• Communiqués de la Manca :


    NO PASARAN


    NON AUX MANIPULATIONS


    Et le retour-analyse de Serge Vandepoorte (A Manca) sur les évènements


    U Cumunu (patriote de gauche, marxiste) : Ùn spenghjeranu mai a nostra fiaccula ("Ils n'éteindront jamais notre flamme" - le titre est en corse mais le texte ensuite est en français)


    Les réactions des nouveaux dirigeants nationalistes de l'île :

    Gilles Simeoni : le nationalisme corse est aux antipodes de tous les phénomènes de racisme et de xénophobie

    Jean-Guy Talamoni condamne le saccage d'un lieu de culte musulman à Ajaccio


    Quartiers Libres : Ajaccio, les pompiers, les pyromanes et les incendiaires

    Lire aussi les articles du blog de Chjocca 17 (encore Mediapart) : http://ekladata.com/Chjocca-17-sur-la-Corse-Jardins-Empereur-etc.pdf


        Petite revue de web sur les derniers évènements en CorsePetite revue de web sur les derniers évènements en Corse

    Petite revue de web sur les derniers évènements en Corse


    Un autre article intéressant (sur Slate) : Le «racisme corse» n’existe pas (et l’invoquer occulte les vrais problèmes)


    Oui car il est bien évident que ces évènements ont été une nouvelle fois l'occasion d'un déchaînement de vomissures sur la vieille rengaine des "Corses gros racistes"* ; racisme bien évidemment amalgamé à la lutte de libération nationale (LLN)... alors que celle-ci vient de remporter dans les urnes du 13 décembre une victoire historique, ce qui a déjà donné l'occasion (avec le fameux discours en corse de Talamoni etc.) de quelques manifestations d'hystérie à certains, de l'extrême-droite (FN) jusqu'à la "gauche de la gauche" (Mélenchon) de l'échiquier politique francouillasse. Une "coïncidence" qui, au vu également de l'énormité des propos qui ont mis le feu aux poudres ("Sales Corses cassez-vous, vous êtes pas chez vous" etc. à des pompiers volontaires le soir de Noël), pourrait même presque laisser voguer nos esprits vers les doux horizons complotistes du "coup monté" en mode "État profond" [il n'y aurait en effet rien de si hallucinant à ce que deux ou trois petites frappes de quartier aient agi en service commandé pour commettre la provocation ; quant aux petits groupes qui se sont ensuite chargés d'exciter l'indignation de la population pour la transformer en ratonnade, ces fameux petits groupes succursales de l'extrême-droite BBR (ou italienne) grossièrement repeints aux couleurs "corsistes" (voire carrément du soutien à la LLN !) qui pullulent depuis quelques années, ils ont notoirement leurs entrées en Préfecture de Police : chacun dans son rôle bien défini à l'avance, l'"affaire est dans le sac" et le nouvel exécutif patriottu élu il y a à peine deux semaines se retrouve face à la pire situation qu'il aurait pu imaginer avoir à gérer... tout ceci à la grande satisfaction de Paris bien sûr !].

    Quelques petites réactions "à chaud", au fil de l'eau (et des digestions de repas de fête) à ce sujet :


    Petite revue de web sur les derniers évènements en Corse

    Petite revue de web sur les derniers évènements en Corse*


    Le style est un peu décousu, certes, mais enfin vous aurez compris l'idée directrice qui est que tout cela (les réaction indignées/égosillées de ceux qui viennent de nous plonger dans l'état d'urgence permanent, hein, pas les violences islamophobes, on s'est compris...) nous fait doucement rigoler - et globalement, sur ce terrain-là, les camarades qui nous ont toujours soutenus nous soutiennent... et les habituels connards qui nous attaquent en permanence nous ont encore une fois attaqués ; comme quoi il n'y a pas de hasard !

    Finalement, le meilleur mot de la fin pourrait bien être celui-ci :


    Petite revue de web sur les derniers évènements en Corse


    [Lire aussi (d'un peu plus tard, été 2016, "l'été de l'attentat de Nice, du 'burkini' et de Sisco" : le-fameux-communique-du-flnc-au-sujet-de-l-eventualite-d-actions-djihadistes]


    * Il ne s'agit bien sûr pas de dire que le racisme n'existe pas en Corse ; et le fait d'envisager une manipulation sur ce cas précis ne signifie pas (comme quelques débiles l'ont déjà interprété) une tentative de le nier ni encore moins de l'"excuser".

    Le racisme existe bel et bien en Corse, et pas de manière marginale. Il est perçu comme particulièrement "visible" et violent car les Corses ont culturellement l'habitude de "régler les choses eux-mêmes" (le phénomène commence déjà à s'esquisser en Occitanie...), l'autorité étatique ayant historiquement toujours été étrangère, d'occupation : sur le continent, 90% des violences racistes sont le fait des forces de "l'ordre" (comme on vient encore de le voir avec cette mère de famille de Pantin) et ne sont donc pas considérées comme telles, mais comme "la police qui fait son travail"...

    Nous en avons déjà abordé les raisons dans des articles précédents : le fait que la Corse ait longtemps été (jusqu'au 18e siècle) sur la "ligne de front" de l'affrontement entre Chrétienté et Islam (la religion catholique étant vue par beaucoup comme une composante importante de l'identité insulaire) ; et surtout que pendant une autre longue période (19e-20e siècles) l'Empire français ait été le seul débouché d'une grande partie de la jeunesse ("un uniforme sur le dos" pour "aller jouer au patron chez les Arabes/Noirs") : après les "indépendances", beaucoup de ces Corses (ainsi que des Pieds-Noirs non-corses) rentreront au pays chargés de leurs "habitudes" et préjugés coloniaux... À partir de la même époque (années 1960-70) se mettra en place une "morphologie sociale" de type provençal, fondée sur l'agriculture "du soleil" et (surtout) le tourisme avec une importante population maghrébine (peut-être 20.000 personnes) confinée aux travaux les plus ingrats et très marginalisée, donnant lieu à des situations de ségrégation évoquant l'Alabama des années 1950 ("Arabi" assis entre eux au milieu des places car "interdits" des bistrots alentour etc.). Il est d'ailleurs frappant que l'on parle de racisme en Corse sans jamais évoquer... ce RAPPORT SOCIAL entre petits patrons corses et prolétaires maghrébins surexploités (volonté de "montrer qui est le patron", de prévenir par l'intimidation les comportements revendicatifs etc. etc.). Mais bien sûr, le système français a lui aussi (pour ne pas dire principalement) sa part de responsabilité dans la logique de ghettoïsation coloniale-intérieure des non-Blancs - sauf à imaginer que, pour on-ne-sait quelle raison, il n'aurait pas la même politique en Corse que sur le continent...

    Il est clair que les camarades patriotti qui disent refuser "tant le racisme que les comportements de repli communautariste, la radicalisation islamiste, la '9-3ïsation' de la Corse" etc. etc. (de la part des Maghrébins) manquent un peu de remise en question de leur propre société qui fournit un terreau à de tels repli et radicalisation, car à un moment donné aucune oppression ne reste sans réaction (fut-elle imbécile). Dans le contexte actuel, la provocation assortie d'insultes anti-corses contre les pompiers à Ajaccio est d'une imbécilité profonde et sert objectivement (si elle n'a pas été montée de toutes pièces) le sabotage du processus politique en cours ; mais il faut tout de même avoir bien cela à l'esprit et envisager que confrontées quotidiennement au racisme, certaines personnes puissent commencer à haïr les Corses (de manière tout aussi généralisante que le racisme dont elles font l'objet) et à souhaiter les voir "dégager de là".

    Pour autant, si le racisme en Corse est bien sûr immédiatement amalgamé à la lutte de libération pour présenter celle-ci comme le "FN version corse" (la presse "de gauche" étant de fait, dans le système intellectuel français, la "référente" sur le "problème corse"), le fait est que cette corrélation est totalement frauduleuse : il suffit par exemple de voir que les secteurs où ce racisme est le plus présent et puissant, comme la région d'Ajaccio ou la Plaine orientale, sont tout sauf des bastions "natios" - ainsi aux dernières élections régionales, à Ajaccio, l'alliance autonomistes-indépendantistes est arrivée d'assez loin en deuxième position au second tour, avec un Front National largement au-dessus de son score insulaire et même arrivé second (avec près de 16%) derrière la droite au premier ; un FN qui a également réalisé un gros score de plus de 16% au premier tour à Prunelli-di-Fiumorbu, où avaient eu lieu les évènements du début de l'été, non loin de la base militaire impérialiste de Solenzara située sur les communes de Ventiseri et Solaro où ses résultats sont aussi - comme par hasard - très importants...

    Le fait est aussi que le combat le plus décidé (même s'il ne va peut-être pas aussi loin que nous dans l'analyse) contre cette prégnance des préjugés racistes dans l'île, bien plus que d'une "gauche républicaine" PRG, PS ou PC qui peut être assez fortement implantée ici et là... mais qui cherche d'abord et avant tout à ménager ses réserves d'électeurs, est toujours venu d'une frange du mouvement de libération nationale - et c'est encore le cas aujourd'hui.

    Voici un extrait d'un échange à ce sujet avec un camarade :

    "Disons que sur le racisme, ils ont une crainte absolue qui est de se retrouver minoritaires dans leur pays, considérant pratiquement qu'il y a un plan à ce niveau-là. Un discours récurrent c'est "on est une terre d'accueil MAIS 1°/ on nous respecte dans ce pays qui est le nôtre, car d'autre nous n'avons point, on n'est pas des animaux dans un zoo, on ne fait pas n'importe quoi etc. (des trucs comme par exemple que la Corse est l'un des derniers endroits où une femme peut se balader tranquille à n'importe quelle heure et dans n'importe quelle tenue, donc touriste ou arabe, faire le sagouin vaut mieux pas s'y risquer...), 2°/ pas question de se retrouver minoritaires chez nous"... [Voir ici, par exemple, le typique raisonnement qui peut exister - par un militant réputé "plutôt de gauche"]

    Oui, sauf que bon... Je ne suis pas sûr en réalité qu'ils aient des problématiques vraiment si différentes de celles du Pays Basque ou de l'Occitanie, à savoir que s'ils sont menacés de minorisation et d'"interdiction de séjour" par endroits (sur le littoral en particulier...), c'est plutôt par des gens du reste de l'Hexagone, BIEN FRANÇAIS de fait (du Bassin parisien) ou en tout cas du cerveau, bien blancs et avec du cash ; pas des Arabes ou des Africains débarqués d'une barcasse avec un baluchon sur le dos. Les éléments avancés sont d'ailleurs conscients de cela et le disent (ou dit autrement, ils essaient de gérer les nouvelles recrues d'un mouvement passé de 20.000 à plus de 50.000 voix aux élections en 20 ans, et dont beaucoup de "néo-natios" ont hélas tendance à tout confondre).

    D'ailleurs quand on a dit cela, que les natios ont finalement gagné les élections avec 2 à 3 fois plus de suffrages que dans les années 1990... ben ça infirme un peu tous les discours comme quoi "on est passé à 315.000 habitants mais toute l'augmentation depuis 15 ans c'est des gens venus d'ailleurs, c'est pas le solde démographique corse" etc. etc. Ben ouais, peut-être, sauf que les patriotti ont fini par conquérir une majorité relative et gagner. Comme quoi la problématique est peut-être exactement la même que chez nous : que les gens qui s'intègrent s'intègrent Corses/Occitans/Basques... et pas gros Français de merde ; et (surtout) que déjà les gens "du cru" aient conscience de ce qu'ils sont et de la nécessité de rompre mentalement avec le concept "France".

    Au début du mouvement national, dans les années 1960, il y avait entre 95 et 100% de Corses "pure souche" en Corse. Qui se sentaient corses, ça oui, et parlaient corse couramment en général (même les caciques ultra-républicains comme le père Zuccarelli, qui ne voulaient même pas entendre parler de panneaux routiers bilingues, parlaient corse tous les jours à la maison et au bistrot)... mais qui étaient pro-français, "loyalistes". "Oui oui Paoli tout ça, un grand héros cet homme, mais enfin tout ça c'est du passé quoi, maintenant on est français et puis la République monsieur, et le général De Gaulle monsieur" etc. etc. Une liste même simplement autonomiste aurait fait dans les 3% aux élections. Le problème est-il donc vraiment la "minorisation" des Corses par les apports de peuplement extérieurs ? Je crois plutôt que c'est la conscience d'être corses et la rupture du lien mental enchaînant à la France... comme partout ailleurs. Et sûrement pas les Arabes qui doivent être 6 ou 7% de la population totale (chez nous les non-européens racisés c'est peut-être 10-12%, peut-être jusqu'à 25% à Marseille) et qui sont "bloqués" dans leur intégration par le système de ghettoïsation et de colonialisme intérieur de l’État français, ce dont la solution passe (donc) par la lutte et la victoire contre ce dernier. Les gens venus de l’État italien ou de "Méditerranée catholique" doivent fusionner assez vite j'imagine ; il y a par exemple un prisonnier politique qui s'appelle Marras, c'est un nom sarde ça. D'autres militants historiques du mouvement s'appellent Buteau, Vandepoorte, Dykstra... La problématique étant donc comme je l'ai dit qu'en s'intégrant les gens deviennent des Corses et non des gros "gaulois". Et que si "Grand Remplacement" il y a par endroit, il n'est pas le fait d'extra-européens mais de bons "Français moyens"... à moyens-sups (de tous Peuples réels confondus hein, je parle de "Français" dans la tête), bien blancs et avec une certaine forme de petit capital."


