• Les articles suivants ont été rédigés dans la foulée des évènements survenus entre août et septembre 2011 au Népal.

    Comme vous le savez certainement, ce pays a connu entre 1996 et 2006 une grande et héroïque Guerre populaire (qui était même pour ainsi dire la seule au monde - Guerre populaire signifiant dirigée par des maoïstes, exit donc les FARC de Colombie etc. – à ses débuts ; avant que cela ne "reparte" aux Philippines, puis en Inde etc.). Mais en 2006, alors que l’Armée populaire maoïste contrôlait de fait 80% du pays et encerclait la capitale Katmandou, un soulèvement populaire éclatait à l’intérieur de celle-ci et mettait fin à la monarchie autocratique locale vieille de plus de trois siècles (dès lors retranchée sans pouvoir dans son palais en attendant son abolition officielle deux ans plus tard).

    Le Parti communiste du Népal (maoïste) [CPN(m)] s’est alors engagé avec les partis bourgeois (Nepali Congress) et révisionnistes (UML) dans la voie d’"accords de paix", d’une cessation des combats et d’un processus de "transition" vers une république parlementaire qui a immédiatement soulevé une immense controverse dans le mouvement communiste international, les uns y voyant une "trêve tactique" parfaitement défendable, d’autres le début d’un cours "inquiétant" des choses (critiques en ce sens émergeant très tôt des maoïstes indiens, notamment), d’autres encore une "trahison absolue" venant supposément "prouver" que toute manœuvre tactique d’un Parti révolutionnaire signifie sa liquidation. Les années suivantes donnèrent lieu à des évènements – à vrai dire – historiquement surréalistes, avec le leader maoïste de la Guerre populaire Prachanda accédant au poste de Premier ministre (2008) dans un régime parlementaire le plus bourgeois qui soit avant d’en être éjecté un an plus par un coup de force du Président de la (toute nouvelle) République, appelant dès lors à (et affirmant mener les préparatifs d’) un "grand soulèvement populaire" devant porter le "coup final" à l’ancien régime et porter définitivement les forces révolutionnaires au pouvoir… mais sans cesse reporté, etc. etc.

    Finalement donc, fin août 2011, survint l’épilogue de ces 5 années d’étrange "flottement" avec la nomination à la tête du gouvernement du "droitiste sans fard" de toujours du CPN(m), Baburam Bhattarai… et l’annonce de toute une série de mesures signant la liquidation ouverte de la lutte révolutionnaire : remise des clés des containers où le Parti avait consigné ses armes en 2006 sous la supervision de l’ONU (mais en gardant, donc, les clés), fusion-liquidation de l’Armée populaire (jusque-là cantonnée sans armes) dans l’armée réactionnaire "nationale", finalisation de la restitution aux grands propriétaires fonciers des terres confisquées et occupées durant la Guerre populaire (c’était déjà une clause de 2006, dont l’application avait pu "traîner en longueur" ici et là), rapprochement ouvert avec l’État indien qui exerce depuis les années 1950 (pour le compte de l’impérialisme) un protectorat de fait sur le petit royaume himalayen, etc. etc. ; Prachanda dans tout cela (que nous avions pu prendre de manière erronée pour un "centriste" et un "hésitant" au cours des années précédentes) tombant alors le masque et révélant ouvertement sa nature d’opportuniste, de nouvel oligarque et de traître (réunions secrètes avec les services de renseignement indiens etc.).

    La polémique qui s’était quelque peu "endormie" depuis 2006-2007 se ralluma alors avec vigueur, une petite clique internationale autour de pseudo-"maoïstes" bien connus (ultra-gauchistes et dogmato-sectaires alors, devenus ouvertement réactionnaires depuis) bondissant sur la situation pour claironner et éructer "avoir eu raison depuis le début" et utiliser cette "victoire" de leurs analyses comme l’"excipient" idéal pour faire passer toute la "pilule" de leur conception pourrie du monde, de la lutte révolutionnaire et du socialisme/communisme (caractère pourri démontré, répétons-le encore une fois, par leur point de chute ultra-réactionnaire final quelques années plus tard) ; attitude que nous avons fini par qualifier de trotskysme de notre époque pour son caractère délibérément destructif ; ceci alors que d’autres avaient passé toutes ces années en "prise directe" avec la situation d'un maoïsme népalais "homme malade" du MCI (comme chancelant au seuil de ce qui pouvait être la "première révolution communiste du 21e siècle"), informant les masses populaires du monde des avancées et des reculs, des dérives, des luttes de lignes internes et des "portes de sortie" possibles pour les authentiques révolutionnaires de là-bas.

    Tout cela nous a amenés à sortir de notre silence et de la relative attitude – disons-le – de "spectateurs" observée jusque-là, nous contentant de relayer les "dépêches" de divers sites francophones ou anglophones sans réelle analyse, pour nous plonger dans la réflexion et la controverse et apporter notre "petite pierre" à l’édifice de la CONCEPTION COMMUNISTE DU MONDE. Nous n’avons pas peur de dire que des "lignes directrices" très importantes dans notre manière de voir les choses ont vu le jour à cette époque.

    Les articles ci-dessous sont dans l’ordre déchronologique (du dernier – dans le temps – au premier).


    "Red Star" : sur la lutte contre le révisionnisme au Népal


    Sur le site Revolution in South Asia a été publié cet article, ainsi que d'autres, du blog RedStarNepal.com. The Red Star est historiquement l'organe de presse du PC du Népal maoïste [devenu PCNU(m)] mais, jusqu'à présent, il n'avait pas de site internet. Et, bien qu'ouvrant ses colonnes à toutes les lignes (ou "tendances", selon certains) dans un esprit de libéralisme, il semblait plutôt aux mains de la ligne de Prachanda (longtemps "centre louvoyant" du Parti - un coup de barre à droite, un coup de barre à gauche - mais en réalité droite masquée, vraisemblablement la ligne qualifiée de "révisionniste" par le présent article). Mais voilà qu'est né (manifestement fin juin, les plus vieux articles sont du 22/06) ce site intitulé "Red Star", qui semble plutôt refléter la ligne de la "gauche" du Parti, des cadres fortement opposés au cours actuel du tandem Prachanda-Bhattarai. Il ne s'agit pas d'en tirer des conclusions hâtives, mais simplement de constater le fait...

    SLP précise que cet article comporte des phrases incompréhensibles, traduites telles quelles, tant pis...


    Combattre le révisionnisme dans le PCNU-Maoïste 


    Katmandou, 25 septembre.

    Dans la lutte interne au PCNU-Maoïste au Népal, des idées toujours nouvelles et le modèle de la lutte entre deux lignes ont été développés dans le cours de la lutte. De nombreux analystes politiques et autres ont dit que le Parti se divisait et que l'intérêt des réactionnaires serait satisfait.

    Cependant, le combat a développé ses procédures historiquement avancées pour la lutte interne (?). Le Parti a déjà développé quelques idées en créant un authentique forum de discussion et des rassemblements et interactions séparées par les différentes factions idéologiques. C'est le dernier développement, car le révisionnisme et le réformisme ont pris corps au cours de l'exercice du Pouvoir populaire aux niveaux locaux et régionaux de la nation. Nous sommes dans la situation où nous devons évaluer l'histoire du Pouvoir populaire, son exercice, et l'émergence du révisionnisme et du réformisme dans le monde. L'exercice concret a été mis en application au Népal. Le Parti, le PCNU-M, a été divisé en trois factions idéologiques : révolutionnaire, révisionniste (probablement Prachanda NDLR) et réformiste (probablement Bhattarai).

    À présent tout le Parti est dans une intense lutte interne. Il n'est toujours pas décidé qui va gagner. Néanmoins, la ligne révolutionnaire est offensive et combat avec l'aide du peuple, de ses soutiens, de toutes les bonnes volontés et d'une solide équipe à travers tout le pays.


    NDLR : Ce communiqué est une des dernières nouvelles que nous ayons du Népal (il y a 4 jours) ; et elle a l'avantage d'être interne au Parti. Certes, on est très loin des "canons" du maoïsme. On voit là toutes les limites de la gauche révolutionnaire dans le PCNU-M, qui permettent justement à la droite de s'imposer ; et les effets ravageurs de l'esprit de libéralisme entre les lignes qui a dominé le Parti pendant les 5 années de "lutte révolutionnaire légale", "par le Parlement, la rue et le gouvernement" (Sadan, Sadak, Sarkar). Pour autant, que la révolution au Népal ne soit pas liquidée (ou qu'il y ait au moins une résistance à cela, jetant les bases d'un nouveau cycle) regarde non seulement les masses populaires du Népal, mais les révolutionnaires et les masses populaires de toute l'Asie du Sud, de toutes les nations opprimées et, finalement, du monde entier. Il faut donc appuyer de tout notre soutien internationaliste les forces qui s'opposent à la liquidation, car, avec toutes leurs limites, elles sont le germe du renouveau.

    C'est l'occasion pour SLP de présenter son analyse de la situation à la lumière d'un profond réexamen. Ou plutôt d'un "examen" tout court car, à vrai dire, la question du Népal n'avait pas fait l'objet d'une analyse propre à Servir le Peuple. C'est là une entorse au principe directeur de ce média révolutionnaire : "penser avec sa tête", quitte à être totalement hétérodoxe, ne pas s'aligner "bêtement" sur une position internationale. Or, jusqu'à présent, il y a surtout eu de l'information, grâce au grand travail internationaliste de collecte d'info d'un site comme Revolution in South Asia, de collecte et de traduction par les camarades de Nouveau Népal ; assortie de quelques réflexions "à chaud", mais jamais de véritable analyse.

    Il est évident que SLP ne pouvait pas s'aligner sur la ligne gaucho-dogmatique : celle-ci revient à nier l'idée même de tactique ; l'idée même de négociations et d'accords tactiques avec une partie de l'ennemi contre une autre (ennemi principal du moment) ; l'idée que les marxistes doivent "penser avec leur tête" selon la situation concrète, que tout n'a pas été dit et écrit entre le Manifeste de Marx et Engels et l'arrestation de Gonzalo ; l'idée que la Guerre populaire ne se réduit pas à une guérilla armée (ce que récusait déjà Mao) ; l'idée (dans la situation concrète) que dans un contexte où se préparait (puis se déroulait) un grand mouvement populaire contre la dictature royale, donner l'assaut militaire sur Katmandou aurait été une idiotie qui aurait coupé les maoïstes d'une grande partie des masses... Toutes choses étrangères aux conceptions de SLP, pour qui la révolution est quelque chose de plus sérieux et compliqué qu'un wargame en chambre [Nota : cette ligne a désormais le mérite d'être assumée clairement ici : "Cela, c'est clairement la « gauche » dans le mouvement maoïste international. Elle se caractérise par un refus de toute souplesse idéologique, tactique ou stratégique dans le marxisme-léninisme-maoïsme"].

    L'idée (partagée aussi par des gens "bien") que lorsque l'on a atteint un rapport de force donné (on pouvait parler d'équilibre stratégique avancé au Népal début 2006), "temporiser" signifie "toujours" reculer est profondément erronée - pour être exact, profondément mécaniste : c'est faire l'impasse sur la part de VOLONTÉ de la direction du Parti (autrement dit et en dernière analyse, sur la ligne dirigeante de celui-ci) de non seulement "temporiser", mais de ne JAMAIS repasser d'aucune manière à l'offensive au sens révolutionnaire du terme. Lorsque les communistes d'Hô Chi Minh ont accepté la partition du Vietnam en 1954, que le Nord devienne communiste mais que le Sud reste sous la coupe de l'impérialisme (ainsi que le Laos et le Cambodge), ils ont bien temporisé non ? [Mais voilà (et c'est ce qui est déterminant) : l'intention de libérer tout le Vietnam et toute l'ancienne "Indochine" n'a jamais cessé d'être claire et totale... La demi-décennie suivante a été consacrée aux préparatifs (et au renforcement du Nord comme "base rouge"), puis la guérilla a été peu à peu activée dans le Sud (et encouragée au Laos et au Cambodge). On connaît la suite, jusqu'à la glorieuse prise de Saïgon en 1975 - 21 ans après les Accords de Genève qui avaient entériné la partition. C'est donc cette volonté (ou pas) de la direction maoïste de repasser un jour ou l'autre à l'offensive qui devait être questionnée au Népal ; et non le fait de "temporiser" et de s'asseoir à une table de négociations.]

    Mais ce n'était pas une raison pour se contenter de diffuser "bêtement" de l'information assortie de quelques commentaires, sans étude approfondie. Surtout à mesure que grandissaient les interrogations, devant les "tergiversations" du leadership maoïste ; comme par exemple lorsque le Président (Nepali Congress) de la République a fait son coup de force contre Prachanda, refusant (anticonstitutionnellement) le limogeage d'un général réactionnaire : les partis bourgeois étaient alors clairement démasqués, c'était le moment de repasser à l'offensive, et de terminer la révolution. Donc, libre à chacun-e de voir là une autocritique, mais ce n'est pas suffisant : une autocritique n'a de sens que si on la rectifie en pratique.

    Que ressort-il de ce réexamen ? Et bien, il en ressort qu'il faut revenir au principe fondamental maoïste : "la politique au poste de commandement", "c'est l'idéologie qui commande au fusil". Cela rejoint d'ailleurs la critique ci-dessus des gaucho-dogmatiques, qui donnent souvent l'impression d'une sacralisation du fusil. Enfin, pas de tout ce qui porte un fusil (ils analysent les FARC ou encore l'EZLN comme réformisme armé, à raison), mais disons "du fusil maoïste" : maoïste + fusil = révolutionnaire. Plus de fusil = révisionnisme. C'est franchement simpliste.

    Tout cela pour dire, qu'il faut se poser la question de quelle idéologie, quelle vision politique et quels objectifs ont "empoigné le fusil" au Népal en 1996.

    Là, on s'aperçoit que le PCN(m) est né en 1994 d'une fusion de plusieurs Partis marxistes, qui constituaient grosso modo le United National People's Movement ; "3e pôle" (le plus à gauche) du mouvement populaire ayant arraché un Parlement à la monarchie absolutiste, en 1990. Dans le cadre de ce mouvement populaire, et dans les années qui ont suivi, le futur PCN(m) (essentiellement PCN Mashal) a donc mené une lutte d'agitation de masse "classique" et légale. Comme le soulignait Prachanda en 2006, il a eu des représentants au Parlement, fait l'expérience du parlementarisme et du travail (contre la monarchie) avec les partis bourgeois. C'est là une différence fondamentale avec le mouvement ML, puis MLM d'Inde, qui s'est toujours construit dans la guérilla et l'action clandestine, dans l'hostilité de tous les autres partis dont celui-là même dont il est... issu, le PCI "marxiste" (révisionniste ultra).

    En 1994, le PCN(m) voit le jour. Il fait le constat que "tout a changé pour que rien ne change", et prépare la Guerre populaire qui sera déclenchée le 13 février 1996. Oui, mais dans quel objectif ?

    C'est là que l'on peut légitimement se demander si la Guerre populaire a bien été lancée pour une nouvelle démocratie (démocratie par et pour le Peuple, rejet de la tutelle indienne, mais impliquant dans l'infrastructure la liquidation de la féodalité et - au moins - du grand capitalisme lié à l'impérialisme)... ou bien, si elle a été lancée pour l'abolition de la monarchie (République) et la convocation d'une Constituante (pour une nouvelle Constitution "populaire"), éventuellement agrémentée d'un certain nationalisme face à l'Inde, d'un certain fédéralisme par rapport à la grande diversité ethnique du pays, et d'une "réforme agraire scientifique" dont le contenu resterait à déterminer.

    Cela renvoie au récent article théorique Sur le processus révolutionnaire :

    - La Guerre populaire a-t-elle été déclenchée pour changer la forme de gouvernement, la superstructure juridique et un certain nombre de relations sociales archaïques (vis-à-vis des femmes, des basses castes, des minorités ethniques), c'est à dire en définitive une réforme radicale ?

    OU

    - A-t-elle été déclenchée pour le changement de mode de production (en tout cas liquidation de la féodalité et du grand capitalisme interface de l'impérialisme, de la mainmise indienne etc.) : révolution de nouvelle démocratie ?

    Ou encore, la question peut se poser de la manière suivante :

    - la voie bolchévique, c'est à dire maoïste : UNE SEULE Guerre populaire accomplissant les tâches démocratiques puis, sans interruption, jetant les bases de la transition socialiste vers le communisme ;

    OU

    - le voie menchévique : une Guerre populaire pour l'abolition des rapports sociaux les plus archaïques, une démocratie bourgeoise "moderne", des "droits démocratiques pour tou-te-s", et ensuite on verra... ? [Sauf que la classe dominante reste en place, qu'elle n'aura de cesse de reconstruire sa position ébranlée, et de reprendre les concessions accordées !]

    Pour Servir le Peuple, le "revisionnage de tout le film" depuis le début amène à la conclusion que, de manière principale, c'est l'option "République et Constituante" qui a empoigné le fusil au Népal en 1996. SLP ne va pas se faire des amis, mais ce n'est pas nouveau. Le PCN(m) n'a pas pu muter en Parti révisionniste entre 2000 et 2005 : à cette époque, la Guerre populaire avançait triomphante, remportait victoire sur victoire (militaire), contrôlant au bout du compte 80% du pays. Ce n'est pas sur ce terreau que fleurit habituellement le révisionnisme (qui fleurit plutôt sur l'"impossibilité immédiate" de la révolution). C'est donc aux origines qu'il faut revenir : dès le début, la Guerre populaire au Népal a été menée pour l'instauration d'une République (abolition de la monarchie) et la convocation d'une Assemblée constituante pour une "Constitution du Peuple", tout ceci étant conçu comme une "étape indispensable".

    Et ça l'était : comme on l'a déjà dit, la monarchie des Rana était la clé de voûte du système de domination au Népal, rien ne pouvait se faire sans son abolition. Bien sûr, il était possible de mener cette tâche et les suivantes de manière ininterrompue, dans UNE SEULE et même guerre ; mais ce n'est (majoritairement) pas cette conception qui a déclenché la Guerre populaire en 1996 : c'était donc "difficile". La Guerre populaire de 1996-2006 ne pouvait donc être qu'une première Guerre populaire, appelant inévitablement une deuxième.

    C'est désormais celle-ci qui est à l'ordre du jour. Quand ? Avec qui ? L'avenir le dira ; la divination n'est pas dans les dons de SLP.

    Pour faciliter la compréhension des lecteurs/lectrices, un petit tour d'horizon de "qui est qui" dans le PCNU-M :

    - "Biplab" semble représenter ce qu'il y a de plus à "gauche" (de connu, en tout cas). Il critique la "révolution dans la superstructure" (changement de la forme de gouvernement) qu'ont voulu faire Prachanda et Bhattarai. Il évoque clairement la scission : "même si nous n'y allons pas ensemble (avec les réformistes NDLR), la révolution populaire ira jusqu'au bout".

    - Mohan Baidya "Kiran" est un représentant de la gauche, sans doute le plus "important" (il a dirigé le Mashal, prédécesseur du PCN(m), à ses débuts). Mais il semble très "buros", ses méthodes de lutte de lignes sont très bureaucratiques, procédurières : "notes de désaccord", appels à "clarifier" ou "rectifier". Il se caractérise également par un discours très souverainiste vis-à-vis de l'Inde, contre la "sikkimisation" du Népal (annexion pure et simple, comme le royaume du Sikkim en 1975 : il est peu probable que l'Inde aille jusque-là, mais il est clair qu'elle épaule totalement la Réaction locale).

    - CP Gajurel "Gaurav" semble plutôt de "centre-gauche". Il attend de l'actuel gouvernement Bhattarai qu'il "mène le processus de paix et la rédaction de la Constitution à son terme". Mais, dans le même temps, il dénonce la "perte de lien" du Parti avec les masses, et veut relancer le Pouvoir populaire à travers un "Conseil National Populaire Unifié", une sorte de "contre-pouvoir", mais la stratégie est globalement peu lisible. De ses interviews ressort une certaine surprise face aux évènements actuels, qu'il a néanmoins dénoncés vigoureusement.

    - Autre dirigeant important, "Badal" : d'après ce commentaire sur Southasiarev, il envisagerait clairement un "nouveau Parti, une nouvelle Armée populaire et un gouvernement parallèle"...

    Prachanda et Bhattarai, on ne les présente plus. Qu'a-t-il bien pu se passer avec eux ? Et bien, c'est ce que SLP répète inlassablement : outil indispensable à la révolution, le Parti est aussi porteur par nature d'individus qui ne "font la révolution" que pour accéder au "rôle dirigeant" qu'ils estiment leur revenir... Certains vont jusqu'à la révolution (renversement de la classe dominante), mais d'autres (beaucoup), voyant la classe dominante prête à les accueillir en son sein, s'engouffrent dans l'opportunité (on les appelle donc : les opportunistes). Comme on l'a dit, Prachanda et Bhattarai n'ont sans doute déclenché la Guerre populaire en 1996 que pour des objectifs "républicains" et, en 2005, avec la rupture entre le roi et les partis bourgeois, cette "opportunité" s'est ouverte. Ensuite, ils ont mangé au râtelier de la classe dominante, et acquis la conscience de classe qui va avec (c'est la situation matérielle qui détermine la pensée, doit-on le rappeler ?), sachant qu'à la base, ce sont déjà des bourgeois (Bhattarai est un universitaire renommé). Quand aux gauchistes (qui, historiquement, sont "la réponse du berger à la bergère" opportuniste, qu'ils renforcent objectivement), ils ne sont pas faits d'un bois bien différent… Moins brillants peut-être selon les critères dominants : les opportunistes, finalement, réussissent là où ils échouent. C'est la raison pour laquelle, "pris de rage" comme disait Lénine, ils adoptent une posture "ultra-radicale", s'étranglent, éructent... mais c'est au fond la même culture politique et de classe. Face aux opportunistes, les gauchistes se voient tout simplement dans un miroir déformant.


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    Questions-réponses sur la situation au Népal


    Pour aborder un sujet aussi complexe, et important pour le mouvement communiste international, peut-être ne vaut-il rien de mieux qu'un système de questions-réponses...

    Voici donc :


    1. Quels sont les défis à l'ordre du jour pour les maoïstes népalais ? Quels sont les limites, les obstacles ? 

    Les défis ? LE défi, plutôt, est désormais énorme et inévitable. Le PCI(ML) Naxalbari (communiqué traduit récemment ici) parle de "lever le drapeau de la rébellion ouverte contre le quartier-général révisionniste". On ne saurait mieux résumer. Que les révolutionnaires, dans le Parti, soient une majorité ou 10%, la question n'est pas là. La question, au regard des faits et au regard de l'histoire du MCI, est qu'ils ne peuvent plus cohabiter avec Bhattarai, Prachanda et leurs partisans. Il n'est plus possible de mener une lutte de lignes "franche et ouverte", "en toute camaraderie", comme cela s'est fait ces dernières années (mais depuis près d'un an, le ton commençait à monter...). À la rigueur, une dernière lutte interne, de manière très antagonique, peut permettre de "compter ses forces". Mais c'est tout.

    Le PCI(ML) Naxalbari dit que "la première chose qu'ont fait les révisionnistes, c'est de transformer le Parti en forum de discussion inopérant", et c'est malheureusement vrai. Mais aujourd'hui, les révisionnistes en question ne respectent même plus ces règles. Leurs agissements se passent des décisions du Parti. 

    Mais on vient là à LA limite : les moyens, quantitatifs et SURTOUT qualitatifs de lancer ce qu'il faut bien appeler une nouvelle révolution... Ne nous berçons pas d'illusions dans l'immédiat. Comme on vient de le dire, les révisionnistes ont "englué le Parti dans le miel" d'un débat "soft", d'un grand "libéralisme" entre les lignes (globalement trois : la gauche Kiran-Gaurav-Biplab, le centre Prachanda et la droite Bhattarai). Il y a vraiment de quoi questionner la "profondeur" du maoïsme dans le Parti népalais. On a toujours eu l'impression, ces dernières années, d'un débat extrêmement mou, extrêmement interne aussi (laissant à l'écart une grande partie des militant-e-s, et a fortiori le mouvement organisé ouvrier, paysan etc.), avec une recherche permanente du consensus. Alors que les occasions de repasser à l'offensive ont été nombreuses, aussi bien quand Prachanda s'est retrouvé Premier ministre que (surtout !) quand il a démissionné après un coup de force du Président ; ce fonctionnement a toujours laissé la situation "au milieu du gué", à coup de "ne pas se précipiter", "voyons quelles proposition les partis bourgeois peuvent encore accepter", "ils vont bien finir par tomber le masque et nous déclencherons la révolte populaire" etc. Dans la conception maoïste du Parti, quand l'enjeu n'est ni plus ni moins que révolution... ou pas révolution, la lutte de lignes est autrement plus antagonique, il ne peut pas y avoir de consensus, seulement un gagnant et un perdant !

    Tout cela, et je pense que le PCI(ML) le résume assez bien, a amolli la gauche révolutionnaire dans le Parti, "décapité sa force idéologique". C'est assez net, dans les interviews, chez les "vieux" (Kiran, Gaurav) ; les jeunes comme Biplab semblent plus déterminés. Ce dernier, avec un sens très "mao népalais" de la périphrase, va jusqu'à dire que "même si nous ne pouvons pas continuer ensemble, la révolution populaire ira jusqu'au bout" : il est le seul, à ce jour, à sous-entendre la scission. Reste à savoir ce que représente, pour lui, le "bout" de la révolution populaire...

    On a vraiment l'impression d'une grande peur de la rupture (sauf ci-dessus chez Biplab). Il faudrait, c'est très important, savoir combien de militant-e-s et sympathisant-e-s chaque ligne a derrière elle. On peut craindre que s'il y en a trop peu, Kiran et Gaurav n'osent pas la scission minoritaire...

    On voit là un principe essentiel du marxisme-léninisme-maoïsme : ce sont les faiblesses, les limites (dans la conception et dans la pratique) de la GAUCHE révolutionnaire qui permettent le triomphe du révisionnisme, pas la force du révisionnisme lui-même.


    2. Peut-on dire que "nous n'avons rien vu venir" ?

    Non. Pas du tout. Dès 2006, dès 2005 même, quand a germé l'idée d'accord avec les partis bourgeois alors que le roi avait instauré sa dictature personnelle (avec l'Armée royale), l'inquiétude s'est exprimée, l'alerte a été donnée. La "fracture" dans le "MMI" ("mouvement maoïste international") a en réalité porté sur la question d'une critique constructive... ou pas. Pour SLP, mais aussi pour beaucoup d'organisations (SLP n'est pas une organisation), il a été considéré que rejeter immédiatement le PCN(m) tout entier, "de la base au sommet", de "l'extrême-droite" type Bhattarai à l'extrême-gauche type Biplab, dans le 9e cercle de l'Enfer révisionniste ne servirait en rien 1°/ ni les véritables maoïstes révolutionnaires de ce pays, dans le PCN(m) ou en dehors, dans leur résistance à la dérive réformiste, 2°/ ni les masses exploitées du Népal dans leur long chemin d'émancipation, 3°/ ni le Mouvement Communiste International. Bien sûr cela a été qualifié de "centrisme", d'"opportunisme", de "prachandisme" voire de "trotskisme" par les "non-constructifs"... Dont on aimerait bien aujourd'hui, tout à leur "triomphe" d'avoir eu raison, qu'ils nous expliquent en quoi leur attitude a été plus utile, et à la révolution au Népal et au MCI.

    Il faut préciser aussi que, le PCN(m) étant alors membre du MRI et du CCOMPSA, beaucoup de critiques, de demandes d'explications, de rappels "à la raison" se sont faits "en interne" à ces coordinations internationales, et les documents n'ont été rendus publics que beaucoup plus tard. On peut se risquer à dire que la critique violente et ouverte, publique dès le départ, a plutôt été le fait de groupes se sentant "à l'écart" du MRI. D'ailleurs, il a été un temps reproché au RCP-USA (qui "domine" le MRI) d'avoir influencé le PCN(m), avec ses thèses (qui sont effectivement) révisionnistes. Mais ensuite, le RCP-USA a rendu publique une très dure (et précoce) critique du PCN(m)…

    Pour ce qui est d'une juste appréciation de la situation, en temps réel, par les communistes étrangers, il y a plusieurs obstacles majeurs :

    - L'information : elle arrive au compte-goutte. Ce problème m'a été plusieurs fois mentionné, notamment par le Comité de Solidarité Franco-Népalais.

    - De plus, elle provient souvent de la presse BOURGEOISE locale (Himalayan Times, Republica, Nepal Telegraph), qui décrit surtout... ce qu'elle veut bien voir. Le Red Star, l'organe du Parti lui-même, semble quant à lui rapidement tombé aux mains de la droite (avec des publicités pour des voitures japonaises etc.), ce qui est effectivement un sérieux problème quand on connaît l'importance de l'organe de presse dans la conception léniniste. Ceci dit, récemment, des organes de la "gauche révolutionnaire" ont vu le jour sur internet, comme The Next Front.

    - Au niveau des communiqués, des interviews de différents dirigeants... Il faut comprendre une chose : les Népalais, culturellement, sont pudiques et réservés. Leurs déclarations sont donc des sommets de périphrase, d'implicite... il faut vraiment lire entre les lignes. C'est très frappant, quand on étudie en comparaison les déclarations de maoïstes sud-américains, où tout le bestiaire ("rats", "chiens" etc.) y passe pour désigner l'adversaire "déviationniste". Tout cela pour dire qu'il est difficile de savoir où en est l'intensité des affrontements au sein du Parti, les "plans d'action" des uns et des autres.

    - Et puis, on y revient, il y a un certain "culte" de l'interne. Tout a tendance à se régler en interne, dans des réunions entre cadres, et bien sûr nous n'avons les informations qu'une fois que les décisions sont prises, et même déjà en application. Toujours le même problème du manque de mobilisation des masses, au moins des masses "militantes" (communistes, sympathisantes, syndicalistes ouvrières, paysannes et étudiantes), dans la lutte de lignes. Ce n'est pas (que) de l'avenir du Parti qu'il est question, mais du Peuple népalais : il ne peut pas rester éternellement spectateur ! C'est un grand enseignement du maoïsme qui n'est pas appliqué là... Là encore, on peut se poser des questions.


    3. La dérive bourgeoise au Népal est aujourd'hui manifeste, mais, à quand peut-on en faire remonter les racines ?

    C'est une très, très vaste question... Si l'on compare, par exemple, avec l'Inde : les marxistes-léninistes, puis maoïstes indiens se sont toujours construits dans la lutte et la clandestinité. Au cœur de la jungle ou au fin fond des grandes villes, traqués comme du gibier, ils n'ont jamais eu accès à "l'espace démocratique" bourgeois de la "plus grande démocratie du monde"... Quand bien même la plupart des leaders sont des intellectuels de la classe moyenne. Le PC maoïste du Népal, lui, s'est formé en 1994 de la réunion de plusieurs petits partis... parlementaires. Ils avaient participé au jeu parlementaire arraché à la monarchie, par un mouvement populaire, en 1990 (ils avaient bien sûr participé à ce mouvement populaire). Le Parti s'est formé, pour lancer la Guerre populaire deux ans plus tard, sur le constat que la monarchie parlementaire était un vaste foutage de gueule, que "tout avait changé pour que rien ne change" ; constat juste, évidemment. Mais c'est une différence de culture politique énorme.

    Ensuite, quels étaient les buts de la Guerre populaire ? Je me souviens d’une chose avec certitude. C'était fin 2002 ou début 2003, peu avant le début de la guerre en Irak, et à cette époque, j'ai lu quelque part (peut-être dans "Partisan", ou pas, je ne sais plus) qu'il y avait au Népal une guérilla maoïste, et qu'ils luttaient pour l'abolition de la monarchie et la convocation d'une Assemblée constituante. Je suis absolument certain de l'époque. C'était, donc, bien avant Chunwang (novembre 2005), bien avant l'alliance de 2006 avec les "Sept partis" bourgeois, bien avant que (partant de là) tout le monde se mette à hurler à la "trahison" des maos népalais. On peut donc légitimement se demander si, pour au moins une partie du PCN(m) (en tout cas du leadership), la guerre n'a pas été menée, de A à Z, uniquement pour l'instauration d'une République. Prachanda aurait alors parlé de "tactique" parce qu'il pensait à ce moment-là que les "Sept partis" trahiraient l'accord, qu'ils n’accepteraient pas l'abolition de la monarchie et la convocation d'une Constituante, et qu’alors la guerre reprendrait (les maoïstes conservaient les clés des containers d'armes). Mais si l'on arrivait à une République et à un accord sur une Constitution démocratique et fédéraliste, alors... C'est, franchement, quelque chose de très possible. Bien sûr, il y avait sûrement aussi (et il y a sûrement toujours) des éléments menant la Guerre populaire... pour les objectifs d'une Guerre populaire, à savoir la Démocratie Nouvelle.

    Mais voilà. Le ver était dans le fruit. Pourquoi, alors, n’avoir rien dit à l'époque ? Il faut être cohérent et aller au bout de sa logique… Les organisations qui ont commencé, dès le début 2006 voire la fin 2005, à hurler au "révisionnisme", aux "nouveaux Thorez" etc. avaient jusque-là célébré, chanté les louanges de la Guerre populaire au Népal avec une grandiloquence...


    4. Mais alors, on nous l'a faite à l'envers depuis le début ? Nous avons soutenu 10 ans, 15 ans parfois, une mascarade ? Il n'y a rien eu de positif au Népal ?

    Il ne faut pas raisonner comme cela. L'histoire avance en spirale. BIEN SÛR, il faut être absolument clairs là-dessus : il était 100% possible de faire la révolution de démocratie nouvelle, entre 2006 et maintenant. Il était 100% possible, conservant en main les clés des stocks d’armes, d’instituer une situation de DOUBLE POUVOIR (bourgeois réactionnaire, à la rigueur ‘réformiste’, et populaire révolutionnaire) et à la première occasion, par exemple lors du ‘coup de force’ présidentiel contre Prachanda en 2009, de démasquer la classe dominante et la dégager… Malheureusement, les conceptions révolutionnaires à même de faire cela, par leurs faiblesses et leurs erreurs, ont laissé prévaloir les conceptions réformistes, de conciliation avec l’oligarchie. Mais concentrons-nous maintenant sur ce qui est, et non sur ce qui aurait pu être.

