• 2. La fascisation rampante, la mobilisation réactionnaire de masse se poursuit à toute vitesse d'un bout à l'autre de l'Hexagone, entre droitisation toujours plus assumée de l'UMP (c'est désormais le réputé "modéré" Fillon qui appelle à "ne pas choisir" entre FN et PS...) et montée d'un FN "dédiabolisé" que de récents sondages annoncent maintenant en tête aux européennes. Les bruns nuages continuent à s'amonceler dans le beau ciel hexagonal, qui avait pourtant résisté aux nuages radioactifs de ces cons de cocos russes.

    4445771-guillaume-peltier-responsable-de-la-620x345-1En réalité, la vraie question est peut-être la suivante : QUI, de la "droite décomplexée" de l'UMP ou du FN, MÈNE LA DANSE ? Au regard des constats depuis bientôt 30 ans, il peut sembler que c'est bien le Front lepéniste qui dicte son discours à la droite et même à une partie de la "gauche", en les obligeant à courir désespérément après ces électeurs qu'il "vampirise". Mais ce pourrait n'être qu'une apparence... Ce pourrait très bien être en réalité la droite "républicaine" qui oblige en permanence le FN à se positionner par rapport à elle, soit pour rester plus à droite (sur les questions de société, l'immigration, la sécurité etc.) soit pour paraître... plus "à gauche" (sur l'Europe, la "mondialisation", le "libéralisme" etc.), tout en se réservant toujours le beau rôle, celui de gens "responsables" et "modernes", qui ne font pas "qu'agiter des peurs" mais "proposent des solutions"... Partant du pari que 1°/ l'électeur "central", urbain-éduqué, aujourd'hui quasi-majoritaire, se tournera toujours vers des "gens responsables" et rejettera les "aventuriers populistes", 2°/ même l'électeur "populaire-périphérique-relégué", s'il peut exprimer un "coup de gueule" en votant FN (ou en disant qu'il va le faire), se tournera lui aussi suffisamment souvent, devant l'urne décisive, vers des gens "responsables" et "qualifiés".

    6508866.jpgEn d'autres termes, la "droite décomplexée", qui s'est quelque peu dépouillée des oripeaux du gaullisme mais voudrait bien occuper la même position hégémonique que celui-ci dans les années 1960-70, cherche peut-être à faire du FN ce qu'était le PC de Thorez, Waldeck, Duclos et Marchais pour De Gaulle et Pompidou : un mélange d'épouvantail-repoussoir et d'efficace gardien des masses populaires dans une position inoffensive, avec l'avantage supplémentaire d'être réactionnaire sur toute la ligne (et de ne pas être lié à une grande puissance étrangère).

    Le petit problème, c'est que tout cela est un jeu aussi risqué que de jouer avec un briquet dans une station service... Il y en a déjà eu à qui le "joujou" a glissé des mains ; on pense notamment à une certaine droite italienne du début des années 1920 (Giolitti, Bloc national) ou une certaine droite allemande du début des années 1930 (Von Papen & co). D'ailleurs, à ce sujet, on notera que si la référence absolue de nos z'amis "Lesmaterialistes.com" (l'israélien Zeev Sternhell) décrit l'Allemagne comme "la patrie de l'orthodoxie marxiste" (enfin bon, pour les ML, classiquement, c'est plutôt le berceau du révisio-réformisme et aussi d'un certain gauchisme), cela n'a (force est de constater) pas vraiment empêché le triomphe du nazisme, qui reste à notre connaissance la pire forme de fascisme de tous les temps, loin devant quelque "socialisme français" que ce soit... 

    3. Toujours sur le sujet du fascisme et de l'antifascisme ; dans leur violent article contre la question nationale bretonne (digne, cf. ci-dessous, des révisionnistes turcs pourfendus par Ibrahim Kaypakkaya), "Lesmaterialistes.com" nous disent que l'affirmation populaire bretonne d'être un Peuple est "identitaire" et que, dénonçant le jacobinisme, elle rejette "l'apport des Lumières", ce qui explique son actuel "poujadisme" dans la droite ligne du "socialisme français". Pour eux, le fascisme et spécifiquement le fascisme "français" (le discours "national et social" etc.) est un rejet des Lumières (c'est la thèse de Sternhell, qui est leur référence). Or, selon nous, ceci est erroné ou en tout cas inexact ; et entre en contradiction (sans qu'ils s'en rendent compte) avec leurs propres analyses d'il y a quelques années.

    D-apres_Maurice_Quentin_de_La_Tour-_Portrait_de_Voltaire-_.jpgEn effet, s'il doit rester quelque chose de l'activité antifasciste du 'p''c''mlm' (peut-être leur seul apport à la pensée communiste), c'est que la "France" est la terre du CONFUSIONNISME idéologique, du "ni droite ni gauche", des petits "Voltaires de Prisunic" politiquement "inclassables" à la Jean-Edern Hallier, Philippe Val, Régis Debray, Philippe Sollers, Jacques Vergès, Michel Onfray ou (plus bas-de-gamme encore) Alain Bonnet de Soral. Mais justement ! Si la "France" est une telle terre de confusionnisme, c'est PARCE QUE c'est le "pays des Lumières", PARCE QUE cette ambivalence est celle des "Lumières" elles-mêmes... C'est en "France" que la pensée bourgeoise a connu son plus haut développement, les "Lumières", alors que dans les autres pays elle reste profondément marquée par le féodalisme "moderne" antérieur. Même en Angleterre, le radicalisme bourgeois avorta très rapidement après Cromwell (1658) et par la suite, la bourgeoisie se caractérisera par singer le style de vie et les "valeurs" aristocratiques, décrocher un titre de "sir" décerné par la reine étant l'aboutissement absolu d'une carrière. Ce radicalisme était de toute manière très imprégné de conservatisme religieux ; et l'on peut considérer que c'est cette même idéologie qui a finalement "réussi" aux États-Unis un siècle plus tard. Le plus haut degré de la pensée bourgeoise, donc... autrement dit, de la pensée d'une classe ambivalente par nature et, finalement, vouée à être transitoire dans l'histoire de l'humanité ; produisant en permanence de l'humanisme, car le capitalisme implique la propriété du producteur sur sa personne, sur sa force de travail, et le "libre" usage ou louage de celle-ci... pour aussitôt le piétiner, car le capitalisme implique aussi la concurrence féroce entre entrepreneurs (propriétaires de moyens de production) et la violente réduction du producteur à sa SEULE force de travail. Ce n'est donc pas le "rejet des Lumières" WEB CHEMIN 40785 1298375052qui, sévissant avec une acuité particulière dans leur pays-berceau, engendrerait tous ces "rouge-bruns", ces républicards, ces poujadistes, ces social-fascistes ou encore ces "libéraux-libertaires", ces "gaucho-thatchériens" (à la BHL, Glucksmann etc.) qui ne valent guère mieux (mais ceux-là seraient plutôt des "défenseurs" des Lumières pour le 'p''c''mlm'). C'est au contraire leur pur héritage** ! C'est le voltairisme, dénominateur commun absolu : "on ne mettra pas ma pensée dans une case, droite ou gauche", "ce qui compte c'est la vérité", "je suis un esprit libre", etc. etc. Voltaire : la référence absolue de Philippe Val, libéral-libertaire devenu idéologue néoconservateur et islamophobe assumé ; Voltaire qui a donné son nom à deux initiatives ouvertement fascistes : le "Réseau" de Thierry Meyssan (complotiste ouvertement lié à l'impérialisme russe) et le "Boulevard" lepéniste de Robert Ménard, ancien défenseur de la "liberté de la presse" (Reporters sans Frontières) surtout (dans les années 1980-90) quand il s'agissait de régimes "communistes" ou anti-occidentaux, un autre de ces insupportables "libres-penseurs" médiatiques... 

    C'est pourquoi, à Servir le Peuple, nous assumons totalement le "rejet les Lumières", cette pensée de la bourgeoisie, PAR ET POUR LE CAPITAL, dont l'hypocrisie dépasse même le dogme catholique, c'est dire ! Aux chiottes les "Lumières" !!! Comme chantait Pino Masi dans les années 1970 : la cultura dei borghesi non ci frega più, l'abbiamo messa nella fossa ("la culture des bourgeois on n'en a plus rien à f***, nous l'avons mise à la fosse") !

    4. Voici la traduction du passage d'Ibrahim Kaypakkaya (La Question nationale en Turquie) que nous avons évoquée dans notre critique de l'article jacobin du 'p''c''mlm'. Elle est en partie basée sur le texte en français du site "Étoile rouge" (le 'p''c''mlm' du début des années 2000) et en partie sur la version anglaise que l'on peut trouver sur Kasama ou A World to Win, car la version d’Étoile rouge comporte selon nous (volontairement ou pas) des travestissements importants :

    KaypakkayaCertains "messieurs je-sais-tout" considèrent que les grands propriétaires terriens ne font pas partie de la nation. Mieux encore, ces messieurs vont jusqu'à répandre le mythe que les Kurdes ne constituent pas encore une nation, du fait de l'existence de ces grands propriétaires dans le pays kurde. C'est là une position horriblement démagogique et un sophisme. [NDLR : remplacez "grands propriétaires" par "bourgeois intégrés au capitalisme français" et vous avez la position du 'p''c''mlm' sur la Bretagne.]

    Ces grands propriétaires ne parlent-ils donc pas la même langue ? Ne vivent-ils pas sur le même territoire ? Ne participent-ils pas d'une même unité de vie économique et d'une même formation psychique ?

    D'autre part, les nations émergent non pas lorsque le développement du capitalisme touche à son aboutissement, mais à l'aube du capitalisme. Lorsque le capitalisme pénètre dans un pays et y unifie le marché dans une certaine mesure, les communautés possédant déjà les autres conditions [de Staline NDLR] sont considérées comme une nation.

    S'il en était autrement, toutes communautés stables situées dans des pays ou régions arriérées, où le développement du capitalisme est très limité, ne pourraient pas être considérées comme des nations. En Chine, jusqu'aux années 1940, existait encore un fort état de morcellement féodal ; donc, dans cette logique, il aurait fallu nier l'existence de nations en Chine auparavant. Jusqu'à la Révolution de 1917, la féodalité restait fortement implantée dans les campagnes profondes de Russie ; ce raisonnement  devrait donc conduire à rejeter l'existence de nations en Russie [il entend par là "Empire russe du tsar", NDLR].

    En Turquie, par exemple, durant la Guerre de Libération [la guerre menée par Kemal Atatürk contre le dépeçage de la  Turquie par le Traité de Sèvres en 1920 NDLR], la féodalité était beaucoup plus forte qu'aujourd'hui, il faudrait donc en conclure qu'il n'y avait pas de nations en Turquie à cette époque. En Asie, en Afrique et en Amérique latine, la féodalité existe toujours à différents degrés : il faudrait donc rejeter l'existence de nations sur ces continents.

    Il est évident que ces thèses proclamant que les Kurdes ne forment pas une nation sont clairement absurdes de A à Z, contraires à la réalité des faits ainsi que nuisibles en pratique. Nuisibles, car de telles thèses ne servent que les classes dominantes des nations exploiteuses et oppresseuses.

    En effet, celles-ci trouvent là-dedans une justification à tous les privilèges et inégalités en leur faveur, et une légitimation à l'oppression nationale et à toutes les souffrances qu'elles infligent aux minorités nationales opprimées et subjuguées.

    La lutte que le prolétariat doit livrer pour l'égalité des nations et pour en finir avec toute oppression nationale, privilèges etc. devrait être jetée par dessus bord. Le droit des nations à l'autodétermination devrait être enfoui aux oubliettes.

    La colonisation impérialiste des nations moins avancées, l'intervention dans leurs affaires internes et autres violations perfides du droit des nations à l'autodétermination devraient toutes être légitimées, partant du postulat que celles-ci ne constituent pas des nations. De même que devraient être légitimées, dans les États multinationaux, toutes les formes d'oppression et d'humiliation des minorités nationales par la nation dominante.

    CQFD…

     


     ** Combien n'a-t-on pas entendu, par exemple (et pas seulement du 'p''c''mlm'), que "Maurras et l'Action française, c'est le rejet des Lumières"... ? ARCHI-FAUX : Maurras et l'Action française se revendiquaient du POSITIVISME (dont on dit souvent, en "France", que "le marxisme s'inspire" alors que dans toute son œuvre Marx consacre peut-être trois paragraphes à Auguste Comte pour dire que c'est un triple crétin...) ; autrement dit des "Lumières", de la pensée bourgeoise et du "scientisme" du 19e siècle. À l'origine RÉPUBLICAINS de tendance conservatrice, anti-socialiste et chauviniste revancharde, souvent agnostiques (comme Maurras) ou en tout cas très "séculiers", ils se tourneront par pur pragmatisme vers l'idéologie national-catholique (comme "ciment" du "nationalisme intégral") et le principe monarchique... mais choisiront pour monter sur le trône la branche d'Orléans, celle de Louis-Philippe (Monarchie de Juillet) et du régicide Philippe "Égalité" (qui avait voté la mort de son cousin Louis XVI à la Convention), autrement dit la branche capétienne acquise aux "idées nouvelles" et aux "Lumières". Ce que voulaient simplement les maurrassiens, c'était un État fort et même "en acier trempé" au service du Capital ; et ils pensaient qu'aucun système républicain (forcément parlementaire dans leur esprit) ne pouvait l'assurer en termes de légitimité : il fallait donc un roi (comme en avaient d'ailleurs tous les États européens à l'époque où naissait l'AF, sauf la France et la Suisse). Ils n'avaient absolument aucun projet d'"effacer" toute la pensée bourgeoise produite au long des 16e, 17e et 18e siècles (celle qu'apprécie tant le 'p''c''mlm')... De même, parmi les théoriciens racialistes du 19e siècle qui seront repris sous toutes les coutures par le fascisme au siècle suivant, Joseph Arthur de Gobineau, certes légitimiste à l'origine, était un protégé de Tocqueville, tandis que Paul Bert était profondément "libre-penseur", positiviste, républicain et anti-clérical ; il est même considéré comme l'un des "pères fondateurs" de "notre" école républicaine publique et laïque... Comme "hommes des Lumières", il est difficile de faire mieux !

     


    votre commentaire

  • 1. La première chose (mais assez éloignée dans le temps) à laquelle on peut comparer les actuels évènements qui secouent la Bretagne, c'est bien sûr notre Grande Révolte occitane de 1907. D'autres parallèles pourraient encore être tracés, comme avec le grand mouvement lorrain de 1979-80 ("Lorraine Cœur d'Acier") contre le démantèlement de la sidérurgie, pilier de l'économie locale comme l'est l'agroalimentaire en Bretagne. Mais ces évènements peuvent aussi être rapprochés d'autres beaucoup plus récents.

    Manifestation-pour-l-emploi-en-Bretagne-le-2-novembre-2013-.jpgLe mouvement des "Bonnets rouges" en Bretagne s'inscrit en réalité dans la totale continuité du LKP (Lyannaj kont Pwofitasyon) en Caraïbe, début 2009 : c'est en fait un "LKP métropolitain" ; c'est le vent de la remise en cause du système-France, dont le LKP était une première expression ultramarine, qui vient de toucher les côtes "métropolitaines" porté par le Gulf Stream !

    Bien sûr, les gens à courte vue s'écrieront : "meuuuh nooooon, n'importe quoi, rien à voir, pas du tout les mêmes acteurs sociaux, pas du tout la même idéologie, le LKP était de gauche (comme d'ailleurs la révolte languedocienne de 1907 ou le mouvement lorrain de 1979) alors que les Bonnets rouges sont ultra-ambigus, il y a le patronat et les fachoooos..." etc. etc. (rappelons quand même que le LKP fut lui aussi violemment attaqué, en son temps, pour son soi-disant "racisme anti-blancs"). Pas vraiment les mêmes acteurs sociaux ? Certes. Mais si l'on y regarde de plus près, on s'aperçoit que les acteurs des deux mouvements ont en fait un grand dénominateur commun : les uns comme les autres sont les PILIERS de la vie économique et sociale locale. En Bretagne, plus que d'une classe, c'est d'un secteur productif qu'il s'agit : l'agroalimentaire, patrons et salariés réunis. Et c'est précisément ce secteur... qui faisait que la péninsule armoricaine n'était plus, ces dernières années, la terre de misère qu'elle était il y a encore 60 ans. Aux Caraïbes, en 2009, c'était le petit emploi public... c'est-à-dire précisément ce qui fait que Gwadloup et Matinik ne sont pas Haïti ou la Jamaïque. Autrement dit, les secteurs sociaux qui FONT que la relégation périphérique, coloniale dans un cas (de type particulier, "départementale") et provinciale dans l'autre, est "masquée" ; qui font que l'on peut "quand même s'estimer heureux d'être en France", qu'il y a "plus à plaindre"... et qui sont les premiers à s'effondrer lorsque la crise, mondiale, finit par rattraper la contrée, se retrouvant alors propulsés en première ligne de la révolte. Imparable... C'est là le formidable moteur de mobilisation du DÉCLASSEMENT, bien plus puissant en fait que la pauvreté elle-même, même si, comme disait Lénine, il apporte avec lui son lot de "fantaisies réactionnaires", nostalgie du "bon vieux temps" oblige.

    Octana54 2Les "Bonnets rouges" sont donc, on le répète, un LKP ayant accosté en "métropole" hexagonale ; comme le mouvement antillais, les problèmes qu'il soulève ne sont pas l'affaire de telle ou telle mesure gouvernementale : ils touchent à l'organisation même de l'État français comme cadre économico-politique de production, de valorisation du Capital. Ce qu'il soulève, même si certains points "cristallisent" la colère (ici l'écotaxe, comme hier le prix du carburant en Gwadloup), ce sont les problématiques  fondamentales d'un territoire  dans le cadre du système-France, cette construction par et pour Octana54 4Gle Capital vieille de 8 siècle ; d'où son caractère DE MASSE, cet "interclassisme" qui fait renâcler les "révolutionnaires" de campus (qui s'imaginent sans doute qu'une révolution, du moment que c'est sous un drapeau rouge ou/et noir, peut se faire uniquement avec des ouvriers d'usine... ou des fonctionnaires et employés publics, ou des étudiants). Bien sûr, entendons nous bien : pour nous, l'intérêt de ce mouvement (comme du LKP avant lui) sera  d'avoir existé. Pas ce à 827509 voteslistesgauchequoi il aura mené, car pour qu'il mène à quelque chose (d'intéressant) il est encore trop tôt. Ce n'est pas, on l'a dit, un mouvement autour d'une revendication précise (pas même l'écotaxe) mais une convergence d'intérêts très divers voire au premier abord contradictoires : pour l'unifier dans une même direction cohérente et aller de l'avant, il faudrait un Parti révolutionnaire conséquent, or il n'y en a pas encore actuellement en Bretagne. Il est donc probable que les divers intérêts et revendications soient "mis à la découpe" et traités au cas par cas, "corporation" par "corporation", satisfaisant voire réjouissant les uns, laissant aux autres le goût amer de l'échec et de la trahison, l'objectif étant de "dégonfler" à tout prix la mobilisation, de "désamorcer la bombe" pour ne plus laisser sur le champ de bataille que quelques desperados. C'est ce qu'il s'est toujours passé dans l'Histoire, en Occitània en 1907 comme en Karayib en 2009.

    Mais ce mouvement des nouveaux Bonnets rouges aura existé et au delà de toutes ses contradictions et ambigüités, il aura lancé, confirmant toutes nos thèses, un petit défi au système-France ; le défi (plus que de ses bonnets rappelant davantage le commandant Cousteau qu'une révolte du 17e siècle...) de sa marée de drapeaux bretons flottant sur Kemper le 2 novembre... Un Peuple reprenant conscience de lui-même, ce qui est fondamentalement insupportable pour un système fondé depuis 800 ans sur la construction d'un grand "lager économique" hexagonal (puis également colonial ultramarin) où les travailleurs du peuple soient de simples pions et variables d'ajustement... Car pour que cela fonctionne, il faut absolument que les masses populaires ne manifestation-bonnets-rouges-contre-ecotaxe-defense-emploi-sachent plus qui elles sont, d'où elles viennent, n'aient plus aucune conscience d'elle-même, car ce serait automatiquement mettre à nu toute la construction historique et le fonctionnement actuel de la machine capitaliste, et le début de la remise en cause fatale. C'est cela qui aura fait trembler et s'étrangler de rage, outre les hauts dignitaires dudit système (même ceux qui font semblant de "comprendre le ras-le-bol", boulot d'opposition oblige*...), toute une foule de personnages a priori inattendus... a priori, sauf pour qui a une analyse et une compréhension profonde des forces sociales en présence dans ce "cher" Hexagone. Quant au fait que ce mouvement ait eu pour chefs de file des "petits patrons productivistes-pollueurs", que les fameux bonnets aient été fournis par Armor-Lux-de-la-marinière-à-Montebourg, qu'il y ait eu des fascistes ou autres "socialistes français poujadistes" dans la foule de Quimper ou d'ailleurs, pour dire les choses clairement, on s'en tape comme de l'An 40 exactement comme du fait que 1905 en Russie ait commencé derrière un pope orthodoxe agent du tsar (Gapone). À ce sujet, lisez ici... oui ? Eh bien non ! Ce ne sont pas "lesmaterialistes.com", c'est Françoise Morvan, une "petite célébrité" des colonnes de l'Huma, de Marianne, le Monde, Libé etc., une mélenchonarde connue pour sa haine viscérale et sa reductio ad hitlerum systématique de toute affirmation populaire bretonne. Enfin bon, pour une fois que "lesmaterialistes.com" font penser à autre chose que Dreuz.info...

    Disons-le en toute franchise : la jouissance de voir combien ce mouvement des Bonnets rouges bretons, et nos prises de position dessus, FONT CHIER est bien réelle... Mais elle ne serait rien sans la compréhension scientifique marxiste de POURQUOI cela fait tant chier ; en particulier une certaine "bonne France" pseudo-"rouge" qui fait totalement partie du paysage, qui est, dira-t-on, la "partie rouge du drapeau tricolore" ! Tout ce qui bouge n'est pas rouge ? Certes, en effet... Tout ce qui bouge n'est pas AUTOMATIQUEMENT rouge : cela dépend de quelle(s) force(s), quelle(s) classe(s) en prennent la tête. Mais tout ce qui bouge est POTENTIELLEMENT rouge si un Parti révolutionnaire conséquent réussit à se mettre à la tête du mouvement, au moins d'une partie ; en tout cas s'il y joue son rôle de Parti révolutionnaire. À la décantation des forces révolutionnaires de Bretagne de s'opérer, pour donner naissance à un tel Parti !

    Poent eo stagan Bretoned, gant stourm meur ar vro !

    kemper-026-600x330

    Lire ici (ou faudrait-il se l'interdire ??) une mise au point par des libertaires ayant participé au mouvement : Une autre vision des Bonnets rouges

    Ou encore ce "coup de gueule" d'une militante "zadiste" présente elle aussi le 2 novembre  à Kemper/Quimper : Front de Gauche et écolos, vous avez insulté les Bretons, faudra pas venir pleurer

    OU ENCORE cette Lettre ouverte du syndicat CGT de Damen BREST au secrétaire CGT régional de Bretagne et à la secrétaire CGT générale départementale du Finistère ; qui a passablement fait du reuz (bruit, "boxon" en langue-de-l'obscurantisme) dans la Confédération...


    * Regardez par exemple ici le gribouillis du site d'extrême-droite (républicard, ultra-jacobin, "anti-communautariste" et islamophobe) Riposte Laïque : c'est assez ressemblant en effet, sauf... euh... comment dire... quelque chose... ben les drapeaux, en fait. Les vraies manifs des Bonnets rouges sont 100% gwenn ha du et bon courage pour y entrevoir un BBR... Il y a quelques temps une égérie de la mouvance, Christine Tasin, ultra-jacobine au point que l'on peut se demander si elle plaisante (ou pas), avait participé à un meeting contre "l'islamisation" en Bretagne avec notamment Adsav, extrême-droite... indépendantiste ! Autant dire que cela valait son pesant de grotesque, tant du côté république-une-et-indivisible que du côté "celtomaniaques descendus d'Avalon sur le cheval du roi Arthur"... Vous pouvez voir un compte-rendu de l'épisode ici, page 12.


    **********************************************************************************************************************************************************


    1. Notre position sur le mouvement en cours en Bretagne aura, nous l'avons déjà dit, surpris plus d'une personne. Nous aurons défendu un mouvement dans lequel (sans qu'il s'y résume !) la présence d'éléments réactionnaires est avérée, et le moins que l'on puisse dire, c'est que la "gauche" hexagonale en aura pris plein la gueule. Comment expliquer cela ?