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  • État d'urgence : quand les perquisitions anti-terroristes font pschitt


    Petites chroniques de l'état d'urgence - 18/12/2015La Commission des lois de l'Assemblée nationale doit livrer ce mercredi en fin de matinée ses recommandations, et dénoncer d'éventuels abus des forces de police. 2700 perquisitions administratives ont été menées un peu partout sur le territoire.

    Depuis les attentats du 13 novembre et l'instauration de l'état d'urgence, 2700 perquisitions administratives ont été menées. Voici le récit de l’une d'elle, dans l’Oise. Le 26 novembre dernier, une BRI locale investit les domiciles de plusieurs membres d’une même famille, celle d’Assia, 26 ans. Elle vit avec son mari et ses deux très jeunes enfants. Assia entend les premiers coups de bélier contre sa porte à 2h08. Quatre minutes plus tard, elle est menottée par les policiers. 

    "Ils sont rentrés, ils devaient être une vingtaine. Le premier policier avait un gilet pare-balles, avec écrit BRI dessus. Il crie : 'Objectif en vue ! Cible en vue ! À terre, à terre !' Il est venu me plaquer au sol, m'a attrapé le bras droit, puis le bras gauche et m'a menottée. Il m'a aussi braquée avec une arme. Et il m'a plaqué la tête contre le sol."

    Selon Assia, l'officier de police judiciaire l'informe alors que "la perquisition a été ordonnée par le préfet de l'Oise". Emmanuel Berthier, le préfet en question, a effectivement lancé une perquisition chez Assia et son père, dans le cadre de l’état d’urgence. Cet ordre de perquisition, nous l’avons consulté. Il dit que "l’habitation, les box, les garages, les dépendances et véhicules d’Assia peuvent servir de lieu de regroupement et de stockage de personnes, d’armes ou d’objets à caractère terroriste."

    Les enquêteurs fouillent donc l’appartement de fond en comble. Ils consultent le téléphone portable, l’ordinateur, les clés USB d’Assia. Ils cherchent, sans succès, des voitures appartenant au couple. Les policiers quittent l’appartement au bout de deux heures, sans explication et sans laisser d’attestation, affirme Assia.

    "'Perquisition négative chez vous'. Je n'ai rien à me reprocher. Je suis une citoyenne tout à fait normale. Je porte, certes, le voile, mon mari a peut-être la barbe, porte même un kamis, la robe traditionnelle... Cela ne fait pas de nous des méchants. Nous ne sommes pas affiliés à des terroristes. On condamne même ce genre d'actes. Et ils sont partis comme ils sont arrivés, bredouilles, négatif…"

    "Négatif", "On s’est plantés", c’est aussi ce que le père d’Assia affirme avoir entendu quand les policiers ont fini de perquisitionner son domicile. Salim, que nous avons rencontré, est handicapé à 80%. Il décrit des violences en début de perquisition. Il nous montre ses dents. Selon lui, les policiers lui en ont cassé quatre lors de l’intervention. Le parquet de Senlis n’a pas pu nous donner les suites judiciaires de ces perquisitions mais, à ce stade, ni Assia ni son père n’ont été entendus par des policiers ou des magistrats.

    2.700 perquisitions depuis les attentats

    L’avocat de la famille, Arié Alimi, va déposer un recours contre cette perquisition. Depuis le début de l’état d’urgence, l’avocat dit être saisi d'une dizaine d’affaires du même genre. Il faut dire que les perquisitions se multiplient depuis le 14 novembre : la première semaine après les attentats, il y en a eu 120 par jour en moyenne. Aujourd'hui, le rythme est descendu à 40 perquisitions par jour, pour atteindre un total de 2.700 domiciles de particuliers perquisitionnés depuis un mois.

    À ce stade, aucun des 287 individus interpellés et placés en garde à vue lors de ces perquisitions administratives n’a été poursuivi pour terrorisme. Les policiers ont saisis 430 armes (soit un tiers de ce qu’il saisissent en un an) et des stupéfiants. La justice a tout de même ouvert deux enquêtes préliminaires début décembre pour des faits liés au terrorisme. Des ordinateurs qui contenaient du matériel de propagande ont été saisis mais le parquet anti-terroriste en est resté là pour l’instant et n’a procédé à aucune interpellation. Par ailleurs, 360 individus sont assignés à résidence depuis le début de l’état d’urgence.

     


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  • Alors ça y est, vous avez vu comme nous les résultats ?  

    Eh bien voilà, FIN DE LA DISCUSSION et RIDEAU.

    - Au terme de ce second tour ces régionales donc, comme et même au-delà de ce que nous avions pressenti, le FN n'a remporté AUCUNE région. Il aura échoué bien sûr (logiquement et assez nettement) en duel face à la droite, après le retrait des listes PS, dans les deux régions Nord-Picardie et PACA où il avait réalisé ses meilleurs scores : ce n'est pas "très bon" dans le sens où cela renforce son discours sur le "système UMPS", mais le pari n'en est pas moins perdu tant pour la présidente du parti que pour sa nièce - qui en incarne la "ligne dure". Mais il échoue également... dans la triangulaire ultra-favorable du "Grand Est"/"ALCA" (Alsace-Lorraine-Champagne-Ardennes), où la vieille tête de lard PS Masseret avait maintenu sa liste et où nous avions pu nous-mêmes envisager la victoire de Philippot [qui gagne entre les deux tours 150.000 suffrages... mais reste sur ses 36%, la participation ayant quant à elle augmenté de 430.000 votants ; Masseret que l'on disait "tricard" (le PS lui ayant retiré son investiture) progressant de 53.000 voix et - surtout - le vieux routier du centrisme alsacien Richert faisant plus que doubler les siennes] ; ainsi que dans les autres triangulaires plus "serrées" mais où il avait largement dominé le premier tour (Bourgogne-Franche-Comté, Centre, Normandie, Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon etc.) ; ce qui rend le triomphalisme de ses dirigeant-e-s et leurs refrains victimaires de "battus parce que tous coalisés contre nous" au moins aussi ridicules que les cris au "grand méchant loup" des révisios-réformistes de tout poil... et des pseudo-"maoïstes" qui appelaient toute honte bue à "faire barrage" y compris en votant pour la droite la plus "dure", que plus rien ou presque (la question européenne ?) ne sépare du discours lepéniste.

    - Nous avons donc finalement un paysage politique tout ce qu'il y a de plus "classique" : 5 "super"-régions (soit 9 anciennes)  à la "gauche", 7 (= 12) à la droite [pour ne parler que de l'Hexagone métropolitain, avec les dernières colonies directes d'outre-mer cela fait 8 contre 8, comme le font remarquer à juste titre les représentants dudit "outre-mer" complètement et honteusement oublié par tous les commentateurs dimanche soir]. D'un côté comme de l'autre on est fort loin des "Bérézina" de 1986 et 1992 (pour la "gauche") et 2004/2010 (pour la droite), alors même que les reculs en nombres de voix sont impressionnants. Une situation finalement comparable à ce que l'on observe aux législatives lorsque le FN s'invite en triangulaire... et permet ici à la "gauche", là à la droite de sauver la mise malgré l'effritement constant de leurs bases populaires (la "gauche" parce que de moins en moins de choses la distinguent... de la droite ; et la droite parce que le grand écart entre des "centristes" que plus grand chose ne différencie du PS et des "durs" toujours plus proches du discours... frontiste s'avère chaque jour moins tenable - rendant de fait une candidature centriste inévitable en 2017, à moins que Juppé ne soit le candidat).

    La "gauche" garde ses bastion historiques ("Sud-Ouest") ou plus récents (Bretagne, Centre, Bourgogne-Franche-Comté), là où c'est plutôt le "peuple de droite" que le FN divise et pénalise ; et la droite en fait de même, ne remportant de région jamais conquise auparavant (même en 1992) que le Nord où pour le coup c'est la gauche qui fait face à une terrible hémorragie de son électorat populaire ; le FN lui permettant également de reconquérir facilement la "swing region" provençale (perdue en 1998... après que la droite locale à égalité des sièges avec le Front National, dont un certain Estrosi, ait envisagé un moment de s'allier avec celui-ci !). Les autres "swing regions" (Île-de-France, Rhône-Alpes-Auvergne etc.) seront restées indécises jusqu'au bout avant de finalement échoir aux uns ou aux autres, parfois d'un cheveu (Île-de-France où l'on aura au demeurant observé un net mouvement de "vote utile" des électeurs FN - dont la liste était pourtant qualifiée à ce second tour - en faveur de Valérie Pécresse, ce qui est instructif sur une sociologie électorale frontiste pas forcément si populaire, "ni-droite-ni-gauche" et "anti-système" qu'on ne le dit) ; bref. Si ce n'est pas un "complot" ni une complaisance délibérée vis-à-vis d'une extrême-droite de plus en plus menaçante, en tout cas le résultat y ressemble, dans une sorte de jeu de "qui va en tirer le meilleur profit" (et l'on peut d'ores et déjà envisager que tout soit fait, à "gauche" comme à droite, pour se retrouver face à Le Pen au second tour de la présidentielle de 2017 et être ainsi certain d'être élu !).

    - Zéro région pour le Front National... enfin, quoique : avec Estrosi en PACA et Wauquiez en Rhône-Alpes-Auvergne, l'on pourrait presque dire qu'il en gagne deux (dont la première par la grâce du "front républicain", avec le soutien du PS et de toute la "gauche"...).

    - L'on notera tout de même que le Front National a enfin progressé en nombre de voix par rapport à la présidentielle de 2012 : 6,8 contre 6,4 millions (+ 6%). Mais enfin, dans un contexte d'état d'urgence où ses idées sont pratiquement au pouvoir (enfin, ce pourrait bien être cela son problème en fait...), de psychose post-attentats contre l'"ennemi intérieur" musulman et d'exécutifs régionaux (pas rien...) concrètement gagnables (c'est évidemment dans les régions "gagnables" qu'il enregistre ses plus fortes progressions... tandis qu'en Île-de-France près de 60.000 de ses électeurs ont manifestement "voté utile" pour Pécresse) ; l'on va dire que c'est la "moindre des choses"... Il y a encore une sacrée marge (cf. plus loin, nous allons y revenir) avant de pouvoir s'asseoir dans le fauteuil de l’Élysée - pour être clairs, il faudrait quasiment que son "potentiel électoral" double.

    En synthèse : nous avons vécu dans les années fin 1980 et 1990 avec un FN à 4,5 millions d'électeurs potentiels (aux présidentielles, et entre 3 et 4 millions aux législatives et aux régionales), poussant jusqu'à 5,5 millions en 2002 où il était au deuxième tour de la présidentielle ; puis nous avons connu les années "Sarkomania" 2002-2010 avec un FN en baisse à 3,5 millions aux régionales 2004, 3,8 millions à la présidentielle 2007, à peine plus d'un million même aux législatives 2007 et aux européennes 2009, 2,2 millions aux régionales 2010 (mais déjà des scores à nouveau inquiétants dans le Nord, en Picardie, en PACA etc.)... et nous vivons aujourd'hui, après que Marine Le Pen ait "repris en main" le parti sur les thématiques que nous avons toujours (bien avant ce "renouveau") pointées comme "gagnantes" pour la mobilisation réactionnaire de masse, avec un Front National pouvant recueillir entre 6 et 7 millions de voix... et c'est tout ce qu'il y a de nouveau sous le soleil. Rien de plus en réalité qu'un symptôme (loin d'être le seul !) d'une droito-fascisation généralisée de la pensée dominante dans la société hexagonale, qui le nourrit et qu'il nourrit (dans un mouvement dialectique) mais qui émane (et est au service) d'abord et avant tout des nécessités (nécessités objectives et non "complot" volontaire) d'un Grand Capital pris à la gorge par une crise systémique généralisée (dont tout, pas seulement le chômage et la croissance nulle mais aussi le "terrorisme", est le produit) ; dans un mouvement que toutes les forces politiques suivent : droite de plus en plus "décomplexée", "gauche" de plus en plus social-libérale et policière et même "gauche de la gauche" dont la seule force significative (le Front de Gauche de Mélenchon) ne nous sert guère autre chose qu'une vieille resucée de souverainisme républicard-laïcard-patriotard "c'était mieux avant" de type chevènementiste.

    D'ailleurs et pour être parfaitement exacts, sur tous les scrutins entre disons 1995 et 2010, il faudrait également tenir compte de tous les suffrages qui se sont portés sur des candidatures de type De Villiers, Pasqua, CPNT, Boutin ou même Chevènement, sans oublier la personnalité de Sarkozy dans la deuxième moitié des années 2000 : des millions de personnes déjà très sympathisantes des idées lepénistes mais "bloquées" par "la personnalité de Jean-Marie Le Pen" (discours extrêmement récurrent chez les nouveaux électeurs, qui approuvent à l'immense majorité son éviction), la rupture insuffisante avec la "matrice" Vichy-OAS, la "posture purement protestataire" sans perspectives de pouvoir ou encore le caractère trop "plébéien" du mouvement ; se rabattant alors sur ce que l'on appelait (terme très courant en politique à l'époque) le "Le Pen light"... et qui votent désormais "Marine" sans hésitation, mais qui étaient déjà des "électeurs potentiels" depuis fort longtemps.

