les Diwan sont portés par des associations, quoi que celles-ci en disent, POLITISÉES. Politisées à gauche ou à droite mais dans tous les cas, pas vraiment dans le sens du patriotardisme républicard tricolore qu'il appelle de ses vœux.

    C'est d'ailleurs bien ainsi que certains intervenants comprennent (enfin... malcomprennent aussi en même temps) l'enjeu :

    "La FI n'est pas contre l'enseignement des langues régionales à l'école ! Elle préfère que cet enseignement soit encadré par l'éducation nationale comme ça se passe dans beaucoup d'écoles publiques actuellement. Les écoles Diwan sont des écoles associatives et non publiques. C'est un débat à avoir je pense..."

    "Les langues régionales et minoritaires doivent avoir un vrai statut. Et, en tout état de cause, le personnel enseignant le breton, le catalan, le portugais, l'arabe ou le wolof, peut et doit être fonctionnaire de l'éducation nationale ou personnel sous contrat soumis à un programme et à l'inspection du ministère. Cela éviterait que Corbière raconte n'importe quoi."

    [Réponse de la part d'un camarade]

    "En l'occurrence c'est ce pour quoi il affirme (sur Twitter) être : l'enseignement public ou sous contrat.

    Parce qu'en l'occurrence, hors-contrat est à ses yeux synonyme de HORS CONTRÔLE.

    C'est pour ça que, contre des écoles en langues nationales minoritaires hors contrat qu'il SAIT (il est pas con) toujours relativement politisées (pas forcément à gauche, mais contre la République une et indivisible, la communion Marseillaise-BBR obligatoire, bref), il brandit l'épouvantail, la "boîte de Pandore" potentielle des écoles en arabe où s'inculquerait l'"extrémisme".

    Parce qu'il sait que c'est la grande psychose du moment. Mais de manière générale, ce qu'il veut surtout c'est qu'il puisse y avoir contrôle sur les programmes et le contenu des cours."

    C'est là que, comme il vient d'y avoir le débat sur l'apprentissage de l'arabe comme "remède" à l'"extrémisme", et la forte contestation de cette idée gouvernementale par toutes les forces d'opposition à LREM, il en remet une petite couche avec ça et, effectivement, il vient greffer cette problématique sur l'autre, dans le rôle d'épouvantail absolu par les temps qui courent. Comme archétype de politisation potentielle "ultra-dangereuse" des écoles hors-contrat ; archétype "comme par hasard" pas choisi (justement) au hasard : l'arabe, l'islam etc. etc. (donc oui, comme on ne pouvait guère s'attendre à autre chose d'un mélenchoniste, c'est islamophobe).

    Plus globalement (donc), et en résumé, par rapport aux multiples interprétations qui ont pu être faites de ses propos : Alexis Corbière n'est "hostile par principe" à l'enseignement d'AUCUNE langue, ni "régionale" ni... (tout simplement) étrangère, ce que sont l'arabe, le portugais ou encore le wolof (qui pourrait sérieusement se dire contre l'enseignement de langues étrangères vivantes du vaste monde qui nous entoure ??) ; MAIS, ce sont ses propres mots on-ne-peut plus clairs sur Twitter, SOUS LE CONTRÔLE vigilant de la Républiiiique ; CAR SINON, et là il parle absolument de TOUS les cas de figure, des "idéologies identitaires anti-républicaines" risqueraient d'être propagées...

    [Et nous bien sûr... coooomme des connaaaards LOL, nous disons VIVE les idéologies identitaires anti-républicaines !!]


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  • Le 4 novembre, les habitants de la Kanaky seront appelés aux urnes pour décider si leur pays deviendra ou non un nouvel État indépendant.

    Malgré ce référendum d’autodétermination, les dés sont pipés du fait de la mainmise coloniale de la France sur l'archipel et de sa politique d'ethnocide, via une colonisation de peuplement, visant à rendre la population originelle minoritaire sur la terre de ses ancêtres.

    Nous devons soutenir soutenir le Peuple kanak parce que :

    - Kanaky ce n'est pas la France, mais un territoire occupé et colonisé.

    - Les Kanak ont le droit imprescriptible de retrouver leur souveraineté nationale pour se construire comme peuple libre, indépendant et émancipé.

    - Nous avons le devoir politique d'être toujours du côté des opprimés.

    - La politique française d'outre-mer est un puissant ressort de la domination impériale notamment au travers d'une immense ZEE (zone économique exclusive) maritime, grande comme le Canada et dont la Kanaky est un pivot (de fait, elle en représente... 14% !).

    - Soutenir le Peuple kanak c'est aussi prendre conscience que la France mène en Hexagone même une politique d'ethnocide envers les nationalités et les cultures autochtones (occitane, bretonne, basque, catalane, corse, alsacienne, arpitane etc.) [de même que, comme nous avons pu l'évoquer dans un récent article, les minorités nationales issues de l'immigration postcoloniale] qu'elle voudrait voir disparaître à tout jamais, afin que "parlant comme [nos maîtres], nous pensions comme [eux] et ne bougions que dans les limites [qu'ils] nous auront fixées".

    Cessons d'accepter l'inacceptable !

    Nous appelons tous les révolutionnaires, progressistes, démocrates et occitanistes à venir soutenir le Peuple kanak, car sa lutte à de nombreux égards est la nôtre.

    ODPO - Organisation Démocratique du Peuple Occitan


    Rassemblement

    SAMEDI 27 OCTOBRE à 13h30

    Métro Jean Jaurès - Toulouse

    https://www.facebook.com/events/579928422459962/

     

    [Version Òc (gascon)]

    Tot-a-s amassas per la Kanaky libra !

    Lo 4 de noveme los poblans de Kanaky que seràn aperats a las urnas entà decidir se la Kanaky vaderà un naveth estat independent. A maugrat d’aqueth referendum d’autodeterminacion los dats que son pipats deu hèit de la dominacion coloniau de la França sus l'isla, de sa politica d'etnocide e de poblament.

    Be devem sostiéner lo Pòple kanak pr’amor que :

    - La Kanaky n’ei pas la França mes un territòri occupat e colonizat.

    - Los Kanaks qu’an lo dret imprescriptible de tornar trobar la soberanitat nationau entà’s definir com un pòple libre, independent e emancipat.

    - Que devem per dever estar tostemps deu costat deus opprimits.

    - La politica de delà-mar francesa qu’ei un ressòrt poderós de la dominacion imperialista notadament via l’imense ZEE (Zone Économique Exclusive) on la Kanaky ei un pivòt.

    - Sostiéner los Kanaks qu’ei tanben préner consciença que la França mia en Hexagòne ua politica d'etnocide contra las nacions e las culturas autoctònes (occitana, bretona, basca, catalana, còrse, alsaciana, arpitana, etc.) que vòu véder desaparéisher.

    Estanquèm-se d’acceptar l’inacceptable !

    Qu’aperam tots los revolucionaris, progressistas, democratas e occitanistas a viéner sostiéner lo Pòple kanak, pr’amor la loa luta qu’ei un mirader de la nosta.

    ODPO - Organisacion Democratica del Pòple Occitan
     

    #Kanaky #Rassemblement #TolosaToulouse

    ******************************************************************

    Kanaky est l'une des plus anciennes colonies françaises du Pacifique ; celles-là mêmes qui confèrent à l'impérialisme français la deuxième zone économique exclusive maritime au monde, juste derrière les États-Unis et devant l'Australie, avec plus de 10 millions de km² dont les eaux de l'archipel représentent déjà quelques... 1,4 millions (14%).

    Après le célèbre capitaine écossais Cook qui lui donne le nom de "Nouvelle-Calédonie" (Calédonie est l'ancien nom de l’Écosse), en 1774, elle est abordée par La Pérouse en 1788 suivi par D'Entrecasteaux quelques années plus tard ; des missionnaires religieux s'y établissent dès les années 1840, catholiques français mais aussi... protestants britanniques, si bien que dans une course de vitesse entre puissances, elle est déclarée officiellement colonie française en 1853 ; et comme en Australie par les Anglais, sa colonisation est notamment envisagée à cette époque par le biais de... forçats, condamnés par les tribunaux à la déportation sur ces terres lointaines.

    Le Peuple indigène kanak (qui a réussi déjà à imposer ce nom, qui ne prend pas de pluriel) n’a cessé depuis lors de se battre pour redevenir un peuple libre et maître de son destin : grands soulèvements de 1878 et de 1917, refus de la conscription lors des guerres mondiales (car il fallait alors, comme tant d'autres peuples s'en souviennent, et il n'y avait "aucun problème" à être "français" !) ; et puis bien sûr les violents et tragiques "évènements" de 1984-88, marqués entre autres douloureux souvenirs par l'exécution du révolutionnaire anticolonialiste Éloi Machoro par le GIGN en janvier 1985, et culminant entre les deux tours de la présidentielle 1988 dans le crime de guerre de la grotte d'Ouvéa, où 19 militants indépendantistes seront massacrés de sang froid par les forces colonialistes.

    Kanaky : encore un appel à rassemblement - Occitània - Tolosa (Toulouse)Pour les Kanak, la colonisation c’est la spoliation de leurs terres et tout un ensemble de discriminations et de relégations – salaires, emploi, niveau de vie, logement, santé, éducation… – sur le fondement d'un racisme ("primitifs" etc.) précisément FAIT pour justifier leur dépossession de leur propre pays, considéré en son temps (comme l'Australie proche) terra nullius, terre "d'aucun peuple" digne d'être considéré humain, par les premiers explorateurs. De fait, estimée à une centaine de milliers au début de la colonisation, la population indigène n'était plus que de... 27 000, soit une division par quatre, au début du 20e siècle.

    Mais Kanaky est aussi, c'est important de le noter car il n'y en a plus beaucoup, la dernière colonie de PEUPLEMENT outre-mer*, avec une forte population de colons européens, les fameux Caldoches : un total de quelques 73 000 Français et Européens (+ environ 20 000 métis) parmi lesquels d'ailleurs 37 000 "métros" carrément nés en métropole et venus comme fonctionnaires, militaires, entrepreneurs ou cadres d'entreprises etc., sur 270 000 habitants ; face à une grosse centaine de milliers de Kanak ; auxquels s'ajoutent avec l'exploitation du nickel et autres activités économiques d'autres communautés issues de l'immigration vietnamienne, chinoise ou indonésienne, tahitienne et polynésienne, ou encore de Wallis et Futuna, petite possession "française" plus au Nord ne servant de fait que de réservoir de main d’œuvre et comptant... deux fois plus d'émigrés en Kanaky que d'habitants sur place !

    Encore aujourd'hui, il est clair que la France colonialiste fera tout pour préserver là-bas ses intérêts économiques qui consistent notamment en quelques... 40% des réserves mondiales de nickel, en plus comme on l'a dit d'une position stratégique dans le Pacifique Sud.

    De fait, face à la revendication indépendantiste qui s'exprime depuis plus de 40 ans, selon une stratégie éprouvée et également utilisée ailleurs, elle organise et entretient la mise en minorité des Kanak dans leur propre pays ; ce qui n'est pas nécessairement difficile avec la force d'attractivité d'un territoire "européen" à l'autre bout du monde ; et voyez encore que lorsqu’ils tentent de dénoncer cela, il se trouve non seulement des colons (bien sûr) et des personnes des autres communautés dont l’État français entretient soigneusement l'anti-indépendantisme, mais aussi des éléments de la GAUCHE hexagonale ou "métro" sur place... pour les traiter de "xénophobes" !

    Après plus d’un siècle et demi de lutte, donc, et à l'issue des "évènements" des années 1980 et du massacre d'Ouvéa, les Kanak ont réussi à imposer le principe de leur droit à l’autodétermination, qui doit s'exprimer au travers d'un référendum.

    Mais, plus de 30 ans après les "accords" signés à Matignon entre la délégation indépendantiste menée par Jean-Marie Tjibaou et le nouveau Premier ministre d'alors, Michel Rocard, la tenue de la consultation n'a cessé d'être reportée sine die ; la date initialement prévue de 1998 ne débouchant en fait, avec Lionel Jospin, que sur un... "Matignon 2" renvoyant lui-même à "entre 2014 et 2018" c'est-à-dire cette année, deadline absolue en principe.