    Il faut déjà bien avoir en tête la situation politique, économique et sociale au Népal avant la Guerre populaire. Plaçons-nous en 1989. Politiquement, une monarchie absolue. Comme ici sous l'Ancien régime. Les villes, en peut-être moins surpeuplées : comme en Inde. Tout le monde a vu des reportages là-dessus. Une grande misère côtoyant une grande opulence des nobles, des castes supérieures, des grands bourgeois, le tout dans des rapports sociaux féodaux, où certains "ne se donnent la peine que de naître". Dans les campagnes... le Moyen-Âge. L’État, les infrastructures de base, n'y arrivaient généralement pas. La seule autorité était celle du grand propriétaire local, exerçant une "crainte révérencielle" sur les paysans misérables.

    Dès les années 70, mais surtout à la fin des années 80, il y a eu un grand mouvement "démocratique bourgeois" (seulement dans les villes), pour arracher à la monarchie un Parlement et, au moins, une vie politique... du 20e siècle. Ce qui a été obtenu en 1990. Fin d'un premier cycle. Mais ensuite, le changement politique a été très cosmétique, rien ou presque n'a changé dans les rapports sociaux, et évidemment rien au niveau socio-économique. Donc, constitution du PCN(m), Guerre populaire (1996-2006), nouveau mouvement démocratique (2006), chute de la monarchie, et voilà la République parlementaire bourgeoise que nous avons à présent.

    Tout cela, va-t-on dire, c'est dans la superstructure, ce sont des changements de forme de gouvernement ! En effet. Sur le plan socio-économique, pas grand chose n'a changé, le Népal est toujours dans les 9 "pays moins avancés" (selon les critères de l'ONU) d'Asie. Comme le dit Biplab, "on ne fait pas la révolution à partir de la superstructure", on ne change pas la nature de classe de l’État en changeant simplement la forme des institutions.

    Mais un grand principe du maoïsme, c'est aussi "la politique au poste de commandement". C'est compliqué à comprendre, mais il faut faire l'effort. À un moment donné, pour faire court, un certain système politique est la "clé de voûte" de l'ordre social existant. Il faut le faire sauter. Par exemple, qui imaginerait la Révolution russe sans, d’abord, la chute du Tsar ? Il y a d'abord eu la chute du Tsar, ENSUITE le pouvoir des soviets et la Révolution d'Octobre, et ENSUITE l'instauration d'une économie socialiste. Bien sûr, tout cela est allé très vite, ce qui n'est pas le cas au Népal.

    Inversement, dans le socialisme, transition du capitalisme au communisme, la clé de voûte, c’est le Parti (d’où la citation de Mao : "la politique au poste de commandement"). Si le Parti cesse d’être communiste, de vouloir le communisme, le capitalisme sera rétabli : la bourgeoisie, la contre-révolution mondiale, sait où elle doit taper…

    Au Népal, la clé de voûte, c'était la monarchie. La même classe dominante est toujours au pouvoir, elle tient l'économie, les moyens de production. Sa représentation est essentiellement le Nepali Congress (ensuite, elle s'appuie sur les réformistes de l'UML et bien sûr... du PC maoïste, désormais "unifié" après absorption d'un petit parti révisionniste). Mais elle est ébranlée. Elle a perdu sa clé de voûte. De 1990 à 2005, les partis bourgeois comme le NC et l'UML ont participé au parlementarisme, ont eu des Premiers ministres, sans jamais remettre en cause la monarchie. Même quand le roi (Gyanendra) a instauré sa dictature personnelle, même au plus fort du "Mouvement populaire II" au printemps 2006, même dans les accords qui ont suivi (sous l'égide indienne) il n'a pas été question d'abolir la monarchie. Le mot d'ordre de "République" a germé courant 2006, pour déboucher sur l'Accord de novembre avec les maoïstes. Tout cela, c'est la pression de la Guerre populaire, et de comment sauver sa peau, comment être du "bon côté de la barricade" (la barricade étant alors entre les maoïstes et la dictature monarchique). Les partis bourgeois (et la classe dominante qu'ils représentent) ont sauvé leur peau. Mais affaiblis.

    Même sur le plan socio-économique, n'exagérons pas le "rien". Il y a eu des terres confisquées pendant la Guerre populaire et distribuées aux paysans (il est maintenant question de leur reprendre : comme cela va-t-il se passer ?). Dans les villes, c'est toujours le capitalisme bureaucratique et la sous-traitance de l'Inde (elle-même sous-traitante du monde), mais il y a eu, pendant la Guerre populaire et dans tout le processus jusqu'à maintenant, de grandes grèves générales politiques, de grandes mobilisations etc. Les maoïstes avaient réussi à infiltrer les villes, les syndicats... Et depuis 2006, ils ont eu quartier libre bien sûr.

    Donc voilà : il est totalement ABSURDE de dire que "tout a été liquidé", qu'on en serait revenu à la situation de 1990-94. Quantitativement et qualitativement, la lutte de classe, la lutte pour l'émancipation des classes exploitées, est à un niveau bien supérieur. Fin d'un deuxième cycle.

    Et début d'un troisième ! Celui-ci pourra être extrêmement prolongé, peut-être des décennies... Pour commencer, il faut un nouveau Parti révolutionnaire, car maintenant, à l’ordre du jour, c'est la Révolution de Nouvelle Démocratie ou rien. Cela renvoie à la première question.

    Ensuite, l'histoire peut aussi s'accélérer, notamment en cas de grands succès de la Guerre populaire en Inde. La tutelle indienne est l'autre "clé de voûte" de l'ordre social au Népal. C'était d'ailleurs un autre grand "objectif" de la Guerre populaire : l'indépendance nationale "véritable" ; et celui qui a d'ailleurs été le plus trahi, quand on voit l'attitude du gouvernement Bhattarai en ce moment. Bhattarai est un ami déclaré du gouvernement de New Delhi.

    Dans ce cas, les choses pourraient aller beaucoup plus vite que prévu, on pourrait voir les forces révolutionnaires du Népal se reconstituer sur le modèle de leurs voisins indiens, tandis que les difficultés du gouvernement indien rendraient intenable la position de la classe dominante et des partis bourgeois népalais, qui n'ont désormais plus que cette "clé de voûte" là... Politique-fiction.

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    En manière de conclusion sur la situation au Népal et ses répercussions dans le Mouvement communiste international


    Il ne s'agira pas, ici, de revenir sur les évènements en cours au Népal (d'où ne parvient, à l'heure actuelle, que peu d'information), mais plutôt de s'intéresser aux implications de ces évènements, et de tout le "parcours" du mouvement maoïste népalais depuis 2006, pour les masses exploitées du Népal et aussi pour le Mouvement Communiste International. Car le "cycle" qui se referme est riche d'enseignements, rappelle (aussi) quelques fondamentaux, et DOIT POSER des distinguos et des lignes de démarcations claires. En particulier, tout un courant gaucho-dogmatique international, se réclamant du maoïsme, a dès le début (2005-2006) considéré la situation "pliée" au Népal, et absolument plus digne d'intérêt… tant mieux pour nous, quelque part. Mais voilà qu'il revient à présent à la charge, au lieu de savourer silencieusement sa "victoire" comme les gauchistes savent si bien le faire, quand leurs "prophéties" de "révolution trahie" se réalisent…


    1. Sur l'assimilation ignominieuse des (vrais) maoïstes au trotskysme (par les pseudo-maoïstes gaucho-dogmatiques)

    Depuis la fin de la Guerre populaire népalaise (2006), sur une "capitulation" pour certains, le débat sur la situation a fait rage dans le mouvement maoïste international. Un certain nombre d'organisations rejetant clairement et sans appel le PC maoïste du Népal dans les "poubelles" du révisionnisme et de l'histoire ; d'autres considérant que s'y jouait obligatoirement une lutte de ligne, qu'il y aurait toujours des éléments pour s'opposer (le cas échéant, ça l'est aujourd'hui) à la capitulation, et que le DEVOIR des maoïstes dans le monde était de soutenir les révolutionnaires au Népal, d'avoir toujours un œil attentif sur les processus réels, de ne pas déclarer "mort-née et enterrée" du jour au lendemain la première (potentielle) révolution du 21e siècle. Se voyant, par là, qualifiés de "centristes" dans le meilleur des cas, ou carrément d'"opportunistes"... Le débat a pu présenter des arguments sérieux, pointant parfois à juste titre les illusions des "centristes", illusions qui se révèlent clairement aujourd'hui ; mais il a pu aussi prendre une tournure absolument lamentable, à l'image du sectarisme qui anime certaines "avant-gardes autoproclamées". C'est encore une fois le cas dans un document publié par des tenants de la ligne gaucho-dogmatique, qui aligne les inexactitudes, les contre-vérités, et finalement une vision totalement métaphysique des lignes dans un Parti et de leur lutte... 

    Cela commence (mais on ne fera pas ici un mémoire de "trotskologie") sur une  confusion entre le "droit de tendance" trotskiste et l'"entrisme" dont la théorie est contenue dans le "Programme de transition". C'est inexact et cela renvoie au problème de "connaître l'ennemi". Ce sont deux choses différentes. Le droit de tendance peut être invoqué à l'appui de l'entrisme, certes, mais ce dernier repose principalement sur un (premier) constat d'échec du trotskysme : les PC étant (à l'époque du "Programme") devenus "staliniens", il n'était plus possible (pour les trotskistes) d'y opérer ; il fallait donc "repartir à zéro" et revenir dans les organisations de la social-démocratie (où le droit de tendance est absolu), "comme le POSDR", pour en constituer la "tendance marxiste révolutionnaire" et, à partir de là, reconstituer un nouveau "parti bolchévik". Ce qui est une négation de la nature de la social-démocratie sous l'impérialisme, donc du léninisme. L'enseignement de Lénine est justement qu'à l'époque impérialiste, il n'est pas possible à des communistes révolutionnaires d'opérer au sein d'un parti réformiste : c'est la raison pour laquelle, à partir de 1912, les bolchéviks et les menchéviks forment deux organisations totalement distinctes. Mais bref.

    Le "droit de tendance", lui, n'est pas vraiment une invention trotskiste, mais plutôt un emprunt au "marxisme antiautoritaire" (c’est à dire anti-léniniste) petit-bourgeois, ainsi qu'au conseillisme (qui nie la nécessité du Parti : "tout par les conseils de travailleurs"). Il part du principe que la conception léniniste du Parti (qui a ses limites et que l'on peut repenser, ne soyons pas aveugles) est "autoritaire", "centraliste", "bureaucratique" ; que tout le monde "ne peut pas penser la même chose" et "doit pouvoir s'exprimer". Les trotskistes l'ont adopté pour contester le centralisme du PCbUS, qui les mettait à chaque Congrès en écrasante minorité (de l'ordre de 5% des délégués).

    Le problème du "droit de tendance", c'est essentiellement que :

    1°/ c’est une conception idéaliste, selon laquelle les tendances existent "comme ça", "parce qu'elles le veulent bien", parce que c'est "la liberté d'opinion" (mais bien sûr, on ne peut pas tolérer des réactionnaires dans l'organisation révolutionnaire : donc, où fixer la "limite" ?). Pour les maoïstes, au contraire, les lignes ne sont pas l'expression de la fantaisie des un-e-s et des autres : elles sont le reflet, dans le Parti, des conceptions de classe et de la lutte des classes existant dans la société. Gramsci expliquait déjà, dans les années 20-30, que les classes ne sont pas séparées idéologiquement par des murailles imperméables : les conceptions bourgeoises (qui pourra le nier ?) influencent le prolétariat, mais parfois même les bourgeois "s'ouvrent" (pour sauver leur position) à des conceptions prolétariennes, accordent des "concessions", adoptent une posture "humaniste et sociale" (sans pouvoir toutefois, en tant que classe, aller au-delà : aucune classe ne se "liquide" elle-même).

    2°/ (conséquence de ce qui précède), les "tendances" se VALENT et ont "le droit" d'exister, aucune n'a raison ni tort a priori, elles coexistent pacifiquement et de leur "débat démocratique" naît la position juste à adopter sur le moment. Les trotskystes n'ont souvent que le mot d'"unité" à la bouche (et cela influence, aujourd'hui, des "staliniens"), mais généralement, cela débouche sur une pratique et des résultats réformistes : une partie des trotskystes s'en contente alors (car "les conditions n'étaient pas réunies" pour la fameuse "grève générale révolutionnaire"), l'autre hurle à la "trahison réformiste" et fait scission...

    Pour les maoïstes, au contraire, les lignes existent objectivement (pas par "liberté d'opinion"), et elles reflètent la lutte des classes et des conceptions dans la société, la lutte entre l'ancien et le nouveau, car le Parti est DANS la société, pas dans le ciel des idées. La "droite" (opportuniste, conciliatrice de classes) représente l'influence des conceptions bourgeoises dans le Parti ; la "gauche" représente les conceptions révolutionnaires du prolétariat ; le "centre" représente ceux/celles qui "s'arrêtent à mi-chemin" (souvent par sacralisation de "l'unité des communistes"). La gauche représente le nouveau et la droite l’ancien. À cela s’ajoute la contradiction entre idées justes et idées fausses dans la recherche de la "vérité", de la conception juste du monde. Et la lutte entre les lignes est le moteur de la vie du Parti*. La ligne qui prévaudra décidera si celui-ci va vers la révolution, le socialisme et le communisme ; ou vers le révisionnisme et le réformisme bourgeois (comme "aile gauche" de celui-ci), ou la restauration capitaliste (dans les pays déjà engagés sur la voie du socialisme).

    C'est une différence fondamentale, mais c'est la seule ; il n'y a pas besoin de partir dans un salmigondis métaphysique imbitable comme quoi la "ligne rouge" représente "la vie" et "l'insurrection de la matière", la ligne "noire" représente "la mort" etc. Mais, à vrai dire, même dire cela est inexact. Il n'y a pas de "différence" entre "ligne" et "tendance" : ce sont deux compréhensions de la même chose, mais l'une est petite-bourgeoise, idéaliste et donc erronée. En réalité, les "tendances" N'EXISTENT PAS. Il n'y a que des lignes, qui sont la compréhension JUSTE de cette réalité qu'est l'existence d'opinions différentes dans le Parti révolutionnaire. Ces positions différentes sont des lignes, l'une est juste et les autres fausses, et c'est la ligne juste qui doit l'emporter. Ce qui, parfois, n'est pas le cas, mais nous y reviendrons. Quant au "fractionnisme", il n’est tout simplement que le "retour en force" de la réalité : que les "tendances" sont des lignes, qu’elles sont des positions de classe, des idées justes et des idées fausses, et qu’elles ne sont pas conciliables. La prise de conscience est aussi brutale que cela a été nié, et s’exprime sous forme de "fractions". Un Parti qui a, au contraire, correctement compris le caractère moteur de la lutte de lignes, peut par contre y faire face jusqu’à un certain niveau d’antagonisme.

    En fait, il existe une seule assimilation des "lignes" et des "tendances", de la conception trotskiste (ou "marxiste antiautoritaire") et maoïste du même phénomène : c'est celle des "dogmato-révisionnistes" (type "albanais"), pour qui le Parti doit être "monolithique", imperméable à la lutte entre conceptions de classe dans la société ; le "mal" ne peut venir que de l'extérieur (qui infiltre ses "agents" dans le Parti) ; et toute remise en cause de cela est une "hérésie" absolue. Par ailleurs, le "droit de tendance" trotskiste n'a pas de réelle existence en pratique : il n'y a pas plus monolithique et sectaire qu'une organisation trotskiste "orthodoxe".

    Finalement, l'impression qui se dégage de cette critique gauchiste, c'est que l'histoire en mouvement est un fleuve dans lequel les individus humains se laissent complètement balloter. Les un-e-s représentent le nouveau, les autres l'ancien (et sont condamnés à disparaître, à être liquidés). Il n'y a pas de choix, pas d'évolution possible, pas de dialectique de la "matière humaine". Les maoïstes du Népal, qui auraient eu le tort de "ne pas subir une véritable guerre d'extermination" (ignoble !), sont 100% révisionnistes, il n'y a parmi eux que des "tendances" (pas de lignes) ; ils appartiennent définitivement à l'"ancien". Au milieu de tout cela surnage une poignée d'élus, le "Parti de la Science", qui pourrait, si l'on comprend bien, choisir le sens du courant qui le porte. "Objectivisme" total : l'objectivité de l'existence des lignes est portée à une extrémité gauchiste, où les individus qui composent le Parti n'ont aucun choix, aucun libre-arbitre (dans les limites de "l’empreinte de classe" bien sûr**) pour faire partie de la révolution ou de sa trahison...

    La Guerre populaire, autrement dit la révolution prolétarienne (socialiste ou de démocratie nouvelle selon les pays), est définie comme une "insurrection de la matière" : pas faux, mais simplificateur, "matérialiste métaphysique" et déterministe au possible. La révolution prolétarienne est une insurrection du NIVEAU DES FORCES PRODUCTIVES et de la "CONSCIENCE DE MASSE" générée, contre le mode de production et les relations sociales (juridiques, morales etc.) qu'il induit. À mesure que le temps s'écoule, le niveau des forces productives est en contradiction de plus en plus aiguë et insoutenable avec le mode de production, mais, en définitive, c'est la "conscience collective" générée et sa "pointe avancée", l'idéologie révolutionnaire, qui sont déterminantes. Il y a des "situations objectives" plus favorables que d'autres à la révolution mais, depuis le début du 20e siècle, ce sont les conditions SUBJECTIVES de la révolution prolétarienne qui sont déterminantes (et font souvent défaut). La "matière" ne "s'insurge" pas toute seule. Ce sont les idées, la pensée humaine qu'elle engendre qui font la révolution (et aussi la contre-révolution, idée engendrée par la propriété capitaliste qui fait aussi partie de la matière !). Cette notion d'"insurrection de la matière" dégage un déterminisme "matérialiste" total, qu'on retrouve dans l'idée que "le capitalisme ne pense pas" (c'est bien connu, le capitalisme ce n'est pas des gens, les bourgeois, qui réfléchissent "à l'occasion" sur les moyens de conserver leur position de classe !).

    Mais, parallèlement, surgit parfois au détour du raisonnement un subjectivisme total : ainsi, l'esprit maléfique des trotskystes pourrait donner une réalité aux "tendances", lesquelles N'EXISTENT PAS sinon dans leur compréhension extrêmement petite-bourgeoise du Parti.


    2. DONC, dire qu'il n'existe pas de lignes dans le PC maoïste du Népal est anti-scientifique.

    Ce qui est vrai, en revanche, c'est que la ligne "rouge", la ligne révolutionnaire dans un Parti, peut être défaite. Et, dans la défaite, elle peut aussi dégénérer, se "droitiser" (c'est souvent le cas). Les causes de la défaite de la ligne rouge, qui a été très fréquente au 20e siècle (dans les PC français, italien, soviétique, à vrai dire tous les PC de la première vague révolutionnaire mondiale !), sont à rechercher D'ABORD à l'intérieur de la "ligne rouge" elle-même : c'est la thèse fondamentale du primat des causes internes. Ce n'est pas que "les autres" (révisionnistes, bourgeoisie, impérialisme mondial) ont été "plus forts", mais que les révolutionnaires eux-mêmes étaient limités dans leur conception du monde, du Parti, dans leur stratégie et leurs méthodes pour lutter contre le révisionnisme (= les conceptions bourgeoises au sein du Parti). Stratégie erronée ou (carrément) absente, insuffisance ou absence de mobilisation de masse derrière la ligne révolutionnaire... etc.

    Ce qu'il est (donc) possible de dire, c'est qu'en l'état actuel (2011) des choses, pour les raisons qui précèdent, les révolutionnaires maoïstes (les vrais) du PC népalais ont subi une lourde défaite. Une défaite dont ils ne se relèveront pas avec des "marches aux flambeaux" et autres mobilisations pacifiques, car aujourd'hui, avec le gouvernement Bhattarai et ceux qui, dans le Parti, l'appuient (y compris Prachanda lui-même), ce n'est plus la voie pacifique qui s'impose. Il se peut que les révolutionnaires sincères (Kiran, Gaurav, Biplab etc.) ne le comprennent pas, ou s'y refusent, car il est toujours terrible d'affronter de manière antagonique des gens aux côtés desquels on a lutté pendant des années, parfois toute une vie. Dans ce cas, la révolution démocratique au Népal est MORTE... dans l'immédiat. Car (et c'est là un autre principe maoïste absolu) "ce n'est qu'un détour" !


    3. Quelle est l'analyse correcte sur la situation au Népal ? 

    Nous y arrivons donc. Précision importante : ce qui va suivre n'est pas la position des organisations de la dite "Déclaration du 1er Mai 2011", au rang desquelles le PC maoïste de France, accusées par les ultragauchistes de "soutenir avec des critiques" la ligne et les agissements de Prachanda, ce qui est une autre contre-vérité absolue***. Cette position est celle de SLP et uniquement SLP.

    Pour SLP, donc, il n'y a pas "rien eu" au Népal ces 15 dernières années, et l'on est nullement "revenu à zéro".

    En 2006, les maoïstes du Népal contrôlaient 80% du pays et encerclaient la vallée de Katmandou (la capitale), qu’ils pouvaient d’ailleurs couper complètement du reste du pays (blocage des routes). La prise militaire de la ville (par les maoïstes) était-elle alors possible ? C’est un vaste débat… Elle n'était sans doute pas impossible du fait de l'Armée royale (le moral à terre, parfois plus payée depuis des mois). En revanche, se déroulait dans la capitale un grand mouvement populaire démocratique (bien qu'à direction (100%) bourgeoise) contre la dictature personnelle du roi appuyée sur l’Armée. Dans ce contexte, l’assaut révolutionnaire sur Katmandou aurait-il été judicieux ? Question à jamais sans réponse. La question n’a pas beaucoup eu le temps de se poser, et le fait est que le mouvement populaire a devancé la prise de Katmandou par les maoïstes, conduisant l’autocrate Gyanendra à se retirer dans son palais. Plusieurs mois avant d’être paraphé en bas d’une feuille, l’accord "tactique" des maoïstes avec les partis bourgeois était scellé de facto.

    Globalement, Servir le Peuple tend vers la position des maoïstes du sous-continent indien, membres du CCOMPSA (conférence sous-continentale des organisations maoïstes) comme le PCI(ML) "Naxalbari" : dans la situation objective de 2006, négocier et "composer" avec les partis bourgeois pro-républicains (certains de la dernière heure, mais bon…) n'était pas en soi une marque de révisionnisme le plus infâme, putrescent et tous les épithètes qu'on voudra. Les communistes chinois, dans leur Guerre populaire, ont plus d'une fois "composé" avec les nationalistes du Kuomintang, qui les ont pourtant massacrés en 1927. Pour autant, un certain nombre de positionnements, de la part de la direction népalaise, étaient déjà clairement source de préoccupation ; des "niches à déviation de droite" comme dit le PCI "Naxalbari". C'est bien sûr sur ces niches que sont tombés à bras raccourcis les gaucho-dogmatiques, pour décréter le PCN(m) entièrement et définitivement révisionniste, l'isolant internationalement, ce qui renforce TOUJOURS la droite.

    Ce qui est certain, en revanche, c'est que la "tactique" qui a alors été suivie a été pensée et menée de manière complètement droitière, en partie "grâce" au fait que les principaux chefs de file de la gauche révolutionnaire (Kiran et Gaurav) étaient absents, emprisonnés en Inde. Ont alors prévalu les éternels arguments (car la nouveauté, dans ce qui s'est passé, il faut vraiment la chercher…) : les "conditions pas réunies", l'ennemi "trop puissant", la "conjoncture mondiale défavorable". Autant de faits qu'il ne s'agit pas de nier (quand ils sont réels...), mais qui servent TOUJOURS de prétexte aux éléments (du Parti) les plus imprégnés de conceptions bourgeoises, pour renoncer à l'objectif révolutionnaire et pour se vautrer dans le réformisme (y compris en prétendant que "c'est temporaire").

    Qu'aurait-il fallu faire ? Difficile de prétendre le savoir à des milliers de kilomètres de distance, mais on peut s'inspirer de l'expérience historique du MCI. On peut penser que, dans les conditions spécifiques du Népal, la situation ressemblait un peu à la Russie en 1917 ; qu'il aurait alors fallu 1°/ garder un "minimum vital" d'armes (autrement dit ne pas céder, même si c'était en "loucedé", à l'exigence qui était MANIFESTEMENT celle de la bourgeoisie la plus réactionnaire du pays, type Nepali Congress), 2°/ (surtout) développer et consolider le DOUBLE POUVOIR, le pouvoir rouge des conseils révolutionnaires ouvriers et paysans, contre le pouvoir "démocratique" bourgeois, ce qui a été la condition de la Révolution d'Octobre (qui n'a nullement été un "coup d’État" d'une poignée de bolchéviks !). Comme l'ont montré les élections de 2008 (auxquelles il n'aurait peut-être pas fallu participer, mais le fait est que...), les maoïstes avaient l'appui de 40% de la population, ce qui est absolument considérable, bien au-delà du nécessaire pour une dualité totale du pouvoir dans un pays...

    Avec des armes et un Pouvoir populaire de Nouvelle Démocratie consolidé, il aurait ensuite été possible de repasser à l'offensive, dès que les partis bourgeois auraient révélé leur intention de n'offrir ni la "véritable démocratie", ni la terre ni (donc) le pain aux masses populaires. Mais ce n'est pas ce qui a été fait... Bien au contraire : le "compromis" de 2006 avec les partis bourgeois républicains ("subitement" devenus républicains pour certains) a impliqué la remise et le stockage des armes sous supervision de l'ONU, et la dissolution des organes de Pouvoir populaire établis jusque là. On ne va pas refaire l'histoire...

    La réalité actuelle au Népal est, donc, que la forme du gouvernement a changé (on est passé d'une monarchie très autoritaire à une République bourgeoise) mais que la nature de classe de l’État est restée la même : c'est toujours l’État de la classe dominante, de la bourgeoisie compradore, des propriétaires terriens féodaux, des bureaucrates...

    Mais voilà ! À force de focaliser sur la distinction (correcte) entre "forme du gouvernement" et "nature de classe de l’État", les gauchistes finissent par perdre de vue la force dynamique EXTRAORDINAIRE que possède, pour les masses, la chute d'une "forme de gouvernement" qu'on pensait ancestrale et indéboulonnable.

    La chute du Tsar, en Russie, a été la chute d'une "forme de gouvernement" : sans la révolution bolchévique, il n'y aurait pas eu de changement dans la nature de classe de l’État. Et pourtant, soyons très clairs : sans Février, pas de Révolution d'Octobre. Février 1917 a été deux choses : 1°/ la chute du Tsar comme clé de voûte de la classe dominante ; celle-ci aurait pu y survivre, mais SANS la chute de cette clé de voûte, elle n'aurait jamais pu être renversée ; 2°/ une "force matérielle subjective" immense : la prise de conscience, par les masses, qu'elles "font et peuvent tout". On peut dire exactement la même chose de la chute d'un Ben Ali ou d'un Moubarak, même si, en l'absence d'un Parti révolutionnaire, il n'y aura pas de véritable révolution (renversement de la classe dominante) d'ici 6 mois ou 1 an dans ces pays… On peut même étendre le raisonnement à une période historique beaucoup plus longue : en Chine, sans 1911 (révolution "républicaine" bourgeoise contre l'Empire millénaire), pas de 1949.

    Donc, au Népal, il n'y a pas "rien" eu, même si le verre peut paraître "aux 3/4 vide". La monarchie pluriséculaire a été renversée, par le Peuple et seulement par lui, pas par les partis bourgeois qui, à l'origine, n'avaient même pas pour mot d'ordre la République. Elle était la clé de voûte de la classe dominante, et celle-ci est profondément ébranlée : pour être extrêmement clair, ce sont les révisio-réformistes à la Bhattarai et les fadaises "néo-marxistes" à la Prachanda qui lui sauvent la mise. Les masses populaires, à travers une héroïque Guerre populaire, ont pris conscience d'elles-mêmes et de leur rôle historique. Aux élections de 2008, 40% d'entre elles se sont reconnues dans le maoïsme qui, comme toute idéologie révolutionnaire, était bien sûr déclaré "mort et enterré" au début des années 1990. Les terres expropriées au cours de la Guerre populaire n'ont pas été remises aux anciens propriétaires : c'est aujourd'hui qu'il en est question, mais depuis 5 voire 10 ans les paysans pauvres les occupent et les travaillent, et ce ne sera pas "un plan sans accroc". Qui pourrait prétendre qu'il n'y a "rien eu", qu'on est "revenu à zéro" ?

    Non, dans la longue (et sinueuse) marche des masses prolétaires et paysannes népalaises vers leur émancipation, tout ce qui précède a été une étape de franchie. Pour être exact (car l'histoire avance en spirale, non pas en ligne droite), un CYCLE s'achève. Appelons-le le "cycle prachandiste" (1994-2011). Le précédent cycle fut le "cycle démocratique bourgeois" qui, culminant dans le Mouvement populaire de 1990, amena la monarchie à accepter une forme parlementaire et un "jeu politique" bourgeois. Aujourd'hui, ce "cycle prachandiste" est terminé. La lutte d'émancipation du Peuple népalais est à un point beaucoup plus bas que celui atteint (disons) en 2005, quand la Guerre populaire népalaise battait son plein et faisait vibrer les communistes révolutionnaires du monde entier. Mais est-elle au même niveau qu'en 1994, quand s'est constitué le PC maoïste ? Absolument pas : elle est beaucoup plus HAUT.

    À présent, sur cette base, un nouveau cycle commence. Le nouvel ennemi se nomme République parlementaire bourgeoise ; et non seulement Bhattarai (droitiste de toujours, même au plus fort de la Guerre populaire), mais Prachanda lui-même en font partie. Exactement comme hier, pendant la Guerre populaire, l'ennemi était la monarchie parlementaire dont faisaient partie le Nepali Congress et l'UML... qui avaient, pourtant, lutté avec le Peuple contre l'absolutisme jusqu'en 1990 ! Bien entendu, ce nouveau cycle devra avoir une avant-garde. Il est désormais clair qu’elle ne pourra naître que d’une rupture nette (organisationnelle) avec la ligne de Bhattarai et Prachanda (avec l’apport, éventuellement, de forces d’ores et déjà extérieures au Parti).

    Et tout ce qui précède est valable pour le Mouvement communiste international dans son ensemble, dont les maoïstes népalais ne sont qu'une petite partie, mais qui agit sur le reste comme le reste agit sur elle. Pour le MCI, il y a un "avant" et un "après" ce qui s'est déroulé au Népal depuis le milieu des années 90, et l'on ne se trouve nullement au même point qu'à cette époque. Au niveau du sous-continent indien, c'est même une évidence que seul un imbécile pourrait nier ; et le développement des forces révolutionnaires dans le sous-continent ne pourra pas ne pas renforcer les forces révolutionnaires au Népal (dialectiquement).


    4. Conclusions 

    Si l'on résume les enseignements AUTANT de l'expérience concrète au Népal que de la polémique qui secoue, à son sujet, le MCI depuis 5 ans : 

    1°/ L'idée qu'il n'y a pas de lignes dans un Parti communiste est anti-scientifique. Dans tout Parti communiste il y a des lignes, reflets des différentes conceptions de classe dans la société. Dans le camp du prolétariat organisé s’affrontent des positions plus ou moins influencées par la bourgeoisie ("pas du tout" est-il possible ?), ou prolétariennes. La lutte entre lignes est un processus extrêmement prolongé, qui ne cesse à vrai dire jamais entre la constitution du Parti et, soit la fin de sa nécessité (fin de la transition socialiste, communisme), soit sa transformation totale en Parti bourgeois, ce qui peut prendre des dizaines d’années. En revanche, à un moment donné, il est certain que tout ce qu’il reste à faire aux révolutionnaires est de réunir le maximum de militant-e-s derrière eux et… partir (former une nouvelle organisation). C’est très certainement le cas au Népal : les prochains mois et les prochaines années le démontreront. 

    2°/ La révolution échoue parce que la ligne révolutionnaire est vaincue et supplantée par les opportunistes, les révisionnistes qui sont en définitive des réformistes. L'accouchement du nouveau est par nature difficile (ce dont ne semblent pas du tout avoir conscience certain-e-s communistes ou proclamé-e-s tel-le-s). La ligne révolutionnaire de gauche est vaincue principalement par ses faiblesses internes, et non par des facteurs externes, par la "force" de l'ennemi et de l'ancien. Elle est vaincue par les limites de ses conceptions, et de sa stratégie pour les faire prévaloir et mobiliser les masses sur cette base. Peut être considéré comme facteur interne, le soutien des révolutionnaires communistes à travers le monde : le mouvement communiste international forme un tout, les maoïstes népalais (par exemple) n'en sont qu'une petite 'section locale'. Toute lutte de ligne dans un pays (on l'a bien vu !) s'étend au niveau international : la ligne de gauche a (normalement…) l'appui de la gauche révolutionnaire mondiale, les opportunistes ont l'appui des opportunistes partout dans le monde. Ce soutien peut jouer un rôle très important. La négation de l'existence d'une "ligne rouge" dans le PC maoïste népalais, interdisant (par définition) de soutenir celle-ci, peut être considérée comme une grande limite, erreur et faiblesse de la gauche révolutionnaire du MCI sur les évènements du Népal. 