    Le Front National monte et monte et monte encore inexorablement... mais il se heurte encore et toujours au fameux "plafond de verre" qui est en réalité celui de la bourgeoisie, qui décide en dernier ressort de qui peut oui ou non diriger tel ou tel exécutif et de quel "rôle" bien défini elle assigne à chaque force politique dans son système (et celui du FN, jusqu'à nouvel ordre, n'est pas de gouverner au-delà du niveau municipal d'une dizaine de petites ou moyennes villes). Sur les 90% de personnes qui ne sont pas véritablement révolutionnaires (et qui font donc ce que la bourgeoisie leur dit de faire...), le fait est qu'un tiers au maximum souhaite éventuellement "essayer" le Front National au pouvoir (non sans, souvent, de sérieuses réserves) et que les deux tiers ne le souhaitent pas même s'il "ne dit pas que des conneries" et "pose souvent les bonnes questions" ; reflétant là assez fidèlement le rapport de forces au sein de la bourgeoisie... Point à la ligne et RIEN, au-delà d'un échelon très local, ne peut pour le moment permettre d'"enjamber" cette réalité et de voir le FN prendre un département, une région ou carrément le pouvoir central.

    Alors il commence à y en avoir marre de ce jeu à se faire peur qui a littéralement dominé les deux dernières années électorales et qui devrait perdurer jusqu'en 2017 (voir par exemple la couverture de Marianne cette semaine qui ne manque pas non plus, comme l'on pouvait s'en douter, de faire son autre gros titre - pour la 150e fois environ - sur "le djihadiiiiisme") ; une peur qui pour le moment ne sert à rien d'autre qu'à maintenir et renforcer la "Républiiiiique" bourgeoise sous la forme d'une droite de plus en plus dure et d'une "gauche"... de plus en plus à droite.

    - Le véritable "séisme politiiiiique" s'est en réalité produit... tout en bas à droite de la carte des résultats, pas du tout là où on l'attendait et (pour le coup) entouré d'un silence assourdissant : pour la première fois depuis qu'elle a été érigée en "région" en 1974, la Corse voit la très nette victoire d'une alliance autonomistes-indépendantistes (avec un FN au score ridicule et une droite et une "gauche" clanistes locales rassemblées comme jamais...) : http://ekladata.com/Cl3ke1BUp7Corrb5JC3bFgJoIHU/Victoire-Patriotti-Corse.pdf.

    Il faut croire que dans ce cas précis, le battage sur le (bien réel pour le coup) "séisme politiiiiique" ne fait pas les affaires de la bourgeoisie républicaine bleu-blanc-rouge qui nous gouverne ni de ses agents-caciques des clans politiciens locaux. Là pour le coup, c'est un "plafond de verre" qui semble bel et bien avoir crevé et le silence médiatique qui entoure la chose sent la gêne aux entournures à plein nez ; même si des gens politiquement proches de François Bayrou ou de Noël Mamère et ayant ouvertement rejeté la lutte armée devraient en définitive pouvoir être "gérables" (comme l'ont été avant eux les indépendantistes martiniquais qui ont dirigé l'île caraïbe entre 1998 et 2010, et qui viennent eux aussi de remporter à nouveau le scrutin) : ce qui "compte"... et dérange aux yeux des "observateurs politiques" n'est pas ce que ces élus feront ou (surtout) ne feront pas, mais le message populaire exprimé et adressé à l'ordre en place par ce résultat !

    Autres articles sur l'évènement :

    http://www.lemonde.fr/elections-regionales-2015/article/2015/12/16/la-langue-corse-en-vedette-a-l-assemblee-de-l-ile_4832968_4640869.html

    http://www.corsicainfurmazione.org/90275/corse-territoriales2015-f_alfonsi-une-victoire-historique/2015/

    http://m.france3-regions.francetvinfo.fr/corse/video-discours-d-edmond-simeoni-885045.html

    https://blogs.mediapart.fr/pierre-guerrini/blog/151215/corse-cette-petite-ile-qui-etonne-leurope

    https://blogs.mediapart.fr/massimu/blog/031213/sans-la-france-la-corse-ne-vivrait-que-de-chataignes

    [MàJ et pour ceux qui seraient tentés de nous sortir que "c'est la même chose que le FN sur le continent", voici la position de ce dernier par la voix de Florian Philippot : http://france3-regions.francetvinfo.fr/corse/corse-francois-hollande-doit-siffler-la-fin-de-la-recreation-selon-florian-philippot-fn-889563.html]

    Résultats du second tour des régionales : du nouveau sous le soleil, vraiment ?


    Et à la présidentielle qui se tiendra dans 16 mois en 2017, y a-t-il une vraie menace FN ?

    C'est une chose dont la possibilité doit d'abord être étudiée avec sérieux ; car si l'antifascisme est une nécessité il ne peut pas non plus être guidé par la psychose et l'irrationnel, sous peine de passer au service du maintien et du renforcement du capitalisme sous sa forme "républicaine"/"démocratique".

    En 2012, Marine Le Pen avait recueilli 6,4 millions de voix et son parti vient enfin, à ce second tour, de dépasser de peu ce score avec autour de 6,8 millions, dans le contexte le plus favorable que l'on puisse imaginer (psychose anti-islam suite aux attentats du 13 novembre, "esprit #JeSuisÉtatd'Urgence" etc.). Mais imaginons qu'à la présidentielle de 2017, où la participation sera en principe beaucoup plus forte, elle progresse encore pour atteindre 8 millions de suffrages soit une progression de 1,6 millions (+ 25%), ce qui serait ÉNORME (en 2012 elle n'avait obtenu que 900.000 voix de plus que son père en 2002, soit 16% de plus). Et imaginons que, qualifiée bien évidemment pour le second tour, elle enclenche une dynamique et progresse encore jusqu'à 9 voire 10 millions (rappelons ici que si l'électorat frontiste tend à être plus mobilisé qu'auparavant et que les hausses de participation lui profitent désormais, son "profil sociologique" présente tout de même une forte porosité avec celui de l'abstentionnisme...). Eh bien, personne n'a encore jamais remporté l’Élysée avec aussi peu de voix - en vérité il lui faudrait un "potentiel" électoral de l'ordre du double de celui d'aujourd'hui, entre 13 et 14 millions de personnes. Face à elle, Hollande verrait se mobiliser en sa faveur toute la gauche radicale et les écologistes en dépit de son bilan... et les électeurs de sensibilité Modem ou UDI précisément grâce à celui-ci ; et gagnerait peut-être par 55-60% contre 40-45, mais gagnerait. Alain Juppé, quant à lui, bénéficierait du même capital mobilisateur que Chirac en 2002 et la laminerait par 70-30 si ce n'est plus. Le candidat le plus "risqué" face à elle serait finalement Sarkozy... l'homme qui entre 2002 et 2007 a non seulement capté mais aussi fabriqué de l'électeur à "psychologie" frontiste pour le perdre entre 2007 et 2012 et n'avoir plus aujourd'hui aucune crédibilité pour le récupérer ; et qui sur un sentiment de "blanc bonnet, bonnet blanc" souffrirait de très mauvais reports de la gauche et même du centre (et certainement aucun de la "gauche de la gauche" et des écologistes).

    Il ne s'agit pas de dire que le FN ne représente "aucune menace", qu'il "pourrait passer, rien à foutre", qu'il serait "de toute façon déjà au pouvoir" ou même que "comme ça il y aurait la révolution". Ce n'est tout simplement pas le propos. Il est bien évident qu'il n'est pas souhaitable que le Front National accède au pouvoir ; non pas d'un point de vue stratégique (il y aurait une sacro-sainte "République", de prétendues "Lumières" etc. etc. à "défendre" contre la "barbarie fasciste") mais d'un point de vue TACTIQUE : mener le combat sur un champ de bataille connu (celui où nous sommes en fait depuis le début des années 2000, différent de celui des 20 années antérieures mais auquel nous avons fini par nous habituer et en comprendre les ressorts) et non totalement nouveau et inconnu, ce qui est toujours un désavantage tactique certain. Certes, quel que soit le résultat en 2017, le Front National pourra être considéré comme "50% au pouvoir" (il l'est à vrai dire déjà, avec l'"état d'urgence à vocation permanente" que nous ont offert ces "chers" takfiristes pour Noël avec un mois d'avance...). Mais avec (de nouveau) Hollande ou Juppé à l'Elysée, les choses en resteraient ainsi alors qu'avec Marine Le Pen l'on pourrait s'acheminer très vite vers un 100% au pouvoir (il n'a fallu qu'une année, 1933, en Allemagne avec des nazis pourtant minoritaires - 30-40% - au départ) et avec Sarkozy l'on aurait une situation intermédiaire de - disons - "70% au pouvoir". Un terrain (avec Hollande ou Juppé) connu donc, pour encore 5 années au moins, qui nous permettrait malgré l'état d'urgence vraisemblablement maintenu (et ses perquisitions, assignations à résidence voire centres de rétentions pour "fichés S") de continuer à développer le camp révolutionnaire authentique dont la dynamique depuis quelques années (pour qui observe les choses de manière attentive... et non-crispée sur des dogmes de chapelles) est extrêmement encourageante ; alors qu'avec Le Pen ou un Sarkozy vainqueur de celle-ci d'une courte tête, nous pourrions être confrontés à un arsenal répressif auquel nous ne sommes pas habitués (et peut-être même une personne ayant vécu dans les années 1960, à moins d'être Maghrébine ou Antillaise, ne serait pas habituée).

    Pour autant, encore une fois, toute la subtilité est de parer à cette éventualité sans servir le maintien du Capital au pouvoir sous le masque de la "démocratie parlementaire" (et la réalité... de la contre-révolution préventive permanente) - rappelons que l'antifascisme originel n'a jamais (ni pour Dimitrov, ni pour Mao, ni pour Staline) été conçu pour cela, mais bien comme un moyen (face à un capitalisme ayant "tombé tous les masques") de lancer l'offensive pour la prise de pouvoir révolutionnaire des communistes. Et la première façon d'éviter cela est d'éviter la psychose et la réaction émotionnelle et de se baser sur les faits, rien que sur les faits étudiés à fond du fond au-delà des apparences.

    La vrai danger, en fin de compte, à surveiller est celui qui verrait la porosité droite-FN déjà présente à la base (électeurs FN - même soi-disant "venus de la gauche" - qui lorsqu'ils n'ont plus de candidat votent majoritairement à droite et électeurs de droite qui de plus en plus, dans un choix entre PS et FN, préfèreraient le second)... gagner le sommet, le personnel politique des Républicains qui pour le moment s'accroche encore (à contresens de pratiquement toutes les droites européennes) au "cordon sanitaire" imposé par Chirac à la fin des années 1980 (contre Pasqua et beaucoup d'autres tels Gaudin etc. ; les alliances étaient alors monnaie courante et 6 régions furent même dirigées ainsi entre 1986 et 1992).

    [Cette hostilité réciproque des états-majors puise ses racines dans toute une série de "fractures" historiques au sein de la droite hexagonale : entre "ralliés" et adversaires irréductibles de la République au 19e siècle et jusque tard dans le 20e, catholiques et partisans plus ou moins affichés de la laïcité, vichystes et "français libres" ou encore "Algérie française" et gaullistes et aujourd'hui "européistes" et "souverainistes" ; fractures en réalité bien moins importantes dans les faits qu'elles ne le sont devenues dans les mythes, mais les mythes rétroagissent sur la réalité pour donner cette situation d'impossibilité d'alliance absolument unique en Europe et même dans le monde... en contradiction (tout aussi forte que celle entre les mythes et la réalité !) avec les aspirations d'une grande partie des militants et même des élus locaux qui ne se considèrent pas du tout mutuellement comme des ennemis. À vrai dire il y a aussi un clivage au sein même de la "droite nationale", qui n'est pas une affaire de conception du monde mais plutôt de vision stratégique : la vision que l'on appellera "mégrétiste", affirmant les "valeurs communes" et favorable à l'alliance avec toute droite suffisamment "décomplexée" pour le souhaiter aussi, permet un accès beaucoup plus facile et rapide au pouvoir mais comme force d'appoint, avec le risque de le rester éternellement ; tandis que la vision lepéniste (partagée pour le coup par le père comme par la fille) n'envisage le pouvoir qu'en position dominante absolue... ce qui implique de mobiliser plus large que la droite "classique" et donc d'insister sur les distinctions (anti-européisme, anti-libéralisme, anti-"mondialisme") avec cette dernière plutôt que de les gommer, rendant toute alliance impossible jusqu'à ce que le pari majoritaire soit réussi. Le fait est que - favorisée peut-être par les logiques politiques intrinsèques à la 5e République - c'est la seconde vision qui l'a très largement emporté en termes de mobilisation de masse et notamment de redressement électoral après la scission de 1999 (suivie d'un score catastrophique des uns comme des autres aux européennes, et sans doute du report de beaucoup d'électeurs sur la liste Pasqua-Villiers qui dépassera celle de Sarkozy !) ; rendant la première impossible à mettre en œuvre faute d'atteindre le "poids" politique suffisant pour le faire.]

    Dès lors que des alliances entre la droite "classique" (qui aurait éventuellement évolué vers des positions plus eurosceptiques, protectionnistes, russophiles etc.) et le Front National seraient ouvertement possibles, là oui nous verrions un "saut qualitatif" colossal dans la fascisation de la gouvernance bourgeoise...

    L'on constate certes que le Front National progresse ; et quiconque écoute autour de lui/elle dans la vie de tous les jours remarque la libération du discours (forcément corrélée avec un vote FN, ou expression de la fascisation ambiante générale ? ceci en revanche reste à voir...), surtout dès lors (contrairement à ce que certains pseudo-"maoïstes" ont "toujours affirmé") qu'il est tellement plus facile de s'en prendre à "l'islam" que d'assumer un discours raciste "primaire" ou d'agiter les vieilles thématiques de l'extrême-droite des années 1930-40 (à commencer par l'antisémitisme), et qu'au contraire les "vrais fascistes" (antisémites, contre-les-droits-des-femmes, barbares assassins etc.) ce seraient "eux" - "les musulmans".

