• Voici un article d'un intellectuel démocratique de Guinée-Bissau, Carlos Lopes, publié sur le (bon) site État d'Exception et qui revient de manière très instructive sur la vie et la pensée du grand leader révolutionnaire africain Amilcar Cabral.

    Il y a 40 ans, en novembre 1973, l'Assemblée générale des Nations Unies reconnaissait (fait assez rare) la déclaration unilatérale d'indépendance de la Guinée-Bissau et des îles du Cap-Vert (24 septembre) par le PAIGC de Cabral, qui contrôlait alors les 2/3 de ces territoires après plus de 15 ans de lutte héroïque et acharnée (la métropole portugaise reconnaîtra ces indépendances en 1974 et 1975, après la chute du salazarisme).

    Une victoire que ne verra malheureusement pas Cabral, assassiné en janvier 1973 par des traîtres à la solde des services secrets portugais. Depuis lors, cet assassinat a évidemment porté ses tristes fruits : ni la Guinée ni le Cap-Vert ne retrouvèrent une capacité dirigeante à sa hauteur et petit à petit, jusqu'à la fin des années 1980, les deux pays seront ramenés dans le rang du système impérialiste mondial. Il faut dire que l'élimination de Cabral avait aussi été permise par des complicités africaines : les assassins eux-mêmes, des éléments ‘noiristes’ guinéens de son propre Parti qui n'aimaient pas ce capverdien métis, marxiste et théoricien brillant (ces ‘noiristes’ à la Mobutu dont la sacralisation de l'africanité ‘pure’ n'a d'égale que la prosternation devant l'impérialisme) ; les satrapies françafricaines alentour sans doute ; et peut-être même la Guinée-Conakry du despote pseudo-‘anti-impérialiste’ Sékou Touré, qui se voyait bien vassaliser ce petit voisin.

    Marxiste conséquent, ayant su faire de la science révolutionnaire marxiste une réalité vivante et concrète dans son pays et non une récitation de mantra, Amilcar Cabral fait incontestablement partie de ces dirigeants révolutionnaires comme le Che qui, si les griffes de l’impérialisme ne les avaient pas fauchés trop tôt, auraient pu évoluer vers le maoïsme. Il y a aujourd'hui en Hexagone des très nombreuses personnes colonisées intérieures d'origine capverdienne, et plus largement africaine, qui doivent se réapproprier et s'inspirer de la mémoire de ce grand combattant ; car le traitement colonial intérieur n'est rien d’autre que le reflet, à l'intérieur de l’État impérialiste, du néocolonialisme outre-mer, et les deux libérations sont donc intrinsèquement liées.


    Amilcar Cabral : une source d’inspiration contemporaine

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    L’année 2013 marque le quarantième anniversaire de l’assassinat d’Amilcar Cabral, le révolutionnaire héros de l’émancipation du peuple africain, fondateur et dirigeant du mouvement indépendantiste en Guinée-Bissau et au Cap-Vert. Cabral a été assassiné à Conakry le 20 janvier 1973, trahi par certains de ses propres compagnons agissant pour le compte du régime colonial portugais.

    Les plus de quarante années qui nous séparent de la libération de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert nous aident à comprendre à quel point la contribution de Cabral a été unique, et à quel point sa pensée reste pertinente aujourd’hui. Le monde a considérablement changé, tant sur le plan géopolitique que sur celui de la compréhension historique et sociologique du nationalisme, de l’édification des nations et des valeurs démocratiques. Et pourtant, les principales dimensions auxquelles la mondialisation nous confronte – la réduction des inégalités et de la pauvreté, la viabilité de la planète, les différentiels de pouvoir, les problèmes éthiques et religieux –, si présentes dans le mouvement nationaliste des années 1950 et 60, demeurent familières.

    Cabral a été un point de référence pour beaucoup de gens : depuis les militants passionnés, qui voyaient en lui un modèle pour les chercheurs, aux penseurs et hommes d’État, qui admiraient sa vision et sa capacité à concilier théorie et pratique. Un grand nombre de travaux ont été consacrés à sa mémoire et à sa contribution et aucun n’est superflu. Toutefois, le moment est venu pour un autre type de célébration, qui fasse entrer Cabral dans le cercle de nos préoccupations contemporaines. Vu sa personnalité, Cabral aurait très probablement méprisé toute évocation hagiographique de sa personne et aurait certainement préféré de loin la possibilité de participer à un débat qui confronte les réalités d’aujourd’hui.

    « Réalité » est un mot omniprésent dans le discours pédagogique de Cabral. Une célébration de la contribution de Cabral doit donc s’ancrer dans la réalité. Cabral avait l’habitude de dire qu’il faut se rappeler que les gens ne se battent pas pour des idéaux ou pour ce qui ne les intéresse pas directement. Les gens se battent pour des choses pratiques : pour la paix, pour de meilleures conditions de vie dans la paix et pour l’avenir de leurs enfants. La liberté, la fraternité et l’égalité sont des mots vides de sens s’ils ne signifient pas une véritable amélioration de la vie de ces gens qui se battent. 

    Une vie source d’inspiration

    Amilcar Cabral est né en 1924 à Bafatá, en Guinée-Bissau. Son père, Juvénal Cabral, professeur, et sa mère, Dona Iva Pinhel Evora, petite commerçante indépendante, étaient des Cap-Verdiens ayant émigré vers la Guinée-Bissau à la recherche d’une vie meilleure. Ils avaient laissé derrière eux la sécheresse et le désespoir, mais ils retournèrent finalement sur les îles, donnant à Amilcar une chance de commencer les études qui allaient tant l’enrichir intellectuellement. En 1944, au moment de la Deuxième Guerre mondiale, Amilcar terminait ses études secondaires à S. Vicente et explorait déjà les moyens d’exprimer son amour pour son pays, qu’il clamait dans des poèmes et des interventions culturelles. À l’automne 1945, il obtint, avec beaucoup de difficultés, une bourse pour poursuivre des études universitaires à Lisbonne : Cabral voulait devenir ingénieur agronome. En plus d’être un étudiant brillant, il était extrêmement actif dans le mouvement nationaliste émergent qui militait pour la libération des colonies portugaises. Il devint rapidement une référence pour le petit groupe d’intellectuels africains résidant à Lisbonne, qui mit bientôt en place un centre d’études africaines. 

    Lorsqu’il revint en Guinée-Bissau en 1952, son but dans la vie était clair et son dessein était même connu de la redoutable PIDE (Polícia Internacional e de Defesa do Estado), les services de renseignement et de répression portugais. Cabral fut nommé ingénieur dans la fonction publique à Pessube. Il profita de sa position professionnelle pour entamer des recherches qui lui permirent d’approfondir sa connaissance du pays. Sa participation à un recensement agricole lui aurait donné la chance de se rapprocher du terrain et de se constituer un vaste réseau. Cependant, écoutant des conseils bienveillants, Cabral quitta la Guinée, repartit à Lisbonne et voyagea beaucoup en Angola, où il participa à la fondation du MPLA. En 1956, Cabral fonda le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC), événement qui marqua la solidification d’une lutte clandestine ardue et un tournant pour le mouvement nationaliste dans les colonies portugaises. La génération qui a mené la lutte sera plus tard connue comme la « génération Cabral » en reconnaissance de son leadership intellectuel et stratégique et de son investissement personnel dans le rassemblement des mouvements unitaires. 

    En 1960, l’année des « indépendances africaines », Cabral dénonça officiellement le colonialisme portugais et renforça encore la visibilité du mouvement nationaliste pour le monde extérieur. Les événements des années 1960 ont associé le nom de Cabral à ceux de Che Guevara et du général Vo Nguyen Giap, sans oublier Fanon, Nasser, Lumumba et Nkrumah [SLP respecte et admire les trois premiers, et Patrice Lumumba a connu le martyre très et sans doute trop tôt, ouvrant une ère tragique qui se poursuit aujourd'hui pour son Peuple ; mais nous sommes en revanche beaucoup plus réservés sur l'anticommuniste déclaré Nasser, qui a surtout restructuré le capitalisme bureaucratique-compradore égyptien, et le nationaliste bourgeois Nkrumah, qui a toutefois évolué plutôt positivement sur la fin de sa vie].

    Cabral avait compris que les paramètres fondamentaux de la lutte de libération nationale étaient d’ordre politique et qu’il n’y aurait de victoire que si les mouvements de libération pouvaient formuler d’abord des positions politiques, qui justifieraient ensuite l’action militaire [ce que le maoïsme résume par ‘‘la politique commande au fusil’’, ‘‘la politique au poste de commandement’’]. Cabral a développé l’idée selon laquelle la lutte de libération était un acte de culture [conception gramscienne éminemment juste]. Il a propulsé le PAIGC dans une série d’innovations qui ont fait la gloire de sa lutte pour l’indépendance et qui lui ont valu d’être reconnu comme un élément central dans la chute du régime fasciste au Portugal, en avril 1974. Mais Cabral n’était plus en vie à l’indépendance de la Guinée-Bissau, proclamée en septembre 1973, ni lors de la Révolution des œillets, survenue au Portugal un an plus tard, qui ont ouvert la voie à l’indépendance de toutes les colonies portugaises restantes. 

    Dans la nuit tragique du 20 janvier 1973, quelques mois avant que son rêve de proclamer unilatéralement l’indépendance de la Guinée-Bissau ne se réalise, des agents infiltrés de la PIDE ont assassiné Cabral à Conakry. Mais, comme Mario de Andrade l’a dit, l’histoire de la vie d’Amilcar Cabral était déjà entrée dans l’Histoire ! 

    Une contribution théorique source d’inspiration 

    Le nom d’Amilcar Cabral est associé à une lutte de libération victorieuse, une tactique de guérilla innovante, des structures efficaces de gouvernance participative dans les zones libérées, mais aussi à une importante contribution intellectuelle. Cabral n’a jamais opté pour la voie facile. Selon Basil Davidson, il considérait l’émergence de pays indépendants comme une évolution nécessaire dans l’histoire d’une Afrique recouvrant la maîtrise d’elle-même et donc en mesure, le temps et l’effort aidant, d’aller de l’avant pour devenir une véritable société postcoloniale. Il insistait sur le temps et l’effort, étant fermement convaincu qu’une simple continuation de l’héritage colonial, qu’il soit politique, économique ou culturel, serait désastreuse. Selon Cabral, ce n’est que par un processus de longue haleine de révolution sociale et structurelle, capable d’amener des peuples entiers à une participation active, que l’on créerait les conditions nécessaires pour que l’Afrique puisse réaliser son potentiel. 

    D’aucuns soutiendront que la plupart des régions de l’Afrique n’ont pas atteint ces objectifs, un fait qui peut s’expliquer, dans une large mesure, par l’absence d’objectifs et de volonté clairs, la définition que Cabral donne de l’idéologie. Il considérait l’absence d’idéologie comme la caractéristique la plus largement partagée par les élites africaines. Pour contrer cet obstacle, Cabral a beaucoup investi dans l’analyse des différents types de résistance. 

    La résistance est apparue comme le moteur qui pourrait motiver la transformation de l’Afrique. Elle pouvait être politique, économique, sociale ou culturelle. Ainsi, le principal contexte de la résistance pratiquée par le mouvement de libération nationale réside dans l’utilisation des traits positifs de la culture du peuple aux côtés des traits similaires des cultures importées. En offrant une direction, il était possible d’inciter les gens à prendre leur propre destin en main, en faisant de leur résistance culturelle intuitive un facteur de transformation porteur de choix plus larges.

    Les autres contributions importantes de Cabral sur le plan des idées comprennent :

    • la définition des facteurs sous-tendant la domination impérialiste (qui peut prendre l’une des deux formes bien connues : une domination directe, le colonialisme, ou une domination indirecte, le néocolonialisme) ;
    • l’idée de force motivationnelle historique (qui amène Cabral à ébaucher la théorie remettant en question le caractère central de la lutte des classes comme facteur déterminant) [NDLR : c’est ici une caricature petite-bourgeoise de la pensée de Cabral, qui remettait simplement en cause une vision MÉCANISTE de la lutte des classes, analyse rejoignant consciemment ou non celle de Gramsci] ;
    • la discussion sur le « suicide » de la petite bourgeoisie après l’indépendance (qui reconnaît dans la petite bourgeoisie un levier déterminant des sociétés africaines, indispensable à sa transformation) ;
    • et l’idée que la lutte de libération nationale n’est pas seulement un produit de la culture, mais aussi un facteur de la culture. 


    Une orientation pour l’avenir :
    citoyens, citoyenneté et engagement civique

    Par « mondialisation », on entend communément la vague de changements importants qui a transformé le paysage planétaire. Jamais l’humanité n’a été autant en mesure de remédier aux déficiences des modèles traditionnels de croissance et d’accumulation. Nous avons aujourd’hui la capacité de réduire les inégalités, de combattre les grandes maladies transmissibles, de régénérer l’environnement et de créer un avenir meilleur pour tous. Pour y parvenir, nous devons élargir les libertés et les choix de l’individu ; nous devons nous montrer responsables, ensemble, dans la sauvegarde de la planète et la mise en commun des préceptes de vie. Mais, telle n’est pas forcément la manière dont beaucoup perçoivent la mondialisation. Il faut opter pour une mondialisation alternative et inclusive, chose possible à en juger par certaines victoires politiques importantes, dont la plus significative a été la campagne qui a eu raison de l’apartheid [SLP se dissocie évidemment de ces conceptions démocrates-réformistes de l’auteur, qui ne sont pas l’intérêt central du texte] .

    Communication, participation, appropriation et autonomisation sont des concepts qui ont galvanisé certaines des transformations politiques actuelles. Les frontières territoriales se réduisent tandis que de nouvelles frontières s’érigent. Ce qu’il faut, c’est comprendre les principaux facteurs entravant l’expansion des libertés démocratiques. Dans le débat actuel, un ensemble de questions apparaît comme essentiel pour la compréhension des dilemmes et des conflits africains : la définition de la citoyenneté, le rôle des citoyens et la promotion de l’engagement civique. 

    Des chercheurs de renom continuent d’avancer des interprétations historiques importantes sur ces questions. Des pays aussi éloignés les uns des autres que la République démocratique du Congo, le Zimbabwe, la Zambie, le Sénégal, la Sierra Leone, la Guinée-Bissau, la Côte d’Ivoire, l’Éthiopie, l’Érythrée, le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, le Soudan, la Somalie, la Tanzanie, le Tchad, le Maroc, le Sahara occidental, le Mali ou le Niger ont connu ou connaissent des conflits qui ont leur origine dans des interprétations différentes ou dans l’utilisation à des fins politiques de la notion de citoyenneté. Rares sont les pays africains qui peuvent se prévaloir d’un processus constitutionnel inclusif et participatif qui fasse de la citoyenneté un vecteur d’expansion des droits à tous. La lutte mesquine pour le pouvoir, l’ethnicité et les intérêts économiques interviennent souvent pour saper la solidarité, l’engagement civique et le capital social. 

    Au cours des trente dernières années, l’Afrique a vu les mouvements armés sans idéologie (au sens où Cabral l’entend) proliférer, mouvements avides de pouvoir et plus aptes à détruire qu’à construire, capables de commettre certains des pires massacres de l’histoire et capables même d’anéantir totalement les fondements de l’État. La jeunesse africaine grandit, démographiquement et politiquement, souvent sans avoir l’espace nécessaire pour canaliser son énergie dans la bonne direction. Des mouvements sociaux importants ont créé de nouvelles formes de militantisme. 

    Le 20 janvier 1973, il y a précisément quarante ans, Cabral était assassiné devant son épouse par des traitres de son propre mouvement. Il avait détaillé quelques mois avant tous les contours d’un complot visant son élimination physique. Les conspirateurs étaient tous des membres de son mouvement ayant fait objet de sanctions disciplinaires. Et pourtant Cabral avait cruà tort !que la transparence suffirait pour les faire revenir à de meilleures attitudes. Ce choix dans la croyance de la transformation de chaque individu nous a privés de sa présence depuis ; mais il nous a donné une source d’inspiration encore plus forte. 

    Carlos Lopes.

    Carlos Lopes est un chercheur reconnu de la Guinée-Bissau. Il a fait carrière également aux Nations Unies où il est actuellement Secrétaire exécutif de la Commission économique pour l’Afrique, dont le siège est à Addis Abeba. Il a publié plus d’une vingtaine de livres sur l’Afrique et la thématique du développement.


    Brève notice biographique 

    Amilcar Cabral est né le 12 septembre 1924 à Bafatá, en Guinée alors portugaise.  Fils d’instituteur, il a été l’un des premiers Noirs à avoir accès à une formation universitaire à Lisbonne. Il a fait de brillantes études d’agronomie qui lui ont ouvert des possibilités professionnelles hors du commun dans l’appareil colonial, au Portugal, en Angola et en Guinée portugaise.

    amilcar cabral 0Déjà profondément impliqué dans les mouvements nationalistes, il en a profité pour planter les jalons de plusieurs organisations, dont le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert (PAIGC). Fondé en 1956, ce parti amènera les deux pays à l’indépendance, tout en contribuant significativement à la chute du fascisme au Portugal.

    Amilcar Cabral ne verra pas ces indépendances, atteintes en 1973 et 1974 respectivement, car il a été assassiné juste avant, le 20 janvier 1973 à Conakry. 

    Amilcar Cabral a de facto été le leader de la lutte des peuples des colonies portugaises contre le colonialisme. Sa génération a été désignée par Mário de Andrade, fondateur et premier Président du Mouvement populaire pour la libération de l’Angola (MPLA), comme la « génération de Cabral », en hommage à son rayonnement intellectuel sur ses compagnons. 

    Les contributions de Cabral ont été fondamentales pour asseoir le concept de panafricanisme.

     

    À lire aussi : Amilcar Cabral et la Révolution panafricaine par Ameth Lo ; ou encore Amilcar Cabral, une lumière éclatante et un guide pour la révolution panafricaine et socialiste par Imani Na Umoja (site Afriques en Lutte).

     

    Des textes d'Amilcar Cabral en anglais sont sur Marxists.org, et quelques uns en français ici :

    Fondements et objectifs de la libération nationale et structure sociale (célébrissime discours à la Tricontinentale de La Havane, janv. 1966)
    Discours à Dar-es-Salaam
    Mettre en pratique les principes du Parti
    Le Portugal est-il impérialiste?

    ainsi que Intervention commune des mouvements de libération des colonies portugaises au festival panafricain d'Alger (1969)

     


    votre commentaire

  • Jusqu’à présent, il faut bien le reconnaître, SLP a beaucoup critiqué et polémiqué avec diverses ‘voix’ se réclamant du communisme mais, hormis quelques attaques niveau collège (ex-site ‘Futur Rouge’ à ne pas confondre avec l’OC-FR actuelle, zombie des forums ‘Oppong’, fossiles vivants du F‘ml’ et du F‘uc’, ‘centre’ ‘mlm’ de Belgique), il n’a jamais fait l’objet d’une critique communiste sérieuse, alors qu’il est certain que beaucoup n’en pensent pas moins. Ceci est pourtant indispensable pour avancer ! Finalement, nous y sommes. Nous avons reçu d’une personne révolutionnaire du Peuple, militant de l’OCML-VP (par l’intermédiaire de cette organisation, indiscutablement classée dans les camarades), un courrier nous remontant un peu sèchement les bretelles : en fait, il est vrai que nos articles qui disent beaucoup de choses manquent parfois de clarté, et ce camarade, donc, a cru y déceler une vision positive… de Napoléon Bonaparte !!! De là à être classé dans la même rubrique que Max Gallo, il n’y avait qu’un fort dangereux pas ; une réponse s’imposait donc.

    Et puis ce sera encore une fois l’occasion d’exposer, développer, sécréter la conception communiste du monde.

    Voici le courrier du camarade de VP :

    « Servir le peuple » et Napoléon 

    SLP (servirlepeuple.over-blog.com) n'est pas le plus mauvais exemple de militance virtuelle. Il a souvent des analyses intéressantes. Normal, il se réclame du maoïsme.

    SLP se dit plus proche du PCmF (Parti communiste maoïste de France) que de VP, c'est son droit. Il a le droit de penser, comme le PCmF, que la guerre populaire prolongée est le mot-d'ordre qui s'applique partout sur la planète, quelles que soient les conditions économiques, politiques, géographiques. Que cette guerre populaire prolongée a démarré en novembre 2005 en France, avec les révoltes dans les banlieues populaires, et que depuis, elle se développe partout, dans les usines, les quartiers, les universités...

    SLP établit un parallèle historique, plutôt juste, entre Staline et Napoléon, mais pour se positionner en défense de Staline. C'est son droit. Pourtant, ce que SLP n'a pas le droit d'écrire, c'est : « Personne en Europe, au 19e siècle, ne considérait que Napoléon avait été un contre-révolutionnaire ».

    Nous pouvons citer, en preuve du contraire, deux auteurs connus : Marx et Engels. Dès « La Sainte Famille », ils expliquent que Napoléon incarne, alors que le peuple a fait tout le travail, l'issue bourgeoise de la révolution. Engels, dans un article au New Moral World du 4 novembre 1843, explique : « La liberté politique est une liberté apparente, la pire sorte d'esclavage... L'hypocrisie ne peut subsister, la contradiction qu'elle dissimule doit ressortir ; nous devons avoir soit un véritable esclavage – c'est-à-dire un despotisme non déguisé – soit une liberté réelle et une égalité réelle, c'est-à-dire le communisme. Ces deux conséquences sont ressorties dans la Révolution française ; Napoléon établit l'une et Babeuf la seconde » (cité dans « Sur la Révolution française », Ed. Sociales, page 41).

    Et ce qui est éclairant pour la question de Staline, c'est cette distinction que font Marx et Engels entre politique intérieure, réactionnaire, et politique extérieure, encore révolutionnaire. Cette distinction entre contradictions internes et contradictions externes est à rapprocher de celle qui sépare et unit le contenu et la forme, ou l'être et le discours. « Napoléon balaye les mini-États malheureusement sans aller tout-à-fait jusqu'au bout. Face aux princes, il continue à être révolutionnaire » (Engels, Varia über Deutschland, op.cit. page 202).

    Enfin, autre témoin à charge, Toussaint Louverture. Nous sommes bien « au 19e siècle », même si c'est au tout début du siècle. Napoléon rétablit l'esclavage qui avait été aboli par la Révolution. Et pour ce faire, il envoie deux flottes écraser les Antilles. Inutile de dire que ces figures de proue, Toussaint Louverture, Marx et Engels, ne font qu'incarner un large camp, ouvrier et colonisé, qu'il faut escamoter pour affirmer que « personne au 19e siècle ne considérait que Napoléon avait été un contre-révolutionnaire ».

    Nous invitons SLP à revoir ces questions. Mais il peut aussi persister dans l'erreur, c'est son droit !


    Et voici la réponse de SLP :

    Camarades,

    Nous avons bien reçu ta lettre de critique et elle est la bienvenue ; bien que nous n'en comprenions pas trop l'agressivité [explication ultérieure, en substance : "qui aime bien châtie bien"...] sur un thème aussi mineur et qui, de surcroît, DATE : nous disons cela principalement dans l'article "Sur la question de Staline" qui date de fin 2009. Nos positions ont sensiblement évolué depuis, comme nous allons le voir ensemble.

    Sur la partie de ton courrier "Il a le droit de penser, comme le PCmF, que la guerre populaire prolongée est le mot d'ordre qui s'applique partout sur la planète, quelles que soient les conditions économiques, politiques, géographiques", SLP assume complètement : la Guerre populaire est la stratégie UNIVERSELLE de conquête du pouvoir par le prolétariat, même si elle revêt des formes, bien sûr, radicalement différentes selon les pays et les situations ; rassurez-vous si c'est ce qui vous inquiète, sauf situation comparable à la "Révolution nationale" de 1940-44 (avec ou sans chaperon étranger), un Yenan dans le Limousin n'est pas à l'ordre du jour. Pour ce qui est de "Que cette guerre populaire prolongée a démarré en novembre 2005 en France, avec les révoltes dans les banlieues populaires, et que depuis, elle se développe partout, dans les usines, les quartiers, les universités", c'est beaucoup moins caricatural que cela : une partie de la réponse se trouve dans notre note critique finale de cette traduction du (n)PCI : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/gramsci-et-la-theorie-de-la-guerre-populaire-en-pays-capitaliste-tres--a114072346   [Le (n)PCI, malgré les critiques que nous partageons avec VP sur sa ligne pro-Grillo, continue néanmoins à produire du matériel théorique digne a minima d'intérêt.]

    17e5eb0aSur Staline en revanche, SLP a eu tendance à évoluer. Le site était alors (notoirement) assez proche de la JCML 69, devenue OC-FR et qui s'est rapprochée du PCmF. Mais nous aurions tendance aujourd'hui à être beaucoup plus proches des positions de VP que de celles de l'OC-FR et du PCmF, pour ce que nous en connaissons. Nous trouvons d'ailleurs que si VP a un immense mérite, peut-être unique dans le paysage ML/MLM francophone, c'est d'avoir mené une analyse véritablement critique et profonde des expériences révolutionnaires du siècle dernier, même celle qui lui ‘plaît’ le plus (la Chine), pour comprendre leurs échecs. Rôle de la théorie des forces productives, etc. etc. SLP a d'autre part pris conscience de son identité populaire occitane, et ceci implique à notre sens une vision critique, pas mal de recul sur Staline, en particulier quant à son traitement des nationalités (la pratique des années 1930-40-50, pas la théorie des années 1910-20) : déportation des Tchétchènes et autres peuples, liquidation de Sultan-Galiev, des bundistes avant-guerre puis des antifascistes juifs ‘cosmopolites sans racines’ ( !) après, etc. etc. [Il y a d'autres choses critiquables évidemment, mais c'est ce qui nous concernant nous a fait "prendre du recul" ; considérant également que faire la révolution à partir du Centre est un facteur énorme de dérive contre-révolutionnaire. Nous pensons également qu'en Chine le suprématisme han (question du Tibet etc.) est une problématique que Mao n'a peut-être pas suffisamment abordé et bien traité.]

    Venons en maintenant à Napoléon. Là, camarade, il se trouve en fait que la plupart des réponses à tes interpellations se trouvent… dans ton propre texte. Tu dis par exemple que Marx et Engels "dès "La Sainte Famille", expliquent que Napoléon incarne, alors que le peuple a fait tout le travail, l'issue bourgeoise de la révolution" : SLP ne dis pas autre chose !!! Lorsqu’il est dit qu'au 19e siècle Napoléon était considéré comme un révolutionnaire, il faut bien évidemment entendre "considéré PAR LA BOURGEOISIE (petite, moyenne et grande, et la paysannerie propriétaire ou fermière un minimum aisée, les anciens laboureurs) comme un révolutionnaire BOURGEOIS". Mais cette classe était alors intellectuellement hégémonique et influençait aussi beaucoup de prolétaires, dont Napoleonbeaucoup d’ailleurs n’étaient pas nés prolétaires mais paysans, artisans etc. C'est ce qui explique le triomphe de son neveu en 1848, y compris dans des départements votant massivement "républicain radical" ou "démocrate-socialiste" peu avant ou peu après, et y compris dans le Paris des Journées de Juin

    Tu poursuis : "c'est cette distinction que font Marx et Engels entre politique intérieure, réactionnaire, et politique extérieure, encore révolutionnaire. Cette distinction entre contradictions internes et contradictions externes est à rapprocher de celle qui sépare et unit le contenu et la forme, ou l'être et le discours. « Napoléon balaye les mini-États malheureusement sans aller tout-à-fait jusqu'au bout. Face aux princes, il continue à être révolutionnaire » (Engels, Varia über Deutschland, op.cit. page 202)", et là encore c'est exactement ce que SLP a voulu dire, entendu à l'échelle européenne... encore que ce soit à relativiser, car les bourgeoisies libérales ibériques, italiennes ou encore allemandes avaient aussi en tête l'hégémon qu'était finalement devenu Napoléon, opprimant leurs nations. Mais ses aspects positifs étaient reconnus, la bourgeoisie savait parfois être dialectique, et les carbonari italiens accueillirent par exemple son neveu ‘Badinguet’ (futur Napoléon III) dans leur société secrète.

    En réalité,

    - Tu lis peut-être assidument Servir le Peuple, ou pas, mais nous avons procédé depuis bientôt un an à une PROFONDE ANALYSE de la société 'française' et européenne dans laquelle nous vivons et de sa construction historique ; ce que le 'p''c''mlm' appelle une 'pensée' et dont l'arrogance avec laquelle il brandit cela, et la nullité réactionnaire de la sienne, n'induit pas qu'il ne faille pas en produire une. Comme il a été dit plus haut, VP a hautement contribué à la pensée communiste internationale par son analyse critique profonde des expériences socialistes du 20e siècle ; on peut ne pas être d'accord sur tout mais au moins ils l'ont fait, ce qui n'est pas le cas de tout le monde, beaucoup se limitant à dire "URSS jusqu'en 1953 super, après caca" et idem pour la Chine (avec 1976).

    Donc SLP s’est penché sur cela, peut-être avec un certain parti-pris occitan mais bon, pour en revenir au sujet, nous en sommes arrivés à la conclusion que la "révolution" française et ses ondes de choc européennes jusque tard dans le 19e siècle n'a pas été une VRAIE révolution, au sens de "mode de production en remplaçant un autre". Il restait des ‘droits’ féodaux sur les terres et les personnes mais il y avait longtemps que comme mode de production (en "part du PIB" si l’on peut s’exprimer ainsi) le capitalisme avait totalement supplanté le rapport social féodal, depuis le 16e siècle vraisemblablement, si ce n’est pas la fin du 15e. Dans le champ politique, cette révolution véritable avait été menée par l'État moderne de la monarchie capétienne, qui s'est construit entre autres par la conquête de notre Peuple occitan. La "révolution bourgeoise" était donc (en fait) plutôt une "restructuration radicale" d'une superstructure étatique devenue obsolète face au défi de la révolution industrielle, à laquelle les forces productives de la fin du 18e siècle appelaient de toutes leurs forces, surtout que les Anglais et quelques autres avaient déjà commencé. Tout cela est abordé ici, en point 1 : http://servirlepeuple.over-blog.com/article-considerations-diverses-fin-octobre-2013-etat-et-revolution-bourgeoise-affaire-leonarda-khatchi-120703693.html

    Napol on franchissant le col du Grand Saint Bernard 2- DANS CE CADRE donc, dans ce sens là de "révolution", Napoléon a été éminemment et principalement un "révolutionnaire" d'un point de vue bourgeois : la bourgeoisie lui doit ni plus ni moins que son État, l'État bourgeois français actuel, son cadre juridique (même si modernisé depuis par-ci par-là) autrement dit sa "volonté faite loi"… rien que ça ! Aucun régime ultérieur n'est revenu sur cette part de l'œuvre. C'est dans ce sens qu’il faut comprendre qu'au 19e siècle, "personne", au sens de la grande masse politiquement consciente de la population, encore constituée largement de paysans propriétaires, de boutiquiers, d'artisans indépendants et autres petits entrepreneurs, d’intellectuels et de bourgeois proprement dits, mais aussi… de beaucoup d’ouvriers ‘en soi’ mais pas ‘pour soi’, restés des paysans ou des artisans dans leurs têtes, ce "personne"-là donc, ne considérait Napoléon comme un contre-révolutionnaire. Il avait réellement donné à l'Hexagone le cadre politique adéquat pour la révolution industrielle naissante. Les Montagnards, Jacobins et autres Cordeliers allaient trop loin : ils étaient, avant l'heure, des radicaux-socialistes ou des sociaux-démocrates, et il aurait fallu pour cela que la révolution industrielle ait déjà eu lieu [et de toute façon, l'objectif de leurs argentiers était de rétablir (au moyen d'une démagogie "sociale" envers le petit peuple de Paris) la suprématie du Centre bourgeois parisien sur les bourgeoisies "provinciales" et les Peuples, et nullement de fonder une quelconque république démocratique et égalitaire réelle [1]]. Les royalistes voulaient revenir à ce qui avait justement fait son temps ; et les thermidoriens/directoriens n'avaient PAS de vrai projet, de vraie "vision", ils n'étaient pas des "Princes modernes" comme dit Gramsci, ces Princes de Machiavel que devaient être les leaders révolutionnaires bourgeois et que doit être maintenant (Prince collectif) l'avant-garde prolétarienne, le Parti. Napoléon (pas seul bien sûr, avec des gens autour de lui, des conseillers) a été ce "Prince" pour la bourgeoisie et ses nécessités d’alors, régnant 15 années d’affilée alors qu’aucun gouvernement depuis 1789 n’avait fait long feu. L'on considérait en revanche, très largement, que Napoléon avait aussi commis de (graves) erreurs ; tout ceci étant finalement bien résumé dans "Les Châtiments" du monument de la pensée bourgeoise qu'est Victor Hugo.[2]

    Et il était dit, dans l’article incriminé, la même chose de Staline D’UN POINT DE VUE COMMUNISTE/PROLÉTARIEN : un révolutionnaire, indiscutablement, mais ayant commis des erreurs, pour ne pas dire des fautes (suivant le principe perseverare diabolicum) qui ont PERMIS le processus restaurationniste qui ne commencera réellement qu'après sa mort car de son vivant, sa propension au limogeage voire à la fusillade permettait certes à une néo-bourgeoisie de se former mais pas de se STABILISER. SLP est toujours assez largement sur ce point de vue. Dans un vieux Partisan de 2003 (nous semble-t-il), traitant du sujet, il était dit en substance que ‘‘Staline était révolutionnaire d’un point de vue bourgeois, mais réactionnaire d’un point de vue prolétarien’’. C’est en substance ce que SLP essaye de dire, mais en y mettant de la subtilité. Ce pourrait être exactement ce qui est dit, stalpeut-être, en ajoutant ‘objectivement’ avant ‘réactionnaire’ – car l’intentionnalité restait selon nous révolutionnaire, marxiste-léniniste, mais avec de lourdes erreurs comme la ‘‘théorie des forces productives’’, la productivité à tout prix au détriment de la ‘communisation’ dans les relations sociales etc.

    Mais tu sembles en fait obnubilé, camarade, non pas par être sainement critique mais par REJETER absolument Staline, te démarquer à tout prix (et démarquer le maoïsme) de celui que la propagande capitaliste a érigé en ‘égal d’Hitler’, si bien que pour toi SLP défend Staline (ce qui n’était déjà pas exact fin 2009, et encore moins maintenant), donc SLP a une admiration – et beaucoup de mal à la refouler – pour Napoléon, et tout le propos du site n’est lu qu’à travers les lunettes brouillées de cet a priori préconçu.

    En réalité, la majeure partie du "gros œuvre" napoléonien a été réalisée sous le Consulat (1799-1804), mais à partir du moment où il se sacre empereur, Napoléon singe ouvertement l'Ancien Régime (un curieux mélange de Louis XIV, Charlemagne et Charles Quint…) et c'est ce qui amènera finalement l'original "édulcoré" (Louis XVIII) à triompher sur la copie avec la Restauration, qui n'est pas vraiment une "contre-révolution" (la "révolution" n'en étant déjà pas une !) mais disons, dans la grande marche du capitalisme vers le pouvoir social total, depuis les "petites révolutions" urbaines du Moyen Âge jusqu'à l'apothéose de la fin du 19e, une "pause-rétrocession", une "petite marche arrière" : on a globalement le régime que l'on aurait eu si Louis XVI n'avait pas fait le con et été renversé en 1792 (mais tout rentre vite dans l'ordre dès 1830). Bref. Parmi ces erreurs, il y a le singeage de l'Ancien Régime et de sa Cour ; ou encore l'expansionnisme qui lui aliène les peuples européens, même les bourgeoisies libérales (comme les constitutionnels ‘espagnols’ de Cadix en 1812).

    Le rétablissement de l'esclavage en est éminemment une, même d'un point de vue bourgeois, puisque ce mode de production aux colonies avait clairement fait son temps et montré ses limites, en plus de choquer la conscience humaine induite par le niveau des forces productives. Et pire encore fut, bien sûr, la guerre d’extermination menée en Gwadloup et en Haïti pour remettre la population noire dans les chaînes : l’historien Claude Ribbe parle de peut-être 100.000 mort.e.s pour Haïti et ce document d'un camarade ML (p. 6) de 10.000 pour la Guadeloupe (10% de la population en quelques semaines) ; étant considéré qu’un ‘nègre’ qui avait ‘goûté’ à la liberté ne pouvait plus être remis en esclavage, et devait donc mourir pour être remplacé par de nouveaux esclaves. Mais les ‘exploits’ colonialistes napoléoniens ne se limitèrent pas aux Caraïbes : quelques années auparavant il y avait eu l’expédition d’Égypte (1798-1801), pour soustraire ce pays à l’influence anglaise et (déjà !) y envisager le percement d’un canal reliant la Méditerranée à l’Océan Indien. Différentes autorités politiques et religieuses déclarèrent (on s’en doute) le djihad contre l’envahisseur et un moudjahid, le Kurde syrien Suleyman al-Halabi, exécuta le général Kléber (qui s'était déjà "illustré" quelques années plus tôt en Vendée et Bretagne) que Bonaparte rentré à Paris (pour y prendre le pouvoir) avait laissé sur place comme proconsul investi des pleins pouvoirs. Pour cet acte patriotique, il sera jugé ‘conformément’ aux usages égyptiens et… empalé vif ! La description - par des témoins de l'époque - de ce supplice atroce fait véritablement frémir... D’une manière générale, les exactions de Napoléon puis (surtout) de Kléber rappelèrent aux peuples d'Égypte et du Machrek le temps des Croisades - la poudre à canon en plus. D’une manière générale, donc, la politique de Napoléon outre-mer aura été une sanglante préfiguration de ce que sera la politique coloniale ‘française’ à l’ère du capitalisme triomphant (puis des monopoles), ère que le Premier Consul justement inaugurait.

    Nulle "contre-révolution" ici donc : si la "révolution" dont nous parlons est BOURGEOISE, nous n'avons là rien d'autre que le règne de la bourgeoisie dans toute sa "splendeur". Tu sembles en fait faire de "révolutionnaire" et "contre-révolutionnaire" des notions de "Bien" et de "Mal" avec un regard de 2013 : ce n'est pas matérialiste. Tout au plus peut-on parler de "mieux" : une révolution, changement radical de l'ordre politique, économique, social et intellectuel, amène généralement une amélioration de la condition humaine. Personne aujourd'hui n'aimerait vivre au Moyen Âge, par exemple. Pourtant cette époque était "révolutionnaire" par rapport à l'Empire romain où régnaient l'esclavage, les jeux de cirques etc. Le christianisme et l'islam, principales forces révolutionnaires de l'époque (devenant forces matérielles à travers les conquérants arabes et germaniques), avaient humanisé la condition du producteur : ils lui avaient donné quelques 'droits de propriété' sur sa propre personne, sa force de travail, ses biens d'usage et même ses moyens de production, ce que n'avait pas l'esclave antique. La considération pour la vie humaine s'était accrue en conséquence, le droit ‘de vie et de mort’ avait reculé, il fallait un procès pour pendre haut et court le serf contrevenant alors que l'esclave romain était crucifié sur simple ordre de son maître. Le capitalisme élève encore la considération pour l'être humain, devenu propriétaire plein et entier de lui-même mais privé (par contre) peu à peu de tout moyen de production ; il le fait cependant par un ‘tour de passe-passe’ : en réservant cette reconnaissance à une partie de l'humanité, "pleine et entière" en quelque sorte, et en en privant le reste. On distingue d'abord la ville (le bourgeois qui ne veut alors pas du tout dire "riche", mais "vivant en ville") de la campagne (qui reste sous régime féodal), puis le "sans feu ni lieu" du "bon père de famille" (le génocide des "vagabonds" entre le 15e et le 17e siècle est aujourd'hui bien tombé dans l'oubli), et bien sûr le chrétien du ‘païen’, du ‘barbare’ et de l'‘infidèle’ (musulman, juif, hérétique) ; puis on s'aperçoit que ces foutus curés ne peuvent pas s'empêcher de christianiser tous les sauvages qu'ils rencontrent, alors on crée le "blanc", la personne "de type européen" synonyme de "civilisée" ; au sein de quoi, ensuite, interviennent les différences de patrimoine, mais sur le papier les "droits" sont les mêmes. Napoléon était totalement sur cette ligne, il ne s'en est jamais écarté. Sa mission historique de "révolutionnaire" bourgeois était de briser les dernières subsistances de régimes juridiques différents selon les personnes : entre ordres (nobles, religieux et autres), entre régions, entre branches de métier (corporations etc.). Mais entre personnes BLANCHES, "civilisées".

    Nous sommes assez choqués par l’accusation d'oblitérer ces points alors qu’ils sont assez souvent mis en avant sur SLP, saluant la mémoire de Louverture et Delgrès. Par contre, "Inutile de dire que ces figures de proue, Toussaint Louverture, Marx et Engels, ne font qu'incarner un large camp, ouvrier et colonisé"... là camarade c'est toi qui fais erreur, et lourdement : il y a un pas entre saluer le rôle historique de Louverture (dans la prise de conscience, en synthèse, que les droits démocratiques proclamés par la bourgeoisie au 18e siècle n’étaient pas "réservés aux blancs", comme le disaient la plupart de leurs proclamateurs eux-mêmes) et en faire un révolutionnaire prolétarien ou anti-impérialiste sur le même plan que Marx et Engels (qui au début étaient ‘légers’ en anti-impérialisme, au demeurant). Si l'on schématise la société coloniale qu'était alors Saint-Domingue, le "nègre évolué" qu'était Louverture était un "moyen-bourgeois", l'équivalent des Conventionnels de 1792-94 : affranchi depuis une vingtaine années (lorsque les évènements commencent en 1791), il est alphabétisé et en excellentes relations avec son ancien maître, il possède une petite plantation de café et même... quelques esclaves. Il était né esclave (équivalent colonial de prolétaire) puis avait été affranchi et avait gravi l’échelle sociale, comme en cette fin du 18e siècle d’innombrables personnes du peuple, en Hexagone, étaient devenues moyennes-bourgeoises – ce sera justement l’un des moteurs de la "révolution". Les "mulâtres" (métis à dominante blanche) étaient les grands bourgeois et les "blancs" les grands propriétaires, les oligarques (la plupart dégageront dans les années 1790, Dessalines fera massacrer les derniers en 1804). Les noirs affranchis de fraîche date étaient les petits bourgeois (aux côtés de quelques ‘petits blancs’) et les esclaves, les prolétaires. Louverture a donc été un révolutionnaire moyen-bourgeois ; d'ailleurs il calqua beaucoup son régime sur celui de Napoléon (champion de cette force sociale en Hexagone) : il mit en place un régime semi-autocratique de type césariste, très proche de celui de Bonaparte à Paris avec Cour, étiquette etc. mais dont le centre du pouvoir était l'armée noire (l'armée mulâtre de Rigaud étant écrasée en 1800, les planteurs blancs rappelés mais subordonnés et les représentants français renvoyés en métropole). Son successeur Dessalines se proclamera même empereur le 2 septembre 1804, après Napoléon donc, mais se fera couronner le 8 octobre... pour l'être avant (2 décembre pour le ‘petit caporal’) ! Sauf que dans la situation concrète précise, c'était progressiste et Napoléon, en effet, était le réactionnaire. Mais Louverture comme Dessalines restaient des bourgeois préoccupés de production et de commerce national, et c'est ainsi qu'ils mirent en place ce que l'on appelle le "caporalisme agraire" ou "règlements de culture" : les esclaves "libérés" restaient assignés sur les anciennes plantations, sous encadrement militaire, pour produire à coups de cravache le sucre - alors presque unique richesse de l'île. Par la suite, Dessalines sera liquidé par la ‘caste’ des mulâtres – Pétion etc., souvent ralliés de la dernière heure à l’indépendance – et ses partisans se réfugieront au Nord du pays avec Henri Christophe (qui se proclamera ‘roi’…) ; mais les uns comme les autres pratiqueront allègrement le ‘caporalisme agraire’ [lire documentation ici : caporalisme-agraire-haiti.pdf]. Jean-Pierre Boyer (mulâtre) réunifiera l’île en 1820 mais, sous la menace d’une nouvelle invasion, il signera avec Charles X un terrible traité de ‘réparations’ pour l’expropriation des plantations esclavagistes ; racket à l’origine de la misère actuelle d’Haïti. Eh oui ! Encore une fois il y a un (sacré !) pas entre reconnaître la valeur historique d'un personnage et l'idéaliser…

    vertieres-3

    Pour ce qui est, enfin, de la citation "La liberté politique est une liberté apparente, la pire sorte d'esclavage... L'hypocrisie ne peut subsister, la contradiction qu'elle dissimule doit ressortir ; nous devons avoir soit un véritable esclavage – c'est-à-dire un despotisme non déguisé – soit une liberté réelle et une égalité réelle, c'est-à-dire le communisme. Ces deux conséquences sont ressorties dans la Révolution française ; Napoléon établit l'une et Babeuf la seconde" (bien d’autres que Babeuf auraient pu être cités : les sections sans-culottes, les Enragés de l'abbé Jacques Roux - souvent confondus avec les "Exagérés" comme Hébert - qui inspirèrent Babeuf et plus tard les Canuts, les Demoiselles d’Ariège, les sociétés républicaines ouvrières sous Louis-Philippe, les partisans de ‘la Sociale’ en 1848-51 etc.) ; c’est en substance ce qui est dit dans un passage de l’article en lien plus haut : "Les grosses ‘machines’ monarchiques étaient devenues des freins à l'‘appel’ des forces productives, ‘appel’ à la révolution industrielle, et même dans les ‘républiques’ qu'étaient alors les grandes villes, ou des territoires ruraux comme les Escartons alpins, ou encore bien sûr les cantons suisses, les Provinces-Unies néerlandaises et les Cités-États italiennes, le pouvoir était devenu oligarchique, monopole de quelques grandes familles dominant les corporations, et empêchait les nouvelles couches bourgeoises, tournées vers la modernité, de se développer pleinement. Il fallait donc un ‘changement radical’ et ce furent les ‘révolutions’ bourgeoises de 1789 à 1871 environ ; mais ce ne furent pas de véritables révolutions au sens où un mode de production (le capitalisme) en aurait renversé un autre (la féodalité) régnant alors sans partage, et n'aurait réellement pu exister qu’ainsi. Cette véritable révolution-là, c'est la construction monarcho-grande-bourgeoise des États modernes qui l'a menée (et les révolutions républicaines oligarchiques de Suisse, des Pays-Bas, des cités italiennes aux 13e-14e siècles etc.). C'est ce qui explique les grandes ambiguïtés de cette période 1789-1871, le jeune prolétariat et la paysannerie pauvre, eux, voulant mener ce ‘changement radical’ jusqu'au bout, c'est-à-dire au socialisme (hélas pas encore théorisé scientifiquement comme tel), et ne récoltant généralement que des volées de plomb…"

    Voilà, nous pensons avoir fait le tour.

    Nous ne souhaitons pas polémiquer sur la "militance virtuelle" (comme si un site, qu'on se casse le derrière à faire tous les jours ou presque, n'était pas une réalité donc une force matérielle, donc une pratique, ce en quoi nous sommes pour le coup complètement d'accord avec le 'p''c''mlm') ; ni sur l'éventuelle "non organisation", comme si une personne non organisée était forcément "inférieure" théoriquement à une personne organisée, ce qui relève selon nous, comme le disait un camarade il y a quelques années, du mépris du peuple... Ceci n'étant de toute façon plus valide depuis septembre dernier puisque, conformément aux analyses menées depuis 2 ans, SLP est entré dans une démarche de construction d'un Parti communiste révolutionnaire d'Occitanie (tu ne seras peut-être pas d'accord, inutile là aussi de polémiquer), comme il y un PC maoïste de Galice ou un PC maoïste de Manipur (en Inde). Pour le coup le PCmF ne sera pas d'accord non plus, à vrai dire pas grand monde ne le sera, tant le mythe selon lequel l'État français se confond avec une "nation" est fort même dans les secteurs les plus avancés des masses populaires. Auparavant, en effet, après une brève expérience d'encartage politique, s’était imposée la conclusion que la démarche SLP n'avait de sens qu'EN DEHORS de toute organisation, de tout "centralisme" aussi nécessaire qu'hélas souvent stérilisant ; dans une logique d’"interpellation permanente", par une "voix du peuple avancé", des organisations qui, pour avoir un sigle, croient souvent détenir seules la vérité. À la hauteur des modestes moyens, l’impression aujourd'hui est que le résultat démontre la validité de ce choix…

    Fraternellement,

    SLP



    [1] Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/quelques-verites-sur-la-revolution-bourgeoise  

    [2] Distinguer "d'un point de vue bourgeois" et "d'un point de vue communiste prolétarien" signifie clairement que SLP n'a aucune sympathie pour Napoléon, mais que les prolétaires révolutionnaires doivent regarder Staline COMME les bourgeois du 19e siècle regardaient Napoléon : en reconnaissant les grandes réalisations, mais sans complaisance ni 'moulin-à-justifications' pour les erreurs et les fautes, parfois objectivement lourdes (exemple : l'URSS a gagné la Seconde Guerre mondiale certes, c'est d'ailleurs pourquoi la restauration capitaliste a pris des formes très différentes de la Restauration de 1815 en 'France' - contexte de défaite ; mais gagner en 'Espagne' aurait peut-être évité de la FAIRE, la guerre mondiale... or la ligne suivie par Staline et le Komintern dans ce conflit a grandement contribué à la défaite). Comme, PAREILLEMENT... mais pas dans le même CHAMP POLITIQUE !!! C'est cela que veut faire comprendre SLP. La bourgeoisie du 19e siècle, rarement favorable à un retour à l'Ancien Régime et certainement pas au Moyen Âge ou à Henri IV, défenseuse des acquis de 1789-1815, était dans l'ensemble capable de ce point de vue dialectique. Le mouvement communiste aujourd'hui, malheureusement, semble encore partagé sur la question de Staline entre le rejet total et la sacralisation au mépris de tout bon sens (et parfois à la limite du malsain). C'est sûrement que la bourgeoisie du 19e siècle, déjà installée dans ses positions de pouvoir depuis plusieurs siècles et pour qui 1815 n'avait pas été une défaite stratégique, était une classe plus sûre d'elle que le prolétariat aujourd'hui. 