    Eh bien, pour comprendre cela, il faut avoir compris ce qu'est le système républicain bourgeois "français" né dans l'égorgement des Communes de 1871. Un système pratiquement unique au monde, où l'Armée idéologique du Capital possède DEUX AILES, "gauche" et "droite" alors que dans la plupart des pays cette distinction est relativement cosmétique (certains, comme l'Italie jusqu'en 1992, ne s'embarrassaient même pas de l'illusion d'un bipartisme, sans parler de l'"Espagne" qui était une dictature ouverte jusque fin 1975, de l'Allemagne où "sociaux-démocrates" et "chrétiens-démocrates" n'hésitent pas une seconde à former une Große Koalition si nécessaire, de l'Autriche où c'est même la norme, etc. etc.). charliehebdobonnetsrougesEt donc, le Capital avance l'une ou l'autre aile de son armée idéologique en fonction des circonstances. Lorsque "ça pète" dans les villes "rouges", comme en 1871, ou dans les "banlieues à racaille islamisée" comme en 2005, le Capital mobilise la "France profonde" conservatrice, la "France" de "la terre et (des) morts" ; c'est ainsi que des Bretons ou des Mayennais encore plus affamés que les ouvriers parisiens ou marseillais s'en allèrent gaiment massacrer ces derniers, et qu'aujourd'hui des CRS et des BACeux venus de toutes les périphéries possibles matraquent, flash-ballent et taserisent sans états d'âme tandis que le "soldat opinion" vit dans la terreur de ces "zones de non-droit", qu'il imagine comme un mélange de Ciudad Juarez et de Bagdad. Mais lorsque "ça pète" justement chez les "ploucs" de ces périphéries profondes, normalement pourvoyeuses de flics, de gendarmes et de "gens bien-intentionnés", alors le Capital mobilise toute la gôôôôche des jacobinards, républicards-laïcards et autres "libres-penseurs" (du genre lecteurs de Marianne), le "jacobinisme populaire" ("sans-culotte") syndical et partidaire, et bien sûr tout le mépris bobo-hipster-bords-de-Seine pour les "culs-terreux" de la "France-Jean-Pierre-Pernaut", l'arrogance intellectualoïde des lecteurs du Monde, de Charlie Hebdo, de Libé et (en bien moins grand nombre bien sûr) des "Materialistes.com". Et cela fonctionne : sur l'actuel mouvement breton, le gouvernement était bien emmerdé car c'était précisément surtout dans les "classes moyennes" (premier point d'appui, en principe, de toute classe dominante) que se développait une certaine solidarité avec les "Bonnets rouges" contre le "matraquage fiscal". Mais après qu'Ayrault ait annoncé la suspension de l'écotaxe (à laquelle se résume évidemment, vu la manipulation médiatique, le "problème breton" pour 90% de la population), dès le 9 novembre une majorité considérait que le mouvement devait cesser. Une majorité assise sur le bon-vieux-sacro-saint (et assez unanime) légalisme "républicain" (rejet des "violences" et des "destructions" qui accompagnent le mouvement), mais largement centrée à "gauche" contre un mouvement perçu comme "poujadiste" voire "séparatiste".

    En fonction des circonstances et de quelle aile (de son armée) le Grand Capital met en mouvement, nous sommes donc obligés de porter le fer dans l'une ou l'autre direction. Il en ira de même pour les guerres et autres manœuvres impérialistes : mobiliser contre un Assad ou un Kadhafi (ou un Milosevic hier) fonctionnera mieux dans l'aile "gauche" de l'armée idéologique (l'aile "droite", de manière générale, n'aime pas trop ces grandes interventions avec Rafales, tambours et trompettes, elle aime les guerres qu'on ne voit pas, celles par "sauvages" interposés, celles des mercenaires à la Bob Denard, des forces spéciales et autres barbouzes etc.). Il est toutefois souvent possible de faire consensus (contre les z'islamiiiistes au Mali par exemple, et sur la question de l'islam et des musulmans en général).

    Charlie.03NOV2013.005Ainsi va le système "républicain" bleu-blanc-rouge : c'est en fait un système qui peut connaître une fascisation potentiellement puissante, autour d'un "centre d'agrégation" de la mobilisation réactionnaire ultra (comme le FN aujourd'hui, le mouvement gaulliste dans les années 1960 ou les Ligues dans les années 1930) ; un système policier par nature depuis sa naissance dans le sang des Communes et même depuis Napoléon avec son Fouché ; mais où le fascisme ouvert, de type hitlérien, ne survient que dans des circonstances vraiment exceptionnelles (catastrophe de 1940 et occupation nazie), et d'ailleurs lorsque cela arrive, le fascisme en question se "fabrique" une droite et une "gauche" (RNP de Déat... qui assumait d'ailleurs totalement la référence à "(17)93", PPF de Doriot etc.) et affirme (Pierre Pucheu, Ministre de l'Intérieur 1941-42) lutter contre les "extrêmes" de droite (gaullistes) comme de gauche (communistes) : on l'ignore souvent, mais le régime de Vichy était absolument multipartiste ! Comme situations plutôt graves surmontées (et mobilisations réactionnaires de masse assurées !) sans abandonner les apparences "démocratiques" libérales-parlementaires et sans mettre en place un régime "totalitaire", la Grande Guerre de 1914-18, la guerre d'Algérie ou Mai 68 et les années suivantes sont d'assez bons exemples. D'autres pays peuvent également, aujourd'hui, connaître ce type de "démofascisme", comme typiquement les États-Unis sous Bush et Cheney après le 11-Septembre, mais même depuis l'America is back de Reagan en 1980, l’État espagnol depuis la Transition de 1975-78 ou Israël depuis l'origine (mais particulièrement depuis 2000) ; mais la "France" a réellement été précurseuse en la matière. C'est en effet l'un des pays où la pensée dominante bourgeoise est l'une des plus anciennes et puissantes ; alors que l'Allemagne "jetée" dans la "démocratie" libérale parlementaire (telle que nous la concevons) en 1918, l'Espagne de même en 1931, et l'Italie (système bourgeois censitaire jusqu'en 1912) ou encore le Japon (monarchie de droit divin) ne l'ayant alors jamais connue, ont dû face à la crise générale du capitalisme et à la menace révolutionnaire avoir recours au fascisme ouvert, "totalitaire".

    En réalité, il est impossible de comprendre la question des langues, cultures, "décentralismes" et autres affirmations "minoritaires" (nationales) si l'on se place dans une vision strictement "mécaniste classiste" des choses. Pour comprendre, il faut être (et nous le sommes !) GRAMSCIENS. Il faut en effet avoir lu (et compris) Gramsci pour comprendre qu'il y a là une tranchée idéologique du système de défense du Capital : le capitalisme français s'est construit en construisant l'amnésie collective des Peuples d'Hexagone, l'oubli de ce qu'ils sont, de leur histoire ; car la mémoire de cela mettrait forcément à nu la manière dont ledit capitalisme français s'est construit (sous les "grands rois", la "révolution", Napoléon et les régimes successifs jusqu'à la définitive république des monopoles de 1870), et ferait très certainement le "lien" avec les situations "régionales" actuelles. D'autres États ont fait différemment ; mais l’État français a fait comme cela, et pas autrement. Et aujourd'hui ? Et bien, en soi, le Capital BBR n'aurait sans doute aucun problème avec un modèle étatique fédéralisé : l'Allemagne fonctionne "très bien" avec ses länder, l’État espagnol avec ses "autonomies", le Royaume-Uni avec ses "dévolutions" etc. etc. Mais il est tout simplement trop tard pour faire machine arrière... C'est un peu comme le type qui aurait menti à sa famille pendant des années entières et qui, lorsque la vérité émergerait enfin, n'aurait d'autre solution que de tuer tout le monde puis de tenter de se suicider : extrémités qui dans le champ social s’appellent la guerre civile et auxquelles, on s'en doute, le Capital BBR veut à tout prix éviter  d'arriver. L’État français est en fait prisonnier de sa propre idéologie fondatrice qui veut depuis plus de 200 voire 300 ans qu'il n'y ait "que des Français", que les réalités nationales ne soient que des "moyenâgeries" obscurantistes de bouseux clouant des chouettes sur leurs portes, de châtelains cravachant leurs gueux, de curés affirmant que la Terre est plate et aujourd'hui de "petits patrons et de paysans identitaires poujadistes". Là est la fonction fondamentale, au service du Grand Capital, des Mélenchon, Chevènement, Françoise Morvan, PRCF, POI-poï, ROCML, "Arrière-Garde ouvriériste", "pcmlm" et consorts ; bref de tous les JACOBINARDS DE MERDE de droite comme de "gauche" !

    francoise-morvanQui n'a pas compris cela n'a pas compris la herse de "société civile" qui défend le donjon des monopoles "français", et ne peut donc pas la briser et faire tomber ce foutu donjon. C'est la raison pour laquelle par exemple, au risque de choquer, SLP se veut radicalement anti-maçonnique. Nous savons qu'au début du mouvement ouvrier, entre 1848 et 1940, beaucoup de ses cadres (comme Ernest Ferroul de notre Grande Révolte occitane de 1907) ont appartenu à la franc-maçonnerie (au Grand Orient, la loge athée/agnostique et "progressiste") et nous reconnaissons la valeur historique de leur action. Les francs-maçons ont été persécutés (les loges "de gauche" en tout cas...  encore que) par le fascisme dans les années 1930-40, ici sous le régime de Vichy et l'occupation nazie, et cela en faisait alors des alliés objectifs dans la Résistance antifasciste (beaucoup de kollabos venaient cependant du Parti radical ou de l'aile droite de la SFIO, ce qui à l'époque voulait presque automatiquement dire francs-maçons). Mais aujourd'hui, nous considérons que l'on ne peut pas être franc-maçon et faire partie d'une organisation révolutionnaire conséquente. Les loges maçonniques sont un état-major de l'Armée idéologique du Capital, de son aile "gauche" (Grand Orient, Libre-Pensée) mais aussi d'une grande partie de son aile droite (GLF et GLNF qui abritent notamment - entre autres - les satrapes africains). La "France" est connue pour être un État policier, or la plupart des cadres de la police sont francs-maçons (les cadres militaires et gendarmes étant plutôt, eux, dans des fraternités catholiques : Opus Dei, Civitas/ICHTUS ex-Cité catholique etc.). Nous, communistes, ne sommes pas pour la "libre pensée" mais pour la JUSTE pensée : la CONCEPTION COMMUNISTE (matérialiste, marxiste, scientifique) DU MONDE. Aux chiottes, les "libres" idéologues de ce système de merde ! C'est pourquoi être réellement communiste implique forcément de rejeter la franc-maçonnerie ; c'était d'ailleurs un principe de l'Internationale communiste dans les années 1920* (mais en "France" il ne fut jamais vraiment respecté). Parmi les "frères" maçons très "visibles" en ce moment, il y a notamment un certain Jean-Luc Mélenchon... Mais cela n'enlève rien, en revanche, à notre position sur les troupes de la gauche bourgeoise, sur le "peuple de gauche", le "petit peuple progressiste" qu'il faut œuvrer à amener à la révolution.

    carte des traites2. On ne peut résoudre un problème que si on le COMPREND : évidence que connaît même un écolier confronté à un exercice de maths. Le capitalisme engendre pour les masses populaires toute une série de problèmes, qu'il n'est pas possible de résoudre si l'on ne comprend pas qu'ils viennent du capitalisme, ou même si l'on dit simplement que "c'est le capitalisme" sans compréhension plus poussée. Et il n'est pas possible de comprendre un problème si l'on ne comprend pas le CADRE dans lequel il se pose ; or dans chaque "grand bassin économique de vie populaire" le capitalisme se manifeste de manière différente, et génère des problèmes différents. Chaque "cadre" des problématiques capitalistes est une création de l'activité capitaliste elle-même. Il faut analyser et comprendre la création de ce cadre pour comprendre les problèmes qu'il contient, et pouvoir envisager de les résoudre. C'est tout le sens de notre démarche depuis maintenant bientôt 3 ans ; démarche qui se découvre maintenant (sans s'en être jamais inspirée...) des parallèles avec les travaux de "socio-géographes" universitaires (Christophe Guilluy etc.), même si nous n'en partageons évidemment pas les conclusions réformistes (Guilluy et consorts se rêvent sans doute en successeurs de Rosanvallon et de son "Nouvel âge des inégalités", qui fut le "petit livre rose" du jospinisme en 1997-2002), ni certaines déductions socio-politiques**.

    Déterminer et comprendre, déterminer pour comprendre les différents "cadres" (qui sont des constructions historiques) dans lesquels se pose le problème capitaliste au sein de l’État français (qui est lui-même un "cadre", étudié et compris comme tel), voilà tout notre propos. En l'absence d'une telle étude et compréhension, on ne peut que pérorer sur des situations comme celle que connaît actuellement la Bretagne. Les soi-disant "socialistes", "marxistes" ou "anarchistes" qui crachent sur les "Bonnets rouges esclaves" qui "manifestent avec leurs patrons" n'ont, tout simplement, strictement rien compris au cadre nommé "Bretagne" de la question sociale, et au cadre nommé "France" dans lequel, pourtant, ils vivent et prétendent lutter au quotidien pour "en finir avec le capitalisme"...

    3. Nous avons parfois pu entendre que "les petites nations ne sont pas vouées à avoir un rôle déterminant dans la lutte révolutionnaire à venir"... Ceci est, d'abord, une mal-compréhension de notre propos, car ce que nous disons c'est que ce sont les PÉRIPHÉRIES, les territoires de relégation qui sont voués à être les "campagnes" de la Guerre populaire en Europe ; simplement, nous constatons qu'en "France" cette "périphérisation" recoupe très souvent le territoire d'une nationalité annexée au cours de la formation de l’État, depuis le 13e jusqu'au 19e siècle.

    Langues de la France1Ensuite, cela nous semble soulever une sérieuse question : c'est quoi, une "petite nation" ? La "France" approche au total les 66 millions d'habitants. Retirons les presque 3 millions d'ultramarins (DOM et COM) : restent 63 millions. Retirons les populations du "Midi" : Occitanie, Arpitanie, Pays Basque, Roussillon (Catalogne-Nord), Corse (soit les régions Rhône-Alpes, PACA, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Auvergne, Limousin, Aquitaine et Corse) : on approche les 23 millions. Restent 40 millions. Retirons la population de la Bretagne à 5 départements (3,2 millions + 1,3 pour la Loire-Atlantique) : 4,5 millions. Restent 35,5 millions. Retirons la population du "Grand Ch'Nord" ou "Grande Picardie", de l'aire linguistico-culturelle PICARDE, soumise seulement entre les règnes Louis XI et (pour l'essentiel du Nord-Pas-de-Calais actuel, les "Pays-Bas français") de Louis XIV : Picardie sauf le sud de l'Oise et de l'Aisne (grosso modo) : 1,5 millions environ ; et Nord-Pas-de-Calais (4 millions) : 5,5 millions. Régions auxquelles on pourrait ajouter, en raison de sa grande proximité socio-économique, culturelle et historique, le département des Ardennes (dont la partie nord - 1-2-3 - n'a été conquise, elle aussi, qu'au 17e siècle) : 280.000 habitants. Bref, grosso modo 5,8 millions pour le "Peuple des Brumes" : restent moins de 30 millions. Il faut encore retirer la Lorraine (annexée, pour la majeure part, en 1766 seulement !) : 2,3 millions ; l'Alsace (annexée seulement sous Louis XIV, voire seulement en 1798 pour la région de Mulhouse) : 1,9 millions ; et la Franche-Comté, stable dans ses frontières ("comté de Bourgogne") depuis l'époque carolingienne et annexée en 1678 après avoir subi une guerre d'extermination de 10 ans (1634-44) qui vit disparaître... les 2/3 de la population : 1,1 millions. Il reste, pour la "vraie France" dont parlait au 19e siècle Jules Michelet, quelque chose comme 24,5 millions de personnes : 37% seulement des 66 millions de départ !!! Sans oublier que dans ce restant, les peuples poitevin-vendéen-saintongeais (entre Loire et Gironde, sorte d'"Arpitanie de l'Ouest" intermédiaire avec le "Midi" d'Òc), "grand-berrichon" (entre Loire et Massif central), bourguignon ou encore normand ont plus que leurs particularismes ; et qu'il faut en outre soustraire, sur tout l'Hexagone + la Corse, 7 à 10 millions de "colonisé-e-s intérieur-e-s" qui pour la plupart ne se sentent nullement "français" et même (et nous reprendrons en chœur avec eux), "niquent la France"... OÙ EST LA PETITE NATION ? [au demeurant le terme même de "petites nations" semble être né sous la plume d'Engels à la fin des années 1840 dans un de ces délires antipopulaires assez indéfendables dont il était alors coutumier, auxquels les faits ont cinglamment donné tort et avec lesquels le marxisme actuel a heureusement pris des distances astronomiques...]

    la-pyramide-du-systeme-capitalisteEn définitive, il n'y a peut-être de véritables "français" que la BOURGEOISIE et ses affidés : ceux et celles dont le système-France sert les intérêts et/ou fonde l'existence. En dessous, les ENGRAISSANT à la sueur de leurs fronts, il y a DES PEUPLES. Même le Bassin parisien (au sens géographique) peut être subdivisé en (grosso modo) 6 peuples : la "Grande Île-de-France" dans un polygone Beauvais-Soissons-Provins-Sens-Orléans-Chartres-Vernon, la "Grande Picardie" dont nous avons déjà parlé (Nord de la région Picardie, Nord-Pas-de-Calais, éventuellement Ardennes), le "Grand Berry" (Berry, Bourbonnais/Allier, Nivernais/Nièvre), le "Grand Val-de-Loire" (Blois, Touraine, Maine, Anjou), la Normandie et la Champagne...

    Alors après, on peut toujours s'"amuser" à nier cela en faisant semblant de ne rien comprendre à ce que nous disons, comme lorsque "certains" font remarquer que la Mayenne connaît une situation économique et sociale tout à fait similaire à celle de la Bretagne. Mais évidemment ! Nous n'avons jamais dit le contraire ! Ce que nous disons, c'est qu'il y a une opposition fondamentale entre des CENTRES (un Grand Centre formant un trapèze Tours-Rouen-Reims-Auxerre et une bonne vingtaine de "centres-relais") et des PÉRIPHÉRIES, et que SOUVENT ces périphéries "recoupent" des QUESTIONS NATIONALES, car ce sont des Peuples qui ont été conquis au cours de la formation de l’État par et pour le capitalisme. Évidemment que la contradiction Centres/Périphéries ne suit pas strictement la frontière de la Bretagne, puisque cette "province" abrite deux "centres-relais" (Rennes et Nantes) et un "phénomène Côte d'Azur" sur sa côte sud (ou encore vers Perros-Guirec, Saint-Malo ou entre Saint-Brieuc et Plouha)*** tandis que des secteurs avoisinants sont profondément relégués, en Mayenne mais aussi dans le Maine-et-Loire (Anjou) ou (surtout) dans la Manche (Cotentin), ou encore en Vendée. Ce qui est relégué/périphérisé à l'ouest de l'Hexagone c'est en fait une "Grande Armorique" qui comprend quasiment toute la Basse-Normandie avec le Cotentin, le Maine, l'Anjou, le Bas-Poitou (Vendée et Deux-Sèvres) et la Bretagne ; tout le Massif armoricain en réalité. Mais cela ne veut NULLEMENT DIRE qu'au sein de cette "Grande Armorique" la question nationale bretonne n'existe pas ! Et une Bretagne LIBRE ET SOCIALISTE (dieub ha sokialour !) serait évidemment, pour toute cette "Grande Armorique" périphérisée, une BASE ROUGE que l’État français, en vérité, ne pourrait tout simplement pas gérer : ce ne serait ni plus ni moins que sa fin...

     


    * De Trotsky ("hérésiiiiiiie !!!" gueulera qui voudra...), mais néanmoins TRÈS JUSTE : lire ici.

    la-france-en-face.jpg** Ainsi, le fort vote FN et plus largement le vote "droitier populaire blanc" ne se trouve pas tellement dans les périphéries profondes (en bleu foncé), mais plutôt à la marge des zones "métropolitaines" en blanc : en mettant côte à côte les deux cartes, on voit clairement le vote pour Marine Le Pen (premier tour 2012) entourer les grandes taches blanches métropolitaines (Paris, Lyon, Aix-Marseille, Nice-Côte-d'Azur, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Rennes, Lille) ou carrément... en faire partie, et border (Nord, Nord-Est, "Rhône-Alpes") la Suisse, l'Allemagne et le Bénélux (la "métropole européenne"). En Corse, ce sont clairement les alentours d'Ajaccio, Bastia, Calvi, Propriano et le Sud-Est (Porto-Vecchio, Bonifacio) ainsi que le secteur de la base de Solenzara (vote des militaires ?) : les secteurs les plus peuplés, touristiques et socialement inégalitaires (ce qui n'est pas la même chose que "pauvre", à ne pas confondre !). La Corse "profonde" (en particulier le secteur de Corte, bastion nationaliste) ne vote pratiquement pas FN. "Pixelisé" par bureau de vote, le résultat serait encore plus éloquent... "Socio-géographiquement", ce n'est pas tant un vote de relégation réelle (prolétariat et paysannerie pauvre, périphéries profondes) que de sentiment et de peur de celle-ci ("très-petite-bourgeoisie"). Ce ne sont en fait pas tant des "exclus" qui votent FN que des gens ayant un fort "ressenti" d'exclusion aux abords d'un grand "centre d'inclusion" ("métropole mondialisée") ; sentiment associé à celui de faire "tampon" avec plus exclus qu'eux (la "ZUS du coin", un camp de Roms etc. etc.). Comme l'ont toujours analysé les marxistes conséquents, le populisme d'extrême-droite, le fascisme, vise précisément vote le pen 2012à livrer bataille à l'idéologie prolétarienne dans les "couches en déclassement" de la société, pour éviter que celles-ci ne deviennent révolutionnaires (ce qui serait fatal au système). Là où ce sentiment disparaît, tout simplement par l'absence de grand "centre-relais" capitaliste (ni bobo centrurbain ni ZUS à l'horizon, donc), le vote FN tend également à disparaître. Les zones de "grand bleu" sur la carte des "fragilités sociales" (Bretagne et "Grande Armorique", Massif "central", Alpes, Pyrénées, Gascogne) se caractérisent plutôt, tout comme les "cœurs" des grandes métropoles, par leur blancheur ou leur jaune très clair sur celle du vote FN ; et même si celui-ci monte inexorablement, il monte "partout pareil" c'est-à-dire que les zones de gros scores "historiques" le restent (mais désormais à 30 voire 35% et non plus 20-25%) et celles de scores historiquement faibles le restent également, même si ce ne sont plus 5-10% mais 10-15% ou 15-18%. [NDLR : le 'p''c''mlm' part exactement des mêmes postulats erronés sur "la classe ouvrière principalement périurbaine et votant massivement FN", alors que cela n'est vrai que dans le Nord du Bassin parisien, en Lorraine et Alsace, dans le couloir Saône-Rhône, en Provence et Languedoc côtier.]

     

    *** Les principales poches de relégation/périphérisation/précarité en Bretagne (à 5 département of course) sont :

    - le Poher et la Haute-Cornouailles : centre-est du Finistère (entre Arrée et Montagnes Noires), sud-ouest des Côtes d'Armor et nord-ouest du Morbihan (Gourin, Guéméné-sur-Scorff, Le Faouët etc.).

    - le nord de la Loire-Atlantique (pays de la Mée).

    - la baie du Mont-Saint-Michel (Pleine-Fougères, Antrain etc.) et le secteur extrême-nord de l'Ille-et-Vilaine (Louvigné-du-Désert).

    - le sud-est des Côtes d'Armor et l'extrême-nord-est du Morbihan : Porhoët, Mené.

    communisme

    ******************************************************************************************************************************************************************

    À Carhaix comme à Quimper aux côtés de la classe ouvrière !

    ainsi que l'Appel du comité pour le maintien de l’emploi en Bretagne, cosigné par le SLB (Syndicat des Travailleurs de Bretagne) et la CGT Marins du Grand Ouest.