    Mais les données chiffrées, qui ne mentent pas, montrent que ce parti progresse dans une bien moindre mesure... que les autres baissent et en particulier la "gauche" ; ce qui n'a rien à voir par exemple avec la situation de l'Allemagne entre 1928 et 1932, où le NSDAP était passé de 810.000 à plus de 13 millions de voix en 4 ans face à une assez nette baisse (certes) des partis de droite (DVP, DNVP), mais un recul très relatif des sociaux-démocrates (d'un peu plus de 9 à un peu moins de 8 millions de voix) et une progression très nette des communistes (KPD, de 3,2 à 5,3 millions) ainsi que du centre-droit (Zentrum). Et si l'on peut entendre assez fréquemment (y compris de la part des défenseurs de l'abstention, qui sont pour la plupart nos camarades) que "les abstentionnistes voteraient de toute façon comme les autres", l'on peut difficilement ne pas être frappé par la corrélation entre les 6 à 7 millions d'abstentionnistes supplémentaires par rapport aux années 1990... et les 2 à 3 millions de voix perdues autant par la droite que par la "gauche" parlementaire [à ce sujet lire ici : http://campvolant.com/2015/12/10/il-ny-a-pas-de-vague-bleu-marine-par-frederic-gilli/].

    Et puisque l'on parle du "recul des autres", celui qui devrait frapper en premier lieu ne serait-il pas celui... de la "gauche radicale", du camp progressiste authentique à la gauche du PS : entre PCF (aujourd'hui dans le Front de Gauche, encore que pas toujours), trotskystes et Verts, presque 5,3 millions de voix à la présidentielle de 2002 contre 3,75 à celle de 2007 soit un recul de presque 30% (et à nouveau 5,4 en 2012, mais grâce au "phénomène Mélenchon" largement retombé depuis...) ; une "extrême-gauche" (NPA, LO etc.) qui divise son score pratiquement par deux à chaque régionales par rapport aux précédentes (1,2 millions en 2004, 662.000 en 2010 et 334.000 cette année) ; et une social-démocratie "radicale" non-PS (PCF seul, Front de Gauche, EELV seule ou avec Front de Gauche) à 2,3 millions de voix contre (Front de Gauche et alliés + EELV) 3,5 millions en 2010 soit moins 34%... Et si le problème était finalement là ?

    Et si, dit autrement, là où les grands partis bourgeois agitent l'épouvantail FN pour continuer leur petite guéguerre d'"alternance" comme si de rien n'était, le camp populaire progressiste sous direction (généralement) petite-bourgeoise cherchait avant tout à éviter de se remettre en question ? Et si par exemple la chasse au "confusionnisme" (en clair aux idées "rouges-brunes", "Dieudonné-Soral") dans ses rangs, pour être bien sûr nécessaire, n'avait conduit en définitive qu'à détourner le regard de la prégnance de conceptions - certes "diluées"/"atténuées"... qui sont à l'"état pur" celles qui mobilisent 90% des électeurs frontistes et non 10% comme les idées dieudo-soraliennes (le 'p''c''mlm' nous servant quotidiennement un "concentré" de ces conceptions "diffuses" ailleurs, la réponse semble s'imposer d'évidence) ? En clair, et si la "puissance" actuelle de l'"alternative" FN au "système" n'était que le résultat de la faiblesse des "anticapitalistes révolutionnaires" ; alors que les quartiers populaires et leurs colonies intérieures comme les périphéries profondes peuplées d'une classe ouvrière sinistrée représentent potentiellement des millions de partisans ?

    En annexe (réponse dans un débat FB) :

    Le FN qui, au 2e tour de 2002, avait certainement fait archi-le-plein est passé d'un potentiel électoral de 5,5 millions (donc) à cette époque à 6,5 millions grand maximum (jusqu'à preuve du contraire, preuve non-obtenue depuis 2012) aujourd'hui. Il a progressé d'un million de voix soit +18% tandis que le nombre d'inscrits sur les listes électorales progressait de 41 à 45 millions soit +10%. Donc il a progressé plus vite que le nombre d'électeurs, c'est vrai... et surtout les autres PERDENT des électeurs d'année en année. Mais ce n'est pas qu'il a "doublé" le nombre de ses partisans comme le laisseraient entendre les chiffres en pourcentage.

    Admettons qu'en 2017 Marine Le Pen récolte 8 millions de voix au premier tour (+1,6 millions soit +25% par rapport à 2012, ce serait ÉNORME). "Séisme politiiiiiiique", ça lui ferait sans doute du 30% ou plus, elle caracolerait vraisemblablement en tête à moins que Juppé (seul candidat à pouvoir le faire) la dépasse de peu. Mais ensuite ? Elle aurait fait le plein des voix et au deuxième tour, PERSONNE n'est JAMAIS devenu président avec 8 millions de suffrages. Y a 46 millions d'inscrits, même avec 50% d'abstention (ce qui serait du jamais vu à une présidentielle) y aurait 23 millions de votants, la barre serait donc à 11,5 millions. Impossible... ça voudrait dire pratiquement multiplier par 2 (par 1,77 exactement) ses électeurs de 2012, alors que cette année-là elle faisait 1,46 fois plus que son père en... 1988 (et 1,16 fois plus qu'en 2002). Face à Juppé, elle serait pulvérisée de l'ordre de 70-30. Sur Hollande ou Sarkozy il pourrait y avoir de moins bons reports de droite ou de gauche (respectivement) qui pourraient nous faire "chaud aux fesses", genre battue par 53-47, c'est l'image de "la Frrraaaaaance" à l'étranger en prendrait un coup mais bon...

    Sérieusement. On a un problème avec un épouvantail qui s'est animé et qui semble sur le point de rompre ses amarres et de devenir incontrôlable... mais ça reste un épouvantail. Il y a BEAUCOUP PLUS que 6 millions de gens qui sont d'accord avec les thèses du FN sur la sécurité, la répression, l'immigration, "les musulmaaaaans" etc. etc. ; mais il y en a... beaucoup moins (de fait même tous ses électeurs ne le sont pas, donc ne souhaitent pas vraiment sa victoire) qui le sont sur son programme économique. Le grand patronat rejette complètement celui-ci (pour la bonne et simple raison qu'il n'est pas de son intérêt)... et on n'a jamais vu un parti fasciste au pouvoir s'il n'est pas le parti du grand patronat (pas du petit, qui peut toujours gueuler).

    Il y a beaucoup moins de grands patrons favorables au FN qu'il n'y en avait pour les thèses des ligues d'extrême-droite (qui contrairement au FN étaient par contre très divisées) dans les années 1930 ; thèses qui sur le plan économique sont d'ailleurs devenues en grande partie... la vision GAULLISTE de l'économie, celle au pouvoir dans les Trente Glorieuses et qui était ce qu'il "fallait" au Capital tricolore à cette époque. Et malgré cela... il est vraisemblable que sans l'évènement EXTRAORDINAIRE (dont même des attentats à 1.000 morts ne seraient jamais l'équivalent) de la défaite et de l'invasion de 1940, il n'y aurait jamais eu Vichy.

    La République rad'-soc' (centrée sur le Parti radical qui s'alliait un coup un gauche, un coup à droite) aurait continué à "gérer" le capitalisme avec la préférence de la majorité du patronat (préférence pour le système républicain qui est le vrai enseignement du 6 février 1934) ; face à une extrême-droite à 30% peut-être (les Croix-de-Feu qui se présentaient aux élections à cette époque n'en étaient pas loin)... et en reprenant petit à petit ses "bonnes" propositions. De crise en crise, éventuellement à travers une grosse crise de régime comme celle de 1958, elle aurait évolué vers ce que l'on a appelé plus tard le gaullisme. Le "pôle" idéologique "républicain" était encore tout à fait en position de force et capable de gérer la situation en 1938-39, au point que (encore eux) les Croix-de-Feu/PSF qui étaient la principale force d'extrême-droite avaient rejeté ouvertement toute volonté de renverser la République par la force et commençaient même... à s'allier avec les radicaux et à soutenir Daladier à l'Assemblée, un peu comme si le FN s'alliait aujourd'hui avec le PS et soutenait Valls et Hollande (ses députés ont ouvertement soutenu et voté l'état d'urgence à l'Assemblée, cela dit) !

    Ce qu'il s'est passé c'est que cette bourgeoisie "républicaine" (qui était au pouvoir et dirigeait les opérations) a été militairement écrasée... par l'Allemagne, ce qui a alors pu naturellement déboucher sur la capitulation politique du 10 juillet 1940, avec le vote des pleins pouvoirs à Pétain, face aux forces considérées jusque-là comme "hors-République" (et il faut encore souligner que beaucoup de ces forces, par nationalisme viscéral... refuseront dès le départ l'occupation et la collaboration et entreront dans la Résistance - des gens des Croix-de-Feu, de l'Action française, de la Cagoule même ; alors que l'immense majorité des "républicains" radicaux, libéraux ou conservateurs soutiendra le régime jusqu'au débarquement d'Afrique du Nord au moins !). Aujourd'hui, peut-on envisager sérieusement une telle défaite de l'Armée française et une invasion du territoire ? C'est bien improbable...

    Aujourd'hui on a une crise équivalente à celle de 1929 (voire même pire que ce que celle-ci avait été en Hexagone) et un champ politique traditionnel qui donne effectivement un peu le tableau de celui des années 1930, ou alors des années 1950 (IVe République). Il est donc logique que l'extrême-droite soit très forte : elle est le symptôme d'une aspiration à "remettre les choses en ordre" qui est non seulement celle d'une partie de la bourgeoisie, mais aussi voire surtout d'une partie des masses populaires particulièrement aliénée à la conception bourgeoise du monde. Mais de là à ce que s'installe le fascisme... Différence avec l'Allemagne de 1933 ? Ben déjà on n'a pas un Parti communiste marxiste-léniniste qui fait 5 à 6 millions de voix (+ une social-démocratie à 7-8 millions qui n'est pas l'équivalente de notre PS mais disons d'un Front de Gauche + "frondeurs" du PS + NPA) ; et un État de 180 millions d'habitants dirigé par des marxistes-léninistes à quelques centaines de kilomètres de nos frontières. Hitler n'a pas "gagné les élections", il était à 33% et avait même entamé un sérieux déclin électoral (2 millions de voix perdues entre juillet et novembre 1932) ; il a été APPELÉ au pouvoir par la bourgeoisie allemande pour les raisons qui précèdent.

    Là où tu as raison c'est sur la reprise/contamination des idées... mais ça ça fait 30 ans que ça dure, c'était déjà le cas quand il faisait 12% et c'est précisément CE À QUOI IL SERT, le FN ! Un ÉPOUVANTAIL dont on reprend et applique "à pas feutrés" les idées parce que "sinon il va finir par arriver au pouvoir"... Les idées sur le plan de "comment faire fermer leurs gueules aux classes dangereuses" surtout ; parce que le programme économique "anti-mondialiste" ça non. En fait même les électeurs FN ne se retrouvent pas vraiment dans ce qui est un grand "flou artistique" volontairement entretenu. L'électeur FN "de base" est un "libéral-protectionniste" : "durcir" les frontières contre les produits étrangers et "moins d'charges sur les entreprises pour qu'elles puissent embaucher" ici en Hexagone... Mais il y en a aussi qui sont en quête de sécurité, qui s'accrochent à leur seul "petite supériorité" à savoir leur PRIVILÈGE BLANC, ou qui sont simplement islamophobes (même pas racistes au sens général) mais qui voudraient une politique économique "à la Mélenchon". Mais le programme du FN n'est pas "à la Mélenchon", il peut donner cette image à certains de ses comparses étrangers comme Farage ou Wilders qui sont de VRAIS libéraux-protectionnistes, mais il ne peut pas assumer un tel programme face à toute une partie de son électorat qui est constituée de petits employeurs ou d'indépendants...

    Il a une marge de progression du côté des gens (généralement diplômés, cadres etc.) qui partagent ses idées SAUF sur l'économie, la fermeture à l'Europe et au monde etc. ; mais s'il évolue là-dessus pour gagner ces personnes il perd d'autres électeurs par l'autre bout. Bref. Il a un gros problème de ce côté-là ; alors que le programme nazi était EXACTEMENT ce qu'il fallait au Capital allemand pour surmonter la crise tout en conjurant le communisme et en détournant les travailleurs allemands de la révolution (c'était au contraire son projet totalitaire sur le plan politique, et militariste aventuriste en politique extérieure qui générait plutôt des réticences bourgeoises dans ce cas-là).

    Donc le FN au pouvoir, ce n'est pas encore tout à fait acté. Il est là et il va rester comme un cancer toujours plus menaçant, mais au stade où l'on en est "la Républiiiiique" reste pour le Capital "le pire des systèmes à l'exclusion de tous les autres" et arriver à gérer le capitalisme comme il faut, y compris sur le plan sécuritaire comme on peut encore le voir en ce moment. L'on voit mal ce qui pourrait changer cela à part une situation de guerre civile (pas quelques attentats, même très rapprochés dans le temps) ; et même encore là ce ne serait pas "le FN prend le pouvoir" mais plutôt "la classe politique fait bloc en incluant le FN et en reprenant 90% de ses propositions"... comme en 40 quoi ! (d'ailleurs n'y est-on pas déjà un peu ?)