    Napoléon, nous l’exécrons bien évidemment, mais c'est bien normal : c'est un héros de la bourgeoisie, alors que notre camp est le camp du Peuple (et bien sûr en tant qu'Occitans ; ayant été l'un des pires centralisateurs de tous les temps). Le prolétariat du 19e siècle, soumis au livret ouvrier, à l'interdiction de toute coalition pour défendre ses intérêts, à la conscription par tirage au sort pour aller mourir sur les champs de bataille, à des vétérans d'un nombre variable de graaaandes batailles dans les casernes et, souvent, à des fortunes bâties entre 1799 et 1815 dans les usines, partageait sans doute ce point du vue. Les autres classes, en revanche, avaient toutes ou presque une certaine forme d'admiration.

    Aujourd'hui, ce n'est pas seulement Staline que déteste la grande et moyenne bourgeoisie, c'est le communisme, en tout cas sa mise en pratique : Lénine, Staline, Mao, Hô Chi Minh aussi bien que le Che et Fidel Castro, Trotsky ou Tito. La petite bourgeoisie (ou plutôt la classe moyenne salariée), à la rigueur, peut dans certains cas avoir une vision plus positive de ces dirigeants, sauf Staline et Mao qui ont vraiment "tué beaucoup de gens" (en fait, à l'année et selon le même mode de calcul/supercherie, Lénine et Trotsky en auraient 'tué' plus mais c'est pas grave...[3]). Le prolétariat, lui, DEVRAIT POUVOIR avoir de ces leaders et des expériences sous leur direction une vision HISTORIQUE, 'détachée', pesant le 'pour' et le 'contre', apprenant des succès et tirant leçon des erreurs et des échecs. Ce n'est pas encore tout à fait le cas, mais ça viendra ! 

    [3] Ainsi la terrible guerre civile de 1918-19-20 a provoqué une situation de crise alimentaire causant la mort directe, par sous-nutrition, de millions de personnes - des photos de cela seront d'ailleurs réutilisées lors du grand hoax Goebbels-Hearst sur l'Ukraine. En 1932-33 en revanche, en Ukraine et en Russie du Sud, la crise alimentaire causée par les sabotages des koulaks (une petite guerre civile non-déclarée !) n'a rien provoqué de tel, hormis une certaine surmortalité et - surtout - baisse de la natalité (grossesses remises à plus tard). Ceci a amené une différence avec les 'projections' statistiques, de l'ordre de 3 ou 4 millions de personnes, le même type de 'trou' démographique que l'on observe en 'France' entre 1914 et 1919, et la propagande anticommuniste a transformé cela en 'victimes de la famine'. Peu importe que des dizaines de témoins visitant ces régions à l'époque n'aient rien vu de tel : elles ne visitaient, voyez-vous, que des 'kolkhozes Potemkine' ; des personnes qui n'y ont jamais mis les pieds, par contre, font autorité. Enfin... surtout depuis les années 1970, lorsque la néo-bourgeoisie engendrée par les erreurs et les fautes de la direction stalinienne avait fait de l'URSS une proie facile ; car à l'époque concernée, l'affaire montée médiatiquement par Goebbels et le groupe de presse US (pro-nazi) Hearst était vite retombée comme un soufflé, et plus personne n'en parla pendant près de 40 ans. D'ailleurs les nationalistes ukrainiens qui font de cette 'famine' un point central de leur propagande sont généralement implantés... dans des régions d'Ukraine qui n'étaient PAS SOVIÉTIQUES en 1932 ! Pour "exterminer le sentiment national ukrainien", Staline aurait donc affamé les régions d'Ukraine (région du Donets etc.) les MOINS nationalistes, les PLUS liées et fidèles à la Russie, ainsi que des parties de la Russie elle-même (région du Don, Kouban)... cherchez pas à comprendre ; même si, on l'a dit, SLP est profondément critique sur le traitement par Staline de la question des nationalités.

    Le même type de manipulation existe sur le Grand Bond en Chine (1958-1961), qui fut effectivement un échec économique (mal préparé, et peut-être sabotages par des cadres qui lui étaient hostiles... et étaient sans doute majoritaires dans le Parti). Mao y aurait 'tué' entre 30 et 40 millions de personnes (5% de la population de l'époque) et au total, pendant son 'règne', "de 50 à 70 millions" ou "de 60 à 80 millions" (les deux versions existent), ce qui fait 10% de la population moyenne de la Chine pendant ledit 'règne'. C'est ce qui explique sans doute que la population chinoise, entre 1949 et 1976, ait augmenté de... 72% (de 540 millions environ à 930 millions, on voit ici la courbe à partir de 1961, 39% d'augmentation rien qu'en 15 ans) ; alors qu'une 'saignée' bien moindre (3% de la population) en 1914-18 a fait stagner la population hexagonale pendant près de 30 ans ! La réalité, c'est que si UN SEUL mérite devait être reconnu à Staline en URSS et à Mao en Chine (il y en a d'autres, évidemment...), c'est d'y avoir mené la 'révolution' industrielle et agricole que l’État français a connu entre 1750 et 1850, et d'avoir fait DISPARAÎTRE la famine de ces pays. Dans la 'guerre de tranchées' idéologique qui fait partie intégrante de la lutte des classes, la bourgeoisie doit donc déployer d'énormes efforts sur ce 'front'-là : la fameuse rengaine du "communisme affame le peuple".

    Au demeurant, si l'on étudiait à la loupe les statistiques démographiques, il est probable que la période de la Grande Dépression aux États-Unis (années 1930, principalement la première moitié) révélerait le même genre de forte surmortalité, peut-être de l'ordre de plusieurs millions de personnes entre sous-alimentation et maladies favorisées par celle-ci, froid (dans la rue ou faute de moyens de chauffage), suicides "directs" ou "à petit feu" (par alcoolisme notamment) etc. etc. Il y a d'ailleurs déjà de telles études qui avancent des chiffres de l'ordre de plusieurs millions, évidemment démenties par les sacro-saints et sempiternels "experts sérieux"... Mais que tendrait à corroborer la nette inflexion que l'on voit entre 1930 et 1939 sur la courbe de la population américaine, courbe par ailleurs parfaitement linéaire depuis 1870 (la précédente inflexion étant les années 1860 soit... la Guerre de Sécession !) et reprenant tranquillement son ascension ensuite (la population gagnant ainsi presque 20 millions dans les années 1940 alors qu'il y a eu la guerre, 300.000 jeunes hommes tués, des millions de couples séparés etc.). Cela tombe d'ailleurs sous le sens vu que jusqu'au milieu de la décennie (premières lois welfare en 1935), les victimes de la "main invisible" du marché de l'emploi ne bénéficiaient d'absolument aucune protection sociale, l'absence de travail signifiant l'absence totale de revenus (début 1933 il y a 15 millions de chômeurs soit 60 à 70 millions de sans-revenus par répercussion, seulement 10% d'emploi à plein temps donc salaire "décent", 2 millions de sans-abri etc.)... S'ajoute à cela qu'évidemment, le "rêve américain" ne faisait plus rêver grand monde et, le gouvernement ayant par ailleurs drastiquement "serré la vis" niveau immigration (1924), pour la première fois dans leur histoire il sort plus de personnes des USA (environ 90.000), au cours de la décennie 1930, qu'il n'en entre. Les "experts" susmentionnés répondront que non, pas du tout, les statistiques officielles indiquent que "seulement" 110 indigents sont par exemple morts de faim à New York à 1934, donc par extrapolation au maximum quelques milliers dans tout les États-Unis pendant la terrible décennie... C'est exactement là la différence dont nous parlons entre des "morts de faim" au sens strict et une surmortalité (encore plus un déficit démographique) conséquence d'une situation économique difficile. Ce qui est quasi certain, c'est qu'avec les mêmes "méthodes" de calcul que pour l'URSS ou la Chine du Grand Bond, on pourrait affirmer sans problème qu'il y a eu des millions de morts aux États-Unis lors de la Grande Dépression. Des "travaux" de propagande russe (alors que comme chacun-e le sait, les tensions russo-occidentales au sujet de l'Ukraine font rage), gaiment repris (évidemment) sur tous les sites fascistes "révolutionnaires" et/ou conspis, le démontrent parfaitement.


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  • Voici un article, traduit par nous, du Mouvement Guévariste Révolutionnaire, né voilà 6 ans au Venezuela en rupture avec les 'renoncements' et les 'trahisons' (extraditions de militant-e-s etc.) du gouvernement Chavez, la 'nouvelle droite endogène' du Parti 'socialiste' unifié de ce pays et autre 'boli-bourgeoisie' - toutes choses qui ne sont pour nous que le naturel de classe de la gauche bourgeoise chaviste revenant au galop. Nous publions cette analyse car 1°/ elle est BRILLANTE et très riche d'enseignements et de matériaux pour la réflexion théorique, 2°/ elle a l'insigne mérite de provenir de L’INTÉRIEUR MÊME du pays concerné, ce qui vaut toujours mieux que des analyses menées, du haut d'une chaire ou non, à des milliers de kilomètres ou sur le même continent, dans des pays voisins. 

    Notre position (1-2-3) s'est toujours voulue extrêmement claire quant au 'bolivarisme' : DÉFENSE ABSOLUE non pas tant des gouvernements que du 'fait populaire bolivarien' (mobilisation et rapport de force instauré par les masses) contre les offensives réactionnaires de la droite oligarchique et de l'impérialisme US, synonymes de massacre pour le Peuple et le mouvement social (ouvrier et paysan) organisé, comme on a pu le voir au Honduras et tout dernièrement, dans un contexte différent, en Égypte (ou ce n'était pas 'droite vs gauche' mais 'capitalisme d'en bas' islamiste contre 'capitalisme d'en haut' bureaucratique-militaire 'laïc') ; DÉNONCIATION ABSOLUE de son caractère réformiste bourgeois et de ses agissements anti-populaires. Aujourd'hui, le second aspect est clairement devenu principal : le PSUV de feu Chavez (et de son successeur Maduro) est clairement sur la voie d'autres 'gauches' qui par le passé ont réussi à garder le pouvoir et se sont institutionnalisées, comme le PRI mexicain, le MNR bolivien, ou tout simplement... l'Action démocratique (social-libérale) vénézuélienne dans le système de Punto Fijo. Si la droite revient au pouvoir, ce sera tranquillement par les élections (elle a déjà failli en avril dernier), pariant sur les déçus du chavisme qui s'abstiendront ou tout simplement sur les gens qui préfèreront l'original à la copie... Elle a d'ailleurs adopté un discours de plus en plus social-libéral et 'luliste' (c'est l'identité politique de son nouveau 'champion' Capriles) à mesure que le PSUV se droitisait, et bientôt (si ce n'est déjà le cas) plus grand chose ne les distinguera, dans un nouveau puntofijisme, le débat ne portant plus que sur "qui est plus corrompu que l'autre".

    Il est donc temps pour les forces populaires révolutionnaires de ce pays de franchir un cap, et d'assumer la révolution véritable par la Guerre du Peuple. Ce texte, qui n'est pas maoïste, en est certes encore loin, mais il est clairement un petit pas dans cette direction. C'est en tout cas beaucoup plus intéressant que des incantations (à lutter contre les 'fascistes' bolivariens) émises de pays étrangers, d'ailleurs guère plus suivies d'effet dans leur propre pays qu'elles ne le sont au Venezuela...

    Bonne lecture !

    Le Venezuela a besoin d'une véritable révolution : l'opinion des guévaristes


    chaveznodSix longs et dramatiques mois après la mort du commandant Hugo Chávez, le MGR croit nécessaire de livrer une opinion qui aide à clarifier le scénario auquel sont et seront à l'avenir confronté-e-s les travailleurs, les travailleuses et les exploité-e-s des villes comme des campagnes.

    Beaucoup d'encre a coulé au Venezuela et dans le reste du monde sur le fameux "processus révolutionnaire bolivarien". Pour des raisons diverses, mais généralement fondées sur l'opportunisme politique, de nombreux secteurs de la gauche capitaliste ont décerné des brevets de révolution au gouvernement du Venezuela. Les plus audacieux ont créé toute une série de catégories leur permettant de donner un support théorique à l'expérience ayant lieu dans notre pays. C'est ainsi qu'a surgi l'argument déjà usé du socialisme du XXIe siècle et tout ce qui en découle.

    Mais si l'on veut bien s'immiscer de manière concrète dans le processus social et politique vénézuélien, l'on risque de rencontrer bien des surprises provoquant plus que du désenchantement pour un admirateur non avisé du "processus".

    Nous proposons ici d'interroger sommairement quelques uns des concepts donnant un support théorique à l'actuel processus, pour comprendre, au-delà de nos désirs, la réalité du "socialisme bolivarien".

    La Révolution Bolivarienne

    C'est sous ce nom qu'a commencé l'actuelle période de gouvernement au Venezuela, annonçant de véritables changements par rapport à la quatrième république. Le concept de révolution impliquait jusque-là une rupture structurelle, économique et sociale avec le système antérieur, c'est-à-dire le capitalisme, mais dès lors, ce même concept a été vidé de son contenu pour exprimer quelque chose de très différent. 

    PHOc95f3da6-b365-11e2-a33a-92bc88a9ed8f-805x453La révolution bolivarienne, il était proposé de la faire non seulement de manière pacifique, mais encore avec le concours et la participation de ceux qui maintenaient le système en fonctionnement, à savoir la bourgeoisie.

    Le choix des élections comme moyen de dépasser les contradictions et les différences a été le pari des dirigeants du processus, ce qui signifie accepter et participer aux règles du jeu bourgeois. Cette acceptation a impliqué non seulement la reconnaissance de l'État et de ses institutions et lois, mais encore de se présenter comme une alternative d'administration de ces mêmes État, institutions et lois.

    De sorte que l'on renonce dès le départ à mener dans le pays une véritable révolution qui change le type d'État, ses institutions, son système économique, la propriété des moyens de production et par là, tout le système économique et social.

    Ce qui est proposé à la place est une modification de l'ordre juridique, par le biais d'une assemblée constituante qui substantiellement, cherche à réorganiser la nouvelle corrélation de forces entres les classes dirigeantes, et non à en finir avec le système bourgeois d'exploitation. La nouvelle constitution, dans son article central, consacre le système de propriété en place depuis la fondation de la république, et détermine ainsi la survivance du capitalisme sous un nouvel agencement de classes dominantes. 

    La révolution passe d'un trait de plume à ne plus représenter qu'un agencement et une répartition du pouvoir entre une nouvelle alliance de classes qui, dès lors, est vouée à préserver le système et l'État capitaliste d'exploitation. Le problème n'est alors plus le capitalisme, mais son administration et il suffit d'avoir de bons gérants. Ceci est précisément le discours inaugural de la nouvelle étape. 

    La Révolution comme processus et non comme acte révolutionnaire.

    venezuelahugochavezcelebroeldiadelamiliciabolivariana1À partir de là, la révolution comme concept cesse d'être un acte révolutionnaire exécuté par les exploités pour mettre fin au système qui les soumet. Elle ne consiste plus à exercer un pouvoir de classe exprimé dans un nouveau système politique, social et économique et dans la construction d'un nouvel État, mais en un processus indéterminé dans le temps et l'espace, qui change progressivement certaines règles du jeu, mais maintient l'essence du système capitaliste. 

    Telle est l'essence des nouveaux concepts qui animent la "révolution bolivarienne", qui n'est rien de plus que des changements graduels permis dans le cadre du capitalisme, car ils ne font que le renforcer et lui apporter une base sociale qu'il n'a jamais eue. La consigne "maintenant le Venezuela est à tous" exprime parfaitement la conciliation de classe qui prétend s'imposer au pays.

    Il est symptomatique que cette expérience politique coïncide dans le temps avec la poussée définitive pour l'effondrement du bloc de pays qui, sous la direction de l'URSS, disaient représenter le socialisme réel. C'est une donnée très importante, car elle représente un changement d'époque historique et un changement de paradigme pour une grande partie de la gauche au niveau international, qui trouve dans le réformisme capitaliste une nouvelle niche théorique et un nouveau modèle pour justifier sa banqueroute théorique et politique : la gauche capitaliste. 

    À partir de là, nous pouvons proprement parler de renforcement de la gauche capitaliste, ou, ce qui revient au même, de la gauche du capitalisme. Ce virage conceptuel est aussi l'enterrement définitif et l'abandon consubstantiel des formes d'organisation et de lutte qui remettent concrètement en question le système capitaliste. 

    Pour que tout ceci ait pu avoir lieu, il a fallu qu'aient lieu d'autres faits marquant de leur empreinte l'époque que nous vivons. Pour comprendre ces faits, il nous faut sortir de la vision fragmentée qui existe sur le déroulement historique latino-américain, tant sur le plan social que politique, économique et militaire. 

    Les antécédents historiques.

    Si nous nous plaçons à partir des années 1960, nous pouvons voir, de pair avec la crise capitaliste d'alors, un essor non seulement de la mobilisation de masse à un niveau purement revendicatif mais, dans de nombreux pays, de la mobilisation et du combat contre l'existence même du système.  

    chicagoboysLa radicalité de la protestation, son contenu même et les nouvelles formes d'organisation qui se développent, le font dans un contexte de crise générale du capitalisme, lequel se voit obligé de passer à une autre étape d'exploitation et de domination par la chute constante de son taux de profit à ce moment-là. 

    La réponse économique à cette crise viendra de la main d'une variété du capitalisme : le libéralisme économique le plus agressif, sur lequel il a été suffisamment écrit, mais peu approfondi sur le plan politique de cette étape et, pareillement, sur le plan opérationnel. Ces trois aspects du plan général du capitalisme sont habituellement vus comme séparés et non compris comme un tout, brouillant l'analyse et les conclusions de celle-ci. 

    La réponse à la crise, du point de vue économique, doit venir accompagnée d'un modèle politique qui la rend possible et d'un plan opérationnel qui la met en œuvre et élimine les obstacles à son application. Les crises systémiques du Capital ne sont pas exclusivement économiques ni financières ; elles sont l'expression généralisée, touchant tous les domaines, des contradictions fondamentales qui étreignent le capitalisme, à cause de la contradiction entre une production sociale et l'appropriation privée de celle-ci. 

    De ce fait, la crise systémique du capitalisme est éminemment politique, culturelle, formative, militaire, structurelle, écologique, productive, économique, scientifique, théorique, ethnique, générationnelle et même de genre. Aucun domaine de la vie sociale n'échappe à ce phénomène périodique du capitalisme. 

    menem bushSi nous comprenons cette dynamique du capitalisme, nous serons dans de meilleures conditions pour comprendre les plans du Capital dans un sens global et non fragmenté, comme nous y ont habitués les "analystes".

    Pour revenir à notre sujet, il nous faut comprendre que la seule voie possible pour l'application de la variante la plus extrême du capitalisme, sur notre continent, a été l'inauguration de l'ère des dictatures militaires, de manière simultanée dans presque tous les pays latino-américains. 

    Nous ne parlerons pas ici de néolibéralisme, pour diverses raisons sur lesquelles ne nous étendrons pas. Lorsque l'on parle de néolibéralisme, l'on tend à séparer ce concept du capitalisme, comme s'il existait un bon capitalisme (keynésien) et un mauvais (néolibéral), alors qu'en réalité ce sont les deux faces d'une même pièce. Mais il y a en outre un autre détail de grande importance. 

    Jamais le capitalisme n'applique des modèles "purs", et jamais ceux-ci ne sont exclusivement une seule chose. Habituellement, il y a des combinaisons de mesures en mettant l'accent sur l'une ou l'autre, mais les deux recettes représentent la continuité du Capital et l'application de l'une d'elle à un moment donné ne fait que préparer l'étape suivante, où s'exprimera principalement l'autre. Ceci étant éclairci, poursuivons notre étude des faits historiques. 

    Avec une classe politique, représentante de la bourgeoisie, à bout de souffle, isolée et discréditée, avec un réformisme, radical dans bien des cas, qui ne pouvait déjà plus contenir la poussée des masses, la seule alternative qui restait au système était de puiser dans sa réserve stratégique que constituent les forces armées des États capitalistes. 

    Le plan politique, économique, idéologique et militaire.

    Ce secteur était le seul fiable et nécessaire, pour les bourgeoisies et l'impérialisme, afin de résoudre en leur faveur et de manière stratégique le conflit de classe posé. Il ne s'agissait pas seulement de sauver le système. Il s'agissait d'inaugurer une nouvelle forme d'exploitation beaucoup plus extrême, et pour cela il fallait nécessairement domestiquer un mouvement de masse en croissance et en mobilisation toujours plus radicale.

    La mission fondamentale des dictatures était de réformer et renforcer l'État, changer le paradigme économique, et appliquer de manière stratégique la nouvelle politique économique permettant au capital d'enrayer sa crise systémique.  

    Junta Militar Argentine 1976Si nous avons montré son plan politique de longue haleine, il faut à présent exposer clairement son plan opérationnel.  Le premier objectif de ce plan était d'en finir, par la voie de l'extermination, avec les organisations révolutionnaires et leurs cadres les plus avancés et radicalisés. Puis viendrait le désarmement des organisations de masse, vider celles-ci de leur contenu théorique et politique, pour pouvoir avancer dans leur domestication. Les syndicats et autres organisations de travailleurs furent un objectif stratégique.

    Comme nous pouvons le voir, nous sommes en présence d'une stratégie globale qui ne laisse pas d'éléments au hasard et qui inclut le déploiement d'un scénario de guerre, où aucun élément n'est laissé sans utilisation.

    S'il en est ainsi, il serait illusoire de penser cette stratégie terminée une fois atteints seulement ses objectifs partiels. Il fallait penser à l'adaptation tactique du futur scénario, et le cadre fut les démocraties fortes ou protégées.

    La relative stabilité du nouveau cadre reposerait non seulement sur la force organique-juridique des États concernés, mais fondamentalement sur la participation et l'acceptation par les masses du nouveau système établi.

    Par endroit il suffirait d'une camisole de force politico-juridique, qui tiendrait en respect les secteurs populaires (comme dans le cas du Chili), mais dans d'autre la stabilité du capitalisme reposerait dans l'emprise de masse acquise par le système.

    De cette manière, la démocratie formelle bourgeoise acquit le rang de conquête populaire en opposition aux dictatures, et elle conquit une grande partie de la gauche pour que celle-ci légitime, par sa présence, le nouveau modèle de domination politique qui offrait un climat de tranquillité propice à de nouvelles et bonnes affaires.

    La chute du bloc socialiste, action largement préparée tant de l'intérieur que de l'extérieur, amena la faillite du paradigme pour de larges secteurs, surtout intellectuels et théoriques provenant des couches moyennes éduqués, qui furent les premières à se démarquer, à assumer dans la pratique la 'fin de l'histoire' de la lutte des classes et assumer sans complexes les orientations ennemies.

    Ces secteurs furent les premiers à assumer la production livresque justificative de la défaite et à chercher à mettre en pièce la théorie révolutionnaire.

    L'adéquation tactique des démocraties fortes ou protégées, une fois accentuée la nouvelle phase de la crise du capital, requérait un profond changement dans l'administration du système, donnant à celui-ci dynamisme et stabilité dans les nouvelles conditions où de déroulaient l'exploitation. C'est là une autre variante contre-insurrectionnelle faisant partie de la stratégie capitaliste globale.

    La réussite évidente du capitalisme, en remplissant sa fonction de surexploitation, d'internationalisation du capital, d'appropriation des entreprises stratégiques, des matières premières vitales et de flexibilité du marché du travail, tranchait avec son désastreux bilan social, cependant contemplé à l'aune du dessein stratégique d'exploitation et de domination dans la nouvelle étape de développement du capital. 

    Nous voulons clarifier quelque chose quant à ce qui précède. Les économistes parlent de l'échec du néolibéralisme à résoudre les problèmes sociaux. Ils font erreur. Le capitalisme n'a pas vocation à résoudre ces problèmes. Son unique rôle est d'obtenir, assurer et reproduire à grande échelle le vol permanent de plus-value au prolétariat et aux autres secteurs exploités.

    bananeroEn cela le  capitalisme, que ce soit sous son visage keynésien, libéral, néolibéral, fasciste, réformiste, populiste ou national, remplit avec succès ses objectifs pendant un temps déterminé, employant l'une ou l'autre de ses variantes ou une combinaison de différentes d'entre elles, tant sur le plan tactique que stratégique. De sorte qui si nous voulons mesurer l'efficacité du capitalisme en terme social, nous partons d'un présupposé erroné, puisque c'est par essence un système antisocial, antihumain et anti-développement. 

    Ceci étant clarifié, voyons de manière simple quel est le bilan de l'application de la nouvelle étape capitaliste en Amérique latine.

    - Haut niveau de dette externe : totalement adapté à l'internationalisation du capital en alliance avec des secteurs bourgeois locaux et la facilitation des États.

    - Énormes quantités de chômeurs : fondamental pour abaisser substantiellement le coût de la force de travail.

    - Flexibilité du travail : également nécessaire pour obtenir ce qui précède.

    - Privatisation des entreprises stratégiques : fondamental pour l'investissement du Capital impérialiste en association avec les capitaux plus petits des bourgeoisies locales et ainsi obtenir la centralisation et la concentration du capital.

    - Développement de la dette interne : fuite du capital de la production à la spéculation pour se protéger de l’invasion croissante des marchandises étrangères.

    - Développement du secteur agro-industriel : l’élimination quasi complète de la paysannerie est fondamentale.

    - Massacre et extermination des organisations révolutionnaires et de leurs cadres les plus avancés : aucune des mesures antérieures n’aurait été possible sans accomplir les tâches les plus criminelles du capitalisme. Par l’extermination est visée (et dans une large mesure atteinte) la désorganisation des secteurs exploités et un clair recul théorico-politique, afin d’éliminer pratiquement toute l’accumulation stratégique depuis des décennies par la classe ouvrière et les exploité-e-s de la ville et de la campagne.

    - Stabilisation du système politique bourgeois avec de nouvelles règles et des élections périodiques : une fois éliminé le péril subversif, la légitimation du système démocratique bourgeois est une pièce fondamentale et pour cela il faut consolider une opposition de système ou, ce qui revient au même, une carte de rechange administrative pour contenir la poussée des masses lorsqu’elle se produira, à travers de petites réformes économiques et sociales, maintenant cependant intact l’essentiel du système de domination et d’exploitation capitaliste.

    enlabasura.jpgL’invention de la dite "gauche intelligente" (secteurs ouvertement liés à la social-démocratie européenne) n’était pas suffisante, étant donné que celle-ci restait fondamentalement dans les sphères intellectuelles et sans discours réellement lié au mouvement de masse. La carte de rechange en cas de nécessité devait venir du même monde social et politique que celui qui avait été la niche de la gauche historique, et devait assumer une partie de son discours, de ses emblèmes, de ses revendications et même, l'élaboration de pensées révolutionnaires hors-contexte et dénaturées, qui justifieraient le changement de cap. 

    Si nous observons les choses avec attention, nous réalisons que l'actuelle étape politique et économique fait partie d'un plan global et étendu dans le temps, qui a envisagé différentes possibilités et en fonction d'elles, déploie différents instruments et plans spécifiques qui lui offrent une flexibilité tactique au milieu d'une stratégie ferme, ne laissant place à aucune alternative révolutionnaire.

    Ce plan suppose la mise en pratique de variantes déterminées, allant de la dictature militaire, du Plan Condor, du retour à la démocratie bourgeoise jusqu'à l'apparition de la gauche capitaliste et même l'émergence de gouvernements "progressistes" dans la région.

    Le fil conducteur de tout ce processus, nous pouvons le trouver dans la dynamique même du capital comme phénomène anarchique et convulsif, qui traverse des étapes de relative stabilité pour ensuite entrer à nouveau en crise.

    Ce qui est central pour le capital reste ses attaques sans pitié contre la classe ouvrière et son effort acharné pour accroître son taux de profit, par l'extraction du plus de plus-value possible. Dans cette logique du capital, les différentes variantes employées seront toujours déterminées par leur capacité à assurer une élévation du taux moyen de profit, ce qui s'obtient fondamentalement en diminuant la valeur de la force de travail.

    La capacité du système à permettre une meilleure redistribution de l'excédent sera conditionnée par l'importance de celui-ci ou, dit autrement, par les profits extraordinaires obtenus. Mais cette meilleure redistribution sera TOUJOURS dédiée à assurer la continuité du système, et JAMAIS pour favoriser effectivement la force de travail, qui est ce dont le capital obtient réellement son profit (ou plus-value).   

    Venezuela : Réformisme ou Révolution.

    Ceci étant éclairci, nous pouvons beaucoup mieux comprendre le panorama politique latino-américain, et en particulier ce qui se déroule au Venezuela. 

    patria socialismo o muerteL'émergence du phénomène bolivarien au Venezuela repose sur l'existence objective de conditions révolutionnaires pour aller vers le socialisme. L'incapacité manifeste des classes dominantes à contenir la poussée du mouvement de masse et en particulier de la classe ouvrière, et le ras-le-bol croissant des secteurs exploités pour leur extrême pauvreté, conduisirent la situation vers une croissante ingouvernabilité qui mettait l'explosion sociale à l'ordre du jour d'un moment à l'autre.

    Mais cette situation contrastait avec l'extrême faiblesse des organisations se disant révolutionnaires, qui marchaient à la queue du mouvement de masse et n'avaient pas de programme cohérent du point de vue révolutionnaire. 

    Il ne fut alors pas difficile de voir émerger des projets lucides quant au diagnostic de la situation, mais qui n'exprimaient pas les intérêts des classes laborieuses. Les exploités, sans direction révolutionnaire conséquente et développée, furent des proies faciles pour ceux qui avaient mûri un projet, qui, bien que comprenant une ensemble de réformes du capitalisme rentier et de son système politique, n'en mettait pas en jeu l'existence même à travers une révolution socialiste.

    D'ici se dégage qu'il n'a jamais été cherché à en finir effectivement avec le capitalisme et l'État qui le soutenait, mais à le réformer pour le rendre plus efficace dans sa mission de favoriser le Capital au détriment de la force de travail. C'est ici que se situe l'importance théorique stratégique de montrer la révolution comme un processus et non comme un acte révolutionnaire.

    socialismo1Pour s'implanter dans les secteurs populaires, le nouveau projet eut besoin de défaire dans certains cas les nœuds des contradictions sociales, et d'assumer dans son discours une grande partie des revendications historiques de la gauche réformiste. Le discours anti-impérialiste allait comme un gant à l'idée de développer une bourgeoisie "patriotique et nationale" (c'est-à-dire le bon capitalisme en opposition à l'impérialisme, le mauvais). Cela avait fait partie du discours historique d'une gauche réformiste déjà assimilée par le système, pour imprimer à ses programmes et discours la tant remâchée "libération nationale".

    Les attaques contre le système bipartiste remplacèrent celles qu'aurait dû subir le Capital, et les énergies sociales dégagées s'orientèrent dans cette direction avec un assez net succès. Les masses fatiguées par plus de quatre décennies de bipartisme, de corruption généralisée, de misère malgré les revenus pétroliers et d'absence de perspectives, virent là une possibilité de résoudre leur situation en changeant les administrateurs d'un système qui leur déniait non seulement la dignité, mais foncièrement le droit à la vie.

    Le changement constitutionnel promu et approuvé à une grande majorité rendait possible l'incorporation au gouvernement et à l'administration de l'État de vastes secteurs écartés jusque-là de la prise de décision, que l'on trouvait principalement dans la petite bourgeoisie et qui désormais allaient se transformer en classe dirigeante. Ce changement constitutionnel assurait la continuité du capitalisme et de son régime de propriété privée des moyens essentiels de production, et adaptait l'État à la nouvelle corrélation de forces au sein de la bourgeoisie.   

    Nouvelle bourgeoisie ou petite bourgeoisie devenue grande ?

    La mise en pratique du nouveau projet signifia la consolidation d'un groupe hétérogène quant à son extraction sociale initiale, mais qui avec le temps allait se décanter à travers la dynamique d'accumulation en son propre sein. Ceux qui à un moment donné n'étaient que des bureaucrates administratifs se virent soudain en possibilité d'accumuler de la richesse en très peu de temps, et ainsi venir à faire partie de la bourgeoisie dominante. 

    boliburguesia 2La consolidation de cette fraction petite-bourgeoise a signifié et signifie le déplacement de certains secteurs bourgeois de certaines positions de pouvoir et leur remplacement par le nouveau groupe. Tout ceci a impliqué une lutte inter-bourgeoise sans merci qu'en dernière instance, devaient résoudre les masses exploitées en penchant pour l'un ou l'autre camp.

    Il était donc vital pour le nouveau groupe de libérer les plus grandes énergies dans les masses populaires pour s'assurer de faire pencher la balance en leur faveur, en appelant à une révolution qui ne viendrait jamais. Les énergies des masses furent déployées et conduites jusqu'à infliger défaite sur défaite à la vieille classe gouvernante, d'abord sur le plan électoral puis dans la mobilisation et la lutte de rue ensuite.

    Toute cette mobilisation n'était pas guidée par une direction révolutionnaire, et ne fut employée que pour négocier de manière avantageuse avec l'opposition de droite, et finalement assurer le maintien au pouvoir du nouveau groupe émergent qui se proclamait révolutionnaire.

    L’État capitaliste (bureaucratique NDLR) fut utilisé une fois de plus pour transférer la rente pétrolière vers la bourgeoisie, mais désormais les acteurs avaient changé. Ces derniers temps, les masses populaires se sont rendu compte, peut-être pour la première fois, de qui fait effectivement de grandes affaires avec l'État capitaliste. Tandis qu'est maintenu un discours revendiquant le socialisme, le gouvernement utilise l'État pour offrir des ressources fabuleuses à des capitalistes qui, quelques années en arrière, étaient au mieux des fonctionnaires de rang mineur ou de petits employés obscurs dans la bureaucratie étatique.

    3-Milicia-BolivarianaQuasiment toutes les grandes constructions de ponts, routes, les programmes sanitaires, immeubles, transports, achats de véhicules, portefeuilles de crédit, dollars préférentiels, importations massives, et beaucoup d'autres choses dont l'État a besoin, ont été offerts aux enchères ou directement vendus aux nouveaux bourgeois bolivariens. Le moyen d'accumulation initiale préféré dans ce cas furent les fortes commissions reçues pour passer un marché avec l'État sous la forme du "diezmo" (dixième, dîme, commission de 10%), toute une institution au Venezuela, qui s'est vue renforcée ces dernières années. 

    Le développement d'initiatives aussi importantes que Barrio Adentro Mercal, PDVAL et autres missions a servi de moyen de transfert de la rente pétrolière obtenue par l'État vers ces secteurs, faisant partie du bloc au pouvoir. L'absence de vergogne avec laquelle tout cela se fait n'a quasiment aucune limite ; si bien qu'aujourd'hui nous pouvons trouver un officier subalterne de l'armée devenu un flamboyant propriétaire de banque, tandis que son frère a été ministre et membre de la direction de diverses entreprises et institutions. Cette situation devait tôt ou tard éclater, maintenant qu'il est impossible de la dissimuler d'avantage.

    Les hésitations initiales, à l'intérieur du bloc dirigeant, sur le type de projet à développer ont été rapidement solutionnées en faveur de la bourgeoisie, si bien que de cette manière l'on travaillerait pour soi-même. Ce n'est pas un hasard si le gouvernement pendant toutes ces années a tant favorisé la banque et s'est efforcé au-delà de l'imagination d'élever son taux de profit.

    La préférence pour la bourgeoisie commença à s'exprimer de manière plus évidente à partir de 2006, année qui coïncide avec une baisse d'intensité de la lutte de masse après avoir infligé plusieurs défaites successives à la droite fasciste. Ce fut également l'année pour s'efforcer de consolider le groupe au pouvoir à travers un nouveau parti politique qui transcenderait le tassement électoral. Ce fut l'année de la naissance du PSUV.

    Au plan économique, balbutiait ce qui de la bouche du président fut appelé "l'alliance stratégique avec la bourgeoisie", au moyen d'accords sur des terres appartenant à l'État payées aux capitalistes, l'achat des entreprises en faillite, l'octroi de crédits favorables, les dollars préférentiels et autres facilités à la banque privée. Il faut également mentionner les fortes hausses de produit au bénéfice de la bourgeoisie. 

    BOLIBURGUESESLorsqu’éclata au grand jour la crise systémique du capital, l'on opta pour la ré-impulsion productive, qui n'est rien d'autre qu'une série de mesures favorisant la bourgeoisie au détriment des travailleurs. Les mesures qui suivirent furent de la même teneur, avec une augmentation de la TVA de 33%, une baisse du salaire réel, un accroissement de la dette interne en faveur de la banque privée et autres séries de mesures comme la libération des prix de certains produits de base, qui vinrent encore frapper la force de travail.

    L'ouverture de la Ceinture de l'Orénoque à l'investissement et à la propriété des capitaux étrangers, comme dans le cas de l'entreprise russe sous la forme d'entreprise mixte, qui est en réalité la propriété de Chevron, l'achat de ferraille industrielle hors d'usage à l'Iran et les contrats d'investissement avec la Chine ne cherchent pas seulement à favoriser les capitaux internationaux, ce qui est déjà contraire au discours public, mais ont aussi été d'excellentes affaires et bénéfices pour ce bloc bourgeois au pouvoir et ont consolidé ses positions de grands entrepreneurs. Si bien qu'une défense plus étroite de sa part du régime de propriété privée capitaliste et de châtiment contre la classe laborieuse n'était qu'une question de temps.

    La marge de manœuvre du gouvernement sur les sujets sociaux et les investissements dans ce domaine est directement liée à la rente pétrolière, bien que la Banque centrale du Venezuela reconnaisse elle-même que la répartition de cette rentre favorise largement la bourgeoisie au détriment des travailleurs.

    La crise du Capital s'aiguisant, cette capacité de manœuvre rétrécit et les effets de la crise commencent à se faire sentir clairement dans de larges secteurs, principalement de travailleurs. La mal nommée crise financière, récemment avec l'intervention de sept banques, n'est rien d'autre que l'expression publique d'une crise politique de magnitude énorme que l'on cherche à maintenir sous le couvercle. Les contradictions d'intérêts au sein des groupes au pouvoir prennent chaque jour un caractère plus public et, à mesure que le temps passe, s'exprimeront dans toute leur dimension avec des conséquences plus ou moins prévisibles.

    El Discreto Encanto de la Boliburguesia 03

    PSUV, le Parti de la révolution socialiste ?

    Du point de vue politique, a été fait pression sous toutes les formes sur certains partis et mouvements pour qu'ils intègrent le nouveau parti (PSUV) et de cette manière, rééditer un nouveau pacte de Punto Fijo virtuel, avec seulement deux grandes tendances : la droite traditionnelle capitaliste, et la nouvelle gauche capitaliste et réformiste.

    Dans ce schéma établi par le bloc au pouvoir ne restait aucune possibilité pour les secteurs révolutionnaires, et c'est ce que nous fîmes savoir à ce moment là. Malgré tout ce qui précède, pas peu furent les mouvements qui décidèrent de rejoindre le nouveau parti. Certains le firent en suivant la tactique de l'entrisme, d'autres alléguèrent qu'il ne fallait pas laisser les masses seules dans la nouvelle aventure et ne manquèrent pas même ceux qui prétendaient changer les choses de l'intérieur par un soi-disant "soutien critique".

    Chacun de ces secteurs devra faire son propre bilan une fois qu'il aura parcouru suffisamment de temps depuis cette décision. Mais ce qui est d'ores et déjà suffisamment clair, c'est que le PSUV est un parti pluri-classiste dans sa base sociale, mais que sa direction est une direction bourgeoise et représente ce secteur social.

    juventud-psuvNous ne doutons pas un seul instant de l'honnêteté et du dévouement révolutionnaire de la grande majorité de la base "bolivarienne", mais nous parlons ici de la direction et de la bureaucratie partidaire qui se développe là comme réformisme capitaliste.

    La lutte de lignes à l'intérieur du parti est quasi nulle, vu que le secteur dominant s'est assuré le contrôle bureaucratique de pratiquement toutes les structures. L'on pourra arguer que dans différents secteurs existent des réalités particulières différentes, mais ceci peut nous porter à la confusion en cherchant à expliquer le tout par la partie, le phénomène global à partir de petites expériences, ce qui ne nous conduit pas à un diagnostic pertinent de la réalité. Le PSUV d'aujourd'hui prétend donner quelque substance au slogan délavé du "socialisme du XXIe siècle", qui n'est rien d'autre que le vieux et usé capitalisme sous un masque un peu plus social.

    Cette substance est censée venir de la formation de ses cadres sous la direction du PC chinois, celui-là même qui dirige un État bourgeois, où les travailleurs sont payés un salaire de misère et celui-là même qui aujourd'hui, maintient à flot l'économie US au prix du vol de plus-value à sa classe laborieuse et du maintien d'un véritable esclavage pour les secteurs les plus exploités. Tout le soi-disant "miracle chinois", avec sa gigantesque accumulation de capital, provient en réalité de la surexploitation de sa main d’œuvre et des conditions inhumaines dans lesquelles survivent une partie de sa population. 

    En parlant de justice...

    La mise en place de la Police nationale, l'approbation de la loi sur le contrôle des armes et explosifs, et la virtuelle application de la loi antiterroriste, impliquent un durcissement de la répression d'État. La seule question posée est qui sera la cible de cette répression.

    Le Venezuela, ce n'est un secret pour personne y vivant, possède l'un des taux de criminalité les plus élevés du continent, et la sécurité ne s'est pas seulement transformée en un thème apportant des dividendes politiques, mais s'est en outre convertie en un excellent commerce pour la bourgeoisie. Des millions et des millions de dollars sont investis chaque année dans des entreprises qui apportent la sécurité à une partie de la population en mesure de payer pour cela.

    De sorte que le maintien du climat actuel d'insécurité favorise en premier lieu la bourgeoisie liée au lucratif commerce de la sécurité. C'est cette branche qui absorbe la majeure partie des fonctionnaires actifs ou en retraite des polices et de la force armée, et c'est précisément d'où vient aussi la majorité des bandes organisées se livrant au kidnapping et au trafic d'armes. 

    barqui20pLe sicariato (tueurs à gages) dans toutes ses variantes agit de manière permanente et organisée au Venezuela depuis des années. D'où proviennent principalement les sicarios n'est un secret pour personne.

    Tout le monde sait que ce sont la police et la garde nationale qui gèrent le trafic d'armes dans les quartiers et les prisons du pays en alliance étroite avec le narcotrafic, les paramilitaires et les secteurs bourgeois liés à ce lucratif commerce de la sécurité.

    La police et la garde nationale jouent souvent un rôle de surveillance et d'escorte pour la bourgeoisie, pendant comme en dehors de leurs heures de travail, et ceci les met dans la position d'une petite armée privée à disposition de qui peut payer. De là au sicariat, il n'y a qu'un pas et c'est ce qui s'est produit ces dernières années.

    L'insécurité et la peur de la population servent de véritable carcan social aux demandes de la population, vu que les gens voient bien qui sont les victimes et qui sont les tueurs. Ces dernières années, qui ont vu une forte poussée des luttes sociales, la paysannerie a payé un lourd tribut à sa lutte pour la terre. Ce sont plus de 300 dirigeants et paysans qui ont été assassinés sur ordre des grands propriétaires, et cela ne semble pas devoir s'arrêter.

    Dans les secteurs urbains et périurbains, ce sont les travailleurs qui ont été sauvagement frappés par ce fléau.

    Dans les quartiers des grandes villes, les bandes criminelles sont celles qui contrôlent réellement le territoire, terrorisant par leurs actions et paralysant de fait toute vie sociale communautaire.

    Ces bandes sont armées principalement par la police, en particulier à Caracas où elle se distingue dans le trafic d'armes et la vente de munitions. Il n'y a aucun riverain qui ne soit au courant de cette situation et des degrés d'impunité atteints par ces parasites policiers, remplissant d'indignation une population qui, pour autant, se sent impuissante à agir face au pouvoir obtenu par ces délinquants.

    La lutte contre l'insécurité fait partie intégrante de la lutte des classes, et est l'un des terrains où s'exprime dans toute sa nudité le rôle joué par les appareils répressifs de l'État capitaliste.

    L'alliance entre la délinquance et de nombreux policiers est une expression de la faillite profonde des institutions de l'État capitaliste et de sa décomposition croissante, signe plus qu'évident de la crise générale d'un système qui, toutefois, impose toujours ses conditions. 

    Cette situation se voit garantie par l'évidence qu'au Venezuela l'impunité est totale. Personne n'a mis à ce jour un pied en prison pour les massacres commis sous la Quatrième république (le puntofijisme Ndlr), ni pour la violence organisée et déchaînée durant le coup de force d'Avril (2002), et personne ne punit ni même ne parle des assassinats de leaders syndicaux et paysans. Tous libres.

    18dfadacomuna 407pLe Plan Patrie Sûre et la lutte contre la corruption n'ont emportés que de petits fonctionnaires mouillés dans les malversations, mais sont loin d'avoir touché les grands intérêts qui se cachent derrière ces manœuvres délictueuses. Nous nous sommes habitués à ce que le président dénonce régulièrement des personnalités ou activités de groupes de pouvoir, mais que ceci en reste à la dénonciation sans résultats concrets substantiels.

    Rien de différent sur le terrain économique. Des centaines de milliers de fraudes, d'escroqueries, de commissions illicites, d'enrichissements soudains, de trafics d'influences, de surfacturations, usurpations et autres vols éhontés restent impunis et l'on ne peut rien y faire. Un acte illicite est commis, il est découvert, scandale, une enquête est promise et puis, par intervention directe soit de la police soit des tribunaux, le suspect parvient à sortir du pays en se riant du besoin de justice de tout un peuple.

    N'ont pas cette chance plus de deux mille ouvriers, dirigeants, étudiants, femmes, paysans et indigènes qui se trouvent actuellement emprisonnés, ou en liberté surveillée. La police, la loi et les tribunaux sont au service de la bourgeoisie.

    Dans les tribunaux, malgré la soi-disante épuration, prospèrent toujours les mafias et les bandes organisées de délinquants du droit bourgeois qui, à l'abri de leurs fonctions, servent toujours les intérêts d'une classe putréfiée et parasite qui n'a rien d'autre à offrir que sa pestilence bourgeoise. 

    Ainsi étant les choses, il n'y a aucun soulagement à attendre, pour la population, de la création de la Police nationale ni du renforcement de certains services de renseignement. Selon nous, à mesure que s'aiguise la crise du système, plus dure sera la répression en particulier pour les travailleurs. Il y a peu de temps, le Sebin (Service bolivarien d'intelligence) s'est chargé de convoquer pour interrogatoire les travailleurs d'Industrias Diana et la Garde nationale a "rendu visite" aux travailleurs de PDVAL (compagnie publique nationale de distribution alimentaire) qui réclamaient leurs droits.

    La protestation sociale se transforme en délit et la mobilisation est criminalisée par différents canaux. En disant cela, nous ne défendons pas les provocations de la droite fasciste. Nous pensons justement que ce qu'elle cherche par celles-ci, c'est justement à servir de rideau de fumée pour qu'ensuite soient réprimés les travailleurs avec le consentement d'une partie de la population, qui pourra assimiler la légitime protestation des exploités pour leurs droits à une tentative de déstabilisation de la droite fasciste. 

    Allons-nous vers le socialisme ?

    milicias-fidelvasquezDéfinitivement, non. À l'existence objective d'une base sociale qui aspire à un changement de système politico-économique tourné vers le socialisme, répond l'existence d'une direction clairement bourgeoise qui cherchera par tous les moyens à défendre ses intérêts de classe quel qu'en soit le prix, mais qui pour le moment, use d'un langage pseudo-révolutionnaire pour s'assurer juteux bénéfices et privilèges. Cette direction accompagnée par la bureaucratie et en alliance ouverte avec les milieux d'affaires dont elle fait déjà partie, ne doute pas une seconde qu'elle doit empêcher le socialisme et emploiera tous les moyens dans ce but.

    Il ne s'agit pas, comme le croient certains camarades, de changer un ministre ou une équipe économique. S'il en était ainsi, nous validerions l'idée que le problème est l'administration du système et non le système lui-même. Le projet de cette administration d'État n'est pas économique, mais un projet de classe répondant en dernière analyse à une décision politique longuement mûrie.