    Le principal point d'achoppement portant, de fait, sur la délimitation du CORPS ÉLECTORAL autorisé à y participer, avec une question de durée de résidence sur place que l’État colonial souhaite évidemment... la plus courte possible, en faveur de ses "métros" venus tout droit d'Hexagone ainsi que de l'immigration récente (asiatique ou polynésienne) réputée fidèle ; tandis que les Kanak (ces "xénophobes" !) la voudraient au contraire la plus longue possible, en faveur du peuple autochtone et dépossédé qu'ils sont.

    Finalement, un référendum se tiendra donc le 4 novembre prochain pour décider de l'avenir politique de la colonie des antipodes. Mais l'impérialisme français, on l'a dit, n'a certainement pas l'intention de laisser tomber facilement près de la moitié du nickel mondial et 14% de sa ZEE maritime ; et ceci laisse craindre toutes les manipulations   des "bruits" à ce sujet (non-inscription de milliers de Kanak sur les listes, inscriptions frauduleuses, modification de la loi ouvrant le corps électoral à des personnes non-citoyennes etc.) courent déjà...

    Dès lors, face non seulement à l'enjeu historique pour le Peuple kanak mais aussi à cette possibilité de coup d’État électoral de Paris, il est du DEVOIR de toute personne anticolonialiste et anti-impérialiste conséquente, ou simplement attachée à la justice et à la démocratie entendue comme droit inaliénable des peuples à décider de leur destin, de se MOBILISER pour affirmer et réaffirmer avec force le droit de Kanaky à l'autodétermination.

    Puisqu'on en a parlé, LA GAUCHE HEXAGONALE, et ce aussi bien modérée-bourgeoise que tout à fait "radicale", a toujours eu avec le colonialisme, le droit des peuples en général, et Kanaky en particulier une histoire "complexe"...

    Envisagé au départ, on l'a dit, comme colonie pénitentiaire, l'archipel voit ainsi débarquer dans les années 1870 les prisonniers déportés de la Commune de Paris. Pour autant, seule une toute petite minorité d'entre eux dont la célèbre Louise Michel sauront montrer un soutien, ou même simplement une "compréhension" envers le grand soulèvement kanak qui éclatera quelques années plus tard, en 1878.

    Un siècle plus tard, lorsque éclatent les évènements en 1984, c'est encore une fois la gauche, certes bourgeoise, mitterrandienne, mais la gauche, alliée au PCF et remplie d'anciens trotskystes (comme Mélenchon ou Cambadélis), qui est au pouvoir et "gère" en décrétant l'état d'urgence ; dépêche Edgard Pisani comme "super"-gouverneur-proconsul et couvre les exactions des colons d'extrême-droite et de la gendarmerie.

    Aujourd'hui, face au référendum actuel, encore une fois tant du côté "modéré"-bourgeois que "radical", elle semble plutôt faire preuve d'une certaine léthargie, à moins que ce ne soit un silence gêné... ou parfois, comme on a déjà pu l'observer l'année dernière sur la Catalogne, d'un timide voire semi- voire pourquoi pas très enthousiaste "soutien" du moment que "très loin, c'est très bien", mais en n'en restant pas moins "réservée", "frileuse" voire franchement hostile dès lors qu'il est question des luttes de peuples comme les Bretons, les Corses ou les Occitans, ou d'antiracisme politique (anti-impérialisme "intérieur" des communautés "prolongement" des peuples colonisés ou néocolonisés en Hexagone) juste devant sa porte.

    Il ne manque plus que surgissent ceux qui soutiennent "absolument", "totalement", "inconditionnellement" les luttes des peuples (et de "tou-te-s les oppriméEs") mais en pensant décider eux quand et comment depuis un local parisien ou quelque campus de grande métropole, pour que le tableau opportuniste soit complet...

    Un panorama opportuniste contre lequel notre époque, les temps qui courent, imposent de plus en plus de livrer un COMBAT POLITIQUE.

    Oui, car c'est là quelque chose avec lequel nous avons "grandi" politiquement en étant quotidiennement confronté : nous pensons profondément, et ce même s'il est évidemment des degrés d'oppression qui ne sont pas comparables entre eux (par exemple, on sait que vers 1900 la colonisation avait divisé la population kanak originelle par quatre...), que le soutien à la lutte du Peuple kanak doit nécessairement s’accompagner d'une réflexion urgente et d'une reconnaissance de la domination et même de l'ethnocide exercé par le même État français contre TOUS les peuples qu'il emprisonne dans les mailles de son filet.

    L’État français domine depuis des siècles, et tente depuis des décennies de faire carrément disparaître de son territoire des nations historiques dominées (occitane, catalane, basque, corse, bretonne, alsacienne, flamande, arpitane). Pour assurer le contrôle économique et social absolu de Paris sur ces territoires, il en fait ni plus ni moins que disparaître les peuples (sans violence ni liquidation physique des personnes, ce que signifie ethnocide par opposition à génocide), en tout cas en tant qu'ensembles sociaux d'individus ayant conscience de l'être, par l'usage d'une langue par exemple : nous avons ainsi en Occitanie, pour 16 millions d'habitants, seulement 8 000 enfants scolarisés en occitan alors qu'il faut normalement que 30% d'une tranche d'âge apprenne une langue pour assurer sa survie.

    Et la gauche (encore elle...), par choix et (surtout) par filiation idéologique (avec les courants les plus centralisateurs de la Révolution bourgeoise de 1789, ou de la IIIe République, grands... colonialistes par ailleurs), se complait dans cette situation et n'aborde la question que du bout des lèvres, jamais comme quelque chose de véritablement important...

    Le nationalisme français est aujourd'hui extrêmement présent à gauche : la "grandeur de la France", la "Patrie des Droits de l'Homme", les "valeurs de la République" etc. etc. ; faisant le lit de l'extrême-droite et de la Réaction. Il ne remet jamais en cause les fondements de l’idéologie bourgeoisie basée sur le mensonge de l’État-"nation" appelé "France".

    Tout mouvement qui se veut en rupture avec un système ne peut faire l'impasse de l'analyse profonde de ce système, même si cela remet en cause beaucoup de ses certitudes et "zones de confort".

    Soutenons les Kanaks plus que jamais, tout en tuant l'hypocrisie bourgeoise et petite-bourgeoise française : NON il n'y a pas qu'une seule nation en France, ni un seul peuple, une seule culture ou une seule langue !!

    À Paris, un ensemble de collectifs et d'organisations anti-impérialistes, anticolonialistes et antiracistes politiques a déjà organisé un meeting de solidarité le 19 septembre : collectifantiguerre.org_article109 facebook.com/FUIQP.ParisBanlieue/photos/ FUIQP.ParisBanlieue/posts/ ; initiative que nous saluons.

    Tolosa, capitale du Lengadòc historique, de l'Occitània centrale première conquête fondatrice de la France, ne sera pas en reste.

    Per Kanaky e tots lei Pòbles oprimits de la Preson França, ENDAVANT !

    Kanaky : encore un appel à rassemblement - Occitània - Tolosa (Toulouse)

    * Sur tous ces points, lire par exemple l'exposé qu'en fait le FUIQP :

    #Kanaky #Rassemblement #TolosaToulouse


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  • Le négationnisme de la Shoah est la RANÇON de sa DÉS-HISTORICISATION TOTALE et du caractère "surnaturel" que cela lui confère ; générant (surtout lorsque couplé à la justification du sionisme, ou à la relativisation d'autres d'autres crimes contre l'humanité) un "appel d'air" au "un truc pareil, ce n'est pas possible, ce n'est pas crédible", et aux tentations de négation.

    Certes oui, il y a une "communauté" des négationnismes comme volonté de minimiser ou nier les crimes de la suprématie blanche-occidentale QluN8.png ; et il ne fait pas de doute que c'est ce qui animait un militant idéologique comme Faurisson ; mais nous parlons ici en termes de MASSES, de réception (même partiellement) de masse de ces théories.

    Le négationnisme de la Shoah a dans ce cadre une spécificité, strictement corrélée à la spécificité (l'"unicité") absolue que veut lui conférer l'historiographie.

    Le négationnisme des autres crimes contre l'humanité consiste rarement en une négation absolue des atrocités perpétrées, mais plutôt en une tentative de relativisation et (justement) de SUR-historicisation : "c'était il y a longtemps", "c'étaient les mœurs de l'époque" (concernant typiquement le Maafa, holocauste de la déportation esclavagiste des Africain-e-s) et "c'est heureusement révolu" ; c'étaient les mentalités de l'époque, heureusement révolue, et "il y a quand même eu des aspects positifs" (colonisation) ; le bilan d'un personnage historique comme Napoléon "ne peut pas se résumer" à son action en Haïti ou en Guadeloupe ; "tout le monde en ce temps-là (surtout les Arabes !), et même encore bien après nous, a fait pareil" ; etc. etc.

    Même le négationnisme turc du génocide arménien n'est pas une négation qu'il y ait eu d'importants massacres, mais une tentative d'en diminuer l'ampleur et surtout de les contextualiser : les Arméniens étaient armés par la Russie contre la Turquie, eux aussi avaient commis des massacres, etc.

    Les ressorts sont un peu similaires vis-à-vis du génocide rwandais : personne ne nie l'ampleur des massacres (ce serait difficile à l'ère de l'information...), mais "c'était la guerre civile", et "dans ces pays-là, ça finit vite comme ça", et cette guerre "c'est le FPR qui l'a commencée", et bien sûr "c'est comme ça chez les Noirs" et l'Occident, la France en particulier, ne portent aucune responsabilité.

    Tous ces discours, tant chez les idéologues (Gallo, Pétré-Grenouilleau, Péan, les leaders politiques turcs) qu'en termes de masses expriment bel et bien une volonté plus ou moins consciente, mais toujours sous-jacente de défendre et préserver la suprématie du groupe national dominant (européen/occidental, turc) ; de façon, il faut le dire hélas, assez hégémonique ; et bien évidemment, à quelques rares exceptions près n'ont de "prise" que sur lui, le peuple mis en accusation, et pas (bien évidemment) sur les peuples victimes (sauf quelques "supplétifs" heureux de l'être) ni (surtout) sur des groupes nationaux complètement étrangers à l'affaire.

    Sur la Shoah, une conscience claire que la chose telle que décrite est abominable et indéfendable, débouche par voie de conséquence sur une tentative de démontrer que cela n'a JAMAIS eu lieu : les Juifs auraient simplement été internés dans des camps où, à raison de plusieurs millions de déporté-e-s, une grosse centaine de milliers seraient mort-e-s de maladies ou de malnutrition dans le contexte de crise d'approvisionnement de la fin de la guerre. Ni les chambres à gaz, ni les massacres par balles des Einsatzgruppen n'auraient "jamais" existé.

    Évidemment, à la SOURCE DE LA SOURCE de telles théories se trouvent des individus (comme Faurisson, ou maintenant Reynouard) qui pensent que le nazisme était un excellent régime politique, qu'il faudrait d'ailleurs rétablir, et qui tentent ainsi de le réhabiliter. Mais la question ici est plutôt la "prise" que ces théories peuvent trouver sur une partie des masses populaires.

    Car cette "prise" existe bel et bien. Il y a encore une quarantaine d'années, dans une Europe où vivaient encore des millions d'anciens complices, plus ou ou moins actifs ou passifs, du nazisme et de ses régimes collaborateurs, elle avait bien évidemment une base sociale "naturelle".

    Il est par ailleurs frappant de constater que c'est vers les années 1970 (on fait parfois de la série télé US Holocauste - 1978 - un jalon temporel de référence, bientôt suivi du très-long-métrage Shoah de Claude Lanzmann, sorti en 1985) qu'émerge une historiographie propre de la Shoah, "extraite" des crimes nazis "en général"... et strictement à la même époque que commencent à devenir réellement audibles les thèses négationnistes (Faurisson, Bochaca, Butz, Verbeke, Institute for Historical Review etc.) - du moins, émises auparavant par d'anciens nazis ou collabos, elles ne rencontraient pas un très grand écho.

