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    Harry Haywood (1898-1985) est un militant historique New Afrikan du mouvement communiste US, membre fondateur du premier PC des USA, et également un grand théoricien de la question noire US, qu’il est le premier à définir comme une nation opprimée, une « colonie intérieure ». Il fut également un membre actif de l’Internationale communiste et résida en URSS de 1925 à 1930, où il fut membre du PC bolchévik et participa à la lutte sans merci contre les trotskystes et les partisans de Boukharine. Après la trahison révisionniste (dès les années 1940 aux USA), il la dénonça et participa dans les années 1960 au Nouveau mouvement communiste US, anti-révisionniste.

    Servir le Peuple n’est pas d’accord avec tout ce qui est dit dans ce texte. Mais le vieux Harry Haywood, « au bord du dernier rivage » comme disait Charles Tillon (il a 86 ans et mourra l’année suivante), a le mérite de remettre en question un certain nombre de dérives qui, surtout à partir de 1972 mais aussi dès les années 60 (avec par exemple les positions pro-De Gaulle contre les "deux superpuissances" de certains groupes français ou belges), ont entaché ceux et celles qui avaient rejoint la lutte de Mao Zedong contre le révisionnisme.

    Une dénonciation d’autant plus importante, qu’aujourd’hui un certain nombre de marxistes-léninistes et de maoïstes, y compris de ceux qui citent Haywood comme une référence, suivent un chemin similaire…


    La Chine et ses partisans se trompaient sur l’URSS (1984)

    Harryhaywood.jpgAprès une brève période de construction du Parti dans les années 1970, le Nouveau mouvement communiste est maintenant mort. Il est tombé dans la désintégration organisationnelle, la confusion politique et le désarroi idéologique. Quelle est la source de cet effondrement de notre mouvement ? Comment pourrions-nous commencer un rétablissement politique ? Aujourd'hui ces questions sont devenues plus pressantes, alors qu'une nouvelle période de la crise impérialiste commence à changer radicalement l'équilibre mondial des forces et fait à nouveau surgir le danger de dépression et de guerre mondiale catastrophiques.

    Il y a beaucoup de facteurs qui ont précipité la crise du Nouveau mouvement communiste, ce qui la rend difficile à résoudre. D’une part, sa base de classe s'est reflétée dans le mouvement pacifiste étudiant, les mouvements nationaux et la lutte anti-révisionniste. Il n'a pas eu une grande base ou composition ouvrière, et a été caractérisée par sa jeunesse et son inexpérience. Son « gauchisme » ultra a empêché son expansion dans des secteurs plus larges de la société des États-Unis, et il est finalement resté un ensemble de sectes isolées à la gauche de la société.

    En outre, les bouleversements politiques en Chine et la mort de Mao ont contribué à l'instabilité des perspectives politiques du mouvement. À l'intérieur du Nouveau mouvement communiste, il y avait des difficultés sur les questions du centralisme démocratique et sur les questions de démocratie dans le Parti. En conséquence, beaucoup de groupes de la gauche révolutionnaire ont eu des difficultés pour conduire une lutte politique sérieuse. Enfin, l'intensification de la crise mondiale durant les années 1970 a rapidement changé les situations politiques et a amené des problèmes qu’ils ne pouvaient pas résoudre.

    Le Nouveau mouvement communiste

    Lorsque le Nouveau mouvement communiste a commencé à vaciller à la fin des années 1970, beaucoup de camarades et d'organisations ont résumé au sectarisme et au dogmatisme gauchiste ou au liquidationnisme de droite les causes de notre récession. Bien qu'il y ait beaucoup de vérité dans ces positions, elles ne vont pas au cœur du problème. La question essentielle est : quelle est la grande ligne qui a mené notre mouvement dans la crise et l'effondrement ?

    Bien que beaucoup de problèmes aient contribué à la crise du Nouveau mouvement communiste, la cause sous-jacente de son effondrement a été la ligne stratégique incorrecte de la Théorie des Trois Mondes, que notre mouvement de construction du Parti a empruntée aux Chinois sans recul critique. Ce point de vue que l'Union Soviétique est un pays social-impérialiste, dans lequel le capitalisme a été reconstitué, marque pour les Chinois un changement fondamental dans l'équilibre international des forces. Ils ont dépeint l'Union Soviétique non seulement en tant qu'ennemi mais « ennemi principal » des peuples du monde. Cela a parfois conduit les Chinois à une alliance tacite avec les États-Unis. Cela a également créé des contradictions profondes dans la ligne politique du Nouveau mouvement communiste.

    La question de l'Union Soviétique est fondamentalement stratégique. Elle signifie aborder la première question révolutionnaire posée par Mao : « Qui sont nos ennemis ? Qui sont nos amis ? ». L'Union Soviétique est-elle une amie ou une ennemie de la révolution ? La façon dont nous répondons à cette question détermine non seulement notre conception stratégique internationale, mais fonde également notre ligne sur toute une série de problèmes tactiques.

    Tout au long des années 1970, les Chinois ont répondu à cette question par la Théorie des Trois Mondes. Sous sa forme la plus développée, la Théorie des Trois Mondes arguait du fait que l'Union Soviétique était « l'ennemi principal » des peuples du monde. Elle a également indiqué que « des deux superpuissances impérialistes, l'Union Soviétique est la plus féroce, la plus sans scrupules, la plus déloyale et la plus dangereuse source de guerre mondiale, à l'offensive partout dans le monde ».

    Les Chinois ont affirmé que derrière ces développements internationaux se trouvaient des changements politiques dramatiques à l'intérieur de l'Union Soviétique. Après la mort de Staline, le révisionnisme est arrivé au pouvoir avec Khrouchtchev et Brejnev. Ceci, affirment les Chinois, a conduit à la « dégénérescence » du socialisme et à la restauration du capitalisme. Une nouvelle classe, la « classe monopoliste bureaucratique », a pris le pouvoir en URSS. Elle a apporté avec elle une économie « capitaliste monopoliste » d'État et un État de « dictature fasciste ».

    Pour le Nouveau mouvement communiste aux États-Unis qui a regardé vers la Chine, ces aspects stratégiques ont créé de graves problèmes dans la ligne politique. D'une part, la stratégie de la Théorie des Trois Mondes encourageait une défense militaire forte des États-Unis et une alliance tacite entre les États-Unis et la Chine. D'autre part, une grande partie du Nouveau mouvement communiste s'est énergiquement opposée à toute forme de suggestion que cela signifie, pour les communistes des États-Unis, un « Front populaire » avec la bourgeoisie US.

    En conséquence, une contradiction politique profonde a traversé une grande partie du Nouveau mouvement communiste. Il y avait une logique inhérente à la Théorie des Trois Mondes qui la poussait dans la direction de l'impérialisme US.

    Les effets politiques et économiques de la crise mondiale de l'impérialisme ont forcé les États-Unis, après une brève retraite provoquée par la défaite au Vietnam, à essayer de réaffirmer leur hégémonie et de regagner leur ancienne domination par une course aux armements massive et une nouvelle projection de militaires US tout autour du globe. Le « nouveau militarisme » s’appuie sur une « nouvelle Guerre froide » ravivée contre l'Union Soviétique et la « menace » communiste dans le Tiers Monde. Une politique conflictuelle belliqueuse a maintenant remplacé la détente, et a fait surgir le spectre de la guerre nucléaire en Europe.

    Clairement l'ennemi principal aujourd'hui dans le monde n'est pas l’Union Soviétique, c’est l'impérialisme des États-Unis. Pour être plus précis, ce sont les monopoles capitalistes des États-Unis. Pour les communistes américains cela signifie saisir le fait que « notre propre bourgeoisie », ici aux États-Unis, est la source la plus dangereuse de guerre et l’ennemi principal.

    Un autre ensemble de problèmes stratégiques développés par la Théorie des Trois Mondes est lié à la thèse de la «force principale» et aux périodes historiques qui étaient à la base de cette analyse. En synthèse, la Théorie des Trois Mondes a avancé l'idée stratégique que « les pays et les peuples du Tiers Monde sont la force principale qui combat l'impérialisme, le colonialisme et l'hégémonisme ». Les Chinois ont argué, pour un ensemble de raisons, que le Tiers Monde jouerait ce rôle stratégique « pendant une période historique assez longue ».

    Bien que la thèse de la « force principale » était correcte au sujet du rôle respectif du mouvement démocratique national et du mouvement ouvrier dans les pays impérialistes pendant la période entre 1950 et 1970 [les Trente Glorieuses NDLR, l’époque du « capitalisme à visage humain » pour les masses des pays développés], elle ne s'applique plus à la nouvelle période historique qui s'est ouverte dans les années 1970 en raison de la crise mondiale de l'impérialisme. Cette thèse a contribué à une sous-estimation, déjà existante, du potentiel révolutionnaire de la classe ouvrière dans les pays capitalistes avancés.

    En conclusion, nous devons considérer la thèse que le capitalisme a été restauré en Union Soviétique. C'est la racine principale de la Théorie des Trois Mondes. C'est une thèse qui nous pose également des questions au sujet de la nature du socialisme. La croyance que le capitalisme a été reconstitué en Union Soviétique vient essentiellement d'une conception idéaliste du socialisme*. En premier lieu elle oublie la longue, compliquée, et tortueuse lutte des Soviétiques pour établir le premier pays socialiste sur la planète.

    Au moment de sa naissance, la révolution socialiste en Russie a été attaquée par une invasion des forces alliées dans une «guerre secrète » contre la révolution. Puis sont venues les années dures de la récession économique et de la guerre civile suivies de la grande industrialisation des années 1930 ; et finalement une Guerre mondiale durant laquelle son territoire a été envahi, un tiers de sa richesse détruite et plus de 20 millions de ses habitants tués. L'Union Soviétique a supporté le choc de la guerre antifasciste et a joué un rôle décisif en sauvant le monde du fascisme. Tous ces événements ont eu lieu en une seule génération. Ainsi, durant son existence entière l'Union Soviétique a été soumise aux attaques de l'impérialisme occidental mené par les États-Unis. Afin de survivre, l'Union Soviétique a dû développer une défense militaire forte. Pendant la période suivant la 2e Guerre mondiale, elle a été confrontée à des États-Unis hostiles et agressifs. Confrontée à la doctrine de Truman, au plan de Marshall et à la menace constante de la bombe atomique, l'Union Soviétique s’est armée avec des armes nucléaires. Andreï Gromyko, sur l'utilisation des armes nucléaires stratégiques de l'Union Soviétique, a mis en avant une politique de « ne pas frapper en premier » que les États-Unis ont refusé d'adopter.

    L'histoire démontre que, par-dessus tout, la politique extérieure de l'Union Soviétique a été fondamentalement défensive et non-agressive. Ceci ne signifie pas que tout ce que fait l'Union Soviétique est correct ni qu'elle ne peut pas faire des erreurs sérieuses ou poursuivre des lignes erronées. Par exemple, ses relations avec la Chine et d'autres pays socialistes ont été marquées parfois par le chauvinisme et l’hégémonie. Mais ces problèmes ne font pas de l'Union Soviétique une puissance social-impérialiste*.

    Sans classe capitaliste monopoliste et sans rapports capitalistes de production* il n'y a pas de logique fondamentale et irrésistible dans l'économie soviétique qui crée un besoin d'exporter du capital et d'exploiter d'autres pays par le commerce. En conséquence, elle n'a également aucune colonie ni aucun empire à maintenir.

    Une des leçons principales que nous pouvons tirer de nos expériences avec la Théorie des Trois Mondes et des changements de la situation internationale, est la nécessité absolue de développer une ligne communiste américaine indépendante basée sur les particularités de la situation interne et internationale des États-Unis.

    Le monde tel que nous l'avons connu depuis la 2e Guerre mondiale est maintenant en grand reflux. L'impérialisme produit une nouvelle crise mondiale. Les craintes de dépression économique et de guerre sont élevées.

    Aux États-Unis il y a des signes forts que le Peuple américain commence à répondre à cette crise. En 1982, un demi-million de personnes ont manifesté pour la paix et contre la guerre. En 1983, plus d'un quart de million a marché sur Washington en mémoire de Martin Luther King et pour rétablir les mouvements de droits civiques. Au cours des dernières années, il y a également eu un certain nombre de grandes manifestations nationales de travailleurs à Washington.

    Ces événements annoncent un grand mouvement de masse concentré sur les questions de la paix, du travail et de la liberté. Une coalition de gauche, enracinée dans l'alliance de la classe ouvrière et des nationalités opprimées et composée de nombreux mouvements pour les droits démocratiques, prend maintenant forme. La crise mondiale crée des conditions favorables pour le développement d'une alliance stratégique mais les communistes des États-Unis sont dispersés, divisés et non préparés.

    Ces développements rendent plus pressant pour les communistes américains de laisser de côté les idées politiques démodées et incorrectes, afin que nous puissions commencer à donner une direction à ces tendances. Notre première étape commence par la recherche d’un processus d'unité, basé autour d'une direction stratégique qui identifie clairement l'impérialisme des États-Unis comme Centre de la réaction mondiale*, menace principale pour la paix et ennemi principal des peuples du monde.


    Harry Haywood dans le Guardian newspaper - 11 avril 1984


    *********************************

    * Un certain nombre de commentaires s’imposent :

    - Ce texte dénonce impitoyablement la Théorie des Trois Mondes.

    Il est clair que l’application de celle-ci à la lettre a dû être particulièrement difficile pour des communistes américains, vu qu’elle impliquait un quasi soutien à leur propre impérialisme et à ses alliés ou régimes laquais… Mais à partir du milieu des années 1970 (avec la nouvelle crise générale du capitalisme, en fait), on a pu observer un « resserrement des rangs » des impérialistes occidentaux (nord-américains, ouest-européens, japonais) dans une nouvelle « Grande Guerre Froide » : ainsi en France, les gaullistes partisans de « l’équilibre Est-Ouest » (Premier ministre Chirac) sont écartés et la France adopte à nouveau une politique « atlantiste » et antisoviétique. On verra pourtant à cette époque des « prochinois » soutenir l’opération impérialiste de Kolwezi contre les « mercenaires cubains et angolais du social-impérialisme »…

    - Aujourd’hui, la Théorie des Trois Mondes est unanimement rejetée par les communistes révolutionnaires, marxistes-léninistes et maoïstes. Il est démontré qu’elle n’est pas (en tout cas comme stratégie, et non comme tactique) une théorie de Mao (qui n’a reçu Nixon que dans le contexte de la déroute US au Vietnam), mais bien de LA DROITE contre-révolutionnaire du PC chinois. Celle-ci n’était pas, en effet, prosoviétique mais pro-occidentale, détournant la lutte anti-révisionniste en antisoviétisme nationaliste bourgeois et en anticommunisme. C’est pourquoi elle a été forte au milieu des années 60, avant la Révolution Culturelle, lorsque Mao avait été mis à l’écart (avec des groupes comme celui de Jacques Grippa en Belgique ou Georges Frêche en France) ; et à partir de 1971, quand l’affaire Lin Piao a permis un retour en force du centre-droit (Chou Enlai) et de la droite (Deng, à partir de 1973) dans le Parti. C’est seulement pendant la Révolution Culturelle, entre 1966 et (disons) 1973, que des groupes comme la Gauche Prolétarienne (ou les Black Panthers, ou les communistes révolutionnaires d’Italie jusqu’en 1980) ont pratiqué le maoïsme pour ce qu’il est : un renouveau de la lutte révolutionnaire à un niveau supérieur, rejetant le révisionnisme et le réformisme collabo de classe mais aussi des pratiques erronées et ossifiées de l’époque léniniste comme une lutte trop économique et centrée sur l’usine, une mauvaise compréhension des problèmes spécifiques comme le racisme, les minorités, le patriarcat (sexisme, homophobie) etc. etc... et non être des officines de perroquets de Pékin comme les PC révisionnistes à la Thorez étaient les perroquets de Moscou !

    Mais à l’époque où Haywood écrit, cette théorie n’avait encore été dénoncée que par Enver Hoxha (République populaire d’Albanie) et attribuée par lui à Mao - s’accompagnant donc d’un rejet du maoïsme ; ainsi que par Gonzalo au Pérou, et par quelques groupes relativement isolés (PCR aux USA, OCML-VP en France). Haywood tombe donc, finalement, dans le rejet du maoïsme : pas explicitement, mais à travers des thèses maoïstes fondamentales comme le rétablissement du capitalisme en URSS et le comportement « socialiste en paroles, impérialiste en actes » de celle-ci (ce qui diffère d’ailleurs de Hoxha, qui considère bien l’URSS comme impérialiste et prône un « ni-ni » systématique et borné).

    - Servir le Peuple considère qu’il y a bien eu rétablissement du capitalisme en URSS. Ce rétablissement prend sa source dans les 30% d’erreurs et de fautes (politiques et économiques) attribués par Mao à la direction soviétique (Staline, Molotov, Jdanov etc.) lors de la construction du socialisme ; et dans les conditions imposées à l’URSS (militarisation, efficacité industrielle…) par l’encerclement réactionnaire, la menace fasciste et la guerre d’extermination nazie. Il commence après la mort de Staline, de manière progressive, par démantèlement de l’économie et des rapports sociaux socialistes construits jusque-là. Il s’accélère avec la crise générale du capitalisme (à partir de 1970) et encore plus (avec la crise profonde de l’économie soviétique) à partir de 1985 (Gorbatchev). Il traverse (en URSS et dans les pays d’Europe de l’Est) une étape de quasi guerre civile (1989-91 et encore 1992-94 en Russie, en Géorgie ou en Moldavie, sans parler de la Yougoslavie), pour aboutir finalement à la situation actuelle : capitalisme sauvage, régimes oligarcho-fascistes (pro-russes ou pro-occidentaux) en Russie et dans la majeure partie de l’ex-URSS, domination impérialiste (allemande, française…) des ex-"pays de l’Est", "socialisme de marché" (ou "capitalisme social", on ne sait plus trop...) au Vietnam ou à Cuba (et en Chine, mais c’est une autre histoire).  

    MAIS il faut bien saisir l’aspect dynamique, en mouvement de ce processus de restauration ; ce n’est pas un système figé (malgré peut-être une certaine stabilisation sous Brejnev, entre 1964 et 1982) et il est difficile de le caractériser par une formule simple et définitive telle que « capitalisme monopoliste d’État ».

     Pendant toute cette période (des années 1950 à 1989), la politique internationale de l’URSS envers les nouveaux pays socialistes (Europe de l’Est, Cuba, Vietnam…), les partis prosoviétiques et les mouvements de libération nationale a évolué vers l’hégémonisme politique, les relations économiques inégalitaires (division du travail dans le COMECON), le soutien aux bourgeoisies nationales et à des éléments bureaucratiques (fusion de branches de l’appareil d’État, de capital bancaire et de grande propriété terrienne) dans les pays dominés par l’impérialisme, le soutien à la lutte réformiste et parlementaire dans les pays impérialistes. À partir de 1970, la direction soviétique développe (effectivement) une politique extérieure de plus en plus agressive, à mesure que la crise mondiale ronge son « modèle » économique : la guerre de type colonial menée en Afghanistan, le soutien à la junte militaire éthiopienne contre le mouvement de libération d’Érythrée (soutenu auparavant !), le soutien à des régimes comme celui d'Amin Dada en Ouganda ou de Saddam Hussein en Irak, les bonnes relations avec des régimes fascistes compradores comme la junte de Videla en Argentine ou Ferdinand Marcos aux Philippines, constituent des pratiques dignes d’un pays impérialiste de fait. Mais le soutien soviétique (avec Cuba) à la lutte contre le régime d’apartheid et ses mercenaires (UNITA, Renamo) en Afrique australe, ou contre les juntes fascistes pro-US en Amérique centrale, ne devait pas empêcher de soutenir ces luttes.

    - EN TOUT CAS, quel qu’ait été le niveau d’avancement de la restauration capitaliste en URSS et la nature du régime politique (effectivement oligarchique, réactionnaire et répressif), faire de l’URSS l’ennemi principal était complètement délirant et catastrophique. Même si les USA ont « accusé le coup » après leur défaite au Vietnam (1973-80), la suite des évènements l’a démontré. Quelle qu’ait été la nature du système économique des années Brejnev ("capitalisme monopoliste d’État" etc. etc.), une chose est sûre : IL N’A PAS RÉSISTÉ à la crise mondiale. Soit directement, soit à travers les régimes ou les forces qu’elle soutenait, l’URSS a encaissé dans les années 1980 défaite sur défaite : Afghanistan, Éthiopie-Érythrée, Nicaragua et Amérique centrale, Europe de l’Est et finalement éclatement de l’URSS elle-même. La Russie du début des années 1990 est une puissance vaincue et humiliée, comme l’Allemagne des années 1920 ou le Japon des années 1950. C’est avec le « sursaut national » de Poutine (à partir de 1999) qu’elle est devenue ce qu’elle est maintenant : un pays impérialiste "tout court" (et non plus "social-impérialiste").

    - Aujourd’hui, un grand nombre de communistes parfois sincères (ou parfois moins…) suivent malheureusement des thèses similaires. Les partisans, on l’a dit,  des thèses de Hoxha, mais aussi  ceux de Gonzalo préconisent un « ni-ni » systématique, le refus de tout « appui » sur un impérialisme contre un autre. C’est juste, sur le principe. Mais le problème c’est qu’aujourd’hui, dans la véritable guerre impérialiste mondiale non-déclarée à laquelle nous assistons, les impérialismes rivaux ont des intérêts dans pratiquement tous les conflits du monde. Toute lutte de libération contre un impérialisme bénéficie pratiquement du soutien objectif d’un autre : même les maoïstes du Népal (contre l’Inde, soutenue par les Occidentaux) et des Philippines (contre un régime-pilier pro-US en Asie-Pacifique) sont vus d’un bon œil par la Chine… Or le « ni-ni » ne fait pas la distinction DU POINT DE VUE DES MASSES, dans un pays donné, entre ennemi principal et ennemi secondaire impérialiste.

    D’autres vont encore plus loin, et l'on voit surgir un mystérieux « bloc France-Allemagne-Russie » (les trois comparses de l’opposition anti-US en 2003 seraient donc liés pour la vie ?) opposé aux USA, ce qui les amène à soutenir objectivement les manœuvres et les crimes de l’impérialisme US (comme au Honduras) et de ses alliés (notamment Israël).

    - FINALEMENT, derrière tout cela il y a la même vision du monde erronée, la même que dans la Théorie des Trois Mondes : la vision géopoliticienne du monde. La même, il faut le dire hélas, que celle des « nationalistes-révolutionnaires » et des révisionnistes pour qui « tout est géopolitique », tout ne se conçoit qu’en terme de « blocs » : « camp de la Paix » ou « camp anti-impérialiste » contre « Empire » US (et soutien à l’Iran, à la Chine, à la Birmanie, au Soudan, etc.), « Eurasie » contre « atlantisme », etc. etc.

    S’y ajoutent d’autres théories erronée, comme celle que nous serions dans « l’offensive stratégique » de la révolution mondiale et qu’il faudrait « compter sur ses propres forces », alors que nous sommes bien évidemment au tout début de la 2e vague révolutionnaire mondiale (produite par la nouvelle crise générale depuis les années 1970) après le grand reflux stratégique des années 80-90 ; nous sommes à une époque que l’on peut qualifier de « 1905 », de renouveau et de développement des luttes et des organisations révolutionnaires (les plus abouties étant les guerres populaires maoïstes en Inde et aux Philippines), de construction des rapports de force, de luttes pas forcément sous le drapeau du communisme.

    - CONTRE CELA, Servir le Peuple a adopté dès le départ une ligne simple : LE CAMP DU PEUPLE EST NOTRE CAMP, le camp naturel des communistes. Toujours se placer du point de vue des masses populaires. Dans chaque conflit, dans chaque « grand dossier », se demander : quel est le point de vue des masses ? Quel est leur intérêt dans l'immédiat (puisque leur intérêt à long terme, tout le monde est en principe d'accord là-dessus, c'est le communisme) ?

    Cuba est-elle socialiste ? NON. Les masses cubaines ont-elle intérêt à revenir à la situation d’avant 1959 ? CERTAINEMENT PAS. Y va-t-on ? L’avenir nous le dira mais nous ne le souhaitons pas, ni ne nous en réjouirions comme une « confirmation » de nos thèses (sur le « social-fascisme » cubain ou autre…).  

    Au Honduras, Zelaya était-il un révolutionnaire démocratique, anti-impérialiste ? Pas du tout. Un bourgeois national « progressiste » ? Même pas. Tout juste un grand bourgeois propriétaire qui a fait quelques concessions sociales et démocratiques… La situation des masses est-elle meilleure depuis le coup d’État contre lui ? Soyons sérieux…  

    En Palestine, on voit mal ce qui pourrait être pire pour les masses que la situation actuelle… à part de nouveaux crimes d’Israël. La contradiction entre les masses et la résistance bourgeoise islamique est clairement secondaire.

    En Iran, dans quel camp se trouve l’intérêt des masses ? Peut-être qu’il y aurait un certain recul de la répression et de l’oppression sexiste avec les « verts »… Mais il se peut aussi que cette « libéralisation » se limite aux classes relativement aisées et urbaines. A priori, et sans y voir beaucoup plus clair entre les propagandes respectives, on aurait tendance à dire "AUCUN".

    Pour ce qui est de savoir si, face à « l’obscurantisme religieux » des talibans, l'on devrait souhaiter la victoire de l’impérialisme en Afghanistan (sic le détraqué fasciste internétique "Oppong")… no comment.

    - Au stade de commencement de la 2e vague révolutionnaire mondiale où nous sommes, les vieilles révolutions populaires démocratiques tombées dans le révisionnisme et la liquidation comme à Cuba et les processus réformistes bourgeois comme au Venezuela, en Bolivie ou en Équateur sont des tranchées conquises par les masses de ces pays et (en fait) de tout le continent. Il n’est pas question de perdre ces tranchées, même si c’est peut-être ce qui arrivera à force d’enlisement et de trahison réformiste, ou de liquidation révisionniste (ce qu’il faut dénoncer, sans bien sûr pouvoir y faire grand-chose de plus que les masses et les révolutionnaires locaux). Avec Lénine, nous affirmons aussi que TOUTES les luttes de libération nationale (et encore plus les guerres de résistance contre une occupation impérialiste de pillage et de meurtre) doivent être soutenues inconditionnellement DU POINT DE VUE DES MASSES ; même si l'on peut en pointer les insuffisances des forces progressistes ou regretter que le drapeau ne soit pas un drapeau communiste (mais un drapeau nationaliste, réformiste ou religieux)…

    Nous ne sommes pas dans « l’offensive stratégique de la révolution mondiale » (ridicule, il suffit d’ouvrir les yeux !) mais au tout début d’une nouvelle vague révolutionnaire où se construit le rapport de force et la Guerre du Peuple pour sa libération. Toute résistance à l’oppression vaut mieux que la soumission à l’oppression, elle est le point de départ, l’étape « zéro » de la Guerre du Peuple. À mesure que les luttes sociales, populaires et de libération nationale se développent, une droite, une gauche et un centre se forment en leur sein. La droite est condamnée à terme à l’échec et à la disparition, ou à se vendre et à se retourner contre les masses. La gauche doit alors se développer, se renforcer et gagner à elle ou au moins neutraliser le maximum de centristes pour passer à l’étape supérieure – et là rebelote : droite, gauche, centre... En cas d’échec de la gauche, on revient à la situation de départ – il n’est pas possible de revenir à pire. L’impérialisme agonisant et fou ne permet plus à la droite de prospérer dans l’imposture. L’URSS révisionniste n’existe plus et rien (ni Chine ni « groupe de Shanghai », ni « bloc France-Allemagne-Russie » ni projet « eurasiste » douguino-poutinien) ne peut lui être comparé en terme de prestige mis au service  de la trahison. Les PC révisionnistes, courroies de transmission de la ligne de Moscou (réformisme et légalisme dans les pays impérialistes, soumission à la bourgeoisie nationaliste dans les pays dominés), ont disparu ou sont réduits à presque rien. Toute analyse basée sur ces schémas des années 1960-80 est complètement à côté de la plaque.

    - Le monde impérialiste actuel (car plus aucun Peuple sauf peut-être au fin fond de l’Amazonie, de la Papouasie ou de quelques déserts, n’échappe à l’économie mondiale des monopoles) est issu de la grande « Guerre mondiale de 30 ans » (1914-45) et de la déroute de l’URSS en 1989-91. C’est un monde complexe fait d’affrontements et de combinaisons entre impérialismes, sans que l’on puisse parler de « blocs » stables comme pendant la Guerre Froide. Un monde finalement comparable à celui d’avant 1914.  Les États-Unis y ont un rôle « tutélaire » : si l'on comparait avec l'Europe féodale du Moyen Âge, l'on pourrait dire qu’ils sont le « roi ». Les autres impérialismes sont les « grands féodaux ». Parmi eux, certains sont loyaux au « roi » : l’Angleterre, le Japon… D’autres sont « turbulents » : la France, l’Allemagne, la Russie… D’autres sont opportunistes : le Canada, l’Italie… Certains enfin veulent carrément prendre la place du « roi » : c'est le cas de la Chine - mais elle est encore loin d’y arriver !

    Toutes les situations dans le monde doivent être étudiées au cas par cas. En ayant toujours une seule grille d’analyse : l’intérêt des masses exploitées du Peuple !


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  • Servir le Peuple a pour certain-e-s la réputation de se livrer à la polémique et à l’invective, envers des individus ou des groupes ou organisations.

    Bon, n’exagérons rien : ce n’est pas 90% ni même 20% de l’activité de Servir le Peuple, qui livre surtout aux révolutionnaires et aux progressistes francophones de nombreuses informations sur les luttes révolutionnaires à travers le monde, sur les luttes ouvrières et populaires en Hexagone et en Europe, ainsi que des analyses communistes sur des questions d’actualité comme la montée du fascisme : un travail d’information et d'éducation politique de masse.

    Mais C’EST VRAI, et c’est assumé à 100%.

    Servir le Peuple s’est en grande partie créé sur cette base-là.

    En admettant qu’il existe un « code de conduite » communiste, pour Servir le Peuple, il ne s’applique qu’envers les communistes, et éventuellement les personnes et les groupes progressistes sincères.

    Il s’applique avec un certain nombre d’organisations sincèrement communistes révolutionnaires, même si l’on peut avoir des désaccords avec celles-ci : c’est le cas (entre autres) des organisations mises en lien dans la colonne de droite.

    Il peut aussi s’appliquer avec des personnes ou des groupes qui, malgré des erreurs gauchistes ou droitières, restent des progressistes sincères (les amis qui se trompent).

    Il ne s’applique pas aux personnes et aux groupes prétendument « communistes » qui, en plus d’être des déviationnistes gauchistes ou de droite, sont des ordures (les ennemis qui se cachent).

    Si les organisations communistes amies (en lien dans la colonne de droite) ne veulent pas aller sur ce terrain-là, c’est leur droit le plus strict. Servir le Peuple n’est rattaché à aucune organisation et n’engage aucune organisation par ses prises de position.

    Mais voilà : pour Servir le Peuple, le temps de l’imposture et du débat « de bonne compagnie » est dépassé avec un certain nombre de groupes et d’individu-e-s. Ces dernières décennies, trop de social-fascistes et de gauchistes réactionnaires, d’anti-léninistes voire d’antimarxistes purs et simples ont proliféré sur le terrain du débat convenu et formaliste où l'on ne « s’abaisse pas à… », où pour paraître « conséquent » on n’appelle pas un chat un chat.

    Lorsque des personnes ou des groupes répandent de la merde réactionnaire au nom du communisme, qu’ils soient bureaucrates (on pense à un certain député du Rhône), intellectuels bourgeois ou même (prétendument) ouvriers, il est de la responsabilité de TOUT COMMUNISTE envers les masses de les démasquer, de démasquer qui ils sont et leur nature de classe. Il n’y a aucun « code de conduite » qui vaille contre cela.

    Si un groupe a joué, à un moment donné, un rôle intéressant dans la formation de nouvelles consciences révolutionnaires (comme une certaine revue paraissant à la fin des années 90), c’est tout à son honneur. Si ses continuateurs sont, depuis, partis dans le n’importe quoi et les délires gauchistes réactionnaires : tant pis pour eux ! Les masses populaires n’en peuvent plus du capitalisme, elles ont un besoin vital de révolution et d’avant-garde pour la conduire : l’heure n’est plus aux bons sentiments.

    D’autre part, Servir le Peuple n’a pas peur face à d’éventuelles petites menaces à deux balles, en particulier venant de militants de clavier. Servir le Peuple fait partie des masses populaires, c'est une (petite) voix, mais une voix des masses populaires exploitées, et, comme dirait la chanson : la classe operaia li attendera armata.

    Enfin, un dernier argument devant lequel Servir le Peuple ne s’inclinera pas, c’est « vous n’êtes même pas organisés ». C’est un argument comique assez récurrent sur la Toile, d’autant plus comique que les gens qui le brandissent (par définition, puisqu’on est sur le Net) n’en savent absolument rien…

    À l’heure actuelle, n’y allons pas par quatre chemins, aucun groupe comptant entre une poignée et (au mieux) quelques dizaines de membres ne peut prétendre avoir automatiquement raison contre un-e ou des individu-e-s non organisé-e-s.

    Les avant-gardes plus ou moins autoproclamées sont nombreuses. Aussi nombreuses que (disons-le clairement) invisibles ou presque aux yeux des masses. Depuis le krach boursier de septembre 2008 se développe dans les masses l’idée que « le capitalisme a fait son temps » (c’est devenu un slogan des Jeunesses communistes). Pourtant, force est de constater que les larges masses n’ont pas trouvé le chemin de ces avant-gardes. Si elles ont trouvé un chemin, c’est plutôt celui… des JC (justement !) ou du NPA, même si celui-ci s’est largement dépeuplé ces derniers temps ; bref d’organisations réformistes (mais de masse).

    Les organisations communistes doivent donc accepter d’être interpelées et questionnées (et, parfois, remises en question) par les masses, dont Servir le Peuple est une petite particule. Aucune ne détient la vérité absolue, c’est déjà un principe de base, et c’est d’autant plus clair à l'aune des résultats obtenus à ce jour. Des réponses qu’elles apporteront aux interpellations de ces individu-e-s des masses, dépend (soyons clairs) l’avenir de ces organisations. Celles qui ne sauront pas correctement répondre seront condamnées à terme, mais celles qui refuseront ces interrogations sont condamnées d’entrée de jeu.

    Envoyer les gens péter parce qu’ils/elles « ne sont pas organisé-e-s » semble donc déjà un très mauvais départ… (se demander POURQUOI ils et elles ne sont pas organisé-e-s en serait déjà un bien meilleur !).

    Donc oui, Servir le Peuple assume d’interpeler et de questionner la ligne des organisations, en tant qu’élément des masses populaires. Servir le Peuple assume la dimension critique.

    Et oui, Servir le Peuple assume la polémique, l’invective, et le démasquage des faux communistes ennemis des masses, comme une nécessité de notre époque !

    Feu sur les imposteurs, feu sur les avant-gardes autoproclamées avec autant d’arrogance que de mépris pour les masses !

    Nous sommes le Peuple !

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  • La pratique consistant, du haut de sa chaire de « grand révolutionnaire » marxiste ou pas (beaucoup de libertaires sont dans ce cas), à donner des leçons aux masses populaires qui ne reconnaissent pas Sa Guidance Suprême, devient vraiment de plus en plus insupportable, à l’heure où les masses de l’État "France" relèvent la tête de décennies de résignation à leur sort.

    Illustrons ce propos par un exemple concret, et récent.

    Après l’attaque israélienne contre la Flotille pour Gaza, des manifestations rapidement organisées ont déferlé partout sur la planète, et notamment en Hexagone. La Flotille était partie de l’État turc (une tentative de cet État assassin pour se donner une bonne image dans la région, dans une stratégie « ottomaniste ») et du coup, les victimes de l’assaut avaient la particularité d’être toutes turques.

    Les manifestations ont alors compté un grand nombre de personnes de la minorité turque (mais aussi de la minorité kurde, n’en déplaise, et comme d’habitude de la minorité maghrébine et arabe orientale). Nombre de ces personnes portaient un drapeau de l’État turc.

    Pour les communistes ML et MLM, les choses sont claires : l’État turc est un État fasciste, le kémalisme est une idéologie fasciste et le drapeau kémaliste est un drapeau fasciste. CEPENDANT, les communistes sont bien conscients qu’il n’est pas forcément identifié comme tel par les larges masses, y compris de la minorité turque, mais bien comme le « drapeau de la Turquie », tel qu’on le voit sur les Atlas du monde ou la devanture des kebabs… Le drapeau bleu-blanc-rouge est un drapeau bourgeois et impérialiste, que les communistes veulent remplacer par le drapeau rouge, mais ils sont conscients que pour beaucoup de personnes, y compris pour des prolétaires anticapitalistes, il est le drapeau de « la France », et que cela nécessite un travail communiste d’éducation politique. Bref...

    Parmi les manifestants de la minorité turque, se sont glissés quelques membres des Loups Gris, une milice fasciste au service de l’État turc, spécialisée dans l’agression et l’assassinat des militant-e-s révolutionnaires et des minorités de ce pays. Ils étaient environ une vingtaine à Lyon (qui compte plusieurs milliers de personnes d’origine turque). S’étaient également glissés les désormais traditionnels « antisionistes » d’Alain Soral avec des drapeaux tricolores de l’impérialisme français, représentants de la fraction la plus anti-américaine et anti-Israël des monopoles BBR...

    Le recul du mouvement communiste international, dans les années 1980-90-2000, a permis à ce genre d'individus (justement châtiés en 1945) de repointer le bout de leur nez, en squattant la solidarité pour le Peuple palestinien. Cependant (à part les Loups Gris, qui sont un pilier de l’État profond turc), ils ne sont pas le courant dominant du fascisme aujourd'hui, beaucoup plus tourné vers l'islamophobie, la "guerre de civilisation" et, par la force des choses, amené à soutenir Israël (même en fustigeant le "lobby juif" en France), comme "rempart de l'Occident".

    Ces infiltrations ont fait l’objet d’un communiqué des organisateurs de la manifestation du 5 juin, ainsi que d’un très bon article du journal L’Étoile Rouge de la JCML (que vous pouvez commander auprès de leur site).

    Mais voilà : il n'a pas fallu longtemps pour qu'une certaine engeance "libertaire", "antifa" ou même "maoïste" ramène sa fraise. Ces gens-là ont un leitmotiv, depuis plusieurs années : les masses doivent déserter les mobilisations pour la Palestine, qui seraient "antisémites", "infestées de fascistes" (et bien sûr "d'islamistes"), et même... "au bord de partir en pogrom". Mobilisations qui sont, comme chacun le sait (et peut le regretter, éventuellement...), les plus populaires et prolétaires dans l’État français au jour d'aujourd'hui (exception faite, bien sûr, des soulèvements des quartiers...).

    Leur discours : sous chaque drapeau turc kémaliste, se tenait un Loup Gris. La solidarité avec ceux et celles qui voulaient porter secours à Gaza assiégée, était une solidarité "fasciste". C’est bien sûr une aberration : comme on l’a dit plus haut, le drapeau du kémalisme fasciste est pour les larges masses le drapeau de « la Turquie », comme le drapeau impérialiste bleu-blanc-rouge est le drapeau de « la France ». D’instinct, la majorité des masses (en particulier des minorités) considère la France comme un État impérialiste et oppresseur, et rejette son drapeau tricolore. Mais les prolétaires des minorités immigrées aiment mettre en avant le drapeau et les symboles de leur pays d’origine (maillots de foot, pendentifs ayant la forme du pays…). Ce que certain qualifieront volontiers de « communautarisme », est avant tout le résultat de la friche politique dans laquelle ont été laissé-e-s les prolétaires des minorités, non seulement par le vieux P"c" social-chauvin, mais aussi par la grande majorité des beaux parleurs trotskistes, anarchistes, marxistes-léninistes et même « maoïstes ». C'est le même problème, finalement, qu'avec les drapeaux verts du Hamas : les beaux parleurs ont laissé ces masses populaires en friche politique et, dans le même temps, l’État bourgeois impérialiste a cherché à les encadrer par des "institutions communautaires", en particulier les institutions religieuses musulmanes. Cela a conduit à l'arrivée sur le devant de la scène de l'UOIF... branche hexagonale des Frères Musulmans, dont le Hamas est la branche palestinienne.

    Alors, allons-y : quelqu'un osera-t-il affirmer publiquement ici, que toute personne brandissant un drapeau marocain, ou portant un maillot de foot du Maroc, est un suppôt du Makhzen ? Que toute personne portant un drapeau ou un maillot de foot tunisien est un suppôt de Ben Ali ? Que toute personne portant une Magen David est un sioniste partisan du Likoud ? Que toute personne avec un drapeau breton ou un triskell est un nostalgique de la SS Bezenn Perrot ? La fonction "Écrire un commentaire" est en bas de l'article...

    Le Peuple (prolétariat et classes populaires) est tel qu'il est : en l'état où le capitalisme l'a laissé, pétri de patriotismes et de petits chauvinismes, d'idéalisme et de superstitions religieuses, etc.

    Le rôle des communistes, avant-garde du prolétariat révolutionnaire, est de prendre le Peuple tel qu'il est, et, armés de leur conception communiste du monde, de le transformer et de l'amener à un niveau supérieur, celui d'Armée révolutionnaire.

    Celui qui passe son temps, du haut de sa chaire, à lancer des imprécations et à reprocher au Peuple d'être ce qu'il est, et pas ce qu'il voudrait qu'il soit, n'est pas un communiste. À bon entendeur...

    Feu sur les petits élitistes donneurs de leçons !

    Feu sur les "avant-gardes" autoproclamées !

     

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  • Nous sommes un certain nombre de communistes, bien que pour certains maoïstes, à avoir pris conscience que l’étape actuelle en Hexagone en est (malheureusement) à la défense des bases élémentaires du léninisme, voire tout simplement du marxisme, plus qu’à la défense du maoïsme comme saut qualitatif dans un mouvement marxiste-léniniste qui serait déjà conséquent. Toute l’expérience de Servir Le Peuple, depuis près d’un an, tend vers cette conclusion.

    Construire un Parti léniniste est la priorité, car toute défense des apports de Mao Zedong reviendrait autrement à construire sur du sable.

    Dans ce cadre, Servir Le Peuple se propose de fournir un travail de réflexion théorique et d’analyse sur les principales déviations anti-léninistes. Ce travail est donc inauguré, avec la déviation ouvriériste. Il s’agit d’un travail de longue haleine, qui s’étalera sur plusieurs semaines voire plusieurs mois. Ce sera également un travail collectif : des précisions et des corrections viendront certainement améliorer ce premier jet. 

    La déviation ouvriériste est une déviation historique, pratiquement aussi ancienne que le mouvement communiste lui-même.

    Elle se base sur une interprétation étriquée des textes de Marx et Engels, en particulier Le Capital, écrits à une époque où le prolétariat consistait en pratique à 95% dans les ouvriers/ères (de l’industrie, des mines, de la construction etc.) car le capitalisme n’avait pas encore absorbé toute l’activité productive des pays industriels.

    Ce n’est cependant pas aussi évident, car en anglais et en allemand (leurs langues d’expression principales), Marx et Engels parlaient de « travailleurs » : working class ou arbeitersklasse. Cette interprétation est aujourd’hui dévoyée par les révisionnistes et certains trotskystes qui, en parlant de « travailleurs », veulent mélanger les intérêts de classes différentes, à la conscience et aux intérêts immédiats très différents, parfois clairement antirévolutionnaires, pour mettre finalement en avant un programme minimal de type social-démocrate.

    Pour autant, Marx et Engels ont eux-mêmes souvent souligné le rôle que pouvaient jouer les travailleurs intellectuels dans le mouvement révolutionnaire : n’étaient-ils pas eux-mêmes des intellectuels prolétarisés ?

    Et Lénine disait même en 1902, dans Que faire ?, que « La conscience politique de classe ne peut être apportée à l'ouvrier que de l'extérieur, c'est-à-dire de l'extérieur de la lutte économique, de l'extérieur de la sphère des rapports entre ouvriers et patrons. Le seul domaine où l'on pourrait puiser cette connaissance est celui des rapports de toutes les classes et couches de la population avec l’État et le gouvernement, le domaine des rapports de toutes les classes entre elles. C'est pourquoi, à la question : que faire pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques ? - on ne saurait donner simplement la réponse dont se contentent, la plupart du temps, les praticiens, sans parler de ceux qui penchent vers l'économisme, à savoir “aller aux ouvriers”. Pour apporter aux ouvriers les connaissances politiques, les social-démocrates doivent aller dans toutes les classes de la population, ils doivent envoyer dans toutes les directions des détachements de leur armée. »

    C’était bien sûr une autre époque, où l’analphabétisme, l’absence d’instruction, l’absence de temps laissé à la réflexion personnelle, empêchait la classe ouvrière de développer par elle-même les instruments scientifiques de sa libération. L’eau a bien sûr coulé sous les ponts, le niveau culturel des masses en général et du prolétariat en particulier s’est considérablement élevé, et  aujourd’hui des camarades de la première importance sont issus directement des rangs ouvriers. Mais on peut retenir deux choses dans ce que dit Lénine :

    - d’abord, que l’idée de la révolution socialiste n’est pas liée de manière absolue avec l’appartenance à la classe ouvrière, ce qui serait une vision totalement mécanique du matérialisme. L’idée du socialisme et du communisme naît dans le mode de production capitaliste, de la contradiction centrale entre le caractère social de la production et l’appropriation privée de la plus-value du travail. A partir de là, cette idée communiste se répand dans l’ensemble des classes de la société, de même que l’idéologie bourgeoise influence toutes les classes, y compris le prolétariat. Bien sûr, la conscience révolutionnaire l’emporte sur l’influence bourgeoise d’autant plus facilement (j’y reviendrai) que l’intérêt de classe à la révolution est clair, que la contradiction entre production sociale et appropriation privée est directement ressentie. Il n’y a pratiquement aucune chance pour qu’un bourgeois, vivant du revenu de ses actions, puisse envisager la moindre option révolutionnaire…

    - ensuite, le capitalisme est devenu (déjà en 1902 lorsque Lénine écrit) un ordre social et non plus un simple mode de production. Il englobe toute la société, toutes les classes, tous les rapports sociaux sous son pouvoir politique et dans ses valeurs culturelles. Autrement dit : le capitalisme ne s’arrête pas à la porte de l’usine. La mission historique du prolétariat ouvrier n’est pas seulement sa propre libération : c’est la libération de la société entière. Lénine pourfend alors ce qu’il appelle l’économisme : nous y reviendrons.

    Quoi qu’il en soit, Servir Le Peuple confesse de toute façon une fâcheuse tendance : celle de vivre dans le réel et non dans des « Textes Sacrés » et, accessoirement, d’avoir conscience que nous ne sommes plus en 1848, ni en 1880 ou 1914. De considérer le marxisme (Marx, Engels, Lénine, Staline, Mao et d’autres auteurs) comme une grille d’analyse scientifique de la réalité qui nous entoure, et non comme un ensemble de « principes » intangibles qu’on récite comme un mantra.

    Aujourd’hui, la réalité dans un pays impérialiste comme la France est que s’est développée une importante économie de services, par exemple, tandis que la production industrielle non qualifiée a été très largement exportée vers des pays comme l’Inde, la production moyennement qualifiée vers l’Europe de l’Est etc.

    Or les travailleurs des services, qui peuvent être la caissière de Carrefour ou de McDonald’s comme le réparateur qui vient réparer votre plomberie, ne sont pas des ouvriers au sens marxiste strict, c'est-à-dire qu’ils ne transforment pas la matière pour lui donner une valeur ajoutée… Ce sont pourtant bien des prolétaires.

    Servir Le Peuple a donné, à l’époque où le rédacteur de ces lignes n’était membre d’aucune organisation, la définition suivante du prolétariat :

    --> les travailleurs non propriétaires des moyens de production. C'est le caractère fondamental. Les moyens de production sont la propriété du bourgeois capitaliste, c'est la définition de la bourgeoisie. Le prolétaire n'est propriétaire que de sa force de travail.

    --> ensuite, car jusque là cela pourrait être n'importe quel salarié, échangeant leur force de travail (seul moyen de production dont ils disposent) contre juste de quoi la reproduire.

    --> enfin extorqués, donc, de la plus-value de leur travail : c'est-à-dire que la différence entre ce que leur travail quotidien rapporte à l’employeur capitaliste, et ce qu’il leur est rétribué pour vivre sous forme de salaire (charges comprises), est accaparé par celui-ci.

    La classe ouvrière, en laquelle consistait 95% du prolétariat à l’époque du Capital, n’en représente plus une telle proportion aujourd’hui. Elle en est simplement le noyau dur, la classe révolutionnaire jusqu’au bout, parce que, comme on l’a dit, elle crée la valeur ajoutée en transformant la matière (extraire le minerai du sol, transformer le morceau de métal en pièce d’automobile, le ciment en maison), et deuxièmement, parce qu’elle vit au quotidien le caractère social de la production et sa contradiction avec l’appropriation privée de la richesse créée.

    Cela dit, si fertile que soit notre imagination, la conception du prolétariat exposée ici n’en est pas sortie toute habillée, puisqu’à vrai dire elle est totalement inspirée de celle de nombreuses organisations maoïstes.

    Pour le PCR du Canada, le prolétariat consiste en : 

    L’aristocratie ouvrière : Il s’agit de prolétaires dont le revenu leur permet, outre de reproduire leur force de travail, d’accumuler un certain montant pour avoir accès à des actifs mobiliers et immobiliers et s’affranchir de l’endettement. On en rencontre une part importante parmi la couche des employéEs techniques et une fraction appréciable du prolétariat industriel. C’est une couche très syndiquée.

    Les employéEs techniques : Ce sont souvent des employéEs qui ont obtenu des formations techniques au niveau collégial dans les domaines de la santé, des sciences de la nature et les arts. Les pompiers/ères font aussi partie de cette couche. Leurs salaires sont supérieurs à ceux de l’ensemble du prolétariat.

    Les employéEs exécutantEs : Parmi cette couche, on retrouve les emplois les moins payés, les plus féminins et avec le taux de temps partiel le plus élevé. La qualification scolaire est légèrement supérieure à celle du prolétariat industriel. On retrouve beaucoup d’emplois de passage pour des étudiantEs. Ces emplois, on en retrouve dans la restauration, l’hébergement, la vente au détail, les services sociaux, les emplois de bureau, le secrétariat, etc. La syndicalisation y est faible.

    La classe ouvrière : On y retrouve toute la classe ouvrière traditionnelle des industries, des métiers de la construction et du transport. On ajoute aussi des ouvriers agricoles. Il y a un taux de travail à temps partiel supérieur à la moitié. La présence féminine est faible (le sixième). La majorité des hommes de ce secteur qui ont travaillé à temps plein font partie de l’aristocratie ouvrière. Ceux-ci sont fortement syndiqués.

    Les rentiers/ères prolétaires : L’essentiel de leurs revenus provient des régimes de pensions de vieillesse, de supplément de revenus garantis et de régimes de pensions gouvernementaux. Par contre, pour les ancienNEs membres de l’aristocratie ouvrière, les fonds de pension privés représentent une part appréciable de leurs revenus.

    L’armée de réserve : Dans l’armée de réserve, nous retrouvons touTEs les personnes qui sont en âge de travailler mais que, parce que le capitalisme ne permet pas à tout le monde de travailler pour des raisons de santé ou des raisons intrinsèques à ce régime, ne peuvent pas le faire. Les 2/3 de l’armée de réserve sont des femmes. Lorsqu’il y a de l’emploi disponible, l’armée de réserve diminue. Lorsque, suite à des récessions et des crises économiques, l’emploi diminue, l’armée de réserve croît. CertainEs sont bénéficiaires d’assurance-emploi, d’autres d’assistance-sociale. Par contre, une partie des membres de l’armée de réserve doivent se faire vivre par leurs conjointEs.

    Pour le (nouveau) Parti Communiste Italien : « Travailleurs dont le revenu vient, au moins pour la partie principale, de la vente de leur force de travail. En Italie, ils sont environ 15 millions. Avec le reste de leurs familles et les retraités, cela fait 36 millions.

    1. Classe ouvrière

    Les prolétaires embauchés par les capitalistes pour valoriser leur capital en produisant des marchandises (biens ou services). Il faut que celui qui les embauche soit un capitaliste (de l'industrie, de l'agriculture, des services, de la banque, des finances, etc.) et qu'il le fasse non pas pour qu'ils prêtent leurs services à des institutions ou à des organismes “ sans but lucratif ”, mais pour qu'ils travaillent dans une entreprise dont le but principal est la valorisation du capital.

    Parmi les ouvriers, il existe des divisions objectives politiquement importantes, comme travailleur sans qualification et travailleur qualifié, ouvrier et employé, la possession de revenus autres que ceux du travail, la dimension de l'entreprise, le secteur auquel appartient l'entreprise, ouvriers des villes et ouvriers des zones rurales, sexe, nationalité, etc.

    Ne sont pas des ouvriers, ces employés qui travaillent dans des entreprises capitalistes, dont le travail est, au moins pour une partie importante, un travail de direction, d'organisation, de préparation et de contrôle du travail d'autrui, pour le compte du capitaliste (pour donner un indice sommaire et approximatif mais simple, nous pouvons considérer qu'appartiennent à cette catégorie tous les subordonnés qui reçoivent des salaires ou des appointements annuels nets supérieurs à 25.000 €). Les ouvriers, ainsi répertoriés, en Italie sont environ 7 millions (dont presque un million travaillent dans des grandes entreprises, de plus de 500 personnes). En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 17 millions.

    Cela, c'est la classe ouvrière qui dirigera la révolution socialiste. Le parti communiste est son parti. 

    2. Autres classes prolétaires

    Les membres des classes indiquées ci dessous sont les alliés les plus proches et les plus solidaires de la classe ouvrière. Au cours de leur vie, beaucoup de travailleurs passent de l'une de ces classes à la classe ouvrière et vice versa. Cela renforce les liens de ces classes avec la classe ouvrière (et apporte dans la classe ouvrière les qualités et les défauts de ces classes). En Italie, ils sont environ 8 millions. En comptant leurs familles et les retraités, cela fait 19 millions. Ils se divisent dans les trois grandes classes suivantes :

    - les salariés (on en exclut les dirigeants) de l'administration publique centrale et locale et des organismes qui dépendent de l’État ;

    - les travailleurs employés dans des entreprises non capitalistes (entreprises familiales, d'artisanat et d'autres que les propriétaires créent et gèrent non pour valoriser un capital, mais pour en obtenir un revenu) ;

    - les travailleurs qui sont attachés aux services personnels (serveurs, chauffeurs, jardiniers, etc.). »

    Bien sûr, on peut légitimement être en désaccord avec ces définitions. Par exemple, les communistes de France classent rarement (comme le fait le PCR Canada) l’aristocratie ouvrière et les agents de maîtrise technique dans le prolétariat. L’analyse du prolétariat des camarades italiens semble plus juste, en revanche ils classent dans les classes populaires des personnes gagnant entre 2000 et 4000 € nets par mois… Dans le « sens commun » de populaire en France, il est clair que ces gens-là n’en font pas partie, mais appartiennent bien aux classes moyennes (et même moyennes supérieures !), à la petite-bourgeoisie salariée. Ils ne vivent pas dans des quartiers populaires, mais résidentiels.

    En revanche, l'on comprend plus mal en quoi le débat franc et ouvert entre camarades ne pourrait se passer d’insultes…

    La déviation ouvriériste, donc, n’est pas nouvelle. Et si elle n’est pas extrêmement répandue, contrairement aux déviations révisionnistes et trotsko-réformistes trans-classistes, elle est encore bel et bien présente de nos jours.

    Elle est très présente dans le trotskysme « canal historique » dont l’exemple type est Lutte Ouvrière, en tout cas avant le virage « antilibéral » populiste des dernières années. Car si Trotsky n’était pas spécialement ouvriériste (plutôt arriviste), il a ramassé dans son combat contre l’URSS des ouvriers et des paysans tous les débris de conceptions anti-léninistes, et celles-ci imprègnent encore certains courants « orthodoxes ».

    Elle est représentée, également, dans la « Gauche communiste », les gauchistes au sens historique strict.

    Mais on la trouve également, malheureusement, dans le marxisme-léninisme. Il s’agit notamment d’une déviation de personnes et de groupes issus du courant pro-albanais, dont la lutte déterminée contre le révisionnisme et contre la théorie des trois mondes (soutenir les « petits impérialismes » - France etc. – contre les « deux superpuissances », puis tout simplement l’Ouest contre le « social-impérialisme », théorie attribuée à tort à Mao) ne souffre pas de remise en cause. La théorie des trois mondes étant, elle, la déviation historique du courant prochinois.

    Cette déviation est souvent portée par des petits-bourgeois, visiblement en quête de radicalité : ainsi à Lutte Ouvrière, la très ouvriériste Arlette Laguiller était employée du Crédit Lyonnais, la plupart des cadres sont des profs et le « leader de l’ombre » Hardy est propriétaire d’une petite entreprise… De son côté, Anton Pannekoek (1873-1960), le père de la "Gauche communiste germano-hollandaise", était astrophysicien de son état.

    Mais parfois, elle provient aussi directement des rangs ouvriers. La classe ouvrière de l’État de France a connu pendant les « Trente glorieuses » (1945-75) une élévation continue de son niveau de vie, puis avec la crise générale du capitalisme, une dégradation continue. D’où chez certains éléments assez âgés (au moins la quarantaine) un sentiment d’amertume et une radicalisation sectaire, un repli sur une classe ouvrière mythifiée : une dérive comparable au gauchisme de la petite-bourgeoisie broyée par le Grand Capital. Une amertume qui peut aussi provenir, chez certains vieux militants, des revers stratégiques du mouvement communiste au niveau mondial, dans les années 1970 à 1990. Des revers qu’ils mettent de façon simpliste sur la trahison des intellectuels, bien réelle, mais qui serait plus une conséquence qu’une cause à notre humble avis…

    Quoi qu’il en soit, l’amertume n’est jamais un sentiment qui produit les grands révolutionnaires, ni une conception du monde juste. Lénine, Staline, Mao n’étaient pas des individus amers, mais au contraire des dirigeants d’un optimisme révolutionnaire et d’une positivité inébranlables.

    Ces ouvriéristes en arrivent à oublier la mission historique de la classe ouvrière et du prolétariat révolutionnaire, qui n’est pas seulement de se libérer elle-même, mais de libérer l’humanité.

    Leur conception considère que seule la classe ouvrière, et encore dans une définition ultra restrictive, constitue les prolétaires : les caissières, les esclaves-salariés de plateformes téléphoniques n’en sont pas !

    Mais surtout, au-delà de la définition du prolétariat, ils ont une vision sectaire des alliances de classes indispensables à toute révolution. Ils considèrent que seule la classe ouvrière est vraiment révolutionnaire, de manière presque « innée » (la domination culturelle de la bourgeoisie ? connaît pas…) tandis que les autres ne le seraient pas, et seraient même foncièrement contre-révolutionnaires : elles devraient « se plier » aux conceptions de la classe « ouvrière » pour mériter un minimum de considération.

    Les petits employés, les paysans pauvres, les petits indépendants et les travailleurs intellectuels pauvres : des contre-révolutionnaires, pourris de conceptions petites-bourgeoises ! De là à considérer qu’un ouvrier communiste est plus proche d’un ouvrier fascisant que d’un travailleur intellectuel progressiste, il n’y a parfois qu’un tout petit pas…

    L’oppression générale, à l’époque de l’impérialisme, des monopoles grand-capitalistes sur les masses populaires (et qui dit oppression, dit résistance), les luttes populaires démocratiques (l’oppression capitaliste ne s’arrête pas à la sortie de l’usine), les luttes contre la destruction de l’environnement des masses populaires, tout cela n’existe pas, c'est "petit-bourgeois".

    L’aspect démocratique du combat révolutionnaire dans les pays impérialiste est nié, alors qu’à mesure que la « démocratie bourgeoise » tombe le masque dans la crise générale du capitalisme, le rôle des communistes est de montrer aux masses populaires qu’il n’y a de vraie démocratie, de vraie « justice » (mots d’ordre idéalistes petits bourgeois) que dans la révolution socialiste. La concentration du pouvoir économique (et donc politique) par les monopoles fait que finalement, toutes les classes populaires, y compris les petits fonctionnaires et employés exécutants, les travailleurs intellectuels, les petits artisans/commerçants ou les petits paysans propriétaires ont intérêt à long terme dans le socialisme : le problème c’est qu’ils n’y ont pas forcément intérêt à court terme, et donc ne perçoivent pas cet intérêt.

    De même, le rôle de la paysannerie et de la petite-bourgeoisie non-liées à l’impérialisme dans les pays arriérés et/ou dominés, est tout simplement nié.

    Toutes ces conceptions ont notamment été, vers 1920, celles des gauchistes qui reprochaient aux bolchéviks leur travail en direction de la paysannerie et des autres classes exploitées dans l’Empire tsariste : Lénine l’a pourfendue dans La Maladie infantile (que nous aurons l’occasion de creuser ensemble dans de prochains articles).

    Généralement, cette déviation ouvriériste conduit à des positions objectivement réactionnaires sur les pays dominés par l’impérialisme, car tout ce qui n’est pas dirigé par la classe ouvrière urbaine dans ces pays est à rejeter. Or, en l’absence de pays socialiste guidé par le marxisme-léninisme, ce n’est pour ainsi dire jamais le cas, et même les Guerres Populaires pour la Démocratie nouvelle, menées en Inde, aux Philippines, dans l’État turc, au Pérou, en Colombie, au Mexique (EPR) etc., reposent sur des alliances de classes : prolétariat urbain, prolétariat rural, paysannerie pauvre, petite-bourgeoisie, intellectuels etc.  

    Prenons par exemple la Palestine. Le discours type est « sous les bombes des sionistes, sous les roquettes du Hamas, un seule classe ouvrière ! ». Ils ne font tout simplement aucune différence entre une classe ouvrière de type européen, dans ce qui est une « enclave » d’Europe au Proche-Orient, embourgeoisée par les bénéfices de l’occupation ; et un prolétariat de pays occupé et colonisé, une classe ouvrière comparable à la classe ouvrière noire en Afrique du Sud d’apartheid…

    Et ici, dans les pays impérialistes, l’ouvriérisme mène tout droit à l’économisme : la limitation de la lutte de classe au strict cadre de l’usine, patron-ouvrier. Les luttes populaires démocratiques (contre la répression, contre la destruction de l’environnement, contre le développement du mouvement fasciste), ou encore les luttes des nations opprimées (basque, corse, bretonne etc.) sont rejetées comme « petites bourgeoises », sans autre forme de procès.

    Finalement, quand les échecs répétés ont usé la détermination des nos « communistes ouvriers », on en arrive… au réformisme pur et simple ! Un cas emblématique est le PCOF (PéCOF pour les intimes), organisation historique « pro-albanaise » en France, qui a fini par intégrer le Front de Gauche « antilibéral » (social-démocrate).

    Ce processus était déjà pointé du doigt par Lénine au tout début du 20e siècle :

    « (…) nous pouvons dès la première manifestation littéraire de l'économisme, observer un phénomène éminemment original et extrêmement caractéristique pour la compréhension de toutes les divergences entre social-démocrates d'à présent : les partisans du "mouvement purement ouvrier", les adeptes de la liaison la plus étroite et la plus "organique" (expression du Rab. Diélo) avec la lutte prolétarienne, les adversaires de tous les intellectuels non ouvriers (fussent-ils des intellectuels socialistes) sont obligés, pour défendre leur position, de recourir aux arguments des "uniquement trade-unionistes" bourgeois. » (V. I. Lénine, Que faire ?, 1902).

    Le travail de réflexion se poursuivra dans de prochains articles. Toutes remarques et suggestions sont les bienvenues et, comme on l'a dit, des précisions et corrections seront sans doute à apporter à cet article-ci.


    [Et voici la suite : ]

    1. Classe ouvrière et prolétariat

    La classe ouvrière, on l’a dit, est le noyau dur des forces de la révolution socialiste et de leur avant-garde organisée, le Parti. Par contre, pour les ouvriéristes, elle est la seule admise dans le Parti, voire dans le Front révolutionnaire qui ne se ferait pas avec d’autres classes, mais avec d’autres organisations politiques du moment qu’elles sont ouvrières – conception trotskyste "orthodoxe", où l’idéologie (conscience révolutionnaire pour soi) ne compte pas, seulement la classe en soi. C’est cette conception que nous réfutons.

    La classe ouvrière, au sens marxiste strict, est la classe qui par son travail crée la plus-value en transformant la matière. Cela peut consister en le mineur qui extrait la matière première du sol, ou encore en l’ouvrier agricole qui récolte le fruit sur l’arbre. Et bien sûr, en l’ouvrier d’industrie, qui agit sur un objet avec une valeur A pour lui donner une valeur B supérieure. On pourrait admettre, aussi, qu’il existe des ouvriers des services, du moment que ce service est manuel, qu'il s’exerce sur un bien : on pense par exemple aux réparateurs, plombiers, électriciens etc. Ils prennent un bien à la valeur zéro (car inutilisable ; parfois même l’appartement entier, privé d’eau ou d’électricité, ne vaut plus rien) et lui redonnent une valeur, à la fois d’usage et marchande.

    Cette classe compte, dans l’État de France, 6 à 7 millions de travailleurs auxquels il faut ajouter leurs familles et les retraités. Cependant, ce sont des données statistiques qui incluent l’aristocratie ouvrière. Celle-ci ne compte, en effet, pas seulement des travailleurs avec une fonction d’encadrement, mais simplement des ouvriers qualifiés, auxquels les bénéfices de l’impérialisme permettent d’offrir un bon salaire et donc un standard de vie petit-bourgeois. Ces personnes sont certes des ouvriers, mais pas des prolétaires. Politiquement, ils forment la base du réformisme, du légalisme, du culte de l’État bienfaiteur et, souvent, du chauvinisme (qui peut déboucher sur la xénophobie et, de là, le vote fasciste). Cela, les ouvriéristes ont souvent tendance à l’oublier.

    D’une manière générale, cette classe souffre aujourd’hui de la délocalisation de la production vers des pays à moindre coût de main d’œuvre, et (surtout) de l’atomisation par le développement de la sous-traitance en petites unités productives, et la multiplication de l’emploi précaire, à durée limitée. Se souvenant des grands mouvements de 1936, des années d'après-guerre ou de 1968-75, la bourgeoisie redoute les grandes unités de production, comme Renault Billancourt, préfigurant le socialisme et où des milliers d’ouvriers peuvent se dresser d’un seul coup contre le Capital.

    Mais existe-t-il d’autres classes prolétaires que les ouvriers ? Pour les camarades italiens du nPCI, la réponse est oui : Aux premiers siècles de l’existence du mode de production capitaliste, le prolétariat n’était composé pratiquement que de travailleurs manuels dans l’industrie, parce que seule la production industrielle était absorbée par le mode de production capitaliste. De là l’habitude que l’on a par inertie de considérer comme ouvriers seulement les travailleurs manuels de l’industrie. Graduellement le mode de production capitaliste s’est cependant étendu aussi aux autres secteurs productifs, a créé de nouveaux secteurs et a approfondi la division du travail à l’intérieur des entreprises : par conséquent, les travailleurs des autres secteurs et les travailleurs non manuels sont aussi entrés dans le prolétariat. Jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, la classe ouvrière et le prolétariat ont été toutefois grosso modo encore la même chose. “ Par prolétariat s’entend la classe des ouvriers salariés modernes qui, ne possédant aucun moyen de production, sont contraints de vendre leur force de travail pour vivre ” (Engels). Dans la phase impérialiste de la société bourgeoise, la prolétarisation de la société s’est étendue, d’autres travailleurs ont été réduits à l’état de prolétaires (c’est-à-dire des travailleurs qui pour vivre doivent vendre leur force de travail) même s’ils ne travaillent pas aux ordres du capitaliste pour valoriser son capital. De cette façon sont apparues de nouvelles classes prolétaires, différentes de la classe ouvrière.

    Ces autres classes prolétaires sont : — les salariés (on en exclut les dirigeants) de l'administration publique centrale et locale et des organismes qui dépendent de l’État ;

    — les travailleurs employés dans des entreprises non capitalistes (entreprises familiales, d'artisanat et d'autres que les propriétaires créent et gèrent non pour valoriser un capital, mais pour en obtenir un revenu) ;

    — les travailleurs qui sont attachés aux services personnels (serveurs, chauffeurs, jardiniers, etc.).

    Cette liste peut bien sûr être discutée : certains voudront en retirer des catégories de travailleurs, d’autres en ajouter. Mais, pour certains, la conception du prolétariat du nPCI est révisionniste : le nPCI construirait un prolétariat "de bric et de broc" et nierait la "centralité ouvrière" (ils disent pourtant bien que c'est la classe ouvrière qui dirigera la révolution socialiste. Le parti communiste est son parti). Alors, qu’en penser ? 

    Ce qui est sûr, c’est qu’autour de cette classe ouvrière, voire tout près d’elle (dans les mêmes quartiers, voire sous le même toit familial !) gravitent des millions de travailleurs salariés (non propriétaires des moyens de production), qui participent au processus de production, "intellectuels" (secrétaires, employé-e-s de bureau) ou manuels (préparateur-rice-s de commande, manutentionnaires, livreur-euse-s), et d’autres encore, qui participent à la distribution de la marchandise (serveur-euse-s, vendeur-euse-s, caissier-e-s) ou à son après-vente (réparateur-rice-s). Ou encore, qui participent au bien-être (et donc à la productivité) des producteurs (nettoyage). Etc. etc.

    Sont-ils/elles des prolétaires ? Peut-être pas (certainement pas pour nos singes savants ouvriéristes)… Mais en admettant qu’ils et elles ne le soient pas, ce sont très clairement des travailleurs exploités. Le gain que leur travail rapporte au capitaliste, bien que moins facilement quantifiable que celui de l’ouvrier (qui est la différence entre la valeur du bien avant le travail et sa valeur après), ne leur est certainement pas intégralement, ni même en majorité, reversé sous forme de salaire…

    On pourrait même dire que, s'ils/elles ne participent pas directement à la création de la valeur en transformant la matière, ils y contribuent, ils y collaborent activement : en permettant d’augmenter la productivité, en assurant la prise de commande (condition de la production) et la distribution de la marchandise (sans laquelle que vaudrait celle-ci ?) ou son maintien en état d'usage par la réparation ("capital confiance" du capitaliste) etc. etc. ; en d'autres termes en permettant la réalisation de la valeur ajoutée crée par le travail ouvrier, la transformation du capital-marchandise en véritable plus-value.

    Donc, dire qu’ils sont des alliés naturels de la classe ouvrière est faible : ce sont des alliés automatiques, ni beaucoup plus, ni guère moins révolutionnaire que celle-ci dans les mêmes conditions objectives. On pourrait quasiment parler de prolétariat par assimilation.

    Si l'on ne considère pas cela, il est impossible d’avoir une ligne de masse conséquente dans les pays impérialistes !

    Dire cela n'a rien à voir avec la recherche de "nouveaux sujets révolutionnaires" (le hors-la-loi, l'immigré, "l'exclu"...) qui a foisonné dans les milieux intellectuels depuis les années 1970...

    2. Le Parti révolutionnaire de la classe ouvrière : une conception du monde

    Ce que l’on entend systématiquement chez les ouvriéristes, aussi bien petits-bourgeois (L"o", P"o"I) que réellement ouvriers (ou aristocrates ouvriers), c’est que "la priorité est à la construction du Parti ouvrier", qui déterminera ensuite ses alliances de classe. Quand on voit celles que font les petits-bourgeois et les aristocrates ouvriers du P"o"I ou de L"o", on en tremble d’avance, et l'on se prend à espérer que les ouvriéristes réellement ouvriers soient mieux avisés…

    En tout cas, ceci est absolument faux. Le "Parti ouvrier" existe déjà virtuellement (les ouvriers conscients que le capitalisme ne peut plus durer), et il devrait exister réellement depuis des années voire des décennies. Son noyau d’avant-garde existe, et sa base de recrutement existe aussi : on trouve des éléments, voire des groupes entiers d’ouvriers rouges dans toutes les UL de la CGT, dans toutes les sections de L"o" ou du P"c"F, et dans toutes les organisations issues du P"c"F lors de sa liquidation social-démocrate des années 1990. Dans ce cas, pourquoi ne pas leur passer simplement un coup de fil : « Bonjour, c’est l’avant-garde du prolétariat à l’appareil »… Je vous laisse imaginer le sketch qui s’ensuit. C’est ridicule, évidemment.

    Pourquoi ? Parce qu’en dehors de l’avant-garde communiste révolutionnaire, les ouvriers les plus rouges aujourd’hui, les plus combattifs et déterminés, envisagent de faire plier le Pouvoir, mais pas de le prendre, ne sachant tout simplement pas quoi en faire.

    Et pourquoi cela ? Parce qu’ils sont prisonniers de l’économisme, dont l’ouvriérisme n’est que la variante gauchiste, sectaire. L’économisme, c'est-à-dire quand la lutte de classe s’arrête à la porte de l’usine

    L’étape actuelle n’est pas là. La tâche actuelle des communistes, c’est que la lutte de classe jaillisse des usines comme un torrent, vers toutes les citadelles de l’exploitation (des McDo’s aux call centers en passant par les sociétés de nettoyage) et de l’oppression (quartiers-ghettos, Pôles Emploi, sociétés négrières d'intérim, prisons), et vers l’ensemble des masses populaires.

    La conscience révolutionnaire de la classe ouvrière ne doit plus rester concentrée sur la relation de travail (et d’exploitation) patron/ouvrier, elle doit embrasser tous les sujets d’Hexagone, d’Europe et du monde (internationalisme), et avoir une position révolutionnaire sur chacun d’eux.

    L’étape actuelle, c’est de briser le carcan de l’économisme, du mouvement purement ouvrier (Lénine, Que faire ?).

    Cela passe par deux choses :

    - les intellectuels organiques (Antonio Gramsci) : ce sont des intellectuels issus du prolétariat ; ou parfois, comme Lénine ou Mao, de la petite-bourgeoisie, mais sur les positions et au service du prolétariat – mais de préférence, ceux-là ne doivent intervenir qu’au début, lorsque les forces subjectives de la révolution sont encore faibles. Sans même parler de Lénine ou Mao, il y a des centaines de travailleurs intellectuels, liés au prolétariat par des liens familiaux, conjugaux, professionnels ou affinitaires, qui peuvent jouer ce rôle. Leur tâche est de dépasser (justement) l’économisme, d’élaborer une conception prolétarienne du monde et de briser l’hégémonie culturelle de la bourgeoisie sur le prolétariat et les masses populaires (Gramsci encore). 

    - la ligne de masse, qui passe par des organisations de masse. Ainsi, la Jeunesse Communiste Marxiste-Léniniste est la première organisation communiste révolutionnaire de masse, en direction de la jeunesse populaire, à voir le jour depuis près de 40 ans. Simultanément, le PCmF prône la création du Front révolutionnaire anticapitaliste/antifasciste et populaire (FRAP), avec pour organe de communication la Cause du Peuple. Sur la région de Toulouse, le collectif Coup pour Coup 31 multiplie les initiatives anti-impérialistes et anticapitalistes, de même que le Comité Anti-Impérialiste, plutôt sur la région parisienne. Le Comité de Soutien à la Révolution en Inde assure la solidarité internationaliste, en Hexagone, avec la plus grande Guerre populaire sur la planète actuellement.

    Ce sont là des initiatives, idéologiquement et géographiquement diverses, mais qui ne peuvent aller que dans le bon sens, quels que soient les incidents de parcours qui pourraient survenir.

    Le Parti ouvrier n’est pas un "syndicat politisé". On sait de toute façon parfaitement que "l’apolitisme" des syndicats en France est une mascarade, et qu’ils sont tous liés à un mouvement réformiste. On sait, aussi, que le problème du PCF pendant des décennies (des années 1950 à 1990), c’est (justement) qu’il n’a finalement été que la machine électorale de la CGT…

    Non, le Parti de la classe ouvrière, communiste révolutionnaire, est un instrument de conquête et – demain – d’exercice du Pouvoir. Il doit reposer sur une conception communiste du monde.

    Pour reprendre toujours le même exemple, Lutte Ouvrière compte des militants ouvriers héroïques, comme Xavier Mathieu. Mais voilà, le problème, c’est que LO ne sait parler que de cela : des conflits du travail, des mouvements sociaux contre les "réformes" réactionnaires de l’État bourgeois. Et lorsqu’ils prennent position sur d’autres questions, leurs positions sont fausses, comme celle de considérer que les luttes de libération sont "bourgeoises". Lutte Ouvrière est donc incapable de prendre et d’assumer le Pouvoir : ils repoussent éternellement l’échéance, en disant que "les conditions ne sont pas mûres" (elles ne le seront jamais, car les conditions de la révolution se créent par le travail révolutionnaire et, de toute façon, les conditions d’une révolution purement ouvrière ne seront jamais réunies). 

    3. La classe ouvrière et les autres classes dans la révolution

    Une autre conception erronée, que l’on entend souvent chez les ouvriéristes, c’est que les autres classes exploitées ou écrasées par le capitalisme monopoliste sont les bienvenues dans le processus révolutionnaire… à condition de se plier aux intérêts et aux conditions de la classe ouvrière. C’est complètement faux. C’est perdre totalement de vue la mission émancipatrice de la classe ouvrière pour l’humanité entière.

    La classe ouvrière ne "plie" pas les autres classes populaires à ses intérêts : ceci est une conception trotskyste, que Trotsky a partiellement mise en œuvre (vis-à-vis de la paysannerie) durant le communisme de guerre. Au contraire, elle réalise leurs aspirations (idéalistes) à la "justice", à la "dignité" et au "bien être", car c’est là un programme démocratique minimal, parfaitement englobé dans le programme maximal de la classe ouvrière qui est le socialisme et son aboutissement, le communisme.

    Si l'on prend l’exemple de l’agriculture, les petits paysans ont intérêt à la collectivisation, à la mise en commun des moyens de production, à l’agriculture socialiste.

    Cet intérêt est très clairement ressenti dans les pays où la grande propriété (semi-féodale ou agro-capitaliste) s’oppose à la micropropriété ou à une paysannerie sans terre. En France, il y a beaucoup de grandes propriétés agro-capitalistes (que la révolution expropriera et donnera aux masses laborieuses pour leur alimentation) d’un côté, et de l’autre, des paysans poussés par la faillite vers le prolétariat. Mais il y a entre les deux des petits paysans, pour qui la collectivisation sera la solution.

    La révolution prolétarienne apporte aux paysans une solution qui est dans LEUR intérêt (ET dans celui des masses populaires), elle ne les "plie" pas aux intérêts de la classe ouvrière !


    Post-scriptum : cet article a (sans surprise) soulevé quelques réactions (sans importance) sur un obscur forum où errent quelques vieux débris (sans importance...) de l'ouvriérisme et autres dogmatismes "ML". Qui n'ont d'ailleurs que cela à faire, ce qui en dit long sur leur militantisme révolutionnaire ...

    Notons simplement, au vu de leurs réactions, qu'ils ont été ni plus ni moins qu'incapables de lire ce texte, ou en tout cas de le comprendre. Leur "grandiose" contribution au mouvement communiste en France, depuis plus de 30 ans, n'en est que plus compréhensible ...

    [Lire : http://servirlepeupleservirlepeuple.eklablog.com/la-bourgeoisie-peut-tout-a-fait-exister-a-travers-des-militants-politi-a178219050]


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