    Le projet de ce secteur gouvernant consiste en un renforcement de la bourgeoisie contre la force de travail et en une projection de ce secteur bourgeois au niveau latino-américain. Ceci ne veut pas dire que cette bourgeoisie entre en contradiction avec l'impérialisme, elle veut seulement négocier depuis une autre position de pouvoir et obtenir ainsi une plus grande part du gâteau.

    La réorganisation de l'État et son implication (jusqu'à un certain point) dans le secteur productif ne doit pas nous faire perdre de vue que c'est un État bourgeois et capitaliste, ayant pour mission de servir les nécessités du Capital, et lorsque l'État entre directement dans l'usine, c'est pour réguler le marché de la force de travail en faveur de la bourgeoisie et affronter directement la classe laborieuse.

    Le capitalisme d'État n'a pas d'autre mission que de gérer l'accumulation de capitaux pour ensuite être remis au secteur privé. Telle est la lamentable histoire non seulement de l'Amérique latine, mais aussi de nombreux pays européens entre lesquels on peut citer ceux qui firent partie du Bloc de l'Est.

    L'indépendance de classe, une nécessité révolutionnaire.

    Devant tout ce panorama que nous avons décrit, il ne reste à la classe ouvrière et aux secteurs exploités des villes et des campagnes qu'à maintenir coûte que coûte leur indépendance de classe face au gouvernement et à l'État, par l'élaboration de leurs propres revendications et de leurs plans de lutte pour améliorer leurs conditions de vie et avancer vers l'élaboration d'un programme de gouvernement propre qui propose effectivement d'en finir avec le capitalisme. 

    mg 26861334338425Cette nécessité de la classe ouvrière est aussi l'espérance de beaucoup d'autres secteurs exploités, qui voient leurs conditions de vie se dégrader tandis que la bourgeoisie se renforce. L'activation de ces secteurs sociaux ne sera pas possible s'ils ne voient pas d'abord la classe ouvrière conquérir sa propre indépendance de classe et avancer résolument derrière un programme révolutionnaire socialiste.

    La révolution socialiste n'a pas échoué, car elle n'a pas encore eu lieu au Venezuela et pour qu'elle se produise, il faut l'organiser dès maintenant partout où se trouve un seul révolutionnaire. 

    Quand nous parlons d'organiser la révolution socialiste, nous parlons de poser la question du pouvoir et de son exercice par la classe travailleuse. Ceci nous amène nécessairement à élaborer un projet en tant que classe, reposant sur un programme et un type d'organisation qui non seulement accomplisse l'acte révolutionnaire et détruise le pouvoir de la bourgeoisie et de son État, mais soit capable d'initier la construction pratique du socialisme et de le développer. 

    Ce pouvoir ne peut pas être un parti ou un mouvement (entendre : un parti ou mouvement tel que conçu à ce jour dans ce pays, même 'radical', avec des 'leaders' et des 'suiveurs', des 'calculs' politiciens et électoralistes etc.), ce doivent être les masses de travailleurs et travailleuses, les exploités des villes et de campagnes, organisés dans un nouveau type d'organisation sociale révolutionnaire (entendre : PARTI d'avant-garde de nouveau type, entouré de son ou ses Front(s) uni(s) et armé de sa Force combattante)*. Telle est l'expression authentique du Pouvoir Populaire et de classe qui doit s'organiser dès à présent.

    Cette perspective ne nous fait pas perdre de vue les objectifs du mouvement et son développement ultérieur. Il ne suffit pas d'appeler à l'organisation du Pouvoir populaire de manière générale. Ce pouvoir de classe doit avoir des expressions concrètes sur chaque lieu de travail, chaque université, lycée, village ou quartier, et cette organisation ne tombe pas du ciel, ni ne sera faite cadeau par l’État. Ce sont les révolutionnaires organisés qui doivent impulser cette construction sociale depuis le plus simple jusqu'au plus complexe.

    C'est pour cette raison que les mots d'ordre de "contrôle ouvrier" ou de "conseils de travailleurs" nous semblent justes, mais abstraits. Quels ouvriers contrôlent ? Ceux d'Action démocratique ? Ceux du PSUV ? À quels conseils faisons-nous référence ? Combien de ces conseils existent-ils ? Ces travailleurs ont-ils une conscience de classe ? Veulent-ils le socialisme ? Où sont ces conseils et combien y en a-t-il ?

    Nous pensons que la révolution est une chose sérieuse et planifiée, et non pas des mots d'ordre exprimant des désirs qui n'ont rien à voir avec la réalité. La réalité actuelle pour les révolutionnaires est un désavantage stratégique s'exprimant dans le domaine théorique, politique, organisationnel, social, culturel, économico-matériel, militaire et numérique. Cette réalité doit être reconnue pour pouvoir être changée, et notre travail actuel doit exprimer les nécessités objectives qui nous séparent de la révolution. Nous croyons que les révolutionnaires doivent entreprendre une accumulation de forces de caractère historique sur tous les terrains précédemment exposés, et donner des réponses réelles à ces nécessités.

    11110De là ce que nous avons formulé depuis longtemps déjà : doter la classe ouvrière d'un outil politique de grande puissance, qui soit capable de poser la question du pouvoir dans les grandes masses et d'aider à leur organisation derrière cet objectif. Telle est pour nous la plus grande tâche en ce moment, et ce à quoi nous travaillons. Les tâches d'agitation font partie de ce travail, mais n'en sont pas la totalité, bien que parfois nous y consacrions beaucoup d'énergie.

    La construction et le développement de cet outil politique nous place sans aucun doute sur la voie que nous croyons correcte, et nous renforce donc pour poursuivre le grand objectif. Sans organisation révolutionnaire il n'y a pas de révolution socialiste, celle-ci ne se réalisant pas par osmose ni par intuition des masses ni même parce qu'existent des secteurs avancés dans la classe ouvrière.

    La révolution est un acte scientifique révolutionnaire qui requiert une ingénierie sociale et une construction pratique n'admettant pas l'improvisation. Ceci ne veut pas dire qu'il y a des recettes préétablies, mais nous savons qu'il y a besoin d'un collectif avec des outils théoriques, avec la conviction la plus résolue, avec un haut degré de discipline, avec un plan stratégique et une force matérielle qui permette la construction d'un nouvel imaginaire social (autrement dit conquérir l'hégémonie idéologique : 100% Gramsci, 0% Heinz Dieterich !) et sa mise en mouvement pour mener ce plan à bien.

    C'est pour cela que nous avons proposé l'unité des révolutionnaires à partir d'une série de définitions initiales qui nous rapprochent de l'objectif. Nous avons proposé l'élaboration d'un programme qui, basé sur la réalité sociale que vit notre Peuple (une conception du monde, une théorie directrice, une 'pensée'), permette d'accomplir de grands pas dans le développement d'une conscience de classe des travailleurs/euses.

    Nous avons également appelé à développer, dans toutes ses potentialités, la lutte d'idées et de masse pour le socialisme comme courant qui commence à exprimer les aspirations à un changement réel qui existent dans le pays.

    Nous avons invité les autres forces révolutionnaires à examiner minutieusement la situation du Venezuela et à rompre, sur la base de cet examen, avec le réformisme capitaliste qui étouffe et asphyxie tout progrès des masses ; et nous avons dirigé nos forces à commencer à construire le Pouvoir populaire comme expression du Nouveau Pouvoir des travailleurs et travailleuses, pauvres et exploité-e-s des villes et des campagnes, en opposition au Pouvoir bourgeois exprimé par l’État et ses institutions.

    combattants-erpTelles sont à notre sens les grandes tâches des révolutionnaires qui par ailleurs, doivent les aborder au milieu d'une lutte des classes grandissante, qui s'exprimera prochainement de manière aiguë surtout dans les milieux ouvriers. Nous devons participer à ces luttes et donner force à notre proposition au sein des masses. Notre grand défi sera de construire dans le feu de la lutte et la nécessité de passer rapidement à un autre moment historique quant à la portée de notre projet.

    Nos objectifs sont clairs et nous avons toujours été très précis quant à eux. Nous devons suivre le parcours tracé en emmenant avec nous tout le Peuple, avec l'optimisme qu'une époque nouvelle s'ouvre et que cette époque, c'est celle de la révolution socialiste véritable.

    Nous allons avec joie et pleins de fierté par ce beau chemin révolutionnaire. Personne ne nous fera de cadeau, tout devra être conquis. Nous sommes face à l'histoire et notre appel est un appel à commencer la réalisation de nos rêves et à être les artisans d'une nouvelle architecture sociale.

    Dans cette nouvelle architecture sociale, jouera sans doute un rôle très important la jeunesse, et c'est vers elle que nous devons tourner nos efforts. Nous allons vers la jeunesse pour libérer toutes ses énergies contenues durant tout ce temps. Là est la mine d'or d'où sortiront les femmes et les hommes qui changeront à jamais cette histoire de misère et d'exploitation. Nous allons vers la jeunesse avec la vérité pour arme politique, avec clarté, sans arguties ni demi-teintes qui ne mènent à rien. Nous allons organiser la rébellion et la transformer en idées et en actions révolutionnaires dans tout le pays.

    Nous devons semer le Che dans tout le Venezuela et l'arracher à la vitrine de magasin où il a été enfermé pendant des années. Nous allons parsemer le Venezuela de révolutionnaires.

    Nous allons tous et toutes, travailleurs et travailleuses, exploité-e-s, femmes, jeunes, peuples indigènes, paysan-ne-s, étudiant-e-s, habitant-e-s, communautés, professionnels et soldats. La révolution que nous voulons vient, et avec elle la joie de construire pour nous-mêmes et non pour la bourgeoisie.


    Construisons l'idée et l'instrument de la révolution !!!


    En avant avec toutes les forces de l'Histoire !!!


    Révolution socialiste ou caricature de révolution !!!

     

    Mouvement Guévariste Révolutionnaire

     


    (*) Le Parti, nous l'avons dit et répété, est tout simplement la 'pointe' la plus avancée, consciente, 'dégagée' de l'idéologie dominante bourgeoise des masses populaires exploitées, 'pointe' consciente d'elle-même et organisée dans un but clair de renversement du pouvoir de la bourgeoisie, d'établissement du Pouvoir prolétarien-populaire et de conduite, par celui-ci, de la société au communisme. La meilleure preuve de l'existence objective de cela, c'est qu'au Venezuela le MGR est cela, ou en tout cas une partie de cela. Il n'y a pas de société de classe sans lutte des classes, et il n'y a pas de lutte des classes sans Parti ; il y a simplement des Partis qui n'ont pas conscience ou refusent de l'être, ou qui en raison de limites idéologiques (conception du monde) non-corrigées ne jouent pas ce rôle : soit qu'ils se placent à la queue et non à la tête des mouvements sociaux de masse, soit qu'ils refusent d'aller à ces mouvements, d'aller aux masses car elles ne sont pas assez 'rouges' à leurs yeux, soit qu'ils ne parviennent pas, pour X ou Y raisons, à se lier aux masses en lutte et à instaurer une dialectique avec elles. 

    Ce Parti dont nous parlons n'a pas vocation à être une structure monolithique, seule (et une fois pour toutes) détentrice de la Vérité avec un grand V et ayant toujours raison y compris contre les masses. Le Parti dont nous parlons est simplement une fraction des masses investie d'une compréhension particulièrement avancée des problèmes et des solutions (la révolution, le socialisme en marche vers le communisme), des buts et des moyens, et investie d'une mission particulière : synthétiser l'expérience de la lutte de classe, de l'histoire de classe du pays où il lutte, et élaborer et DIFFUSER dans les masses cette théorie/conception-guide, la transformer en pratique et de l'expérience pratique enrichir à nouveau la théorie, etc. etc. Le Parti est donc simplement cela. Il n'est pas un monolithe figé, mais au contraire un être VIVANT en mouvement perpétuel dans la lutte de lignes (entre 'ancien' et 'nouveau', conceptions bourgeoises ou prolétariennes, idées justes et erronées), alimentée par la dialectique théorie/pratique et Parti/masses. Autour de lui (comme élément de cette dialectique), les masses 'un peu moins avancées' mais néanmoins conscientes et organisées forment un Front uni, ou plusieurs Fronts concentriques (un Front 'offensif' pour la révolution et un Front 'défensif' contre la réaction, par exemple). Et évidemment, aucune classe dominante ne cédant le pouvoir de bonne grâce, il génère une Force de Combat vouée à la conquête du pouvoir, contre les forces qui défendront le Capital. Tout cela forme, en effet, un MOUVEMENT révolutionnaire. Mais un 'mouvement' en soi, où chaque composante n'a pas conscience d'elle-même et de son rôle, est malheureusement voué à l'échec...

     

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  • 1. La question de la révolution bourgeoise et de son rapport à l'État. C'est une question toujours problématique au regard de la théorie marxiste-léniniste (et donc maoïste) de l'État et de la révolution. Il faut prendre les choses dans l'ordre. La définition de la révolution selon Lénine, ce n'est pas la prise de l'État de classe existant par la classe révolutionnaire, mais sa DESTRUCTION pour ne pas en laisser pierre sur pierre. Problème : la révolution bourgeoise (1630-1690 en Grande-Bretagne, 1789-1870 dans le reste de l'Europe), ce n'est pas vraiment cela... Alors les marxistes-léninistes vont nous expliquer que "oui, mais c'est pas pareil, il s'agissait de remplacer une classe dominante par une autre, pas de supprimer à terme la division en classe, donc la bourgeoisie pouvait prendre l'État monarchique et le faire fonctionner à son compte, par contre le prolétariat lui doit détruire l'État bourgeois". C'est la pirouette par laquelle on s'en sort en général, y compris chez des gens de très haut niveau comme le regretté général Giáp (ici point 5) ou le (n)PCI. Passons. NOUS NE SOMMES PAS D'ACCORD.

    provincesPour nous, l'accumulation VRAIMENT primitive du Capital ne s'effectue pas, comme le dit Marx, à partir du 16e siècle, mais bien au début du millénaire dernier, entre le 11e et le 15e siècle, dans les républiques urbaines d'abord, puis dans les domaines seigneuriaux et autres tenures libres de riches laboureurs à la campagne qui, impactées par le capitalisme urbain, tendent vers l'agro-capitalisme (la terre n'est plus un prestige et une subsistance, mais devient un fonds à rentabiliser). À partir de là, le capitalisme va d'abord devoir se doter du cadre politico-militaire adéquat, et celui-ci va être l’œuvre d'une fraction ‘traître’ de l'aristocratie, celle qui autour de quelques grandes familles régnantes va mettre en place, entre grosso modo le début du 13e et la fin 17e siècle, l'État moderne, la monarchie ‘forte’ ou absolue. C'est cet État monarchique ‘fort’ qui va laminer et balayer le système politique antérieur (médiéval), c'est-à-dire cette confédération de fiefs aristocratiques ou ecclésiastiques avec leur suzerain qui a lui même son suzerain etc., le tout ‘saupoudré’ d'une ‘constellation’ de villes-républiques oligarchiques ; déblayant la voie au capitalisme ‘en grand’ contre les usages et obscurantismes féodaux et religieux rétrogrades. Par exemple, en ‘France’, contrairement aux idées reçues (voire aux falsifications historiques bourgeoises), c'est la monarchie qui va LUTTER contre la ‘guerre de tranchée’ que livrent les aristocrates rétrogrades aux aristocrates modernes sur le thème de la dérogeance : se livrer à une activité commerciale capitaliste (avec profit) était ‘déroger’ à sa noblesse (s'en exclure). De nombreux édits royaux viendront autoriser les nobles à ‘faire négoce’ sans ‘déroger’. C'est également sous la protection et l'impulsion royale que va pouvoir se développer la grande entreprise capitaliste, fusionnant fabrication et commerce de la marchandise, ce qui était rigoureusement empêché jusqu'en 1789 par le régime des corporations (c'est aussi ce qui explique l'importance de l'industrie rurale, des villes nouvelles industrielles surgies au milieu des champs, des faubourgs et autres banlieues échappant aux lois des villes, alors clairement délimitées par leurs murs). Aucune autre autorité ne pouvait en effet ‘envoyer chier’ les corporations.

    C'est ce cadre qui va permettre, à partir de 1500 environ, l'accumulation que Marx appelle ‘primitive’ et nous PRÉ-INDUSTRIELLE. Et dire, comme il le dit dans le Capital (Livre I, section 8), que "les chevaliers d'industrie n'ont supplanté les chevaliers d'épée qu'en exploitant des événements qui n'étaient pas de leur propre fait", c'est évacuer un peu vite l'importance et l'influence des très nombreux bourgeois (ou nobliaux ‘embourgeoisés') entourant et ayant l'oreille des monarques.

    C'est seulement lorsque ce cadre de l'État monarchique va se trouver historiquement obsolète, lorsque les forces productives ‘poussant’ comme une dent de sagesse vers la ‘révolution’ industrielle vont se trouver ‘bloquées’ par cette ‘gencive’ qu'il va falloir ‘percer’, que va intervenir la ‘révolution’ bourgeoise, en réalité restructuration radicale des États légués par les siècles précédents. Certaines dynasties vont se trouver être des obstacles à cela, et être éliminées (Capétiens Bourbons, Stuarts, et bien sûr les États allemands et italiens devenus trop petits), mais d'autres vont s'adapter et accompagner le processus jusqu'au bout, étant encore en place au début du 20e siècle (Hohenzollern de Prusse, Habsbourg, Piémont-Savoie) voire aujourd'hui (Bourbons d'Espagne, Orange-Nassau des Pays-Bas, monarchies scandinaves etc.).

    france departments 1791Les grosses ‘machines’ monarchiques étaient devenues des freins à l'‘appel’ des forces productives, ‘appel’ à la révolution industrielle, et même dans les ‘républiques’ qu'étaient alors les grandes villes ou des territoires ruraux comme les Escartons alpins, ou encore bien sûr les cantons suisses, les Provinces-Unies néerlandaises et les cités-États italiennes le pouvoir était devenu oligarchique, monopole de quelques grandes familles dominant les corporations, et empêchait les nouvelles couches bourgeoises, tournées vers la modernité, de se développer pleinement. Il fallait donc un ‘changement radical’ et ce furent les ‘révolutions’ bourgeoises de 1789 à 1871 environ ; mais ce ne furent pas de véritables révolutions au sens où un mode de production (le capitalisme) en aurait renversé un autre (la féodalité) régnant alors sans partage, et n'aurait réellement pu exister qu’ainsi. Cette véritable révolution-là, c'est la construction monarcho-grande-bourgeoise des États modernes qui l'a menée (et les révolutions républicaines oligarchiques de Suisse, des Pays-Bas, des cités italiennes aux 13e-14e siècles etc.). C'est ce qui explique les grandes ambiguïtés de cette période 1789-1871, le jeune prolétariat et la paysannerie pauvre, eux, voulant mener ce ‘changement radical’ jusqu'au bout, c'est-à-dire au socialisme (hélas pas encore théorisé scientifiquement comme tel), et ne récoltant généralement que des volées de plomb… Et c'est ce qui explique les grandes dérives opportunistes du mouvement socialiste ensuite, puisque cela menait souvent à déduire que quelque part, le socialisme existait ‘déjà’ dans le capitalisme comme le capitalisme existait dans la ‘féodalité’ (l’État monarchique moderne des 13e-18e siècles), qu'il n'y avait qu'à se débarrasser d'une ‘cupule’ parasitaire, de ‘200 familles’ grand-capitalistes, etc. 

    La révolution bourgeoise, dans le champ de l'État c'est à dire le seul qui intéresse les marxistes, c'est donc la révolution RAMPANTE qui construit l'État moderne depuis le 13e siècle jusqu'au 17e, puis le restructure aux 18e et 19e (17e en Grande-Bretagne). Le précédent ‘séisme’ politique de cet ordre, en Europe et Méditerranée, c'est l'effondrement de l'État romain au 5e siècle, et son remplacement par des royaumes ‘barbares’ qui petit à petit se décomposeront à leur tour pour donner le système confédéral et subsidiaire médiéval du 8e au 12e siècle, cadre du mode de production FÉODAL proprement dit : c'est la ‘révolution’ qui a remplacé l'esclavagisme antique par la féodalité (avec son servage plus ou moins libre et ses petites républiques urbaines). Le précédent encore, c'est l'instauration de l'État romain sur les formes politiques antérieures (généralement des cités-États ou des petits royaumes plus ou moins ‘asiatiques’ ou hilotistes). Etc. etc.

    Ici apparaît de manière plus claire le caractère prolongé de l'instauration du socialisme (et a fortiori, de parvenir au communisme). Elle devrait, cependant, être plus rapide que celles du capitalisme et de la féodalité, car 1/ c'est un processus conscient, guidé par une théorie scientifique, 2/ c'est un processus organisé et collectif (alors que chaque bourgeois ou féodal suivait avant tout ses propres intérêts, concurrents de ceux des autres), 3/ comme disait Marx, il ne s'agit pas "de l'expropriation de la masse par quelques usurpateurs" (la séparation du travailleur et des moyens de production, menée du Bas Moyen Âge jusqu'au 19e voire 20e siècle), mais de l'expropriation de quelques usurpateurs par la masse.

    558349-000 par76872862. Encore une fois sur les personnes migrantes. L'affaire de l'expulsion (OQTF, ‘reconduite à la frontière) de deux jeunes gens, Leonarda Dibrani (rom kosovare, avec sa famille) et Khatchik Katcharian (arménien), a fait la une des médias bourgeois ces derniers temps ; et comme il fallait s'y attendre, le ‘p’‘c’‘mlm’ s'est fendu d'un article sur la question. Nous aurions volontiers oublié ce groupuscule, comme beaucoup nous l'ont conseillé, mais cet article, outre certains passages gerbants, attaque l'une de nos positions et nous oblige donc à réagir. Soyons justes, cet article ne dit pas QUE des conneries : il est évident, pour toute personne un minimum révolutionnaire, que ces mobilisations autour de Leonarda et Khatchik sont (principalement en raison de leurs promoteurs) imbibées d'idéologie républicaine-de-gauche comme un pochtron de vinasse ; qu'il est extrêmement dérangeant (et nous a dérangé) de voir soudain une telle mobilisation autour de deux personnes alors qu'il y a des dizaines d'arrestations, de rétentions et d'expulsions par jour (36.000 en 2012, soit 100 par jour...), sur le discours qu'il et elle seraient ‘intégré-e-s’, une ‘chance pour la France’ etc. etc. ; qu'il y a évidemment des luttes internes à la bourgeoisie derrière tout cela, en l'occurrence de la ‘vraie’ gauche bourgeoise social-démocrate (Front de Gauche, gauche du PS, Verts, NPA) contre le ‘nouveau réac’ Valls, qui ‘sait parler’ à un ‘peuple de droite’ désormais hégémonique et représente donc une ‘résistible ascension’ inquiétante ; que dans ces manœuvres les cadres de cette gauche bourgeoise, souvent profs, ont depuis de nombreuses années l'habitude de jeter dans la rue (comme contre Allègre il y a 15 ans, et contre l'UMP de 2002 à 2012) des lycéen-ne-s qui ne comprennent souvent pas grand chose aux enjeux, l'objectif étant de se préparer une piétaille électorale et non de former de véritables militant-e-s, même réformistes ; que pour beaucoup de ces lycéen-ne-s n'importe quel prétexte est bon du moment qu'il s'agit de ne pas aller en cours (mais dire cela implique, au minimum, d'interroger cette perception de l'école par ceux et celles qu'elle est censée ‘servir'), etc. etc. Pour autant, nous avons toujours eu l'habitude, à SLP, de dire que les communistes doivent ‘faire’ avec les masses et les mobilisations telles qu'elles sont et non telles qu'ils voudraient qu'elles soient ; nous l'avons dit à l'automne 2010 sur les retraites, au printemps-été 2011 sur les Indigné-e-s et nous le redisons aujourd'hui : le rôle des communistes est précisément d'être dans les mobilisations, du moment qu'elles ont un minimum d'aspects progressistes, pour ÉLEVER la conscience collective et la rendre révolutionnaire, et non d'attendre que les masses soient aussi rouges que nous le voudrions. 

    Et puis, comme on ne se refait pas, certains passages sont ignobles, comme "Vaste hypocrisie alors que le père de Leonarda Dibrani a joué avec sa propre famille initialement déjà en Italie, venant en France pour toucher les prestations familiales au moyen de l'obtention de la nationalité française" (!!! discours n'ayant rien à envier à Le Pen, Zemmour ou Morano). Mais surtout, cet article nous attaque à mots couverts, car le lien avec notre récent article sur Lampedusa est évident : "Il y a lieu ainsi de réfuter le pseudo anti-impérialisme qui voit en l'immigration un phénomène révolutionnaire, alors que c'est le produit de l'exploitation semi-coloniale semi-féodale des pays non capitalistes". Nous allons donc répondre et réitérer une nouvelle fois notre position : OUI, pour nous, l'immigration ‘sauvage’ (c'est-à-dire pas voulue et organisée par les États impérialistes eux-mêmes, comme dans les années 1960 avec les sergents-recruteurs de Bouygues au Portugal et de Renault en Algérie, le BUMIDOM de Debré etc.) est OBJECTIVEMENT SUBVERSIVE (nous n'avons jamais dit ‘révolutionnaire'), car elle consiste en une tentative individuelle du travailleur, au bénéfice de lui-même, de sa famille et/ou de sa communauté villageoise, d'aller RÉCUPÉRER dans les pays impérialistes un peu de ce que ces derniers ont VOLÉ dans son pays d'origine (et généralement, de l'y réexpédier par Ria ou MoneyGram). Lorsque le ‘p’‘c’‘mlm’ dit que "les masses ont le droit de vivre dans leur propre pays sans avoir à tout abandonner pour tenter de devenir des travailleurs tout en bas de l'échelle dans les pays impérialistes", il est évident que nous ne pensons PAS AUTRE CHOSE ; comme est évident l’‘humanisme’ paternaliste qui dégouline de la démarche de ‘gauche’ en faveur des migrants (paragraphes suivants de l'article). Mais pour le moment, il n'en est pas ainsi ; il n'est PAS POSSIBLE de vivre dignement dans ces pays et c'est pourquoi, tout en espérant vivement qu'une Guerre populaire les libèrera de leurs satrapes et de l'impérialisme, nous soutenons le DROIT de ces personnes à venir récupérer dans les pays impérialiste un peu de ce qui a été volé à leurs Peuples. C'est pourquoi 137210606 smalll'argument selon lequel le père Dibrani venait en ‘France’ pour ‘toucher les allocs’, en plus d'être ignoble, est selon nous inopérant, et nous disons même au contraire : C'EST une forme de récupération, les ‘allocs’ des ‘cités grecques’ ouest-européennes sont PERMISES par la surexploitation des ‘hilotes’ du ‘Tiers-Monde’ ou des Balkans (au terme d'un processus que pouvait déjà entrevoir Lénine en 1916...), il a donc RAISON de vouloir en profiter [1]. Si le Kosovo est pauvre, c'est parce qu'il a été pendant des années périphérisé et opprimé par un chauvinisme ‘yougoslave’ grand-serbe dont on connaît, jusqu'en 1995, la complaisance de l'impérialisme BBR envers lui ; avant de tomber aux mains d'anciens hoxhistes renégats et de mafieux albanais avec l'appui de l'impérialisme US et de l'Allemagne, auxquels la France s'est jointe in extremis. Il est donc 1/ objectif, logique et 2/ JUSTE que des Kosovar-e-s viennent se ‘rembourser’ en ‘France’, en Allemagne et dans leurs appendices impérialistes (Italie, Suisse, Bénélux). Sinon, que dit-on de foncièrement différent des nationalistes ‘sociaux’ et ‘ethno-différentialistes’ à la Dieudonné-Soral, Ayoub & co ("il faut de nouveaux rapports Nord-Sud pour tarir l'immigration à la source", comme ça "chacun chez soi et Dieu pour tous", et c'est ‘réglé) ?

    Pour le reste, nous avons du mal à comprendre le rapport entre la nécessaire expropriation du Capital, avec notamment l'expulsion (mais aussi et surtout l'expropriation, ce que le ‘p’‘c’‘mlm’ oublie de dire) des oligarques étrangers (mais pas plus ni moins que les ‘français’, qui fuiront en masse), et la libre circulation des travailleurs qui est l'expression de la fraternité des Peuples et un principe absolu des communistes, dans les limites, certes, que nous imposera l'ennemi (pas question de le laisser ‘pomper’ tranquillement nos forces de travail et nos ‘cerveaux’, par exemple). La question ne se pose pas vraiment selon nous, car nous pensons que quoi que l'on fasse, les pays du ‘Tiers-Monde’ seront en révolution avant nous (donc les travailleurs ne chercheront plus à migrer, seuls les contre-révolutionnaires le feront). Mais sur le principe, il est évident qu'une quelconque base rouge socialiste en Europe accueillerait à bras ouverts non seulement tous ceux et celles qui sont "bannis de leur patrie pour la cause de la liberté", comme le proclamait la Constitution démocratique-radicale bourgeoise de 1793, mais également "tous ceux et celles qui sont affamé-e-s par la main des monopoles impérialistes" !! Ce dans quoi semble, depuis longtemps déjà, baigner le ‘p’‘c’‘mlm’, c'est une vision fantasmée et malsaine du socialisme comme une caricature de l'URSS de Staline et des pays de l'Est des années 1950, un socialisme ultra-autoritaire et ultra-verticaliste ‘par en haut’, avec un Parti infaillible qui a toujours raison même contre les masses (sur leur lancée, ils se sont encore lâchés le lendemain, lisez, c'est édifiant et après ça dites-nous si vous avez envie de risquer votre vie pour un tel ‘socialisme’...). Pour nous, cette vision est la cause n°1 de l'émergence d'une nouvelle bourgeoisie dans l'appareil ‘socialiste’ et (donc) des échecs du siècle dernier. Et le problème de son ‘éclairé’ leader nous semble être la difficulté à assumer qu'il a été DE DROITE et que, quelque part, il le reste toujours un peu dans le fond (la siono-complaisance n'étant finalement qu'une petite partie de cela). Il ne fait là, en réalité, qu'enrober de verbiage pseudo-ultra-communiste sa pensée profonde, qui est qu'il y a trop d'immigré-e-s en France, et qu'il y en a marre de ces gens totalement étrangers à la grande culture françaiiiiise de Le Nôtre, Racine et Diderot... Mais sans doute sommes-nous de ces ‘libéraux’ contre lesquels le ‘p’‘c’‘mlm’ mène sa petite croisade !

    munegu.jpgPour ce qui est, enfin, de "Monaco qui sera envahi, aussi simplement et sans procédure", nous ne pensons certes pas autre chose de ce nid à nantis et à capitaux plus ou moins crades dirigé par un roitelet absolu ; mais... désolés les gars, Monaco c'est à nous, pas à vous : Monaco c'est l'Occitanie nissarde, pas "la France" ! La principauté fait en réalité partie comme les 26 cantons de la Confédération suisse, le Luxembourg, le Liechtenstein, Andorre ou encore Saint-Marin de ce que l'on peut qualifier de vestiges étatiques pré-modernes : de petits États qui ont été préservés de l'anéantissement (qui n'en a pas moins traversé l'esprit de plus d'un dirigeant de leurs grands voisins !) pour être en quelque sorte "neutralisés" et transformés en conservatoires de capitaux, fonction indispensable à la machine capitaliste (de fait, son statut qui garantit son "indépendance" depuis l'annexion des alentours en 1860-61 en fait en quelque sorte un protectorat, le dernier protectorat français au monde...). Les rares Monégasques ‘de souche’ (citoyens et non résidents de la principauté, 20% des 35.000 habitant-e-s, généralement les plus modestes) sont d'ailleurs parmi les derniers gardiens de l'occitan ‘alpin maritime’, conjointement et mêlé au monégasque lui-même, dialecte plutôt ligure proche de celui de Vintimille (État italien) ; on estime le nombre de locuteurs à environ 5.000 (15% de la population). L’actuelle principauté sera vraisemblablement intégrée dans le païs (ou parçan) de Haute-Côte-d’Azur avec Menton, Roquebrune et l’arrière-pays ; elle formera une Commune populaire avec les communes voisines de Beausoleil, Cap d’Ail et la Turbie (58.000 personnes, c’est beaucoup mais il y aura ventilation vers l’intérieur des terres et sans doute fuite de beaucoup de bourgeois), elle-même divisée en secteurs (bastidas) etc. Les grands possédants qui n’auront pas pris la poudre d'escampette seront affectés à des brigades de travail, dans les plantations d’orangers ou ailleurs. Tout ceci sera décidé démocratiquement par les masses populaires dotées des droits civiques, c'est-à-dire les personnes vivant uniquement de leur travail et non de celui des autres. Vous pouvez donc, chers ‘détenteurs de la science MLM’, vous carrer vos fantasmes annexionnistes au même endroit que monsieur Mélenchon les siens (sur la Wallonie)... 

    3. Le fascisme : forcément ‘national ET SOCIAL’ ? 

    C'est quelque chose que l'on entend souvent : pour beaucoup, beaucoup de forces ne peuvent pas être qualifiées de fascistes car non seulement elles n'ont pas un caractère paramilitaire et illégaliste violent, mais elles n'ont pas un discours ‘social’ et ‘révolutionnaire’, elles sont ‘trop conservatrices’ etc. C'est évidemment la position générale de la bourgeoisie, pour laquelle le fascisme "c'est pas elle", ce n'est pas un produit du capitalisme. C'est la position des gaullistes, dont l'idéologie provient des Croix-de-Feu des années 1930, dont il faut donc démontrer le ‘non-fascisme’ (thèses de René Rémond). C'est la position des trotskystes, pour lesquels le fascisme n'est pas avant tout l'expression la plus réactionnaire (terroriste ouverte) du Grand Capital, mais avant tout un mouvement de la petite-bourgeoisie auquel le capitalisme en crise ‘cède’ le pouvoir avant que celui-ci ne ‘tombe’ entre les mains du prolétariat (comme si les monopoles pouvaient ‘céder’ ainsi le pouvoir à une classe subalterne). Et c'est évidemment la position des fascistes (ceux qui veulent vraiment le pouvoir en tout cas !), qui se défendront toujours d'enfreindre la loi, d'être violents, et donc... d'être fascistes. Mais c'est aussi la position de ‘marxistes’ pour qui le fascisme est un mouvement ‘révolutionnaire’, ‘anticapitaliste’ mais ayant le défaut d'être ‘romantique’, anti-scientifique (eux par contre le sont absolument !), et donc réactionnaire. Ce fascisme ‘révolutionnaire’, venant ‘du milieu de la société’ [voir cet article-fleuve des ‘matérialistes.com’ consacré à un groupe de musique fascistoïde], a l’‘avantage’ d'être totalement déconnecté du Grand Capital monopoliste, sauf à considérer que celui-ci n'est pas au pouvoir et veut justement le prendre, ce qui dans les deux cas contredit totalement le marxisme-highres 00007939 copyléninisme et a fortiori le maoïsme. Dans tous les cas, le fascisme est clairement réduit aux groupes activistes, qui se heurtent en effet parfois aux foudres de la loi, et totalement délié du pouvoir d'État en place : il est fait totalement l'impasse sur la fascisation rampante des pratiques de gouvernement et des grands partis bourgeois même ‘de gauche’ (Valls, Gerin), qui va pourtant (historiquement) toujours de pair. Mais c'est sûr, cela évite de s'attaquer à la grosse bête étatique ! Pour autant, l'on voit mal comment cela pourrait mener, en dernière instance, à autre chose que défendre le pouvoir ‘démocratique’ bourgeois en place, ‘menacé’ par le fascisme... alors même que cet épouvantail du ‘voisin de droite’ (UMP et FN pour le PS, FN pour l'UMP, groupes ultras pour le FN) est le leitmotiv de toutes les politiques ‘fascistes modernes’ depuis plus de 20 ans ("si on ne fait pas" ceci ou cela "ce sera la droite", ou "le FN va monter", "les extrêêêêmes" etc. etc.). 

    Mais une autre théorie possible, c'est que le fascisme comme forme de gouvernement (dictature terroriste ouverte de la bourgeoisie contre toute contestation sociale, appuyée sur une certaine mobilisation de masse) n'est pas lié en soi à un modèle économique, dirigiste/keynésien ou ‘libéral'/'état-minimaliste’. Autrement dit, le fascisme n'est pas forcément dirigiste et ‘social’ comme il l'était dans les années 30 et suivantes du siècle dernier (comme typiquement l'Allemagne nazie). Il l'était lorsque, disons de 1930 à 1970 environ, le capitalisme y voyait le meilleur moyen (soutien à la consommation) pour enrayer sa crise systémique et sa chute constante du taux de profit. Il faut bien dire qu'à l'époque, le libéralisme économique était quasi inexistant politiquement : la gauche bourgeoise, associée à la social-démocratie et éventuellement aux ‘communistes’ opportunistes, était ‘État-providence’ ; la droite plus ou moins modérée ou réactionnaire était ‘État-providence’ en mode démocrate/social-chrétien ; et l'extrême-droite était ‘État-providence’ en mode national-socialiste ou national-catholique corporatiste ‘Rerum novarum.

    Ceci semblait avoir définitivement porté ses fruits dans les années 1960. Dans les pays très avancés, ayant réussi à encadrer les masses dans la société de consommation, régnait une alternance de social-démocratie et de démocratie-chrétienne ou autre conservatisme social modéré ; tandis que dans les pays à tensions sociales plus fortes régnaient des formes plus autoritaires et répressives (État espagnol, Portugal, dans une moindre mesure Italie, Japon, État français).

    Mais le monde entra au début des années 1970 dans une nouvelle crise générale, et s'imposa alors l'idée que la ‘relance’ (enrayer la chute du taux de profit) se ferait par la ‘flexibilité’, la ‘compétitivité’, la diminution de rôle de l'État ‘régulateur’ dans l'économie. La droite devint ‘néolibérale’ friedmanienne, reagano-thatchérienne, la ‘gauche’ social-libérale rocardo-blairiste, tandis que dans de nombreux pays, comme en Amérique latine, en Turquie, en Corée, en Indonésie ou aux Philippines etc., ce sont chicagoboysdes régimes fascistes qui mettront en œuvre le tournant ‘libéral’. En Europe même, l'extrême-droite, le FN n'étant pas en reste, avait dans les années 1980 et début 1990 un discours très thatchérien. C'est à partir du milieu des années 1990 que le FN (notamment) commencera à adopter un discours anti-mondialisation’, un discours plus ‘mixte’ continuant à défendre les entreprises contre la ‘bureaucratie’, le ‘racket fiscal’, le ‘terrorisme syndical’, les ‘charges’ et ‘carcans juridiques’ en tout genre auxquels s'ajoutent désormais la ‘technocratie de Bruxelles’, mais mettant également en avant un ‘État protecteur’ contre un ‘libéralisme sauvage’ : comme le résumaient bien les mots de Le Pen lui-même en 2002, "économiquement de droite, socialement de gauche et nationalement de France". En cela, lorsque l'on voit le discours politique général aujourd'hui, en particulier depuis la grande crise de 2008, il n'a peut-être rien fait d'autre que d'être un précurseur... Aujourd'hui, plus grand monde, surtout pas en Europe continentale mais plus guère non plus dans les pays anglo-saxons, ne se présente ouvertement comme un disciple de Milton Friedman et de Margaret Thatcher, cela depuis même avant le grand crash financier de 2008 (probablement depuis la crise asiatique et russe de 1997-98, l'effondrement argentin de décembre 2001 etc.). Sarkozy lui-même, en campagne en 2007, se posait en défenseur de "l'économie réelle, productive" contre la "finance" et la "loi des actionnaires", en des termes n'ayant rien à envier à Arnaud Montebourg... À la différence que pour lui il fallait avant tout de la ‘flexibilité’, réduire les ‘charges’ et les ‘rigidités’ sur les entreprises et le travail pour créer de l'emploi (donc de la consommation), alors que pour Montebourg il faut de l'intervention et de la dépense publique, des aides sociales, des emplois aidés et des nationalisations (vision keynésienne) dans ce même but. Mais dans les deux cas, ce qui est visé c'est la LUTTE CONTRE LA BAISSE DU TAUX DE PROFIT, ce qui d'une manière ou d'une autre se fera en augmentant l'extorsion de plus-value : d'un côté les ‘charges’ sont en réalité un salaire différé du travailleur, sur lequel on peut facilement ‘jouer’ puisqu'il ne le perçoit pas directement donc ne s'en ‘aperçoit pas’ ; de l'autre on lui donne (d'une main) de l'argent, mais pour qu'il consomme (c'est ainsi que les ‘socialistes’ au pouvoir cherchent à décourager l'épargne par la taxation), donc pour le récupérer de l'autre : extorsion comme soldat-de-la-consommation et non plus de la production [2]. Car quelle que soit la forme de gouvernement et de ‘gestion’ de la production-exploitation qu'il revêt, le capitalisme ne cherche JAMAIS autre chose.

    C'est pourquoi nous sommes de plus en plus sur cette position qu'il faut bien différencier le fascisme comme FORME DE GOUVERNEMENT (dictature du Capital au terrorisme et au chauvinisme guerrier plus ou moins ouvert) du MODÈLE ÉCONOMIQUE, qui est globalement soit ‘libéral’ (dans le sens de ‘libérer’ les entreprises des ‘charges’ et autres ‘tracasseries bureaucratiques'), soit keynésien (intervention de l'État en appui à la demande). Le programme économique du Front National est pour le moment un melting-pot de défense reagano-poujadiste de l'entreprise (héritée des années 80) et d'État-providence’ pompidolien (ajouté depuis), la solution sur l'un comme l'autre front étant de "sortir de la technocratie européenne", virer les ‘immigrés’ et liquider l’‘assistanat’ ; et il est probable que, dans la démagogie électorale comme dans l'éventuel exercice du pouvoir, il dansera sur l'un ou l'autre pied au gré du vent.

    Le fascisme comme forme de gouvernement, c'est en définitive le Grand Capital qui ne s'embarrasse plus des grands ‘principes’ des Lumières et du républicanisme bourgeois du 19e siècle (encore qu'il s'en revendique de plus en plus contre les ‘barbares’ qui peupleraient les quartiers populaires, à la manière des colonialistes de la 3e République) ; et la lutte contre le fascisme ce n'est pas défendre la bourgeoisie qui s'y accroche encore (libérale ou social-libérale, démocrate ou social-démocrate, ‘républicaine'), mais mettre à profit ce ‘bas les masques’ pour montrer aux masses qui ont sincèrement cru en ces principes (que le capitalisme a produit à une certaine époque, mais qu'il est voué à piétiner en permanence) que les seules véritables Lumières sont celles, rouges, de la destinée communiste du genre humain ! 

     


     [1] D’ailleurs, le fait même de dire que le ‘droit’ d’immigrer en Europe est lié au fait de travailler et (donc) de rejoindre la tant fantasmée ‘classe ouvrière’, c’est OUBLIER (et de fait, exclure de cette classe ouvrière) qu’à l’heure où nous écrivons près du tiers de la population active (en âge de travailler et non-étudiante, non-invalide etc.), soit plus de 9 milions de personnes, est soit sans emploi soit dans des conditions d’emploi très précaires (CDD sur CDD, missions d’intérim, ou carrément ‘au black’), soit encore ‘stagiaire jusqu’à nouvel ordre’ (énormément de 25-30 ans) ou en ‘chômage partiel’ (près de 100.000 salarié-e-s à chaque instant t) ; et que ces personnes forment indiscutablement le VRAI prolétariat, ce mot dont se gargarisent les avant-gardes autoproclamées. Aujourd’hui en ‘France’, avoir un emploi stable et à peu près garanti, en CDI par exemple, même pour un(e) ouvrier(e) au travail très pénible, c’est être ‘privilégié’, c’est faire partie d’une ‘aristocratie’ du salariat. Et considérer que la seule ‘classe ouvrière’ qui vaille sont les gens dans cette situation, qui travaillent de manière déclarée et stable, c’est assurément être un ‘révolutionnaire’ bien petit-bourgeois ! 

    [2] Le capitalisme a en réalité toujours fonctionné ainsi, puisqu'il consiste par nature à arracher au travailleur tout moyen de production propre et à lui donner de l'argent (salaire) pour qu'il achète... ce qu'il a lui même produit, ou ce que d'autres travailleurs ont produit pour la classe capitaliste en général. Mais mettre particulièrement l'accent sur cela (lui permettre de consommer au-delà de ses besoin primaires : manger, se loger, se vêtir etc.) est la grande "révolution" capitaliste du 20e siècle, avec notamment des théoriciens comme Henry Ford (un grand admirateur du nazisme comme chacun-e le sait) ; en même temps que s'achevait la guerre de classe (bourgeoise) contre l'autosuffisance alimentaire (fin des jardins ouvriers), immobilière (ne plus pouvoir construire son propre logement : permis de construire, plans d'urbanisme) etc. etc. - sans quoi cela n'aurait pas été drôle...

     


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  • SermentPaume-copie-1.jpg1. Il faut bien faire la distinction entre la nation en soi, infrastructurelle, sur des critères objectifs, et la nation POUR SOI, autrement dit OÙ est le CŒUR de la nation, sa CONSCIENCE.

    À partir du moment où apparaissent les nations en Europe (11e-12e siècles, apparition du capitalisme sur des caractères déjà préexistants depuis les 8e-9e siècles), et à travers toute la construction de l’État moderne jusqu'aux "révolutions" (restructurations radicales de ces États par la bourgeoisie), soit jusqu'au 19e siècle, ce 'cœur' est la classe qui 'fait l'histoire' à cette époque : la BOURGEOISIE (parfois associée à une certaine aristocratie 'moderne', devenue capitaliste de fait). N'oublions pas que de 1789 à 1848, pour toute une partie de la bourgeoisie dite CENSITAIRE (majoritaire en fait), la citoyenneté active, le droit de vote, était réservé aux personnes payant un certain impôt, donc possédant un certain patrimoine : autrement dit, la 'Nation' c'était la bourgeoisie et elle seule...

    Mais, outre la lutte contre la masse des producteurs (qu'il s'agissait de déposséder, de séparer des moyens de production pour les jeter dans le salariat), qui mérite largement d'être appelée guerre d'extermination, ceci a forcément donné lieu à une lutte ENTRE BOURGEOISIES NATIONALES dans les grands royaumes qui étaient plurinationaux, pour savoir laquelle d'entre elles aurait la prééminence. Comme l'expliquait Kaypakkaya, citant Lénine et Staline, au sujet de l’État (de construction beaucoup plus tardive, accélérée et génocidaire) turc : "Quel est l'objectif de l'oppression nationale ? Cet objectif, de manière très générale, est de maîtriser la richesse matérielle de tous les marchés du pays sans avoir de rivaux, pour gagner de nouveaux privilèges, étendre les limites des privilèges actuels et s’en servir. Dans ce but, la bourgeoisie et les propriétaires issus de la nation dominante, afin de conserver les frontières politiques du pays font d’énormes efforts pour empêcher par tous les moyens les régions dans lesquelles vivent plusieurs nationalités de se séparer du pays. Dans les mots du camarade Staline : “Qui dominera le marché ?” [ici en Hexagone : la bourgeoisie du Bassin de la Seine ou occitane, lyonnaise, de Flandre-Artois, ou encore anglo-normande ? les foires de Champagne ou du Languedoc ? etc.]. C’est l’essence de la question. (...) L’oppression des travailleurs des peuples minoritaires acquiert de cette manière une double qualité : premièrement il y a l’oppression de classe utilisée contre les travailleurs afin d’exploiter et d’éradiquer la lutte de classe ; deuxièmement, il y a l’oppression nationale mise en œuvre pour les objectifs mentionnés plus haut contre toutes les classes des nations et des nationalités minoritaires.

    Évidemment, la bourgeoisie de la capitale royale, liée au pouvoir monarchique, partait avec un avantage certain et ce fut généralement elle qui remporta la course. Ainsi, par les Actes d'Union de 1707 contre l’Écosse et 1800 contre l'Irlande, la haute bourgeoisie et aristocratie agro-capitaliste anglaise achève de 'mettre au pas' ses congénères de ces nations (la bourgeoisie irlandaise, rappelons-le, était alors quasi-exclusivement protestante et l'ancêtre du parti loyaliste actuel, mais à l'époque elle contestait le centralisme anglais ; Wolfe Tone était l'un de ces bourgeois protestants).