    => Eh oui car après tout, lorsque l'on y pense, à quoi riment toutes ces histoire de "scores" et de "faire barrage" lorsque l'on sait que le fascisme, dans l'histoire, n'a JAMAIS accédé au pouvoir "simplement" par le biais d'une élection : il l'a toujours fait par le coup de force (voire par la guerre civile), même en Allemagne (contrairement à la légende) où Hitler a été "appelé" au pouvoir alors qu'il ne représentait que le tiers des électeurs et s'est ensuite totalement emparé de celui-ci par la violence, la manipulation et la terreur pour mettre en place sa dictature ouverte totalitaire... Il existe certes aujourd'hui (ou a existé dans un passé récent) des régimes de contre-révolution préventive très "durs" et ouvertement réactionnaires reposant sur des élections "pluralistes", un régime "démocratique"/"républicain" parlementaire et un "fait" électoral majoritaire répété plusieurs fois de manière totalement "libre" : Bush-Cheney aux États-Unis, Berlusconi en Italie, le Likoud et ses alliés d'extrême-droite en Israël, Poutine en Russie, Viktor Orbán en Hongrie, peut-être Donald Trump refermant la parenthèse sociale-libérale Obama aux États-Unis demain, etc. Mais il faudrait alors leur envisager un autre nom, comme peut-être ce fascisme moderne tant décrié par d'aucuns (inventé par la Gauche prolétarienne face à un gaullisme qui correspondait déjà un peu à cette définition) ; car le fascisme au sens strict (les régimes du 20e siècle que l'on qualifie communément ainsi) ne s'est jamais mis en place "démocratiquement" par les urnes (et il est donc, répétons-le, illusoire et ridicule de prétendre lui "faire barrage" par ce biais : il ne se combat, en vérité... que par les armes). Et au demeurant, ces régimes de "contre-révolution préventive dure" ne changent généralement rien à la Constitution de leur État... ni même véritablement aux lois (sauf aux États-Unis avec le Patriot Act après le 11 Septembre) : ils ne font le plus souvent qu'utiliser l'arsenal législatif... déjà présent et disponible quels que soient le gouvernement et la majorité politique en place (en Italie les lois "anti-subversives" remontent... au fascisme mussolinien et ont été maintenues après sa chute !), et qu'il suffit d'appliquer dans toute sa rigueur ; ce qui ne peut que faire relativiser l'idée... et la nécessité même d'un changement "révolutionnaire" de régime en faveur du fascisme comme cela s'est vu dans un certain nombre de pays (dont l’État français en 1940-44) au siècle dernier.

    D'ores et déjà "premier parti de France" et disposant encore (sans doute) d'une certaine marge de progression, le Front National pourrait donc tout à fait être "convoqué" au pouvoir sans que la question de gagner beaucoup plus de voix (et de lui "faire barrage" pour ses adversaires...) n'entre quoi que ce soit en ligne de compte. Mais outre que le système de la 5e République (cette fameuse 5e République... dont bien des fascistes des années 1930 se seraient largement contentés !) ne le permet en principe pas (il faut être élu pour être Président, et disposer d'une majorité parlementaire pour être Premier ministre)... n'est-il pas en fin de compte beaucoup plus simple d'y "convoquer" ses IDÉES, sans les hommes (et les femmes) dont l'exercice du pouvoir pourrait s'avérer dangereux voire désastreux ? Et cela, à vrai dire, n'y sommes-nous pas déjà un peu ?

    Le Front populaire de 1936 (référence absolue, bien sûr, de tous les partisans y compris pseudo-"maoïstes" du "vote barrage") n'est absolument pas entré dans l'histoire pour avoir fait barrage au fascisme ; puisque déjà en 1938-39 le "Parti social français" (ex-ligue des Croix-de-Feu) cartonnait aux élections et se rapprochait même... du Parti radical au pouvoir (pour qui le "Front antifasciste" tel que "compris" par Thorez avait souvent conduit à voter, et qui avait 110 députés) ; et qu'en 1940 la catastrophe majeure de la débâcle militaire verra s'instaurer le régime de Vichy et la "Révolution nationale" sans que rien ne puisse s'y opposer (et surtout pas... les élus du Front populaire en question, de l'Assemblée élue en mai 1936, dont 80 seulement voteront contre !).

    Le Front populaire est entré dans l'histoire pour les immenses conquêtes sociales qu'il a permises ; des choses aussi inimaginables à l'époque... que leur inexistence le serait aujourd'hui (congés payés, temps de travail maximum hebdomadaire, la sécurité sociale attendra 1945 et le salaire minimum les années 1950 mais l'idée était déjà dans les tuyaux). Il est entré dans l'histoire comme un grand moment de mobilisation populaire progressiste radicale et révolutionnaire, préparant la Résistance antifasciste qui en sera un autre (et dont l'issue victorieuse verra la mise en place définitive de ces réformes sociales) ; l'un de ces grands... et rares moments de mobilisation populaire révolutionnaire des 200 dernières années. Et la vraie problématique d'aujourd'hui est finalement moins les scores du FN que la non-possibilité d'une telle mobilisation.

    Que ceux qui lancent des incantations au "Front populaire" commencent donc par le commencement, à savoir rendre possible de tels nouveaux 1936 ! Le Front populaire comme évènement tutélaire de l'histoire prolétarienne hexagonale n'a JAMAIS consisté en un simple "vote barrage" à l'extrême-droite !


    À lire : la position de Voie Prolétarienne ainsi que celle du Bloc Rouge (qui portait sur le premier tour).

    Et puis (encore une fois de plus) l'article de Quartiers Libres avec de très bonnes analyses.

    Résultats du second tour des régionales : du nouveau sous le soleil, vraiment ?


    2 commentaires

  • Le Front National n'a une nouvelle fois pas dépassé son niveau de voix de 2012 :


                         Pour information...Pour information...


    Un peu plus de 6 millions contre 6,42 [et 4,1 au premier tour et 5,1 au second des départementales du début de l'année ; et 4,7 aux européennes de 2014 (pour ne prendre que des scrutins où il était présent et donc "votable" partout ou presque)].

    C'est surtout le total des droites non-FN (6,88 millions) et des "gauches" (7,8) qui est impressionamment bas par rapport à la présidentielle il y a 3 ans et demi (13,67 et 15,7 millions respectivement)...

    Et pour rappel, en 2002 (premier "séisme politiiiiiiique") :


    Pour information...

    (Le Pen récupérant au second tour les 667.000 voix de Mégret au premier...)


    Soit seulement un demi-million de voix de progression en 13 ans (900.000 pour la fifille en 2012)... en comptant qu'il y a 4 millions d'inscrits sur les listes électorales (presque 5 millions en 2012) en plus !

    Le "peuple frontiste" n'est pas beaucoup plus pléthorique qu'auparavant ; ce qu'il est c'est MOBILISÉ et il l'est évidemment tout particulièrement depuis les attentats du 13 novembre - mais ceci laisse aussi présager qu'il n'a pas beaucoup de réserves, un demi-million de voix tout au plus, allez 700.000 grand maximum.

    Nous n'en dirons pas plus pour le moment et ne nous exprimerons qu'à l'issue du second tour (car telle est la leçon que nous avons tirée des deux derniers scrutins à deux tours, municipales et départementales - nous avons déjà pour ce premier tour attendu les chiffres définitifs car ce sont eux qu'il faut analyser).

    Nous ne voulons pas nous lancer dans des pronostics. Mais ce que nous pouvons déjà vous dire c'est regardez bien les résultats dimanche, comparez à ce qui était annoncé (déroute totale pour le PS, raz-de-marée de droite, deux régions au moins pour le FN)... et on en reparle.

    En comptant en anciennes régions (et non en "super" nouvelles), l'on pourrait être assez loin d'une déroute pour le PS au pouvoir de l'ordre de celle de 1992 (seuls le Nord-Pas-de-Calais et le Limousin avaient alors été conservés). D'ores et déjà l'équivalent de 4 ou 5 (Bretagne, Aquitaine, Poitou-Charentes et Limousin, sans doute Corse à moins que les autonomistes ne créent la surprise) sont acquises et c'est l'hypothèse la plus  basse...

    L'on pourrait alors (nous luttons contre nous-mêmes pour ne pas nous lancer dans des pronostics, mais rien à faire ça sort...) observer une sorte de retournement du "à qui profite le crime ?" que nous avions analysé aux municipales ; retournement déjà un peu observé aux départementales où le nombre de départements perdus par la "gauche" n'était déjà pas l'hypothèse la plus haute.

    Dans les régions (Nord-Picardie et PACA) "promises" au Front, où les listes PS se sont retirées, la droite Républicains-UDI devrait remporter la mise car les réserves de voix lepénistes sont à notre avis insuffisantes pour atteindre la barre des 50% (il en faudrait, en se basant sur le nombre de votants au premier tour, plus de 250.000 dans la première et 200.000 dans la seconde or nous pensons que le "plein" a déjà été fait). Mais même en Île-de-France et en Rhône-Alpes-Auvergne, les deux "poumons" économiques de l'Hexagone où elle caracole en tête, c'est loin d'être gagné face à un "peuple de gauche" mobilisé comme jamais (après 3 ans et demi de présidence Hollande calamiteuse) il ne le serait "simplement" face à la droite "classique". Et la seule "super-région" gagnée par le FN pourrait bien n'être aucune des deux "promises" mais plutôt le "Grand Est" Champagne-Alsace-Lorraine où le candidat PS s'est maintenu contre les ordres de Solférino - Florian Philippot, qui conduit la liste, verrait alors sa position "bétonnée" face à sa grande rivale interne, Marion Maréchal.

    Nous avons longtemps dit, en dépit du mantra récité par celle-ci depuis 30 ans ("le FN sert la gauuuche !!"), que la montée du Front National profitait en réalité à la droite ; plus exactement qu'elle était le "dommage collatéral" "malencontreux" d'une droitisation idéologique de la société profitant en premier lieu à la droite "républicaine" "classique" et en second lieu seulement à lui-même, avec d'importants ou du moins assez corrects mécanismes de report de voix au second tour lorsque la liste ou le/la candidat(e) FN, même en se maintenant, n'était pas en mesure de l'emporter ; des victoires assurées en cas d'élimination de la "gauche" etc. etc. Mais la tendance semble à présent se renverser.

    Nous avons dit (en substance) de Nicolas Sarkozy qu'il en avait été, entre 2002 et 2012, avec ses discours écrits par Patrick Buisson (et qui ne semblaient pas déranger outre mesure, à l'époque, ceux que l'on qualifie aujourd'hui de "modérés"/"centristes"), en quelques sorte le "sas" ou le "passeur" entre une société "française" où Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle était un "traumatisme national" et une autre, celle d'aujourd'hui, où la présence du FN en tête de tous les scrutins est devenue la "norme" et ne fait plus bondir personne.

    Mais à présent qu'il a joué ce rôle, les choses semblent désormais se retourner contre lui et sa famille politique (le prétendu "nouvel électeur FN" type est d'abord et avant tout, le plus souvent, un ancien électeur de Sarkozy en 2007 !) et il pourrait bien possiblement vivre ses derniers jours à la tête de l'UMP rebaptisée "Les Républicains" ; tandis que Juppé (élu local qui connaît le terrain), feignant de courber l'échine sous la consigne de "ni-ni", ricane en réalité dans son col de veste en savourant ce qu'il avait prévu et se sait déjà candidat désigné à la présidentielle de 2017 (où il éliminerait très certainement Hollande au premier tour puis écraserait Le Pen au deuxième, seul à droite à pouvoir faire les deux choses de manière aussi certaine).

    Wait and see...

    Pour information...


    [Nous ne ferons pas non plus de longs commentaires, par rapport à cette carte, sur la prétendue corrélation entre affreuse-abominable conscience "identitaire régionaliste" (ou "communautariste), ou au contraire "sentiment français" "assumant l'héritage démocratique national", et vote frontiste...]


    PS - pour celles et ceux qui ont du mal à saisir la différence entre nos défenseurs de "la Républiiiiique" et le FN, voilà de quoi... la comprendre encore moins :


    Latifa Ibn Ziaten huée à l’Assemblée nationale : «C’était très agressif»

    Plusieurs témoins racontent à BuzzFeed que la mère d’une des victimes de Mohamed Merah a été huée lors d’une conférence du groupe socialiste sur la laïcité. Une jeune fille voilée aurait également été «prise à partie».


    Humiliation, porte arrachée : perquisition chez un militant anti-Daech, sa maman handicapée et un bébé


    Des camps pour les Fichés S : Manuel Valls demande l’avis du Conseil d’État

    http://www.lemonde.fr/societe/article/2015/12/09/le-gouvernement-envisage-des-centres-de-retention-pour-les-personnes-fichees-s_4827979_3224.html

    La France réfléchit-elle à un Guantanamo pour les «fichés S»?


    [Et puis MàJ importante (septembre 2016) : les révélations du fasciste Eric Zemmour, dans son ouvrage Un quinquennat pour rien, sur l'existence d'une "Opération Ronces" "dans les cartons" des militaires pour un jour reprendre "à l'israélienne" le contrôle de "ces terres devenues étrangères sur notre propre sol" : http://ekladata.com/AZVt7MJr_N1KszhwoU0g696ZfNY@638x204.jpg...]


     


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  • Eh oui... s'improviser historien n'est pas donné à tout le monde !