    3°/ Quoi qu'il en soit, "ce n'est qu'un détour". Les conditions étaient réunies au Népal pour mener à terme la révolution de Nouvelle démocratie (démocratique ininterrompue vers le socialisme et le communisme). Elle n'a pas eu lieu uniquement car, dans le Parti, les erreurs et les faiblesses de la ligne révolutionnaire ont laissé prévaloir les conceptions réformistes de Bhattarai et Prachanda (dans ce dernier cas, sous un masque "tactique"). Mais la roue de l'histoire a tourné. En aucun cas, les masses exploitées du Népal, dans leur perspective d'émancipation, n'en sont revenues au même niveau qu'avant la Guerre populaire. Il n'est nullement question ici de "réformes" qui auraient "amélioré leur condition" (il n'y en a eu pratiquement aucune, l'activité politique s'est concentrée sur la "Constitution", les terres confisquées et données aux paysans l'ont été par la Guerre populaire) ; mais de conscience et d'expérience (de lutte) révolutionnaire, de conscience d'elles-mêmes et de leurs possibilités. Tout ceci est à un niveau bien supérieur à Katmandou même, et sans comparaison dans les campagnes (que le mouvement antimonarchique de 1990, essentiellement urbain, n'avait pas concernées).
    Le Népal a changé. Il faut pourfendre le pessimisme gauchiste (fruit du purisme, du "tout ou rien"), qui veut que quand le verre n'est pas à 100% plein, il est à 100% vide... Il est important de souligner ici que le pessimisme est vraiment le principal fléau qui ronge le mouvement communiste international, depuis au moins les années 80. Il est la source du réformisme, de la conviction qu'il n'est pas possible de faire la révolution, mais seulement d'arracher des "concessions", voire de "sauver ce qui peut l'être" (comme le "modèle social" français de 1945). Mais il est aussi la source du gauchisme, qui est finalement l'incapacité à concevoir le caractère prolongé de la lutte, les détours, les échecs (comme au Népal) et les impossibilités immédiates (aucune organisation communiste arabe ne peut, par exemple, accomplir la révolution démocratique dans son pays en l'état actuel de ses forces, pour autant il n’y a pas "rien" !) ; bref, tous les évènements qui ne procurent pas, au petit-bourgeois "radical", l'"excitation" d'une Guerre populaire impeccable et toute tracée... Dès qu'un évènement ne correspond pas à la "pureté" d'une Guerre populaire avançant inexorable et invincible vers le Pouvoir, alors "tout est fini", "les carottes sont cuites". Il faudrait expliquer, au demeurant, en quoi la situation au Pérou serait un "détour", et pas la situation au Népal ; alors que le mouvement maoïste du Pérou a été beaucoup plus profondément laminé (dans les années 1990 et jusqu’à tout récemment) que celui du Népal depuis 2006, par la ligne opportuniste de droite (LOD) mais aussi par des erreurs de gauche
    Il en va STRICTEMENT de même pour le mouvement communiste international : en aucun cas, il ne se retrouve revenu au même point qu'en 1994. Ne serait-ce que par les enseignements de cette expérience... Mais aussi parce que le "front de la Fin de l'Histoire" a été brisé ; qu'un Parti communiste, maoïste, s'est approché du pouvoir comme jamais depuis des décennies (avant de faillir par le renoncement de sa direction, comme, pourrait-on presque dire, "prise de vertige" devant cette perspective et les nouveaux défis qu'elle aurait ouvert...). 

    4°/ Il est juste et nécessaire de dénoncer la stratégie de Prachanda (car c'en est bien une, et nullement une tactique), au regard de sa FAILLITE DANS LA PRATIQUE. Une base fondamentale du marxisme est que toute théorie, conception, stratégie (et tactique) se vérifie dans la pratique. En l'occurrence, de toute manière, il n'y a rien eu d'autre au Népal que la mutation d'une prétendue "tactique" (de "Front démocratique" contre la dictature militaro-royale), en l'éternelle stratégie de la "voie parlementaire vers la révolution". Rien que de bien "classique", donc.

    Mais il faut ABSOLUMENT refuser, car CATASTROPHIQUE pour l'avenir du MCI, que cette juste dénonciation se transforme :

    - en refus de toute tactique ;

    - en refus de toute application créative du marxisme révolutionnaire de notre époque (le marxisme-léninisme-maoïsme) à la situation concrète dans un pays et à un moment donné.

    Le marxisme est une science jeune (160 ans) et ne peut prétendre faire face, sans "penser avec sa tête", à toutes les situations possibles et imaginables : il ne sera probablement une science complète qu'à la veille du communisme. "Le MLM est scientifique, il ne souffre ni le doute ni la critique" est une position inacceptable pour un marxiste. MAIS, bien entendu, toute tactique adoptée, toute stratégie "adaptée" à la situation concrète, ne se valide que dans la pratique. En prétendant donner à sa "nouvelle voie révolutionnaire" une valeur... universelle (rien que ça !), sans la moindre vérification dans la pratique (bien au contraire), Prachanda n'a pas agi en marxiste (et donc, sa théorie pouvait difficilement l'être).

    Pour autant, si l’on prend la Guerre populaire en Chine (1927-49), ou encore au Vietnam (1945-75), elle a connu une multitude de détours, tactiques et "pauses" qui en feraient sûrement hurler beaucoup au "révisionnisme" aujourd’hui. À noter, aussi, que si l'on défend (et SLP la défend) la tactique des Fronts populaires imposée par l'IC dans les années 1930 (même si l'on peut critiquer, dans beaucoup de pays, une tendance droitière de soumission à la "gauche bourgeoise") ; il faut aller au bout du raisonnement et expliquer en quoi proposer un "Front démocratique" aux partis bourgeois contre une dictature autocratique et militaire serait révisionniste.

    Le problème au Népal n'est pas là ! Le problème, c'est le resurgissement du "vieux spectre" de la "voie démocratique", du passage pacifique et "ininterrompu" d'une réforme démocratique bourgeoise de l’État à une révolution socialiste ou de nouvelle démocratie ; l'idée que l'on peut passer "tranquillement" d’un changement de  forme de gouvernement à un changement de nature de classe de l’État (ce que Biplab appelle "croire qu'on peut faire la révolution à partir de la superstructure").
    5°/ Le débat avec les attaques gauchistes sur la situation au Népal est, à présent, définitivement clos. Laissons-les "savourer" leur "victoire" qui, au final, en est réellement une : car le gauchisme n'a jamais eu d'autre fonction que de nourrir dialectiquement la droite réformiste-opportuniste pour, ensuite, "triompher" lorsque celle-ci triomphe, "comme cela était prévu depuis le départ".

    À l'exact opposé, de leur côté, des dizaines de maoïstes de tous les pays sont allés au Népal, ont "mis les mains dans le cambouis" au cœur du processus réel, avec les tous petits moyens du mouvement communiste international actuel, pour témoigner de leur solidarité internationaliste aux révolutionnaires de ce pays et (juste ça, mais déjà ça) les faire connaître et faire connaître leur lutte, y compris leur lutte de lignes, aux communistes du monde entier. Risquant parfois leur peau, car la situation depuis 2006 a souvent été très tendue...

    À présent, le danger principal sur la question du Népal, dans le MCI, va venir surtout de la DROITE, sous deux formes :

    -> ceux/celles qui soutiendront le gouvernement Bhattarai comme "communiste", comme un "modèle" à l'appui de leur réformisme, de leur "socialisme du 21e siècle" petit-bourgeois ;

    -> ceux/celles qui vont profiter de l'occasion pour déchaîner leurs attaques contre le maoïsme, comme quoi celui-ci serait finalement "incapable" d'apporter autre chose aux Peuples que la démocratie bourgeoise et/ou le "capitalisme à la chinoise", serait finalement antimarxiste, etc.

    Le mouvement communiste a suffisamment d'histoire derrière lui, pour en être certains à 100%. Et puis, allait-on oublier, il y aura bien sûr toutes les attaques anarchistes et semi-anarchistes comme quoi "de toute façon, les marxistes, les léninistes, ne veulent que le pouvoir" et le Népal en serait "encore une fois la preuve". Certes, effectivement, il y a aujourd'hui dans le Parti népalais des éléments, à commencer par Bhattarai et Prachanda, qui n'agissent plus que pour le pouvoir, pour un poste de ministre ou de Premier ministre dans une République bourgeoise d'exploitation. Mais c'est là une des contradictions les plus profondes de la révolution prolétarienne : sans avant-garde organisée, sans PARTI, pas de révolution ; mais en même temps, le Parti, par sa nature même, est un "nid" et un instrument pour des individus qui ne "feraient la révolution" que pour obtenir des postes de pouvoir et des privilèges... C'est d'ailleurs ce qui unit "culturellement", en définitive, opportunistes de droite et dogmato-gauchistes : le fait qu'ils puissent, par exemple, se retrouver pour défendre Kadhafi ou Assad contre leurs peuples, est révélateur d'une "psychologie" parfaitement partagée. C'est pourquoi un enseignement fondamental du maoïsme est, justement, que la transition d'une société réactionnaire (capitaliste, semi-féodale etc.…) vers le communisme n'est pas l'affaire d'UNE révolution (prise de pouvoir par un PC) puis d'un simple "développement socialiste des forces productives" ; mais bien de plusieurs révolutions représentant chacune un saut qualitatif ; en définitive, une SUCCESSION DE CYCLES.

    Les maoïstes qui ont soutenu la révolution et les révolutionnaires népalais doivent maintenant, pour leur part, tirer les leçons de l'expérience, apprendre de leurs erreurs et illusions car, soyons clairs, il y en a évidemment eu. Ils n'ont clairement pas été à la hauteur de la tâche, immense, de sauver (aider les maoïstes locaux à sauver) la révolution ; mais ils ont fait ce qu'il y avait à faire. Ou alors, que les gaucho-dogmatiques démontrent que leur ligne de conduite a été plus utile aux masses du Népal et au MCI...

    Quant aux "principaux" intéressés, ceux dont la "voie originale" n'aura finalement été qu'un "socialisme du 21e siècle" antimarxiste et un "chavisme himalayen" : et bien, ils auront apporté leur "petite pierre" à l'émancipation locale et mondiale des masses dans le sens exposé en 3° ; mais ils ont à présent choisi leur camp et ce n'est pas le nôtre, celui de la révolution mondiale. Exactement comme leurs pareils latino-américains : on observe réellement là une tendance mondiale, la tendance à l'effondrement de tous les "substituts" à la voie révolutionnaire communiste, qui s'étaient imposés face à la faiblesse mondiale du mouvement communiste. Un effondrement qui ouvre d'immenses perspectives, annonçant un nouvel élan pour les masses exploitées du Monde, vers leur émancipation.


    Le combat continue, le communisme est inéluctable.

    dance-for-maoist-revolution-nepal

    [* À ce sujet, lire absolument le très bon exposé du Nouveau PCI : La Huitième ligne de démarcation (chap. 5 La lutte entre deux lignes dans le Parti). Extrait : "Nous communistes nous sommes favorable à la liberté de critique. Tandis que nous sommes opposés à ce que dans le Parti des conceptions et des lignes contradictoires cohabitent et coexistent pacifiquement, sans s’affronter. Donc pas de coexistence de conceptions et de lignes contradictoires, pas d’indifférence aux conceptions : si “chacun pense ce qu’il veut”, il fera aussi ce qu’il veut et il n’y aura aucune discipline organisationnelle. Au contraire, lutte ouverte entre conceptions divergentes pour arriver à l'unité sur les positions révolutionnaires les plus avancées et les plus justes. Le Parti doit promouvoir la confrontation, le débat et la vérification. Une direction qui étouffe les contradictions, qui les craint, qui ne favorise pas le débat et la vérification n'est pas une bonne direction. Mais les contradictions d'idées ne sont pas seulement un moyen pour rechercher la vérité. Elles sont aussi l’expression d'intérêts contradictoires. Les divergences de conceptions et de lignes dans le Parti ne sont pas seulement le résultat de la progression des connaissances (contradiction entre vérité et faux) et du développement de nouvelles situations (contradiction entre nouveau et ancien, entre avancé et arriéré). Elles sont aussi le résultat de la lutte entre la classe ouvrière qui avance vers le socialisme et la bourgeoisie qui cherche à perpétuer le plus longtemps possible son vieux monde. Elles sont le reflet des intérêts antagonistes des deux classes en lutte pour le pouvoir. Les idées sont une arme dans la lutte. Une fois devenues patrimoine des masses, les idées deviennent une forces matérielle qui transforme le monde. Une orientation erronée emmène le Parti communiste à sa défaite. Une orientation juste le mène à la victoire." Et puis, on peut aussi se référer à ce document... de nos "chers" détracteurs eux-mêmes !]

    [** "Dans la société de classes, chaque homme occupe une position de classe déterminée et il n'existe aucune pensée qui ne porte une empreinte de classe" (Mao Zedong, De la pratique, Œuvres choisies) : c’est vrai, mais cela ne doit pas déboucher sur un déterminisme de classe. La ‘science’ c’est bien, la réalité c’est mieux. La réalité, c’est que dans la société il y a d’un côté le prolétariat révolutionnaire, conscient et organisé, avec ses ‘intellectuels organiques’ (Gramsci) qui est le ‘pôle’ du nouveau ; et de l’autre la grande bourgeoisie capitaliste avec ses intellectuels-laquais, de commande, qui est le ‘pôle’ de l’ancien. Et entre ces deux ‘pôles’, les conceptions progressistes/révolutionnaires et réactionnaires s’affrontent dans les masses populaires (90% de la population) y compris l’immense majorité du prolétariat ! Elles s’affrontent jusqu’au sein même de chaque individu, traversé de conceptions contradictoires. La ‘victoire’ du nouveau sur l’ancien chez un individu dépendra évidemment de sa position de classe (en définitive : "qu’ai-je à perdre... ou à gagner (!) à la révolution ?"), mais aussi de la force relative de chaque ‘pôle’ de conceptions (hégémonie intellectuelle, toujours Gramsci) et de multiples facteurs du parcours, du vécu personnel du chaque individu… Et surtout, cette victoire n’est jamais irréversible ! C’est ce qu’il faut comprendre par ‘libre-arbitre’ (car à un moment donné, sans la volonté de l’individu ‘paramétrée’ par tous ces facteurs, rien ne peut se faire…). L'on pourrait même aller plus loin, jusqu'à dire que le nouveau et l'ancien ressortent d'encore plus objectif que cela, qu'ils ne 'naissent' d'aucun cerveau humain ni 'cerveau collectif' de groupe ou de classe : ils naissent à travers des cerveaux humains, (d'un côté) du caractère social de la production, avec tous les rapports sociaux que celui-ci sous-tend, et (de l'autre) de la propriété privée de moyens de production et de l'appropriation privée (inégalitaire) du produit (avec là encore tous les rapports sociaux sous-tendus). Entre ces deux 'pôles', il y a des facteurs déterminants comme, bien sûr, la position dans les rapports de production (si ces rapports deviennent égalitaire, qu'ai-je à y perdre, qu'ai-je à y gagner ?) et dans les autres rapports sociaux (homme ou femme ou homosexuel-le dans une société patriarcale, 'blanc' ou 'de couleur' dans une société 'racialisée') ; mais personne n'est 'prédéterminé', 'prédestiné' diraient les calvinistes, ni à sa naissance ni à aucun instant de son existence, de finir sa vie dans l'un ou l'autre camp. Un communiste comme Doriot n'a-t-il pas fini en pro-nazi ultra ? Le vaincu de Stalingrad, von Paulus, ne termina-t-il pas... au service de la RDA socialiste ? À chaque instant, des milliers de facteurs, 'impulsés' par l'activité contradictoire des deux 'pôles', 'bombardent' l'individu et déterminent son comportement à l'instant d'après !]

    [*** Dès la réunion de Chunwang (2005), prélude aux Accords de 2006, toutes les organisations (alors existantes) de la dite "Déclaration du 1er Mai 2011" ont exprimé leurs critiques, leurs inquiétudes et leur perplexité envers la ligne (du PCN-m) d'alliance antimonarchique avec les partis "démocratiques" bourgeois. Elles ont toutefois préféré appuyer les forces réellement révolutionnaires du Népal, à l'intérieur du PC maoïste voire à l'extérieur, plutôt que de "trasher" le Parti dans son ensemble. Les "centristes" et "opportunistes" (pour les gaucho-dogmatiques) doivent sortir de la position d’accusés : c’est à ceux/celles qui ont adopté la ligne gauchiste de démontrer qu'elle a mieux servi le Peuple népalais, le mouvement révolutionnaire de ce pays et le Mouvement Communiste international ! Un simple constat de fait, qui s'impose, est que la liquidation a été longue et chaotique (5 ans), alors qu'elle aurait été possible dès le début (avançant de 5 ans le "triomphe" des ultragauchistes).]

     


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  •  1ère partie

    Passons maintenant à l'étape suivante : la transition depuis l'ordre social renversé (capitaliste, semi-colonial semi-féodal...) vers le communisme. Une fois que la classe dominante a été chassée du pouvoir d’État, la lutte se poursuit, si l'on peut dire, "à fronts renversés".
    Car la lutte des classes se poursuit. À vrai dire, elle ne cessera réellement que sous le COMMUNISME, lorsque toutes les classes auront définitivement disparu, lorsqu'auront disparu toutes les "fonctions sociales", toutes les divisions du travail pouvant potentiellement constituer des classes (tout être humain sera alors totalement polyvalent, à la fois intellectuel et manuel, à la fois savant, ingénieur, technicien, artiste et ouvrier...). C'est là le grand enseignement des premières expériences socialistes, au siècle dernier.

    À ce sujet, il faut lire absolument :

    - Nicola P. (nouveau PCI), La Huitième Ligne de Démarcation, chap. 3 La lutte de classe dans la société socialiste ;

    - l'article du PCR Canada pour le 50e anniversaire de la Révolution chinoise (extrêmement instructif sur la lutte des classes dans la Chine populaire de Mao, jusqu'à sa mort et à la restauration capitaliste qui a suivi) ;

    - le texte du TKP/ML : On ne peut pas être communiste sans défendre le maoïsme ; qui aborde également de manière très intéressante la question de la transition socialiste, sur la base des expériences du 20e siècle (on est alors en pleine "Fin de l'Histoire", au début des années 1990).

    - la revue Cause du Communisme de l'OCML-VP, n°1 et 2 (datant du début des années 1980).

    Ce qu'il faut bien comprendre et intégrer, et qui est une grande leçon du 20e siècle, c'est que le socialisme est bien une transition, un mouvement historique de la société humaine vers le communisme. Il n'est pas vraiment, en lui-même, un mode de production ni un ordre social strictement défini de manière figée.

    C'est une période historique qui peut s'étendre sur plusieurs générations, voire plusieurs siècles, dans laquelle un se divise perpétuellement en deux : les forces qui veulent avancer vers le communisme ; et celles qui veulent retourner au capitalisme, ou simplement s'arrêter là où l'on est, mais là aussi, cela revient à retourner en arrière : "c'est reculer que d'être stationnaire". Ces forces doivent être soit convaincues (la contradiction peut être non-antagonique, au sein du peuple), par le débat démocratique franc et ouvert, l'expérience pratique et la vérification ; soit neutralisées ; soit mises hors d'état de nuire (partisans de la restauration capitaliste ou du statu quo devenant ennemis du peuple).
    La réalité, et c'est le grand apport du maoïsme à la théorie scientifique du prolétariat, c'est qu'il faudra d'autres révolutions, de nouvelles révolutions contre les forces qui, à chaque moment crucial de la transition, au moment d'effectuer un saut qualitatif, voudront revenir en arrière. L'expérience concrète de cela est la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP, 1966-76), qui est le fondement pratique du maoïsme et non une simple "lutte anti-révisionniste" comme voudraient le faire croire les dogmato-ossifiés (en affrontant le révisionnisme, Mao n'a pas fait que cela : il a dépassé qualitativement le marxisme-léninisme de Lénine et Staline). On ne peut pas être maoïste sans défendre (et comprendre !) la gigantesque signification historique de la GRCP. C'est une ligne de démarcation absolue (il y a, par ailleurs, des groupuscules qui disent s'en réclamer mais qui n'y ont strictement rien compris ; ils n'en font là encore - au final - qu'un "anti-khrouchtchévisme", un "stalinisme radical"). La meilleure compréhension de cette expérience historique, en langue française, est celle du PCR Canada (cf. ci-dessus). 

    D'où viennent ces forces qui veulent revenir en arrière, liquider la révolution ? Là encore, la réponse est un grand apport scientifique du maoïsme. Le marxisme-léninisme de Lénine/Staline considérait que la superstructure présente (les idées, les rapports juridiques écrits et les normes non-écrites, les "normes culturelles interhumaines") ne pouvait que ressortir automatiquement de l'infrastructure présente (le mode de production). Donc, si l'économie entière avait été socialisée, s'il ne restait "plus de classes" (dixit Staline en 1935) puisque plus de propriété privée (capitaliste) des moyens de productions, alors très rapidement une nouvelle culture, de nouvelles relations sociales, se formeraient sur cette base, et se développeraient à mesure que l'on développerait les FORCES PRODUCTIVES. Les seules forces contre-révolutionnaires ne pouvaient qu'être soit des éléments des anciennes classes dominantes complotant et sabotant contre la révolution, soit des agents de la Réaction mondiale (des pays étrangers anticommunistes).

    Mais la réalité a démenti cette idée fausse. La réalité, c'est que c'est au sein même du Parti et de l'appareil administratif (notamment répressif), parmi les plus zélés "serviteurs" de la révolution soviétique, que s'est développée une caste de privilégié-e-s, d'"experts", de "techniciens", de "spécialistes" qui, dès la disparition (au tournant du siècle) de la "vieille garde" qui avait combattu le tsarisme, dont Staline lui-même (1953), a remis l'URSS sur la voie du capitalisme. Alors que des milliers d'"ennemis du peuple" avaient été fusillés (notamment en 1937-38, en confondant souvent contradictions au sein du peuple et contradictions avec l'ennemi, ce que Mao critiquera), c'est du cœur même du Parti qu'ont surgi les liquidateurs !!! Staline lui-même en prendra conscience peu avant sa mort... mais il était trop tard ; sa proclamation, dès 1934, de la "fin de la bourgeoisie et de la lutte des classes en URSS", suivie des "purges" frénétiques contre les "agents contre-révolutionnaires" (1937-38), puis des nécessités "patriotiques" de la résistance face à l'invasion nazie, n'ayant pas été pour rien dans le développement fulgurant du phénomène.

    Le maoïsme a totalement dépassé par la gauche ces conceptions erronées. Bien sûr, la Réaction extérieure est un facteur important : les Chinois étaient bien placés pour le savoir, eux qui avaient contre eux à la fois l'Occident impérialiste (à la tête duquel les USA) et le révisionnisme soviétique... Chacun appuyant à sa manière la contre-révolution dans le pays. De même pour les résidus des anciennes classes exploiteuses. Mais voilà, Mao a aussi compris que l'ancienne infrastructure, les anciens modes et rapports de productions (capitalistes et féodaux) avaient produit des idées, des conceptions qui continuaient à "flotter dans l'air" pendant parfois plusieurs générations, comme la fumée lorsqu'on éteint un feu. Qui n'a pas entendu, dans ses conversations au quotidien, "mais de toute façon, le communisme, ça ne peut pas marcher, il y en aura toujours pour se mettre au-dessus des autres, c'est la nature humaine" ? Et bien, c'est exactement de cela qu'il s'agit (dans une vision idéaliste, où il y aurait une "nature humaine" transcendante et immuable). Ces conceptions anciennes, lorsqu'elles se matérialisent dans des individus agissants qui se regroupent pour agir, deviennent une force matérielle qui va ralentir, arrêter, voire inverser la transition vers le communisme. C'est là l'aspect principal de la contre-révolution sous la transition socialiste (primat des causes internes), et c'est ce qui s'est produit en URSS. La matérialisation la plus redoutable, et déterminante, est la matérialisation de ces conceptions contre-révolutionnaires au sein du Parti et surtout à sa tête : car le Parti est la "clé de voûte" de la transition socialiste vers le communisme ; s'il "saute" en changeant de nature (devenant réactionnaire), tout s'effondre, on revient en arrière. D'où le mot d'ordre maoïste "Feu sur le Quartier Général !" : les ennemis les plus dangereux, pour l'avenir communiste des masses populaires, sont ceux qui se nichent au sommet même du Parti.

    Il ne suffit donc pas que le Parti révolutionnaire du prolétariat renverse l'ancienne classe dominante et dirige l'État. Même, comme le préconise Lénine, en détruisant profondément l'État de l'ancienne classe dominante et en construisant le sien à la place. Il ne suffit pas de placer toute l'économie, jusqu'à la plus petite baraque à sandwiches, sous la propriété de cet État du prolétariat et de son Parti ; et ensuite, tranquillement, de "développer les forces productives" ; pour que se construise une "civilisation socialiste" puis "communiste". Il faudra de nouvelles révolutions. Pour ainsi dire, chaque "grand bond en avant" vers une société communiste, débarrassée de toute division du travail et inégalité, devra passer par une élimination, de tout poste à responsabilité, des adversaires de cette progression (c'est sans doute ce qui a fait défaut au "Grand Bond" en Chine, vraisemblablement saboté par les néo-bourgeois).

    SLP ajouterait que ce type d'individus (les néo-bourgeois) peut déjà s'entrevoir en puissance dans les organisations révolutionnaires (ou prétendues telles) bien avant la conquête du pouvoir, dans la lutte révolutionnaire pour celle-ci. On retrouve cette engeance aussi bien chez les opportunistes de droite (prêts à tous les compromis avec la "gauche" de la bourgeoisie) que chez les "maximalistes ultra-radicaux" dogmatiques et/ou aventuristes, qui se rêvent en "grands leaders". Cela dit, lorsqu'elle est trop "ouverte" avant la révolution, cette tendance échoue à l'accomplir : les opportunistes vont s'échouer sur les bancs parlementaires ou les strapontins ministériels (indemnités coquettes à la clé) ; les "ultra-radicaux" (ne voyant pas la révolution "parfaite", c'est à dire sous leur guidance lumineuse, arriver) se reconvertissent quant à eux de diverses manières, dont l'ancienne cupule dirigeante de la Gauche prolétarienne présente un éventail à peu près complet... En revanche, des éléments plus "discrets" peuvent parvenir à se faufiler jusqu'au renversement de la bourgeoisie, pour ensuite prendre sa place (donnant hélas raison à la boutade de Coluche : "le capitalisme c'est l'exploitation de l'homme par l'homme, le communisme c'est le contraire"...). Et puis, tout simplement, il y a des individus "sains" à la base, qui mutent en se retrouvant à des postes de responsabilité procurant un certain confort matériel et un "sentiment d'importance" : les vieilles conceptions s'imprègnent en eux, sous la forme d'un "et pourquoi pas devenir des bourgeois... tout simplement ?" ; et deviennent ainsi une force matérielle de la contre-révolution. Car malheureusement, la révolution n'a pas de baguette magique, et ne peut pas supprimer en quelques jours ni en quelques années toute division sociale héritée de siècles et de siècles de société de classe : entre intellectuels et manuels, décideurs et exécutants, dirigeants et dirigés. 

    Comment faire alors ? Et bien, heureusement, l'expérience (y compris négative) du mouvement communiste et des premières révolutions prolétariennes au 20e siècle permet, si on la systématise à un niveau scientifique, de développer des méthodes de lutte efficaces contre cela.

    On peut ainsi lancer des pistes de réflexions vers un renforcement du pouvoir des conseils de travailleurs/euses, au niveau des unités productives comme des zones d'habitation ; être extrêmement vigilant-e-s sur le caractère impératif du mandat et sa révocabilité à tout moment... Ceci d'autant plus facilement que le prolétariat et les masses travailleuses, au niveau mondial, ont vu leur niveau de conscience s'élever considérablement (en même temps que le niveau des forces productives, des moyens d'information et de communication etc.) depuis l'époque léniniste. Les bolchéviks d'URSS, ne l'oublions pas, "guidaient" vers le socialisme et le communisme des masses paysannes ou sorties récemment des campagnes, largement analphabètes, imprégnées de superstitions religieuses, de culture féodale etc.

    Ces pratiques peuvent, doivent d’ailleurs être mises en œuvre dès à présent, alors que nous sommes encore loin de notre premier (essentiel, mais seulement premier…) objectif : la conquête du pouvoir. Culture égalitariste intransigeante dans l’organisation ; "génie du collectif" contre chefs de file charismatiques qui s’imposent "tranquillement" appuyés sur la passivité des autres ; rejet du bureaucratisme ou (pire encore) du "gourouïsme", etc.

    Un grand enseignement de la Révolution chinoise, en particulier de la Révolution culturelle, est que la division entre dirigeants et dirigés, entre "sachants" et "exécutants", doit être combattue sans relâche et de manière permanente. Les "cadres" doivent devenir "experts et rouges", s'élever politiquement et culturellement par la participation physique au travail productif, "mettre les mains dans le cambouis", SERVIR LE PEUPLE ; tandis que, de leur côté, les travailleurs productifs (ouvriers, paysans et autres travailleurs manuels et "petites mains") doivent avoir l'accès le plus large, dans une politique volontariste, au connaissances scientifiques, techniques, économiques et bien sûr politiques (qui fondent le Parti et que celui-ci ne doit pas garder pour lui, comme "capital" d'une élite...).

    Une idée-force qui émerge aussi, en particulier depuis la fin des années 1980 (dans un contexte de bilan de l’expérience révolutionnaire communiste au 20e siècle), notamment dans le texte du TKP/ML mais aussi dans le Manifeste du (nouveau) PCI, c’est que le Parti ne doit pas prétendre à une direction "totale" ("totalitaire", diraient les anticommunistes) de la société durant la transition socialiste ; perdant une énergie considérable à traiter d’absolument toutes les questions, ce qui conduit au bureaucratisme et au technocratisme. Il ne doit pas faire la révolution par en haut. Il doit, plutôt, être un instrument et une "force stimulante" de la mobilisation des masses dans la transformation (socialiste) de la société de classes en société communiste. Il doit mobiliser les masses dans ce qui est, il ne faut pas l’oublier, LEUR destinée. Les communistes ne doivent jamais oublier que ce sont les masses qui font l’histoire. Voici ce que dit notamment le TKP/ML : "Si une ligne n'amène pas une société au communisme, si elle n'amène pas à avoir la capacité de résoudre les contradictions existantes en faveur des travailleurs, si elle ne minimise pas le besoin de l'État et du Parti afin que les travailleurs deviennent les maîtres, et si elle n'est pas capable de distribuer le pouvoir dans la société sur la route vers le communisme, alors il y a un problème. Être au pouvoir est un instrument pour mobiliser les masses travailleuses vers le communisme. Ici l'importance de la question de la "révolution socialiste" devient plus apparente. Le pouvoir prolétaire n'est pas le monopole du Parti, il est la force guidant par la gestion de la direction du Parti, et c'est le soutien de ce pouvoir par les masses travailleuses. Les travailleurs ne peuvent pas être privés du contrôle de la société, du droit à se révolter contre l'injustice, quel qu'en soit le prétexte ; ils ne peuvent pas être privés de leur droit à la continuation de la révolution".

    Ou encore : "La direction ne peut pas être vue comme supérieure aux autres, la direction est la capacité à être l'instrument qui amène la révolution, elle doit être au service des masses et transformer celles-ci en direction. Ce n'est jamais malgré les masses ; la direction doit satisfaire l'attraction des masses dans la lutte politique".

    Là réside, peut-être, le SECRET de la grande défaite stratégique mondiale subie dans le dernier quart du 20e siècle. NULLE PART le capitalisme n’a été restauré autrement que par une volonté venant de l’intérieur du Parti, des contre-révolutionnaires ayant pris sa direction : c’est le premier primat des causes internes ; c’est de la faillite du Parti, dans la voie de la révolution, que vient toujours la restauration. Mais au sein même du Parti, il y a un deuxième primat des causes internes : ce sont les faiblesses de la gauche, de la ligne rouge, tournée vers le communisme, qui permettent la victoire de la droite, la ligne noire tournée vers le capitalisme, les néo-bourgeois. Et cette faiblesse a sans doute sa source première dans le défaut, ou l’insuffisance de mobilisation révolutionnaire des masses… 

    Tout ceci, que cela soit bien précisé, n’est seulement que des PISTES ; mais qui méritent qu’on y réfléchisse, afin de renforcer pour l’avenir le mouvement communiste et sa mission émancipatrice pour l’humanité entière…


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    Sur le même sujet, et bien que nous ne soyons pas à 100% sur cette ligne, il peut être intéressant de relire ces brochures de l'OCML-VP du début des années 1980 :

    La théorie des forces productives à la base du révisionnisme moderne (1980)

    Sur l’État de dictature du prolétariat (1982)

    Sur la transition du capitalisme au communisme (1984)

     


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  • Cette étude théorique porte sur les mécanismes et le processus par lesquels les masses exploitées, au cœur et à la tête desquelles le prolétariat et son avant-garde organisée, le Parti, se lancent "à l’assaut du ciel" vers une société sans classes ni exploitation, le communisme. Elle vise, encore une fois, à élever de manière pédagogique le niveau de conscience communiste dans les masses, et à servir la construction du Parti révolutionnaire dont celles-ci ont (de plus en plus désespérément) besoin. 

    Pour commencer, penchons nous sur la question la plus importante : comment naît, comment se construit un processus révolutionnaire ? Si l'on entend, ici, par processus révolutionnaire le chemin qui mène de la première "prise de conscience" par les exploité-e-s de leur condition, à la fin de toute exploitation, la société COMMUNISTE... Est-ce le produit d'une idée, de la "force d'une conviction collective" ? Ou est-ce, au contraire, le produit de la réalité matérielle, qui a un moment "doit" passer à un niveau supérieur : une "insurrection de la matière" ?

    Et bien, c'est les deux et aucun des deux (seuls) en même temps. La matière et "l'idée" sont dans une relation DIALECTIQUE, un "ping-pong" où la réalité matérielle engendre une "idée" qui va ensuite "prendre corps" matériellement, créant une réalité matérielle nouvelle. 