    En Hexagone, les luttes sont nombreuses et aiguës pendant tout l'Ancien Régime, avec une acuité particulière pendant les Guerres de Religion et les régences entre Henri IV et Louis XIII et (surtout) entre Louis XIII et Louis XIV (Mazarin). En 1793-94, l'on peut dire que la bourgeoisie de 'province' mène sa 'dernière croisade' : contrairement aux idées reçues, c'est plutôt elle qui a lancé le processus révolutionnaire, entre logique assimilationniste de 'mêmes droits pour tous' (toutes les bourgeoisies) et refus de l'autoritarisme centraliste de la monarchie ; les principaux 'ténors' de la Constituante, les Mirabeau et autres Barnave, sont des 'provinciaux'. Il y a véritablement eu un 1789 de province (s'il n'est pas carrément possible de dire que 1789 est un mouvement de province avant tout) très largement jailli des affrontements entre le pouvoir central (monarchie) et les pouvoir locaux (Parlements, États provinciaux, municipalités) en défense de ces derniers, après des épisodes comme la Journée des Tuiles à Grenoble. En 1790 sont institués les départements, dotés chacun d'un Conseil départemental ; mais il est vraisemblable que personne à la Constituante ne voyait strictement de la même manière les pouvoirs de ces assemblées face à l’État central : pour beaucoup, la France devait être en dernière analyse une fédération de départements - on appellera ce courant les fédéralistes, qui se confondront dans une certaine mesure avec le parti de la Gironde. La grande bourgeoisie francilienne va alors reprendre la main en déployant une 'social-démocratie avant l'heure' en direction du petit peuple (ouvriers, indépendants pauvres) de Paris et en s'appuyant (également) sur une petite/moyenne bourgeoisie et paysannerie aisée 'racheteuse' de 'province', qui 94 n'aime pas les 'gros' patriciens de ces mêmes provinces (qui étaient justement les ténors de la Constituante/Législative et de la Gironde) : ce sera le parti de la Montagne... éliminé aussitôt sa mission historique accomplie, un certain 9 thermidor an II (27 juillet 1794, après un peu plus d'un an de pouvoir)[1]. En 1848-51 (vote républicain 'radical' et 'démocrate-socialiste', résistance au coup d’État bonapartiste) et encore en 1870-71 (dans les Communes), la bourgeoisie 'provinciale' tentera de se réaffirmer face à Paris (ou Versailles lorsque Paris lui-même est aux mains des ouvriers), mais ce sera un combat d'arrière-garde, au sens où ce sera un combat livré à la remorque du prolétariat et du petit peuple travailleur.

    Dans le Nord de l’État espagnol, au 19e siècle, il y aura une alliance de classe entre les masses populaires (principalement paysannes) et les 'forces du passé' (Église, fueros - lois locales - et leurs 'gardiens' notables) contre le centralisme madrilène, qui cherche à supprimer (1833) les autonomies régionales, et que les bourgeoisies nationales tendent alors à soutenir. Dans ces pays 'point de départ' de la 're'-Conquête, la Castille ne s'est pas montrée au cours des siècles précédents particulièrement oppressive (envers les élites, s'entend...), contrairement à ce qui a pu se produire en Aragon et (surtout) Catalogne, et évidemment dans le Grand Sud. À présent que la Cour de Madrid mène une politique bourgeoise, pense donc la bourgeoisie, elle lui sera tout aussi favorable, elle ne se heurtera qu'à ses adversaires, les nobliaux, les curés et autres potentats forales... Elle déchantera plus tard, sous l'ère alphonsine, à la toute fin du 19e siècle, et naîtront alors le Parti nationaliste basque et d'autres forces autonomistes. Les masses, elles, 'flairèrent' avec leur 'bon sens' gramscien que tout ceci allait mal tourner pour elles, et préférèrent s'accrocher à ce qu'elles connaissaient : l'autonomie locale, les fueros, même si s'accrocher au passé est toujours une erreur dans la lutte des classes. Cette erreur sera réparée dès les années 1930 (naissance de l'ANV, puis du PC d'Euskadi sous l'impulsion du Komintern, mouvement révolutionnaire ouvrier asturien etc.) et dès lors, les masses populaires avancées seront très clairement dans le camp de la révolution mondiale (notamment la gauche populaire abertzale).

    www.mineros con las banderas de Asturiias y León 2Dans le Sud de la péninsule en revanche, où l'aristocratie terrienne est justement un 'greffon' castillan (ou aragonais-catalan), où les masses sont les descendantes des paysans d'Al-Andalus et la bourgeoisie ce qu'il reste de ses anciennes élites économiques (souvent des juifs et des musulmans convertis de force), cette bourgeoisie va être aussi 'libérale avancée', démocratique, qu'anti-centraliste et favorable à une large autonomie des provinces. Les masses, elles, se tourneront très tôt vers les forces de la révolution prolétarienne (anarcho-syndicalisme, socialisme, communisme marxiste), sur une ligne tout aussi anti-centraliste. Il en ira de même dans les Pays catalans, où la haute bourgeoisie déjà puissante au Moyen Âge a toujours mal supporté le joug de Madrid et a finalement été 'brisée' par les décrets de Nueva Planta autour de 1715 (ceci favorisant, au demeurant, une moyenne bourgeoisie jusque-là écrasée par la grande, oligarchique) ; mais la ligne sera là un peu plus conservatrice, moins démocrate en direction des masses (son idéologie se retrouve globalement dans la CiU actuellement au pouvoir en Catalogne). Car là se trouve une clé du problème 'espagnol' : la Castille a acquis (définitivement au 16e siècle) la prééminence politique, mais sa bourgeoisie et ses 'élites' en général n'ont pas su en profiter, pas plus que de l'exploitation pourtant sauvage des Amériques, pour devenir dominantes économiquement. Son capitalisme est toujours resté derrière le catalan, et même les capitalismes du Nord, émergés plus tard (18e-19e siècles), voire le tout jeune capitalisme agro-alimentaire et touristique du Sud (dans les dernières décennies du 20e !) l'ont rapidement supplanté en dynamisme. La dernière solution en date (et sans doute la dernière carte...) qu'a trouvé l’État 'espagnol' castillan à cela, est le système des autonomies consacré par la Constitution de 1978.

    En Allemagne, dans les années 1870 (Kulturkampf), il y aura encore une lutte entre le junkerisme (agro-capitalisme) prussien, de confession luthérienne, et la bourgeoisie rhénane d'esprit catholique libéral, c'est-à-dire les deux principales forces qui ont unifié le nouvel État entre 1864 et 1871. Très vite cependant, face à la montée du mouvement ouvrier socialiste, tout le monde se réconciliera...

    En Italie, l'Unité sera faite par la bourgeoisie piémontaise alliée à la Maison de Savoie, qui s'est déjà inféodée la Sardaigne (acquise en 1720) et la Ligurie (acquise en 1815), et la bourgeoisie lombarde qui est allée la trouver pour se libérer de l'Autriche. Elle se subordonnera les bourgeoisies du Nord-Est (Vénétie, acquise en 1866) et du Centre (Émilie, Romagne, Toscane, Ombrie, Rome) et BRISERA ce qui avait pu émerger de bourgeoisie moderne dans le royaume de Naples (assez fortement dans la ville même, très moderne à l'époque) et en Sicile, plongeant définitivement ces terres et ces peuples dans une arriération qu'avait déjà entretenue, depuis le 16e siècle, la Contre-Réforme, la Papauté et la domination espagnole ; maintenant l'emprise de masse de l’Église (forte dans tout l’État au demeurant, en tout cas jusqu'aux années 1970-80), de la grande propriété foncière et de la "petite féodalité" mafieuse ('protection' contre 'taxe', héritage de la clientèle romaine), exactement comme dans une colonie.

    BAT-Les-presidents-de-la-Ve-Republique.jpgMais tous ces évènements du 19e siècle furent dans tous les cas les derniers feux, progressistes ou non, de l'activité historique de transformation sociale déployée par la bourgeoisie depuis le 13e siècle ; et donc la fin de la bourgeoisie comme 'cœur' de ces différentes nations. CE CŒUR PALPITANT, CE SONT DÉSORMAIS LES MASSES POPULAIRES TRAVAILLEUSES et leur 'noyau dur', le PROLÉTARIAT. Il faut en réalité comprendre que les nations 1°/ se composent schématiquement (historiquement), comme nous l'avons déjà expliqué, d'une masse des producteurs (produisant et vivant de cet usage productif de sa force de travail) et d'une classe possédante-dominante qui exploite et vit de la force de travail de la première, et 2°/ qu'elles sont en réalité comme des espèces vivantes animales ou végétales : elles ne 'naissent' et ne 'meurent' pas, elles se TRANSFORMENT continuellement à travers le long processus de l'histoire. Il est évident pour tout le monde (sauf pour quelques Identitaires neuneus) que les nationalités de notre Hexagone actuel ne sont pas les peuples gaulois d'il y a 2000 ans : les Occitans d'Auvergne ne sont pas des Arvernes, les Provençaux ne sont pas des Celto-Ligures etc. Mais il n'y a pas un jour 'J' et une heure 'H' où nous aurions cessé d'avoir des Gaulois pour avoir des Français, des Occitans, des Bretons etc. ; pas plus qu'il n'y a un jour et une heure précise où l'on a cessé d'avoir des australopithèques pour avoir des humains : c'est une longue transformation qui s'est effectuée à travers les siècles et les siècles (en fait, pratiquement de la conquête romaine jusqu'à l'époque moderne, au 16e ou 17e siècle !), avec évidemment des apports (des 'fécondations') externes, 'par en haut' (envahisseurs se greffant en nouvelle classe dominante) comme 'par en bas' (immigration de travail, esclaves lorsque cela se pratiquait etc.) ; néanmoins, le moteur principal du processus est interne et c'est, comme pour tout processus historique, la lutte des classes entre dominants et dominés, exploiteurs et exploités. Lorsque la bourgeoisie luttait contre les seigneurs féodaux, les évêques etc. elle était (cette lutte était) ainsi le moteur de la transformation des communautés humaines sur leurs territoires donnés, de ce qu'elles étaient en l'An 1000 vers ce qu'elles sont de nos jours. Mais nous avons vu aussi que souvent, alors que le pouvoir féodal se concentrait en grands domaines monarchiques, la bourgeoisie de telle ou telle ville pactisait avec le 'lointain' monarque contre le seigneur local, tandis que de son côté la bourgeoisie de la région dudit monarque le poussait à s'emparer des terres (donc des forces productives) de ses rivaux ; processus inévitable dès lors que le capitalisme, sorti de son stade élémentaire, n'est plus une libre relation entre producteurs libres (ce que voulait ressusciter Proudhon au 19e s.) mais voit se différencier une grande bourgeoisie, une moyenne, une petite etc. : c'est cette 'rencontre' entre la tendance féodale à l'accumulation de domaines et ces aspirations bourgeoises qui donne en réalité naissance aux États modernes que nous connaissons aujourd'hui. Et puis pour finir, après avoir accompli sa dernière grande tâche historique de prendre le pouvoir pour elle seule et mener à bien la 'révolution' industrielle (18e-19e siècles), nous savons que la bourgeoisie a cessé mondialement de jouer tout rôle historique progressiste.

    Dans la lutte qui se livre désormais (principalement) entre la bourgeoisie capitaliste et le prolétariat/'peuple travailleur', c'est ce dernier qui est devenu le moteur de la transformation historique de la communauté humaine appelée 'nation'. Désormais, tout État englobant plusieurs nations (tous les grands États européens, sauf peut-être l'Allemagne, à discuter) est un système dans lequel les bourgeoisies nationales ont fini par trouver leur place, plus ou moins subordonnée à la dominante. Même si ici et là une bourgeoisie peut se juger suffisamment forte pour faire sécession (Flandre, Catalogne, Pays Basque, Italie du Nord, Québec en Amérique du Nord), elle restera indirectement dans ce 'système' par le biais de structures capitalistes supra-étatiques comme l'UE ou l'ALENA par exemple, et la situation ne changera pas d'un iota pour les masses exploitées. La question 'nationale' est donc désormais une question POPULAIRE. C'est pourquoi, plutôt que de parler de 'Nation occitane', nous préférons parler de PEUPLE occitan, au nom duquel nous menons notre lutte. La 'Nation' d'Òc est plutôt un référent des rares nationalistes bourgeois de notre pays, aux perspectives de succès si mince, fut-ce d'un 'système autonomique' à l''espagnole', qu’elles ne valent pas la peine qu'on s'y attarde. 'France fédérale', 'autonomie' façon État espagnol ou italien ou 'indépendance' dans le cadre ou non de l'UE, leur action politique s'inscrit de toute manière dans un champ de références BOURGEOIS qui n'est pas le nôtre : c'est une autre planète, en quelque sorte. Nous, nous luttons pour le Peuple occitan qui, 'sa' bourgeoisie ayant été soit 'francisée' soit liquidée (en 700 ans de luttes il y a eu le temps...) pour ne laisser que les 3% d'autonomistes et les 0,5% d'indépendantistes actuels, se trouve être quant à lui une PÉRIPHÉRIE de l’État français, SUREXPLOITÉE, certes pas à la manière d'une colonie d'outre-mer (DOM ou TOM), encore moins d'une néo-colonie 'indépendante' d'Afrique, mais surexploitée quand même, comme l'attestent les taux de pauvreté en milieu urbain ou rural (nous avons la carte des taux par département, mais il en faudrait une par commune, car quelques communes peuvent grandement 'tirer' un département vers le haut), le taux de chômage ; il faudrait peut-être, ce serait intéressant, calculer l'IDH (indice autrement plus fiable) par département ou par commune, en faisant par exemple se 'dégrader' du rouge vers le vert les communes de l'IDH le plus bas au plus élevé : ce serait sans doute édifiant, même si les variations seraient évidemment minimes par rapport à celles qui peuvent exister entre 'France' et Afrique – nous avons un léger doute qu'une telle 'bombe' soit un jour publiée [MÀJ un récent documentaire toutefois, "La France en face", basé sur les études de "géo-sociologues" tels que Serge Guérin et Christophe Guilluy, a produit une carte des fragilités sociales dans un esprit assez proche (revenu moyen, chômage, taux d'emploi précaire et autres indices, par commune) : l'on peut y voir nettement  apparaître (en blanc) la "vraie France" de Michelet autour de Paris et entre Seine et Loire (une sorte de trapèze Tours-Rouen-Reims-Auxerre, les fameux "dix départements (payant) autant d'impôts que le reste de la France" dont parlait le fasciste Céline en 1938), "mouchetée" de taches bleu sombre (les ghettos urbains et périurbains, la grosse tache au nord-est de Paris étant bien sûr la Seine-Saint-Denis) ; les "métropoles-relais" de "province" (avec leurs petites taches-ghettos) ; les régions "favorisées" par la proximité de l'Allemagne ou de la Suisse (Haute-Savoie, Alsace) et enfin les territoires de relégation où vivent... 60% de la population (cela rejoint un peu les "scores de fragilité" mis en place depuis peu par l'INSEE, ici par exemple en région Rhône-Alpes)].

    1 8f6foCe sont ces chaînes-là que nous voulons briser, et non celles d'un 'cadre institutionnel' qui serait 'trop centralisateur' ; car bien sûr qu'il l'est, mais ceci n'est qu'un reflet, une SUPERSTRUCTURE politique de la base, de l'INFRASTRUCTURE économique et sociale fondée sur des Centres et des Périphéries. Ce qui est d'ailleurs loin d'être un lien automatique puisque, en laissant de côté le très particulier cas 'espagnol', un État peut tout à fait être 'décentralisé' et pourtant dominé par des Centres qui oppriment des Périphéries : il suffit de voir le Royaume-Uni après les 'dévolutions' des années 1990, l'Italie avec son système très 'régionaliste' depuis 1970, ou encore les États-Unis fédéraux, où les Centres (Nord-Est de Boston à Washington en passant par New York, côte Ouest et Chicago) sont très nets et certaines Périphéries majoritairement peuplées de Noirs ou de Latinos, comme la Nouvelle-Orléans ou le Nouveau-Mexique, sont dignes du Tiers-Monde... Ils se sont simplement construits historiquement comme cela, ne serait-ce que pour gérer l'immensité du territoire. L'Allemagne s'est construite comme cela (et de manière très polycentrique, ce qui attention ne veut pas dire pas de contradiction centres/périphéries) parce que le meilleur moyen trouvé par la Prusse pour former l'Empire allemand à son profit a été d'en faire une sorte de confédération maintenant les États antérieurs (et leurs souverains). Après la chute du nazisme, la République fédérale a repris le modèle, avec cependant des États plus 'rationnels' au sens bourgeois. L'Italie et (à partir du 17e siècle) le Royaume-Uni se sont par contre construits de manière très centralisatrice, puis ont 'lâché du lest' à la fin du 20e siècle devant la montée... des revendications en ce sens (bourgeoises locales comme populaires). L'organisation politique centralisatrice 'française' prend sa source dans le Consulat et l'Empire, sous Napoléon Bonaparte qui a poussé à son paroxysme cette gouvernance autoritaire depuis Paris, déjà pratiquée aux 17e-18e siècles par Louis XIII et Richelieu, Louis XIV etc. : c'était tout simplement la 'meilleure' manière de 'refaire l'unité' de la prétendue 'nation' (l’État) après sa quasi-explosion dans les années 1790, période n'ayant rien à envier aux Guerres de Religion auxquelles avait succédé le centralisme autoritaire du 17e siècle... Elle est restée ainsi par la suite, à travers différents régimes et la république bourgeoise définitive depuis 1870, comme garantie de cohésion, d''unité' dans un État secoué (jusqu'en 1871) par d'importantes luttes de classe et ayant en outre tendance à se vivre comme entouré d'ennemis, encore aujourd'hui d'ailleurs, même si la guerre est désormais économique (quid si les États voisins 'phagocytent' des régions 'trop' autonomes qui seraient 'libres' de leur politique économique et commerciale ?). Il s'est néanmoins beaucoup décentralisé (à mesure qu'il cessait un peu, avec l'Europe, de se penser en forteresse assiégée), depuis les années 1960-70 et surtout depuis 1982... sans que cela ne change d'un iota les problématiques populaires locales auxquelles cela était censé répondre. Bienheureux, et sans doute pas encore né(e) est celui ou celle qui nous démontrera en quoi 'plus' de prérogatives 'régionales' résoudrait 'mieux' ce que déjà 'pas mal' de ces prérogatives n'ont pas résolu. Fin de la discussion-digression sur les élucubrations autonomistes : nous ne raisonnons pas dans le même champ politique, nous ne parlons donc pas la même langue, pour faire court.

    Ce qui ressort (et qu'il faut retenir) en résumé de ce que nous venons de dire, c'est qu'aujourd'hui la vie et le devenir des communautés nationales (ce devenir fusse-t-il de fusionner dans une grande République humaine planétaire) et donc, le cas échéant, leur libération des griffes d'un État ou d'un quelconque appareil d'oppression qui les maintient emprisonnées ne relèvent plus de la bourgeoisie dite "nationale" (comme l'ont souvent pensé les marxistes-léninistes du siècle dernier, dans une logique d'"étape") mais du prolétariat à la tête du peuple travailleur (personnes vivant exclusivement des revenus de leur force de travail et non de celle d'autrui) ; et s'inscrivent totalement dans le cadre de la Révolution prolétarienne mondiale dont les États actuellement existants sont l'objectif militaire à détruire (les États plurinationaux et prisons des peuples étant littéralement assis sur des barils de poudre). Ce que deviendront dans les siècles à venir nos nations occitane, bretonne, corse, basque etc., l'avenir le dira et il n'est sans doute pas possible de l'affirmer clairement aujourd'hui (pas plus que qui que ce soit ne sait réellement à quoi ressemblera le communisme). Mais ce qui est certain, c'est que cet avenir quel qu'il soit est à présent entre les mains des masses travailleuses sous la direction du prolétariat ; et que conquérir cette direction est la première et actuelle tâche de celui-ci.

    C'est la raison pour laquelle, en même temps que par le maoïsme nous voulons dépasser les limites du mouvement communiste (marxiste-léniniste) du siècle dernier, nous considérons le moment venu de dépasser le concept de libération nationale par celui de LIBÉRATION RÉVOLUTIONNAIRE DU (ou des) PEUPLE(s) (LRP).

    [L'on peut trouver une très bonne illustration de ce qui vient d'être (longuement) expliqué dans un texte de l'organisation communiste basque EHK datant de l'an 2000 (avant la dérive pro-réformiste de cette organisation, bien connue des militants révolutionnaires locaux), qu'avaient publié en leur temps les camarades de Libération Irlandehttps://liberationirlande.wordpress.com/euskal-herria/ehk-le-marxisme-et-la-question-nationale/

    "Beaucoup d’anti-communistes interprètent de travers la phrase du Manifeste communiste “Les ouvriers n’ont pas de patrie. On ne peut pas leur enlever ce qu’ils ne possèdent pas” (Le Manifeste du Parti Communiste - il y a beaucoup d’éditions disponibles, nous avons employé celle des Œuvres Choisies des Éditions du Progrès, Moscou, 1973, p. 127).

    [Ce que cela signifie en réalité c'est que] Sous le capitalisme les ouvrier-e-s n’ont pas de patrie ni pouvoir ni moyens de production ni rien ; ils sont la classe opprimée et pour se libérer ils doivent “en premier lieu conquérir le pouvoir politique, s’élever à la condition de classe nationale, se constituer en nation”. Marx et Engels aspirent à des sociétés où la Nation ne s’identifie pas avec les castes gouvernantes ou avec des oligarchies puissantes, mais avec la classe travailleuse. Marx répète à nouveau cette idée centrale dans une autre des ses œuvres : “Le développement du prolétariat industriel dépend en règle générale du développement de la bourgeoisie industrielle. C’est seulement sous la domination de celle-ci qu’il accède à cette existence d’ampleur nationale qui lui permet d’ÉLEVER SA RÉVOLUTION À UNE HAUTEUR NATIONALE”  (Les luttes de classes en France de 1840 à 1850, éd. du Progrès, Moscou, 1979, p. 38).

    En abolissant le capitalisme exploiteur on abolit l’oppression nationale : “Dans la même mesure qu'est abolie l’exploitation d’un individu par un autre, sera abolie l’exploitation d’une nation par une autre. En même temps que l’antagonisme des classes à l’intérieur des nations, disparaîtra l’hostilité des nations entre elles”."

    Eh oui ! Les pseudo-gauchistes et vrais universalistes abstraits ne citent systématiquement de Marx que la première affirmation qui les arrange ; celle qui leur permet, en niant les réalités nationales des travailleurs, de nier le Peuple travailleur lui-même pour lui substituer leur magistère petit-bourgeois. La citation complète est en réalité : "Les ouvriers n'ont pas de patrie. On ne peut leur ôter ce qu'ils n'ont pas. Comme le prolétariat de chaque pays doit d'abord conquérir le pouvoir politique, s'ériger en classe dirigeante de la nation, devenir lui-même la nation, il est encore par là national ; mais ce n'est pas au sens bourgeois du mot." – exactement ce que nous venons de dire ci-dessus...

    Lire aussi : La lutte pour le droit à l’autodétermination nationale dans les pays impérialistes, par G. Maj du (n)PCI]

    bandeau CC PCR-Òc

    2. Qu’est-ce qu’un pays/État impérialiste ? Quels pays/États sont-ils  impérialistes ou ne le sont pas ? Les ‘BRICS’ ou le petite et ambitieux Qatar, dont on nous rebat les oreilles en ce moment, sont-ils impérialistes ? Depuis que l’impérialisme a été caractérisé par Lénine, le débat agite le mouvement communiste.

    En réalité, il ne faut pas confondre deux choses. Un pays impérialiste est un pays qui se caractérise par l'exportation dominante de capitaux, c'est-à-dire, schématiquement, par la prépondérance des investissements directs à l'étranger (IDE 'sortants') sur les investissements étrangers dans le pays (IDE 'entrants', sachant qu'en quantité absolue ceux-ci sont très importants... dans les pays impérialistes justement). Ce n'est pas toujours évident à déterminer. Ainsi, nous avons tendance à penser que la Chine (+ Hong Kong), qui a toujours nettement plus d'IDE 'entrants' (195,7 milliards de $ en 2012) que 'sortants' (168,2 milliards), 'triche' à travers des 'écrans de fumée', des 'paradis fiscaux' ou encore la diaspora chinoise en Asie et dans le monde (qui immatricule éventuellement ses entreprises dans le pays d'accueil) pour rester 'non-impérialiste', afin (peut-être) de conserver la crédibilité interne et internationale du Parti pseudo-'communiste' ou peut-être pour ne pas trop IDE_out_stock_2009.JPGalarmer ses rivaux, les puissances impérialistes 'installées'. La Russie reçoit elle aussi toujours un peu plus (de l'ordre de 10 milliards de $) d'investissement étrangers que ce qu'elle investit à l'extérieur, sauf en 2012 où l'on parvient 'enfin' à l'équilibre (51 milliards et des brouettes entrant comme sortant) ; il convient pourtant de la considérer comme un pays impérialiste, mais affaibli depuis la défaite stratégique de l’URSS en 1989-91. Il en va d'ailleurs de même... pour le Royaume-Uni. Ces données sont aussi variables : ainsi en 2005 la Belgique est à peu près à l'équilibre entrant-sortant, en 2010 et 2011 en revanche elle est le 3e 'récepteur' mondial mais n'apparaît pas dans les 10 premiers investisseurs en 2010 et n'est que le 5e en 2011, et enfin elle n'est dans les 10 premiers ni de l'un ni de l'autre en 2012. Il faut donc sans doute regarder des périodes plus longues, de l'ordre de 10 ou 15 ans ; et tenir compte de l'influence mondiale d'un pays qui ne se 'résume' pas à la masse de capitaux exportés ('investissements').

    Un pays récurrent dans les 10 premiers 'receveurs' comme dans les 'investisseurs', en revanche, ce sont... les îles Vierges britanniques (petite colonie semi-autonome des Caraïbes), qui comptent environ... 60.000 habitant-e-s. C'est très clairement un 'paradis fiscal', un 'pays-banque' et un 'pavillon de complaisance' pour grands capitaux. Nous avons là un exemple très clair du genre de choses qui 'faussent' l'étude des données brutes.

    Mais il faut aussi tenir compte, nous l'avons souvent dit, du distinguo entre impérialisme comme état de fait concret et comme PROGRAMME POLITIQUE, comme volonté politique agissante : la politique visant à devenir un État impérialiste, ce qui par contre caractérise sans problème la Russie post-soviétique (redevenir, dans ce cas) et la Chine ; ou de manière plus soft power (moins visiblement agressive) le Brésil, l'Inde voire l'Afrique du Sud.

    usine-renault-Tanger-Maroc.jpgIl y a des pays qui sont globalement 'à l'équilibre' ou sans guère beaucoup plus d'investissements étrangers par décennie que d'investissements à l'extérieur : nous avons cité la Belgique, nous pourrions ajouter l'Italie ou l’État espagnol (porté par les capitalismes basque, catalan, asturien et cantabre) : nous pouvons parler là de 'petits impérialismes', qui sont dans un rapport de subordination, de 'vassalité' avec les grands (USA, Grande-Bretagne, Allemagne, 'France').

    C'est peut-être aussi le cas, en Asie, de la Corée du Sud, qui est dans un rapport de vassalité très net vis-à-vis des USA (mais c'est aussi le cas... du Japon). Les 'grands vaincus' de 1945, Allemagne et Japon, sont très rapidement et clairement redevenus des pays impérialistes de premier rang en termes capitalistiques, mais leur défaite leur interdit toute capacité militaire autonome et leur impose un lien de subordination diplomatique aux États-Unis (que l'Allemagne a toutefois rompu, en s'appuyant sur la France dans la construction impérialiste UE).

    Un autre indice peut être la balance commerciale : un État très fortement exportateur a de grandes chances d'être un pays semi-colonisé (sa population, pauvre, consomme peu mais en revanche produit beaucoup pour les monopoles et les sociétés de consommateurs du 'Nord'), tandis qu'un État fortement importateur va souvent être impérialiste (ses monopoles 'importent' ce qu'ils sous-traitent ou pillent dans les semi-colonies). Mais des États impérialistes qui ont gardé une industrie de pointe en leur sein même vont tout de même rester fortement exportateurs (Allemagne, Japon), d'autant que l'on compte en valeur monétaire et que leurs produits... valent cher.

    En revanche, il y a des pays qui ne sont selon nous clairement pas impérialistes, où la masse des capitaux investis est écrasante par rapport aux capitaux sortants ; mais qui sont malgré tout des pays avancés, industrialisés, qui ne sont pas caractérisés par la semi-féodalité et le capitalisme bureaucratique dans une économie à dominante agricole et extractive (primaire) vouée à l'exportation, qui ne sont pas plongés dans une grande misère, avec un problème de la terre (celui-ci peut toutefois encore exister même dans des pays très avancés, comme la Grande-Bretagne !) et des masses urbaines formant une 'plèbe informelle' etc. etc. C'est par exemple le cas de la Grèce, du Portugal, de l'Irlande (Nord occupé comme 'République d'Éire') ou des nouveaux membres de 2010sl'UE depuis 2004 ('pays de l'Est', Malte, Chypre). Dans ces pays, il est possible de dire que de par le niveau des forces productives et la morphologie socio-économique, la révolution a vocation à être immédiatement ou quasi-immédiatement socialiste.

    Car voilà : contrairement à la grande majorité des marxistes-léniniste (maoïstes ou non), nous pensons que ce n'est pas le caractère impérialiste ou pas d'un pays qui détermine le caractère socialiste ou 'démocratique de nouveau type' de la révolution, mais le niveau de ses forces productives et (mais c'est en lien) l'importance de la semi-féodalité dans l'organisation sociale (l'impérialisme s'en est généralement accommodé et l'a maintenue, ou l'a modernisée en capitalisme bureaucratique). Selon nous, pour prendre un exemple emblématique, le Pays Basque souffre d'une oppression nationale : dans l’État espagnol, il est un 'pilier' économique mais il est, de manière pour ainsi dire 'parasitaire', sous la botte politico-militaire de Madrid (Castille) ; tandis que dans l’État français il s'inscrit (comme l'Occitanie, le Roussillon catalan et la Corse) dans le cadre plus large de la 'question méridionale'. Pour autant, de par le niveau des forces productives, la révolution au Pays Basque ne comporte QU'UNE SEULE tâche démocratique : l'autodétermination, la dé-périphérisation, la LIBÉRATION des chaînes 'espagnoles' et 'françaises'. Ce qui est en quelque sorte 'instantané' puisque soit la révolution assure cela, soit ce n'est PAS une révolution. Par la suite, toutes les tâches sont socialistes (mais découlent de cette condition préliminaire, car pas de socialisme digne de ce nom envisageable sans briser le cadre étatique bourgeois et la 'périphérisation' dans ce cadre). Il en va exactement de même en Occitanie.

    Il existe encore d'autres situations particulières, comme celles de ces pays qui, comme le Brésil, l'Argentine voire le Mexique, l'Afrique du Sud, l'Inde voire la Malaisie ou l'Indonésie, la Turquie ou l'Iran, ne sont (clairement) pas impérialistes au niveau mondial... mais si l'on 'réduit' le 'champ de vision' à leur région du monde (Amérique latine, Afrique, Asie du Sud, Proche/Moyen-Orient etc.), on s'aperçoit qu'ils le 'sont' : ils exportent beaucoup plus de capitaux vers les pays de la région qu'ils n'en reçoivent d'eux. On peut parler d'expansionnismes régionaux... Il s'y pose souvent la question d'un déséquilibre entre une région (celle des Détroits en Turquie, le Sud-Est au Brésil, la Plata en Argentine etc.) au niveau de vie 'européen', avec toutefois des ghettos de relégation populaire très importants autour des grandes villes (les favelas au Brésil, les townships issus de l'apartheid en Afrique du Sud), et un hinterland où c'est clairement le 'tiers-monde'.

    dubai.jpgIl y a aussi des pays, généralement minuscules (on peut parler de 'cités-États'...) qui, comme les monarchies du Golfe ou le Bruneï (ou encore les États de Malaisie), reposent sur des 'mines d'or' (d'or noir en l'occurrence), ce qui apporte à leur caste féodale une fortune considérable : dans les pays du Golfe, c'est pratiquement toute la population autochtone (bédouine) qui est devenue richissime, et s'est entourée d'une main d’œuvre de serviteurs venue des pays arabes pauvres, d'Iran, d'Asie du Sud ou du Sud-Est, d'Afrique etc. À un moment donné, pour ces Bédouins devenus milliardaires (ou millionnaires pour les plus 'pauvres' !), va se poser la question de réinvestir tout cet argent, très largement supérieur au nécessaire pour une vie de luxe ; d'autant plus que la source de ces revenus (le pétrole, le gaz) va un jour se tarir... C'est la fameuse et aujourd'hui récurrente 'question du Qatar' (qui n'est que le plus emblématique de ces pays, car cette politique y est portée par l’État lui-même). Mais c’est aussi sur la base d’une telle manne pétrolière qu’a pu se baser la volonté d’émergence internationale du Venezuela, laquelle s’est combinée avec la ‘satisfaction’-canalisation des mouvements sociaux qui agitaient le pays à la fin du siècle dernier pour endosser le costume rouge du ‘socialisme bolivarien’.

    tours-petronas.jpgD'autres pays, comme Singapour mais aussi l'émirat de Dubaï, jouent un rôle de 'plaques tournantes' et de concentrations de capitaux de toute la région (que les grands capitalistes considèrent, peut-être, 'peu en sécurité' dans leurs propres pays). En Extrême-Orient, lorsque ce n'est pas le pétrole (Malaisie, Bruneï), ces 'places fortes' capitalistes sont souvent héritées de la Guerre froide, où elles faisaient face aux États révolutionnaires (Chine, Vietnam, Corée du Nord), accueillaient leurs émigrés bourgeois etc. À la fin du siècle dernier, deux d'entre elles (Macao et Hong Kong) ont fini par rejoindre avec un 'statut spécial' la Chine 'populaire', désormais totalement capitaliste, qu'elles ont 'boostées' de leurs capitaux.

    En Europe même existent également de petits États, que l'on peut qualifier de 'résidus' de l'organisation politique pré-moderne, ayant survécu par divers aléas historiques, et qui jouent ce rôle de concentrations capitalistiques et de 'paradis fiscaux' (devenant, du coup, des 'investisseurs' impérialistes complètement disproportionnés à leur poids démographique et économique réel) : Liechtenstein, Andorre, Monaco, îles anglo-normandes (Jersey, Guenersey) ou encore île de Man, qui ne font pas partie du Royaume-Uni, Luxembourg (au 19e siècle le Bénélux faillit former un seul et même État sous la couronne néerlandaise, mais le clivage protestants/catholiques et la sécession belge le firent capoter) et bien sûr, les cantons suisses. 'Coffres' à capitaux pour les bourgeoisies des grands pays voisins, ils ont leur rôle dans le système impérialiste européen et mondial ; et comme dans les cités-États arabes ou asiatiques, le seul véritable prolétariat y est généralement la main d’œuvre étrangère, immigrés ou travailleurs frontaliers des États voisins (à Monaco, les rares autochtones - 20% - sont cependant généralement les classes populaires).

    Pour en revenir à une problématique abordée plus haut (et en point 1), le très particulier cas ‘espagnol’ repose en fait sur un ‘deal’, un donnant-donnant : l’État espagnol ne serait PAS impérialiste sans les ‘communautés autonomes’ du Nord (Catalogne, Pays Basque, Cantabrie avec son Banco Santander, Asturies) ; mais celles-ci, indépendantes, seraient des pays impérialistes de rang très mineur, de l’ordre du Danemark, de la Norvège, de l’Autriche ou de la Belgique – l’État espagnol leur offre donc ce ‘poids’ sur la scène internationale qu’elles n’auraient pas autrement. D’autant que dans les (très importantes) institutions européennes, ce n’est pas le PIB ni le PNB qui compte, mais simplement la population. Or l’État espagnol compte quelques 47 millions d’habitant-e-s (5e population donc ‘poids’ politique dans l’Union), tandis que la Catalogne n’en compte que 7,5 millions, le total Vascongadas + Navarre (Pays Basque ‘espagnol’) 2,8 millions, les Asturies un peu plus d’un million et la Cantabrie… moins de 600.000 (c’est pratiquement la cité-État de Santander). Autant dire que le calcul est vite fait. Même en Catalogne, où la bourgeoisie ressent le plus durement le ‘parasitisme’ de Madrid, il existe un fort courant hostile à la sécession, ne souhaitant pas se retrouver un pays impérialiste au rang du Danemark plutôt que de ‘profiter’ du relatif ‘poids’ international de l’‘Espagne’, 5e pays de l’UE, ‘invité’ permanent du G20 etc. Ce courant pourrait bien l’emporter en cas de référendum d’indépendance (comme il l’a systématiquement emporté au Québec, en 1980 comme en 1995 d’une très courte tête – le Québec indépendant n’aurait certainement pas fait partie du G8, contrairement au Canada).

     


    [1] Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/quelques-verites-sur-la-revolution-bourgeoise  


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  • Personne n'aura échappé, à la "une" de tous les JT et journaux gratuits dans le bus le matin, à la gigantesque et violente mobilisation interclassiste (des patrons et agriculteurs relativement aisés jusqu'aux ouvriers et ouvrières de PME) qui secoue actuellement la périphérie Bretagne, contre une mesure aussi pavée des meilleures intentions qu'enfer bureaucratique et "d'en haut" (de Paris), appelée écotaxe.n-BONNETS-ROUGES-large570.jpg

    Cette mobilisation a depuis peu, plus ou moins à l'initiative du "patron" finistérien de la FNSEA (syndicat agricole historiquement lié à la droite bourgeoise) Thierry Merret [MàJ : en réalité, le collectif "Vivre, travailler et décider en Bretagne" est dirigé par une "troïka" composée de Merret, du maire de Carhaix Christian Troadec (Mouvement Bretagne et Progrès, autonomiste social-libéral) et du syndicaliste FO Olivier Le Bras, de l'entreprise en difficulté Gad : deux de centre-gauche et un de droite, donc], revêtu le bonnet rouge de la révolte bretonne de 1675 contre l'arbitraire centraliste royal de Paris (provoquée à l'époque par un nouvel impôt de Louis XIV et Colbert, frappant l'étain donc les bistrots et les restaurants, et le papier timbré indispensable aux démarches juridiques). Voilà qui confirme, s'il le fallait encore, ce que nous disons depuis des années : la "France" n'existe pas, sinon objectivement comme prison des Peuples et subjectivement comme aliénation idéologique au service du Grand Capital ; lorsque les masses se mobilisent c'est dans le cadre national des véritables nations et non pas de la "France" (qui n'en est pas une), avec des références nationales ; et pendant que les habituels jacobins "rouges" crachent leurs vomissures sur la "dimension identitaire" et/ou "corporatiste" des mobilisé-e-s (voulant soumettre les masses rurales à la "classe ouvrière" dans la plus pure veine de Trotsky), les tenants de la mobilisation réactionnaire de masse, eux, ne s'y trompent pas, comme l'ont déjà montré depuis longtemps les Identitaires (Rebeyne à Lyon ou encore... Maquisards en Dauphiné, la résistance antinazie serait-elle alors une "référence identitaire" interdite ?), et comme le montre maintenant l'officine UMP qu'est la FNSEA.

    Car les souffrances populaires de cette "France d’en face", comme l’appelle un récent et plutôt bon documentaire (ou "d'à côté" pour les "chercheurs" bourgeois Serge Guérin et Christophe Guilluy, d'ailleurs à l'origine des thèses du documentaire en question), ne sont que l’expression et le résultat de la périphérisation/‘provincialisation’ des Peuples sur laquelle l’État nommé "France" s'est construit pendant des siècles par et pour le capitalisme, frappant de fait la quasi-totalité de l’Hexagone (60% de la population) à l’exception (mais non sans ghettos !) du Bassin parisien et des grandes "métropoles d’équilibre" (Lyon, Côte d’Azur, Nantes, Toulouse, Bordeaux, Lille) ainsi que de quelques territoires comme l’Alsace ou la Savoie, qui jouissent de la proximité de la ‘banane bleue’ européenne : là sont les ‘campagnes’ de la Guerre populaire en Hexagone et les petits donneurs de leçons gauchistes peuvent toujours cracher dessus que cela n’y changera rien… ou plutôt si, hélas : laisser ces masses travailleuses au populisme réactionnaire et au fascisme, ce qui est une honte pour de prétendus "révolutionnaires".

    Cette affaire de l'écotaxe a en réalité deux aspects :

    - un aspect de bouc émissaire bien utile ; problème parmi tant d'autres dans la crise qui frappe la Bretagne, mais mis en exergue par les médias bourgeois, la droite et l'extrême-droite car servant la thèse "thatchérienne" selon laquelle le "problème de l'emploi" se résumerait aux "charges sur les entreprises" ; détournant ainsi les luttes populaires (ouvrières et petites-paysannes) vers un combat qui est avant tout celui des patrons, de la petite et moyenne bourgeoisie et des gros agriculteurs productivistes, et les liquidant dans le piège mortel de l'interclassisme ;

    MAIS AUSSI

    - une étincelle qui a mis le feu à la plaine (ou plutôt à la lande, en l'occurrence).

    769974.jpgCar cette taxe, pour avoir été adoptée par l'ancien gouvernement sarkozyste et imposée à la majorité actuelle par un décret d'application pris la veille de la passation de pouvoirs (sachant bien que la gestion PS du dossier serait une cata), ne part pas en tant que telle de si mauvaises intentions : réduire le transport routier de marchandise, qui 1°/ pollue et 2°/ est un danger permanent pour les autres usagers de la route, surtout lorsque les chauffeurs épuisés par des centaines de kilomètres avec 30 tonnes entre les mains commencent à faire n'importe quoi. Elle vise donc, à travers la taxation du kilométrage établi par GPS (d'où les fameux portiques, pour vérifier que les camions en soient équipés), à décourager celui-ci. L'objectif étant de pousser la marchandise vers le transport ferroviaire (ferroutage) et fluvial, pour ne laisser aux camions de petit tonnage que la desserte locale : telle est l'idée. Le problème est que la bourgeoisie décide mais ne planifie rien, car telle est sa nature de classe. Dans de nombreuses régions, le réseau ferré et navigable est clairement insuffisant. Ni une ni deux, la solution est alors de réduire la taxe sur ces territoires : dégrèvement de 30% en Aquitaine et Midi-Pyrénées, et... 50% en Bretagne. La Bretagne, aujourd'hui en ébullition, est donc en fait la "région" la moins durement touchée par la taxe. De même, en sont exemptés de nombreux types de transports et notamment le transport agricole, les camions de collecte de lait etc. : les agriculteurs massivement mobilisés le sont donc contre quelque chose qui ne les touche pas directement (mais indirectement peut-être, dans la mesure où cela va encore aiguiser la "guerre des marges" entre producteurs et centrales d'achat).

    Simplement voilà : tout ceci s'est encore une fois fait à la manière bourgeoise. À la fois bureaucratiquement, "d'en haut", de Paris ; et de manière dérisoire car au nom de la sacro-sainte "liberté d'entreprise", on va chercher l'"incitation" par la taxation plutôt que de planifier démocratiquement la production et sa distribution de manière conforme aux intérêts des masses (dont fait entre autres partie l'environnement). Ah oui mais zut, c'est vrai : une telle chose s'appelle le SOCIALISME (le vrai, pas la gouvernance PS) et "on a bien vu", "en URSS, en Chine, en Corée du Nord et je ne vous parle même pas du Cambodge", où mènent de telles "utopies". Pures foutaises : la réalité, c'est que se tourner vers le ferroutage et le transport fluvial s'appelle une mutation technique et que, plutôt que d'investir là-dedans, les "gros" (producteurs, transporteurs, distributeurs) préfèreront payer et répercuter de fil en aiguille la taxe sur le consommateur final, qui paiera ses produits plus cher, tandis que les "petits", qui eux ne peuvent même pas songer à investir de la sorte... crèveront, tout simplement, et leurs 3 ou 4 éventuels salarié-e-s avec eux. Darwinisme économique : ainsi va le capitalisme depuis son origine. Vae victis !

    Or en Bretagne, il s'est tout simplement passé que cette étincelle a rencontré une plaine ultra-sèche, ou plutôt un baril de poudre social ; comme il y a 338 ans l'impôt de Colbert sur l'étain et le papier timbré, a priori indifférent aux 3/4 de la population.

    Car avant les "unes" sur les "nouveaux Bonnets rouges", il y avait, faites un effort pour vous rappeler, les "entrefilets" dans les journaux et les JT : la Bretagne est en situation de crash économique et social.

    Eh oui... Jusqu'à présent, lorsque l'on mettait en parallèle les cartes INSEE du taux de pauvreté ou du taux de chômage avec celles des "provinces réputées étrangères" de l'Ancien Régime, autrement dit des terres et des peuples annexés et périphérisés dans la construction de l’État français (à l'époque c'était clair), une "province" ne "collait" justement pas : la Bretagne. Elle était systématiquement, tous départements confondus, dans les taux les plus bas, comme d'ailleurs les secteurs voisins de Vendée, Anjou, Mayenne ou Cotentin. En réalité, la misère y a historiquement été effroyable, et pas seulement sous Louis XIV, d'où l'émigration pendant tous les 19e et 20e siècles vers Paris et ailleurs. Mais la Bretagne a connu dans les années 1960-70 une sorte de "révolution verte" agricole qui en a fait, de terre où même le pain était rare (au profit de la fameuse galette de sarrasin, qui fait aujourd'hui le délice des touristes), le "poumon" du secteur agro-alimentaire tricolore. On peut en fait (plus largement) parler d'un véritable "miracle économique" dans lequel un rôle important a notamment été joué par le CELIB (Comité d'étude et de liaison des intérêts bretons), "lobby" de la bourgeoisie locale auprès du système-France créé en 1950 par des députés et autres politiciens du cru tels que René Pleven. Au niveau de l'industrie et des services, elle a bénéficié d'une foule de "politiques d'attractivité" par les élus locaux, pour tenter justement de briser sa situation périphérique en Hexagone et en Europe (Rennes est à 350 km de Paris et presque 600 de Lille et 830 de Strasbourg, les frontières Est et Nord avec la 'banane bleue' européenne ; et ensuite il reste encore 250 km jusqu'à la pointe du Finistère...), politiques qui en ont presque fait une vaste zone franche ; à mesure que la crise se renforçait, ceci a évidemment attiré de plus en plus d'entreprises (mais développé du même coup la problématique du transport). La crise a également signifié en Hexagone l'effondrement de la grande industrie au profit des petites unités de production, qui sont la morphologie économique traditionnelle de la Bretagne. Tout ceci faisait finalement du Peuple breton une sorte de vaste classe moyenne : ce que ne disent pas les cartes, c'est que s'il y avait peu de pauvres (sauf chez les jeunes et les âgé-e-s), il y avait également peu de très riches ; la Bretagne avait en fait un interdécile (écart entre les 10% les plus riches et les plus pauvres) parmi les plus faibles de l'Hexagone. Elle était peuplée de ménages, salariés ou agriculteurs, indépendants ou petits employeurs gagnant entre 1300 et 1800 euros par mois et par adulte, très peu au-dessus et très peu au-dessous. Mais tout cela, on l'a vu, était circonstanciel et devait tôt ou tard s'effondrer ; la crise générale du capitalisme, qui profite souvent au début à des territoires économiquement "pas tops" auparavant, devait finir par rattraper la Bretagne : nous y sommes.

    3-630x360-copie-1.jpgCes derniers temps, les luttes de classe, certes encore au niveau revendicatif seul possible sans Parti révolutionnaire, se sont multipliées. Et voilà que là-dessus vient se greffer l'écotaxe, dont l'application au 1er janvier prochain était prévue depuis son vote en 2009, mais que tout le monde avait complètement oubliée ; apportant une inquiétude supplémentaire aux travailleurs : que les entreprises soient "obligées" de la répercuter aussi sur la masse salariale, en... licenciant. Donnant par là-même l'occasion d'un coup de maître au patronat local et hexagonal, et bien sûr à la droite BBR ou autonomiste qui en représente politiquement la majorité : c'est difficile, il y a des plans sociaux ? Ben voyons, c'est (encore et toujours) la faute aux "charges" et d'ailleurs voyez, maintenant en plus on va nous coller l'écotaxe ! Voilà justifiés les plans sociaux de demain... et plus fort encore, voilà le peu qu'il reste (en Bretagne comme partout ailleurs) de travailleurs organisés pour leurs intérêts, dans des syndicats plus ou moins jaunes, embarqués derrière la lutte des patrons, les "petits" qui ont effectivement de bonnes raisons de s'inquiéter et font là connaissance avec leurs futur-e-s frères et sœurs de classe lorsqu'ils pointeront à Pôle Emploi, mais aussi les "gros", qui trouvent là une excellente manière de détourner d'eux les regards prolétaires et populaires et de faire "l'union sacrée" (et la "une" des médias, que les luttes d'entreprise contre eux n'intéressaient guère autant) sous le bonnet rouge de 1675, l'un de ces symboles si faciles à récupérer lorsque les peuples ne connaissent pas leur histoire ! Ajoutez à cela quelques bêlements des Verts, dans leur rôle de bobos parisiens qui n'en ont "rien à foutre des gens d'en bas", et les explications technocratiques de quelques énarques socialos ; le décor est complet. On a tout gagné : la gauche bourgeoise PS avec une popularité autour de 15%, la droite "modérée" à la NKM (à l'origine de la mesure) avec guère mieux, et les masses populaires se ventilant au mieux à 10% dans l'"extrême-gauche" électoraliste, 30% dans l'abstention et autant dans le vote FN ou pour des élus UMP plus ou moins "Droite populaire".

    L'unique manière d'éviter une telle catastrophe, c'est que les forces avancées du prolétariat et des classes populaires de Bretagne forment le Parti révolutionnaire qui, assumant le socialisme et la libération nationale anti-périphérisation, décrypte scientifiquement les choses comme nous venons de le faire (mais mieux, étant sur place), mobilise et agrège la colère du Peuple autour de lui et POSE LA QUESTION DU POUVOIR, dans la Guerre populaire qui est fondamentalement, dans chaque État bourgeois, l'encerclement et à terme l'écrasement des Centres par les Périphéries, la Bretagne n'étant pas des moindres.


    Voici à lire un article de Breizhistance sur la crise sociale que traverse actuellement le pays breton :

    Doux, Gad, Tilly-Sabco, Marine Harvest, Alcatel-Lucent… À qui le tour ?

    La rédaction de Bretagne-Info publie l’analyse de Joris Brouard, membre de la Gauche Indépendantiste, sur la crise économique et sociale que traverse actuellement la Bretagne.

    Depuis plusieurs semaines, la Bretagne est plongée dans une crise économique, sociale et environnementale qui frappe de plein fouet son secteur industriel. Doux, Gad, Marine Harvest et autres sont autant d’usines qui ont annoncé des fermetures de sites et de vastes plans sociaux mettant en péril l’avenir de nombreux travailleurs bretons.

    Pour autant ces annonces ne paraissent pas si surprenantes si on prend le temps de faire le bilan économique du secteur industriel breton en crise. En effet, l’exemple du secteur de l’agroalimentaire présenté comme le fer de lance de l’activité économique bretonne et dont les mérites ont été vantés par les différents acteurs économiques, politiques et même médiatiques bretons, a suivi la logique néo-libérale qui prévaut dans l’ensemble des industries occidentales depuis des décennies. Le modèle agroalimentaire breton que l’Etat français a imposé avec la complicité de certains acteurs bretons, repose sur un modèle productiviste à outrance et déréglementé au détriment de l’impact social et environnemental qu’il a créé sur le territoire.

    Les principales causes liées à cette hémorragie du secteur agroalimentaire ne relèvent pas uniquement de la conjoncture actuelle. Des causes structurelles sont également à l’origine de ce cataclysme social. Tout d’abord, une grande partie des entreprises de l’agroalimentaire ont été détenues par de puissantes familles capitalistes ayant bâti leurs fortunes grâce à ces entreprises. Pour soutenir leur développement, les institutions libérales européennes, l’État français mais aussi les acteurs bretons, n’ont pas hésité à subventionner leur activité et favoriser le patronat aux dépens des travailleurs et de la préservation de l’environnement et sans contrepartie ni garantie pour l’avenir. Entraînant avec eux tout le secteur agricole, tuant peu à peu les petites unités de productions, les chantres de l’agro-business ont imposé leur modèle ultra-productiviste avec l’aide bienveillante de leurs alliés de la grande distribution et des transports.  

    Lire la suite...

     

    À lire aussi ABSOLUMENT :

    Pourquoi la Gauche Indépendantiste manifestera samedi 2 novembre à Quimper ?

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    breizh gwenhadu komunourmaoc 

     


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  • Christiane Taubira est au jour d’aujourd’hui une claire représentante de la ‘gauche’ bourgeoise, Ministre de la Justice c'est-à-dire de la RÉPRESSION qui jette chaque jour au cachot des centaines de personnes à 90% prolétaires, prononce expulsions de locataires ‘mauvais payeurs’ et de personnes étrangères ‘illégales’, saisies des maigres biens de personnes du peuple surendettées etc. etc. ; y compris bien sûr dans ces ‘DOM-TOM’, dernières colonies directes de la République impérialiste, dont elle se fait la représentante et la championne en paroles. Il est clair que la militante réformiste anticolonialiste qu’elle était dans sa jeunesse est aujourd’hui bien loin et bien oubliée. Pour autant, lorsqu’une imbécile-heureuse-d'être-née-quelque-part, en l’occurrence dans une Champagne pouilleuse périphérisée par l’État français depuis sa création et sur la force de travail de laquelle s’est tout autant construite la ‘grandeur’ capitaliste de la ‘France’ que sur celle des ancêtres de Mme Taubira (d’ailleurs, lorsque l’on manquait de ‘nègres’ outre-mer, on raflait des culs-terreux de ce genre et les expédiait manu militari par bateau, comme ‘engagés’ semi-esclaves*), nous avons nommé la ‘cadre’ (il faut croire qu’ils en manquent plus qu’on ne le croit…) FN de Rethel (Ardennes) Anne-Sophie Leclère, la compare à un singe ; il est évident pour toute personne progressiste que cette attaque sordide devient la question principale, et non le fossé politique et de classe qui nous sépare de la ‘Garde des Sceaux’.

    Il ne s'agit pas là de Taubira pour Taubira, de sympathie politique pour elle (nous n'en avons pas), mais d'une tranchée idéologique de la guerre de classe que nous livrons contre le Capital et ses ‘forces idéologiques de choc’ que sont les fascistes, l’extrême-droite, et leurs intellectuels médiatiques. Une guerre qui se mène en affirmant, en brandissant inlassablement l’idéologie communiste, la conception révolutionnaire du monde.

    En l’occurrence, en expliquant inlassablement aux masses que les ‘races’ humaines sont en réalité des constructions sociales et idéologiques ; que le/la ‘nègre intermédiaire entre l’homme et le singe’ est une catégorie sociale construite pour justifier d’abord la traite et l’esclavage, qui furent la condition première de la gigantesque accumulation capitaliste des 17e et 18e siècles en Europe, permettant la ‘révolution’ industrielle, puis la colonisation (et le maintien des esclaves libéré-e-s dans celle-ci) qui fit la ‘grandeur’ des monopoles impérialistes – et se poursuit aujourd’hui. Mais à des degrés divers (il est évident qu’à part l’antisémitisme du 20e siècle et la démonisation du ‘musulman barbare’, rien n’est comparable au traitement des Africain-e-s), TOUTES les sous-humanisations au service de l’exploitation engendrent des constructions idéologiques de ce type (pour ensuite les hiérarchiser, car c’est en hiérarchisant les dominé-e-s que cela fonctionne) : la ‘canaille’ prolétaire à laquelle a succédé la ‘racaille’ d’aujourd’hui, les ‘culs-terreux’ de ‘province’ (comme les aïeux de la triste sire Leclère), les femmes, etc. etc. : Il a toujours fallu d’une manière ou d’une autre retirer une part d’humanité à celui et celle que l’on veut réduire à une simple force productive, et pouvoir massacrer s’il/elle relève trop la tête.

    Et l’exemple de Christiane Taubira l’illustre particulièrement bien. Comme beaucoup de personnes ayant acquis certaines compétences, des diplômes etc., elle s’est VENDUE au système qui l’a ‘négrifiée’, elle et son Peuple guyanais. C’est que, malheureusement, lorsque peu nombreux sont ceux et celles qui empruntent le sinueux sentier de la révolution, la grande majorité de ceux et celles qui en ont les moyens choisissent la voie de la facilité, pour élever leurs conditions d’existence. Ceci (ce n’est pas le cas de tout le monde !) l’a amenée très, très haut. ET POURTANT… Lorsqu’un périphérisé ‘blanc’ (de métropole, d’Hexagone, c’est peut-être ce qui nous distingue) s’élève socialement, il devient un bourgeois ‘français’, tout au plus sera-t-il ‘chambré’ sur son accent (s’il le garde), mais jamais il ne sera renvoyé en permanence à sa périphérie ou son pays européen d’origine, sauf rares exceptions. Taubira, elle, reste une ‘négresse’, comme toute personne extra-européenne qui s’élèverait socialement. En permanence, quoi que nous pensions de sa politique en tant que prolétaires, elle est accusée de vouloir ‘vider les prisons’ pour remettre dans les rues la ‘racaille’ à laquelle elle est reliée par sa couleur, par les personnes pour qui la place d’un ‘nègre’ est fondamentalement en cage (ou alors ‘chez lui dans sa jungle’), sa liberté en terre ‘civilisée’ devant être l’exception… La ‘blague’ d'Anne-Sophie Leclère, militante FN donc d'une frange radicale de la pensée capitaliste, n'est qu'une expression particulièrement hardcore (trop pour son propre mouvement, qui vise désormais le pouvoir) de cela.

    En fin de compte (et en dernière analyse), quelles que soient les 'trahisons' de Taubira, ces ignobles attaques racistes contre elle sont principales car elles la renvoient précisément à ce qu'elle n'aurait pas dû trahir.

    La seule porte de sortie à cela, c’est la libération révolutionnaire de ces ‘simples forces de travail’ que nous sommes : la Révolution prolétarienne, et lorsque celle-ci implique cela, la Libération nationale, la révolution anti-impérialiste ou anti-‘centraliste’ (dans les grands États négateurs de Peuples comme la ‘France’ hexagonale). Aucune ‘indignation’ de la gauche bourgeoise ne résoudra jamais le problème.

    Nous allons maintenant laisser la parole aux premières personnes visées par cette attaque (et toutes les semblables non-sorties à la lumière du jour) ; laisser la parole aux ‘nègres’ dont la situation coloniale, encore aujourd’hui, sous-tend les théories raciales du ‘noir-singe’ : les Forces Patriotiques Anticapitalistes et Anticolonialistes de Gwadloup, dont fait partie un petit groupe que nous aimons bien, le FKNG! (ces organisations ne sont pas maoïstes, il est peut-être utile de le préciser face aux professionnels de la leçon d'orthodoxie... mais elles sont une voix des intéressé-e-s par l'affaire, les dernier-e-s colonisé-e-s direct-e-s) : 

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    HONTE À LA FRANCE RACISTE !

     

    Le racisme est depuis longtemps  banal en France. Il a libre cours dans les médias où impunément certains «  intellectuels » et commentateurs vomissent leur bile  nauséabonde à l’égard des immigrés, sans aucune réprobation ni condamnation justifiant par la même le racisme quotidien. 

    À ceux qui, après la coupe du Monde de 1998 remportée  par la France à cause de ces immigrés, ont cru en « la  France BLACK BLANC BEUR » , l’ancien sélectionneur de l’équipe de France  Laurent Blanc et le Président de la Fédération Française de Football  ont rappelé la nécessité d’une politique de quotas, le nombre de noirs en équipe de France  faisant tâche.

    De Jean-Marie Le Pen à Jean-François Copé en passant par Brice Hortefeux, Georges Frèche, Claude Guéant pour ne citer que ceux là, membres des partis politiques français, Front National, UMP, Parti Socialiste, tous considèrent  les immigrés noirs, arabes, roms comme une menace  pour la France.

    C’est dans ce contexte qu’une militante du Front National, dans la tradition française des expositions coloniales a présenté Christiane TAUBIRA, ministre  de la  justice mais  négresse de Guyane, comme un singe, sans suscité d’émoi particulier dans la classe politico-médiatique  française.

    Le COPAGUA,  le FKNG!,  le PCG et l’UPLG organisations anticolonialistes et patriotiques  de  Guadeloupe soussignées  expriment  à Christiane TAUBIRA leur  solidarité face à l’abjection de l’attaque dont elle  a été l’objet. 

    Elles  dénoncent la banalisation de la montée du racisme et de la xénophobie  qui imprègnent de plus en plus la société française, avec la dégradation de la situation économique depuis ces dix dernières années, et s’inquiètent de la situation des compatriotes émigrés en France.  

    Elles appellent l’ensemble des Guadeloupéens à faire l’effort d’analyse et de discernement  pour ne pas se laisser instrumentaliser et entraîner dans des dérives racistes et xénophobes que certains ont intérêt à alimenter pour masquer la faillite du système  politique,  économique et social en Guadeloupe.           

                                                                            

    Nous dénonçons avec la plus grande fermeté  le racisme  qui a justifié  la traite négrière l’esclavage, la colonisation et le pillage qui se poursuit  aujourd’hui des ressources de l’Afrique, condamnant  ainsi à l’exode  et à la mort  dans les eaux de la méditerranée, un nombre massif d’Africains réduit au dénuement.

    Nous dénonçons tous les actes racistes subis par les peuples noirs  et colonisés dans le monde entier.

    Nous affirmons que la réponse au racisme, à la xénophobie, à la chasse aux immigrés,  est dans la  destruction  du système capitaliste et son remplacement  par un système  économique et social à l’échelle de la planète  qui utilise  les ressources de l’humanité, les progrès  et avancées scientifiques et technique au service du bien commun de tous les hommes dans le cadre de rapports et de relations entre les peuples et les Etats fondés sur la paix, l’égalité, le respect, la coopération  et la solidarité.  

    Le racisme et la xénophobie sont les armes utilisées par les puissances impérialistes  pour diviser les hommes et  les peuples  et  leur imposer leur domination 

    La lutte contre le racisme et la xénophobie  est l’affaire de tous les hommes qui aspirent à construire un monde nouveau débarrassé de l’exploitation, des guerres, de la misère, un monde où tous les hommes ont les mêmes droits politiques, économiques, sociaux, culturels que leur confère leur qualité d’humain.

    C’est l’affaire des Guadeloupéens.

     

    Tous ensembles contre le racisme et la xénophobie ! 

     

    FPAC

    COPAGUA - FKNG ! - PCG - UPLG

     

                                                                         Pointe à Pitre Lundi  21 octobre 2013.

     P/les FPAC :

    Marie-Christine Myre-Quidal

     

                  Les Forces Patriotiques Anticapitalistes-Anticolonialistes de Gwadloup sur l'affaire Taubiramaoc


    * Ils fusionnèrent généralement avec la population esclave africaine (ne serait-ce que parce qu'on y envoyait généralement que des hommes, malgré quelques rafles aussi de prostituées de Paris et des grands ports)... C'est pourquoi les masses des 'DOM' présentent en réalité un très large éventail de métissage euro-africain, parfois même dans une même fratrie, dans certains microcosmes humains comme la Désirade ; avec des personnes paraissant parfois 'blanches' mais qui ne sont pas pour autant des Békés (et ont horreur qu'on leur dise cela !). Qui sait, il y a peut-être du 'singe' de la forêt ardennaise dans Christiane Taubira ! La seule 'certitude' (entre guillemets), c'est que si la race des cons existe elle est d'une rare pureté chez des gens comme Anne-Sophie Leclère. Malheureusement, si ce genre de personnes n'existaient pas, le capitalisme ne pourrait pas exister ; il faut donc les inventer et c'est ce qu'il a patiemment fait au cours de 800 ans d'existence (des millions d'Occitans en font hélas partie).

     


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  • Quelques petites réflexions ‘en vrac’ (ne pas chercher de lien entre les différents points) :

    1. Les États sont superstructurels et subjectifs, se dotant d'une idéologie/culture d’État qui se veut parfois (le plus souvent, même) 'nationale' - en fait, celle de la classe dominante de la nation dominante, qui cherche à modeler toute la société de l’État à son image pour servir ses intérêts, et forge des 'mythes' qui se veulent mobilisateurs.

    Les nationalités, elles, sont infrastructurelles et objectives, comme les classes qui les composent : ce sont des communautés (stables et historiquement constituées, pas éphémères) multi-classes de vie productive et sociale, partageant une langue et une culture communes, précisément forgées dans cette commune vie sociale et productive [lire à ce sujet wiki/Infrastructure_et_superstructure ou encore wikirouge.net/Infrastructure_et_superstructure - les nations sont des ensembles de classes sociales partageant une même langue et une culture nationale communes, ainsi qu'une activité productive dans des conditions de production relativement communes ; donc bel et bien des infrastructures].

    Ce sont (en somme et en dernière analyse) des continuums historico-sociaux qui existent objectivement sur un territoire géographique donné, dont l'existence en soi ne se discute pas plus que le fait que l'herbe soit verte ou le ciel bleu et qui ne sont ni "de droite" ni "de gauche" - en revanche, le regard que l'on porte sur elles et (donc) la manière dont on va les affirmer (ou les nier !) vont avoir quant à eux un caractère de classe et donc être prolétariens ou bourgeois ou petits-bourgeois, révolutionnaires ou démocratiques-progressistes ou réactionnaires.

    marianrepSimplement, par la loi du développement inégal (des forces productives) inhérente au capitalisme et la 'loi de la jungle' qui est son mode de fonctionnement naturel, des nationalités vont en soumettre d'autres - plus précisément, les classes dominantes de certaines nations vont s'inféoder celle d'autres nations pour s'approprier leurs forces productives, en plus de celles qu'elles exploitent déjà mais qui ne suffisent plus, créant un phénomène de surexploitation.*

    De cette manière, elles vont constituer des États, additions géographiques des territoires qu'elles ont subjugués. Et comme mode de domination, dans certaines circonstances (notamment lorsqu'il n'y a pas de séparation géographique ni de différences physiques nettes entre les populations, permettant d'établir des barrières ségrégationnistes), elles vont forger une idéologie (superstructure) dans laquelle elles vont prétendre que l'ensemble de la population de leur État (construction superstructurelle) forme une même nation (réalité infrastructurelle)... la leur. L'exemple le plus abouti de cela est bien sûr le modèle 'français', la construction idéologique (de toute pièce) d'une 'Nation française' depuis Richelieu jusqu'à Napoléon, voire jusqu'aux 'hussards noirs' de la 3e République, mobilisant continuellement les masses contre l''ennemi' allemand. Séparés des Irlandais par la mer et (surtout) par la religion, les dominants anglais ont pu imposer à ceux-ci un régime ségrégationniste d'infériorisation raciale. WilsonBritanniaDetail2Mais sur l'île de Grande-Bretagne elle-même, vis-à-vis des Gallois et des Écossais, ils ont cherché un temps (aux 19e-20e siècles) à forger un patriotisme réactionnaire 'britannique' (cela n'a que relativement 'pris'). En 'Turquie', née comme État moderne entre 1908 et 1923 avec 3 ou 4 bons siècles de retard, les choses sont poussées jusqu'à la caricature et les Kurdes sont qualifiés de 'Turcs des montagnes'...

    Dans l’État espagnol (cas particulier), la Castille, politiquement maîtresse à partir de 1479, conquérante de l'Andalousie (1212-1492) puis des Amériques (1492-1540 environ), aurait pu en profiter pour s'ériger en nation économiquement dominante (ce que la 'vraie France', le Bassin parisien, avait plus ou moins réussi au 16e siècle, et que l'Angleterre était dès le départ). Mais elle y échoua, ses nobliaux partis en colons se comportant en pillards à court terme, ne pensant qu'à leur intérêt personnel et non à l'intérêt 'national' (intérêt général de la classe dominante castillane) : le 'Siècle d'Or' s'évanouit très vite, dès le début du 17e siècle. La bourgeoisie catalane, qui avait 3 ou 4 siècles d'avance, reprit 'naturellement' le dessus sur le plan économique, tandis qu'émergea rapidement (18e-19e siècle), en lien razaavec la 'France' et l'Angleterre, une bourgeoisie basque côtière. Privée de base économique, l'idéologie 'nationale' de l'hispanidad sonna vite totalement creux, et ne dupa rapidement plus personne, ni dans les masses populaires ni (plus grave encore) dans les différentes bourgeoisies nationales. L’État espagnol est donc, depuis fort longtemps, un 'État-nation' avec une assez faible 'société civile' (emprise idéologique sur les masses) : il tend à n'exister que comme 'société politique' (force de coercition), que les bourgeoisies nationales utilisent de manière opportuniste contre les menaces révolutionnaires (comme sous Primo de Rivera puis Franco) et les masses (hors Pays Basque et Catalogne) comme machine à sous ("est-ce qu'une Andalousie/Galice/Asturies/Estrémadure etc. séparée nous verserait les mêmes allocs, retraites etc. etc. ?").

    2. Un cadre politique unifié (même au sein d'un cadre étatique plus grand) est un élément fortement structurant pour une nation, mais pas nécessairement obligatoire.

    À la veille de la Conquista (vers 1200), l'Occitanie était globalement divisée en deux entités politiques : le duché (Plantagenêt) d'Aquitaine-Gascogne, et une sorte de 'confédération' de fiefs relevant en dernière instance du roi d'Aragon ou du comte de Toulouse (lequel se posait de plus en plus en vassal effectif du premier). La Provence restera quasi indépendante jusqu'en 1480, ainsi que le Dauphiné (occitan dans sa moitié sud), bien que placé à partir de 1349 sous l'autorité de l'héritier du trône de France.

    Encore au 16e siècle, la famille d'Albret-Navarre (dont sera issu... Henri IV) est de fait - à la fois par ses possessions propres et par sa position de 'leader' du parti huguenot - la maîtresse de cette vieille Aquitaine-Gascogne que les rois francs du Nord, depuis Clovis, s'étaient juré de soumettre (pensant y être parvenus en 1453, au terme de la Guerre de Cent Ans). La réunion des terres d'Albret-Navarre (et des villes et domaines huguenots en rébellion) au royaume ne se fera réellement que lorsque Henri IV montera sur le trône ; et sera ensuite consolidée par son fils et successeur Louis XIII, avec son célèbre ministre Richelieu.

    Lorsqu'il va à Saint-Jean-de-Luz (1660) pour y épouser l'infante d'Espagne, Louis XIV, guidé par le nobliau gascon D'Artagnan, est en 'expédition' dans une 'colonie' fraîchement conquise de sa couronne, où le sentiment 'français' est proche du zéro absolu...

    france17 1Après l'annexion au royaume de France, dans la plus grande partie de l'Occitanie (Pyrénées du Béarn à l'Ariège en passant par la Bigorre, Languedoc, Quercy et Rouergue, Provence et Dauphiné bien sûr, etc.), les États provinciaux qui décident des impôts et les Parlements, qui tranchent en dernier recours les affaires judiciaires et doivent 'enregistrer' les édits royaux, sont le 'référent politique immédiat' qui fixe la conscience nationale : ils seront progressivement écrasés par le triomphe de l'absolutisme, sous Louis XIV et Louis XV, avant d'être définitivement abrogés en 1789 ; mais cela n'ira pas sans résistances, comme la célèbre 'journée des tuiles' à Grenoble, en 1788, où la population soutient le Parlement du Dauphiné contre une réforme royale visant à le supprimer... En Aquitaine non-pyrénéenne, il n'y a pas d’États provinciaux (on parle de 'pays d'élection', où le roi 'élit' directement les gouverneurs de Bordeaux, Auch et Montauban), mais il y a néanmoins un Parlement, à Bordeaux.

    Au Pays Basque du Nord ('français', Labourd, Basse-Navarre et Soule), les assemblées provinciales autonomes persistent jusqu'en 1789, tandis qu'au Sud ('espagnol'), où le royaume médiéval de Navarre a été progressivement grignoté puis totalement annexé en 1512, ses fueros (coutumes) sont maintenus et forment le référent politique national, leur suppression au 19e siècle entraînant de violentes guerres de résistance.

    3. Dans tous les cas, ce qu'il faut bien comprendre au sujet de l'organisation socio-politique médiévale, entre disons le règne de Charlemagne et la Guerre de Cent Ans, c'est son profond caractère de SUBSIDIARITÉ : les communautés, urbaines ou villageoises, en principe, s'autogéraient en suivant leur 'coutume' locale. En 'échange' d'impôts, dûment prélevés mais, en principe, conçus pour être supportables, l'autorité seigneuriale et/ou ecclésiastique n'intervenait que comme arbitre, comme 'juge de paix', comme 'garde-fou' contre une éventuelle guerre de tous contre tous ; et les échelons supérieurs, jusqu'au roi ou à l'archevêque ou au pape, comme voie de recours.

    Dans les vallées de montagne (pyrénéennes ou alpines), ce système de 'république' villageoise a d'ailleurs pu persister tardivement, jusqu'à l'époque des révolutions bourgeoises et de la révolution industrielle. L'historiographie bourgeoise, à partir du 18e siècle, a évidemment peint cette époque sous les traits les plus sombres : paysans exploités, affamés, écrasés d'impôts et de corvées, bastonnés ou tn Louis XIVpendus en cas de mécontentement... Mais la réalité était beaucoup plus nuancée, et ce qu''oublie' de dire la bourgeoisie, c'est que c'est en fait sous l’État moderne, sous l'absolutisme, que la pression fiscale et plus largement administrative, non pas seigneuriale mais étatique (royale), s'est réellement faite intolérable pour les masses (urbaines comme rurales) ; phénomène ayant commencé avec les grandes guerres (donc dépenses militaires, donc impôts) dans lesquelles la première crise générale de la féodalité (13e-14e-15e siècles) avait poussé la classe aristocratique, faisant éclater les premières grandes révoltes populaires. La corvée, présentée comme un véritable travail forcé de pauvre serfs faméliques, n'était sans doute pas du tout perçue ainsi à l'époque : c'était plutôt, sous la supervision du seigneur féodal ou ecclésiastique, un effort collectif pour des travaux publics (chemins, ponts, défrichage, assèchement de marais etc.) dont bénéficiait toute la communauté, plus que le seigneur lui-même, occupé à chasser, festoyer et faire (avec ses hommes de main) la guerre à ses voisins.

    Cette subsidiarité de l'autorité supérieure vis-à-vis de la communauté 'immédiate' fut encore revendiquée, contre l’État absolutiste en phase de consolidation, lors des Guerres de Religion, tant par les protestants des Provinces de l'Union que par les catholiques des provinces de la Ligue.

    MacleanDe manière encore plus nette, comme le rappelait le révolutionnaire communiste John MacLean, cette subsidiarité se retrouvait dans l’Écosse médiévale pré-étatique (avant la guerre de libération de 1296-1328 et le règne des Bruce), où les clans 'faisaient leur vie' sur leur territoire et ne s'en remettaient au toísech (seigneur local), au mormaer (comte, seigneur régional), et en dernière instance au roi (rí Alban) que pour les questions qu'ils ne pouvaient gérer directement eux-mêmes. Ou encore, comme le signalait Mariátegui (lire ici), dans l'Empire inca des Andes, où la communauté productive (ayllu) n'avait qu'un rapport très lointain avec l'autorité impériale de Cuzco, se résumant en général au prélèvement annuel d'un impôt en nature. Pour l'un comme pour l'autrecette organisation socio-politique passée (mais encore ancrée dans les esprits populaires) pouvait être, en la portant à un niveau supérieur (armé de toute la science et du progrès technique légué par le capitalisme), la base de la société socialiste et communiste future.

    INCASC'est ce que dit notamment le (nouveau) PC italien dans son Manifeste Programme (chapitre 4), lorsqu'il dit que "1. À tout niveau (central, régional, provincial, communal, de zone, d’unité de production, d’entreprise, d’école, d’institution, etc.), tout le pouvoir (législatif, exécutif, judiciaire, économique, militaire, de police, culturel, d’éducation, etc.) appartient à un Conseil unique (assemblée, chambre) composé de délégués élus et révocables à tout moment et sans exception par ceux qui les ont élus. Chaque Conseil nommera et révoquera ses propres organes de travail. (...) 3. Auto-gouvernement à tout niveau (central, régional, provincial, communal, de zone, d’unité de production, d’entreprise, d’école, d’institution, etc.). Élimination de toute autorité locale nommée d’en haut. 4. Organisation générale des masses et prise en charge directe par les organisations de masse des tâches d’organisation et de gestion d’un nombre croissant d’aspects de la vie locale : économie, culture, santé, éducation, administration de la justice, ordre public, défense du territoire, lutte contre la contre-révolution, milice territoriale, politique, administration de la justice, etc." : cela ne signifie rien d'autre que la subsidiarité, la prise en charge par les masses, au niveau local, de tout ce qu'elles peuvent prendre en charge (ceci devant aller croissant...), et la délégation aux échelons supérieurs uniquement de ce qui ne peut être assuré efficacement au niveau local. Ceci est totalement le point de vue de Servir le Peuple, selon lequel la cellule politique de base de la société doit être la Commune populaire, se fédérant démocratiquement à divers échelons supérieurs auxquels elle ne Dazhai-1970 thumb5délègue que ce qu'elle ne peut assurer elle-même (la défense contre des agressions contre-révolutionnaires impérialistes ou de grandes armées blanches, par exemple ; mais la lutte contre la 'petite' contre-révolution locale peut être du ressort de la Commune).

    Trop souvent, malheureusement, les États révolutionnaires du siècle dernier n'ont pas adopté cette conception, et ont pris pour modèle la 1ère République bourgeoise française, la République conventionnelle jacobine. Excepté lorsqu'une question nationale paraissait 'incontournable', ils ont considéré qu'il fallait 'prendre' l’État bourgeois existant, le 'remplacer' par un État prolétarien et le 'dépasser', à long terme, pour atteindre le communisme universel.

    Cette conception est encore souvent, aujourd'hui, celle de nombreux marxistes-léninistes et même maoïstes, pour lesquels la construction monarcho-bourgeoise 'France' doit être 'dépassée'... et non DÉTRUITE. Ils ont perdu de vue deux principes fondamentaux du marxisme révolutionnaire :

    1°/ La négation de la négation : la révolution prolétarienne a vocation à nier le capitalisme pour affirmer le communisme. Elle ne peut donc pas prendre pour modèle la révolution bourgeoise, triomphe final du capitalisme sur la féodalité. Prendre pour modèle Robespierre et Saint-Just ne peut conduire qu'à de nouveaux Bonaparte.

    2°/ (dans la lignée de ce qui précède) La transition révolutionnaire socialiste vise le communisme, société sans classes donc sans État. L’État révolutionnaire du prolétariat vise donc son propre dépérissement, à mesure que les masses, à tous les échelons géographiques, deviennent uniques maîtresses de leur destinée.

    C’est ce qui fait de Mariátegui et Mac Lean des penseurs fondamentaux du marxisme au 20e siècle, absolument incontournables pour Servir le Peuple.

    Frontispice-du-Léviathan-1651-du-philosophe-Thomas-Hobbes14. En fin de compte, il est de bon ton, dans la 'gauche radicale' hexagonale, de pourfendre le 'libéralisme anglo-saxon' par opposition à notre Léviathan étatique, gardien supposé de l''intérêt général', de la 'justice sociale' etc. etc. Mais ce libéralisme 'anglo-saxon' (plus généralement nord-européen), n'est-il pas finalement un pur produit de ce qui a été dit précédemment ? Par une série de circonstances, il se trouve simplement que les sociétés nord-européennes sont restées profondément imprégnées de subsidiarisme politique dans leurs cultures nationales, et ont très vite et violemment (entre le 16e et le 18e siècle) rejeté les tentatives d'absolutisme 'à la française', pour mettre en avant la collectivité et sa 'représentation' face à la toute-puissance arbitraire d'un monarque et de sa cour. Le problème, c'est qu'il a émergé dans une phase d'accumulation capitaliste très rapide, et qu'il en a hérité des tares profondes et des idées particulièrement détestables : suprématisme 'blanc' européen (capitalisme = concurrence, un peuple ne peut donc prospérer qu'au détriment des autres et il est logique que les peuples 'civilisés' prospèrent au détriment des 'sauvages' qui ne 'construisent rien' ; l'exploitation ou l'extermination des 'sauvages' était alors une base fondamentale de l'accumulation capitaliste) ; acceptation de l'inégalité des 'réussites' et darwinisme social ('grâce' calviniste etc.) ; individualisme (la solidarité communautaire est ici brisée 'par le bas', par l'individu ou en tout cas la cellule familiale, et non 'par le haut', par l’État) ; patriarcat (la cellule de base étant plus la famille patriarcale que l'individu lui-même), etc. etc. Aujourd'hui, l'extrême-droite américaine est connue pour défendre ces idées subsidiaristes, 'localistes' (le comté contre l’État fédéré, l’État fédéré contre Washington), face à la 'tyrannie libérale (= gauche caviar) et socialiste' de l'administration fédérale, qui impose depuis shutdown-etats-unis scalewidth 460Lincoln toutes les réformes nécessaires à la défense du capitalisme contre lui-même, mais déplaisant aux esprits attachés à leurs 'libertés' (de l'abolition de l'esclavage à l'assurance-maladie d'Obama, en passant par le New Deal de Roosevelt, la fin de la ségrégation raciale, l'émancipation des femmes, le contrôle des armes à feu etc. etc.).

    Ceci étant, cela n'a jamais empêché de grandes 'éminences' intellectuelles francouilles, avec leur 'haute idée de l’État' toute jambon-beurre, de professer des idées extrêmement similaires : il suffit de lire nos 'saints laïcs' Voltaire, Victor Hugo ou encore Jules Ferry, ou la prose 'scientifique' d'un Paul Bert (homme clairement 'de gauche' à son époque, positiviste, rationaliste, anticlérical, républicain, franc-maçon) pour s'en convaincre. Les mêmes nécessités (d'accumulation capitaliste) produisent généralement les mêmes u8xad52xidées/justifications ; les chiens font rarement des chats... Simplement, les conditions de reproduction de l'existence en Europe du Nord (peuples 'conquérant' leur propre pays, avant même toute colonie, sur la forêt ou sur la mer - comme les Hollandais) a amené cette culture de prééminence du 'peuple' (inégalitaire, divisé en classes et 'naturellement' accepté comme tel), ne remettant entre les mains d'un État central que le strict nécessaire ; tandis qu'en Europe latine, avec son 'dense' (pour l'époque) réseau de villes et de routes, elles ont très tôt (dès l'Empire romain) favorisé l'instauration d'un État-Léviathan fort (le grand 'confédéralisme' médiéval étant plus une parenthèse exceptionnelle qu'autre chose). Rien de nouveau ne se faisant en totale abstraction de l'ancien, lorsque le développement du capitalisme a imposé l'instauration de l’État moderne (ensuite restructuré en État bourgeois contemporain), ces deux cultures ont généré deux modèles d’État et d'organisation socio-politique sensiblement différents (mais qui se sont interpénétrés : les révolutions bourgeoises en Europe 'latine' ont justement consisté à 'importer' du libéralisme nordique dans les vieux États absolutistes, et les pays anglo-saxons et nordiques n'ont jamais été guidés par la seule 'main invisible' et ont dû introduire du 'sens de l’État' latin...).

    5. Le récemment disparu (et regretté) Võ Nguyên Giáp rappelait dans un article de 1965 (L’Homme et l’Arme,  revue théorique Hoc Tap) le b-a-ba du marxisme-léninisme sur l’État et la révolution : ‘‘La révolution prolétarienne ne doit pas conserver l’appareil d’État (police, gendarmes, forces armées et structures bureaucratiques existantes), employé principalement pour opprimer le Peuple, mais doit l’écraser et le remplacer par quelque chose d’absolument nouveau. C’est une des caractéristiques qui marquent la différence entre la révolution prolétarienne et la révolution bourgeoise. La révolution bourgeoise n’écrase pas l’appareil d’État féodal existant, mais se l’approprie, le maintient et le perfectionne. Au contraire, la révolution prolétarienne écrase l’appareil étatique existant du système capitaliste’’

    Ingres, Napoleon on his Imperial throneLes choses ne peuvent pas être dites plus clairement : la République bourgeoise ‘française’ est la CONTINUATION PERFECTIONNÉE de l’État monarchique moderne né sur le cadavre de notre Occitanie et de tant d’autres Peuples, pour mettre cet appareil étatique au ‘diapason’ de l’époque, de la révolution industrielle et, très vite, de l’ère des monopoles. Il n’en a nullement fait table rase. Toutes les révolutions bourgeoises (Pays-Bas, Angleterre, ‘France’, ‘Espagne’ au 19e siècle, ‘unités’ italienne et allemande etc.) ne sont en réalité que le paroxysme de siècles et de siècles de ‘gestation’ et de ‘noyautage’ (par la bourgeoisie) de l’État monarchique, ‘stade suprême’ réactionnaire de la féodalité. La phase montagnarde de la Révolution bourgeoise française (1793-94) était un phénomène ambivalent, à double aspect : une affirmation radicale des revendications démocratiques et sociales du ‘petit peuple’ (prolétariat et semi-prolétariat), principalement des villes et principalement de Paris (la seule ville de plus de 110.000 habitants à l’époque), d’un côté ; mais de l’autre, une affirmation manipulée par la grande bourgeoisie centrale (Paris, Bassin parisien) qui voyait dans les évènements depuis 1789, et particulièrement dans le girondinisme (1792-93), une montée en puissance de la bourgeoisie de ‘province’ et souhaitait ‘reprendre la main’. Ceci engendrera une confusion qui pèsera lourdement sur le mouvement socialiste puis communiste hexagonal, dès sa naissance au milieu du 19e siècle. La révolution prolétarienne, elle, ne peut consister à prendre telle quelle cette République bourgeoise pour en faire une République socialiste ; mais au contraire à en faire table rase pour laisser place à un ordre politique et social totalement nouveau, notamment dans ses relations sociales géographiques entre Peuples et territoires. 

    6. Sur Servir le Peuple, nous avons souvent employé indistinctement les termes ‘absolutisme’ et ‘État (monarchique) moderne’ pour désigner la période allant de la proclamation de Philippe II Auguste comme ‘Roi DE FRANCE’ (début du 13e siècle) jusqu'à 1789. Cela peut nous être reproché, et nous le sera certainement. Mais voilà, qu’entend-on par ‘absolutisme’ ? Entend-on l’absence de ‘représentation nationale permanente’, ‘tempérant’ le pouvoir du souverain ? En ‘France’, il n’y en a jamais eu. Jusqu’en 1614 les États généraux du royaume sont réunis régulièrement (et souvent, aux 14e-15e voire encore 16e siècles, en deux ‘sessions’, l’une pour le Nord d’oïl et l’autre pour le ‘Midi’ d’òc) ; mais toujours au bon vouloir du roi. Ensuite, de 1614 à 1789, ils ne sont plus convoqués, c’est vrai. Mais c’est un cas unique en Europe, vu peut-être comme le seul moyen de ‘garder sous le couvercle’ les contradictions du royaume… notamment entre la ‘vraie France’ (Bassin parisien) et les provinces réputées étrangères, qui se sont multipliées depuis la fin de la Guerre de Cent Ans. Contradictions qui finiront tout de même par exploser après 175 ans, alors que le régime politique français est devenu un anachronisme total.

    1647 Civil War painting Basing HouseEn Angleterre en revanche, le Parlement, créé par la Grande Charte de 1215 sur l'héritage des 'assemblées de guerriers' celtes, germaniques et scandinaves (les peuples qui ont 'fait' la Nation anglaise), avec une Chambre pour les Lords (féodaux importants et ecclésiastiques) et une pour les Communes (grands bourgeois, paysans libres riches et 'chevaliers' de petite noblesse), siège de manière permanente et sans discontinuer, sauf lors de ses conflits avec la politique jugée 'papiste' et pro-française des Stuart (Charles Ier, Charles II et Jacques II) qui pour autant, dans leur pays d'origine, l’Écosse, ne suppriment pas l'institution équivalente (c’est le pouvoir anglais qui le fait en 1707 ; le Parlement d’Irlande – exclusivement composé de colons anglais et écossais – est quant à lui supprimé en 1800). Pourtant, non seulement ces problématiques Stuarts, mais aussi et surtout leurs prédécesseurs Tudor peuvent être sans problème qualifiés de monarques ‘absolus’, pour leur conception ‘affirmatrice’ de l’État central. Il en va de même en ‘Espagne’, de Charles Quint à Ferdinand VII ; pourtant les Cortes (ou Corts dans les pays catalans), généraux ou de chaque royaume constitutif (Aragon, principauté de Catalogne, Valence, Majorque, Navarre, Biscaye, León, Asturies, Grenade, Séville, Murcie etc. etc.), siègent régulièrement jusqu’autour de 1715, lorsque Philippe V supprime ceux d’Aragon et des Pays catalans en représailles à leur rébellion contre lui ; tandis que les autres existent encore… jusqu’en 1833, lorsque le royaume est ‘provincialisé’ (‘départementalisé’) sur le modèle français. Pourtant, l’on peut difficilement qualifier l’‘Espagne’ entre Philippe II (1556-98) et la mort de Ferdinand VII en 1833 autrement que d’absolutisme

    Philippe V roi-espagneOu alors, applique-t-on le critère d’une ‘magnificence’ de l’autorité royale, d’un caractère ‘incontesté’ de celle-ci ? Mais alors, 1°/ à partir de quand considère-t-on cette autorité comme suffisamment ‘magnificente’ ? ‘Saint’ Louis ? Philippe le Bel ? François Ier ? Louis XIII ? Louis XIV ? Ce dernier lui-même était loin d’être incontesté, il dut faire face à la Fronde au début de son règne, et à la résistance des protestants contre sa révocation de l’Édit de Nantes : dans certaines régions, une véritable guerre du peuple de 1685 jusqu’à sa mort, pendant plus de 30 ans, et même encore après ! 2°/ croit-on, à partir du moment où l’on a identifié le ‘premier’ monarque absolu, que cette ‘magnificence’ de l’autorité monarchique est tombée du ciel en un jour, qu’elle ne résulte pas d’un long processus ? En matérialistes dialectiques, nous regardons plutôt le moment où le processus est enclenché, où la tendance générale est à l’affirmation d’un État moderne exerçant sa ‘verticalité’ du haut vers le bas, ‘accompagnant’ et indissociable de l’affirmation de la haute bourgeoisie et du capitalisme ‘en grand’ (le capitalisme ne pouvant pas, de toute manière, rester éternellement ‘en petit’).

    7. En vérité, l'humanisme, qui émerge dans la Renaissance médiévale (entre l'An 1000 et 1300 environ) et ne fait qu'être repris par le Quattrocento italien (15e siècle), la 'Renaissance' 'française' (1480-1560 environ), le 'Grand Siècle' classique (17e) et le 'Siècle des Lumières' (18e), est le produit du capitalisme 'en petit' : celui de "l'air de la ville (qui) rend libre", lorsque les compagnons et les artisans (et leurs associations, puissantes), encore propriétaires de leur force de travail ET de leurs moyens de production (outillage, savoir-faire etc.), contractent sur un relatif pied d'égalité avec l'employeur, ce qui est une révolution culturelle par rapport à la révérence envers le seigneur dans les campagnes ; lorsque les étudiants des facultés forment des 'républiques libres' intellectuelles, etc. etc. Le capitalisme 'en grand', lui, piétine continuellement cela ; le problème étant que la 'mécanique' même du capitalisme lui interdit de rester 'petit' : OBLIGATOIREMENT vont se constituer de grandes fortunes, en entraînant d'autres et toujours plus d'accumulation, jusqu'à la 'révolution' industrielle et l'ère des monopoles. 


                carte des traites-copie-1o-la-france-en-face-facebook-copie-1

     

    * L'on peut parler de SUREXPLOITATION lorsque l'on est à la limite permanente de ne même plus permettre la reproduction des conditions d'existence de la force de travail (c'est-à-dire du travailleur...). Une manière de fonctionner qui ne PEUT PAS être la manière générale du capitalisme, car si celui-ci produit c'est pour VENDRE (comment, sinon, dégager des profits et reproduire le Capital ?) et il a donc besoin d'acheteurs, qui ne peuvent pas être simplement 5 ou même 10% de bourgeois et autres personnes aisées. Il lui faut donc des personnes "simplement exploitées", c'est-à-dire à qui leurs revenus laissent une "margeounette" pour consommer. Mais pour que ces personnes puissent exister et exister en quantité conséquente, il est NÉCESSAIRE que d'autres, sur le territoire qu'une bourgeoisie donnée contrôle, soient dans ces conditions de surexploitation (ce qui signifie, en substance, définir et assigner à cette position des "ultra-pauvres" pour que puissent exister des "moins pauvres", que l'on pourra en sus aliéner en leur disant qu'ils ne sont "pas les plus à plaindre").

    [Attention cependant : la surexploitation, vouée à dégager un profit maximal sur investissement (surprofit), intègre aussi des considérations de productivité du travail, de développement technologique (augmentant la productivité) ainsi que d'établissement de situations de monopole (réduction radicale voire élimination pure et simple de la concurrence : quoi de mieux pour les affaires ?). Ceci peut entraîner des situations paradoxales : ainsi par exemple, on imagine difficilement plus surexploités que les esclaves africains des colonies européennes en Amérique ; puisqu'il suffisait souvent de les maintenir en vie quelques années pour tripler ou quadrupler l'investissement représenté par leur achat ("gagner leur tête" disait-on à l'époque). Sauf que voilà : 1°/ comme déjà dans l'Antiquité, la productivité de personnes privées de toute liberté et non-rémunérées pour leur travail s'avérait finalement médiocre comparée à celle d'un travailleur libre, 2°/ pour ces mêmes raisons de productivité, ainsi que pour de simples raisons de sécurité, il était difficile voire impossible de concentrer des centaines et des centaines voire des milliers d'esclaves sur une même plantation (ce qui gênait donc la concentration du travail, et allait contre la constitution de monopoles), 3°/ cette méthode productive était difficile pour ne pas dire impossible à mettre en œuvre en dehors du secteur agricole (certes indispensable à l'économie mais dont la valeur ajoutée, même en agriculture extensive, reste somme toute modeste), dans l'industrie en plein essor notamment, 4°/ elle était incompatible avec le progrès technologique (mécanisation de l'agriculture), voué de toute façon à la faire disparaître, 5°/ les esclaves, qui représentaient le tiers de la population dans le Sud des États-Unis et 80% ou plus dans les Caraïbes, ne pouvaient pas (cf. ce que nous avons dit plus haut) représenter un marché (débouché commercial pour la production) de manière significative. Ce sont toutes ces raisons (et l'on pourrait encore sans doute en citer d'autres), et non des considérations d'"humanité", qui ont amené au 19e siècle les bourgeoisies européennes et américaines à pencher majoritairement en faveur de l'abolition de l'esclavage, bien que celui-ci représentât (à première vue) la forme d'exploitation la plus totale (et donc le profit maximal tiré de la force de travail) que l'on puisse imaginer. Si l'on adopte une vision "arithmétique" de la définition marxiste "classique" de la surexploitation, les paradoxes ne manquent de toute façon pas : les travailleurs les plus exploités pourraient ainsi bien être, par exemple... les footballeurs, si l'on mettait en perspective leurs (multimillionnaires) revenus annuels avec ce qu'ils rapportent à leurs clubs. C'est pourquoi une vision plus "humaine", basée sur la notion de reproduction des conditions d'existence, nous a semblé plus appropriée.]

     


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  • Sur le site du PCmF

     

    Levons haut le drapeau de l'internationalisme prolétarien ! 

    LAL SALAM pour le succès de la “Conférence internationale de soutien à la Guerre Populaire en Inde” ! 

    Chers Camarades,

    Au nom de notre Parti, le PCI (Maoïste), de l'Armée de Guérilla de Libération Populaire (PLGA), des Comités Populaires Révolutionnaires, des Organisations Révolutionnaires de Masse et du Peuple révolutionnaire en Inde, nous envoyons nos chaleureuses salutations révolutionnaires et un sincère Lal Salam à tous les partis, organisations et individus, d'Inde ou d'ailleurs, qui ont fait de grands efforts pour développer le soutien et la solidarité avec la Révolution de Démocratie Nouvelle (NRD) en Inde et ailleurs, qui ont tenu la “Conférence internationale de soutien à la Guerre Populaire en Inde” et en ont fait un succès. 

    503Vos messages et vos discours, faits dans le véritable esprit internationaliste, ont donné le soutien moral nécessaire aux peuples opprimés et aux camarades qui se battent sur le front de la révolution socialiste mondiale, c’est à dire en Inde, dans un combat acharné avec les ennemis de classe. Comme chacun d'entre vous le sait, ici les conditions difficiles et répressives augmentent de jour en jour, c'est pourquoi nous n'avons pas reçu à temps tous vos messages et qu'aussi les messages qui sont arrivés ne nous sont parvenus que tardivement. Nous sommes vraiment désolés de répondre aussi tard à vos bons efforts. 

    Il est particulièrement encourageant pour nous d'entendre que des jeunes, des étudiants, des femmes et des activistes du secteur culturel aient pris part activement à la conférence d'Hambourg. Les rapports sur les campagnes de différents endroits du monde nous ont chaudement enthousiasmé et le plus important est que toute cette solidarité nous a rendus plus humbles et emplis du sentiment de notre responsabilité envers le prolétariat mondial et de notre rôle dans le la révolution socialiste mondiale. Nous aurions aimé prendre part à cette campagne et y jouer un rôle, mais à cause de l'attaque sans précédent de l'ennemi nous n'avons pas pu.

    84327d55321649e3ab2c1d083a28f3f9_M.jpgVous avez joint vos mains aux nôtres lors des heures de tristesse, comme lorsque nous avons subi de lourdes pertes à notre tête, les martyres des Camarades Shyam, Mahesh et Murali en 1999 ou les martyres des Camarades Azad et Kishenji récemment. Ils étaient tous de grands dirigeants de notre révolution et ont été brutalement assassinés par la classe dominante indienne avec le soutien des impérialistes. Votre déclaration « la lutte des maoïstes en Inde est notre lutte, leur défaite est notre défaite » a rempli nos cœurs avec la confiance et l'esprit internationaliste que nous devons réellement surmonter la douleur et  continuer d'avancer avec un courage intrépide.

    Vous avez dit avec exactitude que la manière d'honorer les martyrs de la révolution en Inde et dans le monde est de redoubler le soutien à la guerre populaire en Inde dans le cadre de la lutte croissante contre l'impérialisme dans le monde et pour l'internationalisme prolétarien, et nous croyons que la Conférence de Hambourg a montré être un autre pas en avant dans cette lutte, c'est-à-dire poursuivre l'engagement que vous avez pris. 

    Vous tous avez systématiquement condamné le gouvernement indien et protesté avec une sincère indignation contre sa guerre contre le peuple exigeant son arrêt immédiat. Les gens faisant partie du mouvement révolutionnaire se souviennent avec enthousiasme de la solidarité internationale exprimée par les différents partis, organisations et individus au prolétariat et peuples des différends pays car c'est exactement le genre de soutien que chaque mouvement populaire réel se doit de développer. 

    Vous avez commencé des campagnes partout dans le monde pour soutenir la guerre populaire en Inde, en particulier dans le ventre de la bête impérialiste, dans les pays où la plupart d'entre vous sont actifs, et nous et le peuple qui se bat dans l’œil du cyclone de la révolution mondiale en reconnaissons très fortement la signification. 

    Nous apprécions extrêmement ce type de soutien et de solidarité et nous affirmons fermement que nous apporterons le même soutien aux autres Partis et organisations de masse qui combattent dans toutes les parties du monde. Ce type de solidarité donne une grande confiance aux combattants, leur assurant qu'ils ne sont pas seuls dans leur lutte. Cela montre une fois de plus très clairement qui sont nos ennemis communs auxquels nous sommes confrontés, l'impérialisme, ses marionnettes / laquais et toutes sortes de réactionnaires à travers le monde. Cela favorise l'esprit combatif du peuple, l’exhorte et l’aide à porter le mouvement constamment vers l'avant. Notre Parti, la PLGA, les Comités Populaires Révolutionnaires, les organisations de masse révolutionnaires, le peuple révolutionnaire et toutes les forces progressistes et démocratiques de notre pays veulent exactement ce genre d'unité et de solidarité au niveau interne et international. Cela est extrêmement important pour défendre et développer la guerre populaire. 

    GPP IndeChaque Parti et organisation qui a exprimé sa solidarité avec la Guerre populaire en cours en Inde a reconnu cette tâche comme principale, non seulement dans le contexte de la révolution dans chacun des pays concernés, mais aussi dans le contexte d'être en solidarité avec les autres révolutions. Le principe que pour faire avancer la révolution dans nos pays respectifs la meilleure façon est d'être en solidarité avec les révolutions des autres pays a été vivement exprimé lors de cette conférence et nous sommes complètement en accord avec cela. Nous, les maoïstes d'Inde, travaillons dans le même esprit et cela a toujours été la marque de notre pratique depuis les jours du soulèvement paysan armé de Naxalbari dirigé par les véritables révolutionnaires.

    Notre Parti, qui porte l'héritage de Naxalbari, a toujours vu la Révolution de Démocratie Nouvelle que nous réalisons en Inde comme partie intégrante de la révolution socialiste mondiale, notre Parti , à savoir le Parti communiste, comme un détachement de l'avant-garde prolétarienne mondiale, la PLGA comme un détachement de l'armée prolétarienne mondiale et les comités populaires révolutionnaires établis ici comme partie intégrante de la dictature mondiale du prolétariat ou de l'Etat socialiste mondial. Les victimes innombrables et inestimables que le peuple et les camarades ont données pour notre révolution, sont également partie intégrante des innombrables martyrs bien-aimés de la révolution socialiste mondiale dans chaque pays. Avec cette compréhension, les différents véritables courants révolutionnaires en Inde, depuis Naxalbari, ont réalisé des campagnes de solidarité pour soutenir les révolutions et les mouvements populaires dans les autres pays, notamment les campagnes de solidarité bien connus avec les révolutions au Vietnam, au Laos et au Cambodge et les luttes de libération nationale en Palestine, avec les Tamouls au Sri Lanka etc. ainsi que les guerres de résistance des peuples irakien et afghan. La dernière en date est notre campagne de solidarité pour soutenir la Révolution de Démocratie Nouvelle aux Philippines, celle que notre Parti a appelée pour le 22-28 avril 2013. 

    IndianMaoistsNotre Parti estime que ce genre de campagnes de solidarité existent et ne peuvent devenir plus fortes qu’au travers des avancés des mouvements révolutionnaires qui, réciproquement, gagnent en force morale et matérielle de ces campagnes de solidarité. Dans la situation mondiale actuelle, tous les révolutionnaires doivent vivement comprendre cette interaction et nous pensons que la Conférence d'Hambourg a pu faire le bon pas dans cette direction car cela y a été compris.

    Le lancement dans tout le pays de l'offensive sur plusieurs fronts du nom d'opération Green Hunt, qui devrait être définie plus correctement comme une guerre contre le peuple, et les innombrables atrocités barbares commises comme partie intégrante de celle-ci par les forces armées mercenaires et réactionnaires de l'Etat, ont mis en rage un grand nombre de personnes, aux idées différentes, autant en Inde qu'à travers le monde, et a conduit à d'énormes manifestations et campagnes qui ont exigé son arrêt immédiat. Des efforts incessants au niveau national et international ont été faits par les forces progressistes, révolutionnaires et démocratiques en soutien au peuple qui se bat en Inde et pour faire pression sur l'Etat indien afin d'arrêter l'attaque. Les forces révolutionnaires communistes à travers le monde ont également pris la juste initiative de mettre en place un mouvement international de solidarité avec la guerre populaire en Inde. La campagne pour mettre fin à l'Opération Green Hunt et le mouvement de solidarité en faveur de la guerre populaire en Inde se complètent mutuellement, et les programmes anti-opération Green Hunt doivent faire partie intégrante du mouvement de solidarité avec la révolution en Inde parce que vaincre cette campagne nationale sur plusieurs fronts lancée par l'ennemi est une tâche immédiate à laquelle nous devons faire face. Notre Parti croit que pour les forces communistes qui soutiennent la guerre populaire en Inde, la nécessité actuelle est de s'efforcer à mobiliser le plus largement possible les forces anti-impérialistes, démocratiques et révolutionnaires pour renforcer la campagne pour mettre fin à l'Opération Green Hunt, en visant à construire un front anti-impérialiste mondial, ce qui est déjà en cours. Et le renforcement de l'unité des forces communistes à travers le monde pourrait également apporter plus de soutien à la révolution indienne.

    1127L'impérialisme traverse sa pire crise à ce jour et, d'autre part, les luttes de la classe ouvrière et des autres classes et segments opprimés de la population, les luttes de libération nationale et les guerres populaires dans les pays semi-féodaux et semi-coloniaux grandissent. La Révolution de Démocratie Nouvelle dans les pays semi-féodaux et semi-coloniaux ou néo-coloniaux et les révolutions socialistes dans les pays capitalistes-impérialistes, qui forment les deux courants de la révolution socialiste mondiale, avancent à des niveaux inégaux et le marxisme-léninisme-maoïsme est de plus en plus compris par le peuple comme leur idéologie directrice. Le peuple est de plus en plus conscient que les impérialistes, leurs dirigeants laquais/marionnettes dans les pays opprimés et les réactionnaires de toutes sortes sont des ennemis communs de tous les peuples et nations opprimés dans le monde et rejoignent de plus en plus les rangs combattants. Toutes les contradictions de base dans le monde et dans tous les pays augmentent et s'intensifient de jour en jour. Pour être exact, la situation mondiale est excellente pour la révolution mondiale. Ainsi, la tâche urgente des communistes partout dans le monde est de tirer profit au mieux de ces excellentes conditions objectives pour mobiliser politiquement et consolider les masses opprimées et renforcer les forces subjectives car seul un fort Parti prolétarien et des masses consolidées peuvent réussir à faire la révolution.

    La crise financière actuelle dans le système capitaliste mondial s'enfonce de plus en plus. Elle a intensifié les contradictions internes au système capitaliste dans son ensemble et donne naissance à d'énormes mouvements de masse, de révoltes et de révolutions. L'impérialisme est déjà sur le lit de mort, comme notre grand enseignant marxiste Lénine l'avait analysé et la crise actuelle a confirmé ce fait de manière impressionnante. Dans un monde capitaliste inégal, la crise se reflète aussi inégalement dans les différents pays. Donc, nous, communistes, devons appliquer la théorie universelle, le marxisme-léninisme-maoïsme dans la pratique concrète dans nos pays respectifs, et nos préparations ou pratiques doivent être cohérentes pour mener notre révolution avec succès. Comme vous l'avez dit à juste titre, dans les pays capitalistes, les mouvements de travailleurs, d'étudiants, de jeunes, des femmes etc. doivent être développés et le soutien aux guerres populaires dans d'autres pays est également une tâche internationale inséparable pour chaque Parti prolétarien.

    En réponse à la grande confiance en nous accordée par tous les Partis et organisations fraternels qui ont pris l'initiative d'organiser cette conférence et d'en faire un succès, nous nous engageons une fois de plus à ce que la révolution en Inde continue à se renforcer et à poursuivre les rêves des martyrs d'une révolution socialiste mondiale, malgré les lourdes pertes de dirigeants aguerris et la perte de certaines zones.

    La Conférence Internationale a porté un dur coup à l'impérialisme et aux classes dirigeantes en Inde et, au même moment, elle a rempli d'espoir le grand océan du prolétariat et des masses laborieuses opprimées au sujet de la Révolution de Démocratie Nouvelle en Inde et de la Révolution socialiste mondiale. 

    Dans ce contexte, nous faisons de nouveau le serment devant vous tous que nous allons poursuivre les nobles objectifs de tous les grands martyrs de la révolution prolétarienne mondiale et annoncer que jamais la répression fasciste ne pourra dompter l'esprit combatif de notre Parti et du peuple révolutionnaire en Inde qui avancent péniblement sur un long et tortueux chemin. Nous marcherons de l'avant avec une détermination renouvelée bravant toutes sortes d'obstacles et faisant des sacrifices jusqu'à la victoire finale. Ceci est notre promesse au prolétariat international, à tous les amis et sympathisants de la révolution indienne. 


    Longue vie à l'internationalisme prolétarien !
    Longue vie à l'unité du prolétariat international, des forces révolutionnaires et démocratiques et des nations et peuples opprimés du monde entier !


    Salutations révolutionnaires
    Ganapathy, Secrétaire, PCI (Maoïste)

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  • Lire la première partie    


    5. Guerre et crise 

    Autonomi3Dans le §17 du Carnet 13, le sujet est Analyse des situations : rapports de force.(23) Gramsci décrit la situation dans laquelle se déroule la guerre entre classes. Il s'agit de la situation révolutionnaire qui se développe parallèlement à la crise générale par surproduction absolue de capital : Gramsci fait référence à la première crise. Sont évidentes les analogies avec la situation actuelle de la seconde crise générale [NdT : depuis le début des années 1970. Le (n)PCI fait commencer la première ‘autour de 1900’. Pour notre part, nous la faisons commencer au début des années 1870 (une grande crise mondiale, et non localisée à un ou quelques pays, éclate en 1873) et durer jusqu’au sortir de la Seconde Guerre mondiale (1945), avec une ‘embellie’ au début du siècle dernier (‘Belle Époque’, qui contredit l’affirmation du (n)PCI sur une crise générale au début du 20e siècle) permise par l’expansion coloniale mais celle-ci (en ‘saturant’ le partage colonial de la planète) conduit précisément à la Première Guerre mondiale (avec ses prémisses dès 1898 : guerre hispano-américaine, incident de Fachoda, guerre des Boers, guerre russo-japonaise, crise du Maroc etc.)].  

    23. CP, pp. 1578-1589 (C13 §17). 

    Gramsci parle des polémiques idéologiques, religieuses, philosophiques, politiques qui se déroulent autour des mille phénomènes par lesquels la crise se manifeste (les différentes formes par lesquelles la résistance des ouvriers, des travailleurs, des masses populaires s’exprime, les différentes formes de massacre social des gouvernements de la bourgeoisie impérialiste qui forment une guerre d’extermination non-déclarée contre les masses populaires et, quant aux phénomènes plus éclatants, les suicides, les meurtres de femmes, etc. etc.). Ces polémiques n’ont un sens que si elles convainquent et in fine ne se démontrent vraies que lorsqu’elles vainquent. Dans l’affrontement, les communistes sont autant convaincants que vainquants parce qu’ils relient le phénomène occasionnel à la question générale, c-à-d. à la crise ; parce qu’ils ont une conception du monde qui d’un côté a connaissance de la nature de la crise, de l'autre a la stratégie pour la surmonter (la GPR de LD). Convaincre, c-à-d. conquérir “les cœurs et les esprits” des masses populaires, est ce qui décide de l’issue de la guerre. Il suffit de voir tout l’appareil mis en place par la bourgeoisie impérialiste pour convaincre les masses populaires qu’il est juste d’aller à la misère et à la mort pour sauver une classe politique en putréfaction et le système financier derrière elle, géré par un infime groupe de criminels au niveau international et dans chaque pays, qui se font passer pour ‘Communauté internationale’ (comme ils font passer leurs guerres pour du ‘maintien de la paix’).

    “Une fois réunies les conditions objectives du socialisme, qui existent en Europe depuis plus d’un siècle, le facteur décisif pour la victoire de la révolution socialiste sont les conditions subjectives”. (MP, p. 35) Le mouvement communiste conscient et organisé peut donc construire la révolution socialiste. Gramsci le confirme en disant qu’existent les conditions nécessaires et suffisantes pour que des tâches déterminées puissent et donc doivent être accomplies historiquement, ajoutant que ceci doit être fait car chaque manquement au devoir historique augmente le désordre nécessaire et prépare de plus graves catastrophes, c’est-à-dire que prévale la mobilisation réactionnaire des masses populaires, que la bourgeoisie parvienne à imposer le fascisme et la guerre. 

    greek red hoplitesLes communistes doivent accomplir historiquement leurs tâches, dit Gramsci ne pas le faire prépare de plus graves catastrophes. C’est-à-dire que les tâches que les communistes doivent accomplir sont posées par le cours de l’histoire et identifiables en étudiant le cours de l’histoire. Il faut s’acquitter de ces tâches. La société qui ne s’en acquitte pas ira à des catastrophes toujours plus graves. La crise impose que nous luttions pour faire de l'Italie un nouveau pays socialiste. La classe dominante et le sens commun voient de la crise les aspects négatifs, mais tous les aspects négatifs de la crise ont leur origine dans le refus de faire ce que la crise impose de faire, la volonté de persister dans ce système économique, social et politique, la volonté de maintenir cette condition matérielle, ne pas vouloir croire possible et réaliser le futur que la crise impose comme nécessaire.

    Ne sont ni convaincants ni vainquants les économistes, incapables de voir au-delà du phénomène ; et les dogmatiques, qui substituent à l'examen de la réalité leurs propres schémas.

    jeunesseenlutteGramsci insiste sur le fait qu’il faut absolument tenir compte du lien entre la crise générale et chacune de ses manifestations particulières (chacun des phénomènes locaux, de secteur, du moment, etc.). C’est seulement ainsi que l’on est en mesure d’attaquer l’ennemi de manière efficace. Laisser notre action se perdre dans les détails, nous disperser dans les luttes isolées les unes des autres est une arme de guerre entre les mains de l’ennemi. Qui subit l’influence idéologique de la bourgeoisie (la gauche bourgeoise et ses partisans) tombe facilement victime de cette arme de l’ennemi, car justement la bourgeoisie n’a pas de connaissance théorique du lien entre général et particulier, elle n’a et ne peut pas avoir de science de la réalité économique, sociale et politique (science qui lui montrerait que son règne est fini). L’analyse théorique que fait la bourgeoisie de la réalité est toujours une analyse des détails (analyse unilatérale), ne montrant pas le lien entre ceux-ci, lien qui seul permet de comprendre le véritable rôle et le sens de chaque détail. Tenir compte du lien entre chaque manifestation et la crise générale signifie placer chaque bataille, chaque campagne dans le cadre de la stratégie générale de la GPR de LD, construire la révolution, car il s’agit ici non de reconstruire l’histoire passée mais de construire l’histoire présente et avenir.

    Après l’analyse de la situation, Gramsci passe à l’examen des rapports de force, qui s’articulent en moments.

    Le premier de ces moments est le point de départ, c-à-d. les rapports de force entre classes par rapport à la situation objective, à l’organisation économique de la société et la composition de classe qui en découle.

    Le second moment est celui où une classe commence à prendre conscience d’elle-même comme classe [classe pour soi - NdT]. À ce moment-là, son activité prend place sur le terrain des luttes revendicatives d’abord, puis de la lutte politique qu’il y a, c’est-à-dire de la lutte politique bourgeoise. Ce passage est désigné dans le MP comme le passage de la lutte revendicative à la lutte politique, qui se situe en Europe à la fin du XIXe siècle, avec la formation des grands syndicats et des partis socialistes de la IIe Internationale.

    partigiani1Le troisième moment est le passage de la lutte politique à la lutte révolutionnaire. La classe ouvrière comprend que pour défendre ses intérêts il ne suffit pas d’agir dans le cadre politique prédéterminé par la bourgeoisie. Dans le MP (p. 26) ceci est expliqué comme suit : “Avec le marxisme, les ouvriers atteignirent la conscience la plus pleine de leur propre situation sociale. Leur lutte devint plus consciente, jusqu’à assumer un caractère supérieur. Elle devint lutte politique révolutionnaire, lutte pour abattre l’État de la bourgeoisie, construire leur propre État et, grâce au pouvoir conquis, créer un nouveau système de production et un nouvel ordre social, éliminer l’exploitation et son expression historique : la division de la société en classes. Dans ce troisième moment, la classe ouvrière comprend que ses propres intérêts de classe sont les intérêts de toute la société.

    serragDans ce troisième moment, le rapport entre classes est inévitablement destiné à devenir un rapport de guerre entendu au sens classique, c-à-d. un rapport de force militaire. Gramsci affirme que la confrontation militaire est un passage obligé de la révolution socialiste. C’est précisément sur ce point que s’est concentré le principal travestissement de Gramsci par les révisionnistes modernes, depuis Togliatti et le 8e Congrès du PCI (1956), qui a consacré la voie pacifique et parlementaire au socialisme comme doctrine officielle du Parti.

    Quant à ceux qui, à la différence des révisionnistes, sont pour la révolution socialiste, mais non pour la révolution socialiste qui se construit comme une guerre mais pour la révolution socialiste qui éclate, Gramsci démontre par l’expérience qu’il n’est jamais certain que les crises économiques génèrent automatiquement des insurrections. La dégradation des conditions économiques ne génère pas nécessairement la mobilisation des masses populaires dans un sens révolutionnaire, et à l’opposé la mobilisation des masses populaires dans un sens révolutionnaire ne requiers pas que les conditions économiques soient à un degré déterminé d’intolérabilité [NdT : la situation très ‘chaude’ des années 1968-75 en Europe de l’Ouest le démontre parfaitement. Au contraire, la situation de crise aiguë des années 1930 a souvent plus amené une montée du fascisme que du mouvement révolutionnaire]. Que les masses populaires se mobilisent dans un sens révolutionnaire dépend de l’action d’un Parti qui guide leur parcours de bataille en bataille, de campagne en campagne, jusqu’à culminer dans le rapport militaire décisif, c’est-à-dire jusqu’au moment où la bourgeoisie impérialiste, qui défend son propre régime, est contrainte soit à battre en retraite soit à recourir à la guerre civile. Ce parcours est décrit ici en détail par Gramsci : il s’agit de trouver les points faibles de l’ennemi, là où le coup est le plus efficace, de comprendre quelles sont les opérations tactiques immédiates, … comment peut-on le mieux mener une campagne d’agitation politique, quel langage sera le mieux compris des masses etc.

    servirlepeupleTout ceci est précisément le développement de la GPR de LD dans un pays impérialiste comme l’Italie, dont Gramsci décrit ici la première phase, la phase de défensive stratégique, lorsque la supériorité de la bourgeoisie est écrasante. Le Parti communiste doit accumuler des forces révolutionnaires. Recueillir autour de lui (dans les organisations de masse et le front) et en lui (dans les organisations du Parti) les forces révolutionnaires, étendre sa présence et son influence, éduquer les forces révolutionnaires à la lutte en les menant à lutter. La progression du nouveau pouvoir se mesure à la quantité des forces révolutionnaires recueillies dans le front et au niveau de ces forces. Dans cette phase l’objectif principal n’est pas l’élimination des forces ennemies, mais de recueillir parmi les masses populaires les forces révolutionnaires, étendre l’influence et la direction du Parti communiste, élever le niveau des forces révolutionnaires : renforcer leur conscience et leur organisation, les rendre mieux capables de combattre, rendre leur lutte contre la bourgeoisie plus efficace, élever leur niveau de combattivité.(24)

    24. MP, pp. 203-204. Gramsci se réfère à l’accumulation des forces révolutionnaires en parlant de force organisée en permanence et prédisposée de longue date. (CP, p. 1588 (C13 §17))


    6. La révolution socialiste n’éclate pas

    Il y a la spontanéité et il y a le spontanéisme. Gramsci critique ceux qui par principe refusent de donner au processus révolutionnaire une direction consciente,(25) ceux selon qui une direction de ce genre signifie emprisonner, schématiser, appauvrir le processus révolutionnaire. Un exemple actuel de cette tendance mouvementiste est la tentative de construire un mouvement Anticapitaliste et Libertaire (Assemblée de Bologne, 11 mai 2013).(26)

    25. CP, pp. 328-332 (C3 §48).

    26. Voir la critique diffusée par le nouveau PCI dans l’Avis aux navigants n°18, 5 mai 2013 ici : www.nuovopci.it/dfa/avvnav18/avvnav18.html.

    · Il se proclame mouvement, non dans le sens où il veut seulement unir des organisations et des classes diverses, indépendamment de leur orientation particulière dans d’autres domaines, dans une bataille politique concrète, mais dans le sens où il veut se déclarer contre l’état actuel des choses (le capitalisme), mais refuse l’instauration du socialisme, le Parti communiste et la conception communiste du monde (donc se place sur le terrain de la gauche bourgeoise).

    · Il est contre quelque chose (contre le capitalisme), mais non pour quelque chose (le socialisme et le communisme). Qui veut être “pour”, doit faire des plans, s’organiser, comme chaque fois que l’on veut construire quelque chose, quelle qu’elle soit.

    · Il est libertaire, c’est-à-dire qu’il proclame la liberté en général, mais ne dit pas “liberté des masses populaires vis-à-vis du capitalisme” : il utilise le terme “libertaire” car c’est celui utilisé par les tendances anarchistes qui refusent tout schéma, organisation, imposition, règle, discipline, d’où qu’elles viennent : même celles qu’un collectif se donne, même celles que la lutte elle-même requiert. Elles les refusent au point de renoncer à la lutte et d'en rester au capitalisme. [Servir le Peuple rappelle cependant ici qu’il n’est pas anti-libertaire : les libertaires sont selon nous une ‘piqûre de rappel’ rappelant aux marxistes la vocation de l’État socialiste à son propre dépérissement (par la disparition des classes et de toute division permanente du travail), ce que beaucoup ont eu tendance au siècle dernier, et ont encore tendance aujourd’hui à perdre de vue (d’où, par exemple, la sympathie pour des régimes qui n’ont rien de ‘socialiste’ au sens marxiste, voire rien de ‘progressiste’ au sens léniniste).]

    La liberté et le mouvement dont il s’agit dans cette énième tentative sont ceux de l’eau qui est libre d’aller vers le bas. Il n’y a pas de pensée, pas de réflexion, pas de bilan de l’expérience de ceux qui avant nous ont lutté, du pourquoi et du comment ils ont gagné ou perdu, il n’y a pas de programme pour l’avenir, et donc pas d’élan. Tout se réduit, au final, au contraire de la liberté, à une réaction mécanique (à la manière d’un mécanisme qui ne se meut pas par un mouvement propre, mais par l’impulsion qu’il reçoit d’un autre) à l’attaque de l’ennemi, qui au contraire dispose d’armées organisées (qui depuis l’Antiquité romaine, et même avant, ont démontré pouvoir vaincre des masses en révolte inorganisée, même en nombre dix fois supérieur) et d’un plan pour maintenir son pouvoir, etc.

    autonomia operaiaGramsci explique ici comment ce qui se veut liberté se renverse en riposte mécanique et expression de subalternité vis-à-vis de la classe ennemie, car elle ne se qualifie pas par elle-même, par ce qu’elle veut construire, mais par l’ennemi auquel elle s’oppose, et donc dépend de lui, à la manière dont un travailleur dépend du patron [NdT : c’est ce que Gramsci appelle subversivisme, qui peuple les rangs de ce que le (n)PCI appelle la gauche bourgeoise et nous (plutôt) la gauche petite-bourgeoise (la gauche bourgeoise étant vraiment l’aile gauche de la grande bourgeoisie, les Mélenchon, Montebourg etc.), et que le ‘sens commun’ appelle ‘gauche radicale’... mais aussi les rangs de la mobilisation populiste fasciste. Cette qualification est particulièrement valable pour le mouvement Grillo, particulièrement ‘anti-tout’, qui finira soit dans l’un soit dans l’autre]. Si un groupe ne s’efforce pas de se créer une science propre de la réalité et de l’histoire, ses analyses sont en définitive celles de la propagande bourgeoise, sont tirées des journaux et des livres de la bourgeoisie, fut-ce “lus à l’envers” (en les critiquant, en les dénonçant, en s’indignant, etc.). Ceux qui évoluent dans ce sens ne soupçonnent même pas que leur histoire puisse avoir une quelconque importance, dit ici Gramsci. Quand ils s’occupent de cette histoire, ils le font quant au contenu en utilisant en économie, politique, philosophie les critères et les données fournies par la bourgeoisie, conformes à la conception bourgeoise du monde. Quant à la forme, soit ils parlent et n’agissent pas, et ne courent donc pas le risque d’être démentis, soit ils séparent la parole de l’action, ne reflètent pas la parole dans la pratique, n’apprennent pas des erreurs. Quand ils remportent un succès, ils ne l’utilisent pas comme base pour construire le nouveau Pouvoir, ni comme base pour passer à une lutte de niveau supérieur. Ce que nous avons bien vu l’an dernier : passées les grandes manifestations du 31 mars et du 27 octobre 2012, l’état d’esprit prédominant parmi leurs promoteurs était : et maintenant, qu’est-ce qu’on fait ?

    Les conditions objectives qui poussent les masses populaires à se mobiliser pour créer une nouvelle société (qui rendent nécessaire sa création car ne pas la créer amène des catastrophes plus graves encore) existent depuis longtemps, et donc leur mouvement est spontané comme l’eau du fleuve qui va à la mer. Mais elle est différente de l’eau du fleuve qui va à la mer, car il s’agit d’êtres humains. Ceux-ci ont besoin de se représenter le chemin qu’ils parcourent : l’eau ne va à la mer qu’à des conditions déterminées.

    ‘‘Cette unité de la «spontanéité» et de la «direction consciente», c’est-à-dire de la «discipline» est précisément l’action politique réelle des classes subalternes, en tant que politique de masse et non simple aventure de groupes qui se réclament des masses’’ dit Gramsci, et il ajoute que renoncer à leur donner une direction consciente, à les élever à un niveau supérieur signifie laisser le champ libre à la bourgeoisie impérialiste, qui dévie la mobilisation des masses populaires dans un sens réactionnaire. La mobilisation des masses dans un sens réactionnaire (fascisme, guerre) est le fruit de la renonciation des groupes responsables [des communistes, ndr] à donner une direction consciente aux mouvements spontanés et à les faire devenir dès lors un facteur politique positif. Celui qui nie le principe selon lequel la révolution se construit, qu’elle doit être dirigée, et dirigée comme une guerre populaire révolutionnaire, celui qui espère “que les masses bougent” et ne voit pas que les masses sont déjà en mouvement (mais bien sûr, à la manière dont les masses opprimées peuvent l’être lorsqu’elles n’ont ni objectif conscient et juste, ni organisation ni direction), laisse un espace vide qui est occupé par la réaction. Tous ceux qui peuvent aujourd’hui assumer le rôle de gouvernement du pays, en Comités de Libération Nationale, en Administrations Locales d’Urgence, en un Gouvernement de Salut National (2), en somme en organismes qui mobilisent les masses populaires contre la guerre que la bourgeoisie impérialiste leur livre, et hésitent à le faire, sont en hésitant ainsi objectivement responsables de la mobilisation réactionnaire des masses populaires.

    Les mouvementistes s’opposent à faire des plans. Selon eux, dit Gramsci, tout plan préétabli est utopique et réactionnaire.(27) Quiconque s’est adressé aux mouvementistes en leur montrant comme nécessaire un parcours vers l’objectif de la transformation révolutionnaire, s’est entendu répondre que le parcours indiqué était une imposition, une tentative de mettre en cage, de briser les ailes du mouvement spontané, et qu’ainsi le plan était réactionnaire et que prévoir un parcours concret vers la révolution était utopique.

    27. CP, p. 1557 (C13 §1). 

    fighters-of-the-greek-civil-warCe type de réponse est l’expression d’une tendance générale, répandue dans les masses populaires et expression de leur subalternité, expression du fait d’être encore sous l’influence de la conception bourgeoise dans leur conscience. Il est clair que la bourgeoisie a intérêt à combattre l’élaboration de tout plan visant à renverser son pouvoir, et il est encore plus clair que son intérêt est de déclarer cet objectif irréalisable. Le maximum que la bourgeoisie impérialiste peut concéder aux masses populaires est qu’elles rêvent à la révolution comme quelque chose que l’on voudrait, mais qui ne pourra jamais exister. Des héros admissibles sont ceux qui y ont cru et ont perdu (ont été vaincus), ce qui prouverait que ce rêve est irréalisable. Che Guevara en est l’exemple le plus connu. Qui a au contraire guidé les masses populaires à la victoire, comme Staline qui les guida à la victoire contre les nazi-fascistes, est un “dictateur” et un “réactionnaire” a priori.

    Qui est seulement contre, attend l’insurrection et ne fait pas de plans, s’exalte face à chaque mobilisation spontanée des masses populaires pour ensuite tomber en dépression quand cette mobilisation prend fin. Car qu’elle prenne fin est inévitable : si l’on présume qu’elle est une chose naturelle, elle a un début et une fin, comme un orage, s’éparpillant en une infinité de volontés individuelles, dit Gramsci.(28) Telle est l’histoire de beaucoup de regroupements comme Unis contre la Crise, Comité Non à la Dette, Comité NoMontiDay, pour ne citer que les plus connus et actifs ces deux dernières années : des groupes qui surgissent dans des circonstances déterminées, produisent des initiatives où la participation des masses populaires dépasse leurs espérances, ce qu’ils ne savent pas gérer justement parce qu’ils n’ont pas de ligne, pas de “plan préétabli”, leurs promoteurs faisant alors machine arrière comme des apprentis sorciers incapables de gérer les “pouvoirs simples et magiques” dont était capable de parler, le 6 avril 2013, un enfant de cinquième élémentaire [CM2] de la province d’Avellino, faisant référence à la classe ouvrière.

    28. CP, p. 1557 (C3 §1).

    En somme, pour ne pas vouloir se donner des règles conformes aux exigences de la réalité, pour ne pas vouloir apprendre la dialectique entre liberté et nécessité ; pour vouloir rester “libres” dans le sens de ne pas vouloir être encadrés dans aucun parti, de ne vouloir suivre aucun plan, et encore moins tenter une expérience jamais tentée, la révolution dans un pays impérialiste, chose tellement neuve et pleine de risques que la proposer sans analyse et sans plan est d’une irresponsabilité confinant au crime ; pour vouloir garder cette attitude infantile et inacceptable dans toute activité humaine un minimum complexe ; l’on finit par être le contraire de libres, l’on finit par être des marionnettes entre les mains de l’ennemi.

    Dans le §7 du Carnet 13, Gramsci dit que la révolution comme insurrection fonctionne pour la bourgeoisie de la Révolution Française (1789) jusqu’au moment où la classe ouvrière surgit comme nouvelle classe révolutionnaire (1848). Passée cette date, la bourgeoisie cesse d’être une classe révolutionnaire en lutte contre le clergé et les nobles, et se met en état de guerre contre la classe ouvrière. La guerre contre la classe ouvrière, la bourgeoisie la prépare minutieusement et techniquement en temps de paix, avec quantité de tranchées et fortifications dans la structure massive des démocraties modernes, tant comme organisations étatiques que comme ensemble des relations dans la vie civile.(29)

    29. CP, pp. 1566-1567 (C13 §7).

    sinistra prolCette structure massive des démocraties modernes est le régime de contre-révolution préventive. La révolution ‘pousse’, c’est un mouvement objectif, et la bourgeoisie construit un appareil fignolé dans ses moindres détails pour contrer la volonté et la nécessité de participation et d’auto-gouvernement des masse populaires, contre le moindre délégué syndical non asservi, contre le centre social autogéré, contre un Mouvement Cinq Étoiles [de Beppe Grillo] qui n’accepte pas les normes préétablies pour participer au petit théâtre de la lutte politique bourgeoise, et surtout contre la plus grande expression d’autonomie et d’indépendance de la classe ouvrière et des masses populaires, le Parti communiste. Cet appareil est précisément la contre-révolution préventive, appliquée dans les pays impérialistes. Contre cet appareil, la stratégie des communistes est la GPR de LD, par laquelle l'accumulation de forces et la conquête de nouveaux territoires (l'expansion de l’hégémonie sur les masses populaires aux dépens de la bourgeoisie) sont un travail tout aussi minutieux, qui pas à pas amène à l’affrontement militaire proprement dit.

    Gramsci explique combien est impossible une guerre de mouvement qui enfonce les lignes ennemies et par laquelle l’on s’empare des centres de pouvoir, lorsque derrière ces lignes ennemies il y a tout un appareil dont elles ne sont que le premier front.(30) La société, dit-il, est devenue une structure extrêmement complexe et résistante aux “irruptions” catastrophiques de l’élément économique immédiat (crises, dépressions) ; les superstructures de la société civile sont comme le système des tranchées dans la guerre moderne (…) ni le troupes assaillantes, par l’effet de la crise, ne s’organisent [spontanément ou sous une direction ‘insurrectionnelle’ NdT] de manière fulgurante dans le temps et l’espace, ni encore moins elles n’acquièrent un esprit agressif. Le conseil de Gramsci est d’étudier la Révolution d’Octobre à la lumière de la théorie de la GPR de LD. À ceci nous pouvons ajouter que depuis la victoire de la Révolution d’Octobre, la bourgeoisie impérialiste a pris toutes les contre-mesures dont elle est capable pour ne pas se faire surprendre par une quelconque insurrection.

    30. CP, p.1615-1616 (C13 §24).

    Qui a la prétention de faire irruption dans le camp ennemi, de semer parmi les troupes adverses une panique et une confusion irréversible, d’organiser ses propres troupes à l’improviste, de mettre tout aussi à l’improviste ses cadres existants en position de direction immédiatement reconnue par une population en révolte, d’unir immédiatement cette population vers un objectif commun, est un mystique, dit Gramsci.(31) De fait, qui raisonne en ces termes religieux reste statique en attendant que quelqu’un d’autre commence, ou que quelqu’un vienne de l’extérieur apporter la révolution, de Russie ou de Chine hier, des peuples opprimés aujourd’hui (de la Palestine, de l’Inde, du Népal ou de pays comme le Venezuela ou Cuba, selon les tendances préférées).(32)

    31. CP, p. 1614 (C13 §24).

    32. CP, p. 1730 (C14 §68).

    L’examen des positions de Gramsci confirme son anticipation de l’un des fondements de la théorie révolutionnaire, à savoir la stratégie de GPR de LD, l’une des contributions les plus importantes du maoïsme à la science révolutionnaire, à la conception communiste du monde.(33) Gramsci, outre cela, a apporté d’autres anticipations très importantes. L’étude en cours de l’œuvre de Gramsci permet de récupérer ces précieuses anticipations que Gramsci a élaborées, pour donner toute sa valeur à sa stature de dirigeant du mouvement communiste au niveau national et international, et surtout pour continuer son œuvre jusqu’à la réalisation des objectifs pour lesquels il a donné sa vie.

    Folco R.

    33. L’étude est basée sur les références de Gramsci aux deux formes opposées de stratégie pour la révolution, c-à-d l’insurrection et la GPR de LD, appelées ici guerre de mouvement et guerre de position, du Dictionnaire gramscien sous la direction de Guido Liguori et Pasquale Voza (Carocci editore, Urbino, 2011).

     


    (2) Nous sommes entièrement d'accord, et tout aussi enthousiastes que le (n)PCI pour l'exploration de ce territoire inconnu qu'est de vouloir construire consciemment la révolution dans un pays impérialiste, et non faire du militantisme de gauche plus ou moins ‘dur’ en attendant la ‘crise aigüe’ qui sonnera l'heure du Grand Soir. Pour autant, et nous l'avons déjà dit, nous pouvons être grandement en désaccord avec les méthodes proposées.

    3320331108 7316807beeAinsi, appeler à un Front ou ‘Bloc’ populaire (quel que soit le nom qu'on lui donne) implique selon nous un mouvement communiste suffisamment puissant (en quantité et en qualité, c'est-à-dire en influence idéologique sur la société), qui ‘pèse’ assez pour pouvoir en retirer des bénéfices pour lui et pour les masses, sans quoi l’on ne fait qu'‘offrir’ son appui et ses forces ‘sur un plateau’ à la gauche bourgeoise (qui au demeurant s'en contre-cogne). Un Front populaire, c'est quelque chose qui implique certes des concessions de la part des communistes, mais qui N'EXISTE PAS non plus sans eux ; c'est être en mesure de dire à la gauche bourgeoise (sans faire rigoler) : "la mobilisation réactionnaire, le fascisme, vous balayera vous aussi et même les premiers, accepter notre ‘soutien’ (comme la corde soutient le pendu) c'est votre dernière chance" ; en somme, c’est le Front commun avec nous… ou Dachau ! L'émergence d'une ‘gauche’ bourgeoise favorable à l'alliance avec les communistes est en réalité un symptôme 1°/ de l'importance du mouvement communiste et d'un mouvement ouvrier/populaire ‘radical’ d’un côté et 2°/ de l'inquiétude que cela suscite, et de la mobilisation réactionnaire de la droite (la majorité !) bourgeoise de l’autre ; autrement dit de l'imminence de la guerre civile, de la guerre de classe ouverte. Sans cela, il est hautement improbable que les personnalités citées par le (n)PCI (si l'on se base sur leurs équivalents hexagonaux), sans même parler du populiste semi-fascisant Grillo, fassent autre chose que continuer à ‘gérer le malheur’ et écoper désespérément la barque qui prend l'eau pour finalement sombrer avec elle, dans le triomphe de ce que le PCmI appelle ‘fascisme moderne’, c'est-à-dire la bourgeoisie réactionnaire qui répond à la crise et aux explosions sociales qu'elle provoque, mais pas à une menace révolutionnaire conséquente (contrairement au fascisme proprement dit). Souvenons-nous aussi que les Fronts populaires de ‘France’ et d'‘Espagne’ n'ont pas été finalement des expériences si concluantes, puisqu'ils n'ont pas pu réellement gouverner et ont très vite été balayés, en ‘Espagne’ par le coup d’État fasciste et la guerre civile (1936-39) et en ‘France’ par le ‘choix de la défaite’ de 1940 : la vraie mise en œuvre du programme des Fronts populaires, en Europe de l'Ouest (sauf Espagne et Portugal), c'est à la Libération, lorsque le capitalisme ‘purgé’ par la guerre mondiale pouvait se ‘rénover’ de la sorte mais aussi... face à des Peuples en armes, sous direction principalement communiste.

    Ce qu'il faut donc, c'est construire patiemment cette ‘importance’, cette hégémonie même partielle du mouvement communiste sur les masses, sans céder au sentiment de l'urgence. Il est certain que si l'on fait, comme le (n)PCI, englober au prolétariat quelques 36 millions de personnes sur 57, gagnant jusqu'à... 50.000 euros par an, il est fort possible de céder à l'urgence car ces couches moyennes du salariat voient leurs conditions de vie se dégrader à grande vitesse depuis la seconde moitié des années 2000. Mais pour le vrai prolétariat, qui en réalité ne dépasse pas 50% de la population dans un État impérialiste, le capitalisme est en crise depuis les années 1970 (mettant fin à l'amélioration toute relative mais continue du niveau de vie), le reflux/capitulation du mouvement communiste et même réformiste conséquent et la lutte acharnée de la bourgeoisie pour le maintien de ses profits ont amené une situation de ‘fascisme moderne’ depuis les années 1980, et depuis lors la dégradation est certes continuelle mais pas ‘brutale’, et n'implique pas de sentiment d'urgence. Céder à l'‘urgentisme’, c'est de toute façon et dans tous les cas mal faire. Il faut savoir garder son sang-froid comme un capitaine dans la tempête. Toutes les enquêtes d'opinion (et le bon sens minimal face à la merde social-libérale au pouvoir) indiquent sinon la victoire du FN, du moins solidarietàgramigna2celle d'une droite ultra-‘décomplexée’ (se posant en ‘dernier recours’ face à un FN à 25% ou plus) pour 2017, soit dans trois ans et demi... Pour autant, nous ‘gardons le cap’ et avançons patiemment sans céder à l'urgence ni à la panique, car ce serait la voie royale du fiasco.

    Nous sommes totalement en accord avec le Plan Général de Travail du (n)PCI, et comptons bien le faire nôtre pour le Parti que nous voulons créer : faire de chaque action, chaque lutte, chaque initiative une ‘école de communisme’. Nous interviendrons sans problème, nous ‘ferons irruption’ dans le ‘petit théâtre’ de la politique bourgeoise, notamment dans les ‘moments électoraux’ qui sont des ‘moments-clés’ pour la société civile dont parle Gramsci, selon des modalités que nous aurons fixées. Mais pour le (n)PCI, il semble bien que le deuxième front du PGT soit aujourd'hui hypertrophié, au détriment des autres. Et faire du succès électoral de telle ou telle liste ou personnalité une déstabilisation majeure pour le régime/système que l'on combat, c'est faire des assemblées légiférantes électives le ‘cœur de l’État’, ce qui est profondément erroné : ces assemblées sont des machines à faire loi la volonté des dominants, et non les centres de production de cette volonté. L'intérêt des ‘moments électoraux’ pour les communistes, c'est le rôle que jouent ces moments dans la construction de la société civile qui protège le Capital et donc dans sa destruction ; mais ce n'est pas de permettre des ‘attaques’ significatives au ‘cœur de l’État’, qui ne sont de toute façon pas possibles en phase préparatoire/étape zéro. En ‘France’, d'ici la présidentielle (suivie de législatives) en 2017, il y a les européennes et les municipales l'an prochain et les régionales en 2015, ce qui ne fait pas beaucoup (en Italie c'est un peu différent, toutes les régionales et les municipales ne sont pas en même temps et il y a souvent des législatives anticipées). Le reste du temps, SLP garde un ‘œil’ vigilant sur les mouvements de la ‘classe’ politique bourgeoise pour en présenter aux masses une ‘lecture’ marxiste, ce qui est important. Mais tout cela n'est pas plus ni moins important que les autres ‘fronts’ du PGT : lutte contre la répression, à laquelle on peut ajouter la lutte contre le fascisme (répression para-étatique, en dernière analyse) et les luttes démocratiques des secteurs sociaux particulièrement opprimés (LGBT, colonies intérieures, travailleurs ‘sans-papiers’) ; défense intransigeante des droits sociaux des travailleurs (arrachés de dure lutte au siècle dernier) ; et (très important selon nous, le seul peut-être qui soit plus important) construction de l'autonomie populaire contre un capitalisme qui a fini par régir le moindre aspect de la vie des masses ; on pourrait également ajouter l'internationalisme anti-impérialiste, dont le défaut est un ‘secret de l'impuissance’ des prolétariats et des classes populaires occidentales. Tout cela participe à la guerre de tranchées sur le front de la société civile, front fondamental dans les pays impérialistes et avancés, contre la mobilisation réactionnaire impulsée par la bourgeoisie face à la (à sa !) crise (pour ce qui est du front politico-militaire, il est évident qu'un Parti communiste n'en parlera pas publiquement sur un site internet...).

    imagesPour revenir sur le mouvement Grillo, nous le caractérisons comme des cyber-Arditi du 21e siècle, un mouvement petit-bourgeois radical-populiste, "ni droite ni gauche", "tous pourris", antiparlementaire comme si le problème du capitalisme résidait dans le Parlement bourgeois, etc. etc. Un Parti communiste conséquent peut certes gagner à lui des éléments arditi ‘de gauche’, déçus justement par l'évolution droitière inévitable de ce genre de mouvement, comme les Arditi del Popolo de 1921-22. Mais EN AUCUN CAS on ne peut baser une mobilisation révolutionnaire de masse sur des Arditi, sur un mouvement ambigu, contradictoire et voué à l'éclatement. Il ne s'agit pas d'être des ‘analphabètes politiques’ en reprochant aux gens de voter Grillo plutôt que de nous interroger sur nos propres limites ; mais de nous demander en quoi la guerre de position pour l'hégémonie se gagne en cautionnant sans critiques des conceptions aussi ouvertement réactionnaires que "il y a trop d'immigrés en Italie", "Nichi Vendola (un leader de la gauche bourgeoise - NdlR) est un pédé" ou encore "les syndicats nous font chier, vivement qu'on les interdise"... Le (n)PCI rétorque au PCmI que "l'on pourrait en dire autant de beaucoup de forces ayant participé aux Fronts populaires des années 1930 ou à la Résistance en 1940-45". Pour la Résistance, c'est bien possible, puisqu'il y avait une occupation étrangère donc une dimension patriotique incluant des éléments de droite voire d'extrême-droite. Pour les Fronts populaires, avec un Grillo qui proclame publiquement sa sympathie pour des fascistes (Casapound), c'est nettement plus improbable... Et comme l'expliquait Gramsci, il faut vivre et comprendre son époque : la conscience humaine évolue avec les forces productives, la limite entre ‘progressiste’ et ‘réactionnaire’ évolue et des choses qui pouvaient ‘passer’ il y a 80 ans (homophobie, xénophobie) ne le peuvent plus aujourd'hui. D'autre part, la conception kominternienne des Fronts populaires était elle-même l'expression de grandes limites du marxisme-léninisme à cette époque.

    Enfin, parler de "Comités de Libération Nationale" (??) n'a aucun sens si cette ‘libération’ est celle d'un État impérialiste qui n'est pas occupé militairement par un autre. Cela peut en avoir si l'on considère l'Italie comme un État plurinational, où des Peuples sont soumis à UNE bourgeoisie ‘italienne’ (monopoles du Nord, bureaucrates de Rome, clique vaticane etc.) qui les exploite et les opprime... Mais c'est une autre histoire. L'Allemagne de Merkel n'impose pas militairement l’austérité aux ‘PIIGS’, ce qui signifie que l'austérité est une politique acceptée par les bourgeoisies dirigeantes de ces États, et que le problème principal se trouve là. Parler de ‘libération nationale’, c'est vouloir ‘revivre’ la Résistance antifasciste de 1940-45 dans un contexte totalement différent, travers dans lequel tombent beaucoup de communistes d'un côté comme de l'autre des Alpes, et qui mène souvent au social-chauvinisme (car qui dirige, exploite et opprime alors, si ce n'est pas le Grand Capital national ? une ‘hyper-classe mondialisée’ ? la bourgeoisie impérialiste US et elle seule ?). Il ne faut pas chercher, entre ‘Fronts populaires’ et ‘Libération nationale’, à revivre l’histoire, car le marxisme nous enseigne que l’histoire ne se revit que comme farce

    En définitive, nos divergences avec le (n)PCI ne sont pas dans leur travail théorique et stratégique primordial comme (au moins) matériau de réflexion, aspect qui reste principal, mais bien plutôt dans la source même de ce qui (selon eux-mêmes) guide la stratégie et (de là) toutes les tactiques : la conception du monde. Comme l'explique le (n)PCI lui-même, des limites dans la conception-compréhension du monde, si elles ne sont pas rectifiées, amènent une stratégie erronée (dans son contenu, car il n'est pas difficile de dire que c'est "la Guerre populaire", mais quel contenu lui donne-t-on ?). Par exemple, on peut tout à fait être hostile à ce qu'un coup d’État impérialiste renverse un régime ‘de gauche’, réformiste, progressiste en Amérique latine ; mais si l'on considère que la politique de Chávez au Venezuela était du socialisme (ou une nouvelle démocratie le préparant),  au sens scientifique marxiste, alors il y a un problème quant à la conception du but (le socialisme)... donc des moyens pour y parvenir. Ne parlons même pas de considérer comme tels Kadhafi ou encore Assad...

    panthers-e1300317875581De même, sur le bilan du siècle dernier : pour le (n)PCI, il y a l'URSS et l'Internationale communiste de 1917 à 1956 et ensuite, plus guère de salut : la Chine de Mao tente quelques années de ‘raviver la flamme’, de cette ‘croisade’ anti-révisionniste naît le maoïsme comme troisième et supérieure étape du marxisme, mais au final, rien de bien concluant. Pour nous, au contraire, cette première partie de la première vague révolutionnaire mondiale a fait de grandes et glorieuses choses, mais a également montré de grandes limites, dont la répétition est pour ainsi dire la cause de tous les échecs ultérieurs, et les tentatives de dépassement sont la cause de tous les succès. Alors que la seconde partie (1956-1993 selon nous, càd jusqu'à la défaite au Pérou) REGORGE LITTÉRALEMENT d'expériences lumineuses et passionnantes, tant par leurs succès que par leurs échecs, et absolument pas seulement dans les pays semi-coloniaux dominés : dans les États impérialistes également, des Black Panthers US aux communistes révolutionnaires italiens des années 1970, des grandes luttes de l’État espagnol sous la 'transition' juan-carliste aux luttes révolutionnaires de libération basque et irlandaise en passant par les maoïstes de l’État français (1968-75), etc. etc. C'est même, serions-nous tentés de dire, la période la PLUS intéressante dans ces pays : dans la précédente, le mouvement communiste avait encore beaucoup de traits du mouvement socialiste 'revendicatif' antérieur, à l'exception peut-être du Biennio rosso italien de 1919-21 et de la situation révolutionnaire allemande de 1918-20 (et de l’État espagnol des années 1930, mais ce n'était pas vraiment un pays impérialiste à l'époque), et bien sûr de la Résistance antinazie mais dans des circonstances très particulières (occupation étrangère, pas la même chose que combattre sa propre bourgeoisie...). C'est également la période la plus intéressante en Amérique latine, ainsi qu'en Afrique : en fait, sur 3 continents sur 5 ! Bref...

    C'est pourquoi nous attachons autant d'importance, dans la ‘première phase’ que le (n)PCI appelle ‘défensive stratégique’ et nous étape zéro préparatoire, à forger la CONCEPTION DU MONDE, conformément aux enseignements de Marx et Engels, de Gramsci et du (n)PCI lui-même, car cette conception/compréhension de la société et du monde qui nous entoure sous-tend, en dernière analyse, tous les ‘axes’ de la lutte pour l'hégémonie idéologique dans la ‘société civile’ capitaliste, pour nous permettre de créer des ‘bases rouges’, c'est-à-dire des territoires populaires LIBÉRÉS de l'emprise idéologique de la classe dominante, de la ‘mental slavery’ vis-à-vis du Grand Capital... Ce manifestation-barcelone pics 809n'est par exemple ni plus ni moins que cela qui fonde notre ‘occitanisme’ révolutionnaire : pour le Peuple occitan, ‘méridional’, se réapproprier sa culture et (surtout) son HISTOIRE, souvent tragique sous la botte de l’État ‘français’, signifie briser les chaînes de l'aliénation vis-à-vis de la ‘république’ et de la ‘nation française’, synonyme d'allégeance à la bourgeoisie monopoliste, à son idéologie et à sa culture, à ses plans impérialistes etc. Il en va de même, selon nous, en Italie (et pas seulement dans le Mezzogiorno), où l'‘italianité’ n'est autre qu’une allégeance à la grande bourgeoisie piémontaise, lombarde, toscane et romaine qui a fait l'Unité politique de la péninsule en s'alliant avec la Maison de Savoie (puis, après quelques frictions, avec la Papauté et l'oligarchie du Sud), et s'est transformée en bourgeoisie monopoliste ‘italienne’. Mais cela, c'est aux communistes d'Italie d'y réfléchir : nous ne pouvons le faire à leur place que de manière très approximative et superficielle. Dans l'État espagnol, les forces révolutionnaires les plus avancées l'ont déjà fait, et cela donne une multitude de groupes marxistes-léninistes au Pays Basque, le Parti communiste maoïste en Galice, Andalucia communiste en Andalousie, Frayando Cadenes en Asturies, le Journal d'une Colonie aux Canaries ou encore Yesca... en Castille.

    En dernière analyse, ce qui a selon nous ‘péché’ dans l’État français au siècle dernier, c'est de vouloir faire la révolution à partir du Centre, sur le ‘modèle’ de la révolution bourgeoise qui d’Étienne Marcel au 14e siècle à Gambetta proclamant la république définitive en 1870, en passant par les Guerres de Religion, la Fronde du 17e siècle, 1789, 1830 et 1848, s'est toujours décisivement jouée à Paris. Il en va de même, à notre avis, pour tous les grands États impérialistes, même si ce n'est pas à nous d'en juger dans les détails. Cela a conduit (selon nous) à mettre la direction révolutionnaire entre les mains de couches sociales comme l'aristocratie ouvrière, la ‘petite-bourgeoisie salariée’ intellectuelle, les fonctionnaires etc., couches qui doivent leur position sociale au capitalisme et à l’État capitaliste moderne-contemporain, et ne sont donc pas les plus aptes à DIRIGER efficacement leur remise en cause et, à terme, leur destruction.

    En synthèse :

    -       Le (n)PCI a une STRATÉGIE, une vision stratégique à long terme, ce que beaucoup d’autres organisations y compris maoïstes n’ont pas. Il a raison de le rappeler à ses contradicteurs. Mais ceci est une condition nécessaire mais non suffisante. Une mauvaise stratégie ou pas de stratégie du tout garantit une pratique erronée (ou de faire du sur-place), mais l’inverse n’est pas automatiquement vrai : une bonne stratégie ne garantit pas, systématiquement et en tout, une bonne pratique.

    -          Ensuite, avant même la stratégie, il y a la CONCEPTION DU MONDE (la ‘pensée’ comme disent d’autres). Le (n)PCI le dit, mais semble avoir beaucoup plus travaillé sur la première que la seconde. Il semble se contenter, comme conception du monde, du marxisme-léninisme-maoïsme tel qu’il le comprend. Au regard, par exemple, de ses prises de position internationales (sur Chávez et consorts, la Libye, la Syrie, la guerre en ex-Yougoslavie hier), bien que d’autres (sur l’Égypte) soient très correctes, ou de son analyse de l’histoire du mouvement communiste (typiquement sur la  vision dithyrambique de l’URSS et de l’Internationale communiste avant 1956), sa conception du monde semble être en fait un ‘bon vieux’ marxisme-léninisme ‘maoïsant’ de type PC des Philippines ou PCR argentin. Sur le champ de bataille où il opère, l’État italien, il a produit une assez bonne réflexion (qui nous a profondément inspirés à l’époque de notre traduction) dans le chapitre 2 de son Manifeste Programme, mais sans aller selon nous jusqu’au bout de toutes les conséquences. Les Gardes rouges chinois des années 1960-70 disaient parfois que la révolution devait ‘‘retourner la Chine comme un gant’’, et le maoïsme c’est effectivement cela : une DÉCONSTRUCTION, une remise en cause permanente de ce que la pensée dominante, qui imprègne toutes les masses populaires, présente comme l’ordre naturel des choses. Le (n)PCI semble vouloir ‘prendre’ l’État italien pour le faire fonctionner au service des masses populaires, et non le détruire, ne pas en laisser pierre sur pierre. Dès lors, les institutions électives (où l’on accède par des élections) deviennent pour eux un champ de bataille essentiel, la ‘fenêtre de tir’ pour ‘infiltrer’ l’État sans recourir, à ce stade ‘défensif’ de la lutte révolutionnaire, à des moyens illégaux ; et non un simple terrain d’agit-prop (sur le front de la société civile) parmi d’autres.

    Pour notre part, notre conception du monde et notre stratégie sont toujours en cours d’élaboration, à travers la réflexion/analyse permanente, le débat franc et ouvert (sans insulte ni ton hautain, c’est la condition) et la pratique. 


    [Concrètement, et après mûre réflexion sur cet épineux sujet, nous en sommes venus à la conclusion que :

    - Le (n)PCI a PENSÉ l'Italie, là-dessus il n'y a pas photo, et c'est peut-être la seule grande organisation ML ou maoïste existante à ce jour à l'avoir fait de manière aussi poussée dans ce pays. C'est l'objet de tout un immense chapitre 2 de leur Manifeste Programme que nous avons traduit ; et dont nous avons repris une bonne part dans notre article sur la construction historique de cet État.

    - Mais attention, les conclusions auxquelles ils aboutissent ensuite sont un peu boîteuses : l'idée que le "vrai" pouvoir en Italie ("République pontificale") serait en fait le Vatican et son (bien réel) empire financier ; lui-même pilier essentiel d'une espèce d'"ordre mondial" aux côtés de l'impérialisme US-UE, du sionisme etc. L'Italie est "pensée", sur la base de Gramsci et d'une très sérieuse étude, mais à l'arrivée on a l'impression que la subjectivité des auteurs, anticléricale et "Italie = colonie du Système impérialiste mondial" (raisonnement très présent dans le mouvement communiste révolutionnaire des années 1970), finit par prendre le dessus. Cela revient un peu, en définitive, à nier l’État italien (qui serait finalement "fantoche"), la bourgeoisie italienne et (puisqu'on a parlé de Gramsci) la "société civile" qui les protège.

    - C'est sans doute là qu'il faut voir la source de la "Guerre populaire révolutionnaire" qui devient in concreto électoralisme pour un "Gouvernement de Bloc Populaire" (GBP) jusqu'au soutien au mouvement populiste de Beppe Grillo (qui est une "grogne" de la "société civile" protégeant l’État et la bourgeoisie, mais nullement une rupture avec celle-ci). L'aboutissement logique de cette erreur finale d'analyse étant que, bien que soit affirmé et réaffirmé le contraire dans le Manifeste et par ailleurs, l'étape première de la lutte en Italie serait finalement une révolution démocratique bourgeoise... qui peut tout à fait, du coup, passer par les urnes (et un activisme démocratique et syndical principalement légal). Des sympathisants du P-CARC avec qui nous avons pu discuter, nous ont d'ailleurs confirmé que le GBP serait quelque chose comme un gouvernement "à la Chávez" : les communistes et les "organisations ouvrières et populaires" prendraient, finalement et en quelque sorte, l’État italien ; puisque celui-ci est en dernière analyse "fantoche" ; et le conduiraient à ne plus être "fantoche" et à l'affrontement ouvert avec (donc) le Vatican et le "Système impérialiste" dont il est un pilier. En gros, c'est de cela qu'il s'agit. Et oui... mais NON !]

     

    * Après les hécatombes de Lampedusa et de Malte, le (n)PCI a tout de même fini par réagir aux sorties anti-immigrés de Grillo : ‘‘Ils se contredisent eux-mêmes : un Italien sur huit n’a pas de quoi manger, disent à raison Grillo et Casaleggio, soit 7 millions de personnes ; le problème n’est donc pas 50 ou 100.000 désespéré-e-s qui arrivent chaque année en Italie ! Si Grillo et Casaleggio persistent à relayer cyniquement les préjugés criminels des fascistes, de Maroni et Bossi, des promoteurs de la mobilisation réactionnaire, des auteurs et supporteurs des lois Turco-Napolitano et Bossi-Fini, ils finiront certainement très mal. S’ils cherchent à faire du M5S le parti de la mobilisation réactionnaire, le mouvement leur explosera entre les mains, car il n’est pas adapté pour cela’’. Certes... et c’est ce que nous disons depuis le début : le M5S est un mouvement contradictoire qui éclatera, certain-e-s suivant la dérive réactionnaire de Grillo, d’autres la rejetant. Il n’est donc pas possible de faire de ce mouvement le ‘centre’ d’une quelconque mobilisation révolutionnaire ou, en tout cas, progressiste de masse.

     


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  • Voici la traduction d'un article du (nouveau) Parti communiste italien publié dans son organe La Voce n°44 de juillet 2013. Encore une fois, QUELS QUE SOIENT nos désaccords (que nous n'avons jamais cachés) avec la ligne ‘tactique’ actuelle du (n)PCI, dans sa lutte en Italie même comme sur ses positionnements internationaux, nous considérons que cet article apporte une CONTRIBUTION CONSIDÉRABLE à la réflexion communiste quant aux moyens de mener à bien la révolution socialiste en Europe (États impérialistes ou en tout cas économiquement avancés). Les notes encadrées sont celles de l'article du (n)PCI (traduites par nos soins). Nos notes critiques sont en bas de page.

    Le format d’édition OverBlog nous oblige malheureusement à publier cet article en deux parties.


    Gramsci
    et la Guerre Populaire Révolutionnaire
    de Longue Durée
     


    La “guerre de position” de Gramsci est substantiellement une périphrase pour la plus explicite expression Guerre Populaire Révolutionnaire de Longue Durée (GPR de LD) que nous utilisons, reprenant celle-ci de Mao.(1)

    1. La Voce du nouveau PCI, n° 43, mars 2013, p. 5

    210284 0 1Nous publions avec grand plaisir l'article du camarade Folco R. qui illustre l'apport d'Antonio Gramsci à l'élaboration de la stratégie de Guerre populaire révolutionnaire comme stratégie de la  révolution socialiste dans les pays impérialistes.

    Avant toute chose parce que le mouvement communiste de notre pays a un besoin absolu d'affiner son analyse quant aux formes de la révolution socialiste. Plus notre lutte avance, plus se développe largement la guerre que nous avons commencée avec la fondation du Parti, plus la crise du capitalisme pousse les masses populaires à s'engager dans la Guerre populaire révolutionnaire comme en 1943-45 un nombre croissant de jeunes, d'ouvriers, de paysans et de femmes au foyer s'engagèrent dans la Résistance, le plus il est nécessaire que le Parti apprenne à traduire la conception générale de la GPR en initiatives concrètes : en campagnes, batailles et opérations jusqu'à la mobilisation des larges masses qui instaureront le socialisme en Italie et donneront ainsi leur contribution à la seconde vague révolutionnaire prolétarienne qui avance dans le monde entier.

    En second lieu, pour donner à Antonio Gramsci la place qu’il mérite pour son œuvre dans le mouvement communiste italien et international. Contre le travestissement de son œuvre par Togliatti et ses complices qui ont présenté Gramsci comme un précurseur de la voie pacifique au socialisme, soit concrètement de la renonciation à la révolution socialiste. Mais aussi contre l’usage anticommuniste que cherche à faire de Gramsci, depuis quelques années, la gauche bourgeoise : celle-ci le présente en Italie et dans le monde comme un opposant à la conception et à la ligne personnifiée par Staline, qui a guidé l’Internationale et le mouvement communiste jusqu’en 1956. Alors qu’en réalité, bien qu’enfermé dans les prisons fascistes, Gramsci a élaboré à la lumière des tâches de la révolution socialiste et de l’expérience du mouvement communiste la critique la plus exhaustive des conceptions de Trotsky et de celle de Boukharine, qui furent les principaux opposants à Staline quant à l’orientation à donner à la révolution en URSS et au niveau international et à la ligne avec laquelle la poursuivre.

    Ces deux motifs justifient amplement la publication de la contribution du camarade, bien que son étude de l’œuvre de Gramsci soit encore en cours, ce qui transparaît dans l’incertitude à indiquer les textes principaux utiles à l’assimilation des enseignements de Gramsci sur la GPR.

    La rédaction

    ****************************************

    Dans le n°43 de La Voce, Umberto C. écrit que Gramsci, “unique dirigeant communiste (...) à avoir réfléchi sur la forme de la révolution socialiste dans les pays impérialistes, (...) a élaboré (v. Carnets de Prison (CP) 7 (§ 16), 10 (I) (§ 9), 13 (§ 7) et autres) la théorie de la “guerre de position” que, en nous libérant du langage imposé par la censure de la prison fasciste, nous appellerions aujourd’hui guerre populaire révolutionnaire de longue durée. [NDLR : ces travaux de Gramsci sur la "guerre de position" sont disponibles en français aux éditions La Fabrique]

    La Guerre Populaire Révolutionnaire de Longue Durée (GPR de LD) est la révolution socialiste qui se construit. La GPR de LD, comme conception, s’oppose à la conception du sens commun (c’est-à-dire des manières courantes de dire et de penser, fruits du rôle dominant du clergé et de la bourgeoisie) selon lesquelles la révolution socialiste éclaterait, c’est-à-dire serait une rébellion spontanée des masses populaires condamnées à des conditions intolérables. Le mouvement communiste à ses débuts (1848) a hérité de cette conception et a compris la révolution socialiste comme révolution qui éclate, à la manière des révolutions du passé. Mais cette conception se heurtait à l’expérience du mouvement communiste, qui allait en se développant. Les communistes se rendirent peu à peu compte de cette contradiction entre leur conception et la pratique de la révolution socialiste.

    EngelsEngels fut le premier à exposer de manière organique, en 1895, le concept que la révolution socialiste avait par sa nature même une forme différente des révolutions du passé, qu’elle n’éclate pas mais se construit.(2) Mais les partis socialistes d’alors (réunis dans la 2ème Internationale) n’accueillirent pas sa découverte. Même parmi ceux qui se proclamaient marxistes, comme le Parti social-démocrate allemand, l’adhésion des dirigeants au marxisme était dogmatique, à des degrés divers. Le communisme, le socialisme et la révolution socialiste étaient des articles de foi, qui ne se traduisaient pas dans les lignes guidant l’activité courante des partis. Précisément pour cette raison, ceux-ci ne surent pas faire face à leurs tâches, comme cela fut théâtralement démontré par les évènements de 1914. Parmi les partis socialistes d’alors, seul celui de Lénine traduisit dans sa pratique la conception d’Engels. Mais il la traduisit sans faire de la conception d’Engels une arme dans la lutte contre le dogmatisme, l’opportunisme et l’économisme.(3) Il construisit la révolution en Russie comme une GPR de LD, mais sans en avoir conscience (ce qui confirme que la pratique est en général plus riche que la théorie). De même, l’Internationale communiste et Staline conduisirent dans la première partie du siècle dernier, avec succès, la révolution socialiste au niveau international comme GPR de LD dont l’Union Soviétique était la base rouge mondiale, mais ils n’atteignirent pas la pleine conscience de ce qu’ils étaient en train de faire. Ceci laissa au sein de l’Internationale communiste le champ libre au dogmatisme, à l’opportunisme et à l’économisme qui apparurent au grand jour dans les années 1950. Mao Tse-tung fut le premier dirigeant de Parti à élaborer la conception de la GPR de LD comme stratégie de la révolution socialiste. Mao Tse-tung énonça cette conception comme stratégie de la révolution en Chine, la liant aux caractères spécifiques de la situation sociale et politique chinoise (Pourquoi en Chine peut exister le Pouvoir rouge ? - octobre 1928 in Œuvres de Mao Tse-tung, Editions Rapporti Sociali vol. 2, disponible sur le site du (n)PCI http://www.nuovopci.it/arcspip/article0c16.html). Par la suite, elle fut indiquée comme stratégie de la révolution pour tous les pays coloniaux, semi-coloniaux et néo-coloniaux où la masse de la population était encore formée de paysans. C’est seulement avec l’affirmation du marxisme-léninisme-maoïsme comme troisième et supérieur stade de la pensée communiste, que fut acquise la conception que la GPR de LD est la stratégie universelle de la révolution socialiste ; la stratégie que les communistes doivent suivre dans tous les pays pour l’emporter.(4)

    2. Manifeste Programme du nouveau PCI, Ed. Rapporti Sociali, Milano, 2008, sous-chap. 3.3 pp. 199-201 et suivantes, avec les notes 133-138 aux pp. 298-299 (p. 127 et suivantes dans la VF en lien)

    3. Trois déviations sont costamment présentes dans les Partis des pays impérialistes qui se disent marxistes :
    - Dogmatisme : avoir une relation au marxisme analogue à celle du croyant envers les doctrines religieuses, l’assumer comme description du monde mais non comme science guidant l’action pour le transformer.
    - Opportunisme : participer à la lutte politique bourgeoise uniquement ou principalement pour saisir les possibilités (opportunités) qu’offre celle-ci d’améliorer la condition des travailleurs dans le cadre du système de relations sociales bourgeoises. [Nous ajouterions : et les opportunités d’ascension pour soi-même dans ledit système !]
    - Économisme : limiter la lutte de classe aux revendications d’améliorations salariales et des conditions de travail.

    4. Voir à ce propos La Huitième ligne de démarcation en La Voce n°9 de novembre 2001 et n°10 de mars 2002.

    Gramsci, dans sa  condition de prisonnier des fascistes de 1926 à sa mort en 1937, n’a pas dirigé le processus révolutionnaire en Italie, mais en recueillant l’expérience de la révolution socialiste en Italie et dans les autres pays impérialistes, et en analysant également la manière dont les bolchéviks avaient vaincu en Russie, il a apporté une contribution importante à la formulation de la stratégie de GPR de LD.(5)

    5. De la transformation du capitalisme en impérialisme et du changement de la forme de la révolution, Gramsci parle dans le Carnet 8 §236 p. 1088 et le Carnet 10 § 9, p. 1226, en Carnets de Prison, Einaudi, Torino, 2001. De là en avant dans les autres CP. 

    Je vais exposer ci-après les principaux aspects de la GPR de LD que Gramsci a plus ou moins largement abordés dans ses Carnets de Prison. Les citations de Gramsci ou d’autres sont en italique. Les évidentiations en gras sont de moi. [Les soulignements sont de SLP]


    1. La révolution prolétarienne dans la phase de l’impérialisme

    gramsciL’impérialisme est la dernière phase du capitalisme, mais aussi la dernière phase de la société divisée en classes. Elle referme donc non seulement une période séculaire (celle du capitalisme), mais millénaire (celle de la division de l’humanité en classes d’opprimés et d’oppresseurs, d’exploités et d’exploiteurs). La révolution socialiste est donc différente de toutes les autres révolutions, dans le sens précis où les précédentes révolutions servaient à une classe pour conquérir le pouvoir dans une société qui restait divisée en classes d’exploités et d’exploiteurs ; tandis que la révolution socialiste sert à la classe ouvrière à conquérir le pouvoir à la tête du reste des masses populaires, pour établir une société qui pas après pas abolit la division en classes. La forme de la révolution est donc différente : ce n’est plus une insurrection qui éclate, au cours de laquelle une classe prend la tête de la révolte des masses populaires et s’en sert pour s’installer au poste de commandement comme nouvelle classe exploiteuse, mais c’est une révolution qui se construit pas à pas, bataille après bataille, campagne après campagne, comme une guerre au cours de laquelle les masses populaires se transforment, car en s’organisant dans le Parti communiste et les organisations de masse, elles commencent à acquérir le rôle de créatrices conscientes de l’histoire. La révolution socialiste commence donc bien avant la conquête du pouvoir politique et en Italie elle est déjà en œuvre. C’est une révolution qui se construit, conquête de l’hégémonie comme extension et enracinement du Nouveau Pouvoir, initiée comme GPR de LD avec la fondation du nouveau Parti communiste italien, en novembre 2004.

    Le pouvoir, ce que Gramsci appelle hégémonie, dans la société italienne comme dans toutes les sociétés modernes, est en dernière analyse la direction de l’activité pratique des masses populaires. La direction combine la conquête des cœurs et des esprits des masses populaires avec l’exercice de la coercition et avec l’organisation de la vie quotidienne dans tous ses aspects.(6)

    6. MP, p. 203.

    Dans notre pays, la GPR de LD suivra un parcours déterminé par des conditions spécifiques, à savoir la voie de l'accumulation des forces révolutionnaires par la constitution et la résistance du Parti clandestin et par sa direction sur les masses populaires, 1. pour qu’elles s’agrègent en organisations de masse de tout type, nécessaires pour satisfaire leurs besoins matériels et spirituels, 2. pour qu'elles participent à la lutte politique bourgeoise pour en subvertir le cours et 3. pour qu'elles conduisent les luttes revendicatives jusqu’au commencement de la guerre civile [c'est-à-dire l'affrontement entre les forces armées des deux camps]. Ceci est dans notre pays l’équivalent de “l'encerclement des villes par les campagnes” dans les pays semi-féodaux. Il est impossible dans les pays impérialistes d’encercler les villes par les campagnes, mais il est tout à fait possible, et la pratique l’a montré, de définir le développement quantitatif spécifique qui constitue la première phase de la GPR de LD et à travers lequel on va vers sa seconde phase. Avec la guerre civile générée par ce développement quantitatif débutera la seconde phase de la GPR de LD. Le commencement de la guerre civile sera caractérisé par la constitution des Forces Armées Populaires, qui a partir de ce moment disputeront le terrain aux forces armées de la réaction.(7) (1)

    7. La Voce du nouveau PCI, n°17, juillet 2004, p. 31.


    2. L’essence de la Guerre Populaire révolutionnaire de Longue Durée

    L’essence de la GPR de LD consiste en la constitution du Parti communiste comme centre du nouveau pouvoir populaire de la classe ouvrière ; en la mobilisation et l’agrégation croissante de toutes les forces révolutionnaires de la société autour du Parti communiste ; en l’élévation du niveau des forces révolutionnaires ; en leur utilisation selon un plan établi pour affaiblir le pouvoir de la bourgeoisie impérialiste et renforcer le nouveau pouvoir, jusqu’à renverser les rapports de force, éliminer l’État de la bourgeoisie impérialiste et instaurer l’État de la dictature du prolétariat.(8)

    Gramsci décrit ces traits essentiels en parlant :

    1) du Parti comme Prince moderne,

    2) de forces révolutionnaires qui s’agrègent comme volonté collective nationale-populaire dont le Parti est en même temps l’organisateur et l’expression active et opérante,

    3) de l’élévation des forces révolutionnaires comme réforme intellectuelle et morale,(9)

    4) de l’utilisation des forces révolutionnaires jusqu’à l’instauration de l’État socialiste, c’est-à-dire jusqu’à l’accomplissement d’une forme supérieure et totale (c-à-d. regardant tous les aspects de la société, ndr) de civilisation moderne.(10)

    La GPR de LD commence avec la constitution du Parti communiste. Le Parti communiste se fonde sur la conception communiste du monde : “Dans la pratique nous avons besoin d’un Parti uni, discipliné, fort et sur le long terme un Parti révolutionnaire ne peut être uni et discipliné que si ses membres sont unis par une conception du monde (pour les mouvementistes cela s’appelle une secte, mais c’est une accusation à laquelle les communistes sont habitués) et s’il personnifie ce qui unit les ouvriers au delà des différences et des contradictions de catégories et de métiers, de culture, de nationalité, de sexe, de traditions, et les constitue comme nouvelle classe dirigeante des masse populaires : la conception communiste du monde.”(11)

    La conception communiste du monde est l’idéologie qui pas après pas unifie les masses populaires en leur donnant un objectif commun. Gramsci parle de cela comme du Prince de Machiavel : c’est une conception vivante et concrète qui se matérialise dans la pratique, et non une abstraction dogmatique.(12) C’est le matérialisme dialectique et sa forme la plus avancée qu’est le maoïsme, troisième et supérieure étape de la pensée communiste.

    8. MP, p. 203.

    9. Gramsci parle explicitement de la nécessité de donner une direction consciente aux mouvements spontanés des masses populaires, de les élever à un niveau supérieur dans les CP, pp. 328-332 (Carnet 3 §48).

    10. CP, pp. 1560-1561 (C13 §1).

    11. MP, p. 164.

    12. CP, p. 1555 (C13 §1).


    Santi_di_Tito_-_Niccolo_Machiavelli-s_portrait_headcrop.jpgMachiavel désigne comme guide de la collectivité un individu, un condottiere, un Prince, capable de convaincre en parlant “aux cœurs et aux esprits” des masses populaires, c’est-à-dire par la science et l’art, avec le détachement du savant et la participation de l'artiste. [Note SLP : cette idée de gagner ‘‘les cœurs et les esprits’’ a été depuis reprise, pendant la guerre de libération algérienne... par la doctrine FRANÇAISE de guerre contre-révolutionnaire, qui comme chacun(e) le sait a fait le tour du monde (Amérique du Sud etc.). Formulée autrement : Mao dit que les révolutionnaires doivent être dans les masses ‘‘comme des poissons dans l’eau’’, il faut donc vider l’eau. Encore une preuve que l’ennemi a souvent bien mieux compris la stratégie de la révolution que 90% des autoproclamés révolutionnaires !] Aujourd’hui, la direction des masses populaires ne peut plus être un individu, car le processus révolutionnaire n’est plus de substituer une classe dirigeante de ces masses à une autre, mais de conduire les masses à se transformer jusqu’à se diriger elles-mêmes. Le sujet qui dirige ce processus n’est donc plus un individu, mais un collectif, qui déjà en soi, justement parce que collectif, reflète l'exigence (la possibilité et, à certaines conditions, la capacité) que la collectivité se gouverne d’elle-même et expérimente en son sein la manière de le faire. Ce sujet collectif est le Parti communiste, et c’est avec sa constitution que la révolution commence sous la forme de GPR de LD.

    Là où le Parti communiste est absent ou là où il n’est pas encore assez fort pour pouvoir se mettre à la tête de la mobilisation des masses populaires, celle-ci suit d’autres dirigeants, qui peuvent être des groupes arriérés ou réactionnaires, ou des individus qui endossent le rôle de ‘tribun du peuple’ comme Beppe Grillo. Celui qui critique les masses populaires parce qu’elles suivent Grillo est un analphabète politique ou un incapable qui se refuse à analyser ses propres limites, qui ne se demande pas quelles sont ses limites à cause desquelles les masses populaires suivent Grillo, et non pas lui ou son groupe. Il se consolera avec l’idée fausse et absurde que les masses populaires sont arriérées, incapables de progresser, en raisonnant de la même manière que la bourgeoisie impérialiste, c’est-à-dire en partageant le mépris de la bourgeoisie pour les masses populaires.

    Le Parti que décrit Gramsci est aujourd’hui le nouveau PCI avec sa caravane, c’est-à-dire avec les forces qui partagent son parcours en terre encore inexplorée, vers une destination concrète et rationnelle certes, mais d’une concrétude et d’une rationalité non encore vérifiée et critiquée par une expérience historique effective et universellement connue.(13) La caravane du nouveau PCI fait la révolution dans un pays impérialiste, entreprise nouvelle pour le mouvement communiste international, et expérimente une méthode nouvelle dans un pays impérialiste, la GPR de LD. Nous ne pouvons donc compter sur des expériences précédentes effectives, qui auraient été efficaces. Nous n’avons pas d’exemples à apporter à ceux hésitent ou doutent.(14)

    Celui qui continue a hésiter, à garder des réserves, à regarder avec scepticisme la passion qui nous anime, ne peut de toute façon rester tel qu’il est, car l’avancée de la crise lui impose de se transformer. Quand la maison brûle il faut sortir, dit Bouddha dans le poème de Brecht.(15)

    Si nous ne pouvons apporter la preuve d'un résultat avéré, car personne n’a encore fait ce que nous faisons aujourd’hui, nous apportons cependant animés par la passion de celui qui découvre des terres nouvelles et construit quelque chose de nouveau, la conscience que nous sommes en train de réaliser “le rêve d’une chose” que le monde possède depuis longtemps : l’abolition de la division des êtres humains en classes d’exploités et classes d’exploiteurs.(16)

    13. CP, p. 1558 (C13 §1).

    14. Bien entendu, à l’appui et comme “démonstration” de notre ligne, nous pouvons apporter, outre l’analyse de la lutte de classe en cours aujourd’hui, l’expérience de la première vague de la révolution prolétarienne : tant des succès obtenus avec la fondation des premiers pays socialistes (à partir de la Révolution d’Octobre et de la création de l’Union soviétique), qui pour quelques décennies jouèrent le rôle de bases rouges de la révolution prolétarienne mondiale, que des échecs que nous avons subis. Nous sommes radicalement contre l’oubli et à fortiori le dénigrement de l’expérience historique de la première vague de la révolution prolétarienne, et en particulier de celle des premiers pays socialistes. Notre position est scientifique : nous usons de l’expérience,  des réussites et des échecs, pour élever à un niveau supérieur la science de la transformation de la société bourgeoise en société communiste, la science par laquelle nous remporterons la victoire. Cette attitude nous distingue nettement de la gauche bourgeoise, y compris de ses représentant-e-s qui se disent communistes (comme par exemple les fondateurs de Ross@ réunis en Assemblée à Bologne le 11 mai 2013) et y compris des adorateurs du “socialisme du XXIe siècle” d’ici ou d’ailleurs, à la Luciano Vasapollo et à la Martha Harnecker, qui insidieusement présentent l’importante lutte en cours au Venezuela et dans d’autres pays d’Amérique latine principalement comme une alternative et une négation du socialisme du XXe siècle, celui de la première vague de la révolution prolétarienne et des premiers pays socialistes [SLP : Il l’est pourtant, mais dans le mauvais sens du terme, c’est-à-dire non pas d’un dépassement positif des limites du ‘socialisme réel’ du siècle dernier, mais d’un rejet des principes socialistes scientifiques les plus élémentaires, au profit d’une social-démocratie redistributive se voulant ‘radicale’ – en paroles en tout cas. Nous publierons bientôt un EXCELLENT texte vénézuélien à ce sujet...]. Que dirait-on, dans quelque domaine de l’activité humaine que ce soit, de personnes qui se disent décidées à poursuivre un objectif mais qui ignorent, occultent voire dénigrent l’expérience de tous ceux et celles qui l’ont poursuivi avant eux, au prétexte qu’ils et elles ne l’ont pas atteint ?

    15. “Il y a quelque temps je vis une maison. Elle brûlait. Le toit était léché par les flammes. Je m’approchai et je m’aperçus/ qu’il y avait encore des gens, là-dedans. Depuis le seuil/ je leur criai que le toit était en feu, les appelant à sortir et vite. Mais ils ne paraissaient pas être pressés. L’un d’eux me demanda, tandis que le feu déjà lui brûlait les sourcils/ quel temps faisait-il, s’il pleuvait,/ s’il y avait du vent, s’il y avait une autre maison,/ et ainsi de suite. Sans répondre, je m’en allai de là. De tels gens, pensai-je/ devraient brûler avant qu’ils ne cessent de poser leurs questions”. (B. Brecht, La parabole de Bouddha sur la maison en flamme).

    16. “Il sera alors avéré que le monde possède depuis longtemps le rêve d’une chose, et qu’il ne lui manque que d’en posséder la conscience pour la posséder réellement.” (K. Marx, Lettre à Ruge, septembre 1843 - Œuvres complètes, Editori Riuniti 1976, vol. 3 pag. 156).


    3. La révolution se construit

    Selon le sens commun, la révolution socialiste éclate : c’est donc un évènement limité dans le temps, une insurrection, une révolte, un soulèvement populaire spontané, comme dit précédemment. Cette conception s’est sedimentée dans le sens commun car les révolutions jusqu’à un certain moment de l’histoire se sont toujours manifestées, du côté des masses populaires, comme des insurrections, comme des explosions spontanées dues à la maturation de conditions qui rendaient impossible la perpétuation des conditions existantes. Mais dans le sens commun, au concept de la “révolution qui éclate” fait face le concept opposé, celui de “faire la révolution”. Dans le premier cas, les masses populaires s’insurgent face à une situation devenue intolérable. Leur mouvement est donc un mouvement passif : un mouvement que les masses effectuent mues non pas par une transformation internes à elles-mêmes, mais par des facteurs externes déterminés par l’action des autres classes, comme un corps qui se meut parce qu’impulsé par un autre. Dans le second cas, les masses populaires font (c-à-d. construisent) la révolution: c’est un mouvement actif. L’activité requiert une conscience: idéation, programmation, 220px-Black-Panther-Party-armed-guards-in-street-shotgunsexamen en cours d’œuvre, bilan, détermination ; en somme, implication de nos facultés intellectuels et morales au plus haut niveau, car la révolution signifie découvrir des choses nouvelles et inventer, et parce que la classe adverse utilise tous les moyens, infamies et cruautés pour maintenir son propre pouvoir.

    Les deux manières d’entendre la révolution se distinguent comme opposés, car le premier conduit la révolution socialiste à la défaite, tandis que le second la conduit à la victoire. La première manière fonctionne effectivement et depuis des millénaires, dans les sociétés divisées en classes ; mais cesse de fonctionner à un moment donné de l’histoire, précisément lorsque sont mûres les conditions pour l’abolition de la division en classes, c’est-à-dire en Europe au milieu du XIXe siècle. À ce moment-là naît le sujet qui dirige l’abolition des classes : le mouvement communiste conscient et organisé (avec ses Partis, ses syndicats et autres organisations de masse). La publication du Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels, en 1848, en est “l’acte de naissance”. Le mouvement communiste conscient et organisé commence à faire la révolution, et ne l’emporte, que lorsque plus ou moins consciemment il construit la révolution, et lorsqu’il ne le fait pas, il apprend à ses dépens que la révolution, désormais, n’est plus quelque chose qui éclate.

    Le tournant est d’importance historique. Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, un changement social va être pensé par les masses populaires qui le mettent en œuvre, et non déterminé par des causes externes à elles. La conscience (la raison et la volonté) des êtres humains, leur conception du monde, assume un rôle sans précédent. Nous pouvons, et donc devons, réaliser l’antique rêve de construire une société et une civilisation par des méthodes rationnelles, et il appartient à la classe ouvrière de diriger ce processus.(17)

    17. Construire la société et une civilisation selon une méthode rationnelle suscite l’horreur dans le camp de la bourgeoisie impérialiste. Selon la conception bourgeoise du monde, c’est une “limitation de la liberté individuelle” : en réalité c’est une négation de la liberté de la bourgeoisie. Refuser l’usage d’une méthode rationnelle dans la construction de la révolution socialiste, c-à-d. la position de ceux qui considèrent que cette méthode limite la “spontanéité” des masses populaires et de leur “insurrection qu’on attend”, est un expression de la conception bourgeoise du monde.

    Cette conception du monde a parmi ses fondements la conscience que la révolution se développe (se fait) à la manière dont se fait (se promeut et se conduit) une guerre, et aujourd’hui la conscience qu’il s’agit d’une GPR de LD, expérimentée dans les pays opprimés et semi-coloniaux de manière consciente par le Parti communiste chinois. Sur la base de l’expérience de la révolution socialiste en Europe au début du XXe siècle, Gramsci explique que cette stratégie vaut également pour les pays impérialistes, donc également pour l’Italie.


    4. La lutte de classe est une guerre

    Gramsci décrit la lutte de classe comme une guerre. Il dit que le passage de la guerre de manœuvre (et de l’attaque frontale) à la guerre de position advient aussi dans le domaine politique et critique Trotsky qui, d’une manière ou d’une autre, peut être retenu comme le théoricien politique de l’attaque frontale dans une période où celle-ci mène uniquement à la défaite.(18)

    18. CP, pp. 801-802 (C6 §138). Les CP contiennent la critique la plus exhaustive qui ait été faite à ma connaissance de l’acception que Trotsky fait sienne de l’expression “révolution permanente” utilisée par Marx et Engels et de la conception construite par Trotsky à l’enseigne de la “révolution permanente”.  La plus exhaustive dans le sens où la critique est menée non seulement à la lumière des tâches de la révolution socialiste en Russie et de l’Internationale communiste dans les années 1920, mais de toute l’expérience historique du mouvement communiste en Europe et en Russie à partir de sa fondation en 1848.

    Par guerre de manœuvre ou de mouvementGramsci entend celle qui considère l’attaque comme une opération rapide et conclusive, comme une insurrection populaire dont le Parti communiste prend la tête. C’est une guerre destinée à la défaite face à un ennemi qui de son côté conduit une guerre planifiée, avec tous les instruments politiques et militaires dont il dispose en grande quantité.

    À partir du moment, au milieu du XIXe siècle, où sont mûres en Europe les conditions pour l’abolition des classes, la bourgeoisie met en place des instruments politiques et militaires pour empêcher que ceci advienne. Dans les régimes de contre-révolution préventive prévalent les instruments politiques [SLP : c-à-d les instruments d’encadrement pseudo-‘démocratique’ et/ou ‘social’ et, surtout, d’aliénation INTELLECTUELLE, culturelle et morale des masses par l’idéologie dominante du Grand Capital : ce que Gramsci appelle la société civile ; par opposition à la société politico-militaire qui est prosaïquement ‘‘la mitraille pour la canaille’’, l’appareil RÉPRESSIF d’État, les méthodes de gouvernement qui prévalaient encore en 1871 lors de l’écrasement des Communes. L’on peut dire que c’est entre cette répression et le début du 20e siècle (‘Belle Époque’) que s’est mise en place en Hexagone, notamment avec l’école de Jules Ferry et les réformes politiques et sociales de la République, cette société civile. Cette prévalence de la société civile est la marque d’un capitalisme monopoliste ou en tout cas très développé. Le (n)PCI distingue au total cinq piliers de la contre-révolution préventive : aliénation idéologique et culturelle, concessions sociales (récupérées de l'autre main par la "société de consommation"), illusion démocratique avec les élections ("pièges à cons") etc., syndicats et autres structures "jaunes" voire empêcher toute organisation pour ses intérêts (s'organiser serait "d'la meeerde"), et répression ciblée des révolutionnaires - lire le Manifeste traduit p. 33] .(19)

    Plus la crise avance et s’effritent les piliers des régimes de contre-révolution préventive, plus la lutte de classe manifeste ouvertement son caractère de guerre de classe (et plus l’inconsistance du mouvementisme devient évidente).(20) Ici, dit Gramsci, l’on passe à la guerre de siège, éreintante, difficile, demandant des qualités exceptionnelles de patience et d’esprit inventif.(21) La guerre de siège, ou guerre de position est la GPR de LD contre la bourgeoisie impérialiste, et le Parti communiste qui la conduit doit avoir patience, fermeté stratégique face aux attaques de l’ennemi et capacité à combattre pour tout le temps nécessaire, et esprit inventif, flexibilité tactique et capacité d’innovation nécessaire pour qui s’aventure en terrain inexploré, comme c’est le cas de la caravane du nouveau PCI.(22)

    19. Ce que sont les régimes de contre-révolution préventive est expliqué dans le MP, pp. 46 et suivantes.

    20. Mouvementisme : limiter la lutte de classe aux formes d’action conformes au sens commun et aux relations propres à la société bourgeoise, excluant la projectualité et encore plus la conception communiste du monde. En substance, équivaut à du spontanéisme. 

    21. CP, p. 802 (C6 §138).

    22. Gramsci revient sur l’opposition entre guerre de position et guerre de mouvement ou frontale, c-à-d. entre GPR de LD  et insurrection dont l’éclatement est attendu par les spontanéistes, économistes ou mouvementistes, dans les CP, p. 865 (C7 §16). Ici Lénine est désigné comme celui qui a mené la GPR de LD. Du côté opposé Gramsci place Trotsky, Sorel et Rosa Luxemburg.

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    (1) Pour nous, il y a ce que nous appelons l'étape zéro de la Guerre populaire, entendue dans un double sens :

    -          La résistance spontanée des masses à l'oppression du Capital (‘‘là où il y a oppression il y a résistance’’, ‘‘on a raison de se révolter’’), atteignant parfois un certain degré d'antagonisme, un degré ‘visible’, mais sans direction ni stratégie visant, pour les masses populaires, à prendre le pouvoir. L'on peut faire, en réalité, remonter le début de cette étape zéro au moment où le prolétariat prend conscience de lui-même et commence à lutter pour ses intérêts propres (en Hexagone, on admet généralement la date de 1848), ou encore au triomphe total de la bourgeoisie capitaliste sur la féodalité (fin 18e-début 19e siècle), ou encore aux débuts du capitalisme lui-même, au Moyen Âge. Mais en réalité, c'est dans tous les cas un conflit diffus, avec ses périodes de grande radicalisation et ses périodes de ‘trêve’, de ‘calme’, de ‘paix sociale’ : les périodes de grande accentuation sont globalement ce que le (n)PCI appelle ‘situation révolutionnaire en développement’, une situation ‘potentiellement révolutionnaire’ comme typiquement le Biennio rosso (1919-21) ou les années 1970 en Italie, ou 1968 et les années suivantes en Hexagone.

    -          Les préparatifs du Parti, lorsqu’il existe, visant par l’élaboration et la diffusion pratique de sa conception du monde à constituer une ‘masse critique’ de soutien populaire où il sera ‘‘comme un poisson dans l’eau’’ ; le ‘‘remplissage du bassin’’ en quelque sorte…

    19Ce que le (n)PCI appelle ici ‘‘première phase de la Guerre populaire’’, c'est en fait le travail préparatoire du Parti prétendant à la direction révolutionnaire des masses, au sein de l'étape zéro, pour passer à l'étape 1 : la défensive stratégique de la Guerre populaire déclarée, proprement dite. C'est le travail de construction de l'antagonisme et de la rupture  sur le terrain de la société civile, et de préparation organisationnelle et opérationnelle sur le terrain politico-militaire. La seconde phase, c'est la Guerre populaire proprement dite ; une guerre d'intensité variable, peut-être faible au début mais allant en s'intensifiant, qui se caractérise par 1°/ un Parti dirigeant et identifié comme tel par les masses, avec sa Force combattive et son/ses Front(s) révolutionnaire(s) et populaire(s) uni(s) (organisations de masses générées, organisations alliées diverses), 2°/ une conception du monde (idéologie), une STRATÉGIE, un PLAN DE TRAVAIL et de lutte clairement établi (modifiable et rectifiable, mais établi dans son principe) pour la conquête du pouvoir par les classes exploitées. C'est l'affrontement clair entre deux camps, deux armées : la bourgeoisie avec principalement son État, mais aussi éventuellement des forces para-étatiques ; et le prolétariat à la tête des masses populaires, avec le Parti, sa Force de combat et son/ses Fronts. C'est à partir de là qu'il y a un sens à parler de défensive, équilibre et enfin, un jour (oser l'espérer, c'est oser lutter donc oser vaincre...), offensive pour la conquête du pouvoir. 

    lenin1917L'erreur du (n)PCI, selon nous, est de qualifier la phase préparatoire au sein de l'étape zéro de défensive stratégique, ce qui est la source de ses erreurs ou en tout cas, des malentendus qu’il suscite au sein des FSR (forces subjectives de la révolution). Par exemple, il qualifie pour le Parti bolchévik la période qui va de sa fondation (1903) à février 1917 de défensive stratégique, la période de février à octobre d'équilibre et la Révolution d'Octobre puis la Guerre civile jusqu'en 1920 voire 1921 d'offensive. Pour nous, 1903 à février 1917 correspond à une phase de préparation dans l'étape zéro, février à octobre 1917 est une situation de défensive parvenant au début de l'automne au bord de l'équilibre (situation de double pouvoir), équilibre atteint avec la Révolution d'Octobre et ensuite c'est l'offensive (la Guerre civile) jusqu'à ce qu'il n'y ait plus qu'un seul pouvoir en Russie, celui des soviets et des bolchéviks : défensive et équilibre sont donc très courts, et l'offensive longue et difficile (ainsi que la préparation). Les différentes phases sont d'amplitude variable (de plus, dans l'exemple précis, les bolchéviks n'avaient pas eux-mêmes conscience du plan qu'ils suivaient), selon les milliers de situations révolutionnaires possibles : en Chine, au contraire, c'est la défensive stratégique qui est très longue, du premier Front uni (1924-27) jusqu'au sortir de la Guerre mondiale (1945-46) où l'on avait atteint l'équilibre, puis vint enfin l'offensive (1946-49). La situation fit que les préparatifs (1921-24) furent très courts et le Parti se lança très vite dans la guerre civile qui ravageait le pays. La période de réorganisation 1927-1930 (après le revers sanglant des massacres de Tchang Kaï-chek à Shanghai et Canton) est également assimilable à une phase préparatoire.  Mais ce qui est certain, c'est que dans des pays ‘avancés’ (à forte société civile), la Guerre populaire ouverte et sa préparation tendront certainement à être l'équivalent du papillon et de la chenille... Dans les pays ‘arriérés’ à société politico-militaire ultra-dominante en revanche, comme la Chine des années 1920 ou le Pérou de 1980, le Parti peut se lancer dans la Guerre populaire ouverte assez rapidement après sa création.

    Cela ne veut pas dire que tous les aventurismes sont permis dans le tiers-monde (l'exemple tragique de Che Guevara est là pour le démontrer), et cela ne veut pas dire que dans les pays ‘avancés’ il faille ‘attendre’ tranquillement, dans une activité revendicative légaliste, la ‘situation’ permettant de ‘donner l'assaut’ : une situation permettant de passer à la guerre ouverte contre les dominants, cela se construit. Mais cela veut dire qu'il faut savoir être patients et agir conformément à l'analyse concrète de la situation concrète, même si la situation (misère ou appauvrissement des masses, crise, montée de l’État policier et du fascisme, du militarisme etc.) peut donner un poder popularsentiment d'urgence. Y aller en kamikazes comme les CCC, la RAF ou le PC politico-militaire d'Italie, c'est réellement faire perdre aux masses (en prison ou au cimetière) des cadres révolutionnaires de très haute qualité !

    Néanmoins, et cela reste pour nous le PRINCIPAL, le (n)PCI a l'insigne mérite de nous INDIQUER (même partiellement) la voie, dans une période où, quelles que soient les chansons que certain-e-s se chantent, le mouvement communiste avance encore à tâtons, encore abasourdi par l'onde de choc de la trahison ou de la faillite des expériences du siècle dernier. Il nous montre la voie en rejetant, d'un côté, le militantisme revendicatif ‘plan-plan’ (social/syndical, démocratique, internationaliste, écologiste, peu importe) qui attend désespérément les ‘conditions’ pour le 'Grand Soir' insurrectionnel ; et de l'autre, les appels aussi exaltés (‘possédés’ pour plagier Dostoïevski) que groupusculaires à l'insurrection ou à la ‘Guerre populaire’ (ce qui, comme incantation, revient au même), dont les sacro-saintes conditions ne sont là non plus jamais réunies, puisque les conditions OBJECTIVES de la révolution prolétarienne sont déjà là depuis plus d'un siècle tandis que les conditions SUBJECTIVES (celles qui manquent !) ne tombent pas du ciel mais SE CONSTRUISENT. Il nous indique la voie en rejetant aussi bien le ‘massisme’ (mouvementisme, spontanéisme), sacralisation de l'initiative des masses ou d'une fraction de celles-ci (la ‘classe ouvrière’), ce qui est par exemple le problème du NPA trotskyste ; que le ‘partidisme’, l'ultra-avant-gardisme pour lequel ‘‘sans le Parti il n'y a rien’’, un Parti omniscient et infaillible qui a toujours raison y compris contre les masses et, lorsque la réalité contredit son dogme, c'est la réalité qui se trompe (typiquement le ‘p’‘c’‘mlm’ ou encore les trotskystes de LO). En rappelant, également, le principe marxiste-léniniste essentiel de fermeté absolue dans la stratégie et souplesse absolue dans la tactique, contre les opportunistes qui rejettent la première (voire n'ont PAS de stratégie, voire ne veulent PAS la révolution, ce qui clôt le débat) et les dogmato-gauchistes (‘massistes’ comme ‘partidistes’) qui rejettent catégoriquement la seconde, rejoignant de fait les ‘incantateurs’ de l'insurrection ou de la Guerre populaire cités plus haut et, devant l'absence des ‘conditions’ pour que les masses ou la ‘classe ouvrière’ (fantasmée) mènent la révolution ‘puriste’ qu’ils appellent de leur vœux, tombent de facto dans le militantisme plan-plan ou ne font carrément RIEN.

    Un point reste cependant à éclaircir : lorsque le (n)PCI dit que ce qui a conduit à l'échec de la première vague révolutionnaire mondiale, c'est que les communistes n'ont pas réussi à prendre le pouvoir dans les pays impérialistes. Entendu dans le sens où, en laissant les ‘têtes’ du système impérialiste mondial intactes, celles-ci ont fini par reprendre le dessus (comme une tique ou un ver solitaire), nous sommes d'accord. Si les communistes chinois n'avaient pas réussi à prendre les villes et les avaient laissées au Kuomintang et à l'impérialisme, il est évident que ces derniers auraient fini tôt ou tard par reprendre l'initiative et écraser les campagnes rouges. Ils y ont réussi, car dans les villes il y avait aussi des communistes qui faisaient leur travail. Mais si le (n)PCI entend que la nouvelle vague révolutionnaire mondiale doit PARTIR des pays impérialistes, des pays les plus avancés, que le ‘problème’ de la première vague a été justement de partir de pays arriérés, nous ne sommes pas du tout d'accord. Pour nous, l'universalité de la Guerre populaire est que la révolution (négation du capitalisme par le communisme) se déploie des PÉRIPHÉRIES, là où le IRA quote by ookami no getsueicapitalisme est à la fois le plus violent et le moins fort (et souvent un phénomène récent), vers les CENTRES (là où il est le plus avancé, généralement le plus ancien, et le plus fort). Nous pouvons nous agiter dans tous les sens que nous voudrons, nous pensons qu'il n'y a RIEN À FAIRE : le ‘Tiers-Monde’ (Asie, Afrique, Amérique latine et caraïbe) aura toujours un mouvement révolutionnaire quantitativement et qualitativement plus important que la ‘Triade’ Europe de l'Ouest/Amérique du Nord/Japon (+ Australie et Nouvelle-Zélande) ; et les régions et autres territoires les plus arriérés, ‘sous-développés’, ‘relégués’ d'Europe (péninsule ibérique, Italie du Sud, Balkans et ‘pays de l'Est’, Irlande-Écosse-Galles, Sud occitan, Ouest et bordure Nord de la ‘France’, Borinage wallon, ex-RDA etc., + les grands ghettos urbains) et d'Amérique du Nord (territoires à forte concentration indigène/métis, afro-descendante ou hispanique) auront toujours un mouvement révolutionnaire supérieur aux zones plus avancées, plus ‘développées’. Cela ne veut pas dire que les forces révolutionnaires de ces pays et zones avancés n'aient rien à faire sinon attendre passivement le ‘Messie’ d'une révolution à l'autre bout du monde (ce serait, en l'occurrence, une forme spécifique d'‘attente des conditions’) : au contraire, être aux portes des Centres veut justement dire beaucoup de pain sur la planche révolutionnaire, beaucoup de responsabilités ! Mais il y a un sens historique, objectif de déploiement de la révolution prolétarienne ; un ‘‘sens du vent de l'histoire’’ contre lequel on ne peut rien. Notre tâche est de déterminer dans chacun de nos États impérialistes où sont les périphéries, qui sont en quelque sorte les "failles de la forteresse". Nous y reviendrons dans la note critique n°2, après la deuxième partie de l'article.

     


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  • Compagno Saltarelli, noi ti vendicheremo !

    Chanson révolutionnaire italienne des années 1970. Un an après l'attentat massacre de la Piazza Fontana, commandité par la bourgeoisie et la République démocrate-chrétienne et exécuté par les fascistes de Stefano Delle Chiaie, une manifestation de commémoration a lieu à Milan. Au cours des affrontements avec la milice d'Etat, un étudiant, Saverio Saltarelli, est tué par un tir tendu de grenade lacrymogène par la police, reçue en plein coeur.

    La colère soulevée par ce lâche crime fasciste est un des points de départ de la Guerre populaire italienne de basse intensité des années 1970.

    Il dodici dicembre un anno era passato
    dal giorno delle bombe della strage di stato
    e in uno scontro in piazza, con una bomba al cuore
    ammazzan Saltarelli gli sbirri del questore.

    Se cambiano i governi, i mezzi, sono uguali:
    padroni e riformisti ammazzan proletari.
    Restivo e Berlinguer, con le stesse parole
    dicono: «Sì, è morto, gli si è fermato il cuore».

    Ma la gente dei quartieri dice: «Ieri Pinelli
    ce l'hanno assassinato, ed oggi Saltarelli».
    Compagno Saltarelli, noi ti vendicheremo,
    burocrati e padroni tutti li impiccheremo.

    Studenti del Feltrinelli, nella nebbia del mattino,
    vanno tutti alla O.M. dal compagno Martino;
    e lì Martino piange, non crede nel vedere
    quando entrano in fabbrica con le rosse bandiere.

    E poi con gli operai sono tornati in piazza:
    «Basta con i padroni, con questa brutta razza!».
    Operai della Pirelli, una gran folla enorme
    hanno bruciato in piazza cartelli delle riforme.

    Poi tutti quanti insieme, tremilacinquecento,
    sono entrati alla Siemens con le bandiere al vento.
    E per tornare al centro non han fatto il biglietto:
    «Noi viaggiamo gratis, paga Colombo», han detto.

    Compagno Saltarelli, noi ti vendicheremo,
    burocrati e padroni tutti li impiccheremo.
    Restivo e Berlinguer si sono accalorati
    nel dir che gli estremisti vanno perseguitati;

    Restivo e Berlinguer vanno proprio d'accordo,
    le loro istituzioni valgono bene un morto!
    Sei morto sulla strada che porta al Comunismo,
    ucciso dai padroni e dal revisionismo.

    Compagno Saltarelli, noi ti vendicheremo,
    burocrati e padroni tutti li impiccheremo.
    Le bombe e le riforme son armi del padrone,
    la nostra sola arma è la rivoluzione;

    ed oggi nelle piazze, senz'esser stabilito,
    abbiamo visto nascere nei fatti un gran partito;
    contro tutti i padroni, contro il revisionismo,
    uniti nella lotta per il Comunismo!

    Compagno Saltarelli, noi ti vendicheremo,
    burocrati e padroni tutti li impiccheremo.
    Compagno Saltarelli...

    Traduction :

    Le 12 décembre (1970 ndlr), un an était passé, depuis le jour des bombes (piazza Fontana), du massacre d'État
    Et dans un affrontement de rue, d'une bombe en plein coeur, ils ont tué Saltarelli, les sbires du préfet de police.
    Si les gouvernements changent, les moyens sont les mêmes : patrons et réformistes tuent des prolétaires.
    Restivo (Ministre de l'Intérieur) et Berlinguer (premier secrétaire du P"c") avec les mêmes paroles, disent "Oui, il est mort, son coeur s'est arrêté".
    Mais les gens des quartiers disent "Hier ils ont assassiné Pinelli, et aujourd'hui Saltarelli !"

    Camarade Saltarelli, nous te vengerons, bureaucrates et patrons, tous nous les pendrons !

    Les étudiants de Feltrinelli, dans la brume du matin, vont tous à l'oraison funèbre du camarade Martino,
    Et là Martino pleure, il n'en croit pas ses yeux, quand ils entrent dans l'usine avec leurs drapeaux rouges !
    Et puis avec les ouvriers ils sont retournés dans la rue, "Assez des patrons, de cette sale espèce !"
    Les ouvriers de Pirelli, une grande foule énorme, ont brûlé dans la rue les papiers des réformes.
    Puis tous ensemble, 3.500, ils sont entré à la Siemens, les drapeaux au vent,
    Et pour retourner au centre, ils n'ont pas pris de billet, "nous voyageons gratis, Colombo (Premier ministre) paye" ils ont dit.

    Camarade Saltarelli (...)

    Restivo et Berlinguer se sont échauffés, pour dire que les "extrémistes" seraient poursuivis,
    Restivo et Berlinguer vont parfaitement d'accord, leurs institutions valent bien un mort !
    Tu es mort sur la route qui mène au communisme, tué par les patrons et le révisionnisme !

    Camarade Saltarelli (...)

    Les bombes et les réformes sont les armes du patron,
    Notre seule arme est la révolution,

    Et aujourd'hui dans les rues, sans qu'il soit établi, nous avons vu naître dans les faits un grand Parti !
    Contre tous les patrons, contre le révisionnisme, unis dans la lutte pour le communisme !

    Camarade Saltarelli (...)

      http://www.pugliantagonista.it/Saverio.jpg

    Ça fait du bien à écouter, surtout à la veille d'un nouveau défilé bureaucratique cogestionnaire... Vous ne trouvez pas ? 


    L’ORA DEL FUCILE (L’heure du fusil) reprend l’air de  Eve of Destruction (pas mal aussi, dans un registre plus pacifiste-idéaliste) de Barry McGuire. Le texte est bien emblématique de l’époque, où le fond de l’air était rouge : lutte implacable des masses populaires sur les trois fronts, contre la bourgeoisie capitaliste à l’Ouest, contre la domination impérialiste au Sud, et contre la nouvelle bourgeoisie révisionniste à l’Est.

    Sympathique à écouter, au moment où le mouvement des masses arabes, la guerre populaire de l’Inde aux Philippines, les 80.000 "incidents de masse" par an en Chine, les résistances du Sahara au Cap et les luttes d’émancipation du Mexique à la Terre de Feu, font de nouveau se lever la vague ; la seconde et glorieuse vague de la Révolution mondiale, qui n’attend que la nouvelle Internationale des Partis communistes révolutionnaires qui la mènera à la victoire !!!   

     
    Tutto il mondo sta esplodendo
    dall'Angola alla Palestina,
    l'America Latina sta combattendo,
    la lotta armata vince in Indocina ;
    in tutto il mondo i popoli acquistano coscienza
    e nelle piazze scendono con la giusta violenza.
     
     
    E quindi, cosa vuoi di più compagno,
    per capire
    che è suonata l'ora del fucile ?
     
    L'America dei Nixon, degli Agnew e
    Mac Namara
    dalle Pantere Nere una lezione impara ;  
    la civiltà del napalm ai popoli non piace,
    finché ci son padroni non ci sarà mai pace ;
    la pace dei padroni fa comodo ai padroni,
    la coesistenza è truffa per farci stare buoni.
     
    (Refrain)
     
    In Spagna ed in Polonia gli operai
    dimostran che la lotta non si è fermata mai
    contro i padroni uniti, contro il capitalismo,
    anche se mascherato da un falso socialismo.
    Gli operai polacchi che hanno scioperato
    gridavano in corteo : Polizia Gestapo !
    Gridavano : Gomulka, per te finisce male !
    Marciavano cantando l'Internazionale.
     
    (Refrain)
     
    Le masse, anche in Europa, non stanno più
    a guardare,
    la lotta esplode ovunque e non si può fermare ;
    ovunque barricate, da Burgos a Stettino,
    ed anche qui fra noi, da Avola a Torino,
    da Orgosolo a Marghera, da Battipaglia
    a Reggio,
    la lotta dura avanza, i padroni avran la peggio.
     
    (Refrain)
    Le monde entier est en train d'exploser
    de l'Angola à la Palestine ;
    l'Amérique latine combat,
    la lutte armée triomphe en Indochine ;
    dans le monde entier les peuples acquièrent conscience
    et dans les rues descendent, avec la juste violence.
     
    Alors, que veux-tu de plus camarade,
    pour comprendre
    qu'a sonné l'heure du fusil ?
     
    L'Amérique des Nixon, des Agnew et MacNamara
    des Black Panthers une leçon reçoit ;
    la civilisation du napalm ne plaît pas aux peuples
    tant qu'il y aura des patrons, il n'y aura pas de paix ;
    la paix des patrons ne convient qu'aux patrons
    la coexistence est une arnaque pour nous faire tenir tranquilles.
     
    (Refrain)
     
    En Espagne et en Pologne, les ouvriers
    démontrent que la lutte n'a jamais cessé ;
    contre les patrons unis, contre le capitalisme,
    même revêtu d'un pseudo-socialisme.
    Les ouvriers polonais qui ont fait grève
    criaient en cortège : Police = Gestapo !
    Ils criaient : Gomulka, ça va mal finir pour toi !
    Ils marchaient en chantant l'Internationale.
     
    (Refrain)
     
    Les masses en Europe aussi ne restent plus spectatrices,
    la lutte éclate partout et rien ne peut l'arrêter ;
    partout des barricades, de Burgos à Szczecin,
    et ici aussi chez nous, d'Avola à Turin,
    d'Orgosolo à Marghera, de Battipaglia à Reggio,
    la lutte dure avance, les patrons n'auront pas le dernier mot.
     
    (Refrain)

     

    Et allez, en prime : Pino Masi était militant du groupe Lotta Continua, petit groupe communiste plutôt spontex, qui s’est désagrégé au milieu des années 1970.

    Il en a composé et interprété l’hymne :   

     
    Siamo operai, compagni, braccianti
    e gente dei quartieri
    siamo studenti, pastori sardi,
    divisi fino a ieri
     
    Lotta! Lotta di lunga durata,
    lotta di popolo armata :
    lotta continua sarà !
     
    L'unica cosa che ci rimane
    è questa nostra vita,
    allora compagni usiamola insieme
    prima che sia finita !
     
    Lotta! Lotta di lunga durata...
     
    Una lotta dura senza paura
    per la rivoluzione
    non può esistere la vera pace
    finchè vivrà un padrone !
     
    Lotta! Lotta di lunga durata...
    Nous sommes ouvriers, compagnons, journaliers
    et gens des quartiers,
    Nous sommes étudiants, bergers sardes,
    divisés jusqu’à hier  
     
    Lutte ! Lutte de longue durée,
    Lutte du peuple, armée :
    Lotta continua sera !
     
    L’unique chose qu'il nous reste,
    c’est notre vie,
    Alors camarades, utilisons-la ensemble,
    avant qu’elle soit finie ! 
     
    (Refrain)
     
    Une lutte dure, sans peur,
    Pour la Révolution ;
    La vraie paix ne peut exister,
    Tant que vivra un patron !
     
    (Refrain)

     

    Et puis son (sans doute) plus grand titre, qui était aussi celui du programme de lutte de LC à l'époque : "Prendiamoci la città !" ("Prenons la ville !")

     

    Questa nostra lotta è la lotta di chi non vuole più servir'

    di chi è ormai cosciente della forza che ha, e non ha più paura del padrone 

    di chi vuol' trasformare il mondo in cui viviamo nel mondo che vogliamo 

    di chi ha ormai capito che è ora di lottare, che non c'è tempo di aspettare

     

    Refrain : Dalle fabbriche in rivolta un vento soffia già, ovunque arriverà

    è proprio un vento rosso che non si può fermare e unisce chi ha deciso di lottare

    Per il comunismo, per la libertà prendiamoci la città

    per il comunismo, per la libertà prendiamoci la città !  

     

    Se occupa le case chi non ce le ha unisce tutta la città

    si lotta nei quartieri per non pagare i fitti, difendere le case dagli sfratti

    si lotta e si vive in maniera comunista, non c'è posto per il fascista

    la giustizia proletaria ricomincia a funzionare, con il processo popolare

     

    (Refrain)

     

    Proletari in divisa si ribellano perchè hanno capito   che

    anche la caserma come la prigione è un'arma del padrone

    e la loro lotta avanza con la nostra unità verso la libertà

    dai quartieri alle caserme, dalla fabbrica alla scuola, è tutta una lotta sola

     

    (Refrain)

     

    La scuola dei padroni non funziona più, ma solo come base rossa

    la cultura dei borghesi non ci frega più, l'abbiamo messa nella fossa

    Anche nelle galere della repressione cresce l'organizzazione

    svuoteremo presto tutte le prigioni per fare posto a tutti i padroni

     

    (Refrain) 

     

    Cette lutte, la nôtre, est la lutte de celui qui ne veut plus servir

    de celui qui a désormais conscience de sa force, et qui n'a plus peur du patron

    de celui qui veut faire du monde où nous vivons le monde que nous voulons

    de celui qui a compris qu'il est temps de lutter, qu'il n'y a plus de temps à perdre

     

    Refrain : Des usines en révolte un vent souffle déjà, partout il arrivera

    c'est un vent rouge qui ne peut s'arrêter, et unit ceux qui ont décidé de lutter

    Pour le communisme, pour la liberté, prenons la ville !

    (2X)

     

    S'il occupe les maisons, celui qui n'en a pas unit toute la ville

    On lutte dans les quartiers pour ne pas payer les loyers, défendre les maisons contre les expulsions

    On lutte et on vit de manière communiste, pas de place pour le fasciste

    la justice prolétaire recommence à fonctionner, avec le procès populaire !

     

    (Refrain)

     

    Les prolétaires sous l'uniforme se révoltent car ils ont compris

    que la caserne elle aussi, comme la prison, est une arme du patron

    et leur lutte avance avec notre unité, vers la liberté

    des quartiers aux casernes, de l'usine à l'école, c'est toute une seule lutte

     

    (Refrain)

     

    L'école des patrons ne fonctionne plus, sinon comme base rouge

    la culture des bourgeois, nous n'en avons plus rien à faire, nous l'avons mise à la fosse

    Dans les prisons aussi, dans la répression, grandit l'organisation

    Nous viderons bientôt toutes les prisons, pour faire de la place à tous les patrons !

     

    (Refrain)

     

     

     

    http://www.workerspower.co.uk/wp-content/uploads/2011/06/greek-riot-1.jpg


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  • Dans leur introduction à la traduction de notre texte sur les 800 ans de la Bataille de Muret et le Comité de Construction du Parti communiste révolutionnaire des Terres d’Òc, les camarades de Democracy & Class Struggle/Great Unrest Group 2012/Liberation évoquaient une Charte de Brest, signée et publiée en ‘‘1972’’ (en fait 1974) par un certain nombres d’organisations socialistes-révolutionnaires de libération nationale, dont (et à l’initiative de) l’Union démocratique bretonne (UDB). Nous le reconnaissons avec la modestie qui nous caractérise (contrairement à d’autres, qui ne l’avaient pas non plus…) : nous n’en avions jamais entendu parler. Et bien voilà : en activant son loooooong petit bras de pieuvre rouge, Servir le Peuple a réussi à se procurer le document en question, dans sa version de 1976 (lors du ralliement de nouvelles organisations)... Tous nos remerciements au camarade qui se reconnaîtra !


    Voici donc cette fameuse Charte :


    Brest p0Brest p1Brest p2Brest p3Brest-p4-copie-1.jpgBrest p5Brest p6Brest p7Brest p8Brest-p9-copie-1.jpgBrest p10Brest p11Brest p12Brest pagedefin


    Et maintenant, place à la critique...

    La critique, à l'origine, a commencé à émerger lorsque nous nous sommes demandé qui étaient les Républicains irlandais signataires : le document le confirme, il s'agit bien des Officials ('Sticks' pour leurs détracteurs) c'est-à-dire des membres de l'IRA et du Sinn Féin qui ont scissionné en 1969-70 car ils voulaient 'mettre la lutte sociale au premier plan' (très bien !), rejeter le supposé 'militarisme' de la ligne emmenée par Seán MacStíofáin et Ruairí Ó Brádaigh et surtout... rejeter L'ABSTENTIONNISME qui était un principe fondamental de la Constitution de l'organisation : pas de participation aux élections et aux institutions illégitimes de l'Ulster occupé, du Royaume-Uni et de l''État libre' du Sud ('République d'Éire'). C'est étonnant car leur signature côtoie celle d'un Parti socialiste de Libération nationale catalan (PSAN) qui s'affirme 'provisoire' et celle de l'Euskal Herriko Alderdi Sozialista (EHAS, Parti socialiste du Peuple basque, futur fondateur du HASI et de la coalition KAS dont la dissolution en 1992 au profit d'Herri Batasuna sera justement le début du problème en Euskal Herria) ; parti politiquement le plus proche d'ETA militaire opposé à ETA 'politico-militaire' c'est-à-dire... à l'équivalent basque des Officials. Mais c’est ainsi…

    Il est vrai qu'à la lecture du texte, c'est très clair : la critique du 'militarisme élitiste' coupé des masses, de l''aventurisme' etc. sont des piques directement adressées au Provo Sinn Féin/IRA, ceux qui sont justement restés 'fidèles' à l'abstentionnisme et à la primauté de la lutte armée en 1969. Des piques au demeurant injustes puisque dans le cas Provo il était faux d'affirmer l'absence de base populaire : lorsqu'ils... renonceront, justement, à l'abstentionnisme (dans les années 1980), l'on verra qu'ils représentaient entre un quart et un tiers de la population dite 'nationaliste' ou 'catholique' (plus de base populaire que la gauche abertzale basque ou le communisme combattant italien, donc), des résultats bien au dessus des Officials, devenus entre temps 'Parti des Travailleurs d'Irlande' - une sorte de LCR locale. Le problème Provo était tout sauf là...

    Car en fait, justement, ce qui est déclaré de principe dans cette Charte de Brest, l'Official IRA/Sinn Féin ne l'a pas respecté : sa ligne 'marxiste' a finalement correspondu à ce que le texte lui même dénonce comme opportunisme de gauche, c'est-à-dire mettre l'accent sur la lutte des classes, le socialisme devant 'automatiquement' mettre un terme à l'oppression nationale. Une ligne qui est finalement, aujourd'hui, celle des 'maoïstes' du 'p''c''mlm' lorsqu'ils proclament que "les nations (et non les ÉTATS capitalistes !) ont fait leur temps" ou pire, se permettent du haut de leur chaire ce 'conseil' au MLN basque : "il faudra un jour abandonner l'ikurrina et lever le drapeau rouge, ce sera douloureux mais nécessaire" (...), pour prôner une sorte de 'Fédération mondiale' (et un jour 'galactique' !) à la Star Trek etc. Une ligne qui était un peu celle de la "VIe Assemblée" du mouvement basque combattue par Argala, devenue elle aussi une LCR locale. Cette ligne a conduit le mouvement Official irlandais à l'économisme (se placer uniquement sur le terrain de la lutte ouvriers/patrons) et finalement au légalisme électoraliste le plus total, pour cesser à peu près complètement la lutte armée dès 1972 et devenir (donc) en 1982 le 'Parti des Travailleurs'.

    Mais d'un autre côté, il est très clair aujourd'hui que les Provos n'ont guère fait mieux... C'est qu'eux étaient, à l'opposé, sur ce que la Charte appelle l''opportunisme de droite' : il faut 'libérer la Nation', et ensuite 'on verra' (partisans et adversaires du socialisme s'affronteront 'démocratiquement' etc. etc.). Et là aussi, cela a fini par 'coincer' et permettre l'émergence d'une ligne 'liquidatrice' autour de Gerry Adams et Martin McGuiness, qui s'est lancée dans l'électoralisme et finalement dans une 'solution politique' de... "changement dans les superstructures de la domination" britannique, n'affectant en rien "la réalité de base de l'oppression nationale et sociale", exactement ce que prophétisait la Charte ! (mais voilà : ses signataires Officials n'ont pas fait mieux...). Cette ligne a aussi toujours été, historiquement, celle de l'essentiel du MLN corse par exemple (priorité à l'indépendance nationale), sauf quelques groupes (comme A Manca) qui en contrepartie de mettre la question sociale en avant ont officiellement renoncé... à la lutte de libération.

    Au final, la TOTALITÉ des organisations signataires de cette Charte de Brest (ou leurs héritiers, ou les organisations dans lesquelles elles ont pu se fondre) sont aujourd'hui devenues légalistes, électoralistes et de facto autonomistes ('décentralistes' dans le cadre de leurs États respectifs) ; soit par opportunisme de droite (le 'national' avant le 'social') soit par opportunisme de gauche (l'inverse) ; sauf là où la bourgeoisie nationaliste est assez forte (Catalogne, Écosse) pour se permettre d'appeler à l'indépendance (dans ce cas, elles suivent le mouvement...).

    Aucune de ces organisations, en réalité, ne s'est tenue à ce qu'elles déclaraient pourtant elles-mêmes dans la Charte : la lutte populaire de libération nationale (la bourgeoisie étant de toute manière vendue, pouvant 'au mieux' jouer un rôle compradore néocolonial), autrement dit la Libération révolutionnaire du Peuple (LRP) n'est pas seulement 'liée' à la lutte de libération sociale des travailleurs/euses exploité-e-s (autrement dit à la lutte de classe) ; ELLE EN EST L'EXPRESSION SPÉCIFIQUE dans la situation spécifique de nos Peuples "avalés" et niés par les grands États modernes lors de leur construction [ceci s'appliquant également aux situations véritablement coloniales d'outre-mer : ce n'est pas (il ne s'agit pas de dire à ce stade de la réflexion) qu'il y aurait une Europe où il "faut" la LRP et un "au-delà-des-mers" où il "faudrait" la libération nationale ; c'est que la libération nationale a été la réalité pour énormément de pays colonisés hors d'Europe au cours du siècle dernier (et même pour de très nombreux pays européens...) et qu'elle s'est révélée insuffisante, débouchant sur une nouvelle domination de ces pays et de ces Peuples sous d'autres formes plus indirectes]. L'expression spécifique ou du moins une expression, mais une expression de toute première importance car directement antagonique avec l’État, appareil politico-militaire et idéologique de nos exploiteurs, dans ses fondements historiques mêmes.

    Et pourquoi donc ne s'y sont-elles pas tenues (puisqu'elles le déclarent) ?? Tout simplement en raison d'une compréhension inexacte du problème.

    Le texte assène en effet les déclarations marxistes-léninistes 'orthodoxes' sur "l'impérialisme" et "les monopoles", autrement dit l'impérialisme MONOPOLISTE de l'ouvrage de référence de Lénine... Ce qui signifierait que l'oppression de nos Peuples ait réellement commencé, au plus tôt, au milieu du 19e siècle : or nous savons tous et toutes que ce n'est pas le cas. La Conquista de notre Occitanie, par exemple, a eu lieu aux derniers siècles du Moyen-Âge (13e-14e-15e) ; et par la suite nous avons connu notre pire oppression, vraisemblablement, sous les Guerres de Religion puis sous les Béarnais reniés (fils et petit-fils d'Henri IV) Louis XIII et Louis XIV. Certes il y a eu aussi les affreux massacres des émissaires de la Convention en 1793 (à Lyon, Marseille, Toulon, Grenoble, Toulouse, Bordeaux et dans toute l'Occitanie et le 'Midi', et bien sûr en Bretagne et dans l'Ouest de la Normandie à la Vendée), dont la brutalité mettait en fureur le ch'ti Robespierre lui-même (cet idéaliste idiot utile de la bourgeoisie toute-puissante, qui le liquidera une fois son 'œuvre' accomplie[1]) ; puis la violente offensive du capitalisme au 19e siècle, avec notamment la Guerre des Demoiselles en Ariège (voir aussi cette carte des 'rébellions collectives contre les forces de l'ordre' entre 1800 et 1859, assez évocatrice) ; la tentative de négation culturelle totale par les instituteurs et autres fonctionnaires 'hussards noirs' de la République bourgeoise au 20e (pour faire de nous de la bonne et docile chair à usine et à canon) etc. etc. ; mais l'oppression avait commencé bien avant.

    Nos Peuples ne sont pas les Peuples d'Afrique, d'Asie, des Amériques (tout juste 'libérés' de la Couronne 'espagnole') ou d'Océanie colonisés ou semi-colonisés au 19e siècle, lorsque la logique capitaliste s'étend à la planète entière et se la partage entièrement (ce qui est la définition léniniste de l'impérialisme monopoliste) ; Peuples dont les luttes inspiraient à l'époque (1974) les organisations signataires.

    Notre problématique ne s'inscrit pas dans ce cadre, mais au contraire dans celui de la FONDATION des États modernes (monarchiques 'forts' ou absolus) comme instruments de l'accumulation PRIMITIVE du capitalisme (une bourgeoisie liée au pouvoir monarchique devient dominante et subordonne les autres, y compris celles des autres grandes villes de sa propre nation, pour se tailler territorialement une base d'accumulation première*) ; suivie de l'accumulation 'expansionniste pré-industrielle' (1500-1800, schématiquement) dans laquelle s'inscrit la problématique des Antillais ou des Peuples indigènes des Amériques par exemple.

    [* "Cet objectif" de l'oppression nationale, "de manière très générale, est de maîtriser la richesse matérielle de tous les marchés du pays sans avoir de rivaux, pour gagner de nouveaux privilèges, étendre les limites des privilèges actuels et s’en servir. Dans ce but, la bourgeoisie et les propriétaires issus de la nation dominante, afin de conserver les frontières politiques du pays font d’énormes efforts pour empêcher par tous les moyens les régions dans lesquelles vivent plusieurs nationalités de se séparer du pays. Dans les mots du camarade Staline : “Qui dominera le marché ?”  [ici en Hexagone : la bourgeoisie du Bassin de la Seine ou occitane, lyonnaise, de Flandre-Artois, ou encore anglo-normande ? les foires de Champagne ou du Languedoc ? etc.]. C’est l’essence de la question. (...) L’oppression des travailleurs des peuples minoritaires acquiert de cette manière une double qualité : premièrement il y a l’oppression de classe utilisée contre les travailleurs afin d’exploiter et d’éradiquer la lutte de classe ; deuxièmement, il y a l’oppression nationale mise en œuvre pour les objectifs mentionnés plus haut contre toutes les classes des nations et des nationalités minoritaires. Les communistes font la distinction entre ces deux formes d’oppression parce que, par exemple, tandis que les bourgeois kurdes et les petits propriétaires s’opposent à la seconde forme d’oppression, ils supportent la première. En ce qui nous concerne, nous sommes opposés aux deux formes d’oppression." - Kaypakkaya au sujet des oppressions nationales dans l’État turc, né au 20e siècle dans une grande violence mais selon ce même schéma...]

    Dit autrement, l'histoire de notre périphérisation et de l'ensemble de ses résultats politiques, économiques, sociaux et culturels aujourd'hui n'est pas écrite dans L'Impérialisme stade suprême du capitalisme de Lénine mais dans L'Accumulation primitive de Karl Marx, section 8 du Livre 1 du Capital.

    [Lire : http://partage-le.com/2018/10/linvention-du-capitalisme-comment-des-paysans-autosuffisants-ont-ete-changes-en-esclaves-salaries-pour-lindustrie-par-yasha-levine]

    Nous ne sommes pas des colonies mais des provinces, ainsi que nous appelait la monarchie qui nous avait conquis (du latin pro vincere : "précédemment vaincre", "pays précédemment vaincu", pays conquis) ; et nous ne sommes pas colonisés/racisés mais provincialisés/périphérisés !

    C'est ce qui explique notamment le 'paradoxe' du Pays Basque ou de la Catalogne 'espagnols', politiquement subordonnés à Madrid mais économiquement moteurs de l''Espagne', ce que la Charte tente péniblement d'expliquer comme un 'impérialisme d'exploitation', ce qui ne veut strictement rien dire (quel impérialisme n'exploite pas ??). La réalité c'est que les classes dominantes de toutes les nations du Nord de la péninsule (Aragon, Catalogne, Navarre/Euskadi, Asturies, Galice, León) ont participé à la 'reconquista' (la liquidation) d'Al-Andalus, le Sud de la péninsule, ce qui est le véritable acte fondateur ; mais ensuite elles se sont faites 'avoir', car elles n'y ont que peu ou presque rien gagné, tandis qu'elles ont consacré la suprématie militaire (donc politique) de la Castille qui les a ensuite subordonnées, puis liquidées politiquement et même tenté (mais sans le succès 'français') de les anéantir national-culturellement.

    Et c'est ce qui explique que, même si ici et là les grands États peuvent 'dé'- et néo-coloniser (comme en Irlande) ou 'décentraliser' (comme en 'Espagne' ou en 'Italie') avec l'aide de bourgeois locaux compradores, la lutte de libération 'nationale' de nos Peuples indissociable de la lutte révolutionnaire de classe (dont elle est la FORME SPÉCIFIQUE dans notre situation concrète) signifie, si elle triomphe, LA MORT de ces États qui sont le bras armé du Capital, sur leur territoire comme aux 'quatre coins du monde', dans nombre de pays soi-disant 'indépendants'.

    Une colonie, pour une 'métropole' (comme l'histoire l'a maintes fois montré), cela se 'lâche' si les choses se 'tendent' trop ; ensuite de quoi l'on tentera de 're'/néo-coloniser par des moyens détournés et si cela n'est pas possible et que c'est perdu, eh bien c'est perdu - on tentera éventuellement de s'emparer de nouveaux territoires à mettre dans sa sphère d'influence comme De Gaulle et Foccart tentèrent par exemple de s'emparer du Biafra, province du Nigeria néo-colonie britannique (membre du Commonwealth etc.) afin de 'compenser' des ex-colonies comme la Guinée de Sékou Touré ou le Congo-Brazzaville que l'on pouvait penser 'perdues' à l'époque.

    La Libération révolutionnaire de nos Peuples (LRP), elle, frappe directement au CŒUR DU MONSTRE, au cœur du 'socle métropolitain' de l’État impérialiste : celui-ci, de fait, ne pourrait y survivre et ce serait sa fin (surtout si l'on parle de l'Occitanie, qui représente un tiers de l’État français...). C'est ce qui explique la solidité (politico-militaire ET idéologique) de ce 'socle' par rapport à un 'simple' lien de domination coloniale.

    En nous analysant nous-mêmes comme des colonies, comme le fait la Charte de Brest, nous ne faisons pas qu''exagérer' l'oppression que nous subissons (et déboucher sur des stratégies erronées qui, par exemple, tiendraient compte d'une certaine 'bourgeoisie nationale' alors que celle-ci est en réalité très marginale) : nous SOUS-ESTIMONS aussi (et surtout !) l'adversaire et l'ampleur de la tâche à accomplir ! D'où le fait que la moindre déviation de 'gauche' (le social avant le 'national') comme de 'droite' (libérer la nation et après on verra) ne pardonne pas et conduise dans l'ornière totale de la liquidation de toutes les luttes.

    Une bonne illustration, en somme,  de L'IMPORTANCE DE NOS THÉORIES sur la construction des États et Empires capitalistes en Centres (où une bourgeoisie bien avancée se lie au pouvoir d’État) et en Périphéries concentriques ; la négation du capitalisme par le communisme (lutte révolutionnaire de classe et de libération populaire-'nationale', Guerre populaire) se déployant en intensité des Périphéries vers les Centres !


    plo ira


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  • Affiche du Mouvement Féministe Révolutionnaire (maoïste) d’Italie :

    lampedusa-strage-di-Stato

    ‘‘Horreur et honte ? MASSACRES D’ÉTAT !

    Plus de 50% des migrants morts à Lampedusa étaient des femmes et des enfants… Des femmes, des adolescentes, avec leurs enfants ou enceintes, souvent violées au cours des tragiques voyages pour fuir la misère et la guerre de leurs pays ; des enfants sans défense dont la jeune vie a été engloutie par la mer.

    ASSASSINS !

    Gouvernements, États au service des guerres impérialistes, avec vos politiques racistes, sexistes, fascistes modernes vous êtes les commanditaires de ces massacres !

    VOUS PAIEREZ CHER, VOUS PAIEREZ POUR TOUT !’’  


    La position de Servir le Peuple sur les personnes migrantes est claire depuis le départ, et rejoint celle des camarades italiennes : il ne s’agit pas pour nous d’‘humanisme’ ni de ‘charité chrétienne’, mais bien de considérer l’immigration comme un phénomène objectivement subversif pour l’ordre impérialiste mondial. Fut un temps l’immigration était autorisée et même voulue par les États impérialistes, pour se fournir en force de travail corvéable à merci. Les travailleurs/euses issu-e-s de cette immigration autorisée et encouragée furent généralement parqué-e-s dans des bidonvilles ou des foyers-taudis, puis dans des quartiers-ghettos où ils/elles se virent appliquer un traitement colonial inspiré de celui de leurs aïeux dans leurs pays d'origine : ce sont des colonies intérieures, des ‘indigènes métropolitains’. Mais depuis la nouvelle crise générale du capitalisme, ces temps sont révolus et aujourd’hui, les personnes migrantes sont des personnes qui vont OBJECTIVEMENT récupérer dans les États impérialistes un peu de ce que ces derniers ont volé dans leurs pays dominés et exploités, pour (souvent) l’y REDISTRIBUER via MoneyGram (des régions, voire parfois des pays entiers reposent littéralement sur les envois d’argent de leurs migrant-e-s en Europe ou en Amérique du Nord).

    clandestinsC’est pourquoi, ces 25 ou 30 dernières années, l’Europe de l’Ouest et l’Amérique du Nord se sont transformées en ‘forteresses’ impénétrables pour les travailleurs venant du ‘Tiers-Monde’, qu’elles cherchent maintenant à y maintenir, y étant plus facilement exploitables (avec la délocalisation d’énormément d’activités) et n’en ayant de toute façon plus besoin. C’est ainsi que l’Union européenne ‘réfléchit’ longuement avant d’accueillir un nouvel État membre en son sein, pour s’assurer qu’il ne ‘submergera’ pas les pays riches de migrants pouvant circuler librement (ce qui pose actuellement problème avec la Roumanie et la Bulgarie pour les Roms, et ferme catégoriquement la porte à la Turquie), ou en tout cas qu’il ne sera pas une ‘passoire’ pour les ‘clandestins’ (problème de l’Ukraine). C’est ainsi que tout au long de leur frontière avec le Mexique, les États-Unis ont mis en place un chapelet de maquiladoras, entreprises de sous-traitance aux salaires intermédiaires entre ceux du Mexique et de l'Oncle Sam, pour y ‘fixer’ les candidat-e-s à l’immigration, surtout les femmes (qui se ‘sentent’ moins que les hommes d’affronter la traversée clandestine) ; véritables usines concentrationnaires entre des mains semi-mafieuses, dont on retrouve parfois les employées indociles découpées en morceaux dans le désert... C’est ainsi que l’Europe s’est achetée les services de régimes satrapes arabes pour jouer les ‘cerbères’ du Vieux Continent contre le ‘tsunami migratoire’ que renforce chaque jour la crise générale et mondiale du capitalisme… etc. etc.

    Les sacrifié-e-s de Lampedusa, qu’ils/elles soient venu-e-s d’Afrique, de Syrie ou d’Afghanistan, ne faisaient rien d’autre que cela : fuir leurs pays impérialisés depuis des générations, affamés, livrés au despotisme et/ou à la guerre par les monopoles impérialistes. Sur la Grande Bleue devenue sinistre douve de la forteresse Europe, leurs espoirs ont rencontré une mort affreuse.

    Mais LE JOUR VIENDRA OÙ LES COUPABLES PAIERONT ET PAIERONT CHER ! Le jour viendra où les exploité-e-s du monde entier se lèveront et engloutiront ce Système réactionnaire et assassin dans le feu ardent de la Guerre du Peuple !

    sum50 lancrenon 01z-copie-1Et tous les imbéciles-heureux-d’être-nés-quelque-part, les villageois-sans-prétention qui gueulent comme les veaux qu’ils sont contre ‘les immigrés’ feraient bien de se souvenir de leurs aïeux qui il n’y a pas quatre générations, au fil des besoins grandissants du capitalisme, s’en allaient pieds nus sur les chemins pour une saison ou pour la vie, à Paris ou à la grande métropole régionale exactement pour les mêmes motifs : arracher quelque subsistance pour eux et pour leurs familles restées au pays (que ce soit à l’intérieur de l’État français ou ailleurs en Europe). Bretons dont la bourgeoisie de Nantes (la ville bretonne qui se croit française) parlait exactement dans les mêmes termes qu'aujourd’hui des Roms ou autres ‘clandestins’ d’Afrique ou d’ailleurs ; maçons limousins qui s’en allaient construire le Paris du baron Haussmann ; petits ramoneurs de Savoie traités en véritables esclaves dans les belles demeures de la région lyonnaise ; tous bravant les contrôles du livret ouvrier (jusqu’en 1890) et autres passeports (pour les ‘étrangers’ mais aussi pour quitter son canton au petiramo.jpgsein même de la ‘France’ !), les arrestations pour ‘vagabondage’ etc. etc. Des milliers de Belges (notamment du Borinage misérable mais aussi de Flandre, alors rurale et déshéritée), de Suisses, d’‘Italiens’ ou d’‘Espagnols’ de toutes les nationalités de ces États franchissaient la frontière, leur baluchon sur le dos, pour venir vendre leur force de travail au florissant capitalisme bleu-blanc-rouge. Parfois, les trajectoires étaient exactement l’inverse d’aujourd’hui : ainsi, lorsque la Tunisie était un protectorat français, la région de Tunis se trouvait être plus riche en opportunités que bien des régions de Sicile (ou des îles alentour... comme Lampedusa), si bien que, tandis que la paysannerie tunisienne misérable de l’intérieur avait en quelque sorte ‘‘la France à domicile’’, des milliers de Siciliens… franchissaient la Méditerranée en barcasses de pêcheurs pour gagner la ‘terre promise’ nord-africaine (après l’‘indépendance’ néocoloniale, la plupart atterriront en Occitanie ou en région parisienne). Actuellement plus des trois quarts de la population ‘française’ sont, d’une manière ou d’une autre, des descendant-e-s d’immigré-e-s ‘étrangers’ ou intérieurs ! Ce qui n’empêche pas beaucoup d'abrutis, hélas, d’aller aujourd'hui voter Le Pen…

    Périphéries d’hier, ‘Tiers-Monde’ d’aujourd’hui ; UNIS NOUS VAINCRONS et abattrons les Citadelles de nos Exploiteurs !

     

    VENGEANCE POUR LES MORT-E-S DE LAMPEDUSA !

    VIVE L’INTERNATIONALISME !

    VICTOIRE AUX PEUPLES DU MONDE ENTIER !


    PCP 9 

    À lire aussi : Le mur meurtrier de la Méditerranée - L’assassinat institutionnel de masse de l’Union européenne de Saïd Bouamama, ou l'excellent Émigration clandestine, une forme de résistance de Sadri Khiari.


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    Le général communiste vietnamien Võ Nguyên Giáp s’est éteint vendredi dernier 4 octobre, à Hanoï, à l’âge vénérable de 102 ans.

    Il était, de fait, l’une des dernières grandes figures vivantes de l’héroïque Première Vague de la Révolution prolétarienne et anti-impérialiste mondiale, partie de Russie en 1917 et ayant arraché, au milieu du siècle, un tiers de l’humanité  aux griffes du Grand Capital monopoliste avant hélas de pourrir dans le révisionnisme, le capitalisme ‘socialiste’ d’État et le nomenklaturisme néo-bourgeois pour décliner très rapidement après la contre-révolution en Chine (1976-79) et s’achever au début des années 1990 (faillite du bloc révisionniste de l'Est puis de l’URSS elle-même, ‘processus de paix’ en Amérique centrale, Irlande ou Palestine, ‘transition/réconciliation’ en Afrique du Sud, défaite au Pérou, grands reculs aux Philippines etc.), au milieu des proclamations capitalistes triomphantes sur la ‘Fin de l’Histoire’.

    Stratège autodidacte n’ayant suivi les cours d’aucune académie militaire ; militant contre le colonialisme bleu-blanc-rouge (alors maître du Vietnam) depuis l’âge de 14 ans ; il a affronté et terrassé au cours de sa vie trois des plus grandes puissances militaires impérialistes du sombre 20e siècle : l’impérialisme japonais d’abord, maître de l’Asie du Sud-Est de 1941 à 1945 ; l’impérialisme FRANÇAIS ensuite, qui voulait réaffirmer son autorité sur sa colonie alors que les communistes de Hồ Chí Minh et les patriotes avaient proclamé l’indépendance le 2 septembre 1945, menant contre celle-ci une sanglante guerre de près de 10 ans (jusqu’en 1954) qui fera des centaines de milliers de victimes ; et enfin l’impérialisme US avec son allié le régime fasciste fantoche de Saïgon, qui déversera sur le pays 5 fois plus de bombes (13 millions de tonnes !), sans même parler du napalm et des armes chimiques comme l’agent orange, que sur toute l’Europe durant la Seconde Guerre mondiale…

    Au terme de ces 30 ans de lutte infatigable qui virent le pays devenir un phare pour l’humanité insurgée contre l’exploitation, et au prix de millions de martyr-e-s, le Vietnam obtiendra enfin son indépendance complète en avril 1975.

    Malheureusement, très vite après cette glorieuse victoire, dans un contexte de reflux général de la vague révolutionnaire mondiale et alors que Hồ Chí Minh est mort depuis 1969, commencera le pourrissement révisionniste et pro-capitaliste de la jeune République démocratique : dès 1979 avec l’occupation et la transformation en protectorat du Cambodge (après l'avoir, certes, délivré du sanglant délire racialo-nihiliste des Khmers ‘rouges’) ainsi que la vassalisation du Laos dès 1975, hégémonisme régional indigne d’une Nation ayant lutté si longtemps contre l’impérialisme ; l'adhésion au Comecon (le ‘cartel de sous-traitance’ soviétique) dès juin 1978 ; puis à partir de 1986 avec le Đổi mới, la perestroïka locale.

    Giáp, dit-on, critiquera sévèrement ces évolutions ; et même si le vainqueur de Điện Biên Phủ était (on s’en doute) ‘intouchable’, il sera peu à peu écarté de toute responsabilité durant cette période : ‘démission’ du Ministère de la Défense en 1980 (probablement pour avoir critiqué l'occupation militaire du Cambodge) ; exclusion du Bureau politique du Parti en 1982 ; ‘démission’, enfin, du poste (symbolique) de vice-premier ministre et du Comité central en 1991... Depuis lors, il vivait en retrait de la vie politique dans sa demeure de Hanoï, apparaissant seulement dans un rôle officiel lors des célébrations de la Guerre de Libération ; ce qui ne l’empêchait pas de prendre régulièrement la parole pour dénoncer le ‘socialisme de marché’ ‘à la chinoise’ qui s’était emparé du pays, faisant par exemple de Saïgon (rebaptisée Hồ-Chí-Minh Ville) un lamentable petit Hong-Kong. Il qualifiait ainsi en 2006 le Parti ‘communiste’ de ‘‘bouclier pour responsables corrompus’’ ; et signait en 2009 une lettre ouverte contre un projet de mine de bauxite dans les hauts plateaux du centre du pays (source).

    Võ Nguyên Giáp était certes, sans doute, très éloigné d’une sommité du marxisme-léninisme-maoïsme (qui peut, de toute façon, prétendre l’être ?) ; mais il était incontestablement un marxiste-léniniste conséquent, de conviction, resté fidèle sans se vautrer (malgré les honneurs permanents qui lui étaient évidemment rendus) dans les ors de la néo-bourgeoisie ; et un combattant anti-impérialiste héroïque auquel on ne doit pas seulement rendre hommage, mais dont on doit également S’INSPIRER.

    codex 190

    Permettons-nous aussi un crachat, cette fois, sur les sinistres fascistes qui se permettent de lui ‘rendre hommage’ comme ils l’ont déjà fait pour tant de combattants anti-impérialistes du ‘Tiers-Monde’ (Ernesto Che Guevara, Thomas Sankara, etc., Fidel Castro sera certainement le prochain), dans une de leurs minables et bien connues tentatives de mettre sur le même plan, pour semer la confusion, le patriotisme RÉVOLUTIONNAIRE des Peuples opprimés par l’impérialisme (qui est la CONSCIENCE DE CLASSE de ces ouvriers, paysans et autres travailleurs exploités) et le ‘patriotisme’ IMPÉRIALISTE, chauvin, militariste, conquérant et exterminateur du Capital monopoliste et de ses serviteurs aliénés et contents de l’être… Et un autre encore, sur les rêves-pris-pour-réalités de l’ignoble (et heureusement défunt) Bigeard, qui prenait le bon vieux sens de la diplomatie (et de l’ironie !) asiatique pour des ‘honneurs’ et de l’‘amitié’ envers le tortionnaire et l’assassin génocidaire qu’il était.

    Ceci vaut, au demeurant, pour tous les vieux révisionnistes qui ne vont pas manquer de saluer sa mémoire en croyant, sans doute, que leur syndicalisme pantouflard de ‘journées d’action’ et leurs pantalonnades électoralistes ont quelque chose à voir avec la GUERRE POPULAIRE livrée 30 années durant par Giáp et des millions d’héroïques vietnamien-ne-s !

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    Que le Mouvement communiste international se réapproprie fièrement sa mémoire, pour préparer les Victoires de demain !!!

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    À lire, l'un des ouvrages de référence de Võ Nguyên Giáp : Guerre du Peuple, Armée du Peuple (article de 1961, sur le site Guérilla, et d'autres encore sur le même site).

     

     


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