    En meeting de campagne aux côtés de Marion Maréchal (nous-voilà...), le maire FN de Béziers Robert Ménard nous ressort la vieille-comme-l'extrême-droite antienne de "Charles Martel" :
    http://www.marianne.net/epaulee-robert-menard-marion-marechal-pen-part-croisade-100238372.html

    Mais il se trouve (malheureusement pour lui...) que le chef de guerre franc, dont le "QG" était d'ailleurs plutôt dans l'actuelle Wallonie, a en réalité (à l'époque) dévasté la ville, sa région (Agde, Nîmes etc.) et globalement tout ce qui deviendra l'Occitanie, en bon préfigurateur de la Conquista cinq siècle plus tard - qui n'était elle-même que l'aboutissement d'une longue convoitise des souverains du Bassin parisien sur les riches Aquitania et Provincia, qui deviendront l'Occitanie et sa région particulière la Provence. La lutte contre les "Sarrasins" (Arabes, Berbères et Ibéro-Romains convertis à l'islam, venus de la péninsule ibérique), qui ne représenteront un réel "problème" que durant quelques décennies entre 720 et 760 (lorsqu'ils occupaient la "Septimanie" soit grosso modo les Pyrénées-Orientales, l'Aude côtière et l'Hérault), n'étant clairement qu'un prétexte conjoncturel comme le seront plus tard les "Albigeois" ("hérétiques" cathares, qui pourraient même selon certains travaux récents... ne pas avoir existé du tout) - les souverains locaux et les élites urbaines, d'ailleurs, préféraient souvent s'allier aux musulmans que d'entendre parler de l'ennemi héréditaire du Nord...

    Voici un article d'un (vrai, lui) passionné d'histoire qui remet les points sur les i :

    La véritable histoire de Charles Martel : celle que Ménard et Jean-Marie Le Pen ignorent


    Par 
    Écrivain


     

    Une gravure de la bataille de Poitiers, le 10 octobre 732 (MARY EVANS/SIPA)


    Depuis le fameux 11 janvier, dont la droite voudrait faire une "Journée d’unité nationale et de lutte contre le terrorisme", le nom de Charles Martel, "sauveur de la chrétienté", est venu, dans bien de réseaux liés à l’extrême-droite, se rappeler au bon souvenir non pas de la France "pays des droits de l’homme", mais de la France "fille aînée de l’Église".

    Comme si la théorie du "choc des cultures" s’était muée en celle d’une "guerre de religions", ce que Jean-Marie Le Pen, toujours aussi lourdement calembourdesque, a résumé d’un cri : "Je suis Charlie Martel !"

    C’est précisément dans cette mouvance lepéniste que Robert Ménard a lancé sa énième provocation, en commençant par criminaliser les petits écoliers biterrois sur la seule base de la "consonance musulmane" de leurs prénoms ! Dans ma tribune, publiée sur Le Plus de l'Obs le 12 mai ("Robert Ménard, changez vitre de patronyme"), j’ai dit ce que je pensais de ce forfait antirépublicain. Cela m’a valu nombre d’incriminations avec, à l’appui, des arguments puisés dans les pages d’un Deutsch métronome promu rewriter du roman national. Comme tant d’autres thèses scolaires, celle de notre auteur-baladin illustre brillamment cette leçon de Marc Bloch (dans son "Apologie pour l’Histoire") :

    "Aussi bien que des individus, il a existé des époques mythomanes […] C’est d’un bout à l’autre de l’Europe, comme une vaste symphonie de fraudes. Le Moyen Âge, surtout du VIIIe au XIIe siècle, présente un autre exemple de cette épidémie collective… Comme si, à force de vénérer le passé, on était naturellement conduit à l’inventer."


    Charles Martel, "dilapidateur et enragé tyran"

    C’est pour répondre à ces nostalgiques orphelins de Charles Martel, comme à notre "rapporteur-sans-frontières" des thèses d’extrême droite, que je tiens à fournir, ici, quelques éléments d’information sur la véritable nature du "tombeur des Sarrasins", et, par la même occasion, sur l’histoire de Béziers (ville dont Robert Ménard a chargé Renaud Camus, le théoricien du Grand Remplacement, d’écrire l’histoire)…

    Pour en finir, donc, avec cette légende qui fait de Charles Martel le "sauveur de la chrétienté", précisons d’emblée que le chef franc, connu de son vivant comme le plus grand "spoliateur des biens de l’Église", n’a jamais bouté les Arabes hors de "France" pour trois raisons : primo, ce pays n’existait pas encore en tant que tel ; secundo, c’est son fils qui réussira à reprendre Narbonne, trois décennies après la mythique bataille ; tertio, la présence sarrasine est attestée dans les Alpes et dans le Jura au moins jusqu’au Xe siècle.

    Tout comme la légende du "Marteau de Dieu", celle du "spoliateur des biens de l’Église" aura, en son temps, la peau dure. De Liège (ou plutôt, la ville n’existant pas encore, de Tongres-Maastricht, ancien fief du père de Charles, Pépin d’Herstal, et dont l’évêque, saint Lambert, fut assassiné sur ordre de l’oncle maternel de Charles) à Nîmes, en passant par Toulouse et Narbonne, l’homme est dénoncé comme aucun grand de ses contemporains ne l’aura été : "Ô Charles Martel, dilapidateur et enragé tyran !", s’écriera Jean Boldo d’Albenas, l’un des pères du protestantisme nîmois [1]. Sans doute cet auteur a-t-il des raisons de fustiger le Franc, qui avait ruiné sa ville (Nîmes) avant d’y mettre le feu : c’était en 739, alors que Charles Martel remontait de Narbonne, tout dépité de n’avoir pas réussi à en déloger les Sarrasins, malgré un long siège éprouvant…

    Plus cohérente est la thèse de Nicolas Germain Léonard, historien de la ville de Liège, qui nous explique en quoi et pourquoi Martel méritait une telle charge : "Il donnait à ses officiers les évêchés et les abbayes. Les biens de l’Église devenaient héréditaires ; on en formait la dot des filles qu’on mariait. Pépin d’Herstal avait enrichi le clergé, Charles le dépouilla." [2]

    Évidemment, après la victoire de Poitiers, la cause est entendue : les biens de l’Église furent "l'instrument de la délivrance de l'Europe, et de la victoire de l'Évangile sur le Coran" ! [3]. Mais que durant toute l’existence de Martel (688-741), à Limoges, Cahors, Auch, Saint-Lizier, Autun, Orange, Avignon, Carpentras, Marseille, Toulon, Aix, Antibes, Béziers, Nîmes, Lodève, Uzès, Agde, Maguelone, Carcassonne, Elne, il y eut une interruption dans la succession des évêques ; voilà qui en dit long sur l’état d’abandon de la "Fille aînée de l’Église" !


    Désordres, ruines, assassinats 

    D’autres griefs ternissent la renommée de Charles. Ceux, notamment, qui font de lui le persécuteur d’Eucher, l’évêque d’Orléans, et de Guidon, le futur saint Guy. Abbé de Fontenelle, ce dernier subit le supplice suprême pour une imaginaire conspiration… Désordres, ruines, assassinats : des forfaits qui poursuivront le chef franc jusqu’à sa mort.

    Mais c’est le sort réservé à l’évêque d’Orléans, le futur saint Eucher, qui assombrira le plus sa renommée. Accusé d’avoir comploté contre Martel, l’évêque "fut envoyé en exil avec tous ses proches, (puis) transféré dans le monastère de Saint-Tron où il mourra en 738" [4]. Conclusion de Flodobert, l’évêque de Noyon et de Tournai (894-966) : "Ce bâtard né d'une servante n'était audacieux qu'à faire le mal envers les Églises du Christ."

    De ce martyre de saint Eucher, une légende naîtra plus d’un siècle après, qui sera consignée dans le compte-rendu d’un concile tenu en 858 à Quierzy, où il est fait mention d’un songe d’Eucher.

    Extrait :

    "Nous savons en effet que saint Eucherius, évêque d’Orléans fut entraîné dans le monde des esprits. Entre les choses que Dieu lui montra, il reconnut Karl exposé aux tourments dans le plus profond de l’enfer." Commentaire de Jean Deviosse, biographe de Charles Martel : "Le texte ne laisse place à aucune équivoque. Karl, spoliateur résolu des biens de l’Église, est reconnu coupable à part entière." [5]

    La même justification sera reprise par Jules Michelet, pour qui "les agressions de Karl contre le patrimoine de l’Église faisaient douter qu’il fût chrétien" ! [6]

    Mais, disions-nous, les mythes ont la peau dure. Et après tout, des spoliations, quel envahisseur n’en commet pas ? Du IXe au XIe siècles, la renommée de Charles en souffrira. Étrangement, c’est aux siècles des Croisades que le nom de Martel va retrouver son aura, celle de tombeur des Sarrasin et de… sauveur de la chrétienté : comme si, écrira Chateaubriand, "Les Maures, que Charles Martel extermina, justifiaient les Croisades !" [7].


    Les crimes de Martel dans le Sud (de la France)

    Sur le terrain, la réalité était tout autre. Ce que Charles visait en fait, et depuis longtemps, c’était la conquête de l’Aquitaine (dont la capitale était alors Toulouse et non Bordeaux). Tant que cette région était menacée par les Sarrasins, il s’était contenté d’attendre son heure. Mais en apprenant avec stupéfaction la nouvelle du mariage du gouverneur musulman de Narbonne avec la fille du duc d’Aquitaine, Martel comprit très vite le risque que pouvait représenter une telle alliance. Celle-ci n’arrangeait pas non plus Abd er-Rahman, le maître de Cordoue (l’Espagne arabo-andalouse était déjà minée par les révoltes berbères contre le pouvoir arabe), ce qui l’amena à supprimer le "traître" gouverneur, un Berbère, avant d’offrir la fille du duc au calife de Damas… Si Charles Martel arrêta effectivement les Arabes à Poitiers, il ne réussit donc pas à les déloger de la Narbonnaise, qu’il attaqua par deux fois, sans succès.

    La légende qui colle au nom de Martel doit être revue et corrigée sur un autre point : jamais les Francs n’ont eu de considération pour les habitants du sud de la Gaule. L’homme "gallo-romain", et particulièrement le citoyen de Toulouse, trop raffiné aux yeux du Franc fruste et inculte, était traité d’homunculus.

    Furieux d’avoir échoué par deux fois à Narbonne, Martel va se venger sur les populations locales (chrétiennes) à qui il reproche de ne pas l’avoir accueilli en sauveur. Sur le chemin du retour (vers ses terres du Nord), il se venge sur Agde, Béziers, Maguelone, Nîmes (dont il brûle les arènes !). Selon Ernest Sabatier, notre cher historien de la ville de Béziers :

    "Les Francs pillent à outrance dans tous les lieux où ils portent leurs pas ; ils désarment la population chrétienne, qui, ayant conservé en partie la civilisation romaine, voyait en eux des Barbares, et leur était suspecte. Forcés d’abandonner le siège de Narbonne, et voulant empêcher les Sarrasins de prendre ailleurs dans le pays une position solide, ils rasent les fortifications de Béziers, d’Agde et d’autres cités considérables. Agde et Béziers sont même livrées aux flammes, leurs territoires dévastés, les châteaux sont démolis. Enfin, en s’éloignant, les soldats de Charles-Martel emmènent, outre un grand nombre de prisonniers sarrasins, plusieurs otages choisis parmi les chrétiens du pays." [8]

    Ces dévastations seront toutes mises sur le compte des Sarrasins, comme le sera un demi-siècle plus tard la mort de Roland à Roncevaux (des historiens ont, enfin, démontré que l’attaque fut le fait des Basques et non des Arabes), et comme le seront cinq siècles plus tard d’autres exactions, et là, c’est toujours l’historien de la ville de Béziers qui témoigne : "Plusieurs dépôts ont éprouvé des vicissitudes qui ont rendu assez rares les documents dont j’aurais pu profiter. Les anciennes archives de Béziers furent, elles, consumées par l’incendie qu’y allumèrent les croisés en 1209..." !

    Plusieurs chroniques l’attestent (Continuation de Frédégaire, Isidore de Beja, Chronique de Moissac, El Maqqari [9]) : les cités susceptibles d’être ou de devenir des repaires pour les musulmans sont ravagées. Maguelone est rasée, Montpellier n’est pas épargnée, et encore moins Nîmes :

    "Pour punir la ville qui a fait appel aux Arabes, Charles démolit les portes, abat les murailles et tente d’incendier les Arènes sous prétexte qu’elles sont aménagées en ouvrage défensif. Sur son ordre, ses guerriers entassent toute une forêt dans l’Amphithéâtre et y mettent le feu" [10]


    Un retour du refoulé historique

    Voilà la vraie nature et l’œuvre du héros de tant de générations d’écoliers de France ! Celui-là même dont le nom figura jusqu’à la veille de l’élection présidentielle de 2002, sur une affiche électorale : "732 Martel, 2002 Le Pen". En attendant, sans doute, de figurer sur le fronton de la mairie de Béziers, à l’approche de 2017 ?…

    Mais comment peut-on imaginer que Béziers puisse, aujourd’hui et en connaissance de cause, dire merci à celui qui mit toute la région à feu et à sang ? Et si, au contraire, comme par un retour du refoulé historique, des Biterrois de souche décidaient, un jour, de répondre à Robert Ménard en manifestant en masse, et sous le seul slogan qui vaille et qui soit digne de la mémoire de leurs ancêtres : "Je ne suis pas Charlie Martel !" ?


     [1] Jean Boldo d’Albenas, Discours historial de l’antique et illustre cité de Nîmes, Nota bene : toutes les références, accompagnant cette tribune, se trouvent  détaillées dans mon essai : Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin, 2010).