    Aujourd'hui, une grande partie des masses blanches européennes a fini par "intégrer" la "religion de la Shoah" entendue en ce sens de "sacrifier", "mettre au piquet" historiographique de la civilisation occidentale l'Allemagne de cette douzaine d'années où régna le nazisme, et les divers régimes collaborateurs de la Seconde Guerre mondiale, afin par ce "sacrifice" "refondateur" de re-confirmer la supériorité civilisationnelle de l'Occident. POUR AUTANT, la diffusion des thèses négationnistes ou "simplement" de l'incrédulité envers une telle ampleur du génocide reste loin d'être négligeable en leur sein ; couplée parfois à un vieux fond antisémite "anticapitaliste des imbéciles" qui peine peut-être plus à mourir que l'association bourgeoise réactionnaire "Juifs = démocratie avancée, égalitarisme, socialisme, communisme, menace pour l'ordre", désormais largement hors-sujet.

    Et puis il y a leur diffusion, à ne pas exagérer, mais tout sauf négligeable, dans les masses du Sud global ou originaires de lui ; concrètement, et systématiquement, autour de la question de la Palestine : "la Shoah sert de justification au droit à l'existence d'Israël, à son occupation de la Palestine et à ses crimes" = la Shoah est "forcément" un mensonge de propagande qui doit être démystifié.

    On parle souvent des "réactions négationnistes" relevées dans les établissements scolaires "sensibles" des "territoires perdus de la République" ici ; mais il existe d'autres cas de figure de bien plus grande ampleur encore : ainsi les dits "Arabes israéliens", autrement dit les Palestiniens musulmans ou chrétiens emprisonnés dans le territoire officiel de l’État d'Israël, et ayant fini par accéder à une citoyenneté de seconde zone, sont scolarisés dans des établissements israéliens qui mettent bien évidemment la Shoah au centre de leur propagande sioniste (le sionisme qui aurait "sauvé" ceux venus avant, puis "enfin offert une patrie" aux rescapé-e-s). Pour autant, parmi ces Arabes (donc) "les plus éduqués et sensibilisés" au sujet de la planète (la visite à Yad Vashem est pour ainsi dire obligatoire)... la non-croyance à l'existence du génocide, ou du moins à son ampleur "officielle" est absolument hégémonique.

    Est-il utile, devant cela, de se poser encore 30.000 questions quant à la corrélation entre mise de la Shoah au service de la propagande sioniste et tendance (relevant parfois de la bravade...) à vouloir la nier ; et quant à l'idée que la solution se résume à envoyer les gens se "sensibiliser" à Yad Vashem ou à Auschwitz ? Ce n'est sans doute pas (ou très peu) dans ce but qu'un Faurisson a jadis élaboré ses thèses, MAIS c'est bien dans celui-là que celles-ci sont récupérées et, de la sorte, maintenues en vie...

    QUOI QU'IL EN SOIT, les discours négationnistes de la Shoah ne pourront être combattus efficacement qu'en commençant, déjà, par restituer cette tragédie dans son CONTINUUM HISTORIQUE, celui de l'impérialisme, de la "Modernité occidentale" et de ses méthodes déchaînées déjà auparavant... et encore depuis contre des centaines de peuples à travers la planète : non pas un évènement "exceptionnel" et "aberrant", mais la simple mobilisation de moyens nouveaux à l'époque (années 1940) au service de politiques de déportation, travail forcé et extermination de populations entières n'ayant (hélas) rien d'extraordinaire au regard de l'histoire des 5 derniers siècles ; et certes, cette fois, non pas au fin fond de l'Afrique ou de l'Asie du Sud-Est, mais contre des victimes arrêtées au coin des rues qui sont les nôtres au quotidien...

    Et en cessant, ensuite, de vouloir conférer à ce crime contre l'humanité une exceptionnalité presque "surnaturelle" (qu'il n'a pas...) afin de, plus encore que "justifier" l'entreprise sioniste (c'est presque secondaire...), l'ériger en "arbre cachant la forêt", focalisant sur lui tous les regards et minimisant à côté de son horreur supposément "exceptionnelle" tous les crimes impérialistes ou étatiques-modernes antérieurs comme postérieurs ; et "sauver" ainsi, au "prix" (commode) de l'expulsion de 12 ans de l'histoire d'un pays (et quelques années d'"une partie" de quelques autres...) de son sein, la "civilisation" occidentale.

    Nous pouvons à ce sujet vous inviter à lire, par exemple, l'excellent Johann Chapoutot :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/ultra-interessant-au-regard-de-ce-que-slp-a-pu-maintes-fois-ecrire-sur-a134301666

    Ou encore ces quelques modestes réflexions émises à l'époque de la "grande affaire Dieudonné", début 2014 :

    http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/reflexion-theorique-loi-gayssot-lois-antiracistes-et-memorielles-antif-a114072232


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  • Il règne en ce moment même au Xinjiang, parfois appelé également "Turkestan oriental chinois", territoire du Peuple ouïghour, une situation visiblement tragique sur laquelle (par contraste "étonnant" avec le Tibet du "gentil" Dalaï-Lama ex-esclavagiste féodal et réactionnaire comme pas deux, mais coqueluche de tous les bobos occidentaux de merde bouffeurs de quinoa) plane un assez lourd silence radio des médias mainstream, mis à part quelques articles dans la presse conservatrice-atlantiste (Figaro, Atlantico) ou libérale-libertaire (Libé, Nouvel Obs) la plus anti-chinoise (dont la sinophobie, disons, parvient à compenser et même par moment surpasser l'islamophobie)...

    Il faut dire que les cibles, ici, sont des MUSULMAN-E-S ; raison pour laquelle c'est d'abord par les médias dits (en bon langage républicain) "communautaires", ou les publications de la mouvance décoloniale sur les réseaux sociaux, que nous parvient l'information.

    Tâchons en quelques points d'y voir clair.

    - L’État chinois vient donc d'admettre (précisément, d'avaliser par une loi du 9 octobre), après plusieurs années de dénégations ou du moins de justifications alambiquées, avoir procédé à "l'internement" pour "rééducation" de plusieurs centaines de milliers, peut-être 1 million de Ouïghours (qui seraient un peu plus de 10 millions) ; "rééducation" visant à lutter contre ce que l'on appellerait ici la "radicalisation islamiste", mais qui dans les fait, consiste à imposer par matraquage une allégeance "patriotique" à Pékin et à anéantir des pratiques culturelles faisant partie intégrante de leur identité et de leur conscience nationale - manger halal, pas de porc ni d'alcool, prière, jeûne du ramadan etc. etc. (certaines de ces vexations, comme les forcer à manger du porc ou boire de l'alcool, sont au demeurant totalement ridicules puisqu'en islam la contrainte, la nécessité ou l'insu "annulent" le péché de violation des interdits alimentaires) :

    http://ekladata.com/chine-repression-ouighours.pdf

    Cette région autonome de la République "populaire" (effectivement, sur le papier constitutionnel, autonome contrairement à nos peuples prisonniers et dernières colonies directes de l’État français) est en réalité sous état d'exception depuis pratiquement une dizaine d'années (ou un gros quart de siècle mais surtout une dizaine d'années), après que la résistance nationale ouïghoure face à la botte de l’État central et à la colonisation de peuplement (contrairement aux mythes répandus au sujet du Tibet, toujours peuplé à 92% de Tibétains, il y a bien une minorité - 45% - de Ouïghours au Xinjiang, face à quelques 41% de Chinois han et 14% d'autres nationalités - pour la plupart apparentées, Kazakhs, Kirghizes, Huis etc.*) ait évolué vers une lutte armée (attentats, émeutes etc.) se revendiquant généralement de la foi islamique et parfois du djihad (quelques dizaines, à la rigueur centaines de Ouïghours seraient par ailleurs effectivement engagés dans des organisations dites djihadistes sur d'autres fronts de la planète).

    [* Il convient de préciser à ce titre (sinisation-du-xinjiang, voir aussi le cas de la capitale Ürümqi) que contrairement au Tibet, toujours vassal de l'Empire chinois mais relativement isolé sur ses hauts plateaux, le Xinjiang qui consistait ni plus ni moins qu'en la Route de la Soie a de très longue date connu une importante présence chinoise (nullement liée donc à l'horrible "communiiiisme"), qui pouvait s'élever au tiers de la population totale sous la dynastie Qing (1644-1912) avant de tomber à 6% en 1949 (après 3 décennies et demi de total effondrement intérieur de la Chine et donc de "rapatriement" des marchands, militaires, fonctionnaires etc.), lors de la prise de contrôle du territoire par l'Armée populaire, puis de remonter à la proportion d'un tiers vers l'époque de la Révolution culturelle - par ailleurs, comme pour toute province de tout grand État industrialisé en tant qu'"enclos à force de travail", on trouve également et de plus en plus (surtout depuis environ 40 ans de développement économique à tout crin dans l'"économie socialiste de marché") des Ouïghours hors du Xinjiang, concrètement, comme migrants de travail.]

    Sur la situation actuelle des Ouïghours en République "populaire" de Chine

    - Il apparaît cependant que les choses n'ont pas toujours été ainsi, et clairement pas sous Mao ni même jusqu'en 1989, date de la terrible répression du "Printemps de Pékin" (que l'on peut considérer comme le moment du triomphe total du capitalisme en Chine, dans la perspective de devenir un pays impérialiste). C'est particulièrement important à rappeler, car si un intérêt pouvait exister pour les médias de l'impérialisme (prenant le risque de paraître "pro-islamistes" aux yeux d'une partie de leur lectorat...) de mettre en avant cette terrible persécution, ce serait celui-là : semer la confusion régime chinois actuel = "communisme" et jeter encore de l'huile sur le feu, creuser encore le fossé entre les forces essentielles pour la lutte anti-impérialiste mondiale que sont les révolutionnaires marxistes d'un côté et la résistance nationale des peuples majoritairement musulmans de l'autre (à titre d'exemple : http://www. desdomesetdesminarets.fr/2018/10/13/persecution-des-ouighours - "Leur seul tort est leur religion farouchement combattue par les héritiers de Karl Marx"...).

    Pour toute analyse marxiste sérieuse et digne de ce nom, la Chine ultra-capitaliste actuelle (et depuis près de 40 ans) n'a absolument rien de "socialiste" ni de "marxiste" sinon dans le décorum (servant d'équivalent pour sa "révolution industrielle" d'un - disons - régime bonapartiste autoritaire) ; de notre point de vue maoïste, la contre-révolution des tenants de la "voie capitaliste" y a été opérée sous la conduite de Deng Xiaoping dans les années suivant la mort de Mao (1976, jusqu'à disons la dernière Constitution promulguée en 1982).

    [Lire par exemple : Chine-chasse-aux-étudiants-marxistes.pdf]

    - Selon le quotidien Libération, certes né maoïste dans les années 1970 mais n'ayant plus grand-chose aujourd'hui (ni depuis longtemps) de fanatiquement pro-Pékin, loin de là, "le Xinjiang a longtemps été un monde à part exempté de la politique de l’enfant unique, où se pratiquait un islam ancien et modéré (sic... toujours le besoin d'insister sur ce genre de truc, enfin bref) à 3 000 kilomètres de Pékin. Le ouïghour, langue apparentée au turc et qui s’écrit en caractères arabes, était pratiqué partout, le mandarin ne s’apprenait qu’au collège deux heures par semaine. Les fonctionnaires chinois d’ethnie han étaient rares et discrets. « Mais après la révolte de 1989 et la chute de l’URSS, le Parti communiste chinois a craint que le Turkestan oriental ne fasse sécession. Il a entamé une politique dite d’assimilation, qui est en fait une destruction de notre culture, de notre langue, de notre identité religieuse », explique le juriste Mehmet Tohti, cofondateur de l’association Congrès mondial ouïghour."

    https://www.liberation.fr/planete/2018/08/29/ouighours-les-camps-secrets-du-regime-chinois_1675335

    Ensuite de quoi, "les émeutes de 2009 et une série d’attentats qui ont fait plus d’une centaine de victimes, et l’enrôlement de dizaines de Ouïghours dans les rangs de l’État islamique en Syrie ont renforcé la répression"...