    Crise-bretonne-Bonnets-Rouges-et-dangers-de-l-opportunism.jpg


    Au sujet du mouvement des Bonnets rouges, on peut aussi (encore une fois) vous inviter à lire cette mise au point par des militant-e-s libertaires breton-ne-s ayant participé aux mobilisations :


     Une autre vision des Bonnets rouges


    Toujours sur le même sujet, l’OC-FR et le PCmF ont récemment publié la très juste (bien qu’un peu obséquieuse à notre avis) réponse suivante à un communiqué du ROCML (dont l’OC-FR est issue par scission et dont SLP a été quelques mois ‘‘compagnon de route’’ avant de prendre des distances salutaires), qui les attaquait à mots couverts :


    Communiqué en réponse au communiqué du ROCML "Carhaix et Quimper, deux manipulations" 


    À la fin de l’article OC-FR/PCmF, on apprend que ces derniers, pour leur relatif soutien à la manif de Quimper, se seraient vus traités de ‘‘fascistes rouges’’ par des éléments du ROCML… À ce tarif-là, par déduction, nous à SLP devrions carrément être des néo-nazis ! Ceci nous oblige (et autorise) donc à publier les commentaires suivants (à l’origine ce sont des commentaires Facebook, donc ne vous formalisez pas si c’est un peu ‘décousu’), afin de mettre quelques points sur les i… Nous précisons bien qu’il s’agit là de la position de SLP et SLP seul, validée par le Comité de Construction du PCR des Terres d’Òc, et non de celle de l’OC-FR et du PCmF qui est en lien ci-dessus.

    Voici ces (modestes) commentaires : 

    Nous pensons qu'il y avait moyen de faire encore plus bref (que l’article de l’OCFR). La position du ROCML (que voici dans le texte, histoire qu'il n'y ait pas d'embrouille) : "Si des travailleurs sont conduits à servir de force d’appoint à l’une ou l’autre fraction de la bourgeoisie, la raison fondamentale en est la domination sans partage chez les exploités des illusions et pratiques réformistes de collaboration de classe propagées par tous les courants politiques de gauche et de la gauche radicale. Illusions qui font obstacle à l’émergence d’un véritable Parti communiste seul capable de conduire les travailleurs à lutter pour ses seuls intérêts de classe face à la bourgeoise. Si ce Parti existait, il serait possible de défendre des mots d’ordre de classe contre les licenciements plutôt que de s’unir aux exploiteurs locaux qui n’ont pour but que leurs profits, même s’il faut pour cela sacrifier l’emploi d’ouvriers trompés qui manifestent avec eux aujourd’hui" ; et bien cela s'appelle tout simplement BOTTER EN TOUCHE, et joliment avec ça.

    "Ah oui il faudrait qu'il y ait un Parti révolutionnaire du prolétariat"... oui, ce serait bien en effet. Beaucoup mieux que maintenant. Il faudrait. "Yakafaukon"... Mais bon : il n’y en a pas, pas de massif et audible en tout cas. Rien qui ressemble de près ou de loin à la SFIC des années 1920-30 avec sa CGTU, ni même à la galaxie ML/mao des années 1968-75 (PCMLF, GP, UCFML, GOP et compagnie)... Cela, le prolétariat et les autres classes populaires l'auront remarqué, merci. Par contre, au détour d'une buvette CGT en manif ou d'une navigation sur le net, ils/elles peuvent être amené-e-s à rencontrer des gens qui PRÉTENDENT être cela dans un futur le plus proche possible : ROCML, OCFR, PCmF, CC-PCRÒC... (pour ne parler que des forces ML et MLM). Et ce qu'ils/elles sont en droit d'attendre de ces gens prétendant être leur avant-garde de demain, c'est une POSITION sur des évènements comme ceux de Bretagne, qu'ils vivent directement s'ils/elles sont sur place, ou sinon par la une des JT tous les soirs à 20h (et des journaux gratuits tous les matins dans le bus). Une POSITION. "Tout sera réglé quand y aura le Partiiiiiii", ce n'est pas une position, désolés.

    En ce qui le concerne, le Comité de Construction du Parti communiste révolutionnaire des Terres d'Òc assume les positions suivantes, publiées sur SLP :
    http://servirlepeuple.over-blog.com/article-breizh...
    http://servirlepeuple.over-blog.com/article-esclave...
    http://servirlepeuple.over-blog.com/article... (point 1 mais le 3 et le 4 sont en relation aussi)
    http://servirlepeuple.over-blog.com/article... (tout les points sont plus ou moins en relation)

    Bien sûr d'aucuns diront que c'est "intellectualoïde"... toujours la même rengaine pour ensuite pondre des communiqués CGT ou LO "améliorés".

    (Et puis nous allons un petit peu sur le fond du texte ROCML et là) énormissimou : "Aujourd’hui, l’organisation du mouvement ouvrier révolutionnaire est inexistante. Le prolétariat n’a aucun moyen de s’exprimer de manière indépendante des partis bourgeois."... Ah bon ? Il nous semblait pourtant qu'il y avait quelque chose appelé le ROCML, certes petit mais premier et invincible noyau fondateur du Grand-Parti-qu'il-faut-à-la-classe-ouvrière, sous les 4 lumineuses bobines de Marx-Engels-Lénine-Staline... Waouh la confiance en soi ! Tout un texte pour dire en définitive : "le problème... ben c'est que nous les auteurs de ces lignes on sert à rien, en fait". 

    Et puis le gros titre mensonger, la presse bourgeoise nous y avait habitués et peut-être l'Huma de l'époque Marchais (il faudrait trouver des exemplaires...), mais pour des ML c'est quand même violent : "CARHAIX ET QUIMPER, DEUX MANIPULATIONS"... ok, donc ni-ni a priori... sauf que non. Le ROCML a bel et bien une position : "Cependant le ROCML estime que c’est à Carhaix que les communistes devaient être". Cela pour "diffuser l’esprit de classe parmi les travailleurs et pour en démasquer les buts politiques", mais aussi parce que fondamentalement "l’appel à manifester à Carhaix contenait avec raison la nécessité de faire entendre des revendications des travailleurs. Il était juste de se démarquer des buts réactionnaires de la manifestation de Quimper". Autrement dit la CGT, le FdG et compagnie avaient "raison" dans leur tissu de langue de bois mensongère, bien plus digne de Brejnev que de "Saint" Staline sur lequel le ROCML se pignole. Leur seul tort, en "agitant le spectre de la chouannerie", aurait été d'avoir des "buts politiques" : "se poser en alternative à la gauche du gouvernement PS". Ah ok, on comprend mieux. Il fallait donc "diffuser l’esprit de classe parmi les travailleurs" (par "travailleurs" entendre les 4 tondus syndicalistes professionnels et un tambour qu'il y avait à Carhaix, environ 1.000 personnes apparemment, principalement des "militants professionnels", des permanents, des DS, quelques fonctionnaires sans doute et la "militance" FdG et EELV), histoire sans doute qu'ils apprennent à s'exprimer de manière indépendante... sous l’œil vigilant des buros cégétistes et mélenchonistes. Le tort des appelants n'étant pas de n'avoir STRICTEMENT RIEN COMPRIS à ce qui est en train de se passer, car strictement rien compris à la lutte populaire révolutionnaire comme mouvement SE DÉPLOYANT DES PÉRIPHÉRIES VERS LES CENTRES ; et même PIRE que cela : de DÉFENDRE ouvertement l'autorité du Centre parisien, ignoblement défiée par ces "identitaires" de Bonnets rouges, ces "petits bourgeois chouans" (au passage, la Basse-Bretagne n'était pas tellement le bastion de la Chouannerie, qui était plutôt la Haute-Bretagne, la Mayenne et l'Anjou)… Mais simplement de "servir des buts réformistes". Quand on ne sait plus comment maquiller son jacobinisme culturel ! (sans doute bien ancré dans les esprits pour des profs et autres serviteurs du système qu'ils prétendent combattre)... no comment. 

    À un moment donné, il faut savoir : soit un mouvement est "corporatiste" soit il est DE MASSE... donc forcément interclassiste. Dans le sens où, les corporations n'existant plus depuis 1791, ce que l'on entend par "corporatiste" aujourd'hui veut en réalité dire  "sectoriel" : mouvement STRICTEMENT de fonctionnaires, mouvement STRICTEMENT de postiers ou de cheminots ou de dockers, mouvement STRICTEMENT étudiant, mouvement STRICTEMENT de salariés d'une boîte qui ferme ou d'un secteur qui s'effondre localement, et dont les autres boîtes ou secteurs n'ont strictement rien à battre. Autrement dit, tous les mouvements qui peuvent être aussi massifs qu'ils veulent mais qui ne feront JAMAIS une révolution ni un début de commencement, puisque les secteurs sociaux non concernés s'en tapent. A contrario, un mouvement DE MASSE va PAR DÉFINITION être INTERCLASSISTE et PAR DÉFINITION (dixit Lénine) amener sont lot de "fantaisies (et d'éléments, et d'activistes !) réactionnaires". Mais c'est pourtant le seul truc qui commence à avoir un intérêt dans une lutte prolongée pour la prise de pouvoir révolutionnaire. La première chose que nous DÉFENDONS ouvertement chez les "Bonnets rouges", c'est que c'est sans doute l’un des premiers mouvements DE MASSE que nous amène la phase terminale de la crise générale du capitalisme EN HEXAGONE MÊME (avant il y avait eu le LKP, mais c'était de l'autre côté de l'Atlantique). Bien plus sans doute que le mouvement des retraites en 2010, et celui-ci concernait de toute façon UNE mesure gouvernementale : la "réforme des retraites". Là, les Bonnets rouges - comme le LKP hier - sont un soulèvement GÉNÉRAL contre la situation d'un territoire (d'une PÉRIPHÉRIE) donné, la Bretagne, même si les médias mettent en avant la question de l'écotaxe parce que c'est la question qui permet de dire que "le problème de l'emploi ce sont les charges sur les entreprises". Mais la question qui secoue actuellement la Bretagne, en réalité, ce n’est pas l'écotaxe : c'est "la Bretagne coule, SOS" ! Ce qui, quelle que soit l'issue du mouvement, peut commencer à amener chez certaines personnes un début de compréhension des enjeux véritables : le système capitaliste BBR, la place et le rôle de la Bretagne dedans... et comment en sortir, ce qui amène forcément à la conclusion "dieub ha sokialour" (libération et socialisme), autrement dit RÉVOLUTION. Alors qu'un mouvement contre une "réforme" des retraites, eh bien c'est contre une "réforme" des retraites, point à la ligne. À partir de là, si le gouvernement recule c'est cool, on rentre dans les chaumières ; s'il recule à moitié c'est moitié cool et la moitié rentre dans les chaumières (l'autre moitié continue quelques semaines puis s'essouffle) ; et s'il ne recule pas on le sanctionne aux prochaines élections, en espérant que les nouveaux gouvernants reviennent (au moins partiellement) dessus, ce qu'ils ne feront pas, mais ce que la gauche ne fait pas, remettre la droite ne le fera pas non plus, bref le serpent se mord la queue. 

    Notre position de communistes révolutionnaires occitans est claire, d'autant plus claire que nous avons connu il y a longtemps (1907) un mouvement de même nature (agricole au départ, puis interclassiste). Ce qu'il se passe aujourd'hui en Bretagne est le strict équivalent de ce mouvement, et du LKP en 2009 aux Antilles : le VENT DE LA PÉRIPHÉRIE QUI SE LÈVE ET DÉFIE LE CENTRE. La crise du capitalisme plonge une terre et son Peuple dans la misère, et ce peuple réagit. Avec son lot de positions et d'idées non-communistes, forcément puisque le mouvement est interclassiste (et la conception communiste du monde, de toute façon, est encore très faible dans les masses populaires). Aujourd'hui, on nous dira que le LKP était une coalition syndicale et n'avait rien à voir avec un mouvement soi-disant "à la solde des patrons". Sauf que d'une, il y avait certainement autant de petits capitalistes (formels ou informels) dans le LKP que dans les Bonnets rouges actuels, puisque ce n'était pas un mouvement contre une mesure en particulier mais contre l'effondrement du pouvoir d'achat (pour cause de monopole de la distribution, aggravant la situation "ultra-périphérique" des îles). Et de deux, les mêmes qui diront cela pointaient en 2009, avec un œil de vigiles du temple BBR, les "tentations séparatistes" et autre "racisme anti-blancs" du mouvement antillais.

    Quand les fonctionnaires ou les employés publics ou les profs bougent, ce sont toutes les catégories qui bougent, des C aux A, sauf le grand dirlo et ses 3 acolytes qui sont justement là (payés) pour que les gens bossent et non fassent grève. Les niveaux de revenu vont facilement de 1 (prolétariat) à 3 SMIC (bonne petite bourgeoisie, quasi moyenne). Quand une boîte licencie et que l'on ne sait pas qui va être de la charrette, pareil, tout le monde va bouger sauf les représentants physiques du Capital employeur qui sont justement là pour mettre en place la "restructuration". De 1 à 3 SMIC idem. Des syndicalistes pro-ANI et des antis. Des gens pour qui avec une grosse indemnité ça ira à l'aise jusqu'à retrouver du boulot (sous un an maxi) et d'autres qui sont sûrs de tomber dans l'exclusion. Si quelqu'un à d'autres exemples de "mouvements sociaux" actuellement, nous voulons bien, mais nous, nous n'en voyons pas.

    C'est donc strictement du pareil au même que les Bonnets rouges, sauf que dans ce mouvement il y a aussi des non-salariés (agriculteurs, artisans, transporteurs indépendants, petits patrons, pêcheurs etc.). Dans tous les cas, ces mouvements font face à un symptôme localisé (dans un secteur, une entreprise ou une "région") de la crise du capitalisme, et la solution est portée NON PAS PAR LA CLASSE OUVRIÈRE (fétichisme ouvriériste) mais par la CONCEPTION COMMUNISTE DU MONDE, qui reflète le CARACTÈRE SOCIAL DE LA PRODUCTION (incarné physiquement par les ouvriers et autres petits salariés) face à la PROPRIÉTÉ PRIVÉE (par une minorité) DES MOYENS DE PRODUCTION et l'appropriation privée (inégalitaire) du produit. Dans tous les cas, imposer suffisamment cette conception communiste dans un mouvement quel qu'il soit, c'est beaucoup de boulot. Autant dans telle boîte que dans telle autre. Autant dans le privé que dans le public ou les administrations. Autant à Quimper qu'à Carhaix. Il n'y a PAS DE VOIE FACILE ; en revanche il y a de la gravité pour des "ML" à (en définitive) rechercher une telle voie. "Easy roads are always sure to lose" (Song for Marcella, chanson en l'honneur de Bobby Sands). Évidemment que l'on ne va pas faire de l'agit-prop dans un mouvement ouvertement réactionnaire, n'existant que dans ce but comme la "Manif pour tous", où les révolutionnaires seraient en danger physique grave voire mortel pour un résultat dérisoire (convaincre un ou deux homophobes de ne plus l'être ?). Mais la manif de Quimper et le mouvement breton actuel n'ont rien à voir avec cela, que le ROCML ne fasse pas semblant de ne pas le comprendre.

    Qu'il ose plutôt (enfin) dire le fond de sa pensée : ce qui le dérange dans les Bonnets rouges plus que dans un autre mouvement social, c'est la remise en cause "régionaliste-identitaire-tout-caca-pas-beau" du SYSTÈME-FRANCE, le défi d'une Périphérie au Centre parisien du capitalisme BBR.

    En conclusion, on en revient à ce que SLP a toujours dit et répété depuis son "choix" (quelque peu forcé, mais en tout cas nullement regretté) de septembre 2010 : le ROCML, en définitive, c'est le PCOF d'il y a 30 ans... Les mêmes ingrédients font les mêmes recettes. La seule différence c'est qu’il ne faudra sans doute pas 30 ans pour que cela devienne le PCOF d'aujourd'hui, autrement dit un petit écuyer de l'aile gauche de l'Armée idéologique du Capital…


     


    votre commentaire

  • Voici un article d'Isabelle Garo (philosophe spécialiste de Marx et Engels, mélenchoniste revendiquée mais bon, ce n’est pas le débat ici...), paru sur son site personnel et repris par les camarades de Libération Irlande.

    maocIl est en effet capital de définir clairement ces notions d'un point de vue marxiste authentique, tant elles font l'objet de confusionnismes et de débats contre-productifs. Comme certains "maoïstes" le disent à raison, il est facile d'"escamoter" la bourgeoisie derrière une vague notion de "peuple", ce dont les fascistes sont spécialistes ; mais pas seulement la bourgeoisie en réalité : toute personne non-prolétaire qui va se vouloir "révolutionnaire" va chercher à s'inclure (et inclure sa classe) dans le "peuple" (ou "les travailleurs") et mettre cela particulièrement en avant - aristocrates ouvriers (qui pourront cependant parler souvent de "classe ouvrière"), petits bourgeois divers etc. Mais comme ces mêmes "maoïstes" ne le disent pas (puisqu'ils le font...), il est également vite fait de qualifier tous ceux qui parlent de "peuple" de "populistes" et de fasciste en puissance.

    Voyons rapidement, en synthèse, ce qu'entend Servir le Peuple par ces différents termes :

    - Le prolétariat consiste en les personnes ne possédant que leur force de travail (aucun moyen de production ni "capital" d'aucune sorte, fut-ce sous forme de diplômes, savoir-faire rare etc.) et louant quotidiennement celle-ci (salariat) à un employeur, qui possède les moyens de production, contre en principe le strict nécessaire pour reproduire cette force. Suivant cette définition, il n'y aurait pas beaucoup de prolétaires dans les pays dits "développés", c'est pourquoi nous intégrons la notion de "dignité minimale d'existence", sur la base non seulement de besoins objectifs mais de besoins induits par les maîtres capitalistes de la production, qui rappelons-le remplissent ainsi leurs caisses ("société de consommation" inventée au début du 20e siècle notamment par Henry Ford : on paye le prolétaire plus que le strict nécessaire pour survivre, mais c'est pour qu'il consomme donc participe, non plus comme producteur mais comme acheteur, à la création de plus-value). Par sa force de travail, dans ces strictes conditions salariales, le/la prolétaire crée la plus-value capitaliste (la valeur ajoutée) ou participe à sa réalisation financière (transformation du "capital-marchandise" en plus-value proprement dite : ce sont tou-te-s les agent-e-s de la commercialisation des produits).

    - Le peuple ou masses ou classes populaires (nous parlerons parfois aussi de "travailleurs") désigne les personnes tirant uniquement ou principalement leurs revenus de l'usage qu'elles font de leur force de travail. Ce ne sont pas forcément des salarié-e-s : ce peut être des paysan-ne-s, des artisan-e-s, toutes sortes de personnes "à leur compte". Pour les salarié-e-s, cela n'implique pas qu'ils/elles ne perçoivent que la stricte "dignité minimale d'existence" : le "peuple" inclut l'aristocratie du travail, les petits et moyens cadres etc., qui perçoivent (mais en proportion minime) de la valeur créée par le travail d'autrui, notamment (dans les pays impérialistes) par les travailleurs des pays dominés. On peut aussi dire que le peuple est la nation sans la classe dominante. Dans ce cas, on parle d'un Peuple en particulier et l'on met un P majuscule (Peuple occitan, Peuple breton etc.).

    - La bourgeoisie ou "Capital" ou "classe dominante" ou "possédants", ce sont les personnes qui vivent principalement de la force de travail d'autrui, qu'elles "possèdent" d'une manière ou d'une autre (en possédant des moyens de production et donc "louant" contre salaire la force de travail du salarié, ou encore en possédant une terre agricole exploitée par un fermier ou métayer qui paye sa "redevance" - féodalité mais cela existe encore beaucoup, ou autrefois - esclavage - en possédant directement, en plus des moyens de production, la personne du travailleur, mais cela a en principe quasiment disparu), ou dont elles perçoivent d'une manière ou d'une autre la richesse produite (ce qui constitue l'essentiel de leurs moyens d'existence). Cela implique évidemment un niveau de vie "correct" et n'inclut pas les personnes qui, privées d'emploi (armée de réserve du Capital) ou ne pouvant travailler (invalides, âgées), perçoivent une petite misère de la "solidarité publique" que les luttes des travailleurs ont péniblement conquise au 20e siècle. Cela implique, plus ou moins directement, une notion d'exploitation d'autrui. Dans les pays coloniaux ou semi-coloniaux, un grande partie de la bourgeoisie/classe dominante est vendue à la bourgeoisie impérialiste de la nation dominante, mais une partie conséquente peut rester en forte contradiction (c'est celle que le marxisme-léninisme appelle "bourgeoisie nationale", dont une partie progressiste/démocratique peut être l'alliée de la révolution jusqu'à un certain point). Dans les provinces périphériques des grands États contemporains, la bourgeoisie "nationale" (au sens d'autochtone) sera généralement totalement intégrée, économiquement et culturellement, à la classe dominante de l’État en question, une petite minorité restera "autonomiste" ou "régionaliste" et encore moins sera indépendantiste, sauf dans des cas particuliers (État espagnol où la bourgeoisie castillane n'est pas dominante économiquement, État britannique où la bourgeoisie anglaise n'est "plus ce qu'elle était" et où de surcroît les bourgeoisies continentales tendent la main aux bourgeoisies périphériques).

    - La nation est une réalité totalement objective et infrastructurelle. Elle se forme sur la base d'un grand "bassin" géographiquement défini (puis éventuellement politiquement "remodelé") de vie économique productive commune, avec une dose minimale d'économie marchande capitalisante (aube du capitalisme, qui unifie le marché dans une certaine mesure - Kayppakaya) – lorsqu'il n'y a pas de capitalisme embryonnaire, on parlera plutôt d'"ethnie", de "tribu", il n'existe plus que très peu de populations dans ce cas sur la planète (on parle toutefois de "Premières Nations" en Amérique du Nord). En Europe, les nations sont apparues au Moyen Âge dit "médian" ou "classique" (entre 1000 et 1300 de l'ère chrétienne) ; on peut en dire autant de la plupart des nations d'Asie et d'une partie de l'Afrique. Ailleurs, elles sont nées avec l'arrivée du capitalisme qui a souvent été celle des Européens. Une nation se caractérise par les critères posés en 1913 par Joseph Staline : communauté de territoire [encore qu'il puisse y avoir selon nous des nations avec éclatement territorial, comme les Yiddish d'Europe de l'Est avant la Shoah ou les Roms], de langue [encore qu'il puisse y avoir des nations avec deux voire trois langues, comme en Bretagne (brezhoneg/gallo/français), en Franche-Comté (arpitan jurassien/comtois d'oïl/français), en Écosse (scots/anglais/gaélique), en Irlande (anglais/gaélique) etc. etc.], de culture et de "formation psychique", donnant naissance à un "sentiment d'appartenance commune". La première chose qui pourrait distinguer "nation" de "peuple", c'est donc déjà ce caractère objectif et le fait que la nation en tant que telle ne "pense" pas, et encore moins met la pensée en action. La nation est mue par une classe donnée, qui pense et agit. Pendant fort longtemps (pratiquement du 11e au 19e siècle) cette classe fut la bourgeoisie, que l'on pouvait considérer alors comme partie et "tête" du peuple, si on limite les classes dominantes à l'aristocratie et au clergé (la bourgeoisie aura toutefois un rôle tout sauf négligeable dans les États modernes "absolutistes" entre le 13e et les 18e-19e siècles). Aujourd'hui, elles ont vocation à être mues par le prolétariat à la tête des masses populaires, du "peuple". Toutes les classes d'une société sont toujours en mouvement, mais c'est lui qui aujourd'hui et demain écrit et écrira l'histoire des nations apparues au Moyen Âge "classique", et déterminera ce qu'elles deviendront (car les nations ne sont pas "intemporelles" ni "éternelles", ainsi il y avait des sortes de "nations" dans l'Antiquité, où existait une sorte de "capitalisme à force de travail esclave", mais elles ont disparu dans les grands bouleversements qui ont secoué l'Europe, l'Asie et l'Afrique du Nord entre le 4e et le 10e siècle). De l'apparition des nations actuelles jusqu'au 19e siècle, toutes les classes étaient en mouvement mais l'histoire était écrite par les bourgeoisies. Même si c'étaient les nobles qui guerroyaient et les religieux qui encadraient les esprits,  ce sont notamment elles qui, par leurs victoires pour les unes (anglaise, française, castillane, piémontaise et lombarde, rhénane et brandebourgeoise) et par leurs défaites pour les autres (occitane ou bretonne, galloise ou irlandaise ou écossaise, corse ou sarde, catalane ou basque, andalouse ou "deux-sicilienne", bavaroise ou hanovrienne etc.), ont construit les États que nous connaissons actuellement. L’on peut dire que la bourgeoisie européenne a globalement construit (par l’activité économique et toute l’activité sociale qui en découle) les nations entre l’An 1000 et le 16e siècle, et les États (pratiquement aucun État européen ne correspondant exactement à une nation) entre le 13e et le 19e, jusqu’aux "petits derniers" de 1919 – résultant de l’effondrement des Empires austro-hongrois, russe et ottoman.


    quarto_stato-11-e1302878306702.jpg


    La question du peuple chez Marx est une question complexe, en dépit des thèses tranchées qu’on lui prête volontiers sur ce sujet. Au premier abord en effet, on a tendance à penser que Marx construit la catégorie politique de prolétariat précisément contre la notion classique de peuple, trop englobante et surtout trop homogénéisante, qui gomme les conflits de classe. En ce sens, la notion de peuple serait illusoire, voire dangereusement illusionnante lorsqu’elle est politiquement instrumentalisée.