     [2] N. G. Léonard, Histoire ecclésiastique et politique de l’État de Liège, 1801.

     [3] François Laurent, Le Moyen-âge et la réforme, 1866.

     [4] Vita sancti Eucherii, Aurelianensis episcopi, n°8 et 10, cité dans Jean Deviosse, Charles Martel, Tallandier 1978. Epistolae patrum synodi Carisiacensis, année 858, cité dans Jean Deviosse, Charles Martel.

     [5]  Cf. J. Deviosse, Charles Martel.

     [6] Michelet, Histoire de France, cité dans S. Guemriche, Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin 2010).

     [7] Chateaubriand, Génie du christianisme, dans Œuvres complètes, éd. Furne, 1865.

     [8] E. Sabatier, Histoire de la ville et des évêques de Béziers, Paris 1854, cité dans Salah Guemriche, Abd er-Rahman contre Charles Martel (Perrin 2010).

     [9] El Maqqari, manuscrit arabe de la BNF, ancien fonds, réf. dans Abd er-Rahman contre Charles Martel.

     [10] Jean Deviosse, Charles Martel.


    Lire aussi :
    Charles Martel, imposture historique et mythe fasciste (sur Quartiers Libres)


    L'animal aura également invoqué les mânes des Louis XIV, ce qui à quelques kilomètres des Cévennes ne manque pas de sel ; ainsi que de Napoléon, personnage fort apprécié en son temps par la jeunesse locale qu'il envoyait se faire trouer la peau à des milliers de kilomètres de ses foyers... Tout juste nous aura-t-il épargné "Saint" Louis, c'est déjà ça !

    L'on pourrait au moins se prendre à espérer que ceci montre une bonne fois pour toute aux trop (beaucoup trop !) nombreux électeurs occitans votant ou tentés de voter pour le Front National quel parti de franchimands est celui-ci.

    Mais il est vrai, comme nous l'a judicieusement fait remarquer par mail un soi-disant "maoïste", que les gens ne se sentant pas du tout français ne sont pas non plus légion en Occitanie... et c'est peut-être ça le problème, en fait.


    Quand Ménard invoque Charles Martel... l'homme qui a rasé Béziers, "sa" ville


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  • http://lmsi.net/Vous-avez-dit-race-sociale

    Vous avez dit « race sociale » ?


    Lettre ouverte à mes camarades anarchistes.

    par Geoffrey 
    30 novembre 2015


    Samedi 7 novembre 2015 avait lieu à Lyon, à la librairie libertaire « La Gryffe », une conférence intitulée « Anarchisme et Islam ». Cet article ne traitera pas du contenu de la conférence mais plutôt du débat qui en a découlé. Au cours de ce dernier une personne que je considère comme une camarade de lutte, musulmane et voilée, en est venu à parler du terme de « race sociale ». Grosse erreur ! S’en est suivie plus d’une demi-heure d’attaques envers cette camarade au cours de laquelle elle fut traitée de « racialiste », accusée d’utiliser des termes d’extrême droite. En sous texte il lui a été reproché de ne pas avoir une analyse de classe du racisme.

    J’écris cet article pour enfoncer le clou. Je suis blanc et communiste libertaire comme l’écrasante majorité des personnes qui ont attaqué ma camarade. Dire ceci est central pour ce qui va suivre. Je précise aussi que j’ai l’appui de ma camarade pour écrire ce texte : elle a jugé qu’il était bon de donner mon avis d’anar blanc sur le sujet, elle a relu ce texte et je le publie parce qu’il lui convient.

    L’anarchisme et l’extrême gauche en général ont un problème avec le concept de race. Et comment peut-il en être autrement puisque de prime abord ce terme peut résumer à lui seul deux périodes les plus honteuses de l’Histoire de l’Occident : la colonisation et l’Holocauste où des millions de personnes sont mortes, les premières Noir.e.s et Arabes, les secondes Juif.ve.s et Tziganes pour la plupart, seulement parce qu’ils étaient considérés racialement comme inférieur à l’Homme blanc et chrétien. C’est-à-dire que cette infériorité, pour les bourreaux de ces génocides, résidait dans le code génétique de leurs victimes.

    On pourrait donc comprendre pourquoi l’utilisation du terme de race dans une conférence libertaire puisse susciter l’émoi. Ma camarade serait donc une nazie puisque elle utilise ce terme ?

    Eh bien pas du tout.

    Pour le comprendre, il est fondamental de faire la distinction entre race biologique et race sociale. Ma camarade ne croit pas en l’existence de la race biologique, elle ne croit pas qu’un peuple, qu’une ethnie, qu’une couleur de peau soit supérieure à une autre. Elle croit en l’existence des races sociales. Ce qui signifie qu’au sein d’une société structurellement raciste, les institutions de cette société et la population « racialisent » les individus. En France un.e Noir.e, un.e Arabe, un.e Rrom n’aura pas la même place dans la société qu’une personne de couleur blanche. Face au marché du travail, face au logement, face à la police, face aux différentes institutions un.e blanc.he est avantagé.e face à une personne « racisé.e ».

    Il ne s’agit pas là de racialiser la question sociale, mais plutôt l’inverse, de socialiser la question raciale : d’expliquer que le concept de race, s’il n’est pas une réalité biologique est une réalité sociale : un Rrom est considéré par l’État français et son racisme systémique comme un Rrom en premier lieu, et non comme un « individu » et encore moins comme un « citoyen ». Ainsi, dire qu’il n’y a pas de différence entre lui est moi est au mieux de la naïveté, au pire de l’hypocrisie républicaine. Je ne suis évidemment pas supérieur à lui, mais ma place dans la société que me confère ma couleur de peau et mon identification comme étant français m’accorde sur tous les points de nombreux avantages. C’est ça la race sociale.

    Alors elle est « une ennemie de classe » ?

    « Elle préfère un bourgeois racisé à un prolo blanc » ?

    Et bien, encore une fois c’est une mauvaise réponse.

    Premièrement parce que la lutte des classes ma camarade ne la théorise pas, elle la vit au quotidien, elle fait partie des franges de la population les plus précaires et n’a donc aucune leçon à recevoir de militants qui sont pour la plupart profs.

    Secondement, mes très cher.e.s camarades blancs devraient se pencher sur ce qu’on appelle « l’intersectionnalité des luttes » qui prend en compte, dans un combat pour l’émancipation, la dimension de classe, de race et de genre. Cette approche révolutionnaire, contrairement à celles qui prédominent dans les milieux anarchistes et communistes, ne croit pas en la hiérachisation des luttes au profit de la lutte des classes.

    Autrement dit, toutes les luttes sont imbriquées les unes aux autres : la lutte des classes ne peut se faire et ne doit pas se faire sans lutte contre le racisme, contre le sexisme, contre l’homophobie, la lesbophobie, la transphobie, le validisme… Un patron noir et trans reste donc un patron, mais sa position d’ennemi de classe ne justifie pas par contre les attaques racistes et transphobes qu’il peut subir. Mais il n’est pas un camarade, il est bien considéré comme un ennemi de classe. Cela étant dit, le point de vue intersectionnel amène à souligner le fait que ce patron noir et trans’ est rare – la condition trans comme la condition noire étant synonyme de surexposition à la précarité sociale, et la condition blanche et bio étant au contraire sur-représentée dans la CSP chef d’entreprise…

    S’ils s’étaient penchés sur ce concept ils auraient su de quoi parlait ma camarade, ils auraient su qu’on ne pouvait pas objectivement la taxer de sympathisante d’extrême droite.

    [NDLR nous préciserons ici que ce racisme structurel s'inscrit totalement dans le cadre du capitalisme et vise à fournir à ce dernier la dose de surexploitation* qu'il nécessite pour fonctionner ; étant lui-même le produit de l'impérialisme colonial (qui perdure à présent sous la forme du néo-colonialisme) qui avait le même objectif à l'époque de la "révolution" industrielle. Cette manière dont les systèmes capitalistes (États modernes et Empires) se sont construits en "Centres" (où "remonte" et se concentre la richesse) et "Périphéries" (où se concentrent l'exploitation et la surexploitation) se retrouve également dans les déséquilibres/inégalités entre territoires au sein même de l'Hexagone... en particulier les territoires (et populations) dont la conquête à travers les siècles a "fait" la "France" telle que nous la connaissons ; et ceci jusque dans la superstructure lorsque par exemple les habitants de certains territoires sont qualifiés de "chômeurs, pédophiles et consanguins" ou de "consanguins qui crevaient dans les mines", ceux de tels autres sont vus comme des "paysans" ou comme des "feignasses" hâbleurs dont l'accent n'est pas le bienvenu dans les emplois qualifiés et bien payés, etc. etc. ; TOUT CECI ÉTANT BIEN SÛR un "cercle de périphérisation" "supérieur" au "cercle" colonial et aux colonies intérieures (à l'intérieur de la métropole hexagonale : les racisé-e-s) qui en sont issues, non-comparable et "privilégié" par rapport à celui et celles-ci - l'ordre social structurel, en clair, ne consiste pas en des "monolithes empilés" ("les bourgeois" au-dessus des prolos, "les blancs" au-dessus des non-blancs etc.) mais plutôt en une pyramide dont le sommet est la bourgeoisie blanche hétéro-masculine (avec son petit quota d'executive women à la Parisot), formant elle-même une pyramide dont le sommet est la bourgeoisie blanche parisienne, celle dont les tours de la Défense sont le repaire.]

    Le privilège blanc

    Tout ce débat pose la question du privilège blanc. Pendant la conférence, l’un des conférenciers, pour répondre à ma camarade, lui a expliqué que tout le monde dans la salle était anti-raciste, et que pour la plupart ils ou elles avaient participé a des manifestations antiracistes. Je ne doute pas ici de la sincérité des participants ni de leur engagement. Mais le racisme peut être appréhendé sous deux angles différents :

    - la discrimination : le tort causé aux personnes qui le subissent, une dimension qui est connue et admise (bien que souvent sous-estimée, et dédramatisée) par l’ensemble des personnes qui se sentent concernées par la lutte antiraciste, elles ont bien intégré que les personnes victimes de racisme était donc discriminées.

    - l’autre versant, beaucoup moins évident, qui est le bénéfice voulu ou non qu’en tirent les non-victimes : et notamment les personnes identifiées comme blanches, catho-laïques, de souche…

    Personne ne dit que les blanc.he.s sont mauvai.se.s, qu’elles ou ils profitent volontairement du racisme structurel. Pour autant, que je le veuille ou non je profite de cet état de fait : je suis favorisé à l’embauche, dans la recherche d’appartement, j’ai moins de chance de me faire refouler de boite de nuit, de me faire suivre par un vigile dans un supermarché, de subir des contrôles policiers abusifs qui finissent souvent mal, je subis moins le mépris des institutions et des aides sociales…

    Dans nos sociétés je suis considéré comme la norme, je ne suis pas racialisé, je ne suis que très rarement renvoyé à ma couleur, et n’ai donc que très rarement l’obligation de me définir en tant que tel. Ici, il n’est pas question en tant que blanc, de s’autoflageller, de culpabiliser ou d’avoir honte mais seulement de reconnaitre notre position privilégiée dans la société.

    Ce privilège ne veut pas dire non plus que je ne peux pas être précaire, avoir une vie de merde, être pauvre, cela veut juste dire que l’ouvrier-e racisé-e, le ou la précaire racisé-e, le chômeur ou la chômeuse racisé-e, a un désavantage supplémentaire face à son homologue non-racisé-e. Je peux certes subir une violence symbolique tout en étant blanc, mais pas en tant que blanc : des contrôles de police que je peux subir en tant que militant, dans un cadre précis. J’ai déjà connu la violence physique, l’humiliation et le mépris de la police, mais uniquement dans un cadre militant : en dehors de ce cadre je n’ai jamais de problème avec la police.

    Je peux également subir de la discrimination dans un rapport de classe avec des personnes de classes supérieures me renvoyant à mon inculture par rapport à leur norme, mais cela demeure sans commune mesure avec ce qu’ils pourraient faire subir à des personnes issues de l’immigration post coloniale et/ou des quartiers populaires. Bref : le racisme étant quelque chose d’institutionnalisé, ma couleur de peau fait tout de même de moi un privilégié.

    Mes camarades blancs, qui ont une grille d’analyse n’expliquant les rapports de dominations que par le biais de la classe ont donc une grande difficulté à se définir comme privilégiés du fait de leur couleur de peau, et cela d’autant plus quand ils sont ouvriers. Encore une fois, il ne s’agit pas de dire que nous ne pouvons pas connaitre la galère, mais seulement qu’à compétence et situation économique égale, notre position dans la société sera meilleure ou moins pire que celle d’un racisé.

    Si mes camarades ont autant de mal à comprendre ce privilège c’est premièrement du fait de leur carcan idéologique, qui peut les enfermer dans une interprétation simpliste du monde social actuel : la France et le monde ouvrier en général ne sont plus ce que Bakounine et Marx ont connu de leur temps. Si la lutte des classes reste éminemment pertinente pour appréhender une dimension des oppressions systémiques, les torts spécifiques subis par les personnes racisées sont à prendre en compte s’il l’on veut aboutir à une réelle révolution intersectionnelle.

    Mais la difficulté à prendre en compte ce privilège est avant tout entretenue par l’État, qui a tout intérêt à maintenir cette hiérarchisation et donc à faire intégrer, à nous personnes blanches, que nous sommes la norme. Mes camarades se braquent quasi-systématiquement et crient au racisme quand on parle de « blancs », en répondant « mais non, pas tous les blancs ! ». Le privilège blanc est à comprendre comme un système de valeur et de normalisation : ici on ne parle pas d’individus responsables de racisme, on parle d’une structuration raciste de la société qui privilégie les blancs.