    [Lire aussi, très bon, dans le Monde Diplo : « Les Ouïgours à l’épreuve du « vivre-ensemble » chinois, par Rémi Castets (Le Monde diplomatique, mars 2019).pdf »

    Ou encore cet article, que l'on peut également qualifier de factuel et plutôt équilibré : « Grave attentat dans une mine de charbon d’Aksu. - Informations et actualité Chine - QuestionChine.net.pdf » (au sujet d'un des multiples attentats-massacres à l'arme blanche qui ont eu lieu là-bas depuis les années 2000, car il faut aussi le rappeler, la lutte des séparatistes ouïghours, ce n'est pas non plus tout peace and love !)

    "La polémique sur les causes profondes des troubles ne cesse pas. Le Congrès Mondial des Ouïghours a certes récemment reconnu l’impact du radicalisme islamiste, ciblant par ailleurs l’influence de la Turquie. Mais il continue à stigmatiser la brutalité de la répression chinoise contre la mouvance religieuse et la pratique de l’Islam, cause première de la fracture ethnique.

    Pékin accuse en revanche l’intrusion d’agitateurs externes, attisant à la fois les haines religieuses et le séparatisme politique. L’aggravation de la situation et du potentiel de tensions à venir se lit peut-être dans l’augmentation du nombre d’écoles islamiques clandestines, signalée par une étude publiée par le centre d’études d’Al Jazeera.

    Parallèlement à la construction de mosquées officielles dont le nombre explose (plus de 10 000 érigées seulement entre 2006 et 2011), témoignant de l’augmentation de la foi religieuse dans la province, l’emprise des organisations d’écoles coraniques souterraines animées par des groupes salafistes basés au Moyen Orient s’étend hors des contrôles policiers.

    Leur nombre prolifère à mesure que les Ouïghours ressentent comme des vexations, voire des agressions, les intrusions de la police dans leur pratique religieuse dont certaines manifestations jugées trop ostentatoires sont réprimées (obligation de s’inscrire au Parti, harcèlement des fonctionnaires pratiquant le ramadan, chasse au voile intégral [qui certes dans la région n'est pas "traditionnel" : la tenue traditionnelle des femmes ouïghoures est plutôt comme ça terredasie.com/100-ans-de-mode-ouighoure], au port de la barbe).

    Beaucoup d’attaques terroristes récentes trouvent leurs causes dans la répression de rassemblements interdits ou les fouilles aux domiciles de suspects, suite à des dénonciations anonymes.

    La quadrature du cercle à laquelle le régime doit faire face est la suivante : après des décennies de développement de la province où les Han bénéficièrent de traitements privilégiés et entretinrent peu de contacts avec les Ouïghours au point que dans les années 2000 tous les voyageurs dans la province notèrent que les communautés vivaient côte à côte sans se mêler [1], la vieille revendication d’indépendance du « Turkestan oriental » se double aujourd’hui d’une pression islamiste radicale. La conjonction de ces deux menaces qui se potentialisent l’une l’autre, contribue à durcir les répressions qui, elles-mêmes, attisent le feu de la révolte ethnique et religieuse stimulée par la proximité avec le Pakistan, l’Afghanistan et l’Asie Centrale.

    Note(s) :

    [1] Le gouvernement de la RPC a pourtant souvent protégé les musulmans contre les attaques blessantes. En 1989, il avait interdit le livre Xing Fengsu (coutumes sexuelles) après de violentes émeutes à Lanzhou et Pékin des Musulmans Hui qui jugeaient que le livre insultait l’Islam. En 2007, lors de l’année du cochon, le Parti avait interdit les images de porcs sur les calendriers et, lors de l’attaque contre Charlie Hebdo en France, la presse officielle du régime avait condamné les caricatures de Mahomet. Le Global Times avait même accusé Charlie Hebdo d’attiser l’affrontement entre civilisations. La prudence du pouvoir vise d’abord à protéger les Musulmans de Chine souvent objets de discriminations et de harcèlements. Mais la prévenance officielle s’est surtout exercée au profit des Hui très intégrés à la culture chinoise. Les Ouïghour qui véhiculent aussi un projet sécessionniste ne bénéficient pas de la même tolérance."]

    Il n'y a donc aucune difficulté à imaginer que le régime chinois, toujours fin stratège, ait su profiter du climat mondial actuel pour associer lutte contre le "terrorisme" (avec cette résistance ouïghoure de tendance parfois djihadiste) et renforcement de sa mainmise sur cet immense territoire (3 fois l'Hexagone !) que l'on sait regorger de ressources indispensables à sa position mondiale de nouvel impérialisme concurrent de l'Occident ; par ailleurs principal point de départ des fameuses "Nouvelles Routes de la Soie", ce qui en fait de plus en plus un enjeu géostratégique majeur ; en s'attaquant à travers "l'extrémisme religieux" (soigneusement "confondu" avec) à ce qui forme en réalité l'avant-garde de sa conscience, et donc de sa RÉSISTANCE nationale.

    De manière générale, d'après certaines sources (mais là encore, à voir sur quoi elles se basent réellement...), cette "volonté de puissance" "social"-impérialiste se traduirait politiquement par l'émergence depuis le début de la décennie, autour de Xi Jinping, d'une tendance en rupture avec la ligne léniniste, "soviétique" quant aux nationalités, et favorable à un modèle plus "jacobin"-assimilateur (ici en anglais : What is the Communist Party’s goal in Xinjiang_ - The Washington Post.PDF).

    - MAIS PAR CONTRE, à partir de là, on ne peut qu'inviter le lecteur ou la lectrice à une certaine prudence, un certain recul critique par rapport à TOUT ce qui se dit ; non pas forcément quant à la réalité des faits, mais peut-être par rapport à certaines possibles exagérations ; surtout émanant de "sources" telles que Free Asia (née contre la Chine révolutionnaire de Mao, mais toujours active contre le - désormais - concurrent impérialiste chinois de l'Occident), ou encore les médias des pays pétro-wahhabites du Golfe... Dès lors qu'il s'agit de viser et de jeter l'opprobre sur l'"intrus" dans la "communauté internationale" des puissances géopolitiques : celui qui était encore une sorte de protectorat, presque une colonie il y a à peine 70 ans !

    Dans le registre des tenants "campistes" de la défense de Pékin, et du "fake" au sujet de la répression au Xinjiang, l'on peut citer cet article publié sur Investig'Action de Michel Collon, dont la conclusion somme toute équilibrée pourrait également résumer notre position : 

    https://www.investigaction.net/fr/ouighours-que-se-passe-til-au-xinjiang/

    "Il y a des raisons de se poser des questions sur ce qui se passe au Xinjiang et sur les choix qui ont été faits par la Chine en matière de lutte contre le terrorisme. Mais il est clair qu’il y a aussi une grande campagne de propagande qui est a été lancée autour de cela, et que celle-ci ne vise pas à connaître la vérité ou à défendre les droits humains, mais à préparer la confrontation contre la Chine. C’est une raison de plus d’être très prudent avec les informations que nous recevons."

    [Exemple parmi d'autres de désinformation grossière : selon le "Centre de Recherche pour le Turkestan et l'Azerbaïdjan", organisation basée aux Pays-Bas, les retombées radioactives des essais nucléaires chinois dans le secteur du Lop Nor auraient causé la mort de "200.000" à "un demi-million" de personnes, avec encore dans les années 1990 "85.000 personnes habitant dans la zone contaminée", etc. etc. Pourtant, l'Encyclopædia Britannica (en ligne, 2009) indique dans son article consacré que ce territoire, consistant en une vaste étendue de marécages salés (débouché du fleuve Tarim qui se perd dans les sables du désert à cet endroit), n'a plus connu de peuplement permanent depuis qu'une épidémie en a chassé les rares tribus ouïghoures qui l'occupaient dans les années 1920... !! (Pour rappel, sur les conséquences sanitaires des essais français au Sahara et en Polynésie, dont les donneurs de leçons feraient mieux de s'occuper : Conséquences_sanitaires_des_essais_nucléaires_français - la France a procédé à 210 essais entre 1960 et 1996, 50 aériens et 160 souterrains, contre 45 seulement pour la Chine, dont 23 aériens... comment imaginer alors autre chose que des retombées sur les populations au pire similaires, et certainement pas "un demi-million de morts" ??)]

    Il faut avoir à l'esprit par exemple, sans nier le fond de réalité de l'oppression du Tibet, y compris parfois sous Mao (où les tendances droitistes tendant déjà à voir les "provinces reculées" comme des colonies pour le futur capitalisme chinois, comme les tendances gauchistes aux exactions "civilisatrices" contre les "peuples arriérés", existaient dans le Parti et l'appareil d’État un peu comme ici sous la Révolution bourgeoise), ce que l'on peut ou a pu entendre au sujet du "génocide tibétain" ; en termes d'allégations ne tenant pas debout comme par exemple "1,2 million de morts depuis 1950" (population à l'époque...  1,2 million justement ; aujourd'hui 3,3 millions pour la région autonome, à 93% de nationalité tibétaine contrairement aux allégations de "majorité chinoise désormais" ce qui n'est même pas vrai à Lhassa - 82% de Tibétains ; 6,5 millions en ajoutant ceux des provinces limitrophes où ils sont effectivement minoritaires, mais reconnus comme nationalité dans les districts où ils vivent en majorité ; vous imaginez alors, un peu, les proportions délirantes et contraires à tout bon sens démographique attribuées à ce prétendu "génocide" ; etc. etc.).

    À cet épineux sujet, assez central dans l'anticommunisme de gôôôche bobo-socedem, libéral-libertaire, mais aussi fréquemment brandi par les gauchistes (anars, trotskystes etc.) toujours friands de génocides chez les autres (et moins volubiles s'agissant des crimes contre l'humanité sur lesquels se sont construits leurs propres États bourgeois), l'on peut lire notamment les papiers de l'excellent Domenico Losurdo : la-chine-le-tibet-et-le-dalai-lama - le-tibet-l-imperialisme-et-la-lutte-entre-progres-et-reaction

    [Lire aussi, comme les 3 "jalons" essentiels de la situation au Tibet sous la République vraiment populaire de Mao, pour essayer de sortir un peu (ça reste Wikipédia hein... mais c'est assez riche en informations) des idées toutes faites : Accord en 17 points sur la libération pacifique du TibetSoulèvement tibétain de 1959 - Révolution culturelle au Tibet (la situation au Xinjiang, à l'époque, a de toute évidence connu le même type de complexité).]

    - La position de la Turquie d'Erdogan (le Peuple ouïghour étant musulman mais aussi turcophone...) sur la question tend ces dernières années à évoluer vers un certain silence, ou au "mieux" à se payer purement de mots. Il faut dire que depuis 2016, face au soutien occidental à Rojava, aux suspicions envers l'Occident d'être derrière la tentative de coup d’État "güleniste" de cette année-là et (quoi qu'il en soit) aux condamnations par celui-ci des purges qui ont suivi, le régime AKP d'Ankara a eu tendance à se rapprocher grandement du bloc impérialiste "oriental" russo-chinois ; la Chine étant notamment son principal appui dans la perspective de rejoindre les fameux BRICS turquie-brics.pdf (qui deviendraient alors BRICST, ou peut-être simplement "RICST" vu qu'avec le coup de barre fasciste pro-occidental au Brésil, voilà...), ce qui dans un contexte de véritable guerre monétaire que lui livre Washington (pas au niveau du Venezuela certes, mais un peu quand même) lui donnerait accès à la Nouvelle Banque de Développement réservée aux membres du "club" (et dont heureusement le siège a été fixé à Shanghai en Chine, parce que si c'était au Brésil comme envisagé à un moment, voilà quoi...).

    Ainsi, en dépit du fait qu'historiquement (y compris du temps du kémalisme et de Mao...) le nationalisme ouïghour ait été très lié à l’État turc et à ses discours pantouraniens, on ne voit pas en ce moment le "Sultan" particulièrement "en pointe" sur ce dossier...