    Pourtant, si Marx se défie bien de toute conception organique du peuple, il reprend le terme à plusieurs occasions et, en particulier, pour penser les luttes nationales de son temps, lorsqu’elles visent à conquérir l’indépendance contre des puissances colonisatrices. Il l’utilise également pour désigner les spécificités nationales, qui caractérisent les rapports de force sociaux et politiques toujours singuliers et que, selon lui, il faut toujours analyser dans un tel cadre national. Enfin, le terme de peuple désigne un certain type d’alliance de classes dans le cadre de conflits sociaux et politiques de grande ampleur.

    Lors de ces trois usages, le terme de « peuple » n’est jamais détaché par Marx de tout clivage social, bien au contraire. Il faut rappeler qu’il est, chez lui, directement hérité de la Révolution française et des œuvres politiques qui l’encadrent, de Rousseau jusqu’à Babeuf et Buonarroti : selon cette tradition, le terme de peuple désigne les groupes sociaux opposés à l’aristocratie, et il n’est pas le substantif indifférenciant que des usages postérieurs valoriseront.

    Je voudrais aborder ici successivement ces différents usages marxiens, en les confrontant à la question du prolétariat, que Marx élabore parallèlement. Au cours de cette élaboration, et surtout à partir de la fin des années 1850, Marx va s’intéresser de façon précise aux luttes d’émancipation et à la colonisation, en Inde et en Chine, s’engageant activement dans le soutien à l’Irlande et à la Pologne, tout particulièrement.

    I. Peuple et prolétariat, des concepts antagonistes ? 

    onheireannIl faut rappeler que l’apparition de la notion de prolétariat est ancienne. Dès l’origine, elle désigne non le peuple mais une fraction du peuple, fraction caractérisée par sa situation sociale. Cette situation peut-être définie de deux façons distinctes : soit comme dénuement et pauvreté ; soit comme situation d’exploitation et de domination, si l’on analyse un mode de production et donc une fonction sociale active, non pas seulement un statut économique subalterne. On peut dire, schématiquement, qu’avec Marx, le terme va transiter irréversiblement de son premier vers son second sens.

    Reprenons rapidement cette histoire : dans le droit romain, les prolétaires, du latin « proles », « lignée », constituent la dernière classe des citoyens, dépourvus de toute propriété et considérés comme utiles seulement par leur descendance. C’est à ce titre qu’ils sont exemptés d’impôts. Repris dans le moyen français, le terme connaît un fort regain d’intérêt au XIXe alors que se développe la critique sociale, politique et économique du monde industriel naissant.

    Dans ce contexte, le substantif "prolétariat" apparaît en 1832 pour désigner l’ensemble des travailleurs pauvres, dont la misère est perçue comme le résultat de l’égoïsme des classes dirigeantes. C’est la thèse défendue par celui qui est premier à l’utiliser, Antoine Vidal, dans le premier journal ouvrier de France, L’écho de la fabrique. Et c’est en référence directe à la révolte des canuts lyonnais de 1831 qu’il invente le terme en 1832. Pour Vidal, la « classe prolétaire » est à la fois la plus utile à la société et la plus méprisée. Il est frappant qu’il revendique aussitôt qu’elle soit « quelque chose », reprenant ainsi les mots et la thématique de Sieyès, dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat ? (1789), tout en redécoupant les frontières sociales d’une classe populaire qui ne coïncide plus avec les contours juridiques du tiers-état d’Ancien régime.

    Dans un second temps, le terme se trouve transposé en allemand en 1842 par l’économiste Lorenz von Stein qui étudie les courants socialistes, notamment français, tout en étant hostile au communisme. Puis il est repris par le Jeune Hégélien Moses Hess, alors proche d’Engels et de Marx, tous trois revendiquant leur adhésion au communisme. On le rencontre dès 1843 sous la plume de Marx, chez qui il acquiert un sens nouveau et une importance théorique centrale. Sa redéfinition marxienne s’élabore en trois étapes.

    1/ D’abord, le terme apparaît fin 1843, au terme de la critique engagée par le jeune Marx concernant la philosophie hégélienne du droit. Dans la préface qu’il rédige pour le manuscrit de Kreuznach, qui engage la critique de la conception hégélienne de l’Etat, il désigne le sujet social enfin identifié de l’émancipation générale de la société civile moderne. Le prolétariat, parce qu’il est cette classe qui "subit l’injustice tout court", ne peut viser qu’ "une reconquête totale de l’homme".

    2/ Dans l’Idéologie allemande (1845) puis dans le Manifeste du Parti communiste (1848), Marx et Engels affirment le rôle historique moteur des luttes de classe et ils définissent l’antagonisme moderne qui oppose le prolétariat et la bourgeoisie. Ils précisent ainsi une analyse d’abord engagée par Engels dans son étude de la Situation de la classe laborieuse en Angleterre. Le prolétariat se définit par sa place au sein d’un mode de production et des rapports sociaux qui lui correspondent. Il est à la fois la classe qui produit les richesses sans posséder de moyens de production, et celle qui est appelée, de ce fait même, à la transformation radicale du capitalisme.

    3/ Enfin, dans le Capital et dans le vaste ensemble des manuscrits préparatoires, la découverte de la survaleur et de son origine : la fraction de temps de travail non payé que s’approprie le capitaliste, permet à Marx de préciser cette notion et d’en exposer la dimension dialectique. Le prolétariat n’est pas avant tout pauvre, il est dépossédé de la richesse sociale qu’il crée. Par suite, son unité et son identité de classe se construisent en contradiction avec le caractère privé de l’appropriation bourgeoise et visent le communisme. Mais, d’un autre côté, le prolétariat subit aussi une concurrence vive entre ses membres, concurrence entretenue par la classe capitaliste et qui fait puissamment obstacle à sa prise de conscience unitaire et à son rôle révolutionnaire.

    Le prolétariat au sens marxien est une notion qui se veut socialement descriptive mais qui présente toujours en même temps une dimension politique et philosophique constitutive. Je voudrais insister principalement sur le premier moment de cette construction.

    En effet, dès l’Introduction de la contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, rédigée à partir de la fin 1843, Marx développe sa thèse concernant le rôle historique du prolétariat moderne, et plus particulièrement du prolétariat allemand. Or, loin de proposer de substituer le prolétariat au peuple, on y rencontre précisément la mise en relation dialectique des notions de prolétariat et de peuple. D’une part, Marx distingue deux histoires nationales et deux scénarios d’émancipation : « nous avons en effet partagé les restaurations des peuples modernes (die modernen Völker) sans partager leurs révolutions. Nous avons connu des restaurations, premièrement parce que d’autres peuples ont osé faire une révolution, et deuxièmement parce que d’autres peuples ont subi une contre-révolution ».

    Ici, les notions de peuple et de révolution (ou de contre-révolutions) se font immédiatement écho. Il existe des cultures politiques populaires, et ces cultures politiques conduisent à se déterminer pour ou contre la révolution, cette dernière ayant avant tout pour modèle la « grande » révolution anti-féodale française. En rapport avec cet horizon, qui lie peuple et révolution anti-féodale comme des entités politiques associées, indissociables même, Marx va utiliser la notion de prolétariat pour la relier à un nouveau type de révolution, plus avancée, qu’on peut qualifier d’anti-capitaliste ou de communiste, radicalisant la révolution précédente. Il en résulte, d’une part, que les luttes allemandes, aussi arriérées soient-elles, présentent pourtant une portée universelle, au même titre qu’en son temps la Révolution française.

    On retrouvera par la suite, bien plus développée, l’idée que les luttes émancipatrices d’un peuple importent au sort de tous les autres. De ce point de vue, la solidarité avec les peuples opprimés est bien plus que de la philanthropie. Pour le dire autrement, elle n’est pas seulement de nature morale, elle est d’ordre fondamentalement politique : « Et même pour les peuples modernes, cette lutte contre le contenu borné du statu quo allemand ne peut être sans intérêt, car le statu quo allemand est l’accomplissement avoué de l’ancien régime et l’ancien régime est le défaut caché de l’Etat moderne ».

    Ainsi, la notion de peuple conserve-t-elle sa validité, en dépit de ses limites, du fait du maintien de l’Ancien Régime, y compris au sein des nations qui ont réalisé leur révolution anti-féodale. En d’autres termes, cette révolution partielle et inachevée se fait matrice de révolutions plus radicales, de la même manière que les peuples se déterminent comme classes populaires elles-mêmes plus ou moins radicales, le prolétariat étant le nom de cette radicalisation populaire, à la fois sociale et politique.

    STA73515C’est en ce point, qu’on rencontre une définition du prolétariat très originale : à la fois fraction du peuple, elle représente le peuple tout entier et tendanciellement l’humanité même, du fait de la condition qu’elle subit en même temps que des exigences politiques et sociales elle est porteuse. Loin de proposer une sécession sociale, qui isolerait le prolétariat des autres composantes et en ferait une avant-garde sociale et politique, c’est bien comme représentant universel, représentant de fait de la souffrance, de l’exploitation et de la volonté d’émancipation, que le prolétariat se découpe et se singularise, en tant que classe offensive, apte à s’organiser politiquement.

    Mais il faut aussitôt préciser que c’est précisément en vertu de cette dimension universelle que la révolution à venir n’est pas, ne sera pas une simple révolution politique. « Où réside la possibilité positive de l’émancipation allemande ? » s’interroge Marx. Et il répond : « Dans la formation d’une classe aux chaînes radicales, d’une classe de la société civile qui ne soit pas une classe de la société civile, d’un état social qui soit la dissolution de tous les états sociaux, d’une sphère qui possède un caractère d’universalité par l’universalité de ses souffrances (…), qui ne puisse plus se targuer d’un titre historique mais seulement du titre humain (…), d’une sphère enfin qui ne puisse s’émanciper sans s’émanciper de toutes les autres sphères de la société et sans émanciper de ce fait les autres sphères de la société, qui soit, en un mot, la perte totale de l’homme et ne puisse donc se reconquérir sans une reconquête totale de l’homme. Cette dissolution de la société réalisée dans un état social particulier, c’est le prolétariat ».

    Marx ne changera jamais d’avis quant au caractère humain, c’est-à-dire universellement humanisant, de l’émancipation sociale. En revanche, après être entré dans ce qu’il nomme le « laboratoire de la production » c’est-à-dire après avoir engagé la critique de l’économie politique, il développera une conception plus complexe et moins optimiste du prolétariat comme classe offensive, faisant toujours davantage place aux contradictions qui le divisent d’avec lui-même. La concurrence ouvrière est à la fois inscrite dans les rapports de production capitalistes et systématiquement instrumentalisée par la bourgeoisie, en particulier par sa fraction industrielle. Mais il insistera également sur l’émergence, dans le cadre de la grande industrie naissante, du travailleur polyvalent, porteur d’une culture et de facultés humaines développées, loin de tout misérabilisme et de toute « victimisation ». Enfin, il fera place à la complexité du processus politique qui doit parvenir à l’abolition de l’appropriation privée des richesses socialement produites, au communisme donc.

    Quoi qu’il en soit, la conception du rapport entre prolétariat et peuple se révèle dès le départ contradictoire, ou plus exactement : éminemment dialectique, ce qui est bien différent. Car Marx, qu’il traite de politique ou d’économie, ne cesse d’être philosophe. Ici, la singularité est le lieu où émerge l’universel, non le lieu de formation d’une identité séparée et close sur elle-même. Il en ira de même des nationalités : découpage de l’humanité en entités politiques jamais complètement isolées, les nations sont dans certains cas et à certains moments porteuses d’une histoire émancipatrice qui les rend universelles.

    II. Peuples en luttes et libérations nationales 

    Ainsi, parallèlement à la spécification sociale et politique des classes dans le cadre du mode de production capitaliste, la notion de peuple reste pourtant utilisée par Marx pour penser des réalités nationales diverses, irréductibles, où se spécifient singulièrement les rapports de classes. Sur ce point encore, on attribue souvent à Marx une sous-estimation profonde de la question des nationalités et des différences nationales, en vue de penser un prolétariat d’emblée mondialisé, formé d’ouvriers qui « n’ont pas de patrie » comme le proclame le Manifeste du parti communiste en 1848, à la veille du « printemps des peuples » et alors que s’éveillent les consciences nationales. Là encore, l’analyse marxienne est bien plus complexe qu’on ne le dit habituellement.

    D’une part, Marx et Engels, reconnaissent, dès cette époque, cette dimension nationale, constitutive de la construction de mouvements ouvriers distincts, fonction d’un degré de développement économique et social donné, fonction également d’un niveau de culture politique déterminé : « bien qu’elle ne soit pas, quant au fond, une lutte nationale, la lutte du prolétariat contre la bourgeoisie en revêt cependant d’abord la forme. Le prolétariat de chaque pays doit, bien entendu, en finir avant tout avec sa propre bourgeoisie » .

    Ici, l’idée de nation tend à remplacer l’idée antérieure de peuple, défini par son antagonisme avec l’aristocratie. La nation est le cadre d’un rapport social qui met aux prises toutes les classes, qu’elles soient dominantes ou dominées. Mais l’analyse se situe également à un autre niveau : elle s’arrête sur la capacité d’uniformisation du marché mondial d’un côté, qui entre en contradiction, de l’autre côté, avec le maintien voire le renforcement des spécificités nationales. Ainsi, Marx et Engels continuent-ils pendant un temps de penser que c’est la révolution allemande, d’abord anti-féodale ou bourgeoise, qui « ne saurait être que le prélude d’une révolution prolétarienne ». Ce scénario sera profondément bouleversé par la suite, et à plusieurs reprises.

    Si la dimension nationale est bel et bien prise en considération, Marx et Engels affirment dans le même temps la force d’expansion mondiale du capitalisme, force estimée d’abord socialement homogénéisante, thèse que Marx corrigera par la suite. On peut supposer que dans un texte qui a vocation de manifeste politique, ils s’emploient d’abord à faire valoir une perspective qu’on qualifiera plus tard d’ « internationaliste », de même ampleur que le marché mondial en voie de formation, mais porteuse de perspectives tout autres. De fait, le texte qui prolonge l’affirmation célèbre « les ouvriers n’ont pas de patrie » ajoute: « comme le prolétariat doit en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’ériger en classe nationale, se constituer lui-même en nation, il est encore par là national, quoique nullement au sens où l’entend la bourgeoisie ». On peut ajouter bien évidemment : nullement au sens où les nationalismes chauvins l’entendront par la suite.

    puño con banderasMarx et Engels continuent : « déjà les démarcations nationales et les oppositions entre les peuples disparaissent de plus en plus avec le développement de la bourgeoisie, la liberté du commerce, le marché mondial, l’uniformité de la production industrielle et les conditions d’existence qui lui correspondent. Le prolétariat au pouvoir les fera disparaître plus encore ». Et quelques lignes plus loin on lit : « du jour où tombe l’opposition des classes à l’intérieur de la nation, tombe également l’hostilité des nations entre elles ». Internationales, mais seulement par anticipation, les luttes des prolétariats nationaux ont bien la nation pour cadre mais non pour but.

    Le prolétariat est-il encore ici, au moins pour un temps, la figure du peuple, ou plus exactement : sa reconfiguration sociale et politique ? Oui et non. Non, eu égard à l’argumentaire que je viens de préciser. Oui pourtant, dans le cadre de luttes nationales qui visent l’émancipation. En ce cas, un parallélisme apparaît entre la lutte du prolétariat, dans un cadre national quel qu’il soit, et la lutte de certains peuples, auxquels l’oppression subie confère un rôle historique majeur et, une fois encore, une portée universelle.

    Le mot de « peuple » voit alors coïncider ses deux sens, fondus en une nouvelle définition. Le peuple est à la fois une entité politique délimitée nationalement, mais il est aussi cette entité sociale qui lutte avec et contre d’autres, au plan international : disons que la portée descriptive ou analytique du terme retrouve de nouveau sa dimension politique, ouverte aux radicalisations que Marx appelle de ses vœux. Si le terme de « peuple » ne devient pas pour autant l’occasion d’une théorisation séparée, il ne disparaît pas du vocabulaire marxien parce que lui seul permet de comprendre les mouvements d’indépendance nationale en tant que luttes elles aussi porteuses d’universalité, et cela par-delà même leur composante prolétarienne. C’est bien entendu le cas lorsque des paysanneries luttent contre une puissance coloniale.

    Cette reprise ouvre à une réflexion nouvelle et tout à fait essentielle sur les perspectives de révolution communiste. Car, à partir de là, Marx va s’orienter vers des scénarios qui échappent à toute linéarité et ne font pas de la constitution d’un prolétariat national la condition sine qua non de l’émancipation. Autrement dit, il en vient à penser qu’il est possible d’accéder au communisme sans passer nécessairement par la voie capitaliste. Et la notion de peuple est finalement et de nouveau la plus utilisable pour penser ces processus différenciés.

    En effet, Marx va abandonner au cours des années 1850 la thèse de la portée civilisatrice de la colonisation, dont on trouve quelquefois trace dans ses textes antérieurs. A la lumière en particulier des situations indienne et chinoise, qu’il étudie alors, il juge que la pire barbarie se trouve en réalité du côté des colons britanniques. Parallèlement, il s’intéresse et prendre parti pour la Pologne et l’Irlande, en faveur des anti-esclavagistes américains, avant de se pencher sur la Russie.

    Le cas de l’Irlande est particulièrement intéressant, en ce qui concerne le rapport entre peuple, classe ouvrière et nation tel que Marx s’efforce de le concevoir, modifiant au cours du temps ses conceptions initiales. Je m’appuie ici sur le remarquable ouvrage de Kevin Anderson : Marx at the Margins. Dans ses articles et ses déclarations au sujet de l’Irlande, à cette époque, Marx s’emploie à combiner les questions de classe, d’identité ethnique et de réalités nationales, déjà abordées précédemment.

    En Irlande, le prolétariat se présente comme fraction du prolétariat britannique, fraction surexploitée et dominée. Dans le même temps, l’Irlande se présente comme colonie britannique, luttant pour son indépendance nationale. Face à cette situation complexe, d’une part, Marx et Engels conseillent aux révolutionnaires irlandais de donner toute son importance à la question des classes, et leur reprochent l’utilisation de la violence autant que la fixation religieuse identitaire.

    D’autre part, Marx en vient peu à peu à considérer que le mouvement irlandais est le point d’appui des luttes ouvrières anglaises, et non l’inverse. Dans une lettre à Engels du 10 décembre 1869, il écrit : « longtemps j’ai pensé qu’il était possible de renverser le régime actuel de l’Irlande grâce à la montée de la classe ouvrière anglaise (…) Or une analyse plus approfondie m’a convaincu du contraire. La classe ouvrière anglaise ne fera jamais rien tant qu’elle ne se sera pas défaite de l’Irlande. C’est en Irlande qu’il faut placer le levier. Voilà pourquoi la question irlandaise est si importante pour le mouvement social en général » .

    Présente également sur le sol anglais, la classe ouvrière irlandaise est l’occasion de dissensions internes au mouvement ouvrier, qui paralysent ce dernier et qui sont sciemment entretenues par le patronat anglais, sur le modèle du racisme et de l’esclavagisme nord-américain. Sur ce point, Marx accorde une conscience bien supérieure à la classe capitaliste, tandis que la classe ouvrière, qu’elle soit anglaise ou irlandaise, ne parvient pas à surmonter son antagonisme, la lutte de races, la xénophobie, l’emportant sur les luttes de classe, qui devraient logiquement fédérer prolétariat britannique et sous-prolétariat irlandais.

    Pour conclure sur la portée politique considérable de ces réflexions, deux remarques sur la question du peuple me semblent importantes.

    La première concerne le débat fameux qui opposera Marx à Bakounine au sein de la 1ère Internationale. On connaît l’accusation d’autoritarisme et d’étatisme adressée par Bakounine à Marx. On sait moins que cette opposition concerne aussi la situation en Irlande. Pure diversion, pour les bakouninistes, la cause irlandaise nuit selon eux à la cause révolutionnaire. Pour Marx, elle en est une composante, l’émancipation des peuples opprimés contribuant à l’émancipation ouvrière, et plus largement à l’émancipation humaine.

    La seconde concerne la spécificité de la société irlandaise : l’Irlande est avant tout une colonie agricole de l’Angleterre, qui incite les indépendantistes à faire de l’insurrection paysanne le point de départ de la révolution nationale. C’est contre l’oligarchie foncière anglaise que lutte avant tout le peuple irlandais, Marx donnant alors à la question de la propriété de la terre un rôle politique clé, comme point de départ d’une révolution sociale en Angleterre même.

    eta3.jpgCela pose à la fois le problème des alliances de classes, notamment celui de l’alliance de la classe ouvrière et de la paysannerie, bien loin de l’idée que le prolétariat serait à lui seul la classe destinée à conduire l’histoire et à conduire les révolutions. Par ailleurs, cette analyse s’inscrit dans la réflexion de plus en plus affinée de Marx sur des voies de développement non capitalistes. Dans ces cas, qui concernent bien des sociétés dans le monde, qu’il analyse plus ou moins précisément (Chine, Inde, Russie, Mexique, Pérou, Algérie, etc), la révolution communiste n’a pas pour préalable l’industrialisation capitaliste et la formation d’une classe ouvrière.

    Toute linéarité historique disparaît alors, et la succession obligée des modes de production cède la place à une attention portée à des formes de propriétés traditionnelles, communales. Pour Marx, ces formes persistantes pourraient bien fournir le point de départ concret d’une réorganisation économique et sociale égalitaire, faisant l’économie du passage de certains peuples par le capitalisme et par les souffrances qu’il entraîne.

    Conclusion 

    On le voit, la figure du prolétariat est complexe. Pour la saisir, il faut prendre en compte la spécificité de sa formation nationale et donc la mettre obligatoirement en relation avec l’idée de peuple. Mais, selon Marx, il faut aussi, à terme, viser une émancipation qui sache dépasser les barrières nationales et les antagonismes, sans unifier pour autant les voies politiques, ni les cultures au sein d’un scénario unitaire, pré-écrit, de dépassement du capitalisme. L’attention à la périphérie non-occidentale du capitalisme, dont les enjeux se révéleront pleinement dans le cadre des décolonisations du XXe siècle, se trouve déjà chez Marx lui-même, qui envisage que des sociétés puissent passer au communisme sans passer par le capitalisme, faisant ainsi l’économie de sa violence sociale et de sa barbarie coloniale.

    Au total, on peut conclure que le prolétariat n’est pas une catégorie sociologique stable, encore moins le nom d’un sujet de l’histoire unifié, mais une construction dynamique, toujours définie par son antagonisme avec certaines classes et ses alliances avec d’autres classes sociales. Cet antagonisme autant que ces alliances sont à concevoir avant tout comme des constructions politiques, selon une perspective stratégique qui fera parfois défaut au marxisme ultérieur mais sera reprise par certaines de ses composantes.

    Et c’est en raison même de cette plasticité de la notion, que la catégorie de peuple se maintient, en vue de penser le caractère toujours national d’une telle construction. Pour autant, le peuple n’est jamais lui non plus une entité substantifiée ou figée. C’est donc bien la dialectique prolétariat-peuple, soumise à l’examen précis de ce qu’elle est dans chaque situation historique, qui fait sens, c’est-à-dire qui ouvre (ou qui referme) des perspectives politiques d’émancipation qui, elles, visent bien, au bout du compte, l’humanité tout entière.


    [Valant le coup à lire aussi, un texte de l'organisation communiste basque EHK datant de l'an 2000 (avant la dérive pro-réformiste de cette organisation, bien connue des militants révolutionnaires locaux), qu'avaient publié en leur temps les camarades de Libération Irlande

    https://liberationirlande.wordpress.com/euskal-herria/ehk-le-marxisme-et-la-question-nationale/

    (le propos d'EHK est en italique, les citations de Marx en police normale)

    "Beaucoup d’anti-communistes interprètent de travers la phrase du Manifeste communiste “Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut pas leur enlever ce qu’ils ne possèdent pas” (Le Manifeste du Parti Communiste - il y a beaucoup d’éditions disponibles, nous avons employé celle des Œuvres Choisies des Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 127).