    Ma camarade croit donc aux races sociales, disais-je. Ce n’est en fait pas le terme exact : elle n’y croit pas, elle les vit, sachant que sa situation est encore particulière puisqu’en plus d’être une racisée, elle porte le voile, et subit donc une triple oppression raciste, sexiste et islamophobe. Corollairement, j’ai donc un triple privilège face à elle : je suis un homme blanc et rien chez moi ne laisse supposer une quelconque appartenance religieuse.

    J’ai aussi le privilège de pouvoir parler de privilège blanc sans me faire taxer de raciste, sans que l’on me prenne pour un hystérique. Inconsciemment, dans la tête de mes camarades, je suis plus légitime, plus crédible. Et je m’énerve moins, car je ne suis pas touché directement, quotidiennement, à répétition, par ces attaques.

    Et pourtant ce n’est pas moi la personne la plus légitime pour parler de ça, ce n’est pas moi qui vit le racisme au quotidien, mais bien ma camarade. Ceci pose un autre souci : nous avons un problème avec le fait de nous taire, d’écouter les premiers concernés sur leur propre vécu, et d’en tirer les enseignements sur nos comportements pouvant reproduire des situations de dominations paternalistes, au sein même d’un milieu qui s’est donné pour but de les combattre. La plupart d’entre nous refusent tout simplement de se remettre en question. [NDLR exactement et c'est ce qui rend le dialogue difficile voire carrément "de sourds" à ce sujet : l'ordre social tel qu'il est établi constitue le "râtelier" d'énormément de personnes (à vrai dire presque tout le monde y bouffe, y compris les racisé-e-s par rapport aux néo-colonisé-e-s resté-e-s au "bled", d'où la volonté d'"intégration" qui en anime encore beaucoup et le mépris des "blédards" que l'on peut entendre ici ou là... exactement comme hier celui qui était "monté à la ville" pour y devenir ouvrier qualifié ou employé de bureau pouvait mépriser le "paysan" de son propre Peuple, rejeter la culture et la langue, mêler le drapeau tricolore au drapeau rouge et la Marseillaise à l'Internationale tout ça tout ça lol ; allez voir ce qui se dit de la question bretonne sur Indymédia Nantes et vous verrez)... et cela un nombre tout aussi énorme refuse de l'admettre, a fortiori quand ils/elles ont un train de vie jugé "modeste" et ne se considèrent donc "pas du tout comme des priviliégié-e-s" (voire montent sur leurs grands chevaux : "priviliégié(e) moi !?! de quel râtelier parles-tu, connard d'intellectuel petit-bourgeois !?").]

    Le prétendu « racisme anti-blanc »

    Pendant le débat un intervenant a exprimé que lui aussi dans certaines ZEP pouvait être victime de racisme… Sous-entendu : il pouvait être victime de racisme « anti-blanc », terme cher à l’extrême droite, popularisé par l’organisation « Bloc identitaire » et réutilisé par la droite classique comme Jean-François Copé. Alors soyons clair : le racisme anti-blanc n’existe pas. Car c’est quoi le racisme, d’abord ? Le racisme est un système d’oppressions structurelles visant les personnes racisées en s’appuyant sur des lois, sur des représentations sociales et médiatiques, sur des normes culturelles et sur une réécriture de l’Histoire, légitimant par exemple le discours colonisateur des nations impérialistes.

    Par conséquent, si je peux connaitre la mésaventure de me faire insulter à cause ma couleur de peau, ou de subir des actes violents, cela reste néanmoins ponctuel, et sans commune mesure avec le racisme structurel que seul un non-blanc peut subir. Je ne peux honnêtement pas comparer un « sale blanc » avec ce que pourra subir une femme noire portant le voile, par exemple. Si je peux être confronté à des préjugés, j’ai la chance et le privilège qu’ils ne soient pas légitimé par des représentations médiatiques et des discours politiques, et qu’ils ne me coûtent pas ma scolarité, mon emploi, mon logement, ma tranquillité quotidienne.

    Une femme peut me traiter de « sale mec », ou tenir des propos essentialisants, globalisants et désobligeants sur « les hommes » : pour autant il ne me viendrait jamais à l’esprit de parler d’un « sexisme à l’envers » ou d’une oppression des femmes sur les hommes – et pas davantage des pauvres sur les riches. Eh bien c’est pareil dans la relation entre blancs et non-blancs : en tant que libertaire, je ne peux pas mettre un pied d’égalité le vécu des dominants et des dominés.

    Si la lutte des classes et le combat contre l’État et le capitalisme font partie de nos priorités, la reconnaissance par l’ensemble de l’extrême gauche de l’existence d’un privilège blanc, de races sociales et leurs incidences sur les racisé.e.s est indispensable, d’abord pour ne pas reproduire les dominations présentes dans la société, ensuite pour construire une solidarité entre toutes les personnes précaires, qu’elles soient blanches ou non.


    * L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    [Attention cependant : la surexploitation, vouée à dégager un profit maximal sur investissement (surprofit), intègre aussi des considérations de productivité du travail, de développement technologique (augmentant la productivité) ainsi que d'établissement de situations de monopole (réduction radicale voire élimination pure et simple de la concurrence : quoi de mieux pour les affaires ?). Ceci peut entraîner des situations paradoxales : ainsi par exemple, on imagine difficilement plus surexploités que les esclaves africains des colonies européennes en Amérique ; puisqu'il suffisait souvent de les maintenir en vie quelques années pour tripler ou quadrupler l'investissement représenté par leur achat ("gagner leur tête" disait-on à l'époque). Sauf que voilà : 1°/ comme déjà dans l'Antiquité, la productivité de personnes privées de toute liberté et non-rémunérées pour leur travail s'avérait finalement médiocre comparée à celle d'un travailleur libre, 2°/ pour ces mêmes raisons de productivité, ainsi que pour de simples raisons de sécurité, il était difficile voire impossible de concentrer des centaines et des centaines voire des milliers d'esclaves sur une même plantation (ce qui gênait donc la concentration du travail, et allait contre la constitution de monopoles), 3°/ cette méthode productive était difficile pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre en dehors du secteur agricole (certes indispensable à l'économie mais dont la valeur ajoutée, même en agriculture extensive, reste somme toute modeste), dans l'industrie en plein essor notamment, 4°/ elle était incompatible avec le progrès technologique (mécanisation de l'agriculture), voué de toute façon à la faire disparaître, 5°/ les esclaves, qui représentaient le tiers de la population dans le Sud des États-Unis et 80% ou plus dans les Caraïbes, ne pouvaient pas (cf. ce que nous avons dit plus haut) représenter un marché (débouché commercial pour la production) de manière significative. Ce sont toutes ces raisons (et l'on pourrait encore sans doute en citer d'autres), et non des considérations d'"humanité", qui ont amené au 19e siècle les bourgeoisies européennes et américaines à pencher majoritairement en faveur de l'abolition de l'esclavage, bien que celui-ci représentât (à première vue) la forme d'exploitation la plus totale (et donc le profit maximal tiré de la force de travail) que l'on puisse imaginer. Si l'on adopte une vision "arithmétique" de la définition marxiste "classique" de la surexploitation, les paradoxes ne manquent de toute façon pas : les travailleurs les plus exploités pourraient ainsi bien être, par exemple... les footballeurs, si l'on mettait en perspective leurs (multimillionnaires) revenus annuels avec ce qu'ils rapportent à leurs clubs. C'est pourquoi une vision plus "humaine", basée sur la notion de reproduction des conditions d'existence, nous a semblé plus appropriée.]


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  • L'actualité du moment c'est bien sûr la manifestation interdite du 29 novembre pour l'ouverture de la COP 21 à Paris.

    Les mensonges des "matérialistes"/'p''c'F'mlm' et de toute cette petite engeance contre-révolutionnaire "mao"-flic BBR et pro-sionarde (oui oui pro-sionarde, le commentateur du statut FB ci-dessous est connu en ce sens sur les réseaux sociaux) :

    http://lesmaterialistes.com/saccage-honteux-lieu-memoire-place-republique



    (pour les mensonges de l'État bourgeois proprement dit, il suffit bien sûr d'allumer votre télé ou d'ouvrir un grand quotidien...)


    LA VÉRITÉ :

    https://paris-luttes.info/malgre-l-interdiction-des-milliers-4341

    http://www.regards.fr/web/article/place-de-la-republique-de-quel (là c'est un témoignage réformiste-légaliste donc particulièrement à prendre au sérieux... car s'il y avait vraiment eu ce que l'on dit, il s'en désolidariserait à tous les coups !)

    https://blogs.mediapart.fr/philippejandrok/blog/301115/place-de-la-republique-paris-une-autre-version-qui-de-quoi-deranger

    https://www.youtube.com/watch?v=BaMT6UVLA6Y&feature=youtu.be

    http://www.buzzfeed.com/davidperrotin/manif-a-republique-qui-a-saccage-memorial-des-victimes

    http://www.reporterre.net/Cet-homme-est-il-un-casseur-Non-c'est-un-policier

            

    Manifestants pacifiques tabassés par les CRS : http://m.rtl.be/info/775114

    Très bon reportage vidéo d'une demi-heure : http://www.taranisnews.com/post/134258421283/ cop21 la manifestation interdite place de la

    Récit de la répression par une interpellée : http://www.bastamag.net/Manifestation-du-29-novembre-a-Republique-enfermes-et-livres-a-la-violence (où l'on voit d'ailleurs apparaître des "craquements" jusque dans les forces de répression elles-mêmes ; enfin, il se peut aussi que les flics chargés de l'"intendance" au poste et de garder les détenus soient justement les plus "tricards" car "trop humains", et donc pas ceux que l'on envoie en intervention ou en répression de manif...)

    Le récit d'Alternative Libertaire : http://www.alternativelibertaire.org/?Paris-29-novembre-un-autre-recit

    Violentes attaques internétiques fascistes... et républicardes ("vous faites monter le F-Haine" blablabli) contre Julien Salingue ("lanceur" du slogan "Vos/Leurs guerres, nos morts", retenu quelques heures Place de la République comme des milliers de manifestants dans le même cas) : les "gauchistes" (progressistes) sont la VÉRITABLE CIBLE de l'"esprit  #JeSuisParis" !

    Petite revue de presse de l'état d'urgence - 01/12


    ... ceci après que les "maos"-flics l'aient justement attaqué (et tout le mouvement "Leurs guerres, nos morts" et contre l'état d'urgence avec lui) quelques jours auparavant http://www.donotlink.com/hhvo (l'on retrouve aussi dans les tweets ci-dessus pas mal d'arguments de leur article sur la "profanation" de la place : "vous avez écœuré des millions de Français" etc. etc.)... Il y a de ces coïncidences dans la vie !


    La déclaration de VP : "Contre la répression et l’État policier !"


    Bloc Rouge : http://drapeaurouge.over-blog.com/2015/11/etat-d-urgence-arme-de-repression.html

    http://drapeaurouge.over-blog.com/2015/11/cop-21-liberte-pour-les-garde-es-a-vue-et-les-inculpe-es.html

    et lire aussi Succès du meeting international pour les 10 ans de la révolte des banlieues


    Deux articles de Quartiers Libres :

    https://quartierslibres.wordpress.com/2015/11/29/etat-des-lieux-de-letat-durgence-premiers-constats/

    https://quartierslibres.wordpress.com/2015/11/30/robocop-21/


    Et puis :


    Un couple interpellé et tabassé CHEZ LUI à Paris - seuls les flics ont entendu prononcer "Daesh"

    Perquisition administrative chez des maraîchers bio (réputés "zadistes") en Périgord (Occitània)

    Des militants "radicaux" perquisitionnés et assignés à résidence à Rohazon/Rennes (Breizh) en prévision de la COP

    Nous vivons plus que jamais (plus ouvertement que jamais) sous un régime de CONTRE-RÉVOLUTION PRÉVENTIVE où plus encore que de déchaîner la répression en tant que telle, le mensonge permanent est érigé en vérité officielle (et où malheureusement une grande partie de la "réinformation", telle une défense immunitaire du "système" lui-même, émane le plus souvent de la propagande de puissances rivales - Russie etc. - relayée par leurs partisans ici qui ne valent guère mieux - et que l'on voit au demeurant fort peu en première ligne face aux matraques et aux lacrymos, aux risques de GAV et de prison etc. etc.).

    Lire notamment ici :

    Après les attentats et l’intervention du Raid à Saint-Denis : ni stigmatisation de nos quartiers, ni réduction de nos libertés

    [déclaration commune signée par l'ACTIT (Association Culturelle des Travailleurs Immigrés de Turquie), Alternative Libertaire, AMF Saint-Denis, Coordination des sans-papiers 93, Coordination des foyers de travailleurs migrants, CGA, Centre social Attiéké, Collectif universel Paris 8 (étudiants turcs et kurdes), Comité Solidarité avec les Prisonniers Politiques, CGT Educ’Action Saint-Denis, ENSEMBLE (membre du Front de Gauche), Fédération Anarchiste Groupe Henry Poulaille, ICAD (Comité International Contre les Disparitions), Ligue des droits de l’Homme Section Saint-Denis Plaine Commune, NPA, MRAP, OCML-VP, Parti de Gauche (membre du Front de Gauche), Union Locale Solidaires, Solidaires étudiants Paris 8, Sud Education, Sud CT Mairie de Saint-Denis, SKB (Union des Femmes Socialistes turques).]


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