    Sur la situation actuelle des Ouïghours en République "populaire" de Chine

    EN RÉSUMÉ :

    - La Chine utilise sans l'ombre d'un doute le prétexte, bien dans l'air du temps, d'une "campagne anti-terroriste" (anti-terrorisme "islamiiiiste") pour, EN CONTOURNANT (car sinon... pourquoi y aurait-il besoin d'un tel prétexte ?) sa propre Constitution qui accorde (sur le papier) aux nationalités périphériques de la République "populaire" une reconnaissance nationale et une autonomie politique dont les peuples niés et les dernières colonies des États européens n'oseraient rêver, asseoir sa mainmise sur le Xinjiang comme "colonie intérieure" au service de sa "volonté de puissance" impérialiste ; en brisant préventivement toute velléité de résistance nationale ouïghoure et en se "garantissant" (relativement) en cela un silence "gêné" des Occidentaux qui risqueraient, en montant au créneau, de se mettre en porte-à-faux vis-à-vis des discours anti-"islamiiiiistes" dont ils abreuvent quotidiennement leurs "opinions".

    [Concrètement : si un pays est capitaliste, inséré dans le Système capitaliste mondial (et aujourd'hui tous le sont pour ainsi dire, même Cuba, la Corée du Nord ou la Transnistrie...), alors il va pratiquer ce que David Harvey appelle le spatial fix ekladata.com/David-Harvey.pdf"le capitalisme ne peut jamais véritablement résoudre ses crises, il peut seulement les déplacer dans l’espace, en relançant l’accumulation du capital dans des régions où les rapports capitalistes sont encore à l’état embryonnaire, jusqu’à l’arrivée de la prochaine crise" ; "intraduisible, ce terme évoque à la fois un nouvel ancrage géographique dans la quête de ressources ou de débouchés, mais aussi le caractère temporaire d'une telle solution, à l'image du bien-être momentané d'un « fix » de drogue".

    La seule question va alors être OÙ, au détriment de quelles populations, planter l'"aiguille" de ce "fix"Et bien évidemment, les populations qui ne risquent pas trop de susciter l'émoi et (encore moins) les envie d'ingérence des chevaliers blancs impérialistes à la BHL-Goupil vont automatiquement se trouver désignées comme cibles faciles. C'est le cas des Ouïghours du Xinjiang, avec leur mouvement national réputé "noyauté" par un islam politique avec lequel l'Occident, depuis les attentats du 11 septembre 2001, a définitivement cessé de "jouer"...]

    - SOLIDARITÉ avec le Peuple ouïghour persécuté par l’État contre-révolutionnaire, "social"-FASCISTE chinois. D'un bout à l'autre de la planète, sans JAMAIS de "bon" ni de "mauvais" oppresseur, LE CAMP DES PEUPLES EST NOTRE CAMP

    - Mais dans le contexte actuel, à ne jamais perdre de vue, d'accélération de la Quatrième Guerre mondiale non-déclarée en cours depuis la fin de la Troisième (la Guerre froide) ; avec une Chine rivale capitaliste-impérialiste de l'Occident ; attention à une trop soudaine mobilisation médiatique, de trop soudaines et abondantes larmes de crocodiles des médias mainstream occidentaux à ce sujet. ÉVITER de se faire hâtivement mobiliser par un camp impérialiste (l'Occident) contre un autre (la Chine).

    Qui irait par exemple, en Syrie du Nord, dénier le droit aux Kurdes de faire face à des gens qui, quelles que soient les (même excellentes) raisons de la haine qui les anime, les considèrent comme des "impies" et des "satanistes" et leurs réservent le sort adéquat ; tout en en profitant pour desserrer un peu l'étouffant étau "jacobin" arabiste pesant sur eux depuis 7 décennies, et se constituer une base arrière contre l’État turc qui les piétine depuis près d'un siècle ? Pour autant, on a hélas vu comment cette belle cause a malheureusement tourné - ou plutôt été détournée...

    Et il peut en être absolument de même avec toutes les plus JUSTES causes de la planète, tant l'impérialisme, les impérialismeS dont il ne faut pas oublier la pluralité et la lutte entre eux, sont capables en la matière de tous les opportunismes.

    On a cité les Kurdes de Rojava ; on pourrait encore rappeler comment avec des individus comme Soral ou Chatillon, la Palestine elle-même, la résistance antisioniste du Machrek arabe peut être mobilisée au service d'une certaine vision, ou du moins "proposition" géopolitique adressée à l'impérialisme français... Dès l'époque de la Première Guerre mondiale, les Irlandais récupérés par l'impérialisme allemand contre l'Empire britannique ; les Arméniens, les Grecs, les chrétiens d'Orient et les Arabes récupérés par le bloc France-Angleterre-Russie pour dépecer l'Empire ottoman allié de l'Allemagne, etc. etc.

    Pour simple rappel : au nombre d'une dizaine de millions, les Ouïghours persécutés représentent quelque chose comme 0,6% des musulmans de la planète. Tout comme les 15 ou 20 millions habitant la Fédération de Russie, et donc potentiellement victimes de ses répressions, en représentent autour d'1%. La quasi totalité des autres (plus de) 98% sont, quant à eux, bel et bien principalement la proie de l'Occident, en Palestine, en Afghanistan et ailleurs ; et c'est sans compter les milliards de damnés de la terre non-musulmans...

    Il n'y a pas 3 siècles, mais une soixantaine d'années, la France colonialiste (au rapport pour le moins lointain avec "les héritiers de Karl Marx", sauf à inclure la SFIO de Guy Mollet dans cette définition...) appliquait exactement le même système d'internement des populations pour les matraquer des "bienfaits" de sa "civilisation" en Algérie : 2 millions de personnes soit un tiers de la population algérienne rurale...

    Mais c'est sûr, il n'est de "bonne" indignation que sélective et les persécutions, les massacres, les crimes contre l'humanité c'est toujours "mieux", plus commode à dénoncer lorsque c'est chez les autres ; surtout lorsque c'est (pour parler clairement) entre "barbares", entre non-Blancs !

    Il ne faut pas verser dans le campisme, dans une lecture purement géopolitique du monde et nier  l'oppression de ceux dont l'oppresseur est supposément dans le "bon" camp ; comme l'aurait sans doute fait ici le (malgré tout) regretté Losurdo, ou comme ceux qui soutenaient les soulèvements arabes jusqu'à ce que leur onde de choc atteigne les rivages de la Syrie "anti-impérialiste", attribuant dès lors toute juste résistance populaire contre l'oppression à la "Main de l'Empire" ; MAIS il faut bien évidemment toujours garder ce genre de facteurs à l'esprit pour que, comme disait Lénine, "le fait que les directions (des) mouvements (de résistance/libération nationale) pourraient les trahir en les associant politiquement et administrativement à l'impérialisme (puisse être) une raison de dénoncer leurs chefs" (et de ne pas se laisser embrigader dans des campagnes de propagande impérialiste au service de la guerre mondiale non-déclarée, etc.), "mais pas de condamner ces mouvements (la "raison de se révolter" qui les porte) en tant que tels".

    [Il faut aussi bien expliquer, comprendre et faire comprendre ici que le problème n'est pas que des peuples soient "ensemble", "amis", fédérés ; et non "séparés pour le plaisir de l'être" : c'est même, au contraire, le principe et le but de toute conception communiste du monde !

    Le problème est lorsque le rapport social entre deux peuples, nations, est un rapport de DOMINATION, d'oppression, de surexploitation du peuple dominé.

    C'est le concept que nous avons pu maintes fois répéter ici 3bVv_BxTLf7zai9k.png : séparation avec ce qui est réactionnaire, domine, opprime ; mais FÉDÉRATION sur des bases DÉMOCRATIQUES, égalitaires, dans une commune perspective émancipatrice pour les peuples ainsi unis, oui, 100 fois oui !

    Le problème n'est donc pas que les Ouïghours, ni quelque peuple que ce soit, Tibétains, Mongols ou autres, soient "liés" à la Chine ; fut-ce comme entité politique autonome d'une même République populaire. Il n'est pas, sous une forme juridique comme sous une autre, ce que l'on pourrait appeler une sorte de "panasiatisme" qui ne serait pas, en tant que tel, plus absurde que de parler de panafricanisme ou de panaméricanisme latino-caraïbe à la Guevara (être, en tant que peuples d'un continent proie de l'impérialisme, "ensemble"/unis pour être plus forts que divisés, instrumentalisés par l'impérialisme les uns contre les autres etc.). La Chine ne s'est pas "abattue du ciel" sur le Xinjiang, le Tibet ni aucune de ses "régions autonomes" que ce soit (ni n'exerce ou n'a exercé, ou du moins tenté de le faire, "de nulle part" son influence en Corée, en Birmanie, au Vietnam-Laos-Cambodge etc.) : il existait des liens historiques séculaires voire millénaires, tributaires dixit Samir Amin, d'"allégeance" vis-à-vis de Pékin ; une "communauté de civilisation" ; et la République populaire est ainsi arrivée sur cette base en proposant de "ressusciter" ces liens, cette "grande famille" (c'étaient les mots officiels), sous la forme de régions à large autonomie (où la révolution pourrait éventuellement avancer à "petits pas", comme au Tibet au début), ou d'amitié et de coopération entre États voisins...

    [Très intéressant aussi, mais malheureusement uniquement disponible en anglais : Maoist National Theory]

    [Et sur le même complexe processus en URSS : http://revueperiode.net/guide-de-lecture-aux-marges-de-la-revolution-russe ; ou encore : Marx-Lenine-bolcheviks-et-l-islam-Drweski.pdf]

    Le problème ce sont les bases saines, égalitaires, respectueuses, démocratiques sur lesquelles doit être établie une telle union ; et leur éventuelle absence au profit d'un rapport de domination ; ce qui est le cas d'espèce que nous offre ici - désormais - la Chine au Xinjiang (il est sans doute, il faut le dire, pour le moins ardu d'établir et de maintenir entre une nation d'un milliard d'individus, industrialisée, à l'économie en développement galopant, et une autre "reculée", rurale et 100 fois moins peuplée, au territoire immense et assez inhospitalier mais bourré de ressources précieuses, des rapports qui ne soient pas de domination...).

    De même que l'union d'un certain nombre de peuples (la quasi totalité de ceux précédemment prisonniers de l'Empire tsariste) au sein de l'URSS, puis de son "bloc" de pays "frères", si elle pouvait se justifier 100 fois (sur le principe) par la belle idée de former un grand "bloc" eurasiatique de peuples "plus forts ensemble" face à un Occident capitaliste-impérialiste rêvant de les écraser, a malheureusement échoué à se consolider sur la base d'un réel consentement démocratique entre tous, à "rayer de la page du temps" la domination grande-russe sur les autres peuples qui était la substance de l'"unité" tsariste antérieure, et a ainsi fini par se disloquer.

    Un rapport de domination qui peut tout à fait se déguiser ou du moins "incuber" ("faire son nid") sous des discours "civilisateurs" pseudo-altruistes, d'"apporter le progrès" (face parfois, en effet, à des archaïsmes sociaux effrayants comme au Tibet) ; et même, donc, sous des discours "ultra-révolutionnaires" de "chasseurs de réactionnaires" dans le style de la clique Iejov-Khrouchtchev de la "Grande Terreur" soviétique des années 1937-38 ou des "représentants en mission" de la Convention à la Fouché-Tallien-Barras-Fréron en 1793-94 quelques-verites-sur-la-revolution-bourgeoise, et, donc, de certains gardes rouges chinois ou du moins formés en (et revenus de) Chine han sous Mao. Ce type de contradictions (et de gouffre dans lequel verser...) est pour ainsi dire intrinsèque à toute expérience révolutionnaire de grande ampleur.]