    [Ce que cela signifie en réalité c'est que] Sous le capitalisme les ouvrier-e-s n’ont pas de patrie ni pouvoir ni moyens de production ni rien ; ils sont la classe opprimée et pour se libérer ils doivent “en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’élever à la condition de classe nationale, se constituer en nation, s’élever à la condition de classe nationale”. Marx et Engels aspirent à des sociétés où la Nation ne s’identifie pas avec les castes gouvernantes ou avec des oligarchies puissantes, mais avec la classe travailleuse. Marx répète à nouveau cette idée centrale dans une autre des ses œuvres : “Le développement du prolétariat industriel dépend en règle générale du développement de la bourgeoisie industrielle. C’est seulement sous la domination de celle-ci qu’il accède à cette existence d’ampleur nationale qui lui permet d’ÉLEVER SA RÉVOLUTION À UNE HAUTEUR NATIONALE”  (Les luttes de classes en France de 1840 à 1850, éd. du Progrès, Moscou, 1979, p. 38).

    En abolissant le capitalisme exploiteur on abolit l’oppression nationale : “Dans la même mesure qu'est abolie l’exploitation d’un individu par un autre, sera abolie l’exploitation d’une nation par une autre. En même temps que l’antagonisme des classes à l’intérieur des nations, disparaîtra l’hostilité des nations entre elles”."

    Eh oui ! Les pseudo-gauchistes et vrais universalistes abstraits ne citent systématiquement de Marx que la première affirmation qui les arrange ; celle qui leur permet, en niant les réalités nationales des travailleurs, de nier le Peuple travailleur lui-même pour lui substituer leur magistère petit-bourgeois. La citation complète est en réalité : "Les ouvriers n'ont pas de patrie. On ne peut leur ôter ce qu'ils n'ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit d'abord conquérir le pouvoir politique, s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national ; mais ce n'est pas au sens bourgeois du mot." – exactement ce que nous venons de dire ci-dessus...

    Lire aussi : La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes, par G. Maj du (n)PCI]


    votre commentaire

  • breizh gwenhadu komunourComme il fallait s'y attendre (bien que nous ayons apparemment été les seuls), cela n'a pas loupé. Il n'aura pas fallu beaucoup plus que quelques gwenn ha du (le fameux drapeau national) hissés bien haut, quelques slogans dans cet horrible baragouin (bara ha gwin = pain et vin) de brezhoneg et des bonnets rouges évoquant une révolte de 1675 contre le centralisme franchimand du bon Roi Soleil pour voir (re)surgir tous les stéréotypes, toutes les caricatures et les insultes contre le Peuple (ouvriers, employés, petits paysans, indépendants ou micro-employeurs) de Bretagne. Le Breton de 1913, de la 3e République du "petit père" Combes et du "tigre" Clemenceau, était un cul-terreux bigot défilant en procession, cierge et crucifix en main, derrière son curé et son châtelain. Le Breton de 2013 est un "esclave" défilant bonnet rouge sur la tête et gwenn ha du au vent (porté par un cochon) sous les vociférations de son patron-du-Medef-anti-écotaxe. Dans les deux cas, un abruti incapable de la moindre conscience autonome de ses intérêts de classe.

    Et puis bien sûr, pour les un-peu-plus "culturés", il faut bien que le sempiternel argument sorte : les "identitaires régionalistes" qui manifestent à Quimper sous les gwenn ha du sont les z'héritiers des z'horribles nationaliiiistes du PNBééé, qui pendant la Seconde Guerre mondiale combattirent la Sainte République et le Saint Progrès sous l'uniforme hitlérien.

    L'histoire de la Bretagne, nous l'avons plusieurs fois abordée dans nos études sur la construction de la Prison des Peuples "France" : celle d'une PROVINCE ; ce qui à l'époque (avant Villers-Cotterêts) où le latin était la langue officielle voulait dire ce que cela voulait dire : provincia, de pro (précédemment) vincere (vaincre), "pays précédemment vaincu", pays conquis ; bref, une Périphérie. Sous l'Ancien Régime, elle bénéficiait de cette autonomie que d'aucuns réclament aujourd'hui, avec sa propre assemblée représentant les classes possédantes (les États, siégeant dans différentes villes car non-permanents) et sa propre Cour suprême de justice (le Parlement, à Rennes), ce qui ne l'empêchait pas d'être déjà écrasée de misère et d'arbitraire[1], ses miséreux et prostituées des ports étant notamment raflés en masse pour être expédiés en "Nouvelle-France" (Canada) ou aux Caraïbes ; c'est ainsi qu'éclatera en 1675 la fameuse révolte des Bonnets rouges à laquelle il est fait référence aujourd'hui, contre une énième taxe tombant dans un contexte de grandes difficultés économiques.

    En 1789-90, le nouvel État de la bourgeoisie seule la transformera en cinq départements, les députés bretons à la Constituante prévoyant une consultation des États provinciaux... qui ne seront jamais réunis, puisque abolis comme "privilèges locaux". La 1ère République jacobine (1793-94) "ratera" l'alliance ouvrière-paysanne ou plutôt, pour être exact, telle ne fut jamais son intention puisque la "manip" consistait justement, pour la bourgeoisie "centrale" francilienne, à reprendre la main en s'appuyant sur une démagogie "sociale" en direction du petit peuple de Paris (rien n'a bien changé avec les jacobins actuels, Mélenchon en tête...) puis à en éliminer les promoteurs une fois la tâche accomplie (Thermidor)[2].

    Campagnes parmi les plus pauvres d'Hexagone (terres de bocage aux sols acides), les provinces de Bretagne (surtout la Haute-Bretagne, la Bretagne gallo), du Maine et du Bas-Poitou (Vendée), déjà échaudées par la politique anti-catholique sectaire de la Convention (l'Église jouait alors un rôle considérable d'"amortisseur social" et de "confidente" des misères du petit peuple paysan - une bonne réflexion sur ce catholicisme populaire armoricain se trouve dans l'ouvrage d’Émile Masson au chapitre IV "Foi") et soumises à l'arrogance des nouveaux riches "racheteurs" de biens seigneuriaux, se soulèveront contre la conscription en masse de 300.000 jeunes hommes à l'approche de la belle saison et des travaux des champs, tandis qu'une crise alimentaire guettait. Ce soulèvement, sans autre idéologie que le refus du rouleau compresseur de l'État vendee-massacre-sechercapitaliste triomphant sur la société traditionnelle (mouvement d'arrière-garde donc), mit à sa tête des nobles royalistes et autonomistes ou des religieux réfractaires à la Constitution civile du clergé (les uns comme les autres ayant peu émigré, forcément, vu la distance des frontières) mais aussi - apparemment - des membres des loges maçonniques locales qui furent, dit-on, de véritables "viviers de Chouans" : des BOURGEOIS donc, ou en tout cas des aristocrates et des religieux "modernes", pas des gens vivant au milieu des vieilles armures, des hallebardes et des toiles d'araignées... N'oublions pas que les "élites" locales, si elles pouvaient être libérales voire républicaines, étaient également (très généralement) fédéralistes, fortement anti-centralistes : ainsi le marquis de La Rouërie, monarchiste libéral et franc-maçon, héros de la guerre d'indépendance américaine et fervent partisan de 1789, fondera deux ans plus tard (1791) l'Association bretonne pour défendre l'autonomie de la "province" liquidée par la départementalisation - cette association est considérée par les historiens comme une matrice de la Chouannerie. Sa vision de la nouvelle France constitutionnelle et "éclairée" était plutôt celle d'une fédération des anciennes provinces avec leurs "États" (institutions propres), à la manière de ces États d'Amérique qu'il venait d'aider à se séparer de la Couronne britannique...  

    Et par ailleurs (au demeurant), lorsque ces Chouans et autres Vendéens défendaient bec et ongles "leurs" nobles locaux et "leur" Église (une Église indépendante, "non-jureuse"), était-ce vraiment par "obscurantisme" et par amour de la taille, du cens et de la dîme... ou n'était-ce pas plutôt par attachement à ce qui était vu comme des contre-pouvoirs face à un État central qui (les institutions provinciales dissoutes) semblait s'annoncer tout-puissant (et allait effectivement le devenir avec Bonaparte quelques années plus tard) ? C'est bien la deuxième réponse qui s'impose à tout raisonnement sensé : la quête (faute d'établir soi-même un Pouvoir du Peuple) de contre-pouvoirs face au Capital triomphant ; le même genre de contre-pouvoirs que les sans-culottes parisiens voyaient (sans doute) dans leurs "sections" et dans la (première) Commune de Paris... CQFD.

    [Au sujet de toute cette "problématique bretonne" durant la "révolution" bourgeoise "française", un bon résumé ici http://breizhcb.free.fr/fr.htm#B12a ou encore ici http://ablogjeanfloch.over-blog.com/article-29966859.html ; lire aussi ici au sujet de l'analyse "socio-économique" du phénomène chouano-vendéen : "Dès les années 1920, Albert Mathiez considère que les causes de l'insurrection vendéenne, au printemps 1793, sont à chercher dans les conditions économiques et sociales de l'époque. Au début des années 1950, Marcel Faucheux montre que les causes profondes de l’insurrection sont à chercher bien au-delà de la constitution civile du clergé, de l'exécution de Louis XVI ou de la levée en masse, et qu'elles doivent être reliées à ce qu’il nomme le « paupérisme vendéen ». La Révolution n'a pas su satisfaire les espérances engendrées par la convocation des États généraux en 1789 : les métayers, majoritaires en Vendée, ne bénéficient pas de l’abolition des droits féodaux, qui sont rachetables (jusqu'en 1793), les biens nationaux profitent essentiellement aux bourgeois et aux marchands. À partir de là, le bouleversement des structures sociales traditionnelles, la réforme autoritaire du clergé et la levée en masse constituent tout au plus l’étincelle qui a provoqué l'explosion d'un mécontentement plus ancien. Se fondant sur l'analyse détaillée de la Sarthe, Paul Bois approfondit la question, en mettant en valeur la haine qui oppose alors le paysan au bourgeois et montre l’existence d’un profond clivage social entre urbains et ruraux, très antérieur à la Révolution, qui constitue l'une des causes majeures du soulèvement." (...) "Ces travaux ont été largement confirmés par les travaux du sociologue américain Charles Tilly, pour qui la croissance des villes françaises du XVIIIe siècle, l'agressivité économique de celles-ci et leur tendance à accaparer le pouvoir politique local ont suscité des résistances et des haines paysannes, dont l'insurrection vendéenne n'est qu'un exemple exacerbé." (...) "De son côté, Albert Soboul décrit des masses paysannes dans la gêne, prédisposées « à se dresser contre les bourgeois, très souvent fermiers généraux en ce pays de métayage, négociants en grains et acquéreurs de biens nationaux », (...) enfin l'assimilation, par les paysans, du tirage au sort pour la levée des 300 000 hommes à la milice, institution de l'Ancien Régime particulièrement honnie. S'il considère que « le caractère simultané du soulèvement autorise à penser qu'il fut concerté », il explique que les paysans « n'étaient ni royalistes, ni partisans de l'Ancien Régime » et que les nobles furent d'abord surpris par le soulèvement, avant de l'exploiter à leurs fins." (...) "Plus récemment, Jean-Clément Martin a indiqué que, si les paysans sont passés à la contre-révolution, selon les provinces, pour des raisons très diverses, y compris entre les différentes zones de la Vendée, les mots d'ordre religieux et de la défense communautaire leur sont communs. Ces mots d'ordre sont dus au maintien du poids des impôts et des fermages, à l'aggravation du sort des métayers, à l'incapacité des petites élites rurales à acheter des biens nationaux, accaparés par les élites urbaines, à la perte de l'autonomie des petites communes rurales face aux bourgs, où sont installés les pouvoirs politique (le district) et économique, aux atteintes de la Constitution civile du clergé aux libertés des communautés, qui défendent leur prêtre et leurs cérémonies religieuses. Les tensions montent jusqu'en mars 1793, sans trouver d'exutoire, quand la levée en masse fournit l'occasion aux communautés de s'unir contre les agents de l'État, dans un mouvement qui renvoie aux jacqueries traditionnelles, et de former des bandes à la tête desquelles les élites locales sont placées, de plus ou moins bon gré." (...) "Albert Mathiez, un jacobins partisan plus que quiconque de « l’unité française », mais qui fut un grand et véridique historien, a montré les vrais caractères de la Chouannerie en Bretagne et en Vendée : si les paysans se soulevèrent, ce fut beaucoup moins pour défendre les prêtres et le roi, que pour lutter contre les bourgeois et les robins qui s’emparaient des biens nationaux." (Daniel Renoult dans l'Humanité, 1932)]

    [Ou encore : "La bourgeoisie qui, dans l'ensemble français, est parvenue à faire la jonction avec les paysans contre la féodalité, échoue en Bretagne : elle se heurte à la jonction révolte paysanne/contre-révolution aristocratique. (...) La résistance contre-révolutionnaire des Chouans (l'échec de la bourgeoisie à séparer les paysans de l'aristocratie) ne résulte-t-elle pas de la volonté même des fractions dirigeantes de la bourgeoisie (avant Thermidor et surtout après) de ne pas soutenir une révolution paysanne radicale dont les germes existaient ? Dans ce cas, n'est-il pas unilatéral de qualifier la Chouannerie de contre-révolutionnaire ? L'analogie avec les Tchèques et les Croates n'attendant rien de la révolution bourgeoise (autrichienne) timorée de 1848 ne s'impose-t-elle pas ?

    Enfin, soit, on ne refera pas la Révolution française. On ne peut que constater la carence de l'embryon de prolétariat, carence qui découlait de l'immaturité objective des rapports capitalistes de l'époque. Ce prolétariat, malgré son courage, a été écrasé par la bourgeoisie et n'a pas réussi à faire le pont avec les paysans pauvres de Bretagne." - Samir Amin, "Le développement inégal et la question nationale", 1979.]

    C'est donc là que s'illustreront - dans l'horreur - les tristement célèbres Westermann, Turreau et ses "colonnes infernales", Kléber qui sèmera la mort notamment à Clisson ou encore Carrier (un Oncle Tom occitan, auvergnat) le noyeur de Nantes ; tous sous la supervision du responsable des affaires militaires au Comité de Salut Public, Lazare Carnot : le premier sera guillotiné avec les dantonistes en avril 1794, mais le second (de même que Carnot) poursuivra une brillante carrière sous le Directoire, l'Empire et même la Restauration jusqu'à sa mort en 1816 ; le troisième sera "repêché" par Bonaparte et le suivra en Égypte où il tombera en 1800 sous les coups d'un moudjahid  ; tandis que le dernier votera la mort de Robespierre le 27 juillet (9 thermidor) 1794 mais sera rattrapé par son "dossier" (et d'autres massacreurs tels Fouché, futur "premier flic" de Napoléon, soucieux de se "blanchir" ainsi) et exécuté en décembre de la même année. Au total (Bretagne, Bas-Poitou, Anjou, Maine), les estimations vont de 100/150.000 à 380.000 (général Hoche en 1796) personnes tuées, principalement en "Vendée militaire" (ne comptant de Bretagne que la Loire-Atlantique) mais beaucoup aussi en "Chouannerie" (Nord de l'Anjou, Mayenne et Haute-Bretagne), dont 20 à 25% de républicains victimes des insurgés et le reste (donc) victime de la répression.

    170px-Carrefour_des_chats.jpgLe macabre décompte, on s'en doute, a été dès l'époque et reste encore aujourd'hui ultra-politisé, puisque pour toute une droite (pas forcément extrême et pas forcément, aujourd'hui et depuis un gros siècle, monarchiste) il s'agit là d'un "génocide" perpétré par la "République maçonnique" et son "fanatisme égalitaire", preuve de "l'essence criminelle (ou "satanique") de la gauche" (et/ou "de la République") et préfigurant les "totalitarismes du 20e siècle", "de Staline à Mao en passant par Hitler". Un point de vue bien entendu complètement ridicule puisque nous venons de voir (juste ci-dessus) l'appartenance à la franc-maçonnerie, la participation à la Révolution américaine et l'enthousiasme pour 1789 de bon nombre d'initiateurs du mouvement chouan comme La Rouërie (des "hommes de gauche" pour l'époque, donc) ; ceci sans même parler de la responsabilité (consciencieusement oblitérée du discours on s'en doute...) de la droite dure de l'époque, l’Émigration de Coblence, dans le "génocide" de ces "gueux" et de ces petits bourgeois (et même de ces nobliaux périphériques armoricains) dont elle avait fait sa chair à canon et pour lesquels elle n'avait pas "subitement" plus de considération qu'avant 1789... Le clivage principal n'était pas là, mais entre une bourgeoisie parisienne (et affiliée) centralisatrice et des élites locales autonomistes. Et puis ce n'est pas vraiment non plus comme si des crimes de masse tout à fait comparables n'avaient pas été le lot de la "pacification" de la Corse sous Louis XV et Louis XVI (gouvernorat de Marbeuf, 1768-86), du "Midi" occitan et en particulier des Cévennes ou encore de la Bretagne (révolte de 1675) sous Louis XIV, de la Franche-Comté  (population réduite de  plus de 60% !) ou encore des terres occitanes de "croquandage" et des places-fortes protestantes du "Midi" sous Louis XIII et Richelieu ; ceci sans remonter (par pure charité) aux conquêtes du Moyen Âge : si l'objectif est d'opposer une (bonne) France d'Ancien Régime "éternelle et chrétienne" ("fille aînée de l’Église") au "premier des totalitarismes gauchistes, produit automatique de l'idéologie égalitaire", c'est pour le moins raté... Le centralisme français oppresseur et assassin qui "commencerait" avec l'"apostasie nationale" de 1789, voilà sans doute la meilleure blague entendue au cours des deux derniers siècles !

    Ces exactions ulcéreront jusqu'à Robespierre lui-même, dont l'apogée du pouvoir (avril-juillet 1794) verra d'ailleurs une accalmie et le rappel à Paris des principaux massacreurs de "province" (les Carrier, Fouché, Collot, Barras, FréronDumont et autres Tallien, qui deviendront les principaux artisans de Thermidor - lire notamment ici : Loi de prairial et préparatifs du 9 thermidor - et souvent les "réacteurs" anti-jacobins suprêmes par la suite) ; tandis que le "premier communiste" Gracchus Babeuf se fendra (après Thermidor) d'un brûlot pour dénoncer le "système de dépopulation" (ou "populicide") dans les "départements de l'Ouest" (ce pamphlet aurait été, cependant, notoirement encouragé par Fouché pour "charger" Carrier)... En réalité, la Bretagne et les régions avoisinantes auront expérimenté très précocement ce que peut être l'aspect antipopulaire d'une révolution bourgeoise. Seuls des matérialistes conséquents peuvent saisir toute l'ambivalence dialectique de ce phénomène, "réactionnaire" puisque s'opposant à une "révolution" bourgeoise, aux "Lumières" et au "progrès" (quoique, comme on l'a vu...), mais AUSSI résistance POPULAIRE et nationale face à la bourgeoisie triomphante, à son mépris du Peuple et à son suprématisme centraliste parisien ; un phénomène finalement très comparable au carlisme basque ou au jacobitisme écossais et irlandais.

    [Lire : http://partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-changes-en-esclaves-salaries-pour-lindustrie-par-yasha-levine]

    La Bretagne deviendra ensuite, au 19e siècle (l'économie locale étant vouée à être misérable), un grand réservoir de force de travail pour Paris et autres grands centres (on estime ainsi qu'un demi-million de Breton-ne-s émigreront rien qu'entre 1871 et 1911) dont leur propre capitale historique, la très francisée Nantes où ils ne sont pas franchement bien accueillis ; de chair à canon pour les guerres... et aussi de sabreurs contre le mouvement ouvrier naissant ; le paysan breton, misérable mais gardant (on l'a vu) un très noir souvenir de la "révolution", fermement encadré par son curé catholique et son châtelain royaliste, étant réputé "blanc", farouchement conservateur, encore que ce soit à relativiser - ainsi trois départements sur cinq (Finistère, Ille-et-Vilaine et Côtes d'Armor) donnent-ils déjà des scores honnêtes (entre 20 et 40%) aux listes démocrates-socialistes lors des élections législatives de 1849 (époque à laquelle, par ailleurs, le malouin Lamennais commence à réconcilier la pensée catholique avec les idées de liberté et même d'un certain démocratisme radical voire socialisant...).

    [Samir Amin : "Les restaurations qui suivent 1793 opèrent un compromis : elles laissent l'hégémonie en Bretagne au bloc rural (aristocratie et paysans), à condition que celui-ci accepte à l'échelle française l'hégémonie de la haute bourgeoisie (parisienne, s'entend). Pendant un siècle fonctionne de la sorte une alliance de classes particulière. À l'échelon breton, le bloc rural (les Blancs) domine, isolant le bloc urbain constitué des Bleus (la bourgeoisie locale) et des Rouges (la petite bourgeoisie locale). L'hégémonie de la bourgeoisie industrielle à l'échelle française aide et contraint en même temps la propriété rurale aristocratique à se moderniser (produire pour le marché, s'équiper, etc.). Celle-ci le fait sans perdre le leadership rural qui fonctionne au plan idéologique grâce au Concordat, par des formules paternalistes (démocratie chrétienne etc.)."]

    "Esclave", "identitaire", "Chouan", cul-terreux arriéré de service : pour paraphraser Césaire, "n'allez pas le répéter, mais LE BRETON VOUS EMMERDE"

    Les émigrés, devenus prolétaires à Paris, transmettent aux pays natal les idées nouvelles socialistes et dans les ports de commerce, militaires (Brest) ou de pêche (avec la petite industrie liée - conserverie etc. - comme à Douarnenez), ou encore sur les chantiers navals (Saint-Nazaire) naissent des bastions "rouges" socialistes et (après 1920) communistes. Il règne cependant, dans ces bastions, un certain républicanisme francouille et un rejet de la langue et de la culture bretonne : dans sa construction de l'hégémonie intellectuelle et de la société civile socles de son pouvoir, l'État français a réussi le tour de force de faire de l'ouvrier breton un "privilégié" vis-à-vis de la grande masse de son Peuple restée paysanne (à mettre en relation avec l'accueil des migrants ruraux bas-bretons à Nantes, cf. lien plus haut). Comme le racontait il y a quelques années le chanteur brestois Miossec, pourtant pas vieux (né en 1964), "à Brest on ne parlait pas breton, c'était une ville ouvrière, rouge ; le breton c'était la langue des paysans de l'intérieur, cathos et réacs". De manière générale (hexagonale), ce jacobinisme ouvrier qui a tant infesté et infeste encore tant le mouvement socialiste, communiste comme anarchiste n'est en définitive rien d'autre que le résultat d'une formidable manœuvre de division du Peuple par le Pouvoir bourgeois ; division entre ouvriers et paysans, entre masses populaires urbaines et masses populaires rurales (qui étaient encore, rappelons-le, majoritaires en "France" à la veille de la Seconde Guerre mondiale) dans la droite ligne du sans-culottisme anti-rural de la "révolution" bourgeoise, dont le sieur Mélenchon ou la pathétique manif' du 2 novembre à Carhaix sont aujourd'hui les ultimes avatars... 

    Pourtant, à la fin du 19e siècle va (enfin) surgir ce qui nous intéressera dans les paragraphes suivants : le mouvement politique appelé Emsav, "relèvement" ; autrement dit la réaffirmation d'être un PEUPLE face à l'État qui en est la prison, le centre de son oppression et de son exploitation. Si ce mouvement ne sera jamais réductible à une catégorie politique étroite et définitive, nous allons voir que son cheminement vers le majoritairement progressiste, disons-le en toute honnêteté, sera pour le moins tortueux (on pourrait cependant en dire autant du mouvement national basque, par exemple).

    Le premier Emsav breton de la "Belle époque" (années 1890-1914) était extrêmement composite, avec des tendances socialistes et libertaires (Émile Masson et son Antée - Les Bretons et le Socialisme, Louis Napoléon Le Roux qui sera proche des républicains irlandais et contribuera en 1921 à La Bretagne libertaire avec Camille Le Mercier d'Erm) ou républicaines laïques et rad'-soc' (Anatole Le Braz, qui rejoindra plus tard les "Bleus de Bretagne") aussi bien que catholiques, traditionalistes et conservatrices. Ceci dit, le "côté chouan" de ce mouvement (alors représenté principalement par l'Union régionaliste, URB) a sans doute été largement exagéré par les radicaux "jacobins" de Paris, surtout que parmi la foule de ses revendications et de ses conceptions il y en avait une qui tendait à faire "dénominateur commun" : celle d'un développement économique autocentré de la Bretagne associé à une certaine idée d'"interceltisme" économique, autrement dit de liens économiques avec les Îles Britanniques : exportations agricoles vers celles-ci et importation de charbon gallois pour développer la sidérurgie en Bretagne, par exemple. Or, est-il utile de rappeler combien la Grande-Bretagne était à l'époque une grande rivale impérialiste planétaire de la "France" ? Bien plus tard, dans les années 1960, chahuté par des autonomistes lors d'une visite dans sa provincia d'outre-Couesnon, De Gaulle tiendra exactement le même discours : "à coup sûr, il y a les Anglais derrière tout cela"... CQFD. Depuis les entre-déchirements bourgeois de la Terreur, le "complot de l'étranger" est un thème récurrent de l'idéologie française.