    A la base est la matière (matérialisme). A la base est la réalité matérielle. Toute réalité est traversée, et mue (animée, en mouvement), par un ensemble de contradictions ; mais l'une de ces contradictions est toujours fondamentale. Dans la réalité matérielle que l'on nomme "capitalisme", la contradiction fondamentale est celle entre 1/ le caractère social de la production, le caractère social des forces productives et le niveau atteint par celles-ci et 2/ l'appropriation privée, capitaliste, de la valeur (la richesse, si l'on préfère) créée par la production. Cette appropriation privée est source d'une concurrence (entre entreprises, entre États bourgeois) qui crée, au niveau mondial, un ordre des choses chaotique.

    Dans les pays dits "dominés" (c'est la définition la plus simple et la plus englobante), la situation est plus compliquée, et se juxtaposent plusieurs grandes contradictions : 1. dans l'essentiel de ces pays subsistent encore des rapports sociaux marqués par la féodalité (bien que très différents - sauf peut-être dans quelques régions particulièrement reculées - de l'Europe du Moyen Âge ; plutôt semblables - en fait - aux 18e-19e siècles : on parle de semi-féodalité).  Il y a donc la contradiction fondamentale de la féodalité, entre propriété utile des moyens de production (par le producteur) et propriété éminente (par l'autorité "supérieure"). Mohamed Bouazizi, le martyr de Sidi Bouzid, n'était pas un ouvrier salarié : il était vendeur de légumes à son propre compte. Il a été victime d'une tentative policière de prélever un "impôt" de type féodal sur son activité, sous peine de confiscation de toute sa marchandise et son matériel. On a là un exemple des rapports sociaux semi-féodaux en Tunisie. 2. il y a bien sûr une économie capitaliste, et donc la contradiction fondamentale du capitalisme. 3. il y a la domination impérialiste, et donc une contradiction fondamentale entre le caractère national de la production et la (sur-)appropriation impérialiste (étrangère) de la richesse produite. L'un des plus grands débats, dans le mouvement communiste, a été de savoir laquelle de ces trois contradiction était la principale. La réponse la plus probable est que cela dépend des endroits (pas seulement des pays : des endroits) et des moments... Seule la révolution de nouvelle démocratie (populaire - démocratique - anti-impérialiste), sous l'avant-garde du Parti du prolétariat, peut résoudre les trois contradictions à la fois... sans quoi, aucune n'est réellement résolue. Car les trois sont intimement liées. 

    D'une manière générale, le capitalisme, comme tout mode de production, génère un certain niveau de FORCES PRODUCTIVES. Celui-ci génère à son tour une "conscience collective" dans les masses populaires, qui correspond à ce niveau. Cette conscience collective va se heurter au mode de production ou plutôt, aux RAPPORTS SOCIAUX qu'il induit, selon sa conception du monde, et qui sont généralement "en retard". Le meilleur exemple est ce qui s'est produit dans les pays occidentaux entre 1965 et 1980, avec une gigantesque "agitation sociale et démocratique", principalement de la jeune génération (née vers 1945-50), contre des rapports sociaux qui restaient "pré-1945". Il n'y a pas eu de renversement révolutionnaire du capitalisme car celui-ci a réussi à s'adapter, à se moderniser (nous y reviendrons). L'autre situation étant bien sûr que le capitalisme, en crise généralisée, ne parvienne plus à apporter aux masses les conditions minimales nécessaires à leur existence. Comme cela survient généralement après une grande élévation du niveau des forces productives, du niveau de vie et de la conscience liée, la situation peut devenir explosive (mais aussi être "captée", détournée dans la mobilisation réactionnaire de masse : le fascisme ; nous y reviendrons). 

    De la situation matérielle, donc, naît la pensée. Du capitalisme, comme de tout mode de production fondé sur l'exploitation, naît d'abord "l'idée révolutionnaire" : l'idée d'en finir avec "ce qui cause nos misères". Celle-ci se matérialise dans un mouvement de masse contre l'ordre existant. Mais, spontanément, ce mouvement de masse ne peut pas aller au-delà du réformisme, d'arracher des "conquêtes" démocratiques et sociales (comme celles qui ont permis au capitalisme de s'adapter face au mouvement de masse de 1965-80).

    Cependant, dans le feu du mouvement de masse, chez une partie des individus qui le composent, naît "l'idée communiste". C'est un saut qualitatif gigantesque : on ne sait plus seulement CONTRE quoi on lutte, mais POUR quoi. Cette partie des masses populaires est très majoritairement constituée par le prolétariat : celui-ci est la seule classe révolutionnaire jusqu'au bout, car il n'a "rien à perdre que ses chaînes" ; d'autre part, il est au cœur du caractère social de la production et a donc une idée très précise de ce POUR quoi il lutte : le SOCIALISME.

    Cette "idée communiste" se matérialise dans le PARTI, qui lui donne un caractère SCIENTIFIQUE. 

    Instrument de la science communiste sur la matière, le Parti va alors mener une longue lutte pour renverser la classe dominante et, de là, transformer la réalité matérielle capitaliste en réalité COMMUNISTE, à travers un long processus qui est le SOCIALISME.

    Voyons maintenant quels types de "chemins" peut prendre ce processus révolutionnaire vers le communisme. 

    La première étape est  le renversement de la classe dominante. Mais pour commencer, il faut établir une distinction claire entre changement de la forme de gouvernement (en définitive : réforme), et renversement de la classe dominante (révolution). Dans notre État bourgeois, la France, la classe dominante est la même depuis 1789 : la bourgeoisie. Celle-ci existait bien avant (depuis le 12e voire le 11e siècle), s'était ménagée un "espace vital" assez conséquent, mais n'était pas la classe dominante, car pesait sur elle la propriété éminente féodale. Celle-ci fut supprimée dans la nuit du 4 août 1789 (abolition des privilèges). Depuis, de nombreuses formes de gouvernement se sont succédées, mais l'État comme instrument de classe est toujours celui consolidé par Napoléon autour de 1800. Il s'est simplement adapté, au fil du temps, au niveau des forces productives par une sorte de "va-et-vient" entre mouvement de masse (pour mettre les rapports sociaux au niveau des forces productives et de la conscience engendrée) et contre-offensive réactionnaire (pour maintenir la position de la classe dominante). Lorsque seule la forme de gouvernement change, c'est une réforme, pas une révolution. Ce serait le cas, par exemple, si Mélenchon devenait le "premier Président de la VIe République" (comme il dit le souhaiter). Celui-ci s'inspire d'ailleurs de Chavez, Evo Morales ou Rafael Correa, qui ont opéré une importante réforme de la superstructure gouvernementale au Venezuela, en Bolivie et en Équateur (pays dominés), suite à d'importants mouvements de masse. 

    Maintenant que cette distinction est claire, concentrons-nous sur le seul renversement de la classe dominante capitaliste. Quelles peuvent en être les formes ?

    Il ne sera pas possible d'en faire une liste exhaustive, mais seulement de se baser sur la (courte) période historique du mouvement communiste international : 160 ans.

    Donc, dans l'histoire du mouvement communiste, quelles formes a (ou aurait) pu prendre le renversement de la classe dominante par le prolétariat et son Parti ?

    Il est évident que le processus a toujours été prolongé, à travers de nombreuses situation différentes, des avancées et des reculs, parfois de lourds revers : d'où l'enseignement maoïste de la Guerre populaire prolongée, du caractère de très longue durée de la lutte révolutionnaire. Mais concentrons-nous sur le moment précis où la classe dominante a été renversée, et où le prolétariat a conquis le pouvoir. On pourrait citer 4 grandes situations : 

    - L'assaut frontal. La forme de gouvernement est ultra-réactionnaire, archaïque, dépassée. Elle est totalement en retard sur le niveau des forces productives, parfois sur le mode de production lui-même (quand, par exemple, le capitalisme a émergé dans un pays précédemment féodal). Un mouvement de masse se lève pour mettre la forme de gouvernement et les rapports sociaux en général au niveau des forces productives et de la conscience engendrée. Mais, "une fois n'est pas coutume", il y a un Parti révolutionnaire communiste. Il n'y a pas seulement "l'idée révolutionnaire", mais aussi "l'idée communiste", qui s'est matérialisée de manière scientifique dans un Parti. La forme de gouvernement archaïque et honnie tombe. La classe dominante met en place un "gouvernement de sauvetage", qui promet bien sûr des réformes, mais le Parti met son renversement à l'ordre du jour, mobilise les masses, et le renverse.

    Tout le monde aura bien sûr reconnu la situation de la Russie en 1917.

    - La contre-offensive réactionnaire après une période réformiste. Face à la "poussée" des masses, la classe dominante a changé la forme de gouvernement et fait de grandes concessions. C'est son "aile gauche" qui gouverne. Mais la "poussée" se poursuit, et l'"aile droite" siffle l'heure du "retour à l'ordre" : elle lance une contre-offensive réactionnaire pour balayer "l'aile gauche" du pouvoir, et écraser le mouvement de masse. Elle peut réussir "d'un coup sec" (comme au Chili en 1973), mais aussi ne pas réussir tout de suite et s'ensuit une situation de guerre civile. Le mouvement de masse et "l'aile gauche" de la classe dominante vont résister côte-à-côte à l'offensive réactionnaire. S'il n'y a pas de Parti, soit la Réaction triomphe, soit "l'aile gauche" résiste (en s'appuyant sur le mouvement de masse) et gagne, mais à son seul bénéfice (Venezuela 2002). Mais s'il y a un Parti, celui-ci peut prendre la direction SUBJECTIVE de la résistance et écraser la contre-offensive réactionnaire. Dès lors, sa victoire se transforme en révolution. L'aile gauche de la classe dominante n'est plus qu'un appendice, au sein du Front uni, qui suit le mouvement car ses individus veulent rester en vie : elle n'est plus la classe dominante.

    Cela ne s'est jamais produit. Mais l'on reconnaîtra ce qui aurait pu se passer dans l'État espagnol, avec la Guerre civile (1936-39). Malheureusement, trop d'erreurs ont été commises (lutte sur deux fronts des trotskistes et de certains anarchistes, soumission trop importante des "staliniens" et d'autres anarchistes à l'aile gauche de la classe dominante, guerre conventionnelle et non Guerre populaire). 

    - La guerre impérialiste et le fascisme. Le capitalisme est en crise profonde, générale. Surproduction de capital, surproduction de marchandise, surproduction de forces productives : le taux de profit s'effondre. Pour s'en sortir, il doit faire "place nette" : c'est la GUERRE IMPÉRIALISTE MONDIALE. Depuis qu'il n'y a plus de terres inconnues, les puissances impérialistes ont toujours lutté entre elles pour le repartage du monde : des ressources, de la force de travail, des marchés. Mais là, il ne s'agit plus seulement de cela : il s'agit de guerre d'extermination. Il s'agit de détruire, chez les rivaux impérialistes (et dans leur Empire), du capital, des forces productives et notamment... de la force de travail humaine. C'est la grande barbarie qu'a connu l'humanité entre 1914 et 1945, avec les deux guerres mondiales et des dizaines de guerres moins connues ; et qui a permis le nouveau cycle d'accumulation 1945-75. Mais depuis la fin de celui-ci, la tendance a repris et s'est accélérée depuis les années 1990. Et entre les deux, il y a eu toutes les guerres à caractère contre-révolutionnaire (Corée, Indochine et Vietnam, Algérie, colonies portugaises etc.), d'ailleurs les guerres contre-révolutionnaires n'ont pas cessé entre la Révolution soviétique et la "Fin de l'Histoire" proclamée au début des années 90 : bref, tout le 20e siècle n'est qu'une longue guerre d'extermination pour l'humanité... et les 11 premières années du 21e siècle aussi.

    Dans ce contexte se mettent en place des régimes qui ne sont pas seulement ultra-réactionnaires, mais MOBILISENT LES MASSES dans la Réaction et la guerre impérialiste ; ils ne sont pas archaïques, mais au contraire d'une grande modernité : ce sont les régimes FASCISTES. Ils parviennent, dans des buts réactionnaires sur toute la ligne, à "capter" le niveau de conscience de masse induit par le niveau des forces productives. On peut voir ainsi des bourgeoisies impérialistes se faire passer pour... "anticapitalistes" (Allemagne nazie) ou "anti-impérialistes" (bourgeoisie du Japon... impérial, bourgeoisie chinoise ou russe aujourd'hui). Le massacre et le pillage de pays entiers deviennent... des "guerres pour la liberté et la démocratie" (régime Bush-Cheney). Leur très grand sens de la modernité permet cette imposture.

    Mais malgré cette mobilisation réactionnaire de masse, les souffrances endurées par les populations engendrent tôt ou tard une résistance. Le Parti communiste, lorsqu'il existe et qu'il est suffisamment fort, peut en prendre la tête. Il va alors agir de toutes les manières possibles, très différentes : résistance contre l'oppression impérialiste (ou la colonisation directe) dans les pays dominés, résistance contre une occupation étrangère dans le cadre de la guerre impérialiste, etc. Très fréquemment il va devoir travailler avec des forces bourgeoises qu'il devra soumettre à sa direction, ou se préparer à affronter dès "l'ennemi commun" vaincu... Lorsque la ligne suivie est correcte, la résistance à ce qui est - en définitive - la "manifestation locale" de la guerre impérialiste mondiale se transforme en révolution.

    C'est ainsi qu'ont eu lieu, finalement, toute les grandes révolutions du 20e siècle. Déjà la Révolution russe, précédemment citée, avait eu lieu dans le contexte de la Première Guerre impérialiste mondiale (qui avait décuplé les souffrances des masses). La guerre impérialiste nazie en Europe a amené des Partis communistes au pouvoir dans toute la moitié Est du continent (même s'ils sombrèrent rapidement dans le révisionnisme, le "capitalisme d'État"). En Grèce cela ne fut empêché que de peu, au prix de grands massacres. En Italie et en France, cela fut empêché par le révisionnisme des PC. La guerre impérialiste japonaise en Asie a permis, dès la défaite du Japon ou dans les quelques années qui ont suivi, des révolutions démocratiques-populaires au Vietnam et dans toute la péninsule indochinoise (elles seront achevées en 1975), en Corée, et bien sûr en Chine. Le PC chinois était déjà né dans le grand chaos de la Chine des années 1920, divisée entre "seigneurs de la guerre" soutenus par les puissances impérialistes concurrentes. La Guerre populaire a surgi face à la guerre d'extermination contre-révolutionnaire de Tchang Kaï-chek, soutenu par les mêmes impérialistes. 

    - Enfin, le "pourrissement réactionnaire" d'une "forme de gouvernement" réformiste, de "l'aile gauche" de la classe dominante. La "gauche" réformiste de la bourgeoisie est au pouvoir. Elle a surmonté toutes les contre-offensives de la droite réactionnaire, légales ou illégales, toutes les déstabilisations. Attention : nous parlons bien ici d'une véritable "gauche" réformiste bourgeoise, pas d'une "droite modérée" à la Mitterrand ou Jospin, Blair ou Schröder ou Clinton, dont la classe dominante dans son ensemble s'accommode très bien, parfois pendant des décennies (comme en Suède).

    Mais voilà : la bourgeoisie "progressiste" ne le reste jamais très longtemps ; la nature de classe est principale et elle finit toujours par reprendre le dessus. L'exemple-type (et contemporain) est celui de Chavez au Venezuela (lui même étant un "bourgeois national", mais on parle bien sûr de ses "conseillers", ses "experts"). Il en va de même pour ses alter-egos, Morales en Bolivie ou Correa en Équateur.

    Une révolution dans ce cas de figure n'a jamais eu lieu, il n'y a pas d'exemple historique. Le Parti "révolutionnaire institutionnel" mexicain, après Cardenas (exemple type de "l'aile gauche" de la classe dominante), a pu pourrir pendant... 60 ans, avant d'être remplacé... par la droite conservatrice dure. Ce qui fait souvent dire aux communistes que le réformisme social bourgeois est, finalement, le pire obstacle à la révolution. Faut-il pour autant s'y résigner ? Les communistes ne devraient-ils pas, plutôt, se pencher sur la question de la stratégie à adopter dans cette situation ? Une situation finalement comparable à la deuxième, la contre-offensive réactionnaire, sauf que celle-ci se fait de l'intérieur du parti bourgeois réformiste au pouvoir, et non de l'extérieur : ce n'est pas la droite qui renverse la gauche, mais la gauche qui DEVIENT de droite. L'idée que, face à cette droitisation d'une "gauche" bourgeoise (généralement, on l'a dit, portée au pouvoir par un mouvement de masse), le prolétariat et les classes populaires sont "désarmées", "démobilisées", doit être relativisée : on le voit bien en Bolivie et en Équateur, où face à des mesures gouvernementales de plus en plus réactionnaires, les masses résistent. Au Venezuela, l'extradition par Chavez d'un militant progressiste vers la Colombie fasciste a soulevé une grande indignation. On peut encore faire le parallèle avec la trahison réformiste de la direction "maoïste" au Népal. Il serait bien que les communistes aient une stratégie de mobilisation de masse et de conquête du pouvoir dans ces cas-là !

    En l'état actuel des choses, si l'on prend l'exemple du "Gouvernement de Bloc Populaire" prôné par le (n)PCI, la stratégie est totalement basée sur l'hypothèse d'une (rapide) contre-offensive réactionnaire (-> guerre civile -> révolution socialiste). Si le GBP lui-même "pourrit" et devient réactionnaire, rien n'est prévu... 

    Passons maintenant à l'étape suivante : la transition depuis l'ordre social renversé (capitaliste, semi-colonial semi-féodal...) vers le communisme. Une fois que la classe dominante a été chassée du pouvoir d’État, la lutte se poursuit, si l'on peut dire, "à fronts renversés".

    SUITE>>>

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  • NDLR : Pour de multiples raisons, le PC d’Inde (ML) "Naxalbari" n’a pas intégré le PC d’Inde (maoïste) lors de sa constitution. Il soutient néanmoins la Guerre populaire conduite en Inde par ce dernier. Il est signataire, avec 9 autres organisations (dont le PC d’Inde maoïste), d’une Déclaration internationale pour le 1er Mai 2011.


    Sur la situation actuelle au Népal et le défi posé aux maoïstes

    Source

    La participation au processus d’Assemblée Constituante et au gouvernement au Népal a été utilisée par la direction du PCUN (maoïste) pour liquider la nature révolutionnaire du Parti et l’entraîner dans le marécage du parlementarisme. Depuis un certain temps maintenant, cela est la manifestation politique concrète du révisionnisme, de la sortie du chemin de la Révolution de Nouvelle Démocratie de la part du Parti. Les choses ont maintenant pris une nouvelle dimension avec la récente nomination du Dr. Baburam Bhattarrai au poste de Premier ministre du Népal, à travers un accord avec les partis madheshi, agents reconnus des expansionnistes indiens. Suivant un scénario déjà écrit par les réactionnaires et approuvé par la direction du PCUN (maoïste), le nouveau gouvernement a promptement remis les clefs des stocks d’armes de l'Armée Populaire de Libération (PLA). Sévèrement vidée de ses qualités de combat par les politiques suivies par la direction du PCUN (maoïste), elle se prépare maintenant à être éliminée formellement, pour en finir avec le dernier (et l'un des plus importants) accomplissement des 10 années de Guerre Populaire. Ainsi le peuple ne pourra plus compter sur rien et sera livré à nouveau sans ressource aux loups réactionnaires.

    10 années de guerre héroïque des masses et leurs immenses sacrifices ont donné au petit PCN (maoïste) une renommée et une reconnaissance internationales. Hier armure brillante et naissante dans l'histoire glorieuse du mouvement communiste international, ce Parti est désormais réduit à être ‘juste un autre petit parti politique’, négociant sans scrupule pour un petit espace sur le banc des classes dirigeantes. Aujourd'hui, les chefs mêmes de cette organisation exploitent les sacrifices et les peines des masses révolutionnaires pour quelques postes ministériels et la reconnaissance des expansionnistes indiens, au service des impérialistes. Chaque mesure prise par eux est censée prouver à leurs aakkas (maîtres) qu’ils sont véritablement décidés à abandonner la voie de la révolution.

    Quand les communistes changent de couleur et se décomposent, la puanteur est de loin la pire qui soit. Le slogan de ‘servir les masses’ est converti en ‘servir les maîtres impérialistes-expansionnistes’. Tandis que la nature de classe du Parti change, il acquiert le ‘statut de plus favorisé’ de la part des classes dirigeantes. Le voile de la moralité bourgeoise minimale est également levé. La dégénérescence sans scrupule, la soif de biens de consommation et de luxe remplacent la vie communiste simple, l'amour-propre révolutionnaire et la modestie. Les révisionnistes sont les graines des réactionnaires et des serviteurs des impérialistes dans les rangs révolutionnaires. En un rien de temps ils infectent l'organisation entière, décapitent sa force idéologique et la dépouillent de tout son éclat révolutionnaire. La première chose qu'ils font pour liquider une organisation révolutionnaire est d’apporter le libéralisme au lieu de positions idéologiques fermes et claires. Ils détestent les principes léninistes du Parti et convertissent l'organisation en forum de discussion ouvert et inopérant. La conspiration et les manipulations deviennent la marque de fabrique du fonctionnement. Tout cela peut maintenant être observé au sein du PCUN (maoïste).

    Les maoïstes avaient gagné l'avantage stratégique au cours des 10 années de Guerre Populaire, qui avait libéré de vastes régions du pays et établi le Pouvoir populaire. L’avancée de la révolution a intensifié la crise au sein des classes dominantes et poussé leurs mentors impérialistes et expansionnistes dans l’ornière. Ceci posa le contexte pour les Accords de Paix de 2006 et le soulèvement de masse qui ont par la suite mené à la fin de la monarchie détestée de Gyanendra. Le Parti maoïste a été propulsé dans une position unique de leadership national, gagnant un large soutien pour mettre la révolution à l’ordre du jour. Mais au lieu d'utiliser ces facteurs favorables et d'appliquer la tactique appropriée à l'accomplissement de ces aspirations populaires, la direction a dévié des tâches stratégiques de la révolution. Les racines idéologiques et politiques de cette déviation, y compris les différentes tendances contenues autour de la ‘tactique de paix’, sont déjà une question de lutte idéologique dans le mouvement maoïste népalais et international. Les vues de notre Parti sur cette question, y compris la correspondance avec la direction du PCUN (maoïste), peuvent être consultées dans le ‘Naxalbari’ n°3 (http://www.thenaxalbari.blogspot.com).

    Cette lutte idéologique doit certainement être approfondie, le plus important étant qu'elle le soit par les maoïstes népalais eux-mêmes. Mais la tâche immédiate des maoïstes et des masses révolutionnaires au Népal est de lever le drapeau de la rébellion ouverte contre le quartier-général révisionniste et de lancer ainsi la reconstruction du Parti sur des bases pleinement marxiste-léniniste-maoïstes, fermement unis aux masses. Ils doivent s’arracher du marais révisionniste de l'Assemblée Constituante politicienne et reprendre le chemin de la révolution. L'héritage révolutionnaire des maoïstes au Népal, profondément enrichi par la Guerre Populaire héroïque qu’ils ont mené et les sacrifices glorieux faits par des milliers de fils et filles vaillants du Népal, avec la solidarité illimitée des peuples partout dans le monde pour la révolution népalaise, fournissent le socle de base pour relever ce défi. Comme appelé dans la résolution politique du CCOMPOSA, « les Peuples du monde entier regardent vers les maoïstes du Népal pour briser toute conspiration locale et externe et pour avancer avec détermination vers l'accomplissement de la Révolution de nouvelle démocratie ».

    Porte-parole, Krantipriya,

    6 septembre 2011

    Lgtang2-28

    NDLR : les camarades du PCmF, à qui la traduction a été envoyée, y ont apporté des corrections. C'est désormais leur version qui est ci-dessus. Un grand merci à eux !

     


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  • nepal_f_0402_-_maoist_rebel.jpg

    Le Parti Communiste du Népal (Maoïste) a mené une guerre populaire durant 10 ans, de 1996 à 2006, étendant la zone d’influence du Parti sur 80% du territoire.

    En 2006, suite à une alliance avec les 7 partis d’opposition, le Parti est entré dans la légalité, a cessé la lutte armée, a accepté le confinement de ses armes sous le contrôle de l’ONU. Le parti a remporté les élections avec 40% des suffrages exprimés. Prachanda a alors accédé au poste de premier ministre à la tête d’un gouvernement comprenant des membres des partis bourgeois, y compris les féodaux et les pro-impérialistes et le parti révisionniste (UML), un gouvernement d’Union nationale.

    Dans ces conditions, il était quasiment impossible de mettre sur pied une véritable démocratie pour le peuple, de procéder à une réforme agraire. Malgré cela le Parti avait et a peut-être encore une possibilité de mobilisation importante.

    Une nouvelle Constitution devait être mise sur pied, mais de reculade en reculade des partis alliés au PCN(M), devenu entretemps le Parti Communiste Unifié du Népal (Maoïste), la Constitution n’a toujours pas été promulguée. Prachanda, dans l’impasse, a dû démissionner après que le Président de la République ait maintenu à la tête de l’armée le général Katawal. Des membres du Parti continuent à siéger au parlement.

    Au sein du Parti, la thèse mise en avant est que la Révolution au Népal comporte plusieurs phases : la guerre populaire, la lutte parlementaire et l’arrêt de la guerre populaire, la préparation des masses pour l’insurrection.

    Il y a une différence qui s’est révélée dans la pratique. Ce qui était présentée comme une tactique pour réaliser les conditions de l’Insurrection est devenue une stratégie pour l’instauration de la Démocratie Nouvelle dans les conditions du XXIème siècle suivant « la voie Prachanda », et ceci présenté comme généralisable pour tous les pays et conseillé à tous les partis, sans la moindre preuve de la validité de cette théorie, bien au contraire.

    De reculade en reculade, différentes tendances et orientations sont apparues au sein du PCUN(M). Une des lignes est pour l’instauration d’une république démocratique parlementaire de type bourgeois ; une autre, centriste, défend la stratégie de mobilisation des masses tout en la coordonnant avec la lutte parlementaire mais aussi par la direction de l’appareil d’Etat. Celle-ci a fait faillite à ce que nous pouvons observer. Une autre affirme vouloir faire avancer la révolution en donnant priorité à la mobilisation des masses et en voulant transformer le parti de l’intérieur. Cela parait extrêmement difficile à l’heure actuelle.

    Dans l’esprit de maintenir l’unité du Parti se côtoient des positions droitières, centristes et révolutionnaires. Pour maintenir l’Unité à tout prix et poursuivre la ligne qui a conduit à la situation de blocage, de paralysie actuelle, et pour reconquérir le poste de premier ministre, une réunion du Comité Central a suggéré de choisir comme candidat pour le poste de premier ministre un représentant de la tendance prônant la démocratie de type bourgeoise.

    Le problème qui se pose avec insistance est que la nomination d’un premier ministre du PCNU(M) va aller de pair avec la dissolution de l’Armée Populaire, la remise des armes et l’intégration d’une partie dans l’Armée nationale et sous la direction du haut-commandement issu de l’ancienne Armée royale. Autrement dit, c’est la liquidation de l’APL, le désarmement complet.

    Dans ces conditions, il y a deux options :

    1. La reddition complète, l’abandon total de la perspective de l’insurrection. Cela fait cinq ans que le Parti est engagé dans ces transactions, sans une avancée significative pour résoudre la question du « pouvoir ». Que pensent les masses de tout cela ? Elles sont dans l’expectative pour le mieux, dans la désillusion pour le pire.

    2. La reprise du combat révolutionnaire, qui suppose une mobilisation des masses. « Un se divise en deux » et non « Deux sont unis en un ». Il faut choisir. La ligne droitière doit être dénoncée devant les masses, la seule façon c’est en revenir aux masses, car se sont les masses qui font l’histoire, et en même temps qui la subissent quand leurs dirigeants adoptent des positions erronées, vacillantes ou liquidatrices, révisionnistes.

    Le meilleur soutien que doivent apporter les maoïstes dans le monde, c’est de se tenir fermement pour la 2ème option, c’est de le dire clairement aux camarades qui veulent vraiment mener la révolution à son terme et affirmer nos positions. La solution qui sera adoptée et surtout mise en œuvre au Népal concerne le mouvement communiste dans son ensemble et pas seulement les communistes népalais. Critiquer les positions erronées, les tactiques inadéquates adoptées, dévoiler les liquidateurs et les révisionnistes, etc., c’est le meilleur soutien que nous pouvons apporter aux positions relativement correctes, aux camarades qui veulent poursuivre la lutte pour la révolution au Népal. Il y a des maoïstes au Népal qui luttent pour la révolution et nous devons les soutenir face aux liquidateurs !

    Note et précisions : Ce texte a été écrit quelques jours avant l’élection de Bhattarai au poste de premier ministre. La situation s’est depuis clarifiée et les liquidateurs ont dévoilé au grand jour leur vraie nature de classe.  Si Bhattarai est arrivé premier ministre, c’est grâce à un accord passé entre Bhattarai et Prachanda d’un côté et les partis Madhesis de l’autre. Il est de notoriété publique que les partis Madhesis sont les représentants des intérêts de l’Inde au Népal. Mais ce qui est le plus troublant est le contenu de cet accord. Un des points mentionne la création d’une « république démocratique inclusive ». C’est le contraire de la ligne du Parti de la « république populaire fédérale ». L’accord prévoit également la création d’une unité séparée dans l’Armée Népalaise pour 10 000 Madhesis au moment même où l’APL est désarmée et que les plans pour l’intégration sont de les placer sous commandement de l’Armée Népalaise. Mais encore, peu après avoir liquidé l’APL en rendant les armes, le gouvernement dirigé par Bhattarai a ordonné aux administrations régionales de procéder à la remise de toutes les propriétés saisies par les maoïstes durant la Guerre Populaire. Que va-t-il rester aux masses ? Mais les liquidateurs font face et Hari Gyawali, responsable maoïste de la région Kochila a affirmé : « Nous avons obtenu ces terres en échange du sang. Nous ne pouvons rendre les terres tant qu’une réforme agraire révolutionnaire n’est pas mise en place. » « Le gouvernement fera face à la confrontation s’il utilise des moyens coercitifs. » « Les squatteurs, les Kamaiyas [ex-serfs] et les familles des martyrs utilisent ces terres. Nous ne rendrons pas  les terres aux propriétaires tant qu’une réforme agraire révolutionnaire n’est pas mise en place. » De même la gauche du Parti organise ses propres meetings de formation à travers tout le pays. La situation pourrait virer à l’affrontement ouvert. En tout cas, le Comité Central doit se réunir le 30 septembre. D’ici là, regardons de près la situation au Népal, elle risque d’évoluer rapidement.

    PC maoïste de France 


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  • Article publié par le CSRI et Feu de Prairie :

    Inde : les maoïstes progressent, construisent des hôpitaux

    Publié sur South Asia Rev

    Cet article est tiré du journal indien The Hindustan Times. Une fois n’est pas coutume, les maoïstes y sont plutôt félicités pour leur action en faveur du peuple. Mais il faut noter que, contrairement à ce qu’affirme l’article, il ne s’agit pas d’un « changement de visage » mais bien la stratégie à long terme des maoïstes d’Inde.

    La main invisible maoïste de retour au Bengale

    par Snigdhendu Bhattacharya

    10 septembre 2011- Du symbole de la terreur et de la subjugation, les maoïstes visent désormais un changement de perception. Ou bien c’est ce qu’il semble, du moins dans leurs bastions dans la région de Jangalmahal au Bengale.
    Dans les régions dominées par les maoïste du Midnapore Occidental, à environ 130-150 km de Calcutta, et que l’Hindustan Times a visité récemment, les rebelles ont non seulement récupéré le terrain perdu, mais gèrent également des centres de santé et des écoles, construisent des digues et entretiennent les routes et les étangs.
    Alors que le gouvernement de Mamata Banerjee tente d’amorcer le dialogue, les rebelles se concentrent sur le développement.

    Trois organisations – Santrash Durnity O Samrajyobadi Agrason Birodhi Ganatantrik Mancha (SDSABGM), Nari Izzat Bachao Comittee (NIBC) et Chhatra Samaj (SC) – sont à la pointe du travail de développement que les maoïstes ont entrepris dans ces régions.

    Le gouvernement reconnaît tacitement le développement. « Ils (les rebelles) ne nous ont pas encore empêchés de réaliser des projets de développement. Mais, dans certains domaines, nous avons trouvé que les gens refusent de travailler sur nos projets alors qu’ils ont travaillé sur les soi-disant initiatives populaires », a déclaré Sukumar Hansda, ministre du développement de la région ouest.

    « En l’absence complète d’administration civile, nous sommes forcés de prendre nos affaires en main, » affirme le président du NIBC Jyotsna Mahato à l’Hindustan Times dans la région d’Aguimoni dépendant du poste de police de Jhargram.

    Le SDSABGM et le NIBC gèrent pas moins de 20 centres de santé à Lalgarh, Jhargram, Gopiballavpur, Nayagram, Salboni, Belpahari et Binpur, tous des bastions maoïstes.

    Des médecins chirurgiens visitent les centres de santé parallèles au moins une fois par semaine.

    La redevance est seulement de 5Rps. Et pour ceux qui ne peuvent même pas se permettre ce prix, les soins sont gratuits.

    Le Samaj Chhatra gèrent environ 25 centres éducatifs pour jeunes enfants, dans lesquels les jeunes locaux éduqués enseignent gratuitement.

    Il y a un an, une «initiative populaire» a vu un remblai – Veri-Bandh – se construire sur la rivière Kansabati à Bandorboni. Les ouvriers volontaires des villages voisins ont construit le tronçon de 1,5 km en seulement 23 jours.

    « Le plus l’administration essaie de bloquer ces initiatives, le plus il sera facile d’exposer son véritable caractère devant le public», a déclaré un local du village de Kurashole de la région du poste de police Jhargram, nous quittant sur un Lal Salaam (la façon dont les rebelles saluent [salut rouge]).

    Seul le temps dira si les nouvelles installations sont juste un autre changement de visage pour les rebelles afin d’éviter d’être repérés ou si c’est le signal d’une transformation réelle.

    Telle est la Guerre populaire, telle est l'action révolutionnaire communiste : SERVIR LE PEUPLE, et dans la moindre parcelle de territoire arrachée à l'ancien, commencer à construire le NOUVEAU.


    VIVE LA GUERRE POPULAIRE !

     

    GPP Inde


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  • Cette année 2011 aura vu l'éclatement au grand jour de la dérive réactionnaire des régimes "bolivariens" en Amérique du Sud. La "chape de plomb" faite de crainte (envers une culture répressive d'État toujours présente), de révérence envers les avancées (bien réelles) pour les masses et d'espoir envers un "redressement de situation", ne parvient plus à contenir la réalité des faits. Au Venezuela, après la "déclaration d'amour" de Chavez envers non seulement Kadhafi et Assad, mais TOUS les gouvernements réactionnaires arabes, l'arrestation et l'extradition vers la Colombie fasciste du journaliste de gauche Joaquin Pérez Becerra, suivie de celle du "chanteur des FARC" Julian Conrado, a fait grand bruit ; mais en réalité, cela faisait plus de 2 ans que les extraditions se succédaient, de militants ELN (surtout) et FARC vers la Colombie, ou de militant-e-s basques vers l'État espagnol. La Bolivie de Morales, après l'explosion de colère sociale contre les prix du carburant au début de l'année, lui a maintenant emboîté le pas en livrant 4 militant-e-s révolutionnaires (William Antonio Minaya, Hugo Walter Minaya, José Antonio Cantoral Benavides et Blanca Riveros Alarcón) à "sa" Colombie à lui, le Pérou de l'ex-"liquidateur" anti-subversif Ollanta Humala. L’Équateur de Correa ne peut, quant à lui, plus faire mystère de sa collaboration active avec l'armée fasciste colombienne, dans la traque et l'extermination des guérilleros FARC et ELN. Parallèlement, tous piétinent allégrement leurs proclamations contre les "multinationales" et pour la "défense de la Terre-Mère" en bradant les ressources naturelles, notamment le poumon amazonien de l’humanité, aux intérêts capitalistes, éventuellement sous couvert d’entreprises "à majorité étatique" et "patriotiques" : ainsi le projet de "Loi sur l’Eau" et de concessions aux "multinationales" en Amazonie équatorienne, provoquant un soulèvement indigène (shuar) brutalement réprimé (le leader est toujours emprisonné) ; tandis qu’en Bolivie on peut citer l’affaire de l’exploitation du lithium dans le salar d’Uyuni (convoité notamment par Bolloré !) et, en ce moment même, le projet de construction d’une grande autoroute à travers un territoire amazonien préservé…

    Tout cela est absolument désolant, lorsque l'on sait la signification révolutionnaire de l'Amérique latine pour tou-te-s celles et ceux qui luttent contre le capitalisme et l'impérialisme à travers le monde.

    Les raisons, SLP les a déjà évoquées à plusieurs reprises : le "socialisme bolivarien" n'a jamais été autre chose qu'un réformisme bourgeois redistributif. Par rapport à la misère des masses là-bas, il a représenté un progrès réel. Mais ce réformisme redistributif n'a pas, ne POUVAIT pas résister à la crise mondiale du capitalisme, car pour qu'il y ait redistribution il faut des profits élevés et même, surtout, des surprofits ; or la crise du capitalisme c'est l'effondrement du taux de profit et donc des surprofits. Ceci entraîne alors un effritement de l'appui populaire, qui ne laisse alors pas d'autre solution que de perdre les élections (voire essuyer un coup d'État contre l'éventuel "désordre"), ou de se rallier et/ou rechercher l'appui de la droite au niveau national et continental, et de l’impérialisme au niveau international... Dans des conditions différentes (d'un pays impérialiste), c'est exactement ce qui se produirait, ici, si le PS et ses alliés de la gauche bourgeoise parvenaient au pouvoir ; ce que ne manquent pas de souligner les idéologues de la droite bourgeoise. La seule "redistribution" des richesses possible face à la chute tendancielle du taux de profit, c'est évidemment l'expropriation du Capital et l'abolition de l'appropriation capitaliste de la richesse produite par le Travail !  

    Il est cependant intéressant de revenir, "à froid" si l'on peut dire, sur la nature de ces régimes et leur dérive depuis 2-3 ans.

    Pour SLP, ce qui a toujours été dit, c'est que ces régimes ont été le produit d'une poussée révolutionnaire de masse et que c'est celle-ci qui doit retenir l'attention, et non les gouvernants, "progressistes" ou non, en eux-mêmes.

    Certes, on pourra rétorquer que dans les pays arabes, il y a eu aussi d'immenses mouvements de masse, et que rien n'a changé, que même si les tyrans honnis ont dû parfois démissionner et partir, il n'y a pas eu de "révolutions". C'est vrai ; mais il faut aussi souligner que, "situation géopolitique" oblige, les régimes réactionnaires arabes étaient beaucoup plus "verrouillés" que les régimes "néolibéraux" sud-américains dans les années 90-début 2000. À cette époque, les oligarchies locales comme l'impérialisme de tutelle (US) avaient "la confiance" et la marge de manœuvre des masses populaires organisées était beaucoup plus importante. La crise qui a frappé leur "modèle" économique made in FMI, à la fin des années 90 - début des années 2000, les a pris de court ; et si les mouvements de masse furent moins larges et intenses que ceux qui ont secoué les pays arabes, ils ont conduit à une bien plus importante désorganisation de l'État oligarchique comprador-bureaucratique-terrateniente [en tout cas au Venezuela, en Bolivie et en Équateur* : les autres "victoires" comme au Nicaragua, au Salvador ou au Honduras, sont plus un effet "d’onde de choc" sans nécessairement de mouvement de masse important].

    Maintenant, que dire de la qualification de « révolutions » pour ces régimes bolivariens ?

    Rappelons tout d’abord le processus que suit la révolution à notre époque, la révolution prolétarienne : révolution politique => révolution économique => révolution culturelle, révolution dans les rapports sociaux. Le capitalisme et la bourgeoisie ont pu se développer dans le cadre de l’absolutisme, stade suprême du féodalisme (ceci dit, la véritable révolution économique bourgeoise, la révolution industrielle, n’a été rendue possible que par la révolution politique – et a fortiori, la révolution culturelle bourgeoise, l’imposition de sa culture comme culture dominante). En revanche, instaurer le socialisme ou même, là où c’est à l’ordre du jour, liquider la "chape" féodale qui pèse sur la production toute entière, impose aujourd’hui au prolétariat de prendre d’assaut et détruire la superstructure-État de la classe dominante, et de la remplacer par une superstructure révolutionnaire. Sans pouvoir du prolétariat, il n’est pas possible d’instaurer le socialisme.

    Qu’en a-t-il été au Venezuela, en Bolivie ou en Équateur ? Et bien, c’est une réalité que la superstructure étatique qui prévalait depuis plusieurs décennies a fait plus que vaciller. On voit mal comment qualifier autrement un président qui s’enfuit en hélicoptère vers l’aéroport et de là vers les États-Unis (Bolivie), le dégageage de deux présidents en 5 ans (Équateur) ou l’incapacité, par les deux partis qui "verrouillaient" le pays depuis 40 ans, d’empêcher l’élection d’un militaire populiste "de gauche" condamné pour… mutinerie 5 ans auparavant (Venezuela) ! 

    Dans chacun des cas, le mouvement populaire de contestation, le "mouvement social" pour reprendre les mots de l’idéologue du "processus" bolivien, Alvaro Garcia Linera, a créé l’ingouvernabilité du pays par la "classe politique" traditionnelle. Au Venezuela, on dira qu’il y a eu un lent effritement pendant 10 ans, permettant le "passage en fraude" de Chavez puis, après la "reprise en main" ratée d’avril 2002, une pulvérisation totale.

    Les tenants du vieux système ont en quelque sorte "déserté" les lieux de pouvoir (ou un grand nombre…) et le "mouvement social" s’y est engouffré, dans le sillage d’outsiders politiques de longue date. Il ne faut pas se mentir : ce "mouvement social" a réellement créé un rapport de force qu’il serait vain et grotesque de vouloir comparer à quoi que ce soit en Europe depuis des décennies, voire depuis 1945 (où par contre, il était supérieur, car il y avait alors des Partis communistes de masse). Il est bon d’avoir cela à l’esprit, avant de se lancer dans toute critique salonarde des limites de ce mouvement.

    Quel a alors été le problème ? Et bien, en dernière analyse, c’est un problème de conception politique, de conception du monde. Et ce problème a très peu été abordé dans le mouvement international se réclamant du communisme.

    On s’est beaucoup échiné à définir et à dénoncer la nature de classe (militaires petit-bourgeois, paysans moyens, intellectuels bourgeois) et idéologique ("réformisme", "populisme", "social-fascisme") des chefs de file des "processus", mais le problème résidait fondamentalement DANS le "mouvement social" lui-même.

    Il n’y a pas eu dans ce "mouvement social" de véritable conception politique révolutionnaire, concentrée et systématisée par une (ou même plusieurs) organisation(s), permettant de conquérir TOTALEMENT le pouvoir politique et, de là (et seulement de là), pouvoir envisager la transformation socialiste de l’économie et des rapports sociaux.

    La plupart des organisations de masse ne reconnaissaient même pas le marxisme, voire le rejetaient ouvertement, comme "trop matérialiste" ou au contraire comme "idéaliste, utopique", ou encore comme "eurocentriste"… Plus petites, il y avait de nombreuses organisations et même des Partis (comme le PC du Venezuela) se réclamant du communisme, mais aux conceptions très limitées, qui n’ont finalement fait que du suivisme "critique" vis-à-vis des forces réformistes. D’autres forces, par ailleurs, dont malheureusement beaucoup se réclamant du maoïsme, ont adopté une posture sectaire, refusant de reconnaître quoi que ce soit de positif aux évènements et se coupant ainsi des masses et de leur mouvement réel. 

    Pour renverser le pouvoir des classes dominantes, il faut au moins (même s’il n’est pas interdit, bien au contraire, de penser avec sa tête…) avoir étudié le léninisme, puisque celui-ci, ayant présidé à la première révolution prolétarienne réussie de l'histoire, est la science de la conquête du pouvoir par les exploité-e-s.

    Les bourgeoisies nationales réformistes ont donc été  laissées en roue libre. Avec les limites de la conception communiste au 20e siècle, les nouvelles bourgeoisies émergeaient au sein des expériences socialistes (ou démocratiques-populaires) en l’espace de 20 ou 30 ans. Quant aux forces nationalistes bourgeoises "progressistes", qu'il s'agisse des différents "socialismes arabes", ou "socialismes africains" ou des forces latino-américaines de type APRA, MNR bolivien, PRI mexicain, justicialisme argentin etc., entre écrasement militaire par les forces ultra-réactionnaires pro-impérialistes et "droitisation" interne, l'évolution vers le stade de laquais assumés de l'impérialisme se faisait sur des séquences historiques à peu près du même ordre. Mais ici, les nouvelles oligarchies "endogènes" se sont formées au sein des "processus de changement" en à peine quelques années… rejoignant les anciennes, qui n’avaient jamais disparu !

    Pour autant, fallait-il accepter la liquidation réactionnaire de ces "processus", entendus comme rapports de force établis par le "mouvement social" des masses populaires contre l'impérialisme et ses valets compradores ; comme FAIT POPULAIRE BOLIVARIEN ? Évidemment que non ! 

    Pour SLP, il a toujours été clair que la tranchée populaire conquise par les luttes de masse (sans déboucher hélas sur une véritable révolution) au Venezuela, en Bolivie et ailleurs allait devoir faire face à deux grandes menaces :

    - la contre-offensive réactionnaire de l'oligarchie (compradore-bureaucratique-terrateniente) et de l'impérialisme de tutelle (US) ;

    - la trahison des réformistes nationaux-bourgeois.

    Cela a toujours été une évidence. Mais encore fallait-il savoir prendre chaque chose en son temps, savoir à quel moment et contre quel ennemi principal lutter !

    En 2008-2009, la situation semblait se stabiliser au Venezuela, mais le coup d’État au Honduras, ou encore les menaces de guerre civile et le massacre d’une soixantaine de paysans pro-Morales en Bolivie, semblaient laisser entrevoir un NOUVEAU PLAN CONDOR continental. À ce moment-là, considérer qu’il fallait lutter à la fois contre l’"ultradroite" (comme on dit sur le continent) et contre les réformistes bourgeois, voire PLUS contre les seconds que contre les premiers (!), était absolument CRIMINEL. Aujourd’hui, en revanche, la situation se pose autrement. Car le nouveau Plan Condor, en réalité, ne faisait que se profiler : il est désormais bel et bien là, sous nos yeux. Simplement, à présent, Chavez, Morales et Correa en FONT PARTIE, ils ont intégré le dispositif !

    Et soyons sûrs qu’au Pérou, Ollanta Humala, à qui l’oligarchie vient finalement d’ouvrir les portes de la présidence, y aura toute sa place, poursuivant le « Plan Pérou », véritable « Plan Colombie II » de l’impérialisme contre les groupes de guérilla maoïstes. 

    La position de SLP n’a donc pas "changé", car elle n’a toujours fait que reposer sur un seul principe absolu : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP. Quand le Nouveau Plan Condor continental visait également les gouvernements réformistes, défendre la tranchée populaire conquise par les luttes impliquait de défendre également ces gouvernements (sans s’aveugler pour autant sur leur nature). Que cela plaise ou non, c’était la seule ligne juste. Mais si, maintenant, ces gouvernements ont intégré le Nouveau Plan Condor contre les masses populaires et les forces révolutionnaires, alors bien sûr ils doivent être combattus au même titre que les gouvernements ouvertement d’ultradroite !

    Pour mieux faire comprendre cette ligne, SLP a fréquemment utilisé la comparaison avec la République bourgeoise espagnole (1931-39). Si, quand l’Allemagne nazie était devenue (après 1933) le "Centre" de la Réaction en Europe, défendre la vie et la liberté de millions de personnes impliquait de défendre le gouvernement bourgeois de gauche en Espagne (ou même en France : le Front populaire), alors il fallait le faire, point ; il en était ainsi et pas autrement. En revanche, il n’y avait aucune raison de soutenir un gouvernement aligné sur Berlin : il fallait au contraire le combattre. Or, aujourd’hui, la Colombie de Santos-Uribe est le Centre de la Réaction continentale, avec derrière elle les forces les plus noires de l’impérialisme US, et voilà que Chavez s’allie avec ! Il n’y a donc plus aucune raison de le soutenir en aucune manière.

    Puisque l’on est sur la République bourgeoise espagnole : il est très possible que si elle avait été victorieuse du franquisme, elle aurait pu suivre la même évolution réactionnaire que le Mexique PRIste, qui fut d’ailleurs son grand allié avec l’URSS ; rompant avec les révolutionnaires (communistes et anarcho-syndicalistes) sur un grand « merci de votre soutien camarades ! »… Exactement comme le PRI mexicain, après Cardenas, a évolué vers la droite, à l’ombre de l’impérialisme US (nouveau "Centre" de la Réaction mondiale), jusqu’au massacre des manifestant-e-s à Mexico en 1968. Eh bien, dans ce cas, il est évident que les communistes et tous les révolutionnaires, après l’avoir défendue contre les fascistes, auraient dû la combattre sans pitié ! Encore un exemple (de "politique-fiction", cette fois-ci) pour illustrer la ligne à suivre vis-à-vis de Chavez et consorts : victorieux des manœuvres réactionnaires de l’oligarchie, Chavez a ensuite évolué vers la droite jusqu’à rejoindre le camp des ennemis du peuple ; il fallait le défendre contre ces manœuvres, il faut désormais le combattre sans faiblir… 

    Pour conclure, voyons ce que disait Dimitrov au milieu des années 1930 : « Or, il subsiste encore maintenant des vestiges de l'attitude schématique à l'égard du fascisme. N'est-ce pas une manifestation de cette attitude schématique, que l'affirmation de certains communistes assurant que l' « ère nouvelle » de Roosevelt représente une forme encore plus nette, plus aiguë de l'évolution de la bourgeoisie vers le fascisme que, par exemple, le « gouvernement national » d'Angleterre ? Il faut être aveuglé par une dose considérable de schématisme pour ne pas voir que ce sont justement les cercles les plus réactionnaires du Capital financier américain en train d'attaquer Roosevelt, qui représentent, avant tout, la force qui stimule et organise le mouvement fasciste aux États-Unis. Ne pas voir le fascisme réel prendre naissance aux États-Unis sous les phrases hypocrites de ces cercles en faveur de la « défense des droits démocratiques des citoyens américains », c'est désorienter la classe ouvrière dans la lutte contre son pire ennemi. »

    Il parle ici, certes, d'un pays impérialiste, les États-Unis, ce qui est sensiblement différent, mais pas tellement pour le sujet qui nous intéresse : savoir bien identifier où se trouve le fascisme. Comme pour Roosevelt aux États-Unis dans les années 1930, c'était bien du côté de ceux qui s'attaquaient à Chavez ou Evo Morales au nom de la "société civile", de ceux qui ont renversé Manuel Zelaya au nom de la "constitutionnalité", que se trouvait la menace fasciste. Les masses populaires de ces pays n'ont jamais eu le moindre doute là-dessus !

    La seule chose qu'a toujours refusé Servir le Peuple, refus qui a pu lui être reproché d’une manière extrêmement violente et sectaire, c'est de qualifier ces régimes "bolivariens" de fascistes (ce qui impliquait, automatiquement, qu'ils soient l'ennemi principal à abattre, car entre le fascisme et le conservatisme bourgeois, il n'y a pas photo !). Tandis que de leur côté, bien sûr, tous les révisionnistes thorézo-brejnéviens, rabatteurs de Mélenchon et du PS, pourfendaient comme "trotsko-maoïste" toute critique marxiste scientifique de ces mêmes régimes...

    Non, il n'y a pas, derrière le béret rouge de Chavez, l'hydre du fascisme... Mais seulement le réformisme bourgeois qui, lorsqu'il ne perd pas la partie  avant  face à la droite, finit simplement par révéler petit à petit sa nature de classe réactionnaire, face à la soif de révolution grandissante des masses. Le terme de "social-fascisme" peut uniquement s'appliquer, à la rigueur, lorsque la social-démocratie a été "chargée" par la bourgeoisie de la liquidation d'une révolution (comme en Allemagne, après l'écrasement des spartakistes) ; ou lorsqu'une contre-révolution a eu lieu au sein même du socialisme (URSS, Chine) tout en conservant les apparences de celui-ci.

          Chavez_Santos.jpgbolivarencolombia.jpg

    [ * - Au Venezuela, la "nouvelle ère" post-1989 s'ouvre par la répression-massacre du Caracazo (soulèvement populaire contre l'augmentation du prix des transports), au moins aussi brutale que celle du "Printemps de Pékin" (entre 300 et plusieurs milliers de victimes), mais largement ignorée par les grands médias internationaux. S'ensuit une période de grande agitation sociale et d'ingouvernabilité politique par les deux partis (Action démocratique et Copei) qui se partageaient le pouvoir depuis 1958. Celle-ci voit notamment la tentative de coup d'État "patriotique" de Chavez en 1992, sa libération comme "concession" au mouvement populaire en 1994, puis son élection "surprise" fin 1998. Mais c'est l'échec de la tentative de renversement contre lui, en avril 2002, qui marque vraiment le rapport de force conquis par les masses contre les classes dominantes. 

    - En Bolivie : d'abord la "guerre de l'eau" de Cochabamba en 2000, contre la privatisation du service de l'eau (amenant à l'abandon du projet), puis un mouvement des policiers réprimés par l'armée (avec bien sûr des affrontements armés entre les deux forces) et enfin la "guerre du gaz" de septembre-octobre 2003, contre le pillage des ressources gazières par les monopoles impérialistes, qui fait plus de 80 mort-e-s et voit la démission et la fuite du président Sanchez de Lozada ("Goni el Gringo"), remplacé par son vice-président, ce qui ouvre la voie à l'élection du syndicaliste Evo Morales fin 2005. 

    - En Équateur, la colonne vertébrale du mouvement de masse a été les puissantes organisations populaires indigènes, comme la CONAIE. En janvier 2000, un mouvement contre la dollarisation (remplacement de la monnaie nationale par le dollar US) entraîna la chute du président Jamil Mahuad et, après un intérim vice-présidentiel, l’élection de Lucio Gutiérrez (2003), un militaire rallié à la révolte de 2000. Mais celui-ci fit à son tour allégeance à l’impérialisme, se proclamant « meilleur ami de Bush dans la région », et fut à son tour renversé en 2005 suite à de nouvelles mobilisations. Les élections de novembre 2006 voient finalement l’élection de Rafael Correa, un économiste "humaniste et chrétien de gauche" selon ses propres mots, qui annonce une "révolution citoyenne".]


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    (Autre article, de février 2011 quant à lui)


    Les "antifas" ultra-gauchistes sont décidément incorrigibles ! Au beau milieu d'un article, globalement pas inintéressant, sur les passerelles entre une "certaine gauche" et l'extrême-droite fasciste, voilà qu'ils placent encore une fois une tirade sur les "social-fascismes sud-américains", une tirade digne... paradoxe suprême pour un article anti-soc'-dem' : digne d'un article de Libé ou d'une tribune de BHL... Ni plus ni moins. Voyez donc par vous-mêmes :

    Les leaders « populaires », de Lulà à Morales et Chavez, portés par le mouvement de classe, après avoir pacifié les organisations ouvrières principales, ont entériné la collaboration avec l’impérialisme européen et américain pour Lulà, avec des régimes islamistes fascistes pour Chavez et d’autres. Leur rôle actuel est le combat perpétuel contre le combat révolutionnaire des masses, répression meurtrière du mouvement des sans-terre, tentatives d’écrasement des grèves contre la montée du prix des matières premières par Moralès. Ces régimes évoluent tous vers une main mise durable et autoritaire qui tend à se substituer à la démocratie de façade mise en place au départ.

    L’ensemble de ces régimes présente de manière de plus en plus accentuée au fil du temps des caractéristiques fascistes classiques, notamment une dimension antisémite, mais aussi un patriotisme exacerbé, la défense de la famille patriarcale traditionnelle, la répression des mouvements des minorités (??? en Équateur peut-être ? ou la "minorité" camba de Bolivie ?), le recours à des références religieuses ou messianiques (ça s'appelle la théologie de la libération : et alors ?).

    Dans ce type de régime, la clique au pouvoir développe d’ailleurs toujours les mêmes traits

    1./  Culte du chef, exaltation du dépassement individuel ; (???)

    2./ Culte de la nation et non de la race.

    3./ Soumission à l'économie de marché (pour tout ou partie de la population) et renforcement du corporatisme ;

    4./ Fonctionnement en parti unique non démocratique qui de confond avec l'appareil d’État (État total) ;

    5./ Désignation des boucs-émissaires (États étrangers, grandes familles de la finance...) (ah d'accord, dans un pays dominé et surexploité on n'a plus le droit de dénoncer l'impérialisme et l'oligarchie compradore...)

    6./ Refus de l'intellectualisation et de la culture (dite bourgeoise, n’admet pas la contradiction)

    7./ Recherche de conquêtes territoriales ou d'hégémonie hors frontière. ??????????


    Bref, les t-shirts rouges des rassemblements pro-Chavez sont les chemises noires de notre époque...

    C'est là une incapacité totale à voir les choses de manière dialectique.

    Les gouvernements "populaires", "bolivariens", "socialistes du 21e siècle" et autres "révolutions citoyennes" ne sont CERTES PAS des POUVOIRS POPULAIRES, la dictature démocratique et anti-impérialiste des 4 CLASSES (ouvrière, paysanne, petite-bourgeoise et bourgeoise nationale progressiste) sous la direction du Parti du prolétariat. Mais ces gouvernements ne font pas des compromis : ils SONT des compromis en eux-mêmes. Des compromis entre la classe dominante et le Peuple exploité, non pas gentiment accordés par la première, mais arrachés à elle par les seconds, par les LUTTES. Et ensuite ? Ensuite, tout est question de rapport de force, en un mot de dialectique.

    Bien sûr, les classes exploiteuses peuvent reprendre le dessus, reprendre le contrôle des institutions et de la politique gouvernementale. C'est ce qui s'est passé, ces dernières années, en Équateur, mais il faut dire que le président Rafael Correa n'est pas issu du mouvement populaire qui a précédé son élection (comme le syndicaliste paysan Morales, ou le sous-officier putschiste "de gauche" Chavez), mais bien des mêmes sphères de pouvoir que ledit mouvement combattait...

    Pour autant, ce n'est pas toujours le cas. En Bolivie, par exemple, il n'y a pas de Parti révolutionnaire (laissons de côté les groupuscules autoproclamés), cependant la classe ouvrière (des usines, des mines et des champs) est assez fortement organisée, dans les syndicats et les comités populaires de quartier. Elle s'est fortement structurée, en particulier, dans la résistance à l'offensive impérialiste dite "néolibérale" entre les années 80 et 2000. Et ainsi, lorsque le gouvernement "de gauche", incapable de faire face à la crise capitaliste mondiale, s'est retrouvé à devoir augmenter les prix de tous les produits de première nécessité, il s'est heurté à la résistance des masses populaires, et cette résistance n'a pas (ceci est totalement faux !) été brutalement noyée dans le sang : le gouvernement a dû reculer, essaye de manœuvrer, montrant que s'il est impuissant face à la conjoncture économique mondiale, il craint encore plus des masses populaires qui n'ont pas baissé la garde, ne se sont pas démobilisées ni démoralisées.

    C'est CE RAPPORT DE FORCE, uniquement mais totalement, que défend et a toujours défendu Servir le Peuple. Rien d'autre, mais rien de moins. Car SANS CE RAPPORT, toute proclamation du "Parti" du haut d'une chaire (généralement universitaire) n'est que fumisterie intellectuelle.

    Sans l'effervescence sociale qui régnait dans les campagnes du Pérou, après les espoirs et l'échec d'une suite de gouvernements (militaires) "de gauche", JAMAIS le professeur d'université Abimael Guzmán, dit Gonzalo, n'aurait pu déclencher la moindre Guerre populaire que ce soit. Voilà, par avance, la réponse à l'inévitable réplique : "Mais pour le rapport de force, il faut conquérir le pouvoir, sans le pouvoir tout est illusion, et pour cela il faut le Parti !".

    Oui, pour la (vraie) révolution, pour la prise de pouvoir (demain) des exploité-e-s d'aujourd'hui, il faut le Parti guidé par le marxisme de notre époque, le marxisme-léninisme-maoïsme. Mais pour l'instant, il n'existe pas et l'autoproclamer 15 fois n'y changera rien : le Parti ne peut prendre la direction que de masses populaires à la conscience révolutionnaire suffisamment développée. Cette conscience ne s'attend pas, bien entendu, les doigts de pied en éventail : les révolutionnaires, l'avant-garde du prolétariat, peuvent et doivent travailler à son développement. Mais pour cela, il faut prendre les masses telles qu'elles sont, avec leurs illusions réformistes, et les guider dans leur(s) rupture(s) avec ces illusions ; et non les prendre de manière aristocratique à coups de grandes déclarations de principes. La Guerre populaire au Pérou, c'était le résultat de 10 ANS de travail préalable, par des jeunes étudiants et intellectuels d'Ayacucho qui ont su aller aux masses, se fondre avec elles et y mener le travail révolutionnaire !!!

    De même en Inde : les maoïstes n'ont pas déclenché leur Guerre populaire en 2004 "comme ça" ; il y a eu auparavant (dans une lutte commencée en 1967) également 10 ou 15 ans de travail politique auprès des masses, dans un contexte de résistance virulente (paysanne, communautaire-traditionnelle...) contre l'offensive impérialiste "néolibérale". 

    Peut-on considérer éternellement, quand on se dit communiste, que les masses ne comprennent rien ? Non, bien sûr, et si les masses sont attirées par ces mouvements "bolivariens", comme par les organisations de résistance islamique au Proche-Orient (également citées), il y a une raison ! La raison, c'est que ces mouvements ont à un moment donné rompu le front de la Fin de l'Histoire : ce monde merveilleux chanté par Fukuyama, de l'impérialisme-roi sans la moindre remise en cause populaire, avec sa "mort du communisme" (chute du Mur), sa "mort de la libération arabe" (Oslo), sa "mort" de la libération africaine (fin de l'apartheid, élection de Mandela) et autres "règlements pacifiques" 100% au bénéfice de l'impérialisme. Quant aux drapeaux vert du Hamas et jaune du Hezbollah, ils sont tout simplement les drapeaux dont s'est emparée, le drapeau rouge étant en berne, la résistance populaire au Machrek ! Bien sûr, tout cela devra être dépassé, et l'on peut dire aujourd'hui que l'heure a sonné. Mais celui qui ne comprend pas ça, ne peut que donner des leçons du haut de sa chaire aristocratique ! 

    En tout cas, avec ces gouvernements "socialistes bolivariens" qui sont EN EUX-MÊMES un compromis avec les masses travailleuses exploitées, on est BIEN LOIN du fascisme qui est TOUT sauf un tel compromis... À la décharge de nos "red antifas", c'est également l'analyse erronée de bon nombre des "partis" ou "pré-partis" gauchistes intellectuels latinos précédemment évoqués. Mais depuis longtemps, la position de cette mouvance "antifa" est claire : le fascisme est un phénomène de gauche, voire d'extrême-gauche (sauf eux bien sûr). Encore mieux que les sectes trotskystes : là où le trotskyste qui n'est pas d'accord avec les deux autres (3 trotskystes = une scission) les qualifiera de "staliniens", eux qualifieront toute l'extrême-gauche sauf eux de pré-fasciste... De là aux "rouges-bruns-verts" d'une certaine propagande...

    Certes, il est historiquement vrai que le fascisme d'origine (italien) a puisé dans la gauche radicale : Mussolini venait du Parti socialiste (de son aile gauche, même) et beaucoup de syndicalistes révolutionnaires, de socialistes voire d'anarcho-syndicalistes ont pu se reconnaître dans son premier programme de 1919, républicain, anti-Église, anti-bourgeois et pour le partage de la terre... Mais deux ans plus tard, le Parti fasciste était une milice patronale et la plupart des primo-adhérents, venus de la gauche, étaient sur les barricades des Arditi del Popolo contre les Chemises noires. Cela, il ne faudrait pas oublier de le dire... Le nazisme, quant à lui, n'a AUCUNE FILIATION avec la tradition de la gauche allemande ; il s'inscrit clairement dans l'héritage du pangermanisme, du militarisme prussien, de l'antisémitisme petit-bourgeois philistin impulsé dès la fin du 19e siècle par la droite ultra-conservatrice luthérienne (tandis qu'à la même époque le mouvement socialiste d'August Bebel lui assénait la sentence définitive de "socialisme des imbéciles"...), du nietzschéisme, du "socialisme" féodal bismarckien et des milices anticommunistes Freikorps et Stahlhelm. 

    ENFIN, BIEN SÛR que Mélenchon et compagnie soutiennent avec sympathie les "bolivarismes" latinos ou encore Cuba. De même qu'ils sont des rabatteurs de travailleurs pour la "gauche" de la bourgeoisie monopoliste, ils sont des rabatteurs de bourgeois nationaux rebelles vers l'impérialisme, le leur, l'impérialisme BBR, en jouant de la "tradition révolutionnaire de la France" ("être français, c'est être révolutionnaire" dixit Cantonna, devenu l'idole de cette "gauche" avec ces mots). Une Françafrique sauce Mélenchon ramènerait ainsi certainement un Gbagbo dans le giron, et plus largement toutes les cliques de garde-chiourmes attirées par la "Chinafrique" (Mélenchon représente d'ailleurs la bourgeoisie BBR qui pense qu'il faut s'entendre avec la Chine, et non aller à la confrontation). Il pourrait faire profiter l'impérialisme BBR de la perte de vitesse US en Amérique latine, etc. Cela s'est toujours fait ! De Gaulle (avec son aura de résistant "antifasciste") n'essayait-il pas, à une époque, de jouer la Chine contre (à la fois) les USA et l'URSS ? Fallait-il alors qualifier la Chine révolutionnaire de Mao de... "social-fasciste" ??? Et ici, ce n'est même pas la question, puisqu'il n'est nullement question de soutien aux gouvernements mais au rapport de force créé par les masses (dont les gouvernements ne sont qu'une résultante).

    Le problème, et là où il faut être vigilants (nous les révolutionnaires), c'est que ces "soutiens" renforcent toujours la droite dans le camp qu'ils appuient. Comme pendant la guerre antifasciste d'Espagne : il est, en effet, FAUX de dire que la "gauche" bourgeoise SFIO-radicale hexagonale n'a pas soutenu la République d'outre-Pyrénées ; mais ce qui est vrai c'est qu'elle a renforcé la droite dans le camp républicain, notamment en faveur d'une guerre conventionnelle (contre les troupes d'élite de Franco !), et elle a mené celui-ci à la défaite (les Brigades internationales communistes n'ont pas pu contrebalancer cette influence). Si demain, quel que soit le pourrissement droitier de la "gauche" au pouvoir, une agression impérialiste ou une guerre civile réactionnaire frappe le Venezuela ou même l’Équateur, les SEULS VRAIS communistes seront ceux qui appelleront à des Brigades internationales. Les autres pourront aller dans les poubelles de l'histoire ! 

    Quant à l'extrême-droite, elle peut parfois "admirer" ces gouvernements, sur l'air de "eux, ils osent être patriotes !". Mais le moins que l'on puisse dire, et il suffit d'aller sur Fdesouche pour s'en convaincre, c'est que ça crisse à la base... Dans le soutien à ces leaders tiers-mondistes "basanés", point trop n'en faut !


    http://s2.lemde.fr/image/2010/12/28/600x300/1458611_3_d07e_a-la-paz-en-bolivie-des-manifestations-contre.jpg
    Colère populaire en Bolivie, contre la hausse des prix. Les masses n'ont rien perdu de leur combattivité !

     

    Construire l'ingouvernabilité pour la bourgeoisie, même planquée derrière un gouvernement petit-bourgeois "socialiste" !

    Obliger la petite-bourgeoisie "de gauche" à choisir son camp !

    Construire les Organisations Populaires et le Parti qui les mènera à la Victoire !

    Les masses font l'Histoire !

    LE POUVOIR AU PEUPLE !

     


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  • Un excellent texte qui résume à la perfection toute notre vision radicalement anti-dogmatique des choses !

    Source originale : moufawad-paul.blogspot.fr/marxism-beyond-marx-leninism-beyond (l'auteur s'exprime à la première personne)

    Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de MaoEn tant que communiste défendant la théorie révolutionnaire marxiste-léniniste-maoïste, il est important d'insister sur le fait que chaque fois que je me définis comme "maoïste" (ce qui m'arrive souvent lorsque je suis empêtré dans des controverses théoriques), ce que j'entends par "maoïsme" est quelque chose qui va bien au-delà de Mao en tant que personne. De la même manière, je crois en un léninisme "au-dessus" de Lénine et en un marxisme "au-dessus" de Karl Marx. Tout simplement parce que je considère le marxisme comme une science vivante et non comme un ensemble de textes religieux codifiés par des prophètes géniaux dont les mots et les actions sont les sacro-saintes représentations de quelque "divine" loi de l'histoire.

    De même que beaucoup de trotskystes voient Trotsky comme un prophète (et eux-mêmes comme les gardiens d'une théorie "pure" née après la Révolution d'Octobre), il y aussi beaucoup de maoïstes autoproclamés qui imaginent Mao comme une sorte de génie surhumain incapable d'erreur. Plutôt que de voir le nom comme une simple dénomination de la théorie, ils ont tendance à faire de la personne la théorie et de la théorie la personne. Du coup, chaque fois que les actions de la personne dont la théorie porte le nom sont critiquées, il y a comme un réaction-réflexe pour tenter de justifier à tout prix ces actions : puisque la théorie et la personne ne font qu'un, assumer la première requiert la défense inconditionnelle de la seconde.

    Une pensée communiste critique doit pourtant comprendre que les noms [Marx, Lénine, Mao] ne sont rien de plus que des marqueurs, des "jalons" de sauts théoriques importants nommés ainsi uniquement pour indiquer que ces théoriciens ont produit des analyses concrètes de la situation concrète de valeur universelle ; analyses qui ont développé la science révolutionnaire à un niveau supérieur. De manière similaire, lorsque nous parlons de physique einsteinienne aujourd'hui [dans les pays anglo-saxons manifestement, car dans les pays francophones l'on parle de physique relativiste], nous ne parlons pas d'Einstein en tant que personne ni d'une science limitée uniquement aux théories et aux recherches d'Einstein : il y a une théorie einsteinienne au-delà d'Einstein, avec des physiciens qui ont travaillé dans le cadre de ce paradigme et qui ont développé la science dans le cadre théorique conceptualisé par Einstein, certains corrigeant même parfois des erreurs mathématiques.

    Les communistes critiques, par conséquent, ne doutent pas que Marx ait pu se tromper sur certaines choses à l'intérieur du cadre théorique qu'il a conceptualisé : c'est l'horizon théorique qu'il a ouvert (aux côtés d'Engels) qui est important. Et les marxistes-léninistes-maoïstes considèrent que ce cadre a été re-conceptualisé par la suite à un niveau supérieur par Lénine et après lui par Mao ; les enseignements théoriques de chaque révolution historique dans le monde redéfinissant ses contours dans une dialectique de continuité-rupture.

    Continuité parce que l'universalisation initiale est acceptée et contient les germes d'enseignements historiques ultérieurs ; rupture car ces nouveaux enseignements rompent avec certaines pratiques erronées, bousculent les petites certitudes dogmatiques et posent de nouvelles questions. Une science est tournée vers le futur et le fil conducteur du marxisme-léninisme-maoïsme nous oblige à envisager que les futures révolutions du monde de demain, sur la base des positions antérieures de ce cheminement scientifique, produisent de nouveaux moments de continuité-rupture. Comme Marx ne se lassait jamais de le rappeler (et comme le rappelle souvent le théoricien radical Samir Amin), nous ne pouvons répondre qu'aux questions qui nous sont posées par l'histoire.

    Il faut donc, bien que ces développements portent le nom de personnes qui ont théorisé ces moments de ré-universalisation, bien insister sur le fait que ces noms sont de simples marqueurs/jalons historiques du progrès universel. Marx, Lénine et Mao étaient des personnalités sympathiques, bien sûr, et de grands révolutionnaires, mais il y avait aussi d'autres brillants intellectuels révolutionnaires à leurs époques respectives - l'idée même qu'ils aient été plus "géniaux" que n'importe qui d'autre, ou qu'ils possédaient une sorte de vision surnaturelle, est quelque chose d'absolument idéaliste et anti-matérialiste. Ces figures sont simplement des personnes qui ont eu le privilège de se trouver au bon endroit et au bon moment de l'histoire, ainsi que celui d'avoir une formation et une socialisation qui leur ont permis d'être non seulement des leaders révolutionnaires, mais aussi d'avoir les ressources Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Maointellectuelles pour théoriser les circonstances concrètes de ces situations révolutionnaires dont ils étaient partie prenante. En ce sens ils sont les symboles d'un processus, des individus particuliers au sein d'une réalité collective où les masses font l'histoire et, dans le même temps, sont faites par elle.

    Pour revenir à mon point de départ, je suis passablement agacé lorsque des critiques du maoïsme considèrent que je défends d'une manière ou d'une autre les actions de Mao au cours des dernières années de sa vie : serrer la main de Nixon, laisser la Chine soutenir des régimes pour le moins craignos, etc. etc. Une réaction simpliste et réflexe à ces critiques serait d'énoncer un certain nombre de réalités concrètes : il fallait faire preuve de realpolitik alors que la Chine avait besoin d'être reconnue par l'ONU ; la ligne politique de Mao à cette époque avait été défaite et le camp de Deng était déjà aux commandes du pays, etc. Mais ces explications, même si elles contiennent leur part de vérité historique, commettent selon moi l'erreur de placer Mao en tant que personne au-dessus du maoïsme en tant que théorie.

    Mao était un grand dirigeant et théoricien révolutionnaire mais il était aussi un être humain, et les êtres humains ne sont pas des anges ni des représentants immaculés d'un ordre divin : ils sont imparfaits, recouverts par les scories de l'histoire. Si nous admettons que les erreurs de Marx peuvent et doivent être critiquées à la lumière de sa propre théorie, alors nous devons également admettre que les erreurs de Mao puissent être critiquées à la lumière du maoïsme. C'est ainsi qu'en tant que maoïste critique je n'ai pas à défendre le rapprochement politique de Mao avec les États-Unis de Nixon à la fin de sa vie ; et je considère que cette opinion est totalement en accord avec le marxisme-léninisme-maoïsme. Il n'y a pareillement aucun moyen que je défende les positions erronées de Marx sur le colonialisme, ou celles de Lénine dans la direction des Soviets. Cela ne signifie en aucun cas que les cadres théoriques définis par ces révolutions et ces révolutionnaires soient incorrects.

    Si nous ne réussissons pas à avoir cette compréhension du marxisme comme science vivante de la révolution, alors nous risquons de devenir des puristes dogmatiques et nous ne serons jamais capables d'appliquer la théorie révolutionnaire à notre réalité concrète. Bien que j'admette qu'il soit dangereux de rejeter les développements universels de la théorie au profit d'une approche mouvementiste "tout-ce-qui-bouge-est-rouge", il est tout aussi dangereux de penser que nous pouvons sauvegarder une prétendue "pureté" théorique comme si elle existait en dehors du temps et de l'espace, au-delà de l'histoire et de la société, et de nous retrouver par conséquent incapables d'appréhender nos situations particulières concrètes. L'application de l'universel requiert une compréhension du particulier concret ; la dialectique entre l'universel et le particulier est d'une importance vitale ; et c'est ce que nous voulons signifier par communisme révolutionnaire comme science vivante.

    Marxisme au-delà de Marx, léninisme au-delà de Lénine, maoïsme au-delà de Mao

    [À lire aussi à ce sujet, passionnant, cet entretien-débat de 1977 entre Charles Bettelheim, l'ex-GP Robert Linhart et deux membres de la revue Communisme, dans lequel s'expriment leurs différents points de vue et analyses, autrement dit un peu tous les nécessaires "pour" et "contre" pour réfléchir à la question : http://ekladata.com/Sur-le-marxisme-et-le-leninisme.pdf]


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  • Nous sommes, en ce mois de septembre, à peu près à mi-chemin entre deux anniversaires de la plus grande importance pour nous maoïstes : les 45 ans de la Grande Révolution culturelle prolétarienne (décision du Comité central du Parti le 8 août 1966, manifestation d'un million de "gardes rouges" à Pékin et officialisation de ceux-ci par Mao arborant leur brassard le 18, etc.) et les 62 ans de la proclamation de la République populaire, le 1er octobre 1949.

    À cette occasion, Servir le Peuple publie ce très long et intéressant article du PCR Canada, paru peu après les célébrations des 50 ans de la Révolution chinoise à Montréal, en 1999 :

    [NDLR : en français québécois, "éventuellement" = "finalement", "en définitive" ou alors "plus tard", "par la suite"]


    Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise !

    Source

    Le texte qui suit reprend l'essentiel de l'intervention qui a été faite lors de la célébration du 50e anniversaire de la révolution chinoise organisée par Le Drapeau rouge et qui a eu lieu le 1er octobre 1999 à Montréal.

    - Socialisme Maintenant !

    Il y a 50 ans aujourd'hui, des millions de personnes en liesse réunies sur la célèbre Place Tienanmen à Pékin ont entendu Mao Zedong proclamer officiellement la fondation de la République populaire de Chine. « Le peuple chinois est debout ! », a-t-il lancé avec fierté : « Le Chine ne se laissera plus insulter ». Trente-deux ans après la Révolution d'Octobre en Russie, le triomphe des communistes chinois représentait sans aucun doute le deuxième plus grand coup à avoir jamais été porté au système capitaliste mondial. Imaginez ! Du coup, plus du quart de l'humanité venait de se débarrasser du féodalisme et de la domination impérialiste et entreprenait la tâche de construire une société nouvelle, dans un mouvement de lutte ininterrompu allant vers le socialisme et le communisme.

    La Révolution d'Octobre 1917 avait inauguré ce qu'on a appelé l'ère de la révolution prolétarienne mondiale. Après une période tumultueuse et somme toute assez difficile pour le prolétariat et les peuples du monde - marquée notamment par la défaite de la révolution allemande, la montée du fascisme et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale -, la victoire des communistes chinois a relancé de manière spectaculaire le mouvement révolutionnaire, ramenant à nouveau l'espoir parmi les prolétaires de tous les pays et stimulant le mouvement de libération nationale dans les pays dominés par l'impérialisme.

    Une révolution attendue de longue date

    Mais le peuple chinois revenait de loin, de très loin même. Sans vouloir trop insister là-dessus, il faut quand même se rappeler de ce qu'était la Chine avant la révolution de 1949 : à savoir un pays divisé, soumis à la domination des puissances étrangères qui se sont succédées pour le subjuguer, ou qui l'ont fait quelques fois en même temps, se partageant le pays en morceaux ; parmi elles, le Portugal, l'Italie, la France, l'Angleterre, l'Allemagne, le Japon bien sûr, puis finalement les États-Unis.

    Il faut se souvenir aussi de ce qu'était la situation abominable du peuple chinois lui-même, soumis à l'exploitation féroce des seigneurs de guerre - des féodaux alliés aux puissances étrangères -, aux idées les plus réactionnaires et à la misère la plus abjecte. Un peuple, faut-il ajouter, qui n'avait pourtant jamais cessé de résister, et dont les nombreuses révoltes ont marqué tout le XIXe et le début du XXe siècle. C'est fort de ces expériences monumentales, quoique tragiques - notamment l'écrasement de la révolution démocratique dirigée par le Guomindang de Sun Yat-sen en 1913 -, et en s'emparant du marxisme-léninisme que les communistes chinois, dont le Parti avait été fondé le 30 juin 1921, ont pu élaborer la stratégie qui devait finalement s'avérer victorieuse.

    Mao Zedong, qui en fut un des fondateurs, a d'abord procédé à une analyse scientifique de la société chinoise. On retrouve cette analyse dans les premiers textes qu'il a publiés, notamment l'Analyse des classes de la société chinoise et le Rapport sur l'enquête menée dans le Hounan à propos du mouvement paysan. Rompant avec les conceptions de la bourgeoisie nationale, et aussi avec celles de certains communistes qui misaient d'abord et avant tout sur l'intelligentsia et sur le développement d'insurrections dans les villes, Mao avait compris le rôle central que devait jouer la paysannerie, et surtout la paysannerie pauvre, dans la lutte révolutionnaire. Pour lui, il était clair que la révolution n'allait pouvoir triompher sans la participation et la mobilisation des masses les plus larges.

    Partant de là, Mao a su tracer les objectifs de la révolution chinoise. Il a établi clairement le lien entre les tâches démocratiques qui devaient être réalisées (telles la réforme agraire, la conquête de l'indépendance nationale et son corollaire, l'unification du pays) et les tâches socialistes encore à venir - un lien qu'il a systématisé dans le concept de « révolution de démocratie nouvelle ». Mao a également développé les principes et la stratégie de la guerre populaire prolongée, grâce à laquelle l'Armée rouge a pu vaincre, à toutes les étapes, des armées souvent bien plus nombreuses et toujours mieux équipées - qu'il s'agisse des armées locales dirigées par les féodaux, de l'armée japonaise qu'elle a réussi à repousser alors que les nationalistes du Guomindang n'arrivaient pas à le faire, puis finalement l'armée nationaliste elle-même qui était pourtant soutenue militairement par les États-Unis.

    Mais nul doute que la bataille n'a pas été facile. On peut rappeler à cet égard cette fameuse « Longue Marche », commencée en 1934 après quelques défaites militaires bien senties : les combattantes et combattants de l'Armée rouge ont alors marché près de 10 000 kilomètres, en un an, perdant en cours de route plus de 70 p. 100 de leurs effectifs. Cette manœuvre avait été rendue nécessaire pour préserver non seulement l'existence de l'Armée rouge mais aussi celle du Parti, qui autrement auraient été tous deux anéantis. C'est aussi grâce à la Longue Marche qu'on a pu éventuellement constituer une base d'appui, dans la province de Shaanxi, à partir de laquelle la guerre populaire a pu ensuite s'étendre jusqu'à embraser tout le pays.

    Mais si les masses de Chine ont eu à faire face à énormément de répression tout au long de la lutte révolutionnaire, elles ont aussi dû combattre d'importantes erreurs qui s'étaient développées au sein même du Parti qui les dirigeait : un Parti qui a d'abord gravement sous-estimé le rôle de la paysannerie, avant que Mao ne réussisse à le gagner à sa position là-dessus ; un Parti qui a également payé très cher sa soumission au Guomindang et à la bourgeoisie nationale (une position qui était soutenue par l'Internationale et qui devait s'avérer désastreuse politiquement et militairement). Pas à pas, étape par étape, Mao a combattu ces erreurs et amené le Parti communiste de Chine à les rectifier. Alors, c'est donc un peu tout ça, finalement - la résistance populaire, la lutte de lignes, la clarification politique, la méthode scientifique utilisée par Mao et les communistes chinois, et aussi une conjoncture plutôt favorable - qui a rendu la victoire possible en 1949.

    Le début d'une lutte prolongée

    Pour autant, la victoire de 1949 ne signifiait pas la fin de la révolution ; en fait, elle n'en marquait que le début. Octobre 1949 fut le point de départ d'une nouvelle lutte, elle aussi prolongée, entre ceux qui, en définitive, étaient prêts à se satisfaire des transformations déjà opérées à travers la lutte révolutionnaire - lesquelles se trouvaient à avoir été consolidées avec la prise du pouvoir (par exemple la réforme agraire et l'atteinte de l'indépendance nationale) - et ceux qui, tel Mao, voulaient poursuivre et approfondir la révolution, bref passer à une étape supérieure. Ces deux points de vue, qui sont rapidement entrés en opposition, reflétaient en fait les intérêts divergents des différentes classes qui avaient participé conjointement à la première étape de la révolution, alors que leurs objectifs se rejoignaient : d'un côté la bourgeoisie nationale, pour qui la réalisation des tâches démocratiques de la révolution était nécessaire à son éventuel épanouissement ; de l'autre le prolétariat révolutionnaire et les masses paysannes opprimées, pour qui la libération authentique impliquait nécessairement d'aller plus loin.

    Essentiellement, on peut dire que Mao n'a d'ailleurs jamais vu la révolution comme étant quelque chose de statique, dont le triomphe aurait dû marquer l'arrêt ; elle était pour lui un mouvement ininterrompu, un processus dialectique fait d'avancées et de reculs. Les grandes luttes d'avant 1949, qui ont pourtant été nombreuses, n'étaient donc rien à comparer à ce qui allait suivre... Sans rien précipiter, Mao a toujours voulu s'assurer que le mouvement progresse, étape par étape, bond par bond.

    Pour Mao, la contradiction principale en Chine, dès lors qu'il s'agissait d'entreprendre la construction du socialisme, opposait dorénavant le prolétariat à la bourgeoisie, ancienne et nouvelle. À l'époque, la conception dominante en Chine, et généralement même au sein du mouvement communiste international, était que la contradiction principale à laquelle on faisait face à l'étape du socialisme opposait d'une part l'existence d'un système socialiste avancé au niveau politique, et d'autre part le faible niveau de développement des forces productives, qui empêchait de satisfaire pleinement les besoins matériels des masses. Telle était la position défendue par ceux qu'on qualifiera éventuellement de révisionnistes, tels Liu Shaoqi et Deng Xiaoping.

    Ceux-ci étaient présents en force à la tête du Parti communiste chinois au début des années 50 et ils s'inspiraient ouvertement des idées de leurs homologues soviétiques, qui défendaient eux aussi des conceptions similaires. Alors que pour Mao, l'essentiel était de développer la lutte de classes, pour les révisionnistes, c'était de développer les forces productives, à tout prix. C'est ce que Deng devait exprimer si clairement avec sa célèbre formule : « Peu importe qu'un chat soit blanc ou noir, pourvu qu'il attrape les souris. » Deng voulait ainsi signifier que pour lui, la ligne politique et le type de rapports sociaux qui étaient développés n'avaient pas d'importance et que seul le résultat comptait, à savoir le développement des forces productives.

    Ce point de vue était d'ailleurs dominant au moment de la tenue du VIIIe congrès du Parti, en 1956. C'est aussi à la même époque que le révisionnisme allait se voir consolidé en Union soviétique, avec l'émergence de Khrouchtchev et de ce qu'on a appelé la « déstalinisation ». L'URSS, faut-il le rappeler, jouait alors un rôle très important en Chine avec l'« aide » matérielle considérable qu'elle apportait. Pour les nombreux conseillers soviétiques présents dans ce pays et leurs alliés à la tête du Parti, la priorité devait aller au développement de l'industrie lourde et d'un productivisme à tout crin, même si cela devait se faire au détriment de la consolidation du pouvoir de la classe ouvrière. Ce qu'ils proposaient dans les faits, c'était d'accentuer la concurrence et les divisions parmi la classe ouvrière et les masses populaires. C'était de s'appuyer sur les stimulants matériels, de réimplanter le travail à la pièce et les systèmes de bonis, d'accentuer les différentiations salariales, et ainsi de suite - toutes mesures qui à leurs yeux pouvaient seules amener l'augmentation de la productivité.

    Le point de vue de Mao était tout autre. Pour lui, il fallait d'abord maintenir et renforcer l'alliance avec la paysannerie, qui était toujours la classe la plus nombreuse en Chine. Ceci impliquait donc de développer la petite industrie, et pas seulement l'industrie lourde, et surtout de s'assurer qu'un tel développement serve à soutenir le secteur agricole. Mao croyait profondément qu'il fallait continuer à s'appuyer sur les masses pour édifier le socialisme et pour le faire progresser. Il savait que c'était seulement dans la mesure où elles allaient être conscientes des enjeux qui se posaient qu'elles allaient pouvoir réellement s'impliquer et transformer la société. De là les initiatives qu'il a lancées ou favorisées, telles le Grand Bond en avant et l'établissement du système des communes populaires en 1957, le Mouvement d'éducation socialiste lancé au début des années 60 et la grande lutte anti-révisionniste menée contre la direction du Parti soviétique, qui participait elle aussi de la mobilisation des masses sur le terrain idéologique.

    Mais à l'évidence, tout cela ne s'avérait pas suffisant. La droite relevait la tête constamment. Elle s'appuyait notamment sur les difficultés du Grand Bond, victime de désastres naturels, du retrait de l'aide soviétique et aussi du sabotage dans sa mise en application. Elle remettait en question les transformations socialistes déjà opérées et les campagnes politiques menées par Mao. Partant de là, celui-ci a compris qu'il faudrait faire encore plus pour vaincre la bourgeoisie et assurer la progression du socialisme, bref qu'il faudrait une « nouvelle révolution ». Ce fut alors la Grande Révolution culturelle prolétarienne (GRCP), sur laquelle nous allons maintenant nous attarder.

    Une « révolution dans la révolution »

    Après une décennie complète faite de consolidation du révisionnisme et de capitulation face à l'impérialisme US de la part des leaders de l'Union soviétique, la Révolution culturelle, si décriée à l'époque et plus encore aujourd'hui, a vraiment eu pour effet de remettre la révolution à l'ordre du jour. Elle a montré de manière non équivoque que la révolution ne devait pas obligatoirement se terminer par une défaite et que la restauration du capitalisme n'était pas l'aboutissement inévitable de la révolution socialiste. Elle a aussi prouvé qu'en mobilisant les masses et en les armant de l'idéologie prolétarienne, les vieux rapports d'exploitation et les idées réactionnaires pouvaient être renversés, et qu'il était bel et bien possible d'avancer sur la voie du communisme.

    Une des leçons politiques les plus importantes que Mao nous a fait découvrir avec la GRCP, c'est que le quartier général de la bourgeoisie se retrouve à la tête même du Parti, car c'est là où le pouvoir est concentré, là où l'on peut agir le plus efficacement sur l'orientation de la société. Il faut se rappeler que cette idée était alors quasiment une hérésie au sein du mouvement communiste international, en particulier pour les bonzes du PC d'Union soviétique qui se sont sentis visés par l'analyse de Mao, non sans raison d'ailleurs !

    Mais plus encore que cette idée qu'on peut et même qu'on doit contester la direction du Parti lorsqu'elle emprunte une voie erronée, ce que Mao nous a enseigné d'encore plus important avec la GRCP, c'est que l'existence de la nouvelle bourgeoisie a des bases au sein même de la société socialiste, qu'elle repose sur les contradictions qui la traversent réellement. Ce que Mao nous a montré, c'est que contrairement à ce qu'on avait surtout pensé jusque là, la bourgeoisie sous le socialisme, ce ne sont pas seulement les vestiges de l'ancienne société, de l'ancienne classe dominante qui a été dépossédée de son pouvoir ; la bourgeoisie sous le socialisme, ce n'est pas non plus seulement une « cinquième colonne » qui vient s'infiltrer au service de l'ennemi extérieur, des bourgeoisies étrangères ; mais que c'est surtout une véritable classe qui se développe sur la base même des « tares » qui caractérisent la société socialiste : la persistance du « droit bourgeois », des divisions entre ville et campagne, entre ouvriers et paysans, entre travail manuel et travail intellectuel, entre dirigeants et dirigés-es.

    De cette conception nouvelle et supérieure de ce qu'est réellement le socialisme découle donc ce qui doit être fait par le prolétariat révolutionnaire. Le socialisme n'est pas un mode de production achevé. C'est une période de transition, qui ne lui est utile, au prolétariat, que dans la mesure où elle contribue à restreindre toujours plus ce qui vient du mode de production antérieur et à poser petit à petit les conditions au passage à un mode supérieur (le communisme).

    Soit dit en passant, le fait que la GRCP n'ait finalement pas réussi à empêcher la réalisation du coup d'État réactionnaire mené par les partisans de Deng Xiaoping en 1976 n'altère en rien sa validité. Au contraire, cet événement - le coup d'État - et la restauration du capitalisme qui s'en est suivie prouvent qu'elle était d'autant plus nécessaire, et même qu'il en aurait fallu et qu'il en faudra encore d'autres à l'avenir. Mao l'avait d'ailleurs prédit, dès le départ, en 1967 : « La Grande Révolution culturelle prolétarienne actuelle n'est que la première du genre. Dans l'avenir, de telles révolutions auront lieu nécessairement à plusieurs reprises. [...] Tous les membres du Parti et la population doivent se garder de croire [...] que tout ira bien après une, deux, trois ou quatre révolutions culturelles. » [1]

    Ce qu'il faut retenir de la Révolution culturelle, c'est que le socialisme, ce n'est pas seulement - ni même d'abord et avant tout - la transformation du système de propriété, i.e. les nationalisations et l'appropriation des moyens de production par l'État. Le socialisme, c'est aussi la transformation et la révolutionnarisation de toute la superstructure : les institutions politiques, l'éducation, la culture, l'idéologie. C'est une bataille constante pour renverser la pyramide sociale, pour faire en sorte qu'ultimement, le prolétariat et les classes révolutionnaires (i.e. « ceux d'en bas ») deviennent les vrais maîtres de la société.

    Pour Mao, la Révolution culturelle était un moyen non seulement de barrer la route aux partisans du capitalisme qu'on retrouvait au sein du Parti, mais surtout de transformer les rapports sociaux sur la base desquels la nouvelle classe bourgeoise se développait. Dans un discours prononcé devant une délégation militaire albanaise en 1967, Mao s'en était expliqué clairement : « La lutte contre ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie capitaliste est la tâche principale, mais ce n'est d'aucune façon l'objectif. L'objectif, c'est de résoudre le problème de la conception du monde ; c'est d'éradiquer les racines du révisionnisme. » (cité dans People's China, Milton and Schurman ed., pp. 263-264, notre traduction)

    Les 10 ans qui ébranlèrent le monde

    Le coup d'envoi de la Révolution culturelle a officiellement été donné en 1965 par la publication d'un article de Yao Wenyuan, que Mao a soutenu et popularisé, qui critiquait une pièce de théâtre intitulée « La destitution de Hai Rui ». Cette pièce se portait en fait à la défense de Peng Dehuai, ex-ministre de la Défense connu pour ses positions droitières, qui avait été démis de ses fonctions en 1959. Les révisionnistes se sont d'abord défendus en tentant de contenir la lutte uniquement sur le terrain culturel.

    En mai 1966, Mao, qui venait de gagner une courte majorité au Comité central du Parti, fait adopter une circulaire qui donne véritablement le signal du déferlement révolutionnaire. Parmi les idées fortes qu'on y retrouvait, soulignons celles-ci : 1) qu'il y avait un réel danger de restauration capitaliste et que ce danger provenait de la bourgeoisie au sein du Parti ; 2) que la lutte contre la bourgeoisie devait être poursuivie de manière prolongée tout au long de la période du socialisme ; 3) que la mobilisation des masses était en tout temps nécessaire et qu'il fallait impérativement s'appuyer sur elles pour combattre les tentatives de restauration.

    Cette idée de Mao comme quoi il fallait systématiquement mobiliser les masses et s'appuyer sur elles est sans doute une de celles qui ont été les plus dénigrées par la bourgeoisie, autant en Chine qu'à l'étranger. Encore aujourd'hui, on répète un peu partout que Mao a été une sorte d'apprenti sorcier qui a voulu délibérément créer le chaos. Dans un sens, c'est vrai ! Mais c'est ce qui était nécessaire pour barrer la route aux partisans du capitalisme. Mao ne s'en est d'ailleurs jamais caché, comme en témoignent ces propos qu'il a tenus en juillet 1967 : « On ne doit pas craindre les troubles : plus il y en a, mieux c'est. Avec sept ou huit troubles successifs, les choses ne peuvent manquer de se résoudre, et efficacement. [...] Mais il ne faut pas utiliser les armes à feu, c'est toujours mauvais. »

    Un tel point de vue n'est bien sûr pas admissible par ceux qui croient qu'une révolution suit toujours une trajectoire droite, prévisible et contrôlée, comme c'est le cas des trotskistes. Que dans ce cadre il y ait eu quelques excès et des erreurs au cours de la GRCP, cela ne fait pas de doute. Mais il est encore plus certain que sans ce « chaos » et sans ces « troubles », il y aurait eu inévitablement une défaite rapide du socialisme et le triomphe du capitalisme et des forces les plus réactionnaires.

    Tout cela a donc commencé, on l'a dit, sur le front culturel. Puis, le mouvement a pris un caractère de masse lorsqu'il s'est étendu chez les jeunes et les étudiants. Mais pour Mao, ce n'était là qu'un point de départ. Comme il devait par la suite l'expliquer, « les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants furent les premiers à prendre conscience, ce qui correspond aux lois du développement de la révolution ». Toutefois, « ce n'est qu'une fois que les larges masses ouvrières et paysannes seront dressées que toute la camelote bourgeoise sera radicalement balayée, tandis que les intellectuels révolutionnaires et les jeunes étudiants reprendront une place secondaire ».

    Avec l'entrée en scène de la jeunesse et des étudiants, la Révolution culturelle a vraiment pris son envol. Les débats se sont multipliés, les fameux dazibaos (ces immenses affiches à grands caractères) sont apparus un peu partout. Mao lui-même a alors signé son propre dazibao, qui affichait le titre fort suggestif de « Feu sur le quartier général ! ». Pour donner une petite idée de l'ampleur du mouvement, on peut mentionner le cas de l'Université de Pékin, où en une semaine seulement, pas moins de 100 000 dazibaos ont été affichés, pour une population totale de 10 000 étudiantes et étudiants. L'encre et le papier étaient fournis gratuitement à quiconque en faisait la demande. Des journaux de toutes sortes sont aussi apparus et ont circulé à des milliers d'exemplaires, qui reprenaient le contenu des meilleurs dazibaos.

    De la critique systématique des points de vue droitiers, on est ensuite passé à la transformation des rapports sociaux. De nouvelles organisations révolutionnaires ont été créées, de nouveaux organes dirigeants ont été établis. Des expériences de type « commune » ont été mises en place, des comités révolutionnaires nouvellement formés ont pris le pouvoir dans les municipalités, les écoles, les entreprises. Fin 1966-début 1967, le mouvement s'étendait enfin à la classe ouvrière et sortait des villes pour aller à la campagne (le transport par train était d'ailleurs fourni gratuitement aux « gardes rouges » qui souhaitaient se déplacer, dont l'hébergement était pris en charge par l'armée).

    Une des caractéristiques les plus fortes du mouvement, c'est qu'on a permis, voire systématiquement encouragé l'expression de tous les points de vue, tout en tentant autant que possible de préserver l'existence et le bon fonctionnement du Parti et de l'État - ce qui ne fut d'ailleurs pas toujours évident ! Attardons-nous un peu sur la Décision du Comité central du Parti communiste chinois sur la Grande révolution culturelle prolétarienne, datée du 8 août 1966, afin de voir à quel point les conceptions des révolutionnaires maoïstes tranchaient avec une certaine vision sclérosée du marxisme-léninisme qui avait alors cours au sein du mouvement :

    « Il faut faire une stricte distinction entre les deux sortes de contradictions de nature différente : les contradictions au sein du peuple ne doivent pas être traitées de la même façon que celles qui nous opposent à nos ennemis, tout comme les contradictions entre nos ennemis et nous-mêmes ne doivent pas être considérées comme des contradictions au sein du peuple. Il est normal qu'il y ait des opinions différentes parmi les masses populaires. La confrontation de différentes opinions est inévitable, nécessaire et bénéfique. [...] La méthode de raisonner avec faits à l'appui et celle de la persuasion par le raisonnement doivent être appliquées au cours du débat. Il n'est pas permis d'user de contrainte pour soumettre la minorité qui soutient des vues différentes. La minorité doit être protégée, parce que parfois la vérité est de son côté. [...] Au cours du débat, chaque révolutionnaire doit savoir réfléchir indépendamment et développer cet esprit communiste qui est d'oser penser, d'oser parler et d'oser agir. [...] »

    Avec l'implication nouvelle et massive de la classe ouvrière, un moment fort est survenu à Shanghai, qui était traditionnellement un des bastions de la bourgeoisie en Chine mais où l'on retrouvait aussi une forte avant-garde prolétarienne : c'est ce qu'on a connu comme étant la « tempête de janvier » en 1967. La municipalité était alors contrôlée par la droite. Pendant que le mouvement de masse se développait ailleurs en Chine, les autorités municipales de Shanghai s'étaient mises à distribuer bonis, privilèges et augmentations de salaires à certains secteurs ouvriers, de façon à mieux diviser les forces prolétariennes. Parallèlement, elles encouragèrent les grèves et le sabotage de la production. Leur objectif était que les ouvriers, ou du moins certains secteurs parmi eux, se mettent à agir mais seulement pour eux-mêmes, et non pas dans l'optique de transformer la société et de la diriger collectivement. Le sabotage visait aussi objectivement à affaiblir la révolution, en accréditant l'idée que les « troubles » étaient nuisibles au développement économique.

    En janvier 1967, donc, des millions d'ouvriers et de jeunes rebelles ont enfin réussi à renverser le comité municipal du PCC. Les masses ont occupé les principaux édifices administratifs, les journaux, les services publics. Un nouveau pouvoir fut établi, sous la forme de ce qu'on a appelé un « comité révolutionnaire de triple union », dont le tiers des membres provenaient des organisations de masse nouvellement créées dans le cadre de la Révolution culturelle ; le deuxième tiers étant formé de cadres du Parti et le troisième, de représentants de l'armée. Ce modèle a par la suite été généralisé à travers toute la Chine, avec toutefois plus ou moins de succès.

    En 1968, sur la base de ces victoires, on assiste enfin à la destitution et à l'exclusion du « partisan numéro un de la voie capitaliste », Liu Shaoqi. Deng Xiaoping est lui aussi démis de ses fonctions. Une nouvelle génération de dirigeantes et de dirigeants se développe qui se sont aguerris-es dans les premières étapes de la Révolution culturelle. Ces nouveaux dirigeants viennent s'ajouter et renforcer les quelque 90 à 95 p. 100 des cadres qui sont jugés comme étant « fondamentalement bons ». Parmi eux, on retrouve les plus fidèles compagnons d'armes de Mao, ceux que les révisionnistes attaqueront après sa mort en les affublant du sobriquet de « bande des quatre » et qui sont : Jiang Qing (l'épouse de Mao), Zhang Chunqiao, Wang Hongwen et Yao Wenyuan. Éventuellement, au IXe congrès du Parti en 1969, 60 p. 100 du Comité central sera ainsi renouvelé.

    Parallèlement à tous ces développements et à toutes ces mobilisations, on commence aussi à mettre en place ce qu'on appelle les « nouvelles choses socialistes » :

    • Dans l'éducation, on s'attelle à la transformation des méthodes d'enseignement et des contenus de cours ; les ouvriers sont amenés à s'impliquer à la direction des écoles. On cherche à raffermir les liens entre théorie et pratique : les étudiantes et étudiants sont invités à participer au travail productif à la campagne. De nouveaux critères de sélection sont mis en place qui tiennent compte non seulement des performances académiques des candidates et candidats mais aussi de leurs dispositions politiques ; les frais de scolarité sont abolis ; etc.

    • Dans le domaine culturel, de nouvelles pratiques et de nouvelles œuvres sont aussi développées qui visent à servir le peuple. Ce travail, qui est habilement dirigé par Jiang Qing, a produit des œuvres remarquables, telles les ballets intitulés Le détachement féminin rouge et La fille aux cheveux blancs.

    • On assiste à la transformation du système de santé. Les services médicaux sont étendus à la campagne, là où ils étaient autrefois peu disponibles : c'est l'apparition des fameux « médecins aux pieds nus » qui apportent soins et éducation aux masses paysannes.

    • Des « écoles de cadres » sont établies dans lesquelles ceux-ci sont appelés à participer à la production et à s'éduquer eux-mêmes au contact des paysannes et des paysans.

    Mais encore là, la lutte n'est pas terminée. Elle porte désormais sur le maintien ou pas des acquis et des transformations qui ont été faites, et des verdicts qui ont été rendus. Lin Biao, ministre de la Défense et fidèle allié de Mao, en vient à défendre l'idée que la victoire est désormais définitivement acquise. Il propose de remettre l'accent sur le développement de la production et sur le retour à l'ordre. Son point de vue étant défait, Lin Biao tente un coup d'État qui échoue, puis meurt dans un accident d'avion alors qu'il tentait de s'enfuir en URSS.

    Sa trahison place la gauche maoïste sur la défensive. Les centristes, que Mao avait jusque là réussi à neutraliser et même à utiliser à son avantage jusqu'à un certain point, sont maintenant appelés à jouer un rôle plus important. Sous leur influence, Deng Xiaoping est même réhabilité en 1973.

    Bien sûr, officiellement, les acquis sont maintenus, la Révolution culturelle se poursuit. Mais petit à petit, les partisans du capitalisme reprennent leur place dans l'appareil du Parti et celui de l'État.

    Le contexte international est un autre facteur qu'utilisent les révisionnistes à leur avantage. La Chine se trouve de plus en plus menacée par l'Union soviétique, ce qui place objectivement les secteurs pro-américains dans une position favorable. C'est d'ailleurs à cette époque que Deng Xiaoping présente sa fameuse « théorie des trois mondes », de triste renommée, qui propose au prolétariat mondial de s'allier à l'impérialisme US pour s'opposer au social-impérialisme soviétique et qui s'avérera un des principaux facteurs dans l'effondrement du mouvement marxiste-léniniste international à la fin des années 70.

    Fidèles à leurs conceptions idéologiques et politiques, les maoïstes s'en remettent à nouveau à la mobilisation des masses pour contrer le « vent déviationniste de droite ». Cette lutte, qui se déroulera de 1973 à 1976 et qui produira des avancées théoriques très importantes (notamment quant à la critique du « droit bourgeois » et à l'étude de la dictature du prolétariat), permettra de repousser l'offensive de la nouvelle bourgeoisie. Ainsi, Deng est à nouveau démis en avril 76. [2]

    Cette fois encore, les divergences entre les deux lignes se sont cristallisées sur les questions économiques. Le programme des « Quatre modernisations », attribué à Zhou Enlai, apparaît pour la première fois dans le décor. On y propose le retour à l'utilisation des stimulants matériels, l'abolition du travail à la campagne pour les étudiants, le démantèlement des écoles de cadres. Dans une de ses dernières interventions publiques, Mao déclare : « Vous faites la révolution socialiste et vous ne savez même pas où se trouve la bourgeoisie. Mais elle est directement à l'intérieur du Parti communiste - ce sont ceux qui sont au pouvoir et qui suivent la voie du capitalisme. Les partisans du capitalisme sont encore sur la voie capitaliste. » (cité dans Peking Review n° 11, 12/03/76, notre traduction)

    Après la mort de Mao en septembre 1976, le coup fatal sera donné avec l'arrestation de ses plus proches camarades, qui avaient aussi été les dirigeants les plus solides de la GRCP (la soi-disant « bande des quatre ») et avec l'ignoble campagne, dénuée de tous principes, qui s'en est suivie. Contrairement à ce que certains ont pu penser, ce ne fut pas là seulement qu'une simple révolution de palais. Il y a eu d'importants mouvements d'opposition, à Shanghai notamment, et même des mouvements armés, qui ont malheureusement été réprimés et dont on a peu entendu parler à l'extérieur.

    On a voulu laisser croire que les « quatre » étaient isolés et qu'ils n'avaient aucun soutien parmi les masses. Mais leur destitution et leur arrestation ont bel et bien eu toutes les caractéristiques d'un coup d'État. Dans l'éloge qu'il a écrit après la mort de Deng en 1997, Alain Peyrefitte, lui-même un chaud partisan de Deng et opposant notoire aux quatre, l'a admis à sa façon : « Personne n'a compté le nombre des partisans de la "bande des quatre" qui ont fini leurs jours avec une balle dans la nuque. Deng n'a jamais confondu pouvoir et mansuétude. » (La Presse, 22/02/97)

    Au départ, les nouveaux dirigeants ont prétendu défendre l'héritage de Mao Zedong. Puis, assez rapidement, ils ont fini par ne lui reconnaître un rôle positif que pour la période allant jusqu'en 1956 - ce qui, soit dit en passant, en dit long sur les intérêts de classe qu'ils représentent. Après la deuxième réhabilitation de Deng en 1978, on a également fini par décréter officiellement la fin de la GRCP, désormais qualifiée comme ayant été une période de « 10 années noires », et par tout renverser ce qui ne l'avait pas déjà été. On sait maintenant ce qu'il en est advenu aujourd'hui.

    Des acquis indispensables

    Quand on regarde tout ce qui s'est passé en Chine depuis 20 ans - le développement du capitalisme sauvage, la réhabilitation du profit, le retour des valeurs traditionnelles obscurantistes, les différentiations sociales éhontées qui s'accentuent, le chômage qui se développe à nouveau, etc. -, on constate à quel point les tendances à la restauration capitaliste y étaient fortes et solides. Et on peut mesurer l'immense mérite qu'a eu la Révolution culturelle, grâce à laquelle le socialisme a pu se développer pendant dix ans de plus, malgré, justement, la force du capitalisme.

    La Révolution culturelle est venue répondre en pratique à une des questions les plus importantes - sinon la plus importante - qui se pose pour l'avenir de la lutte pour le socialisme, à savoir comment on peut et on doit faire avancer la révolution après la prise du pouvoir. Elle constitue désormais un élément indispensable de notre compréhension de ce qu'est la lutte pour le communisme.

    Évidemment, on peut se poser la question : la gauche maoïste a-t-elle commis des erreurs ? Aurait-on pu éviter le coup d'État de 1976 et prolonger ainsi cette formidable expérience ? Ce sont là des questions importantes, certes, qui pour nous restent d'ailleurs ouvertes. On peut se demander, par exemple, s'il n'aurait pas été préférable de liquider carrément un Deng Xiaoping, lorsqu'il a été démis une première fois en 1968, plutôt que de le laisser en vie et de lui donner ainsi la chance de revenir au pouvoir ? Sachant ce que l'on sait maintenant, on est d'ailleurs porté à répondre oui à une telle question, mais encore là, il faut faire bien attention. Car comme l'a expliqué Mao, « on aura beau destituer [on pourrait même dire liquider] 2 000 partisans de la voie capitaliste durant cette grande Révolution culturelle, si on ne transforme pas notre conception du monde, il y en a 4 000 autres qui vont apparaître la prochaine fois. La lutte entre les deux classes, entre les deux lignes, ne peut être résolue avec une, deux, trois ou même quatre révolutions culturelles. » Deng Xiaoping a certes joué un rôle exceptionnel dans le processus de contre-révolution en Chine, mais si ce n'avait pas été lui, un autre aurait sans doute pris sa place, étant donné la nature profonde de la lutte qui s'est menée entre le prolétariat et la nouvelle bourgeoisie.

    Ce qu'on doit surtout retenir de tout ça, ce sont bien sûr les faits marquants et héroïques de la révolution chinoise - et ils sont nombreux : la Longue Marche, Ya'nan, la prise du pouvoir, la Révolution culturelle elle-même, etc. Tout cela fait désormais partie de notre histoire. Il faut certes aussi vénérer ceux et celles qui l'ont dirigée, et aussi les dirigeants à qui elle a donné naissance : en premier lieu, Mao, bien sûr, mais aussi Jiang Qing et Zhang Chunqiao, qui ont persisté dans la voie révolutionnaire jusqu'à la toute fin, faisant preuve d'un courage tout à fait exemplaire. Mais surtout, il faut mettre au premier plan le maoïsme à la tête de la révolution mondiale, à la tête de la révolution au Canada.

    Nous pouvons dire aujourd'hui qu'à la lumière de tout ce qui s'est produit dans l'histoire du mouvement communiste international et de ses 150 ans d'existence, on ne peut désormais plus se dire marxiste si on ne s'approprie pas réellement et si on ne défend pas systématiquement les avancées théoriques apportées par Mao alors qu'il dirigeait la révolution chinoise. Ne pas le faire, ce serait en rester - ou bien retourner pour certains - au vieux révisionnisme failli condamné par l'histoire.

    Quels sont ces acquis, si importants, qui nous sont nécessaires et qui doivent nous guider pour l'avenir ? Mentionnons-les rapidement :

    • D'abord, il y a la stratégie de la guerre populaire prolongée : la participation des masses comme facteur décisif dans la guerre ; le principe des bases d'appui et de leur utilisation pour commencer les transformations sociales avant même la prise du pouvoir ; la direction du Parti sur l'armée ; « cette vérité toute simple que chaque communiste doit s'assimiler et qui est que le pouvoir est au bout du fusil » - une vérité que certains communistes n'ont d'ailleurs pas encore comprise même si les masses révolutionnaires, elles, n'ont jamais cessé de la mettre en pratique.

    • La « démocratie nouvelle » comme stratégie révolutionnaire dans les pays opprimés.

    L'analyse des contradictions, du rapport entre théorie et pratique.

    • Le concept de la « ligne de masse », basé sur le point de vue selon lequel « le peuple est la force motrice de l'histoire universelle ».

    • La lutte contre le révisionnisme moderne.

    • Le principe d'oser lutter, oser vaincre, celui d'aller à contre-courant.

    • Et, surtout, ce qui apparaît comme étant le principal apport de Mao : l'analyse du socialisme, des contradictions qui le traversent, de la lutte de classes qui se poursuit pendant cette période ; la critique de la « théorie des forces productives » ; l'importance de mener la lutte de lignes au sein du Parti, de reconnaître le rôle et l'existence de la bourgeoisie au sein même du Parti - tout cela concentré dans la nécessité de la Révolution culturelle qui fait désormais partie du programme de toute révolution qui se veut sérieuse.

    Aujourd'hui, 1er octobre, se déroulent deux types de célébrations : celles de la bourgeoisie et celles du prolétariat. Même si la nôtre est plutôt humble, il faut en être fier. Il n'y a pas de mal à brandir le « petit livre rouge » - pourquoi pas ? -, même si cela reste seulement symbolique. Mais ce qu'il faut surtout faire, on l'a dit, c'est d'appliquer tous ces acquis. Le mouvement révolutionnaire international semble plus faible aujourd'hui, en apparence du moins, que ce qu'il était dans les années 60 et 70. Mais là où il se développe présentement, c'est justement là où le maoïsme est appliqué. On le voit très bien au Pérou, aux Philippines, en Inde, au Népal, au Bangladesh, en Turquie, où se développe avec de plus en plus de force la guerre populaire.

    La vérité, c'est qu'armé du maoïsme le mouvement révolutionnaire est maintenant plus fort qu'il ne l'a jamais été. Il est certes encore en période de réorganisation, mais c'est lui qui est porteur d'espoir pour l'avenir, pendant que le vieux révisionnisme achève de capituler.

    Dans les prochaines semaines et les prochains mois, notre organisation lancera une grande discussion au sein du prolétariat canadien sur ce que nous appelons « les bases urbaines du maoïsme », i.e. comment le maoïsme s'applique dans un pays impérialiste, afin de définir quelle est la voie de la révolution au Canada. Des textes circuleront, des débats seront organisés un peu partout, dans les grandes villes, dans les milieux prolétariens, et dans le plus grand nombre de langues possible. Nous vous appelons à vous joindre à cette discussion, à l'organiser dans votre milieu, à y participer en grand nombre. Une discussion que nous souhaitons vivante et ouverte, à l'image du maoïsme lui-même, et qui nous permettra d'entreprendre le nouveau millénaire le plus rapidement possible avec un programme pour la révolution au Canada et avec une nouvelle organisation d'avant-garde pour la diriger. C'est à cette tâche, aujourd'hui, que nous vous convions.

    Vive le 50e anniversaire de la révolution chinoise !
    Gloire éternelle au marxisme, au léninisme et maoïsme !
    Vive la lutte révolutionnaire passée, présente et surtout à venir !

    Le 1er octobre 1999


    1) Sauf indication contraire, les citations de Mao sont extraites des deux tomes de l'Histoire de la révolution culturelle prolétarienne en Chine de Jean Daubier, publiés chez Maspero.

    2) Sur toute la période de allant de 1973 à 1976, on peut lire l'article intitulé « Comment les révisionnistes ont renversé la ligne de Mao », ainsi que le fameux texte de Zhang Chunqiao, De la dictature intégrale sur la bourgeoisie (qu'on peut considérer aujourd'hui comme étant un classique du marxisme-léninisme), tous deux publiés dans Socialisme Maintenant! n° 1, printemps 1997.

    (paru dans la revue Socialisme Maintenant! n° 5)

    ***************************

    [Note SLP - Une petite impasse sur un point, mais c'est avant tout une impasse de la gauche révolutionnaire chinoise elle-même : pourquoi les révisionnistes prônaient-ils "de développer les forces productives, à tout prix", un "productivisme à tout crin, même si cela devait se faire au détriment de la consolidation du pouvoir de la classe ouvrière", en s'appuyant sur "les stimulants matériels, (...) le travail à la pièce et les systèmes de bonis, d'accentuer les différentiations salariales, et ainsi de suite - toutes mesures qui à leurs yeux pouvaient seules amener l'augmentation de la productivité" ; et pourquoi, en 1971, Lin Piao prônait-il "de remettre l'accent sur le développement de la production et sur le retour à l'ordre" ? La réponse coule pourtant de source : parce qu'ils en vivaient, tout simplement ! ]


    Feu sur le Quartier Général !

    Mettons le désordre sous le ciel !

     

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    zone tempêtes

    Sur la Révolution culturelle, lire aussi le très bon article de l'OCML-VP à l'occasion du 50e anniversaire (2016) :


    La Révolution culturelle, une révolution dans la révolution


    Pourquoi une « nouvelle » révolution, après la Révolution ?

    La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne (GRCP) est un épisode révolutionnaire court mais décisif de la révolution chinoise entre 1966 et 1969. C’est un mouvement social de masse, un combat de la lutte des classes, impulsé par les maoïstes pour s’opposer à la restauration du capitalisme et tenter de sauver le processus révolutionnaire et le socialisme. C’est un processus historique d’alliances et de positionnements très complexe, avec bon nombre de débats sur le sens à donner aux événements. Il faut être prudent dans les interprétations. La GRCP pose les questions concrètes du succès et des erreurs de la Révolution. Car il ne « suffit » pas de faire tomber des dirigeants corrompus pour transformer en profondeur une société. Les réactionnaires vaincus ne lâchent jamais l’affaire et les masses prolétaires doivent s’éduquer à diriger en vrai toute la société.


    La lutte des classes continue après la révolution ? Oui…

    Depuis la prise du pouvoir par le Parti Communiste Chinois en 1949, de profondes transformations de la société ont été engagées (éducation, santé, réforme agraire et collectivisations, communes populaires…) mais beaucoup d’inégalités subsistent et une nouvelle bourgeoisie s’est approprié des positions de pouvoir (dans le Parti, l’administration, les mairies des grandes villes, l’encadrement en entreprises, etc.).

    Dans les usines, les contradictions de classe subsistent encore. Les cadres n’ont pas intérêt au même titre que les ouvriers aux transformations révolutionnaires qui réduisent les privilèges. L’éducation est encore largement élitiste et réservée de fait aux enfants de cadres, d’anciens propriétaires terriens...

    Ainsi quinze ans après la prise du pouvoir, il y a toujours une lutte (de classe) entre deux voies, deux camps. Le camp prolétarien et révolutionnaire est partisan d’élargir le pouvoir ouvrier à tous les aspects (travail, éducation, vie collective…). Le socialisme est une phase historique (longue) de la lutte des classes. La société est encore marquée par la contradiction Bourgeoisie / Prolétariat, qu’il faut transformer avec une ferme volonté pour mener la Révolution jusqu’au bout. Le camp révisionniste est partisan d’un « statu quo » social conservateur des inégalités et de la division du travail (qui dirige, et qui exécute ?). Il mise tout sur le développement de la production, qui renforce inévitablement ceux qui occupent déjà les positions dirigeantes. Il est représenté par les « liu-dengistes » [1], alliance des partisans de Liu Shaoqi et de Deng Xiaoping.

    Pour que la révolution continue dans le sens du communisme, c’est-à-dire de l’abolition complètes des classes, le processus révolutionnaire doit rester vivant et porté par les masses populaires. Sinon la situation se fige, les anciens réactionnaires et nouveaux bourgeois poussent au développement du capitalisme, d’abord un capitalisme d’État puis le capitalisme tout court !

    Mao résume ainsi la situation au début des années 1960 : « En un mot, la Chine est un pays socialiste. Avant la Libération, c’était à peu près comme le capitalisme. Maintenant encore, on pratique le système des salaires à huit échelons, la répartition selon le travail, l’échange par l’intermédiaire de la monnaie, et tout cela ne diffère guère de l’ancienne société. La différence, c’est que le système de propriété a changé. »

    La G.R.C.P. est donc une nouvelle étape du processus révolutionnaire, car la Révolution ne se limite pas à la prise du pouvoir. Le socialisme ne se limite pas à déclarer que « tout appartient à tous », à exproprier les exploiteurs au profit de la propriété collective, publique, d’État.

    Pour les révolutionnaires, la suppression de la propriété privée des moyens de production (par la nationalisation, la collectivisation) est un premier pas, nécessaire, mais pas suffisant.
    Pour les révisionnistes, c’est en fait l’aboutissement, et le début de la contre-offensive vers une politique toujours plus bourgeoise. Pour eux, à ce moment-là, comme Staline l’avait écrit dans la Constitution de l’URSS de 1936, la lutte des classes c’est fini ! Maintenant il faut produire pour développer le socialisme, donc les étudiants étudient, les ouvrier-es travaillent (avec ardeur et en la bouclant si possible) et les cadres dirigent.

    Les communistes chinois s’appuient sur cette expérience de la révolution russe, où la lente désagrégation du processus révolutionnaire a débouché sur la bureaucratisation, puis la restauration du capitalisme. Ils développent donc une autre conception du socialisme, qu’ils essaient de mettre en pratique. Ils théorisent qu’il faut mettre la politique (le projet communiste) au poste de commande et non l’économie. Dans une société incomplètement transformée, l’économie repose toujours sur les inégalités antérieures, il faut donc lutter continuellement. C’est l’évolution de ces rapports qui permet de juger si la révolution avance vers le communisme.

    Modèle chinois vs modèle soviétique 
    Dans le contexte international de l’époque de la guerre froide (affrontement des blocs USA/URSS), il est difficile de critiquer publiquement et ouvertement le « modèle » soviétique. Mais en 1963, les maoïstes chinois formulent dans la « Lettre en 25 points » les bases de l’existence d’une nouvelle bourgeoisie sous le socialisme, et dénoncent en 1964 Khrouchtchev comme révisionniste. C’est la rupture dite sino-soviétique. Cela aura des répercussions dans tout le mouvement communiste international qui va scissionner en deux, entre ceux qui resteront fidèles à l’URSS et à Khrouchtchev (comme le PCF en France et l’essentiel des Partis communistes) et ceux qui resteront fidèles à Staline, appelés « marxistes-léninistes ». Parmi ces derniers, ils vont eux-mêmes se diviser en deux. Entre d’un côté ceux qui resteront fidèles à Staline et à ses erreurs, emmenés par le Parti du Travail d’Albanie et son dirigeant Enver Hodja ; et de l’autre ceux autour de Mao et des maoïstes chinois qui entameront un bilan critique partiel des erreurs de Staline et de la restauration du capitalisme en URSS. L’OCML VP est issue de ce dernier courant (voir l’édito de Partisan Magazine N°4)


    La lutte des classes traverse même le Parti Communiste ? Oui…

    Au tournant des années 1960, face aux difficultés concrètes de la construction du socialisme, un premier bilan s’impose. Le mouvement révolutionnaire s’essouffle et la collectivisation (Grand Bond en Avant, voir article précédent dans ce magazine) a connu de graves échecs. Les révisionnistes au sein du Parti (Liu Shaoqi et Deng Xiaoping) exploitent ces erreurs et sont aux commandes de l’appareil d’État. Ils opposent les nécessités de la production, et mettent un coup d’arrêt au développement de la collectivisation. Ils mettent en avant le développement technique (la mécanisation) comme priorité par rapport à l’émancipation politique et à la transformation des rapports sociaux. Malgré des affrontements politiques avec le courant maoïste, ils ont réintroduit les primes et les salaires au rendement, une dose de propriété privée en faisant pression pour restreindre les communes populaires à la campagne. Sous couvert de « réalisme économique », il s’agit de revenir en arrière et « d’appâter » une partie des prolétaires avec des avantages matériels. Cette influence révèle la décomposition du lien entre le Parti et les masses dans de nombreux endroits, et la formation d’une petite bourgeoisie d’État, bureaucratique, dans les niveaux intermédiaires du Parti Communiste Chinois.

    En 1962, Mao réagit et déclenche un « Mouvement d’Éducation Socialiste (MES) », une campagne politique pour « combattre l’individualisme et élever une conscience socialiste dans les masses ». Mao différencie les cadres « bons ou relativement bons, ceux qui sont rééducables après l’aveu de leurs fautes et de leurs erreurs, d’une petite minorité engagée dans la voie capitaliste » [2].

    Le MES part du principe de l’enquête en invitant les masses à critiquer l’autoritarisme des cadres et leur servilité à l’égard du pouvoir. Les cadres responsables de province, de communes, les officiers supérieurs de l’armée doivent aller travailler pour les récoltes. Il en va de même pour beaucoup d’étudiants (encore très fortement d’origine bourgeoise) qui sont envoyés à la campagne pour les grands travaux. Les organisations de masse, de femmes, de paysans, sont redynamisées.

    Mao affirme aussi que la lutte de classe trouve son expression au sein du Parti, et qu’il ne faut « jamais oublier la lutte des classes », ou alors « il se passerait peu de temps, peut-être quelques années ou une décennie, tout au plus quelques décennies, avant qu’une restauration contre-révolutionnaire n’ait inévitablement lieu à l’échelle nationale, que le Parti marxiste-léniniste ne devienne un parti révisionniste, un parti fasciste, et que toute la Chine ne change de couleur » [3]. Mao sonne ainsi la première charge politique à l’intérieur du Parti lui-même.

    Dès le lancement du MES, les cadres révisionnistes réduisent les consignes à un travail administratif, par exemple la purification de la comptabilité au lieu de l’action et de la critique politique populaire.

    Tactiquement les directives de Mao ne sont jamais critiquées frontalement mais réduites à une application bureaucratique. De fait, elles sont largement sabotées ! Le propre des révisionnistes est d’avancer en masquant leurs positions. Tous se revendiquaient sans cesse de Mao, et plus ils étaient engagés dans la voie capitaliste, plus ils se réclamaient du socialisme. Les maoïstes les accusaient « d’agiter le drapeau rouge contre le drapeau rouge ! » Il n’était pas facile de les démasquer aux yeux des masses et de différencier les amis qui se trompent des ennemis qui se cachent.

    Ces luttes politiques sont le reflet, dans le Parti, de la lutte de classe qui continue dans la société. Ces évènements préfigurent par bien des aspects ce que va être la Révolution Culturelle, qui ne surgit pas d’un coup et de nulle part, mais exprime l’intensification des luttes politiques. Les maoïstes dans le Parti Communiste Chinois ont repris l’offensive politique. Mais la capacité de nuisance de la bureaucratie du Parti a été sous-estimée et s’est révélée plus forte que prévu. C’est ce qui poussera Mao à lancer une plus grande campagne de mobilisation des masses. Cette fois, la première cible qu’il désigne c’est le Parti Communiste Chinois lui-même : par le mot d’ordre Feu sur le quartier général ! C’est le début de la Grande Révolution Culturelle Prolétarienne.

    La Révolution Culturelle, la « forme enfin trouvée de la lutte des classes sous le socialisme » (Mao) ?

    La Grande Révolution Culturelle Prolétarienne est lancée de façon volontariste par le courant maoïste comme un mouvement de critique, idéologique, et « culturel ». Il s’agit d’implanter plus largement les idées révolutionnaires dans la vie sociale. Les masses populaires sont encouragées à s’organiser à s’exprimer (sous forme d’affiches et de journaux muraux, les dazibaos). Il faut former une nouvelle génération de militants et de dirigeants communistes, pour assurer l’avenir de la Révolution. La critique prend une ampleur inattendue, dépassant largement l’objectif assigné de quelques hauts dirigeants engagés dans la voie capitaliste : critique large des directions en usine, de l’éducation, politisation de la jeunesse, et elle se transforme en révolution politique. Mao qualifie la GRCP de forme enfin trouvée de la lutte des classes sous le socialisme [4].

    Pourquoi une révolution « culturelle » ?

    La Chine de l’époque est encore marquée par des mentalités imprégnées de féodalisme, opprimant les femmes, les minorités, de superstitions... Les maoïstes critiquent aussi la persistance de la pensée de Confucius (philosophe du 4ème siècle avant J.C.), et sa « théorie du juste milieu » [5], qui devient doctrine officielle de la dynastie des Han (à partir du 3ème siècle) et perdure encore. Présentée comme une sagesse, même encore aujourd’hui, c’est pour les maoïstes la défense du conservatisme social au profit des puissants. De même, ils dénoncent la « théorie du lignage » (à père cadre révolutionnaire, fils cadre révolutionnaire), servant de justification au népotisme politique dans le PCC, la Révolution n’étant pas héréditaire !

    Les maoïstes combattent aussi la « théorie du génie » [6] (au sein même du PCC), développant le culte de la personnalité et le culte du chef, dont Mao est l’objet via le Petit Livre Rouge, créé par le militaire de l’Armée Populaire de Libération, Lin Piao [7], au début des années 1960, véritable « catéchisme de citations », ou encore son portrait étincelant rappelant les anciennes divinités contre lesquelles Mao luttait !

    Les maoïstes mettent donc l’accent sur la lutte idéologique pour l’émancipation populaire, pour faire de la société toute entière une école. Ils lancent l’étude des œuvres de Mao, qui sont encore peu connues, plutôt que le Petit Livre Rouge, pour développer un esprit matérialiste et critique, ainsi que la théorie révolutionnaire.

    Les débuts de la révolution culturelle prennent ainsi la forme de la critique d’œuvres littéraires. En novembre 1965, Yao Wen Yuan, un des futurs « quatre » [8], s’attaque à un cadre historien du Parti, mais la polémique sur la pièce de théâtre soulève en arrière-plan les problèmes économiques. Jiang Qing prône le développement de thèmes révolutionnaires dans la culture. Elle a déjà créé en 1964 un ballet moderne, « Le détachement féminin rouge » qui raconte un épisode de la guerre, au lieu d’empereurs, et de mauvais génies. Il s’agit de favoriser une culture égalitaire, sans préjugés, et qui parle de la vraie vie du peuple. Cette première phase, jusqu’au printemps 1966, est peu spectaculaire. Elle se déroule surtout au sein du Parti, secoue les cadres révisionnistes et déclenche une lutte acharnée.

    Le courant maoïste à l’origine du lancement de la GRCP !

    Au printemps 1966, une série d’articles de presse popularise la critique des directions en en place et l’expression publique par affiches. L’effervescence critique gagne le mouvement de masses. Le courant maoïste lance alors véritablement l’offensive dans tout le pays. Il y aura deux circulaires politiques exprimant la vision de la GRCP.

    L’une en mai 1966 marque le début d’une lutte ouverte contre la fraction de Liu Shaoqi, et l’autre en août 1966 donne plus d’ampleur encore au mouvement. Les circulaires préconisent « d’éliminer les représentants de la bourgeoisie qui se sont infiltrés dans le Parti Communiste et qui s’opposent au drapeau rouge en arborant le drapeau rouge », de destituer les responsables pourris, jusqu’aux plus haut niveaux du Parti et de l’État.

    Un des premiers responsables destitués est le maire de Pékin, rien de moins ! Mais dès le début, les révisionnistes essaient de saboter le mouvement de critique.

    Les « groupes de travail » créés pour animer la révolution culturelle (pendant 50 jours en juin-juillet 1966) sous-direction de Liu Shaoqi (le Président de la République) et de Zhou Enlaï [9] (Secrétaire général du Parti), épurent massivement les cadres (des plus petits échelons) en assimilant à la « Bande Noire du révisionnisme » le plus grand nombre pour en protéger quelques-uns (hauts-placés). Ils accusent les activistes étudiants d’être contre-révolutionnaires et de désobéir aux ordres du Parti (alors que les directives du Parti étaient explicitement de faire « feu sur le quartier général ») en instruisant de véritables « procès ». Les groupes de travail seront très vite critiqués comme conservateurs. Ces méthodes seront caractéristiques des révisionnistes tout au long de la GRCP. Des étudiants et des travailleurs commencent à se regrouper en noyaux plus ou moins larges pour les combattre, groupes qui donneront naissance aux Gardes Rouges.

    En août 1966, sous l’impulsion de Mao, la direction du Parti Communiste condamne ces « groupes de travail ». Cette seconde circulaire, dite « décision en 16 points », affirme que la résistance à la révolution est forte et pose les principes qui vont guider la révolution culturelle :

    - accorder la primauté à l’audace et mobiliser sans réserve les masses,
    - que les masses s’éduquent dans le mouvement,
    - résoudre correctement (pacifiquement) les contradictions au sein du peuple,
    - les cadres rentrent dans 4 catégories : bons ; relativement bons ; ceux qui ont commis des graves erreurs mais qui ne sont pas des droitiers antiparti et antisocialistes ; un petit nombre engagés irrémédiablement dans la voie capitaliste,
    - faire la révolution et stimuler la production (mettre la politique au poste de commande).

    Le courant maoïste dispose d’une influence politique, celle de Mao au Comité Central, et de leurs positions dans la presse, le Quotidien du Peuple, et le Drapeau Rouge. Ces journaux sont de véritables médias de masse, qui diffusent des consignes politiques et des analyses au fur et à mesure des évènements. Mais au final leurs moyens d’actions sont vite limités. Même si les militants révolutionnaires du Parti se battent au sein des « groupes rebelles » ouvriers, ils manquent de lieux et de temps pour centraliser les expériences et se coordonner. La structure du Parti est éclatée par la lutte de ligne. La GRCP se développe contre le Parti, gangréné par le révisionnisme, et donc quelque part sans Parti pour l’animer !

    La jeunesse aux avant-postes de la Révolution Culturelle

    Le système éducatif, maintenu ou revenu à l’éducation traditionnelle après le Grand Bond en Avant, est contesté de manière virulente. Les Gardes Rouges se constituent sur la base des noyaux d’étudiants, d’élèves et d’enseignants. Ils recrutent uniquement les enfants d’ouvriers et de paysans (et aussi des enfants de cadres du Parti, selon la doctrine du lignage, qui sera critiquée plus tard. Leur âge varie de 12 à 30 ans environ, mais la plus grande partie est lycéenne et a tout au plus 16-17 ans.

    Le 18 août 1966, un million de Gardes Rouges manifestent à Pékin, et Mao, en portant leur brassard, officialise leur existence. Le port des uniformes rappelle les grandes heures de la Révolution. Mao donne pour mission aux gardes rouges de « bombarder les états-majors ». Ils ne peuvent jouer seuls le rôle décisif qui appartient à la classe ouvrière mais doivent être le catalyseur.

    S’ensuit une semaine de violence dans les rues. Les gardes rouges s’efforcent de reprendre le pouvoir aux cadres jugés mauvais du Parti. Liu Shaoqi est attaqué sans être nommé par la presse. Puis Deng Xiaoping. Mais aucune sanction n’aboutit contre eux.

    Les gardes rouges entrent dans les usines. Zhou Enlai insiste pour que cela ne perturbe pas le travail et la production. À Shanghai, les cadres révisionnistes du PCC appellent même les ouvriers à participer à la Révolution Culturelle en dehors de leurs heures de travail… Ils mettront toute leur énergie à empêcher les rapprochements entre étudiants et ouvriers. Exploitant l’inexpérience et les critiques maladroites des gardes rouges, partout où ils le pouvaient ils les présentaient comme des éléments contre-révolutionnaires, pour dresser les masses contre eux. Les révisionnistes ont délibérément cultivé le chaos et les contradictions au sein du peuple. Il y a à Pékin jusqu’à Trois Quartiers Généraux des Gardes Rouges. Le troisième, à l’initiative des gardes rouges de l’Université de Tsinhua à Pékin qui avait résisté aux groupes de travail, est attaqué en novembre 1966 par le comité d’action uni (enfants de cadres réactionnaires), ainsi que par un groupe ouvrier (armée des travailleurs rouges).

    La classe ouvrière entre en masse dans la Révolution Culturelle

    Des organisations de masses ouvrières sous la forme de « groupes rebelles » se créent. Le prolétariat est présent surtout dans les villes, en particulier à Shanghai où se développe un foyer révolutionnaire très important. Fin 1966, les organisations ouvrières à Shanghai accusent le maire d’appliquer la ligne pro-capitaliste de Liu Shaoqi. Les ouvriers sont entrés massivement dans la révolution culturelle, mais les cadres conservateurs sont tenaces et se cachent sous une ligne « de gauche en apparence mais de droite en réalité ». Ils s’appuient sur la frange conservatrice des travailleurs pour désorganiser la production. Ils poussent par exemple les ouvriers à quitter le travail pour aller protester à Pékin. Ils présentent les maoïstes comme voulant parler seulement de politique alors que les ouvriers veulent des augmentations de salaires. Ils les incitent à se cantonner à des revendications économiques, et à « se servir » sans tenir compte des écarts de conditions de vie avec les paysans, pour briser leur alliance. Ils encouragent à parcelliser les luttes et à multiplier les organisations concurrentes, pour provoquer la paralysie et montrer que révolution et production sont incompatibles.

    Mais le mouvement ouvrier à Shanghai est expérimenté, du fait de la longue lutte contre les occupations impérialistes. Il y a déjà eu des tentatives de « communes » dans les années 1920. Le débat se polarise sur la question des règlements d’usine, et des cadres, entre les révisionnistes pour qui seulement une petite minorité de cadres est à remettre en question, les maoïstes qui veulent rééduquer ceux qui peuvent l’être, et un courant pour qui 95% des cadres sont pourris et qui veut « tout critiquer, tout abattre », tout de suite. Les affrontements entre organisations se développent, et rend difficile le travail politique d’unité entre groupes rebelles révolutionnaires.

    Le 6 janvier 1967, une alliance de groupes rebelles (un tiers environ des quarante organisations du moment) parvient à prendre le pouvoir et la Commune de Shanghai est proclamée (en référence à la Commune de Paris). Les anciens cadres sont destitués. Mais cette situation très avancée reste minoritaire [10].

    Le courant maoïste soutient la création de la Commune et y voit potentiellement une nouvelle forme de pouvoir généralisable à tout le pays. Mais Mao y voit une initiative trop isolée et prématurée dans la situation générale chaotique du pays. La Commune de Shanghai est transformée fin février 1967 en Comité Révolutionnaire de Triple Union. La Triple Union comprend des rebelles révolutionnaires, des membres de l’Armée Populaire de Libération, et les cadres qui ont soutenu le mouvement. Rebelles et cadres doivent être désignés par les masses.

    Pour Mao, c’est un compromis politique, censé consolider la Révolution Culturelle en isolant la droite. Dans la réalité, ce sera beaucoup moins évident. Dans tout le pays, c’est une période de lutte intense pour la mise en place de ces nouveaux organes du pouvoir. Mao demande à l’Armée Populaire de Libération de soutenir les rebelles révolutionnaires et d’assurer la production industrielle, par la force si nécessaire. L’Armée Populaire de Libération (APL) « arbitre » les affrontements entre factions, mais elle est elle-même divisée entre révolutionnaires et révisionnistes. Ceux qui ont le soutien du Comité Central du PCC et de I’APL locale renversent les cadres pro-capitalistes, ailleurs ils restent souvent en place. Les militaires de l’Armée n’appuient pas toujours la gauche, et les révisionnistes qui y ont des soutiens en profitent pour intensifier la répression des rebelles.

    L’été 1967 : point culminant de la Révolution ou « guerre civile générale » ?

    De vastes mouvements se sont développés, des grèves, des affrontements violents avec les autorités, ou au sein même des rebelles, entre fractions révolutionnaires et conservatrices, des répressions violentes jalonnent la Révolution Culturelle, à l’échelle d’un immense pays comme la Chine.

    Se succède une alternance de courant de gauche et de droite, des mouvements complexes d’avancées et de reculs des rebelles révolutionnaires ou les cadres destitués sont souvent réhabilités. Le processus de critique contre les cadres pourris est parfois l’occasion de règlements de compte et de vengeances personnelles, et l’occasion de lyncher un adversaire en l’accusant d’être contre-révolutionnaire.

    Des groupes d’opposition issus du PCC apparaissent (comme le Shengwulian) qui jugent le PCC irrémédiablement passés aux mains de la bourgeoisie et appellent à refonder un nouveau Parti Communiste. Ils seront éliminés, comme de nombreux groupes rebelles de toutes tendances.

    À l’été 1967, Mao parle de « guerre civile générale ». Le Comité Central du PCC, et notamment Zhou Enlaï, décident de reprendre en main la situation. Mao se range à leur point de vue. Décision qui se traduit par l’action de l’Armée Populaire de Libération, qui va désormais « rectifier » les gardes rouges rebelles, en commençant par leur faire rendre les armes (démilitarisation). Les comités révolutionnaires de la Triple Union sont maintenant composés à 50 % par l’Armée et le reste divisé entre cadres et rebelles (eux-mêmes représentés au début à 50/50 entre révolutionnaires et conservateurs !).

    Des centaines de milliers de jeunes sont envoyés à la campagne, pour « se rééduquer » et disperser les organisations de gardes rouges. Ce sont aussi les écoles des cadres du 7 mai, basées sur la participation accrue des cadres au travail manuel et à la production.

    La critique est recentrée sur un nombre plus réduit de cibles. Elle se concentre contre Liu Shaoqi, qualifié de « Khrouchtchev chinois », destitué, arrêté et emprisonné.

    La Révolution Culturelle s’éteint. Ce sont les dernières luttes, dont les pires heures de la Révolution Culturelle, comme dans le Guanxi en 1968, où 4000 rebelles affrontent 30 000 soldats. De nombreux rebelles sont massacrés ou torturés. Sur cet épisode, on peut lire « Les années rouges » de Hua Linshan, témoin et protagoniste des évènements.

    Au 9ème congrès du PCC en 1969, la moitié des membres du Comité Central viennent de l’APL. La Révolution Culturelle est présentée comme une victoire et une plus grande unité. Derrière cette façade unitaire, c’est une stabilisation politique qui fige la situation au profit de l’armée, pivot de la « reconstruction » du Parti.

    De 1973 à 1975, le courant maoïste dans un dernier sursaut, lance un grand mouvement d’études marxistes sur la dictature du prolétariat, et amorce un premier bilan de la Révolution Culturelle. Des textes qui nourriront la construction de I’OCML-VP à la fin des années 1970 [11]. Cependant, la base sociale chinoise continue de se transformer dans le sens de la restauration capitaliste, qui aboutira immédiatement après la mort de Mao en 1976. La « bande des 4 » est éliminée et toute contestation réprimée violemment. Puis c’est le grand retour de Deng Xiaoping, qui fait de la Chine à partir de 1978 un pur pays capitaliste, toujours en arborant la faucille et le marteau, bien sûr.

    Quelles sont les avancées réelles de la GRCP ?

    À l’avant-garde de la Révolution Culturelle, il y a quelques expériences très importantes, mêmes si elles ne sont pas étendues à tout le pays.

    Produire et travailler autrement, c’est possible !

    Avant la Révolution Culturelle, les usines du secteur d’État étaient à la fois dirigées par le comité du Parti et gérées par le directeur de l’usine, désigné et pas élu. La composition du comité du Parti était en principe décidée par les membres du Parti de l’usine même, mais en réalité il arrivait très souvent que le comité du Parti soit désigné par les instances supérieures de l’appareil du Parti. La révolution culturelle a développé une critique de masse de la division du travail, des directions, de la place de chacun, du système des primes, des règlements d’usine….

    La nouvelle gestion dans le cadre de la production se passait ainsi : tous les problèmes essentiels sont discutés et approuvés en réunion par les ouvriers (planification, perfectionnement technique, sécurité et protection du travail, etc).

    Dans le cadre de la triple union, les ouvriers ayant l’expérience pratique (c’est la force principale), les techniciens et les cadres unissent leurs efforts. Ils permettaient à la classe ouvrière d’intervenir dans le domaine des sciences et des techniques, de s’émanciper petit à petit du savoir des experts. « Rouges et experts » était leur slogan.

    La GRCP a entrepris de résoudre les écarts issus de la division du travail. Les cadres devaient participer au travail productif comme les ouvriers. Des universités d’usine étaient créées, pour former des techniciens à partir des rangs de la classe ouvrière.

    La résistance de la ligne révisionniste a été considérable. La ligne maoïste s’opposait depuis longtemps à la ligne de Liu Shaoqi. Mao avait formulé en 1960 une Charte d’Anshan (pour les ouvriers de l’aciérie d’Anshan) qui n’a pas été appliquée avant 1964 et a été popularisée ensuite par la GRCP.

    Voici ce qu’elle disait :

    - Placer toujours la politique au poste de commandement,
    - Renforcer le rôle dirigeant du Parti,
    - Lancer vigoureusement des mouvements de masse,
    - Appliquer le système de la participation des cadres au travail de production et des ouvriers à la gestion, réformer les règlements dans ce qu’ils ont d’irrationnel et assurer une étroite coopération entre cadres, ouvriers et techniciens,
    - Encourager vigoureusement les innovations techniques et mener énergiquement la révolution technique.

    Cette charte s’opposait au règlement en 70 points de Liu Shaoqi, copié sur le modèle soviétique, dite Charte de Magnitogorsk (du nom d’un combinat sidérurgique russe) et donnant la primauté aux experts et à la technique, et plaçant le profit et le rendement de la production au poste de commande. La GRCP avait critiqué le système des primes et des stimulants matériels (primes au rendement) comme développant l’égoïsme, renforçant le système du salariat, au lieu de le réduire pour l’abolir ultérieurement.

    En critiquant les règlements abusifs, les ouvriers chinois critiquaient l’organisation du travail héritée du capitalisme, sous-tendue par le « profit au poste de commande ». Ces règlements protégeaient la division entre travail manuel et travail intellectuel, entre ouvriers et techniciens, au lieu de la réduire.

    Deux expériences sont particulièrement popularisées pour être reproduites, celle de l’exploitation pétrolifère de Taking et celle du village de Tatchaï, qui reprennent les directives de la Charte d’Anshan.

    L’agglomération industrielle (exploitation pétrolière) et agricole de Taking. À la fois urbaines et rurales, les agglomérations où vivent les ouvriers de l’entreprise et leurs familles sont reliées par un réseau routier. Une région industrielle socialiste de type nouveau commence à prendre forme, qui associe l’industrie à l’agriculture, la ville à la campagne, au lieu de développer l’un au détriment de l’autre. Les femmes sont pleinement associées à toutes les tâches de production comme de direction. Liu Shaoqi et ses acolytes critiquèrent les ouvriers de Taking pour s’être engagés dans les productions agricoles, disant que c’était « aller à l'encontre de la division du travail ». Ils accusèrent calomnieusement les femmes d’avoir « abîmé la prairie » en prenant l’initiative de défricher de nouvelles parcelles ! (Photo)

    Tatchaï est une brigade de production agricole dans un village pauvre de montagne, en Chine du Nord. Il y a d’abord une lutte des paysans pauvres et moyens contre les paysans riches qui refusaient la collectivisation. Après quoi, au prix d’un travail acharné, tout le village a été aménagé, arraché à la montagne, des dizaines de culture en terrasse ont permis de développer les ressources. Il y avait un grand arbre où les anciens propriétaires fonciers battaient et pendaient les paysans pauvres accusés de vol ou autre, alors qu’ils voulaient juste se nourrir. Cet arbre était devenu un lieu de mémoire et de regroupement où ils apprenaient aujourd’hui le marxisme. La clé, c’était l’effort soutenu pour éduquer les paysans ; la clé c’était le facteur humain.

    Apprendre et éduquer autrement, révolutionner l’enseignement !

    Faire de la société toute entière une école de l’émancipation ouvrière, telle était la dynamique de la Révolution Culturelle. Éducation populaire contre éducation élitiste.

    Mao avait dit : « Les écoles supérieures sont nécessaires. Toutefois, il faut réduire la durée des études, mener la révolution dans l’enseignement, et former un personnel technique issu des rangs des ouvriers. Les étudiants doivent être choisis parmi les ouvriers ayant une expérience de la pratique ; après quelques années d’études, ils retourneront à la pratique de la production. » [Cité dans Pour le Parti - Spécial Chine, 1978]

    Le monopole de la compétence technique, source de hiérarchie dans l’organisation capitaliste du travail (et aussi des différences de salaires) est remis en cause par ce nouveau type d’enseignement. Capables aussi bien de fabriquer que de concevoir, capables de diffuser leurs connaissances parmi leurs camarades, les ouvriers- techniciens sont à même de diriger l’ensemble du processus de production. L’enseignement ne s’arrête pas à la formation de nouveaux experts, occupant la place des anciens : la révolution dans l’enseignement inclut le retour à la « pratique de la production ». Ces universités ouvrières (de même que celles mises en place à la campagne sur le même modèle) ont connu, à partir de la GRCP, un développement très rapide.

    Les jeunes diplômés de l’enseignement secondaire doivent faire l’expérience du travail productif, connaître les conditions de vie et de travail des masses, participer à la lutte des classes dans l’usine ou à la campagne. Le recrutement des étudiants ne se fait plus selon le seul critère des connaissances intellectuelles et culturelles (examens), les étudiants sont choisis par leurs camarades de travail qui reconnaissent en eux la volonté et les capacités de se former pour servir le peuple. Apprendre, c’est aussi apprendre à ne pas mépriser le travail manuel, apprendre à utiliser ses connaissances pour transformer la réalité.

    Une école bourgeoise « démocratisée » ne peut former que des cadres bourgeois avec des enfants d’ouvriers. La GRCP a montré que la révolution socialiste dans l’enseignement avait une autre dimension. (Extrait de Pour Le Parti - Spécial Chine 1978)

    Penser autrement : Combattre les idées traditionnelles réactionnaires

    Partie de la critique de pièces de théâtre, la Révolution Culturelle a mis en avant l’importance du bouleversement des idées reçues qui participent à la reproduction des systèmes de domination. Partout, dans les entreprises, aux champs, dans les écoles, à la maison, ces idées héritées des anciennes sociétés sont un frein au développement des idées révolutionnaires. Elles font partie des bases qui permettent à une société de se reproduire, mais elles sont dans chaque tête individuelle. Sur la place et le rôle assignés aux femmes dans la société par exemple, avec un mot d’ordre comme « ce qu’un homme fait, une femme peut le faire ; ce qu’une femme fait, un homme doit le faire ». L’aspect « culturel » de la révolution signifie cela : l’ampleur et l’enjeu décisif de réévaluer et changer les idées et comportements anciens qui en découlent, tout ce qu’on appelle l’idéologie.

    La GRCP nourrit encore aujourd’hui les débats politiques !

    Parce que la GRCP reste une expérience historique d’une portée immense, elle génère encore une lutte de classe autour de son bilan et de son existence. Comme l’écrivait Jean Daubier, historien français contemporain de la Révolution Culturelle : « La Révolution Culturelle constitue un défi général à la conception générale de la vie, aux sociétés dites de consommation, au culte de l’argent, à l’élitisme et à l’individualisme. Elle montre que la renaissance du pouvoir bourgeois en URSS n’est pas une fatalité pour les autres pays socialistes et que les valeurs exaltées par le capitalisme sont historiquement relatives et dépassables » [12].

    Pourquoi la GRCP déchaîne-t-elle encore aujourd’hui la haine anticommuniste ?

    Périodiquement, il n’y a qu’à voir à chaque anniversaire, les médias reprennent en chœur ce grand chapitre du « livre noir du communisme » qu’est la Révolution Culturelle !

    La Révolution Culturelle est présentée comme une « guerre des chefs » autour de Mao, dirigeant omnipotent d’un Parti monolithique. Cela a l’avantage d’éliminer le « peuple », tous ces prolos et ces paysans suivistes, incapables, qui auraient été aux mains des élites pour faire régner la terreur. Car l’enjeu réel est bien là, pour la bourgeoisie : discréditer à tout prix, complètement et pour toujours, toute tentative de dictature du prolétariat.

    La classe laborieuse (classe dangereuse pour la bourgeoisie) ne doit pas exister politiquement, elle doit être un « peuple » fictif et docile ! Elle ne peut pas diriger, elle ne doit jamais savoir diriger ! Car l’histoire et la mémoire des luttes est une arme pour nous, et donc aussi un champ de bataille pour la bourgeoisie !

    Ces critiques se retrouvent chez un certain nombre d’intellectuels petits-bourgeois « démocrates » où transparaît clairement un mépris de classe, colonialiste de surcroît. Ceux-là même qui glorifient la Révolution française de 1789 ! Une des choses reprochées est la pratique d’autocritiques publiques, pancartes autour du cou, par ceux-là même qui pratiquent quotidiennement le lynchage médiatique télévisuel et hurlent avec les loups aux criminels, aux voyous à propos des militants radicaux, des syndicalistes, des immigrés, etc.

    Ce qui est visé, c’est la critique par la Révolution Culturelle de l’origine sociale très favorisée et de la place des intellectuels de l’époque, qui furent envoyés travailler aux champs dans les mêmes conditions, certes très dures, que la masse des paysans ! Sont donc quasi toujours mis en avant des récits individuels biographiques d’intellectuels envoyés aux champs pour décrire toute la barbarie des communistes.

    À ces critiques, nous ne répondons pas par des citations du Petit livre rouge, mais par l’analyse concrète des faits, qui ne sont encore que partiellement connus. Nous ne cherchons pas à minimiser les violences, et les morts, car la Révolution n’est pas un diner de gala, c’est une lutte de classe pour le pouvoir. Le nombre de morts pendant la Révolution Culturelle se monterait à presque 1 million [13]… se comptant au premier chef parmi les masses populaires, dans la répression après 1968. Mais c’est une falsification grossière de l’histoire de dire que Mao a ordonné lui-même des exécutions de masse.

    De plus, c’est le pouvoir de Deng Xiaoping qui a fait systématiquement détruire toutes les archives, brûler les documents de l’époque, ce qui est un frein réel au travail critique des historiens aujourd’hui à la recherche de la vérité.

    Les critiques « de gauche » faites à la GRCP

    Plus intéressantes et d’une autre nature sont les critiques de gauche, qui regroupent sous des formes différentes le courant de l’opposition ouvrière (Rosa Luxembourg face à Lénine, voir Partisan Magazine n°4), des positions dites conseillistes et anarchistes, ou encore celles assez connues en France du philosophe Alain Badiou.

    Ces critiques reprennent l’existence embryonnaire d’un courant politique de la RPC, « anti-autoritaire » voulant « tout abattre, tout dénoncer » selon les mots de l’appel de Shanghai du 8 février 1967. Ces positions ont en commun la mise en avant de la démocratie directe par la forme « communale », se prononcent contre l’État-Parti, et veulent passer de la prise du pouvoir à l’abolition de l’État tout court.

    Reprendre le pouvoir central, le pouvoir d’État à la bourgeoisie, et le déconcentrer, le décentraliser sous la forme d’un pouvoir ouvrier : tout cela anime l’esprit et les directives de la collectivisation, de la pratique des milliers de communes populaires qui furent créées dès les années 1950 à travers toute la Chine. La dénonciation de la bureaucratisation, de la fusion du Parti et de l’État, ce sont des constats et des critiques justes, tirés du bilan des expériences révolutionnaires.

    Nous prenons au sérieux ces critiques et nous ne les balayons certainement pas d’un revers de main. Cependant, de notre théorie politique et des leçons de notre pratique, et de celles du mouvement ouvrier avant nous, nous en tirons des objections.

    Il est facile de désigner dans l’abstrait un ennemi à abattre (Bourgeoisie, État, Autorité, Hiérarchie, Parti, etc.), mais il est plus difficile de s’attaquer à la racine des problèmes, et de maitriser la critique et la lutte dans les faits.

    En marxistes, nous ne jetons pas le Parti et l’État prolétarien avec l’eau du bain. Nous voyons la « nécessité » du Parti comme celle d’un État de type nouveau de dictature du prolétariat. Rien à rien à voir avec un modèle « fétiche », une marque de fabrique des communistes, il ne s’agit que d’outils et pas d'une fin en soi. C’est la forme qui a permis à travers l’histoire de prendre le pouvoir et de le garder un tant soit peu (pas assez longtemps encore) pour transformer la société, sans quoi les épisodes révolutionnaires se sont révélés éphémères (de cent jours à peu d’années). Le Parti et l’État sont des « stigmates », c’est-à-dire la marque que la société n’est pas majoritairement transformée. Lénine soulignait déjà en 1917 que « la transformation des rapports de production détermine le dépérissement de l’État » et du Parti, ou pas… si le pouvoir ouvrier ne progresse pas significativement dans les faits.

    Décréter qu’on les supprime ne fait pas avancer plus vite la transformation des rapports sociaux et de production. Aucune forme ou règle collective d’organisation n’est à elle seule une garantie suffisante, ni la forme syndicat, congrès des producteurs, ni la forme Assemblée Générale… L’égalité comme principe « dans la loi » se proclame, mais l’égalité dans tous les aspects de la vie se construit, à commencer par l’éducation à prendre en mains toutes les questions politiques, économiques, écologiques… La seule chose qui est une garantie, c’est l’intérêt ouvrier réel en lutte, et l’implication consciente et active du plus grand nombre de travailleurs. C’est de réduire l’écart entre les prolétaires les plus conscient-es, qui sont les « leaders » au départ du mouvement révolutionnaire, et la masse… dans le partage des tâches de direction, d’organisation, de prise de parole, etc. Chasser un tsar, couper la tête d’un roi, enfermer des dictateurs ne suffit pas à supprimer l’existence collective de la classe exploiteuse. Même renversée, elle cherche toujours à réinvestir les lieux de pouvoir, peu importe ce qu’ils sont, et elle se dit rouge si le pouvoir est rouge…

    Nous faisons aussi la critique, qui est au fondement de l’OCML-VP, du culte parfois aveugle de la spontanéité des masses, faisant fi des contradictions, des idées réactionnaires, de l’aliénation… Nous avons confiance dans la capacité des prolétaires à se libérer et à libérer l’humanité toute entière, mais nous ne sommes pas naïfs, ni conciliateurs. Mao avait surestimé cette confiance, en essayant d’unir 95% des masses à 95% des cadres, et il porte sa part de responsabilité dans l’échec final de la GRCP.

    Débattons des enseignements de la GRCP !

    L’appréciation de la fin de la GRCP a provoqué de vifs débats dans l’OCML-VP, malgré une étude approfondie sur plusieurs années. Les divergences portaient par exemple sur les positionnements du courant maoïste et la critique des décisions politiques de Mao. La question de savoir si la Chine était encore « socialiste » en 1967… L’organisation n’a pu à l’époque de l’étude se départager clairement sur l’expérience historique elle-même.

    On retrouve une partie de ces débats dans les anciens numéros de la Cause du Communisme, n°12 à 14 entre 1998 et 2000.

    Cependant, les leçons politiques tirées de l’expérience chinoise ont enrichi notre ligne politique et notre compréhension des tâches des communistes pendant le socialisme.

    Pour neutraliser les nouveaux bourgeois, c’est la base matérielle de leur apparition qu’il faut changer, donc la transformation en profondeur, la révolutionnarisation de toute la société. La séparation entre l’État, investi par les ouvrier-es et prolétaires les plus conscient-es (ce qu’on appelle l’avant-garde), et la grande majorité des masses donne une base matérielle pour que se reproduisent des rapports de production capitalistes et une nouvelle bourgeoisie.

    Seule l’action révolutionnaire pratique des masses est susceptible de créer progressivement les conditions de la disparition des rapports de production capitalistes et du développement des rapports de production communistes. Ce développement se réalise à travers l’élargissement du pouvoir, la suppression des classes et donc l’extinction de l’État.

    La lutte politique, l’éducation et la lutte des classes, sont les moteurs de la transformation de la société !

    Pour exercer leur action révolutionnaire, les ouvriers ont besoin de structures de masse à la base où s’exprime la démocratie prolétarienne, et où ils apprennent à prendre en main les affaires de la société toute entière. Ces structures apparaissent pendant le processus révolutionnaire, ce sont les soviets, ou conseils ouvriers. Ils sont le fondement, avec le Parti Communiste, de la transformation révolutionnaire des moyens de production et des rapports sociaux. C’est en leur sein, par le débat politique le plus large possible, et dans la lutte politique qu’ils préparent concrètement les conditions du passage au communisme.

    Les soviets devront se doter de principes de fonctionnement qui leur permettent d’étendre le pouvoir parmi les masses.

    Ces principes, ce sont :

    - La lutte contre la délégation de pouvoir ;
    - La révocabilité des élus par la base et le contrôle permanent des mandats ;
    - La limitation de la hiérarchie des salaires ;
    - L’aménagement du temps de travail pour permettre aux ouvriers de se former et d’accéder aux tâches de responsabilité ;
    - L’organisation collective de la production ;
    - Le droit d’expression et d’organisation, notamment syndicale ;
    - La préservation et la garantie des droits de la minorité.

    Ces principes sont la condition de l’élargissement du pouvoir. Mais ils ne sont pas en soi une garantie absolue. Et les expériences ont montré qu’ils peuvent s’affaiblir à la suite d’erreurs politiques, des combats contre la bourgeoisie et de la guerre impérialiste. Il faut entretenir sans cesse l’élan révolutionnaire, et s’assurer que de nouvelles générations prennent le relais des premiers « vétérans », car la période de transition est longue !

    Construire l’unité au sein du peuple par la juste résolution des contradictions

    Il faut poser les contradictions, à chaque pas, mais combattre l’esprit de clan, le sectarisme et toutes autres tendances réactionnaires bourgeoises visant à saper la direction exercée par la classe ouvrière. On l’a vu pendant la Révolution Culturelle, la multiplication des organisations n’est pas nécessairement source de démocratie et de pluralisme. Cela a aussi été source de concurrence, d’affrontements, de rivalités personnelles. Il faut donc toujours avoir à l’esprit le souci de l’unité la plus forte et la plus large possible. Unité au sein des exploités, qui ne consiste pas à mettre sous le tapis tout ce qui fait problème, mais à en débattre pacifiquement et à résoudre les désaccords par la voie de l’expérience et du bilan politique.

    Une dure leçon, entre autres, de la Révolution Culturelle, est le rappel que l’unité est toujours transitoire et temporaire alors que les contradictions sont générales.


    Faire vivre le Parti et la théorie marxiste !

    La GRCP nous donne des chantiers pour la construction du Parti ici et aujourd’hui.

    Comment préserver le Parti du développement du révisionnisme ? Mao malgré son expérience et son influence politique s’est retrouvé plusieurs fois minoritaire, de même que le courant authentiquement communiste…

    Une des critiques que nous formulons a posteriori au PCC est qu’il semble avoir eu peu de vie démocratique en interne, par exemple par la tenue régulière de congrès. C’est souvent le premier symptôme de dégénérescence, et de bureaucratisation. Il n’y en a pas eu pendant des années ! Les luttes politiques se sont donc déroulées de manière rampante sans que la base puisse bien mesurer la lutte de ligne grandissante et sans doute se mobiliser, du moins assez tôt.

    De même, le Parti en tant qu’organe collectif a délaissé le travail théorique, c’est-à-dire l’étude critique des contradictions et de la lutte des classes en cours. Sans une analyse concrète, critique et actualisée au fur et à mesure des avancées et des reculs, il devient impossible de comprendre et de savoir où est la bonne direction.

    Enfin la critique déjà énoncée par Lénine de la fusion du Parti et de l’État doit être encore approfondie. Plus il y a de prolétaires éduqués et participant aux responsabilités d’organisation de la société, plus on réduit la fusion du Parti et de l’État, initiée par le manque de cadres ouvriers. De même, plus il y a de prolétaires éduqués qui prennent en charge toutes les affaires sociales, moins il y a besoin d’un État en tant que corps spécial et plus on décentralise les responsabilités et plus on a de chances de travailler à son extinction…

    Il nous faut creuser encore comment assumer d’emblée la construction du Parti et son dépérissement à terme, mais dans un même mouvement. C’est un apport fondamental du maoïsme, d’avoir développé une façon de faire de la politique et des méthodes de travail luttant contre la délégation, pour devenir tous dirigeants, et tous dirigés.


    [1La droite révisionniste : Liu Shaoqi, Président de la République, sera dénoncé comme le « Khrouchtchev chinois ». Chen Pota, maire de Pékin, lui aussi une des cibles de la Révolution Culturelle. Il sera arrêté et mourra en prison en 1969. Sa mémoire est réhabilitée par Deng Xiaoping. Ceux qui seront les liquidateurs de la Révolution, Deng Xiaoping et Hua Guofeng, successeur de Mao, apparu tardivement mais qui va arrêter et réprimer les maoïstes dans tout le pays. Et surtout Deng Xiaoping, qui a fait ses études en France, et vécu en Union Soviétique, il a même travaillé brièvement à Renault Billancourt. Dès les années 1960, il cherche à diriger une politique économique capitaliste, en alliance avec Liu Shaoqi.

    [2Discours de Mao devant le Comité Central du Parti en septembre 1962, repris ensuite dans les circulaires de 1966 de la Révolution Culturelle.

    [3Idem.

    [4La formule fait écho à Marx « La Commune est la forme « enfin trouvée » par la révolution prolétarienne, qui permet de réaliser l‘émancipation économique du travail », dans La Guerre Civile en France, citation reprise par Lénine et transformée en « première forme enfin trouvée de la dictature du prolétariat ».

    [5Seul le « milieu » est parfait, car une fois qu‘on se tient bien dans le « milieu », les choses ne peuvent aller à l‘extrême, et l‘ancienne stabilité qualitative des choses ne peut être détruite. En tant que conception de l‘histoire, cette théorie considère comme absolues et sacrées l‘ancienne forme socio-économique et sa superstructure ; elle nie la transformation révolutionnaire de la société, le mouvement de progrès de la société ; elle préconise les idées conservatrices, le retour à l‘ancien. La théorie du « juste milieu » de Confucius, Tcheh Kiun, 1975 http://chinepop.chez-alice.fr/chinepop2/justemilieu.pdf

    [6La théorie du génie était portée par Lin Piao, à propos de lui-même, mais aussi de Mao. Elle instrumentalise la reconnaissance politique par les masses des dirigeants, vainqueurs de la guerre, pour la réduire au prestige individuel et servir des ambitions personnelles, comme si la justesse d’une ligne politique était le fait de « grands hommes ». Théorie dont on retrouve aussi le contenu en France dans l’enseignement de l’histoire.

    [7Lin Piao ou Lin Biao : c’est un militaire, ex-ministre de la Défense, vétéran de la première heure de l’Armée Populaire de Libération. Il est l’auteur et l’initiateur du Petit Livre Rouge (recueil de citations de Mao diffusé dans les masses). Il entretient des liens avec l’URSS où il en tentera de s’enfuir en 1971. Il sera caractérisé « de gauche en apparence mais de droite en réalité » par le courant maoïste à l’issue de la Révolution Culturelle. De gauche, car il a notamment supprimé les grades dans l’armée, mais de droite en réalité car ce qu’il défend au final c’est le dogmatisme, un fort nationalisme, et le culte du chef.

    [8Les communistes autour de Mao, que les révisionnistes appelaient la « Bande des 4 » dans un sens péjoratif, se référant à l’accusation de « bande noire du révisionnisme ». Jiang Qing (stigmatisée aussi pour être la compagne de Mao), Zhang Chunqiao, Yao Wenyuan et Wang Hongwen.

    [9Ancien fondateur du PCC, diplomate, réputé habile, il a été Premier Ministre, puis Ministre des Affaires étrangères et enfin Secrétaire Général du Parti. C’est un centriste, très opportuniste, il soutiendra Mao tant qu’il sera fort, puis il s’alliera finalement à la droite.

    [10Voir à ce sujet, la chronique du livre de Hongsheng Jiang, dans Partisan Magazine n°1, http://www.vp-partisan.org/article1376.html

    [11Marx, Engels et Lénine sur la dictature du prolétariat, Mars 1975, http://www.vp-partisan.org/article1207.html

    [12Histoire de la Révolution culturelle prolétarienne en Chine, Petite Collection Maspero, Paris, 1971

    [13Chiffrage en 2009 par les historiens Roderick MacFarquhar et Michael Schoenhals dans la « Dernière Révolution de Mao », Éditions PUF, qu’on ne peut pas suspecter de sympathie envers le maoïsme.

    Étudions l'histoire de la Révolution chinoise


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