    *******************************************************

    [Complément-synthèse] 

    - Il y a eu deux Républiques indépendantes du Turkestan oriental, l'une et l'autre d'inspiration plutôt panislamique et panturquiste. La première en 1933-34 [dans le contexte ultra-troublé des Guerres du Xinjiang et de la Rébellion Kumul, rébellion ouïghoure qui se ligua avec la clique du général hui Ma Zhongying pour renverser Jin Shuren, le seigneur de la guerre de la clique du Xinjiang, espérant rétablir ainsi le khanat de Kumul ; le Kuomintang, qui voulait lui aussi se débarrasser de Jin à cause de ses liens d'alliance avec l'URSS, soutenait la rébellion tout en feignant de le reconnaître comme gouverneur légitime ; histoire de dire "un peu" la complexité, digne pratiquement du conflit syrien aujourd'hui, et non la simplicité qui en satisferait certes beaucoup, de l'histoire de la région à cette époque, dans laquelle le conflit actuel plonge ses racines !] a été écrasée par le "gouverneur" (très autonome) nommé par le Kuomintang, avec l'aide de l'URSS (il était craint qu'elle ne s'allie avec l'agitation basmashi qui sévissait alors en Asie centrale soviétique). C'est son drapeau qui est (généralement) encore utilisé par les indépendantistes ouïghours aujourd'hui. La seconde, entre 1944 et 1949, a été plutôt soutenue par l'URSS dans la mesure où s'annonçait déjà la Guerre froide et dans quel camp allait être Tchang Kaï-shek ; elle a été supprimée ensuite sur accord Staline-Mao, juste avant la prise de contrôle du territoire par l'Armée populaire (on accuse Staline d'avoir fait assassiner ses dirigeants qui devaient se rendre à Pékin pour signer le traité avec Mao, mais bon, sans que ce ne soit totalement à exclure, les "révélations" d'"anciens du KGB" sorties en 1991, méfiance...).

    - L'existence, par la suite, d'un courant séparatiste plutôt pro-soviétique n'est pas forcément à exclure en effet ; les raisons qu'en propose [un intervenant révisionniste-campiste anti-maoïste rabique] peuvent en tout cas être cohérentes et crédibles. Il faudrait creuser le sujet.

    - Les sources citées peuvent bien être ce qu'elles sont : la Chine a reconnu, avalisé légalement recourir à l'internement "rééducatif" de plusieurs centaines de milliers voire un million de Ouïghours. [Notre révisio-campiste brejnévoïde] essaye-t-il de nous faire croire que la "branche de Daesh" locale compte un million de membres ? Daesh est une organisation fasciste financée par des oligarques réactionnaires arabes (ou d'autres pays musulmans), dans l'ombre ou plus ou moins en lien avec des secteurs d’État "profond" rappel-encore-une-fois-necessaire ; et qui comptera toujours au moins quelques dizaines de partisans PARTOUT où existe un TERREAU... Un terreau du type de ce traitement que subissent les Ouïghours, tout particulièrement depuis 1989. Ou du type de ce qu'il s'est passé en Irak, mais là ça ne posera évidemment pas de problème à [notre intervenant] de le dénoncer (puisque c'est l'Occident, le "Camp du Mal"). Et dans d'autres pays encore ; parfois de la main des "mauvais" impérialismes, parfois de celle des "bons" (ironie). Ce raisonnement est au demeurant valable pour toute force non-défendable par nous qui pourrait exister ; une force pilotée par l'Occident par exemple, ou la Turquie, les Saoud etc.

    - L'objet premier de cet article n'est pas d'exonérer à tout prix la période maoïste, mais plutôt de parler de la situation actuelle en indiquant que 1°/ il se passe bien quelque chose de critiquable, 2°/ attention cependant à la récupération occidentale (de propagande) de cette affaire, contre l'"intrus" parmi les puissances impérialistes actuelles, le pays qui il y a encore 70 ans était une véritable colonie... 3°/ la Chine actuelle n'est marxiste que sur le papier, ces agissements n'ont rien à voir avec être "les héritiers de Karl Marx" (et le faire croire fait bien l'affaire de l'Occident, en instituant une fracture entre deux forces de résistance mondiale majeures, l'islam résistant et le marxisme), 4°/ ces agissements ne sont "rien" à côté de ce que l'Occident a pu infliger depuis 2 siècles au moins aux peuples de culture musulmane (sans même parler des autres), c'est d'ailleurs pour ça que, même s'il essaye d'en tirer profit, il est gêné aux entournures pour monter au créneau et Pékin en profite. La France par exemple, il n'y a pas 3 siècles mais 60 ans, a enfermé 2 millions d'Algériens (sur 9 ou 10, 6 ou 7 ruraux) dans des camps de regroupement pour les y matraquer des "bienfaits" de la colonisation française.

    - Losurdo peut être intéressant lorsqu'il rapproche la situation des régions "reculées" (Tibet, Xinjiang) sous Mao de toute la complexité, le caractère contradictoire aussi bien de l'insurrection que de la répression (et des excès de celle-ci parfois) d'une Vendée-Chouannerie sous la Convention française ("la Révolution culturelle, en déclenchant une lutte indiscriminée contre toute forme d’« obscurantisme » et d’arriération, a traité le Tibet à l’instar d’une gigantesque Vendée à réprimer ou à catéchiser avec une pédagogie hâtive, mise en acte par des « partisans des Lumières » intolérants et agressifs provenant de Pékin et des autres centres urbains"). Voilà. Par contre, bien évidemment, on ne peut pas être d'accord avec sa caractérisation de la Chine actuelle comme "socialiste", "en NEP à durée indéterminée", dans le "Camp du Bien" (bien que nous secondarisions toujours son "mal" par rapport à "notre" impérialisme occidental) et "mieux" qu'à l'époque...


    Histoire d'être parfaitement juste et équilibré, petit recueil d'articles EN FAVEUR de la position du gouvernement chinois dans cette affaire :

    https://www.legrandsoir.info/l-accusation-de-genocide-de-la-chine-portee-par-le-departement-d-etat-americain-repose-sur-l-utilisation-abusive-de-donnees-et.html

    "Lyle Goldstein, spécialiste de la Chine et professeur de recherche au département de recherche stratégique et opérationnelle du Naval War College, a déclaré à The Grayzone que le fait que Zenz qualifie de ’génocide démographique’ l’approche chinoise à l’égard des Ouïghours est ’ridicule au point d’être insultant pour ceux qui ont perdu des proches dans l’Holocauste’.

    Goldstein a déclaré que l’approche chinoise du Xinjiang ’est une posture plus répressive que nous le voudrions, mais ce n’est certainement pas un génocide’."

    https://www.investigaction.net/fr/ouighours-que-se-passe-til-au-xinjiang/

    "Il y a des raisons de se poser des questions sur ce qui se passe au Xinjiang et sur les choix qui ont été faits par la Chine en matière de lutte contre le terrorisme. Mais il est clair qu’il y a aussi une grande campagne de propagande qui est a été lancée autour de cela, et que celle-ci ne vise pas à connaître la vérité ou à défendre les droits humains, mais à préparer la confrontation contre la Chine. C’est une raison de plus d’être très prudent avec les informations que nous recevons."

    https://www.investigaction.net/fr/?s=Xinjiang

    https://www.legrandsoir.info/xinjiang-quelques-photos-dont-la-derniere-est-etudiee-pour.html


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  • Brésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonné

    20 ans après ici, c'est aussi là-bas, sur le continent des "grands espoirs de la gauche", la faillite historique de l'"hypothèse sociale-démocrate"...

    Évidemment, avec Trump qui doit se frotter les mains (les "progressistes" européens peut-être un peu moins, mais enfin, les liens avec et la défense farouche par Bolsonaro des intérêts des géants agro-alimentaires auront vite raison de leurs pudeurs...), ceci doit aussi être mis en perspective avec la gigantesque accélération actuelle de la Quatrième Guerre mondiale non-déclarée en cours depuis 1990 on-serait-presque-de-plus-en-plus-tentes-de-penser (à ce niveau, un bon "test" en ce moment est celui du rapport à l'entité sioniste et à la Palestine : bolsonaro-israel.pdf).

    Mais c'est là un pays très étendu : c'est la nuit noire à Rio et Brasilia ; mais pour qui sait regarder tout au loin, les première lueurs d'une aube nouvelle pointent déjà du Rondônia !

    Guerra popular até ao Comunismo !!

    Brésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonné

    [Et une réflexion intéressante vue sur FB :

    "Historiquement, le Brésil a drainé la plus grande proportion, quelques 40%, du Maafa (la déportation esclavagiste des Africain-e-s) ; mais aussi la plus grosse immigration européenne à destination du continent sud-américain, 6 millions de personnes aux 19e et 20e siècle. Les peuples autochtones ne sont quant à eux plus que 0,4%, tout en étant "dans les gènes" de probablement les deux tiers de la population, bref.

    TOUT ce qu'il se passe là-bas n'est en dernière analyse que guerre entre ces deux pôles d'identité nationale ; d'un côté la plus grosse nation afro-descendante colonisée du continent + une immensité de territoire volé à ses habitants originels (dont survivent quelques petits groupes épars) ; de l'autre un des plus gros morceaux d'Europe outre-Atlantique.

    Voilà de quoi Bolsonaro est le nom (question que pose en substance le titre de l'article).

    Il y a un vote blanc ou métis à dominante blanche (disons une grosse moitié de la population, je ne pensais pas autant mais si, car ça a été le plus gros pays d'immigration européenne du continent : 6 millions de personnes), y compris des pas bien riches (ça existe aussi) mais qui ont comme disait Johnson "quelqu'un à qui se sentir supérieurs pendant qu'on leur fait les poches".

    Et puis bon, évidemment il y a aussi un vote noir ou métis à dominante noire qui est essentiellement le fait d'un embrigadement par les églises évangéliques (avec leurs "pasteurs" marchands du temple en Rolls, de ceux-là à qui les Camisards auraient mis un coup d'escopette au même titre qu'aux dragons du roi). C'est surtout par là que passe le recrutement de ceux qui votent là complètement (pas "un peu" comme avec Lula) contre leurs intérêts. Avec aussi un facteur pognon pour une minorité : Ronaldinho soutient ouvertement Bolsonaro, et c'est probablement aussi le cas de Pelé (connu pour ses prises de positions droitardes)."]

    Brésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonnéBrésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonnéBrésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonné
    Proportions par État de Blancs (sachant que beaucoup de personnes se déclarent telles tout en pouvant être "assez nettement" métissées à nos yeux européens...), de Pardos (métis) et de Noirs (un Noir au Brésil étant un Noir "pur", pratiquement sans le moindre métissage, d'où la faible proportion) - source.

    Et puis et puis... la carte des candidats arrivés en tête dans chaque État (Haddad et Ciro sont les candidats classés à gauche, le premier étant l'"homme de paille" de Lula empêché par la "justice" de se présenter) :

    Brésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonné

    (On notera quand même que le pays "profond de chez profond", notamment le Rondônia de nos camarades maoïstes, reste terre de vote largement acheté ou "conseillé" par les pistoleros des grands propriétaires, si bien que Bolsonaro y arrive également en tête)

    [EN FAIT il est possible de dire que oui, le vote Bolosonaro est d'abord et avant tout un vote DE CLASSE... et derrière, ce sont les classes qui au Brésil (sans être "racialement pures") ont une forte coloration raciale. Il n'y a pas, comme aux États-Unis... et dans une certaine mesure en Europe, deux pays parallèles, les Blancs du SDF au milliardaire et les non-Blancs idem, et les Blancs pauvres qui vont (souvent bien plus que les riches !) voter pour l'extrême-droite par agrippage au "privilège blanc" qui leur reste quand ils n'ont (presque) plus rien.

    41% des Brésiliens les plus modestes ont voté Bolsonaro. Et si parmi eux (admettons) 25% sont blancs (car ça existe, là-bas - de fait, les statistiques dont nous pouvons disposer portent sur les deux "extrêmes déciles" : les 10% les plus riches comptent près de 80% de Blancs, les 10% les plus pauvres 22,6% seulement), ces 25% de pauvres blancs n'ont pas significativement plus voté Bolsonaro que les autres et le cas échéant l'ont fait pour les mêmes raisons (sécuritaires micro-propriétaires, désaveu du PT et propagande sur la "corruption" de celui-ci, propagande des églises évangéliques) et non parce que blancs, par "réflexe blanc". Et la majorité des pauvres blancs ou pas n'ont pas voté pour lui (mais pour Haddad, ou se sont abstenus). Ce que sont d'abord et avant tout les Blancs pauvres au Brésil, c'est rares et lorsqu'ils existent ils sont largement ce que Sadri Khiari qualifierait d'indigénisés (c'est à dire pas foncièrement mieux considérés par les Blancs riches, et même les riches en général que les non-Blancs partageant la même condition sociale).