    [Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/document-historique-la-bretagne-libertaire-ou-quand-le-premier-emsav-b-a125671036]

    Classiquement considérée comme la délimitation entre le 1er et le 2e Emsav, la Grande Boucherie de 14-18 jouera évidemment un rôle radical dans la prise de conscience progressiste en Bretagne : une saignée effroyable, autour de 150.000 morts soit 22% des mobilisés, peut-être plus du tiers (certains parlent de la moitié !) des jeunes hommes entre 18 et 35 ans... Or les rares oppositions à l'"Union sacrée" des bouchers se recruteront à cette époque plutôt à gauche de l'échiquier politique, du social-libéral Caillaux au mouvement anarchiste et syndicaliste-révolutionnaire, en passant par le socialiste Jaurès, les zimmerwaldiens etc. La droite "régionaliste" entamera son chemin vers le discrédit en se jetant dans la curée patriotarde. Ceci dit, un certain pacifisme même "de gauche" pourra aussi conduire, à l'approche de la guerre suivante, au rejet de l'antifascisme et finalement à la collaboration…

    Force centrale et "matrice" du 2e Emsav, le Parti nationaliste breton (PNB) fondé en 1911[3] aura exactement la même multiplicité de courants de pensée. C'est que l'histoire tragique de la Bretagne au sein de l’État-prédateur français n'était absolument pas analysée, donc encore moins comprise. Le mouvement se voulait "Bretagne d'abord" (le fameux slogan "Breiz atao", qui deviendra en 1919 le nom du journal et du groupe militant constitué autour), apolitique et interclassiste ; si bien que chacun pouvait voir le "pic" de l'oppression anti-bretonne à l'époque qui l'arrangeait. Certains se souvenaient que sous l'Ancien Régime, la condition de la paysannerie et du petit peuple n'était guère rose tandis que les aristocrates bretons se pavanaient à la Cour. Mais pour d'autres, châtelains, ecclésiastiques, bourgeois ou personnes sous leur influence, c'étaient clairement les exactions républicaines de 1793-94 ou encore les attaques du "petit père Combes" (l'un de ces nombreux occitans vendus à la "république" bourgeoise monopoliste et patriotarde) contre le catéchisme en breton, au début du nouveau siècle, qui marquaient le sommet de la violence centraliste parisienne... Pour autant, des personnes très clairement à la gauche de la gauche étaient favorables à une "dé-périphérisation" politique et économique de la Bretagne et à la défense de la langue et de la culture populaire : on y comptait rien de moins que Marcel Cachin, natif du Goëlo (Paimpol, Côtes d'Armor), député socialiste puis communiste et directeur de L'Humanité de 1918 à sa mort (1958), ou encore l’instituteur Yann Sohier qui créera la revue Ar Falz ("la Faucille")... Et c'est au chant de L'Internationale que se clôture en 1928 à Châteaulin le premier congrès du Parti autonomiste (PAB, nom du "parti de l'Emsav" entre 1927 et 1931), qui s'affirme alors clairement sur une ligne de gauche et a le soutien du PC de Cachin. La scission de 1931 entre fédéralistes progressistes et nationalistes philo-fascistes (cf. ci-dessous) verra même l'apparition d'un éphémère "Parti national révolutionnaire" (PNRB) de tendance "bolchévique" - l'essentiel, en fait, de la section Trégor-Goélo (terre "rougeoyante" de longue date, terre de Cachin) du PAB.

    Il faut lire, pour se représenter ce que pouvait être à l'époque la ligne d'un Parti authentiquement révolutionnaire, ce qui pouvait être écrit à ce sujet et d'autres dans les colonnes de l'Humanité : quand-le-parti-communiste-soutenait-infailliblement-les-luttes-d-affir-a184029152 !! "Alors les Bretons, qui ont donné 240 000 vies humaines pour la « guerre du droit » – 1 mort pour 14 habitants, contre 1 mort pour 28 dans l’ensemble de la France – en même temps qu’ils luttent contre leurs ennemis de classe, se disent que les grands chefs de ceux-ci sont à Paris, représentés dans les villes de Bretagne par les préfets et sous-préfets corses ou auvergnats que le pouvoir central dépêche là-bas. Ils se disent que s’ils pouvaient, eux, Bretons, s’occuper efficacement des affaires de la Bretagne, cela vaudrait mieux. Et les revendications nationales se mêlent naturellement à celles de la lutte de classe. C’est ce mouvement que le gouvernement de gauche s’efforce d’écraser par la terreur et d’odieuses machinations policières. Contre cette terreur – sur laquelle nous allons donner des précisions – le prolétariat révolutionnaire de toute la France se dressera pour défendre les travailleurs bretons." - Daniel Renoult, L'Humanité, 24 août 1932.

    bretagne.jpgGlobalement, si l'on analyse les choses en termes de tendance, c'est donc plutôt une évolution vers la gauche qui caractérise la grosse décennie suivant la Première Guerre mondiale ; tandis que de son côté, le PCF s'efforce d'appliquer scrupuleusement les principes kominterniens de 1919 sur le droit à l'autodétermination. Mais dans les années 1930 le mouvement Breiz Atao va précisément éclater sur la question du rapport à l'Allemagne nazie, qui se présentait alors (rappelons-le) comme "socialiste" (un "socialisme national") et que bon nombre commençaient à voir comme une "championne des nationalités d'Europe" face à des États négateurs dépeints comme "judéo-maçonniques" (qu'elle contribue à partir de 1936, dans la Péninsule ibérique, à écraser un formidable mouvement d'affirmation des nationalités réelles sur une ligne progressiste, avant de mettre tous les Peuples européens dans les chaînes du même esclavage ; et qu'elle représentât par ailleurs en Allemagne même le régime le plus centralisateur que celle-ci ait jamais connu ne changera hélas rien - chez beaucoup - à cet absurde raisonnement). Les éléments antifascistes et progressistes s'en éloignent (pour demeurer sur une ligne fédéraliste-autonomiste, anti-séparatiste) et ne resteront sous l'étiquette (refondant le PNB, Parti national breton, en 1931) que ceux qui - à des degrés divers - iront jusqu'aux tréfonds de la logique "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" (pour ne strictement rien y gagner d'ailleurs, puisque du moment où Vichy se jettera dans la collaboration, le Reich marginalisera les nationalistes et tout juste seront accordées quelques "concessions" linguistico-culturelles et un vague projet de régionalisation du pays, d'ailleurs à l'origine de la fameuse amputation de la Loire-Atlantique). Il faut dire, et il faudrait être fou pour imaginer le contraire, qu'un siècle entier de propagande "blanche" réactionnaire et anti-républicaine en Bretagne n'avait pas pu ne pas durablement contaminer les esprits. La "révolution" de 1789 (restructuration radicale de l'État français, parachèvement de son œuvre centralisatrice) et la "république" bourgeoise, définitivement au pouvoir depuis 1870, étaient souvent vues comme l’œuvre de francs-maçons méditerranéens et de Juifs, conception des futurs pires kollabos tels Olier Mordrel, Célestin Lainé, Roparz Hemon ou François Debeauvais que l'on retrouvera aussi dans les propos anti-occitans du demi-breton Louis-Ferdinand Céline. La "race nordique" exaltée par les théories nazies (et leurs prémisses dès avant 1914) incluait bien évidemment les Celtes[4]. Il n'en fallait pas plus à certains pour passer de "l'ennemi de mon ennemi est mon ami" à une adhésion idéologique pure et simple.

    À mesure, cependant, que la guerre tournait en défaveur de l'Allemagne et que celle-ci se jouait de ses revendications, une grande partie du mouvement se réfugiera dans l'inaction et certains même dans des actes de résistance (il a au demeurant existé dès 1940 une Résistance gaulliste issue des rangs régionalistes et autonomistes d'avant-guerre). Une autre partie choisira toutefois la fuite en avant et, après l'exécution de l'abbé nationaliste Perrot par des partisans antifascistes, formera la Bezen Perrot qui combattra sous l'uniforme nazi (elle ne comptera cependant jamais plus d'une centaine d'hommes...) face à des maquis FTP 100% bretonnants et sur une ligne "bretons et français", luttant comme dans le reste de l'Hexagone (non sans une certaine naïveté) pour "la République", "aux accents mêlés de la Marseillaise et de l'Internationale" etc. etc. Mais dans tous les cas, le rôle joué par le PNB dans la collaboration avec les crimes du nazisme sera totalement négligeable comparé à celui de l’État français et des ses politiciens et hauts fonctionnaires purs produits de la République et de sa "méritocratie", 100% républicains, jacobins et patriotes bleus-blancs-rouges et même - bien souvent - "de gauche" (comme le rad'-soc' René Bousquet) avant la guerre...

    Après la Libération la direction du PNB prendra la poudre d'escampette, souvent vers l'Irlande où De Valera avait fait mettre... les drapeaux en berne pour la mort d'Hitler. Depuis son exil, elle diffusera la thèse d'une "collaboration limitée" suivie d'une "épuration sauvage" rappelant les colonnes infernales de Turreau. Version très exagérée certes, puisque non seulement - comme dans tout l'Hexagone - de très nombreux kollabos bénéficièrent de la protection d'anciens fonctionnaires vichystes passés (sur le tard) à la "France libre", mais aussi... tout simplement faute de charges puisque comme on l'a dit, à partir de 1941, c'est plutôt l'inactivité qui domine en dehors de la Bezen Perrot et de quelques feuilles de chou antisémites. Au total, une cinquantaine de nationalistes auraient été exécutés (plus ou moins sommairement) pour un mouvement qui, au début de l'Occupation, comptait dans les 2.000 à 3.000 adhérents et sympathisants actifs - beaucoup de ces "victimes", au demeurant, seraient en réalité des membres de la Bezen tombés au combat contre les FTP.

    Des "vétérans" du PNB, comme Yann Goulet ou Yann Fouéré, prendront activement part au "3e Emsav" à partir de la fin des années 1950, dans le Mouvement pour l'Organisation de la Bretagne (MOB), sur une ligne "apolitique" mais - dit-on - "en réalité de droite". Cela dit, les notions de "droite" et de "gauche" exigent parfois de savoir de quoi l'on parle : être hostile à ce CANCER de la "gauche" hexagonale qu'est le jacobinisme, l'idéologie républicaine "une et indivisible", c'est être de droite ? Alors, nous qui écrivons ces lignes assumons volontiers l'être... Le fait est que lorsqu'à partir de 1960 il y aura une partie de la gauche hexagonale (notamment le PSU) pour faire un pas en direction de l'Emsav, c'est sans problème qu'il y aura une partie de celui-ci pour faire un pas vers la gauche, et c'est ainsi que naîtra l'Union démocratique bretonne (UDB) en 1964 ; suivie de toute une série d'organisations et d'initiatives progressistes et révolutionnaires comme le Comité révolutionnaire breton (CRB, 1969), "maoïsant"/"spontexoïde", qui deviendra le Parti communiste de Bretagne (Strollad Komunour Vreizh, drapeau ci-dessus) en 1971, Sklerijenn ("Clarté", issue de la gauche marxiste-léniniste de l'UDB, qui rejoindra le PCMLF en 1975), la revue Bretagne Rouge liée à la LCR locale ou Gwirionez - Vérité-Bretagne, publication proche de la Cause du Peuple, les Comités d'Action Bretons (CAB, 1972, socialistes autogestionnaires) ou encore Stourm Breizh (anarchiste) ; les deux derniers formant en 1975 un Front autonomiste socialiste autogestionnaire (FASAB) avec le Strollad ar Vro ("Parti du Pays"), pourtant "réputé de droite" (héritier direct du MOB) mais ayant également évolué vers la gauche...

    [Au sujet de toute cette époque, lire ce passionnant mémoire universitaire : Drapeaux rouges et Gwenn ha Du - L'extrême-gauche et la Bretagne dans les années 1970 (en PDF 1ère et 2e partie)]

    Strollad komunour breizhParallèlement, en termes de masses, la conscience populaire collective bretonne se "centrera" autour d'une démocratie-chrétienne de droite ou de gauche (cette dernière se traduisant dans un vote PS), la première majoritaire jusqu'aux années 1980 et la seconde ensuite, les grands ports restant les bastions socialo-communistes qu'ils étaient déjà au début du 20e siècle et le pays devenant aussi une terre de scores écologistes élevés (ici et ici), ce que les terribles marées noires de 1978 (Amoco Cadiz) et 1999 (Erika) ou la pollution aux algues vertes (due à l'élevage porcin intensif) expliquent sans doute, mais aussi la position très anti-centraliste du mouvement écolo (après la disparition du PSU en 1990, c'est aux Verts que l'UDB liera son destin). Le fondateur du mouvement des Paysans-Travailleurs (auteur du fameux slogan "plus jamais nous ne serons des Versaillais !"), Bernard Lambert, était lui-même originaire de Bretagne (Loire-Atlantique) ; ce qui illustre particulièrement bien cette évolution vers une gauche autogestionnaire et écolo d'une partie conséquente de la ruralité armoricaine et du "catholicisme politique" qui la structurait souvent à cette époque (JAC/MRJC, JOC, CFTC devenue majoritairement - en 1964 - CFDT) ; époque qui voit par ailleurs la population active agricole diminuer de 40% et la population ouvrière ou petite-employée augmenter d'autant, ces fils et filles de paysans devenu-e-s prolétaires se syndiquant surtout à la CFDT (qui n'avait alors rien à voir avec le syndicat de collaboration de classe qu'elle est devenue aujourd'hui) et se trouvant souvent en pointe du "mariage" entre luttes sociales et affirmation du Peuple breton périphérisé et nié (comme lors de la célèbre grève du Joint Français à Saint-Brieuc en 1972 - lire pages 56 à 60 du mémoire en lien ci-dessus).

    [Encore une fois Amin : "Le développement capitaliste résultant de ce compromis (entre aristocratie bretonne et grande bourgeoisie parisienne, dans la précédente citation), s'accélérant à partir de 1914 et surtout de 1945, finit par faire voler en éclats les alliances qui l'ont fondé. L'industrie et l'apparition d'un prolétariat ouvrier détachent progressivement les héritiers des Rouges de leur dépendance traditionnelle à l'égard des Bleus, qui, de leur côté, font la paix devant le péril socialiste avec les Blancs (abandon de l'anticléricalisme). Dans les campagnes, le processus de modernisation accélère la désintégration du monde rural (émigration massive) et substitue à l'ancienne paysannerie, relativement fermée sur elle-même (polyculture d'autosubsistance), une petite propriété modernisée et spécialisée, fortement soumise à la domination du capital agro-industriel (domination formelle). La grande propriété capitaliste a perdu son importance politique comme moyen d'encadrement des paysans ; la prépondérance électorale passe aux zones urbaines ; l'alliance Blancs-Bleus se substitue à l'alliance Bleus-Rouges ; le capital industriel intervient directement dans l'économie des paysans sans passer par l'intermédiaire des aristocrates. De cette désintégration des vieilles alliances émerge le mouvement autonome de la petite paysannerie soumise à la domination formelle.

    (…) Si nous sommes convaincus de la justesse de l'analyse des luttes de classes proposée par Yannick Guin (dont c’est l’analyse qui est citée jusque-là) et de leur articulation aux luttes nationales, nous ne sommes pas toujours convaincus par les conclusions qu’il en a tiré.

    La résistance contre-révolutionnaire des Chouans (l'échec de la bourgeoisie à séparer les paysans de l'aristocratie) ne résulte-t-elle pas de la volonté même des fractions dirigeantes de la bourgeoisie (avant Thermidor et surtout après) de ne pas soutenir une révolution paysanne radicale dont les germes existaient ? Dans ce cas n'est-il pas unilatéral de qualifier la Chouannerie de contre-révolutionnaire ? L'analogie avec les Tchèques et les Croates n'attendant rien de la révolution bourgeoise (autrichienne) timorée de 1848 ne s'impose-t-elle pas ?

    Enfin, soit, on ne refera pas la Révolution française. On ne peut que constater la carence de l'embryon de prolétariat, carence qui découlait de l'immaturité objective des rapports capitalistes de l'époque. Ce prolétariat, malgré son courage, a été écrasé par la bourgeoisie et n'a pas réussi à faire le pont avec les paysans pauvres de Bretagne.

    Mais après ? Pourquoi de 1914 à nos jours les Rouges ne sont-ils pas parvenus à s'allier aux paysans pour les détacher de l'aristocratie embourgeoisée ? N'était-ce pas ce qui aurait dû être la stratégie du mouvement ouvrier ? Pourquoi celui-ci a-t-il laissé l'initiative à la bourgeoisie et s'est-il retrouvé gros-jean comme devant lorsque les Bleus l'ont abandonné pour aller retrouver les Blancs ?

    Et lorsque les paysans, à leur tour abandonnés par les Blancs et entraînés dans le capitalisme, soumis à sa domination formelle, ont commencé à se révolter, n'était-ce pas la tâche du mouvement ouvrier de s'allier à eux, puisqu'il s'agit d'une lutte contre le capital ? Est-il correct de juger cette lutte perdue d'avance parce qu'elle irait contre le «développement des forces productives» ? La lutte de la classe ouvrière elle-même, en réduisant le profit, ne va-t-elle pas elle aussi contre l'accumulation maximale ? Est-ce le rôle des exploités de faciliter aux exploiteurs, par leur silence, la gestion d'un développement maximal des forces productives ?

    Ne doit-on pas aussi regarder différemment le soutien de la petite bourgeoisie à cette révolte paysanne ? De quelle petite bourgeoisie s'agit-il ? De petits producteurs (artisans, commerçants) menacés par le Capital, ou de cette nouvelle petite bourgeoisie de travailleurs non manuels, employés prolétarisés, déjà exploités par le Capital ? S'il en est ainsi, son alliance avec les paysans (dont elle est de fait, en Bretagne… souvent issue !), désormais également exploités par le Capital n'est-elle pas juste ? Et pourquoi la classe ouvrière ne s'y joindrait-elle pas ?

    Priorité au développement des forces productives ou à la lutte des classes ? La tâche du prolétariat est-elle de ne rien faire qui s'oppose objectivement au développement des forces productives ? N'est-ce pas là une manière sociale-démocrate de voir cette tâche ? Le prolétariat ne doit-il pas se moquer de cet objectif qui est celui des classes exploiteuses, et s'occuper exclusivement de mobiliser les contradictions dans ce développement pour constituer un bloc révolutionnaire efficace ?

    La revendication de régionalisation peut-elle être considérée unilatéralement comme une stratégie nouvelle de la haute bourgeoisie ? Cette revendication, comme tant d'autres, n'est-elle pas ambivalente ? Elle peut certes être récupérée par la bourgeoisie, du moins si elle s'inscrit dans une stratégie globale sociale-démocrate ; mais ne peut-elle pas aussi être un levier de mobilisation anticapitaliste ?

    L'idéologie bretonne aujourd'hui, même si hier elle a été au service du bloc agraire blanc aristocrates-paysans, peut-elle être qualifiée unilatéralement de réactionnaire dans les conditions de luttes anticapitalistes qui encadrent sa renaissance ? Pourquoi ? Parce qu'elle s'opposerait au développement des forces productives et au rouleau compresseur de l'homogénéisation culturelle qui n'est que la généralisation de l'idéologie bourgeoise de l’homo consumens universalis ? S'agit-il de réveiller un mort, ou un mourant (la langue bretonne) ; ou d'une protestation contre l'idéologie bourgeoise qui se cache derrière le rideau de fumée de l'universalisme ?"]

    Aujourd'hui, dans la mouvance autonomiste et indépendantiste (confondue), le courant (de loin) le plus représentatif est l'UDB, sur une ligne politique proche des Verts donc. Avec Breizhistance, sur une ligne relativement proche du NPA, on peut dire que l'autonomisme/indépendantisme progressiste est clairement majoritaire. Suivent deux mouvements de centre-droit, le Parti breton (issu de l'aile "gauche" de l'ancien POBL, qui se voulait l'héritier - via le Strollad ar Vro - du MOB, l'aile droite ayant entre autres formé Adsav) et le tout récent Breizh Europa. Ils sont relativement groupusculaires, bien que bénéficiant de toute une armada médiatique (TV Breizh, magazine Bretons) dont le dénominateur commun est l'ancien PDG de TF1 (et cadre de Bouygues) Patrick Le Lay, ou d'autres grands entrepreneurs bretons. Depuis quelques années (d'autant plus avec l'actuel mouvement des Bonnets rouges...) et sur une ligne "centriste" se voulant (légèrement) plus à gauche, mais néanmoins (souvent) lié électoralement au PB, le Mouvement Bretagne et Progrès de Christian Troadec connaît un certain succès dans le centre de la péninsule, autour de son fief de Carhaix. Quant à l'extrême-droite (Adsav, Jeune Bretagne, Bloc identitaire), elle est tout comme le FN à un niveau bien inférieur à d'autres "régions" de l'Hexagone, bien loin derrière l'autonomisme ultra-réactionnaire alsacien (Alsace d'abord) par exemple, et de surcroît frappée par un lourd syndrome de division (Adsav étant plutôt indépendantiste et "Europe aux 100 drapeaux", Jeune Bretagne autonomiste et le Bloc sur la ligne identitaire hexagonale des "trois patries").

    Il n'empêche que "le mal est fait" et que, tout comme jadis le souvenir de la Chouannerie était agité par la 3e République des égorgeurs des Communes, le souvenir du nationalisme kollabo de 1940-44 est aujourd'hui le disqualifiant jacobin absolu contre toute affirmation du Peuple breton ; et il y aura toujours assez - puisqu'à vrai dire 10 spécimens suffiraient ! - de petits fachos dans le mouvement pour que les jacobinards de tout poil s'écrient en chœur "Aaaaah, vous voyez bien !".

    Ce qui est tout de même, disons-le bien, tragi-comique puisque nous avons affirmé dans notre Déclaration du 11 Novembre et réaffirmons sans souci que la France a fait Hitler, que la politique des bons républicains bleu-blanc-rouges Clemenceau et Poincaré entre 1919 et 1924, le Traité de Versailles, "l'Allemagne paiera", l'occupation de la Rhénanie et de la Ruhr, la misère indicible des Peuples allemands dans les années 1920, tout cela de concert a ouvert au nazisme un boulevard vers le pouvoir absolu. La "République" des monopoles reproche donc au PNB de s'être allié avec le monstre qu'elle a elle-même engendré : voilà qui est parfait !

    Rappelons aussi que les accointances nazies dans les années 1930-40 devraient également, à ce jeu-là, disqualifier définitivement le droit à l'autodétermination du Peuple irlandais : certes il y eut des "rouges", des antifascistes conséquents combattant en Espagne dans la Brigade Connolly, mais il ne devrait pas être plus difficile d'en faire "l'exception confirmant la règle" que ça l'est pour Yann Sohier et ses amis d'Ar Falz. Le même principe devrait conduire à disqualifier le mouvement anti-impérialiste d'Inde (dont les maoïstes actuels...) au nom de Chandra Bose, la résistance palestinienne au nom du mufti Amin al-Husseini, l'Algérie indépendante au nom du colonel Mohammedi, les droits à la libération d'à-peu-près tous les peuples d'Asie-Pacifique qui ont pu voir à un moment donné avec sympathie le Japon éjecter leurs colonisateurs européens, etc. etc. Énormément de Peuples, soumis aux gigantesques Empires coloniaux français ou anglais, ont eu en leur sein des éléments qui ont pu voir, au seuil de "minuit dans le siècle", des "alliés objectifs" dans l'Allemagne nazie, l'Italie fasciste ou le Japon expansionniste. Des puissances impérialistes réactionnaires dont on est en droit de se demander, parfois, si l'on en parlerait tant comme du Mal absolu aujourd'hui si elles n'avaient pas (pour l'Allemagne nazie) fait 99% de leurs victimes en Europe ou (pour le Japon) osé défier les Empires blancs ; si elles n'avaient génocidé que des "sauvages" (ou à la rigueur que des communistes slaves, des Juifs pauvres et des Rroms) comme les bons vieux Empires français, britannique, US etc. Il est à douter que le "point Godwin" existerait si tel avait été le cas... Mussolini ne dérangeait pas grand monde quand il gazait les Éthiopiens et autres Libyens (aujourd'hui encore, on entendra souvent dire que le fascisme italien n'a "pas fait beaucoup de morts"... du fait qu'il n'en a pas beaucoup fait en Europe) ; pas plus que les Japonais quand ils massacraient atrocement 300.000 Chinois à Nankin en 1937. Le napalm impérialiste a carbonisé 3 millions de Vietnamiens, Cambodgiens et Laotiens dans les années 1960-70, et tout le monde s'en contrefout. Au fond, entre 1940 et 1945, l’Europe occidentale a vu ce que c’était d’être traitée comme une colonie, et il semble en résulter un traumatisme profond... Bref.

