• Le révisionnisme moderne* désigne le processus d'abandon, en URSS et dans la plupart des PC du monde** (au pouvoir ou pas), des principes marxiste-léninistes et, là où ces PC sont au pouvoir, de l'économie socialiste et de la dictature du prolétariat, entre le milieu des années 1950 et la fin des années 1980.

    C'est la définition communément admise par l'ensemble des marxiste-léninistes, maoïstes ou non, à l'exclusion bien sûr des trotskistes, des anarchistes et des gauchistes (luxemburgistes, "Gauche communiste") pour lesquels l'URSS n'a jamais été socialiste.

    Cependant, ce concept donne lieu à des interprétations radicalement divergentes.

    Pour certains, l'approche est totalement métaphysique, "magique", idéaliste. "Saint Staline" est mort - peut-être assassiné - et, après une brève lutte de pouvoir, l'URSS a cessé d'être socialiste et internationaliste pour devenir capitaliste monopoliste d'État et social-impérialiste. Avant cette date tout était parfait, mais des "vipères lubriques" tapies dans l'ombre attendaient leur heure... Après cette date, rien de ce que peut dire ou faire l'URSS ne mérite la moindre indulgence.

    Cette thèse est principalement celle des partisans du leader albanais Enver Hoxha qui, après la mort de Mao, attaqua (aussi) violemment celui-ci comme un "démocrate bourgeois" et un "opportuniste de gauche" ; mais également du PCMLM, dans sa vision générale dogmatique des choses, "tout blanc" ou "tout noir".

    Nous rejetons cette thèse (dite "de l'interrupteur") comme "magique", anti-matérialiste : rien ne tombe du ciel et, corollaire, rien ne se fait en un jour. Surtout pas le retour vers le capitalisme d'un pays engagé sur la voie du socialisme.

    À l'opposé - en apparence - se trouve le point de vue des "refondateurs", les organisations qui ont quitté le P"C"F dans les années 1990 (au moment de sa liquidation finale, malgré la conservation de son nom) et qui prétendent le reconstruire "moitié dehors moitié dedans" : PRCF, URCF, Coordination du Nord, Cercles communistes etc. Selon eux, tant que l'URSS et les "pays frères" conservent la plus petite apparence de socialisme, notamment la propriété d'État ou un secteur d'État écrasant, ils restent socialistes ("un malade n'est pas un mort" disent-ils) et doivent être défendus inconditionnellement (et non pas dans certaines circonstances seulement). Cette théorie s'applique à la Chine et au Vietnam aujourd'hui comme hier à l'intervention soviétique en Tchécoslovaquie, en Afghanistan, à la répression de Tienanmen...

    Nous réfutons bien entendu également cette thèse comme niant la dialectique (transformation d'une chose en son contraire malgré les apparences), la question de la direction (qui dirige et où va-t-on ?) et la théorie léniniste sur la nature de l'État.

    Nous sommes également critiques vis-à-vis de la position de Voie Prolétarienne (OCML) : dès la fin de la NEP (1928-29) et la collectivisation l'URSS n'aurait (en fait) jamais été socialiste, mais capitaliste d'État. Comme pour les trotskistes (sans vouloir qualifier ainsi ces excellents camarades !) cette thèse est incapable d'expliquer la victoire antifasciste de 1945, la défense inconditionnelle du système socialiste, du Parti et de la direction par les peuples d'URSS. La "répression", la "terreur" et la "discipline de fer" (qui pouvaient effectivement régner dans l'Armée rouge de l'époque) ne sont pas des explications suffisantes face à une machine de guerre comme la Wehrmacht nazie (on a déjà vu en 1914-18 que la seule répression ne suffit pas pour assurer la combattivité des troupes) ; pas plus que le raisonnement du "moindre mal" face aux crimes nazis (les Soviétiques auraient pu laisser tomber Staline et résister ensuite, comme l'ont fait les Irakiens avec Saddam Hussein par exemple). Non, il y avait bel et bien chez une large majorité de Soviétiques de l'époque une volonté claire de défendre le système politique, et cela ne peut s'expliquer si l'on postule que le capitalisme était d'ores et déjà ouvertement restauré. Mais il est vrai que l'extrême violence politique de la seconde moitié des années 1930 ("Grandes Purges") puis bien sûr de la guerre et de l'immédiat après-guerre a bel et bien pu "couvrir" des manœuvres de "fortification" des positions restaurationnistes, notamment à partir d'un appareil répressif hypertrophié et dégagé de tout contrôle démocratique (si l'on ne prend que l'exemple de Khrouchtchev, il occupait des positions très importantes durant toutes ces périodes !). D'autre part, la position de l'OCML-VP présente aussi des analyses très intéressantes quant à la genèse même des forces en faveur de la liquidation du socialisme, notamment une critique de la "théorie des forces productives".

    En fait, très éloignées en apparence, toutes ces interprétations ont un point commun selon nous très "français", "cartésien" : elles recherchent un "point de rupture" net, une "date butoir" avant laquelle tout serait parfait, l'URSS serait un paradis, et après laquelle tout serait abominable, social-fasciste et social-impérialiste.

    Une quête impossible et contraire au matérialisme dialectique, selon lequel tout se transforme (plus ou moins rapidement, mais jamais instantanément) dans l'affrontement des contraires : rien ne tombe du ciel, rien ne se fait d'un coup de baguette magique.

    [* : un premier révisionnisme, désigne à la fin du 19e siècle les thèses de Bernstein en Allemagne, et leur propagation au sein de la IIe Internationale (1889-1914). Ces thèses prônaient le "dépassement" du capitalisme par la simple action légale et parlementaire réformiste. S'y ajouteront une mauvaise compréhension de l'impérialisme capitaliste et finalement, en 1914, l'Union sacrée avec la bourgeoisie impérialiste dans la guerre. Leur critique par Lénine est à la base du marxisme-léninisme.]

    [** : entraînant l'opposition des PC chinois et albanais (rupture sino-soviétique), et des scissions dans la plupart des PC du monde.]

    Une inversion du sens de l'évolution de la société

    En réalité, le révisionnisme n'est pas un "stade" historique stable, ni un corpus idéologique défini, encore moins un mode de production.

    Exactement comme le socialisme est un processus, une transition, une série d'étapes entre le renversement du capitalisme et le communisme, le révisionnisme est en fait une régression, une série d'étapes, d'abandons, de transformations des choses en leur contraire, conduisant d'une certaine étape du socialisme à la restauration du capitalisme.

    Voyons ce qu'en dit le Nouveau Parti Communiste Italien, qui a réalisé (pour ainsi dire) la seule réflexion théorique profonde post-Mur de Berlin, à laquelle nous souscrivons totalement : "On les décrit [les pays à direction révisionniste NDLR] comme ayant été des sociétés à "capitalisme monopoliste d'État" bien que "de type nouveau" ou ayant pris la forme d'un "capitalisme bureaucratique" (...)

    S'il est clair que la phase socialiste est une phase de transition dans laquelle graduellement et par bonds, on liquide les rapports sociaux capitalistes et on développe les germes du communisme, il est clair aussi qu'une fois que la direction du parti et de l'État fut prise par les révisionnistes modernes (qui sont les représentants et porte-parole de la bourgeoisie typique et spécifique de la société socialiste), la nature de l'Union soviétique ne pouvait pas changer d'un coup.

    En réalité, il y eut une inversion de la direction vers laquelle la société allait. Dans chaque domaine, pas à pas, furent graduellement étouffés les rapports communistes déjà construits, renforcés les rapports capitalistes qui subsistaient et réintroduites les relations capitalistes là où existaient des conditions pour le faire.

    Accuser les révisionnistes soviétiques d'avoir été des sociaux-impérialistes dans le sens où leurs relations avec les partis communistes menées sous le drapeau du socialisme suivaient une ligne faite d'ingérence, de chantage et d'arrogance est une chose.

    Soutenir que l'Union soviétique était devenue d'un coup un pays impérialiste en est une autre. Les communistes qui soutiennent que l'Union soviétique était un pays social-impérialiste n'ont jamais expliqué de quoi à leur avis le bond de 1989-1991 était constitué, quelles ont été ses causes et qu'est-ce qui est en cours actuellement dans les pays qui constituaient l'Union soviétique. Pourquoi n'essaient-ils pas de l'expliquer ?

    Les communistes des ex-pays socialistes ne peuvent comprendre la lutte de classe qui se mène dans leurs pays et ce que sont leurs tâches que s'ils partent d'une conception matérialiste et dialectique de ce qu'ont été les pays socialistes avant l'arrivée des révisionnistes à leur direction et dans les décennies qui ont suivi."

    [Résolution de la 4e Commission préparatoire du congrès de fondation du (n)PCI, point 5 "Le bilan des pays socialistes"]

    Également : "Ils [les ML/MLM ndlr] ont passé des années à se demander si l'URSS était un pays socialiste ou un pays capitaliste, dans une confrontation d'une quantité plus ou moins grande de faits avec leurs définitions du capitalisme et du socialisme.

    Tandis qu'il était plutôt nécessaire d'étudier :

    1. jusqu'à quel point la transition du capitalisme au communisme était avancée en URSS et 2. le processus concret de rétrocession au capitalisme commencé dans les années 1950.

    Nous avons rompu avec cette attitude bigote à partir de 1990, avec l'autocritique publiée dans l'article "La restaurazione del modo di produzione capitalista in Unione Sovietica" dans Rapporti Sociali n°8 - Novembre 1990.

    Ce travail nous a aidé à comprendre l'expérience des pays socialistes nés pendant la première crise générale du capitalisme et à déterminer les périodes qu'ils ont traversé : construction du socialisme (c'est-à-dire passage graduel à partir des rapports sociaux capitalistes et pré-capitalistes vers des rapports sociaux communistes), tentative de retour graduel et pacifique au capitalisme, puis tentative de retour au capitalisme à n'importe quel prix.

    Il a suffi de s'enlever les œillères d'une scolastique pseudo-marxiste pour permettre que la riche et multiforme expérience des pays socialistes devienne compréhensible et parlante, pour comprendre la stricte connexion de "l'effondrement" des régimes révisionnistes dans les années 1989-1991 avec la seconde crise générale du capitalisme."

    [(n)PCI, Lettre à Front Social, point 3 : le mouvement communiste international]

    Les camarades transalpins décrivent très correctement comment le révisionnisme (qui a germé dans les erreurs et les défaillances de la construction socialiste (1928-1953), lesquelles ne suffisent cependant pas pour parler de capitalisme d'État et de révisionnisme à cette époque) a conduit à partir de 1953 (mort de Staline et disparition "générationnelle" des bolcheviks "historiques") à l'abandon progressif de ce qui faisait le socialisme : la planification (qui devient de plus en plus indicative), le caractère collectif de la production (avec par exemple la liquidation des stations de machines et tracteurs (SMT) dans les campagnes, les machines agricoles sont remises aux kholkozes qui deviennent, de fait, des entreprises autonomes), la dictature du prolétariat et la démocratie populaire (le socialisme c'est la propriété d'État des moyens de production ET le contrôle démocratique du peuple sur l'État), etc. etc.

    Il faut en effet comprendre qu'après la révolution, lorsque le Parti censé représenter la classe ouvrière et les masses populaires exploitées (paysannerie pauvre etc.) a pris le pouvoir, la société reste très longtemps (au moins une voire deux générations) imprégnée par les conceptions et les rapports sociaux hérités du capitalisme (ainsi que les conceptions et les rapports sociaux féodaux là où ils existaient). Toutes sortes d'"autorités" et de "hiérarchies" apparaissent comme "naturelles" parce qu'il en a tout simplement toujours été ainsi depuis des siècles : "autorités" et "hiérarchies" fondées sur le genre (patriarcat), l'âge (gérontocratie), la formation intellectuelle (mandarinat), le galon dans les forces militaires, le pouvoir et les "responsabilités" (même conférés par élection et supposément "révocables à tout moment" !), l'appartenance nationale (chauvinisme-hégémonisme-suprématisme, par exemple grand-russe ou grand-han), le fait d'être citadin/"civilisé" et non "paysan arriéré" (contradiction centres/périphéries), etc. etc. Même les rapports de production restent, dans une certaine mesure, "capitalistes" : pendant un laps de temps qui peut être d'une génération voire plus, la révolution doit recourir à toutes sortes d'experts et de cadres formés par et pour le capitalisme, car pendant des siècles la division du travail (entre propriétaires de moyens de production et "loueurs" de force de travail = prolétaires, entre intellectuels et manuels, cadres et exécutants) a été telle qu'il n'est pas possible de laisser les travailleurs (organisés en conseils) se "débrouiller" pour assurer la production : l'appareil productif s'effondrerait (et dans des pays déjà arriérés comme la Russie de 1920 ou la Chine de 1950, ce serait catastrophique : aucune "décroissance" n'est envisageable dans ce type de société !). Ces cadres-et-experts vont avoir avec les "simples" travailleurs une relation sociale de "sachant" à "écoutant-exécutant". Même si l'on ne veut pas permettre des écarts de salaires trop importants, il va falloir "valoriser" financièrement leur importance pour la production et les responsabilités qui leur incombent (donc les payer plus que les autres, leur offrir des "privilèges").

    Tout ceci ne signifie nullement (comme le prétendront typiquement les anarchistes, pour qui tout n'est qu'affaire de baguette magique "grands slogans" et de bonne volonté) que l'on ne serait "jamais sorti du capitalisme" : comme nous l'avons vu, le socialisme n'est pas un mode de production en soi mais une "marche" du capitalisme vers le communisme dans laquelle rien ne tombe du ciel "comme par enchantement". Mais cela va clairement représenter une BASE sur laquelle, si dans le Parti même une fraction d'"arrivistes" le souhaite (et qu'on la laisse faire !), il va être très facile (même 25 ou 30 ans après la révolution) de prendre le chemin de la restauration capitaliste, de manière plus ou moins ouverte ou sournoise/masquée/"à petits pas". C'est là le grand enseignement du maoïsme pour le mouvement communiste international : la contre-révolution encercle et étrangle la révolution de toute part, mais le plus grand risque de restauration du capitalisme se trouve dans l'appareil politique (État, Parti) de la révolution elle-même (d'où le mot d'ordre : "FEU SUR LE QUARTIER GÉNÉRAL !"). C'est ce qui s'est produit en URSS (tendance lourde dès les années 1930 et définitivement actée après la mort de Staline) et dans les "démocraties populaires" d'Europe de l'Est puis (malgré la tentative de la Révolution culturelle de "contrer" cela) en Chine, au Vietnam, à Cuba etc. etc.

    Peu à peu l'appareil d'État et du Parti, les cadres économiques (directeurs d'usines, de kholkozes) que la politique de Staline, au nom de l'efficacité, avait commencé à soustraire au contrôle démocratique populaire et qui jouissaient déjà de privilèges excessifs, se sont mis à se comporter en bourgeoisie de fait vivant dans le luxe en accaparant la plus-value du travail collectif ("socialiste").

    Et l'internationalisme révolutionnaire s'est peu à peu mué en domination et en exploitation des pays "frères", en hégémonisme, en basses visées géopoliticiennes... L'URSS s'est mise à se comporter en puissance impérialiste "comme les autres", même si stricto sensu les choses étaient un peu plus complexes.

    Toutes ces tendances, on l'a dit, ont triomphé en URSS dans les dernières années de la vie de Staline (affaibli par l'âge et n'ayant de toute façon jamais su lutter correctement contre) et surtout après sa mort, lorsqu'après une rapide lutte de pouvoir Khrouchtchev s'empare de la direction du Parti (si Beria ou un autre avait "gagné", cependant, cela aurait sans doute été la même chose) et entame alors un processus de restauration "pas à pas" du capitalisme jusqu'au "final" de la perestroïka de Gorbatchev et de la liquidation de l'Union en 1991.

    Malgré tout, l'URSS a pu encore après les années 1950 jouer un rôle positif, afin de garder la confiance des masses mondiales et de nuire aux impérialismes occidentaux : elle a par exemple soutenu, jusqu'en 1975, les luttes du peuple vietnamien et des colonies portugaises d'Afrique. Elle a même joué jusqu'aux années 1980 un rôle positif contre le régime fasciste d'apartheid en Afrique australe, ou encore contre les régimes fascistes d'ultra-droite pro-US qui dominaient l'Amérique centrale. Cependant, des années 1950 aux années 1980, le rôle néfaste va croissant au détriment du rôle positif.

    À une époque, celle de la "stagnation brejnévienne" (1964-1982), on a pu avoir l'impression que le "système" s'était stabilisé en "social-impérialisme" et en "capitalisme monopoliste d'État", d'où l'analyse des partisans de la Chine. Mais ce modèle économique "bâtard" s'est révélé (bien loin de "l'impérialisme suprême" fantasmé par certains ML) extrêmement vulnérable à la seconde crise générale du capitalisme (à partir des années 70), écrasé par un complexe militaro-industriel surdimensionné etc.

    Il a fallu alors, non sans résistances dans la "vieille garde" de l'époque Brejnev, liquider ce qu'il restait d'apparences socialistes (devenues des boulets), un peu comme d'ailleurs les pays de l'Ouest ont renoncé à leur modèle social-démocrate keynésien, pour revenir à un capitalisme libéral pur et dur.

    Cependant, à ceux qui considèrent le "capitalisme d'État" comme une aberration théorique au prétexte que la propriété étatique des moyens de production exclurait le capitalisme, nous répondrons : si l'on prend n'importe quelle grosse usine en France, on s'aperçoit qu'elle n'est souvent pas la propriété d'une famille bourgeoise mais d'une personne morale dont les actionnaires et, bien souvent
    même, les actionnaires des actionnaires sont des personnes morales. Au stade monopoliste, le capitalisme devient de plus en plus un "système" où la propriété juridique des moyens de production appartient à des personnes morales et qui fait vivre (grassement) une bourgeoisie de rentiers (détenteurs de parts sociales)... ou de salariés juridiques, les "cadres supérieurs" ou "dirigeants".

    Dans cette configuration, pourquoi l'État-propriétaire soviétique ne pourrait-il être considéré comme une immense personne morale, un "monopole unique" tenant toute la production du pays (et indirectement celle des pays du "bloc") et faisant vivre bourgeoisement une élite de cadres dirigeants ?

    Simplement ce sytème est bâtard, car dans le capitalisme la concurrence entre les entreprises (un peu comme la biodiversité dans la nature vis-à-vis des catastrophes naturelles) est la condition (jusqu'à un certain point) de sa survie face aux crises. Ou, pour prendre une autre image, c'est la différence entre une planche (qui casse sous les coups) et un matelas (qui les amortit).
    Bref : le système économique ("capitaliste d’État") soviétique n'avait pas la souplesse du capitalisme occidental, où les entreprises publiques (dont l’État peut plus ou moins se désengager) côtoient le tissu économique privé, les "géants" de ceci ou cela côtoient les milliers de PME (souvent sous-traitantes de premiers), etc.
    Il n'a donc pas pu "encaisser" de la même manière le choc de la crise mondiale. Voilà pourquoi le révisionnisme soviétique et des "pays frères" a conduit à la faillite économique, et à une très dure "restructuration" pour passer au capitalisme monopoliste "classique" (à l'occidentale).

    Il faut aussi noter que, dans les Partis qui n'étaient pas au pouvoir, le révisionnisme n'a pas forcément attendu 1953 pour triompher. Ainsi, la reddition des armes et la participation à la reconstruction bourgeoise du capitalisme par le PCF et le PC italien en 1945 sont généralement considérées comme l'acte fondateur du révisionnisme dans ces pays. Voire, en France, dès le milieu des années 1930 avec les tendances au chauvinisme de Thorez, l'absence de clarté vis-à-vis de la gauche bourgeoise (radicaux-socialistes, "socialistes" républicains divers, SFIO) et les tergiversations sur la question coloniale, alors que la France avait le 2e empire colonial au monde ("secret de l'impuissance" du prolétariat hexagonal). Ceci est bien illustré par les mots de Molotov aux ministres communistes, en 1946 ou 47, alors que le PCF siégeait au gouvernement : "Alors camarades, comment se passe cette guerre contre les camarades vietnamiens ?"

    Mais paradoxalement, le PCF clamera son attachement à Staline bien après le XXe Congrès soviétique, jusqu'au milieu des années 1960.


    Alors, de quand date le rétablissement du capitalisme en URSS ?

    Concrètement, le processus restaurationniste commence entre 1953 (mort de Staline) et 1956 (XXe Congrès, triomphe du krouchtchévisme) pour s'achever sur la restauration capitaliste proprement dite en 1991, résultat de la "perestroïka" (1985-90).

    Processus qui voit l'abandon progressif de la planification (qui devient indicative) et du collectivisme productif, la liquidation de la démocratie populaire / dictature du prolétariat dans "l'État du peuple entier", la constitution d'une couche accaparatrice de la plus-value, stable (sous Staline il y avait des privilèges, mais pas de "sécurité de l'emploi" !) et auto-reproductrice (par cooptation, népotisme...).

    Mais pour ce qui est des conditions matérielles de l'idée restaurationniste, qui ne tombe pas du ciel comme on l'a dit... nous dirons bien avant, à vrai dire dès le début, dès 1917 !

    "La faute à Lénine" alors ??? NON, la faute à personne, ni à Lénine ni à Staline, ni à "l'arriération" ni à "l'isolement" de l'URSS, ni à la guerre civile ni à la "bureaucratie" (les cadres indispensables au début de toute révolution) ni aux destructions de la Seconde Guerre Mondiale...

    C'est là la grande différence avec les trotskistes, pour qui la révolution a "dégénéré" PARCE QUE... et l'on en vient à renier toutes les thèses léninistes (et même marxistes) sur la possibilité du socialisme dans un seul pays, le rôle de la direction, la dictature du prolétariat, l'affermissement (et non l'affaiblissement) du Parti face à la guerre contre-révolutionnaire. On en vient à rejeter l'optimisme révolutionnaire : pour les trotskistes c'était toujours "foutu d'avance"...

    En réalité, les causes matérielles du révisionnisme, de la restauration capitaliste, sont présentes objectivement et indépendamment de la volonté dans TOUTES les révolutions, surtout au début (au plus on est près de l'ancien régime) et d'autant plus que la révolution est la première du genre, sans expérience antérieure qui serve de leçon.

    Il s'agit tout simplement de la lutte entre l'ancien et le nouveau, du poids matériel et moral de l'ancien système renversé, des anciens rapports sociaux... La dialectique quoi ! Rien ne tombe du ciel, rien ne disparaît non plus par enchantement.

    L'empreinte de l'ancien, les vieilles idées, les réflexes, les comportements sociaux ne disparaissent pas comme ça, d'un coup, et ils se transmettent parfois sur plusieurs générations.

    La vieille organisation sociale met longtemps à disparaître complètement : les contradictions intellectuels/manuels, qualifiés/non-qualifiés, cadres/exécutants, villes/campagnes (et villes/banlieues), les différences de "capital culturel", les disparités régionales dans un vaste pays, les "privilèges" (même mérités !) des cadres... Et bien sûr l'influence des résidus des anciennes classes dominantes à l'intérieur et des "émigrés" réactionnaires et de la réaction internationale à l'extérieur. Autant de "facteurs" de l'idéologie révisionniste.

    Tout cela existe objectivement dans toute révolution, c'est une loi historique.

    Là où se situe - et seulement là - la différence (et où entrent éventuellement en jeu des facteurs d'arriération, d'isolement et de rapport de force, d'absence d'expérience antérieure, mais ces facteurs ne sont pas déterminants) c'est dans comment on lutte contre cela, comment on fait en sorte d'éliminer les bases matérielles de la restauration capitaliste.

    Sur ce point, en fonction des 1001 facteurs internes et externes de chaque période, Staline et la direction soviétique ont tantôt bien combattu, tantôt mal, tantôt pas, et tantôt même favorisé les ferments restaurationnistes*.

    C'est là, en revanche, que la théorie et l'action anti-révisionniste de Mao acquiérent toute leur importance, qui fait du maoïsme la 3e et supérieure étape du marxisme.

    Il faut noter que la contre-révolution, la restauration du capitalisme en Chine a été extrêmement rapide : elle commence en octobre 1976 avec l'arrestation de la "Bande des Quatre" et en 1980 le capitalisme est ouvertement rétabli ("peu importe qu'un chat soit blanc ou noir...") dans ce pays. Cela malgré la puissance de la lutte anti-révisionniste sous la Révolution Culturelle, plus haut degré de socialisme jamais atteint au 20e siècle.

    La raison en est que, malgré la puissance de cette lutte anti-révisionniste, le bond qualitatif pour la théorie marxiste-léniniste qu'elle représente, la Chine partait de "beaucoup plus loin" que la Russie : l'arriération de la plus grande partie du territoire, en 1949, était digne du Moyen-Âge.
    Donc, en 1976, le niveau des forces productives chinoises restait inférieur à celui de l'URSS une vingtaine d'années plus tôt. De plus, cette contre-révolution intervient dans le cadre de la seconde crise générale du capitalisme (depuis le début des années 1970) qui était déjà en train de couler l'économie soviétique.

    Il a donc fallu "agir vite", en faisant appel massivement aux capitaux étrangers et en se constituant rapidement une base sociale de petits entrepreneurs et de "cadres" salariés moyens.

    La clique révisionniste chinoise fut encore plus violemment réactionnaire que la clique soviétique. Il faut d'ailleurs rappeler que sa prise de pouvoir prit la forme d'un véritable coup d'État de la droite du Parti, avec des dizaines de milliers d'exécutions et des centaines de milliers d'arrestations.

    En fait, la Chine étant à l'origine un pays encore féodal et sous domination étrangère, la révolution a d'abord été une Révolution de Nouvelle Démocratie, une révolution "démocratique bourgeoise" anti-féodale et anti-impérialiste sous la direction du PC. Du coup, la lutte entre la voie bourgeoise et la voie révolutionnaire communiste n'a jamais vraiment cessé entre 1949 et 1976, la Révolution culturelle ne représentant qu'une victoire temporaire**.

    [* On cite fréquemment la théorie des forces productives exposée dans L'Homme, le capital le plus précieux de Staline. Au nom du développement de la production à tout prix, explicable (l'analyse scientifique marxiste ne "justifie" pas, elle explique NDLR) par la course à la guerre et la nécessité de rattrapper très vite le niveau occidental (ce qui sera fait, entre 1924 et 1940), la contradiction entre "cadres et compétents" et exécutants a été renforcée, au détriment du pouvoir populaire et du contrôle démocratique, avec des écarts de niveau de vie parfois excessifs, etc.]


    [**Dès l'affaire Lin Piao (1971) la droite revient sur le devant de la scène, avec notamment le retour de Deng Xiaoping aux affaires (août 1973 - avril 76)]

    http://artspla97230.blogvie.com/files/image_55379072.jpg

    Nous avons essentiellement abordé ici la question du révisionnisme comme processus qui a conduit les États se réclamant du socialisme et du marxisme-léninisme à restaurer le capitalisme au bout de quelques décennies.

    Pour ce qui est du révisionnisme au plan idéologique, tout le monde a une idée à-peu-près précise de ce dont il s'agit : la transformation de Partis communistes, révolutionnaires, souhaitant en finir avec le capitalisme et aller vers le communisme, en forces réformistes dont l'ordre bourgeois s’accommode parfaitement.

    Ce qui peut être intéressant par contre - et qui est, de fait, au cœur de la pensée maoïste - c'est d'en étudier l'ORIGINE.

    Le révisionnisme ne procède effectivement pas de paroles (il-a-dit-ceci-ou-cela) ni même d'actes tels que déposer les armes alors qu'il y a opportunité de passer à l'offensive stratégique (PCF ou PCI 1945, Népal 2006) ; tout ceci n'étant que les SYMPTÔMES de la chose (de même que la varicelle ne provient pas des boutons apparaissant sur le corps, qui en sont les symptômes).

    Le révisionnisme procède essentiellement de deux choses :

    1°/ Ce que Mao a bien expliqué de sa genèse, à savoir l'existence inévitable de tenants de la "voie bourgeoise" dans toute force communiste organisée (en lutte comme au pouvoir) ;

    2°/ Un problème de CONCEPTION DU MONDE qui, lorsque l'on est confronté aux évènements qui se présentent à nous (facteurs externes) avec une conception du monde erronée, amène directement ou indirectement au renforcement et (de renforcement en renforcement) au triomphe de la voie bourgeoise, dans la lutte de lignes permanente qui se joue au sein du Parti et du mouvement communiste.

    Si l'on reprend l'exemple du PCF, les principaux problèmes de conception du monde étaient une vision jacobino-jaurésienne de la "Républiiiiique" qu'il faudrait défendre (contre le fascisme, la réaction de tout poil, les "200 familles", le "Mur de l'Argent" etc.) mais pas renverser, le socialisme ne s'instaurant pas par son renversement mais par son "dépassement" ; ou encore l'idée de "République une et indivisible" incompatible avec l'établissement de bases rouges locales à la sortie des maquis en 1944-45 (prise de pouvoir sur une partie du territoire, mais la conception jacobine du Parti impliquait forcément le "tout ou rien" - problème qui s'était déjà posé en Occitanie lors de la résistance au coup d’État bonapartiste de décembre 1851), etc. etc. Tout ceci a interdit la prise du pouvoir et dès lors l'idée de "longue lutte légale" pour accumuler des forces, le communisme municipal qui devait être une tribune révolutionnaire et une "école de communisme", tout cela s'est institutionnalisé et a trouvé sa (petite) place dans l'ordre bourgeois... jusqu'à ce que celui-ci se sente assez fort pour l'écraser.

    Au Népal c'est un peu pareil : idée que la chute de la monarchie et l'instauration d'une république permettraient d'instaurer la "démocratie nouvelle" par les voies parlementaires. Dans le cas népalais c'est (toutefois) particulièrement grave car les leçons du passé existaient et l'on avait affaire à des gens se réclamant du maoïsme, qui est justement la synthèse de ces leçons du 20e siècle. Il semble bien que l'on ne puisse pas parler d'erreurs mais bien de VOLONTÉ DÉLIBÉRÉE (ouverte chez Bhattarai, plus sournoise et insidieuse chez Prachanda qui nous a trompés plus longtemps) de faire la révolution "pour sa gueule", pour être "calife à la place du calife" et non pour servir le peuple et l'amener au communisme.

    Comme erreur de conception du monde l'on peut encore citer la ligne du Komintern qui, à partir de 1933-34, était qu'il y avait d'un côté des "démocraties" parlementaires bourgeoises et de l'autre des fascismes, que les premières étaient "moins pires" que les seconds et qu'il fallait donc s'allier avec celles-ci contre ceux-là. Aujourd'hui, avec le recul, on a mieux compris que le fascisme procède de la démocratie bourgeoise dont il est une "mutation" ultra-réactionnaire face à la crise, qui l'appuie généreusement tant qu'il va dans le sens de ses intérêts (Mussolini a été le "poulain" des impérialistes ouest-européens depuis leur campagne pour faire entrer l'Italie en guerre à leurs côtés en 1915 et jusqu'au milieu des années 1930 ; on peut encore citer tous les régimes du "cordon sanitaire" anti-soviétique dans les années 1920, etc. etc.) ou qui le provoque en réaction à sa politique loin d'être "immaculée" : le nazisme a été une réaction de la bourgeoisie allemande au Traité de Versailles ; le fascisme japonais une réaction de la bourgeoisie japonaise contre l'impérialisme occidental en Asie, qui le lésait et gênait ses propres aspirations, etc. La "démocratie" bourgeoise occidentale, comme nous le savons tous bien, s'arrêtait dans le meilleur des cas aux portes des métropoles impériales (Hexagone, Grande-Bretagne etc.) et tant les nazis que les Japonais se sont appuyés à cœur-joie sur tous les Peuples opprimés par ces impérialismes occidentaux et en quête de soutiens...

    L'on voit donc bien que la situation n'était pas aussi simple que cela, "abominable" fascisme d'un côté et "moins mauvaises" démocraties parlementaires de l'autre ; un raisonnement qui peut au demeurant parfaitement s'appliquer aujourd'hui face à des phénomènes comme le djihadisme (expression armée des milliards de pétro-dollars de Capital suraccumulé du Golfe, qui se cherchent un terrain de reproduction/valorisation et que l'impérialisme tant occidental que russe ou chinois gêne et lèse), ou comme le croissant réveil ultra-nationaliste de la Russie (dont la situation depuis 1991 peut rappeler celle de l'Allemagne humiliée du Traité de Versailles).

    Et là encore, cette vision erronée a alimenté dans tous les Partis communistes du monde les courants les plus opportunistes et prisonniers de/soumis à l'idéologie dominante bourgeoise.

    Ceci a alimenté (pour revenir à notre premier exemple) la tendance du PCF à se poser comme le "meilleur gardien" de la république "démocratique" bourgeoise, des droits individuels et collectifs et de l'"intérêt général" qui étaient des acquis en Hexagone depuis les années 1880. Le PCI a d'ailleurs fait de même avec la "Constitution antifasciste de 1947" ; le PCE avec la Constitution "juancarliste" de 1978, etc. etc. Lorsque ces droits "démocratiques", comme ceux du citoyen athénien jadis, reposaient totalement sur des millions de hilotes crevant dans les colonies comme jadis dans l'agros, alors le PC (typiquement le PCF) de tortillage de cul en tortillage de cul devait bien arriver à défendre ce colonialisme et la politique impérialiste de "sa" bourgeoisie... ce qu'il a fait.

    Dans les pays dominés (le plus souvent colonisés directement jusqu'aux années 1950 voire 1960), la tendance promue déjà par le Komintern et encore plus par Khrouchtchev et ses successeurs a été de laisser la direction aux bourgeoisies nationalistes, qui ont instauré des régimes pourrissant au fil du temps en "social"-fascismes compradores (la Syrie ou l'Algérie en sont les exemples typiques) ou qui ont pu ici et là se retourner spectaculairement contre les communistes et les anéantir (Indonésie 1965, Irak en 1963 et à la fin des années 1970, Iran 1980-81 etc... ou déjà Chine en 1927 !).

    Un homme qui avait compris cela à l'époque même où cette ligne kominternienne triomphait... c'était Mao en Chine, qui tout en combattant sans relâche l'occupation et la dévastation du pays par les Japonais refusait de s'aligner purement et simplement sur le Kuomintang - représentant comprador des impérialismes "démocratiques" occidentaux, que l'on voyait à l’œuvre depuis le milieu du 19e siècle. Cette attitude, qui a pu être résumée par le slogan "Compter sur ses propres forces !", a donné naissance à un élément essentiel du maoïsme comme développement supérieur de la science marxiste.


    L'on pourra également lire, sur cette question des origines du révisionnisme et de la liquidation du socialisme en particulier en Union soviétique, ces brochures issues de la "Cause du Communisme" de l'OCML-VP (bien que ne soyons pas à 100% sur la même ligne, la réflexion est intéressante) :

    La théorie des forces productives à la base du révisionnisme moderne (1980)

    Sur l’État de dictature du prolétariat (1982)

    Sur la transition du capitalisme au communisme (1984)

    Sur les bases de l'opportunisme dans la classe ouvrière (1980)

     


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  • Avec le 20e anniversaire, le 9 novembre, de la chute du Mur de Berlin, nous avons eu droit depuis un mois (au bas mot) au déferlement attendu de propagande anticommuniste.

    Alors que, à travers le monde, de plus en plus de personnes se déclarent hostiles au capitalisme (rien que dans les pays "riches", où les sondages sont fiables, plus de 60% des Français et - depuis la crise des subprimes - plus de 40% des Américains se déclarent ainsi), il est bon pour les bourgeois de se rappeler avec une pointe de nostalgie l'époque du triomphalisme et de la toute-puissance, de l'autoproclamée "Fin de l'Histoire".

    En tant que maoïstes, nous le disons et l'avons toujours dit : en 1989 il n'y a pas eu de défaite du communisme (ridicule, le communisme c'est la société sans classe) ni du socialisme (comme société en marche vers le communisme). Il y a eu défaite, ou plutôt faillite, du révisionnisme.

    Dans les "pays de l'Est", le "bloc soviétique", ce n'était pas le socialisme. Les "démocraties populaires" ce n'était pas (malgré la redondance grecque et latine) le Pouvoir du Peuple. Le "socialisme réel", ce n'était pas la propriété collective des moyens de production - définition du socialisme.

    Ces régimes ressemblaient à ce que l'on peut appeler un "capitalisme d'État". L'État était propriétaire de toute l'économie, bien qu'en Pologne ou en Hongrie il restait une petite propriété privée à la campagne. Mais l'État n'appartenait pas au peuple.

    L'État était aux mains d'une caste, la nomenklatura, les "apparatchiks", qui s'auto-reproduisait (par cooptation, piston etc.) et vivait bourgeoisement de la richesse créée par les travailleurs. Cette caste décidait de tout ou l'essentiel, malgré des masques "démocratiques", en fonction de ses intérêts - et non des intérêts du peuple. Exactement comme dans nos "démocraties" capitalistes.

    Et dans les "pays de l'Est", elle n'était elle-même qu'une "régisseuse" : ses intérêts passaient après ceux de la nomenklatura de Moscou, ses "patrons".

    En réalité l'État "socialiste" n'était qu'une grosse entreprise, géré comme une entreprise avec des cadres dirigeants et des cadres intermédiaires, pour le compte d'une "maison-mère" - l'URSS.

    Cette situation, qui a ses racines dans les "30% d'erreurs" attribués par Mao à la gestion de Staline, est née après la mort de celui-ci, avec la "déstalinisation" de Khrouchtchev qui a en réalité servi de couverture à la liquidation progressive de tout ce qu'il y avait de socialiste (malgré toutes les imperfections) sous Staline.

    Ce "système" était bâtard, ni (certainement pas !) socialiste ni capitaliste au sens où nous l'entendons (que ce soit "libéral" ou "dirigiste") : en fait, c'était une restauration progressive du capitalisme tout en gardant des "apparences" socialistes. Il n'avait pas la "souplesse" d'un capitalisme libéral ou même "dirigiste", qui lui donne une "relative" capacité d'adaptation face aux crises.

    Le Mur et le Rideau de fer, construits soi-disant pour "empêcher les agressions impérialistes" (alors que la dissuasion nucléaire interdisait tout affrontement direct entre l'OTAN et la Pacte de Varsovie), en étaient la parfaite illustration : ils montraient bien comment les dirigeants n'avaient aucune confiance non seulement dans le peuple mais dans leur propre système.

    Ils ont été construits parce que, dans les années qui ont précédé, ce sont des millions d'Allemands de l'Est qui ont quitté le pays : au début surtout des anciens nazis et des individus plus ou moins compromis avec le IIIe Reich, mais par la suite non seulement des intellectuels et des diplômés (pouvant espérer un meilleur salaire à l'Ouest) mais aussi de simples travailleurs. Car tandis que le plan Marshall faisait de Berlin-Ouest une vitrine scintillante de l'Occident capitaliste, la pression soviétique sur l'économie est-allemande rendait le quotidien difficile.

    Le système est ensuite entré, au milieu des années 1970 (en même temps que la crise générale du capitalisme), dans une crise profonde et irréversible. À l'Ouest, la crise capitaliste se traduisit par la baisse ou la stagnation des salaires, la chute du pouvoir d'achat. Dans les pays de l'Est, où l'accès à l'alimentation, aux biens de consommation (comme la voiture), au logement etc. est considéré comme un dû pour le travail "socialiste", elle s'est traduite par la pénurie : rayons de magasins vides, plusieurs années d'attente pour une voiture ou une machine à laver, coupures d'électricité ou de téléphone, immeubles en délabrement...

    Ceci s'ajoutant à l'absence de démocratie populaire, de Pouvoir du Peuple pourtant chanté sur tous les tons, la colère du peuple a fini par éclater. D'abord en Pologne en 1980-81, puis dans les autres pays à partir de 1988.

    Face à la situation, la direction soviétique de Gorbatchev décide à partir de 1985-86 la liquidation totale, le rétablissement du capitalisme pur et simple (peut-être voulaient-ils une "économie sociale de marché" à la suédoise, mais les forces qu'ils ont libérées - oligarchiques et maffieuses - ont été plus fortes qu'eux). Et les pays "frères" devront suivre le mouvement de gré (Hongrie, Tchécoslovaquie, Pologne) ou, lâchés, de force (RDA, Bulgarie, Roumanie où la chute de Ceacescu prendra un tour sanglant).

    Partout, les "liquidateurs" (alléchés par leur future position d'oligarques) vont s'appuyer sur le mouvement populaire contre la "vieille garde" révisionniste. En Roumanie cela se terminera par l'exécution de Ceacescu, véritable règlement de compte maffieux sous une parodie de procès.

    1989, c'est donc l'année de la faillite totale et de la liquidation complète du "socialisme" capitaliste d'État soviétique, aboutissement d'un processus de restauration capitaliste initié par Khrouchtchev au milieu des années 1950.

    Dans la logique de Khrouchtchev, qui exposait sa doctrine de coexistence pacifique en ces termes : "Voyons quel modèle fonctionne le mieux", c'est une défaite, la défaite du "modèle" révisionniste.

    Mais, en voyant les célébrations des bourgeois, des maffieux et des fascistes encore 20 ans après, nous refusons de nous joindre à ceux qui, à l'extrême-gauche, ont vu et voient encore l'évènement comme une victoire.

    Non, la "Chute du Mur" n'a été une victoire pour personne.

    Pas pour les peuples concernés qui, passée l'euphorie des premiers temps, ont vite compris ce que signifiait le mot "liberté" sous le capitalisme : liberté de se faire exploiter, jeter au chômage et à la rue, liberté de lutter jour après jour pour remplir le garde-manger, payer son loyer, ses crédits, ses assurances etc...

    Aujourd'hui, 20 ans plus tard, les Européens de l'Est sont de 50 à 60% à regretter la vie sous les États policiers révisionnistes. Et ces 50 à 60% ne sont certainement pas les anciens caciques du régime, pour la plupart reconvertis en businessmen florissants.

    Et non, les régimes fascisants et maffieux qui en ont pris la place ne valent pas mieux que les nomenklaturas d'hier : non seulement ce sont parfois - et même souvent - les mêmes bureaucrates "reconvertis", mais la situation des travailleurs "en bas de l'échelle", des minorités, en particulier les Roms mais également les minorités présentes dans tous les pays (slovaques de Hongrie, hongrois de Slovaquie et de Roumanie etc. sans parler de l'ex-Yougoslavie) s'est considérablement détériorée - doux euphémisme.

    Des fascistes d'extrême-droite gouvernent aujourd'hui la Slovaquie, ont gouverné la Pologne (jumeaux Kasczinski, 2005-2007) ou la Tchéquie (Vaclav Klaus 1992-1998, actuellement Président de la République), sont puissants et influents en Hongrie, en Roumanie, dans les pays baltes ou en Ukraine, réhabilitant le passé nazi, faisant la chasse aux Roms, aux minorités, aux homosexuels et aux communistes et progressistes.

    L'ancien "glacis" soviétique a été livré aux vainqueurs et dépecé : l'impérialisme français est influent en Roumanie (Renault y a délocalisé des usines et racheté Dacia), l'Allemagne et l'Autriche en Tchéquie, Slovaquie, Hongrie, Slovénie et Croatie etc. D'une manière générale, la domination économique de l'Europe de l'Ouest et des USA a remplacé celle de l'Union Soviétique.

    "L'Ostalgie", comme toutes les nostalgies, ne porte aucune perspective révolutionnaire pour demain. Mais elle est tout de même révélatrice sur ce que fut ce 9 novembre pour les peuples de l'Est, mais aussi du monde entier.

    Car ce fut une terrible défaite aussi pour toutes les luttes révolutionnaires des peuples à travers le monde, de l'Amérique latine à l'Extrême-Orient, livrées à l'offensive tout azimut et à l'arrogance triomphatrice des vainqueurs.

    Partout les guérillas et les révoltes populaires sont écrasées (comme au Pérou avec l'arrestation de Gonzalo, au Vénézuela avec le caracazo), sombrent dans la division et les affrontements internes (comme aux Philippines), sont forcées de "négocier" la paix en position d'extrême faiblesse (Amérique centrale) ou se voient accorder des mascarades de victoire (Afrique du Sud, Palestine, Chili)...

    Et une fois "l'empire du Mal" effondré, les puissances impérialistes ont repris "comme en 40" ou plutôt "comme en (19)10" leur "grand jeu" pour le contrôle mondial des ressources et des marchés : France contre États-Unis en Afrique, États-Unis et Europe contre la Russie dans le Caucase, les Balkans et en Asie centrale, etc.

    La situation se redresse tout doucement depuis la fin des années 1990 car, confronté lui-même (avec 20 ans de retard) à la crise terminale et à la fuite en avant militariste, le capitalisme "occidental" voit se dresser devant lui une opposition de plus en plus nombreuse, ferme et résolue (qu'il reste à armer d'une véritable théorie scientifique révolutionnaire, pour la sortir des voies de garage comme "l'altermondialisme", le "bolivarisme", le "socialisme du 21e siècle" ou l'islamo-nationalisme).

    Mais la situation reste difficile. Le rapport de force hérité de 1989, en faveur des impérialismes occidentaux et de leurs émules russes et chinois, sera encore long à renverser. Et pourtant, "le monde ne peut plus attendre"...

    Nous vivons depuis 20 ans dans une situation nouvelle, ou plutôt, pas tant que ça : une situation qui ressemble à celle du début du 20e siècle, avec des particularités nouvelles : le "tiers-monde" qui était largement "hors" du mode de production capitaliste - sauf pour le pillage des matières premières - est maintenant au coeur de la production industrielle et agricole, "usine" et "grenier" de la planète, et également champ de bataille, théâtre des guerres impérialistes puisqu'avec l'arme nucléaire, les puissances ne peuvent plus s'affronter directement.

    Il est absolument impossible, et stupide, de raisonner dans cette situation, ce rapport de force, avec les schémas théoriques des années 1950, 60 ou 70 (l'époque de la guerre froide, de la lutte de la Chine révolutionnaire contre l'URSS révisionniste, etc.).

    Or, beaucoup le font encore, et les "innovateurs" n'ont fait que produire des théories délirantes et antimarxistes comme "l'Empire" de Toni Negri.

    Parmi les rares réflexions marxistes-léninistes-maoïstes post-1989, on trouve celle des CARC et des fondateurs du (n)PCI en Italie.

    En 1989, les trotskystes jamais à un triomphe anti-communiste près (ils avaient déjà acclamé la première liquidation de Khrouchtchev dans les années 1950, au nom du "retour aux sources de la révolution") ont bien sûr crié à la "victoire des peuples contre la bureaucratie, le stalinisme". Malheureusement pour eux, l'URSS révisionniste était leur caution pour jouer les "plus rouges que rouge"... Depuis sa disparition, ils ont suivi la gauche petite-bourgeoise (dont ils ont au fond toujours fait partie) dans son glissement à droite, pour représenter aujourd'hui une sorte de social-démocratie un peu plus "radicale" que le PC et la gauche du PS.

    Mais ce sentiment de victoire a aussi été partagé par beaucoup de "ML" et de "maos", les mêmes qui dans les années 1970-début 80, contre toute vraisemblance (et contre Mao qui n'a jamais dit cela et même dit le contraire, mais par contre avec la ligne contre-révolutionnaire de Deng et compagnie), considéraient l'URSS comme l'ennemi n°1, la principale menace pour l'humanité. Et certains raisonnent toujours de même aujourd'hui, avec la Russie et/ou la Chine ou encore un abracadabrant "axe France-Allemagne-Russie"... Ceux là saluent encore la "victoire du peuple" du 9 novembre, de concert avec la bourgeoisie réactionnaire du monde entier - et les apparatchiks de l'époque, libérés du "carcan" étatique et devenus hommes d'affaires prospères.

    Voir une victoire, ou un non-évènement, un simple "changement de décor", un "baisser de rideau"... Là où l'on est passé, pour les peuples du monde, d'une situation difficile après Khrouchtchev et très précaire après la contre-révolution en Chine (1976-77) à une situation catastrophique ! Situation qui commence à peine à s'améliorer...

    Dire cela, ce n'est pas être un adorateur de Honecker et Ceacescu (maffieux, flics et assassins) ni "regretter" quoi que ce soit d'un système de toute façon voué à s'effondrer dans le contexte de la crise mondiale (elle même inévitable), un système condamné à la restauration du capitalisme depuis les années 1950.

    C'est simplement voir le monde tel qu'il est, le rapport de force tel qu'il est, c'est avoir connu l'engagement révolutionnaire communiste dans les années 1990 (dans les masses bien sûr, pas avec ses potes dans un squatt proclamé "zone libérée"), avoir vu le désarroi, la démoralisation (déjà présents dans la décennie précédente) qui régnaient alors.

    D'autres considèrent que la chute du Mur et de l'URSS leur a "enlevé une épine du pied", en supprimant l'assimilation du communisme à un système tout sauf communiste. Sur ce point, nous sommes d'accord sur le long terme, mais de toute façon, il n'y a pas à discuter des "bons" ou des "mauvais" côtés d'un évènement programmé depuis 30 ans, depuis Khrouchtchev. La seule question était (si l'on n'y avait pas réfléchi avant) de savoir rapidement "que faire ?" ensuite...

    Dans tous les cas, c'était une grave erreur de croire que la disparition du "contre-modèle" serait immédiatement profitable : il était évident que les forces réactionnaires libérées (par cette "faillite politique, économique et morale") allaient d'abord imposer des temps très difficiles...

    Notre époque, 20 ans après, est celle de la reconstruction dans tous les pays d'un authentique Parti révolutionnaire communiste, et d'un Mouvement communiste international. C'est aussi celle du retour de l'optimisme, car à mesure que le capitalisme s'enfonce irrémédiablement dans la crise et la guerre, certes les souffrances des masses mondiales s'accroissent, mais avec elles la révolte, et à nouveau le vent gonfle les voiles !

    Sachons être à la hauteur de nos tâches ! Sachons aller de l'avant, pour la Révolution, pour l'Humanité, pour le Communisme !

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  • Inutile de mettre un lien, il suffit de taper "émeutes poitiers" sur Google. Tout le monde a entendu parler des évènements de Poitiers il y a 3 semaines. Environ 200 émeutiers, militants anti-carcéraux, ont détruit des symboles du capitalisme dans le centre-ville.

    Nous ne nous sommes pas exprimés à ce moment là, car nous ne souhaitions pas participer au "buzz" médiatique. Les "anarcho-autonomes" semblent en effet devenus le nouveau thème sécuritaire à la mode du côté du Ministère de l'Intérieur, après les banlieues. Normal : l'action radicale ne se limite plus aux quartiers, et concerne de plus en plus de jeunes "petits-bourgeois blancs". La contre-révolution préventive doit se préparer, non seulement militairement mais aussi sur le plan de la propagande, de la guerre psychologique.

    Ces évènements sont pour nous l'occasion de rappeler quelles sont nos positions, sur la question de l'action illégale et sur la conception d'un parti révolutionnaire d'avant-garde.

    Sur la question de la légalité : nous sommes maoïstes, donc léninistes. Nous considérons que les révolutionnaires doivent "marcher sur deux jambes" : en fonction des limites de la légalité à un moment, agir à la fois à l'intérieur et à l'extérieur.

    Nous ne condamnons pas, par principe, les actions illégales. Telle est la conception marxiste, matérialiste : la légalité n'est pas "naturelle", ni "au service de tous" (idéalisme). Elle est, à chaque moment de l'histoire, l'expression d'une classe et au service de celle-ci. Ainsi, sous la féodalité, celui qui se rebellait contre le seigneur ou braconnait sur ses terres était pendu, celui qui attentait à la personne du roi était écartelé, celui qui attentait à l'Église était brûlé, etc.

    Aujourd'hui tout cela n'est plus, nous sommes non seulement dans une société capitaliste, qui représente un progrès par rapport à la féodalité, mais dans une société capitaliste avancée, où à la fois l'existence d'une importante classe moyennisée (grâce aux bénéfices de l'impérialisme) et les luttes démocratiques et sociales du siècle passé, le rapport de force établi par les classes laborieuses, font que la dictature bourgeoise s'exprime de manière assez libérale. Ce qui n'est pas le cas dans les semi- et néo-colonies ! Les cas récents du Honduras et de la Guinée, ou de l'Iran (semi-colonie russo-chinoise menacée par une "révolution colorée" pro-occidentale) le montrent...

    Mais il y a des limites, et la récente répression contre les "Contis" (ouvriers révoltés de Continental) le montre aussi.

    La "démocratie" bourgeoise et son "suffrage universel" sont étudiés, par exemple, pour ne jamais permettre à une perspective révolutionnaire d'arriver par les urnes : règle des 500 signatures, rôle des médias détenus par le Grand Capital...

    Et même si c'était le cas (pure utopie), il faudrait alors immédiatement enfreindre la légalité... puisqu'il faudrait la détruire, non seulement changer toutes les lois, mais aussi la Constitution et les Traités internationaux (qui lui sont supérieurs), le fonctionnement profond de l'administration et de la justice, etc... Car tout repose sur le principe absolu et sacré de la propriété capitaliste (privée ou "publique") des moyens de production, et de l'appropriation de la plus-value.

    Cela impliquerait un "coup de force" (car il y aurait nécessairement des résistances), cela impliquerait de s'absoudre de toute la légalité antérieure, qui fixe les conditions de sa propre réforme.

    On entend déjà les cris d'horreur de la "gauche radicale", trotskistes, P"c"F, altermondialistes et même certains anarcho-syndicalistes : "dictature" ! "stalinisme" !!!

    Ça tombe bien, c'est ce qui nous différencie d'eux. C'est la raison pour laquelle leur "socialisme du 21e siècle" ne peut être que du réformisme bourgeois.

    Signalons justement, en passant, qu'il y a quelques jours, l'ensemble des groupes politiques de "gauche" à la mairie de Poitiers, Modem, PS, Verts mais aussi PC et Pour une Alternative à Gauche (NPA, "anti-libéraux") ont signé une déclaration appelant... à la plus grande fermeté contre les émeutiers : link

    La légalité bourgeoise est mouvante, elle varie selon les époques, et la menace que ressent la bourgeoisie !

    La période allant du milieu des années 1970 au début des années 1990 a correspondu (avec une relative prospérité, la disparition des "modèles" révolutionnaires, et dans la foulée des revendication démocratiques petites-bourgeoises de Mai 68) à une dictature bourgeoise "libérale". Mais depuis une quinzaine d'années, le champ de ce qui est légal (pas seulement dans les textes, mais dans leur application, car un texte peut ne pas être appliqué) s'est considérablement restreint. Aujourd'hui un regroupement de 3 jeunes dans un quartier populaire est un délit.

    La bourgeoisie a peur, et l'on voit se réduire le champ de nos "libertés" que les idéalistes croient être absolues...

    Telle est la conception matérialiste. Le marxisme-léninisme s'est construit, en (très) grand partie, contre le légalisme qui s'était emparé du mouvement marxiste au début du 20e siècle, l'idée que dans les "démocraties libérales", l'action légale pouvait suffire à conduire tranquillement au socialisme, par conquêtes successives.

    Lénine vivait certes en Russie, une monarchie absolutiste qui ne pouvait être renversée que par la force.

    Mais le fascisme a ensuite prouvé que les régimes "libéraux", "parlementaires", pouvaient se transformer en dictatures terroristes ouvertes, quand la révolte du peuple grondait un peu trop fort... Sans oublier que le "libéralisme" français et anglais ne s'appliquait pas aux colonies (et ne s'applique toujours pas aux néo-), que le libéralisme américain ne s'appliquait et ne s'applique toujours pas aux "colonies intérieures" (Noirs, Natifs, Chicanos) ni aux semi-colonies au sud du Rio Grande. Tout comme la "démocratie" grecque était réservée aux citoyens, et ne s'appliquait pas aux "métèques" et aux esclaves...

    Donc, nous, les communistes révolutionnaires, ne rejettons pas par principe l'illégalité (dont la violence fait partie).

    Mais, comme disait Mao, "la politique commande au fusil" : l'action illégale est au service de la politique, un moyen et non une fin en soi. Lénine a également dénoncé le culte de l'illégalité comme "gauchiste".

    Cela pose la question de ce qu'il y a derrière des actions comme Poitiers, des perspectives qu'elles ouvrent, de leur productivité révolutionnaire.

    La violence doit être au service de la révolution : la question de l'avant-garde.

    Nous sommes des révolutionnaires communistes, qui travaillons à la création d'un Parti révolutionnaire du prolétariat.

    Nous voulons le Parti de la révolution : pas le Parti de tout ce qui bouge.

    Cette conception mouvementiste, qui fait (parfois contre le légalisme ambiant à gauche) l'apologie de la violence, de l'illégalité, de la "propagande par le fait", n'est pas nouvelle. Elle était celle des anarchistes de la fin 19e-début 20e siècle, et Lénine y voyait la "rançon" du légalisme et de l'opportunisme des directions ouvrières. Elle était celle d'une partie des marxistes "radicaux", qu'il dénoncera dans La Maladie Infantile du Communisme.

    Dans les années post-68, elle a été celle de la Gauche Prolétarienne. Le PC de l'époque était devenu non seulement légaliste, mais un instrument de la domination bourgeoise, et les Partis marxiste-léninistes en rupture avec lui (PCMLF, PCRML) avaient du mal à rompre avec ce légalisme. La GP a été une réaction à cela.

    Mais les aspects positifs de cette organisation ne reposent pas sur ce "violentisme", ils reposent sur le travail des "établis" (militants infiltrés dans les usines) auprès des ouvriers non-qualifiés (les OS) et des prolétaires immigrés.

    En 1973-74, la GP a volé en éclat, laissant en plan les établis (dont beaucoup avaient déjà été victimes des "purges" accompagnant les guéguerres de chefs), les OS et les travailleurs immigrés. Les dirigeants petit-bourgeois intellectuels ont rejoint la social-démocratie, voire l'anti-communisme "nouveaux philosophes" : Serge July, André Glucksmann etc. LE leader Benny Levy est devenu intégriste religieux et sioniste fanatique.

    Mais toute une partie de la petite bourgeoisie radicale, qui constituait la GP, a perpétué cette culture de la clandestinité et du "mouvementisme" illégal, appelé "autonomie", jusqu'à aujourd'hui.

    Car le fond du problème est là : ce "gauchisme" selon Lénine n'est au fond pas l'expression du prolétariat, mais d'une petite bourgeoisie déclassée et "radicalisée". Il traduit, au fond, un grand idéalisme et un grand individualisme même "regroupé".

    Il exprime au fond une vision aristocratique de la lutte de classe, de l'avant-garde révolutionnaire.

    Les masses sont "abruties" par le capitalisme, il faut les "éduquer politiquement". Cette "éducation" passe par la violence, la "propagande par le fait". Cette vision s'exprime très nettement, par exemple, sur le site MLM "Contre-informations" ("un prolétaire qui n'aime pas les vitrines qui volent, est un con qu'il faut éduquer politiquement").

    Le "groupe de Poitiers" n'a bien sûr rien à voir avec "Contre-informations", ni avec les héritiers de la GP. Il s'inscrit, comme le "groupe Tarnac" et le "Comité invisible", dans un mélange de références anarchistes, situationnistes et selon certaines sources de mysticisme kabbaliste.

    Leur composition est mal connue, car n'ont été arrêtés que des "suiveurs", de très jeunes gens ou des "exclus", des précaires à la limite de la marginalité. Mais Julien Coupat, le leader de Tarnac, nous donne une idée des "cerveaux" de l'action : petite bourgeoisie voire bourgeoisie intellectuelle.

    Le problème de ces groupes n'est pas la violence, qui ne va d'ailleurs pas très loin comparée à la véritable violence ouvrière (voir le clip de Gomeru), même s'ils permettent à la bourgeoisie de la stigmatiser - et à la petite-bourgeoisie "de gauche" de tomber le masque.

    Le problème est fondamentalement leur vision aristocratique, voire "arche de Noé" ("le monde coule, une poignée d'élus sera sauvée, réveillez vous !"), totalement coupée de la réalité et des problématiques des masses (même si l'incarcération, qui était à la base de l'action, en est une).

    Les Brigades Rouges en Italie, souvent présentées comme un groupe aventuriste irresponsable (quand ce n'est pas des agents de la CIA), n'étaient pas dans ce cas. Ses fondateurs, des sociologues, n'ont en réalité rien "fondé" du tout ! Ils n'ont fait que relever, et systématiser, des pratiques de résistance et d'action illégale qui se développaient depuis plusieurs années dans le prolétariat italien, contre la bourgeoisie et contre le réformisme légaliste du P"c"I.

    Les Brigades avaient plusieurs centaines de combattants dans la clandestinité (pour la plupart d'extraction populaire), mais dans le fond des dizaines de milliers de prolétaires étaient "brigadistes" dans l'âme !

    Voilà qui tranche avec les actions groupusculaires décrites plus haut. Les dirigeants des BR ont cependant reconnu eux-même qu'un excès de militarisme, aux dépends du travail idéologique de masse légal, a conduit à des dérives et à l'échec des années 80.

    La Fraction Armée Rouge allemande reposait, elle, sur le mouvement étudiant de la fin des années 60. Elle manquait de liens avec la classe ouvrière (qu'elle considérait d'ailleurs comme non-révolutionnaire, se voyant avant tout comme un appui aux luttes des peuples opprimés) et là encore, les leçons des échecs ont été tirées.

    Le mouvement basque, lui, n'a jamais commis ces erreurs. Les clandestins d'ETA sont une poignée mais reposent sur un large mouvement de masse, illégalisé en 2003 mais longtemps légal, et qui cherche encore à exploiter toutes les "niches" de légalité pour pousser l'Etat espagnol dans ses retranchements.

    Voilà pourquoi, malgré les arrestations, ETA renaît sans cesse de ses cendres.

    À l'inverse, Action Directe est un bon exemple d'aventurisme militariste isolé. Alors même que, dans les années 80, les illusions démocratiques des masses étaient puissantes et imposaient un travail politique de fond. Les Cellules Communistes Combattantes de Belgique, beaucoup plus sérieuses sur le plan de la théorie marxiste, mais ayant connu des déboires similaires (ainsi que, par ailleurs, de vilains coups tordus de la part d'Action Directe), ont mené à ce sujet une très intéressante autocritique : dans La Flèche et la Cible ; et dans ce débat franc et ouvert avec l'OCML-VP.

    Que les choses soient bien claires : nous ne soutenons pas et ne soutiendrons jamais la répression. Nous soutiendrons toujours ses victimes (sauf les fascistes), car la répression de l'Etat bourgeois est une et indivisible : qui qu'elle frappe elle nous concerne tous, car elle nous frappera peut-être un jour.

    Celui qui ne dit rien quand on arrête les "anarcho-autonomes", doit s'attendre à ce qu'il n'y ait plus personne quand ce sera son tour, et ça sera mérité.

    Cela n'empêche pas de rappeler ce que doit être une avant-garde révolutionnaire : SERVIR LE PEUPLE.

    La violence et l'illégalité ne sont pas condamnables en tant que telles : telle est notre ligne de démarcation avec les légalistes, forcément réformistes.

    Mais elles ne sont pas une fin en soi, et doivent toujours être au service de la politique ET DU PEUPLE.

    Pour servir le peuple, il faut déjà travailler politiquement en son sein, connaître ses besoins et ses aspirations et son niveau de conscience révolutionnaire, et travailler si nécessaires sur celui-ci.

    Telle est notre différence avec l'aventurisme, le mouvementisme, "l'illégalisme" qui expriment toujours, au fond, une vision aristocratique, petite-bourgeoise de la lutte des classes.

    L'avant-garde, ce n'est pas se mettre à la remorque du niveau de conscience des masses, qui spontanément sont réformistes en période de croissance, défensives et "protectionnistes" en période de crise.

    Mais ce n'est pas non plus faire la course tout seul 40 km devant !

     


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