    Et à l'autre bout de l'échelle sociale, le quart le plus riche de la population a donné une majorité écrasante de plus de 70% au candidat fasciste là encore indépendamment du teint des peaux (il suffit de voir les footballeurs multimillionnaires Ronaldinho ou Neymar par exemple), en tant que riches, mais le fait est aussi qu'une minorité (peut-être le quart, ou moins) de ces Brésiliens riches sont ce que nous qualifierions de non-blancs et sans doute moins encore se définissent eux-mêmes comme tels (les statistiques raciales sont basées sur une auto-définition de chaque personne).

    À la rigueur pourrait-on évoquer l'existence, assez fondée sur les données sociologiques et statistiques, d'un "autre Brésil" qui serait la Région Sud + l’État de São Paulo : peuplement massif par des millions d'immigrants européens arrivés entre (principalement) 1850 et 1950 et de fait, pratiquement 80% de Blancs (64% à São Paulo) contre 47% au plan national ; des revenus moyens de l'ordre de 25% supérieurs à la moyenne nationale de 1 268 R$, voire 35% (1 712 R$) à São Paulo... et, sans surprise, un vote pour Bolsonaro bien de l'ordre de 60 à 70% en moyenne au 2e tour, rarement inférieur à 40% et n'hésitant pas à tutoyer les 100% dans nombre de municipalités, comme on peut le voir sur les graphiques ci-après (qui montrent au contraire, pour le Nordeste qui serait pour ainsi dire l'antithèse sociologique du Sud, un vote Bolsonaro assez nettement indexé sur le revenu moyen (renda média) des communes mais pas vraiment sur la proportion de Blancs...).]

    [Quelques données sur le Brésil contemporain, pour situer les choses :

    - Dictature militaire de 1964 à 1985, dont Bolsonaro revendique la nostalgie. Celle-ci s’est caractérisée par être, peut-être, l’un des premiers coups d’État "postmodernes" ; s'affirmant en défense de la légalité et de la Constitution contre "l'abus de pouvoir" du président Goulart, ce qui n'est pas sans évoquer le récent coup de force "parlementaire" de la destitution de Dilma Rousseff en 2016 (cette fois-ci absolument sans intervention des militaires, mais également sous des prétextes fallacieux de "légalité"), accompagnée de la mise en cause judiciaire de l'ex-président Lula. Elle avait même instauré une apparence de... multipartisme avec un parti "du coup", l'ARENA, et un parti "de l'opposition", le Mouvement démocratique brésilien (MDB), dont le chef de file du coup de 2016, Michel Temer, est un élu ; tandis que la contestation de droite du pouvoir PT de Lula et Dilma a été en grande partie portée par la chaîne de télévision lancée en 1964 par les putschistes, TV Globo. Elle n'en a pas moins été un régime répressif et sanglant ; Dilma Rousseff est ainsi connue pour avoir été affreusement torturée à l'époque, où elle était membre d'un groupe de guérilla urbaine (dont le théoricien local était le célèbre Carlos Marighella) ; on peut encore citer la répression du maquis de l'Araguaia, où le PCdoB (devenu par la suite hoxhiste puis réformiste pro-Lula) avait tenté d'initier une Guerre populaire au début des années 1970. Et d'ailleurs... si les violences antipopulaires, contre les mouvements sociaux n'ont jamais cessé depuis 1985, on en observe depuis 2016 un sinistre regain (bresil-regression.pdf) ; une affaire ayant fait un certain "bruit" internationalement étant celle de l'assassinat de Marielle Franco, élue PSOL (Parti Socialisme et Liberté, scission de gauche du PT) de Rio, afro-brésilienne née dans une favela et féministe, qui pourrait bien être la Matteotti du fascisme qui s'installe tout doucement là-bas.

    - Un pays "émergent", ayant atteint au début des années 2010 le rang de 6e économie mondiale ; développant ses propres monopoles comme Odebrecht ou Petrobras (entreprise pétrolière publique, capitalisme bureaucratique) et se plaçant ainsi en arrière-plan de la vague de gouvernement "de gauche" contestant l'hégémonie US sur le continent, tout en se rapprochant des autres grands "émergents" au sein des "BRICS" (Brésil-Russie-Inde-Chine-Afrique du Sud, la Turquie souhaitant s'y joindre et faisant déjà figure de "membre observateur") pour mettre en place par exemple la Nouvelle Banque de Développement, système financier mondial parallèle et alternatif au FMI.

    - Une "émergence" dont le PT de Lula et Dilma était en quelque sorte la figure de proue politique et forcément, pour modéré qu'ait pu être ce parti (qui n'a jamais gouverné qu'en alliance avec le centre-droit), pas du tout du goût de l'Occident (derrière les apparences de sympathie qu'ont pu lui témoigner en particulier les Européens, ou du moins l'inquiétude affichée devant le "Trump" local - exemple) et en premier lieu de l'impérialisme yankee dont le continent est le "pré carré" ; qui voudraient voir dans le pays exclusivement une mine de ressources et surtout une ferme géante vouée à l'alimentation de leurs masses gavées de hamburgers (ou de soja "sain" bobo...) ; sans aucune autonomie économique-commerciale ni géopolitique (en gros : le rêve fou de faire d'un tel géant une république bananière du niveau du minuscule Nicaragua des Somoza)... C'est à cela que vient le coup de force de Temer en 2016 et désormais la très probable élection de Bolsonaro ; l'un et l'autre champions du "BBB" c'est à dire "Bœuf" (l'élevage et, par métaphore, l'agriculture extensive vouée à nourrir l'Occident), "Bible" (l'influence croissante des églises évangéliques, fers de lance idéologiques de l'hégémonisme yankee...) et "Balle" autrement dit répression tous azimuts et (là encore dans un esprit très yankee) "droit des bons citoyens à porter une arme pour se défendre des malandrins".

    - Un pays structuré depuis son origine (coloniale...) par la problématique de la terre, avec depuis la fin de la dictature (1985) plus de 1.700 militants paysans assassinés (lire notamment massacres-corumbiara-carajas.pdf et aussi ici sur SLP massacre-de-paysans-se-prepare-au-bresil-solidarite appel-a-denoncer-le-gouvernement-bresilien) dans des violences qui auraient redoublé depuis l'éviction de Dilma Rousseff en 2016 ; une problématique, également, tout particulièrement en lien avec la question environnementale étant donné que l'agriculture extensive se développe au détriment de la forêt amazonienne, "poumon vert de la planète".]


    Fazer do Brasil um grande QUILOMBO !!


    **************************************************************************************************

    Complément (article Bastamag) :

    « Nous assistons en direct à la fascisation du Brésil »

    https://www.bastamag.net/Nous-assistons-en-direct-a-la-fascisation-du-Bresil

     

    Où va le Brésil ? 50 millions d’électeurs y ont soutenu, au premier tour, le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, arrivé largement en tête avec 46 % des voix, dans le cadre d’une campagne marquée par sa violence verbale et la diffusion massive de fausses informations. « Ce n’est pas seulement un vote lié à la désinformation, ni uniquement un vote de colère et de rejet, c’est aussi un vote d’adhésion à un discours ultra-conservateur qui vise à rétablir les hiérarchies sociales », analyse l’historienne Maud Chirio, spécialiste du Brésil, qui entrevoit un avenir sombre pour le pays et les 97 millions de Brésiliens qui n’ont pas voté pour l’extrême-droite. Entretien.

    Basta ! : Des électeurs de Jair Bolsonaro, arrivé largement en tête au premier tour de la présidentielle brésilienne ce 7 octobre, contestent l’étiquette « extrême-droite » apposée ici, en Europe, à leur candidat. Qu’en pensez-vous ?

    Maud Chirio [1] : Il n’y a aucun doute, Bolsonaro est très clairement d’extrême-droite, avec même une certaine tonalité fascisante. Cette difficulté à le reconnaître s’explique par le fait que les termes « droite » et « extrême-droite » n’ont quasiment jamais été revendiqués sur la scène politique brésilienne. Ces étiquettes étaient discréditées depuis la transition démocratique et le rétablissement du pouvoir civil à la fin de la dictature militaire, il y a trente ans. Même le régime militaire était peu enclin à utiliser le qualificatif de droite, car la junte prétendait ne pas être politique. Cela ne fait que quelques années que des citoyens se sont ré-appropriés ce mot. Avant, ils préféraient les termes de « patriote », « nationaliste » ou « chrétien », en référence à la défense de certaines valeurs morales.

    De quelle manière les rumeurs, mensonges, intox et autres fausses nouvelles ont-elles influencé la campagne ?

    C’est le mode de fonctionnement des nouvelles droites. Le militantisme par les réseaux sociaux est devenu un élément déterminant des campagnes politiques au Brésil depuis 2014. Le récit propagé par ces fausses nouvelles s’attaque à la gauche : celle-ci serait « communiste » et « révolutionnaire » ; elle mènerait la société vers la dépravation morale et anti-chrétienne ; et ce récit prend prétexte des scandales politico-financiers qui frappent l’ensemble de la classe politique pour dire que la gauche serait intégralement corrompue. L’usage de ces fausses nouvelles a été croissant, leur diffusion a été multipliée par 100 durant les quatre derniers mois de campagne. La dernière semaine, nous avons recensé entre 4000 et 10 000 intox. La veille du scrutin, de fausses déclarations de pasteurs qui prétendaient soutenir Bolsonaro ont circulé. Le lendemain des massives manifestations de femmes contre Bolsonaro, le 29 septembre, des intox ont été diffusées prétendant que ces rassemblements s’étaient mués en orgie sexuelle. Des montage photos montrent Fernando Haddad, le candidat du PT [Parti des travailleurs, gauche], et ancien ministre de l’Éducation, distribuant des livres érotiques à des enfants dans des écoles. D’autres montages montrent sa colistière, Manuela d’Ávila, avec des tatouages de Marx, Lénine et Che Guevara, ou l’agresseur de Bolsonaro [poignardé à l’abdomen le 6 septembre lors d’une apparition publique, ndlr] aux côtés de Lula et des dirigeants du PT.

     On sait que l’ancien directeur de campagne de Trump, Steve Bannon, a apporté son appui logistique et technique à la campagne de Bolsonaro. Il faudra étudier plus précisément l’influence de la « droite alternative » états-unienne sur l’élection brésilienne. Pour les médias traditionnels, il est très difficile de contrer plusieurs milliers de fausses nouvelles par semaine. D’autant quand plusieurs grands médias, comme Globo, sont eux-mêmes traversés de tensions très visibles, avec des reportages contradictoires. Les grands médias n’ont pas adopté une position uniforme de rejet de l’extrême-droite. Le puissant groupe média évangélique, TV Record, lui a même apporté son soutien.

    En Europe, plus on est diplômé, moins on a tendance à voter pour les droites extrêmes, en tout cas pour le moment. Au Brésil, c’est le contraire. Comment expliquez-vous ce paradoxe ?

    Il existe plusieurs votes Bolsonaro. Ce n’est pas seulement un vote lié à la désinformation, ni uniquement un vote de colère et de rejet, lié à la crise et à la désespérance sociale comme on peut le voir avec les votes populistes en Europe. C’est aussi un vote d’adhésion à un discours ultra-conservateur qui vise à rétablir les hiérarchies sociales de domination entre riches et pauvres, entre hommes et femmes, entre chrétiens et non chrétiens. C’est un vote qui veut en finir avec les politiques dynamiques d’inclusion sociale mises en place sous Lula, un vote marqué par un très fort conservatisme social.