    À ces cris venant souvent de rangs "communistes", s'amusera-t-on à rappeler l'attitude plus que désorientée de la direction PCF en 1940, tonton Duclos essayant de négocier la reparution de l'Humanité avec les autorités d'occupation, le lamentable "Peuple de France !" de Thorez le 10 juillet 1940, ne parlant pas une seule ligne de résister à l'envahisseur nazi (alors que le breton Tillon, lui, un jour avant De Gaulle, y appelait clairement) ? Hmmm hmmm... n'en rajoutons pas trop pour cette fois.

    16-640x310Tout cela pour en arriver à la conclusion qui s'impose : le "jacobinisme", c'est vraiment de la merde. De gigantesque escroquerie de masse ayant permis, en 1793-94, à la bourgeoisie centrale francilienne de reprendre la main par la démagogie sociale en direction du "petit peuple" de Paris, il est devenu après l'hécatombe des Communards le ciment idéologique de l’État des monopoles pour garder sous sa coupe les "foules esclaves" patiemment conquises par les "grands rois qui ont fait la France" au fil des siècles. Lorsqu'il se prétend non seulement "de gauche", mais la seule "gauche" qui vaille, il est particulièrement méphitique ; et lorsqu'il s'en prend à des gens qui ne réclament que le droit de vivre là où ils ont leurs attaches des fruits de leur travail, dans un PAYS qu'ils aiment tout simplement parce que, de naissance ou d'adoption, c'est le leur, il donne envie de vomir.

    Mais toutes ces idées jacobines (de merde), tombent-elles du ciel ? Viennent-elles au petit matin comme une envie de pisser ? Bien sûr que non. Elles reflètent des intérêts de classe. Ceux de la grande bourgeoisie monopoliste bien entendu, et autres "grands commis" de son État. Mais aussi ceux de toutes sortes de parasites sociaux (bureaucrates, chefaillons, ronds-de-cuir, petits mandarins, moralistes, plumitifs vaseux et éditocrates, professionnels de la prétention, thésards à vie, bobos et autres hipsters) qui ne doivent leur existence qu'au stade monopoliste du capitalisme, et à l'État qui y correspond. La "France" est un SYSTÈME et dans ce système, par exemple, les bureaucraties syndicales ont toute leur place. Elles ont horreur de tout mouvement à la base qui leur échappe, de tout incendie social qui se déclenche hors de leur contrôle, a fortiori s'il commence à remettre en cause l'ordre centralisateur et la religion républicaine ; et à Quimper, heureux concours de circonstances, il y avait les "petits patrons productivistes" et les "affreux rednecks anti-écolos" pour avoir bon dos et justifier l'ostracisme. Mais ceci est également valable pour tout un "socialisme" et un "communisme", toute une "extrême-gauche" qui fait totalement partie du paysage institutionnel de la "Républiiiique" du Capital... 

    Lorsque les jacobins de droite comme de "gauche" dénoncent l'"horrible" affirmation "identitaire", "régionaliste", "chouano-vichyste" de vouloir "vivre, travailler et décider au pays", ils parlent évidemment pour les monopoles qui, comme le dit et dénonce très justement VP, veulent faire des travailleurs de simples "pions que le capital bouge et déplace en fonction de ses intérêts ou réduit au chômage pour les mêmes raisons" (...) "leur vie, leurs relations sociales, leurs intérêts d’hommes et de femmes" entièrement soumis "à la dictature économique du Capital, à la logique infernale de la concurrence capitaliste"...

    Mais de la même manière, lorsque les jacobins pseudo-"maoïstes" du 'p''c''mlm' vomissent ces "identitaires" qui veulent "la petite-production et le rapport à la «terre», au terroir, plutôt qu'à la biosphère" (haareee kriiishnaaaa...) et qui refusent "l'universalisme et la planification à grande échelle de la production", il faut comprendre exactement la même chose et cela a le mérite d'être clair, tout comme leurs récents propos sur la libre-circulation des travailleurs migrants : le 'p''c''mlm' ne veut pas une autre société radicalement différente de celle-ci, un bouleversement radical de toute la manière de produire et de vivre en collectivité ; non, il veut la société que nous avons actuellement mais où "le Parti" (c'est-à-dire eux) aurait simplement pris la place de la bourgeoisie monopoliste (ils sont groupusculaires certes, mais néanmoins représentatifs d'une certaine conception du "léninisme"). C'est (concernant eux comme le reste de l'"extrême-gauche" de système) ce que nous répétons depuis maintenant des années... mais il fallait simplement que les choses "bougent" un peu sérieusement, que la crise terminale du capitalisme génère de grandes secousses populaires, pour que cela jaillisse au grand jour.

    Pour ce qui est (si l'on sort des pourtant incontournables questions Centres/Périphéries et "provinciales" qui sous-tendent tout le cadre étatique hexagonal de la lutte des classes) de la petite bourgeoisie, des "petits patrons", paysans, indépendants etc., il n'y a guère plus à dire que ce que disaient déjà Marx et Engels en 1847 : "Les classes moyennes, petits fabricants, détaillants, artisans, paysans, tous combattent la bourgeoisie parce qu'elle est une menace pour leur existence en tant que classes moyennes. Elles ne sont donc pas révolutionnaires, mais conservatrices ; bien plus, elles sont réactionnaires : elles cherchent à faire tourner à l'envers la roue de l'histoire. Si elles sont révolutionnaires, c'est en considération de leur passage imminent au prolétariat : elles défendent alors leurs intérêts futurs et non leurs intérêts actuels ; elles abandonnent leur propre point de vue pour se placer à celui du prolétariat" (Manifeste du Parti communiste)... Ce à quoi l’on pourrait ajouter qu’aujourd’hui, si ces travailleurs non-salariés ne représentent plus guère que 5% de la population active, le même raisonnement est valable pour des millions de personnes des classes moyennes salariées, de l’aristocratie du travail, qui voudraient revenir à "l’âge d’or" des années 1960-70. Mais nous ajouterions également la question suivante : croit-on réellement, sérieusement, que cette conscience de leurs intérêts futurs de prolétaires va descendre du ciel sur leurs têtes, à ces classes moyennes, comme le Saint-Esprit sur les Apôtres le jour de la Pentecôte ? Soyons sérieux ! Il est évident que non : c'est justement le rôle des communistes que d'en amener le plus possible à cette conscience révolutionnaire, socialiste ; sans quoi ce seront les fascistes qui se chargeront d'en faire leurs pires chiens d'attaque. Bien entendu cela passe, abstraction faite de leurs idées souvent réactionnaires, par l'expression d'une certaine solidarité, à travers la compréhension scientifique marxiste des terribles difficultés qu'ils et elles connaissent (débouchant par exemple sur d'innombrables suicides chaque année etc.). Pas par leur dire : "bon, demain vous êtes prolos, alors maintenant vous allez devenir communistes oui ou merde !!?"... Cela, c'est une conception digne du trotskysme, du rapport que Trotsky envisageait en Russie entre la classe ouvrière et les paysans.


    Aux camarades révolutionnaires de Bretagne : Salut revolucionari ; Solidaritat ; Libertat, Socialisme ò la Mòrt ! Endavant !


    Un deiz e vo sklaer an amzer war henchoù don ar brezel kuzh ! 


    [1] Tout comme l'Irlande l'était autant avant qu'après la suppression de son Parlement en 1800 : l'institutionnalisme est une limite idéologique que nous devons désormais combattre de toutes nos forces. Concernant la misère, elle était particulièrement emblématique dans les Monts d'Arrée, un peu au nord de Carhaix, dans le Finistère (un "fief" actuel des "affreux régionalistes identitaires blablabla", comme par exemple la liste "Nous te ferons Bretagne" de Christian Troadec aux régionales 2010). Ainsi, vers 1780, un curé de campagne pouvait écrire que "ce territoire des Montagnes d'Arrée renferme des landes et des sous-bois peu fertiles. On conçoit très vite que les habitants ne doivent pas être très riches. (...) Ici, la voisine accouche sa voisine et ainsi tour à tour. De là, combien d'enfants meurent avant de paraître. D'autres sont infirmes ou impotents. (...) Rentrer chez eux, c'est la pauvreté même. À moitié nus, sans bois pour se chauffer, sans lits, si ce n'est qu'un peu de paille, du fumier". Et un journaliste local (Émile Souvestre) en 1816 : "la récolte de blé noir ayant manqué, on vit les habitants de l'Arrée descendre par centaines le long des montagnes et déborder dans le Léonais où, la besace sur le dos, le chapelet à la main, ils séjournèrent de longs mois, mendiant pour ne pas mourir de faim". En 1855, le gallois Davies venu chasser les loups dans le secteur écrivait : "À plus d'une lieue autour de Carhaix, les pauvres paysans n'occupent qu'une mauvaise cabane en compagnie de leur cochon et de leur vache, quand leurs moyens leur permettent d'en avoir". Ce sont donc ces hommes et ces femmes que venaient "évangéliser" à la "République" et à la "Raison" les envoyés de la Convention de 1793 puis les "hussards noirs" de Jules Ferry un siècle plus tard. Pendant ce temps-là, les ancêtres des détracteurs du mouvement actuel ("materialistes.com" et autres Françoise Morvan), autrement dit les petits mandarins et scribouillards des bords-de-Seine, dissertaient "Lumières" dans les cafés mondains : par deux fois (la deuxième étant "la bonne"), en 1848 et en 1870, ils l'auront leur "république"... et lorsque le Peuple travailleur viendra leur réclamer ce qu'ils lui avaient promis, ils le feront taire par la mitraille. Bref. Pour un aristocrate (le comte de Limur) écrivant en 1874, les habitants de ce Nord-Finistère où licencient aujourd'hui Gad, Tilly-Sabco, Marine Harvest etc. étaient des "sauvages", "la peau presque noire, les cheveux couleur du jais, ils portaient des culottes courtes et serrées, également propres à la danse et au combat ; la lutte était leur amusement préféré, lutte brutale où chacun s'efforçait de porter les plus rudes coups ; leur ignorance était complète ; ils ne parlaient qu'un breton rude et guttural". Mais pour le conteur et écrivain Jean-Marie Le Scraigne, natif de l'endroit (Huelgoat), l'explication de la misère locale était toute autre : les paysans les plus pauvres étaient tout simplement refoulés vers les collines (couvertes de lande inculte) par les propriétaires fonciers : "Les gens les plus pauvres étaient obligés de quitter pour laisser la terre aux riches. Des deux côtés refluaient vers la montagne les gens qui étaient éjectés en somme par les riches qui prenaient les terres. C'était vrai surtout du côté de Botmeur et de La Feuillée"... S'étonnera-t-on que la question agraire soit encore aujourd'hui au cœur de tous les problèmes de la région : clivage entre "gros" et petits producteurs, productivisme écocide, pression insoutenable des centrales de la grande distribution, crises catastrophiques de la valeur marchande des denrées etc. etc. ?

    Lire à ce sujet : http://ekladata.com/bretons-negres-blancs-?.pdf

    [2] Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/quelques-verites-sur-la-revolution-bourgeoise 

    [3] Il existe en tant que tel jusqu’en 1914, puis après 1918 comme groupe informel autour de la revue Breiz Atao. Le Parti autonomiste fondé en 1927 (dont Sohier sera secrétaire général de la Fédération du Trégor) reprendra l’appellation voisine de Parti national breton en 1931.

    [4] ‘‘Le génie latin brisa triomphalement, en un demi-siècle, l'œuvre de six cents ans de travail nordique. Ce fut la Renaissance (…) la suppression brutale d'un progrès continu de six siècles (…) ; c'est la nuit pour l'Intelligence du Nord. (…) le flambeau latin (…) vacille et va s'éteindre, pour faire place à la torche revivifiée des Nordiques. Les Celtes, et particulièrement la Bretagne, ont leur place parmi les porteurs du Feu Nouveau. Ils furent autrefois, face à Rome, les premiers d'entre les Barbares. (…) Nous avons le devoir, par notre passé et par notre tradition raciale, de participer à la formidable partie’’ (Morvan Marchal, éditorial de Breiz Atao, 1924) 



    Échange d'arguments fort intéressant sur la page Facebook de SLP :

    Servir Le Peuple
    http://lesmaterialistes.com/...
    [nous avons découvert cet article le 12/11 au matin alors que notre présent article était déjà dans les tuyaux, finalisé et prêt à être publié]
    Absolument effarant.... Définition de la nation par Staline : "La nation est une communauté humaine, stable, historiquement constituée, née sur la base d'une communauté de langue, de territoire, de vie économique et de formation psychique qui se traduit par une communauté de culture", puis : "Il apparaît ainsi que la Bretagne a été assimilée à la nation française. Il n'y a pas eu de bourgeoisie nationale qui se soit développée, sur la base d'un marché fermé"... conditions dont "Saint" Staline ne fait JAMAIS ÉTAT [Où a-t-on jamais vu dans l'Histoire un "marché fermé" ? La Méditerranée communiquait déjà avec la Chine par la "route de la soie" au temps de l'Empire romain, voire avant. Dans cet Empire, les échanges commerciaux entre les provinces étaient faramineux (c'était sa raison d'être), y compris de "marchandise-force-de-travail" (esclaves), donc il y avait "sans doute" une "nation romaine" et non pas des Gallo-romains, des Hispano-romains, des Italiens, des Grecs, des Égyptiens, des Syriens etc.
    C'est pourtant ce qu'il y avait et même si, comme l'explique Engels, tout cela était noyé sous une prétendue civitas romana, c'est ce qui a fini par ressurgir à la faveur des "invasions barbares", chaque tribu germanique se taillant un royaume correspondant peu ou prou à un ou deux grands bassins de vie productive, nouveaux creusets de la formation nationale (l'Aquitania wisigothe puis duché indépendant de fait, le royaume burgonde et la Provincia "mouvante" donneront l'Occitanie, l'Armorique conquise par les Celtes d'outre-Manche donnera la Nation bretonne). Avant même l'entrée dans l'Histoire, on a aujourd'hui la trace d'échange commerciaux sur très longue distance : de l'ambre de la Mer du Nord en Méditerranée, du fer des Carpates dans l'actuel Hexagone etc. etc. C'est tout simplement grotesque ! Une nation comme réalité objective est une communauté de VIE SOCIALE PRODUCTIVE, avec un ensemble de classes ayant entre elles des rapports de production. En aucun cas un "marché fermé", cela n'a absolument jamais existé dans l'Histoire ! Ce qui est vrai c'est que la Bretagne, sans frontières naturelles, a toujours été très perméable à l'influence économique et culturelle de la "France d'oïl", sa Cour adoptant la langue et la culture du Val de Loire, et un bon tiers de la population l'"oïl populaire" gallo, etc. Mais la Cour d'Angleterre en faisait exactement de même et la langue anglaise est (du coup) truffée de "francismes", tandis que les liens économiques avec le continent n'ont jamais cessé ; pour autant personne ne va nier la Nation anglaise...]. (tout cela) sachant de surcroît que la définition de la nation a été affinée depuis, notamment par Kaypakkaya qui explique que les nations naissent À L'AUBE du capitalisme [clairement dans le texte en anglais, transcrit en "phase de formation du capitalisme" par les falsificateurs du 'p''c''mlm'], et non à un niveau de capitalisme avancé, d'où l'existence d'une Nation kurde, contrairement aux affirmations des "stals" turcs de l'époque [Şafak] qui disaient en substance ce que dit le 'p''c''mlm' : il y a un "peuple kurde", une "question culturelle démocratique", les possédants kurdes font partie de la bourgeoisie turque etc. etc.

    S'ensuit : "L'INEXISTENCE D'UNE LANGUE BRETONNE développée et unifiée témoigne de cela, tout comme l'intégration ABSOLUMENT PACIFIQUE ET POPULAIRE à la France depuis plusieurs siècles" ce qui au regard de la vérité historique minimale est hallucinant [pour la langue cf. ci-dessous ; pour "l'intégration pacifique et populaire" c'est tout simplement odieux, il y a eu une GUERRE de conquête à la fin du 15e siècle, et quid des Bonnets rouges sauvagement réprimés en 1675, quid de la Guerre des Chouans dans les années 1790 (centaines de milliers de mort-e-s) etc. etc. ?] ; pour se contredire eux-mêmes quelques lignes plus loin : "Toutefois, il existe un parcours historique tourmenté, donnant à la Bretagne historiquement des spécificités dans le cadre national français"... ah, quand même ! [Concernant l'existence d'une langue unifiée, il est vrai que l'on distingue classiquement 4 brezhoneg (Trégor, Cournouaille, Léon et Vannetais) aux différences minimes (surtout les 3 premiers), plus l'"oïl populaire" gallo en Ille-et-Vilaine, Loire-Atlantique et est des Côtes-d'Armor. Un travail d'unification académique a été mené au 20e siècle principalement par le 2e Emsav (entre-deux-guerre), dont on pourra dire du coup que c'est "une invention de collabos pétainistes". Mais il en allait exactement de même pour le BASQUE, unifié (batua) vers 1960, et sans doute le gaélique irlandais (variant d'un comté à l'autre et fort peu usité de toute façon : on parle anglais populaire) ; l'occitan, lui, ayant existé comme langue officielle et écrite au Moyen Âge a donc un peu été normalisé (norme du Béarn, norme du Languedoc, norme "mistralienne" provençale au 19e siècle) mais pas tout à fait unifié : on distingue globalement 6 grands dialectes, eux-mêmes non sans "subtilités" locales. Eh oui ! Il n'existe AUCUN IDIOME qui ne connaisse aucune variante géographique sur plus de 100 km de distance, et lorsqu'une nation a été PRIVÉE D’ÉTAT PROPRE à peine éclose, quelle "académie" a donc bien pu se charger d'"unifier" sa langue comme la "belle langue française" (totalement artificielle, superstructurelle et que d'ailleurs personne ne parle vraiment) de nos bonzes du 'p''c''mlm' ??]

    Alex VeganEdge
    Bravo au PCMLM ! Son analyse éclaire grandement la question.