    Pour les catégories aisées qui ont voté Bolsonaro, il n’est plus possible de voir tous ces gens venus de classes « inférieures » accéder à l’université. Pour elles, les seuls qui peuvent suivre des études supérieures au Brésil, ce qui coûte cher, ce sont les riches. Autre exemple : la mesure qui a fait entrer les employés de maison – qui sont 8 millions dans le pays – dans le code du travail a suscité une rancœur terrible parmi ces catégories aisées. Quant au vote pauvre pour Bolsonaro, il est souvent influencé par les évangéliques qui prônent un certain ordre moral. C’est donc un vote marqué par une profonde hostilité à l’encontre de toute transformation sociale qui remettrait en cause les hiérarchies traditionnelles.

    Que se produira-t-il si Bolsonaro est élu, au soir du 28 octobre ?

    Si Bolsonaro est élu, ce qui est très probable, cela aura d’abord pour conséquence de libérer la violence sociale et politique de ceux qui lui ont accordé son soutien. Il risque d’y avoir des lynchages de personnes homosexuelles, des assassinats politiques. On peut craindre que cette violence ne soit pas réprimée par l’État puisqu’elle sera perpétrée par des partisans du nouveau président. C’est la première fois, au Brésil, qu’il existe une force militante, bénévole et convaincue derrière Bolsonaro.

    Ensuite, pendant la première année de mandat, après son investiture à Brasilia en janvier 2019, on peut s’attendre à une dérive autoritaire du pouvoir, avec des mesures qui restreindront l’État de droit, qui permettront de réprimer le syndicalisme ou le militantisme de gauche. Le colistier de Bolsonaro, le général de réserve Hamilton Mourão, qui en cas de victoire deviendra vice-président, propose d’ailleurs un changement de constitution, sans passer par une assemblée constituante. Cette fin de l’État de droit pourra difficilement être empêchée par la communauté internationale, car Bolsonaro souhaite que le Brésil sorte de l’Organisation des Nations Unies, considérée comme « droit de l’hommiste », voire « communiste », car défendant les communautés minoritaires.

    Enfin, une forte répression d’État ciblera la gauche, en particulier le PT, considéré comme un ennemi intérieur. Les violences policières dans les quartiers pauvres risquent d’augmenter, Bolsonaro ayant déclaré qu’il fallait y exiger la reddition des « bandits » et, dans le cas contraire, ne pas hésiter à mitrailler par les airs ces quartiers [ce qui s’est déjà produit en juin 2018, lire notre article, ndlr]. Au-delà des politiques économiques néolibérales qui vont être dures, ce sera un régime très décomplexé sur le recours à la violence et à la répression. Celles-ci seront revendiquées. Nous assistons en direct à la fascisation du Brésil.

    Recueilli par Ivan du Roy

    Photo : CC Mídia Ninja

    Notes

    [1Maud Chirio est historienne, spécialiste du Brésil contemporain, maître de conférences à l’université de Paris-Est Marne-la-Vallée.

    Brésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonné

    Massacre policier dans une favela. Attention cependant : ces opérations "coup de poing" et leurs dizaines de victimes (abattues à peu de choses près au hasard...) ne doivent pas être confondues avec un "trop" d’État, car elles n'ont rien à voir avec ce qui s'appelle administrer un territoire. Elles s'inscrivent dans la minarchie (faiblesse, quasi-absence de gouvernance) qui frappe au Brésil (comme dans la plupart des pays du "Tiers Monde"... et même dans une certaine mesure d'Occident), en dehors de ces "descentes" régulières, les territoires où s'entassent les classes populaires les plus dépossédées dont l'oligarchie n'a rien à foutre ; classes populaires qui se trouvent par conséquent, de fait, prises en tenaille entre cette violence d’État et celle de la "loi de la jungle" par laquelle tout un chacun, dans ces conditions de relégation et d'abandon à son sort, essaye de survivre. Il en résulte que... la soif d'ordre, de sécurité, en un mot d'une vie sans craindre à chaque instant d'être assassiné pour quatre sous (on est, là-bas, souvent payé pour son travail à la journée et en liquide) ou un pendentif de famille, a également pu alimenter un vote populaire pauvre pour Bolsonaro, qui promet une "main de fer" en ce sens.

    *************************************************************************************

    Encore une autre analyse intéressante (qui résume à peu près tout de la situation en fait, avec un point de vue assez matérialiste) :

    https://www.liberation.fr/debats/2019/07/02/le-retour-du-bresil-colonial_1737589

    Ce 1er juillet, Jair Bolsonaro aura complété les six premiers mois de son gouvernement. Les déboires dont il est l’objet sont, en dernière analyse, liés à la nature hétéroclite de la base sociale qu’il s’est construite, typique d’un populisme d’extrême droite : des axes d’agitation sans rapport les uns avec les autres, pour satisfaire séparément tels ou tels secteurs convergeant vers un Bonaparte sauveur.

    Dès 2012, début du mandat de Dilma Rousseff, j’avais été frappé par la haine de l’élite conservatrice pour le gouvernement du Parti des travailleurs (PT) au pouvoir depuis 2003. Mais le contexte économique très favorable permettait au président Lula de satisfaire et l’élite et le peuple. Ainsi, une importante «classe moyenne» émergea, celle-là même qui, touchée par la crise, voyant un abîme s’ouvrir sous ses pieds, sera au cœur de la base sociale de Bolsonaro.

    C’est bien de haine qu’il s’agissait, d’autant plus incongrue que, au fur et à mesure que la crise économique atteignait le pays, la politique de Dilma Rousseff devenait de plus en plus néolibérale.

    Pourquoi l’élite conservatrice ne pouvait-elle ne serait-ce que tolérer une politique peu ou prou social-démocrate ? Pourquoi ce profond conservatisme a-t-il réussi à conquérir une base de masse hétéroclite permettant l’élection d’un aventurier d’extrême droite ? Pour comprendre, il faut revenir loin en arrière.

    Le 7 septembre 1822, l’indépendance du Brésil fit exploser l’Empire portugais. Elle eut un caractère unique : c’est l’État portugais lui-même, réfugié à Rio depuis 1807 quand les armées napoléoniennes envahirent le Portugal, qui refusa de rentrer - il l’aurait pu dès 1811. Existe-t-il un autre cas au monde où le souverain choisit de rester en sa colonie alors même qu’il peut rentrer dans sa métropole ?

    L’indépendance tint plus d’une révolte fiscale que d’une libération nationale. Il s’agissait d’une indépendance sans décolonisation. Ce sont les colons qui prirent le pouvoir et créèrent une colonie autocentrée : le fait que le pays soit indépendant ne signifie pas qu’il ne soit plus une colonie. Quand les colons rhodésiens ont refusé, en 1965, l’indépendance noire prévue par Londres et ont déclaré une indépendance blanche, la Rhodésie est évidemment restée une colonie. Les indépendances d’Amérique ont toutes été des indépendances sans décolonisation, elles ont créé des États coloniaux. On confond trop souvent indépendance et décolonisation. Mais le cas brésilien est extrême puisque l’indépendance fut proclamée par l’héritier du trône du pays colonisateur.

    Cet Império brasílico devint lentement brésilien. On peut dater l’achèvement du processus à 1889 après qu’un coup d’État conservateur eut chassé la princesse Isabel qui avait aboli l’esclavage l’année précédente, et eut proclamé une République parfaitement coloniale. Contrairement à ce qui se passa aux États-Unis avec la guerre de Sécession, ce n’était pas un secteur industriel de la bourgeoisie brésilienne qui avait le pouvoir mais bien l’élite des planteurs coloniaux. C’est elle qui va lentement, sans rupture, passer à la plantation moderne par la marginalisation de la main-d’œuvre noire et l’importation de millions d’Européens. Cela s’est produit ailleurs en Amérique mais on a ici deux caractéristiques combinées. D’une part, les «indigènes» (Indiens) n’étaient plus qu’une toute petite minorité de la population, en raison des épidémies, des massacres et du métissage - ils sont aujourd’hui entre 0,4 % et 0,6 % de la population, d’où la faiblesse des luttes anticoloniales. D’autre part, les Noirs formaient la grande majorité de la population (ils sont environ 52 % aujourd’hui), d’où une «peur structurelle» dans cette élite blanche terrorisée par l’exemple de Haïti.

    Depuis, le Brésil a changé. Mais l’élite n’a jamais connu une révolution décoloniale, elle est lentement devenue une bourgeoisie capitaliste surtout latifundiaire et peu industrielle, sans jamais cesser d’être une élite coloniale. Le rapport de cette élite au peuple n’est pas seulement celui du capitaliste au prolétaire, mais encore largement celui du maître à l’esclave, celui de la «Casa Grande» à la «Senzala». Une mesure qui provoqua de la haine envers Dilma Rousseff fut, en 2013, la loi garantissant aux servantes de vrais droits sociaux : dimanche férié, contrat de travail, cotisations sociales, 44 heures hebdomadaires, paiement d’heures supplémentaires. Cette loi fut un outrage au paternalisme autoritaire de la Maîtresse et du Maître : la servante était une prolétaire autonome. Cela rompait le rapport de la Casa Grande à la Senzala pour lui substituer le rapport patron-employé. C’était intolérable.

    Il est insupportable à cette élite extrêmement blanche alors que le peuple est profondément métissé, d’accepter ne serait-ce que de timides réformes sociales. Elle se tait quand elle ne peut faire autrement - popularité de Lula, économie florissante -, mais dès que la situation empire, elle exige de reprendre l’entièreté de ses privilèges, capitalistes et coloniaux.

    J’insiste sur «… et coloniaux». Ce n’est pas un hasard si la conquête coloniale va reprendre. Jair Bolsonaro et les siens ne méprisent pas seulement les indigènes comme un grand propriétaire peut mépriser des paysans pauvres, ils les méprisent comme un colon méprise une race inférieure et conquise. Jair Bolsonaro dit vouloir forcer les indigènes à «s’intégrer», c’est-à-dire à disparaître comme nations et sociétés distinctes. Il a fait passer la délimitation des terres indigènes et des quilombos sous la compétence du ministère de l’Agriculture, le ministère des grands propriétaires ruraux.

    Les Indiens ne sont plus qu’une infime minorité mais ils gênent en occupant des espaces parfois très réduits dans le Sud et, a fortiori, étendus dans le Nord. Ce qui est intolérable pour les planteurs n’est pas tant la superficie mais qu’elle ne soit pas cultivée et exploitée de manière productiviste : les Indigènes sont, selon le classique mépris du colon pour le colonisé, naturellement incapables et fainéants, ce qui ne relève pas seulement d’un mépris de classe patronal. Cette élite non moderne refuse la moindre remise en cause de son habitus. Elle est conforme à la colonialité de l’espace brésilien.

    Je crois qu’il y a beaucoup de cela dans l’élection de Jair Bolsonaro, en sus de la crise économique, de la corruption imputée seulement au PT, des fake news, des néopentecôtistes, des problèmes de sécurité, des secteurs militaires d’extrême droite, du racisme, de l’homophobie… Si ces caractéristiques contemporaines ont pris corps, c’est bien parce que l’élite capitaliste-coloniale est, structurellement, mentalement, incapable de consentir à quelque mesure sociale que ce soit. La contradiction, qui peut se révéler explosive au sein des partisans du régime, est que, historiquement, l’armée brésilienne a été plutôt modernisatrice (ce qui ne veut pas dire démocratique) alors que cette élite profondément conservatrice reste façonnée par sa peur face au peuple noir majoritaire. Elle s’exprime ainsi par le «BBB» - balle, bœuf, Bible…

    Bien qu’ultra-minoritaire, l’élite a réussi à construire temporairement une hégémonie politique embrassant de vastes secteurs du peuple. Nombre d’autres facteurs d’explication existaient déjà précédemment. Mais sa radicalisation à droite a été, je crois, le «plus» qui a permis au reste de prendre corps, face à un PT tétanisé par l’emprisonnement de Lula et ayant perdu toute capacité de mobilisation populaire.

    Michel Cahen historien de la colonisation portugaise, et directeur de recherche CNRS à Sciences-Po Bordeaux

    Brésil : le fasciste Bolsonaro en tête ; l'heure de vérité a sonné


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