    Servir Le Peuple
    Ben ma foi si un tel festival d'énormités, d'auto-contradictions d'un paragraphe à l'autre et de contre-vérités historiques éclaircit les choses, alors.... c'est toi qui le dis !
    La Bretagne était en passe de devenir un État moderne avec le duc François II (1458-88), si à ce stade elle n'était pas une nation on se demande bien ce qu'elle pouvait être*. Mais non, pour le 'p''c''mlm' une nation c'est d'abord un État (les États multinationaux, connaît pas... quid des Kurdes, des Tamouls ? les Palestiniens ça on sait ce qu'ils en pensent...), ensuite c'est un État moderne bien consolidé, type royaume de France au 17e siècle, avec Richelieu, Louis XIV etc. C'est totalement anti-maoïste (anti-Kaypakkaya) et même anti-léniniste puisqu'en URSS il y avait bien reconnaissance des nationalités kazakh, tatar, ouzbek, tadjik, ossète et autres Tchétchènes ou Kalmouks dont le niveau de développement capitaliste et de formation étatique au moment de l'annexion à l'Empire tsariste n'était guère plus haut, sinon bien moindre que le duché de Bretagne lors de son annexion à la France.
    Une nation est infrastructurelle, c'est un phénomène OBJECTIF qui consiste en les critères donnés par Staline + un début de capitalisme embryonnaire, une économie mercantile disons [elle naît spontanément, sans volonté politique planifiée, dans le cadre géographique d'un grand "bassin" productif où s'exercent des rapports de production entre différentes classes, favorisant une langue commune (mais non sans variantes locales, ni sans variantes DE CLASSE : il y a toujours une langue "du peuple" et une langue "distinguée" dans toutes les nations, quand la "haute société" n'en adopte pas carrément une autre, en l'occurrence l'oïl angevin ou normand puis le français académique en Bretagne), une culture, une "formation psychique nationale" etc. Dans le cas breton, ce "bassin" économique naturel est le bocage armoricain, "tranchant" avec la grande plaine céréalière d'entre-Seine-et-Loire, bordé par un littoral taillé d'abers (estuaires) qui sont autant de ports naturels favorisant une intense activité maritime ; puis ce seront les limites politiques du duché, à-peu-près fixes dès le 10e siècle (bien qu'il ne commence à devenir un État moderne qu'aux 14e-15e)]. Un État est une superstructure, une construction subjective, tout comme la "Grande Culture" qu'il sécrète pour justement se consolider. "Grande Culture" du 17e siècle que le 'p''c''mlm' considère justement comme l'acte de naissance la culture "nationale française".
    Ensuite de quoi le 'p''c''mlm' pourfend les "trotskystes" et... "les populistes de la Gauche prolétarienne" (sauf qu'il y avait aussi toutes sortes de ML, pas seulement les gépistes) qui défendaient ces peuples périphériques en lutte dans les années 70. [Ce qui ne l'empêche pas dans le même temps de célébrer le FLB-ARB des années 1970-80... alors que justement ce mouvement était on-ne-peut-plus composite et éclectique idéologiquement, comptant notamment dans ses rangs Padrig Montauzier, futur fondateur du POBL (droite) puis gourou d'Adsav... Dans le registre "tout ce qui bouge est rouge", pour le coup, difficile de faire mieux !]
    Pour nous, c'est au contraire l'analyse du problème la plus poussée historiquement... jusqu'à la nôtre (sans fausse modestie). Lorsque "Bretagne Rouge, organe de la Ligue Communiste Révolutionnaire" écrivait en décembre 1976 que "Pour (eux) détruire l’État bourgeois c'est aussi détruire la France, création historique des classes dominantes aristocratiques et bourgeoises ; c'est la remplacer par une Fédération socialiste basée sur l'association autodéterminée des nationalités et des régions – et compte-tenu du lien étroit entre les luttes révolutionnaires à l'échelle de l'Europe, dépassant le plus vite possible le cadre actuel de l'Hexagone", nous pouvons dire que nous souscrivons à 99% à ce point de vue ! Le problème de ces orgas, nous l'avons dit dans l'article sur la Charte de Brest, a été un certain "schématisme tiers-mondiste", une tendance schématique à considérer le problème comme "colonial" sans autre forme de nuance, dans la "mania" d'alors pour les luttes du Vietnam, d'Algérie, de Palestine, d'Angola ou de Guinée-Bissau etc. C'était schématique donc erroné, et cela revenait en définitive à sous-estimer le problème et donc l'ennemi : sous-estimer le formidable complexe fortifié de "société civile" protégeant le système-France dans sa métropole hexagonale, avec en jeu son existence même, alors qu'il peut perdre une colonie d'outre-mer et se réorganiser (comme avec l'Algérie justement). À force de se briser contre cette muraille d'acier, ces orgas ont finalement lâché prise pour tomber, en effet, dans le réformisme radical type LCR, l'"institutionnalisme" (lutte pour la décentralisation) et le "culturalisme"... c'est-à-dire en définitive la ligne du 'p''c''mlm' : il faut reconnaître "démocratiquement" la langue et la culture populaire locale, et ça s'arrête là, les questions économique et sociales, elles, se traitent dans le "cadre français"... du coup on se demande ce qu'il leur reproche ! (sinon d'être réformistes)
    Nous, nous considérons que le problème n'est pas "colonial" mais PROVINCIAL (pourquoi se priver de mots si l'ennemi nous en donne ?), en ayant bien à l'esprit que "province" vient de "pro vincere", "pays précédemment vaincu, conquis", et que finalement toute la spécificité de la question est contenue dans ce terme, dans la violence de son origine comme dans ce qu'il est devenu anodin et courant aujourd'hui (Paris et "la province") : oui, en effet, rien de "colonial" de nos jours en apparence... mais À L'ORIGINE une grande violence conquérante qui a totalement et définitivement déterminé ce cadre géographique où luttent les classes en présence. Nous disons dans l'article sur la Charte de Brest de 1974 que "Nos Peuples ne sont pas les Peuples d'Afrique, d'Asie, des Amériques (tout juste 'libérés' de la Couronne 'espagnole') ou d'Océanie colonisés ou semi-colonisés au 19e siècle, lorsque la logique capitaliste s'étend à la planète entière et se la partage entièrement (ce qui est la définition léniniste de l'impérialisme monopoliste). Notre problématique ne s'inscrit pas dans ce cadre, mais au contraire dans celui de la FONDATION des États modernes (monarchiques 'forts' ou absolus) comme instruments de l'accumulation PRIMITIVE du capitalisme (une bourgeoisie, liée au pouvoir monarchique, devenant dominante et subordonnant les autres, y compris dans sa propre nation), suivie de l'accumulation 'expansionniste pré-industrielle' (1500-1800, schématiquement) dans laquelle s'inscrit la problématique des Antillais ou des Peuples indigènes des Amériques, par exemple. Dit autrement, l'histoire de notre périphérisation et de l'ensemble de ses résultats politiques, économiques, sociaux et culturels aujourd'hui n'est pas écrite dans L'Impérialisme stade suprême du capitalisme de Lénine, mais dans L'Accumulation primitive de Karl Marx, section 8 du Livre 1 du Capital."
    Enfin, c'est la sempiternelle rengaine de "vouloir faire tourner la roue de l'histoire à l'envers"... ben oui. Commençons par un petit retour aux fondamentaux. Une nation c'est quoi ? Sommairement ce sont des TRAVAILLEURS qui vivent uniquement ou ultra-principalement de l'usage qu'ils font de leur force de travail (que celle-ci soit "possédée" ou "achetée" par quelqu'un d'autre ou qu'ils soient "à leur compte", ou un peu des deux, ce qu'on appelle la féodalité), et des classes disons "possédantes", c'est à dire vivant en majeure partie de ce que crée la force de travail d'autrui, aujourd'hui toutes plus ou moins fusionnées sous le nom de "bourgeoisie". Bon.
    Lorsqu'un pays est vaincu et conquis (pro vincere->provincia->province), il se passe que ses possédants sont... dépossédés pour beaucoup (comme les faidits en Occitanie, après la Conquista), ou alors subordonnés à ceux de la nation conquérante [Kaypakkaya encore : "Quel est l'objectif de l'oppression nationale ? Cet objectif, de manière très générale, est de maîtriser la richesse matérielle de tous les marchés du pays sans avoir de rivaux, pour gagner de nouveaux privilèges, étendre les limites des privilèges actuels et s’en servir. Dans ce but, la bourgeoisie et les propriétaires issus de la nation dominante, afin de conserver les frontières politiques du pays font d’énormes efforts pour empêcher par tous les moyens les régions dans lesquelles vivent plusieurs nationalités de se séparer du pays. Dans les mots du camarade Staline : “Qui dominera le marché ?” [par exemple ici en Hexagone : la bourgeoisie du Bassin de la Seine ou occitane, lyonnaise, de Flandre-Artois, ou encore anglo-normande ? les foires de Champagne ou du Languedoc ? etc.]. C’est l’essence de la question. (...) L’oppression des travailleurs des peuples minoritaires acquiert de cette manière une double qualité : premièrement il y a l’oppression de classe utilisée contre les travailleurs afin d’exploiter et d’éradiquer la lutte de classe ; deuxièmement, il y a l’oppression nationale mise en œuvre pour les objectifs mentionnés plus haut contre toutes les classes des nations et des nationalités minoritaires. Les communistes font la distinction entre ces deux formes d’oppression parce que, par exemple, tandis que les bourgeois kurdes et les petits propriétaires s’opposent à la seconde forme d’oppression, ils supportent la première. En ce qui nous concerne, nous sommes opposés aux deux formes d’oppression. Afin d’éradiquer l’oppression nationale, nous supportons la lutte de la bourgeoisie kurde et des petits propriétaires, mais, d’un autre côté, nous devons nous battre contre eux pour mettre un terme à l’oppression de classe."]. Évidemment, ça ne leur plaît pas. Il vont donc résister et ils vont, effectivement, vouloir "faire tourner l'histoire à l'envers" : revenir au "temps béni" où ils étaient "seuls maîtres à bord après Dieu". Pour citer deux exemples parmi des centaines : c'est ce qu'ont fait l'émir Abd-el-Kader en Algérie ou encore le chef inca Túpac Amaru au Pérou. C'est un combat d'ARRIÈRE-GARDE et dans celui-ci, une partie de ces classes possédantes autochtones est liquidée, et une autre finit par se vendre, par négocier sa "niche écologique" dans le nouveau système. Reste une infime fraction, ultra-minoritaire. Dans le cas de la Bretagne, c'est celle qui a défendu les "libertés armoriques" de la province jusqu'en 1789 et sous la "Révolution" bourgeoise, puis a présidé au courant "bretoniste" romantique-catholique-réactionnaire du 19e siècle et aux deux premiers Emsav (1890-1945). Aujourd'hui ce sont les nationalistes bourgeois (sociaux-libéraux, démocrates-chrétiens comme l'est souvent la conscience de masse, ou d'extrême-droite), dont le poids électoral et militant reflète celui de la bourgeoisie qui les appuie et subventionne : minime. Il y a la même chose en Occitanie. En Corse où la situation est plus proche d'une situation coloniale, ils sont plus puissants ; ainsi que là où une bourgeoisie nationale assez "costaud" s'est formée : Catalogne, Pays Basque "espagnol", Écosse etc. Mais en Hexagone ces courants sont vraiment généralement très minimes, quantité négligeable en fait, même dans l'actuel mouvement breton où il y a plus un "poujado-régionalisme" de "pression" sur l'État qu'autre chose. Les possédants qui n'avaient pas disparu dans les luttes de résistance avant 1789 ont globalement, après cette date, trouvé leur "niche" sociale dans le système-France.
    Et puis, il y a les TRAVAILLEURS, qui passent donc sous de nouveaux maîtres ou les voient se superposer aux anciens qui se sont soumis. Cela crée une situation que l'on appelle classiquement COLONIALE outre-mer, lorsqu'elle est survenue au stade de l'accumulation pré-industrielle ou de la révolution industrielle ou de l'impérialisme monopoliste ; et que nous appelons donc "périphérique" ou PROVINCIALE en "métropole", en Hexagone comme dans les Îles Britanniques ou dans l’État espagnol (là c'est encore assez particulier). Ils subissent une forme particulière, périphérique, d'exploitation et d'oppression. Et leur LIBÉRATION est entre leurs seules mains, et non entre celles de possédants nostalgiques de l'époque indépendante. Cette libération révolutionnaire signifie la mort de l’État du Capital et le règne triomphant des Peuples maîtres d'eux-mêmes, ce "rêve immémorial" de l'humanité que Marx évoque dans sa Lettre à Ruge (1843). C'est de cela que nous parlons depuis maintenant des années, et il faut effectivement séparer le bon grain (libération populaire révolutionnaire) de l'ivraie (nationalisme possédant). Mais cela se fait en METTANT LES MAINS DANS LE CAMBOUIS, pas en restant sur l'Aventin à donner des leçons. Une perte de contrôle de la Bretagne serait un coup de poignard radical pour l’État français, qui perdrait une façade maritime immense, des ports commerciaux et militaires de premier ordre etc. etc. Il faut donc se mettre au boulot et cette tâche inclut incontournablement la question nationale bretonne, qu'il faut déjà commencer par reconnaître et non par nier, de surcroît pas "entre la poire et le fromage", mais dans un document se voulant de valeur théorique. "La question bretonne est ainsi une culture démocratique et populaire", une "culture démocratique n'ayant pas atteint son stade national" : on aura décidément tout vu dans les fadaises de jacobins refoulés qui ne veulent pas, cependant, se couper totalement d'une "région" dont ils savent bien qu'elle abrite un "public" progressiste important... Un peu comme les "staliniens"-révisionnistes turcs de l'époque de Kaypakkaya : le 'p''c''mlm', en somme, est un petit Şafak français !

    ***************************************************


    * En réalité, la Bretagne a un peu la même formation socio-historique que l'Écosse, par exemple. C'est une terre historiquement distincte du riche Bassin parisien céréalier par son agriculture maigre (sols acides, bocage, lande) et son économie très tournée vers la mer (innombrables ports naturels). C'est vraisemblablement, sous les "rois légendaires" (5e-9e siècles), une société celte communautaire-clanique "réimplantée" par les colons... bretons (venus au 5e siècle de Grande-Bretagne, fuyant les Anglo-Saxons) sur une Armorique jamais franchement romanisée. Aux 9e-10e siècles elle acquiert plus ou moins le cadre géographique qui restera le sien (les 5 départements), unifiée par des "ducs" (pour le pouvoir franc)/ "rois" (pour eux-mêmes) comme Nominoë, Erispoë et Salomon (qui annexent même le Cotentin, la Mayenne, une partie de l'Anjou etc.), Judicaël, Alain le Grand, Alain Barbetorte etc. Mais à partir du 12e siècle, elle passe sous des dynasties du Val de Loire et du Bassin parisien [Plantagenêt angevins (1156-1221) puis maison capétienne de Dreux (1221-1341), maison de Blois (guerre de succession 1341-65) puis... Montfort  (1365-1514)] qui, venues accompagnées d'une foule de nobliaux, y implantent la féodalité proprement dite ainsi que la langue et la culture de l'Ouest du Bassin parisien - d'où la naissance et le développement du gallo d'oïl au détriment du brezhoneg celtique, depuis une ligne (sommairement) Saint-Malo-Saint-Nazaire (vers l'An 1000) jusqu'à une ligne Saint-Brieuc-Le Croisic (16e siècle) puis Paimpol-Vannes (19e-20e). Néanmoins, comme les seigneurs anglo-normands d'Écosse et d'Irlande, cette féodalité va souvent "faire souche" et développer un patriotisme breton, jouant sur les rivalités franco-anglaises que suscite le pays pour asseoir son indépendance. Au 15e siècle, la dynastie Montfort (donc) commence à jeter les bases d'un État moderne, ce qui sera très net sous le duc François II (1458-88). Mais celui-ci se lance dans une entreprise inconsidérée contre la monarchie capétienne (Anne de Beaujeu, régente pour Charles VIII), la "Guerre folle" (1485-88), qu'il perd. Il est alors "condamné" à marier sa fille, la fameuse Anne de Bretagne, au jeune roi de France (1491) : le pays perd de fait son indépendance, ce qui sera officialisé par l'Union de 1532. Sous la férule capétienne, la pression seigneuriale sur les masses deviendra terrible et marquera profondément la société bretonne jusqu'au milieu du 20e siècle voire jusqu'à nos jours (après que les châtelains, nobles historiques ou bourgeois "racheteurs" sous la "révolution", soient devenus grands propriétaires fonciers, rentiers ou agro-capitalistes).


    4 commentaires
  • Il y a 95 ans s'achevait la Grande Boucherie de 14-18 : Déclaration à l'occasion du 11 Novembre

    Il y a 95 ans, le 11 novembre 1918, les armes se taisaient (à l'Ouest en tout cas !) sur une Europe transformée en un vaste cimetière. Pour l'État français, ce sera même la plus grande boucherie d'ouvriers, de paysans et autres travailleurs de sa lamentable histoire, bien devant le 'grand' Napoléon et même devant l'autre guerre qui suivra : 1 400 000 morts militaires ainsi qu'environ 300 000 civil-e-s, plus de 3% de la population et donc 6% des hommes (mais aussi plusieurs milliers de femmes, infirmières etc.), un mobilisé sur six et même 1/3 de ceux réellement envoyés en première ligne...

    14-18

    Une telle saignée que la population "française", malgré une immigration importante, stagnera autour de 40 millions pendant près de 30 ans, jusqu'au fameux "baby boom"...

    Dans cette Grande Boucherie causée par l'impérialisme, stade suprême putréfié du capitalisme qui nous exploite, asservit et mitraille quand nous osons relever la tête ; causée pour être exact par la saturation du partage impérial de la planète qui avait, en apparence seulement, "résolu" la grande crise générale du système commencée vers 1870 ; les Peuples périphériques et colonisés, Occitans et Bretons, Corses et Basques, Ch'tis et Lorrains, Catalans y compris... de l’État espagnol (neutre), s'étant vus promettre... un soutien diplomatique à leur autodétermination en échange (!! ils seront évidemment ignoblement trahis à l'issue du conflit), banlieusards de Paname venus de tout l'État, Maghrébins, Africains et Antillais payeront comme en s'en serait douté le plus lourd tribut aux règlements de comptes de leurs oppresseurs ; très largement sur-représentés au nombre des victimes, morts, mutilés ou invalides à jamais (évidemment sur-représentés puisque pour nous un "Français" est avant tout une notion de classe, quelqu'un qui a sa "niche écologique" sociale dans le "système France", et ces gens-là étaient rarement en première ligne). Ainsi, les départements occitans auraient-ils totalisé 329.000 morts selon l'état-civil et 362.000 selon les décomptes militaires, pour une population d'environ 8,7 millions soit plus de 4% de la population et 8% des hommes, parfois plus de 10% comme en Auvergne, 17 à 17,5% des mobilisés dans les régions militaires de Montpellier ou Toulouse et même 19% dans celle de Limoges. Les Peuples breton (~ 150.000 morts, 22% des mobilisés, un homme sur dix) ou corse (11.000 morts, 22% à 28% des mobilisés, sur le site même de la préfecture !), basque, catalan ou encore franc-comtois comme le malheureux Lucien Bersot (cf. film Le Pantalon ci-dessous) peuvent avancer des chiffres similaires.

    poilus14 Des millions d'ouvriers et de paysans, qui n'avaient rien demandé à personne sinon de gagner le moins péniblement possible leur pain quotidien, furent arrachés à leurs champs et à leurs quartiers et jetés du jour au lendemain dans des trains les conduisant directement au bourbier des tranchées, pour s'y faire cribler par la mitraille et les éclats d'obus, enivrés à mort par la piquette pour obtenir une obéissance impossible à obtenir autrement, celle au sacrifice de soi pour l'intérêt de messieurs bien au chaud dans leurs hôtels particuliers de Paris et d'ailleurs. Et lorsque cette obéissance n'était pas au rendez-vous, c'était le conseil de guerre spécial (sans appel) et au bout, le peloton d'exécution, dans quelques mutineries restées célèbres mais aussi pour la moindre insubordination envers une vermine galonnée (hors officiers de métier, le grade dépendait bien sûr de la position sociale) si l'on était à moins de 15 km des tranchées "ennemies", ou encore pour des soldats rendus hagards par l'explosion permanente des obus (shell shock), pour des mutilations volontaires ou non : des centaines de cas recensés et sans doute des milliers d'autres "oubliés", exécutés sommairement etc. (voir quelques exemples ici, ici, ici et ici). Le pouvoir de l'État-major était absolu et aujourd'hui encore, alors que vient de débuter "l'année du centenaire" du grand massacre, Hollande affirme qu'il "fera un geste" mais se refuse à les réhabiliter...

    [Lire : https://www.bastamag.net/Grande-Guerre-fusillés-pour-exemple]

    gueule casseeTel était donc le sens et la portée du délirium "patriotique" BBR dans lequel baignait la société hexagonale depuis quatre décennies, à coup de "tu seras soldat" au tableau noir et de "parlez français, soyez propres" sous le préau : faire de nos Peuples, sauvagement annexés par les "grands rois qui ont fait la France" du Petit Lavisse, de bons petits soldats à l'usine et, lorsque le besoin s'en ferait sentir, de la chair à canon aux tranchée. Car telle est la destinée de tous les périphériques dans les États qui les ont périphérisés...

    Rien n'a d'ailleurs bien changé aujourd'hui, les armées sont certes professionnalisées et technologisées, et en principe les milices autochtones font l'affaire sur des champs de bataille désormais bien loin de l'Europe, mais on n'est jamais trop prudent et dans tous les cas on formate le "soldat opinion" ; on déshumanise à coup d'islamophobie et autres immondices idéologiques ces peuplades pas-comme-nous qui se révoltent ou dont tout simplement l'élite a l'outrecuidance d'"émerger" outre mesure ; et l'on ménage au cas où un peu d'anti-américanisme à coup d'"anti-impérialisme" de pacotille : ce sont "nos" alliés certes, mais on ne sait jamais. Il est cependant un peu tard, messieurs Guerre 14-18-Généraux Joffre et de Castelnau-1914d'en "haut", car si votre propagande en aliène hélas encore trop, beaucoup dans nos Peuples ont fini par prendre conscience ; et ils et elles se préparent à vous livrer une GUERRE PROLONGÉE, aussi prolongée qu'il le faudra, qui s'achèvera avec vos têtes au bout d'une pique si la seule TERREUR de cette perspective ne vous a pas fait détaler avant, vers chez qui voudra bien de vous. Mais revenons à notre sujet.

    La "République" du Capital célébrée depuis alors 40 ans avec tambours et trompettes avait donc montré son hideux visage de classe à ceux et celles qui, dans l'insouciance de la "Belle époque", auraient oublié le sang des Communes de 1871. La république bourgeoise aux parlementaires transis dans leur couardise de notables (beaucoup de pseudo-'socialistes' y compris, après la mort de Joan Jaurès dont on peut penser ce que l'on veut du socialisme antimarxiste, mais qui a néanmoins sacrifié sa vie face à l'hubris militariste) ; république passée sous la coupe du président ultra-réactionnaire Poincaré et des hauts-gradés de la "dictature de Chantilly" (le QG des opérations) ; avant de trouver son dictator providentiel en la personne de 2009 01 21 cimetiere douaumont insidel'inénarrable Clemenceau, vendéen "républicain" mais pas moins versaillais, le sabreur de notre Grande Révolte de 1907 et de dizaines d'autres mouvements sociaux à travers tout l'Hexagone ; pour une "victoire" finalement et totalement due... non pas même aux renforts yankees, mais à l'héroïque soulèvement révolutionnaire des Peuples allemands.

    Toute la putrescence d'un système criminel depuis sa naissance, mais désormais psychopathe dans son agonie s'étalait là sur les champs de ruines et de petites croix blanches. Comble du comble, ce crime abject contre l'humanité ne résoudra strictement RIEN à la crise générale du capitalisme qui l'avait engendré, il ne fera même que la rendre plus aigüe encore. En Europe s'ouvrira l'ère des fascismes, préparant la nouvelle guerre qui sera plus barbare et dévastatrice encore.

    hitler1 Le Traité de Versailles, l'occupation de la Rhénanie puis de la Ruhr imposeront une politique inhumaine de "réparations" aux Peuples d'Allemagne, dont la rancœur légitime et les cris du ventre vide iront nourrir la fraction la plus agressive et revancharde de la bourgeoisie impérialiste : oui, il est possible de dire et nous disons haut et fort que Clemenceau et Poincaré ont fait Hitler ; oui mesdames et messieurs les drapés-de-tricolore, de Marine Le Pen à Mélenchon jusqu'aux jacobinards vernis de rouge voire de noir*, votre Fraaaaance a objectivement sur les mains, en plus du sang des 'poilus' de 14-18, celui des 50 millions de victimes de la boucherie suivante et des 6 millions de génocidé-e-s des camps !

    0.210726001257809441.jpg Mais nous n'oublions pas non plus, bien sûr, un autre aspect, lumineux celui-là : l'AUBE ROUGE qui au bout de cette longue nuit s'était levée sur les grandes plaines de l'Est, la Grande et Glorieuse Révolution bolchévique d'Octobre, coup d'envoi de la première vague révolutionnaire mondiale qui allait faire trembler le Capital dans ses chiottes en or et dont nous prenons aujourd'hui le relais, dont nous recueillons fièrement l'héritage pour mener la NOUVELLE VAGUE qui se lève dans le monde entier à la Victoire ; victoire où notre Peuple occitan enchaîné depuis 8 siècles dans la Grande Prison des Peuples nommée 'France' gagnera enfin sa liberté nommée socialisme, comme tous les Peuples de la planète.

    Tout ceci ayant été dit, nous tenons aussi à rappeler que :

    Ferdinand Foch, maréchal de France, de Grande-Bretagne et de Pologne, est né le 2 octobre 1851 à Tarbes (Bigorre), fils de fonctionnaire commingeois, polytechnicien [aujourd'hui son nom est souvent donné aux avenues les plus bourgeoises des villes, les possédants savent reconnaître leurs sinistres héros] ;

    Joseph Jacques Césaire Joffre est né le 12 janvier 1852 à Rivesaltes (Catalogne Nord), fils de tonnelier aisé, polytechnicien ;

    Joseph Simon Gallieni est né le 24 avril 1849 à Saint-Béat en Haute-Garonne (Comminges), fils d'un officier d'origine lombarde, passé par le Prytanée de La Flèche et Saint-Cyr ;

    Robert Georges Nivelle est né le 15 octobre 1856 à Tulle (Limousin), fils de notables, polytechnicien, célèbre pour son ignoble phrase : "Ce que j'en ai consommé, du Breton !" ;

    comme avant eux Adolf (la faute d'orthographe est volontaire) Thiers était de Marseille (fils d'un parvenu affairiste douteux), Napoléon Bonaparte était corse (famille aristocratique) et un nombre considérable de ses maréchaux occitans... [De fait, sur les 8 maréchaux auquel il est de tradition de rendre hommage tous les 11 novembre, trois (Foch, Gallieni et le velaisien Fayolle) étaient occitans, tout comme le "9e occulte" (Édouard de Castelnau, qui ne recevra jamais le fameux bâton en raison de son catholicisme militant - mais qui n'en sera pas moins, lors de la guerre suivante... farouchement anti-pétainiste et résistant, comme quoi !), et deux "presque", le roussillonnais Joffre et le forézien Franchet d'Espèrey ; seuls Pétain (picard), Lyautey (lorrain) et Maunoury (du Bassin parisien, près de Dreux) venaient du Nord de la Loire... et tous étant bien entendu issus de familles de notables locaux, ou carrément de la noblesse (Castelnau). Et encore aujourd'hui, si l'on regarde bien les noms et les lieux de naissance (ou d'origine familiale, les militaires "de famille" naissant un peu n'importe où, là où leur père est en poste...), l'on s'aperçoit que l'Occitanie reste une très grande pourvoyeuse de hauts-gradés impliqués dans toutes les sales guerres impérialistes (Golfe, Rwanda, Afghanistan, Côte d'Ivoire etc.) et souvent férocement réactionnaires : les Lanxade, Lafourcade, Bentégeat, Puga, Lacaze, Piquemal etc. etc. ; tandis que les jeunes (surtout de milieu populaire rural) qui ne "trouvent" d'autre débouché que la carrière militaire y sont nettement sur-représentés.]

    caricature-marianneVoilà qui montre bien jusqu'où les "élites" et autres "méritocraties" "occitanes" et globalement "méridionales" vendues sont prêtes à mener nos Peuples : à l'abattoir ; et ce qu'est et doit encore et toujours être notre lutte : une Guerre POPULAIRE. Comme toujours dans l'histoire et partout dans le monde, les traîtres sont pires que les maîtres.

    Que les clowns électoralistes aillent se faire voir et butiner leurs strapontins municipaux, cantonaux, régionaux voire parisiens avec leurs copains du PS, d'EELV, du Modem, de l'UDI et de l'UMP, aux côtés des caciques bourgeois à la (feu) Frêche, Mandroux, Gaudin, Lignières-Cassou, (ouste !) Douste, Bayrou, Roig, Joissains, Menucci et autres Vauzelle.

    Que les vermines maurrassiennes à la Bompard et Roudier, qui veulent encore et toujours faire de nòstra Occitània une "petite patrie charnelle" dans leur "Grande France" (ou parfois, aujourd'hui, leur "Grande Europe blanche") impérialiste, et les ordures fascistes BBR à la Collard et Aliot reçoivent en pleine gueule le crachat de notre haine de classe mêlé au sang versé de nos anciens.

    Notre victoire est au bout du fusil et les séides bleus-blancs-rouges pourront toujours nous fusiller comme ils fusillaient nos aïeux "désobéissants devant l'ennemi" ; nous tomberons en chantant la Libertat et nos idées voleront vers d'autres qui, eux, les fusilleront à leur tour comme ils le méritent !


    Puslèu morir de pè que viure de genolhons,

    LIBERTAT, SOCIALISME ò LA MÒRT !



    Comité de Construction pour le Parti communiste révolutionnaire des Terres d'Òc : Déclaration du 11 Novembre

    (et suivre les 5 autres parties de ce chef-d’œuvre, interdit dans l’État français jusqu'en 1975)
     

    Visionner aussi l'excellent Henri GUILLEMIN qui nous parle de toute la période de "l'autre avant-guerre", depuis 1871, et du "fond d'ambiance" politique de cette époque :

    Ici https://www.rts.ch/archives/dossiers/henri-guillemin/3477314-l-autre-avant-guerre-1871-1914-.html en 13 vidéos

    Ici la conférence complète de 6 heures et demi :

           1310743-Raymond Poincarés-14-18

           hollandeCombats-à-Alep

           1MAM Aniane 31MAM Gentioux

    partisanes

    "Ils sauront bientôt que nos balles sont pour nos propres généraux"

     


    * Parfois aux pitoyables cris de "les prolétaires n'ont ni dieu ni maître ni patrie"... La "patrie" que les prolétaires n'ont pas, c'est l'allégeance et quoi que ce soit à attendre des États du Capital, en revanche, ils/elles sont loyaux/ales à leur Peuple, frères et soeurs de tous les autres Peuples de la Terre et ennemi-e-s juré-e-s de tous les capitalistes et de leurs séides.


    1 commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires